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ELEMENTS DE RADIOPROTECTION A L'USAGE DES MEDECINS NUCLEAIRES ET DES RADIOPHARMACIENS Docteur Jean baptiste FLEUTOT Conseiller médical du DSND 0

Elements de Radio Protection II

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ELEMENTS DE RADIOPROTECTION A L'USAGE DES

MEDECINS NUCLEAIRES ET DES

RADIOPHARMACIENS

Docteur Jean baptiste FLEUTOT Conseiller médical du DSND

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Table des matières Introduction …………………………………………………………………..

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I - Bases scientifiques de la radioprotection :..................................................... 4 I-1 : On distingue 3 modes d'exposition I- 2 : Les moyens de protection I- 3 : Les moyens de détection et de mesure : …………………………….. 5 I-4 : Les personnes concernées : ………………………………………….. 6 I-5 : Les effets sur la santé I-6 : Les sources de rayonnements ionisants : …………………………….

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II- Objectifs généraux de la radioprotection : ………………………………… 8 II-1 : Une évaluation consensuelle des effets : II-2 : Une évaluation volontairement majorante : II-3 : La notion de risque acceptable : ……………………………………. 9 II-4 : Le principe de justification : ………………………………………… 10 II-5 : Le principe d'optimisation II-6 : Le principe de limitation : …………………………………………… 11 II-7 : Conclusion : …………………………………………………………. 12 III- Organisation internationale de la radioprotection : ………………………. 13 III-1 : Les bases scientifiques III- 2: Les conclusions en matière de radioprotection : ……………………. 14 III-2- 1 : La CIPR III-2-2 : L'AIEA III-2-3 : EURATOM IV- Organisation de la radioprotection en France : …………………………… 16 IV-1 : L'autorité de sûreté nucléaire (ASN) : ……………………………... 17 IV-2 : L'AFSSAPS : ………………………………………………………. 18 IV-3 : L'expert national en radioprotection (IRSN) IV-4 : L'ANDRA IV-5 : Les exploitants et établissements : ……………………………….... 19 V- Réglementation française en radioprotection : généralités : ………………. 20 VI- Points essentiels de la radioprotection du personnel et du public : ……….. 22 VI-1 : Autorisations et déclarations VI-2 : Les acteurs de la radioprotection dans l'établissement :……………. 23 VI-2-1 : Le chef d'établissement VI-2-2 : Le médecin du travail ou de prévention :…………………. 24 VI-2-3 : La personne compétente en radioprotection VI-2-4 : Le CHSCT VI-2-5 : La personne spécialisée en radiophysique médicale : ……. 25 VI-2-6 : Les travailleurs ou les opérateurs VI-3 : Les limites de dose : ……………………………………………….. 26 VI-3-1 : Limites de dose en situation normale VI-3-2 : Limites de dose en situation anormale : ………………….. 27

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VI-4 : L'aménagement des locaux et le zonage radiologique VI-4-1 : Zonage pour les installations fixes : ……………………….. 28 VI-4-2 : Zonage pour les appareils mobiles : ……………………….. 29 VI-4-3 : Aménagements en zone réglementée : ……………………... 30 VI-4-4 : Fiches de poste VI-5 : Contrôles réglementaires des sources et des locaux VI-5-1 : Les contrôles techniques des sources : …………………….. 31 VI-5-2 : Les contrôles d'ambiance VI-5-3 : un document interne : ………………………………………. 32 VI-6 : Gestion des déchets radioactifs VI-7 : Catégorisation et formation du personnel : …………………………. 33 VI-7-1 : Travailleurs de catégorie A VI-7-2 : Travailleurs de catégorie B : ……………………………….. 34 VI-7-3 : Catégories de travailleurs et zone réglementée VI-7-4 : Formation, information des travailleurs : ………………….. 35 VI-8 : La surveillance médicale du personnel exposé VI-8-1 : Les visites médicales VI-8-2 : La fiche d'exposition : ……………………………………… 36 VI-8-3 : Le dossier médical spécial VI-8-4 : Carte individuelle de suivi médical : ………………………. 37 VI-9 : La surveillance de l'exposition VI-9-1 : Dosimétrie externe passive VI-9-2 : Dosimétrie externe opérationnelle : ……………………….. 39 VI-9-3 : Dosimétrie interne VI-9-4 : SISERI : ……………………………………………………. 40 VI-10 : Médecine nucléaire et risque radiologique VII-Points essentiels de la radioprotection des patients : …………………….. 43 VII-1 : Les exigences réglementaires VII-1-1 : Les personnes concernées : ……………………………… 44 VII-1-2 : Application du principe de justification VII-1-3 : Application du principe d'optimisation VII-1-4 : Dispositions spécifiques à la médecine nucléaire : ……….. 45 VII-1-5 : Responsabilité et traçabilité des actes VII-1-6 : Personnes qualifiées VII-1-7 : Personne spécialisée en radiophysique médicale : ………… 46 VII-1-8 : Niveaux de référence diagnostique VII-2 : Présentation de quelques outils pour la radioprotection du patient : 47 VII-2-1 : Guides de procédures radiologiques VII-2-2 : Le guide du bon usage des examens d'imagerie médicale VII-2-3 : Exemple d'information écrite aux patients : ………………. 49 VIII- Conclusion : …………………………………………………………….. 52 Annexe : zones réglementées : 54

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ELEMENTS DE RADIOPROTECTION A L'USAGE

DES MEDECINS NUCLEAIRES ET DES RADIOPHARMACIENS

Les éléments exposés ici proposent aux médecins nucléaires et aux radiopharmaciens une présentation de l'organisation et des principales dispositions réglementaires de radioprotection qu'ils auront à appliquer ou faire appliquer, à la fois comme chefs de service responsables de leur personnel et du public, et comme praticiens vis-à-vis de leurs patients. Ces éléments doivent leur permettre d’exercer leur responsabilité de manière éclairée, en sachant que la connaissance approfondie de ce domaine est détenue en particulier par les personnes compétentes en radioprotection et les personnes spécialisées en radiophysique médicale dont leurs services doivent disposer. Ces personnes seront présentées au cours de l'exposé. La radioprotection est définie dans la législation française de la manière suivante : "La radioprotection est la protection contre les rayonnements ionisants, c'est-à-dire l'ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par les atteintes à l'environnement."

(loi 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire) La radioprotection est donc : - un ensemble de bases scientifiques qui décrivent le risque et les moyens matériels de

s'en protéger - des principes généraux fixant les objectifs et les moyens d'y parvenir, - une organisation et une réglementation qui imposent le niveau de protection à atteindre

et les dispositions nécessaires pour y parvenir.

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I - BASES SCIENTIFIQUES DE LA RADIOPROTECTION L'ensemble de bases scientifiques de la radioprotection, notamment les effets biologiques des rayonnements ionisants, est exposé par ailleurs. Il ne sera fait qu'un rapide survol des éléments permettant de justifier les principales dispositions réglementaires en radioprotection. L'homme, dans ses diverses activités, est soumis à de nombreuses sources de rayonnements ionisants, dans de nombreuses circonstances, auxquelles chacun est sensibilisé (professionnelles, médicales…), mais qui peuvent aussi être banales et plus ou moins ignorées ou négligées, en particulier quand il est question d'exposition aux rayonnements naturels (cosmiques, telluriques…).

I- 1 : On distingue 3 modes d'exposition : L'exposition externe, dont on rappelle une définition très simple, qui veut qu'il n'y ait pas contact entre la source et le sujet. Toutes les sources de rayonnements suffisamment pénétrants (X, γ, neutrons, certains β) peuvent être en cause (générateurs électriques, sources radioactives scellées ou non, générateurs de neutrons). La contamination externe, où il y a contact entre la peau du sujet et la source de rayonnements ionisants (dans certains cas, on peut considérer certaines contaminations respiratoires par des gaz rares comme externes). Cette contamination ne peut être le fait que de sources radioactives émettrices de rayonnements γ ou β. Le risque de contamination interne secondaire à une contamination externe doit être pris en compte. La contamination interne, où la source de rayonnements ionisants est incorporée dans l'organisme. Il s'agit là encore uniquement de sources radioactives, quels qu'en soient les rayonnements émis, y compris les rayonnements α. Les notions de période biologique et effective, ainsi que celle de dose engagée, spécifiques à la contamination interne, ont été présentées par ailleurs.

I-2 : Les moyens de protection sont dictés par les modes d'exposition, la nature des rayonnements et, pour ce qui est de la contamination interne, par des considérations physico chimiques et métaboliques. De manière générale, la protection contre l'exposition externe fait appel au temps, à la distance et aux écrans adaptés au type de rayonnement en cause : - La protection par le temps s'appuie sur le fait que moins on est exposé longtemps à un

débit de dose constant, moins la dose totale reçue est grande.

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Pour les déchets radioactifs de période suffisamment courte, le temps peut également être mis à profit, sous la forme d'un entreposage provisoire avant transport ou élimination de déchets dont l'activité a alors quasiment disparu ou a considérablement diminué.

- La protection par la distance, pour les rayonnements directement ionisants (β) consiste à se tenir à une distance plus grande que le parcours des particules, et être ainsi parfaitement à l'abri. Dans les autres cas (rayonnements X, γ ou neutrons), la fluence, et le débit de dose, sont inversement proportionnels au carré de la distance à la source. C'est la classique "loi en 1/d²".

- La protection par des écrans fait appel à des matériaux denses (plomb…) pour les

rayonnements X et γ. Le pouvoir d'atténuation de ces matériaux est en effet proportionnel à leur densité. Il est également lié à l'énergie du rayonnement et, en pratique, les écrans au plomb sont utilisés pour des rayonnements d'énergie faible ou modérée, comme ceux que l'on rencontre habituellement dans l'imagerie médicale. Ils perdent une part importante de leur efficacité pour des rayonnements plus énergétiques et peuvent alors même entraîner une augmentation du débit de dose. Pour la protection contre les neutrons, on fait appel au contraire à des écrans légers, riches en hydrogène, dont le noyau a une masse proche de celle des neutrons (eau, paraffine, liège…), et freine ou arrête plus efficacement ceux-ci par collision élastique.

La protection contre la contamination externe comprend : - L'utilisation préférentielle de sources scellées, ne laissant pas échapper de matière, - Un confinement des sources radioactives non scellées (boîtes à gants, hottes, flacons et

conteneurs adaptés, filtration d'air…), - Une protection externe des opérateurs (tenue, gants…) adaptés à la situation. Elle peut

aller de la simple tenue anti-poussières au scaphandre autonome étanche en surpression, - Des règles d'hygiène et de propreté des surfaces.

La protection contre la contamination interne fait appel aux mêmes méthodes, auxquelles s'ajoutent la protection respiratoire et des règles d'hygiène spécifique (interdiction d'alimentation…). NB : Ces méthodes de protection contre la contamination externe ou interne ne sont pas sans rappeler les méthodes utilisées face au risque infectieux dans les laboratoires spécialisés. Elles n'ont donc rien de mystérieux et le simple bon sens est un gage d'efficacité non négligeable.

I-3 : Les moyens de détection et de mesure font appel à diverses technologies utilisant les différents types d'interaction rayonnements matière. On rappelle que la détection consiste à dire s'il y a ou non rayonnement (donc dose), alors que la mesure vise à quantifier cette présence (et les doses). Ces techniques peuvent être associées à des dispositifs d'alarme quand certains seuils sont dépassés.

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La mesure ou la détection peut être directe, pour ce qui concerne l'exposition externe, avec des résultats exprimés en dose ou débit de dose, grâce à toute une gamme de détecteurs et de dosimètres individuels, collectifs ou d'ambiance. Elle peut également être indirecte, surtout pour ce qui concerne la contamination, avec la détection ou la mesure d'activité dans l'environnement, au poste de travail (surface, atmosphérique, dans des échantillons) ou chez l'homme, essentiellement par spectrométrie pour les rayonnements γ ou par radiotoxicologie pour les émetteurs α ou β. Des modèles de calcul permettent ensuite de déduire de cette mesure les doses reçues ou potentiellement reçues par les personnes présentes.

I-4 : Les personnes exposées peuvent être considérées en diverses catégories, pour lesquelles les enjeux et la balance "avantages-inconvénients", dont on verra l'importance en abordant les grands principes (Cf. II-4 et II-5), peuvent être différents :

- Les personnes du public, - Les professionnels, - Les patients.

On verra que les dispositions générales et réglementaires en radioprotection distinguent très nettement ces catégories.

N.B. : On parle de "personnes du public" et non de "public" car on s'intéresse aux personnes individuellement plutôt qu'à des populations.

I-5 : Les effets sur la santé sont de deux types essentiels, les effets déterministes et les effets stochastiques. Sans revenir en détail sur les caractéristiques de ces différents effets, exposés par ailleurs, on peut en retenir, pour les besoins de la radioprotection, les quelques points suivants : Les effets déterministes sont des effets à seuil élevé. Il apparait dès lors facile de s'en protéger complètement en se cantonnant au dessous d'une limite inférieure à ce seuil. Les effets stochastiques sont au contraire considérés sans seuil, au nom d'un principe de précaution (il n'y aurait donc pas de risque nul). Ce sont de plus des effets non caractéristiques, se traduisant par l'apparition plus fréquente de maladies certes graves, mais parfaitement banales. La radioprotection doit donc s'attacher à rechercher le meilleur compromis, très prudent, entre la protection contre un risque avéré ou hypothétique et la nécessité d'utiliser les rayonnements ionisants ou l'impossibilité de s'en affranchir. Pour ces effets stochastiques, on a pu établir une "toxicité" différente des différents rayonnements et selon les organes exposés. Cette évaluation du risque a conduit, pour les besoins de la radioprotection, aux notions de dose absorbée, dose équivalente et dose efficace, elles aussi exposées par ailleurs.

