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r r Secteur Optique Etats des lieux après le « big-bang » INDEPENDENT RESEARCH 2 Juin Secteur Optique ESSILOR ACHAT 138 EUR vs. 123EUR Bloomberg EF FP Reuters ESSI.PA Cours 118,75EUR +Haut/+Bas 123,45/95,63 Capi boursière 25 938 MEUR Val. Entreprise 27 684 MEUR PE (2017e) 28,1x EV/EBIT (2017e) 20,4x GRANDVISION ACHAT 26.5EUR 27EUR Bloomberg GVNV NA Reuters GVNV AS Cours 23,34EUR +Haut/+Bas 26,13/18,8 Capi. boursière 5 939 MEUR Val. Entreprise 6 603 MEUR PE (2017e) 22,9x EV/EBIT (2017e) 16,7x LUXOTTICA ACHAT vs. NEUTRE 64EUR 52EUR Bloomberg LUX IM Reuters LUX.MI Cours 53,9EUR +Haut/+Bas 55,1/40,55 Capi. boursière 26 112 MEUR Val. Entreprise 27 048 MEUR PE (2017e) 26,8x EV/EBIT (2017e) 17,5x SAFILO NEUTRE 6,5EUR Bloomberg SFL IM Reuters SFLG.MI Cours 6,73EUR +Haut/+Bas 9,915/6,24 Capi. boursière 422 MEUR Val. Entreprise 464 MEUR PE (2017e) 35,1x EV/EBIT (2017e) NS L’opération EssilorLuxottica a rebattu toutes les cartes dans le secteur, amenant chaque acteur à se positionner face aux problématiques d’intégration verticale et de maîtrise de la chaîne de valeur alors que Kering et LVMH réintègrent progressivement leur activité de lunetterie. Nous analysons les perspectives des quatre groupes de notre échantillon face à ce nouveau contexte et refaisons le point sur le marché US. EssilorLuxottica : le nouveau mastodonte du secteur. Le nouvel ensemble sera l’acteur le plus intégré verticalement, avec un contrôle total de la chaîne de valeur, d’importantes complémentarités produits/marques et l’opportunité de créer une stratégie omnicanal unique dans l’industrie grâce aux ~8,000 magasins de LUX. Dans cette étude nous détaillons nos prévisions de synergies (508 MEUR en 2021 vs. objectif de ~400-600 MEUR, qui nous amènent à un TCAM du BPA ajusté (hors supplément d’amortissements de 580 MEUR) de 12% sur la période 2018-21. GVNV + SFL : la prochaine grosse opération ? SFL serait à nouveau fragilisé par le départ possible des cinq licences LVMH à terme (~27% du CA total). HAL, qui détient 77% de GVNV et 42% de SFL, pourrait être tenté de les rapprocher afin de créer un « mini-Luxottica ». Tentante sur le papier (relution de 19% sur le BPA 2019e de GVNV) nous expliquons pourquoi cette opération a peu de chances d’être réalisée : stratégies et positionnement contraires, velléités d’indépendance des deux groupes, etc. Les US – 37% du marché mondial – Back in the Game! En 2016, l e 1er marché mondial a subitement ralenti au S2, impactant les performances opérationnelles et boursières du secteur. Le marché US a montré des signes de reprise au T1 alors que bon nombre d’initiatives entreprises par les groupes vont progressivement porter leur fruit tout au long de 2017. Le marché US redevient un catalyseur positif pour l’industrie. Les multiples de l’optique sont actuellement soutenus par l’amélioration progressive des fondamentaux et le rapprochement EI- LUX. Hormis SFL, nos trois valeurs affichent des ratios PEG 2018e compris entre 2,5-2,8x alors que celui d’EI-LUX s’élève à 2x. A noter que la prime du secteur optique par rapport au DJ Stoxx s’est légèrement tassée (P/E 12m forward : 1,67 vs. moyenne 5 ans de 1,9x). 88 93 98 103 108 113 118 STOXX EUROPE 600 CONSUMER GDS E STOXX EUROPE 600 02/06/17 Source Thomson Reuters Analyst: Consumer Analyst Team: Cédric Rossi Nikolaas Faes 33(0) 1 70 36 57 25 Antoine Parison [email protected] Loïc Morvan Virginie Roumage

INDEPENDENT RESEARCH Secteur Optique · 2017. 6. 5. · Bloomberg LUX IM Reuters LUX.MI Cours 53,9EUR +Haut/+Bas 55,1/40,55 Capi. boursière 26 112 MEUR Val. Entreprise MEUR27 048

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    Secteur Optique Etats des lieux après le « big-bang »

    INDEPENDENT RESEARCH

    2 Juin

    Secteur Optique

    ESSILOR ACHAT 138 EUR vs. 123EUR Bloomberg EF FP Reuters ESSI.PA

    Cours 118,75EUR +Haut/+Bas 123,45/95,63

    Capi boursière 25 938 MEUR Val. Entreprise 27 684 MEUR PE (2017e) 28,1x EV/EBIT (2017e) 20,4x

    GRANDVISION ACHAT 26.5EUR 27EUR Bloomberg GVNV NA Reuters GVNV AS Cours 23,34EUR +Haut/+Bas 26,13/18,8 Capi. boursière 5 939 MEUR Val. Entreprise 6 603 MEUR PE (2017e) 22,9x EV/EBIT (2017e) 16,7x

    LUXOTTICA ACHAT vs. NEUTRE 64EUR 52EUR

    Bloomberg LUX IM Reuters LUX.MI Cours 53,9EUR +Haut/+Bas 55,1/40,55 Capi. boursière 26 112 MEUR Val. Entreprise 27 048 MEUR PE (2017e) 26,8x EV/EBIT (2017e) 17,5x

    SAFILO NEUTRE 6,5EUR Bloomberg SFL IM Reuters SFLG.MI Cours 6,73EUR +Haut/+Bas 9,915/6,24 Capi. boursière 422 MEUR Val. Entreprise 464 MEUR PE (2017e) 35,1x EV/EBIT (2017e) NS

    L’opération EssilorLuxottica a rebattu toutes les cartes dans le secteur, amenant chaque acteur à se positionner face aux problématiques d’intégration verticale et de maîtrise de la chaîne de valeur alors que Kering et LVMH réintègrent progressivement leur activité de lunetterie. Nous analysons les perspectives des quatre groupes de notre échantillon face à ce nouveau contexte et refaisons le point sur le marché US.

    EssilorLuxottica : le nouveau mastodonte du secteur. Le nouvelensemble sera l’acteur le plus intégré verticalement, avec un contrôle total de la chaîne de valeur, d’importantes complémentarités produits/marques et l’opportunité de créer une stratégie omnicanal unique dans l’industrie grâce aux ~8,000 magasins de LUX. Dans cette étude nous détaillons nos prévisions de synergies (508 MEUR en 2021 vs. objectif de ~400-600 MEUR, qui nous amènent à un TCAM du BPA ajusté (hors supplément d’amortissements de 580 MEUR) de 12% sur la période 2018-21.

    GVNV + SFL : la prochaine grosse opération ? SFL serait à nouveaufragilisé par le départ possible des cinq licences LVMH à terme (~27% du CA total). HAL, qui détient 77% de GVNV et 42% de SFL, pourrait être tenté de les rapprocher afin de créer un « mini-Luxottica ». Tentante sur le papier (relution de 19% sur le BPA 2019e de GVNV) nous expliquons pourquoi cette opération a peu de chances d’être réalisée : stratégies et positionnement contraires, velléités d’indépendance des deux groupes, etc.

    Les US – 37% du marché mondial – Back in the Game! En 2016, le 1ermarché mondial a subitement ralenti au S2, impactant les performancesopérationnelles et boursières du secteur. Le marché US a montré des signes de reprise au T1 alors que bon nombre d’initiatives entreprises par les groupes vont progressivement porter leur fruit tout au long de 2017. Le marché US redevient un catalyseur positif pour l’industrie.

    Les multiples de l’optique sont actuellement soutenus par l’amélioration progressive des fondamentaux et le rapprochement EI-LUX. Hormis SFL, nos trois valeurs affichent des ratios PEG 2018ecompris entre 2,5-2,8x alors que celui d’EI-LUX s’élève à 2x. A noter que la prime du secteur optique par rapport au DJ Stoxx s’est légèrement tassée (P/E 12m forward : 1,67 vs. moyenne 5 ans de 1,9x).

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    118

    STOXX EUROPE 600 CONSUMER GDS E STOXX EUROPE 600

    02/06/17

    Source Thomson Reuters

    Analyst: Consumer Analyst Team: Cédric Rossi Nikolaas Faes 33(0) 1 70 36 57 25 Antoine Parison [email protected] Loïc Morvan

    Virginie Roumage

  • Secteur Optique

  • Secteur Optique

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    Sommaire

    1. Le « big-bang » EssilorLuxottica rebat les cartes dans le secteur Optique ................................. 4 1.1. Pas de fusion… du moins à court terme ....................................................................................... 4 1.2. Des complémentarités évidentes ................................................................................................... 6 1.3. Exemple n°1 : le marché US .......................................................................................................... 7 1.4. Exemple n°2 : développer le mix-produit et la stratégie multi-réseaux dans le solaire ................. 8 1.5. Exemple n°3 : lancement d’une véritable stratégie omnicanal .................................................... 12 1.6. Nos prévisions de synergies chez EssilorLuxottica ..................................................................... 15 1.7. Facteurs de risque autour de l’opération...................................................................................... 17

    2. LVMH-Marcolin : nouveau coup de tonnerre chez Safilo ......................................................... 21 2.1. Quelles sont les licences concernées ? ......................................................................................... 21 2.2. Quelques différences avec Kering Eyewear ................................................................................ 22 2.3. L’internalisation de la lunetterie : le sens de l’histoire pour les grands groupes .......................... 23 2.4. Quel avenir pour Safilo ? ............................................................................................................. 25

    3. Marché US : le ralentissement de 2016 est-il derrière nous ? ..................................................... 35 3.1. Les verres correcteurs ont été les plus touchés ........................................................................... 35 3.2. Y-a-t-il d’autres facteurs que l’attentisme pour expliquer ce ralentissement ponctuel ? ............. 35 3.3. Les US en 2017 : vers un rebond ? .............................................................................................. 37 3.4. La reprise se confirme sur le début d’année ................................................................................ 40

    4. Perspectives 2017-18......................................................................................................................... 46 4.1. Essilor rallume les moteurs de la croissance ................................................................................ 46 4.2. Luxottica sur la rampe de lancement avant le décollage en 2018 ? ............................................. 49 4.3. GrandVision : les voyants sont au vert ........................................................................................ 53 4.4. Safilo : réussir la transition Gucci… et préparer celle de LVMH................................................ 59

    5. Valorisation......................................................................................................................................... 63 5.1. Un parcours globalement satisfaisant .......................................................................................... 63 5.2. Ratios valorisation/croissance ..................................................................................................... 64 5.3. Quelle valorisation par rapport aux indices ?............................................................................... 65 5.4. Notre valorisation d’EssilorLuxottica.......................................................................................... 65 5.5. Valorisation de GrandVision ....................................................................................................... 67 5.6. Valorisation de Safilo ................................................................................................................... 69 5.7. Synthèse de nos cas d’investissement .......................................................................................... 70

    Essilor Fair Value 138EUR vs. 123EUR ACHAT............................................................................ 71 Réussir l’opération et en mettre plein la vue dès 2018 ........................................................................... 71

    Grandvision Fair Value 26,5EUR vs. 27EUR ACHAT ................................................................... 73 Taille critique disponible en rayon.......................................................................................................... 73

    Luxottica Fair Value 64EUR vs. 52EUR ACHAT vs. NEUTRE .................................................. 75 En piste… pour un décollage avant 2018 ? ............................................................................................ 75

    Safilo Fair Value 6,5EUR NEUTRE ................................................................................................... 77 Safilo reste encore exposé aux vents contraires ..................................................................................... 77

    Price Chart and Rating History............................................................................................................. 79

    Bryan Garnier stock rating system ....................................................................................................... 83

  • Secteur Optique

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    1. Le « big-bang » EssilorLuxottica rebat les cartes dans le secteur Optique

    Depuis l’annonce du 16 janvier et notre étude du 18 janvier (« EssilorLuxottica: corrective or progressive merger? »), quelques points d’étapes ont été franchis dans le projet de rapprochement. Nous rappelons dans cette partie quelques points majeurs de cette opération et essayons d’anticiper quelles pourraient être les implications pour les autres groupes de notre échantillon.

