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HAL Id: tel-01885962https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01885962
Submitted on 2 Oct 2018
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Contribution de la socialisation organisationnelle aumanagement des forces de vente externes : cas desvendeurs indépendants des entreprises gabonaises
Arsène Eyeghe Eboue Dit Aya Ndzang
To cite this version:Arsène Eyeghe Eboue Dit Aya Ndzang. Contribution de la socialisation organisationnelle au manage-ment des forces de vente externes : cas des vendeurs indépendants des entreprises gabonaises. Gestionet management. Université Paul Valéry - Montpellier III, 2018. Français. �NNT : 2018MON30007�.�tel-01885962�
1
Délivré par UNIVERSITE PAUL-VALERY
MONTPELLIER III
Préparée au sein de l’école doctorale 60
Et de l’unité de recherche CORHIS
Spécialité : SCIENCES DE GESTION
Présentée par EYEGHE EBOUE DIT AYA NDZANG
ARSENE JEAN DANIEL
Soutenue le 27 juin 2018 devant le jury composé de
Mme Florence NOGUERA, Professeur des Universités,
Université de Montpellier III.
Président du Jury
M. Jean Michel PLANE, Professeur des Universités,
Université de Montpellier III.
Directeur de thèse
M. Hervé NDOUME ESSINGONE, Maitre de
conférences Agrégé CAMES, Institut National des
Science de Gestion (Gabon).
Co-directeur de thèse
M. Christian DEFELIX, Professeur des Universités,
Université de Grenoble.
Rapporteur
Mme Anne LOUBES, Professeur des Universités,
Université de Montpellier.
Rapporteur
CONTRIBUTION DE LA SOCIALISATION
ORGANISATIONNELLE AU MANAGEMENT
DES FORCES DE VENTE EXTERNES : CAS
DES VENDEURS INDEPENDANTS DES
ENTREPRISES GABONAISES
2
L’université n’entend donner aucun approbation ni improbation
aux opinions émises dans les thèses : ces opinions doivent être
considérées comme propre à leur auteur.
3
RESUME
CONTRIBUTION DE LA SOCIALISATION ORGANISATIONNELLE AU MANAGEMENT DES
FORCES DE VENTE EXTERNES : CAS DES VENDEURS INDEPENDANTS DES ENTREPRISES
GABONAISES
La force de vente est un système humain, et de relations humaines complexes qui se distingue par une activité de gestion spécifique fondée sur le contrôle et la supervision directe des vendeurs dans leurs activités quotidiennes. Pour décrypter ces relations entre les acteurs, nous avons mobilisé le concept de socialisation organisationnelle, à la fois parce qu’il propose une lecture nouvelle de la réalité managériale, mais aussi parce qu’il constitue un modèle d’influence à même de réguler les comportements organisationnels des acteurs. Cette thèse a pour objectif d’éclairer le management des vendeurs indépendants en situation d’intégration, et d’expliquer pourquoi le turnover de ces vendeurs est aussi élevé au cours de cette phase cruciale du processus de socialisation. L’exploitation du potentiel théorique du concept de socialisation pose néanmoins la question de la pertinence d’une telle étude, étant donné que les vendeurs indépendants peuvent se soustraire à toute forme de socialisation, parce qu’ils n’appartiennent pas juridiquement à l’entreprise. Pour cela, nous menons une première étude qui permet de mettre en évidence le caractère aléatoire et naturel de la socialisation dans ces organisations, à travers les interactions. Nous proposons donc de conceptualiser la socialisation du vendeur indépendant, et la considérons comme un processus de construction de la relation managériale. Le modèle d’analyse que nous développons articule le cadre d’analyse interactionniste de la socialisation à travers le processus de construction de sens, la théorie de la régulation sociale, et la théorie du contrat psychologique. Il est testé sur le terrain, à travers une étude qualitative, mobilisant la méthode des cartes cognitives. En s’appuyant sur les représentations mentales des principaux acteurs de la socialisation du vendeur indépendant, nous souhaitons produire des connaissances qui tiennent compte des réalités et des contextes dans lesquels ces forces de vente exercent. Les résultats de notre recherche mettent en évidence la complexité des schèmes étudiés. Ceux-ci révèlent la difficulté à faire converger les intérêts des acteurs dans leur collaboration. Ils révèlent aussi l’existence d’une socialisation partielle due, en partie, au fait que les entreprises évoluent difficilement dans leurs pratiques de gestion ; les connaissances acquises par les nouveaux vendeurs portent essentiellement sur les aspects commerciaux du travail ; les relations entre membres de la force de vente ne sont pas prises en compte dans le processus de socialisation. Finalement, les vendeurs partent parce que les composantes de leurs relations avec l’entreprise ne correspondent pas à leur système de valeurs. Dans ce cas, nous proposons de gérer et de formaliser la socialisation du vendeur indépendant, en prônant un management et un leadership partagé qui permettrait de prendre en compte les intérêts des différents acteurs.
Mots clés : Management des forces de vente, socialisation organisationnelle, vendeur indépendant, intégration, turnover, relation managériale, carte cognitive.
4
ABSTRACT
THE CONTRIBUTION OF THE ORGANIZATIONAL SOCIALIZATION TO THE MANAGEMENT OF EXTERNAL SALES TEAMS: CASE OF INDEPENDENT SALES AGENTS IN THE GABONESE
COMPANIES.
Sales force is a human and complex human relations system that is characterized by a specific management activity based on the control and the direct supervision of the sales agents in their daily activities. In order to decrypt these relations between the actors, we have mobilized the concept of organizational socialization, both because it proposes a further reading of the managerial reality, but also because it constitutes a model of influence able to regulate the organizational behaviors of the actors. This thesis aims at enlightening the management of the independent sales agents into labor integration process, and explaining why the turnover of the sales agents is so high during that critical stage of socialization process. The exploiting of the theoretical potential of the concept of socialization nevertheless arises the issue of the relevance of such a study, given the independent sales agents can avoid any kind of socialization, because legally they don’t belong to the company. For that we make a first survey that enables us to point out the random and natural character of the socialization in these organizations through interactions. We propose thus to conceptualize the socialization of the independent salesman, and we consider it as a construction process of the management relation. The analysis model that we develop uses the interactionnist analysis framework of the socialization through the process of building a sense, the theory of the social regulation, and the theory of psychological contract. It has been field-tested through a qualitative research study, mobilizing the method of cognitive cards. On the basis of the mental representations of the main actors of the independent sales agents ‘socialization, we wish to produce skills that take into account realities and the environments in which these sales teams work. The results of our research show clearly the complexity of the schemes studied. These reveal the difficulty of converging the actors ‘interests in their collaboration. They reveal also the existence of a partial socialization due, partly, to the fact that the companies poorly evolve in their management practices. The skills acquired by the new sales agents are based essentially on the commercial aspects of work. The relations between the sales workforces are not taken into account in the socialization process. Finally, the sales agents leave work because the components of their relations with the company do not match with their value system. In that case, we propose to manage and formalize the socialization of the independent sales agent, recommending shared management and leadership that would permit to take into account the interests of the different actors. Key words: Sales force Management, Organizational socialization, Independent sales agent, Integration, Turnover, Managerial relation, Cognitive card.
5
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier d’abord chaleureusement mes deux directeurs de thèse, le professeur Jean
Michel PLANE, pour sa confiance et son soutien permanent dans l’évolution de ma thèse ; et le
professeur Hervé NDOUME qui a cru en moi et m’a soutenu par les conseils et les orientations
qu’il à donné à mon travail de recherche. Au-delà de simples remerciements, je souhaite leur
témoigner toute ma reconnaissance et ma fidélité.
Mes remerciements vont aussi directement aux professeurs Anne : LOUBES et Christian
DEFELIX pour l’intérêt qu’ils ont bien voulu accorder à mon travail de recherche en acceptant
d’être rapporteurs dans le jury de soutenance. Je remercie également le professeur Florence
NOGUERA de prendre part au jury de soutenance en qualité de président.
Mes remerciements s’adressent aussi…,
Aux membres du groupe ORHA et du laboratoire Corhis, pour leur soutien et les conseils très
constructifs qu’ils ont bien voulu nous apporter dans le cadre des réunions de recherche, et qui
ont permis de faire évoluer mon travail de recherche. Je tiens particulièrement à remercier le
professeur émérite Alain BRIOLE pour sa bienveillance toutes ces années de dur labeur.
Aux membres du laboratoire Larsig de l’Institut Supérieur de Technologie (I.S.T), pour les
échanges qu’ils ont permis à travers l’organisation du Colloque International de Libreville (CIL).
Je tiens à particulièrement à remercier les initiatives du Docteurs Simon PETER et de toute
l’équipe du Larsig.
A ceux devenus docteurs et/ou en passe de le devenir, je pense particulièrement à ceux qui ont
« pris le train » en même temps que moi, Serge, Michael, Marina, Faviola et les autres : aux uns,
je souhaite une belle carrière dans la recherche ; aux autres, beaucoup de courage dans une
œuvre qui en vaut la peine.
A ma famille, merci à mes frères Jean Flavien (John), Marcellin, Augustin, Etienne, Ghislain,
Alex, Brice pour leur soutien spirituel, financier et matériel dans la mesure de leurs moyens.
6
SOMMAIRE
Introduction générale…………………………………………………………………….. 11
Première partie : Cadre théorique et conceptuel de la recherche……………………... 34
Chapitre 1. Etat de l’art sur le management des forces de vente………….…………... 35
Section 1. Le champ de recherche du management des forces de vente ……………..…… 36
Section 2. Les développements récents de la socialisation organisationnelle…………….. 80
Chapitre 2. Analyse de la littérature autour du concept de la socialisation
organisationnelle …………………………………………………………………………..
98
Section 1. Le champ de recherche du management des forces de vente………………….. 100
Section 2. La socialisation organisationnelle : un dispositif du contrôle social………….. 132
Chapitre 3. Cadre conceptuel et analytique de la recherche….………………………... 164
Section 1. La socialisation du vendeur indépendant : un processus de construction de la
relation managériale…………………………………………..…………………………….
165
Section 2. Le modèle de socialisation du vendeur indépendant…………………………… 186
Conclusion première partie………………………………………………………………. 213
Deuxième partie : La socialisation du vendeur indépendant : une construction de la
réalité sociale……………………………………………………………………………….
214
Chapitre 4 : Epistémologie et méthodologie de la recherche…………………………... 215
Section 1 : Positionnement épistémologique de la recherche……………………………… 216
Section 2 : les choix méthodologiques de la recherche…………………………………..... 229
Chapitre 5 : Les résultats de la recherche……………………………………………….. 261
Section 1. L’analyse de la structure des cartes cognitives………………………………… 262
Section 2. L’analyse du contenu des cartes cognitives……………………………............ 287
Section 3. Des cartes cognitives à la socialisation du vendeur indépendant……………… 322
Chapitre 6 : Discussion générale…………………………………………………………. 334
Section 1 : Discussion des résultats………………………………………………………. 335
Section 2 : Discussion sur la gestion de la socialisation du vendeur indépendant……… 353
Conclusion générale………………………………………………………………………. 369
Bibliographie………………………………………………………………………………. 380
Table des matières………………………………………………………………………… 401
Annexes……………………………………………………………………………………. 407
7
LISTE DES FIGURES
Figure 1.Modèle de Quivy et Van Campenhoudt (1995) .............................................................. 27
Figure 2. Définition du rôle dans le cadre social ........................................................................... 51
Figure 3. Les formes et statuts de la force de vente ...................................................................... 52
Figure 4. Rubriques courantes dans la mesure de la performance du vendeur / entreprise .......... 64
Figure 5. Conceptualisation de la performance du vendeur .......................................................... 65
Figure 6. Critères d’évaluation de la performance du vendeur ..................................................... 67
Figure 7. Les différentes formes d’emplois en France .................................................................. 91
Figure 8. Modèle général de la socialisation organisationnelle du salarié (Lacaze, 2005) ......... 106
Figure 9.Processus d'attribution de sens lors de l'entrée organisationnelle ................................. 120
Figure 10. Adapté du processus d'ajustement de Reiger et Wrong-Reiger (1991) ..................... 137
Figure 11. Modèle de socialisation des forces de vente .............................................................. 156
Figure 12. La vitesse du processus de socialisation, une fonction de la proaction des nouvelles recrues et des membres de l'organisation (Reichers, 1987) ........................................................ 175
Figure 13. Typologie des relations managériales à travers la littérature en management........... 178
Figure 14. Modèle dynamique d'organisation d'après Weick (1979) .......................................... 193
Figure 15. Modèle d'analyse de la socialisation du vendeur indépendant .................................. 211
Figure 19. Boucle de récursive (David, 1999) ............................................................................ 226
Figure 16. Le processus d’élaboration d'une carte cognitive ...................................................... 239
Figure 17. Illustration des concepts de "sentiers" et de "boucles" .............................................. 250
Figure 18.Exemple de carte cognitive et de matrice correspondante .......................................... 251
8
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1. Une sélection de modèles d’aide à la décision de l force de vente (Aït-Ouyahia, 2001) ....................................................................................................................................................... 42
Tableau 2. Niveau de contrôle en fonction du lieu d’activité et statut du vendeur ....................... 43
Tableau 3. Condensé des leviers de contrôle des forces de vente ................................................. 45
Tableau 4. Condensé d’hypothèses sur les incitatifs financiers (Darmon, 1974, 1977) ............... 59
Tableau 5. Récapitulatif des coûts suscités par le turnover ........................................................... 76
Tableau 6. Les formes de l’opportunisme et les résultats possibles .............................................. 88
Tableau 7. Les stades psychosexuels du développement (Freud) ............................................... 103
Tableau 8. Développement mental et socialisation selon Piaget (1964) ..................................... 104
Tableau 9. Typologie des tactiques de socialisation de Van Maanen et Schein (1979) ............. 116
Tableau 10. Les tactiques de socialisation organisationnelles (Jones, 1986) .............................. 118
Tableau 11. La proactivité des nouvelles recrues ....................................................................... 125
Tableau 12. Les domaines de socialisation (Fischer, 1986) ........................................................ 129
Tableau 13. Types de sources de candidats et expérience pertinente initiales ............................ 154
Tableau 14.Le type idéal d'intégration professionnelle et ses déviations ................................... 170
Tableau 15. Pratiques de socialisation identifiées ....................................................................... 173
Tableau 16. Condensé des différentes composantes de la relation managériale ......................... 180
Tableau 17. Les formes de la confiance (Bornarel, 2007) .......................................................... 182
Tableau 18. Types d'agents de socialisation................................................................................ 188
Tableau 19.Schéma de réponse conditionné (Weick, 1979) ....................................................... 190
Tableau 20. Contrats transactionnels et relationnels selon DE VOS (2002) .............................. 205
Tableau 21. Liste des nouveaux vendeurs interviewés ............................................................... 234
Tableau 22. Liste des vendeurs séniors interviewés ................................................................... 235
Tableau 23. Liste des responsables commerciaux interviewés ................................................... 235
Tableau 24. Les différentes méthodes de collecte des données (adapté de Allard-Poesi et al, 2000, p. 452) ................................................................................................................................ 241
Tableau 25. Méthodes d’établissement des cartes collectives (méthodes d'agrégation) ............. 242
Tableau 26. Méthodes d'établissement des cartes collectives (méthodes globales) .................... 243
Tableau 27. Les différentes techniques de collecte de données dans la littérature ..................... 245
Tableau 28. Arbitrage entre fiabilité et validité de la collecte et du codage des données ........... 255
Tableau 29. Quelques démarches d'analyse comparative de concepts restreints ........................ 258
Tableau 30. Tableau de la structure des cartes collectives à partir des indicateurs généraux et locaux .......................................................................................................................................... 261
Tableau 31. Centralité moyenne des cartes collectives ............................................................... 264
Tableau 32.Importance relative des 20 premières variables selon le nombre de liens directs et indirects ....................................................................................................................................... 267
Tableau 33. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs ......................................... 268
Tableau 34. Facteurs influençant directement au moins quatre facteurs .................................... 268
Tableau 35. Résultat de l’analyse de regroupement (RC) ........................................................... 269
Tableau 36.Principales caractéristiques du schème des responsables commerciaux suggérés par l'étude de leur carte cognitive ...................................................................................................... 271
Tableau 37. Importance relative des 20 premières variable selon le nombre de liens directs et indirects ....................................................................................................................................... 272
9
Tableau 38. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs ......................................... 273
Tableau 39. Facteurs influençant au moins quatre autres facteurs .............................................. 274
Tableau 40. Les résultats de l'analyse de regroupement (NV) ................................................... 274
Tableau 41. Principales caractéristiques du schème des nouveaux vendeurs suggérés par l'étude de leur carte cognitive ................................................................................................................. 277
Tableau 42. Importance relative des 20 premières variables selon le nombre de liens directs et indirects ....................................................................................................................................... 278
Tableau 43. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs ......................................... 279
Tableau 44. Facteurs influençant directement au moins quatre autres facteurs .......................... 280
Tableau 45. Résultat de l’analyse de regroupement (VS) ........................................................... 281
Tableau 46. Principales caractéristiques du schème des vendeurs séniors suggérés par l’étude de leur carte cognitive ...................................................................................................................... 284
Tableau 47. Synthèse des résultats de l’analyse de structure des cartes collectives ................... 285
Tableau 48. Récapitulatif des clusters des cartes assemblées ..................................................... 287
Tableau 49. Actions de l'entreprise pour motiver les nouveaux vendeurs .................................. 303
Tableau 50. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des nouveaux vendeurs. ..................................................................................................................... 308
Tableau 51. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des vendeurs séniors. ......................................................................................................................... 309
Tableau 52. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des responsables commerciaux. ......................................................................................................... 309
Tableau 53. Mise en évidence du concept le plus important ...................................................... 310
Tableau 54. Déterminants et conséquence de la motivation du vendeur indépendant. ............... 314
Tableau 55. Antécédents de la maitrise des aspects techniques du travail ................................. 319
Tableau 56. Synthèse de l'analyse de contenu des cartes collectives .......................................... 321
Tableau 57. Synthèse : mise en perspective de la socialisation du vendeur indépendant ........... 331
Tableau 58. Typologie des déterminants du turnover ................................................................. 344
10
LISTE DES EXTRAITS DE CARTE
Extrait de carte 1. Boucles présentes dans la carte des responsables commerciaux ................... 271
Extrait de carte 2. Boucles présentes dans la carte cognitive des nouveaux vendeurs ....... 276
Extrait de carte 3. Boucles présentes dans la carte cognitive des vendeurs séniors .................... 283
Extrait de carte 4. Chaine d'argumentation N°1 sur la motivation du vendeur (NV) ................. 315
Extrait de carte 5. Chaine d'argumentation N°2 sur la motivation du vendeur (NV) ................. 316
Extrait de carte 6. Chaine d'argumentation N°3 sur la motivation du vendeur (NV) ................. 316
Extrait de carte 7. Chaine d'argumentation N°4 sur la motivation du vendeur (NV) ................. 317
Extrait de carte 8. Chaine d'argumentation N°1 sur la motivation du vendeur (RC) .................. 317
Extrait de carte 9. Chaine d'argumentation N°2 sur la motivation du vendeur (RC) .................. 318
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1. Guide d’entretien des responsables commerciaux………………………….. 408 Annexe 2. Guide d’entretien des nouveaux vendeurs…………………………………… 409 Annexe 3. Guide d’entretien des vendeurs séniors………………………………………. 410 Annexe 4. Les résultats de l’étude préliminaire………………………………………….. 411 Annexe 5. Listes complètes des résultats de l’analyse de regroupement ………………... 423 Annexe 6. Cartes des clusters des responsables commerciaux…………………………… 428 Annexe 7. Cartes des clusters des nouveaux vendeurs…………………………………… 430 Annexe 8. Cartes des clusters des vendeurs séniors……………………………………… 432 Annexe 9. Cartes cognitive collective des nouveaux vendeurs…………………………. 434 Annexe 10. Carte cognitive collective des vendeurs séniors…………………………….. 435 Annexe 11. Carte cognitive collective des responsables commerciaux………………….. 436
LISTE DES ABREVIATION
ACP : Analyse en Composante Principale DRH : Direction des Ressources Humaines GRH : Gestion des Ressources Humaines NV : Nouveau Vendeur RC : Responsable Commercial VS : Vendeur Sénior
11
INTRODUCTION GENERALE
Les mutations socio économiques de ces vingt dernières années, avec notamment les
nouveaux défis suscités par la mondialisation et la globalisation des échanges, ont remis au goût
du jour les vertus de la vente1. Pour de nombreux chefs d’entreprises, être compétitif c’est aussi
répondre avec efficacité et mieux que le concurrent aux besoins du consommateur, où qu’il se
trouve. Il s’agit donc pour l’entreprise d’être présente partout où est exprimé un besoin pour ses
produits, et la force de vente demeure dans ce contexte un moyen privilégié pour atteindre le
client et communiquer sur les avantages de son offre. Cependant, pour assurer cette présence sur
le marché, les entreprises doivent mobiliser un nombre important de vendeurs et s’assurer que
ces derniers possèdent les compétences qu’elles recherchent, et que celles-ci sont utilisées dans
leur intérêt, sans que cela n’engendre des coûts jugés excessifs. Pour répondre à ce besoin de
commerciaux, les entreprises font appel à des forces de vente externes, pour disposer des
compétences dont elles ont besoin, et pour en réduire significativement leurs coûts.
La notion de force de vente externe renferme plusieurs réalités. Ainsi, Zeyl et Dayan (2003)
utilisent le terme de force de vente déléguée pour désigner des vendeurs externes à l’entreprise,
par opposition aux vendeurs salariés. Deux catégories de vendeurs composent généralement cette
force de vente : les VRP multicartes et les agents commerciaux. Les VRP multicartes sont des
salariés de plusieurs entreprises, mais ne coûtent en réalité à celles-ci qu’un pourcentage des
ventes réalisées. L’agent commercial est un chef d’entreprise (Moulinier, 2005) qui travaille en
toute indépendance pour le compte de plusieurs entreprises, et est payé à la commission. Il
s’organise à détenir des contrats complémentaires et non concurrentes. Dans le même ordre
d’idées, le terme force de vente externalisées est également utilisé pour désigner des vendeurs
externes. Ces forces de vente, le plus souvent salariées, sont proposées par des prestataires de
vente pour intervenir auprès d’autres entreprise, dans des secteurs variés.
Cette recherche s’intéresse particulièrement au management des vendeurs indépendants
travaillant sous le statut d’agent commercial. Ces vendeurs sont liés à l’entreprise par un contrat
commercial, et leur relation d’emploi est souvent qualifiée d’atypique dans la mesure où elle
s’écarte de la norme qu’est le contrat de travail (Everaere, 1999). La littérature indique que le
développement des emplois atypiques pose le problème du management de cette catégorie
d’employés (Louart, 1993). En effet, la position des vendeurs à l’extérieur des frontières de
1 Selon Ganassali, l’émergence du marketing avait contribué à reléguer la force de vente à une position subalterne…
12
l’entreprise, et l’encadrement juridiques de leurs activités rend difficile la gestion et l’orientation
des comportements individuels. Nous croyons qu’en nous appuyant sur les normes sociales, il
est possible d’apporter une autre lecture du management des forces de vente.
A travers cette introduction générale, nous présenterons l’intérêt de conduire une
recherche sur le management des vendeurs indépendants (1), l’intérêt de socialiser les vendeurs
indépendants (2), l’objet de la recherche et la formulation de la problématique (3), la
présentation de la démarche de recherche (4), les choix méthodologiques de la recherche (5) les
apports attendus (6), et la présentation de la thèse (7).
1. L’INTERÊT DE CONDUIRE UNE RECHERCHE SUR LE MANAGEMENT DES
VENDEURS INDEPENDANTS.
A l’origine, le travail de vendeur indépendant est considéré comme une activité libre que des
individus peuvent adopter, soit comme une activité principale (en attendant de trouver un
emploi), soit comme une activité d’appoint, source d’un complément de revenu (Lessassy, 2007,
cité par Tsapi et Gilardi, 2011). Cependant, la mondialisation des échanges et la recherche d’une
plus grande compétitivité pour les entreprises à favorisé le développement d’une forme d’emploi
non salariale dans la vente, à laquelle n’étaient pas préparés plusieurs entreprise.
1.1. Le développement de l’emploi de vendeur indépendant sur le marché
Les politiques d’emplois développées ces dernières années dans le cadre de la flexibilité de
l’emploi (Evéraeré, 1977), ont conduit de nombreuses entreprises à recourir à des ressources
humaines commerciales externes afin de répondre aux contraintes et aux incertitudes que
présente leur environnement immédiat. Face à ces mutations organisationnelles, les modèles de
gestion traditionnels (hiérarchie et marché) présentent des limites et deviennent très vite
inopérants car, dans le même temps, les entreprises utilisant des forces de vente externes veulent
s’assurer que ces ressources humaines œuvrent totalement en faveur de ses intérêts. Les
conséquences de ces inadaptations, sont nombreuses en termes de management. Elles peuvent
aller de la simple démotivation au départ des ressources concernées, soulignant par la même
occasion l’échec de la décision d’externaliser. Face au double enjeu de réduire l’incertitude et les
contraintes économiques d’une part, et de s’assurer de la prise en compte de ses intérêts d’autre
part, il importe d’envisager un modèle de gestion alternatif de ces ressources dont l’intérêt est de
bénéficier des avantages liés à l’externalisation tout en ayant l’assurance que les objectifs
commerciaux de l’entreprise sont pris en compte.
13
Dans l’opinion l’utilisation des forces vente externes est diversement appréciée, selon les
contextes. Si, dans les pays anglo-saxons l’emploi de vendeur indépendant est très répandu et
s’adapte parfaitement aux pratiques des entreprises, cette pratique rencontre auprès des managers
français des limites de nature culturelle (Gosse et al, 2001). En effet, la crainte de déléguer et
d’être privé du management des hommes constitue, pour les responsables commerciaux, un frein
à l’externalisation. Selon le Baromètre Outsourcing (2005) publié par Ernst et Young, C’est le
premier critère cité par 23% des entreprises qui ne pratiquent pas l’externalisation, et 16% pour
celles qui la pratiquent. Dans les pays en voie de développement, et en particulier au Gabon qui
constitue notre terrain d’étude, la pratique de l’externalisation est encore au stade embryonnaire.
Les développements récents de la vente directe au consommateur ont favorisé l’émergence des
réseaux de vendeurs indépendants, propulsant ainsi les managers en charge des forces de vente
au cœur d’un système de gestion complexe, dans lequel ils doivent gérer de multiples relations et
piloter directement des réseaux d’agents indépendants. Les entreprises peuvent donc vendre
directement à leurs clients par l’intermédiaire d’une force de vente qu’elle compose et forme aux
produits de l’entreprise, et la force de vente externe devient un modèle d’organisation privilégié
par de nombreux chefs d’entreprises. Dans certains secteurs d’activité comme l’assurance-vie,
elle apparaît même comme une nécessité pour les entreprises qui souhaitent avoir une capacité
de couverture suffisante de leur territoire de vente. Ainsi, le vendeur indépendant est considéré
comme un collaborateur extérieur qui prospecte et négocie des affaires pour le compte d’un tiers.
Il a progressivement pris place dans la chaine de commercialisation de l’entreprise, en cohabitant
avec le vendeur salarié au sein d’une même force de vente, ou en devenant dans certaines
entreprises la principale ressource humaine commerciale. Cependant, si l’utilisation des forces de
vente externes est particulièrement appréciée pour les économies et la flexibilité qu’elle permet
de réaliser, le management de ces vendeurs pose des problèmes d’ordre pratique et juridique, à
l’origine des nombreux dysfonctionnements constatés au sein de ces organisations.
1.2. Les atermoiements de la recherche
Depuis, quelques années, la littérature managériale fait écho des bienfaits de l’utilisation des
forces de vente externalisées, aussi bien sur la réduction des coûts de gestion, que sur la capacité
qu’elle offre à l’entreprise d’étendre son marché et de devenir plus compétitive. Comme le
souligne ces écrits à caractère promotionnels, « quel directeur commercial n’a jamais rêver
d’une force de vente flexible, évolutive et capable de s’attaquer à toutes sortes de marchés
suivant l’évolution de la demande, de la conjoncture et des objectifs de l’entreprise ? Avec une
force de vente externalisée ce rêve est accessible. Pour autant, quand on fait appel à des
commerciaux ‘‘outsource’’ de manière permanente ou ponctuelle, encore faut-il savoir les
14
manager, les intégrer à l’équipe de vente et les motiver »2. Cette réflexion montre à suffisance
qu’au delà des aspects stratégiques, la décision d’utiliser des ressources humaines externes à
l’entreprise comporte aussi des enjeux managériaux. Mais la littérature est quasi inexistante dans
ce champ de la recherche, et les managers de vente ne possèdent pas toujours les outils
appropriés pour faire face à l’évolution de leur environnement de travail. Les premiers entretiens
réalisés auprès des vendeurs et des responsables commerciaux permettent de faire un certain
nombre de constats.
Le premier constat concerne la pénurie des vendeurs de qualité sur le marché, et en particulier
la difficulté pour les entreprises à trouver sur le marché des vendeurs indépendants suffisamment
qualifiés. Les informations recueillies dans le cadre de notre étude préliminaire révèlent que la
difficulté repose davantage sur des considérations d’ordre socioculturel, fondées sur les
croyances négatives que les individus développent au sujet du vendeur indépendant, plutôt que
sur des raisons purement économiques. En effet, dans l’imaginaire collectif gabonais, le vendeur
indépendant présente une image de précarité, qui n’attire pas toujours les meilleurs profils à
postuler pour cet emploi. Comme nous l’avons souligné précédemment, le vendeur indépendant
est un prestataire de vente qui vit essentiellement des commissions qu’il perçoit sur les ventes
réalisées, et qui assume les risques de son activité ainsi que les coûts de sa protection sociale.
Ainsi, à défaut d’attirer les meilleurs profils, les entreprises sont dans l’obligation de recruter des
vendeurs dont les profils sont éloignés des standards recherchés, en espérant que ceux-ci finiront
par s’adapter. Ce qui implique des efforts importants en matière de formation, que les entreprises
ne sont toujours pas disposées à fournir, compte tenu de l’orientation stratégique de leurs
activités.
Le deuxième constat concerne la gestion au quotidien des activités des vendeurs. Le cas de
l’agent commercial dont l’activité est parfaitement encadrée par la loi est édifiant. Ce vendeur
exerce pour le compte d’une ou plusieurs entreprises une activité de représentation commerciale
qui l’implique profondément dans la vie des entreprises. Lorsqu’il est employé exclusivement et
de façon permanente pour une marque ou pour une enseigne, il lui est interdit de travailler pour
la concurrence, et accessoirement d’occuper des emplois pouvant nuire, en termes d’image, au
premier emploi. De fait, le vendeur se situe dans une position complexe dans laquelle il fait
l’objet d’un encadrement de plus en plus étroit de l’entreprise qui l’emploi. Juridiquement, il est
considéré comme un indépendant, mais dans la réalité son activité est économiquement
contrainte. D’une part, il est considéré comme un prestataire extérieur, et il entretient avec
l’entreprise des relations d’affaires. D’autres parts, il est considéré comme un employé, ce qui le 2
15
situe dans une position de subordination par rapport à l’entreprise. Cette position hybride à des
implications sur le management ; le vendeur étant partagé entre plusieurs rôles, il expérimente
des tensions de rôle qui peuvent engendrer chez lui des frustrations ; celles-ci pouvant à leur
tour se traduire par un faible engagement de sa part, et l’intention de rompre sa collaboration
avec l’entreprise. Selon Commeiras et al (2003), cette position situe le vendeur dans une double
position frontalière, car il est imbriqué dans deux systèmes différents. Autrement dit, le
management des forces vente peine à trouver une voie médiane, entre une supervision très étroite
qui empêcherait le vendeur de jouir pleinement de son statut d’indépendant, et une supervision
très large qui priverait l’entreprise de conserver la direction de sa force de vente, et par
conséquent la maitrise de son marché.
De façon générale, les règles de gestion déployées par les entreprises à l’endroit de ces
vendeurs, sont souvent décalées de la réalité. Comme le souligne d’Iribarne (2003), le
management développé par les entreprises occidentales, notamment françaises s’apparente à un
« compromis mal ajusté » entre d’une part la culture de gestion des entreprises qui s’implantent,
et d’autre part les contraintes socioculturelles propres aux pays d’accueil. La tendance de
certaines entreprises, étant d’imposer leur mode de gestion, en faisant abstraction des réalités
locales.
Le troisième constat concerne les départs, encore très importants, des vendeurs nouvellement
arrivés dans l’entreprise. En effet, selon les informations recueillies dans l’étude préliminaire,
80% des personnes sélectionnés après un recrutement quittent l’entreprise dans les trois mois
qui suivent leur engagement. Cette statistique est particulièrement préoccupante pour
l’entreprise, car elle met en évidence l’extrême volatilité des vendeurs indépendants, et surtout
la difficulté à les maintenir dans cette position au sein des équipes de vente. Dans la littérature, le
turnover des forces de vente est défini comme le taux de départ des vendeurs causé par les
promotions, les démissions, les mises à la retraite ou les licenciements (Darmon, 1994 ; Cron et
De Carlo, 2006). Il concerne aussi bien les départs initiés par les organisations, que ceux décidés
par les vendeurs. Les recherches sur le turnover ont essentiellement porté sur les départs
volontaires des vendeurs salariés, ou à leur intention de quitter l’entreprise (Lucas, 1987 ; Jolson,
Dubinsky et Anderson, 1987 ; Futrel et Parasuraman, 1984 ; Williamson, 1984). Cependant, très
rarement ont été évoqués les départs volontaires des vendeurs indépendants. Le turnover reste
donc un des problèmes majeurs du management des forces de vente (Xardel, 1993), et l’une des
préoccupations des chercheurs a consisté à identifier les facteurs à l’origine afin de maîtriser le
phénomène. En effet, les recherches sur le turnover des vendeurs mettent en évidence les causes
multiples du phénomène, ainsi que ses conséquences (Holtom et al, 2008 ; Lucas et al, 1987 ;
16
Jolson et al, 1987). Le turnover des vendeurs est un problème central du management des forces
de vente, mais très peu d’entreprises sont dotées de dispositifs permettant de le gérer. Nous
voulons apporter un éclairage nouveau sur le turnover des vendeurs, et particulièrement celui des
vendeurs indépendants.
