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EHESS
Histoires indiennes: Avances et lacunes d'une approche clateAuthor(s): Serge GruzinskiSource: Annales. Histoire, Sciences Sociales, 57e Anne, No. 5 (Sep. - Oct., 2002), pp. 1311-1321Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/27587015 .Accessed: 31/10/2014 12:21
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Histoires indiennes
Avanc?es et lacunes d'une approche ?clat?e
Serge Gruzinski
Faire le point sur l'histoire des populations indiennes de la M?so-Am?rique des
origines ? nos jours n'est gu?re une entreprise ais?e. C'est pourtant l'objectif que se sont fix? les deux gros volumes que viennent de publier les presses de
Cambridge sous la direction de Richard E. W. Adams et Murdo J. MacLeod. Ils
rendent compte d'une production consid?rable et offrent au lecteur des cl?s pour s'orienter dans l'histoire du Mexique et d'une vaste portion de l'Am?rique centrale.
Du premier volume, consacr? ? l'?poque pr?hispanique, nous dirons peu de
choses, sinon que ses qualit?s, ses r?ussites et ses d?fauts r?apparaissent dans
le second tome, qui couvre l'?poque coloniale et contemporaine. Un classement
g?ographique et chronologique ordonne une dizaine de chapitres confi?s ? autant
de sp?cialistes anglo-saxons. Le ma?tre d'oeuvre, R. E. W. Adams, est un arch?o
logue sp?cialiste du monde maya qui enseigne l'anthropologie ? l'universit? du
Texas (San Antonio). Son introduction indique d'entr?e de jeu la tonalit? arch?o
logique qui sera celle de l'ensemble des contributions de ce premier volume. Elle
aligne des consid?rations sur les rapports de l'arch?ologie et de l'anthropologie,
propose une d?finition de la M?so-Am?rique et des p?riodisations qui lui sont
propres, pour se clore sur une br?ve histoire de la discipline au cours de la seconde
moiti? du XXe si?cle.
A propos de The Cambridge History of the Native Peoples of the Americas, vol. II, Richard
E. W. Adams et Murdo J. MacLkod (dir.), Mesoamerica, Cambridge, Cambridge Uni
versity Press, 2000, t. 1, 571 p. et t. 2, 455 p. 1311
An-nales HSS, septembre-octobre ?00 ?, n?5, pp. IM1-1321.
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SERGE GRUZINSKI
Notons la m?fiance affich?e d'une arch?ologie pure et dure face ? certaines
avanc?es de l'?pigraphie et de l'iconographie: ?Aucun ensemble de
travaux n'a
fait preuve d'autant de talent pour des r?sultats aussi vains ?, et cette condamnation
sans appel des ? sp?culations effr?n?es qui se pr?sentaient comme des interpr? tations s?res qu'on a fait passer r?cemment pour
autant de perc?es et d'id?es
neuves? (HT, pp. 23 et 25). La supr?matie des Etats-Unis dans la discipline et
les ?tudes m?so-am?ricaines est une r?alit? incontestable qui porte des noms ?vo
cateurs de grandes entreprises scientifiques : Tikal Project pour le Guatemala, Barton Ramie Project sur le Belize, Flannery's Oaxaca Project centr? sur la r?gion de Monte Alban... Les ressources du grand voisin du Mexique et les avanc?es
effectu?es par ses chercheurs tendent ? faire de cette r?gion de l'Am?rique ancienne une chasse gard?e qui ne laisse qu'une faible visibilit? aux sp?cialistes latino-am?ricains et europ?ens.
Parcourant les mill?naires qui s?parent les origines de la conqu?te espagnole, les collaborateurs choisis par R. E. W. Adams nous introduisent dans les soci?t?s
archa?ques de cette r?gion du globe, puis nous guident du golfe du Mexique aux
terres mayas, du centre de Valtiplano ? Oaxaca en passant par les fronti?res septen trionales et m?ridionales de la M?so-Am?rique. Chaque texte regorge de donn?es
et d'indications bibliographiques qui aideront le profane ? naviguer dans ces
domaines en constant renouvellement.
On aurait pourtant appr?ci? une d?marche intellectuellement plus ambi
tieuse, ? la hauteur de la collection dans laquelle elle s'inscrit. La cultural history
que nous annonce la jaquette reste embryonnaire. La perspective strictement
arch?ologique qui gouverne l'organisation du volume nous en livre l'explication. Si le parti pris est compr?hensible pour les soci?t?s les plus recul?es dont ne
nous sont parvenus que des vestiges ? jamais muets, il appauvrit l'exploration des mondes indig?nes des XVe et XVIe si?cles. La documentation recueillie aux
lendemains de la conqu?te espagnole offre pourtant des informations d'une excep tionnelle richesse dont les historiens ont su depuis longtemps tirer profit. Voil?
sans doute pourquoi ces mises au point d'ordre arch?ologique nous laissent parfois sur notre faim, en particulier celles qui concernent le Post-classique.
C'est ce qui ressort du chapitre que consacre Thomas H. Charlton aux
Azt?ques1. La lecture de ces pages soul?ve plusieurs interrogations. Etait-il indis
pensable de nous apprendre que lorsqu'ils p?n?tr?rent dans ce qui deviendra le
Mexique, Cort?s et les conquistadores y d?couvrirent ? une situation culturelle
extr?mement complexe ? (p. 510) ? Fallait-il user et abuser du terme ? cultures ?
quand c'est bien de soci?t?s ? en chair et en os ? qu'il s'agit ? Comme si le jargon
anthropologique pouvait se substituer ? l'analyse et ? l'interpr?tation. Enfin, pourquoi s'en tenir ? la coupure canonique et europ?ocentrique de 1519 alors que s'imposent
aujourd'hui d'autres termini ad quem, variables selon les groupes et selon les
1312 1-Thomas H. Charlton, ?The Aztecs and their Contemporaries: the Central and
Eastern Mexican Highlands?, II-l, pp. 500-557.