    1.1. Pas de fusion… du moins à court terme 1.1.1. Juridiquement : Essilor rachète Luxottica… A l’issue de l’opération, Essilor sera juridiquement transformée en une holding cotée (à Paris) et rebaptisée EssilorLuxottica, qui détiendra une participation de 100% dans Essilor (nouvellement créée pour loger les activités opérationnelles) et entre 62% et 100% de Luxottica selon le succès de l’opération de rachat des minoritaires :

    • EssilorLuxottica sera codirigée par Leonardo Del Vecchio et Hubert Sagnières avec l’appui d’un CA composé 16 membres (8 personnes Essilor, 8 personnes Luxottica). La holding accueillera également un Comité d’Intégration chargé d’exécuter le plan de synergies, le processus d’intégration et de définir les objectifs des deux groupes :

    • Essilor et Luxottica resteront deux groupes avec leur organisation et management distincts. Selon nous, Laurent Vacherot (Essilor) et Massimo Vian (Luxottica) seront responsables de la gestion opérationnelle.

    Cette forme peut expliquer la relative prudence de l’objectif de synergies (400-600 MEUR à 4-5 ans) puisqu’il n’y a pas de réelle fusion mais nous pensons qu’elle limitera ainsi le risque d’intégration que nous redoutions particulièrement puisque les deux entreprises ont chacune une culture d’entreprise assez forte.

    Fig. 1: Principales étapes et structure du nouvel ensemble post-opération :

    Source: Essilor

    http://www2.bryangarnier.com/images/updates/pdf/BG_2017_01_18_EssilorLuxottica.pdfhttp://www2.bryangarnier.com/images/updates/pdf/BG_2017_01_18_EssilorLuxottica.pdf

  • Secteur Optique

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    1.1.2. … mais comptablement c’est l’inverse En effet, dans le document de base relatif à l’émission de nouvelles actions Essilor destinées à rémunérer l’apport de Delfin (paru le 7 avril), il est précisé que sur le plan comptable, « Luxottica est réputée acquérir Essilor », une situation qui est similaire à celle d’un « reverse takeover ».

    Le tableau ci-dessous reprend donc les participations de chacune des deux entités sur la base de cette nuance comptable. Celle-ci a aussi une incidence sur la valorisation de la « contrepartie transférée » (Essilor dans ce cas), qui repose sur le prix de l’action Luxottica au 31 mars 2017 (51,75EUR) ainsi que sur la parité d’échange qui reste à 0,461 action Essilor pour une action Luxottica.

    Par ailleurs, ce traitement comptable implique donc la réévaluation des actifs incorporels d’Essilor (6,8 MdsEUR nette de la valeur comptable) plutôt que ceux de Luxottica, aboutissant sur un écart d’acquisition préliminaire pro-forma de 12,6 MdsEUR.

    Fig. 2: Valorisation de la contrepartie comptablement transférée (= Essilor) :

    As of March 31, 2017 Full conversion of LUX shares

    (Contribution + 100% of minority interest) Partial conversion of LUX shares

    (Contribution + 0% of minority interest)

    Number of Luxottica outstanding shares (m) 477.0 298.1

    Exchange ratio (x) 0.461 0.461

    Equivalent in Essilor shares (m) 219.9 137.4

    Number of Essilor outstanding shares (m) 216.5 216.5

    Percentage shareholding of Essilor in combined group 49.6% 61.2%

    Theoretical value of Essilor (EURm) * 24,299 24,299

    Theoretical share price 112.2 112.2

    Current share price (as of May 30, 2017) 118.8 118.8

    * = EI existing shares x (LUX share price as of 31st March EUR51.75 / Exchange ratio) = EI existing shares x EI implied share price

    * Source: Company Data; Bryan, Garnier & Co ests

    Bien qu’Essilor n’explique pas les raisons de ce traitement comptable (Luxottica rachète Essilor), nous pensons qu’il y a deux explications possibles : 1/ le fait que Leonardo Del Vecchio devienne le principal actionnaire de référence d’EssilorLuxottica (31-38% du capital) et 2/ la réévaluation des actifs incorporels d’Essilor est moins complexe que celle qui aurait été effectuée chez Luxottica au regard des nombreuses marques/enseignes qui sont toujours valorisées à leur coût historique mais qui ont affiché de très bonnes performances opérationnelles depuis leur rachat. Ce constat est particulièrement vrai pour Ray-Ban, acquise pour 640 MUSD en 1999 et entièrement amortie après 2018).

    Sur la base des chiffres énoncés plus haut, ce rapprochement entrainerait des amortissements supplémentaires d’au moins 580 MEUR suite à la réévaluation des actifs incorporels d’Essilor. Rappelons que l’EBITDA 2017 combiné des deux groupes, avant intégration de ces nouveaux impacts, était attendu à environ 3,9 MdsEUR.

    Nous comprenons donc que la méthode de reporting de Luxottica pourrait être reprise par EssilorLuxottica puisque les frais R&D du nouvel ensemble seront désormais comptabilisés dans la marge brute plutôt qu’au niveau du ROP comme c’était le cas chez Essilor jusqu’à présent.

  • Secteur Optique

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    1.2. Des complémentarités évidentes Les deux graphiques ci-dessous illustrent en effet les importantes complémentarités entre le leader mondial des verres ophtalmiques (Essilor) et celui des montures/solaires (Luxottica), tant en matière de catégories qu’au niveau des circuits de distribution. C’est la raison pour laquelle environ 50% des synergies prévues sur le MT (400-600 MEUR) proviendraient de synergies de revenus.

    Fig. 3: Des catégories et des circuits de distribution qui se complètent :

    Source: Company Data

    Cette symbiose se retrouve naturellement au niveau du portefeuille de marques ou le futur ensemble alliera des marques de verres correcteurs à forte notoriété avec les griffes premium et luxe du groupe italien. La combinaison des deux portefeuilles sera l’occasion d’offrir, entres autres, des solutions « packagées » (monture + verres) à leurs clients, contribuant à tirer le marché optique en valeur.

    Fig. 4: Un portefeuille de marques sans équivalent :

    Source: Company Data

    Nous pouvons d’ores et déjà mettre en avant trois exemples de complémentarités :

    (i) Le marché US : schématiquement, Essilor va pouvoir accroître la pénétration de ses marques au sein des grandes chaînes de Luxottica tandis que ce dernier va profiter du bon maillage d’Essilor chez les indépendants ;

    (ii) Le solaire : à l’exception de Costa, le PF de marques solaires d’Essilor se compose uniquement de marques de readers et milieu de gamme alors que l’italien ne détient que des marques premium/luxe, une situation idéale pour entamer une stratégie multi-réseaux ;

    (iii) L’omnicanal : le circuit online se développe rapidement. A l’instar d’autres segments de la consommation, particulièrement l’habillement, la convergence des plateformes online d’Essilor avec les magasins de Luxottica créera un avantage concurrentiel significatif !

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    1.3. Exemple n°1 : le marché US 1.3.1. Partage de la supply chain dans les verres ophtalmiques Le marché US est déjà de loin le premier marché de Luxottica et d’Essilor (respectivement 56% et 47% du CA) et le restera naturellement une fois le rapprochement entériné puisque l’Amérique du Nord pèsera 54% des ventes du nouvel ensemble (cf. graphique ci-contre).

    Comme le montre le graphique ci-dessous, le marché ophtalmique américain est caractérisé par la présence des labs de prescription qui sont des intermédiaires quasi-incontournables entre les opticiens et les fabricants de verre. Essilor domine cette distribution wholesale avec près de 125 labs à travers les US tandis que Luxottica vient d’inaugurer son nouveau lab géant de Luxottica à Atlanta. Dans un premier temps, celui-ci a pour but de couvrir les besoins en verres de LensCrafters (@ Macy’s, puis ceux des autres magasins, afin d’éliminer à terme le lab situé en magasin.

    Selon nous, le partage de la supply chain entre les deux groupes sera une source de gains d’efficacité et de productivité : les labs pourront par exemple assembler plus rapidement les lunettes grâce à un gestion partagée des stocks en temps réel des montures et des verres, tandis que les volumes de verres des différentes chaînes de Luxottica seront certainement aiguillés en priorité vers les labs du nouvel ensemble (=> économies d’échelle).

    1.3.2. Opportunités de cross-selling dans la distribution optique Au sein du marché ophtalmique US, les positions détenues par les grandes chaînes et les acteurs indépendants sont assez harmonieuses (cf. graphique ci-contre) même si ces derniers ont plutôt accru leur pdm sur la dernière décennie (+3 points à 53%). Or, le schéma ci-dessous met à nouveau en lumière la grande complémentarité des deux groupes : Luxottica se concentre évidemment sur ses quatre chaînes d’optique tandis qu’Essilor a une bonne couverture des opticiens/optométristes indépendants, notamment après les acquisitions de plusieurs coopératives d’optométristes indépendants (Vision Source, PERC/IVA, etc.). Précisons qu’Essilor adresse aussi les grandes chaînes telles que Walmart ou Costco qui n’étaient pas clientes de l’italien.

    Nous décelons donc de réelles opportunités de cross-selling : Essilor pourra accroître la pénétration de ses marques au sein des chaînes de Luxottica et monter en gamme son offre existante, particulièrement chez LensCrafters qui achète ~30% de ses volumes de verres chez les marques du groupe Essilor, mais essentiellement en milieu de gamme. Luxottica aura un meilleur accès au circuit des opticiens et optométristes indépendants pour la vente de ses montures et lunettes de soleil.