Les constats énoncés ci-dessus témoignent des difficultés rencontrées par les managers des
ventes dans la gestion de leurs vendeurs indépendants, et des conséquences en termes de
turnover. Ils révèlent l’existence d’un biais managérial fondé sur une forme d’asymétrie sur les
outils utilisés. Ils mettent surtout en évidence deux préoccupations fondamentales, à savoir :
Comment attirer et retenir des vendeurs indépendants, alors que l’entreprise ne peut leur offrir
d’avantages crédibles en échange de leur fidélité ? Comment orienter les comportements des
vendeurs, alors que l’entreprise n’est pas liée hiérarchiquement à ses vendeurs ?
Pour comprendre ce décalage entre les pratiques de management mises en œuvre par les
entreprises, et la réalité des rapports sociaux au sein des forces de vente, nous proposons de
revenir sur l’entrée dans l’organisation des nouveaux vendeurs, plus connu sous le vocable
anglais « organizational entry » (Louis, 1980 ; Wanous, 1980), et repris en français sous le terme
d’intégration (Perrot, 2001). Pour Lacaze (2005), l’intégration est appréhendée « comme
l’accompagnement du nouveau salarié dans la maitrise des aspects techniques de son emploi et la
compréhension de son rôle s’inscrivant dans l’environnement culturel et social propre à
l’organisation ». Afin d’apporter un éclairage nouveau sur le management des forces de vente,
nous avons choisi le concept de socialisation organisationnelle, un cadre théorique intégratif,
importé de la sociologie, et qui s’applique idéalement aux problématiques liés à l’entrée des
nouvelles recrues dans l’organisation (Lacaze, 2010). Nous croyons qu’il est possible de
renforcer le corpus managérial des forces de vente en introduisant le concept de socialisation.
2. L’INTERÊT DE SOCIALISER LES VENDEURS INDEPENDANTS.
Conduire une recherche sur la socialisation du vendeur indépendant peut susciter des
interrogations, notamment sur la pertinence d’une telle étude dans la mesure où le vendeur
indépendant n’appartient pas juridiquement à l’entreprisse, et qu’il ne peut être astreint à se
socialiser. Afin de justifier le bien fondé de la socialisation du nouveau vendeur, nous proposons
d’abord de définir succinctement le concept, et déclinons notre approche. Ensuite, nous
présentons les avantages qu’implique la socialisation du vendeur en général, et du vendeur
indépendant en particulier. Enfin, nous montrons la nécessité de changer de paradigme dans la
recherche sur le management du vendeur indépendant, étant donné les limites que présentent les
théories qui sont mobilisées dans ce champ de recherche.
17
2.1. L’éclairage apporté par la socialisation organisationnelle
Les recherches en management des forces de vente ont peu considéré la dimension sociale ou
relationnelle du management. Pourtant l’inscription de la vente dans la sphère sociale est
manifeste, si l’on tient compte des relations qu’elle suscite, aussi bien à l’intérieur qu’à
l’extérieur de l’entreprise (Brassier, 2008 ; Nothebaert et al, 2008 ; Barth, 2002), et l’intérêt
grandissant que lui accordent certains sociologues (Moeneclaey, 2013). Nous voulons prendre en
compte l’intérêt grandissant qui est accordé aux ressources humaines dans le pilotage de la
performance globale des entreprises (Dietrich et Pigeyre, 2011). Ainsi, de nouveaux concepts
issus de la gestion des ressources humaines s’imposent progressivement comme une alternative,
et participent à la conception de nouveaux modèles de gestion (Dietrich, 2015). Le concept de
compétence introduit dans les années 1980 marque dans ce contexte une rupture importante avec
les concepts traditionnels de poste, performance et qualification. Il ne s’agit plus seulement de
gérer des individus au plan administratif, mais de s’intéresser aussi au savoir-faire que les
salariés vont mobiliser pour faire face à des situations de travail complexes (Gilbert, 2006).
Dans le même ordre d’idées, la socialisation est développée dans les organisations pour
permettre aux individus qui intègrent nouvellement une entreprise, de s’adapter rapidement à
leur nouvel environnement de travail ; et aux entreprises de disposer d’un personnel
immédiatement opérationnel et les fidéliser (Lacaze, 2005). En effet, développée pour expliquer
la réduction de l’incertitude et de l’anxiété qui caractérisent l’entrée de toute nouvelle recrue
dans un nouvel environnement de travail, La socialisation organisationnelle est définie par
Merton (1957)comme « le processus par lequel un individu acquiert les valeurs et les attitudes,
les intérêts, les outils et la connaissance, bref la culture du groupe dans lequel il se trouve ou bien
qu’il cherche à rejoindre ». Il s’agit donc d’un processus d’apprentissage et d’acquisition de
connaissances qui a lieu à chaque fois que les individus passent d’une fonction à une autre, à
l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise (Van Maanen et Schein, 1979). De plus, le concept
de socialisation revêt une dimension gestionnaire, il développe également des comportements et
des attitudes tels que la performance, la satisfaction au travail et l’intention de rester dans
l’organisation (Ashforth et Saks, 1996), et constitue par conséquent un moyen qui permet
d’accroitre l’efficacité de l’organisation (Bargues-Bourlier, 2009).
La socialisation organisationnelle à fait l’objet d’une abondante littérature dans le domaine de
la gestion des ressource humaines, son extension vers d’autres champs de recherches des
sciences de gestion témoigne de sa dimension transversale. Les récents développements du
concept dans le domaine du marketing, notamment la socialisation organisationnelle du client
dans les entreprises de services (Goudarzi et Eiglier, 2006), et la socialisation du fournisseur
18
(Machat, 2010) témoignent de l’intérêt du concept dans l’amélioration des relations de
l’entreprise avec ses partenaires, qu’il s’agisse des clients dont l’initiation à la production du
service peut être source de valeur ajoutée, ou des fournisseurs qui par leur parfaite connaissance
des processus d’approvisionnement du distributeur contribuent à la qualité du système de
distribution. Les recherches sur la socialisation entrepreneuriale (Star et Fonda, 2002 ; Bargues-
Bourlier et Bouchard, 2012) soulignent aussi l’intérêt grandissant du concept dans les
problématiques de l’entrepreneuriat. La socialisation organisationnelle peut donc être appliquée à
des domaines de gestion variés et à des personnes de nature et de statut différents, qui sont liées à
l’entreprise par un contrat de travail ou par une simple relation commerciale.
Par ailleurs, la littérature en sciences sociales à souvent considéré la socialisation comme un
mécanisme de reproduction sociale. En effet, l’idée de socialiser des individus repose sur l’espoir
que ceux-ci reproduisent des comportements jugés appropriés et profitables pour le
fonctionnement de la société. C’est dans cet esprit que s’inscrivent les travaux fondateurs de
Schein (1968), lorsqu’il parle d’endoctriner et d’enseigner aux individus ce qui est important
dans une organisation. C’est également dans cette perspective que Van Maanen et Schein (1979)
vont exprimer leur conception de la socialisation organisationnelle, fondée sur l’idée que c’est
l’organisation qui inculque à l’individu des connaissances qui vont lui permettre d’assumer un
rôle dans l’organisation. Le concept de socialisation organisationnelle acquiert ainsi une
dimension gestionnaire, car il assure la pérennité de l’entreprise par la transmission du savoir-
faire de l’entreprise d’une génération à une autre. A cette approche dite fonctionnaliste de la
socialisation, s’oppose une approche interactionniste jugée plus conforme à la réalité sociale
(Dubar, 1995). La socialisation à lieu naturellement à travers les interactions voulus ou non,
entre les membres d’une même organisation, ou pas. Les travaux récents sur la socialisation
organisationnelle indiquent que l’individu n’est pas complètement passif à sa propre socialisation
(Louis, 1980), et que dans une moindre mesure il réagit aux stimuli de son environnement, si non
il prend des initiatives personnelles. L’interaction est donc considérée comme le principal
mécanisme de socialisation, car c’est à travers les actions réciproques (relations et échanges) que
les individus se socialisent. Autrement dit, l’individu impliqué dans une situation de gestion,
avec d’autres acteurs de l’entreprise, se socialise (ou se désocialise) nécessairement. Dans ce
contexte, la question n’est plus de savoir s’il est nécessaire de socialiser le vendeur indépendant,
mais de s’interroger sur les mécanismes, tant organisationnels qu’individuels qui permettraient
d’accompagner l’individu dans sa socialisation.
19
2.2. Les avantages liés à la socialisation du vendeur indépendant
La recherche sur la socialisation organisationnelle s’est aussi intéressées au management des
forces de vente. Mais, l’extension du concept à ce champ de recherche n’a pas provoqué une
réelle adhésion de la part des chercheurs (Barksdale et al, 2003), malgré l’engouement suscité
par l’article fondateur de Dubinsky et al (1986). Néanmoins, les préoccupations soulevées par
ces auteurs ont montré l’intérêt de la socialisation dans les organisations de vente. En effet, dans
le souci de préserver leurs parts de marché, les entreprises ont pris conscience de capitaliser leur
savoir-faire commercial et de pérenniser les pratiques qui gagnent par la transmission d’une
culture commerciale forte. Mais, la mise en œuvre d’une telle action se heurte à la spécificité du
travail des vendeurs. Dubinsky et al (1986) soulignent que le travail du vendeur comporte des
particularités qui le distinguent des autres emplois dans l’entreprise, telles que « l’éloignement
physique, psychologique et social du vendeur des autres membres et de l’encadrement ; la
position frontalière du vendeur entre l’entreprise et ses clients ; l’exigence de flexibilité et de
créativité voulue par la nature non routinière du travail ; les rôles multiples assumés par le
vendeur, et qui font converger vers lui des attentes contradictoires ; la persévérance et l’auto-
motivation nécessaires pour vendre ; la supervision systématique des vendeurs par les objectifs
ou les systèmes de rémunération ; et les incertitudes et conflits interpersonnels inhérents aux
situations de vente ». Selon les auteurs, ces spécificités impliquent un besoin de socialisation
spécial pour orienter les comportements du vendeur dans le sens des intérêts de l’entreprise. Ce
besoin est encore plus important en ce qui concerne les vendeurs indépendants, car en l’absence
d’un lien hiérarchique les managers des ventes sont privés d’agir directement sur les
comportements des vendeurs.
En effet, le travail d’un vendeur indépendant consiste à vendre et promouvoir les produits
et/ou services d’une entreprise auprès d’une clientèle avec laquelle il établit un contact direct.
Pour cela, le vendeur exécute toutes les taches liés à la vente et assume des rôles multiples à
l’extérieur comme à l’intérieur de l’entreprise. Cette activité suppose donc des qualités
(physiques, personnelles et techniques), mais également une appropriation par les vendeurs
d’une culture commerciale nécessaire à l’exercice des activités de vente. De façon générale, la
culture commerciale désigne l’ensemble des connaissances, des croyances et des valeurs
partagée par une communauté de personnes. En ce qui nous concerne, il s’agit essentiellement
des connaissances relatives à la pratique de la vente au sein des forces de vente. Dans la
littérature, Jackson, Tax, et Barnes (1994) appréhendent la culture des forces de vente comme
l’une des sous-cultures la plus importante de l’organisation. Ils décrivent cette culture comme
« le modèle intégré des valeurs, des idées, croyances et de la compréhension acquise par les
20
vendeurs comme membres de la force de vente ». Autrement dit, la culture renferme l’ensemble
des préoccupations, des attentes et mêmes des aspirations en partage au sein de la force de vente,
et oriente leur fonctionnement. Selon Grant et Bush (1996), la culture commerciale peut être
bonne ou mauvaise, en fonction du management qui est pratiqué dans l’organisation. D’après
Jackstone, Tax, et Barnes (1994), deux caractéristiques essentielles permettent de distinguer un
bon management de la culture commerciale : la force de la culture et la direction de celle-ci. Une
culture commerciale forte est destinée à fournir aux vendeurs des valeurs et des croyances
partagées, et une mission commune. La direction de la culture commerciale, quant à elle, doit
permettre une adéquation de la culture avec les valeurs et croyances des vendeurs. Autrement dit,
les croyances et les valeurs qui composent la culture développée doivent être conformes au
contexte dans le quel la force de vente évolue.
Dans ce contexte, il est important que les nouveaux vendeurs s’approprient les valeurs et les
normes qui forment leur cadre de travail, et cette culture ne peut s’acquérir que par le biais de la
socialisation. Ainsi, à travers la transmission de la culture commerciale, la socialisation
organisationnelle peut constituer un formidable outil de management des vendeurs indépendants.
En effet, bien qu’étant externes à l’entreprise, ces vendeurs sont les représentants d’une
entreprise et par conséquent ses « ambassadeurs » auprès de sa clientèle et de ses partenaires
économiques. Ils sont le plus souvent étrangers aux valeurs de l’entreprise qu’ils représentent, et
l’entreprise en s’appuyant sur la socialisation va transmettre ses valeurs qui seront par la suite
mises en évidence dans le cadre de leurs activités de vente.
2.3. Les limites des théories contractuelles
La tendance des entreprises à externaliser leur force de vente sans qu’il soit envisagé
parallèlement une évolution de la gestion des hommes qui composent cette organisation, pose le
problème de l’encadrement des vendeurs et de façon générale celui du management à mettre en
place face au nouvel agencement interne de l’entreprise (Desreumaux, 1996). Pour cet auteur, il
n’est guère pertinent de modifier les frontières de l’entreprise sans s’interroger sur les
répercussions de ce changement. Le développement des nouvelles formes d’organisation, et la
nécessité pour les entreprises d’avoir un contrôle permanent sur leurs vendeurs indépendants
impliquent une approche différente de la gestion des hommes. La littérature habituellement
mobilisées dans ce contexte est basée sur les théories économiques (TCT ou TA)3. Elles
privilégient la relation contractuelle comme modèle d’explication des relations entre l’entreprise
externalisatrice et le prestataire de vente (Anderson et Schmittlein, 1984).
3 Théorie de coût de transaction et Théorie d’agence
21
La recherche en management des forces de vente externalisées est assez récente. Elle est
dominée par les théories économiques néo institutionnelles basée essentiellement sur la relation
contractuelle. Ces théories appréhendent le contrat comme un dispositif de coordination entre
l’entreprise et ses partenaires, et définissent les mécanismes qui permettent de minimiser les
coûts générés par les contrats afin d’optimiser la structure de gestion. Deux théories sont
généralement mobilisées pour expliquer la relation entre l’entreprise externalisatrice et ses
prestataires de vente : la théorie des coûts de transaction et la théorie d’agence (Leroux, 2004).
La théorie des coûts de transaction développée par Williamson (1975, 1985), permet non
seulement d’orienter la décision d’externalisation, mais elle fournit également des solutions sur
la structure de gouvernance la plus à même de gérer une transaction, à savoir la hiérarchie ou le
marché. Pour Williamson (1975), la différence entre le marché et la hiérarchie se situe au niveau
du concept d’autorité qu’incarne cette dernière. Alors que Ghertman (1996) préfère parler de
« structure de gouvernance » en se basant sur la nature du contrat qui lie l’agent à l’entreprise.
Selon cet auteur, le type de contrat passé entre une entreprise et ses vendeurs constitue le moyen
le plus adapté pour mesurer les frontières de la firme, et préciser la position d’un agent par
rapport à l’entreprise qu’il représente. Ainsi, lorsqu’une entreprise décide de constituer une force
de vente, elle a le choix entre une force de vente propre (salarié) et une force de vente
externalisée (agent commerciaux et forces de vente supplétives). Les nombreuses validations
empiriques enregistrées dans ce champ de recherche prouvent que la théorie des coûts de
transaction offre « un cadre théorique intéressant pour analyser ce choix organisationnel »
(Gosse et Sprimont (1999). Cependant, comme le soulignent ces auteurs, ce pouvoir explicatif
est propre « aux attributs » du marché économique américain. Ce qui remet en cause son
caractère universel, et ne permet pas de généraliser son application dans des contextes qui
peuvent être culturellement différents (Hofstède, 1996). En effet, l’auteur oppose la notion de
« marché » privilégiée dans la conception américaine à celle de « pouvoir » dans les
organisations françaises. Il suggère que dans les pays où la culture dominante est la hiérarchie,
l’externalisation des forces de vente peut se heurter à des résistances d’ordre culturel et par
conséquent une gouvernance par le marché serait inappropriée.
La théorie d’agence introduite par Jensen et Meckling (1976) considère les relations entre un
actionnaire et le dirigeant comme une relation d’agence, c'est-à-dire une relation dans laquelle
l’actionnaire (le principal) délègue tout ou partie de son autorité au dirigeant (l’agent) afin que ce
dernier agisse pour ses intérêts. Cette approche, initialement considérée comme une relation
d’autorité va évoluer vers une relation de coopération, et « transformer la relation d’agence
traditionnelle en une double relation d’agence dans laquelle chaque acteur peut être considéré,
22
successivement et réciproquement, comme le principal ou l’agent ». Elle stipule surtout que des
individus qui ont des intérêts divergents peuvent coopérer et maximiser leur fonction d’utilité.
Ainsi, les actions susceptibles d’apporter des solutions ne sont plus uniquement dictées par le
principal, elles sont désormais élaborées conjointement par les deux parties afin de favoriser
« les conditions de réalisation et de pérennité de la coopération ». Cette théorie apporte un
éclairage particulier au management des forces de vente externalisées, aussi bien dans son aspect
normatif avec l’utilisation de mécanismes de contrôle basé sur le « monitoring » et les incitations
financières, que dans sa dimension positive plus axée sur l’établissement d’une relation de
coopération. Cependant, comme nous l’avons souligné pour la théorie des coûts de transaction,
la théorie d’agence connait des limites. Elles portent sur sa capacité à expliquer « les formes
organisationnelles réelles » et leur complexité, mais aussi sur son « refus de toute idée selon
laquelle la firme reposerait sur un principe hiérarchique qui représente la base de toute firme
capitaliste ».
De façon générale, les théories contractuelles connaissent des limites de nature conceptuelles,
la rationalité limitée des individus (Simon, 1961), et le caractère incomplet des contrats
entrainent des comportements opportunistes à l’origine de nombreux dysfonctionnement dans les
forces de vente externes. De plus, elles ne permettent pas d’endiguer les comportements déviants
du vendeur.
3. OBJET DE LA RECHERCHE ET FORMULATION DE LA PROBLEMATIQUE.
3.1. Délimitation de l’objet de la recherche
Cette recherche appréhende la socialisation organisationnelle comme un dispositif de contrôle
plus subtil, qui permet à l’entreprise d’orienter les comportements déviants de ses vendeurs
indépendants, dans le sens de ses intérêts. Afin de cerner cet objet, nous avons choisi de nous
intéresser à une période très sensible du processus de socialisation : l’intégration des vendeurs
indépendants. Dans la littérature, les problèmes d’intégration n’ont pas été posés spécifiquement
pour les personnels externes à l’entreprise, car dans le sens commun l’intégration est synonyme
d’un engagement par contrat de travail, considérant à contre coup, ceux qui ne le sont pas
comme des travailleurs non intégrés. Le processus d’intégration reste donc très confiné au rituel
traditionnel de l’accueil, des visites guidées, des programmes de formation et autres processus
réservés uniquement aux nouvelles recrues embauchées comme salariés. Ainsi, les entreprises
exploitant une forces de vente composée de salariés et d’indépendants développent des pratiques
de gestion différenciées consistant à accorder plus d’attention aux vendeurs salariés, et un peu
moins aux vendeurs indépendants. Il y a donc une réticence véritable de la part des responsables
23
commerciaux à intégrer convenablement leurs vendeurs indépendants. Les stéréotypes
socioculturels développés dans la gestion de l’employé type qu’est le salarié, influencent
grandement les comportements de gestion. La crainte fondamentale des entreprises est d’investir
sur des individus qui n’appartiennent pas juridiquement à l’entreprise. Ces pratiques de
management ont pour effet de ralentir l’intégration des nouveaux vendeurs, et par conséquent
d’alimenter le turnover. L’intégration des vendeurs indépendants devient donc une
préoccupation pour les organisations de vente, dans la mesure où elle conditionne l’adaptation
des nouveaux vendeurs et par conséquent leur comportement futurs. Selon Simard, « Les
recherches en la matière ont démontré le lien direct entre une intégration bien structurée, la
diminution du turnover… et la réduction du temps pour atteindre le niveau de productivité
requis4 ». Autrement dit, lorsqu’une intégration est bien conduite, elle permet au nouvel employé
de s’adapter rapidement à son travail, et diminue son intention de partir.
3.2. Formulation de la problématique et des questions de recherche
Le management des forces de vente est, en raison de l’éloignement des vendeurs des
structures d’encadrement de l’entreprise, essentiellement basé sur le contrôle des activités des
vendeurs (Darmon, 2012, 1993). Selon l’auteur, il a pour finalité de s’assurer que les vendeurs
accomplissent les activités nécessaires qui permettent d’atteindre les objectifs de l’entreprise.
Mais cette volonté de canaliser les activités des forces de vente peut s’avérer difficile à mettre en
œuvre, surtout lorsque les vendeurs sont des indépendants et qu’il n’existe pas un lien de
subordination avec l’entreprise. D’après Darmon (1993), les vendeurs ont des objectifs différents
de ceux de l’entreprise et « ils décident personnellement du niveau d’efforts qu’ils sont prêts à
fournir et de la façon dont ces efforts vont être alloués aux différentes tâches de vente ».
Autrement dit, ils développent des comportements spécifiques en vue de satisfaire d’abord leurs
propres intérêts, et le rôle du management est de comprendre ces comportements afin de les
influencer dans le sens des intérêts de l’entreprise. Parmi ces comportements, le turnover des
vendeurs indépendants en phase d’intégration apparait comme un dysfonctionnement majeur de
l’appareil commercial, dans la mesure où il engendre des coûts importants, et qu’il est
susceptible de compromettre à long terme la relation de l’entreprise avec ses clients. Aussi, en
l’absence de politiques managériales bien définies, les entreprises ont pris l’habitude de recruter
au-delà de leur besoin afin d’anticiper les départs massifs des vendeurs, de stabiliser leurs
effectifs, et d’assurer convenablement leur présence sur le marché. Ainsi au fil du temps, il s’est
installé dans ces organisations de vente une culture du turnover (Iverson et Deery, 1997) qui
dénote des limites du management tel qu’il est pratiqué.
4 Stéphane Simard.
24
Parallèlement, les recherches en comportement organisationnel ont montré que la
socialisation organisationnelle constituait un moyen d’agir sur les comportements et attitudes des
nouvelles recrues, et particulièrement sur le maintien de celles-ci (Allen, 2006). Ashforth et Sack
(1996) indiquent que lorsque la socialisation des nouvelles recrues était structurée, elle favorise
l’apparition des comportements et attitudes telles la satisfaction, la loyauté et l’intention de
rester. Dans le cas contraire, une socialisation moins structurée créait, chez les nouveaux
arrivants, du stress, l’intention de partir, et des tensions de rôle. Il apparait donc judicieux
d’exploiter le potentiel explicatif de ce concept, afin de cerner dans le fonctionnement des forces
de vente, les causes profondes de certains comportements et particulièrement le turnover des
vendeurs indépendants, très important au cours de cette période de transition.
Dans la littérature, la socialisation des forces de vente est souvent perçue comme un moyen de
contrôle social de l’organisation sur l’individu (Campoy et al, 2005). Selon ces auteurs, elle initie
des processus de contrôle informels5 qui permettent aux entreprises de trouver un équilibre dans
leur management, entre un contrôle trop large et un contrôle trop étroit qui peut s’avérer contre-
productif. La socialisation apparait donc comme un dispositif de régulation des ressources
humaines commerciales, au service du contrôle social de l’entreprise. Elle permet de mettre en
œuvre des actions qui visent à obtenir un changement de comportement du vendeur, mais qui
dispenserait l’organisation de s’adapter réciproquement. Comme le souligne Vernazobres (2013),
« le danger est de demander à l’individu de se sur-adapter aux conditions exigeantes, voire
stressantes de son travail ; alors que le stress au travail peut être envisagé comme un symptôme
de l’organisation et non de la personne ». Les travaux récents sur la socialisation
organisationnelle posent de plus en plus la question essentielle de l’adaptation réciproque entre
l’individu et l’organisation. La socialisation n’est pas seulement un mécanisme de reproduction
sociale, qui se limiterait à perpétuer des savoir-faire ou des comportements. Elle peut être
également un mécanisme interactif qui, de fait, produit du changement social. Autrement dit,
envisager la socialisation des forces de vente dans le sens d’un ajustement mutuel entre
l’organisation et ses nouveaux vendeurs serait plus conforme à la réalité.
Dès lors, la problématique de cette recherche concerne l’éclairage nécessaire que la
socialisation organisationnelle peut apporter au management des forces de vente externes. Plus
précisément, nous nous interrogeons sur la valeur ajoutée de la socialisation à l’efficacité du
management du vendeur indépendant, et à améliorer notre compréhension des attitudes et
comportements du vendeur qui entre nouvellement dans l’organisation.
5
25
De manière spécifique, nous voulons apporter des réponses à la question de recherche
suivante :
Le concept de socialisation organisationnelle peut-il offrir une clé de décryptage au
management des forces de vente ?
Quatre questions sous-tendent cette question de recherche et permettent de l’inscrire dans une
approche processuelle et relationnelle.
Comment les entreprises s’y prennent-elles pour intégrer leurs vendeurs indépendants ?
Comment les nouveaux vendeurs s’ajustent-ils à leur nouvel environnement de travail? Quelle
est le contenu de la socialisation au cours de cette période d’intégration ? Pourquoi le turnover
des vendeurs indépendant est-il aussi important dans cette phase d’intégration?
3.3. Les objectifs de la recherche
La finalité de cette recherche est d’éclairer le management des vendeurs indépendants en
s’appuyant sur le concept de socialisation organisationnelle. Comme nous l’avons précisé
précédemment, notre intérêt est porté sur l’entrée des nouveaux vendeurs dans l’organisation, et
le management qui est mis en œuvre par les entreprises afin d’expliquer le turnover des
nouveaux vendeurs au cours de cette période cruciale. Pour cela, nous avons développé un
modèle d’analyse qui s’inspire du modèle générale de la socialisation organisationnelle de
l’employé développé par Lacaze (2005). Ce cadre conceptuel a vocation à rendre compte de la
complexité des échanges qui se produisent entre un manager et ses vendeurs au moment où ces
derniers entrent dans l’organisation. Comme le souligne Garreau et Perrot (2012), « l’objet n’est
pas de considérer la socialisation comme le fait que l’individu se fonde dans un moule, mais de
comprendre les mécanismes à l’œuvre lors de l’interaction entre l’individu et l’organisation ».
Ainsi, la socialisation est abordée dans sa dimension interactionniste et de construction de
sens pour analyser les échanges réciproques entre les acteurs, et l’interprétation que ceux-ci font
de la réalité va les guider dans leurs actions. Deux théories sont également mobilisées pour
concevoir notre modèle d’analyse : la théorie de la régulation sociale (Raynaud, 1988) et la
théorie du contrat psychologique (Rousseau, 1989). La théorie de la régulation sociale offre une
approche sociologique de l’échange, et explique comment les acteurs parviennent à élaborer les
règles qui vont régir leur fonctionnement dans ce nouveau contexte de travail. Ces règles
résultent des conflits qui naissent entre les acteurs, et de la négociation qui s’installe pour
résoudre ces conflits. La théorie du contrat psychologique (Rousseau, 1989), analyse la
dimension psychologique de l’échange. Elle met en évidence, à travers la norme de réciprocité,
26
les attentes réciproques des acteurs, les obligations qui en découlent ainsi que les conséquences
éventuelles dues à la non-observation des engagements pris. Cependant, une bonne interprétation
de ces théories nécessite que l’on comprenne avant tout la position de l’agent commercial dans
l’organisation.
Le choix de ce terrain d’étude est d’ordre pratique, puisqu’il met en relief l’indépendance du
vendeur et sa position frontalière entre l’entreprise et sa clientèle. En effet, lorsque l’agent
commercial est employé exclusivement pour une marque ou pour une enseigne, le vendeur
assume nécessairement de nouveaux rôles qui vont dans le même temps modifier le contenu des
fonctions d’encadrement. Autrement dit, en l’absence d’un lien de subordination, les acteurs
doivent s’entendre sur la manière de coordonner leurs activités, au risque d’adopter des
comportements opportunistes. La socialisation aurait pour rôle d’inciter les acteurs à adopter des
comportements qui œuvrent dans le sens des intérêts de l’entreprise. Or, comme nous
l’indiquons dans notre étude préliminaire, la socialisation des vendeurs indépendants est
pratiquée de façon aléatoire. Les nouveaux vendeurs apprennent au gré des interactions qui sont
établies avec les personnes déjà en place. Cette observation est partagée par la littérature qui
souligne que les entreprises socialisent leur personnel sans en être toujours conscientes (Lacaze,
2005). Ainsi, une mauvaise interprétation du rôle du vendeur entraine nécessairement une
appréciation erronée du rôle des personnes qui occupent des positions contraires. Une
socialisation pratiquée dans ces conditions ne peut être efficace, car incomplète dans son
processus et dans son contenu.
4. PRESENTATION DE LA DEMARCHE DE RECHERCHE.
Pour apporter des réponses à notre question de recherches, nous avons adopté une démarche
de recherche qui s’inspire du modèle de Quivy et Van Campenhoudt (1995) présenté dans la
figure ci-dessous.
Cette démarche commence par une question à deux volets issue de notre réflexion sur la
capacité de l’entreprise à attirer et retenir des nouveaux vendeurs, et de façon générale à orienter
les comportements de ces derniers (Etape 1). En l’absence d’une littérature spécifique sur le
management des vendeurs indépendants, des entretiens exploratoires avec les acteurs de la force
de vente, et des lectures structurées sur le concept de socialisation organisationnelle, ont permis
de reformuler notre question de départ et de préciser nos questions de recherche (Etape 2). Notre
problématique de recherche s’intéresse à l’éclairage que la socialisation organisationnelle
apporte au management des ressources humaines commerciales, et de façon spécifique à la
gestion du turnover des vendeurs indépendant en phase d’intégration (Etape 3).
27
Figure 1.Modèle de Quivy et Van Campenhoudt (1995)
Etape 1 : La question de départ
Etape 2 : L’exploration
Etape 3 : La problématique
Etape 4 : Construction d’un modèle d’analyse
Etape 5 : L’observation
Etape 6 : L’analyse des informations
Les lectures Les entretiens exploratoires
Etape 7 : Les conclusions
Le modèle d’analyse développé dans cette réflexion appréhende la socialisation du vendeur
indépendant comme un processus de construction de la relation managériale, entre le manager
commercial et ses vendeurs indépendants (Etape 4). Le modèle, ainsi que les propositions
théoriques qui le sous-tendent seront testés à partir d’une étude qualitative, sur la base des
représentations des trois principales catégories d’acteurs impliqués dans le processus de
socialisation (Etape 5). L’analyse des données (Etape 6) sera réalisée sur les cartes cognitives
représentant les schèmes des acteurs. Cette analyse permettra de dégager, en termes de
conclusion, un certain nombre de réponses relatives à notre problématique de recherche.
5. LES CHOIX METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE.
L’étude d’une population spécifique (l’agent commercial), dans une approche élargie de la
socialisation organisationnelle confère à notre recherche un caractère exploratoire. Bien qu’il
existe de nombreux travaux sur la socialisation organisationnelle, très peu ont été consacrés au
management des forces de vente, et encore moins au management des vendeurs indépendants.
28
Notre travail de recherche a pour ambition de comprendre les mécanismes sociaux,
psychologiques et organisationnels en vigueur au moment ou les nouveaux vendeurs entrent dans
l’entreprise, et de caractériser les comportements des acteurs. Notre objectif empirique est donc
d’élaborer une connaissance qui soit la plus proche des réalités des acteurs participant au
processus de socialisation. Pour cela, nous avons choisi d’étudier les représentations mentales
des nouveaux vendeurs, et de deux agents socialisateurs à partir de la cartographie cognitive
(responsables commerciaux, et vendeurs séniors).
Cette démarche s’appuie sur une approche épistémologique constructiviste, qui a permis
d’orienter nos choix méthodologiques. Ainsi, pour la construction des cartes cognitives, nous
avons adopté les méthodes à postériori. Le choix des outils de collecte de données, tels que les
entretiens semi structurés, et les traitements ultérieurs des données découlent de ce
positionnement. L’objectif poursuivi est de construire des cartes cognitives collectives
représentant les croyances des principaux acteurs concernés sur la socialisation des vendeurs
indépendants. Ces cartes cognitives sont le résultat d’un processus d’attribution de sens réalisé
par chaque catégorie d’acteur pendant l’entrée des nouveaux vendeurs dans l’organisation. Elles
permettent de visualiser les différents liens possibles entre les variables de la socialisation du
vendeur indépendant et celles du turnover. Pour cela, nous avons adopté une démarche
qualitative qui permet d’approfondir le vécu des principaux acteurs sur la socialisation du
vendeur indépendant.
6. LES APPORTS ATTENDUS DE LA RECHERCHE.
Le management des vendeurs indépendants est un domaine de recherche encore peu exploité
par les chercheurs. Les dysfonctionnements observés dans les relations managers-vendeurs
indépendants dénotent plutôt d'une inconsistance des connaissances disponibles et laisse croire
qu’il existe une " une seule bonne façon de gérer des vendeurs ". Or la diversité des statuts de
vendeur donne aux entreprises la possibilité de choisir l’organisation commerciale qui leur
convient le mieux. Elle rappelle surtout que le métier de vendeur peut être pratiqué
différemment. Ces considérations induisent des approches de management nécessairement
différentes, et dans ce contexte la socialisation organisationnelle offre de nouvelles perspectives.
6.1. Contributions théoriques
La première contribution de cette recherche est celle d’enrichir le corps théorique du
management des forces de vente et particulièrement des vendeurs indépendants. La littérature
dans ce domaine est rare et l’introduction de nouveaux concepts ne peut que nourrir la réflexion.