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I-6 : Les sources de rayonnements ionisants sont nombreuses et, pour une part au moins, font partie de la vie courante. Cela signifie entre autres que certaines sont inévitables alors que d'autres peuvent être maîtrisées. Cela signifie aussi que certaines sources sont perçues par le public comme très dangereuses, principalement quand ce sont des sources dument répertoriées, alors que d'autres n'éveillent que peu de polémique, indépendamment du danger objectif qu'elles peuvent engendrer, surtout quand ces sont des sources naturelles ou dont le caractère irradiant est mal connu. On distingue : - Des sources naturelles (telluriques, atmosphériques, cosmogéniques, internes), - Des sources médicales (diagnostic ou thérapie, d'origine électrique ou radioactive), - Des sources industrielles (radiographie, métrologie, sources scellées ou non,

irradiateurs…), - Des sources liées à l'industrie nucléaire (réacteurs, cycle du combustible…), - Des déchets et produits de démantèlement.

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II - OBJECTIFS GENERAUX DE LA RADIOPROTECTION La radioprotection, qui doit répondre à l'objectif défini en préambule, peut être vue comme la mise à profit des données scientifiques acquises pour instituer le système le plus satisfaisant possible, compte tenu de ce qui est inévitable (par exemple l'irradiation ou la radioactivité naturelle), de ce qui est utile, voire indispensable (les utilisations des rayonnements ionisants), afin de protéger au mieux les personnes contre les effets de ces rayonnements. C'est donc la recherche du meilleur équilibre "avantages-inconvénients" des rayonnements ionisants, et non une recherche de protection absolue qui deviendrait outrancière et certainement néfaste. Le principe de précaution, aujourd'hui largement invoqué dans de très nombreux domaines, est à la base de la définition de ses objectifs et de ses méthodes. Elle est même historiquement l'une des plus anciennes utilisations conscientes de ce principe. Enfin, les rayonnements ionisants et leur utilisation sont de découverte encore récente et la sensibilisation à la protection a été contemporaine de leur essor. Ceci explique, avec la perception très aigue des risques associés, qu'elle soit probablement l'une des protections les plus évoluées, les plus exigeantes et les plus homogènes au monde. Elle s'appuie sur :

II-1 : Une évaluation consensuelle des effets de rayonnements, fondée sur des données scientifiques consolidées. Les données prises en considération sont celles publiées dans les principales revues à comité de lecture, faisant l'objet d'un consensus international et pour la plus grande part synthétisées dans les rapports scientifiques, de l'UNSCEAR essentiellement (Cf. III-1), mais aussi d'autres institutions. Cette démarche offre l'intérêt de protéger en particulier de publications, déclarations ou opinions outrancières ou bien, s'agissant de données épidémiologiques ou statistiques parfois à la limite de leur significativité, qui s'exposent elles mêmes à des hasards statistiques malencontreux ou mal interprétés.

II-2 : Une évaluation volontairement majorante du risque (détriment) qui va dans le sens de

la sécurité. On parle de "risque enveloppe". On comprend en effet qu'une telle démarche conduit à la mise en place d'un système peut-être surdimensionné, mais qui mette ses bénéficiaires d'une sous-évaluation de la réalité. Cette évaluation repose pour une part importante sur des hypothèses simplificatrices dont la relation linéaire sans seuil entre la dose et la probabilité de survenue de maladies

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stochastiques radioinduites. Ces hypothèses et la relation linéaire sans seuil ont été expliquées en conclusion de l'exposé sur les effets biologiques des rayonnements ionisants.

Il convient de rappeler que la relation linéaire sans seuil une évaluation "morale", majorant le risque aux faibles doses pour les seuls besoins d'une normalisation sécuritaire. Elle n'est en aucun cas une démarche scientifique permettant l'estimation réaliste d'un risque, comme on en aurait besoin pour prédire les conséquences d'un accident.

II-3 : La notion de risque acceptable : Il s'agit ici de risque objectivement acceptable, donc de risque "réel" et non de "risque perçu", subjectif. On comprend bien la différence entre risque objectif et risque perçu en comparant par exemple la réaction de l'opinion face au risque de la circulation routière en France (de l'ordre de 4000 morts par an) et le risque "nucléaire", où le premier mort, voire le premier malade, lèverait tous les boucliers. Pour les professionnels, on peut accepter un risque non nul s'il reste de faible niveau. Ces personnes acceptent de fait, comme pour les autres expositions professionnelles, de prendre un risque pour le bénéfice de la société et non uniquement pour elles-mêmes. Pour les personnes du public, le risque acceptable (réduit au risque inévitable?) ne peut être qu'un risque quasiment nul. Considérant qu'un niveau de risque (stochastique) dépend du niveau de dose, ces niveaux de risque jugé acceptable détermineront des niveaux de dose limites, différents pour les professionnels et pour les personnes du public. Les patients soumis à une exposition médicale tirent un avantage personnel, notamment en termes de santé, qu'on suppose supérieur au risque pris par eux-mêmes, comme pour tout acte médical. On peut alors considérer que le risque radioinduit encouru élimine ou réduit un autre risque, largement plus préoccupant. On ne peut alors pas fixer une limite de risque acceptable mais on doit contrôler et optimiser ce risque.

Les notions qui viennent d'être exposées ont conduit la CIPR (Cf. III-2-1) à élaborer trois grands principes, édictés dans sa publication 26 et repris dans sa publication 60, qui gouvernent la mise en place des réglementations en radioprotection. Ce sont les principes de : - Justification, - Optimisation, - Limitation. Ces principes sont repris dans la législation française (article L 1333-1 du code de la santé publique).

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II-4 : Le principe de justification :

Toute exposition aux rayonnements ionisants pouvant engendrer un risque, toute exposition inutile doit être évitée. Le principe de justification veut qu'aucune activité mettant en œuvre des rayonnements ionisants ne soit autorisée si elle ne procure pas un avantage suffisant aux personnes exposées ou à la société. Il signifie que toute exposition doit avoir un bénéfice incontestablement supérieur à son détriment (son risque). Elle ne doit être acceptée que si aucun autre moyen,non irradiant (et n'engendrant pas un risque plus grand) n'est disponible pour obtenir un résultat équivalent. La réglementation française décline ainsi le principe de justification : "Une activité nucléaire1 ou une intervention ne peut être entreprise ou exercée que si elle est justifiée par les avantages qu'elle procure, notamment en matière sanitaire, sociale, économique ou scientifique, rapportés aux risques inhérents à l'exposition aux rayonnements ionisants auxquels elle est susceptible de soumettre les personnes". Cela conduit à des régimes de déclaration et d'autorisation d'utilisation des sources qui figurent dans les directives européennes (Cf.III-2-3) et sont reprises dans la réglementation française. Ces régimes sont destinés à contrôler leur justification, leur suivi et leurs conditions de mise en œuvre.

Cela conduit aussi à interdire certaines utilisations de matières radioactives ou des rayonnements ionisants (jouets, paratonnerres, alimentation…) et à en restreindre d'autres (radiographies pulmonaires systématiques…).

II-5 : Le principe d'optimisation :

Si l'exposition et le risque nuls n'existent pas, il n'est pas pour autant envisageable de se priver complètement des apports des rayonnements ionisants ou de l'énergie nucléaire. On doit donc accepter un risque "incompressible" en mettant en œuvre les moyens propres à le réduire le plus possible, étant entendu que l'on se situe déjà, au départ de cette démarche, dans un niveau de risque acceptable (Cf. II-3). Cette réduction supplémentaire du risque ne peut cependant que rester raisonnable, en tenant compte d'un équilibre entre apport et inconvénients du procédé, ainsi que du coût supplémentaire des efforts consentis pour en réduire l'impact. Le coût supplémentaire dont il est question comprend bien sûr le coût économique des moyens de protection ou de prévention nécessaires, mais aussi le coût social (impact sanitaire sous toutes ses formes, impact des moyens de protection sur la performance…). Ce principe est connu chez les anglo-saxons sous le terme "ALARA" (As Low As Reasonably Achievable). 1 "Activité nucléaire", dans la réglementation française, signifie "toute activité sous rayonnements ionisants".

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Il tient compte à la fois du principe de précaution et du principe d'équité. Il est en effet question de réduire les doses au plus bas niveau raisonnable, en commençant par les doses les plus élevées, de manière à ne pas réduire globalement la dose collective d'un groupe de personnes au détriment de l'une d'entre elles, qui serait la seule à recevoir une dose beaucoup plus élevée que les autres. Le principe d'optimisation conduit à se fixer des objectifs de dose individuels et collectifs, inférieurs aux limites réglementaires (Cf. II-6), de plus en plus bas, grâce à une organisation du travail, une étude préalable des facteurs d'exposition, des postes de travail et un retour d'expérience, que l'on retrouvera dans la réglementation essentiellement sous la forme d'études de postes et évaluations préalables de doses. C'est un principe d'amélioration permanente qui vise à diminuer les doses collectives (H.mSv) grâce à un effort portant d'abord sur les doses individuelles les plus fortes. La réglementation française traduit ce principe de la manière suivante : "L'exposition de personnes aux rayonnements ionisants résultant d'une de ces activités ou interventions doit être maintenue au niveau le plus faible qu'il est raisonnablement possible d'atteindre, compte-tenu de l'état des techniques, des facteurs économiques et sociaux et, le cas échéant, de l'objectif médical recherché.".

II-6 : Le principe de limitation : Fondamentalement, les deux principes qui viennent d'être évoqués devraient être suffisants pour assurer une bonne radioprotection. Il a cependant paru important de conserver le premier et "vieux" principe de limitation individuelle de l'exposition, qui donne lieu aux normes appliquées dans les réglementations. Justification et optimisation garantissent le bien fondé collectif des expositions envisageables et les maintiennent, en moyenne, les plus basses possibles, sans qu'une limite haute soit formellement fixée. Le principe de limitation interdit, pour chaque individu, le dépassement d'une limite qui, en France, a valeur infractionnelle. Toutefois, les législations nationales peuvent accorder certaines dérogations, pour certains intervenants, en particulier en situation d'urgence radiologique. Ces limites sont telles que les effets déterministes sont évités et que le risque résiduel d'effets stochastiques est jugé acceptable, avec l'évaluation majorante déjà signalée (Cf. II-2). La réglementation française définit ainsi ce principe : "L'exposition d'une personne aux rayonnements ionisants résultant d'une de ces activités ne peut porter la somme des doses reçues au-delà des limites fixées par voie réglementaire, sauf lorsque cette personne est l'objet d'une exposition à des fins médicales ou de recherche biomédicale". Attention : L'existence du principe d'optimisation renforce l'idée selon laquelle une limite

de dose n'est pas une limite à approcher sans la dépasser, comme on le considère habituellement dans le cas des limitations de vitesse routière, mais est une limite dont on doit se tenir le plus éloigné possible, en lui restant inférieur.

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II-7 : Conclusion : On peut résumer ces principes en disant que, quand une exposition est justifiée, on doit rechercher des niveaux de dose les plus bas raisonnablement possible, au dessous de limites qu'il est interdit de dépasser (sauf cas particuliers).

R E T E N I R

Les principes généraux de la radioprotection, servant de fondement aux réglementations nationales, sont édictés par la CIPR au terme d'une démarche sécuritaire qui s'appuie sur une évaluation à la fois objective et protectrice du risque radioinduit comprenant : - Un consensus scientifique international fait de données consolidées et

synthétisées, - Une évaluation enveloppe du risque (aux faibles doses) en conclusion de ces

hypothèses, - La définition d'un risque résiduel acceptable compte tenu des personnes

auxquelles on s'adresse. Les trois grands principes ainsi édictés sont : Le principe de justification, au nom duquel aucune activité sous rayonnements ionisants (aucune exposition) ne doit être autorisée si elle ne procure pas un avantage suffisant par rapport au risque qu'elle engendre, et s'il n'existe pas de technique non dosante ou moins dosante apportant des résultats équivalents (sans engendrer de risque plus important). Le principe d'optimisation (ALARA des anglo-saxons) qui veut que toute exposition aux rayonnements ionisants (si elle est justifiée) doit être réduite autant qu'il est raisonnablement possible de le faire. Ce principe est un principe d'amélioration continue. Le principe de limitation. Alors que les deux autres principes ont une portée collective, ce vieux principe historique a été conservé car il fixe, pour chaque personne, des limites de dose individuelles infranchissables dans les conditions normales de vie ou de travail. En résumé, quand une exposition est justifiée, on doit rechercher des niveaux de dose les plus bas raisonnablement possible, au dessous de limites qu'il est interdit de dépasser.

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III - ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA RADIOPROTECTION De nombreuses organisations internationales ont vu le jour et contribuent encore aujourd'hui, chacune dans leur domaine, à construire ou faire évoluer la radioprotection. La première d'entre elles fut l'ICRU (International Commission for Radiation Units : commission internationale des unités et mesure des rayonnements). Elle a été créée en 1925, lors du premier congrès international de radiologie. Son objectif était et reste de fixer les grandeurs et unités de physique, de rayonnements et d'activité, ainsi que les méthodes de mesure de ces grandeurs. Les principales institutions jouant aujourd'hui un rôle fondamental en radioprotection sont organisées de manière à : - valider les bases scientifiques disponibles, - en tirer les conclusions adéquates en termes de radioprotection, - et les proposer ou les faire appliquer dans les états. Ce schéma général, qui fait appel à des institutions indépendantes les unes des autres, parait être une bonne garantie de rigueur et d'impartialité, à tel point que, comme on le verra plus loin, la France, comme de nombreux pays, s'en est inspiré pour sa propre organisation.

