ISSUU Guide Culture+Institutionnelle+Inclusive F[1]

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GUIDE MTHODOLOGIQUEComptences interculturelles dans les services sociaux

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Pour construire une culture institutionnelle inclusive

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A BComptences interculturelles dans les services sociaux

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Pour construire une culture institutionnelle inclusiveGuide mthodologique

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ditions du Conseil de l'Europe3

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dition anglaise : Intercultural competences in social services Constructing an inclusive institutional culture ISBN 978-92-871-7143-6 Les vues exprimes dans cet ouvrage sont de la responsabilit de lauteur et ne refltent pas ncessairement la ligne officielle du Conseil de lEurope. Tous droits rservs. Aucun extrait de cette publication ne peut tre traduit, reproduit, enregistr ou transmis, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit lectronique (CDRom, internet, etc.), mcanique, photocopie, enregistrement ou de toute autre manire sans lautorisation pralable crite de la Direction de la communication (F-67075 Strasbourg Cedex ou [email protected]). Cette publication a bnfici du soutien financier de la Direction gnrale de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion de la Commission europenne. Illustration de couverture et mise en page : Les Explorateurs Illustrations : Nicolas Wild ditions du Conseil de lEurope F- 67075 Strasbourg Cedex http://book.coe.int ISBN 978-92-871-7142-9 Conseil de lEurope, septembre 2011 Imprim en France

3 3Comptences interculturelles dans les services sociaux

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Pour construire une culture institutionnelle inclusiveTable des matires4 Prface 5 Introduction gnrale 8 Notes au lecteur 13 7 tapes vers une culture institutionnelle inclusive 14 Partie A Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles 28 Partie B Freins, obstacles et rsistances 36 Partie C Modles dintervention et de formation aux comptences interculturelles 60 Partie D Identification, valuation des besoins et traitement des demandes 78 Partie E Traduction, mdiation et valuation : des outils de communication 102 Partie F Dialogue, rsolution de conflits et ngociation 116 Partie G Approches, politique, pratiques et stratgies d'implantation 132 Pour conclure 134 Annexes 135 Bibliographie3

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Prface

Des obstacles psychologiques et socioculturels peuvent rendre les droits et les liberts inaccessibles. La peur vis--vis des institutions, la mconnaissance des procdures et une matrise pauvre de la langue rduiront les possibilits daccs aux droits pour certains groupes dindividus. Les travailleurs sociaux et les prestataires de services devraient tre forms prendre en compte ces difficults. Avec ce Guide mthodologique pour construire une culture institutionnelle inclusive, le Conseil de lEurope souhaite contribuer concrtement lvolution ncessaire des institutions, en particulier de celles qui interagissent avec le public dans nos socits de plus en plus diverses. Le guide a t labor en coopration avec de nombreux travailleurs sociaux et de la sant, fonctionnaires publics dans les services daccueil des migrants et des minorits, chercheurs, mdiateurs et dans le cadre du partenariat entre la Direction gnrale Cohsion sociale du Conseil de lEurope et la Direction gnrale Emploi, affaires sociales et inclusion de la Commission europenne. Il invite rflchir aux modles de formation aux comptences interculturelles, aux enjeux de la mdiation, de la traduction et de lcoute, la comprhension des besoins et des demandes, et aux modalits de rsolution des conflits. Dans le droit-fil de laction du Conseil de lEurope, ce guide vise faciliter la cohsion dans nos socits, sur la base des droits, mais aussi des responsabilits de chaque individu et de chaque institution. Jencourage grandement le lecteur utiliser ce guide et appliquer ses prcieuses recommandations.

Thorbjorn JaglandSecrtaire gnral du Conseil de lEurope

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3 Introduction gnraleConstruire une culture institutionnelle inclusive et de comptences interculturelles dans les services sociaux se pose dans le cadre dune question trs actuelle : quel sera le futur de la cohsion sociale, dans une Europe de plus en plus plurielle sous leffet de la migration ? La rponse une telle question ncessite de prendre en considration les transformations des structures et des comptences institutionnelles, notamment des services publics, capables daborder la diversit par la justice sociale, seule garante de la cohsion sociale. Ce guide contribue la rflexion sur les cheminements possibles des services sociaux vers une culture inclusive, lillustrant de cas concrets. Il napporte pas de rponses aux vocations de plus en plus rcurrentes de lexcs de diversit , excs qui transformerait la cohsion sociale en un projet a priori paradoxal. Il se concentre plutt sur les moyens dvaluer limpact et denvisager le traitement des diversits dans les institutions, tout en vitant la stigmatisation et les crispations. Le langage de ce guide se veut accessible et pdagogique. Nanmoins, nous souhaitons rflchir aux paradoxes qui soulvent des doutes sur lavenir de la cohsion sociale : les diffrences qui sparent migrants et nationaux perues comme un problme pour la cohsion sociale sontelles lies des raisons culturelles, des styles de vie et des traditions religieuses, ou ont-elles plutt un caractre socio-conomique (galit/ingalit ; disponibilit accepter/refuser un emploi) et politique (absence/prsence dans la participation, le dialogue ; absence/existence de formes de stigmatisation) ? les cadres conceptuels et politiques qui expliquent la gouvernance de la migration et analysent lexclusion prennent-ils en compte le croisement deffets des politiques migratoires, sociales, de travail et de nationalit, ou attribuent-ils plutt lexclusion et la non-intgration aux dficits des cultures archaques , lentes ou violentes ? la solution des conflits institutionnels et politiques suscits par les diversits peut-elle tre recherche dans une citoyennet active, permettant tous de partager des responsabilits, plutt que dans la promotion de la peur et de la mfiance envers le divers , empchant ainsi que le dialogue interculturel puisse devenir latout pour refonder les bases des rapports institutionnels avec les migrants ? Ces interrogations montrent que le fait d essentialiser le dbat politique sur la diversit culturelle peut conduire masquer le besoin de rflexions et de dcisions sur les questions dingalits de conditions et dopportunits de vie, qui sparent migrants et nationaux, et sur les rles des structures et des cadres lgaux et institutionnels. Un dbat qui favorise la cohsion ne peut se tenir quen prenant en compte toutes les interactions entre les lments favorisant ou non lintgration, dans une vision de justice sociale telle que le guide laffirme ds le dbut. Par exemple, malgr larsenal juridique dont dispose lEurope, des traitements discriminatoires sont encore prsents dans de nombreux domaines essentiels, tels lemploi et les services (dans les domaines de la sant, du social, de lducation, du logement). Ces discriminations saccrotront avec laugmentation de la conditionnalit des droits, y compris des lgalisations imposant des dlais daccs.

Prface Introduction gnrale

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Rflchir au dveloppement dune culture institutionnelle inclusive favorisant la cohsion sociale implique, selon le guide, plusieurs aspects : un cheminement qui repose sur un effort damlioration continu et des correctifs progressifs tous les niveaux organisationnels ; un exercice de participation et de concertation, qui engage la collaboration des diffrents acteurs, y compris des usagers eux-mmes, pour coordonner les efforts dadaptation et assurer lefficacit, la cohrence et la complmentarit des actions ; un processus global et intgr pour amliorer laccessibilit et la qualit des services, par une comprhension commune de la diversit, une valuation du systme organisationnel, une amlioration des pratiques dadaptation, limplantation de mesures novatrices et la valorisation de la nouvelle culture institutionnelle ; une approche adapte et quitable pour assurer lgalit daccs aux services. Cest dans ce cadre que lajustement progressif des services sociaux peut contribuer la cohsion sociale, au lieu de laisser la bonne volont et lempathie du personnel le soin de lintgration. Dvelopper des comptences interculturelles pour surmonter des rsistances, des crispations et des obstacles mutuels fait appel lutilisation de diffrents modles dintervention interculturelle. Sept modles sont prsents dans ce guide, qui mettent en vidence le potentiel et les limites de leur contribution dans le cheminement institutionnel vers une culture inclusive, tout en relevant le besoin duvrer leur complmentarit. Par exemple, le modle de communication et de dialogue interculturels ncessite des apports du modle de management interculturel : de par leur complmentarit, les services peuvent attribuer simultanment de limportance aux stratgies de communication externe des groupes spcifiques, et aux pratiques de recrutement, de supervision et de gestion internes du personnel, adaptes la diversit sociale de la rgion ou du pays. Les comptences interculturelles deviennent ainsi un atout concret pour valuer et interprter les besoins, comprendre comment le besoin peut tre satisfait la lumire des arrangements et de loffre de services existante, comment orienter la satisfaction du besoin en recherchant les appuis indispensables, comment adapter loffre et trouver la marge pour les accommodements possibles et pour lexception. Les comptences interculturelles sont

un acquis pour organiser la mdiation, linterprtation et les relations interculturelles dans les services, elles contribuent faciliter la comprhension commune dun enjeu, reconnatre les atouts et les qualits de lautre. Les comptences interculturelles sont indispensables pour couter correctement, dvelopper louverture, lempathie et le respect des choix et des expressions des personnes. Elles aident parvenir un diagnostic partag dun problme, tre sensible la stigmatisation, ltiquetage Elles sont ainsi de vrais outils professionnels dans une socit plurielle. Lobjectif de ce guide est de contribuer dvelopper une culture institutionnelle apprenante de la diversit, capable dappliquer des mthodes rflexives sur les pratiques existantes et de faire appel des approches multidisciplinaires pour apprhender les dfis du vivre-ensemble dans la pluralit. En rsum, ce guide souhaite contribuer la formation de services sociaux novateurs, crateurs de savoirs, par laction coordonne et la concertation, dans un esprit douverture et de valorisation de la diversit. Ce guide est le produit dune longue dmarche de rflexion, dchanges vifs et engags de nombreux travailleurs sociaux, professionnels des services de sant, chercheurs, animateurs et membres de rseaux agissant pour le dialogue interculturel et pour lintgration des personnes apprenantes, toutes imprgnes de lesprit de service. Le travail a dmarr en 2008, avec une premire rflexion sur les accommodements institutionnels et citoyens pour vivre ensemble dans une socit plurielle. Cette rflexion a abouti la publication du n 21 de la srie Tendances de la cohsion sociale (Accommodements institutionnels et citoyens : cadres juridiques et politiques pour interagir dans des socits plurielles) lance lors dune confrence organise en coopration avec la Commission europenne, fin 2009 Strasbourg. Cette premire tape a montr les bnfices de la coopration avec des chercheurs de la Province du Qubec (Canada), notamment autour de leurs connaissances sur le concept et les pratiques de laccommodement raisonnable. Ensuite, la structure de ce guide a t conue par Myriam Jzquel, prsidente du cercle Jean Monnet de la culture, chaire Jean Monnet dintgration europenne, universit de Montral (Canada), qui, grce sa vaste connaissance dans la formation des comptences interculturelles au Qubec, a orient son droulement et