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LA M?SO-AM?RIQUE
r?gions2 ? Le lecteur devra se contenter de consid?rations m?thodologiques gu?re convaincantes sur les rapports de l'arch?ologie et de l'histoire, ou plus exactement
d'une histoire qu'on voudrait r?duire ? l'interpr?tation des chroniques coloniales.
On ne saurait reprocher ? un arch?ologue de discuter la datation des c?ra
miques et de penser en termes de p?riodisation. Mais de l? ? sacrifier les dimensions
politiques, sociales, ?conomiques, religieuses des soci?t?s mexicaines ? la veille
de la Conqu?te ? De l? ? passer sous silence des apports aussi consid?rables que ceux de Alfredo L?pez Austin dont l' uvre a si profond?ment transform? notre
approche des soci?t?s, des croyances et des mythes du monde nahua ? Peut-on
valablement r?fl?chir sur les mondes pr?hispaniques sans discuter Cuerpo humano e ideolog?a. Las concepciones de los antiguos nahuas1, sans revenir sur Hombre-Dios.
Religi?n y pol?tica en el mundo n?huatl* ? Tout aussi intrigante est l'absence de r?f?
rences aux trois volumes dirig?s par Linda Manzanilla et Leonardo L?pez Lujan, Historia antigua de M?xico5. On se demande comment, sauf erreur de notre part,
pr?s de mille deux cents pages publi?es cinq ans auparavant ont pu ?chapper ?
l'attention des auteurs de la Cambridge History of the Native Peoples. Le lecteur que ne
rebute pas l'espagnol trouvera pourtant dans ce pendant mexicain de la Cambridge
History des perspectives moins ?troitement arch?ologiques et des d?veloppements
suggestifs sur des domaines aussi capitaux que l'art, la religion et le comput du temps. Le second volume r?unit une s?rie de neuf contributions introduites par
l'historien M. J. MacLeod. Le professeur de l'universit? de Floride y rappelle la
libert? qu'il a laiss?e ? ses collaborateurs de d?finir les limites g?ographiques de
leur enqu?te et les th?mes de leur contribution. Les avantages de cet ?clectisme
sont patents : ?
chaque chapitre offre ses accents et ses interpr?tations propres ?
(II-2, p. 1), ses inconv?nients ?galement. L'organisation de l'ouvrage reprend celle
du volume pr?c?dent. Un d?coupage g?ographique de la M?so-Am?rique sert de
cadre ? une s?rie de synth?ses plus ou moins d?taill?es sur l'histoire des popula tions indig?nes de la conqu?te espagnole ? nos jours6. Chaque auteur s'est efforc?
de r?unir les donn?es qui lui paraissaient essentielles et de clore sa contribution
par une bibliographie s?lective en guise d'?tat des lieux.
Commen?ons par le meilleur, le chapitre que Maria de Los Angeles Romero
Frizzi consacre ? la r?gion de Oaxaca7. Voil? un bon exemple de ce que peut rendre
2 - Comme le sugg?re ce type d'observation sur la continuit? des productions mat?rielles
bien apr?s la conqu?te espagnole : ? Aztec III ceramics continued for about a hundred
years after the Conquest? {Ibid., II-l, p. 519).
3-Mexico, UNAM, 1980.
4-Mexico, UNAM, 1973.
5-Mexico, INAH/UNAM/Miguel Angel Porrua, 1994-1995.
6-Seule l'histoire des Indiens du centre du pays est partag?e entre deux contributions
qui, malencontreusement, r?introduisent la coupure entre ?poque coloniale et Mexique
ind?pendant: Sarah L. Clink, ?Native Peoples of Colonial Central Mexico?, II-2,
pp. 187-222; Frans J. Schryer, ?Native Peoples of Central Mexico Since Ind?pen
dance?, II-2, pp. 223-273.
7-Mar?a de los Angeles Romero Frizzi, ?The Indigenous Population of Oaxaca
from the Sixteenth Century to the Present?, II-2, pp. 302-345. 1313
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SERGE GRUZINSKI
l'histoire d'une r?gion indienne saisie dans ses dynamiques et ses interactions
incessantes avec le contexte colonial au sens le plus large du terme : souci des
rythmes s?culaires, des transformations de la hi?rarchie sociale, capacit? d'alterner
le point de vue local avec l'insertion des populations indig?nes de Oaxaca dans le
cadre de la Nouvelle-Espagne et dans celui, plus vaste encore, du commerce inter
national. Les handicaps r?gionaux - difficult?s des transports, faible circulation de
la monnaie, solvabilit? m?diocre des acheteurs potentiels - n'ont pas emp?ch? le
commerce de forger des liens ?
qui unissaient Oaxaca avec le monde ? (II-2, p. 319).