29
Ensuite, l’introduction de la socialisation organisationnelle permet de jeter un éclairage nouveau
sur le management des forces de vente, qui favoriserait l’étude de pratiques de gestion
consensuelles indispensables en l’absence d’un lien hiérarchique. La socialisation est envisagée
comme un modèle d’influence qui permet d’orienter les comportements des vendeurs en général,
en redéfinissant par la même occasion la supervision et le contrôle des hommes dans l’atteinte
des objectifs de l’entreprise. Une telle orientation de la recherche ouvre un large champ de
connaissances, qui pourrait s’appliquer à tous les collaborateurs de l’entreprise dont la relation
est marquée par une distance à la fois organisationnelle et juridique. Enfin, nous présentons la
gestion de la socialisation des vendeurs indépendants comme un levier indispensable à la réussite
de la stratégie d’externalisation. A l’instar des autres domaines de gestion dans lesquels elle est
appliquée (gestion des ressources humaines, marketing ou entrepreneuriat), la socialisation
organisationnelle doit contribuer à l’efficacité de cette nouvelle forme d’organisation.
6.2. Contribution managériale
La contribution de cette étude au management des forces de vente se situe à deux niveaux : la
coordination et le contrôle des activités du vendeur. La coordination du travail des vendeurs
indépendant est une activité sensible pour les managers, dans la mesure où ils sont tentés d’agir
au moyen des instruments traditionnels que sont les réunions, et les directives qui risquent
d’établir un lien de subordination. Or, dans la mesure où le vendeur est quasi-indépendant par
son activité (Darmon, 1993), son indépendance juridique l’éloigne davantage de l’emprise de
l’entreprise. Il est important à ce niveau, que le manager s’appuie sur les relations sociales, les
normes et les valeurs culturelles d’une organisation pour orienter durablement les
comportements des vendeurs dans le sens des intérêts de l’entreprise. Le contrôle est l’essence
même de la fonction commerciale, dans ce sens que l’essentiel du travail des managers consiste
à s’assurer que les vendeurs réalisent les activités qui permettent d’atteindre les objectifs de
l’entreprise. Cependant, pour y parvenir les managers peuvent utiliser un contrôle basé sur les
relations sociales et le management des ressources humaines (recrutement, sélection et
socialisation des vendeurs). C’est un contrôle à priori qui permet de s’assurer que les vendeurs
engagés disposent de qualités requises pour accomplir les taches qui leurs sont confiées.
6.3. Contribution méthodologique
La volonté d’étudier en profondeur la socialisation des vendeurs indépendants, nous conduit à
utiliser les représentations mentales des acteurs, et les cartes cognitives comme un moyen
privilégié pour accéder à la connaissance. La cartographie cognitive a pour objectif d’établir et
d’analyser les cartes cognitives, c'est-à-dire la représentation d’une personne ou d’un groupe de
30
personnes concernant un problème particulier (Axelrod, 1976). Dans notre recherche, il s’agit
d’établir des cartes cognitives collectives des différents acteurs (vendeurs et agents
socialisateurs) participant activement à la socialisation des vendeurs indépendants. Cette
méthode parait, de notre point de vue, appropriée à notre recherche, car elle a le mérite de révéler
les pratiques inconscientes mises en œuvre par les acteurs dans le processus de socialisation. Elle
doit permettre aussi de ressortir les causes profondes du turnover des vendeurs indépendants en
phase d’intégration, offrant ainsi des possibilités de le réduire efficacement. Par ailleurs, la
collecte des données auprès d’acteurs différents impliqués à la socialisation du vendeur, permet
de garantir, à travers une triangulation des sources d’information, la viabilité indispensable qui
permet d’accorder aux connaissances produites un caractère scientifique.
7. PRESENTATION DE LA THESE
Notre ambition fondamentale est d’expliquer le management des forces de vente à partir du
concept de socialisation organisationnelle. Pour cela, nous proposons, dans un premier chapitre
de faire un état des lieux du management des forces de vente, aussi bien sur ses aspects
théoriques que sur les travaux empiriques réalisés dans ce domaine de recherche. Nous tenterons
de monter l’insuffisance des recherches dans le cadre spécifique des forces de vente externes, et
la nécessité de doter les managers de vente d’outils appropriés pour la gestion des vendeurs
indépendants.
Nous proposons dans le chapitre 2 une analyse profonde du concept de socialisation
organisationnelle, en présentant ses fondements conceptuels, depuis ses origines dans les
sciences sociales jusqu'à ses applications dans les sciences de gestion. Nous présentons dans une
première section les trois niveaux d’analyse : la socialisation a d’abord été le fait de
l’organisation qui inculque aux nouvelles recrues les connaissances et les comportements qu’elle
souhaite voir ces derniers adoptés (Schein, 1968 ; Van Maanen, 1978). Puis, il s’est avéré que les
nouvelles recrues prenaient une part active à leur propre socialisation (Van Maanen et Schein,
1979 ; Louis, 1980 ; Lacaze), cette approche individuelle a favorisé l’émergence d’un courant
interactionniste (Reichers, 1987 ; Ashforth et Saks, 1997). Nous présentons aussi dans cette
section, les deux principales approches de la socialisation organisationnelle. L’approche par les
processus dont elle a hérité des sciences sociales et qui décrit la socialisation des employés
comme une succession (Feldman, 1976 ; Van Maanen, 1977). L’approche par le contenu définit
les différents domaines de socialisation, c'est-à-dire ce qui est appris et ce qui est transformé au
cours du processus de socialisation » (Fischer, 1986). Enfin, nous évoquons les développements
de la socialisation organisationnelle dans les sciences de gestion, notamment dans le domaine
31
des ressources (Campoy et al, 2005) ; dans le domaine du marketing (Goudarzi, 2006 ; Machat,
2010) et la socialisation entrepreneuriale (Starr et Fonda, 2002).
Afin de croiser deux champs de recherche traitant du management des ressources humaines,
le management des forces de vente et la socialisation organisationnelle, nous proposons dans la
deuxième section une autre lecture du management des forces de vente à partir du concept de
socialisation organisationnelle. Notre démarche consiste à considérer la socialisation
organisationnelle comme un dispositif de contrôle social qui peut se substituer ou compléter le
contrôle telle qu’il est pratiqué présentement dans la gestion des vendeurs indépendants.
Dans le chapitre 3 est développé un modèle conceptuel de la socialisation des vendeurs
indépendants. Nous proposons un modèle d’analyse qui permet d’avoir une meilleure
compréhension des échanges entre le manager et son vendeur lors de la phase d’intégration, et
analysons les effets probables de cette relation sur le comportement des vendeurs indépendants.
La revue de la littérature et l’étude préliminaire sur le terrain nous ont permis de retenir comme
cadre d’analyse la socialisation organisationnelle, auquel nous avons associé les théories de la
régulation sociale (Raynaud, 1988) et du contrat psychologique (Rousseau, 1989). Nous
appréhendons la socialisation organisationnelle dans son approche interactionniste et de
construction de sens. Cette approche envisage la socialisation comme un processus d’influence et
de changement mutuel. Nous tentons de montrer que la socialisation agit comme un dispositif de
régulation ou plutôt un phénomène de « l’organizing ».
La méthodologie appliquée à la recherche est présentée au chapitre 4. Elle consacre nos choix
sur les populations à interroger, le mode de collecte d’informations, et la méthode d’analyse de
données. Fondamentalement, nous avons choisi la cartographie cognitive pour comprendre les
logiques de gestion développées par les acteurs à propos de la socialisation des vendeurs
indépendants, et les départs des nouveaux vendeurs au cours de la période d’intégration.
L’échantillon retenu est composé des nouveaux vendeurs, des vendeurs séniors et des
responsables commerciaux. Elle permet d’accéder aux représentations des principaux acteurs de
la socialisation du vendeur indépendant. Elle permet aussi de valider la connaissance produite,
par la triangulation des sources d’information. Nous avons choisi de collecter les données par des
entretiens semi-structurés, privilégiant ainsi les méthodes à postériori (vs à priori), c'est-à-dire
déterminer les concepts et les liens en s’appuyant sur le cadre référentiel du sujet. Cette méthode
a influencé le protocole de codage retenu, ainsi que l’analyse des données.
Le choix de cette démarche méthodologique sous-entend un positionnement épistémologique
clair en amont. En effet, la présentation faite ci-dessus positionne cette recherche dans une
32
logique constructiviste. Autrement dit, nous proposons une approche subjectiviste d’élaboration
de la connaissance, basée sur le vécu des acteurs et l’expérience que nous avons
personnellement des situations de gestion étudiées. Ce positionnement est conforté par les
mécanismes propres à la construction des cartes cognitives. En effet, Parades (2009) souligne
qu’en représentant le discours du sujet, le chercheur est engagé dans une construction de sens,
car il en donne une lecture personnelle.
Le chapitre 5 est consacré à l’analyse des résultats. Celle-ci est présentée sous deux aspects.
Une analyse de la structure des cartes cognitives qui consiste à caractériser les cartes étudiées, de
façon à mettre en évidence la manière dont les acteurs organisent leur pensée concernant la
socialisation des nouveaux vendeurs. Une analyse locale du contenu des cartes qui permet de
ressortir les modalités d’actions des différentes catégories d’acteurs, en expliquant le sens des
liens entre les concepts relativement au problème posé.
Ces résultats sont discutés, d’une part, pour établir une cohérence avec les théories et les
méthodologies utilisées dans la recherche. D’autre part, pour valoriser notre recherche, en
évoquant les apports aux plans théorique, méthodologique et managérial. Cette discussion fait
l’objet du chapitre 6.
33
Première partie
Cadre théorique et conceptuel de la recherche
Dans l’optique d’élucider le management des nouveaux vendeurs au cours du processus
d’entrée des vendeurs indépendants dans l’organisation et d’expliquer le comportement de ces
derniers au cours de cette phase cruciale nous avons mobilisé le concept de socialisation
organisationnelle, nous cherchons à définir le cadre conceptuel le plus adapté à notre recherche.
Nous réalisons dans le premier chapitre un état des lieux du management des forces de vente,
en le présentant comme un domaine d’étude transversal axé sur une gestion complexe des
ressources humaines en vue d’atteindre des objectifs marketing de l’entreprise. L’objectif visé
dans cette revue de la littérature est de mettre en évidence les insuffisances des approches
théoriques, essentiellement économiques, utilisées dans ce champ de recherche, et la nécessité
d’avoir un nouveau regard qui repose sur les relations sociales. Ensuite, nous proposons un
examen des travaux réalisés aussi bien sur le management des forces de vente en général que sur
le management des forces de vente externes. Enfin, en l’absence d’une littérature appropriée sur
les vendeurs indépendants, nous procédons à une analyse critique des travaux réalisés sur le
management des forces de vente externes et particulièrement des forces de vente externalisées.
Dans un deuxième chapitre, nous présentons le cadre théorique et conceptuel de la
socialisation organisationnelle. Notre objectif est de présenter le concept de socialisation sous
ses dimensions (1) organisationnelles puis (2) individuelles et interactionnistes, ainsi que (3) les
développements du concept dans d’autres domaines de recherche des sciences de gestion.
Ensuite, nous envisageons une nouvelle lecture du management des forces de vente à partir du
concept de socialisation organisationnelle. Nous nous attelons à rapprocher les champs de
recherche du management des forces de vente et de la socialisation organisationnelle. Ceci nous
conduit dans un premier temps à identifier la notion de contrôle comme une base commune aux
deux champs de recherche. Nous proposons de considérer la socialisation des forces de vente
comme un dispositif de régulation des ressources humaines au service du contrôle social de
l’entreprise.
34
Dans un troisième chapitre, nous présentons le cadre théorique et conceptuel de la recherche.
La socialisation a lieu tout le long de la carrière d’un individu, mais dans cette recherche nous
nous intéressons à la phase d’intégration des vendeurs indépendants et présentons ses
spécificités. Ensuite, nous déclinons notre modèle d’analyse en appréhendant la socialisation
dans ses aspects interactionnistes et de construction de sens. Cette approche de la socialisation
est précisée par les théories de la régulation sociale et du contrat psychologique. Elle conduit à
considérer la socialisation du vendeur indépendant comme un processus de construction de la
relation managériale.
35
CHAPITRE 1. ETAT DE L’ART SUR LE MANAGEMENT DES FORCES DE
VENTE
Le management des forces de vente (désormais FDV) est, en raison de son caractère
transversal entre le marketing et les ressources humaines, un domaine d’études très prisé des
chercheurs. Il s’intéresse particulièrement au vendeur et à son activité dans l’entreprise. Etant
donné la place centrale que le vendeur occupe dans la dynamique commerciale de l’entreprise, le
désir de le connaitre davantage reste une préoccupation des chercheurs dans la mesure où, à
travers sa performance, le vendeur contribue à la performance l’entreprise. Cet intérêt pour le
vendeur est renforcé par la position frontière qu’il occupe entre l’entreprise et sa clientèle, et qui
fait de lui non seulement le principal artisan des succès et des échecs commerciaux (Valrax,
Rives, 2003), mais aussi la principale, si non la seule source de revenu de l’entreprise pour
laquelle il sert d’intermédiaire (Walker, Churchill et Ford, 1979). Mais les recherches réalisées
jusqu’alors sur le vendeur et son management se sont particulièrement intéressées au vendeur
salarié au détriment des vendeurs indépendants qui, pourtant, constituent aujourd’hui l’essentiel
des forces de vente de nombreuses entreprises. Le recours aux vendeurs indépendants pose donc
le problème de leur gestion, du fait que ces vendeurs ne sont pas juridiquement salariés des
entreprises à qui ils apportent leur force de travail. En l’absence d’un lien de subordination, les
responsables commerciaux sont confrontés à deux préoccupations majeures : la difficulté à
orienter les comportements des vendeurs lorsque ceux-ci s’éloignent du positionnement
commercial choisi par l’entreprise ; et la capacité des entreprises à retenir leurs vendeurs, de
façon durable au sein des équipes sont les principaux défis auxquels doit répondre le
management des forces de vente.
Dans une première section, nous analysons les grandes orientations théoriques du
management des forces de vente. Nous montrons d’abord, à travers les philosophies de gestion
qui sont développées dans la littérature, les difficultés à concilier les exigences de contrôle de
l’entreprise avec l’autonomie souhaitée par les vendeurs. Ces difficultés sont encore plus
importantes lorsque l’autonomie est garantie par la loi, dans la mesure où les acteurs sont tentés
de la substituer par leurs propres perceptions des règles de gestion, créant ainsi des
dysfonctionnements dans la conduite des forces de vente.
Dans la seconde section, nous proposons une analyse critique du management des forces de
vente, et notamment des vendeurs externes à l’entreprise. En nous appuyant sur une littérature
basée sur l’externalisation des forces de vente, nous montrons les limites des théories
contractuelles à répondre au besoin de management des forces de vente externes.
36
SECTION1 : LE CHAMP DE RECHERCHE DU MANAGMENT DES FORCES DE
VENTE
Dans la littérature, le management des forces de vente appartiendrait à un domaine de
recherche aux contours épistémologiques encore mal définis, et qui regrouperait toutes les
activités liées à la vente (Barth, 2001, 2008). Le management des forces de vente apparait, à
l’instar des autres champs de recherche de la vente, comme une discipline très dépendante qui
emprunte aussi bien dans les sciences de gestion que dans les sciences sociales en général.
Dans cette section, nous présentons dans un premier temps les fondements théoriques du
management des forces de vente, à travers les apports du marketing et de la gestion des
ressources humaines. Nous déclinons l’approche de management privilégiée dans ce champ de
recherche qui nous sert de fil conducteur dans notre revue de la littérature (1). Ensuite, nous
présentons une approche assez récente du management des forces de vente basée sur
l’externalisation des vendeurs. Nous procédons à une analyse critique du modèle de
management, fondé essentiellement sur les théories micro-économiques, et nous mettons en
évidence leurs limites dans le management des vendeurs indépendants (2).
1. Les fondements théoriques et conceptuels du management des forces de vente
Par isomorphisme structurel, le management des forces de vente est, à l’instar des autres
disciplines des sciences de gestion, « constitué sur une problématique de modélisation » de la
performance. Il repose sur le fait que les actions mises en œuvre par l’entreprise vont produire
les résultats escomptés. Le rôle de l’entreprise se résumant à contrôler et à coordonner ses
actions. Nous présentons succinctement cette modélisation du management des forces de vente
à travers ses domaines d’études (1.1), puis les courants théoriques en vigueur dans ce champ de
recherche (1.2), les modèle conceptuels (1.3), enfin la diversité des forces de vente (1.4).
1.1. Le management des forces de vente : un domaine d’étude transversal
La recherche en management des forces de vente peut prendre deux orientations, en fonction
du statut qui est accordé aux ressources humaines. La première, axée sur le marketing, se
préoccupe des relations que l’entreprise désire développer et entretenir avec sa clientèle. La
seconde orientation s’intéresse au comportement du vendeur dans l’organisation. Ces approches
permettent de dégager deux conceptions fondamentales du management des forces de vente. La
première conception s’inscrit dans une logique marketing (1.1.1), alors que la seconde s’inscrit
dans une approche de gestion des ressources humaines (1.1.2).
37
1.1.1. L’orientation marketing du management des forces de vente
Le management des forces de vente a été diversement défini dans la littérature. Certains
auteurs comme Spiro, Stanton, et Rich (2003) le définissent comme le management du personnel
de vente, considéré comme une composante du programme de marketing d’une organisation.
Cette définition tient compte de la relation étroite qui existe entre le marketing et la vente, ce qui
a permis à certains auteurs de considérer la force de vente comme une partie intégrale du
marketing, celle qui permet de réaliser le plan marketing en générant des revenus de la vente
(Rosenbloom et Anderson, 1984). De ce point de vue, Le management des ventes est appréhendé
comme une stratégie qui va aider l’organisation à accomplir ses objectifs marketings. Plusieurs
auteurs, essentiellement Américains s’accordent à reconnaitre que les activités de la force de
vente sont nécessairement coordonnées avec la stratégie marketing de l’entreprise (Churchill,
Ford, et Walker, 1990 ; Newton, 1990 ; Stanton, Buskirk, et Spiro, 1995). La littérature
développée sur le sujet s’est intéressée à la nature des relations entre la stratégie marketing et son
application fonctionnelle, et notamment sur la façon dont les responsables commerciaux
traduisent la stratégie marketing en comportements opérationnels (Newton, 1990)6. Selon cet
auteur, les études empiriques réalisées sur le degré d’alignement des objectifs et des activités de
vente sur la stratégie marketing dans les entreprises industrielles montrent qu’il existe souvent
des désaccords entre les responsables marketing et les managers de vente sur l’application
effective de la stratégie marketing (Strahle, Spiro, et Acito, 1996). Pour ces auteurs, il est
important que la stratégie marketing d’une entreprise et les activités de vente soient congruentes,
car une absence de cohésion peut engendrer trois conséquences négatives : (1) la perte de la
position concurrentielle sur le marché, (2) les ressources (capital et humain) sont simplement
gaspillées, (3) les vendeurs qui sont tenus d’exécuter ces directives contradictoires risquent
d’expérimenter l’ambiguïté et la frustration dans leur travail. Dans le même ordre d’idées, Cross
et al (2001) soulignent le rôle très important de la force de vente dans la formulation et
l’exécution de la stratégie marketing. Ils montrent que l’utilisation de certaines activités de la
force de vente, telles que la remontée de l’information vers la hiérarchie, le recrutement et la
formation des vendeurs, et l’obtention de nouveaux segments de marché sont positivement liés à
quatre types de stratégies marketing : la pénétration de marché, le développement des produits, le
développement de marché, et la diversification.
Enfin, Johnson et Marshall (2003), conçoivent le management des ventes comme un ensemble
d’activités et de décisions qu’il faut mettre en œuvre efficacement afin de réaliser le programme
marketing de l’entreprise. Cette mise en œuvre s’apparente à un processus qui peut être articulé 6 Cité dans Strahle, Spiro et Acito (1996)
38
en trois étapes. La première étapes concerne la formulation du plan de vente, et consiste à
prendre des décisions concernant l’effort que doivent déployer les vendeurs pour adapter la
stratégie marketing aux exigences de l’environnement. Il s’agit principalement de préciser la
façon dont l’entreprise compte atteindre ses clients potentiels, l’organisation commerciale qu’il
convient de mettre en place pour établir et gérer la relation avec le client, et évaluer la
performance attendue et les moyens pour l’atteindre.
La deuxième étape se réfère à l’application du plan de vente, et implique de motiver,
d’orienter le comportement des vendeurs par la mise en œuvre des politiques et des procédures
qui vont influencer leurs aptitudes (critères de sélection et techniques de recrutement) et leurs
compétences (programmes de formation adaptés) ; il convient aussi de déterminer la supervision
qui permet de soutenir les vendeurs et leur permettre de surmonter les difficultés, sans altérer
leur liberté d’initiative ; il s’agit enfin de décider du système de rémunération et de récompense
qui permet aux vendeurs d’atteindre un niveau élevé de motivation.
La troisième étape concerne l’évaluation et le contrôle du plan de vente. Autrement dit, elle
comprend les moyens qui permettent d’apprécier les efforts des vendeurs, non seulement pour
les encourager, mais aussi pour apprécier l’application du plan de vente par rapport à la stratégie
marketing. Cette logique d’action est conforme au concept de marketing-mix défini par Mc
McCarthy (1960) comme l’ensemble des variables d’action sur lesquelles une entreprise peut
s’appuyer pour agir et se positionner sur son marché. La force de vente est donc considérée
comme une variable d’action qui permet, à l’instar des autres variables (le produit, le prix, la
distribution …), de communiquer sur le produit et de le promouvoir, de réaliser la vente du
produit et de fidéliser la clientèle. Cependant, pour que l’action de la force de vente contribue
aux objectifs définis par l’entreprise, il est nécessaire que le management influence les
comportements des vendeurs dans le sens des intérêts de l’entreprise. Cette influence est fonction
de l’emprise et du contrôle que l’entreprise exerce sur ses vendeurs.
1.1.2. La dimension ressources humaines du management des forces de vente
D’autres auteurs appréhendent le management des forces de vente dans une perspective
ressources humaines. Darmon (1993), présente la force de vente comme une organisation
humaine complexe dans laquelle sont inter reliés des hommes, des structures et des procédures
formant ainsi un système de gestion. L’auteur positionne l’homme au centre de ce système et
souligne par conséquent, l’intérêt de s’intéresser d’abord au vendeur, à ses attentes et aux
conditions dans lesquelles il exerce son activité, dans la mesure où il est le principal acteur de
39
l’activité de vente. Dans le même esprit, Rive (2001) appréhende le management des forces de
vente comme une gestion spécifique des ressources humaines commerciale. Selon l’auteur, cette
gestion est partagée, entre la hiérarchie immédiate qui endosse l’essentiel des responsabilités, et
les services fonctionnels des ressources humaines qui tiennent un rôle de conseil interne.
Du point de vue de la gestion des ressources humaines (désormais GRH), le management des
forces de vente a bénéficié de l’intérêt grandissant qui est porté aux ressources humaines dans la
gestion des organisations. La GRH est désormais reconnue comme une partie intégrante des
grandes fonctions de l’entreprise au même titre que le marketing ou la stratégie, et la gestion des
individus ne se limite plus à la simple administration du personnel. Cette approche est marquée
par une évolution des outils conceptuels et des pratiques qui donnent aux ressources humaines
une place prépondérante dans la conception et la mise en œuvre de la performance
organisationnelle. En s’inspirant des grandes problématiques relatives au comportement et
attitudes organisationnels, tels que la performance, la satisfaction au travail, l’implication dans le
travail et dans l’organisation, l’intention de quitter ou de rester, la GRH questionne de façon
particulière le management des forces de vente. Les vendeurs sont présentés comme une
population atypique de l’entreprise, car leurs activités sont déployées essentiellement à
l’extérieur de l’entreprise, ce qui nécessite un suivi différents du reste du personnel de
l’entreprise (Dubinsky et al 1986). Ainsi, un intérêt particulier est accordé au comportement du
vendeur, afin d’identifier ses déterminants individuels et organisationnels (Churchill et al,
1985). L’un des déterminants les plus explorés dans la littérature est probablement celui des
tensions de rôle, et particulièrement les conflits et ambiguïtés de rôle conceptualisé par Khan et
al (1964) dans leur modèle épisodique de rôle. Ces tensions de rôle prennent leur source dans la
position frontalière du vendeur et son rôle d’interface, entre l’entreprise et sa clientèle. On note
également dans ce champ de recherche les études sur le climat éthique des forces de vente et
leurs implications sur la performance du vendeur, la satisfaction au travail, l’engagement
organisationnel, l’intention de quitter (Fournier et al, 2010 ; Babin, Boles et Robin, 2000 ;
Dubinsky et Levy, 1985 ; Dubinsky et al, 1985 ; Lavorata, 2008). Enfin, il faut souligner l’intérêt
des travaux qui s’intéressent à l’influence des risques psychosociaux sur la performance du
vendeur et la satisfaction au travail.
Dans cette approche, une importance particulière est accordée aux aspects humains du
management des forces de vente. Les vendeurs sont des êtres humains qui ont des objectifs et des
valeurs propres, différents de ceux de l’entreprise. Ils éprouvent aussi des besoins et des
émotions aussi bien dans leur vie privée que dans leur travail. On s’intéresse davantage aux
40
conditions de travail, au climat interne, au comportement éthique du vendeur, ou encore aux
risques psychosociaux liés au travail du vendeur tels que le stress, ou l’épuisement professionnel.
1.2. Les courants théoriques du management des force de vente
A l’origine, le management des forces de vente est à l’image du management en général,
caractérisé par un ensemble de pratiques, d’expériences et d’intuitions personnelles que les
managers s’emploient à mettre en œuvre pour gérer leur organisation de vente. Bien que ces
pratiques soient essentielles à la littérature des forces de vente, il faut attendre le début des
années 1970 pour que les premières théories et études empiriques soient formalisées dans ce
domaine de recherche (Johnston et Marshall (2003). Il s’en suivra un développement important
de la recherche qui dotera la discipline d’une littérature relativement dense et « sophistiquée »
principalement dans trois directions ou courant de recherche (Darmon, 1993, p.331) : le
comportement du vendeur, les décisions spécifiques prises par les managers, et les pratiques de
management des managers des forces de vente. Selon cet auteur, ces courants n’ont pas retenu la
même attention de la part des chercheurs.
Le premier courant concerne le comportement du vendeur, et tente d’expliquer la performance
du vendeur à partir de divers aspects de son comportement. Il est de loin le plus important, dans
la mesure où la préoccupation des chercheurs étaient d’identifier les caractéristiques du vendeur
qui prédisent le mieux la performance, afin d’élaborer les profils de vendeurs idéaux. Ce courant
est marqué par les travaux de Weitz (1979) qui privilégie une approche contingente de la
performance pour expliquer la performance des forces de vente. En effet, l’auteur met en
évidence trois approches fréquemment utilisées dans l’étude de la performance des forces de
vente : (1) la première approche tente d’établir un lien entre les caractéristiques du vendeur et sa
performance ; (2) la deuxième approche s’intéresse au comportement du vendeur durant les
interactions avec les clients, et tente de montrer l’intérêt des variables situationnelles dans la
détermination de la performance du vendeur ; (3) la troisième approche considère conjointement
les caractéristiques des vendeurs et des consommateurs pour apporter une explication plus
précise de la performance des forces de vente. Toutes ces approches ont tenté de mettre en
évidence les facteurs qui pouvaient expliquer la performance des vendeurs, mais très peu sont
parvenus à des résultats conséquents.
Le deuxième courant concerne les décisions spécifiques prises par les managers, et affectant
la force de vente. Selon Darmon (1993), les managers des forces de vente sont appelés à prendre
des décisions importantes permettant d’améliorer la mesure de certains indicateurs de
41
performance. Il s’agit de recherches portant sur les méthodes d’optimisation des décisions, telles
que la taille optimale de la force de vente, la répartition des territoires de vente, les plans
optimaux de rémunération ou le système d’allocation du temps ou des efforts des vendeurs. Les
recherches réalisées dans ce courant font appel aux modèles mathématiques, et tentent
d’identifier les réactions des clients aux actions de la force de vente, plus communément
appelées les fonctions de « réponses-vente ». Selon l’auteur, « le concept de réponse-vente aux
activités d’un vendeur spécifie les ventes résultant de différents niveaux d’activité accomplies
par le vendeur au cours d’une certaine période de temps ». Il existe plusieurs niveaux
d’agrégation des fonctions réponse-vente. Au premier niveau, la fonction réponse-vente client
concerne les réactions potentielles des clients aux activités du vendeur. Dans le cadre d’un
territoire, ces fonctions peuvent être regroupées par type de clients déclinés selon la les tailles
des clients, l’utilisation des produits ou la situation géographique. Elles forment dans ce cas, les
fonctions réponses-vente territoires. Enfin, la fonction réponse-force de vente regroupe
l’ensemble des fonctions de réponse-territoires de toute la force de vente.
Dans une recension des modèles mathématiques de gestion de force de vente, Aït-Ouyahia
(2001) classe les décisions de l’effort de vente en trois grandes catégories : organisation
(structure, dimensionnement et déploiement), allocation et pilotage. Les décisions
d’organisation, L’optimisation de la structure est importante car une force de vente sera plus ou
moins efficace selon qu’elle est organisée par produit, par marché ou par zone géographique7. Le
calcul de la taille optimale de la force de vente est également important pour l’entreprise dans la
mesure où les vendeurs suscitent par leurs activités des coûts, et que ces coûts ont un impact sur
« la réalisation des objectifs de croissance et de profitabilité »8. Le découpage du territoire en
secteurs de vente a aussi un « effet évident sur la couverture du marché par l’entreprise, sur le
moral de l’organisation » et particulièrement sur le moral des vendeurs qui la compose9. Les
décisions d’allocation s’intéressent à la meilleure façon de répartir les ressources (mesurées en
heures, personnes, ou unités monétaires) entre « des entités telles que les produits, les marchés
et les clients », en tenant compte des objectifs stratégiques de l’entreprise. Les décisions relatives
au pilotage des forces de vente concernent le développement des plans de rémunération
optimaux, la motivation et l’évaluation des vendeurs. Selon l’auteur, ces décisions sont difficiles
à modéliser à cause de « l’interdépendance » qui existe nécessairement entre les catégories de
décision, et « l’importance de la composante humaine ».
7 Shapiro, 1979. 8 Lordish, 1976, 1980. 9 Zoltners et Sinha, 1983
42
Par ailleurs, Aït-Ouyahia (2001) indique que les modèle d’aide à la décision de gestion de
force de vente ont des traits en commun un certain nombre de caractéristiques que l’auteur à
condensé dans sa propre sélection des modèles d’aide à la décision de force de vente (Cf. tableau
ci-dessous).
Tableau 1. Une sélection de modèles d’aide à la décision de l force de vente (Aït-Ouyahia, 2001)
Type de décision force de vente
« Modèle »/auteurs Variables clés Fonction objective
Contraintes clés Procédures de recherche
Allocation de visites
« Callplan »/Lodish (1976)
Temps de visite par client/ par prospect
Marge à base de fonction réponse-vente diminuée de coûts de déplacement
Temps maximal disponible
Analyse incrémental (progr. Dynamique)
Dimensionnement et allocation de l’effort de vente
« Syntex »/Lodish et al.(1988)
Temps de visite par segment-marché
Marge à base de fonction-réponse diminuée des frais de vente
Nombre maximal de visites ou de « détail »
Analyse incrémental (progr. Dynamique)
Découpe de territoire
« Geoline »/Hess et Samuel (1971)
Proportion d’unité géographique de potentiel affecté à un vendeur
Compacité Equité en potentiel ou charge de travail
Programmation entière
Découpe de territoire
Zoltners et Sinha (1983)
Indicateur binaire d’affectation
Un attribut spécifique (ex. moment d’inertie)
Autres attributs (charge de travail)
Programmation entière
Dimensionnement et découpe de territoire
Beswick et Craven (1977)
Temps de vente par entité
Profit à base de fonction-réponse et compacité
Contraintes de capacité force de vente
Procédure itinéraire
Dimensionnement et organisation
Rangaswany et al. (1990)
Effort de vente par force de vente et par segment
Marge à base de fonction-réponse diminuée des frais de vente
Nombre maximal de visites ou de détail
Programmation non-linéaire ad-hoc
Quotas et plan de bonus optimaux
Darmon (1987) Quotas individuels et paramètre du plan de bonus
Profit dépendant du potentiel non encore réalisé et du plan de bonus
Conditions d’équité (relations linéaire entre quotas et bonus)
Régression multiples et procédures itérative
Formes optimale de plan de rémunération
Basu e al. (0985) Effort de vente et schéma fonctionnel de rémunération
Profit dépendant d’une fonction-réponse stochastique
Niveau minimal d’utilité pour le vendeur
Expression analytique (Lagrangien)
Le troisième courant enfin s’intéresse aux pratiques de management des forces de vente et des
managers, c’est-à-dire à la façon dont les responsables commerciaux orientent les
comportements de leurs collaborateurs pour atteindre les objectifs de leurs entreprises. Les
études dans ce contexte sont essentiellement descriptives, et ne se borne qu’a retranscrire les
actions de gestion mises en œuvre par les managers. Selon Darmon (1993), ce courant parait être
le moins sophistiqué, et le plus répandu.
43
1.3. Conceptualisation du management des FDV
Sur le plan conceptuel, la recherche sur le management des forces de vente est marquée par
deux approche qui s’opposent, mais qu’il est nécessaire de rapprocher pour avoir une bonne
compréhension de la discipline, mais aussi des pratiques qui sont mises en œuvre par les
entreprises. La première considère le management comme une activité de contrôle, compte tenu
du fait que les vendeurs exercent leur activité à l’extérieur de l’entreprise, et loin des structures
d’encadrement (1.3.1). La seconde, moins répandue appréhende le management des vendeurs
comme une activité entrepreneuriale qui doit permettre de libérer la créativité du vendeur et lui
donner l’autonomie dont il a besoin pour être performant (1.3.2).