III-1 : Les bases scientifiques : La mise en place d'une radioprotection efficace exige des bases scientifiques solides, objectives et "dépassionnées". La démarche qui le permet est la suivante : - Les bases sont fournies par les articles scientifiques consolidés, reconnus et publiés

dans des revues à comité de lecture. - Elles sont synthétisées par des institutions ou des comités scientifiques internationaux

au premier rang desquels figure l'UNSCEAR (Unated Nations Scientific Committee fot effects of atomic radiations : comité scientifique des nations unies pour les effets des rayonnements ionisants).

- Ces synthèses font en particulier la part des choses entre les publications éventuellement contradictoires et sont considérées comme l'état de la science actuelle en la matière.

Les synthèses de l'UNSCEAR sont présentées sous la forme de rapports scientifiques à thème, dont le dernier est paru en 2006. D'autres institutions internationales synthétisent également des données scientifiques consolidées, comme la CIPR (Cf. III-2-1), l'AIEA (Cf. III-2-2), l'AEN, éventuellement en s'appuyant elles-mêmes sur les rapports de l'UNSCEAR… Des sociétés savantes entretiennent et diffusent également la connaissance scientifique (BEIR, IRPA…).

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III-2 : Les conclusions en matière de radioprotection :

Diverses institutions, dont certaines viennent d'être citées, tirent des conclusions de ces bases. Parmi elles, le rôle central mais pas unique est tenu par la CIPR. III-2.1 : La CIPR (Commission Internationale de Protection contre les Rayonnements) est donc l'instance de référence en radioprotection. C'est une organisation non gouvernementale créée en 1950. Elle est l'héritière d'un "International X Ray and radium protection committee", créé en 1928 lors d'un congrès international de radiologie au cours duquel les participants s'étaient particulièrement émus de l'importance des effets constatés chez eux-mêmes. Elle est composée d'experts internationaux cooptés dans les différentes disciplines ayant trait à la radioprotection, qui se veulent indépendants des états. Elle s'appuie sur ses propres analyses et sur les comités scientifiques comme l'UNSCEAR pour définir des grands principes, comme les principes généraux présentés plus haut (Cf. II), et pour élaborer des recommandations proposant aux états des règles de radioprotection. L'image de "sage" de la CIPR est telle que ses recommandations, bien qu'elles n'aient pas force de loi internationale, sont considérées par les états comme des obligations qu'ils se doivent d'appliquer. Les principales publications de la CIPR faisant des recommandations aujourd'hui en vigueur sont la "CIPR 26" de 1977, la "CIPR 60" de 1991 et la "CIPR 103",publiée en2007. D'autres instances internationales existent avec des buts voisins mais différents. On peut citer : III-2.2 : L'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) qui vise à mettre à disposition des peuples l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire et à lutter contre la prolifération. Elle émet également des recommandations en radioprotection (basic safety standards) et diffuse un enseignement. III-2.3 : EURATOM qui est une institution européenne et émet, pour ce qui concerne la radioprotection, des directives. Ces directives sont des textes réglementaires qui doivent être appliqués par les états membres sous une forme laissée à leur initiative. EURATOM rédige ses directives relatives à la radioprotection en se référant fortement aux travaux de la CIPR. Les principales directives d'EURATOM sont, pour ce qui nous concerne : - La directive 96/29 EURATOM du Conseil du 13 mai 1996 fixant les normes de base

relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants. Il s'agit de la directive qui fixe les règles de protection des travailleurs et des personnes du public.

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- La directive 97/43 du Conseil du 30 juin 1997 relative à la protection sanitaire des personnes contre les dangers des rayonnements ionisants lors d'expositions à des fines médicales. Il s'agit de la protection des patients (et de leur entourage).

R E T E N I R

Synthèses Etat de la science

Conclusions pour la radioprotection

Recommandations

Dispositions nationales

Rapports scientifiques (UNSCEAR, AIEA,

CIPR (AIEA, AEN…)

Publications CIPR

Législations réglementations

nationales

Articles scientifiques Revues scientifiques (à comité de lecture)

EURATOM

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IV – ORGANISATION DE LA RADIOPROTECTION EN FRANCE

La radioprotection en France s'est organisée autour de différentes institutions dont l'organisation actuelle est l'héritière. Les principales étaient : - Le SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants), devenu

l'OPRI (Office de protection contre les rayonnements ionisants), qui avait un double rôle, d'autorité et d'expert en radioprotection.

- L'IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire) qui était un expert technique d'avantage tourné vers la sûreté nucléaire et les installations nucléaires de base (INB).

- La CIREA (Commission interministérielle des radioéléments artificiels) qui était chargée de tenir l'inventaire et le suivi des sources radioactives artificielles.

Le besoin de transparence et d'indépendance clairement affichées de la radioprotection, fortement ressenti à la suite de l'accident de Tchernobyl et de ses conséquences réelles ou supposées en France, a conduit à un rapport parlementaire rédigé par le député Jean-Yves LE DEAULT, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques en 1998, intitulé " Rapport sur le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire : la longue marche vers l'indépendance et la transparence". La suite donnée à ce rapport a mis en place l'organisation actuelle de la radioprotection en France, au début des années 2000 avec pour objectifs : - Rapprocher la sûreté nucléaire et la radioprotection, et les redéfinir, - Rapprocher le "nucléaire lourd"2 et le "nucléaire diffus"3, - Assurer l'indépendance des différents échelons de l'organisation les uns par rapport aux

autres, pour mieux garantir objectivité et transparence, - Appliquer la loi commune à la Défense, jusqu'alors bénéficiaire d'une large dérogation

de fait, - Assurer le droit du public à une information fiable et accessible. La définition de la radioprotection donnée par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, déjà indiquée en préambule, est la suivante : "La radioprotection est la protection contre les rayonnements ionisants, c'est-à-dire l'ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par les atteintes à l'environnement." 2 Nucléaire lourd : Exploitation de l'énergie nucléaire 3 Nucléaire diffus : Abus de langage datant du début des années 2000, couvrant les activités (parfois encore appelées "activités nucléaires") couvrant l'ensemble des autres activités sous rayonnements ionisants.

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L'organisation de la radioprotection (et de la sûreté nucléaire) s'articule aujourd'hui autour de 3 échelons que l'on a voulu indépendants les uns des autres : - Autorités, - Experts, - Exécutants.

IV-1 : L'autorité de sûreté nucléaire (ASN) : Cette autorité avait été mise en place en 2002 sous le nom de DGSNR (Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection), sous la tutelle de plusieurs ministres. Depuis 2006, elle est devenue l'ASN, autorité administrative indépendante de toute tutelle ministérielle. Elle est composée d'une instance nationale et de 11 entités dans les régions : les DSNR (directions de la sûreté nucléaire et de la radioprotection). L'entité nationale est dirigée par 5 commissaires, avec à leur tête un président. Ces derniers sont assistés par une direction générale et 7 directions spécialisées, dont la direction des rayonnements ionisants et de la santé. L'ASN a compétence sur toutes les sources de rayonnements ionisants, industrielles, de recherche ou médicales, civiles et militaires, à la seule exception des installations et activités nucléaires intéressant la défense (Cf. ci-dessous). Elle met en œuvre la politique nationale en matière de radioprotection, délivre les autorisations et reçoit les déclarations qui s'y attachent (Cf. VI-1), contrôle et inspecte les activités mettant en jeu la radioprotection. C'est en particulier à elle que les services de radiopharmacie et de médecine nucléaire adresseront leurs demandes d'autorisation de fonctionner ou de détenir et utiliser des sources. C'est également elle, ou les DSNR, qui viendront les inspecter. Dans la mesure où elle n'a pas de tutelle ministérielle, l'ASN n'a pas de pouvoir régalien mais elle émet des décisions qui peuvent devenir des textes réglementaires sous la signature du ministre compétent. Elle participe de plus aux groupes de travail spécialisés comme ceux de la direction générale du travail ou de la direction générale de la santé qui se penchent sur ce sujet. Pour les installations et activités nucléaires intéressant la Défense, strictement limitées aux installations, industrielles ou militaires, participant à la mise en œuvre de l'armement nucléaire ou de la propulsion navale nucléaire, l'autorité de sûreté est le DSND (délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense). Cette exception est justifiée par le degré de secret très particulier de ce secteur d'activités. Les autres installations de la Défense (écoles, hôpitaux, unités, établissements industriels…) sont soumis à l'autorité de l'ASN.

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IV-2 : L'AFSSAPS

L'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) n'est pas une autorité de radioprotection mais intervient dans le processus d'autorisation concernant les produits de santé, y compris ceux utilisés en médecine nucléaire.

IV-3 : L'expert national en radioprotection (IRSN)

L'expert en radioprotection et en sûreté nucléaire pour les autorités de sûreté est l'IRSN (institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). Il a été créé par le décret 2002-254, du 22 février 2002. C'est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), indépendant de ces autorités mais placé sous la tutelle des ministres chargés de l'environnement, de l'industrie, de la recherche, de la santé et de la défense. Ses activités ne se limitent pas à la seule expertise pour le compte des autorités de sûreté : - Il assure des missions d'expertise et de recherche pour l'Etat, tout autre organisme

public ou privé, ou de sa propre initiative - Il assure une veille permanente en radioprotection. - Il assure une part importante de la surveillance dosimétrique des personnes. - Il assure certains contrôles techniques réglementaires et radioprotection. - Il centralise les informations relatives au suivi des personnes soumises à un risque

professionnel (SISERI) (Cf. VI-3-4). Le statut de l'IRSN, différent de celui des autorités de sûreté et évitant tout lien de subordination entre eux, a pour but d'assurer l'indépendance de l'expert par rapport à l'autorité, souhaité dans le rapport LE DEAULT,cité plus haut. Un certain nombre d'autres organismes peuvent également réaliser des contrôles techniques (Cf. VI-5), ou effectuer de la dosimétrie (Cf. VI-9-1 et VI-9-3), en lieu et place de l'IRSN, sous réserve qu'ils soient agréés par l'ASN.

IV-4 : L'ANDRA

L'ANDRA (Agence nationale des déchets radioactifs) est également un EPIC. Elle gère les centres de stockage de déchets radioactifs, définit les conditions d'acceptation des déchets à stocker et participe à la recherche de sites de stockage futurs. On note que les déchets radioactifs à période très courte, comme une partie très importante de ceux produits dans les services de radiopharmacie et médecine nucléaire, peuvent être éliminés sans faire appel à l'ANDRA, après entreposage local pour décroissance.

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IV-5 : Les exploitants et établissements

Les exploitants et chefs d'établissements fournissant, utilisant ou détenant des appareils ou des installations générateurs de rayonnements ionisants sont responsables de l'application des dispositions réglementaires en matière de radioprotection, sous le contrôle réglementaire des autorités et le contrôle technique de l'IRSN ou d'organismes agréés. Les domaines dans lesquels cette application doit être faite au sein des établissements sont abordés dans les chapitres suivants.

_____oOo_____ Bien que de nombreux autres organismes soient amenés à participer plus ou moins directement à la radioprotection, seuls quelques acteurs essentiels ont été présentés.

R E T E NI R

Contrôles techniques

Application

DSND

A S N

Exploitants Etablissements

Organismes agréés

Veille réglementaire

Veille scientifique

IRSN Contrôle réglementaire

Expertise technique

L'organisation de la radioprotection et de son contrôle fait appel à des entités indépendantes les unes des autres :

. Une autorité administrative (l'ASN) indépendante du gouvernement,

. Un expert national indépendant des autorités (l'IRSN),

. Des exploitants et établissements chargés d'appliquer la réglementation dans leurs installations.

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V - REGLEMENTATION FRANCAISE EN RADIOPROTECTION : GENERALITES

Les textes légaux ou réglementaires français traitant de radioprotection s'intéressent : - Aux travailleurs exposés (code du travail), - Aux personnes du public (code de la santé publique), - Aux patients (code de la santé publique). L'organisation générale fait appel à des textes officiels traitant de radioprotection de 3 niveaux :

− Des lois, que l'on trouve dans la partie législative des codes (du travail ou de la santé publique). Ce sont les articles de ces codes portant un numéro commençant par L. Ces textes donnent les grandes orientations et les principes à mettre en œuvre.

− Des décrets d'application des lois, regroupés dans la partie réglementaire des codes. Les articles portent des numéros commençant par R. Ils apportent les précisions nécessaires à la mise en œuvre de ces lois.

− Des arrêtés d'application qui organisent finement les moyens et procédures nécessaires à la réalisation des prescriptions législatives et réglementaires. Ces arrêtés ne sont pas inclus dans les codes.

L'ensemble de la réglementation relative à la radioprotection est disponible sur le site des journaux officiels (legifrance.gouv.fr) et sur le site de l'ASN (www.asn.fr). On peut en outre trouver sur le site de l'ASN ou d'autres organismes des documents de synthèse spécifiques à certains domaines, facilitant la consultation et la compréhension des textes. Il existe en particulier un document intitulé : "Présentation des principales dispositions réglementaires de radioprotection applicables en radiologie médicale et dentaire". Les parties des codes relatives à la radioprotection (partie réglementaire) sont : Code de la santé publique : Articles R 1333- 1 à R 1333-112. Ces articles traitent de :

. Mesures générales de protection de la population,

. Exposition aux rayonnements d'origine naturelle,

. Régimes d'autorisation ou de déclaration,

. Acquisition, distribution, utilisation de sources,

. Contrôles inspections),

. Protection des personnes exposées à des fins médicales ou médicolégales,

. Situations d'urgence radiologique ou d'exposition durable.