    Fig. 5: Marché US : des réseaux de distributions complémentaires :

    Source: Company Data; Bryan, Garnier & Co ests

    Répartition du CA d’EssilorLuxottica :

    North America

    54%

    Europe22%

    AMEA18%

    Latin America6%

    Source: Company Data

    Décomposition du marché ophtalmique US (2015, %) :

    Independent ECPs 53%

    Opticalchains 44%

    Online retail3%

    Source: VisionWatch

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    1.4. Exemple n°2 : développer le mix-produit et la stratégie multi-réseaux dans le solaire

    1.4.1. Développer la catégorie solaire de prescription Le solaire de prescription reste en effet une catégorie largement sous-développée puisque seulement 10% des porteurs de lunettes de vue disposent également d’une paire solaire de prescription alors qu’Essilor estime le potentiel de cette catégorie à environ 50%. Cette sous-pénétration s’expliquait par un parcours d’achat compliqué (choix limité de montures/designs) et par un manque de spécialisation des opticiens (opticiens ou chaines soit spécialisés en ophtalmie, soit en solaire).

    Le management de Luxottica a récemment dévoilé que le solaire de prescription représentait déjà environ 50% des ventes totales de prescription de la marque Ray-Ban. L’expertise d’Essilor sera donc surtout au développement des verres correcteurs clairs.

    Les graphiques ci-dessous montrent le rôle prépondérant du mix-produit dans la catégorie solaire : l’engouement des consommateurs pour la technologie des verres polarisés implique un premium moyen de 35% par rapport aux verres solaires standards (cf. Fig. 6 à gauche). Le mix est encore plus favorable en ce qui concerne les verres solaires avec prescription, (cf. graphique de droite), avec un rapport de 1 à 2,5-3x entre les verres plano et les verres solaires progressifs.

    Fig. 6: Solaire de prescription : une catégorie encore inexploitée Growth in value: price-mix a driver… … but product mix has the biggest growth potential

    Retail price for a Ray-Ban New Wayfarer model (plano sunglasses, in USD) Retail price for a Ray-Ban New Wayfarer model (in USD)

    130

    180

    140

    190

    Non-polarizedlenses

    Polarized lenses

    June 2014 April 2017

    140

    340

    440

    190

    390

    490

    Plano sunlenses

    Single-vision

    Progressive

    Non-polarized lenses Polarized lenses Source: Ray-Ban.com (US), Bryan, Garnier & Co ests

    Cette prime en faveur de cette catégorie de niche se justifie notamment par la valeur ajoutée et la complexité des verres. Fort de son expertise dans les verres de prescription, Essilor peut superposer jusqu’à 25 couches/traitements additionnels (cf. Fig. 7 ci-dessous) contre 4 couches pour un verre standard. Précisons que le solaire de prescription est l’une des catégories les plus rentables du marché, son développement au sein d’EssilorLuxottica aurait donc un impact relutif sur les marges du nouvel ensemble.

    Fig. 7: Essilor : l’innovation et les multicouches pour croitre en valeur : Basic sunlens (4 layers) Advanced sunlens (6 layers) Ultimate Essilor sunlens (up to 25 layers)

    Source: Company Data

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    1.4.2. Vers une offre montures Luxottica + verres Essilor ? Lancée fin 2016 en Italie et progressivement déployée en Europe, la nouvelle offre « M+V » (montures + verres) de Ray-Ban comprend des verres de prescription portant la signature Ray-Ban (cf . image ci-dessous) et fabriqués par la nouvelle unité de production à Sedico (Italie) alors que jusqu’à présent, la majorité des verres de la marque (plano ou de prescription) étaient produits en externe.

    Ces offres combinées présentent plusieurs avantages pour les opticiens : (i) une prise de commande facilitée puisqu’ils n’ont plus qu’une interface dans laquelle ils rentrent en même temps la correction et les mesures du client (écart pupillaire et hauteur), (ii) des délais de livraison plutôt rapides (6j max), (iii) plus besoin d’avoir de stocks en magasin (= meilleure gestion du BFR) et (iv) les consommateurs sont plus réceptifs aux verres de « marque ».

    La nouvelle alliance augure donc de futures offres combinées avec les marques de verres Essilor, que ce soit en prescription ou même en solaire plano puisqu’Essilor détient quelques acteurs importants (Polycore, Intercast, Polinelli, etc.), avec même un label « Made in Italy » grâce à Intercast. Par exemple, une future offre « Ray-Ban + Varilux » permettrait de tirer deux catégories en même temps : la prescription (= verres clairs) et le solaire de prescription.

    Fig. 8: La nouvelle offre combinée Ray-Ban (montures + verres), et demain des verres Essilor ? :

    Source: Ray-Ban

    Les marques ophtalmiques d’Essilor renforceront également la légitimité de l’offre de prescription de Ray-Ban et d’Oakley, qui ne pèse que respectivement 30% et 25% du CA, alors que cette catégorie représente environ 70% du marché mondial (~30% solaire), voire 75% dans le cas du marché US, repris dans le graphique ci-dessous.

    Fig. 9: Ray-Ban/Oakley : poids des catégories solaire et prescription : US Market Ray-Ban Oakley

    Sun25%

    Precription75%

    Sun70%

    Precription30%

    Sun75%

    Precription25%

    Source: Company Data; VisionWatch, Bryan, Garnier & Co ests

  • Secteur Optique

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    1.4.3. Vers une stratégie multi-réseaux pleine d’opportunités aux US et dans le monde

    D’un coté, Luxottica dispose du plus beau PF de marques premium et luxe de l’industrie et de l’autre, Essilor détient le plus gros ensemble de marques de readers (FGX, Stylemark) et mid-range, souvent avec un ancrage domestique/régional telles que Bolon, Molsion et Prosun Chine et Ossé en Turquie. Précisons qu’Essilor détient également la marque de solaire Costa (US), qui cible une clientèle différente de celle visée par Oakley, plus généraliste et un peu plus âgée.

    Cette complémentarité va donc être mise à profit pour créer une véritable stratégie multi-réseaux, qui a déjà fait ses preuves dans les verres correcteurs chez Essilor. Comme le montre le graphique de droite ci-dessous, EssilorLuxottica couvrir tous les segments de prix, des readers (15-20USD) jusqu’aux marques « Atelier » (>300USD), la plupart des marques étant positionnées dans le segment premium-luxe (100-300USD).

    Les marques d’Essilor seront un atout pour le nouvel ensemble, que ce soit dans les pays émergents mais aussi aux US où le segment value (30USD vs. cœur de gamme à 10-30USD) et il existe aujourd’hui des modèles allant jusqu’à 85USD. Selon nous, FG pourrait profiter de l’expertise des équipes de Ray-Ban et d’Oakley en termes de « brand-building » et à l’international pour renforcer l’image de marque et étendre sa présence en dehors des US, Foster Grant n’étant présent que dans 15 marchés à ce jour.

    Evolution du CA de Foster Grant (2007-15, MUSD) :

    Source: Company Data

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    Avec la poursuite de cette montée en gamme, Foster Grant va être présent dans la plupart des segments de prix occupés par Polaroid, l’une des marques les plus connues du segment « Mass-Cool », comme indiqué dans le graphique Fig. 11. Même si Polaroid n’est pas encore très développée aux US et cible plutôt les indépendants (vs. grandes chaînes pour Foster Grant), nous pensons que Foster Grant pourrait devenir un concurrent sérieux de Polaroid (Safilo) d’ici quelques années.

    Fig. 11: La « premiumisation » de Foster Grant pourrait à terme concurrencer Polaroid (Safilo) :

    0

    50

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    150

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    250

    300

    350

    400

    Foster Grant Price trade up Polaroid Ray-Ban Source: SunglassHut.com, Brand websites; Bryan, Garnier & Co ests.

    Foster Grant aimerait répliquer la success story Ray-Ban Ray-Ban est aujourd’hui la marque de lunettes la plus vendue au monde avec un CA de près de 2,4 MdsEUR à fin 2016. C’est clairement LA « success story » du secteur au cours de la dernière décennie, comme en témoigne le TCAM du CA de 15% entre 2000-16. Lorsque Luxottica a racheté Ray-Ban à Bausch & Lomb en 1999 (640 MUSD), l’image de marque était vraiment détériorée : aucun pricing power, un réseau de distribution exclusivement mass (magasins de proximité, stations-services) et un prix moyen de 19 USD. Le groupe italien a alors relancé Ray-Ban en deux étapes principales :

    (i) Elever la qualité et la distribution : la production de la marque US a été internalisée au sein des usines italiennes qui fabriquaient déjà pour Chanel ou G. Armani, ce qui a eu un effet immédiat sur la qualité des montures. Luxottica n’a pas hésité à couper près de 13 000 points de vente « mass » pour les remplacer par les department stores et les distributeurs spécialisés comme Sunglass Hut. Ainsi, le ticket moyen a progressé en moyenne de près de 60% entre 2000-2010. La marque inaugure même des flagship stores comme à NY (465m²) et en Chine (~70 magasins), ce qui renforce le positionnement et la notoriété de Ray-Ban ;

    (ii) Mondialiser la marque et étendre l’offre : Ray-Ban sert de porte-étendard à Luxottica lorsqu’il pénètre un nouveau marché, expliquant le fait qu’elle soit la marque la plus présente à l’international chez l’italien. Elle s’est aussi développée dans la prescription (30% du CA vs. 0% en 2000) et dans la personnalisation, Ray-Ban Remix pesant aujourd’hui 40% des ventes internet de la marque.

    Comme évoqué précédemment, Foster Grant mène une stratégie un peu similaire : elle vient d’investir le segment de prix supérieur (>30USD), appuyée par l’innovation et de nouveaux circuits de distribution (notamment les indépendants). A terme, FG pourrait aussi réfléchir à rapatrier la production des montures (au sein des usines chinoises de Luxottica ?). Selon nous, Ray-Ban devrait surtout aider FG au niveau du « brand-building » et de l’internationalisation.

    Evolution du CA de Ray-Ban (2000-16, MEUR) :

    Source: Company Data, Bryan, Garnier & Co ests

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    1.5. Exemple n°3 : lancement d’une véritable stratégie omnicanal

    Même si le circuit online ne représente que ~4% du marché optique US (vs. ~30% pour les achats de textile/accessoires), celui-ci croît en moyenne de plus de 10%/an et est déjà significatif pour les lentilles de contact (pdm : ~20%) et solaires (~10-15%).

    Dans de nombreux secteurs, se multiplient les exemples de stratégie omnicanal (Apple, Inditex, adidas, etc.) et celle-ci serait une réponse parfaitement adaptée au secteur Optique car beaucoup de consommateurs sont justement réfractaires à l’achat de verres correcteurs sur internet. Le développement rapide d’acteurs omnicanaux tels que Warby Parker aux US, Mister Spex et Brillen.de en Europe, illustrent cette difficulté d’être un pure player online.

    Le tableau ci-dessous montre que la complémentarité d’Essilor et de Luxottica est idéale pour mettre en place cette stratégie omnicanal :

    • Essilor est leader de la distribution online : il réalise des ventes de plus de 145 MEUR en Amérique du Nord à travers trois plateformes principales. Selon nous, le français pourra apporter son expertise en matière de ventes de produits optiques sur internet (supply chain, big data, segmentation de l’offre, etc.) car la présence online de Luxottica se cantonne surtout au solaire (RayBan.com, Oakley.com et SunglassHut.com) ;

    • Luxottica domine la distribution physique : le groupe compte plus de 2 400 magasins d’optique en Amérique du Nord (= hors Sunglass Hut) qui pourront devenir autant de points de contacts supplémentaires pour atteindre les consommateurs US. La mise en place d’une passerelle entre les sites internet d’Essilor et ces magasins serait une solution idéale puisque ces clients bénéficieraient d’une intervention « humaine » en bout de chaîne pour vérifier le bon montage des lunettes et la conformité des verres avec la prescription.