1.3.1. Le management des FDV : une activité de contrôle
La notion de contrôle est essentielle au management des forces de vente, et certains auteurs
ont pu dire qu’elle est l’essence même de la fonction commerciale (Darmon, 1993, p. ), dans la
mesure où « son rôle consiste à s’assurer que les vendeurs accomplissent bien les activités
nécessaires à la réalisation des objectifs de l’entreprise ». Mais la teneur de ce contrôle dépend
du type de vendeur qui compose la force de vente.
En effet, il est possible de distinguer les vendeurs en fonction de leur lieu d’activité (itinérant
ou sédentaire) et en fonction de leur statut (salariés ou non salariés)10. Cette distinction induit des
niveaux de contrôle plus ou moins importants de la force de vente (Cf. Tableau N°2).
Tableau 2. Niveau de contrôle en fonction du lieu d’activité et statut du vendeur
Personnel travaillant dans les locaux de l’entreprise
Personnel salarié mais travaillant « sur les routes »
Personnel non salarié = vendeurs indépendants
Contrôle maxi (+++) Contrôle lacunaire (++) Contrôle délicat (+) 1° comment les contrôle-t-on ?
2° comment améliorer leur contrôle dans l’intérêt de
l’entreprise mandataire ? 3° comment améliorer leur contrôle sans « insatisfaire » ces indépendants ? (4° comment les réintégrer un jour parmi les vendeurs salariés ?)
10 Leroux, Frimousse et Peretti, 2008
44
Le personnel travaillant dans les locaux de l’entreprise est qualifié de vendeurs internes (Zeyl
et Dayan, 2003). La sédentarisation du vendeur permet un contrôle maximal de ses activités. Le
personnel salarié mais travaillant « sur les routes » est composée de vendeurs itinérants, c’est-à-
dire des vendeurs qui travaillent essentiellement à l’extérieur de l’entreprise. Ils se déplacent
pour prospecter et négocier, et leur « temps productif » est selon Inizian (1998) celui qui échappe
le plus à l’évaluation immédiate. L’auteur indique que, dans ce cas, les managers de force de
vente ne peuvent exercer de fait qu’un contrôle limité sur les vendeurs dont ils ont la
responsabilité. Darmon (1993, p.17) considère cette catégorie de vendeurs comme des agents
quasi indépendants dont la direction est rendue difficile à cause de l’impossibilité pour les
managers de contrôler directement les activités des vendeurs, et par conséquent leur
performance. Le personnel non salarié enfin, correspond aux vendeurs indépendants qui,
contrairement aux deux précédentes catégories de vendeurs, n’entretiennent pas de relations
hiérarchiques avec les managers de l’entreprise. Ces vendeurs sont externes à l’entreprise, ils
échappent par conséquent au contrôle total de l’entreprise.
De nombreuses approches ont été développées dans la littérature, dévoilant à chaque fois un
aspect particulier du contrôle des forces de vente. Nous citerons la théorie des coûts de
transaction développée par Williamson (1975, 1981) qui suggère que le type de contrôle à
appliquer dans les forces de vente dépend de la difficulté à évaluer la performance du vendeur.
Pour ces auteurs, si la performance est difficile à évaluer, l’entreprise à intérêt à utiliser un
contrôle direct, dans le cas contraire elle peut utiliser un contrôle indirect basé sur le système de
commissions. Nous évoquons aussi l’approche d’Olivier et Anderson (1987) qui proposent deux
logiques opposés du contrôle de la force de vente basés sur les résultats (chiffre d’affaires,
volume de ventes) et les comportements (compétences et activités) du vendeur. Selon ces auteurs
le contrôle basé sur les résultats permet d’évaluer plus intensément les vendeurs à partir des
résultats. Il permet aussi aux vendeurs de disposer d’une plus grande autonomie (faible proximité
d’encadrement) et de les rétribuer avec une rémunération incitative. A l’opposé, le contrôle basé
sur les comportements est caractérisé par un management étroit et repose sur une rémunération
indépendante des résultats (fort pourcentage de salaire fixe). Par la suite, Darmon (2012) définit
le contrôle des forces de vente de façon plus large et l’assimile au pilotage même des forces de
vente. Pour cet auteur, le contrôle se présente comme un ensemble de procédures visant à
surveiller, diriger, motiver, évaluer et rémunérer les vendeurs. Il propose à cet effet un dispositif
de contrôle qui intègre tous les aspects du management de la force de vente, et définit les
différents outils qui servent de leviers de contrôle. Ces outils sont élaborés en fonction des
45
efforts (en termes de niveau et de qualités) demandées aux vendeurs et d’un horizon temporel du
contrôle que nous résumons dans le tableau qui suit (Cf. tableau 3).
Tableau 3. Condensé des leviers de contrôle des forces de vente
Effort Horizon temporel
Niveau d’efforts Qualité des efforts
Court-terme
-objectifs qualitatifs des missions -définition des fonctions commerciales. -Programme de formation - support de communication
- le plan de quota - les incitatifs financiers
Long-terme
-structure de la fonction commerciale. - le recrutement des vendeurs -le management des carrières -le développement des capacités des vendeurs -le développement d’une culture commerciale
- la taille de la force de vente - le taux de roulement des vendeurs - l’organisation de la force de vente
Source : Adapté de Darmon, 2012
1.3.2. Le management des forces de vente : une activité entrepreneuriale
Le travail des forces de vente est caractérisé par une activité non routinière et en constante
évolution qui implique des adaptations aussi bien des vendeurs que des managers qui sont
appelés à les gérer. Cette adaptation est nécessitée par l’extrême ouverture de la fonction
commerciale à l’environnement externe de l’entreprise, et les contraintes de gestion qui sont
liées à l’activité du vendeur. Dans le même temps, l’entrepreneuriat en tant que domaine de
recherche ouvre des perspectives de développement qui offrent au management des forces de
vente un cadre d’application idéal. Un parallèle est souvent établi entre les concepts utilisés dans
le domaine de l’entrepreneuriat et la nature même des activités de vente, qui exigent un certain
degré d’autonomie, mais aussi de la créativité et de l’innovation de la part des vendeurs. Ces
vertus qui sont source de compétitivité pour l’entreprise, doivent intégrer le management de
l’entreprise dans son ensemble, et de façon particulière la fonction commerciale. Nous
présentons dans un premier temps le cadre théorique de l’entrepreneuriat, avant de préciser ses
applications, aussi bien théoriques qu’empiriques au niveau du management des forces de vente.
46
1.3.2.1. Définition de l’entrepreneuriat
L’entrepreneuriat est un concept polysémique qui recouvre plusieurs domaines d’applications,
et ses enjeux sont aussi bien économiques que sociaux. Selon Degeorges (2005),
l’entrepreneuriat peut être appréhendé comme une pratique qui est repartie en « plusieurs
modalités » : la création d’entreprise, la reprise d’entreprise, le développement des entreprises
existantes, l’essaimage, etc. Elle peut aussi correspondre à un outil de développement social qui
permet de créer des emplois, d’innover, et d’épanouir les individus. Enfin, l’entrepreneuriat se
réfère surtout à une valeur à développer au sein d’une entreprise. Pour Verstraete (1990),
l’entrepreneuriat est un « phénomène multiple et trop complexe pour être réduit à une simple
définition », et le concept d’entrepreneur qui est sa traduction pratique à évolué avec le temps.
Ainsi, l’entrepreneuriat peut être appréhendé comme un mode de pensée : on parle d’esprit
d’entreprendre, ou de culture entrepreneuriale. Il peut aussi se matérialiser par des
comportements individuels ou collectifs auxquels sont associés certaines dispositions, telles que
la perception et l’acceptation du risque, l’orientation vers le développement et l’exploitation
d’opportunités, la prise de responsabilité, ou d’initiatives, etc. Il est enfin possible d’envisager
l’entrepreneuriat à travers l’acte d’entreprendre, ce qui conduit à un nombre de situations et de
modalités très diversifiées. Par exemple, on peut entreprendre en créant une entreprise ou au sein
d’une entreprise existante, et les modalités de ces actes peuvent être la création en franchise, la
reprise d’entreprise, ou le travail indépendant. De façon générale, l’entrepreneuriat se présente
comme une nouvelle philosophie des affaires, qui présente plusieurs vertus : créativité,
innovation, sens de l’initiative, flexibilité, et surtout création d’emploi (Degeorges, 2005).
Du point de vue de la recherche, trois approches fondamentales sont couramment cités dans la
littérature : l’approche fonctionnelle des économistes, l’approche centrée sur les individus, et
l’approche processuelle. Les travaux des économistes sont considérés comme les fondements du
champ de l’entrepreneuriat, notamment parce qu’ils accordent à l’entrepreneur une place centrale
dans la dynamique économique. Ainsi, l’entrepreneur est le repreneur de risques (Says, 1767-
1832), un innovateur (Schumpeter, 1883-1950), un chercheur d’opportunité (Kirzner, 1973).
L’approche centrée sur l’individu ou approche par les traits porte sur les connaissances de
l’entrepreneur, et notamment ses caractéristiques psychologiques. Elle stipule que l’entrepreneur
est un être à part qui est doté dès sa naissance de qualités exceptionnelles qui lui permettent de
prendre les bonnes décisions. Cette conception de l’entrepreneuriat est remise en cause par ceux
qui estiment que d’autres variables doivent être prises en compte dans la formation du
comportement entrepreneurial d’un individu. Enfin, l’approche processuelle considère que
l’entrepreneuriat est un phénomène complexe qui ne peut se résumer aux caractéristiques des
47
entrepreneurs, ou à une fonction économique. Par conséquent, les tenants de cette position
proposent une approche processuelle articulée autour de quatre paradigmes : la création d’une
nouvelle organisation, l’approche par l’opportunité entrepreneuriale, la création de valeur
nouvelle, et l’innovation (Verstraete et Fayolle, 2005). Vu sous cet angle, l’entrepreneuriat est un
processus qui a lieu dans un contexte organisationnel, et qui intègre à la fois des composantes
comportementales et attitudinaux (Morris et al, 1990). Selon ces auteurs, les comportements et
les attitudes qui relèvent de l’entrepreneuriat peuvent être appréhendés sous trois dimensions. La
première se réfère à l’innovation, c’est-à-dire à la recherche de solutions nouvelles ou
exceptionnelles relevant de la créativité, telles que la création de nouveaux produits ou services
pour répondre à des besoins identifiés, ou la mise en place de nouveaux processus de travail, etc.
La deuxième dimension concerne la prise de risque qui implique de la part du management, des
initiatives et de la responsabilisation afin de saisir les opportunités qui se présentent. La
troisième dimension concerne la proactivité des acteurs, c’est-à-dire leur capacité à créer des
situations favorables à l’acte entrepreneurial. En définitif, cette approche relève de ce qu’il
convient d’appeler l’entrepreneuriat organisationnel, dont l’application est jugée pertinente dans
tous les niveaux hiérarchiques de l’entreprise, et particulièrement dans les fonctions
commerciales.
1.3.2.2. La dimension entrepreneuriale du management des forces de vente
Dans la littérature, le management des forces de vente est souvent présenté comme la
fonction la plus ouverte à l’entrepreneuriat, en raison des similitudes qui caractérisent l’activité
entrepreneuriale avec le métier de vendeur d’une part, et le rôle « d’ambassadeur » qui est dévolu
à la force de vente dans les rapports qu’elle entretient avec les différents publics qui composent
l’environnement externe de l’entreprise d’autre part (Morris, et al, 1990). Selon Darmon (1993,
p.24), les vendeurs sont des entrepreneurs qui disposent d’une quasi indépendance dans leurs
activités. Cette indépendance relative leur confère un caractère entrepreneurial. Ainsi, les
activités de prospection font directement appel à la créativité et à l’innovation, puisque le « rôle
du vendeur consiste à briser les relations que le client potentiel à déjà établi avec un concurrent,
et en créer une nouvelle entre le prospect et l’entreprise qu’il représente ». De même, dans les
relations à la clientèle actuelle, le vendeur est obligé de veiller à la satisfaction et de scruter
l’évolution des besoins des clients afin de mettre en évidence de nouvelles opportunités de
vente. Les activités de transmission d’information permettent aux vendeurs de livrer à leur
hiérarchie des informations sur leur environnement immédiat afin de faciliter la prise de
décision, et de réduire ainsi les risques inhérents à l’activité des concurrents. En somme, les
vendeurs sont responsabilisés dans la gestion des territoires qui leur sont confiés, et cette gestion
48
consiste essentiellement à gérer leur temps de travail et les relations avec les clients actuels et
potentiels. La gestion du temps repose sur une meilleure répartition du temps de travail entre les
activités directement liés à la vente à qui il faut accorder un maximum de temps, et les autres
activités qui doivent être accomplies dans un minimum de temps. La gestion des relations avec
les clients repose, quant à elle, sur la maitrise de l’information, notamment les informations
concernant les besoins explicites et latents, les problèmes et les processus de décision des clients.
Ces informations doivent faciliter le travail du vendeur lors de la négociation et permettre
l’obtention des commandes. Par ailleurs, les vendeurs doivent également établir et gérer les
relations avec toutes les personnes (ou services) qui, à l’intérieur de l’entreprise détiennent des
informations importantes pour l’accomplissement de leurs taches (superviseur, production,
techniciens, etc.). Ces informations ne peuvent être obtenues que si le vendeur est proactif, et
initie des rencontres avec les personnes qui détiennent ces informations.
Aussi, pour permettre aux vendeurs d’accomplir efficacement leurs activités, il est souhaitable
que les responsables commerciaux pratiquent un management qui exige à la fois de l’innovation,
une prise de risque mesurée, et de la proactivité (Morris et al, 1990). Selon ces auteurs, une
approche entrepreneuriale parait plus adaptée pour assurer avec succès le management des forces
de vente, compte tenu des exigences du métier de vendeur en termes de flexibilité, de
responsabilisation, et de créativité. Les résultats de l’étude empirique réalisée à cet effet auprès
des responsables commerciaux révèlent que : (1) l’entrepreneuriat est un terme qui est appliqué
aussi bien aux individus qu’aux organisations, mais avec un accent particulier sur l’effort
individuel ; (2) l’individu entrepreneurial est le produit de son environnement, et il est caractérisé
par des comportements d’impulsion, d’auto-confiance, un sens de l’action et de l’orientation, la
persévérance, et la prise de risque ; (3) les attributs associés à l’entrepreneuriat sont aussi ceux
identifiés comme les plus décisifs au succès dans les forces de vente ; (4) l’entrepreneuriat est la
base de la gestion stratégique de l’organisation, elle est caractérisée par des attributs comme
maintenir une bonne planification, investir dans le développement de nouveaux produits et des
services, être tolérant à l’échec, et être créatif dans la résolution des problèmes ; (5) les
organisations sont capables de développer l’instinct entrepreneurial chez leurs employés ; (6) les
responsables commerciaux identifient les fonctions vente marketing comme les plus
entrepreneuriales de leur entreprises ; (7) la stratégie de développement est le domaine dans la
vente où l’approche entrepreneuriale est la plus importante, mais il y a aussi le recrutement des
vendeurs, la mise en œuvre du système de rémunération, et toutes les méthodes de motivation
des vendeurs ; (8) la commission et les incitatifs financiers sont les pratiques les plus cohérentes
avec l’esprit entrepreneurial ; (9) les principaux obstacles au développement de l’entrepreneuriat
49
dans la vente sont le contrôle excessif des supérieurs hiérarchiques, la tendance à résister au
changement et l’aversion pour le risque.
1.4. La force de vente, une population diversifiée
A l’origine très axé sur les vendeurs salariés, le management des forces de vente a vu son
champ de recherche s’élargir aux forces de vente externe, et particulièrement aux forces de vente
externalisées (Leroux et Peretti, 2004). Dans cette recherche, nous présentons successivement les
différents statuts du vendeur et leur influence sur le management des forces de vente (1.4.1), et
particulièrement le statut d’agent commercial (1.4.2).
1.4.1. La diversité des formes et statuts de la force de vente
Le statut de vendeur permet de distinguer deux types commerciaux dans l’entreprise, les
commerciaux salariés qui sont liés à l’entreprise par un contrat de travail, et les commerciaux
non salariés qui entretiennent avec l’entreprise une relation commerciale.
Nous présentons la littérature sur le concept de statut dans les sciences sociales et ses
implications dans le management (1.4.1.1), puis sa contractualisation dans l’entreprise (1.4.1.2).
Enfin, nous analysons le statut d’agent commercial en mettant en évidence le rôle du vendeur
dans l’entreprise (1.4.1.3).
1.4.1.1. Le concept de statut dans la littérature des sciences sociales
Le terme statut à été conceptualisé pour la première fois en 1936 par un anthropologue du
nom de Linton, mais son usage dans les recherches en science de gestion reste limité. Les
chercheurs lui préférant le concept de rôle plus fonctionnel. Dans ce paragraphe, nous nous
proposons de mettre en évidence le terme statut et son corollaire le rôle, appréhendés comme
phénomènes sociaux.
Le statut exprime l’idée d’une position ou d’un rang, selon Linton (1936), il désigne « les
pôles opposés dans un modèle de comportement réciproque ». Selon cet auteur, le bon
fonctionnement de la société en général et des organisations en particulier dépend de ces
modèles de comportement qui mettent en relation des individus occupant des positions contraires
dans les organisations. C’est le cas par exemple du vendeur et son superviseur direct dans le
cadre de la force de vente ou du chef de service et son subordonné dans le cadre de l’entreprise.
Ainsi, à chaque statut sont liés certains modèles de conduite qui prescrivent aux individus placés
dans ces positions comment ils doivent se comporter notamment envers ceux qui occupent des
50
positions complémentaires. Pour Parsons11qui abonde dans le même sens que Linton, le statut
indique donc une position, celle d’un individu par rapports aux autres individus dans une
structure sociale. A cette position sont attachés des droits et des devoirs déterminés par la
société. Brassier12 dans sa thèse de doctorat, s’appuie sur cette notion de position sociale pour
donner un cadre de référence au statut. Selon l’auteur, la position sociale est « l’ensemble des
droits, des devoirs, des pouvoirs et des responsabilités dont le caractère contraignant est
constitutionnellement garanti par l’organisation, en référence à sa structure formelle ». En
d’autres termes, un statut est toujours établi en fonction d’un cadre contextuel bien défini, par
exemple l’entreprise dans laquelle évolue l’individu détenteur du statut. C’est la société qui
donne un pouvoir à ce statut en formalisant ses normes en droit et devoirs réciproques.
Cependant, le statut ne peut se définir sans la notion de rôle car il ne représente que le cadre de
référence imposé par les règles, la loi et la société.
Le rôle est défini par Linton comme « l’aspect dynamique du statut » et également comme
« la somme totale des modèles culturels associés à un statut particulier ». Selon l’auteur, le statut
est statique, il permet simplement de repérer les positions respectives des individus à l’intérieur
d’un système social donné (entreprise, famille, etc.), alors que le rôle est fonctionnel et
s’exprime en action. Dans le même esprit, Brassier (2004) défini le rôle comme l’ensemble des
actes et des comportements cohérents d’un individu eu égard à sa position et son statut dans un
groupe social donné. Le rôle « englobe » donc les attitudes, les valeurs et comportements que la
société assigne à toutes les personnes qui occupent un statut donné. Ce rôle s’inscrit alors dans
une perspective sociale, car non seulement il correspond à une position contraire (Rogard,
2003), mais il est aussi le résultat d’un processus par lequel l’entreprise en tant qu’institution
sociale détermine les normes auxquelles doivent se conformer les individus qui tiennent ces
rôles. Un rôle ne peut être compris qu’en prenant en compte son contexte social, car on joue
toujours un rôle par rapport à quelqu’un. Ainsi l’exercice du rôle de vendeur suppose
nécessairement l’exercice de rôles complémentaires comme celui de manager des ventes ou de
client. Pour Mead13, le rôle est la façon dont un individu occupe la place qui lui est donnée. Dans
ce cas, la conduite du sujet n’est pas libre, elle se déroule suivant un plan de comportement
déterminé. Pour Moreno14, le rôle est la plus petite unité de la culture. C’est un modèle organisé
de conduites liées à certaines postures vis-à-vis de l’autre. Moreno distingue le rôle prescrit du
11 Cité par Rogard, 2003 12 Reposition du rôle du manager intermédiaire (2004) 13 Cité par Rogard, 2003 14 Cité par Rogard, 2003
51
rôle spontané. Le rôle prescrit est articulé à l’attente des autres, alors que le rôle spontané est
beaucoup plus fictif, il n’est pas attendu.
Le rôle professionnel est celui des acteurs de l’entreprise. Ce rôle est marqué par les attentes
diverses, variées voir contradictoires qu’expriment des individus en relation avec celui qui tient
un rôle donné. Dans l’entreprise, les rôles destinés aux individus qui la compose sont
généralement formalisés dans des écrits (fiche de poste, profil par exemple), mais dans la
pratique on se rend compte qu’il y a des divergences dans la représentation que ces individus se
font de leurs propres rôles et des rôles tenus par les autres. Pour Brassier le rôle professionnel
est « l’ensemble des actes et des comportements cohérents attendus d’une personne du fait de sa
position et de son statut spécifique dans l’entreprise »15
Figure 2. Définition du rôle dans le cadre social
Structure sociale Position sociale Modèle Fonction Statut
Cadre social
Normes Attentes Droits Devoirs Valeurs Attitudes Comportements Fonction
Rôle
Source : Brassier, 2004
Au regard de ces développement, nous constatons que les deux concepts constituent les
« deux faces » d’un même phénomène. Ils sont « parfaitement » inséparables, et il est impossible
de parler de l’un sans l’autre. Alors que le statut défini une position statique dans une
organisation, le rôle détermine les comportements qu’un individu doit adopter pour être
conforme à son statut. Le rôle comporte à la fois des droits et les devoirs attachés au statut, mais
également certaines attitudes qui sont sensées favoriser les taches afférentes au statut. Ces deux
termes, quoi que différents dans leur étymologie, sont cependant très liés à tel enseigne qu’ils
sont le plus souvent confondus et utilisés indifféremment par certains auteurs. Cependant, nous
retiendrons que c’est le terme de rôle qui a fait l’objet de nombreuses vérifications empiriques,
notamment en ce qui concerne les perceptions qu’ont les vendeurs de leurs rôles et leurs
incidences sur la performance (Walker et al, 1985).
15 Brassier, thèse de doctorat, 2004
52
1.4.1.2. La contractualisation du statut de vendeur
D’un point de vue juridique le terme statut peut être appréhendé comme l’ensemble des
dispositions réglementaires et conventionnelles qui définissent l’exercice d’un métier. Pour les
forces de vente, il s’agit des droits et des obligations qui sont attachés au statut du vendeur. Ces
règles sont définies dans une large mesure par le législateur, et elles sont complétées par les
conventions collectives, selon les branches et les contrats qui sont passés entre les individus et
les entreprises. Le métier de vendeur peut être exercé différemment selon que l’on est lié à
l’entreprise par un contrat de travail ou par un contrat commercial. Zeyl et al. (2011) distinguent
cinq statuts de vendeur : le salarié de droit commun, le VRP, l’agent commercial et le vendeur à
domicile indépendant. (Cf. figure 3)
Figure 3. Les formes et statuts de la force de vente
Possibilités de direction et de contrôle par le manager commercial + Salaries
d’une seule
entreprise
Employé
pour/par
plusieurs
entreprises
_
FDV
FDV PROPRE
FDV DELEGUE
E
Vendeur employé
Vendeur cadre
Vendeur exclusif
Vendeur multicarte
Agent commercial
FDV supplétive
Personne physique
Personne morale
Salariés
Vendeur à domicile
indépendant
Source : Zeyl (2011)
§ Le salarié de droit commun.
C’est un vendeur dont la relation avec l’entreprise est scellée par un contrat de travail qui
impose à l’employeur certaines obligations, telles que le salaire minimum, la durée de travail, le
remboursement des frais professionnels ou encore les indemnités de rupture. En aucun cas
l’entreprise ne peut faire moins que la loi.
53
§ Le Voyageur Représentant Placier (VRP).
Le VRP est un vendeur salarié dont l’activité est régie par une convention collective
spécifique aux commerciaux. A la différence d’un salarié de droit commun, sa relation est
marquée par des engagements déterminant l’objet de la représentation, le secteur concédé et les
modalités de rémunération. C’est donc un vendeur de terrain dont la rémunération est constituée
par une commission en pourcentage, mais peut également comprendre un fixe16. Selon que le
vendeur travail pour le compte d’un seul employeur, il sera qualifié d’exclusif ou pour le compte
de plusieurs employeurs, il alors est un multicarte.
§ Le vendeur à domicile indépendant
Il à longtemps exercé sans véritable statut reconnu, employé à temps partiel le plus souvent
pour de nombreuses entreprises spécialisées dans la vente au particulier de produits de grande
consommation (Zeyl et al.2011, p.134). C’est un vendeur indépendant qui vise exclusivement
une clientèle de particulier, visitée à leur domicile ou en tout lieu non destiné à priori à la vente.
Il est lié à l’entreprise par un contrat qui lui confie la distribution de ses produits ou services.
Selon les contrats, le vendeur peut être mandataire, acheteur-vendeur ou courtier.
§ La force de vente supplétive
Elle est fournie par un prestataire de vente pour renforcer ponctuellement la force de vente
interne d’une entreprise. Il s’agit d’un apport quantitatif de main-d’œuvre commercial qui peut
être lié à un lancement de produit, un élargissement de territoire ou une augmentation soudaine
de la demande (Zeyl et al. 2011). Selon ces auteurs, la force de vente supplétive ne constitue pas
un prestataire similaire à l’agent commercial. Alors que l’agent commercial est le plus souvent
lié à l’entreprise par un contrat à durée indéterminée et travaille seul ou en équipe restreinte, le
vendeur externalisé est géré par un prestataire de services, dans le cadre d’un contrat
commercial.
§ L’agent commercial
C’est une personne physique ou morale qui vend pour le compte d’un tiers des produits et des
services. Il est le mandataire d’une ou plusieurs entreprises. Selon Zeyl et al. (2011), l’agent
commercial est le principal indépendant exerçant à temps plein le métier de vendeur. Lorsque
l’agent commercial est une personne physique, il développe l’activité de son mandant dans un
secteur géographique restreint. Il travaille selon les choix de son mandant tout en restant le seul à
16 Selon qu’il est exclusif ou multicarte
54
décider de la manière de travailler. Lorsque l’agent commercial est une agence de grande
envergure, il couvre une zone beaucoup plus vaste et décide à la place du mandant de la stratégie
de développement à mettre en place. Dans ce contexte, l’agent commercial apparaît comme un
indépendant à part entière.
Le terme agent commercial désigne bien un statut de vendeur qui se traduit par une position
précise dans l’entreprise. A cette position correspondent des rôles, c’est-à-dire des
comportements et des conduites attendues par toutes les personnes qui tiennent des rôles
complémentaires dans l’entreprise. Ces attentes proviennent du vendeur lui-même, mais aussi de
son entourage et particulièrement des personnes qui disposent d’un pouvoir de prescription dans
l’entreprise.
1.4.2. Le statut d’agent commercial
La gestion des vendeurs indépendants est souvent corrélée à la difficulté de concilier les
aspects juridiques, liés au statut, avec la pratique au quotidien d’une activité qui nécessite de
nombreuses interactions. Dans l’entreprise et même en dehors, la dénomination agent
commercial est généralement attribuée à tout vendeur de rang subalterne. Cette confusion
(entretenu ou pas) est non seulement à l’origine du peu d’attrait17 que suscite cette profession
auprès des jeunes, mais elle est aussi la source des mauvaises pratiques de gestion que l’on
rencontre dans les forces de vente. Dans ce contexte, le statut du vendeur nous parait un élément
déterminant dans la recherche d’une meilleure compréhension du management des forces de
vente indépendantes.
1.4.2.1. Le rôle de l’agent commercial
Le rôle de l’agent commercial est de représenter son mandant… L’agent commercial est donc
un négociateur qui permet à un opérateur économique d’accéder à un marché, et son travail
consiste à établir pour ses mandants des relations de qualité avec sa clientèle. Les services
accomplis par l’agent ont pour finalité la création d’une valeur ajoutée commercial pour le
mandant. Cette valeur peut être appréhendée à travers trois éléments : le premier concerne
l’ensemble des taches incombant à l’agent dans son travail, et qui doivent être préciser dans le
contrat d’agence ; le deuxième élément concerne « la finalité qui inspire toutes les missions du
vendeur, c’est-à-dire assurer une relation de qualité entre l’entreprise et la part de marché qui lui
est confié ; le troisième élément reflète les efforts consentis conjointement par l’entreprise et son
agent, en terme de chiffre d’affaires, de commissions perçues et de satisfaction clients.
17 Emploi précaire
55
L’agent commercial est un négociateur qui assure un double rôle de représentant et
d’information auprès de son mandant. Ce rôle repose sur une relation de confiance réciproque
nécessaire entre les acteurs. Il est important que le mandant s’assure qu’il est bien représenté par
son agent, et ce dernier a besoin pour sa part qu’il lui est permis d’engager la clientèle dont le
mandant désire. Le rôle d’information est perceptible dans la capacité de l’agent à recueillir
l’information, et surtout par sa qualité d’écoute de façon a apporter des réponses aux besoins des
clients, et à renseigner l’entreprise sur l’évolution de la concurrence. Pour accomplir ses taches,
l’agent commercial dispose, sur le plan juridique, d’une délégation de pouvoir que lui confère le
mandat. Ainsi, l’agent commercial peut prendre des initiatives quant l’orientation stratégique de
son activité (spécialisation, définition des zones d’activités). L’agent détient son pouvoir des
entreprises pour lesquelles il agit comme mandataire, mais cette délégation de pouvoir dépend de
l’ampleur des taches qui lui sont confiés par le mandant. Ainsi, lorsque l’activité du mandant est
confinée dans un territoire restreint, le niveau de délégation de pouvoir est plus ou moins réduit.
A l’inverse, si l’agent commercial intervient sur un territoire plus étendu, il dispose d’un pouvoir
de décision plus large, et par conséquent d’une plus grande indépendance dans l’organisation et
la commercialisation des produits qui lui sont confiés par le mandant.
1.4.2.2. Les droits et devoirs attachés au statut d’agent commercial
L’agent commercial est un « mandataire qui à titre de profession indépendante, est chargé de
façon permanente de négocier, et éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de
location ou de prestation de service, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de
commerçants ou d’autres agents commerciaux, sans être lié envers eux par un contrat de
travail »18. Selon Leloup (2005, p.43-68), cette définition exprime les traits caractéristiques de
l’agent commercial, à savoir : (1) l’agent commercial est un professionnel indépendant, et (2)
l’agent commercial est un mandataire professionnel.
En sa qualité de professionnel indépendant, l’agent commercial jouit de l’indépendance qui
est dû à tout chef d’entreprise. Cette indépendance constitue un principe juridique fondamental
de la relation de travail, et sa violation peut avoir de graves conséquences pour l’entreprise, car
les juges peuvent requalifier le contrat commercial en contrat de travail classique, en appréciant
simplement les éléments de fait, et notamment les indices tirés de la liberté d’organisation
(Jurisprudence, Cass-soc 5 janvier 1990). Selon Macquet et Perrault (1992), les vendeurs
indépendants disposent d’une grande liberté dans leur travail. Cette liberté peut être déclinée en
liberté d’organisation, liberté d’action, et en liberté d’activités. La liberté d’organisation se réfère
18 Article 184 du code des affaires de L’OHADA
56
au fait que le vendeur décide de façon autonome de l’allocation des ressources et des efforts
nécessaires à son activité, de l’allocation du temps et des efforts à fournir pour accomplir ses
taches. Les deux aspects importants de la liberté d’organisation sont : (1) l’agent peut être une
personne physique ou une personne morale, autrement dit il décide de la structure
organisationnelle la mieux adaptée à son projet professionnel ; (2) l’agent peut librement recruter
du personnel, c’est-à-dire qu’il peut embaucher d’autres agents commerciaux qui travailleront
sous le statut d’indépendant, ou même embaucher des salariés qui seront régis par le droit de
travail. La liberté d’actions concerne le pouvoir dont dispose le vendeur dans le choix des actions
qu’il juge appropriées pour atteindre les objectifs qui lui sont fixés. Il décide aussi du niveau et
la qualité d’efforts à fournir pour accomplir les tâches dont il a la charge. La liberté d’activité
enfin, confère au vendeur le droit de décider des activités qui vont constituer son portefeuille
d’activités. Dans ce contexte, le vendeur indépendant peut mener parallèlement plusieurs
activités, ou représenter plusieurs entreprises, sans que cela ne soit soumis à une autorisation.
Cependant, il est conseillé que le vendeur indépendant et son employeur travaillent en bonne
harmonie, car le contrat qui les uni est un contrat d’intérêts commun. Pour cela, la loi prévoit des
obligations réciproques dont la principale est l’obligation d’informations.
En sa qualité de mandataire professionnel, l’agent commercial est le chargé d’affaires
permanent des ses mandants. Son travail consiste à négocier dans l’achat comme dans la vente, à
conclure des contrats, et à convaincre ses interlocuteurs d’adhérer à ses propositions (produit ou
services). L’agent commercial est un prestataire de service de vente qui assure un double rôle de
représentation et d’information auprès d’un ou de plusieurs mandants, grâce notamment à la
délégation de pouvoir dont il bénéficie (Leloup, 2005, p. 14-20). En sa qualité de prestataire,
l’agent commercial a pour mission de vendre à une clientèle définie, au nom et pour le compte
d’un opérateur économique, les biens ou les services qu’offre cet opérateur. Dans ce cas, il n’agit
pas pour son compte, mais pour les intérêts de l’entreprise qui lui a sous-traité tout ou partie de
sa fonction commerciale. Le vendeur propose à la vente les produits de ses commettants, sans
pour autant en acquérir la propriété, ce qui le diffère fondamentalement des autres intermédiaires
de la distribution dont l’activité repose plutôt sur des spéculations financières.