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Code du travail : Articles R 4451-1 à R 4457-14. Ces articles traitent de :

. Principes généraux et responsabilités,

. Règles d'aménagement des locaux,

. Règles applicables aux travailleurs,

. Surveillance médicale,

. Situations d'urgence radiologique et situations anormales,

. Organisation fonctionnelle de la radioprotection,

. Exposition professionnelle à la radioactivité naturelle.

_____oOo_____

Plutôt que reprendre et analyser en détail ces dispositions, qui doivent être connues des personnes qualifiées en radioprotection des établissements (Cf. VI-2-3 et VII-1-6), les chapitres suivants insisteront sur les points essentiels de la réglementation telle qu'elle s'impose aux établissements et telle qu'un chef de service doit veiller à la faire appliquer avec l'appui de ces personnes, au profit de son personnel dune part (Cf. VI), au profit de ses patients d'autre part (Cf.VII).

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VI – POINTS ESSENTIELS DE LA RADIOPROTECTION DU PERSONNEL ET DU PUBLIC

Ces points de réglementation relèvent des codes du travail et de la santé publique, ainsi que de leurs arrêtés d'application. C'est une réglementation précise, détaillée, laissant peu de marge aux personnes chargées de l'appliquer, par opposition à la radioprotection du patient, dont on verra au chapitre VII qu'elle laisse une part beaucoup plus large au jugement du praticien. Ces points touchent à de nombreux domaines, relatifs aux sources, aux locaux et aux personnes :

− Autorisations et déclarations des installations et des sources, − Acteurs au niveau de l'établissement, − Limites de dose, − Zonage, − Contrôles, − Déchets, − Classification et formation du personnel, − Suivi médical et dosimétrique du personnel.

La sécurité que les mesures préconisées apportent aux travailleurs et au public est sa vraie justification. Il n'est cependant pas inutile d'insister sur le fait que, notamment dans le cadre du contentieux, des comptes pourraient être demandés aux responsables d'activités sous rayonnements ionisants sur ces différents points. La plus grande vigilance sur l'application formelle de chacun d'eux, et sur la traçabilité des actions menées, est donc très importante.

VI-1 : Autorisations et déclarations

La fabrication, la distribution, la détention, l'utilisation ou la détention de sources de rayonnements ionisants, si celle-ci met en jeu des doses, des activités ou des activités massiques supérieures à certaines valeurs appelées "seuil d'exemption"(art R 1333- 19 et 20 du code de la santé publique), est soumise à autorisation de l'ASN ou déclaration auprès de celle-ci. Cette obligation concerne les sources radioactives, les générateurs électriques et l'irradiation de produits dans tous les domaines (industrie, recherche, médecine…).. Le régime de déclaration (art R 1333-19 à 22 du code de la santé publique) concerne des générateurs électriques à usage médical ou non, ainsi que certaines sources radioactives scellées figurant sur une liste établie par l'ASN. Pour les établissements de santé, ce régime s'applique à l'utilisation d'appareils électriques générateurs de rayons X à usage de diagnostic, sauf équipements lourds.

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Le régime d'autorisation (art R 1333-23 à 37 du code de la santé publique) concerne les autres sources de rayonnements ionisants dépassant le seuil d'exemption. Pour les hôpitaux, il concerne en particulier les équipements lourds (scanners, accélérateurs) ainsi que les services de radiopharmacie et de médecine nucléaire. Les procédures sont décrites dans les articles du code de la santé publique indiqués et sont détaillées dans les dossiers de déclaration ou de demande d'autorisation que l'ASN met à la disposition des demandeurs. Il est cependant important de retenir que les autorisations : - Doivent être renouvelées tous les 10 ans au moins, - Ne sont pas tacitement reconductibles (une nouvelle demande doit effectivement être

faite), - Sont personnelles (chef d'établissement et personne physique responsable de l'activité)

et ne sont pas transmissibles, - Les changements de titulaire d'une autorisation doivent être déclarés.

VI-2 : Les acteurs de la radioprotection dans l'établissement La radioprotection au sein de l'établissement est assurée par plusieurs acteurs dont les rôles sont complémentaires : - Le chef d'établissement (et la personne responsable de l'activité), - Le médecin du travail ou de prévention, - La personne compétente en radioprotection, - Le CHSCT, - La personne spécialisée en radiophysique médicale pour les établissements de santé au

profit des patients, - Les opérateurs ou travailleurs. VI-2-1 : Le chef d'établissement : Le chef d'établissement est le responsable de la radioprotection dans l'ensemble de son établissement. Cette responsabilité est partagée avec d'autres acteurs que sont en particulier la personne compétente en radioprotection et la personne responsable de l'activité, comme le chef du service d'imagerie médicale par exemple. - Il est responsable général de la mise en œuvre des mesures qui seront décrites plus loin, - Il s'assure de la mise en place des mesures de radioprotection, - Il désigne la personne compétente en radioprotection et le médecin du travail, Généralement, le chef d'établissement est aussi l'employeur. Ce n'est cependant pas le cas d'une entreprise intervenant au sein d'un établissement client (entreprise utilisatrice). L'employeur des personnes extérieures à l'établissement qui interviennent (entreprise intervenante, comme par exemple les sociétés de nettoyage ou de maintenance) est alors responsable des mesures de radioprotection pour son personnel et le chef de l'entreprise utilisatrice est responsable de la coordination (il vérifie les bonnes pratiques par l'entreprise intervenante et lui doit tout élément lui permettant d'exercer sa responsabilité).

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Le code du travail prévoit explicitement que le chef de l'entreprise utilisatrice doit assurer la coordination des mesures de radioprotection pour les deux entreprises dans son établissement. VI-2-2 : Le médecin du travail ou de prévention : Il est titulaire d'un diplôme de médecine du travail (ainsi que d'une formation spécifique reconnue pour les installations nucléaires de base). Il assure les fonctions habituelles de médecin du travail (visites d'aptitude, participation aux études de poste, contrôle des postes de travail, conseiller du chef d'établissement…) et assure le suivi médical spécifique aux travailleurs exposés (Cf. VI-8). Il participe de plus aux formations spécifiques en radioprotection (Cf. VI-7). VI-2-3 : La personne compétente en radioprotection : La personne compétente en radioprotection (PCR) est la personne spécialement chargée, sous la responsabilité du chef d'établissement, de mettre en œuvre les dispositions de radioprotection pour le personnel et les personnes du public au sein de l'établissement. Elle travaille en relation avec le médecin du travail et le CHSCT (Cf.VI-2-4). Ces différentes dispositions de radioprotection, pour lesquelles la PCR joue un rôle central "d'homme orchestre", sont présentées par la suite :

− Respect des différentes limites, − Etablissement et respect des règles de protection, − Etudes de poste et évaluation des risques − Délimitation des zones réglementées, − Gestion des sources et contrôles, − Formation du personnel, − …

Elle doit détenir un diplôme national, délivré après une formation dispensée par un formateur certifié, qui peut concerner 3 secteurs :

− Médical, − Industriel et recherche, − Installations nucléaires de base et ICPE.

Et comporte deux options : − Sources scellées et appareils électriques, − Sources non scellées et sources scellées nécessaires à leur contrôle.

Son diplôme doit être renouvelé tous les 5 ans. VI-2-4 : Le CHSCT Le CHSCT (comité d'hygiène et sécurité des conditions de travail) est obligatoire dans les établissements de plus de 50 personnes. Il peut être remplacé, dans les établissements plus petits, par des délégués du personnel.

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Il constitue le regard des employés sur les conditions d'hygiène au travail. Le CHSCT donne son avis sur la nomination de la PCR. Il est destinataire :

− du bilan des contrôles techniques (Cf. VI-5), − des informations relatives aux dépassements de limites et des contre-mesures prises.

VI-2-5 : La personne spécialisée en radiophysique médicale : Son rôle concerne la radioprotection de patients. Elle sera présentée au chapitre traitant de celle-ci (Cf. VII-1-7). VI-2-6 : Les travailleurs ou les opérateurs (Cf.VI-7) : Les travailleurs ou opérateurs (ou intervenants) ont en charge leur propre radioprotection et l'application des consignes de sécurité qui les concernent. Ces points seront évoqués plus loin. A ce titre, ils doivent en particulier recevoir une formation et/ou une information de la part des autres acteurs présentés plus haut.

R E T E N I R

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PSRPM

Personne responsable d'activité (chef de service détenteur d'une source)

CHEF D'ETABLISSEMENT

EMPLOYEUR

CHSCT (droit de regard)

Médecin du travail

PCR

Travailleurs, opérateurs

Responsable de la mise en œuvre, Désigne PCR et médecin, Si chef d'établissement ≠ employeur : - CE coordonne les mesures de chantier - E responsable protection de ses employés

Obligatoire dès qu'existe une source Diplôme < 5 ans Mise en œuvre des mesures sous la responsabilité du chef d'établissement ou de l'employeur

Suivi médical : aptitude et bilans Surveillance des postes de travail

Application des consignes Protection de leur poste Doivent être formés et informés

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VI-3 : Les limites de dose : Ces limites sont fixées en termes de dose efficace (E) et, pour certains organes qui peuvent être spécialement exposés, en termes de dose équivalente à l'organe (Horgane). Ces deux notions de dose ont été explicitées en conclusion de l'exposé relatif aux effets biologiques des rayonnements ionisants. La réglementation prévoit que la dose efficace (E) à prendre en considération est la somme des doses efficaces dues à l'irradiation externe et de celles dues à la contamination interne.

E = Eext + Eint

VI-3-1 : Limites de dose en situation normale : Il s'agit bien sûr des limites de dose fixées en application du principe de limitation évoqué plus haut (Cf. II-6). Ce sont donc des limites individuelles absolues, dont le franchissement est infractionnel, et dont le respect ne dispense pas d'appliquer le principe d'optimisation (recherche de la meilleure réduction raisonnable des doses collectives et individuelles). Ces limites sont des limites annuelles, donc des cumuls de dose sur une période glissante de 12 mois, pour l'ensemble des activités menées par une personne, même si c'est sur différents chantiers, dans plusieurs établissements (intérimaires, vacataires, stagiaires, sociétés de services…) ou pour plusieurs employeurs. L'irradiation naturelle non renforcée et l'irradiation médicale ne sont pas prises en compte. - Il a déjà été expliqué que fixer une limite à l'irradiation de patients n'avait pas vraiment

de sens. - L'irradiation naturelle non renforcée est l'irradiation à laquelle on est soumis dans la vie

courante (d'origine cosmique, tellurique ou interne). Par contre, l'irradiation naturelle renforcée, c'est-à-dire liée à des activités modifiant l'irradiation naturelle, comme le travail en galeries (grottes, mines…), ou en altitude (personnel naviguant des compagnies aériennes…), doit être pris en compte.

R E T E N I R

Les limites réglementaires comprennent des limites pour les travailleurs professionnellement exposés, en 2 catégories, A et B (Cf. VI-7) et des limites pour les personnes du public.

Catégorie A Catégorie B Public E = Eext + Eint 20 6 1

H peau (1 cm²) 500 150 50 H extrémités1 500 150 H cristallin 150 45 15

Limites annuelles de dose (en mSv) en fonction de la catégorie de personnel et de l'organe exposé

1 : Mains, poignets, pieds, chevilles.

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En fait, les limites "catégorie B" sont 3/10 des limites "catégorie A". La réglementation impose de plus une limite de dose efficace au fœtus de 1 mSv, pour la durée de la grossesse connue. On a tendance à considérer, abusivement, qu'il s'agit d'une limite pour la femme enceinte. On verra plus loin (Cf. VI-7) que la catégorisation des travailleurs est liée au risque de dépasser en un an certaines de ces limites. VI-3-2 : Limites de dose en situation anormale : Les situations anormales, qui peuvent justifier ou imposer que quelques personnes soient soumises à des doses supérieures à ces limites, comprennent : Les expositions sous autorisation spéciale, réservées à des personnels de catégorie A spécialement informés et volontaires. Il s'agit d'opérations exceptionnelles pouvant être programmées, justifiées et autorisées. La limite de dose pour une opération est 2 fois une limite annuelle, sous réserve que la limite de dose de l'intervenant en situation normale soit respectée. Les expositions en situation d'urgence, pour lesquels il n'y a pas réellement de limite mais des recommandations à appliquer en fonction des circonstances (notamment quand il s'agit de sauver des vies).

VI-4 : L'aménagement des locaux et le zonage radiologique : Le zonage radiologique permet de définir diverses zones "réglementées" dans lesquelles le risque d'exposition aux rayonnements ionisants est convenablement identifié. C'est un système complexe, tenant compte à la fois du niveau de risque et du type d'installations (fixes ou mobiles, permanentes ou provisoires…). Nous n'en présenterons ici que les principales dispositions.

_____ oOo _____ Le classement en zone réglementée est de la responsabilité du chef d'établissement avec la participation effective de la PCR qui lui apporte son concours technique. Il se fait sur une évaluation préalable du risque d'atteindre ou dépasser certaines limites de dose telles qu'elles ont été présentées au paragraphe précédent (Cf. VI-3). L'évaluation de ce risque est faite avec les protections collectives mais sans les protections individuelles contre les rayonnements, dans les conditions normales de fonctionnement comprenant les aléas prévisibles (incidents banaux).