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3donn sa forme finale. La contribution europenne la rflexion a t apporte par : Victoria Antonova, professeur Dpartement anthropologie sociale et travail social, universit dtat de Saratov (Russie) ; Frdrique Ast, juriste Haute Autorit de lutte contre les discriminations et pour lgalit (Halde) Paris (France) ; Kuldeep Bajwa, responsable de la consultation et de la participation dans les services sociaux pour adultes, conseil de la ville de Leeds (Royaume-Uni) ; Anja Corinne Baukloh, Dpartement des sciences politiques et de la sociologie, universit de Florence (Italie) ; Eva Bergstrm, administratrice, Direction nationale de la sant et de la protection sociale, Stockholm (Sude) ; Wolfgang Bosswick, directeur de recherche du groupe europen de recherche du rseau CLIP directeur et cofon, dateur du forum europen des tudes de migration (EFMS), institut luniversit Otto-Friedrich de Bamberg (Allemagne) ; Didier Desonnay, docteur en psychologie, formateur la ville de Lige, Centre de recherche et dintervention en psychologie du travail, des organisations et de la sant (Belgique) ; Margit Helle Thomsen, formatrice consultante la ville de Copenhague, directrice de Mhtconsult (Danemark) ; Elena R. Iarskaia-Smirnova, professeur, Dpartement anthropologie sociale et travail social, universit dtat de Saratov, Dpartement de sociologie gnrale, Haute cole de lconomie (Russie) ; Alexandre Kosak, responsable de la mission galit la ville de Lyon (France); Ayse zbabacan, Dpartement de la politique dintgration, conseil de la ville de Stuttgart (Allemagne) ; George Palattiyil, matre de confrences en travail social, cole des sciences politiques et sociales, universit dEdimbourg (Royaume-Uni) ; Liliana Saban, directrice de Migrations sant Alsace Strasbourg (France) ; Hussein Sadayo, mdiateur professionnel, conseil de la ville de Malm (Sude) ; Gesine Sturm, psychologue clinicienne, Ph.D, universit Paris 13 Dpartement de psychopathologie de lenfant et de la famille, Paris (France). Coleen Auxmry, agent au Conseil de lEurope en 2010, a relev et organis les donnes correspondant laction des villes europennes en matire de services et daction interculturelle, elle a galement ralis une recherche pour aller plus loin . Les produits de sa recherche sont prsents dans le CDRom qui accompagne ce guide. La contribution des deux rseaux a t particulirement utile : le Rseau des cits interculturelles (www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/ culture/Cities/Default_fr.asp) ainsi que le Rseau CLIP (www.eurofound.europa.eu/ areas/populationandsociety/clip.htm). Les dbats anims, les tmoignages, lvolution des ides au sein de ce groupe dexperts a montr la richesse du long processus que lEurope est en train de parcourir pour sadapter une nouvelle ralit, plus riche et plus vaste, mais aussi plus exigeante en termes de connaissances, de comprhension de sensibilits diffrentes, de comprhension renouvele des concepts de justice, dgalit, et de nondiscrimination. Nous adressons nos plus vifs remerciements tous ces experts engags. Le design graphique de la couverture et la mise en page ont t excuts par Les Explorateurs, agence de communication base Strasbourg (France). Les illustrations ont t cres par Nicolas Wild, que nous remercions et dont nous saluons la capacit rendre lisible tous des ralits souvent complexes et difficiles saisir. Finalement, dautres personnes ont travaill en coulisses : Alan McDonald et ses collgues du Service traduction du Conseil de lEurope, dont les conseils sont toujours pertinents et prcis. Le suivi quotidien a t assur avec engagement par Irne MalkiBotte, assistante de la Division recherche et dveloppement de la cohsion sociale. Enfin, Sabine Emery et ses collgues du Service de la production des documents et des publications du Conseil de lEurope ont assur avec professionnalisme le suivi du processus de publication, la relecture des textes et les travaux ddition. Ce travail naurait pas t possible sans le soutien financier de la Direction gnrale emploi, affaires sociales et inclusion de la Commission europenne. Ce guide est ainsi le produit dun effort collectif. Nous souhaitons quil devienne un instrument utile pour tous ceux qui, au jour le jour, sont confronts des situations ncessitant de (re)composer avec une ralit qui change, qui exige, qui bouleverse mais qui finalement est une source de renouvellement, dapprofondissement et dhumanisation. Nous esprons que ce travail en inspirera dautres, qui reflteront lavancement de notre Europe vers la vie ensemble dans la pluralit. Gilda FarrellChef de la Division recherche & dveloppement Direction gnrale de la cohsion sociale Conseil de lEurope

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Introduction gnrale

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Notes au lecteur

Quel est lobjet de ce guide ?Ce guide a pour principal objet daider les institutions publiques amliorer graduellement leur capacit intgrer et amnager la diversit lorsquelle est source de clivages sociaux dans un contexte de changement dmographique et dans un objectif de transformation de la culture institutionnelle. La diversit, dans le cadre de ce travail, est entendue dans ses dimensions culturelles, religieuses ou linguistiques. Elle englobe ainsi la complexit des appartenances et des identits. Les considrations sur la diversit sappliquent autant loffre de services qu la gestion du personnel au sein de ces institutions. Aujourdhui, les institutions publiques ont pour dfis majeurs dintgrer les lments de la diversit au sein de leurs effectifs, de mieux apprendre et senrichir des comptences dun personnel diversifi, de favoriser la participation de tous la dfinition denjeux communs, de former le personnel travailler dans la diversit et la complexit, dadapter leurs services (offres et prestations de services) aux besoins du public, de grer les conflits de normes et de valeurs, de dnouer les tensions interculturelles, de trancher sur des demandes dadaptation, de faire preuve de souplesse et de crativit dans lintervention et la recherche de solutions, de dissiper les malentendus, de sanctionner ou de prvenir les risques de discriminations, de favoriser la collaboration, le dialogue et les interactions entre tous les acteurs Pour faire place la diversit et rpondre tous ces dfis, de nombreuses institutions pensent quil leur est essentiel de dvelopper de nouvelles comptences, notamment interculturelles, sur les plans personnel, groupal, organisationnel et institutionnel, pour susciter des pratiques novatrices. Dans certains milieux institutionnels, ces comptences ne demandent qu tre renforces ou mieux explicites, pour devenir un savoir tacite et tre transmissible de nouveaux acteurs. En effet, sur le terrain, bien des professionnels uvrant auprs dun public diversifi manifestent dj des comptences interculturelles, sans toujours avoir conscience de leurs habilets et sans tre en mesure de rendre accessible leur savoir. Cest pourquoi ce guide se prsente comme un outil de rfrence visant rendre explicites ces comptences interculturelles. Il vise aussi susciter ou stimuler le dveloppement de nouveaux savoirs (pluriels), de nouvelles pratiques (adaptes) et de nouvelles habilets (largies). La prise en compte de la diversit ethnoculturelle (comme elle est dfinie dans la partie A), notamment, requiert ladhsion de nouvelles valeurs dinclusion et de respect de la personne, de nouvelles perspectives danalyse des besoins et des problmatiques, des stratgies renouveles de gestion, de ngociation et damnagement de la diversit. partir de ce guide, les utilisateurs seront en mesure de rflchir leurs propres stratgies et den explorer de nouvelles dune manire compatible avec leur mandat institutionnel et en fonction de leur culture institutionnelle particulire. Dans sa conception, le guide a bnfici des contributions de plusieurs collaborateurs qui ont accept de partager leur rflexion, de tmoigner dune riche exprience empirique et de transmettre leurs connaissances. Au-del des savoirs transmis, nous devons insister sur le fait que la russite de tout projet enjeux multiples et complexes

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3dpend grandement de la mobilisation de tous les acteurs dans la ralit quotidienne de leur travail. La construction dune culture rellement inclusive, qui reflte la ralit plurielle de la socit, nest possible que si elle rend le public, le personnel, les dirigeants et les partenaires solidairement responsables, dans leffort mutuel et le dialogue participatif, de promouvoir la diversit tous les niveaux de lorganisation. En outre, le Conseil de lEurope souhaite que ce guide puisse contribuer favoriser la cohsion sociale et renforcer les liens sociaux dans notre aptitude, en tant que socit, accueillir la diversit et interagir positivement ensemble, dans lgalit et avec nos diffrences. Le cadre gnral de ce guide a t conu de faon mthodologique et pratique, pour une utilisation fonctionnelle, en exposant des repres, des principes et des balises, en laccompagnant de mthodes, de grilles danalyse et doutils dapprentissage (learning tools), en sappuyant sur des illustrations, des tudes de cas et des exemples de bonnes pratiques (best practices) et en le compltant dun CD-Rom rpertoriant des initiatives exemplaires, diverses annexes, des rfrences pour aller plus loin, et dune bibliographie. Nous esprons que ce guide sera utile au lecteur pour : soutenir ses rflexions et ses interventions par une prise de dcision claire ; appuyer le dveloppement de comptences interculturelles personnelles, professionnelles et institutionnelles ; favoriser les initiatives, les pratiques et les stratgies de prise en compte de la diversit, mieux adaptes aux besoins pluriels des utilisateurs, dans le respect des droits, des lois et des mandats institutionnels.