L'effort de synth?se est rondement men? : ni la complexit? des destins indig?nes ni la diversit? des sous-r?gions ne sont jamais sacrifi?es. D?clin de la noblesse ?
l'?poque coloniale, mont?e de macehuales enrichis au XVIIIe si?cle, crise des villages au XIXe si?cle - ? ils furent les grands perdants de cette derni?re p?riode ? (II-2,
p. 321) -, avanc?e des rancheros, m?tis ou riches Indiens, essor des groupes issus
d'une nouvelle classe moyenne, paup?risation des masses indig?nes en particulier dans la Mixt?que, les transformations sociales sont toujours intelligemment sugg? r?es. L'auteur revient avec insistance sur le r?le majeur d'un XIXe si?cle, longtemps
mal ?tudi? et mal ?valu?: ?Le XIXe si?cle a mis ? bas l'?quilibre que les Natifs
avaient atteint pendant l'?poque coloniale ? (II-2, p. 323). Les transformations du
XIXe si?cle mettent en sc?ne la lutte rapidement victorieuse des teintures et des
textiles anglais contre les vieilles productions indig?nes : indigo, cochenille et cou
vertures de laine. Encore s'agit-il d'une histoire complexe, incompr?hensible sans
l'intervention des populations indiennes dans la croissance ?conomique depuis les
ann?es 1860 jusqu'au d?but des ann?es 1890, avant que la dictature de Porfirio
Diaz n'exerce ses effets d?l?t?res : ? L'h?ritage du Porfiriat fut d?sastreux pour Oaxaca ? (II-2, p. 328). La R?volution mexicaine laisse en place une partie des
structures porfiriennes, et le programme agraire de C?rdenas n'am?liore gu?re la
situation tant il multiplie les parcelles minuscules et accentue les diff?rences
sociales dans une r?gion o? le taux de mortalit? s'accrut entre 1930 et 1940.
Comment expliquer le ? retard ? de l'?tat de Oaxaca dans la seconde moiti?
du XXe si?cle ? La forte dominante indig?ne de la r?gion a incit? ? attribuer diffi
cult?s s?culaires et mauvais r?sultats ?conomiques ? des causes ethniques. L'auteur
met au contraire l'accent sur les efforts d'une population contrainte, dans un contexte
particuli?rement ingrat, ? s'adapter aux formes successives qu'a prises la modernit?
?conomique. Une adaptation coup?e de r?voltes et associ?e ? de multiples formes
de r?sistances qui se traduisent aujourd'hui par la vitalit? des organisations indi
g?nes. Malgr? la difficult? de l'exercice, on ne perd jamais de vue l'imbrication
des mondes m?tis et indien, et moins encore les contradictions internes ? la soci?t?
indig?ne - ? l'int?rieur des villages, entre les villages, entre les groupes sociaux.
? l'exception du texte de Eric Van Young8, les autres chapitres sont moins
convaincants. Sans doute en e?t-il ?t? autrement si l'entreprise avait r?pondu ?
13U 8-Eric Van Young, ?The Indigenous Peoples of Western Mexico from the Spanish Invasion to the Present?, II-l, pp. 136-186.
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LA M?SO-AM?RIQUE
un v?ritable projet intellectuel. Le d?coupage g?ographique et le refus - ou peut
?tre l'incapacit? - de lancer des th?mes de r?flexion communs diminuent l'int?r?t
des contributions qui tendent ? devenir des recueils de donn?es distribu?es par
peuple et par r?gion. Si elle attire l'attention sur la diversit? ethnique et g?o
graphique des situations et des trajectoires, la fragmentation syst?matique du pass? de la M?so-Am?rique en histoires r?gionales entrave toute r?flexion d'ensemble
sur l'exp?rience coloniale -
la Nouvelle-Espagne, la capitainerie du Guatemala -
ou sur l'impact des XIXe et XXe si?cles. Elle bloque ?galement tout effort de dia
logue, de comparaison et de confrontation entre les auteurs des divers volumes.
N'?tait-il pas temps de saisir ce qui rapproche et ce qui distingue les Indiens de
l'Am?rique du Nord de ceux de la M?so-Am?rique, de r?examiner les destins
des soci?t?s nahuas, mayas et p?ruviennes, de reposer ? l'?chelle continentale la
question de la d?mographie, des moyens d'expression (??criture? maya, picto
graphies m?so-am?ricaines, quipus des Andes, ?
images coloniales ?...), des diff?
rentes formes de soci?t?s (terres basses, terres hautes...) ? Les acquis de la recherche
dispers?s dans ces milliers de pages n'auraient-ils pas gagn? ? ?tre repris et
embrass?s d'un m?me regard ? L'introduction de M. J. MacLeod ne saurait en
tenir lieu9. Ce d?coupage et cette fragmentation apparaissent d'ailleurs souvent si
contestables qu'ils embarrassent m?me certains des collaborateurs10.
Mais la fragmentation de l'ouvrage a une autre origine : la volont? de traiter
des peuples indiens de l'Am?rique et d'en faire les protagonistes ? part enti?re
d'une histoire dont, le plus souvent, ils furent exclus. L'int?r?t port? aux popula tions indig?nes de l'Am?rique, conquises, exploit?es et encore aujourd'hui oppri
m?es, est incontestablement justifi?. Il est ?videmment regrettable qu'elles ne
soient pas en mesure d'?crire leur histoire et qu'elles demeurent encore colonis?es
par le regard de l'autre11. La constitution d'une histoire indig?ne est donc au c ur
de ce second volume. C'est probablement la raison pour laquelle l'introduction de
M. J. MacLeod exp?die en quelques pages l'histoire de la colonisation pour s'attar
der sur l'apparition d'une ?nouvelle histoire vue depuis l'int?rieur?, ?du point
de vue des Natifs ? (II-2, p. 13). Rapidement ?voqu?, le pass? colonial n'en inspire
pas moins quelques affirmations qui laissent perplexe. Est-il exact que les Espagnols ? cherch?rent ? tuer tous les membres de la noblesse imp?riale ou toutes les per sonnes influentes, capables de soulever quantit? de r?gions et cit?s
? (II-2, p. 6),
que les ?crits des auteurs m?tis soient ?biaises et ambigus?, que Las Casas ait
?t? un humaniste ? en avance sur son temps ? ? En revanche, M. J. MacLeod a
raison de s'appesantir sur les derniers d?veloppements d'une recherche qui exploite
9-MuRDO J. MacLeod, ?Mesoamerica since the Spanish Invasion. An Overview?,
II-2, pp. 1-43.