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VI-4-1 : Zonage pour les installations fixes : On distingue 3 zones, définies en fonction du RISQUE de recevoir, dans les conditions normales comprenant les aléas prévisibles comme il a été indiqué plus haut, une dose efficace ou équivalente dépassant certaines limites annuelles. Il convient d'insister sur le mot "RISQUE". Ce terme signifie que les zones réglementées ne sont pas définies en fonction de doses effectivement reçues par le personnel qui y travaille, mais sur la simple absence de garantie raisonnable que cette exposition ne dépassera pas certains seuils. En d'autres termes, la logique veut que la zone soit définie en fonction de doses enveloppes larges et que le bilan dosimétrique du personnel doit montrer a posteriori, s'il n'y a pas eu d'incident, que les doses réellement reçues auront été finalement très inférieures à ce "niveau enveloppe". La réglementation précise son dispositif en imposant dans ces zones des limites horaires ou des limites de débit de dose. Ces compléments sont destinés à éviter que des zones ou le débit de dose est élevé, mais le temps de séjour ou de fonctionnement est limité, soient "sous-classées" si l'on ne considérait que des limites annuelles. La zone "publique" ou zone non réglementée (encore appelée "zone attenante") comprend les zones, voisines des zones réglementées, mais ou on ne risque pas, dans les conditions normales de travail, de dépasser une limite "public" (E < 1 mSv/an…) (Cf. VI-3-1). La réglementation impose en outre que l'on vérifie à la limite des zones surveillées (donc encore en zone publique) qu'un travailleur ne risque pas d'y recevoir une dose efficace supérieure à 0,08 mSv en 1 mois (≈ 1 mSv/12 mois). La zone surveillée est la zone où un travailleur risque de dépasser, toujours dans les conditions normales de travail, une limite annuelle "public" mais ne risque pas de dépasser une limite annuelle "catégorie B" (E< 6 mSv/an…). Elle est signalée par des affiches "trisecteurs" ou "trèfles" bleus aux entrées. La réglementation impose de plus que la dose efficace susceptible d'être reçue en une heure soit inférieure à 7,5 µSv et la dose équivalente aux extrémités inférieure à 65 µSv. On remarque qu'il s'agit là de doses "moyennes en une heure" et non de débits de dose instantanés. Cette remarque est particulièrement importante pour des sources de rayonnements fonctionnant de manière brève et discontinue, comme les générateurs X de l'imagerie médicale, et où le débit de dose (mSv/h) peut être très différents de la dose (mSv) en une heure. La zone contrôlée est la zone ou un travailleur risque de dépasser une limite annuelle pour la catégorie B. Comme il ne doit pas risquer de dépasser une limite annuelle pour la catégorie A, des zones particulières, dites zones à accès spécialement réglementé, sont définies au sein de la zone contrôlée, avec des conditions d'accès et de séjour restreintes :

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- La zone contrôlée simple est la zone contrôlée où les limites annuelles sont respectées pour un temps de travail complet au cours de l'année (2000 heures). La dose efficace moyenne en une heure est inférieure à 25 µSv et la dose équivalente moyenne aux extrémités 200 µSv, toujours en une heure. Elle est signalée par des "trèfles" verts.

- La zone contrôlée à accès réglementé jaune (couleur des "trèfles" qui la signalent). La dose efficace moyenne susceptible d'être reçue en une heure est comprise entre 25 µSv et 2 mSv. La dose équivalente "extrémités" est comprise entre 200 µSv et 50 mSv en une heure. S'y ajoute une limite de débit de dose équivalente pour l'organisme entier, instantanée, de 2 mSv/h. Il s'agit cette fois d'un vrai débit de dose et non plus d'une dose moyenne en une heure. On observe de plus que c'est une dose équivalente à l'organisme entier et non une dose efficace. Il suffit donc que ce niveau soit atteint durant un bref instant pour que la zone doive être classée "jaune".

- La zone contrôlée orange. La dose efficace moyenne susceptible d'être reçue en une heure est comprise entre 2 et 100 mSv. La dose équivalente aux extrémités susceptible d'être reçue en une heure est comprise entre 50 mSv et 2,5 Sv. S'y ajoute une limite de débit de dose équivalente pour l'organisme entier de 100 mSv/h. Le séjour dans cette zone est bien sûr limité à des durées très inférieures à l'heure et selon des dispositions très contrôlées par le chef d'établissement.

- La zone contrôlée rouge ou zone interdite. Il s'agit d'une zone où l'une des limites concernant la zone orange peut être dépassée.

Dans les zones contrôlées à accès réglementé, les débits de dose ou les doses moyennes en une heure sont tels qu'il apparaît évident que, pour ne pas risquer de dépasser une limite annuelle, un temps de séjour restreint s'impose. Cette restriction entraînera une organisation et une préparation des interventions minutieuses. Les dispositions applicables aux travailleurs intervenant dans ces zones seront abordés plus loin (Cf. VI-7 à 9). Un schéma général rappelant les zones réglementées et les limites qui s'y appliquent figure en annexe. Ce qu'il convient de retenir de ces zones est rappelé après le paragraphe VI-5, avec les principales dispositions s'y appliquant.

VI-4-2 : Zonage pour les appareils mobiles : La réglementation impose, pour ces appareils, la définition de zones d'opération, réservées aux seuls opérateurs, dès que la dose moyenne susceptible d'être reçue en une heure est supérieure à 2,5 µSv.

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VI-4-3 : Aménagements en zone réglementée: Les accès aux zones réglementées doivent être signalisés par des "trèfles" de couleur bleue, verte, jaune orange ou rouge. A l'intérieur de ces zones, les sources de rayonnements doivent être signalées (logos spécifiques sur les conteneurs). Il est possible de créer des zones réglementées intermittentes ou temporaires, notamment lorsqu'on utilise des générateurs électriques à fonctionnement discontinu, comme c'est généralement le cas en imagerie médicale par rayons X. La signalisation de la zone doit alors être réalisée par un dispositif lumineux asservi à l'appareil. Les installations où existe un risque de contamination doivent être équipées de vestiaires en 2 parties distinctes ("froid et chaud") ainsi que de douches et lavabos. La présence d'effets personnels, de nourriture, boissons, articles de fumeurs ou cosmétiques est interdite dans les zones où sont détenues ou utilisées des sources non scellées (présentant un risque de contamination). Ces exigences concernent particulièrement les services de radiopharmacie ou de médecine nucléaire. VI-4-4 : Fiches de poste : Le chef d'établissement doit faire établir pour chaque poste de travail en zone réglementée une fiche de poste permettant d'identifier les différents risques et notamment de faire une évaluation de dose prévisionnelle, préalable à toute intervention ou activité à ce poste. Cette évaluation préalable de dose est elle-même obligatoire et sera comparée, à l'issue de l'intervention, aux éléments de dosimétrie réelle recueillis. Bien sûr, la PCR est de fait le vrai rédacteur de ces fiches de poste, pour le chef d'établissement. La fiche de poste, qui concerne un poste de travail indépendamment de l'intervenant, ne doit pas être confondue avec la fiche d'exposition, relative à un travailleur quelques soient ses postes de travail (Cf. VI-8-2).

VI-5 : Contrôles réglementaires des sources et des locaux : On conçoit bien que le fait de classer en zone réglementée les zones où un risque d'exposition existe ne suffit pas. Il est ensuite nécessaire de vérifier régulièrement ou en fonction des circonstances que ce risque reste connu et maîtrisé. C'est le rôle des contrôles techniques qu'impose la réglementation. Ces contrôles concernent d'une part les sources de rayonnements ionisants, d'autre part les ambiances de travail dans les zones réglementées.

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Ils sont réalisés par les PCR des établissements d'une part (on parle alors de contrôles internes) et par l'IRSN ou des organismes agréés (on parle de contrôles externes). VI-5-1 : Les contrôles techniques des sources comprennent : - Un contrôle à la réception, - Un contrôle à la mise en service, - Un contrôle lors de toute modification.

Ces contrôles sont réalisés par la PCR. Ils comprennent aussi des contrôles périodiques, détaillés dans l'arrêté du 26 octobre 2005, résumés dans le tableau suivant.

Source Contrôles

externes Contrôles internes

Appareils X médicaux Annuel Annuel Appareils X industriels < 10µSv/h Annuel Appareils X industriels > 10µSv/h Semestriel Accélérateurs Semestriel Sources radioactives scellées haute activité Trimestriel Sources radioactives scellées > 10 ans Semestriel Sources radioactives scellées hors ISO 2919 Semestriel Sources radioactives ISO 2919 Annuel Sources radioactives non scellées Mensuel Ambiance Annuel Continu ou mensuel Gestion des sources Annuel Annuel Conditions d'élimination des effluents et déchets Triennal Semestriel (Hors INB) Contrôle périodique Sans objet Annuel et après 1 mois sans

utilisation Contrôle étalonnage instruments de mesure fonctionnant avec contrôle permanent

Quinquennal

Contrôle étalonnage instruments de mesure fonctionnant sans contrôle permanent

Triennal

Contrôle étalonnage dosimétrie opérationnelle Annuel On note que les contrôles externes viennent régulièrement "vérifier" ou "valider" les contrôles internes menés par la PCR. Toutefois, les contrôles externes ne remplacent pas les contrôles internes mais s'y ajoutent. La programmation de l'ensemble de ces contrôles et de la responsabilité du chef d'établissement. VI-5-2 : Les contrôles d'ambiance dans les zones réglementées sont réalisés par la PCR, si possible en continu, sinon au moins une fois par mois (dosimétrie, activité ambiante,s'il y a lieu…). De plus, ils doivent être réalisés une fois par an par l'IRSN ou un organisme agréé (contrôle externe).

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VI-5-3 : Un document interne à l'établissement doit réunir : - Le relevé des sources et appareils, - Les procédures et programmes de contrôle, - Les résultats des contrôles.

R E T E N I R Les zones réglementes sont les zones où, dans les conditions normales de travail, avec les protections collectives mais sans les protections individuelles, on RISQUE de recevoir en 12 mois une dose supérieure à une limite pour les personnes du public (ou plus de 0,08 mSv en un mois). Des limites complémentaires, pour des périodes plus brèves, précisent ces limites : Elles comprennent : - La zone surveillée ( trisecteur bleu)

1 mSv < E annuelle < 6 mSv E en une heure < 7,5 mSv

- La zone contrôlée simple (trisecteur vert) 6 mSv < E annuelle < 20 mSv E en une heure < 25 µSv

- La zone contrôlée jaune E annuelle < 20 mSv E en une heure < 2 mSv Débit de Hoe < 2 mSv/h

- La zone contrôlée orange E annuelle < 20 mSv E en une heure < 100 mSv Débit de Hoe < 100 mSv/h

- La zone interdite (rouge) E en une heure > 100 mSv Débit de Hoe > 100 mSv/h

Dans les zones réglementées : - Les sources sont signalées individuellement, - Les postes de travail font l'objet d'études et de fiches de poste, précisant les

risques et les doses prévisionnelles, - Les sources et les locaux font l'objet de contrôles techniques et de contrôles

d'ambiance, - Les contrôles périodiques dans les locaux comprennent des contrôles

internes, relevant de la PCR, et des contrôles externes qui doivent être menés par un organisme agréé.

- Le personnel est soumis à une dosimétrie réglementaire adaptée (passive en zone surveillée et passive + opérationnelle en zone contrôlée) (Cf. VI-9).

- Le personnel intervenant en zone contrôlée doit recevoir une information spécifique (Cf. VI-7-4).

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VI-6 : Gestion des déchets et effluents radioactifs

La gestion et les filières d'élimination des déchets et effluents radioactifs sont précisées, dans chaque établissement, dans les autorisations délivrées par l'ASN (art R 1333-31 du code de la santé publique). Celles-ci sont liées en particulier à la nature chimique, aux types de rayonnements émis et aux périodes radioactives. Pour ce qui concerne les radionucléides utilisés en radiopharmacie et en médecine nucléaire, qui sont de période courte, il y a obligation de recueil particulier des effluents et déchets et stockage pour décroissance avant élimination comme déchets ou effluents hospitaliers habituels. La description des installations de recueil et de stockage des déchets et effluents font partie des dossiers d'autorisation exigés par l'ASN.

VI-7 : Catégories et formation du personnel De la même manière que la considération des niveaux de risque dans les différents locaux ou sur les chantiers ont conduit à définir des zones réglementées (Cf. VI-4), différentes catégories de personnel sont instituées en fonction du niveau de risque professionnel auquel ils sont susceptibles d'être exposés. Ce classement est effectué par le chef d'établissement, sur étude des fiches de poste et des évaluations de dose (Cf. VI-4-4) établies par la PCR. Ces évaluations préalables de dose sont faites avec les protections collectives et les protections individuelles (à la différence des évaluations destinées au zonage radiologique). Trois catégories de personnel sont ainsi définies :

- Le personnel non exposé (personnes du public), - Le personnel exposé professionnellement :

- Catégorie A, - Catégorie B.

VI-7-1 : Travailleurs de catégorie A : Ces travailleurs se sont appelés auparavant "directement affectés aux travaux sous rayonnements" (DATR). Ce sont les travailleurs qui, dans les conditions normales de travail, risquent de recevoir : - Une dose efficace annuelle supérieure à 6 mSv (mais toujours inférieure à 20 mSv qui

est une limite infractionnelle), - Ou une dose équivalente à 3/10 d'une autre limite (Cf. VI-3-1). Les femmes enceintes et les apprentis de moins de 18 ans sont exclus de cette catégorie A.