3 3 3Notes au lecteur

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qui sadresse ce guide ?Ce guide sadresse lensemble du personnel institutionnel qui engage toute la chane de responsabilits : du dirigeant aux responsables des ressources humaines, aux gestionnaires, aux professionnels, au personnel de premire ligne, aux intervenants. Il peut tre utile galement aux intervenants externes, partenaires associatifs tels que les organisations de migrants ou travaillant pour leur bien-tre ou consultants indpendants.

Quelle est lintention du guide ?Le guide a une intention mthodologique, dans la mesure o il se prsente comme : un outil pdagogique de sensibilisation aux dimensions de la diversit, limportance de dvelopper des comptences interculturelles et de transformer la culture des organisations ; un outil daccompagnement pour guider les efforts de prise en compte de la diversit dans la mise en uvre et la mise profit les comptences dveloppes. Le guide dcrit 7 tapes dans le processus de changement aux diffrents niveaux institutionnels, de manire fournir un modle intgr, continu et fdrateur. Ce processus vise en outre mieux voir comment insrer ces acquis dans la stratgie densemble de linstitution.

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Le document Typologies , qui se trouve dans le CD-Rom joint cet ouvrage, a t dvelopp grce aux nombreuses informations transmises par les personnels de plusieurs municipalits europennes. Ce document se veut un outil dinspiration, destin aux acteurs locaux qui uvrent pour le dveloppement de cultures institutionnelles plus inclusives, travers des politiques et activits qui prennent en compte la diversit des populations. travers ltude des villes de quatre pays (lAllemagne, la France, le Royaume-Uni et la Sude), il illustre trs synthtiquement et concrtement comment, au niveau local, les municipalits agissent dans ce sens. Ainsi, sous la forme dun tableau visant permettre une lecture rapide et aise, le document Typologies est structur partir dobjectifs globaux que se sont fixs les municipalits (tels que la promotion de la diversit comme un atout ; la lutte contre toutes les formes de discrimination dans les services sociaux, en matire de sant, de logement, demploi public et priv, dducation ; ladaptation des services la ralit pluriculturelle ; laccueil, ltablissement et lintgration des migrants ; la consultation et la reprsentation des personnes issues de la diversit, etc.). Le document illustre ensuite comment, partir de ces objectifs gnraux, et dans quels cadres, tape par tape, les municipalits oprent en pratique afin de mettre en uvre leurs politiques en faveur de la diversit, travers diverses modalits dapplication. Lintrt de cet outil rside galement dans le fait quil met en avant la diversit des approches des autorits locales, en prsentant notamment les lments qui impulsent leurs politiques (cadre juridique national, volont daction propre la municipalit, etc.). Ce document est donc complmentaire au guide : il propose aux personnels des municipalits des exemples trs concrets dinitiatives visant dvelopper les comptences interculturelles dans les services sociaux. Il a aussi galement ses limites dans la mesure o ces initiatives, pour quelles soient rellement efficaces, ncessitent des conditions et des cadres institutionnels adapts. Lobjectif du guide est de les favoriser.

quels enjeux rpond ce guide ?3

Enjeux gnraux :

Politiques et sociaux Rpondre au besoin de repres institutionnels pour grer la diversit. Prendre la mesure de la nature et de ltendue des besoins dadaptation la diversit dans les services publics. Cerner les marges de manuvre des intervenants dans leur dcision damnager ou non les pratiques dadaptation, dans le respect du droit, de la loi et des valeurs constitutionnelles des pays. Juridiques Favoriser laccessibilit des services et leur gale jouissance pour tous les utilisateurs. Concrtiser lexercice du droit lgalit par des mesures adaptes. Lutter contre les exclusions et effets discriminatoires de normes ou pratiques institutionnelles.

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3Oprationnels Aider les professionnels voluer dans leurs pratiques dintervention. Amliorer la prise de dcision en contexte interculturel. Outiller les professionnels pour valuer et ngocier des demandes dadaptation, dans les limites des responsabilits des intervenants.3

3 3 3Notes au lecteur

Objectifs spcifiques lis aux principaux acteurs :

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Pour le politique Le politique a la responsabilit de poser les balises ncessaires la prise en compte de la diversit au niveau des services publics. Clarifier les balises gnrales pour approcher la diversit avec efficacit, quit et respect des valeurs et droits fondamentaux. Guider linstitution et ses acteurs cerner avec bon sens, et dans le respect de la dignit humaine, leur marge de manuvre face des demandes dadaptation susceptibles de provoquer des situations conflictuelles et de crer des discriminations rebours, au dtriment dautres utilisateurs. Identifier les limites des adaptations, par exemple travers ce que le politique considre comme des pratiques contraires au maintien de la cohsion sociale. Pour lorganisation Lorganisation a lobligation de rpondre et de prvoir des mesures dadaptation pour offrir un milieu inclusif et respectueux des droits. Remplir ses obligations en rflchissant aux conditions ncessaires au plein exercice des droits de lutilisateur. Analyser ses normes et pratiques institutionnelles pour y dceler des effets discriminatoires potentiels. Se doter de mcanismes de prise en compte de la diversit pour constituer une culture institutionnelle inclusive. Pour le professionnel Les professionnels sont de plus en plus appels mettre en uvre des pratiques exemplaires. Outiller les professionnels pour aider rpondre aux ventuelles situations conflictuelles entre les demandes de lutilisateur et les marges de manuvre et obligations de lintervenant. Soutenir le personnel quant son obligation de personnaliser les soins ou dadapter les normes pour un groupe ou lensemble des utilisateurs. Habiliter le personnel communiquer et ngocier des adaptations, discerner les limites du propre mandat et celles de prestations institutionnelles, en vitant de culpabiliser lutilisateur ou de faire croire que ses demandes sont inacceptables pour des raisons de valeurs et de croyances.

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quelles comptences interculturelles forme ce guide ?Le guide vise outiller le lecteur dans les trois champs de comptences interculturelles du savoir (connaissances), du savoir-faire (pratiques) et du savoir-tre (attitude).

Comment utiliser ce guide ? Utilit et limites du guideCe guide peut tre consult dans sa totalit ou en partie, en fonction des besoins de lutilisateur. Il ne se prsente pas comme un livre de recettes de linterculturel, prtes lemploi. Les pistes de solutions proposes ici participent dune dmarche danalyse et ne constituent nullement des solutions automatiques et dfinitives. En fournissant des repres lanalyse de cas, le guide ne dispense pas son utilisateur danalyser par lui-mme une situation concrte sur une base contextuelle. Selon la situation, son contexte et son volution, les solutions peuvent tre diffrentes dun cas lautre. Par ailleurs, les tudes de cas fournies dans le guide combinent souvent plusieurs problmatiques tires de la ralit et pousses leur limite, des fins danalyse et dapprentissage. En ce sens, ces exemples ne devraient en aucun cas servir renforcer les strotypes sur les cultures, ou essentialiser les identits. En outre, le dveloppement de comptences interculturelles requises pour la communication, les relations, lintervention, la mdiation ou la ngociation interculturelles, la gestion et le management auprs de personnes migrantes ou rfugies ne peut tre entirement contenu dans un ensemble de techniques ou de savoirs pratiques. Ces comptences passent par ces divers savoirs, mais dpassent aussi le seul apprentissage de contenus et de mthodes. Le guide pose les jalons dune volution vers une culture institutionnelle plus inclusive, en lillustrant de mises en situation et de bonnes pratiques. Toutefois, il ne prtend pas lexhaustivit. Les lecteurs dsireux dapprofondir les thmes abords trouveront des suggestions de nouvelles lectures dans lannexe Pour aller plus loin . Enfin, il existe des variations considrables entre les pays europens, en ce qui concerne les procdures pour valuer les comptences et les performances interculturelles. Certains pays connaissent un ensemble dense de systmes et rglements mis en uvre dans les services, du niveau national jusquau niveau local (voir le cas du Royaume-Uni), tandis que dans dautres pays la dfinition et la mise en uvre des indicateurs sur la faon dvaluer les comptences interculturelles sont laisses lchelon rgional, voire au niveau local de linstitution concerne (par exemple en Italie). Ce guide ne peut pas traiter toutes les variations nationales, rgionales et locales, et les diffrences entre les catgories professionnelles concernes. Il se concentre sur les aspects mthodologiques qui peuvent tre appliqus dans les divers contextes des services publics en Europe. Myriam Jzquel (Ph. D)experte-conseil

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3 7 tapes pour construire une culture institutionnelle inclusivePARTIES DESCRIPTION Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles Mise en contexte de la ncessit de faire place la diversit : enjeux, dfinitions, impacts et responsabilits institutionnelles. Freins, obstacles et rsistances Identification des principales barrires la prise en compte et lintgration de la diversit ; prise de conscience des rticences lies aux prjugs et aux ides reues ; prvention de la discrimination et des pratiques dexclusion. Modles dintervention et de formation aux comptences interculturelles Description de diffrents modles dintervention interculturelle qui participent lapprentissage de comptences interculturelles dans la construction dune culture institutionnelle inclusive. Identification, valuation des besoins et traitement des demandes Introduction la notion de besoin, aux outils didentification et dvaluation des besoins, et dun processus de gestion dune demande dadaptation. Traduction, mdiation et valuation : des outils de communication Prsentation des fonctions et des dfis lis aux rles de linterprte, du mdiateur et du psychologue clinicien. Recommandations pour amliorer lefficacit et la qualit de leur intervention. Dialogue, rsolution de conflits et ngociations Exposition de principes, de critres et de balises pour ngocier des solutions dadaptation raisonnables, quitables et mutuellement satisfaisantes, ou justifier un refus dadaptation. Approches, politique, pratiques et stratgies dimplantation Prsentation des moyens dintgrer la diversit interculturelle dans la politique, les stratgies, la gestion et les pratiques de linstitution. MODE DUTILISATION TAPE 1 Sensibilisera au contexte li la ncessit de tenir compte de la diversit et aux risques lis linertie sociale, politique et institutionnelle.

3 3 3Notes au lecteur 7 tapes vers une culture institutionnelle inclusive

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B

TAPE 2 Aidera corriger les perceptions, dpasser les obstacles et faire voluer les mentalits vers des efforts rciproques dadaptation de la part de tous les acteurs.