10 - E. Van Young est le premier ? reconna?tre l'h?t?rog?n?it? de la r?gion - le Centre
Ouest - qui lui a ?t? confi?e. C'est la pr?sence europ?enne, la conqu?te et la colonisation
qui ont donn? son sens et imprim? son histoire ? cette macro-r?gion.
11 -Mais la mani?re d'?crire l'histoire, les choix th?oriques et les objectifs ne p?sent
ils pas davantage que l'identit?, les origines et, risquons le mot, la race de celui qui
?crit l'histoire ? De ce c?t? de l'Atlantique, la r?ponse va de soi. En est-il de m?me pour
tous les collaborateurs de la Cambridge History ? La question aurait m?rit? d'?tre abord?e. 1315
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SERGE GRUZINSKI
syst?matiquement les documents en langue indig?ne, celle qu'alimentent les
tra
vaux de la ? N?huatl school ? dont la contribution majeure serait ? de faire ?merger une perspective et
une voix indiennes pour une histoire autochtone12 ?. Au cours
de ces vingt derni?res ann?es, les Indiens sont ainsi r?apparus comme les acteurs
? part enti?re de ? leur ? histoire, tout aussi capables de r?sister aux forces du
colonialisme et de l'oppression que de prendre des initiatives ou de maintenir
des continuit?s avec le pass?. Mais quitte ? rappeler la dette contract?e envers des
auteurs comme James Scott et Edward Thompson, sans compter l'influence des
subaltern studies, pourquoi ne pas ?voquer ce que ces avanc?es doivent aussi ?
l'?cole de la ? Vision des vaincus ? (Miguel Le?n Portilla et Nathan Wachtel), m?me
si ces approches n'appartiennent pas au monde universitaire anglo-saxon ?
Donc une histoire indienne, privil?giant 1'? Indian voice ? ? Pourquoi pas,
m?me si le propos recouvre de fait une forte pr?dominance anglo-saxonne et nord
am?ricaine (six collaborateurs sur neuf) et si la portion congrue est r?serv?e ? la
recherche mexicaine pour ne rien dire des Centro-Am?ricains, absents de l'entre
prise. Faut-il dans ce cas se borner ? regretter qu'il n'y ait pas d'historiens indig?nes (?Native Americans?)? C'est dire l'ambigu?t? du projet et de sa r?alisation.
Comment ?crire l'histoire des Indiens de leur propre point de vue et concevoir ? une histoire d'en bas ?, alors que les mani?res de penser le pass?, les cat?gories, les grilles demeurent de bout en bout platement occidentales ? Il y a l? de quoi faire r?fl?chir et m?me douter l'un des collaborateurs de l'ouvrage, quand il s'inter
roge sur ? notre capacit? d'?crire une histoire exclusivement indienne13
?.
Mais le choix de faire l'histoire des Indiens a d'autres cons?quences, plus embarrassantes. ? force d'?tre braqu? sur les soci?t?s indig?nes, le projecteur laisse
dans l'ombre les autres acteurs de la soci?t?. Non seulement les Europ?ens, riches
ou petits Blancs, mais ?galement les Noirs, les mul?tres et les m?tis dont le nombre
ne fit que cro?tre au fil des si?cles. Peut-on raisonnablement extraire les populations indiennes de la gangue ?conomique, sociale, culturelle profond?ment m?lang?e
et composite, dans laquelle, et parfois contre laquelle, elles ?voluent ? Les histoires
ici r?unies incitent ? penser que la t?che est irr?alisable, qu'elle ne sert pas les
Indiens et qu'elle dessert parfois l'histoire. M. J. MacLeod d?plore que le XIXe si?cle
indig?ne soit encore un si?cle m?connu, et on reconna?tra avec lui que l'histoire
d?mographique, ?conomique, sociale, religieuse des populations indiennes de la
M?so-Am?rique reste ? entreprendre pour cette p?riode. Or c'est en grande partie, avouons-le, parce qu'il est fort difficile de s'accorder sur ce qu'est un Indien dans
le contexte des Etats n?s de l'Ind?pendance. Si le r?le des peuples indig?nes dans la R?volution mexicaine a ?t? si mal d?gag?, n'est-ce pas parce que ceux-ci
ne constituaient pas des acteurs historiques autonomes ? On peut se pr?occuper
de la ? situation d?sesp?r?e dans laquelle se trouvent maintenant les populations
1316
12 - M. J. MacLeod, ? Mesoamerica... ?, art. cit., pp. 14 et 39. Cette ?cole s'est consti
tu?e autour des travaux majeurs de James Lockhart, dont on relira The Nahuas After the Conquest. A Social and Cultural History of the Indians of Central Mexico, Sixteenth Through
Eighteenth Centuries, Stanford, Stanford University Press, 1992.