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Ici, le terme "risque de recevoir" a la même portée que pour la définition des zones réglementées. Il s'agit simplement de personnes pour qui on ne peut pas garantir l'impossibilité que la limite ne soit pas atteinte, tout en sachant que, normalement, les doses réellement reçues resteront très inférieures. VI-7-2 : Travailleurs de catégorie B : La définition donnée par la réglementation est simple puisqu'il s'agit "des autres travailleurs exposés". Cette même réglementation précise par ailleurs que les travailleurs exposés sont les travailleurs qui sont soumis à un risque de recevoir une dose efficace annuelle supérieure à 1 mSv ou une dose équivalente supérieure à 1/10 des autres limites fixées pour les travailleurs de catégorie A (Cf. VI-3-1). Les travailleurs de catégorie B sont donc de fait ceux qui risquent, dans les conditions normales de travail, de dépasser une limite pour le public mais ne risquent pas de dépasser une dose efficace de 6 mSv par an ou 3/10 d'une autre limite fixée pour la catégorie A. VI-7-3 : Catégories de travailleurs et zone réglementée : On ne peut que remarquer que les définitions des différentes catégories de travailleurs données ci-dessus sont très proches de celles des zones réglementées. Mais on observe également qu'il n'est dit nulle part que les zones contrôlées étaient réservées aux travailleurs de catégorie A et les zones surveillées aux travailleurs de catégorie B. En fait, même si une certaine logique veut que les travailleurs habituels en zone contrôlée soient classés A et les travailleurs habituels en zone surveillée soient classés B, les travailleurs de catégorie B, et même les personnes du public, peuvent intervenir en zone contrôlée, si l'on a la garantie qu'ils ne risquent pas, dans les conditions dans lesquelles ils interviennent, de dépasser une limite propre à leur catégorie. Il faut donc être attentif à ne pas faire un amalgame excessif entre zone réglementée et catégorie de travailleur. On a d'ailleurs bien noté que l'appréciation du risque ne se faisait pas dans les mêmes conditions pour les travailleurs et pour le zonage (pas de notion de limite horaire pour les travailleurs, pas de protection individuelle pour les zones). Bien entendu, à l'inverse, rien n'interdit à un travailleur de catégorie A d'intervenir en zone surveillée ou en zone non réglementée. Seules les zones orange et rouge sont strictement réservées (et sous conditions restrictives), aux travailleurs de catégorie A.

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VI-7-4 : Formation, information des travailleurs susceptibles d'intervenir en zone réglementée : Formation et information sont deux démarches distinctes, toutes deux obligatoires. Elles ne s'adressent pas tout à fait aux mêmes personnes. Une formation des travailleurs susceptibles d'intervenir en zone contrôlée ou surveillée est obligatoire et doit être renouvelée au moins tous les 3 ans (en plus de la formation professionnelle spécifique s'il y a lieu). Elle est à la charge du chef d'établissement et est en fait assurée par la PCR, avec la participation du médecin du travail. Elle doit aborder : - Les risques liés aux rayonnements ionisants, - Les règles générales de prévention, - Les procédures de travail sous rayonnements en place dans l'établissement, - Les précautions à prendre pour la sécurité du travailleur et celle des autres personnes

présentes, - Une sensibilisation particulière de femmes enceintes, en particulier sur l'intérêt de

déclarer le plus tôt possible sa grossesse. L'information des travailleurs intervenant en zone contrôlée est obligatoire sous la forme d'une notice écrite traitant des risques particuliers à cette zone et au poste de travail (quelle que soit la catégorie du travailleur). Cette information s'impose donc même aux travailleurs classés "public", s'ils doivent intervenir en zone contrôlée. Ka perspective d'un contentieux ne peut qu'inciter à recommander avec insistance sur l'intérêt d'avoir une traçabilité de cette information (au moins un registre d'émargement).

VI-8 : La surveillance médicale du personnel exposé Cette surveillance s'exerce par des visites médicales, elles-mêmes s'appuyant sur divers documents décrivant les conditions de travail (fiche de poste, fiches d'exposition, relevés de dosimétrie…). Elle donne lieu à l'établissement d'autres documents destinés à faciliter le suivi (dossier médical spécial) ou attestant sa réalité (carte individuelle de suivi médical). VI-8-1 : Les visites médicales : Tout personnel destiné à être exposé à des travaux sous rayonnements ionisants (personnel exposé ou catégorisé) est soumis à une surveillance médicale adaptée au risque radiologique professionnel. Cette surveillance est appelée "surveillance médicale renforcée" par le code du travail.

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Elle se compose de : - Une visite d'aptitude initiale, qui doit bien sûr précéder la prise de fonctions. - Des visites médicales périodiques, au moins annuelles, quelle que soit la catégorie du

travailleur (A ou B). - Des visites circonstancielles (dépassement d'une limite de dose, exposition sous

autorisation spéciale ou d'urgence)… Le médecin chargé de ces visites doit disposer, dès la visite d'aptitude initiale, d'une étude du poste de travail envisagé ou tenu (Cf. VI-4-4), puis lors des autres visites de toutes les mesures et contrôles qu'il juge pertinents ainsi que de la dosimétrie (Cf. VI-9), ainsi que des fiches d'exposition du travailleur (Cf. VI-8-2). Les visites médicales comprennent : - Un examen clinique, - Tout examen complémentaire jugé utile par le médecin.

La réglementation n'a pas d'autres exigences relatives au contenu de ces visites et n'impose en particulier aucune liste d'examens complémentaires. VI-8-2 : La fiche d'exposition : Il s'agit d'une fiche individuelle établie pour chaque travailleur professionnellement exposé, quelque soient les postes de travail qu'il est amené à occuper. Elle est différente de la fiche de poste qui, au contraire, est une fiche relative au poste de travail, quelque soit le travailleur y intervenant. Elle est établie par la PCR en fonction des études de poste qu'elle doit mener (Cf. VI-4-4). La réglementation ne prévoit pas de modèle imposé de fiche d'exposition mais celle-ci doit indiquer : - La nature du travail, - Les caractéristiques des sources, - La nature des rayonnements, une description de l'activité avec ses facteurs de risque

radiologique, - Les autres risques, - Les périodes d'exposition, - Les expositions anormales. La fiche de poste est un élément essentiel nécessaire au médecin du travail et doit être insérée au dossier médical spécial (Cf. VI-8-3). VI-8-3 : Le dossier médical spécial : Ce dossier est tenu par le médecin du travail pour tout travailleur de catégorie A ou B. Il rassemble les éléments qui ont permis de prononcer puis consolider l'aptitude médicale, ainsi que l'exposition professionnelle et ses éventuelles conséquences : - Un exemplaire des fiches d'exposition,

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- Les résultats du suivi dosimétrique individuel (Cf. VI-9), - Les examens médicaux et complémentaires (Cf. VI-8-1), - Les certificats d'aptitude et les comptes-rendus de visite médicale. Il doit être conservé 50 ans après la cessation d'activité. Cette mesure s'explique par le fait que certaines maladies (ostéosarcomes) peuvent être "reconnues" comme maladies professionnelles radio-induites dans un délai de 50 ans après cessation de l'exposition. VI-8-4 : Carte individuelle de suivi médical : Cette carte est souvent appelée "carte de catégorie A ou B". C'est une carte délivrée ou renouvelée par le médecin du travail à l'issue des visites médicales d'aptitude des travailleurs exposés. Elle doit être détenue comme un passeport ou un "permis de travailler" par tout travailleur de catégorie A ou B. Celui-ci doit pouvoir la présenter avant toute intervention en zone réglementée. Les cartes vierges, numérotées, sont mises à la disposition du médecin du travail par l'IRSN et un talon de toute carte attribuée à une personne est renvoyé à l'IRSN pour attester de la réalisation des visites d'aptitude.

VI-9 : La surveillance de l'exposition La surveillance de l'exposition, encore appelée "dosimétrie", comprend, selon l'exposition à laquelle on peut être soumis : - La dosimétrie externe, elle-même divisée en :

- dosimétrie passive (Cf. VI-9-1), - et dosimétrie opérationnelle (Cf. VI-9-2).

- La dosimétrie interne. On observera dans les paragraphes qui suivent que la surveillance dosimétrique est définie pour l'essentiel, dans le code du travail et ses textes d'application, en fonction de la zone dans laquelle le travailleur intervient et non de sa catégorie. Seule la fréquence de relevé de la dosimétrie externe passive (Cf. VI-9-1) est liée à la catégorie A ou B. VI-9-1 : Dosimétrie externe passive : La dosimétrie passive est réalisée à l'aide de dosimètres à lecture différée. Ces dosimètres ne seront pas lus en cours d'opération ou à l'issue de chaque intervention, mais uniquement au terme d'une période de port définie. Cette lecture sera réalisée par un organisme spécialement agréé extérieur à l'établissement ou par l'IRSN. C'est une dosimétrie :

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- Visant l'irradiation externe, - Par des rayonnements suffisamment pénétrants (X, γ, β>100 keV, neutrons), - Son seuil de détection doit être inférieur à 0,1 mSv (ce qui disqualifie les dosimètres

photographiques qui ont bénéficié pendant longtemps d'un quasi monopole). Un dosimètre Xγ et un dosimètre neutrons peuvent être assemblés dan une même pochette le cas échéant. Les principaux dosimètres passifs ou à lecture différée sont les dosimètres thermo ou photo luminescents pour les rayonnements X et γ (et certains β), et les détecteurs solides de traces pour les neutrons. La durée de port de dosimètres passifs est mensuelle pour les travailleurs de catégorie A et trimestrielle pour les catégories B. Son port est obligatoire pour tout intervenant, quelle que soit sa catégorie, en zone contrôlée et en zone surveillée. Il comprend obligatoirement un dosimètre "poitrine", qui se porte sous les protections individuelles). Ce dosimètre est considéré représenter la dose à l'organisme entier. Il peut comprendre, pour certains travaux de manipulation de sources, un ou des dosimètres extrémités (poignet, bagues…). La dosimétrie passive est la dosimétrie médico-légale, sur laquelle s'appuie le contentieux individuel (reconstitution des doses reçues au cours d'une période de vie professionnelle). En l'absence de preuve contraire, ce sont les résultats de dosimétrie passive qui font foi en matière de contentieux et sont généralement pris en considération dans les études statistiques ou épidémiologiques sur ce sujet. C'est pourquoi le dosimètre passif est un dosimètre strictement individuel et personnel pour toute la durée de sa période de validité. Il ne peut être échangé entre deux travailleurs, entre deux interventions, ni porté par deux travailleurs se succédant ua même poste. Il n'a pas non plus à être changé si le porteur intervient dans différentes zones réglementées au cours de la période de validité du dosimètre. Il est fourmi par l'employeur (même si ce n'est pas le chef d'établissement ou a lieu l'intervention en zone réglementée). En pratique, les employeurs sont abonnés à l'IRSN ou à un laboratoire agréé, qui leur fournit les dosimètres individuels nécessaires, déjà nominativement attribués, pour l'ensemble du personnel concerné. Quelques dosimètres "occasionnels", non encore nominatifs, peuvent être ajoutés pour régler les pertes, détériorations, arrivées de nouveaux personnels. En dehors des périodes de port (travail en zone réglementée), les dosimètres doivent être entreposés dans un tableau à l'abri des rayonnements ionisants, avec un dosimètre témoin qui permettra de déduire les bruits de fond.. Au terme de la période de port, l'ensemble des dosimètres arrivés au terme de leur période d'utilisation sont renvoyés au laboratoire d'origine pour dépouillement et exploitation.

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Les résultats sont transmis au médecin du travail et à la PCR de l'employeur, avec généralement un rappel de la dose cumulée sur les 12 derniers mois). VI-9-2 : Dosimétrie externe opérationnelle : Il s'agit également d'une dosimétrie individuelle, mais le dosimètre n'est attribué au porteur que pour une opération. Il pourra être attribué à un autre intervenant pour toute autre opération. C'est une dosimétrie à lecture immédiate, par le porteur et la PCR de l'établissement (en cours d'opération avec éventuellement un seuil d'alarme ou à l'issue de l'intervention). Il s'agit en règle générale de dosimètres électroniques et très souvent, les dosimètres opérationnels dans un établissement sont associés à un système de lecture et d'enregistrement automatique placé en sortie de chantier. Son port est obligatoire pour tout intervenant, quelle que soit sa catégorie, en zone contrôlée. Son seuil de détection doit être inférieur à 10 µSv. La dosimétrie opérationnelle doit être lue obligatoirement à la fin de chaque opération et relevée dans un état particulier. Elle est destinée, selon la réglementation, à l'optimisation (études de poste, aux évaluations de dose, détection des actions les plus dosantes…). Ses résultats doivent être régulièrement transmis à l'IRSN (SISERI, Cf. VI-9-4). De plus, elle permet de disposer d'une alarme (réglable) si l'intervenant est soumis à une dose pou un débit de dose supérieur à un seuil définit lors de la préparation de l'intervention. VI-9-3 : Dosimétrie interne : Elle doit être mise en place pour les interventions ou travaux où existe un risque de contamination interne. Elle s'appuie essentiellement sur l'anthropogammamétrie et la radiotoxicologie, selon les radionucléides concernés. Elle est prescrite par le médecin du travail, qui en conserve l'initiative (bénéficiaires, méthodes, fréquence), et est couverte par le secret médical, comme tout examen médical ou biologique. Les analyses nécessaires doivent être pratiquées par l'IRSN ou par un laboratoire agréé. Rappel : - L'anthropogammemétrie consiste à détecter, in vivo, la présence d'un radionucléide

émetteur de rayonnements γ (dont le parcours est suffisant pour sortir de l'organisme et pénétrer dans le détecteur), l'identifier et en déterminer la quantité. L'application d'un modèle permet ensuite de calculer la dose efficace engagée.