Par ailleurs, il réalise un important travail d’informations qui nécessite de sa part des qualités
d’écoute. L’écoute indispensable de son mandant, puisqu’il le représente et doit prendre des
décisions en son nom. L’écoute des clients nécessaire pour permettre à l’agent commercial de
proposer aux clients des produits qui répondent à leurs besoins. L’écoute des concurrents pour
permettre au mandant de réagir par rapport à l’évolution du marché.
57
2. Les études empiriques sur le management des force de vente
Les travaux réalisés jusqu’à maintenant sur le management des forces de vente font une large
part à la gestion du vendeur salarié, laissant de côté le vendeur externe. Cependant, le
développement récent de l’externalisation à suscité quelques études qui restent encore très
marginales.
2.1. Analyse des travaux empiriques sur le management des ressources humaines des
forces de vente
La recherche fait état d’une abondante littérature venant surtout de chercheurs américains,
mais compte tenu de l’orientation « ressources humaines » de notre recherche, nous nous
appuyons essentiellement sur la revue de la littérature de Darmon (1993, 2012) axée sur les
forces de vente salariées. Par conséquent, nous présentons successivement les travaux sur le
recrutement, la formation, la rémunération et les quotas de vente.
· Les travaux sur le recrutement des vendeurs
S’agissant du recrutement, churchill et al (1985) examinent dans une méta-analyse les
relations existant entre les variables personnelles et organisationnelles, et la performance en
vente. L’une des conclusions les plus importantes de cette étude est que les caractéristiques
intrinsèques des vendeurs, c’est-à-dire celles qui sont difficiles ou impossibles à modifier
(aptitudes et traits de personnalité), ne peuvent expliquer qu’une faible partie de la variabilité des
performances de vente. Par contre, les compétences et la motivation du vendeur l’explique un
peu mieux. Etant donné que les responsables commerciaux peuvent, grâce à une formation et à
une supervision adéquate, contrôler le niveau de compétence et de motivation des vendeurs. Les
résultats obtenus dans cette étude suggèrent qu’on ne nait pas nécessairement bon vendeur mais
qu’on peut le devenir.
Plus récemment, Perroto (2011) propose, à la suite des travaux de churchill et al (1985), un
modèle conceptuel des déterminants de la performance du vendeur qui met en relation quatre (4)
traits de personnalité (dont deux sont tirés des modèles de personnalité du Big-Five et du type A)
avec l’effort et la performance du vendeur. Il s’intéresse particulièrement au vendeur
« chevronnés » et tente de trouver une explication aux capacités dont font preuve ces vendeurs à
maintenir un niveau de performance élevé tout le long de leur carrière. L’étude doit fournir au
manager les déterminants qui permettent de gérer efficacement les vendeurs, de stimuler ceux
qui sont moins performants et de définir les profils des vendeurs lors des recrutements. Les traits
58
de personnalité identifiés sont : La rigueur (un des traits du Big Five) est le degré auquel un
individu est fiable, travailleur, responsable... elle est prédictive de la performance et présente une
grande stabilité ; L’esprit de compétition se présente sous deux formes, une forme
« externalisée » et une forme « internalisée » ; L’estime de soi fait référence à une évaluation
positive de soi par l’individu et se compose de deux dimensions distinctes, la compétence et la
valeur. L’efficacité personnelle est le jugement de l’individu sur sa capacité d’organiser et
d’utiliser les différentes activités inhérentes à la réalisation de la tâche à exécuter. Les résultats
de l’étude montrent que les traits de personnalité étudiés expliquent la performance du vendeur,
avec une pointe sur la triade efficacité personnelle-effort-rigueur. De même il est aussi possible
de distinguer à travers cette étude, les vendeurs performants des vendeurs standards en
s’appuyant sur la façon dont ils orientent leurs efforts sur la performance. Enfin, il faut noter que
cette performance est modérée par la durée du vendeur à son poste. Si le vendeur est plus jeune,
l’effort et l’efficacité personnelle sont les déterminants de sa performance, s’il est plus âgé,
l’esprit de compétition et la rigueur sont les déterminants à prendre en compte.
· Les travaux sur la formation des vendeurs
Les recherches empiriques sur la formation des vendeurs sont plutôt rares. Cependant, on note
à partir des années 1970 l’émergence des premiers travaux portant essentiellement sur les
programmes de formation (Darmon, 1993, p.178-179). Selon l’auteur les chercheurs se sont
intéressés au contenu des formations et leur implication aux différentes situations de vente qui se
présentent à un vendeur. Ils suggèrent que les programmes de formation qui tiennent compte des
connaissances des vendeurs les plus productifs sont plus efficaces dans la transmission, aux
vendeurs, des connaissances « déclaratives » et « procédurales » adaptées.
En ce qui concerne le type de formation, les chercheurs suggèrent que la formation sur le
terrain peut être plus efficace que les cours théoriques pour transmettre les connaissances
théoriques. Alors que les cours théoriques, à travers les jeux de rôle, sont très efficaces lorsqu’ils
précèdent la formation sur le terrain. Les résultats de ces propositions indiquent que les vendeurs
possèdent des structures de connaissance que l’on peut identifier et que l’on peut utiliser pour la
formation des nouvelles connaissances.
· Les travaux sur la rémunération des vendeurs
Les recherches empiriques sur la rémunération des forces de vente ont tenté d’évaluer et
d’analyser les réactions des vendeurs aux incitatifs financiers et aux autres éléments de la
rémunération (Darmon, 1993, p.225). Les chercheurs ont, le plus souvent, cherché à savoir si les
59
gains et les incitatifs pourraient influencer le comportement des vendeurs. Ils testent alors cinq
ensembles d’hypothèses qui traduisent les comportements possibles des vendeurs. Cette étude
avait pour objectifs de trouver l’hypothèse qui pouvait le mieux expliquer le comportement des
vendeurs face à leur plan de rémunération sur une période donnée.
Tableau 4. Condensé d’hypothèses sur les incitatifs financiers (Darmon, 1974, 1977)
Hypothèse Comportement
Domaine d’étude
Le vendeur agit selon ses habitudes ou oppose de l’inertie au changement
La perspective de gagner plus ou moins d’argent ne motive pas les vendeurs. Leur comportement ne change pas, même après une modification de leur rémunération
L’hypothèse faite de manière implicite par l’analyste qui projette les tendances des ventes passées dans l’avenir sans tenir compte des changements possibles du plan de rémunération.
Le vendeur cherche à améliorer sa performance de vente
Les vendeurs sont surtout intéressés à atteindre le volume de vente le plus élevé possible indépendamment des gains qui peuvent en résulter.
Le vendeur cherche à satisfaire des besoins d’ordre plus élevés dans la hiérarchie de Maslow (McClelland, 1967) ou à atteindre systématiquement ses quotas (Winer, 1973)
Le vendeur cherche à atteindre un niveau acceptable (ou de ventes)
Il décrit des vendeurs hédonistes travaillant aussi peu que possible pour atteindre un niveau de revenu qu’il juge satisfaisant, ou pour réaliser un volume de vente suffisant pour satisfaire leur superviseur et pouvoir garder leur emploi.
Les hypothèses sont similaires à la théorie X de McGregor (1960) dans laquelle le s travailleurs sont décrits comme des sujets passifs , indolents et cherchant à travailler le moins possible.
Le vendeur cherche à augmenter ses espérances de gains financiers
Le vendeur cherche à gagner le plus d’argent possible, compte tenu qu’ils ne disposent que d’un temps limité pour leurs activités de vente.
Ces hypothèses sont également à la base des travaux de Farley (1964).
Le vendeur cherche à maximiser son niveau de satisfaction
Les vendeurs essaient de trouver l’allocation la plus satisfaisante possible de leur temps entre le travail et les « loisirs »
Ces hypothèses sont soutenues par de nombreux économistes qui considèrent les vendeurs comme des fournisseurs (et consommateurs) de leur temps et qui tentent de maximiser leur fonction d’utilité (Lancaster, 1969)
L’étude conclut que les vendeurs s’étaient comportés comme si chacun avait pour but
(consciemment ou non) d’atteindre un certain niveau de revenu qu’il se fixait pour un plan de
rémunération donné. Puis ils ajustent ensuite leur niveau d’activité pour pouvoir gagner ce
revenu.
· Les travaux sur les quotas de vente
Enfin, les recherches sur les quotas de ventes ont connu très peu d’engagement auprès des
chercheurs. Cependant, les rares études effectuées dans ce domaine ont tendance à confirmer leur
effet motivant (Darmon, 1993, p. 265). Une étude réalisée en laboratoire conclu que les
60
vendeurs font beaucoup d’efforts lorsque leur quota augmente, mais passé un certain seuil les
efforts des vendeurs ont tendance à décroitre. De façon générale, les principaux résultats qui
ressortent des études sur l’établissement des quotas indiquent que les vendeurs cherchent à
maximiser leur utilité, les quotas et les récompenses devraient constituer une partie essentielle du
plan de rémunération.
2.2. Analyse de quelques travaux concernant les forces de vente externes
Les travaux en management des forces de vente externes sont rares, alors que la notion de
vendeur externe est présente dans la littérature depuis les années 70. Les premiers travaux
empiriques datent des années 80 avec Anderson (1985) qui explore, dans une étude descriptive,
les raisons qui poussent une entreprise à l’utilisation des vendeurs internes plutôt que des agents
externes. En s’appuyant sur une analyse de la théorie des coûts de transaction de Williamson, il
définit les modalités qui favorise une gouvernance par la hiérarchie car la performance est
produite en interne, ou la forme alternative de coordination par le marché qui suppose que
l’entreprise recherche les solutions performantes en achetant à l’extérieur sur le marché. C’est le
principe du «make or buy». Globalement, l’adoption de l’une ou l’autre forme de coordination
comporte des avantages et des inconvénients, mais le plus important repose sur le système de
contrôle qui parait plus aisée à mettre en place chez le vendeur interne que chez l’agent externe.
Par ailleurs, il existe des contingences telles que la taille de l’entreprise…qui peuvent aussi
induire le choix entre une force de vente interne et des agents externes. Le modèle proposé par
l’auteur considère l’utilisation d’un agent externe comme étant une option par défaut si les
hypothèses définies sur le modèle transactionnel ne justifient pas l’intégration de la force de
vente. Le principal résultat de cette étude stipule que plus la difficulté d’évaluer la performance
du vendeur est grande, plus il est probable d’utiliser une force de vente interne.
Dans le même esprit, Leroux (2004, 2008) a conduit, dans le cadre de l’externalisation des
forces de vente, des recherches qui tentent de justifier l’utilisation des vendeurs externes plutôt
que des vendeurs salariés en s’appuyant aussi sur la théorie des coûts de transaction de
Williamson (1985). Selon l’auteur, le recours à cette forme de gestion des vendeurs est jugée
nécessaire lorsque la force de vente en activité ne fournit pas les résultats attendus. La décision
d’externaliser (ou d’intégrer) dépend des coûts que suscite cette transaction. La spécificité de
l’actif le plus important (ici le vendeur) étant déterminante dans le choix à réaliser. L’étude
montre que dans l’activité des vendeurs, les techniques de vente utilisées par les vendeurs sont
imposées par le commanditaire, que les vendeurs externalisés ont besoin d’une période
d’adaptation et qu’il est nécessaire d’investir dans la formation de façon à les adapter à tout type
61
de vente. L’auteur souligne enfin que parmi les quatre types de vente identifiées
(transactionnelle, relationnelle, spécialisée et stratégique), seule la vente « transactionnelle est
externalisable sans risque, les ventes « spécialisées » et « relationnelles » peuvent l’être mais pas
sans risque alors qu’il est conseillé de ne pas externaliser le vente « stratégique ».
Sur un tout autre registre, Gosse, Sargis-Roussel, et Sprimont (2002) analysent les
changements organisationnels liés aux stratégies d’externalisation dans des entreprises
industrielles. Ils considèrent l’externalisation comme un changement organisationnel, c’est-à-
dire le recours à un prestataire extérieur qui induit une modification des frontières de l’entreprise
et un renouvellement des relations entre les acteurs. Les résultats obtenus lors d’une étude
réalisée auprès d’une entreprise industrielle, après externalisation de divers personnels, montre
que l’externalisation favorise l’émergence d’une nouvelle forme d’organisation, qu’elle cantonne
les managers à un nouveau rôle d’acheteur et que la coordination entre les acteurs est
essentiellement basée sur la confiance. L’étude souligne aussi l’émergence d’emplois précaires
qui font l’objet d’un management clandestin.
Pour sa part, MacQuiston (2001) propose un modèle conceptuel de la gestion de la relation
entre un agent externe et son commettant. Il identifie, à travers une étude exploratoire réalisée
auprès d’un échantillon d’agents externes et d’entreprises commettantes six (6) valeurs de base
d’égale importance, considérées comme critiques par les interviewés à la construction d’une
relation réussie et quatre (4) facteurs de soutien. Les valeurs de base et les facteurs de soutien
sont les deux dimensions importantes de la réussite d’une relation. Les premiers sont par nature
inter organisationnelles, alors que les seconds sont interpersonnels. Les résultats de l’étude
permettent de comprendre que les valeurs de bases sont celles sur lesquelles les deux parties
doivent mutuellement s’accorder pour que la relation soit un succès. C’est le cas des objectifs, de
la dépendance mutuelle, de l’ouverture de la communication, de l’engagement à la satisfaction
du client, de la rentabilité et de la confiance. Alors que les facteurs de soutien représente l’effort
individuel, c’est le cas des efforts que les cadres supérieurs doivent investir personnellement
dans la relation, il y a aussi l’idée d’une amélioration continue de la relation, il ya le respect
professionnel et le développement des relations personnelles.
2.3. Analyse des principaux résultats attendus des actions managériales
Dans la littérature réservée au management des forces de vente, les chercheurs se sont surtout
intéressés à trois types de résultats : la performance, la satisfaction et le turnover. Nous
62
présentons dans les paragraphes qui suivent un condensé de la littérature sur ces concepts et leur
apport au management.
2.3.1. La performance du vendeur
2.3.1.1. La performance : un concept multidimensionnel
La performance est un concept polysémique dont le caractère multidimensionnel recouvre
plusieurs réalités de la vie en générale et de l’entreprise en particulier. Sur le plan
étymologiquement, le mot performance vient de l’ancien français « par former » qui, selon le
Petit Robert, signifiait « accomplir, exécuter ». Au 15ème siècle, il apparaît en anglais avec « to
performer19 » dont découle le mot performance tel qu’il est utilisé de nos jours. Pour Zeyl
(2003), la performance est un résultat chiffré obtenu dans une compétition. Elle n’a donc pas
d’existence à priori, mais prend son sens par rapport à un indicateur de référence. Selon l’auteur,
un résultat est bon ou mauvais selon que l’indicateur est modeste ou ambitieux. Pour Quinn et
Rohrbaugt20, la performance est un construit, c’est-à-dire un terme dont on ne peut saisir le sens
par lui-même du fait de son niveau d’abstraction, mais qui peut être appréhendé à travers des
concepts plus accessibles comme « la productivité ou la croissance du capital ». Aussi, parler de
performance dans un domaine quel qu’il soit consiste à mettre en évidence des variables qui
permettent d’expliquer le phénomène et de le mesurer.
Dans l’entreprise l’idée d’évaluer et d’expliquer la performance naît du contrôle nécessaire
des résultats comptables et financiers dégagés par une activité. Cette performance est selon
Kaplan et Norton (1996) très restrictive du fait qu’elle s’appuie sur des données uniquement
quantitatives et financières. Ce modèle va progressivement faire place à un modèle de
performance global intégrant à la fois les dimensions financières et non financières (Bergeron,
2000). Ces auteurs justifient cette évolution par l’apparition dans un environnement de plus en
plus concurrentiel de données intangibles, tel que la «satisfaction du client » ou la motivation du
vendeur, devenues incontournable pour évaluer la performance. De plus, selon De Lavillarmois
(1999) il est difficile de mesurer sur le plan comptable une unité économique comme le client ou
même le vendeur. Dans le même ordre d’idées, Charreaux (1998) estime que l’actionnaire n’est
pas le seul stackholder à créer de la valeur dans l’entreprise, d’autres parties prenantes telles que
le personnel, les salariés, les bailleurs de fonds et les partenaires commerciaux peuvent créer de
la valeur et contribuer à la réalisation des performances de l’entreprise. La performance est
appréciée ici par le différentiel entre la valeur qui leur revient et celle de leur apport initial. En
19 20 Cité par Olivier De Lavillarmois, 2001
63
d’autres termes, la performance peut être définie à partir du couple valeur-coût (Ermult 2005).
Marmuse21 résume ce concept de performance sous quatre angles : (1) l’angle stratégique dénote
de la recherche d’un modèle de « gouvernement » qui assure la pérennité de l’entreprise et de ses
structures ; (2) l’angle concurrentiel établi les ressorts de la performance par la capacité de
l’entreprise à maîtriser, voire à transformer son environnement ; (3) l’angle socio économique
présente la performance « comme la manière dont est organisé l’entreprise pour atteindre ses
objectifs », en tenant compte du facteur social ; (4) l’angle économique et financier mesure
l’efficacité économique de l’entreprise à travers ses résultats tels que présentés dans la
comptabilité.
Enfin, Rive (2001) dans ses travaux sur la performance des équipes commerciales distingue
différents types de performance. Au niveau le plus bas, nous avons la performance individuelle,
en l’occurrence celle du vendeur dans notre étude. Cette performance est associée aux
performances individuelles des personnels administratifs des ventes pour former la performance
des équipes commerciales. La performance de l’équipe commerciale est celle de la force de
vente et des personnels d’assistance à la vente. Selon l’auteur, cette performance ne doit pas être
entendue comme la somme des performances individuelles des personnels de la vente, mais
plutôt comme un « tout », tel que la contribution de l’équipe soit supérieur à la simple addition
des performances individuelles. L’association de la performance des équipes commerciales et de
la performance des systèmes de gestion22 conduit à la performance commerciale ». La
performance organisationnelle enfin, est la combinaison de la performance commerciale avec
d’autres types de performance (performance financière, performance de production).
2.3.1.2. Les différentes approches de la performance du vendeur
La performance du vendeur a fait l’objet d’une intense investigation, nous présentons dans
cette étude les travaux de quelques chercheurs dont le contenu présente un intérêt pour notre
étude.
§ L’approche de Zeyl (2003)
Pour Zeyl, la performance du vendeur doit être analysée dans le cadre d’une relation. Cette
relation peut se situer à différents niveaux de l’activité de vente : la relation entre l’entreprise et
le vendeur, la relation entre l’entreprise et le client et la relation entre le vendeur et le client.
Lorsque l’évaluation de la performance se situe dans la relation entreprise-vendeur, l’entreprise
21 Encyclopédie de gestion, 1997 22 Ensemble des pratiques et des actions qui permettent de gérer les vendeurs.
64
est considérée comme un input à travers les objectifs, les missions et tâches, les moyens
financiers et matériels mis à la disposition du vendeur. Et, le vendeur comme un output par les
résultats qu’il obtient, la qualité d’exécution des tâches et la tenue des budgets. C’est une
performance de court terme qui porte généralement sur les résultats et l’activité du vendeur.
Lorsque la performance du vendeur est évaluée à partir de la relation entreprise-client, il est
important de tenir compte des attentes de l’entreprise. L’ambition de l’entreprise étant
généralement de satisfaire et de fidéliser le client, la contribution du vendeur portera sur une
meilleure information en amont et en aval de l’acte de vente et sur une meilleure gestion des
relations avec les personnels internes concernés par la gestion du client (marketing, technique,
SAV). Lorsque l’évaluation de la performance du vendeur se situe dans la relation vendeur-
client, le vendeur cherchera à établir une relation de confiance avec son client. Alors que dans le
premier cas, la performance du vendeur se situe dans le cadre d’une relation fonctionnelle entre
l’entreprise et le vendeur, dans les cas suivants, elle s’établie dans le champ de la relation avec le
client et vise le long terme.
Figure 4. Rubriques courantes dans la mesure de la performance du vendeur / entreprise
INPUT
Quota de résultats
Quota d’activité
Quota de frais
Activités
Gestion des Moyens propres
Gestion des moyens alloués
Evaluation
du vendeur
Résultats
Réalisations
Tenue de frais
OUTPUT
Quantitatif
:
en valeur absolue et en ratio
Entreprise Vendeur********
Qualitatif : Appréciation
Source : Zeyl (2003)
§ L’approche de Parissier et al (2005)
Pour tenir compte de la complexité des tâches et des missions qui sont confiées au vendeur,
Parissier et ses collègues définissent un « modèle intégrateur d’évaluation de la performance du
vendeur » plus ambitieux. Ces auteurs distinguent quatre types de performance du vendeur : (1)
la performance des résultats est la dimension traditionnelle et la plus utilisée dans les
recherches académiques. Elle évalue objectivement les résultats réalisés par le vendeur dans son
65
activité ; (2) la performance de comportement, plus subjective, permet d’évaluer les
comportements à l’origine des résultats obtenus par le vendeur. Ces deux dimensions se
caractérisent par leur complémentarité, dans la mesure où de nombreuses études confirment
l’idée selon laquelle « une plus haute performance comportementale conduit à un niveau plus
élevé des résultats » (Sprimont, 2003) ; (3) la performance « dans le rôle » fait référence au
comportement du vendeur dans l’accomplissement des tâches et des missions qui lui sont confiés
par son employeur, lorsque celui-ci réalise les objectifs de l’entreprise, il accompli son rôle ; (4)
la performance « extra rôle » consiste pour un vendeur à manifester volontairement un
comportement altruiste et citoyen vis-à-vis de l’entreprise, de ses collègues de travail ou des
clients, sans que cela fasse nécessairement l’objet d’une récompense.
Cette conceptualisation repose sur l’idée selon laquelle la performance du vendeur doit se
mesurer à son efficacité, à partir de son effort personnel en dehors de toutes autres contributions,
notamment de l’entreprise. Par conséquent, aux quatre dimensions des performances précitées
sont associés trois interfaces. Ces interfaces sont construites à partir des différents acteurs qui
sont susceptibles d’évaluer la performance du vendeur, c’est-à-dire le vendeur lui-même, la force
de vente prise comme une entité organisationnelle à travers ses supérieurs hiérarchiques, et les
clients avec qui elle interagit. Ces trois acteurs forment les trois interfaces du modèle envisagé
par les auteurs, à savoir : l’interface « vendeur-organisation», l’interface « vendeur-client » et
l’interface « organisation-client ».
Figure 5. Conceptualisation de la performance du vendeur
Performance totale
Client
Vendeur Organisation (vendeur excepté) Performance extra rôle
organisation COC-C Individu COC-I
Performance dans le role
Performance spécifique
Performance Comportementale
Performance extra-role
Client COC-C
Performance non spécifique
Source : Parissier, Mathieu et Echchakoui (2005)
66
En reprenant à notre compte les résultats de l’analyse de Parissier et al, nous constatons que la
performance des résultats est une performance composite qui tient compte, à la fois des résultats
réalisés par le vendeur du faits de ses efforts personnels, performance que nous qualifierons de
« performance spécifique », mais aussi des résultats engrangés par l’entreprise par tout autre
moyens en dehors du vendeur, que nous qualifions de « performance non spécifique ». Alors
que la performance spécifique peut se situer dans le cadre de la relation « vendeur-client » parce
qu’elle est la contribution du vendeur, la performance non spécifique se situerait dans la relation
« organisation-client » car elle est la contribution de l’entreprise. A la performance
comportementale est associée l’interface « vendeur-client » par le fait qu’elle traduit les
comportements « vendant » du vendeur, ceux qui permettent de conclure rapidement une vente,
tels que la connaissance du produit ou des techniques de persuasion.
La performance « dans le rôle » et la performance « extra-rôle » correspondent à l’interface
« vendeur- organisation » car elles constituent pour le vendeur l’accomplissement des taches qui
sont rattachées à l’exercice de sa fonction dans l’entreprise.
En partant de ce qui précède, notre propos s’appuiera sur l’interface « vendeur-organisation »
et plus précisément sur la relation vendeur-entreprise dans une approche fonctionnelle (Zeyl,
2003). Nous entendons évaluer la réussite du processus de socialisation des vendeurs
indépendants à travers deux indicateurs majeurs de la performance du vendeur, à savoir la
performance « dans le rôle » et la performance « extra-rôle ». Selon Parissier et al (2005), « la
performance dans le rôle se réfère au comportement du vendeur qui consiste à accomplir de
façon continue les tâches et activités formelles associées à un poste telles que prescrites par son
employeur ». Cette performance est d’origine comportementale car elle repose sur un effort
particulier du vendeur dans l’application des directives ou du mandat qu’il reçoit de l’entreprise,
notamment en ce qui concerne les missions et les tâches dont il a la charge. La performance
« dans le rôle » s’appuie par conséquent sur les activités qui relèvent de la fonction du vendeur,
c’est-à-dire du rôle qui lui est fixé par l’entreprise et non pas par les clients. La performance
« extra-rôle », se réfère au comportement citoyen du vendeur dans le cadre de son activité. Ce
comportement peut s’avérer très utile dans les forces de vente indépendantes, où il est souvent
demandé aux vendeurs des tâches d’accompagnement (coaching ou mentoring) qui ne sont pas
toujours rémunérées, et qui nécessite un suivi. Ce modèle de performance présente un intérêt
particulier dans le cadre de notre étude, il offre l’opportunité de pouvoir isoler la performance du
vendeur de toutes autres influences extérieures. Selon Churchill et al (1985), la performance de
la force de vente est définie comme une évaluation des vendeurs à la contribution des objectifs
de l’entreprise. Il s’agit en l’occurrence de la contribution nette, de ce que le vendeur fournit
67
personnellement comme effort pour réaliser les objectifs de son entreprise. Cette contribution est
mieux évaluée dans cette relation parce qu’elle porte sur les taches et les missions qui relèvent de
la fonction du vendeur tels que : le planning des ventes, le nombre de visites, le retour
d’informations, le travail d’équipe, le soutien à la vente et le contrôle des dépenses.
Figure 6. Critères d’évaluation de la performance du vendeur
Critères qualitatifs
Performance Extra rôle
-Aide aux clients - Conscience - Vertu civique -Sportivité Comportement d’aide : Altruisme Courtoisie Pacification Encouragement
Performance Comportementale
Commission technique Adaptation à la vente Habilité à la vente Présentation
Critères quantitatifs
Performance dans Le rôle
-Connaissance technique -Adaptation à la vente -Habilité à la vente -Présentation
-Planning de visites -Travail d’équipe -Retour de l’information - Support à la vente
Performance spécifique
-Volumes de ventes -Profits -Nombre de commandes -Taux de pénétration
Source : Parissier, Mathieu et Echchakoui, 2005)
2.3.2. La satisfaction générale
La satisfaction générale a été proposée comme variable indépendante par Feldman (1976)
dans son modèle séquentiel de socialisation. Elle est considérée comme une mesure globale du
niveau de satisfaction et de bonheur éprouvé par un employé dans son travail.
2.3.2.1. Le concept de satisfaction au travail
La satisfaction au travail est un concept central de la gestion des ressources humaines. Elle
conditionne la performance de l’employé et la qualité de ses relations avec les autres. Selon Lock
(1976), la satisfaction au travail est un « état émotionnel résultant de l’estimation de la mesure
dans laquelle le travail permet à l’individu d’atteindre ou de facilité l’atteinte des valeurs qu’il
place dans le travail. Le sentiment de satisfaction est ainsi fonction de la relation perçue entre ce
que l’individu veut retirer de son travail et ce que son travail lui offre». Poujol (2008) précise
que cette satisfaction dépend du niveau de convergence entre ce que la personne désire et ce
qu’elle retire de son travail. Aussi, travailler dans un environnement donné, travailler avec
certaines personnes ou avoir certains bénéfices (rémunération, récompenses..) peut être, selon
68
l’auteur, source de satisfaction. Dans une revue de la littérature sur les approches théoriques de la
satisfaction au travail, Comeau (1992) identifie quatre conceptions scientifiques : (1) l’approche
physico-économique s’intéresse aux conditions de travail indésirables qui agissent sur la
productivité, telles que la fatigue, l’ennuie, et la monotonie du travail. Cette approche est
marquée par le management scientifique de Taylor (1911) et s’emploie à proposer des
« solutions favorisant l’aménagement des lieux de travail, la modification des mouvements
corporels dans le travail, et des conditions salariales attractives ». Il s’agit de rendre le travail
« moins difficile et plus productif », tout en motivant le travailleur. Mais comme le démontre
l’évolution du taylorisme, cette approche va davantage s’intéresser à la productivité qu’a la
satisfaction du travailleur. La deuxième approche émane de l’école des relations humaines, et
particulièrement des travaux d’Elton Mayo (1924-1932) et d’Herzberg (1923-2000). Les
expériences réalisées par Mayo dans l’usine de la Western Electric montrent que les relations
humaines permettent d’obtenir une meilleure productivité que les conditions dans lesquelles ils
travaillent. L’auteur établit de ce fait une relation positive entre la satisfaction et la productivité.
Par la suite, en s’appuyant sur la théorie des besoins de Maslow (1962), Herzberg développe une
théorie qui considère que la responsabilité et l’autonomie individuelle permettent aux travailleurs
de satisfaire les besoins supérieurs, mais c’est surtout dans ses recherches empiriques que
l’auteur va mettre en évidence deux ensembles de satisfaction au travail : les facteurs valorisants
ou de satisfaction, et les facteurs d’ambiance, dits aussi de mécontentement ou d’hygiène. Les
facteurs valorisant concernent « les relations entre les travailleurs et ce qu’ils font »
(accomplissement, reconnaissance, responsabilité, et avancement). Les facteurs d’ambiance se
réfère aux « rapports des employés avec le milieu dans lequel ils travaillent, et ne provoquent
que des changements de durée » (politique d’entreprise, le superviseur, la rémunération, relations
entre les personnes, et les conditions de travail). La troisième approche relative aux modèles de
causalité découle des recherches réalisées depuis les années 1950 sur la satisfaction au travail.
Trois modèles de causalité sont principalement cités dans la littérature : Le premier modèle
prend en compte les variables personnelles, du travail et organisationnelles pour prédire la
satisfaction ; le deuxième modèle se réfère au poids relatif des différentes facettes du travail sur
la satisfaction des travailleur ; et le troisième modèle tient compte des motivations ou des
valeurs. Lock (1976) identifie sept facteurs permettant d’améliorer la satisfaction au travail : (1)
un travail stimulant et réalisable, (2) un intérêt personnel envers le travail, (3) une démarche
physique raisonnable, (4) un programme de récompense juste, lié aux intérêts des travailleurs,
(5) de bonnes conditions de travail, (6) l’estime des collègues, et (7) le soutien du personnel.
Cette approche s’appuie sur le développement d’instruments de mesure de données quantitatives
reconnus tels que le « Job Descriptives Index » qui mesure les réactions individuelles à travers
69
cinq domaines de satisfaction au travail (travail, supervision, salaire, promotion et collègues), le
« Leadership Behavior Description Questionnaire» (LBDQ) et le « Organizational Climate
Descriptive Questionnaire » (OCDQ) qui permet d’évaluer le climat organisationnel d’une
entreprise, l’accomplissement dans le travail et la reconnaissance. La quatrième approche émane
de l’école critique et particulièrement de la sociologie critique dont les fondements sont attribués
à Karl Marx (1818-1883). Elle prône une reconstruction de la société, en mettant en évidence
les blocages, les conflits, et de façon générale les contradictions entre les « pratiques sociales et
les idéologies ». Dans cette approche, la satisfaction est analysée sous un angle historique car il
s’agit de traiter « l’évolution des besoins, des désirs, et des formes d’organisation du travail ». La
totalité est un concept primordial dans la mesure où la satisfaction est analysée sous toutes ses
formes. L’objectif de cette approche est « d’identifier les pratiques libératrices et indiquer les
facteurs favorables à l’épanouissement des producteurs ». Plus récemment, différents modèles
théoriques sont développés dans le cadre de la satisfaction au travail. Ces approches tiennent
compte des préoccupations actuelles des entreprises, telles l’attraction et la rétention de la main-
d’œuvre qualifiée, la primauté de la satisfaction de la clientèle, et la concurrence.
Par ailleurs, les recherches sur la satisfaction ont permis d’établir des liens empiriques entre la
satisfaction et différents résultats du travail. Les concepts qui sont le plus souvent associés à la
satisfaction sont la performance au travail, le turnover, l’absentéisme, l’engagement dans
l’organisation et l’engagement dans le travail. Ainsi, il est généralement admis qu’il existe une
faible relation entre la satisfaction et la performance, mais que c’est la performance qui prédit le
mieux la satisfaction, seulement lorsque la performance est liée à une augmentation de la
rémunération (Jacobs et Salomon, 1977). Concernant le turnover, il apparait de façon générale
que la satisfaction s’est toujours révélée comme un bon indicateur du turnover (Tett et Meyer,
1993), même si dans ce domaine les conditions économiques constituent le facteur le plus
important dans la prédiction du turnover. S’agissant de l’absentéisme, les recherches montrent
que c’est l’absentéisme qui cause l’insatisfaction et non le contraire (Thérenou, 1993), mais à
l’inverse la satisfaction contribue à diminuer l’absentéisme. L’engagement organisationnel
correspond à « la force de l’implication et de l’identification de l’employé avec l’entreprise, alors
que l’engagement dans le travail traduit la force de l’identification de l’employé avec son travail.
Ainsi, il existe globalement des corrélations entre ces différentes attitudes et la satisfaction, mais
il peut aussi avoir des relations dans le sens contraire. La satisfaction au travail peut donc être
considérée comme un moteur des différents résultats au travail précités, et un précieux indicateur
de la socialisation organisationnelle.
70
Plus récemment, Clark (2004) développe un modèle explicatif de la satisfaction au travail et
propose six types de variables qui permettent de considérer un emploi de satisfaisant : le salaire,
les heures travaillées, les promotions et la sécurité de l’emploi, le degré de difficulté, le contenu
et les relations professionnelles. Selon cet auteur, la mesure de la satisfaction au travail permet
de prédire les comportements de la main-d’œuvre sur le marché ; les employés insatisfaits sont
plus portés à quitter prématurément l’organisation ; la satisfaction au travail est négativement
corrélée à l’absentéisme et positivement corrélée à la productivité ; et les employés insatisfaits
participent moins à la vie organisationnelle.