    Fig. 12: EssilorLuxottica : l’occasion de mettre en place une stratégie omnicanal : Essilor’s online platforms: Luxottica’s optical retailing (RONA):

    2016e sales (EURm): >145 (North America only) >2,400 Price positioning: From value to premium From mid-range to luxury Brick-and-mortar presence: - (no physical stores) +++ (>2,400 optical stores) Online presence: +++ - (in the prescription lens category)

    Source: Essilor, Luxottica

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    1.5.1. L’approche omnicanal profite des innovations technologiques Grâce à une sophistication toujours plus poussée des appareils-photo embarqués sur les smartphones, certains acteurs mettent au point des systèmes de correction oculaire à partir d’applications fonctionnant avec des smartphones classiques. Cette émergence est en plus favorisée par la pénurie d’ophtalmologistes et les délais d’attentes plutôt longs même pour un simple examen de la réfraction (= mesure l’importance du défaut optique de l’œil).

    C’est le cas de la start-up américaine Eyenetra qui développe une gamme d’appareils portables fonctionnant sur smartphones. Ces appareils testent la quasi-totalité des troubles visuels (myopie, presbytie, etc.) avec la même précision que les autoréfractomètres utilisés par les ophtalmologistes mais à un prix nettement plus abordable (~1 100-2 300USD vs. ~45 000USD pour les autoréfractomètres les plus avancés). Grâce à cet outil portable, les ophtalmologistes/optométristes peuvent se déplacer à domicile ou dans les entreprises pour pratiquer ces examens réfractaires

    Cet exemple d’avancée technologique, sans parler des miroirs 3D (ou virtuels), encouragent de plus en plus les consommateurs à commander en ligne leurs lunettes tout en bénéficiant des conseils d’un optométriste qui travaille soit pour le compte de LensCrafters, Pearle Vision, etc., soit un indépendant référencé par l’une des coopératives détenues par Essilor (Vision Source, PERC/IVA, etc.). Lors de l’étape final du processus d’achat, le client peut même choisir d’aller chercher sa paire de lunettes en magasin pour une vérification « physique » de la part d’un vendeur.

    D’où la nécessité de mettre en place une stratégie omnicanal combinant les plateformes internet (offre quasi-illimitée et disponible 24H/24, praticité, etc.) et un réseau de magasins d’optique (qualité de conseil, vérification des mesures et de la qualité finale de la monture, proximité).

    Fig. 13: Un exemple de futur circuit omnicanal/digital dans l’optique :

    Source: Eyenetra, Bryan, Garnier & Co

    Appareil d’automesure de la vue et de la distance interpupillaire Netra :

    Source: EyeNetra

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    1.5.2. D’autres chaînes d’optique s’y mettent progressivement En août dernier, GrandVision a annoncé que son enseigne allemande Apollo Optik avait lancé sa plateforme omnicanal afin de faciliter le parcours d’achat de ses clients (prises de rdv sur le site internet, profil en ligne, etc.), surtout que le leader allemand Fielmann ne croît pas à l’avenir de la vente online pour ce qui concerne les lunettes. Le management précisait que les premiers résultats étaient prometteurs, avec une hausse de trafic en magasins et de nouveaux consommateurs captés grâce à cette plateforme.

    En octobre dernier, Alain Afflelou a racheté deux sites internet (Happyview.fr et Malentille.com) afin d’accélérer sa présence dans le digital qui représente à peine 1% du CA du distributeur actuellement. Avec cette opération, il acquière un savoir-faire (le fondateur d’Happyview, Marc Adamowicz prend la tête de la Stratégie Digitale chez AF) et des plateformes pour mettre en place sa stratégie omnicanal :

    (i) Ouverture de magasins physiques : à l’instar des principaux pure players internet (Warby Parker, Brillen.de, Mister Spex, Sensee, etc.), Happyview a ouvert son premier magasin à Paris en novembre 2016 utilisant de nombreux outils digitaux tels que l’essayage de montures en réalité augmentée (cf. photo de gauche ci-dessous) ;

    (ii) Bornes de commandes dans les pharmacies : plus original, Happview prévoit d’installer des bornes de commande interactives chez les pharmaciens. Le client, qui pourra commander seul sa paire de lunettes : 1/ il aura le choix parmi la cinquantaine de montures exposées dans le corner (verres unifocaux ou progressifs), 2/ la borne scanne ensuite l’ordonnance du client et prend ses mesures. Selon Happyview, les frais de location et d’entretien s’élèvent à 340EUR/mois et il suffit de réaliser deux ventes par semaine pour atteindre le seuil de rentabilité. Le site prévoit de déployer jusqu’à 200 bornes sur la période 2017-18.

    Fig. 14: Happyview met en place sa stratégie « physitale » : First physical store of Happyview.fr Happyview’s optical corner in pharmacies

    Source: Happyview

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    1.6. Nos prévisions de synergies chez EssilorLuxottica

    Nous prévoyons un montant total de synergies de 508 MEUR d’ici 2021, soit dans le milieu de fourchette de l’objectif annoncé par Essilor (~400-600 MEUR), détaillé dans le graphique ci-dessous.

    Fig. 15: Les objectifs de synergies par catégorie :

    Source: Company Data

    L’objectif de synergies de coûts (220-300 MEUR) semble plutôt conservateur…

    Comme évoqué précédemment, malgré l’absence de fusion effective entre Essilor et Luxottica, nous pensons que le groupe dépassera sans trop de difficultés l’objectif de synergies de coûts puisque le haut de fourchette (soit 300 MEUR) ne représente que 2% de la structure de coûts combinée.

    Selon nous, les économies liées aux achats de verres de la part de Luxottica (est. BG : ~150 MEUR en 2021) et l’optimisation du réseau de labs aux US (~50 MEUR) seront les principales sources de synergies. Cette dernière initiative, permettra à Essilor de concentrer ses volumes sur un nombre de labs plus restreint tandis que la fermeture des labs en magasin aura un impact positif sur les postes loyers et salaires chez Luxottica.

    Fig. 16: Nos estimations de synergies de coûts (impacts nets des coûts d’intégration sur EBIT 2018-21e) :

    EURm 2018e 2019e 2020e 2021e

    Lens Insourcing 38 75 113 150

    Supply chain optimisation and Rx lab streamlining 11 23 47 52

    Sourcing & purchasing gains 16 20 35 53

    G&A synergies 17 20 21 22

    Total cost synergies 82 138 216 277

    Source: Bryan, Garnier & Co ests.

    … Mais le potentiel de synergies de CA (200-300 MEUR) est plus compliqué à estimer

    Une partie de ces synergies dépendront de la bonne exécution des chantiers communs (ex : Ray-Ban + verres Varilux, stratégie omnicanal, etc.) présentés plus haut, mais surtout, de la capacité du nouvel ensemble à convaincre ses clients que ce rapprochement leur procure plusieurs avantages :

    (i) Une réduction des délais de livraison : la gestion partagée des stocks verres + montures, l’assemblage de la monture complète et le phénomène de centralisation des labs vont réduire

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    les délais de livraison et simplifier la relation clientèle puisqu’il n’y aura plus qu’un seul interlocuteur ;

    (ii) Un vaste choix de marques : la cross-selling et la complémentarité des canaux de distribution permettront aux clients d’avoir plus de choix. Par exemple, les « alliances groups » détenus par Essilor, peu couverts par Luxottica, auront plus facilement accès aux marques de solaires et de montures de l’italien ;

    (iii) Des offres commerciales plus attractives : cet argument est clé pour prouver aux clients (et aux autorités antitrust) qu’EssilorLuxottica ne ferme pas le marché optique, bien au contraire. Nous pensons qu’une partie des gains d’efficacité et de productivité liés à l’optimisation de la supply chain pourraient être réinvestis dans des « packages » attractifs (ex : monture Vogue + verres Kodak ou Shamir ; monture Ray-Ban + verres Varilux) pour les clients et les consommateurs.

    Puisque ces synergies de CA sont par nature plus difficiles à estimer, nous nous plaçons volontairement dans le bas de la fourchette (~231 MEUR vs. objectif de 200-300 MEUR). Malgré notre relative prudence, nous pensons que le potentiel le plus intéressant réside naturellement dans la complémentarité optique + solaires (offres combinées entre marques Essilor et Luxottica, mutualisation des stocks, etc.) ainsi que dans la diversité des canaux de distribution (chaînes d’optique, coopératives d’optométristes, e-commerce, etc.).

    Fig. 17: Nos estimations de synergies de CA (impacts nets des coûts d’intégration sur EBIT 2018-21e) :

    EURm 2018e 2019e 2020e 2021e

    Pooling of lens & frames inventory management 14 24 35 50

    Cross-selling opportunities in the US market 13 22 32 44

    Sun/Rx mix improvement at Ray-Ban & Oakley 8 23 37 54

    Global roll-out of Essilor’s sunglass brands 3 12 21 32

    Emerging Markets (Asia for LUX / LatAm for EI) 6 14 25 37

    Online penetration + omnichannel opportunities 5 7 11 14

    Total cost synergies 49 102 161 231

    Source: Bryan, Garnier & Co ests.

    Mise-à-jour de notre P&L suite à la parution du Document E

    Dans le CA combiné, nous retraitons les ventes intra-groupes (350 MEUR en 2016) et y ajoutons le CA additionnel provenant des synergies de revenus.

    A l’instar de la pratique comptable utilisée par Luxottica, les frais R&D d’Essilor (214 MEUR en 2016) seront désormais comptabilisés dans les COGS (vs frais opérationnels précédemment). Nous incluons les amortissements supplémentaires de 580 MEUR liés à la réévaluation des immobilisations incorporelles d’Essilor. Compte tenu de son impact significatif, nous avons calculé un RN retraité de cette charge « exceptionnelle » sur la période 2018-21. Enfin, nous avons rajouté nos estimations de synergies présentées dans les tableaux Fig. 16 et Fig. 17.

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    Fig. 18: P&L EssilorLuxottica après prise en compte des synergies (2018-21e) : EURm 2018e 2019e 2020e 2021e

    Combined revenue after restatements & synergies 18 374 19 723 21 236 22 612 % change 7,6 7,3 7,7 6,5

    Total EBITDA 4 241 4 684 5 024 5 461 % of sales 23,1 23,7 23,7 24,2

    Total EBIT before synergies 2 553 2 861 3 192 3 481 % of sales 14,1 14,9 15,7 16,2

    Revenue synergies 49 102 161 231

    Cost synergies 82 138 216 277

    Total EBIT post synergies 2 683 3 101 3 568 3 989 % of sales 14,6 15,7 16,8 17,6

    Financial result -95 -75 -48 -28

    Profit before tax 2 588 3 026 3 520 3 960

    IS -777 -908 -1 056 -1 188

    Tax rate (%) 30,0 30,0 30,0 30,0

    Minorities -81 -87 -92 -96

    Net profit 1 731 2 031 2 372 2 676

    Adjusted net profit * 2 137 2 412 2 729 3 007

    * Adjusted for the EUR580m amortisation charge from the FV adjustment made to Essilor’s intangible assets (7th April)

    Source: Bryan, Garnier & Co ests.