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- La radiotoxicologie consiste à mettre en évidence, éventuellement au terme d'une étape

plus ou moins complexe de radiochimie, des radionucléides dans divers échantillons biologiques (excrétas essentiellement). L'application de modèles permet ensuite, comme dans le cas de l'anthropogammamétrie, de calculer la dose efficace engagée.

On a bien remarqué que la dosimétrie interne n'est pas décrite ou encadrée aussi précisément que la dosimétrie externe par la réglementation. Au contraire, une grande latitude est laissée au médecin du travail dans sa prescription. Il faut convenir que sa réalisation n'est pas toujours facile ou même possible de manière idéale. Par exemple, dans un service de radiopharmacie ou de médecine nucléaire, où ne sont manipulés que des radionucléides à période effective courte, il semblerait irréaliste d'imposer une détection et mesure par des examens d'anthropogammamétrie strictement adaptés à ces périodes, donc extrêmement fréquents et pénalisants. De plus, les incertitudes associées à ces techniques d'évaluation sont beaucoup plus grandes que dans le cas de la dosimétrie externe, ne serait-ce que du fait de l'emploi de modèles métaboliques ou mathématiques standardisés, tenant mal compte des variations individuelles. VI-9-4 : SISERI "Système d'information de la surveillance de l'exposition aux rayonnements ionisants". SISERI est un système centralisé de recueil et de mise à disposition de données sur les travailleurs exposés, tenu par l'IRSN. Les différentes données dosimétriques individuelles (dosimétrie passive, opérationnelle, interne) y sont envoyées par les PCR ou les organismes agréés, avec les talons des cartes individuelles de suivi médical (Cf.VI-8-4), pour constituer une base de données accessible aux "personnes ayant à en connaître" (PCR, médecins du travail). Ces personnes ont un accès réservé, pour entrer les données et les consulter, par un système de mot de passe. Ce système offre en outre une vision utile à l'observation de l'état de la radioprotection en France ou à des études épidémiologiques.

VI-10 : Médecine nucléaire et risque radiologique :

L'application des dispositions qui viennent d'être évoquées aux services de médecine nucléaire est d'autant moins simple qu'on les trouve décrites dans de nombreux textes (codes, décrets, arrêts…). C'est certainement pourquoi elle a donné lieu à la publication de divers documents de synthèse parmi lesquels on ne peut que recommander une série de fiches mises au point par

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un collège d'experts réunis en comité avec l'ASN, l'IRSN, le ministère chargé du travail et l'INRS, sous le titre :

"Médecine et rayonnement ionisants : fiches d'aide à l'analyse des risques en médecine nucléaire"

Ces fiches sont éditées dans les dossiers médico techniques (documents pour le médecin du travail, en 2006 et on les trouve sur le site de l'INRS (www.inrs.fr). Elles abordent les points suivants : Textes applicables, - Diagnostic in vivo (hors TEP), - Diagnoxtic in vivo (TEP u 18F), - Thérapeutique sans hospitalisation, - Thérapeutique avec hospitalisation, - Prise en charge du patient sortant d'une unité de médecine nucléaire. Les principaux thèmes abordés sont : - Le personnel concerné, - Le déroulement des procédures, - Les dangers, - L'identification du risque, - L'évaluation du risque, - La stratégie de maîtrise du risque.

R E T E N I R

Les travailleurs exposés sont les travailleurs susceptibles de recevoir, dans les conditions normales de travail incluant les incidents banaux, une dose supérieure à une limite pour les personnes du public. (E = 1 mSv/an…). Ils comprennent : Les travailleurs de catégorie A, susceptibles de recevoir, dans les conditions normales de travail, une dose efficace supérieure à 6 mSv/an ou une dose équivalente supérieure à 3/10 d'une autre limite. La dosimétrie externe passive de ces travailleurs est mensuelle Les femmes enceintes et les apprentis de moins de 18 ans sont exclus de cette catégorie.

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Les travailleurs de catégorie B, non susceptibles de recevoir, dans les conditions normales de travail, une dose supérieure ou égale à l'une de celles indiquées plus haut (mais supérieures à une limite pour les personnes du public). Leur dosimétrie externe passive est trimestrielle. Tous les travailleurs intervenant en zone réglementée doivent avoir une dosimétrie externe adaptée : - Passive en zone surveillée, - Passive et opérationnelle en zone contrôlée, - Etre informés par écrit des risques et des actions à mener en cas d'incident

(pour la zone contrôlée). Tous les travailleurs exposés (A ou B) doivent : - Etre aptes médicalement - Bénéficier d'une surveillance médicale renforcée initiale et annuelle, - Avoir reçu une formation spécifique aux risques radioinduits, adaptée au poste

de travail, - Détenir une carte de suivi médical à jour, - Faire l'objet de fiches d'exposition, - Se voir ouvrir, au service médical du travail, un dossier médical spécial qui

sera conservé 50 ans après leur cessation d'activité.

L'ensemble de ces dispositions est de la responsabilité de l'employeur.

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VII – POINTS ESSENTIELS DE LA RADIOPROTECTION DES PATIENTS L'irradiation médicale constitue un problème important de santé publique car c'est l'un des facteurs d'exposition les plus importants de la population. La dose efficace moyenne en France due à cette irradiation est de l'ordre de 1 mSv par an. Elle est voisine de l'exposition naturelle et très supérieure à l'exposition d'origine environnementale, industrielle ou professionnelle. Les techniques d'imagerie médicale utilisant les rayonnements ionisants, à qualité égale, ont fait de considérables progrès en matière de gain de dose, mais la consommation d'imagerie médicale et l'apparition de nouvelles techniques, très performantes mais aussi parfois très irradiantes, ne faisant que renforcer le besoin d'encadrer ces techniques pour optimiser leur coût dosimétrique global et individuel.

VII-1 : Les exigences réglementaires La réglementation française en la matière s'appuie sur la directive européenne 97-43, dite "directive patient". Elle est exposée dans le code de la santé publique (articles R 1333-55 à R 1333-74) et ses arrêtés d'application. On observera, comme cela avait été signalé au début du chapitre VI, que cette réglementation est moins précise, moins abondante et moins détaillée que la réglementation relative à l'exposition professionnelle ou du public, et qu'elle laisse au contraire une grande part de jugement au praticien. Ceci s'explique au moins en partie par le fait que : - Le patient est lui-même le bénéficiaire de la technique qui lui fait courir le risque (Cf. II-3), - Le principe de limitation ne peut alors pas être imposé, - Les principes de justification et d'optimisation, s'ils restent légitimes, doivent s'adapter à

des situations qui sont toujours individuelles et dans lesquelles ils sont en balance avec la lutte contre un risque sanitaire (non radioinduit) beaucoup plus important.

_____oOo_____

Ne seront présentées ici que les exigences générales qui doivent être présentes à l'esprit d'un praticien hospitalier pour exercer sa responsabilité vis-à-vis de ses patients, avec l'aide notamment de la personne spécialisée en radiophysique médicale (Cf. VIII-1-6). Il a déjà été dit (Cf. VI-3-1) que les limites de dose ne tenaient pas compte de l'irradiation médicale. Cette restriction est parfaitement cohérente avec le fait que le principe de limitation n'était pas applicable à celle-ci.

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VII-1-1 : Les personnes concernées : L'application des prescriptions de radioprotection aux personnes exposées pour raison médicale intéresse : - Les patients exposés en imagerie ou pour raison thérapeutique, - Les personnes faisant l'objet d'une surveillance médicale professionnelle, - Les personnes soumises à un dépistage organisé, - Les volontaires pour des programmes de recherche, - Les procédures médico-légales. Des considérations spécifiques s'appliquent à certaines de ces personnes : - Femmes en état de procréer ou enceintes, - Femmes allaitantes, - Volontaires pour des expérimentations, - Personnes participant au soutien ou au réconfort de patients. VII-1-2 : Application du principe de justification : Le code de la santé publique prévoit qu'une analyse préalable démontre un avantage médical direct suffisant au regard du risque soit menée lors de la prescription, avec notamment : - L'absence d'autre technique équivalente moins dosante ou non dosante, - Pour la recherche, l'existence et la prise en compte d'un avantage personnel pour le

sujet, - Le bien fondé de la prescription (et son appréciation par le futur réalisateur) (Cf. VII-1-5). Cette analyse est menée à partir de recommandations de la Haute Autorité de Santé et d'avis concordants d'experts. Un guide de radioprotection du patient et un guide de prescriptions ont été élaborés sous l'autorité de l'ASN. Il s'agit bien d'un guide et non d'une contrainte réglementaire absolue. VII-1-3 : Application du principe d'optimisation : L'optimisation doit être une préoccupation à tous les niveaux : - Choix des équipements, - Réalisation de l'acte. Un protocole écrit, disponible en permanence, est exigé auprès de

chaque équipement, pour chaque acte courant, sur la base de guides de procédures. Ce protocole doit apporter toute précision sur les constantes standard à appliquer,

- Evaluation des doses ou des quantités administrées (pour la médecine nucléaire). Des niveaux de référence diagnostique sont fixés par arrêté ministériel pour les examens les plus courants et pour les plus dosants (Cf. VII-2-3).

- Contrôles périodiques des procédures d'évaluation de dose. On verra au VII-2-3 qu'un certain nombre de contrôles sont obligatoires,

- Maintenance et assurance qualité.

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VII-1-4 : Dispositions spécifiques à la médecine nucléaire : L'article R 1333-64 du code de la santé publique et l'arrêté du 21 janvier 2004 préconisent : - Une optimisation des quantités de radionucléide visant le minimum nécessaire pour

obtenir une image de qualité suffisante (et pas obligatoirement "la plus belle image" possible),

- Une protection des tissus environnants, - Une information écrite et orale du patient sur la radioprotection pour lui-même et son

entourage, en fonction de sa possibilité de suivre les conseils (conseils de vie, nombre de jours ou le contact avec l'entourage doit être réduit) (Cf. VII-2-3).

VII-1-5 : Responsabilité et traçabilité des actes : La responsabilité de la prescription et de l'acte est partagée entre le prescripteur et le réalisateur. La réglementation demande que : - Un échange écrit ait lieu entre prescripteur et réalisateur, avant la réalisation, - Le prescripteur fournisse toute justification : motif, finalité, circonstances particulières

(état de grossesse…), examens antérieurs… Une simple ordonnance prescrivant un examen n'est donc pas acceptable!

- Le compte-rendu du réalisateur précise : - l'identification du patient et du prescripteur, - la date de réalisation, - les éléments de justification de l'acte et de la procédure choisie, - les éléments d'identification du matériel utilisé pour les techniques les plus

irradiantes, - les informations utiles à l'estimation de la dose

Le compte-rendu n'est donc pas simplement une description des images et un diagnostic.

Le réalisateur reste le décideur en cas de désaccord avec le prescripteur. On ne saurait que recommander la plus grande attention sur ces exigences dans les échanges, notamment lors de la prise de rendez-vous chez le réalisateur et lors de la rédaction du compte-rendu. VII-1-6 : Personnes qualifiées La loi (article L 1333-11 du code de la santé publique) prévoit que tous les professionnels participant à la réalisation d'actes de radiodiagnostic, de radiothérapie, de médecine nucléaire ou de recherche, ainsi qu'à la maintenance et au contrôle du matériel, doivent bénéficier d'une formation théorique et pratique, initiale et continue, relative à la protection des personnes exposées. Cette formation doit être renouvelée au moins tous les 10 ans.

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VII-1-7 : Personne spécialisée en radiophysique médicale : Comme la présence d'une PCR était obligatoire pour veiller à la protection du personnel, la présence de cette personne, décrite par l'arrêté du 19 novembre 2004, est obligatoire pour toute utilisation d'une installation radiologique médicale, au profit des patients. Elle doit être titulaire d'un diplôme spécifique reconnu et ses fonctions principales sont : - S'assurer que les équipements et procédés pour déterminer et délivrer les doses ou les

activités sont appropriés et conformes, - Estimer les doses pour le patient et son entourage s'il y a lieu, - Contribuer à l'assurance qualité et aux conseils en radioprotection, - Contribuer au développement des techniques, - Contribuer à l'enseignement et à la formation du personnel. Le chef d'établissement doit créer une organisation spécifique de la radiophysique médicale et définir un plan décrivant cette organisation. L'action de la personne spécialisée en radiophysique médicale s'inscrit dans cette organisation et ce plan. Dans un établissement de soins mettant en œuvre un service d'imagerie médicale ou de radiothérapie, la présence des deux (PCR et PSRPM) est obligatoire. VII-1-8 : Niveaux de référence diagnostique : Les niveaux de référence diagnostique (NRD) sont des indicateurs mis en place (code de la santé publique et arrêté du 12 février 2004) pour évaluer, du point de vue des doses délivrées aux patients, la qualité des équipements et des protocoles utilisés. Ce ne sont pas des limites réglementaires mais des niveaux indicateurs à mesurer régulièrement pour contrôler cette qualité. Il n'en reste pas moins que la constatation de leur dépassement entraîne des actions correctives ou une justification particulière. Pour la radiologie conventionnelle, qu'il s'agisse d'imagerie standard ou de scannographie, le praticien est tenu de contrôler, au moins une fois par an, pour deux examens différents pratiqués couramment dans le service, sur des groupes de patients types ou des fantômes, que ces niveaux sont respectés. S'ils niveaux sont dépassés sans justification technique, une action corrective doit être entreprise. Pour la médecine nucléaire, l'arrêté prévoit une liste d'examens pouvant faire l'objet d'un contrôle de l'activité réellement administrée. Les niveaux de référence diagnostique sont les activités préconisées dans les autorisations de mise sur le marché (AMM) par type d'examen. Le praticien doit vérifier au moins une fois par an, sur 20 patients consécutifs, pour 2 examens différents chaque année, les activités injectées et les comparer aux NRD