C

TAPE 3 Permettra dlaborer un programme de formation en disposant dune base pour valuer les besoins personnels et professionnels de formation.

D

TAPE 4 Aidera analyser les besoins et accueillir une demande, pour une meilleure compatibilit entre loffre/la prestation de service et les besoins des utilisateurs.

E

TAPE 5 Contribuera mieux saisir le rle de ces professionnels, clarifier les attentes institutionnelles envers eux, pour mieux se comprendre, interagir et intervenir.

F

TAPE 6 Accompagnera dans une dmarche de dialogue pour grer une demande dadaptation, en connaissance des principes de rsolution de conflits et des balises qui dlimitent la marge de manuvre.

G

TAPE 7 Accompagnera un changement de culture institutionnelle, travers le cadre organisationnel, le style de gestion et les bonnes pratiques.

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Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles

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A BIntroductionDepuis quelques dcennies, la diversit culturelle croissante en Europe tend crer des socits de plus en plus plurielles. Selon lOnu1, lEurope compterait prs de 70 millions de migrants sur son territoire en 2010, soit environ 10 % de la population totale. Par comparaison, les migrants constituaient 57,6 millions en 2000 (environ 8 % de la population) et prs de 50 millions en 1990 (environ 7 % de la population)2. En 2010, 2,3 % des migrants en Europe sont des rfugis. En 2008, 56 % des non-ressortissants vivant sur le territoire des 27 tats membres de lUnion europenne possdaient la citoyennet europenne ; 37 % taient citoyens dun autre tat membre de lUnion europenne et 19 % taient citoyens dun pays hors de lUnion europenne. Environ 40 % des trangers au sein de lUnion europenne proviennent de pays hors Europe. Cette immigration se concentrerait davantage dans certains pays et dans certaines grandes villes europennes. Ainsi, 75 % des migrants en Europe vivent en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni, en France et en Italie. Au Luxembourg, la proportion dtrangers est de 42,5 % de la population. lautre extrme, les pays ayant la plus faible part de nonressortissants (moins de 1 %) sont la Roumanie, la Pologne, la Bulgarie et la Slovaquie. Limmigration a augment dans presque tous les tats membres de lUnion europenne. Elle augmente aussi dans certains des nouveaux tats membres qui, de pays dmigration, sont devenus terre dimmigration3. lpreuve dune telle ralit, les dfis de la diversit ont un effet rvlateur de la capacit douverture, de respect de la dignit humaine et dapprentissage des socits europennes. Laugmentation des populations migrantes dans les grandes villes oblige ces dernires imaginer des faons dinteragir avec elles. Plusieurs villes et institutions publiques placent la gestion de linteraction avec la diversit et ladaptation de leurs services au cur de leurs proccupations.1 Dfinition de la rgion Europe, http://esa.un.org/migration/index.asp?panel=3. 2 Sources : Eurostat, http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-SF-09-094/EN/ KS-SF-09-094-EN.PDF, http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-16122009BP/EN/3-16122009-BP-EN.PDF et United Nations Population Division, http://esa.un.org/ migration/index.asp?panel=2. 3 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2004:0508:FIN:FR:PDF.

Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles

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DESCRIPTION

Cette partie A correspond ltape 1 du guide : Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles. Les lecteurs peuvent utiliser cette partie pour : se reprsenter le contexte europen dans lequel se pose la question de la prise en compte de la diversit ; sensibiliser quelques enjeux associs la reconnaissance de la diversit, son dsintressement ou son instrumentalisation des fins politiques, induisant une logique dintgration, de distinction ou dexclusion des minorits ; dfinircertainstermescls; avoirconsciencede limpact de la diversit sur les normes, pratiques et organisations institutionnelles ; mettre laccent sur les avantages prendre en compte la diversit, sur leurs responsabilits et leurs obligations de rpondre cette ralit. 15

Appeles composer avec cette ralit, des villes ont adopt certaines stratgies institutionnelles. Dans leurs principes, ces initiatives locales partagent de nombreux objectifs stratgiques : objectifs lis laccueil, ltablissement et lintgration des immigrants (pour faire connatre ladministration municipale aux nouveaux arrivants et les soutenir dans leurs dmarches) ; objectifs lis ladaptation des services (pour amliorer laccs et la qualit des services pour les immigrants et soutenir le personnel dans ses interactions avec les immigrants) ; objectifs lis au vivre-ensemble (pour favoriser les activits de rapprochements interculturels et mettre en valeur la diversit comme richesse) ; objectifs lis la lutte contre toutes les formes de discrimination ; objectifs lis la participation et la reprsentation des membres issus de la diversit, etc. Dans la pratique, ces initiatives nont pas la mme ampleur, ni la mme porte. Les initiatives sur le terrain manquent parfois de cohrence. Certaines villes ont mandat un dpartement pour appliquer leur politique ou misent sur la cration de services spcifiques pour les immigrants ; dautres initiatives sinscrivent davantage dans une dimension institutionnelle, dans le sens o la gestion de la diversit nest pas relgue un bureau ou un comit, mais engage la responsabilit de tout lappareil administratif. Certaines villes adoptent mme des stratgies ou des plans daction globaux pour lintgration interculturelle4. Devant une telle diversit dinitiatives europennes en faveur de la prise en compte de la diversit, il est utile davoir un cadre de rfrence commun pour la construction dune culture institutionnelle inclusive.

SOMMAIRE17 21 22 23 26 26 Pourquoi sintresser la prise en compte de la diversit ? Quels sont les traits de la diversit ? Quest-ce quune culture inclusive ? Quel est le modle europen dintgration ? Quel est limpact de la diversit sur les institutions publiques ? Quelle est la responsabilit des institutions publiques dans la prise en compte de la diversit ? 27 Conclusion

Pourquoi sintresser la prise en compte de la diversit ?

Un contexte politiqueLa diversification culturelle croissante des pays europens suscite parfois des passions politiques, des crispations et des dbats sur lidentit culturelle nationale, lintgration des minorits et lapport de limmigration. Dans un contexte dinstabilit conomique, de changements sociaux et de questionnement sur les valeurs nationales, limmigration devient parfois lenjeu de concurrences politiques et de durcissement des idologies. Ainsi, des partis politiques europens nhsitent pas renchrir sur les thmes des rats de lintgration pour justifier des positions dexclusion et de repli national.

4 Des informations plus amples sur ces stratgies se trouvent sur le site du programme Cits interculturelles : www.coe.int/citesinterculturelles.

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3Un principe du programme commun dintgration des ressortissants des pays tiers dans lUnion europenne est quun mcanisme dintraction frquente entre les immigrants et les ressortissants des tats membres est essentiel lintgration. Le partage denceintes de discussion, le dialogue interculturel, lducation pour mieux connatre les immigrants et leurs cultures, ainsi que lamlioration des conditions de vie en milieu urbain renforcent les interactions entre immigrants et ressortissants des tats membres (Com (2005)389 final).Des observateurs soulignent une convergence darguments de ces partis politiques europens autour de la prcarit de lemploi, de la scurit nationale, du choc des civilisations, des incompatibilits culturelles, des valeurs nationales, etc. Les risques lis aux checs des politiques dintgration sont dexacerber des discours dintolrance et des pratiques discriminatoires tablissant un ordre de prfrence, selon les critres de la nationalit, du pays de naissance, de lappartenance ethnique, etc. La radicalisation de certains partis politiques appelle renforcer le rle de ltat et des institutions publiques dans la prise en compte de la diversit. Elle demande aussi de renouveler les politiques dintgration en rflchissant de nouvelles modalits de prise en compte de la diversit. La lutte contre les crispations identitaires renforce la ncessit de dvelopper un dialogue fond sur la confiance mutuelle entre les diffrentes composantes de la socit daccueil et les migrants de premire et de deuxime gnration.

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Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles

Des proccupations socialesLa participation sociale, politique et conomique des migrants figure parmi les principales proccupations du Conseil de lEurope et de lUnion europenne. La prise en compte de la diversit rpond des proccupations de justice et de cohsion sociales. La justice sociale renvoie aux principes de solidarit sociale et dgalit des chances entre les membres de la socit. Les personnes immigres sont davantage confrontes des difficults dintgration : sous-emploi ou plus grande prcarit de lemploi, faible reprsentation dans certains types dactions sociales, mconnaissance des aides disponibles, exclusion ou isolement social, etc. De plus, elles ne sembleraient pas bnficier, galit avec la socit en gnral, des avantages de la socit daccueil. La cohsion sociale dsigne, selon la dfinition du Conseil de lEurope, la capacit dune socit garantir le bien-tre de tous ses membres, en rduisant les disparits au minimum et en vitant les polarisations. Une socit cohsive est une communaut solidaire dindividus libres poursuivant ces objectifs communs par des moyens dmocratiques 5. Lobjectif de cohsion sociale conduit dpasser une vision de la socit en termes dopposition entre majorit et minorits. Notamment, une question cl cet gard est de clarifier et de promouvoir le bnfice pour la majorit des accommodements institutionnels [adaptations] introduits pour intgrer la diversit 6. Dans cette optique, la recherche du bien-tre des immigrants nest pas spare de la recherche du bien-tre de tous les membres de la socit. Lintgration nest pas traite comme un problme part de la socit, mais comme une problmatique du mieux-vivre ensemble7.5 Conseil de lEurope, laboration concerte des indicateurs de la cohsion sociale. Guide mthodologique, ditions du Conseil de lEurope, 2005, et Livre blanc sur le dialogue interculturel, ditions du Conseil de lEurope, juin 2008, p. 12. 6 Farrell G. et Jzquel M., Accommodements institutionnels et citoyens : cadres juridiques et politiques pour interagir dans des socits plurielles, srie Tendances de la cohsion sociale , n 21, ditions du Conseil de lEurope, 2009, p. 18. 7 Conseil de lEurope, Les migrants et leurs descendants. Guide des politiques pour le bien-tre de tous dans des socits plurielles, ditions du Conseil de lEurope, 2011 (en cours de publication).

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Les risques lis aux dfauts de justice et de cohsion sociales sont daccentuer les phnomnes de marginalisation touchant des immigrants, leur faible reprsentation dans les organismes publics, leur faible participation la vie publique, des pratiques dexclusion et un climat de mfiance et de tensions rciproques.