    1.7. Facteurs de risque autour de l’opération 1.7.1. Risque d’intégration A l’annonce du rapprochement le 16 janvier, nous redoutions surtout le risque d’intégration car nous pensions initialement que les deux groupes fusionneraient dès la finalisation de l’opération. Cette hypothèse suscitait deux principales questions : 1/ quid de la gouvernance sachant cette question cruciale avait provoqué l’échec de la fusion Publicis-Omnicom et avait compliqué les négociations entre Lafarge-Holcim, ainsi que celles entre Essilor et Luxottica lors des tentatives passées ; 2/ comment faire coexister deux cultures d’entreprise très fortes et distinctes ?

    Gouvernance : les rôles semblent clairement répartis

    Comme évoqué plus haut dans la partie 1.1.1, l’organisation du nouvel ensemble (cf. schéma ci-contre) nous paraît de nature à réduire les risques liés à la gouvernance (ex : désaccords sur la répartition des postes managériaux) :

    • EssilorLuxottica : sera codirigée par Leonardo Del Vecchio et Hubert Sagnières avec l’appui d’un CA composé 16 membres (8 personnes Essilor, 8 personnes Luxottica). La holding accueillera également un Comité d’Intégration chargé d’exécuter le plan de synergies, le processus d’intégration et de définir les objectifs des deux groupes :

    • Essilor et Luxottica : resteront deux groupes avec leur organisation et management distincts. Selon nous, Laurent Vacherot (Essilor) et Massimo Vian (Luxottica) seront responsables de la gestion opérationnelle.

    EssilorLuxottica détiendra Essilor et Luxottica :

    Source: Company Data

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    Y-a-t-il un risque lié à M. Del Vecchio ?

    Outre le fait que ce rapprochement règle en grande partie ses problèmes de succession, M. Del Vecchio (82 ans le 22 mai prochain) deviendra le principal actionnaire d’EssilorLuxottica avec une participation comprise entre 31 et 38% du capital. Cette situation a suscité les craintes de certains investisseurs qui avaient en mémoire le rôle joué par le fondateur dans les trois départs de CEO entre septembre 2014 et février 2016. Nous pensons que ce « risque de nuisance » est exagéré :

    (i) Equilibre des pouvoirs chez EssilorLuxottica : même si Leonardo Del Vecchio sera le futur P-DG d’EssilorLuxottica, Hubert Sagnières, qui sera Vice-P-DG Délégué, disposera des mêmes pouvoirs. Cette direction bicéphale sera complétée par un CA équitablement réparti entre les membres d’Essilor et de Luxottica ;

    (ii) Les droits de vote de Mr Del Vecchio sont statutairement limités à 31% quelle que soit sa participation finale (de 31% à 38% du capital) et ne peut donc pas constituer une minorité de blocage au sein d’EssilorLuxottica ;

    (iii) Un seul mandat ? Dans plusieurs interviews Mr Del Vecchio a confirmé qu’à l’issue de son mandat de trois ans, le renouvellement de celui-ci sera soumis à la décision des actionnaires ;

    (iv) M. Del Vecchio n’aura pas la main sur la gestion opérationnelle : celle-ci sera surtout entre les mains de Laurent Vacherot et de Massimo Vian et n’oublions pas que le siège d’EssilorLuxottica sera à Paris, il se peut que M. Del Vecchio soit donc moins présent qu’à Milan où siège Luxottica.

    Comment faire coexister deux cultures d’entreprise fortes ?

    Les deux managements insistent évidemment sur « leur passion commune du produit », leur volonté conjointe d’améliorer la vision dans le monde et les points communs de leur stratégie de croissance (intégration verticale, M&A, etc.). Ces nombreuses similitudes ne doivent pas occulter le très fort affectio societatis au sein de chaque société, caractérisé par l’actionnariat salarié chez Essilor (~8,4% du capital) et par une forte identification (et admiration) des salariés de Luxottica vis-à-vis de Leonardo Del Vecchio, fondateur de Luxottica.

    Schématiquement et de manière simplifiée, les valeurs d’Essilor reposent encore en grande partie sur son héritage « Medtech », qui s’explique par sa mission (« améliorer la vue ») qui implique un aspect médical (protéger, corriger et prévenir des troubles visuels). D’ailleurs, Hubert Sagnières a souvent répété que « la vision n’était pas la mode ». En revanche chez Luxottica, qui s’est construit autour de la fabrication des montures et la gestion des marques, cet aspect médical est moins présent alors qu’il y a une plus grande place laissée au design (montures) et au marketing qui sont indispensables puisque les lunettes sont devenues un vrai accessoire de mode.

    Ce sont justement ces complémentarités qui ont motivé le rapprochement, mais le Comité d’Intégration chez EssilorLuxottica et les équipes managériales des deux groupes devront donc éviter ce « choc des cultures » et s’assurer que les équipes des deux groupes partagent des valeurs et des objectifs communs.

    Actionnariat d’Essilor-Luxottica (%) : *

    * en cas d’acceptation à 100% de l’offre de rachat des minoritaires

    Source: Company Data

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    1.7.2. Risque sur les synergies Le milieu de fourchette valorisé à environ 5,1 MdsEUR

    Pour calculer la VAN, nous avons évidemment repris nos prévisions de synergies présentées dans les tableaux Fig. 16 et Fig. 17. Rappelons que nous prévoyons un montant total de synergies de 508 MEUR à horizon 2021, soit le milieu de fourchette de l’objectif annoncé par Essilor (~400- 600 MEUR). Nos hypothèses de calcul, reprises dans le tableau ci-dessous sont les suivantes : un WACC de 6,5% (vs. 6,3% pour Essilor et 6,9% pour Luxottica), une croissance à l’infini de 1% et un taux d’impôt de 30%. Nous parvenons alors à une VAN de plus de 5,1 MdsEUR.

    Il est possible qu’EssilorLuxottica n’arrive pas à réaliser les synergies de revenus du fait d’une intégration plus lente/compliquée, de difficultés à exécuter les chantiers communs, de la réaction négative de clients importants, etc. Dans l’hypothèse, peu probable selon nous, où il n’y aurait aucune synergie de CA, la VAN ne serait plus que de 2,6 MdsEUR.

    Fig. 19: VAN estimée à près de 5,1 MdsEUR :

    EURm Revenue

    Synergies Cost

    Synergies Total Synergies Post-tax (30%) PV

    2018e 49 82 130 91 80

    2019e 102 138 240 168 139

    2020e 161 216 377 264 205 2021e 231 277 508 355 259

    WACC 6.5%

    LT growth 1.0%

    NPV 5,157

    Source: Bryan, Garnier & Co ests.

    1.7.3. Y-a-t-il un risque sur les minoritaires de Luxottica ? Lors de l’AGM du 11 mai, les actionnaires d’Essilor ont apporté un soutien massif à toutes les résolutions relatives au projet de rapprochement avec Luxottica. Comme l’indique l’échéancier ci-dessous, le vote de ces résolutions va maintenant permettre au groupe d’émettre les nouvelles actions destinées à rémunérer l’apport de DELFIN, mais aussi des minoritaires du groupe italien dans le cadre de l’offre publique d’échange obligatoire qui sera initiée au cours des prochaines semaines. Outre DELFIN, nous pensons que M. Giorgio Armani apportera sa participation dans Luxottica (~4,7%).

    Fig. 20: Etapes clés de l’opération :

    Source: Company Data; Bryan, Garnier & Co ests.

  • Secteur Optique

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    Il existe naturellement un risque qu’Essilor n’obtienne pas l’intégralité des actions détenues par les minoritaires, certains décidant de patienter pour jouer un éventuel relèvement de l’offre de la part d’Essilor (complément en cash ?).

    Au vu du graphique ci-dessous, le marché et les arbitrages ne semblent pas vouloir jouer ce scénario puisque depuis l’annonce de l’opération (16 janvier), le ratio action Luxottica/action Essilor reste très proche de la parité d’échange fixée le 16 janvier dernier (0,461 action Luxottica pour 1 action Essilor).

    Rappelons qu’en Italie, dans certains cas la clause de « sell-out » est activable par les minoritaires à partir du seuil de 90%, tandis que le retrait obligatoire (« squeeze out ») est possible à partir du moment où Essilor aura récupéré 95% des droits de vote.

    Fig. 21: Evolutions des titres EI et LUX par rapport à la parité d’échange :

    0,44

    0,46

    0,48

    0,50

    2-Jan-2017 2-Feb-2017 2-Mar-2017 2-Apr-2017 2-May-2017

    LUX share price / EI share price (x) Exchange ratio (0.461 EI share for 1 LUX share)

    16-Jan: Essilor-Luxotticadeal announcement

    Source: Datastream; Bryan, Garnier & Co ests.

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    2. LVMH-Marcolin : nouveau coup de tonnerre chez Safilo

    Deux semaines après EssilorLuxottica, la deuxième annonce majeure du secteur est venue de Marcolin qui a officialisé son partenariat avec LVMH qui prend la forme d’une participation de 10% dans Marcolin et la création d’une JV pour gérer l’activité de lunetterie des marques de LVMH. Ce dernier détiendra 51% de cette JV qui débutera en 2018 avec Céline et surtout Louis Vuitton, puis aura vocation à progressivement accueillir les autres marques du groupe de luxe.

    Après Kering (septembre 2014) qui avait décidé d’internaliser la distribution de lunetterie de ses marques, cette décision stratégique prise par LVMH a ravivé les craintes à l’égard des activités de licences, au-delà même de la lunetterie puisque des acteurs tels qu’Interparfums (parfums) ou YNAP (e-commerce), qui sont aussi exposés au métier des licences, ont fait l’objet d’inquiétudes ponctuelles de la part des investisseurs.

    2.1. Quelles sont les licences concernées ? Safilo est évidemment en première ligne et le principal acteur impacté par cette annonce puisque le N°2 mondial était le partenaire privilégié de LVMH avec cinq accords de licences (cf. tableau ci-dessous) pour un CA d’environ 340 MEUR. En revanche, le scénario d’un arrêt brutal du partenariat entre LVMH et Safilo semble écarté, comme l’a récemment confirmé la CEO de Safilo dans quelques interviews. C’est une relative bonne nouvelle pour Safilo car rappelons que Kering avait avancé l’expiration de ses accords de licences contre une compensation de 90 MEUR.

    Fig. 22: Echéances des principales licences LVMH chez Safilo :

    Brand 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025

    Céline

    Dior

    Fendi

    Givenchy

    Marc Jacobs

    Source: Company Data

    Comme le montre le tableau suivant, Luxottica se charge du design, de la production et de la distribution de Bulgari, mais celle-ci représente moins de 1% du CA total. L’impact sera d’autant plus limité que les chaînes de Luxottica (LensCrafters, Sunglass Hut en tête) continueront certainement à vendre les collections Bulgari dans leurs magasins, permettant à l’italien de garder au moins la marge de distribution. Le fait de détenir des chaînes est, encore une fois, un avantage indéniable !