2.3.2.2. La satisfaction au travail des forces de vente
Le niveau de satisfaction (ou d’insatisfaction) d’un vendeur est une réponse émotionnelle à
l’évaluation de ses performances (Darmon, 2012, p. 155). Selon l’auteur, l’existence d’une
corrélation entre la satisfaction des vendeurs et leur performance nécessite de maintenir chez les
vendeurs un haut niveau de satisfaction, car les vendeurs insatisfaits sont moins motivés, moins
performants, et peuvent envisager quitter l’entreprise. Dans la littérature consacrée au
management des forces de vente, de nombreuses études empiriques ont permis de mettre en
évidence les déterminants et les conséquences de la satisfaction au travail du vendeur.
§ Les travaux de Churchill et al.
Churchill, Ford et Walker (1974) définissent la satisfaction comme un état affectif à plusieurs
facettes comprenant le travail lui-même, les collègues de travail, l’encadrement, les politiques de
l’entreprise, la rémunération, les promotions et les politiques d’avancement, et les clients. A
partir de ces sept dimensions de la satisfaction au travail, les auteurs élaborent un instrument de
mesure de la satisfaction adapté à la force de vente. Cet instrument tient compte de trois
caractéristiques spécifiques du rôle du vendeur : (1) le rôle frontière du vendeur qui sert
d’interface entre l’entreprise et sa clientèle ; (2) la place centrale du vendeur dans la réalisation
de la performance de l’entreprise, et l’intérêt pour l’entreprise d’influencer ses comportements ;
et (3) les exigences du rôle de vendeur, en termes d’innovation et de créativité. Ces
caractéristiques font que le rôle du vendeur est décisif dans le succès des efforts marketing de
l’entreprise, mais peuvent aussi dans le même temps engendrer des tensions de rôle et de
l’insatisfaction chez les vendeurs. Par la suite, Churchill, Ford et Walker (1976) examinent
l’impact de plusieurs variables du climat organisationnel perçu sur la satisfaction au travail des
vendeurs du secteur industriel. Pour obtenir une plus grande acuité de la façon dont le climat
affecte la sensibilité des vendeurs dans leur travail, les auteurs étudient les relations que chacune
71
des variables du climat entretient avec les sept dimensions de la satisfaction au travail des forces
de vente. Les variables du climat organisationnel sont reparties en deux sous catégories : les
variables qui relèvent de la relation avec le management ou le climat managérial, et les variables
interpersonnelles ou climat interpersonnel. La première catégorie comprend, la proximité de la
supervision, la participation ou non du vendeur à la fixation des standards de contrôle, le nombre
d’interlocuteur qui influencent l’activité des vendeurs, et l’innovation dans l’activité. Ces
variables ont un impact positif sur la satisfaction au travail du vendeur dans la mesure où un
management structuré et directif est perçu par ces derniers comme un soutien indispensable à
l’accomplissement de leur travail. A l’inverse, les variables du climat managérial peuvent être
une source d’insatisfaction lorsque les vendeurs perçoivent qu’elles réduisent leur autonomie et
les libertés auxquelles ils aspirent dans leurs activités. La deuxième catégorie concerne les
conflits et les ambigüités de rôle. Ces variables du climat interpersonnelles se réfèrent aux
relations que le vendeur entretient avec les différentes personnes qui ont un intérêt avec son
activité, à l’intérieur (superviseurs, les collègues de travail) comme à l’extérieur de l’entreprise
(clients, fournisseurs, famille). Ces relations induisent des attentes qui ne sont pas toujours
connues du vendeur, et engendre des incertitudes dans la réalisation de son travail (ambiguïté de
rôle). Il peut aussi s’avérer que les attentes des partenaires soient incompatibles et impossibles à
satisfaire, occasionnant aussi du stress et de l’anxiété dans l’accomplissement des tâches qui
relèvent de leur activité. Ces perceptions de rôle ont un impact négatif sur la satisfaction du
vendeur.
§ Les travaux de Brown et Peterson
Dans leur méta-analyse sur les antécédents et les conséquences de la satisfaction au travail des
vendeurs, Brown et Peterson (1993) identifient quatre groupes de variables : Le premier groupe
comprend les résultats du travail, à savoir la performance de vente, l’engagement
organisationnel, et la propension à quitter et le turnover. Ces variables sont le plus souvent
considérées comme les conséquences de la satisfaction du vendeur au travail. (2) les variables de
différences individuelles incluent les variables démographiques (l’âge, l’éducation, l’expérience,
et la teneur organisationnelle), et les variables dispositionnelles (la motivation au travail, les
tâches spécifiques et l’estime de soi). (3) les variables relatives aux perceptions de rôle telles que
le conflit, l’ambiguïté, et la clarté de rôle sont fréquemment étudiées dans ce contexte, et
semblent avoir des effets importants sur la satisfaction au travail. Il ressort que l’ambigüité et le
conflit de rôle sont négativement liés à la satisfaction, alors que la clarté de rôle est positivement
liée à la satisfaction au travail du vendeur. (4) les variables organisationnelles sont reparties en
deux sous groupes, d’une part les comportements de supervision sont déclinés à travers la nature
72
et la qualité des interactions des managers avec les vendeurs ont des effets sur la satisfaction au
travail des vendeurs, d’autre part les caractéristiques du travail/tâches sont liées à la satisfaction,
et comprennent l’autonomie des tâches, le sens des tâches, la variété des tâches, la participation,
l’influence des standards, l’innovation exigée, l’implication dans le travail, l’adéquation des
valeurs et la rémunération.
§ Le modèle de satisfaction de Durrieu
Dans une approche plus adaptée aux préoccupations actuelles des entreprises (attraction et
rétention des employés), Durrieu (2000) développe un modèle de satisfaction des vendeurs par
dimensions. Cette approche permet d’avoir « une idée plus complète qu’une approche globale,
un employé pouvant avoir des sentiments distincts sur les différents aspects de son travail ».
L’auteur distingue dans son modèle de la satisfaction au travail trois catégories de dimensions.
La première est liée au poste et fait valoir les préoccupations des vendeurs sur l’évolution de la
carrière, l’autonomie, la rémunération et la conciliation travail-vie privée. Ainsi, les vendeurs
sont sensibles à leur possibilité d’évolution, et comparent très souvent leur rémunération à celles
des autres à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise (équité). Les vendeurs accordent
également une importance particulière à l’autonomie dans l’organisation de leurs activités, étant
donné qu’ils sont mieux placés que leur encadrement à connaitre la clientèle de l’entreprise.
L’arbitrage entre vie privé et vie professionnelle est un indicateur de la satisfaction du vendeur
dans la mesure où ses deux facettes de la vie du vendeur peuvent engendrer des conflits de rôles.
La seconde dimension est liée à l’organisation et concerne les moyens matériels à disposition, le
rôle dans l’organisation, le soutien matériel et professionnel, l’ambiance de travail, la cohésion
dans l’équipe de travail, et l’importance de la rétroaction. Ces variables regroupées sous le
vocable « support organisationnel représente l’engagement de l’organisation vis-à-vis des
vendeur et l’aide qu’elle leur apporte à la réalisation de leurs tâches ». Le support
organisationnel révèle le climat organisationnel, c’est-à-dire l’impression globale que les
individus ont de leur organisation. L’instauration d’un climat propice développe « la cohésion et
crée un environnement dans lequel les individus se disent plus satisfaits ». Enfin, le support
organisationnel peut s’exprimer aussi à travers la définition précise du rôle et des tâches que les
vendeurs doivent assumer dans leurs activités, permettant d’éviter les conflits et ambigüités de
rôle néfastes à la satisfaction au travail. La troisième dimension est liée à l’environnement et
prend en compte le positionnement de l’entreprise et la conjoncture sectorielle. La conjoncture
est illustrée par ses aspects négatifs tels que la précarité croissante des statuts des salariés, les
politiques d’externalisation, les réductions d’effectifs dues aux opérations de fusion et
acquisition. Ces variables peuvent avoir des effets directs ou indirects sur la satisfaction au
73
travail. Les résultats empiriques obtenus de la perception qu’ont les vendeurs de leur satisfaction
font apparaitre des différences notables entre le modèle initial et le modèle vérifié
empiriquement. Ainsi, pour ces derniers, la satisfaction au travail s’organise autour de trois
dimensions : le poste de travail, l’activité commerciale, et l’environnement. Cette structure de la
satisfaction est marquée par l’émergence de la variable « activité commerciale » qui explique
que les vendeurs passent l’essentiel de leur temps de travail sur le terrain, et la forte présence de
la variable environnement traduit une relation directe entre le dynamisme de l’environnement et
la satisfaction au travail. Il faut aussi noter les liens entre la perception de l’autonomie dans le
travail et la satisfaction des vendeurs d’une part, et le fait que la satisfaction à la rémunération
reste une composante importante de la satisfaction au travail des forces de vente.
2.3.2.3. La satisfaction au travail des vendeurs indépendants
Alors que la satisfaction au travail des forces de vente est considérée comme un « moteur »
indispensable à l’émergence de nombreux comportements et attitudes au travail, peu de
recherches intègrent la satisfaction des vendeurs indépendants, et encore moins s’intéressent
spécifiquement à eux. A la différence des vendeurs salariés, les vendeurs indépendants disposent
d’une plus grande autonomie dans leur travail, cependant ils doivent composer avec les
spécificités de ce statut d’emploi, telles la rémunération à la commission ou l’absence d’un
soutien formel de l’organisation, qui peuvent être sources de stress et par conséquent
d’insatisfaction. Aussi, en l’absence d’une littérature appropriée, nous nous référons aux
recherches réalisées sur la satisfaction du travailleur indépendant, en général, en espérant que les
conclusions tirées de ces études peuvent être appliquées aux vendeurs indépendants. Nous
complétons cette revue de la littérature avec les résultats de notre étude préliminaire.
La résurgence du travail indépendant, comme modèle alternatif d’organisation du travail
salarié a suscité auprès des chercheurs, principalement Nord-Américains, un courant de
recherche qui s’intéresse aux comportements et attitudes de cette catégorie de travailleurs. Les
études réalisées dans ce domaine ont dans un premier temps consister à comparer la satisfaction
du travailleur indépendant avec celle du salarié sur un certains nombre d’indicateurs. Ainsi,
certains auteurs admettent que les travailleurs indépendants ont davantage de satisfaction en
emploi que les salariés (Bradley et Roberts, 2004 ; Hundley, 2001). Tremblay et Genin (2008)
soulignent que cette affirmation s’explique par le fait que : (1) la satisfaction des travailleurs
indépendants repose sur la flexibilité et l’autonomie que permet leur statut ; (2) le travail
indépendant offre des occasions de développement supérieur ; (3) le travailleur indépendant
accède à un emploi plus lucratif. Même si les auteurs admettent que l’attitude des individus par
74
rapport aux attributs du travail indépendant varie avec l’âge, ils reconnaissent que les
travailleurs indépendants sont plus engagés dans leur rôle professionnel, à cause de leur
responsabilité personnelle dans la survie de leur entreprise. D’autres auteurs estiment que les
travailleurs indépendants sont moins satisfaits et éprouvent un moins grand sentiment de sécurité
face à leur emploi que les travailleurs salariés (Homs, 1979), ou que les revenus et les conditions
d’emploi de la majorité de ces travailleurs indépendants sont inférieures à ceux des employés
salariés comparables (Hamilton, 2000). D’autres enfin, à l’exemple de Porter (1995)
n’établissent pas de différence entre les salariés et les indépendants, quant à leur satisfaction
générale. Cependant, Bourhis (1997) constate que de telles comparaisons ne sont pas pertinentes,
dans la mesure où ces recherches n’expliquent pas toujours les différences qui existent dans les
attitudes et comportements des travailleurs. L’auteur propose donc un modèle qui permet de
comprendre les attitudes et les comportements des travailleurs indépendants, en intégrant non
seulement les expériences psychologiques, mais aussi les caractéristiques, individuelles,
organisationnelles, et sociales. Beaucage et Bellemare (2000) vont plus loin en élaborant cinq
profils différents révélant le degré de satisfaction des travailleurs, à partir de leur expérience de
travail d’indépendants : (1) les « comblés » sont des individus entièrement satisfaits de leur
expérience de travail. Les motifs de satisfaction étant largement supérieurs aux motifs
d’insatisfaction, ils manifestent un refus catégorique de quitter leur emploi pour un emploi
salarié ; (2) les « nuancés » sont autant satisfaits que les « comblés », cependant ils sont moins
tranchés dans leur envie de retrouver un emploi salarié ; (3) les « tenaces » sont des individus qui
idéalisent leur emploi d’indépendant. Ils font globalement un bilan négatif de leur expérience,
mais ne sont pas prêts de quitter ce statut pour un idéal d’autonomie et de liberté ; (4) les
insatisfaits sont des individus qui font état d’un bilan complètement négatif de leur expérience de
travail. Les satisfactions qu’ils retirent de leur travail ne compensent pas les difficultés
rencontrées. Ils sont prêts à quitter ce statut pour un emploi salarié ; (5) les très insatisfaits
présentent également un bilan très négatif de leur expérience de travail, et estiment avoir été
contraint d’accepter ce travail ; Ils sont prêts à quitter immédiatement leur emploi. Les motifs de
satisfaction (ou d’insatisfaction) concernent aussi bien des variables qui sont liés à l’emploi qu’a
l’expérience entrepreneuriale. L’autonomie dans l’organisation, l’exécution des tâches et la
flexibilité des horaires sont des variables qui sont valorisées par les trois premiers profils, mais
moins par les deux derniers. Les variables sur l’insécurité financière ou la multiplicité des tâches
relatives au travail indépendant constituent des obstacles insurmontables pour les insatisfaits et
les très insatisfaits, mais des défis pour les « comblés » et les « nuancés ». Enfin, certaines
variables telles que le soutien familial, le soutien de l’état, à travers les programmes
gouvernementaux, ou encore les avantages fiscaux du statut relèvent de l’expérience
75
entrepreneuriale. Ces variables sont, de notre point de vue, consistantes pour l’évaluation de la
satisfaction au travail des vendeurs indépendants. L’étude exploratoire réalisée auprès des agents
commerciaux montre que les vendeurs indépendants sont, comme les autres travailleurs
indépendants, sensibles à divers facteurs liés intrinsèquement à leur emploi. Cependant, à la
différence des autres travailleurs indépendants les vendeurs indépendants attachent beaucoup
d’importance aux bénéfices pécuniaires. En effet, les vendeurs interrogés se disent satisfaits dans
leur emploi lorsqu’ils atteignent une certaine stabilité financière, et que l’augmentation de leur
revenu dépend de leurs propres efforts dans le travail.
2.3.3. Le turnover des vendeurs indépendants
Le turnover est depuis plusieurs années l’objet d’une intense activité de recherche aussi bien
dans le domaine du comportement organisationnel, que dans le management des forces de vente
(Johnston et al, 1987 ; Lucas et al, 1987). Le turnover des vendeurs demeure une préoccupation
majeure des entreprises qui commercialisent leurs produits par le biais d’une force de vente, dans
la mesure où il affecte le fonctionnement de celle-ci (Xardel, 1993). Le concept de turnover
s’inscrit dans une problématique beaucoup plus large qui intègre les problèmes d’attraction et de
rétention des employés. En effet, pour être compétitifs sur leur marché, les entreprises ont
besoin, non seulement de recruter les meilleurs vendeurs, mais aussi de les conserver le plus
longtemps possible. Pour cela, elles doivent veiller à ce que le turnover soit le plus bas possible
(Commeiras et Fournier, 2006), car un turnover élevé impacte négativement, tant les coûts de
l’entreprise que les relations qu’elle espère établir avec sa clientèle. Dans cette section, nous
tenterons d’abord de présenter le turnover comme un dysfonctionnement du comportement du
vendeur, même si dans une certaine mesure ce comportement peut être souhaité par l’entreprise.
Puis, nous analysons les aspects théoriques et empiriques du turnover des vendeurs.
2.3.3.1. Le turnover : un dysfonctionnement du comportement
Le turnover des forces de vente est diversement défini dans la littérature comme le taux de
départ des vendeurs conditionné aussi bien par la décision du vendeur, que par celle de
l’entreprise (Cron et al, 2006). Lorsque cette décision émane de l’entreprise, on parle de turnover
fonctionnel ; dans ce cas le turnover est planifié et intègre la politique de l’entreprise à travers la
gestion des promotions ou des départs à la retraite des vendeurs atteints par la limite d’âge. Le
turnover peut être aussi souhaité pour les vendeurs qui ne remplissent pas les critères de
performance requis par l’entreprise (Darmon, 2012, 1993). Selon l’auteur, la décision de se
séparer d’un vendeur peu performant est prise lorsque les coûts engendrés par ce dernier
76
(salaires, frais de vie, etc.) ne peuvent plus couvrir les résultats de son activité. Quand la décision
de partir émane du vendeur, le turnover est dit dysfonctionnel, car ce type de départ concerne
essentiellement les vendeurs performants dont l’activité impacte positivement les résultats de
l’entreprise. Les chercheurs en management des forces de vente ont particulièrement privilégié le
turnover volontaire, probablement parce qu’il demeure le plus imprévisible, et par conséquent le
plus couteux pour les entreprises. Alors que le turnover fonctionnel profite à l’entreprise et offre
à cette dernière la possibilité de remplacer les vendeurs les moins performants, le turnover
dysfonctionnel engendre des coûts qui altèrent la productivité de l’entreprise. Ces coûts sont
repartis dans deux grandes catégories de coûts, les coûts directs relatives au recrutement et à la
formation des nouveaux vendeurs, et les coûts indirects liés à l’adaptation, à la perte potentielle
de clients et au manque à gagner occasionné par l’absence d’un vendeur sur le territoire de vente
(Futrell et Parasuraman, 1984 ; Jolson et al, 1987) (Cf. tableau 17).
Tableau 5. Récapitulatif des coûts suscités par le turnover
Catégorie de coûts Eléments de coûts
Couts directs
1. Coûts de départ - indemnités de départ (résiliation du contrat) - divers dédommagements en fonction du statut
2. Coûts de recrutement et de sélection - génération de nouvelles candidatures - évaluation et procédures de recrutements
3. Coût de formation du nouveau vendeur - le temps consacré à l’accompagnement du nouveau vendeur - coûts directs des programmes de formation
Coûts indirects
4. Coûts différentiels de performance - différence de niveau dû à la qualification entre le nouveau et le sortant. - différence de performance occasionnée par les perspectives de carrière.
5. Coûts différentiels de rémunération et d’encadrement.
- lorsque le salaire du nouveau est plus élevé que celui de l’ancien vendeur. - lorsque le nouveau vendeur nécessite plus d’encadrement ou de supervision.
6. Coûts engendrés par la vacance du territoire
- le manque à gagner suscité par l’absence du vendeur sur le territoire. - la baisse de service quand le territoire est attribué à un vendeur déjà occupé.
7. Coûts différentiels de qualité du territoire de vente
Opportunités d’affaires perdues suscités par la perte de clients restés fidèles sortant, et qui détériore
8. Coûts sociaux et organisationnels - rupture de relations sociales et des réseaux entretenus par le vendeur sortant. - diminution du niveau de satisfaction des vendeurs restants dans l’équipe de vente.
Source : adapté de Darmon (2012)
77
La croissance continue de ces coûts a pour effet, d’une part de réduire la rentabilité de
l’entreprise, car le rôle de la force de vente est de générer des ventes qui vont accroitre les profits
de l’entreprise ; et d’autre part de détruire le pouvoir relationnel de l’entreprise par la perte de
clients actuels et potentiels. Dans ce contexte, le turnover élevé des vendeurs demeure une
problématique centrale du management des forces de vente, car il est difficile pour une entreprise
d’établir des relations durables avec une force de vente qui renouvelle constamment son
personnel (Commeiras et Fournier, 2006 ; Fournier, 2000).
2.3.3.2. Les multiples déterminants du turnover
Le turnover est un champ de recherche particulièrement prolifique si l’on dénombre la
quantité de recherches qu’il a suscitées. Cet engouement est dû dans une large mesure à la
recherche des causes à l’origine du turnover, et donc des solutions permettant de réduire les
coûts liés à la fréquence des départs des vendeurs. Cependant, malgré l’intérêt porté par la
recherche sur les déterminants susceptibles d’expliquer ces départs, le turnover demeure un
phénomène peu compréhensible et extrêmement difficile à prédire (Lucas et al, 1987). Les
efforts déployés par les chercheurs pour avoir une meilleure compréhension du turnover des
vendeurs, ont consisté à développer dans le champ du management des forces de vente, les
théories et les concepts déjà appliqués au management en général et à d’autres types d’emplois.
Selon Gerhart (1990), les premiers travaux de théorisation sur les déterminants du turnover sont
à mettre au crédit de March et Simon (1958) pour qui le déterminant le plus apte à prédire de
façon crédible le turnover est l’état de l’économie. Autrement dit, le turnover fluctue en fonction
du marché de l’emploi. Lorsque le marché est caractérisé par le plein emploi, le turnover
volontaire des employés à tendance à s’élever, alors que lorsque les emplois deviennent rares, le
turnover volontaire tant plutôt à se réduire. Ces auteurs tentent de développer une théorie
générale du turnover qui s’appuie sur deux déterminants ; (1) les avantages perçus de partir de
l’organisation théorisés à travers les concepts d’engagement organisationnel et de satisfaction au
travail ; et (2) les bonnes raison de partir théorisées à partir de la qualité des opportunités
alternatives d’emploi (Boles et al, 2012). Dans le sillage de ces travaux, la satisfaction au travail
et l’engagement organisationnel seront utilisés par la suite comme variables médiatrices ou
modératrices dans un nombre important de modèles sur le turnover. Pour synthétiser cette
littérature, nous nous appuyons sur la revue de la littérature de Holtom et al (2008) sur le
turnover. En effet, l’auteur dresse une revue chronologique des grandes tendances de la
recherche sur le turnover ces dernières années. Il distingue trois grandes périodes. La première
période avant 1985 se réfère à la mise en place des grands modèles théoriques qui vont servir de
« rampe » de lancement à la recherche sur le turnover. Plusieurs variables sont mobilisées au
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cours de cette période dont les plus importantes sont la satisfaction au travail, l’engagement
organisationnel, les différences individuelles, et la nature du travail.
La période allant de 1985 à 1995 est marquée par de nombreux travaux qui prennent en
compte les variables contextuels, notamment celles qui mettent en relation l’individu et
environnement de travail ; les variables organisationnelles telles que la culture, la cohésion du
groupe, le système de récompense, le sexe et les variables démographiques ; il y a aussi les
variables qui témoignent des interactions de l’employé avec son contexte de travail, tels que le
superviseur et les collègues de travail ; ces relations sont intégrées dans une relation plus
générale entre l’adéquation individu-environnement et le turnover. Nous notons aussi
l’utilisation des trois dimensions de l’engagement organisationnel (Allen et Meyer, 1991) dans
l’explication du turnover, ainsi que l’émergence de nouvelles attitudes, comme le stress, le bien-
être et l’incertitude dans la recherche. Enfin, il faut souligner au cours de cette période
l’émergence de variables qui ne sont pas liées à l’insatisfaction, mais qui proviennent des
évènements liés à l’environnement, tel que le « choc » ressenti par un individu face à une
situation discordante et qui peut l’inciter à partir.
Dans la période partant de 1995 à la date de parution de son article (2008), l’auteur observe
sept tendances dans le développement de la recherche sur le turnover : (1) un approfondissement
des recherches sur les variables individuelles telles que la personnalité, la confiance personnelle,
la détermination ou l’échange leader-membre ; (2) un approfondissement des recherches sur les
relations entre les tensions liées au changement organisationnel et le turnover ; (3) une recherche
sur les modèles alternatifs d’explication du turnover à partir des évènement liés à
l’environnement de travail (le choc de réalité, la violation d’un accord, la satisfaction aux
bénéfices attendus, la recherche d’un emploi alternatif) ; (4) une amplification des recherches sur
les variables contextuelles ; (5) un intérêt particulier sur la recherche des facteurs favorisant la
rétention ; (6) la recherche sur les modèles dynamiques prenant en compte le temps et le
processus du turnover ; (7) un développement de la compréhension des premières relations entre
la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel et le turnover.
Ce résumé non exhaustif sur les concepts mobilisés dans la littérature montre l’effort réalisé
par la recherche sur le turnover en général, mais comme le soulignait déjà Lucas et al (1987) un
nombre réduit de déterminants identifiés dans la littérature du comportement organisationnel a
été appliqué à la force de vente. Les premiers travaux sur le turnover des vendeurs ont tenté
d’identifier l’impact de certains déterminants relatifs aux caractéristiques du vendeur, aux
facteurs liés à sa fonction, et à l’environnement sur le turnover (Darmon, 1993). Concernant les
79
caractéristiques du vendeur, trois caractéristiques sont souvent mobilisées pour expliquer le
turnover des vendeurs, à savoir l’âge, l’ancienneté, et la formation académique du vendeur
(Lucas et al, 1987). Dans leur recherche, Parasuraman et Futrell (1983) montrent qu’il existe une
relation négative entre l’âge, l’ancienneté et le turnover, par contre ils observent dans le même
temps une relation significative positive entre la formation académique et l’intention de partir. Il
apparait dans ces recherches que l’âge soit un meilleur déterminant du turnover ; ils expliquent
que les départs volontaires sont plus importants chez les jeunes vendeurs que parmi les anciens.
Les caractéristiques liées au poste telles que, la performance ou le système de récompense ont
été analysés comme possibles déterminants du turnover (Darmon, 1993). Selon l’auteur, la
relation entre la performance et le turnover du vendeur semble difficile à déterminer, car le
turnover peut affecter aussi bien les vendeurs performants que ceux qui le sont moins.
Cependant, si le départ des vendeurs les moins performants est apprécié par le management,
celui des vendeurs performants constitue un dysfonctionnement. La recherche indique que les
vendeurs performants sont ceux qui sortent le plus, ou qui présentent des intentions de sortir
(Spencer et Steers, 1981 ; Futrell et Parasuraman, 1984 ; Porter et Steers, 1973), alors que ceux
qui restent sont les moins performants. Selon Muchinsky et Well (1985), ces relations dénotent
de la mauvaise compréhension que nous avons de la relation entre la performance et le turnover.
Par ailleurs, les recherches qui ont tenté d’établir des liens entre le turnover des vendeurs et la
satisfaction envers leur fonction décrivent dans la majorité des cas des relations négatives ;
d’autres études indiquent l’existence de relations négatives et certains composants de la
satisfaction au travail tels que, la rémunération, le travail lui-même, les superviseurs, et les
promotions (Lucas et al, 1987). Les tensions de rôle ont été mobilisés aussi pour expliquer le
turnover des vendeurs ; certaines études indiquent que la relation entre les tensions de rôle et le
turnover étaient le plus souvent médiatisées par la satisfaction au travail (Dunbinsky et al, 1990 ;
Commeiras et Fournier, 1994). Enfin, de nombreuses études ont montré que le turnover du
vendeur pouvait être affecté par des facteurs liés à l’environnement de la force de vente tels que,
le type de produit commercialisé par les vendeurs, l’organisation des ventes, ou la nature de
l’emploi à plein temps ou à temps partiel (Wotruba, 1990).
Comme nous l’avons noté dans les études sur le turnover en général, les recherches plus
récentes sur turnover des forces de vente ont tenté d’identifier les déterminants qui prédisent le
mieux le turnover, en considérant l’influence simultanée de plusieurs facteurs (Boles et al, 2012).
Ainsi, ces auteurs prennent en compte dans leur modèle conceptuel en même temps les facteurs
liés à l’environnement (marché, économie, culture, etc.), à l’organisation (climat organisationnel,
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éthique, socialisation, etc.), au manager des ventes (équitabilité, considération, etc.), à l’équipe
(dispersion, taille, etc.), et aux vendeurs (démographie, personnalité, performance, etc.).
81
SECTION 2. ANALYSE CRITIQUE DES TRAVAUX REALISES EN
MANAGEMENT DES FORCES DE VENTE EXTERNES
Selon Fournier (2016, p.40), la distinction entre vendeurs externes et vendeurs internes peut
caractériser l’externalisation des force de vente. Nous analysons dans cette section la littérature
sur le management des vendeurs externes, en relevant les insuffisances tant conceptuelles que
théoriques qui caractérisent le champ de recherche du management des forces de vente. Nous
proposons dans un premier temps de définir le concept d’externalisation des forces de vente, puis
de montrer ses limites par rapport à notre approche de la force de vente (1). Ensuite, nous
procédons à une analyse des théories mobilisés dans ce champ de recherche afin de ressortir leur
insuffisance (2). Enfin, nous étudions les conséquences managériales liées à l’utilisation des
forces de vente externes (3).
1. L’externalisation des forces de vente : définitions et limites
Le terme externalisation est un dérivé du mot anglais « outsourcing » qui désigne une
opération de transfert d’un bien ou d’un service d’une entreprise vers une société tierce appelée
prestataire. Il met en scène trois types d’acteurs, l’entreprise externalisatrice ; le prestataire de
vente et les vendeurs externalisés.
1.1. Définitions et conceptualisation
Dans la littérature, l’externalisation peut être définie de deux manières différentes. La
première considère l’externalisation comme le fait de recourir à un fournisseur extérieur plutôt
que réaliser l’activité en interne (Frery, 1995, 1996 ; Groves, 1995). Cette définition, prise au
sens large du terme assimile l’externalisation à de la sous-traitance. La seconde par contre adopte
une approche étroite, en considérant l’externalisation comme l’achat d’un bien ou d’un service
qui était auparavant réalisé en interne (Lacity et Hirschhiem, 1993).
En management des forces de vente, Leroux et Peretti (2004) définissent l’externalisation
comme le fait de « substituer à des contrats de travail internes à l’entreprise, des contrats
commerciaux portant sur les ressources humaines nécessaires à l’entreprise » ou tout simplement
« l’achat d’une prestation en ressources humaines, qui se réalise auprès de prestataire
juridiquement indépendant ». Selon ces auteurs, l’expression « force de vente externalisée ou
force de vente supplétive » désigne les forces de vente externes qui prennent en charge de façon
ponctuelle ou permanente, une partie ou l’ensemble de l’action commerciale d’une entreprise. Il
s’agit donc d’une forme récente d’externalisation des ressources humaines.
82
Par ailleurs, l’externalisation est aussi appréhendée comme un changement organisationnel
qui modifie les frontières de l’entreprise, et nécessite une évolution de la gestion des hommes
(Desreumaux, 1996). Ainsi, lorsqu’une entreprise externalise totalement ou partiellement sa
force de vente, elle doit envisager la perte de l’autorité qu’elle exerçait sur les vendeurs à travers
le lien hiérarchique, et par conséquent l’impossibilité d’agir directement sur des comportements
potentiellement dysfonctionnels du vendeur (Gosse, 1999). Dans la littérature, deux logiques
d’externalisation des forces de vente sont couramment développées. La première, et la plus
courante se réfère au transfert de tout ou partie de l’activité commerciale d’une entreprise auprès
d’une autre entreprise prestataire. Les vendeurs externalisés sont les employés du prestataire,
mais la gestion des ressources humaines et des missions qui sont confiées à la force de vente font
l’objet d’une collaboration inter-entreprise (Guillemin et Godard, 2004 ; Boissinot, 2006).
Autrement dit, les vendeurs, le personnel administratif et/ou commercial, le matériel, les
logiciels et la logistique permettant à l’ensemble de fonctionner dépendent d’une autre entreprise
(Leroux, 2004). La relation ainsi établie est inter-organisationnelle et pose, à priori, moins de
problème de supervision, le vendeur étant encadré par l’entreprise prestataire. Il suffit que
l’accord, entre les deux entreprises, précise bien les objectifs à atteindre. La seconde consiste à
transférer une partie de son activité commerciale (ex. la prospection) auprès des vendeurs
indépendants agissant sous le statut d’agent commercial (Moeneclaey, 2013). Le prestataire de
vente peut être une personne physique où une personne morale qui est gérée directement par
l’entreprise externalisatrice. Lorsque le prestataire de vente est une personne physique, et qu’il
exerce son activité de façon permanente au sein d’une entreprise, la relation entre le prestataire
de vente et l’entreprise externalisatrice prend une dimension particulière (Leroux, 2004 ;
Barthelemy, 1996).
1.2. Les apports de la théorie au management des vendeurs indépendants
Les vendeurs indépendants sont des prestataires de l’entreprise dont le contrôle échappe
complètement aux responsables à cause de leur position à l’extérieur des frontières de
compétence de l’entreprise. Sur le plan théorique, deux approches, dites économiques,
permettent d’appréhender plus intensément le concept : la théorie des coûts de transaction et la
théorie d’agence. Nous développons dans les paragraphes qui suivent les fondements de ces
théories, leur application au management des forces de vente externalisées, ainsi que leurs
limites à appréhender le management des forces de vente.
83
1.2.1. La théorie des coûts de transaction
La théorie des coûts de transaction développée par Williamson(1975,1985), est inspirée des
travaux de Coase (1937) sur les dispositifs de coordination et le questionnement sur les frontières
de l’entreprise. Selon Coase, le marché et la firme proposent deux logiques de coordination
différentes (le prix et la hiérarchie) qui peuvent être utilisées de façon alternative en fonction de
leur efficacité relative. Le marché est utilisé tant que ses coûts sont relativement moins élevés
que ceux de l’entreprise, et vice versa. Coase pose donc en ces termes, le problème de l’efficacité
de la transaction dans l’utilisation de deux solutions possibles de coordination (le marché et
l’organisation) qui aboutit à une théorie sur la nature de la firme, traitant des frontières de
l’entreprise, ainsi que des relations interentreprises. Sur la base de cette opposition marché-
hiérarchie, Williamson (1985) élabore une théorie des coûts de transactions fondée sur des
mécanismes contractuelles pour assurer la coordination des transactions réalisées, non seulement
entre les entreprises, mais aussi entre les entreprises et les individus. Selon Ménard (2012), la
théorie des coûts de transaction « porte sur l’arbitrage entre modes alternatifs d’organisation des
activités économiques et sur l’impact que peut avoir l’environnement institutionnel sur cet
arbitrage.