13 - E. Van Young, ? The Indigenous Peoples... ?, art. cit.
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LA M?SO-AM?RIQUE
natives m?so-am?ricaines?, mais l'historien ne manquera pas de se demander si
parler aujourd'hui de ? Mesoamerican Native Peoples ? n'est pas une nouvelle
manifestation de ? l'occidentalo-centrisme ? dont sont victimes depuis cinq si?cles
les descendants des populations de l'Am?rique pr?hispanique. En fait, autant le processus complexe de m?tissage, qui ?tablit des transitions
et des nuances infinies entre les Indiens des sierras et les m?tis biologiques et
culturels des villes, que les stratifications sociales, qui ont toujours model? les
soci?t?s indiennes, interdisent d'appr?hender le monde indig?ne comme un tout.
D?s la conqu?te et le XVIe si?cle, se multipli?rent les alliances entre l'aristocratie
autochtone et les milieux dirigeants espagnols, tandis qu'en bas de l'?chelle sociale
les mis?res partag?es m?langeaient Indiens pauvres, m?tis, petits Blancs ruin?s,
mul?tres et esclaves, formant un paysage autrement complexe et appelant des
questionnements bien plus vastes et plus novateurs.
Voil? de quoi expliquer la frustration que laissent, par exemple, les pages
que Grant D. Jones consacre aux Basses-Terres mayas14. L'auteur se contente d'un
parcours principalement ?v?nementiel qui s'?tend des temps pr?hispaniques ?
l'?poque contemporaine. Son insistance sur les r?voltes l'oblige ? sacrifier la des
cription de l'organisation sociale, politique et religieuse des populations dont, au
d?but des ann?es 1980, Nancy M. Farriss nous avait donn? un panorama rest?
insurpass?15. Comme dans d'autres chapitres de l'ouvrage, les Indiens des villes
sont ignor?s et les ph?nom?nes de m?tissage -
d?sign?s comme ? le m?lange des
traditions culturelles ? (II-2, p. 378) -
esquiss?s d'une mani?re si approximative
qu'on saisit mal la sp?cificit? des r?actions mayas ? la domination espagnole, puis
r?publicaine. L'?vocation des usages de l'?criture alphab?tique ? l'?poque colo
niale et les formes prises par la modernit? dans la seconde moiti? du XXe si?cle
auraient ?galement pu faire l'objet d'une attention plus pouss?e. Au lieu de quoi, on nous explique que la t?l?vision est une force immanquablement destructrice et l'Internet, un outil d'innovation culturelle. Quand le clich? tient lieu d'ana
lyse contemporaine...
Revenons au th?me des Indiens des villes, globalement absents de l'ouvrage alors qu'ils ont toujours repr?sent?, des origines ? nos jours, une portion appr?ciable de la population indig?ne. Au moment de la conqu?te espagnole, la ville de Mexico
?tait l'une des plus grandes agglom?rations du monde. Sa seule existence soul?ve une foule d'interrogations : comment appr?hender des soci?t?s qui disposaient des
moyens d'entretenir de si importantes concentrations humaines ? Qu'avaient-elles en commun avec les communaut?s indig?nes d'aujourd'hui, immerg?es dans des
univers ruraux, cantonn?es dans des zones de refuge ou ?chou?es dans les bidon
villes post-modernes du Mexique et des ?tats-Unis ? Ces Indiens des villes ont
?t? soumis ? une acculturation pr?coce, particuli?rement intense, qui s'est exerc?e
dans tous les domaines de l'existence quotidienne. Les macehuales de Mexico, de
14-Grant D. Jones, ?The Lowland Maya, from the Conquest to the Present?, II-2,
pp. 346-391.
15-Nancy M. Farriss, Maya Society under Colonial Rule. The Collective Enterprise of
Survival, Princeton, Princeton University Press, 1984. 1317
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SERGE GRUZINSKI
Puebla ou de M?rida se sont ainsi progressivement transform?s en une pl?be
urbaine, proche de celle que l'on rencontre dans les villes europ?ennes de l'Ancien
R?gime. Comment d?crire et expliquer cette mutation ? Comment aborder les
rapports que les Indiens des villes nouaient avec leurs voisins m?tis, noirs, mul?tres
et parfois asiatiques ? Ou avec d'autres indig?nes venus des campagnes et des
sierras de la Nouvelle-Espagne16? Le r?le moteur des ?lites indig?nes est tout aussi mal d?gag?, noy? dans des
consid?rations globales qui font bon march? des changements qu'elles ont connus
depuis le XVIe si?cle. Des pistes sont pourtant esquiss?es quand E. Van Young
?voque l'?mergence d'une ? strate sociale de type koulak dans les villages impor tants ? qui en vient ? dominer la vie politique et ?conomique des communaut?s
(II-2, p. 157). Les m?tis et les groupes d'origine africaine figurent donc, par la force des
choses, parmi les grands exclus ou les oubli?s de ce second volume. Vouloir rendre
justice aux vaincus doit-il se faire au prix d'autres escamotages ? Noirs ou m?tis, on les rencontre immanquablement au d?tour des pages, lorsque des esclaves noirs
font une apparition ?clair dans la r?gion de Zacatecas vers 1600 (II-2, p. 154), quand des mul?tres comme Gordiano Guzm?n, des m?tis comme Manuel Lozada se
retrouvent ? la t?te d'insurrections (en partie) indig?nes, sans qu'on nous en
explique pour autant la raison ? Il ne suffit pas d'indiquer au passage que ? des
hommes ? l'ascendance m?lang?e (surtout des m?tis) ?taient aussi souvent membres
de l'?lite autochtone17?. Ni de se contenter de formulations aux r?sonances un
rien ?quivoques comme celle qui d?crit la submersion des Indiens des villages ?