    Fig. 23: Echéance de Bulgari chez Luxottica : Brand 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025

    Bulgari

    Source: Company Data

  • Secteur Optique

    22

    2.2. Quelques différences avec Kering Eyewear La création de la JV cogérée par LVMH et Marcolin s’inscrit dans la même logique que la décision de Kering d’internaliser cette activité de lunetterie (septembre 2014). Selon nous, il existe toutefois trois principales différences dans leurs approches :

    • Différence n°1 : Kering a créé une division spécifique (Kering Eyewear) au sein du groupe pour gérer la lunetterie des douze marques (sur 22) qui sont présentes dans l’optique. A contrario, LVMH gérera cette activité à partir de la JV, ce qui impliquerait une pression sur les marges moins importante (opex et capex supplémentaires) ;

    • Différence n°2 : en janvier 2015, Kering et Safilo avaient signé un accord entérinant un arrêt anticipé des licences en contrepartie du versement de 90 MEUR d’indemnités. Dans le communiqué de Marcolin, nous comprenons que l’internalisation chez LVMH sera progressive, à mesure que les licences expireront chez Safilo et Luxottica. La CEO de Safilo a aussi évoqué ce scénario dans différentes interviews.

    • Différence n°3 : comme l’indique le tableau ci-dessous, Kering ne détient aucune usine pour la fabrication de montures et continue de sous-traiter la production à Safilo (licence Gucci au moins jusqu’en décembre 2020) et à d’autres tiers situés en Italie et au Japon. En revanche, les marques de LVMH profiteront certainement des capacités de production de Marcolin, lui permettant d’internaliser cette étape ;

    Toutefois, cette différence pourrait bientôt s’effacer grâce à l’accord signé entre Maisons Cartier et Kering Eyewear au mois de mars. Cartier, qui était la seule marque de luxe à produire ses propres lunettes, va apporter sa manufacture (située à Sucy-en-Brie, près de Paris) et en échange, Richemont va prendre 30% du capital de Kering Eyewear. Selon nous, cette manufacture pourrait lui permettre d’internaliser la production de certaines marques de luxe du portefeuille, notamment Gucci après 2020

    Fig. 24: La chaîne de valeur de l’activité lunetterie :

    Brand Design Production Distribution

    Kering Eyewear Currently outsourced but gradual

    insourcing in the MT?

    LVMH-Marcolin

    = internalised process

    Source: Bryan, Garnier & Co

    http://www2.bryangarnier.com/images/updates/MorningMail/20170322_Kering%20Eyewear_Maison%20Cartier.pdf

  • Secteur Optique

    23

    2.3. L’internalisation de la lunetterie : le sens de l’histoire pour les grands groupes

    Depuis plusieurs années, les marques de luxe mènent une intégration verticale dans les deux sens afin d’accroître leur légitimité aux yeux des consommateurs : en amont elles ont cherché à sécuriser les approvisionnements et leur savoir-faire en matière de production et en aval, les marques renforcent le contrôle de leur distribution en ouvrant des magasins en propre et en s’émancipant de plus en plus des grands magasins et autres points multimarques.

    L’intégration de l’activité lunetterie obéit à cette intégration verticale amont compte tenu de son importance grandissante pour beaucoup de marques de luxe, comme nous l’évoquions dans notre sectorielle de juin 2015. Cette stratégie permet aux marques de parfaitement aligner le design, les collections et les calendriers de toutes les catégories (prêt-à-porter, maroquinerie, lunetterie, etc.).

    La principale difficulté reste la mise en place du réseau de distribution

    Nous avons toujours considéré que la principale barrière à l’entrée de cette industrie optique était la maitrise du réseau de distribution ainsi que sa supply chain. Cette complexité s’explique par l’extrême capillarité du réseau puisqu’il faut adresser les dizaines de milliers d’opticiens indépendants ainsi que les grandes chaînes (optique, solaire, généralistes). Comme l’indique le graphique ci-dessous, il faut au moins couvrir 50 000 points de vente en wholesale pour faire partie de TOP 4 mondial et il existe naturellement une corrélation entre l’étendue du réseau de distribution et le volume de CA généré.

    Fig. 25: Réseau wholesale des quatre principaux producteurs de lunettes :

    Luxottica

    Safilo

    MarcolinDe Rigo

    R² = 0,9828

    40 000

    60 000

    80 000

    100 000

    120 000

    140 000

    160 000

    0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000

    Num

    ber o

    f doo

    rs

    Wholesale sales (2015, EURm) Source: Company Data; Bryan, Garnier & Co ests

    Or, un groupe de luxe qui décide d’internaliser la lunetterie, est obligé de construire ce réseau de distribution qui n’a que peu de synergies avec son core business (uniquement ~10% du CA lunetterie est réalisé dans les magasins en propre de la marque), ce qui nécessite des investissements longs et coûteux. Dans une interview publiée en début d’année, l’ancien CEO de Safilo et actuel patron de Kering Eyewear (Roberto Vedovotto) confirmait que la mise en place de ce réseau avait été l’une de ses priorités depuis la fondation de Kering Eyewear en septembre 2014 et nous pensons d’ailleurs qu’à l’heure actuelle, son réseau reste encore en deçà de celui de Safilo, ce qui s’explique en partie par un positionnement un peu plus exclusif que précédemment.

    http://www2.bryangarnier.com/images/updates/pdf/20150624_Optical_Eyewear_Sector_Report_June_2015x.pdf

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    2.3.1. Seuls LVMH et Kering ont la taille critique pour rentabiliser cette internalisation…

    Le fait d’internaliser le design, la production (le cas échéant) et la distribution impliquent, nous l’avons vu, des investissements significatifs comme en témoignent les pertes opérationnelles de Kering Eyewear en 2016 (61,5 MEUR), surtout liées à des coûts de démarrage. Afin d’espérer un ROI attractif et de pouvoir amortir les coûts opérationnels assez rapidement, il est indispensable d’avoir un volume d’affaires suffisamment important.

    Selon nous, seuls Kering et LVMH disposent de cette taille critique indispensable grâce à leur large portefeuille de marques. Ainsi, Kering Eyewear regroupe déjà 12 marques du groupe (dont Gucci à partir du 1er janvier 2017) et va élargir son portefeuille avec l’arrivée de Cartier (est. CA : ~150 MEUR) en fin d’année. LVMH compte au moins sept marques présentes dans l’activité lunetterie, dont LV qui n’était pas sous licence. Lors de ses résultats annuels, Kering a dévoilé que Kering Eyewear générait un CA de 340 MEUR tandis que nous estimons que les sept marques de LVMH réalisent un CA compris entre 400-500 MEUR.

    2.3.2. … C’est plus difficile pour les groupes monomarques Selon nous, la décision de Cartier de s’allier avec Kering Eyewear témoigne des difficultés de leverager les coûts de production et de distribution lorsqu’une marque est seule et ne dispose pas la taille critique. En outre, cet accord est clairement une opportunité pour Kering Eyewear qui complète son portefeuille avec une marque prestigieuse et amortira plus facilement sa base de coûts.

    Les autres grandes licences du secteur (CA ≥ 200 MEUR) sont chez Luxottica, à savoir Prada (-> 2025), Giorgio Armani (-> 2022) et Dolce & Gabbana (-> 2025). Compte tenu de la taille de ces groupes et l’absence de portefeuille de marques aussi étoffé que chez les deux acteurs français (= leverage des coûts plus difficile), nous pensons que l’internalisation ne les concernera pas à CT. Rappelons que Prada avait essayé de contrôler cette activité en créant une JV avec De Rigo en 1999, mais ce fût en échec et la JV fût revendue à Luxottica en 2003. Enfin, précisons que Prada et Dolce & Gabbana ont renouvelé leur accord de licence en 2015.

    Fig. 26: Principales marques (propres ou licences) de solaire en volume : Volumes (in millions of pairs)

    Ray-Ban (H, Luxottica) >25

    Foster Grant (H, Essilor) >12 Oakley (H, Luxottica) ~10 Maui Jim (H, independent) ~4 Bolon (H, Essilor), Armani (L, Luxottica) >2.5

    Chili Beans (H, independent) ~2.5 Polaroid (H, Safilo), Gucci (H, Kering Eyewear), Carrera (H, Safilo), Dolce & Gabbana (L, Luxottica), Prada (L, Luxottica), Police (H, De Rigo), Dior (L, Safilo), Costa (H, Essilor), Molsion (H, Essilor)

    1 to 2

    H = House brand – L = licensing agreement

    Source: Essilor; Bryan, Garnier & Co ests

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    2.4. Quel avenir pour Safilo ? Safilo doit faire face à l’opération de fusion Essilor-Luxottica, qui lance la course à la taille critique et entraînera la perte près de 27% de son CA à terme (licences LVMH). Ces deux annonces successives ont naturellement ravivé les rumeurs d’opérations autour de Safilo.

    LVMH a-t-il approché Safilo avant de s’allier avec Marcolin ?

    Cette question mérite d’être posée puisqu’il aurait été plus facile pour LVMH de s’allier avec Safilo qui produit et distribue cinq de ses licences de lunetterie et que les deux groupes collaborent ensemble depuis plus de 20 ans. Toutefois, nous pensons qu’il y a pu avoir au moins deux écueils à une telle alliance : (i) Safilo n’aurait pas été d’accord sur la structure du l’opération (= création d’une JV détenue majoritairement par LVMH) et (ii) le N°2 mondial et/ou son actionnaire de référence HAL qui détient 42% se seraient opposés à l’entrée de LVMH dans le capital ; la CEO de l’italien a d’ailleurs plusieurs fois insisté sur sa volonté de rester un acteur indépendant.

    2.4.1. Alliance avec un autre producteur ? Mis-à-part Luxottica, la plupart des concurrents de Safilo sont détenus par des familles ou des groupes non cotés. Ainsi, comme dans le secteur du luxe, pour toute opération de M&A il s’agit d’abord de savoir si ces actionnaires seraient vendeurs avant de s’intéresser à des acheteurs potentiels. En outre, les récentes déclarations de Luisa Delgado n’incitent pas à de tels rapprochements avec Safilo mais il est quand même intéressant de les présenter car certains acteurs pourraient toutefois être obligés de grossir pour mieux résister au futur mastodonte EssilorLuxottica :

    (i) De Rigo : le groupe, qui reste détenu par la famille De Rigo, serait un partenaire idéal car il détient une importante marque propre à succès (Police, >30% du CA). De plus, De Rigo est un « mini-Luxottica » puisqu’il a détient aussi une activité Retail (~46% du CA) composée de la chaîne d’optique n°1 en Espagne (General Optica qui collabore avec Essilor), le N°2 de la distribution en Turquie (Opmar Optik) et une importante chaine portugaise (Mais Optica). Précisons aussi que De Rigo possède 42% de Boots Optical, la 2ème plus grosse chaine d’optique du UK. Les limites de ce rapprochement : 1/ la famille De Rigo ne semble pas vouloir céder le contrôle de son entreprise et 2/ nous doutons que HAL soit d’accord pour que Safilo s’allie avec un acteur détenant des chaînes concurrentes des siennes.