Un cadre lgalLes instruments juridiques internationaux et europens consacrent le droit une galit relle et effective comme un droit fondamental. Ils interdisent les discriminations directes et indirectes et permettent, dans certaines conditions, que des mesures positives soient prises afin de compenser des ingalits de fait. Il sagit notamment de larticle 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (entr en vigueur le 23 mars 1976) qui protge le droit lgalit et la nondiscrimination, ou encore de la Convention internationale sur llimination de toutes les formes de discrimination raciale (entre en vigueur le 4 janvier 1969). Une protection spcifique est galement prvue dans les cadres europen et de lUnion europenne. En plus du droit lgalit et la nondiscrimination, des instruments viennent promouvoir les droits des minorits, ce qui constitue en quelque sorte un deuxime niveau de normes antidiscriminatoires accordant des droits supplmentaires aux personnes appartenant une minorit9. Il sagit notamment de larticle 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires, ou encore de la Convention-cadre pour la protection des minorits nationales du Conseil de lEurope (entre en vigueur le 1er fvrier 1998).3

Un principe du programme commun dintgration des ressortissants de pays tiers dans lUnion europenne est que la participation des immigrants au processus dmocratique et la formulation des politiques et des mesures dintgration, en particulier au niveau local, favorise leur intgration (Com (2005)389 final).

Un enjeu conomiqueLa prise en compte de la diversit rpond aussi des proccupations conomiques lies la contribution budgtaire des immigrants aux finances publiques. Des observateurs mettent en avant le fait que les idologies xnophobes se nourrissent de la perception que les immigrants reprsentent des fardeaux conomiques pour ltat-providence. Leur dpendance laide sociale serait un indicateur de leur non-intgration. Bien que les immigrants soient majoritairement jeunes et en ge de travailler, leur taux demploi est plus faible que la moyenne de la population. La catgorie des demandeurs dasile na pas le droit de travailler, ou seulement dans des conditions limites. Largument conomique en faveur de la gestion de la diversit montre quune meilleure intgration des immigrants amliorerait les finances publiques. Leur contribution apparente leffort budgtaire de ltat aurait pour effet damliorer les perceptions des immigrants et les relations interculturelles8. La non-prise en compte des bnfices conomiques de lintgration a pour effet de cultiver une image dassist de limmigrant.

La protection garantie par le Conseil de lEurope

Un principe du programme commun dintgration des ressortissants de pays tiers dans lUnion europenne est que lemploi constitue un lment cl du processus dintgration, essentiel la participation et la contribution des immigrants dans la socit daccueil, et la visibilit de cette contribution (Com (2005)389 final).8 Sur ces questions, voir Les migrants et leurs descendants. Guide des politiques pour le bien-tre de tous dans des socits plurielles, op. cit., partie 2.

Larticle 14 de la Convention europenne des droits de lhomme (CEDH) interdit toutes les formes de discrimination, mais dans le seul domaine dfini par les droits et liberts garanties par la Convention, ce qui vise essentiellement les droits civils et politiques (droit au respect de la vie prive et familiale, droit au procs quitable, libert religieuse, etc.). Mais grce une interprtation constructive de la Cour europenne des droits de lhomme, ce texte interdit galement le refus de certaines prestations sociales aux trangers. Le Protocole n 12 additionnel la Convention europenne des droits de lhomme (entr en vigueur le 1er avril 2005) vient renforcer cette protection en posant une9 En ce sens, voir Basta Fleiner L. R., Les droits de participation prvus par la Convention-cadre pour la protection des minorits nationales (CCPMN) : volution vers un cadre juridique rejetant la discrimination sociale et conomique , in Accommodements institutionnels et citoyens, op. cit., p. 69.

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3interdiction gnrale de discrimination. La majorit des tats parties au Conseil de lEurope ne la cependant pas encore ratifi. Par ailleurs, la CEDH consacre le droit la libert de conscience et de religion, ce qui comprend le droit de manifester sa religion ou sa conviction (article 9). Elle prvoit galement le droit un interprte pour tout accus (article 6.3.e), ce qui sous-entend une obligation positive de ltat de mettre en place une telle assistance (en loccurrence gratuitement). La Charte sociale europenne (adopte en 1961 et rvise en 1996) consacre de nombreux droits sociaux (droit au travail, droit au logement, droit une protection sociale, etc.) et linterdiction de la discrimination dans ce domaine (article E). On mentionnera galement que le Conseil de lEurope a adopt la Convention europenne relative au statut juridique du travailleur migrant (STE n 93), entre en vigueur en 1983, ainsi que la Convention europenne sur la participation des trangers la vie publique au niveau local (STE n 144), entre en vigueur en 1997. Toutefois, peu dtats ont ratifi ces textes jusqu prsent. La Convention-cadre pour la protection des minorits nationales, qui a t ratifie par limmense majorit des tats membres du Conseil de lEurope, prvoit lobligation pour les tats dadopter, sil y a lieu, des mesures positives en vue de promouvoir, dans tous les domaines de la vie conomique, sociale, politique et culturelle, une galit pleine et effective entre les personnes appartenant une minorit nationale notamment les Roms dans le cas de lEurope et celles appartenant la majorit. Les tats sengagent galement promouvoir les conditions propres permettre aux personnes appartenant des minorits nationales de conserver et de dvelopper leur culture, ainsi que de prserver les lments essentiels de leur identit que sont leur religion, leur langue, leurs traditions et leur patrimoine culturel (article 5), ainsi qu crer les conditions ncessaires leur participation effective la vie culturelle, sociale et conomique et aux affaires publiques (article 15). Le Conseil de lEurope, en tant quorganisation intergouvernementale, dispose de plusieurs mcanismes de surveillance, de promotion des droits de la personne et de sensibilisation ces droits, parmi lesquels la Cour europenne des droits de lhomme, le Comit europen des Droits sociaux, le Comit des Ministres ou encore le Comit consultatif de la Conventioncadre. La Commission europenne contre le racisme et lintolrance (ECRI)10 est une instance indpendante de monitoring du Conseil de lEurope. Sa mission consiste combattre le racisme, la xnophobie, lantismitisme et lintolrance, sous langle de la protection des droits de lhomme. Elle labore des recommandations de politique gnrale, donnant ainsi des lignes directrices pour le dveloppement de politiques et de stratgies nationales dans diffrents domaines.3

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Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles

La protection garantie par lUnion europenne

La Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne, qui a force juridique contraignante depuis le 1er dcembre 2009, interdit toutes les formes de discrimination dans le champ dapplication du droit de lUnion europenne, cest-dire dans un domaine o le lgislateur de lUnion europenne a comptence et est effectivement intervenu. Depuis lorigine, le droit de lUnion europenne pose un principe dgalit de traitement, en particulier dans le domaine de lemploi, entre tous les ressortissants de lUnion europenne, quel que soit leur pays de rsidence. Depuis la reconnaissance par le Trait dAmsterdam dune comptence spciale en matire de lutte contre les discriminations, le lgislateur de lUnion europenne a adopt : la Directive 2000/4311 qui interdit les discriminations raciales et ethniques dans la sphre de lemploi et dans le domaine social, couvrant ainsi lducation, les biens et services, la protection sociale, le logement ou encore les avantages sociaux ; la Directive 2000/7812 qui interdit notamment les discriminations fondes sur la religion et les convictions, dans le seul domaine de lemploi. Ces deux textes interdisent les discriminations indirectes, ce qui peut impliquer pour ltat de prvoir notamment10 http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ecri/activities/ Ecri_inbrief_fr.pdf. 11 Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, relative la mise en uvre du principe de lgalit de traitement entre les personnes, sans distinction de race ou dorigine ethnique, J.O.C.E. n L 180/22 du 17 juillet 2000. 12 Directive 2000/78/CE du Conseil du 29 juin 2000, relative la mise en uvre du principe de lgalit de traitement en matire demploi et de travail, J.O.C.E. n L 303/16 du 2 dcembre 2000.

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des traitements diffrencis pour certains groupes de personnes, sous la forme de mesures damnagement raisonnable. Ils permettent galement un tat de prendre des mesures spcifiques destines prvenir ou compenser des dsavantages13. la Directive 2003/10914 qui octroie un statut de rsident de lUnion europenne de longue dure aux ressortissants de pays tiers rsidant lgalement depuis cinq ans sur le territoire dun tat membre. Selon ce texte, les rsidents de longue dure bnficient, en principe, de lgalit de traitement avec les ressortissants de lUnion europenne dans plusieurs domaines de la vie socio-conomique tels que lemploi, lducation et la formation professionnelle, la protection et laide sociales, ou encore laccs aux biens et services. Les tats de lUnion europenne peuvent cependant prvoir de limiter cette galit de traitement dans certaines limites ;

Un principe du programme commun dintgration des ressortissants de pays tiers dans lUnion europenne est que laccs des immigrants aux institutions et aux biens et services publics et privs, sur un pied dgalit avec les ressortissants nationaux et en labsence de toute discrimination, est une condition essentielle une meilleure intgration (Com (2005)389 final).

la Dcision-cadre 2008/913/JAI du Conseil du 28 novembre 2008 sur la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xnophobie au moyen du droit pnal15, selon laquelle les comportements racistes et xnophobes doivent constituer une infraction dans tous les tats membres, et tre passibles de sanctions pnales effectives, proportionnes et dissuasives dau moins un trois ans demprisonnement au maximum. En dpit de cet important arsenal juridique, lAgence des droits fondamentaux de lUnion europenne constate, dans son dernier rapport, que les immigrants et les minorits en Europe (en particulier les Roms) continuent subir de nombreuses formes de discrimination16. Ces traitements discriminatoires sont visibles notamment dans les domaines de lemploi, des services de sant et services sociaux, du logement et de lducation.

Quels sont les traits de la diversit ?