par un raz-de-mar?e de gens de couleur18?. Certes, il ne s'agit pas de tomber ?
notre tour dans le pi?ge de la ? political correctness ? et d'exiger syst?matiquement
pour chaque groupe exclu la place et le traitement cens?s lui revenir. Mais simple ment de rappeler les principes et les contraintes d'une recherche historique portant sur une soci?t? coloniale ou post-coloniale. Faute de quoi l'historien des Indiens
risque de s'engager dans de p?rilleuses d?constructions19. Plut?t que de s'attacher
obstin?ment ? la question de la ? diff?renciation ethnique ?, n'aurait-il pas mieux
valu relire l' uvre d'un Hugo Nutini - sur les f?tes des morts, sur le compadrazgo1^
-
1318
16-Voir, par exemple, les travaux de Solange Alberro, Les Espagnols dans le Mexique colonial. Histoire d'une acculturation, Paris, Armand Colin, ?Cahiers des Annales ?, 1992, et Id., El ?guila y la cruz. Or?genes religiosos de la conciencia criolla. M?xico, siglos xvi-xvil,
Mexico, Fondo de Cultura Econ?mica, 1999.
17 - S. L. Cline, ? Native Peoples... ?, art. cit., II-2, p. 202.
18-E. Van Young, ?The Indigenous Peoples... ?, art. cit., II-2, p. 172.
19-Ainsi l'int?r?t qu'un anthropologue de la stature de Robert Redfield a t?moign? aux populations m?tisses
- ? et aux centres administratifs municipaux largement accultur?s ou occup?s surtout par des m?tis
? - devient un obstacle qui emp?cherait d'atteindre les hameaux o? se trouvent encore des ? native peoples ?. Et voil? l'historien
des Indiens invit? ? lire entre les lignes de l'anthropologue pour retrouver les objets de
sa recherche, au risque de nier ou de ne pas voir la nature profond?ment m?tisse des
soci?t?s rurales du Mexique (F. J. Schryer, ? Natives Peoples... ?, art. cit., II-2, p. 262).
20-Hugo G. Nutini et Befit Bell, Ritual Kinship, Princeton, Princeton University
Press, 1984.
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LA M?SO-AM?RIQUE
et cesser de lui reprocher de trop mettre en valeur ? l'uniformit? et l'hom?g?n?it? culturelles ? des communaut?s qu'il a si magistralement ?tudi?es ?
Il est, ? vrai dire, impossible de d?couper la soci?t? mexicaine en secteurs
s?par?s si l'on pr?tend en restituer les dynamiques historiques : occidentalisations,
syncr?tismes, m?tissages, globalisations, appropriations et r?sistances. Souvent
mentionn?s (II-2, p. 168), ces processus sont rarement analys?s en tant que tels.
Le chapitre de Susan M. Deeds n'?chappe pas ? ce travers21, m?me si l'auteur
n'est pas insensible aux multiples manifestations du m?tissage, f?t-ce dans le loin
tain Nord-Ouest, une r?gion longtemps p?riph?rique et bien moins fr?quent?e des Espagnols que le centre de X*altiplano11. D?s la fin du XVIIe si?cle, nous explique S. M. Deeds, des villages indig?nes
? semblaient en grande partie m?tis ? et des
?Indiens purs choisissaient de passer pour m?tis23?. Encore e?t-il fallu d?passer ces constats et approfondir ces transformations qui ne se r?duisent jamais ? une
lutte s?culaire entre tradition et modernit?. On aurait de la sorte ?vit? d'assimiler
de mani?re pr?cipit?e le m?tissage aux effets d'un ? d?veloppement et d'une
modernisation capitalistes, sans cesse et le plus souvent destructeurs ?, comme le
sugg?re la conclusion du chapitre (II-2, p. 79). Ainsi que le remarquent plusieurs des collaborateurs de M. J. MacLeod,
m?tissage, indianit? et paysannerie sont indissociables. Qu'il s'agisse encore de
S. M. Deeds quand elle ?crit: ? La plupart des Indiens devinrent des paysans, ils se distinguaient de moins en moins de leurs homologues m?tis car leur mode de
vie, quoique traditionnel et syncr?tique, conservait peu de traits qu'on puisse consid?rer comme uniquement indig?nes
? (II-2, p. 66), ou de E. Van Young qui ne peut s'emp?cher de faire allusion ? un ? processus continu de m?tissage24
?
(? continuing mestieization ?, II-2, pp. 169, 171). Il est vrai que le passage de l'india
nit? ? la paysannerie via le m?tissage n'a rien d'une d?couverte, m?me si la recherche a eu longtemps tendance ? privil?gier la dimension paysanne aux d?pens des
21 -Susan M. Dkeds, ?Legacies of Resistance, Adaptation and Tenacity: History of
the Native Peoples of Northwest Mexico ?, II-2, pp. 44-88.