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Les résultats sont à transmettre à l'IRSN. Les niveaux d'activités préconisés par les AMM (NRD) définis par la réglementation sont (arrêté du 12 février 2004) :

Examen Radionucléide AMM (MBq) Scintigraphie du squelette 99mTc 300-700 Scintigraphie pulmonaire de perfusion 99mTc 40-200 Scintigraphie de la thyroïde 123I 10-15

effort Repos 99mTc 185-250 500-750

Tomoscintigraphie myocardique avec épreuve d'effort et/ou stimulation pharmacologique

201Tl 110 110 Scintigraphie des cavités cardiaques pour mesure de

la fraction d'éjection du ventricule gauche à l'équilibre

99mTc 750-950

Scintigraphie du cortex rénal 99mTc 30-120 Scintigraphie rénale dynamique 99mTc 40-200 Scintigraphie cérébrale de perfusion 99mTc 350-500 Scintigraphie des récepteurs de la somatostatine 111In 110-220 Tomographie par émission de positons au 18F-fluodesoxyglucose

18F 200-500

VII-2 :Présentation de quelques outils pour la radioprotection du patient : Cette présentation est loin d'être exhaustive et on ne peut qu'encourager les praticiens à consulter les sites professionnels ou de l'ASN pour compléter leur bibliographie. VII-2-1 : Guides de procédures radiologiques : Ce sont des guides élaborés par la société française de radiologie et l'IRSN, qui indiquent les qualités techniques de divers examens de radiologie externe (qualité de l'image…), de réglage conseillé des constantes (tension, intensité, distance…) pour une bonne optimisation. Ces guides ne comportent pas aujourd'hui de fiches concernant la médecine nucléaire. VII-2-2 : Le guide du bon usage des examens d'imagerie médicale : Ce guide est le fruit d'un consensus formalisé et validé en 2005 par la profession. Il traite de bonne pratique et de bonnes indications (sans prendre en compte certaines spécialités très étroites). Il a pour ambition d'aider au choix "du bon examen" mais ce n'est pas un guide de "bonne réalisation" d'un examen donné et c'est un simple guide qui laisse le praticien juge de ses prescriptions et méthodes. Son objectif est de mettre en pratique les exigences du code de la santé publique pour le patient : - Supprimer les examens non justifiés, - Utiliser préférentiellement les méthodes non irradiantes,

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- Rationnaliser les indications, - Servir de référentiel pour les audits relatifs au risque radio induit. Supprimer les examens non justifiés : Le guide propose un jeu de questions préalables à l'examen : - L'examen a-t' il déjà été pratiqué (ailleurs)? - Ai-je besoin de cet examen ? Peut 'il modifier la prise en charge ou un résultat positif

est' il très improbable? - Ai-je besoin de l'examen maintenant ? Un résultat immédiat peut' il influencer le

traitement? - Est-ce l'examen le plus indiqué (techniques équivalentes non irradiantes ou moins

irradiantes, contre-indications…)? - Ai' je bien posé le problème (informations cliniques, formulation de la demande)? Utiliser préférentiellement des techniques non irradiantes : Le choix est à faire entre techniques apportant des résultats équivalents. Mais on sait que l'équivalence n'est jamais absolue et toutes les techniques ne sont pas toujours disponibles. On pourrait compléter la réflexion en se demandant si l'on doit chercher une technique moins irradiante donnant un résultat équivalent, ou plus simplement une technique offrant un résultat encore suffisant pour ce que l'on cherche. Il faut également ne pas perdre de vue le caractère plus ou moins traumatisant ou lourd 'un examen, et pas uniquement de son caractère plus ou moins dosant. Rationnaliser les indications par des recommandations de choix concernant les examens les plus courants, de manière à harmoniser ces indications. Aperçu du guide du bon usage des examens : L'essentiel du guide se compose d'un catalogue de tableaux en 5 colonnes qui présente pour chaque maladie, les indications d'examen et les commentaires opportuns. Ces tableaux concernent différentes localisations anatomiques, grands appareils ou grandes fonctions. Le très court extrait suivant illustre l'organisation ces tableaux :

Problème clinique Examen Recommandation [grade]

Commentaires Dose

Nodule thyroïdien palpable et goitre euthyroïdien

01B

… Scintigraphie …

Indiqué seulement dans des cas particuliers [B]

En cas de nodule de plus de 10 mm, on peut faire une scintigraphie à la recherche de…

I/II

01B : (1ère colonne) est un numéro d'ordre faisant référence au sommaire du guide. Il s'agit ici de la première

maladie présentée pour la région B (cou, parties molles). [B] : (3ème colonne) fait référence à la solidité scientifique de la recommandation :

- [A] indique une recommandation fortement étayée, - [B] indique une présomption forte, - [C] indique un faible niveau de bases scientifiques (pas ou peu d'études, faible puissance…).

Dose : (5ème colonne) indique la gamme de dose prévisionnelle pour l'examen :

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- 0 : examen non irradiant, - I : E < 1 mSv, - II : 1 < E < 5 mSv, - III : 5 < E < 10 mSv, - IV : 10 mSv < E.

VII-2-3 : Exemple d'information écrite aux patients : Cet exemple, qui se rapporte aux traitements par 131I, a été aimablement fourni par le chef du service de médecine nucléaire de l'Hôpital d'Instruction des Armées du Val de Grâce. Il comprend : * Une fiche explicative sur les modalités de prise de traitement par une gélule d'iode radioactif : - Comment est apportée la gélule (la vue du conteneur plombé et les précautions de

transport peuvent "inquiéter" des personnes non prévenues), - Devenir de l'iode dans l'organisme (thyroïde et élimination urinaire, donc

recommandation de boissons abondantes), * Une fiche sur le tri des déchets (sacs jaunes qui seront stockés pour décroissance ou sacs noirs pour les autres déchets). * Une fiche d'information aux patients après leur sortie de l'hôpital. Il s'agit d'un recueil de recommandations sous forme de questions-réponses relatives aux précautions simples à prendre vis-à-vis de l'entourage (professionnel, familial…). Exemples :

Quelle est la précaution la plus importante ? Ne pas rester à proximité d'une personne, au domicile comme au travail. Maintenir une distance d'au moins 1 mètre (2 pour des périodes prolongées de plus d'une heure).

Que faire avec les femmes enceintes ? Tout contact doit être réduit au minimum. S'il ne peut être évité, rester à 2 mètres.

Puis-je m'occuper de mes enfants ? S'ils ont moins de 10 ans, il est préférable d'éviter autant que possible les contacts rapprochés (les porter, les prendre dans les bras…).

Que faire avec les très jeunes enfants (moins de 2 ans) ? Une autre personne devrait s'en occuper (parents, amis…).

Puis-je utiliser les mêmes toilettes que les autres ? Oui mais en évitant les éclaboussures (pour les hommes) Bien tirer la chasse et se laver les mains immédiatement.

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* Une fiche aidant à fixer la durée de maintien des recommandations en fonction du débit de dose émis par le patient (µSv/h à 1 m) à sa sortie de l'hôpital. Celle-ci s'appuie sur une recommandation européenne de 1999 :

Débit de dose à 1 m du patient (µSv/h)

Correspondant à uneactivité résiduelle de

Durée d'application des recommandations

< 40 < 800 MBq 3 semaines < 20 < 400 MBq 2 semaines < 10 < 200 MBq 1 semaine < 5 < 100 MBq 4 jours < 3 < 60 MBq 24 heures

R E T E N I R

La radioprotection du patient est impossible à encadrer aussi strictement que la radioprotection des travailleurs. Elle n'en reste pas moins fondamentale car l'irradiation médicale est aujourd'hui, de très loin, l'exposition artificielle la plus importante des personnes. Deux grands principes président à cette radioprotection :

- Le principe de justification, - Le principe d'optimisation.

Le troisième principe (limitation) n'est pas adapté. Les établissements de santé où peuvent être exposés des patients doivent disposer des services d'une personne spécialisée en radiophysique médicale, chargée de la radioprotection des ces patients (outre la PCR en charge de la radioprotection du personnel). Les obligations réglementaires en matière de radioprotection des patients comprennent : - La traçabilité des actes avec notamment :

- Une prescription argumentée et justifiée du prescripteur. Le réalisateur doit apprécier cette justification avant d'accepter de réaliser l'acte.

- Des comptes-rendus de réalisation apportant toute précision utile à la détermination de la dose délivrée au patient.

- Le choix optimisé de l'examen le plus adapté, notamment en considérant les

doses. Une aide à ce choix est représentée par le guide du bon usage des examens, élaboré par la profession.

- L'information écrite et orale du patient sur sa radioprotection et celle de son

entourage. Cette information est particulièrement importante en médecine

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nucléaire où le patient constitue lui-même une source, à l'hôpital et près sa sortie.

- La vérification des niveaux de doses délivrés par les examens, à l'aide de contrôles périodiques (annuels) à la charge du praticien. Ces contrôles s'appuient sur des niveaux de référence diagnostique (NRD) définis par arrêté. En médecine nucléaire, la vérification doit être faite une fois par an, sur 20 patients consécutifs, pour 2 examens (différents chaque année). Elle porte sur les activités administrées, par comparaison aux NRD que sont les activités retenues dans les AMM.

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VIII – CONCLUSION Comme cela a été dit en préambule, il n'était question ici que de présenter aux futurs chefs de service, ayant a exercer des responsabilités, les principaux éléments de radioprotection qui les concernent. La connaissance plus détaillée de ce domaine et des réglementations qui s'y appliquent peut leur être apportée par les spécialistes dont la réglementation exige la mise en place auprès d'eux, et sur lesquels on ne peut que les encourager à s'appuyer. On propose de retenir de cette présentation, de manière globale, que la radioprotection en France se fonde sur une réglementation internationale (directives EURATOM) et sur des recommandations (CIPR) qui se veulent à la fois indépendantes des passions, objectives et prudentes. Ces qualités sont recherchées par la référence à des acquisitions scientifiques solidement établies (synthétisées par des grands organismes comme l'UNSCEAR), interprétées dans le sens de la sécurité (notion de risque enveloppe). Elles ont ainsi abouti à trois grands principes qui semblent aujourd'hui aller de soi, les principes de justification, d'optimisation et de limitation. La radioprotection et sa surveillance sont organisées en France de manière à offrir en outre le plus d'indépendance possible entre ses différents acteurs (autorités, experts, exploitants) Elle impose des mesures très détaillées et très contraignantes pour la protection des travailleurs et du public, des mesures laissant davantage de libre arbitre aux praticiens pour la protection des patients. Les deux n'en sont pas moins importants et leur application soigneuse est une obligation qui améliorera la protection de tous sans oublier la protection du praticien ou du chef d'établissement contre un contentieux bien ou mal fondé. Pour ce dernier aspect, on ne peut que recommander la plus grande attention à l'application et à la traçabilité des actions menées, même celles qui pourraient ne pas être ressenties comme fondamentales. Enfin, les aspects administratifs ou de gestion qui accompagnent cet arsenal, dans un service de radiopharmacie ou de médecine nucléaire, ont été à peine effleurés. Ils feront l'objet d'une présentation. Je vous remercie.

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Zone interdite100 mSv en 1 h ≤ E

ou 2,5 Sv en 1 h ≤ Hext

2 mSv en 1 h ≤ E ≤ 100 mSv en 1 h ou

50 mSv en 1 h ≤ Hext ≤ 2,5 Sv en 1 h 0,025 mSv en 1 h ≤ E ≤ 2 mSv en 1 h

ou 0,65 mSven 1 h ≤ Hext ≤ 50 mSv en 1 h 0,0075 mSv en 1 h ≤ E ≤ 0,025 mSv en 1 h

ou 0,2 mSv en 1 h ≤ Hext ≤ 0,65 mS en 1 /h

E ≤ 0,0075 mSv en 1 h ou Hext ≤ 0,2 mSv en 1 h

E ≤ 0,080 mSv/mois (pour un travailleur) Domaine public

E ≤ 1 mSv/an

Limite de la zone surveillée Créée dès lors que les travailleurs sont susceptibles de recevoir, dans les conditions normales de travail, une dose efficace annuelle dépassant 1 mSv ou une dose équivalente dépassant 1/10ème des limites fixées.

1 mSv/an ≤ E ≤ 6 mSv/an ou

50 mSv/an ≤ HT ≤ 150 mSv/an (art. R.231-81 du code du travail)

Limite de la zone contrôlée Créée dès lors que les travailleurs sont susceptibles de recevoir, dans les conditions normales de travail, une dose efficace annuelle dépassant 6 mSv ou une dose équivalente dépassant 3/10ème des limites fixées.

6 mSv/an ≤ E ou

150 mSv/an ≤ HT (art. R.231-81 du code du travail)

Limite de la zone spécialement réglementée Domaine de la zone contrôlée dans lequel l’exposition est susceptible de dépasser certains niveaux fixés par arrêté des ministres chargés de l’industrie, du travail et de l’agriculture, pris sur avis de l’IRSN, compte tenu notamment des débits de dose et de la contamination radioactive.

(art. R.231-81 du code du travail)

Limite del'établissement

Hoe = débit de dose équivalente pour l'organisme entier Hoe < 100 mSv/h Hoe < 2 mSv/h

E = dose efficace HBext B = dose équivalente extrémités

ZONES REGLEMENTEES ET LEURS LIMITES

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