Une notion multiples tiroirs3

La diversit au sens large

La diversit correspond parfois une notion largie au sens de lensemble des caractristiques personnelles, sociales, conomiques, culturelles, physiques qui participent la dfinition de lidentit des individus. En ce sens, la diversit englobe toutes les diffrences, jusquaux modes de vie et aux manires de penser.3

La diversit travers les catgories du droit

Lorsque la diversit est envisage sous langle du droit, elle correspond aux motifs interdits de discrimination, tels que : lge, la race, la religion, lethnie, le sexe, le handicap,13 Voir les articles de Ast F. et de Jackson Preece J., in Accommodements institutionnels et citoyens, op. cit. Conseil de lEurope, p. 89 et p. 117. 14 Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers, rsidents de longue dure, J.O.C.E. n L 16/44 du 23 janvier 2004. 15 J.O.C.E. n L 328/55 du 6 dcembre 2008. 16 http://fra.europa.eu/fraWebsite/attachments/eumidis_mainreport_conference-edition_ en_.pdf.

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3la condition sociale, lorientation sexuelle Ces caractristiques ciblent des groupes particuliers, susceptibles dtre dsavantags par une forme particulire de vulnrabilit , ou des membres de groupes historiquement victimes de discriminations multiples.3

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La diversit culturelle et ethnoculturelle

La diversit culturelle ou ethnoculturelle nest quune forme de diversit parmi dautres traits. La notion d ethnoculturel se fonde sur une diffrenciation culturelle, religieuse ou linguistique des personnes ou des groupes. La diversit culturelle se dfinit comme lensemble des valeurs et des caractristiques culturelles, telles que lorigine nationale, la langue et la religion de citoyens ou de groupes composant la socit. La diversit ethnoculturelle renvoie plus spcifiquement lidentification de groupes ethniques minoritaires par rapport lensemble de la socit, travers les traits de la langue, la religion, la culture, lhistoire, les us et coutumes, lapparence (par exemple la couleur de la peau), le recoupement de traits distinctifs, etc. Elle suppose des caractristiques et une identit partages entre les personnes de ces groupes, que ce soient des minorits nationales, celles issues de la migration ou les descendants de migrants.

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Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles

RETENIR La diversit existe non seulement entre les cultures, mais aussi au sein dune culture donne. Il y a ainsi un risque dfinir une personne par son groupe dappartenance, comme sil en possdait tous les traits culturels supposs. La culture nest pas statique, mais dynamique. Elle peut voluer et se transformer avec le temps. Souvent, limmigrant prfre affirmer quil possde une identit plurielle intgrant deux ou plusieurs appartenances culturelles. Il rcuse le terme d tranger et ne se peroit pas comme un migrant ou une minorit ethnoculturelle , mais comme un citoyen part entire et participant la vie de son pays daccueil. La diversit de la socit nest pas le seul fait de la diversit culturelle, ou ethnoculturelle, ou lie la seule immigration.

Pour ce qui est des migrants, la terminologie pour qualifier leur diversit est elle-mme vaste et souvent imprcise. Il est question de travailleurs immigrs , de rfugis , de demandeurs dasile , jusqu la distinction entre migrants de premire, de deuxime, voire de troisime gnration. Cette catgorisation de la diversit a des consquences qui dpassent les effets de langage. Ainsi, la diffrence des minorits autochtones ou des minorits nationales , les personnes ou groupes issus de limmigration nont pas droit la reconnaissance de droits collectifs. Ainsi, la prservation de leur hritage ethnoculturel passe par la reconnaissance du droit dtre protg titre individuel contre des discriminations publiques ou prives. Outre les dfinitions, les mthodes employes pour tablir des statistiques varient elles aussi selon les pays. La dcision de qualifier un groupe de minorit relve dune construction sociale ou politique de la diffrence. Certains jugent ngativement ces assignations identitaires aux effets stigmatisants, par lesquelles les membres de minorits sont continuellement renvoys une appartenance ethnique ou des comportements particuliers, comme dans le cas des Gens du voyage. Souvent, les personnes issues de la migration ne se reconnaissent pas dans ces catgorisations. Elles ont davantage le sentiment davoir une identit plurielle, qui conjugue plusieurs appartenances plutt quelle ne les divise. Enfin, le pluralisme des socits europennes dpasse la seule diversit issue de limmigration et la diversit ethnoculturelle. Lexistence de nouvelles croyances et dnominations religieuses, par exemple, rend la diversit religieuse plus complexe et les caractristiques plus varies. De manire gnrale, la diversification des expriences de vie tend former des identits mtisses.

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Une dfinition inclusive de la diversit

Dans le cadre de ce guide, nous mettrons laccent sur les dimensions culturelles, religieuses et linguistiques de la diversit, et sur une dfinition inclusive qui reconnat la complexit des identits et des appartenances plurielles. Le contenu du guide peut donc sappliquer et stendre dautres catgories de diversit que la seule diversit ethnoculturelle. Tout en prenant acte de la diversit ethnoculturelle, cette perspective vise promouvoir davantage des stratgies uvrant sur les convergences entre les personnes ou les groupes, en largissant la valeur dintgration lensemble des citoyens qui composent la socit.

Quest-ce quune culture inclusive ?

La prise en compte de la diversit renvoie souvent une importante terminologie qui sous-tend des logiques et des orientations distinctes. Ainsi, le terme d inclusion se distingue des autres notions dassimilation, dintgration et dacculturation.

Linclusion, et non lassimilationLinclusion soppose la logique de lassimilation, qui ne reconnat les diffrences que pour les effacer, les neutraliser et rendre les personnes conformes aux attentes et aux caractristiques du groupe majoritaire. La logique dassimilation dfend une structure normalise, dfinie par et pour le groupe majoritaire. linverse, la logique dinclusion promeut une culture dans laquelle tous ses membres se sentent inclus et valoriss dans leurs diffrences. La reconnaissance et la prise en compte des diffrences font partie des pratiques inclusives institutionnelles.

Linclusion, au-del de lintgrationLinclusion a un sens plus large que lintgration, dans la mesure o elle ne vise pas spcifiquement lintgration de personnes ou de groupes spcifiques, gnralement marginaliss, fragiliss ou discrimins en raison de caractristiques particulires. La logique dintgration peut saccompagner de pratiques diffrencies, comme une aide individuelle spciale, une mesure dexception, une drogation particulire pour accommoder la personne. La logique dinclusion va plus loin, en tant plus englobante et de porte plus systmatique. Elle accueille tout le monde, embrasse toutes les sphres dactivits et privilgie les changements structurels aux actions correctives.

Linclusion, favorable lacculturation mutuelleUne culture inclusive se dfinit comme une culture apprenante relevant dun processus dapprentissage constant, dynamique et dacculturation mutuelle. De faon gnrale, lacculturation correspond un processus dapprentissage et dadaptation une nouvelle culture de vie ou sociale. Elle est influence par limportance des interactions entre les membres, et par certains facteurs multidimensionnels (par exemple la conscience culturelle, la loyaut ethnique, la fluidit de lidentit). Lacculturation tend ce que la personne intgre de nouveaux lments son systme de valeurs ou de conduites. Ce processus interactif dapprentissage, double sens, favorise le vivre-ensemble.

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3Quelques bnfices de la prise en compte de la diversit par linstitution La prise en compte de la diversit, lorsquelle est bien gre, et grce la pluralit des points de vue et des ides, peut tre : une source possible de crativit et dinnovation ; une aide la rsolution de problmes ; une occasion dapprentissage interculturel ; un potentiel de plus grande flexibilit et dune meilleure ractivit.

Les prmisses dune culture institutionnelle inclusiveLinclusion prsuppose que linstitution fasse siennes certaines normes et valeurs : linstitution place en priorit de sa politique et de ses pratiques le respect de la personne ; linstitution adhre aux valeurs sociales douverture la diversit, entendue comme une richesse et une ressource ; linstitution considre que tout le monde a les mmes droits et valorise chacun de faon gale, sans discrimination ; linstitution promeut une culture qui valorise la participation, lapport de tous et lapprentissage mutuel entre ses membres, soutenue par le dialogue interculturel ; linstitution croit aux bnfices de la diversit sur la qualit de vie des individus, la qualit des conditions de travail et celle des services offerts aux utilisateurs.

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Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles

Quel est le modle europen dintgration ?

Consensus europen sur lintgration3

Les 11 principes de base communs de la politique dintgration des immigrants dans lUnion europenne (COM (2004)508)

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En 2004, le Conseil de lUnion europenne a adopt le programme de La Haye en vue de renforcer la libert, la scurit et la justice. Le programme a mis laccent sur la ncessit dune plus grande coordination des politiques nationales dintgration et des activits au sein de lUnion europenne. Ainsi, le 19 novembre 2004, le Conseil justice et affaires intrieures a adopt des conclusions dfinissant les principes de base communs de la politique dintgration des immigrants dans lUnion europenne : 1. Lintgration est un processus dynamique, double sens, de compromis rciproques entre tous les immigrants et rsidents des tats membres. 2. Lintgration va de pair avec le respect des valeurs fondamentales de lUnion europenne. 3. Lemploi est un lment cl du processus dintgration, essentiel la participation et la contribution des immigrants dans la socit daccueil, et la visibilit de cette contribution. 4. Des connaissances de base sur la langue, lhistoire et les institutions de la socit daccueil sont indispensables lintgration ; permettre aux immigrants dacqurir ces connaissances est un gage de russite de leur intgration. 5. Les efforts en matire dducation sont essentiels pour prparer les immigrants, et particulirement leurs descendants, russir et tre plus actifs dans la socit. 6. Laccs des immigrants aux institutions et aux biens et services publics et privs, sur un pied dgalit avec les ressortissants nationaux, et en labsence de toute discrimination, est une condition essentielle une meilleure intgration.

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Ce quil faut notamment en retenir La politique europenne dintgration des immigrants appuie une conception de lintgration qui suscite un sentiment dappartenance, favorise lapprentissage interculturel et la recherche de compromis rciproques , dans linteraction, le partage de connaissances, le respect des valeurs fondamentales et du droit lgalit. Elle soutient une conception de lintgration qui dpasse le stade de laccueil et du respect des diffrences en souhaitant favoriser des occasions dinteraction, par le partage denceintes de discussion, le dialogue interculturel,lducation,pourmieux connatre les immigrants et leurs cultures . cet autre stade, lintgration participe dun vritable change entre tous les membres de la socit, incitant au rapprochement interculturel.