22 -Au fil des pages, l'auteur ?voque les ? fusions syncr?tiques de Dieu, du d?mon, du
soleil, de la lune et du Christ... ? (II-2, p. 71), elle observe que les Mayos finissent par ? ressembler en tous points ? une soci?t? m?tisse
? (II-2, p. 75) et mentionne l'impor tance d'un mouvement mill?nariste dirig? par une m?tisse, Teresa Urrea, sans que le
mot soit jamais prononc?. Tout comme elle constate la pr?sence d'?l?ments indig?nes dans la culture m?tisse qui domine ces r?gions septentrionales et ne manque pas de
relever les modalit?s de leur absorption au sein de la ? soci?t? m?tisse ? (II-2, p. 78).
23 -Ibid. : ? Certaines ?conomies paysannes perdaient leur caract?re indien en acc?dant
? la propri?t? priv?e... ? (II-2, pp. 56 et 63).
24 - E. Van Young a pris soin de faire pr?c?der sa contribution d'une s?rie de remarques
qui mettent implicitement en cause la perspective de l'ouvrage : difficult? ? appliquer les cat?gories de
? Natifs ?, ? indig?nes ? et ? Indiens ?, n?cessit? de prendre en compte
? l'important et vigoureux m?tissage de cette r?gion ?, imbrication totale et pr?coce
des groupes indig?nes et non indig?nes (II-2, p. 138). Et d'insister sur les obstacles
analytiques que rencontre tout chercheur ?
qui essaie de distinguer les indig?nes du
reste de la paysannerie, que ce soit dans les domaines de la d?mographie, des formes
de la vie ?conomique ou de l'action collective? (II-2, p. 138). 1319
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SERGE GRUZINSKI
sp?cificit?s culturelles que les groupes ou les individus ?taient parvenus ? pr?server ou ? r??laborer. Une r?flexion sur le devenir des populations indig?nes25 ne saurait
faire l'?conomie de cette question, ? condition de d?passer le stade de la description ou de l'inventaire pour s'atteler ? leur explication26. Bien des informations et des
situations originales envisag?es dans cet ouvrage auraient pu y contribuer - comme
celles que nous livre David Frye dans le chapitre qu'il consacre ? l'installation
des Tlaxcalt?ques dans le nord-est du Mexique27. Des formes de m?tissages s'y
d?velopp?rent non seulement entre Europ?ens et Indiens, mais ?galement entre
les diff?rents groupes indig?nes. Ici comme dans d'autres r?gions du Mexique, la
diffusion du n?huatl comme lingua franca fraya la voie au triomphe bien plus tardif
du castillan. Les particularit?s religieuses de certains groupes indig?nes comme
les Tlaxcalt?ques semblent d?couler davantage de cadres institutionnels - le statut
de pueblo que revendiquent les communaut?s -
que d'une quelconque indianit?
(indianness) ; il appara?t que ce sont des crit?res de classe plus que des crit?res
ethniques (ethnie status) qui rendent compte de la diffusion des traits d'origine m?so-am?ricaine. En somme, les dimensions m?tisses de cette culture de la fron
ti?re proviennent moins de leur condition de populations vaincues et opprim?es que de processus de circulations g?n?ralis?s. Impossible une fois de plus de tracer
une ligne nette entre les groupes indig?nes et m?tis28.
D'autres domaines de recherche tout aussi suggestifs auraient pu nourrir
cette approche dynamique. Ils n'ont gu?re suscit? l'int?r?t. L'analyse du religieux en est un. Peut-on encore examiner la christianisation des Indiens sous la rubrique ?
religion ? sans prendre en compte l'impact de la nouvelle foi sur les relations
matrimoniales, la famille et la sexualit? mais ?galement sur l'?ducation et l'appren
tissage ? A r?duire la question du religieux ? celle de la croyance individuelle et ?
s'interroger sur la r?ussite de la christianisation en l'abordant ? travers la qualit? de l'adh?sion personnelle, l'?tude de Sarah L. Cline p?tit des m?faits crois?s de
l'ethnocentrisme et de l'ignorance bibliographique29. La diffusion de l'?criture et
de l'image europ?ennes apparaissent aujourd'hui comme des ph?nom?nes majeurs
1320
25 - E. Van Young ?voque le passage des ? identit?s ethniques [...] vers une sorte d'india
nit? g?n?rique [...] et, de l?, vers une paysannerie rarement pure et jamais simple ?
(II-2, p. 159).
26- Une description en termes de dilution, d'effacement (David C. Grove, II-l, p. 167) ou d'absorption (Robert N. Zeitlin et Judith Francis Zeitlin, II-l, p. 93) ne peut tenir
lieu d'interpr?tation. 27 - David Fryk, ? The Native People of Northeastern Mexico ?, II-2, pp. 89-135.
28 - Le r?le de l'artisanat et du tourisme, qui occupent une place grandissante dans
l'existence et la subsistance des groupes indig?nes et m?tis, aurait m?rit? autre chose
que de br?ves remarques. Les transformations des mani?res de faire, de produire, de
c?l?brer des f?tes et des rites, l'exposition continuelle des individus au regard des
visiteurs, les ressources nouvelles d?gag?es par le tourisme, le r?le de l'Etat et en
particulier de l'INAH au Mexique auraient pu ?tre mieux abord?es si le volume n'avait
pas d?lib?r?ment fragment? ou pulv?ris? son objet. On sait que ces ph?nom?nes peu vent se r?v?ler destructeurs comme ils sont susceptibles de r?activer des modes d'ex
pression h?rit?s du pass? et de la tradition.
29-S. L. Clink, ?Native peoples... ?, art. cit., II-2, p. 202.