    (ii) Marcolin : le manufacturier italien détient le troisième plus gros PF de l’industrie, avec des marques attractives telles que Tom Ford, Moncler, Tod’, Montblanc, etc. Toutefois, ce rapprochement ne permettrait pas à Safilo de réduire son exposition aux licences puisque la majorité du CA de Marcolin est issue de cette activité. Selon nous le fonds PAI Partners qui a racheté 78% de Marcolin en 2012 (207 MEUR), pourrait préparer sa sortie à MT, aidée par le partenariat qui vient d’être signé avec LVMH, ce dernier prenant 10% du capital de l’italien. Cette opération limiterait les chances de rapprochement avec un autre acteur.

    (iii) Marchon Eyewear : ce fabricant a été racheté par le leader US de l’assurance en santé visuelle VSP (concurrent d’EyeMed chez Luxottica) en 2008 pour 735 MUSD. Selon nos estimations, il réaliserait un CA de près de 700 MEUR. Un rapprochement comporterait plusieurs avantages pour Safilo : 1/ un faible overlap en Europe et l’italien profiterait de la structure US de VPS/Marchon pour se développer significativement aux US, 2/ il aurait accès à un vaste PF de marques du segment « Affordable » / « Mass » (Lacoste, Calvin Klein, Nike, etc.) dans lequel Safilo renforce sa présence. Mais nous ne pensons pas que VSP soit intéressé par la vente de cet actif, qui semble de toute façon hors de portée (financière) de Safilo.

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    26

    2.4.2. Une fusion avec GrandVision est-elle envisageable ? GrandVision et Safilo partagent le même actionnaire de référence puisqu’ils sont détenus à hauteur de respectivement environ 77% et 42% par le fonds d’investissement néerlandais HAL, côté sous le nom HAL Trust à Amsterdam.

    Fig. 27: Participation de HAL dans GrandVision et Safilo : GrandVision Safilo

    HAL77%

    GV Management

    0%

    Treasury shares

    1%

    Free Float22%

    HAL42%

    Only 3T9%

    BDL Capital Management

    7%

    Free Float42%

    Source: Company Data; Bryan, Garnier & Co ests

    Son horizon d’investissement très long puisqu’il a commencé à investir dans les chaînes d’optique en 1996. Le groupe GrandVision est né en 2011 de la fusion des deux principales chaînes détenues par HAL : Pearle Europe et Grand Vision. HAL a finalement mis un peu plus de 20% du capital de GrandVision en Bourse en février 2015, à un prix d’introduction de 20EUR.

    Sa participation dans Safilo s’est constituée en deux étapes :

    (i) Entrée dans le capital à hauteur de 37,2% finalisée en mars 2010, représentant un investissement total de près de 222 MEUR ;

    (ii) Participation portée à 42,2% en avril 2012 grâce à une augmentation de capital réservée (44,3 MEUR soit 9EUR/titre) destinée à financer en partie l’acquisition de Polaroid.

    Fig. 28: Evolution des cours de GrandVision et de Safilo : GrandVision Safilo

    18

    20

    22

    24

    26

    28

    30

    32

    GrandVision IPO

    0

    2

    4

    6

    8

    10

    12

    14

    16

    18

    20

    HAL's acquisition of 37.2% stake in SFL

    HAL increases interest in SFL to ~42%

    Source: Datastream, Bryan, Garnier & Co ests

  • Secteur Optique

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    2.4.3. Scénario tentant pour HAL sur le papier… Bien que partageant le même actionnaire, les synergies entre GrandVision et Safilo sont loin d’être optimales, HAL gérant ses deux actifs de manière indépendante. Le management de Safilo a souvent répété que ses marques ne faisaient l’objet d’aucun traitement de faveur de la part de GrandVision en ce qui concerne les référencements. Aujourd’hui, nous estimons que GrandVision représente environ 5% du CA de Safilo.

    Safilo doit faire face au risque de se retrouver isolé face au géant EssilorLuxottica et à une concurrence accrue de la JV LVMH-Marcolin et de Kering Eyewear. Ces opérations ont aussi relancé la problématique de l’intégration verticale, notamment sur un meilleur contrôle de la distribution. Rappelons que dans le Retail, GrandVision affronte certains concurrents qui sont intégrés verticalement, tels que Luxottica ou Fielmann. Le marché pourrait donc se remettre à jouer le scénario du rapprochement qui comporterait quelques avantages pour chacune des parties :

    (i) Intégration verticale pour GrandVision : la hausse de la rentabilité a été notamment tirée par sa capacité à mieux négocier ses conditions de sourcing auprès de ses fournisseurs, notamment grâce à la procédure d’appel d’offres. Safilo est son troisième plus gros fournisseur de montures et de solaires, son intégration pourrait donc lui permettre de : 1/ sécuriser ses approvisionnements, 2/ de dégager des synergies supplémentaires et 3/ de profiter de l’expertise de Safilo dans le solaire, catégorie en forte croissance chez GrandVision actuellement ;

    (ii) Enfin un réseau de distribution contrôlé pour Safilo : cet atout a permis à Luxottica de creuser l’écart sur tous ses concurrents au cours de la dernière décennie. Avec les chaînes de GrandVision, Safilo aurait alors un débouché significatif pour sa production et renforcerait son pouvoir de négociation vis-à-vis des marques, soit pour en attirer de nouvelles, soit pour garder les existantes. Enfin, Safilo pourrait mieux anticiper les tendances de marché ;

    (iii) HAL : optimiser ses actifs dans l’optique : la combinaison du Retail de GrandVision et du Wholesale de Safilo aboutirait à la création d’un « mini-Luxottica », acteur qui serait parfaitement intégré verticalement. Les craintes au sujet de l’isolement de Safilo seraient résolues et les actifs de HAL dans l’optique seraient ainsi regroupées en un seul groupe coté, disposant d’une plus grosse taille.

    Dans l’hypothèse d’un rapprochement, nous avons donc imaginé trois scénarios possibles avec le calcul théorique de relution qui repose notamment sur les estimations suivantes :

    CA intra-groupe : selon nos estimations, Safilo réalise environ 5% de son CA total avec l’ensemble des chaînes détenues par GrandVision. Cette part devrait légèrement baisser en 2017 avec le départ de Gucci ;

    Montant de synergies : le potentiel de synergies s’élèverait à 3% de la structure de coûts total de Safilo en 2018 et 5% en 2019. Cette estimation peut paraître prudente mais rappelons qu’il n’y a que peu d’overlap entre les deux groupes et GrandVision n’a pas d’usine. Les synergies de coûts se limiteraient donc aux frais centraux (+ IT) et éventuellement un peu sur le sourcing, mais selon nous, les synergies proviendraient surtout du CA supplémentaire, potentiel qui est toujours difficile à estimer.

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    Fig. 29: Nos prévisions 2017 & 2018 sur GrandVision et Safilo : GrandVision P&L (EURm) 2018e 2019e

    Sales 3,484 3,649

    Adj. EBITDA 573 614

    % of sales 16.5 16.8

    Adj. EBIT 434 466

    % of sales 11.9 12.2

    Adj. Net income 282 306

    Adj. EPS (EUR) 1.12 1.21

    Safilo P&L (EURm) 2018e 2019e

    Sales (before elimination of intra-group sales) 1,191 1,248

    Adj. EBITDA 84 87

    % of sales 7.4 7.4

    Adj. EBIT 42 44

    % of sales 3.7 3.7

    Adj. Net income 26 29 Adj. EPS (EUR) 0.42 0.47

    Source: Bryan, Garnier & Co ests

    Scénario n°1 : OPA de GrandVision sur Safilo

    Au vu de sa situation financière saine, GrandVision n’aurait aucun mal à offrir une prime de 50% sur les cours actuels (DN/EBITDA ajusté 2017e de 1,9x) tout en respectant sa limite interne (DN/EBITDA ajusté : 2x) et son covenant (DN/EBITDA ajusté : 3,25x).

    Fig. 30: Conditions d’une OPA de GrandVision sur Safilo : Safilo’s share price on May 30 (EUR) 6.7

    Premium to share price 50%

    Price offered per share (EUR) 10.1

    Number of shares (m) 62.8

    Value of 100% equity (EURm) 634 Net debt and end-2017e (EURm) 43

    Total EV (EURm) 676 Cost of debt (pre-tax) 3%

    Tax rate 30%

    Source: Bryan, Garnier & Co ests

    Fig. 31: Calcul de relution théorique en cas d’OPA : GrandVision + Safilo P&L (EURm) 2018e 2019e

    Sales excl. intra-group sales 4,780 5,005

    Adj. EBITDA 698 741

    % of sales 14.6 14.8

    Adj. EBIT pre-synergies 476 510

    % of sales 10.0 10.2

    Synergies 35 60

    Adj. EBIT after synergies 511 570

    % of sales 10.7 11.4

    After-tax synergies 24 42

    After-tax additional cost of debt -14 -14

    Adj. net income 319 363

    Number of shares (m) 252.6 252.6

  • Secteur Optique

    29

    Adj. EPS (EUR) 1.26 1.44 Theoretical accretion (%) 13% 19%

    Source: Bryan, Garnier & Co ests

    Scénario n°2 : offre publique mixte en titres et en cash (42-58%)

    Compte tenu de la taille respective des deux groupes (capitalisation boursière de ~6 MdsEUR pour GrandVision et de ~430 MEUR pour Safilo), l’échange de titre n’est pas indispensable pour le groupe néerlandais, la structuration serait plus compliquée et l’impact relutif théorique serait finalement moins intéressant qu’une OPA. Par conséquent, une opération mixte nous parait moins probable.

    Fig. 32: Conditions d’une offre mixte de GrandVision sur Safilo :

    Partial share offer (42%)… … and 58% in cash

    Safilo’s market cap (EURm) 423 Safilo’s share price on May 30 (EUR) 6.7

    Premium to share price 50% Premium to share price 50%

    SFL: value of 100% equity (EURm) 634 Price offered per share (EUR) 10.1 GVNV: value of 100% equity (EURm) 5,896 Value of 100% equity (EURm) 634

    SFL: number of shares (m) 62.8 Net debt and end-2017e (EURm) 43

    GVNV: number of shares (m) 252.6 Total EV (EURm) 676 Total investment for GVNV (EURm) 391 Exchange ratio (x) 0.433

    New GVNV shares to acquire 42% stake in SFL (m)

    11.5 Cost of debt (pre-tax) 3%

    Tax rate 30%

    Source: Bryan, Garnier & Co ests

    Fig. 33: Calcul de relution théorique en cas d’OPA : GrandVision + Safilo P&L (EURm) 2018e 2019e

    Sales excl. intra-group sales 4,780 5,005

    Adj. EBITDA 698 741

    % of sales 14.6 14.8

    Adj. EBIT pre-synergies 476 510

    % of sales 10.0 10.2

    Synergies 35 60

    Adj. EBIT after synergies 511 570

    % of sales 10.7 11.4

    After-tax synergies 24 42

    After-tax additional cost of debt -8 -8

    Adj. net income 325 369

    Number of shares (m) 264.1 264.1

    Adj. EPS (EUR) 1.23 1.40 Theoretical accretion (%) 10% 15%

    Source: Bryan, Garnier & Co ests

  • Secteur Optique

    30

    Scénario n°3 : OPE

    A l’instar du scénario n°2, l’OPE n’est pas indispensable pour GrandVision puisque Safilo est de taille modeste en comparaison du groupe néerlandais. En outre, la relution éventuelle serait aussi la moins intéressante parmi les trois scénarios possibles.