7. Un mcanisme dinteraction frquente entre les immigrants et les ressortissants des tats membres est essentiel lintgration. Le partage denceintes de discussion, le dialogue interculturel, lducation pour mieux connatre les immigrants et leurs cultures, ainsi que lamlioration des conditions de vie en milieu urbain renforcent les interactions entre immigrants et ressortissants des tats membres. 8. La pratique des diffrentes cultures et religions est garantie par la Charte des droits fondamentaux et doit tre protge, sous rserve quelle ne heurte pas dautres droits europens inviolables ou ne soit pas contraire la lgislation nationale. 9. La participation des immigrants au processus dmocratique et la formulation des politiques et mesures dintgration, en particulier au niveau local, favorise leur intgration. 10. Le recentrage des politiques et des mesures dintgration dans toutes les politiques pertinentes et tous les niveaux de ladministration et des services publics est un lment cl de la prise de dcisions politiques et de leur mise en uvre. 11. Llaboration dobjectifs, dindicateurs et de mcanismes dvaluation clairs est ncessaire pour adapter les politiques, mesurer les progrs en matire dintgration et amliorer lefficacit de lchange dinformations.

Les exemples europens dinitiatives en faveur de lintgrationLe poids dmographique croissant des immigrants rend ncessaire un meilleur accs des migrants aux droits sociaux et des ajustements graduels des services et des pratiques17. Par exemple, le projet Villes interculturelles 18 du Conseil de lEurope est n de la volont de promouvoir la diversit par un ensemble complet de structures et de processus de gouvernance, par une adaptation des politiques et des actions, dans tous les domaines concerns, en vue de rpondre aux besoins et aux exigences de populations diversifies. Le projet CLIP Equality and Diversity in jobs and services : city policies for migrants in Europe 19 a examin les politiques et les pratiques de gestion de la diversit dans 25 villes au sein de 17 pays. Plusieurs villes dmontrent une volont de dployer une stratgie dintgration globale pour adapter ses services toute la population dans sa diversit, dont Stuttgart (en Allemagne), Wolverhampton (au Royaume-Uni), Malm (en Sude), Amsterdam (aux Pays-Bas) et Terrassa (en Catalogne). Les tats europens se caractrisent aussi par la diversit et lingalit des approches de prise en compte de la diversit, refltant la varit des contextes nationaux sur les plans historiques, politiques, socio-conomiques, dmographiques, idologiques, etc.17 Voir la Recommandation 194 (2006) et la Rsolution 218 (2006) sur Laccs des migrants aux droits sociaux : le rle des pouvoirs locaux et rgionaux , Congrs des pouvoirs locaux et rgionaux du Conseil de lEurope. 18 www.coe.int/t/dg4/cultureheritage/culture/cities/default_fr.asp. 19 www.eurofound.europa.eu/areas/populationandsociety/clipdiversity.htm.

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3Diffrentes chartes de la diversit ont t dveloppes au niveau national. LAllemagne a lanc fin 2006 la Charte de la diversit20 dans lentreprise et les organisations. Elle encourage les organisations respecter la diversit, notamment en matire demploi. Plus de 600 organisations lont signe ce jour, dont les villes de Stuttgart, Francfort, Augsbourg, Cologne et Munich. La Belgique a adopt le 28 mars 2006 la Charte de la diversit de ladministration fdrale21. Afin de servir les citoyens de faon optimale, ladministration fdrale sefforce de prendre en compte cette diversit pour reflter la socit plurielle quelle sert. En France, le label diversit dAFNOR est une reconnaissance de lengagement des organismes publics en matire de prvention des discriminations, dgalit des chances et de promotion de la diversit dans le cadre de la gestion des ressources humaines22.

Des avances et des freinsLa prise en compte de la diversit a connu plusieurs avances ces dernires annes en Europe par : un discours dapprciation des diffrences comme une richesse ; des efforts de diversification du personnel ; une culture institutionnelle plus oriente vers le respect de la personne ; laccent mis sur lgalit des droits et la lutte contre le profilage racial ; la reconnaissance de la possibilit dune identit plurielle de limmigrant ; la promotion dun dialogue interculturel. Ces diverses avances ont permis de souvrir de nouvelles modalits de prise en compte de la diversit, par exemple : lvaluation des performances, y compris interculturelles ; la diversification des quipes de travail ; la cration dinstances ddies limplantation de plans daction en faveur de la diversit ; la gestion claire de la diversit ethnoculturelle ; le dveloppement de partenariats pour une intervention globale et de services complmentaires. Ces nouvelles modalits de valorisation de la diversit ont aussi mis en vidence certaines limites et freins cette logique de valorisation de la diversit, par exemple : les inquitudes pour la cohsion sociale, lidentit nationale et les valeurs pour la culture commune ; laugmentation des attitudes xnophobes dans certains pays ; la monte des revendications identitaires ; le retour des formes de communautarismes religieux ; lexaspration des discours sur lincompatibilit des valeurs ; la persistance dattitudes racistes et de discriminations ethniques. Pour progresser dans le processus dinclusion des diversits, des progrs restent faire, pour notamment : identifier la valeur ajoute propre chaque lment de la diversit ; intgrer la diversit au niveau de la direction ; lgitimer la prise en compte de la diversit pour dautres motifs que juridiques ou conomistes ; donner un sens plus inclusif lintgration de la diversit ; trouver des faons dapprendre de la diversit.

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Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles

De nombreuses initiatives locales dintgration de la diversit sont rpertories dans le CD-Rom joint au guide23. Il est aussi possible de consulter le document : Villes interculturelles Vers un modle dintgration interculturelle , ditions du Conseil de lEurope, avril 2010. Les villes adhrant ce rseau ont adopt des stratgies institutionnelles dans les domaines suivants : la lutte contre toutes les formes de discrimination ; ladaptation des services la ralit pluriculturelle ; laccueil, ltablissement et lintgration des immigrants ; la participation et la reprsentation des membres issus de la diversit ; la gestion des relations interculturelles, les actions et les activits de rapprochements interculturels ; la promotion de la diversit comme richesse.

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www.charta-der-vielfalt.de/content/downloads/Charter_fr.pdf. www.ibz.be/download/charte_diversite.pdf. http://www.afnor.org/certification/lbh004#p30067. www.fse.public.lu/intro/news/2005/seminaire/index.html.

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Quel est limpact de la diversit sur les institutions publiques ?Un principe du programme commun dintgration des ressortissants de pays tiers dans lUnion europenne est que llaboration dobjectifs, dindicateurs et de mcanismes dvaluation clairs est ncessaire pour adapter les politiques, mesurer les progrs en matire dintgration et amliorer lefficacit de lchange dinformations (Com (2005)389 final).

Une telle diversit a une incidence directe sur la culture institutionnelle, appele accueillir et composer avec elle. Cette diversit largit la gamme des besoins. Les institutions publiques doivent rpondre une plus grande diversit de besoins lis des utilisateurs prsentant diffrentes caractristiques. Cette diversit multiplie les occasions de tensions interculturelles. Dans certaines organisations, des professionnels vivent quotidiennement des situations qui imposent des habilets pour interagir dans la complexit des diffrences ethnoculturelles. Les rgles institutionnelles ne remplissent pas toujours leur rle dinclusion. Or, le mandat des institutions publiques et parapubliques repose sur laccessibilit, la qualit et ladaptation des services. Les capacits institutionnelles dinclusion sont parfois remises en cause. La ncessit de composer avec la diversit est amene un point tel que les institutions ne peuvent plus grer les demandes au cas par cas.

Quelle est la responsabilit des institutions publiques dans la prise en compte de la diversit ?

Le mandat des institutions publiques repose sur laccessibilit, lgalit et la qualit de leurs services lgard de tous. ct des enjeux sociaux dintgration, ladaptation des services devient aussi une question dquit et de droits gaux. Les institutions ont une responsabilit sociale et une obligation juridique dadapter leurs normes, dassouplir leurs rgles de fonctionnement, de proposer des pratiques diffrencies. Dans les faits, il arrive que la responsabilit dadaptation des services dpende trop troitement de la volont du personnel et de leur degr de mobilisation. Il arrive que cette responsabilit soit dlgue des organismes spcifiques, des comits dexperts de la diversit ou des consultants-experts de lintervention interculturelle. Il arrive que la prise en compte soit lobjet dinitiatives isoles dans un seul service, sans vritable effort de coordination travers lensemble des services. Or, selon une approche globale, leffort dinclusion ne saurait tre confin quelques services, la mobilisation de quelques employs ou se limiter lintervention de tierces personnes ou de partenariats avec des associations. Il engage toute la population et toutes les institutions tous les paliers et tous les niveaux de comptences, dans un partage des responsabilits, des expertises et du transfert des comptences.

Vers un mainstreaming de la diversit ? Le mainstreaming de la diversit dsigne un processus qui vise lintgration et lincorporation des ides innovantes et approches nouvelles dans les politiques et les pratiques de lemploi, de la formation professionnelle et de la lutte contre les discriminations, pour valuer la pertinence des rsultats, mettre jour les acquis et les facteurs de russite .