La théorie des coûts de transaction repose sur trois concepts qui sont la transaction, les coûts
de transaction et la structure de gouvernance. Selon Ghertman (2006), le terme transaction est
synonyme d’échange et implique au moins deux agents économiques (entreprises ou unités
opérationnelles) qui se distinguent par une technologie différente. Les coûts de transaction sont
inhérents à la transaction et leur importance dépend de trois attributs qui sont liés à la
transaction. Le premier attribut concerne la spécificité des actifs et correspond à des montants
importants investis, qui sont uniques et qui ne peuvent pas être redéployés, ou qui sont
difficilement redéployables vers un autre échange (Williamson, 1999). Plusieurs types de
spécificité d’actifs existent comme, la spécificité de lieu, physique, de marque et humaine. Cet
attribut est de loin le plus important, puisqu’il peut « influencer les coûts de transaction, mais
aussi la nature du produit ou de la technologie qui feront l’objet de la transaction » (Ghertman,
2006). Le deuxième attribut concerne l’incertitude qui est subdivisé en deux types : l’incertitude
interne repose sur la « complexité et le caractère tacite des tâches réalisées au cours de la
transaction », et l’incertitude externe est liée aux facteurs de l’environnement de l’entreprise. Le
troisième attribut se réfère à la fréquence des transactions, qui peut être faible ou élevée selon les
transactions.
L’arbitrage sur la structure de gouvernance est fonction des attributs de transaction et des
coûts de transaction qui en découle. Le marché sera choisi comme structure de gouvernance
84
lorsque les transactions sont d’un niveau de spécificité faible, d’incertitude interne et des
fréquences élevées. Cependant, plus la spécificité des actifs et l’incertitude interne sont élevées
et que la fréquence des transactions est faible, plus la gouvernance se fera par un contrat ou par
la hiérarchie dans l’entreprise. Mais il arrive que dans ces formes de gouvernance les partenaires
adoptent des comportements opportunistes, avec pour objectif d’obtenir une position dominante
sur l’autre. La littérature distingue trois types de comportement. La « sélection adverse » est une
forme de tricherie qui se produit avant la signature du contrat, elle est rendue possible par
l’asymétrie d’information. Le « hasard moral » correspond à une tricherie qui se manifeste
durant la phase d’exécution du contrat, compte du caractère incomplet des contrats.
L’opportunisme sous la forme de « holdup up » correspond à l’avènement d’un comportement
différent de ce qui a été prévu et anticipé par le partenaire après la signature du contrat. Lorsque
ces comportements opportunistes apparaissent, la théorie des coûts de transaction suggère que la
transaction soit gérer en interne par la hiérarchie, à travers la supervision direct ou autrement par
un contrat spécifique.
Dans la littérature réservée au management des forces de vente externalisées, la théorie des
coûts de transaction apparait pertinente pour expliquer le choix du mode de gouvernance le plus
efficient pour la force de vente (Gosse et Sprimont, 1999 ; Leroux et Peretti, 2007). Il s’agit de
choisir entre un contrat salarial et un contrat commercial, pour s’attacher les services d’une force
de vente.
1.2.2. La théorie d’agence
La théorie de l’agence développée par Jensen et Menckling (1976) est à l’origine une idée
ambitieuse des auteurs de créer une théorie du comportement des organisations fondée sur
l’hypothèse da rationalité des acteurs, particulièrement des managers. Elle s’appuie, dans son
élaboration, sur la théorie des droits de propriété (Alchian et Demsetz, 1972) dont elle est le
prolongement et le modèle principal-agent qui relève des théories de l’incitation. La théorie
d’agence s’intéresse particulièrement aux problèmes de coordination et de contrôle à l’intérieur
d’une unité économique, qu’elle soit une administration ou une entreprise. Comme l’explique
Charreaux (2000), « elle s’applique à l’architecture organisationnelle et à la gouvernance
d’entreprise ». La théorie d’agence s’est construite dans le domaine de la finance
organisationnelle, dans le but d’apporter des réponses au fonctionnement et la gestion de la
grande entreprise par actions, mais son influence s’étend désormais dans tous les domaines des
sciences de gestion, ce qui en fait une théorie générale des organisations.
85
Jensen et Menckling (1976) définissent la relation d’agence comme un contrat pour lequel
une ou plusieurs personnes (le principal) engagent une autre personne (l’agent) pour exécuter
une tâche quelconque qui implique une délégation d’un certain pouvoir de décision à l’agent. Les
auteurs considèrent l’entreprise comme un nœud de contrat, c’est-à-dire un système dans lequel
« le dirigeant contracte de façon centralisée au nom de la firme avec l’ensemble des partenaires
apporteurs de facteurs de production ou clients » (Charreaux, 2000). Ce qui signifie que toutes
les relations au sein de l’entreprise sont des relations contractuelles fondée sur une opposition
entre deux agents, et particulièrement sur le modèle d’opposition entre le principal (actionnaire)
qui est détenteur des capitaux et l’agent (le dirigeant) qui est chargé d’exploiter les moyens de
production à sa demande. Plusieurs relations de cette nature existent dans le monde de
l’entreprise (employeur-employé, Manager de vente- vendeur, etc.), elles permettent de
comprendre le bien fondé de la relation d’agence. En effet, il est essentiel de retenir que la
demande du principal n’est possible que parce que ce dernier est dans l’incapacité cognitive
d’assurer convenablement cette tache. Il s’en remet donc à un spécialiste, mieux outillé pour
l’accomplir. Cependant, comme nous l’avons dit ultérieurement, la position privilégiée de
l’agent (Dirigeant) peut l’amener à manipuler l’information qu’il transmet au principal
(actionnaire) et à d’autres partenaires. Un tel comportement est dit opportuniste, dans la mesure
où l’agent essaie de maximiser ses propres intérêts au détriment des intérêts du principal et des
autres parties prenantes. Aussi, pour s’assurer que l’agent va exécuter sa tache conformément
aux recommandations du principal, la théorie d’agence prévoit des mécanismes de contrôle qui
vont permettre au principal de stabiliser les relations avec l’agent et de minimiser les coûts
d’agence. Deux types de contrôle sont privilégiés par les théoriciens de l’agence, le monitoring
(surveillance) et les incitations financières. Le monotoring désigne l’ensemble des mécanismes
de surveillance que l’entreprise déploie pour s’assurer que l’agent travaille conformément à ses
intérêts. Les incitations financières, quant à elles, regroupent tous les efforts financiers consentis
par l’entreprise afin de décourager l’opportunisme de l’agent. Elles sont matérialisées chez le
dirigeant par un intéressement sur les revenus de l’entreprise, et chez l’employé par un salaire
comportant une partie fixe et partie variable prépondérante et représentatives des efforts réalisées
par ce dernier dans son activité.
Dans les forces de vente externalisées, la position de l’agent est occupée par le vendeur
indépendant et celle du principal par l’entreprise à travers son responsable commercial. Le rôle
d’interface qu’occupe le vendeur, entre l’entreprise qu’il représente et sa clientèle, lui donne un
accès privilégié à l’information commerciale, voire stratégique. Le vendeur peut être tenté, dans
ce cas de figure, d’utiliser cette information à ses propres fins et priver l’entreprise
86
d’opportunités d’affaires. L’opportunisme du vendeur est la conséquence du peu d’emprise que
le responsable commercial a sur l’activité du vendeur, dû probablement à son externalité et à la
nature de sa relation contractuelle avec l’entreprise. Anderson (1988) montre dans ses recherches
que les vendeurs intégrés (salariés) présentent un niveau d’opportunisme nettement moins élevé
que les indépendants. Nous tenterons de montrer dans le paragraphe qui suit que les limites que
présentent les mécanismes de contrôle sur l’opportunisme des vendeurs, aussi bien dans la
théorie d’agence que dans la théorie des coûts de transaction, sont à l’origine des
dysfonctionnements observés dans le management de cette catégorie de vendeurs.
1.3. Les limites des théories économiques
Les théories d’agence et des coûts de transaction expliquent la performance et la pérennité des
formes organisationnelles, par la minimisation des coûts d’agence et de transaction. Bien
qu’elles développent une vision différente du contrat, ces théories proposent un modèle de
gestion qui permet de concevoir l’économie comme un vaste « réseau de contrat », qui ne
distingue plus l’entreprise et le marché, mais qui s’appuie sur des « arrangements
organisationnels et contractuels » adaptés aux problèmes de coordination qui se posent aux
contractants. Or, les dispositifs contractuels qui sous-tendent cette philosophie de gestion
présentent des limites, dans la mesure où ce sont des hommes qui les mettent en place, et que ces
individus sont dotés d’une rationalité limitée (Simon, 1947), et peuvent adopter des
comportements opportunistes. Les limites cognitives des individus à prévoir toutes les situations
possibles, ainsi que les conséquences qui découlent de ces situations, conduisent à l’élaboration
de contrats incomplets, source d’opportunisme. La gestion des comportements opportunistes se
révèle donc être un aspect important du dispositif de coordination, qui demande à être
perfectionné pour que ces formes organisationnelles soient véritablement performantes dans la
durée.
Traditionnellement, dans le management des forces de vente, l’opportunisme des vendeurs
s’exprime par le fait que les managers des ventes n’ont qu’une pale information de la façon dont
les vendeurs accomplissent leurs tâches sur le terrain (Anderson, 1988). Selon l’auteur, cet
opportunisme peut prendre différentes formes, comme la déformation de l’information ou des
résultats de vente, la falsification des rapports de visites ou la promesse d’un travail non tenue,
etc. Le travail du vendeur se déroulant essentiellement à l’extérieur de l’entreprise, les manager
ont peu d’emprise sur ce qui est considéré comme leur « temps productif » (Camus et Veran,
2004). En d’autres termes, il est impossible de savoir exactement comment le vendeur occupe
son temps de travail lorsqu’il est en dehors de l’entreprise. Il y a donc manifestement un déficit
87
naturel d’informations que les vendeurs utilisent à leur profit. Cette situation peut s’avérer
délicate lorsqu’il s’agit de vendeurs indépendants dont la caractéristique est d’être des
multicartes, c’est-à-dire des vendeurs qui représentent plusieurs entreprises différentes. Ces
vendeurs sont exposés à plusieurs formes d’opportunismes, c’est le cas des vendeurs qui
multiplient les contrats de représentation dans le but de maximiser leurs revenus. Ils présentent
un peu plus à la vente les produits qui proposent les meilleurs taux de commissionnement.
L’inconvénient, dans cette pratique est que les vendeurs sont moins performants, car ils n’ont pas
le temps matériel de traiter toutes leurs « cartes » avec la même attention. Il est aussi courant de
constater que certains vendeurs indépendants détournent leurs ventes au profit d’un concurrent,
afin d’obtenir une meilleure rémunération. L’asymétrie d’information est dans ces situations la
principale source d’opportunisme, mais il arrive également que l’opportunisme provienne de
sources différentes. Ainsi, on peut penser que dans le management des forces de vente
externalisées certains comportements opportunistes sont traités de façon inappropriés par des
outils inadaptés, ce qui conduit à des dysfonctionnements organisationnels comme on a pu le
constater sur le terrain. Il existe donc un décalage entre les dispositifs de coordinations
développées par les théories d’agence (monitoring et incitations financières) et de coût de
transaction (direction et supervision) plutôt orientés vers une coordination interne des activités
de l’entreprise et la gestion de vendeurs positionnés à l’extérieur de l’entreprise. Même si la
question des frontières a été résolue par la mise en place du contrat, il n’en demeure pas moins
que les dispositifs n’apparaissent pas consistant, au regard des problèmes de gouvernance
rencontrés dans la gestion des vendeurs indépendants. Wathne et Heide (2000) soulignent que la
faiblesse de ces dispositifs de coordination est due au fait que l’opportunisme ait été traité de
façon générale, sans tenir compte des spécificités que pouvait recouvrir ce phénomène. De plus,
ils précisent que l’asymétrie d’informations n’est pas la seule source de comportements
opportunistes, celles-ci pouvant prendre plusieurs formes en fonction des circonstances. (Cf.
Tableau 6)
88
Tableau 6. Les formes de l’opportunisme et les résultats possibles
Evasion Effets sur les coûts : Décroissance pour O 5(court-terme) Croissance pour E (long terme) Effet sur le revenu : Décroissance pour E et S (long terme)
Refus de s’adapter Effets sur les coûts : Minimal Effet sur le revenu : Croissance pour O (long terme), décroissance pour E et O (long-terme, renonce au revenu à cause d’une mauvaise adaptation
Violation Effets sur les coûts : Croissance pour E (long terme) Effet sur le revenu : Croissance pour O (court terme) Décroissance pour E et S (long terme)
Forcé à renégocier Effets sur les coûts : Croissance pour E (marchandage, concessions) Effet sur le revenu : Croissance pour O 5(court-terme, obtention de concessions), décroissance pour E et O (long terme, renonce au revenu à cause d’une mauvaise adaptation).
Source : Traduit de Wathne et Heide (2000)
Selon les auteurs, les formes d’opportunismes sont déterminées par les comportements actifs
ou passifs des individus ou des organisations, en tenant compte des circonstances (actuelles ou
nouvelles) dans lesquelles ces comportements sont exprimés. Ainsi, (1) lorsque des
comportements exprimés sont passifs et que les circonstances sont d’actualité, l’opportunisme
prend la forme d’une esquive, il s’agit d’individus qui cherchent à se dérober. (2) Cependant, si
les comportements sont passifs et que les circonstances changent, l’opportunisme s’apparente à
de l’inflexibilité ou à un refus d’adaptation. De même que, (3) lorsque les comportements sont
actifs et que les circonstances sont courantes, l’opportunisme est exprimée par la partie qui
s’engage dans des comportements prohibés, en violation des règles. Enfin, si les comportements
sont actifs et que les circonstances changent, l’opportunisme est exprimé par la partie qui
cherche à extorquer des concessions de l’autre. Wathne et Heide (2000) ne remettent pas en
cause le dispositif de coordination développé par Williamson (1985). Ils considèrent simplement
que ces outils étaient adaptés aux circonstances du moment. Par conséquent, ils proposent de
compléter le dispositif en intégrant des pratiques de gestion des ressources humaines. La
sélection pour réduire l’asymétrie d’information et tenir compte de la sélection naturelle, et la
socialisation pour promouvoir la convergence des objectifs de toutes les parties. (Cf. tableau 9).
L’opportunisme est un comportement déviant néfaste à la relation contractuelle, dans la
mesure où il se développe au gré des « failles » qui peuvent subsister dans le dispositif
contractuel. Il est nécessaire que les managers d’équipes développent de nouvelles stratégies en
tenant compte de l’évolution des comportements de leurs collaborateurs. Cette adaptation est
89
essentielle pour le management des vendeurs indépendants qui entretiennent une relation assez
large avec l’entreprise.
2. Conséquences managériales liées à l’externalisation des forces de vente
2.1. La perte de direction et le contrôle de la force de vente
L’agent commercial est un travailleur indépendant dont la profession est caractérisée par
l’absence d’un lien de subordination avec le commettant. Cependant, en présence d’un lien de
subordination, le contrat d’agent commercial peut être requalifié en contrat de travail régi par le
code du travail. En effet, certaines situations peuvent favoriser la résurgence de ce lien de
subordination. C’est notamment le cas des réunions organisées par le mandant, dont la fréquence
pose quelques problèmes d’ordre juridique et pratique. La relation entre l’agent commercial et
son mandant est soumise à une obligation d’informations. Cet échange d’informations doit avoir
pour but de faciliter l’exécution du mandat et ne doit pas être le moyen pour le mandant de
contrôler l’agent ou de le placer dans un lien de dépendance ou de subordination. La
rémunération à la commission du vendeur est une caractéristique très importante de son statut.
On constate très souvent qu’un salarié est rémunéré par un fixe et que la rémunération d’un agent
commercial est essentiellement variable. Cette règle établie a inspiré deux approches théoriques.
Selon Jensen et Meckling,23 la rémunération du vendeur est déterminée en fonction de la capacité
de l’entreprise à évaluer le comportement du vendeur. Lorsque le vendeur peut faire l’objet d’un
contrôle par le comportement, c’est-à-dire qu’il est possible de surveiller étroitement son
activité, l’entreprise choisira une rémunération fixe. Par contre, lorsque l’activité du vendeur ne
peut être contrôlée efficacement, l’entreprise appliquera une rémunération variable.
Williamson24 par contre se base sur « l’incertitude » pour choisir les composantes du système de
rémunération des vendeurs. Selon l’auteur, lorsque l’incertitude à réaliser une vente est grande,
l’entreprise doit privilégier une rémunération variable.
Cependant, il est important de relativiser cette indépendance car dans la réalité il exécute un
mandat, c’est-à-dire qu’il reçoit un ensemble d’instructions qui lui sont donné par le mandant, et
qui impliquent qu’il rende des comptes. Certains auteurs y voient dans cette relation un lien de
subordination implicite, dans la mesure où le vendeur est financièrement dépendant de
l’entreprise et qu’il lui est imposé de suivre certaines méthodes, ou des processus de vente
prédéfinis (Moeneclaey, 2013). Selon cet auteur, la position d’agent commercial révèle des
disparités importantes entre les aspirations des individus (autonomie, revenu plus important…) 23 Cité par 24 Cité par
90
qui envisagent occuper cette position, et les usages que les entreprises font de cette forme
d’emploi.
Du point de vue de l’entreprise, l’utilisation des vendeurs indépendants répond à des besoins
stratégiques. Elle permet à l’entreprise de minimiser ses coûts et de pouvoir s’offrir sur le
marché des compétences qu’elle ne peut entretenir en interne. Or, en choisissant d’externaliser
leur vendeurs ou certaines de leurs activités commerciales, les entreprises prennent également le
risque de perdre le contrôle et la direction de leurs forces de vente (Moulinier, 2005), et par
conséquent la visibilité qu’elles souhaitent avoir sur leur marché. Cette disposition est renforcée
par la position frontalière du vendeur, source de pouvoir de par la maitrise que ce dernier peut
avoir sur l’information et la liberté d’appliquer ou non les règles définies par l’entreprise
(Campoy et al, 2005). Aussi, pour conserver la commercialisation effective de leurs produits et la
maitrise de leur marché, certains managers sont tentés de passer outre les dispositions juridiques,
avec le risque de démotiver les vendeurs et d’assister à une requalification des contrats en cas de
litige. Ce qui affecterait la performance de l’entreprise. Le vendeur est ainsi placé dans une
« double position frontalière » qui peut avoir des implications sur son management (Commeiras
et al, 2003). Ces auteurs définissent cette position comme le fait pour un agent d’appartenir à
deux sous-systèmes différents. D’une part, le vendeur est considéré comme un prestataire
extérieur, il entretient une relation de partenariat avec l’entreprise. D’autre part, il est traité
comme un employé salarié, ce qui le situe dans une position de subordination par rapport à
l’entreprise.
2.2. L’émergence d’une nouvelle relation d’emploi
La relation d’emploi est définie comme « le lien que tisse un employé, un individu avec son
organisation, ses représentant et les membres qui la compose ». Dans la tradition fordienne, cette
relation est décrite dans une relation de travail dans laquelle l’employé et l’employeur sont liés
par un contrat de travail qui définit les obligations des parties, à savoir la prestation de travail en
contrepartie d’une rémunération. Le contrat de travail établit, non seulement un lien de
subordination, mais aussi une relation hiérarchique qui confère à l’employeur le droit de
superviser directement l’activité de l’employeur. Cependant, depuis quelques temps on assiste,
avec les mutations récentes du marché du travail, à une dilution du lien hiérarchique remettant en
question la forme traditionnelle de l’emploi au profit d’emplois plus flexibles, et par conséquent
à une redéfinition des relations d’emploi. Ainsi, on est passé d’une forme d’emploi type basée
sur un contrat de travail à durée indéterminée (CDI), vers des formes d’emplois atypiques dont
l’utilisation bouscule quelque peu les usages traditionnels de la relation d’emploi. Les emplois
91
atypiques (ou « contingent Works » en anglais) sont définies comme « des emplois éloignés de la
norme du contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée, et dont la durée et la fréquence
dépendent des besoins aléatoires des entreprises » (Polivka et Nordone, 1989). Parmi ces emplois
atypiques, les auteurs citent les emplois à temps partiel, l’emploi temporaire, le louage de
prestations, l’emploi autonome, les contrats extérieurs et l’emploi à domicile. Pour illustrer la
distance qui sépare un emploi type avec les différents emplois atypiques, Evéraeré (1999)
propose dans une représentation en cercles concentriques, les formes d’emplois auxquelles ont
recours les entreprises en France. Hormis le temps partiel et les contrats aidés, la structure de
l’emploi est quasi identique à celle du Gabon (Cf. figure 4).
Figure 7. Les différentes formes d’emplois en France
Travailleurs indépendants, sous traitants sur site
Intérimaires
Temps partiel, stages
Contrats aidés, CDD
CDI temps plein
Source : Evéraeré (1999)
L’auteur démontre à travers cette figure que, plus ces emplois s’éloignent de la norme qu’est
le contrat à durée indéterminé à temps plein, plus le relâchement du lien hiérarchique est
important et plus l’emploi est instable. La situation extrême est celle où le lien s’étend jusqu’à la
rupture, comme c’est le cas pour les travailleurs indépendants et les sous-traitants sur site. Les
travailleurs indépendants qui nous intéressent particulièrement dans cette configuration, sont
parmi les emplois atypiques les plus éloignés de la norme. La relation d’emploi entre l’entreprise
et le travailleur indépendant est une relation plutôt distante car fondée, non pas sur un contrat de
travail, mais sur un contrat commercial qui donne plus de liberté aux acteurs. Le travailleur
indépendant s’identifie davantage à son travail qu’à l’entreprise qui l’emploie, ce qui implique
92
un faible engagement vis-à-vis de celle-ci, et par conséquent des difficultés de management
(Belous, 1989). L’agent commercial est un vendeur indépendant, et son fonctionnement s’inscrit
dans cette logique organisationnelle. Pourtant, des signes concordants permettent de relever la
volonté de nombreux managers des ventes à impliquer davantage ces vendeurs à la vie de leurs
entreprises. Ainsi, une clause d’exclusivité est annexée au contrat de mandat, et oblige le
vendeur à travailler exclusivement pour une marque ou pour une entreprise. La raison principale
étant la maîtrise des compétences des vendeurs, qui deviennent un facteur de compétitivité. En
effet, si l’externalisation des forces de vente permet à l’entreprise de minimiser ses coûts, elle
provoque par la même occasion la mise à disposition sur le marché des compétences qu’elle
contribue à développer, et qui pourraient la desservir. L’expérience acquise par un vendeur dans
un travail particulier étant considérée comme un actif spécifique qui améliore la performance des
ventes dans ce travail (Anderson, 1985). Cependant, pour concilier la flexibilité qu’elle
recherche dans sa relation avec le vendeur et sa nécessaire implication, l’entreprise ne mobilise
pas toujours les bonnes pratiques pour y parvenir. Nous formulons l’hypothèse que les difficultés
rencontrées par les entreprises à impliquer leurs vendeurs indépendants, reposent sur une
mauvaise appréciation de la relation d’emploi. Les informations recueillies dans notre étude
préliminaire auprès des agents commerciaux ont révélé que les pratiques mises en œuvre, telles
que les réunions hebdomadaires, les directives ou les injonctions faites aux vendeurs par les
responsables commerciaux n’étaient pas conformes aux contrats qui les liaient. Il est donc
nécessaire de rappeler les contours de la relation d’emploi atypique, et particulièrement de la
relation d’emploi d’indépendant.
La relation d’emploi entre un employeur et un employé est étudiée à travers le contrat
psychologique. La théorie sur le contrat psychologique indique que cette relation repose sur
deux types de contrats. Un contrat formel et écrit qui spécifie l’ensemble des obligations
réciproques, généralement codifiées dans des termes juridiques, et un contrat psychologique qui
renferme les attentes implicites et réciproques relatives à la relation d’emploi. Dans la littérature
consacrée au contrat psychologique, les recherches effectuées à ce jour portent essentiellement
sur la relation d’emploi traditionnelle, dans laquelle l’employeur promet un emploi stable et une
évolution dans la carrière en échange de sa fidélité. L’évolution des rapports professionnels vers
une relation d’emploi atypique implique nécessairement une modification des obligations
réciproques des acteurs. Ainsi, il est admis que cette relation repose désormais sur la garantie
qu’offre l’entreprise en matière de formation et de développement, en échange de l’implication
de l’employé. Mais, ce domaine de recherche ne dispose pas encore de suffisamment de travaux
empiriques, ce qui ne permet pas d’évaluer concrètement les effets de cette « nouvelle relation
93
d’emploi ». Cependant, il est indéniable que cette nouvelle approche de la relation d’emploi
d’indépendant joue un rôle majeur dans la socialisation des agents commerciaux. Dulac (2005)
indique qu’au moment de leur entrée dans l’organisation, les nouvelles recrues recherchent
également des informations concernant leur relation d’emploi. Selon l’auteur, c’est à ce moment
que se forme le contrat psychologique qui va régir la relation d’emploi. Il propose à cet effet un
processus de formation du contrat psychologique en trois étapes : (1) « la socialisation
« anticipatoire » est l’étape de la formation d’un contrat psychologique « anticipatoire » qui
repose sur les obligations perçues par la future nouvelle recrue au moment du recrutement ; (2)
« la rencontre » est l’étape de la réévaluation du contrat « anticipatoire » par la nouvelle recrue,
confrontée à la réalité organisationnelle ; (3) « le changement et l’acquisition » est l’étape dans
laquelle la nouvelle recrue dispose d’une meilleure connaissance de sa relation d’emploi et
possède des certitudes qui l’aident à s’ajuster progressivement.
2.3. L’impact de l’environnement socioculturel sur le management.
La culture est un concept qui tire ses origines des sciences sociales et particulièrement de
l’anthropologie. Le petit Larousse la définit comme l’ensemble des convictions partagées, de
manière de voir et de faire qui orientent plus ou moins consciemment le comportement d’un
individu, d’un groupe dans une société donnée. Dans l’entreprise, on parle de culture
d’entreprise pour désigner un ensemble de traditions, de structures et de savoir-faire qui assurent
un code de comportements implicites et la cohésion à l’intérieur de l’entreprise. De ce fait, la
culture est le socle à partir duquel les individus vont être socialisés, par l’apprentissage des
normes, des valeurs, des croyances et des rites de leur société ou de leur entreprise, et se
construire une identité sociale. La culture permet de comprendre le fonctionnement des individus
dans une société donnée, et son utilisation en management donne une meilleure compréhension
des rapports sociaux dans l’entreprise, étant donné que celle-ci a une histoire et des croyances
qui influencent nécessairement son organisation. Les facteurs socioculturels sont des
phénomènes sociologiques qui s’expliquent par référence à la culture qui prévaut à un moment
donné dans la société ou dans l’entreprise en tant que structure sociale. Ils peuvent être
appréhendés comme un ensemble complexe de connaissances, de croyances, d’aptitudes et
d’habitudes qu’acquièrent les individus en tant que membres d’une société. Ces facteurs
socioculturels ont nécessairement une influence sur les pratiques organisationnelles et le
management de l’entreprise.
Nous proposons d’apporter un éclairage sur les facteurs socioculturels qui expliquent les
comportements des acteurs, dans l’environnement des entreprises gabonaises, en nous appuyant
94
sur l’approche de d’Iribarne (2011) du concept culture. En effet, d’Iribarne explique que les
conceptions de la culture qui relèvent des « coutumes partagées », ou « transmises au fil du
temps », « objet d’un respect plus ou moins superstitieux » ne permettent pas de rendre compte
de ce qui se passe dans les sociétés modernes ou dans les entreprises. Il préfère à cette
conception, une « culture politique » partagée par un ensemble d’individus dont le destin est plus
ou moins lié par l’histoire. Pour appréhender cette culture, l’auteur identifie deux couches dans
ces cultures. La première se réfère à la présence « d’images idéales » (tel les idéaux-types),
quelles soient bonnes ou mauvaises. A ces images sont attachées des situations d’angoisses ou
d’inquiétudes qui vont développer une « crainte fondamentale » collective, consciente dans
laquelle les individus vont se déterminer, « selon qu’ils se situent du bon ou du mauvais côté ».
L’auteur précise que les images idéales de bonnes ou de mauvaises façons de vivre ensemble
qui prévalent dans une société donnée, sont intimement liées au type de crainte qui la marque.
Enfin, d’Iribarne souligne que les niveaux de culture auxquelles nous faisons allusion sont
perceptibles dans les discours que tiennent les individus lorsqu’ils sont interrogés sur leur vie de
travail. Partant de ces explications, nous présentons deux « images idéales » représentatives des
« façons de vivre ensemble » dans le domaine des forces de vente.
La première image présente le dur labeur de l’agent commercial qui démarche à longueur de
journée des clients dans des administrations publiques et des entreprises privées. Ce vendeur est
presque indésirable et fait l’objet de mépris de la part des clients qui ne l’identifie pas
spécifiquement comme appartenant à une entreprise, mais aussi de l’entreprise qui ne le compte
pas dans ses effectifs. Il travaille dur en finançant personnellement l’essentiel de son activité et
réalise des ventes pour le compte d’une ou plusieurs entreprises, qui en fin de compte ne lui paie
qu’une commission, seulement s’il parvient à vendre. Dans l’inconscient collectif, cette image
est associée à la précarité, à l’échec sociale, à la dignité de l’homme, au manque de
considération. C’est l’image négative du vendeur indépendant qui renvoi à des croyances fortes
et négatives sur l’avenir social des personnes qui s’y engagent. Les facteurs sociaux relevés sont
regroupés dans deux catégories : la relation au sein de la famille et le rôle de l’éducation scolaire.
Le rôle de la famille en tant qu’agent socialisateur est indéniable, elle tient par conséquent un
rôle de censeur dans les choix qui sont effectués par ses membres en matière d’emploi, car elle a
un intérêt dans les emplois ou les fonctions qui sont occupés par les individus qui la compose. Le
travail étant considéré comme une source de revenu pour la famille, un moyen de son évolution
dans l’échelle sociale, l’influence de la famille est un facteur déterminant des comportements des
potentiels candidats au travail de vendeur indépendant. Alors que la famille impose pratiquement
ses choix à ses membres, l’école en tant qu’institution sociale joue plutôt un rôle persuasif, en
95
donnant à ceux qui la fréquente les moyens de trouver un emploi stable. Ainsi, la formation
initiale acquise par les jeunes sortis des écoles de commerce constitue ce facteur socioculturel
qui pousse ces diplômés à rechercher du travail dans les secteurs qui offrent des emplois
durables, plutôt que de se risquer dans des emplois incertains et précaires dans la vente. Cette
position est renforcée par une croyance universelle, qui veut que la vente ne soit pas un métier
qui nécessite forcément une formation (Barth, 2008). Finalement, le recours à ce type d’emploi
se fait par défaut, quand on à rien trouvé de satisfaisant sur le marché. La crainte du vendeur,
c’est qu’il y demeure, faute de trouver un meilleur emploi. Pour l’entreprise, l’utilisation de tels
vendeurs peut susciter des difficultés de gestion, puisque le vendeur n’est pas motivé pour ce
type d’emploi. A ce propos, Feldman (1995) prenant l’exemple de l’intérim suggère que les
employés intérimaires qui sont intérimaires par choix et non par nécessité ont de meilleures
attitudes au travail. Il appartient donc à l’entreprise de sélectionner dans ses opération de
recrutement les vendeurs qui ont réellement exprimés le désir de travailler comme vendeur
indépendant.
La seconde « image idéale » concerne la posture managériale des dirigeants face au concept
d’intégration. Dans la littérature de management, l’intégration traduit l’idée d’incorporer ou de
réaliser une opération dans l’organisation. Ainsi, on parle d’intégration verticale pour désigner la
gestion de la transaction par des dispositifs de coordination interne (hiérarchie, supervision
directe), par opposition au marché qui représente l’extérieur. De même que les forces de ventes
sont dites intégrées lorsqu’elles sont composées de vendeurs salariés travaillant à plein temps
pour une entreprise, alors que les forces de vente externalisées ou indépendantes sont constitués
de vendeurs externes à l’entreprise. Du point de vue de la gestion des ressources humaines,
l’intégration est la dernière étape du processus de recrutement qui consiste à aider le nouveau
salarié à s’adapter à son nouvel environnement de travail et devenir rapidement opérationnel.
Dans l’entreprise, la notion d’intégration reste encore très attachée à la conception traditionnelle
de l’accueil, des visites guidées, des programmes de formation et autres processus réservés aux
nouvelles recrues embauchées comme salariés. L’intégration est synonyme d’un engagement par
contrat de travail, considérant à contre coup, ceux qui ne le sont pas comme des travailleurs non
intégrés.
Au-delà de cette conceptualisation, on serait tenté de croire que la notion d’intégration porte
en elle les marques d’une « idéologie » ou d’une culture, qui s’affirment dans les rituels
(processus d’accueil), des croyances et des connaissances auxquels se réfèrent les manager, et
qui consistent à croire que l’intégration dans l’entreprise n’est réservée qu’au personnel salarié.
Les résultats de notre étude préliminaire ont montré qu’il y avait une crainte exacerbée de la part
96
de certains responsables commerciaux à intégrer convenablement leurs vendeurs indépendants.
Les stéréotypes socioculturels développés, à travers la gestion de l’employé type qu’est le
salarié, influencent les comportements de gestion. La crainte fondamentale des entreprises est
d’investir sur des individus qui n’appartiennent pas, juridiquement à l’entreprise. Ces pratiques
de management ont pour effet de ralentir l’intégration des vendeurs et inhibent dans le même
temps leur comportements proactifs, d’une part et elles contribuent à marginaliser le
management des vendeurs indépendants du processus de gestion de l’entreprise, d’autre part.
Dans le premier cas, les vendeurs reçoivent de façon fragmentée le soutien de l’entreprise, en
termes de formation et de supports nécessaires à la vente. Il peut aussi arriver que les vendeurs
développent une forme d’auto exclusion, conséquence des situations d’exclusion vécues dans
leurs expériences passées ou présentes. Ces comportements d’auto-exclusion ont pour
conséquence de freiner la recherche active d’informations dont on connait le rôle dans le
processus d’intégration.