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LA MESO-AMERIQUE
auxquels les sp?cialistes du milieu du XXe si?cle n'avaient gu?re attach? d'impor tance. Et qui le leur reprocherait? On s'?tonnera, en revanche, que l'on puisse encore aujourd'hui d?lib?r?ment faire l'impasse sur ces th?mes ou se contenter
de rep?rer la pr?sence de quelques ? croix, statues et images de saints ? dans les
foyers indig?nes. La surprenante diffusion de l'?criture chez les populations du
Mexique espagnol et plus encore son appropriation syst?matique auraient pu inspi rer des r?flexions pr?cieuses ? qui pr?tend s'inqui?ter de la perspective indienne
et exprimer le ? point de vue des Natifs30 ?.
Synth?se honn?te mais d?pourvue d'imagination, d?nu?e du souffle et de
l'?rudition des grands pionniers (Charles Gibson, Robert Ricard, Silvio Zavala), le
travail de S. L. Cline, comme d'autres chapitres de ce second volume, refl?te les
acquis et les lacunes d'une recherche majoritairement nord-am?ricaine qui peine ? int?grer dans le tissu de ses questionnements les apports de l'anthropologie
historique, de l'histoire culturelle ou de l'histoire des mentalit?s31.
Mines d'informations souvent pr?cieuses, ces deux volumes de la Cambridge History of the Native Peoples of the Americas constituent donc sans nul doute des
guides utiles, mais que l'on maniera avec discernement, en les prenant pour ce
qu'ils sont, le fruit d'une production et d'une mani?re de faire l'histoire qui use et parfois abuse des avantages d'une position largement dominante. Le v?n?
rable et toujours pr?cieux Handbook of Middle American Indians a encore de longues ann?es devant lui32.
Serge Gruzinski
CNRS/EHESS
30 - La question des cantares et celle des t?tulos primordiales sont trop superficiellement abord?es (II-2, pp. 215, 216).
31-Pour de rien dire des apports europ?ens qui n'ont pas l'heur de conna?tre une
traduction anglaise. 32 - Robert Wauchopk (?d.), Handbook of Middle American Indians, Austin, Texas Uni
versity Press, 16 vols, 1964-1976. 1321
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Article Contentsp. 1311p. 1312p. 1313p. 1314p. 1315p. 1316p. 1317p. 1318p. 1319p. 1320p. 1321
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Du gouvernement des princesPhilippe Auguste. Un roi de la fin des temps? [pp. 1165-1190]Les Miroirs des princes islamiques: une modernit sourde? [pp. 1191-1206]
Noblesses: Comptes rendusReview: untitled [pp. 1209-1212]Review: untitled [pp. 1212-1214]Review: untitled [pp. 1214-1216]Review: untitled [pp. 1216-1218]Review: untitled [pp. 1218-1219]Review: untitled [p. 1220-1220]Review: untitled [pp. 1221-1222]Review: untitled [pp. 1223-1224]Review: untitled [pp. 1224-1226]Review: untitled [pp. 1226-1228]Review: untitled [pp. 1228-1229]Review: untitled [pp. 1229-1232]Review: untitled [pp. 1232-1234]Review: untitled [pp. 1234-1235]Review: untitled [pp. 1235-1237]Review: untitled [pp. 1237-1238]Review: untitled [pp. 1239-1241]Review: untitled [pp. 1241-1243]Review: untitled [pp. 1243-1246]Review: untitled [pp. 1246-1247]Review: untitled [pp. 1247-1248]
Chiapas Une socit en mutationChiapas Une socit en mutation [p. 1249-1249]Chiapas 1993. Tentative d'analyse d'une situation insurrectionnelle [pp. 1251-1289]
Quel amricanisme aujourd'hui?Quel amricanisme aujourd'hui? [pp. 1291-1292]L'amricanisme l'heure du multiculturalisme: Projets, limites, perspectives [pp. 1293-1310]Histoires indiennes: Avances et lacunes d'une approche clate [pp. 1311-1321]L'histoire des Amrindiens au Brsil [pp. 1323-1335]L'histoire des autochtones d'Amrique du Nord: acquis et tendances [pp. 1337-1355]
Vie quotidienne: Comptes rendusReview: untitled [pp. 1359-1360]Review: untitled [pp. 1361-1362]Review: untitled [pp. 1362-1365]Review: untitled [pp. 1365-1367]Review: untitled [pp. 1367-1369]Review: untitled [pp. 1369-1370]Review: untitled [pp. 1370-1371]Review: untitled [pp. 1371-1373]Review: untitled [pp. 1373-1374]Review: untitled [pp. 1374-1376]Review: untitled [pp. 1376-1378]Review: untitled [pp. 1379-1380]Review: untitled [pp. 1380-1383]Review: untitled [pp. 1383-1384]Review: untitled [pp. 1384-1386]Review: untitled [pp. 1386-1388]Review: untitled [pp. 1388-1390]Review: untitled [pp. 1390-1391]Review: untitled [pp. 1392-1394]Review: untitled [pp. 1395-1397]Review: untitled [pp. 1397-1399]Review: untitled [pp. 1399-1400]Review: untitled [pp. 1400-1402]Review: untitled [pp. 1402-1404]Review: untitled [pp. 1404-1407]Review: untitled [pp. 1407-1409]Review: untitled [pp. 1409-1410]Review: untitled [pp. 1410-1412]Review: untitled [pp. 1413-1414]Review: untitled [pp. 1414-1415]Review: untitled [pp. 1415-1416]Review: untitled [pp. 1416-1418]
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