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3Une responsabilit partageUn principe du programme commun dintgration des ressortissants de pays tiers dans lUnion europenne est que le recentrage des politiques et mesures dintgration, dans toutes les politiques pertinentes et tous les niveaux de ladministration et des services publics, est un lment cl de la prise de dcisions politiques et de leur mise en uvre (Com (2005)389 final).Gnralement, le champ de la prise en compte de la diversit sapplique aux niveaux suivants :3

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Au niveau institutionnel, la prise en compte de la diversit sexprime au moyen de politiques de reconnaissance de la diversit, affirmant lengagement de linstitution, dorientations de mise en valeur de la diversit, dun plan daction et de programmes intgrs visant une coordination tous les niveaux.3

Le niveau institutionnel

Au niveau vertical ou hirarchique, la prise en compte de la diversit stablit dans les rapports entre les gestionnaires/ superviseurs et les employs. Elle sexprime travers les processus dcisionnels, le style de gestion, les formes dorganisation du travail, etc.3

Le niveau vertical ou hirarchique

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Ralits pluriculturelles et responsabilits institutionnelles

Au niveau horizontal, la prise en compte de la diversit stablit dans les relations entre pairs et collgues. Elle met laccent sur les interactions personnelles et professionnelles.3

Le niveau horizontal

Au niveau externe, la prise en compte de la diversit sexprime dans les prestations de services au public. Elle concerne les utilisateurs, mais aussi les fournisseurs, les consultants, etc. Elle fait ressortir limportance de mobiliser lengagement de lensemble des partenaires.3

Le niveau externe

Au niveau social, la prise en compte de la diversit sexprime dans sa contribution au bien-tre de la population, son engagement envers lensemble de la communaut, etc. Elle tente de dployer les efforts de linstitution en valuant son impact sur les milieux de vie. La prise en compte de la diversit rallie ainsi les principaux acteurs uvrant au sein des institutions publiques. De nombreuses initiatives encouragent la collaboration, la concertation et le transfert de comptences entre les diffrents services, et tous les niveaux de linstitution. Cela comprend la direction, les gestionnaires, les fonctionnaires, les intervenants de premire ligne, les prposs la clientle, etc. Dans ce sens, la prise en compte de la diversit concerne aussi les relations des acteurs institutionnels avec les associations de migrants et les organismes leur offrant des services.

Le niveau social

Conclusion Au-del de lintgration, vers une vritable culture dinclusion

Le dveloppement dune culture institutionnelle inclusive, cest : un cheminement qui repose sur un effort damlioration continu et des correctifs progressifs tous les niveaux organisationnels ; un exercice de participation, de concertation et de consultation, qui engage la collaboration des diffrents acteurs pour dployer les niveaux dintervention, pour coordonner les efforts dadaptation et assurer lefficacit, la cohrence, la complmentarit et la continuit des actions ; un processus global et intgr pour amliorer laccessibilit et la qualit des services par une comprhension commune de la diversit, une valuation du systme organisationnel, un effort rciproque damlioration des pratiques dadaptation, limplantation de mesures novatrices et la valorisation de la nouvelle culture institutionnelle ; une approche adapte et quitable pour assurer lgalit daccs aux services et une plus grande reprsentation de la diversit parmi le personnel.

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Freins, obstacles et rsistances

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A B CIntroductionLe modle politique europen dintgration cre une obligation rciproque des immigrants et des rsidents des tats membres de sengager dans un processus interactif pour favoriser, de part et dautre, des adaptations mutuelles, dans le respect des lois, des droits et des valeurs communes. Ainsi, une personne immigrante doit sefforcer dacqurir des connaissances de base sur la langue, lhistoire et les institutions de la socit daccueil, avec lintention de sintgrer celle-ci. Elle doit respecter les normes et valeurs fondamentales de la socit daccueil. Cette dernire, travers ses acteurs et ses institutions, doit permettre aux immigrants dacqurir ces connaissances et favoriser leurs efforts pour tre plus actifs dans la socit. En rponse ce modle dintgration double sens, la question des adaptations institutionnelles la diversit conduit ainsi considrer les deux ples de : ladaptation des services institutionnels aux migrants ; ladaptation des migrants aux services institutionnels. Pour rendre cette politique dintgration efficace, il importe de comprendre les barrires ces efforts mutuels dadaptation, du point de vue de limmigrant et du point de vue des reprsentants de ces institutions, notamment : les freins culturels qui retiennent des minorits dutiliser des services publics, en privilgiant dautres moyens informels ou des approches traditionnelles ; les obstacles institutionnels qui, de par la culture organisationnelle mme, ou par la prsence de strotypes, vhiculent des valeurs et des approches divergeant culturellement dautres rfrentiels ;

Freins, obstacles et rsistances

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DESCRIPTION

Cette partie B correspond ltape 2 du guide : Freins, obstacles et rsistances. Les lecteurs peuvent utiliser cette partie pour : corrigerlesperceptions fondes sur des prjugs, des ides reues et des strotypes ; dpasserlesobstacleset les barrires la prise en compte et linteraction avec la diversit ; fairevoluerlesmentalits vers plus douverture et de comprhension. 29

les rsistances individuelles du personnel qui ne voit pas la ncessit ou la lgitimit dadapter les services la diversit des utilisateurs. Nombre de ces lments de rigidit peuvent expliquer lchec ou les difficults implanter une politique dinteraction au sein de linstitution. En effet, en adoptant une attitude dfensive ou ractionnaire, les reprsentants institutionnels encouragent le personnel stagner dans leurs habitudes de pense et daction plutt qu adopter une gestion du changement flexible, proactive et inclusive. La position de fermeture de lutilisateur produit les mmes effets nuisibles toute volution des mentalits. En ce sens, les barrires au changement institutionnel ne sont pas chercher exclusivement du ct de la responsabilit de lorganisation ou de celle de lutilisateur. Leurs efforts mutuels sont engags dans le processus dentente, et souvent ces rapports sont traverss par la peur, qui ne facilite pas une interaction plus efficace.

SOMMAIRE30 31 34 35

Freins culturels : diffrents modes dutilisation des services Obstacles institutionnels : effets discriminatoires des normes Rsistances personnelles : effets dissuasifs des attitudes Conclusion

Freins culturels : diffrents modes dutilisation des services

Plusieurs facteurs peuvent influencer ladaptation dun immigrant un nouvel environnement culturel, son rapport la socit et son utilisation des services publics. Par exemple, le rapport quil avait aux institutions publiques dans son pays dorigine peut influencer son mode dutilisation des services dans le pays daccueil. Si la personne navait pas confiance dans les fonctionnaires ou autres acteurs institutionnels, sa mfiance pourrait se reporter sur les institutions du pays daccueil. Certains migrants prfrent passer par les rseaux informels de leurs relations, plutt que dutiliser les services formels institutionnels. Ainsi, pour rgler un conflit, certains prfreront solliciter un mdiateur dans leur communaut plutt que de se prsenter un poste de police ou recourir un avocat. La prsence de la famille largie et une mentalit plus collectiviste peuvent influencer aussi leurs recours aux services publics. Linterdpendance entre les membres de la famille et la solidarit intracommunautaire peuvent conduire privilgier les rseaux internes pour obtenir des services. Leur propre perception des besoins peut aussi influencer leur recherche daide. Ainsi, leur faon daborder la sant, la maladie physique et psychologique dans un contexte de mdecine plus traditionnelle peut les conduire viter la mdecine moderne et ses services. Lincomprhension des rles parentaux attendus par la socit, la diffrence dducation des enfants, la diffrence de conception des rles familiaux peuvent engendrer la crainte de la part dimmigrants dtre incompris par les autorits publiques et dtre jugs ngativement. Le caractre impersonnel des changes avec le personnel institutionnel et le rle dexperts des professionnels peuvent

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3retenir certains utilisateurs de poser des questions et de rclamer les services, sils matrisent mal la langue ou sils privilgient les relations personnelles de confiance. Des recherches sur les perceptions quont les migrants des services sociaux indiquent que la peur, la mfiance, le sentiment dincomptence et lincomprhension interculturelle sont autant de freins lutilisation des services sociaux et de sant.

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La Rsolution 218 (2006) sur laccs des migrants aux droits sociaux : le rle des pouvoirs locaux et rgionaux du Congrs des pouvoirs locaux et rgionaux24 recommande aux villes et rgions des tats membres du Conseil de lEurope denvisager laccompagnement des migrants par des mdiateurs issus de leur culture dans les diffrentes administrations locales et rgionales, ainsi que dans le systme hospitalier .

A B C D E F G3 3 3Freins, obstacles et rsistances

Obstacles institutionnels : effets discriminatoires des normes

Quels peuvent tre les obstacles aux adaptations culturelles ?La culture institutionnelle est un espace social, relationnel, symbolique, qui possde ses propres codes culturels et rgles de fonctionnement. Lun des dfis de la diversit qui se pose ces institutions est dadapter leur structure et leur culture, sans menacer la ncessaire stabilit et cohrence de leur milieu. Ladaptation des services pose la question de ladquation de loffre aux besoins des utilisateurs. Elle questionne aussi les influences professionnelles, culturelles, sociales sur les pratiques et politiques institutionnelles. La question des obstacles institutionnels se focalise sur les facteurs qui peuvent expliquer que des utilisateurs immigrants soient sous-desservis ou surreprsents dans certains services. Par exemple, des chercheurs soulignent une sous-utilisation des services de base aux personnes ges issues de minorits ethniques, et une surreprsentation des immigrants en matire de protection sociale des enfants et des services de sant mentale menant la critique selon laquelle les services sociaux ne parviennent pas fournir un soutien en temps voulu pour viter des situations de crise. Dans le domaine de la protection de lenfance par exemple, les donnes de recherches provenant de pays tels que le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvge, le Danemark et la Sude indiquent des taux levs de renvoi aux services sociaux de certaines familles et denfants issus de minorits ethniques et de leur prise en charge ultrieure 25. Les services sociaux, comme dautres services institutionnels, peuvent, par manque de ressources ou par incertitudes lies des incomprhensions, procder des diffrences de traitement et de service. Ces expriences ne peuvent quaugmenter les rticences de personnes immigrantes recourir ces services. Mme en labsence dintention de discriminer, certains groupes peuvent rencontrer des dsavantages ou des obstacles dans leurs interactions avec le personnel de linstitution. Les institutions devraient tenir compte de limpact diffrenci que les normes ont sur les divers utilisateurs.24 https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=RES(2006)218&Language=lanFrench&Ver=original &Site=Congress&BackColorInternet=e0cee1&BackColorIntranet=e0cee1&BackColorLog ged=FFC679. 25 Barn R., Diversity : Planning, Provision and Progress in Social Services in the UK , in Rene C. et GuidokovaI I. (eds.), Diversity and community development: An intercultural approach, Conseil de lEurope, 2010.

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La Rsolution 218 (2006) sur laccs des migrants aux droits sociaux : le rle des pouvoirs locaux et rgionaux, du Congrs des pouvoirs locaux et rgionaux26, recommande aux villes et rgions des tats membres du Conseil de lEurope de dvelop