    Fig. 34: Conditions d’une OPE de GrandVision sur Safilo : Safilo’s market cap (EURm) 423

    Premium to share price 50%

    SFL: value of 100% equity (EURm) 634 GVNV: value of 100% equity (EURm) 5,896

    SFL: number of shares (m) 62.8

    GVNV: number of shares (m) 252.6

    Exchange ratio (x) 0.433

    New GVNV shares to acquire 100% stake in SFL (m) 27.2

    Source: Bryan, Garnier & Co ests

    Fig. 35: Calcul de relution théorique en cas d’OPE : GrandVision + Safilo P&L (EURm) 2018e 2019e

    Sales excl. intra-group sales 4,780 5,005

    Adj. EBITDA 698 741

    % of sales 14.6 14.8

    Adj. EBIT pre-synergies 476 510

    % of sales 10.0 10.2

    Synergies 35 60

    Adj. EBIT after synergies 511 570

    % of sales 10.7 11.4

    After-tax synergies 24 42

    After-tax additional cost of debt 0 0

    Adj. net income 333 378

    Number of shares (m) 279.8 279.8

    Adj. EPS (EUR) 1.19 1.35

    Theoretical accretion (%) 7% 11%

    Source: Bryan, Garnier & Co ests

  • Secteur Optique

    31

    2.4.4. … Toutefois les deux groupes mènent des stratégies différentes, rendant un éventuel rapprochement plus compliqué

    GrandVision : priorité donnée marques propres

    Comme tout distributeur, GrandVision a intérêt à pousser la part de ses marques propres pour augmenter sa rentabilité et se différencier des concurrents. Cette stratégie se justifie d’autant plus que le groupe néerlandais opère dans le segment « mass » où les consommateurs sont moins attirés par les marques et font plus attention au rapport qualité-prix.

    GrandVision a très bien réussi à développer ses marques propres comme l’indique le graphique ci-dessous : la part des marques propres s’élève à 90% pour les verres correcteurs, 75% pour les lentilles de contact et même 70% pour les montures.

    Même si les marques propres ne représentent que 33% des solaires, cette stratégie globale de pousser les marques propres est contraire à celle de Safilo, qui s’appuie sur son portefeuille de marques allant du mass au luxe. Il y a donc peu de chances que GrandVision et Safilo développent d’importantes synergies commerciales comme celles qui existent chez Luxottica, sachant que les marques de l’italien représentent respectivement 95% et 60% des ventes de Sunglass Hut et de LensCrafters.

    Fig. 36: Poids des marques propres de GrandVision par catégorie (en volume) :

    90%75% 70%

    33%

    10%25% 30%

    67%

    Lenses Contact lenses Frames Sunglasses

    Third party brands

    House brands

    Source: Company Data, Bryan, Garnier & Co ests

    GrandVision : pas d’intérêt pour une intégration verticale maximale…

    Au cours de la conférence téléphonique des résultats 2016, le CEO a encore rappelé que le groupe néerlandais n’avait pas vocation à internaliser la production, contrairement à des acteurs tels que Fielmann ou Luxottica, pour garder le maximum de flexibilité dans le choix des produits et des fournisseurs. GrandVision ne semble donc pas intéressé par l’acquisition d’un producteur de verres ou de montures à MT.

    L’intégration en amont se limite actuellement à l’étape de montage des verres (lab de prescription) afin de faire jouer la taille critique du groupe en concentrant au maximum les volumes dans ces centres spécialisés, appelés « TechCenters » (TC). A ce jour, GrandVision détient quatre centres, tous situés en Europe : 1/ Allemagne (1988), 2/ France (2009), 3/ Portugal (2014) et 4/ UK (2014). Cette montée en puissance a été l’un des principaux catalyseurs à la hausse de la rentabilité du groupe, en particulier dans la zone G4 (marge EBITDA ajustée 2012-16 : +240pb à 21,5%). En 2016, ces centres ont taillé et monté environ 67% des volumes totaux de verres écoulés par le groupe.

    Les 4 « TechCenters » de GrandVision :

    Source: Company Data

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    … et préfère concentrer ses fournisseurs pour profiter de sa taille critique

    Pour maintenir sa compétitivité, GrandVision s’assure de toujours profiter des meilleures conditions d’achat possible grâce à deux initiatives : (i) la concentration des achats des 34 enseignes du groupe est clé afin de profiter de l’effet taille critique (à l’instar d’une centrale d’achat) et (ii) le lancement d’appels d’offres réguliers (en moyenne tous les trois ans) pour faire jouer la concurrence, sans faire de compromis sur la qualité des produits.

    Le tableau ci-dessous liste les trois principaux fournisseurs du groupe par catégorie. Si la présence de Luxottica et de Safilo ne surprend pas en raison de la faible part des marques propres dans le solaire, rappelons que GrandVision ne collabore plus avec Essilor depuis le S2/13 puisque ce dernier poursuit une stratégie différente : 1/ il n’accepte pas de vendre des verres sous marque propre et 2/ il s’implique plus dans la supply chain de ses clients (logistique, gestion des stocks et des réassorts, etc.), comme en témoigne ses partenariats avec Alain Afflelou, Boots (UK) ou General Optica (Espagne).

    Fig. 37: Principaux fournisseurs par catégorie : Category Top 3 suppliers… … and their share of value (%) Lenses Hoya, Rodenstock, Seiko 82 Contact lenses Alcon, Cooper Vision, Johnson & Johnson 85 Frames & Sunglasses Luxottica, Marchon, Safilo 72

    Source: Company Data

    2.4.5. Si Safilo veut rester indépendant, il est crucial de réduire son exposition aux licences

    Malgré la perspective de perdre les licences de LVMH à terme, la CEO de Safilo a plusieurs fois répété que le groupe voulait rester indépendant, laissant supposer qu’un possible rapprochement avec GrandVision ne soit pas non plus à l’ordre du jour chez l’italien. Cette volonté d’indépendance n’est possible que si Safilo arrive à pérenniser durablement sa croissance, ce qui passe par une réduction de son exposition aux licences (est. BG : ~77% du CA à fin 2016).

    Or, depuis le lancement du Plan Stratégique 2020 en mars 2015, le PF de marques propres (principalement Carrera, Polaroid et Smith) a sous-performé celui des licences (hors impact négatif lié au départ de Gucci). Carrera peine toujours à retrouver la croissance après son repositionnement mais plus surprenant, le CA de Polaroid a légèrement baissé l’an dernier du fait d’un environnement concurrentiel plus intense sur la fin d’année. Seule Smith a affiché une hausse de ses ventes, portée par les ventes online (~30% du CA Amérique du Nord de Smith) qui ont permis de surmonter les difficultés du circuit des distributeurs d’articles de sport.

    Fig. 38: Répartition du CA 2016 entre marques propres et licences :

    Licences77%

    Proprietary brands

    23%

    Source: Bryan, Garnier & Co ests.

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    2017 : Année charnière dans la relance du PF de marques propres

    Malgré ces deux années de sous-performance, la CEO a réitéré l’objectif de réaliser environ 40% du CA à partir des marques propres d’ici 2020 (est. BG : 30-35%e). Cette année sera donc déterminante et c’est la raison pour laquelle de nombreuses initiatives sont prévues chez les cinq marques du groupe, dont certaines sont reprises dans le tableau ci-dessous.

    Au global, Safilo doit appliquer les mêmes recettes qui fonctionnent déjà avec le PF de licences, à savoir : lancer des collections fidèles au positionnement et à l’ADN de chaque marque, capitaliser sur son bon maillage du circuit des indépendants et s’assurer d’une exécution parfaite.

    Fig. 39: Principaux leviers de croissance des marques propres de Safilo : Smith Carrera Polaroid Safilo Oxydo

    ~8% of total sales ~7% of total sales ~7% of total sales ~1% of total sales

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    Safilo peut au moins s’offrir une acquisition de taille moyenne

    Au vu des dernières transactions majeures dans le secteur (EV/sales de 1,4x pour les acquisitions d’Alain Mikli et de Polaroid), nous pensons que ces marques sont clairement à la portée de Safilo, d’autant plus que le groupe devrait être en situation de trésorerie nette à partir de 2018, comme le montre le graphique ci-dessous.

    En cas d’acquisition plus importante, il ne faut pas exclure l’hypothèse du renfort d’HAL qui pourrait participer au financement comme lors du rachat de Polaroid : le fonds néerlandais avait apporté 44 MEUR grâce à une augmentation de capital réservée, sur un coût total de 65 MEUR.

    Fig. 41: Dette nette et ratio DN/EBITDA ajusté de Safilo (2010-19e) :

    256238

    215

    182163

    90

    48 4329 23

    2,41,9 1,9

    1,51,4

    0,9

    0,5 0,5

    0,3 0,3

    0,0

    0,5

    1,0

    1,5

    2,0

    2,5

    0

    50

    100

    150

    200

    250

    300

    2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017e 2018e 2019e

    Net debt (EURm) Net debt / Adj. EBITDA (x) Source: Company Data; Bryan, Garnier & Co ests.

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    3. Marché US : le ralentissement de 2016 est-il derrière nous ?

    3.1. Les verres correcteurs ont été les plus touchés Cette catégorie a en effet été la plus impactée, comme le met en exergue le graphique ci-dessous : après une année 2015 très dynamique (+7,9% sur 12M glissants), la croissance dans les verres correcteurs n’a cessé de ralentir, pour une hausse limitée à 1,6% à fin décembre. Les examens de la vue ont aussi décéléré sur la période, avec une croissance de seulement 1,7% à fin décembre (12M glissants) contre +3,3% à fin décembre 2015.

    L’analyse des examens de la vue est aussi intéressante car c’est une étape préalable à l’achat ou au remplacement de verres, notamment aux US où ces examens sont essentiellement pratiqués par les optométristes indépendants ou affiliés à des chaînes d’optique (ex : Walmart, LensCrafters, Pearle Vision, etc.). Ces examens de la vue jouent donc un rôle essentiel dans le taux de conversion des magasins d’optique et le ralentissement affiché par la catégorie des examens de la vue peut augurer d’un attentisme des consommateurs US qui reporteraient le remplacement de leurs verres à CT.

    Fig. 42: Les verres correcteurs et les examens de la vue ont nettement ralenti (variations en valeur sur 12M glissants, chiffres de sell-out) :

    7,9

    6,5

    4,2

    2,71,6

    3,32,7 2,6

    1,9 1,7

    12ME Dec '15 12ME Mar '16 12ME Jun '16 12ME Sep '16 12ME Dec '16Lenses Eye Exams

    Source: Vision Council

    3.2. Y-a-t-il d’autres facteurs que l’attentisme pour expliquer ce ralentissement ponctuel ?

    Outre cet « effet report » de la part du consommateur US (= problème de demande finale, donc sur les volumes), certains ont craint que le ralentissement du marché optique US soit lié à une éventuelle pression sur les prix et/ou à la montée en puissance du circuit online, qui sont les menaces auxquelles font face la quasi-totalité des marques de prêt-à-porter sur le marché US actuellement. Selon nous, les impacts de ces défis restent limités et ne sont pas les principales raisons de ce ralentissement ponctuel.

    3.2.1. Internet : les ventes progressent mais la pdm reste encore confidentielle

    A fin décembre 2016, les ventes online de pr