Dans le deuxième cas, l’entreprise s’intéresse aux résultats commerciaux, mais n’intègre pas
dans ses perspectives de gestion les ressources humaines qui sont déployées pour les obtenir. Les
décisions concernant les forces de vente indépendantes sont prises en marge, ou
indépendamment des grandes orientations de l’entreprise. En général, les vendeurs sont satisfaits
si toutes les autres entités de l’entreprise le sont déjà, et s’il existe encore une marge de
manœuvre pour le faire. Quand on connait la relation qui existe entre le niveau de satisfaction
des vendeurs et leurs performances, assurer un niveau de satisfaction élevé dans les forces de
vente est un impératif pour un manager commercial (Darmon, 2012).
En définitif, les « images idéales » permettent de mettre en évidence la façon dont
fonctionnent les forces de vente indépendantes dans ces contextes. Il existe bien évidemment des
exceptions, c’est-à-dire des personnes qui ont une haute estime du travail indépendant, ou des
responsables commerciaux qui ne marginalisent pas leurs vendeurs. Mais, comme nous l’avons
souligné au début de ce propos, les problèmes de management de ces organisations de vente sont
liés à la difficulté d’intégrer tous les aspects de leur gestion.
97
Conclusion du chapitre 1.
Ce chapitre avait pour objectif de d’évoquer les insuffisances des modèles théoriques
développés dans la littérature sur le management des forces de vente, au moment où les
entreprises connaissaient des mutations importantes dans leur environnement. Il rappelle que le
management des forces de vente est une activité qui sert d’abord, à travers le marketing, les
intérêts économiques de l’entreprise. Cependant, la force de vente étant composée
essentiellement d’hommes et de femmes qui ont des objectifs propres, il était important de
s’intéresser à la façon dont ces hommes pouvaient atteindre les objectifs de l’entreprise, tout
réalisant leurs objectifs personnels.
Ensuite, nous avons compris que les modèles théoriques développés dans ce champ de
recherche étaient implicitement dirigés vers la performance du vendeur. Ce qui a conduit les
chercheurs à s’intéresser à tout ce qui pouvait avoir un impact sur cette performance. Ainsi, le
comportement du vendeur, les pratiques des managers, et la modélisation mathématique sont les
différentes « pistes de recherche » développées dans la littérature. En outre, le management des
forces de vente se prête bien à une conceptualisation fondée sur le contrôle des activités des
vendeurs. Mais, « amener les vendeur à agir conformément aux désirs des managers n’est pas
toujours facile »25, car les vendeurs travaillent à l’extérieur de l’entreprise. Ce qui réduit le
contrôle direct de leurs activités.
Enfin, nous constatons que les recherches sur le management des forces de vente externes
sont récentes en France. Même s’il existe une littérature relativement abondante venant des pays
anglo-saxons, l’essentiel des écrits dans ce domaine provient des professionnels de la vente. Par
ailleurs, il faut noter que les travaux académiques réalisés dans ce champ de recherche, ont
principalement porté sur le concept d’externalisation. Cependant, ce concept ainsi que les
théories, principalement économiques, qui l’expliquent ne sont pas toujours adaptées
conceptuellement à l’étude d’autres catégories de vendeurs externes.
25 Darmon (1993, p.11)
98
CHAPITRE 2. ANALYSE DE LA LITTERATURE AUTOUR DU CONCEPT
DE SOCIALISATION ORGANISATIONNELLE
La question de la socialisation organisationnelle est au cœur des problèmes d’intégration
des nouvelles recrues. Ainsi, développer un questionnement sur cette période cruciale qui permet
d’accéder à l’organisation et d’en devenir membre, ouvre la voie à une série d’interrogations : la
première concerne la façon dont procède l’organisation pour choisir ses nouveaux membres, la
deuxième s’intéresse aux moyens mobilisés par un « groupe professionnel » pour obtenir des
nouveaux qu’ils se conforment au modèle proposé par la profession, et le troisième examine la
mise en œuvre des moyens retenus et leur efficacité, en tenant compte du « rôle actif » des
acteurs concernés par le processus de socialisation (Baszanger, 1981). Dans ce chapitre nous
proposons de mettre en évidence les différentes approches de la socialisation organisationnelle,
en l’appréhendant comme un mécanisme qui permet de réguler les comportements futurs des
nouvelles recrues.
Dans un premier temps, nous présentons la transposition du concept de socialisation de la
société en général vers l’organisation. En effet, le concept tire ses origines des sciences sociales,
et notamment de la sociologie et de la psychologie. Nous nous intéressons d’abord aux débats
successifs d’une part, entre Durkheim (1930) et Piaget (1932) qui s’oppose sur le primat de la
société sur l’individu dans la détermination des comportements individuels ; et d’autre part, en
psychologie entre Freud (1930) et Piaget (1932) qui apparaissent complémentaires au regard de
certains critiques. Finalement, nous parlerons de la remise en cause de ces approches
fonctionnaliste et mécaniste de la socialisation par les anthropologues qui préfère à
l’universalisme ambiant de l’époque, une approche interactionniste basée sur les relations
sociales (Habermas, 1981). La conceptualisation de la socialisation dans l’organisation est
marquée par un relatif consensus des chercheurs, tant en ce qui concerne son processus que le
contenu des apprentissages (Bargues-Bourlier, 2009). Les recherches sur la socialisation
organisationnelle s’organisent autour de trois niveaux d’analyse qui reflètent l’évolution du
concept. Le premier niveau est organisationnel et concerne les premiers travaux qui affirment la
toute puissance de l’organisation sur l’individu (Van Maanen et Schein, 1979 ; Feldman, 1976).
Le second niveau est individuel et considère que les individus participent activement à leur
propre socialisation (Morisson, 1993 ; Ostroff et Kozlowski, 1992 ; Jablin et Miller, 1991; Louis,
1980). Le troisième niveau intègre les deux précédents et prône une approche interactionniste
(Saks et Ashforth, 1997 ; Reichers, 1987). Les travaux réalisés dans ce domaine de recherche
99
sont fondamentalement ancrés dans une vision cognitive de la socialisation organisationnelle.
Trois approches théoriques sous-tendent cette conception. La théorie de réduction de
l’incertitude permet d’expliquer comment les nouvelles recrues réduisent l’incertitude et
l’anxiété qui entourent leur entrée dans l’organisation (Berger et Calabrese, 1975); la théorie
cognitive de recherche de sens de Louis (1980), décrivent « les efforts de réduction de sens sur le
plan strictement cognitif » ; et la théorie cognitive sociale (Bandura, 1986) propose un modèle
d’apprentissage basé sur l’observation et la mise en pratique par l’apprenant des faits observés.
Le concept est abordée dans une « vision positive, car elle répond aux besoins de l’entreprise de
fidéliser ses nouveaux membres, et à la nouvelle recrue qui veut s’intégrer » (Lacaze, 2005).
Dans un deuxième temps, nous analysons les développements de la socialisation
organisationnelle dans des contextes spécifiques, comme le syndicalisme, l’expatriation,
l’entrepreneuriat ou encore le marketing. Cette extension du concept est présentée comme la
réponse apportée par les chercheurs à la difficulté d’élaborer une théorie générale de la
socialisation organisationnelle (Campoy et al, 2005). En dehors du syndicat qui présente un
cadre organisationnel différents et « antagoniste à l’entreprise », les autres types de socialisation
ont lieu dans l’entreprise. Nous nous intéressons particulièrement à la socialisation des forces de
vente et des systèmes de contrôle induits par la socialisation organisationnelle. Appliquée aux
vendeurs indépendants, la socialisation organisationnelle est présentée comme un dispositif de
contrôle social basé sur le management des ressources humaines et les relations sociales (Ouchi,
1998 ; Langevin et Naro, 2003). Elle apparait donc comme un outil de gestion qui permet
d’orienter de façon subtile les comportements des vendeurs dans le sens souhaité par l’entreprise.
100
SECTION1. FONDEMENTS THEORIQUES ET CONCEPTUELS DE LA
SOCIALISATION ORGANISATIONNELLE
Depuis plus de trente ans le concept de socialisation organisationnelle a fait son apparition
dans la littérature en sciences de gestion. Cependant, malgré les nombreux travaux enregistrés
dans ce domaine, les chercheurs tardent à trouver un consensus permettant de conférer au
concept le statut de théorie. Dans cette section, nous proposons une revue succincte de la
littérature depuis les origines dans les sciences sociales (1). Ensuite, nous présentons les
approches traditionnelles basées sur le rôle de l’organisation (2), les approches récentes traitant
de la participation de l’individu et du contenu de la socialisation (3).
1. Les origines de la socialisation organisationnelles
La socialisation est un processus d’apprentissage social par lequel les individus apprennent à
se comporter de manière convenable en adoptant des attitudes et des valeurs conformes à ce que
les autres attendent d’eux. Le concept tire ses origines des sciences sociales et particulièrement
de la sociologie et de la psychologie qui composent son corpus théorique. Celui-ci est fondé sur
la dialectique individu/société, entre d’une part ceux qui pensent que la socialisation est une
« action de la société sur l’individu » (Darmon, 2006) et d’autre part, ceux qui soutienne que
l’individu n’est pas totalement passif dans cette action. Il se profile une voie médiane qui
considère que la socialisation est surtout le produit des interactions de l’individu avec la société.
1.1. Les apports de la sociologie
La sociologie explique comment les sociétés humaines se maintiennent et se pérennisent au
fil du temps. Plusieurs courants de pensée ont contribué par des approches différentes, mais
complémentaires dans ce que l’on peut appeler la «construction sociale de l’identité» de
l’individu. Nous présentons cette construction selon une approche qui permet de différencier les
temps et les cadres de la socialisation, en l’occurrence la socialisation dite « primaire »
essentiellement familiale de celle qui viennent après, que l’on qualifie de « secondaire »
1.1.1. La socialisation primaire
La socialisation primaire s’opère particulièrement durant l’enfance et l’adolescent qui sont
souvent perçues comme « les périodes les plus intenses, car c’est à ce moment que l’être humain
101
a le plus de chose à apprendre (la propreté, la politesse et les goûts alimentaires) » (Bonnewitz,
2002). Cette phase d’apprentissage de l’enfant est dédiée à la famille que l’on considère comme
le premier agent socialisateur, à tel enseigne que la socialisation primaire a toujours été
confondue à la socialisation familiale. Mais d’autres agents socialisateurs peuvent également
intervenir tout le long du « déroulement » de la vie de l’enfant, tels que « le voisinage, le groupe
d’âge ou l’école » qui deviennent de ce fait concurrents de la famille dans le processus de
socialisation de l’enfant. Cependant, si le monopole de la famille est remis en cause, il faut
reconnaitre que c’est elle qui fournit le cadre affectif et émotionnel qui donne à la socialisation
primaire une « tonalité particulière et partant son efficacité (Berger et Luckmann, 1966). Les
autres agents socialisateurs représentent des cadres d’apprentissages différents qui permettent à
l’enfant de faire la connaissance de normes et de valeurs complémentaires à celles qu’il a connu
jusque là, mais qui du fait de leur hétérogénéité, peuvent s’avérer contradictoires. Il s’agit de
savoir si les valeurs acquises dans un contexte donné sont transférables dans un autre contexte.
Darmon (2006) précise que « le fait que « les différences de comportement ne résultent pas d’un
unique processus de socialisation, chaque individu est porteur d’une pluralité de dispositions qui
vont être selon les contextes, mise en veille ou en action, inhibées ou activées ». Ce qui explique
que cette phase de socialisation primaire ne soit pas aussi homogène qu’on pouvait le penser,
mais qu’il existe bien une pluralité d’influences débouchant sur une « socialisation plurielle ».
1.1.2. La socialisation secondaire.
La socialisation secondaire « consiste en tout processus postérieur qui permet d’incorporer un
individu déjà socialisé dans de nouveau secteurs du monde objectif ». En reprenant la définition
de Berger et Luckmann (1966), Darmon (2006), met en évidence deux repères important utilisés
dans la littérature qui permettent une meilleure compréhension de la socialisation secondaire :
l’articulation des deux types de socialisation dune part, et l’assimilation de la socialisation
secondaire à la socialisation professionnelle d’autre part.
En effet, la limite entre socialisation primaire et secondaire peut être difficile à définir, tant les
deux dispositifs utilisent à un moment donné les mêmes instances de socialisation. C’est le cas
de l’école, les institutions culturelles et sportives qui commencent depuis l’enfance et se
poursuivent à l’âge adulte. De plus, il est souvent fait mention d’une opposition entre les deux
types de socialisation et la question serait de savoir s’il y a rupture ou continuité du processus.
Les écrits en sociologie sont unanimes sur la distinction et la nécessaire complémentarité des
socialisations primaire et secondaire. La première s’impose à l’enfant et renferme les bases de sa
102
construction entant qu’être social, alors que la seconde s’appuie sur ces bases pour
« reconstruire » l’individu. La socialisation secondaire débute donc à la fin de l’adolescence et se
poursuit à l’âge adulte. Elle complète l’apprentissage fait dans les premières années de la vie. En
d’autres termes, elle prolonge la socialisation primaire, mais ne la reproduit pas toujours.
Par ailleurs, l’assimilation de la socialisation secondaire à la socialisation professionnelle peut
laisser croire que l’apprentissage des normes et des valeurs du monde du travail constitue la
seule forme de socialisation capable de reconstruire l’individu après sa socialisation primaire. Il
n’en ai rien, car comme le précise Darmon (2010), le mariage, les groupes ou les groupements
sont aussi des formes de socialisation secondaire. Mais, nous nous intéresseront à la socialisation
professionnelle à cause du « pont » qu’elle établie avec la socialisation organisationnelle. La
socialisation professionnelle étant un aspect, si non le plus important de la socialisation
secondaire, son rôle consiste à introduire l’individu dans la sphère du travail, par le biais de la
formation (Professionnelle et scolaire) et de construire son identité professionnelle.
1.2. Les apports de la psychologie
L’approche psychologique de la socialisation implique que le sujet ne fait pas que se
conformer aux attentes sociales, mais qu’il prend une part active à ce processus (Laterasse et
Beaumatin, 1998). Cette approche est dominée par la confrontation de deux positions, celles de
Freud (1917-1930) qui est dominée par une analyse psychanalytique de l’évolution de l’enfant à
travers les stades de développement psychosexuels, et celle de Piaget (1974), qui analyse le
développement de l’enfant par un processus mental et cognitif. Ils aboutissent à une définition
des différents stades de développement franchis par l’enfant au cours de la vie jusqu'à la
formation de la personnalité.
1.2.1. Les stades psychanalytiques de Freud
Freud considère que les individus sont, dans leur nature, animés par des pulsions instinctives
qui déterminent leurs agissements. Selon l’auteur la socialisation est un processus qui doit
permettre aux individus de contenir leurs pulsions afin de se conformer aux valeurs de la société
dans la quelle ils vivent. Pour cela, il développe un système de stades affectifs qui explique la
construction de la personnalité depuis l’enfance jusqu'à l’âge adulte. La notion de stade peut être
appréhendée comme un moment (obligé ou antérieur) qui rend compte de l’évolution libidinale
(ou sexuelle) de l’enfant. Dans la conception Freudienne, la sexualité n’est pas liée à la
transformation des organes génitaux de l’enfant, mais elle existe dès la naissance. Le sexuel se
réfère donc à un ensemble d’activités qui procure de la jouissance, et la vie sexuelle fait partie de
103
tous les processus importants de l’organisme, comme elle fait partie de tous les aspects de la vie
d’un sujet (vie corporelle, affective et relationnelle) et de ses réalisations (Despart-Pequignot,
2003, p.520). C’est dans son ouvrage de portée anthropologique, le malaise dans la civilisation
(1929), que Freud explique véritablement l’évolution de l’homme et son adaptation à la société.
Hermann (2009, p.52-53) distingue trois idées-forces qui structurent la pensée de Freud. La
première concerne le besoin de protection dont l’homme a besoin face à la mort, et aux menaces
de la nature et de ses semblables. La deuxième définie les règles destinées à protéger l’homme
contre la nature et les autres hommes, et dont le substrat forme la culture. La troisième idée-force
stipule que la culture ne peut accomplir son rôle de protection, que si l’homme renonce à la
jouissance, c'est-à-dire à son agressivité. Selon cet auteur, le travail de la culture consiste donc à
refouler l’agressivité de l’homme, en érigeant des barrières morales (règles) que l’homme va
intérioriser.
Tableau 7. Les stades psychosexuels du développement (Freud)
Stades Ages (ans) Zones érogènes Taches majeures du développement
Fixation à ce stade
Stade oral 0 à 1 Bouche, lèvres et langue.
Sevrage Comportment oral, fumer, trop manger
Stade anal 1 à 3 Anus Apprentissage de la propreté
Ordre, parcimonie, obstination ou l’inverse
Stade Phallique
3 à 5 Parties génitales Complexe d’Oedipe Vanité, insouciance et l’inverse
Période de latence
5 à 12 Aucune zone particulière
Développement des mécanismes de défense
Aucune fixation ne survient à ce stade habituellement
Stade génital 3 à 18 Parties génitales Maturité de l’intimité sexuelle
Si les stades précédents ont été intégrés, les adultes sont équilibrés
1.2.2. Les stades du développement cognitif de l’enfant
Piaget a étudié les mécanistes par lesquels l’enfant parvient à la connaissance, et cherche à
comprendre le fonctionnement et les étapes. Son approche est constructiviste et consiste à
montrer comment (que) l’intelligence est le produit d’une construction qui s’opère à travers les
interactions que le sujet entretient avec son environnement physique et social. Au début l’enfant
ne possède pas de structure de connaissances qui lui permettent de s’adapter au réel. Cependant,
en venant au monde il est doté de réflexes ou « schèmes reflexes » (succion, préhension…) qui
lui permettent de construire ses connaissances. Cette construction passe par « l’action (geste,
sentiment, pensée…), l’opération puis la représentation grâce à la contribution de différents
104
mécanismes : (1) l’assimilation par laquelle l’enfant tente d’agir sur le monde à travers ses
schèmes sensori-moteurs, (2) l’accommodation dans laquelle l’enfant modifie ses schèmes
sensori-moteurs en fonction de la réalité extérieure, et (3) l’équilibrage qui est le jeu dialectique
entre assimilation et équilibration pour assurer le développement psychologique de l’enfant ».
De façon générale, l’intelligence se développe parce que le sujet est confronté à des situations
nouvelles qui provoquent un déséquilibre des structures établies et l’obligent à chercher un
nouvel équilibre.
Tableau 8. Développement mental et socialisation selon Piaget (1964)
Les stades de développement (version 1964)
Dimension individuelle : structures mentales
Dimension sociale : formes de socialisation
1. stades de réflexes Tendances instinctives Egocentriques initial 2. stades de premières habitudes motrices
Perceptions organisées Premiers sentiments différenciés
3. stades de l’intelligence sensori-motrice
Régulation élémentaires d’ordre pratique
Imitation comme première « socialisation »
4. stade de l’intelligence intuitive
Images et intuitions représentatives « genèse de la pensée »
Soumission contrainte aux adultes
5. stade de l’intelligence concrète
Passage aux opérations Explication par l’atomisme
Sentiments et pratiques de coopération
6. stade de l’intelligence abstraite - formelle
Construction de théories Pensée hypothético-déductive Catégorie du « possible »
Insertion sociale et professionnelle
Source : la socialisation (Dubar, 2015)
Au regard des contradictions qui ont alimentées ces deux approches, De Saussure (1933)
observe une complémentarité des deux approches de la socialisation en psychologie. Il résume
cette opposition en ces termes : « ce qui différencie ces deux ordres de recherche c’est que
Freud, a en vue surtout les mécanismes de la pensée inconsciente, alors que Piaget vise à
décrire des mécanismes de la pensée qui tend à prendre conscience d’elle-même ». Selon
l’auteur, « Freud étudie avant tout les opérations mentales qui tendent à préserver la pensée de
la socialisation, Piaget au contraire cherche à établir les étapes de la socialisation de la pensée.
Freud insiste sur le contenu de la pensée affective et subjective de l’enfant, Piaget s’intéresse
surtout au contenu objectif de la pensée ».
105
1.3. L’approche interactionniste de la socialisation
L’interactionnisme est un concept qui est apparu dans les années 60 pour désigner la
sociologie Américaine, et plus précisément l’école de Chicago. C’est un courant de pensée qui
explique les phénomènes sociaux comme des processus, c'est-à-dire des phénomènes qui
évoluent sans cesse. Il considère que les acteurs sociaux interagissent avec d’autres éléments, et
que ces interactions les conduisent à interpréter, à donner un sens nouveau aux objets et au
monde qui les entoure. L’application de cette approche dans le cadre de la socialisation a donné
naissance à un certain nombre d’oppositions que nous nous proposons d’examiner dans ce
paragraphe. La première opposition est celle de Piaget et Durkheim sur la conception même de la
socialisation. Selon Dubar (2013), la conception holiste adoptée par Durkheim (1922) consiste à
considérer la socialisation comme une « contrainte verticale exercée par les institutions et leurs
agents sur les individus considérés comme des tables rases et des êtres éminemment passifs et
suggestionnables ». En d’autres termes, les individus sont modelés par la société qui leur impose
ses normes et détermine ce qu’ils doivent être. C’est une approche à la fois fonctionnaliste et
mécaniste, mais aussi déterministe car elle privilégie seulement l’action de la société qui
envisage d’avance la destinée des individus. Dans le même sens, Bourdieu (2000) cherche
également à montrer, à travers la notion d’habitus, que le système scolaire contribuerait à la
reproduction sociale, en transmettant d’une génération à l’autre la structure sociale à l’identique
(les mêmes inégalités, les manières de faire, etc.). Piaget (1932) s’oppose à cette conception et
considère que Durkheim « survalorise la contrainte et sous-estime la coopération » entre
individu. Il privilégie donc une approche interactive des « conduites sociales à la fois cognitives
et relationnelle ». Par conséquent, il développe sa conception de la socialisation sur « le passage
de la contrainte à la coopération, autrement dit de la soumission à l’ordre social (parental et
scolaire) à l’autonomie personnelle dans la coopération volontaire (avec les adultes et les autres
enfants) ».
Mais cette conception de la socialisation prônée par Piaget est remise en cause par les
anthropologues culturalistes. Ils dénoncent le caractère trop « restreint » de cette approche
limitée à l’enfant et à l’adolescent, qui ne prend pas en compte « l’organisation des activités
sociales, du travail et au contenu de toutes les institutions collectives » qui forment la culture.
L’approche culturaliste est fondée sur le postulat qu’il n’existe pas une socialisation universelle
qui pourrait s’appliquer à tous les types de sociétés, les milieux sociaux, les groupes et les
classes sociales. Partant de ce fait, les études sur la socialisation doivent tenir compte des
particularités propres aux contextes. Trois idées fondamentales expliquent cette approche : (1) la
suprématie de la culture : signifie que la culture est le point de départ pour comprendre l’ordre
106
social, ce qui suppose que les normes, les valeurs et les modes de comportement sont des
variables indépendantes ; (2) la formation se fait à travers le conditionnement. La culture est
homogène et a des effets positifs. Elle s’impose à l’individu et forge sa personnalité sociale mais
sans qu’il y ait des contradictions. Le consensus est toujours présent. Le seul élément dynamique
est le rééquilibrage, conséquence d’un changement de culture (nouvelles normes, valeurs qui ne
sont plus pertinentes,…) ; (3) Le caractère primordial des premières relations. Dès sa naissance,
l’enfant commence à incorporer les traits généraux de la culture de sa société. La famille est très
importante, car elle représente le lieu d’apprentissage qui permet à l’enfant d’acquérir le système
d’attitude et de comportements nécessaires à son intégration sociale.
2. La socialisation dans l’organisation
Selon Lacaze (2005), l’organisation est le reflet en miniature de la société, et les salariés qui
la composent des individus qui, peuvent être confrontés à des difficultés d’intégration. Il apparait
donc opportun, à l’image de l’intégration des individus dans la société, de socialiser les
nouvelles recrues afin de les familiariser aux normes et valeurs de l’organisation. En sciences de
gestion, les premiers travaux sur la socialisation organisationnelle ont été réalisés dans la gestion
des ressources humaines. Ces travaux sont marqués par la prépondérance de l’entreprise sur
l’individu, avec un ancrage fonctionnaliste qui ne prend pas en compte le rôle de l’individu dans
sa propre socialisation.
Figure 8. Modèle général de la socialisation organisationnelle du salarié (Lacaze, 2005)
Caractéristiques de l’organisation et du poste
Caractéristiques individuelles
L’ORGANISATION
Procédures de
recrutement
Entretien réaliste ?
LA NOUVELLE RECRUE
Attentes réalistes ?
L’ORGANISATION
LA NOUVELLE RECRUE
RESULTATS DE LA SOCIALISATION
RESULTATS DIRECTS
Les domaines de socialisatin
RESULTATS INDIRECTS
Ajustements au poste,
Performance, Engagement,
Implication, Satisfaction,
Motivation, Intention de
partir, Conflits et ambiguïté
de rôle, Anxiété, Stress.
Procédures et pratiques
organisationnelle de socialisation
Sources
d’information
Types
d’information
Processus cognitifs
d’attribution de sens
Processus identitaire
Comportements
proactifs d’intégration
Socialisation anticipée Entrée dans l’organisation Management de son rôle
Après une analyse succincte des principales définitions du concept (2.1), nous présentons
l’approche séquentielle de la socialisation organisationnelle et les développements conceptuels
107
des principaux auteurs (2.2). Puis, l’approche gestionnaire de la socialisation organisationnelle
(2.3).
2.1. Définitions et enjeux de la socialisation organisationnelle
La littérature sur la socialisation organisationnelle propose plusieurs définitions qui marquent
l’évolution de la recherche dans ce domaine et souligne le caractère protéiforme de ce concept.
Nous tenterons dans ce paragraphe de montrer cette évolution et les contradictions qui
l’empêchent de s’ériger en théorie à part entière.
Schein (1968) définit la socialisation comme « un processus d’apprentissage des « ficelles »
d’un emploi, d’endoctrinement et de formation, le processus par lequel un individu reçoit
l’enseignement de ce qui est important dans une organisation et dans les sous-unités ». Cette
conception de la socialisation repose sur un « postulat de forte influence organisationnelle » qui
marque la prégnance de l’organisation sur l’individu. On retrouve dans ce passage l’approche
mécaniste de la socialisation défendue par Durkheim, et dont l’organisation, en tant
qu’institution sociale, serait le principal artisan. La socialisation a un pouvoir, celui de
contraindre l’individu d’adhérer aux valeurs et aux normes de l’organisation et de s’identifier à
elle. Les individus sont endoctrinés, c'est-à-dire dépouiller de leurs valeurs d’origine pour être
façonnés et modelés, au moyen de la formation, dans les pratique de l’entreprise dans laquelle ils
vont travailler. Cependant, comme l’affirme Lacaze et Fabre (2005), la socialisation dans le sens
d’un « endoctrinement n’est pas forcément bénéfique ». Si on lui reconnait le mérite de changer
les comportements des individus dans le sens des préoccupations de l’organisation, par contre
elle échoue dans « deux cas extrêmes ». Selon ces auteurs, la non-conformité et l’extra-
conformité aux valeurs et normes de l’entreprise constituent des échecs au processus de
socialisation.
Pour Feldman (1976), « la socialisation organisationnelle est le processus par lequel les
employés passent d’un statut d’outsider au statut de membre participant et efficace ». Dans cette
approche est évoquée l’évolution temporelle et séquentielle du processus de socialisation. L’idée
principale est la transformation dont sont l’objet les individus lorsqu’ils intègrent l’organisation.
Cette transformation n’est pas spontanées, ni immédiate. Le processus prend un certain temps et
se fait par étapes successives. Ce qui suppose donc une préparation et une organisation, même si
la socialisation n’est pas forcément consciente. La notion de temps est essentielle pour
caractériser le processus de socialisation. Les séquences pouvant être appréciée l’instant d’une
intégration ou sur toute la durée de la carrière d’un individu au sein d’une entreprise (Perrot,
108
2001 ; Buchanan, 1974). Pour certain, une socialisation complète peut prendre entre six mois et
deux ans. Les étapes sont définies en fonction des différentes activités qui sont pratiquées par les
individus engagés dans le processus. Ainsi, la socialisation est souvent caractérisée par trois
étapes principales. La première étape concerne toutes les activités préalables réalisées par
l’individu et l’organisation avant ou au moment de l’intégration. La deuxième étape se réfère à la
confrontation initiale qui met la nouvelle recrue face à la réalité organisationnelle. La troisième
étape est celle de l’adaptation du nouveau à l’organisation.
Van Maanen et Schein (1979) défissent « la socialisation organisationnelle comme le
processus par lequel on enseigne à un individu et par lequel cet individu apprend les ‘‘ficelles’’
d’un rôle organisationnel. Dans un sens général, la socialisation est le processus par lequel un
individu acquiert les connaissances sociales et les compétences nécessaires pour assurer un rôle
organisationnel ». Deux idées principales caractérisent cette définition. La première est la place
reconnue à l’individu dans le processus de socialisation. Contrairement aux définitions
précédentes qui prônaient la toute puissance de l’organisation, les auteurs évoquent la
participation des individus au processus, même s’ils ne développent pas de façon explicite ce
point de vue. La deuxième idée concerne l’introduction de la notion de rôle comme finalité du
processus de socialisation. Les individus « adoptent » les valeurs et les comportements
appropriés pour leur permettre de tenir efficacement les différents rôles confiés par
l’organisation (cardinal, 2007). La notion de rôle donne un contenu supplémentaire à la
socialisation organisationnelle et lui confère un caractère gestionnaire, puisqu’il s’agit de donner
aux individus des compétences, des savoirs et des savoir-faire qui vont permettre à l’entreprise
d’atteindre ses objectifs. De plus, la socialisation est présentée comme un phénomène qui se
manifeste lors des transitions organisationnelles, nécessitant à chaque fois l’apprentissage de
nouveaux rôles. Cette omniprésence de la socialisation le long de l’évolution de la carrière d’un
individu dans une même entreprise ou pas, fait d’elle un outil indispensable dans la gestion des
carrières.
Pour Louis (1980), « la socialisation est le processus par lequel un individu vient à apprécier
les valeurs, les capacités, les comportements attendus et les connaissances sociales essentielles
pour assurer un rôle et participer en tant que membre d’une organisation ». Cette approche de la
socialisation place l’individu au centre du processus de socialisation, et définit les capacités
d’adaptation mentales et psychologique de l’homme face aux situations complexes et difficiles.
L’individu n’est plus simplement passif, il réagit désormais aux difficultés qui se posent à lui au
moment d’intégrer l’organisation. L’expérience vécue à ce moment précis par la nouvelle recrue
peut s’avérer déstabilisante, dans la mesure où les dispositions qu’il trouve dans le nouveau
109
cadre de travail, ne correspondent pas à ses attentes. Dès lors, il se produit une réaction qui va le
pousser à s’adapter à ce nouvel environnement de travail. Cette adaptation est réalisée à partir
d’un ensemble de processus mentaux liés à la connaissance (perception, mémorisation, etc.) qui
lui permet de donner un sens à son nouvel environnement de travail. Cette conception de la
socialisation permet d’expliquer le rôle de l’individu dans le processus de socialisation, d’autant
plus que l’on considère que l’individu peut être très actif dans sa propre socialisation, notamment
en adoptant des comportements plus offensifs dans la recherche de la connaissance, qualifiés de
comportements proactifs.
Enfin pour Perrot (2008), « la socialisation organisationnelle est considérée comme un double
processus d’apprentissage et d’intériorisation du rôle organisationnel, reposant sur les trois
composantes clés qui sont le travail (en tant qu’ensemble de tâches), le groupe de travail (en tant
qu’ensemble interactionnel) et le contexte organisationnel (en tant que système de rôle) »
(Perrot, 2009). Selon l’auteur, cette définition met en évidence deux processus sous-jacents ;
d’une part, l’apprentissage qui constitue l’approche dominante de la socialisation et que l’on
retrouve clairement exprimé dans la majorité des définitions classiques (Schein, 1968 ; Van
Maanen et Schein, 1979 ; Louis, 1980) ; d’autre part, la notion d’intériorisation moins présente
dans les écrits, mais présentée par certains auteurs comme l’acceptation de ce qui est appris
(Fournier et Payne, 1994 ; Jones, 19983 ; Wanous, 1980). Elle valide la socialisation d’un
individu. L’intériorisation est par conséquent définie comme le degré d’acceptation, d’adhésion
et d’intégration des objectifs et des valeurs organisationnelles (Perrot, 2008, 2009). Par ailleurs,
Perrot (2008) souligne qu’une définition de la socialisation organisationnelle uniquement en
termes d’apprentissage est conceptuellement incomplète, car des individus peuvent apprendre
pour enrichir leurs connaissances des tâches et des valeurs d’une organisation et décider de ne
pas les intégrer dans leur système de valeurs.
A l’issue de cette analyse portant sur les définitions, il semble qu’un consensus se forme sur
la notion de socialisation organisationnelle. Au début, considéré comme un processus
d’apprentissage, la socialisation est devenue un processus double d’apprentissage et
d’acquisition, qui tient compte, non seulement des efforts réalisées par les organisations, mais
aussi de la participation des individus à leur propre socialisation. Certains auteurs y ajoutent
l’intériorisation pour montrer l’attachement affectif avec la nouvelle organisation. Cette unité se
construit, semble t-il à la faveur du déplacement des centres d’intérêt des chercheurs, de l’étude
du processus vers l’étude du contenu de la socialisation qui permet de connaitre le niveau de
socialisation ou d’intégration dans l’organisation (Bourhis, 2004).
110
2.2. L’approche séquentielle de la socialisation organisationnelle
Elle est marquée par une évolution temporelle du processus de socialisation. Cette évolution
se retrouve dans de nombreux travaux, dont les plus aboutis sont certainement ceux de Feldman
(1976). L’auteur conceptualise « la socialisation organisationnelle comme un processus par
lequel les employés passent du statut de outsider au statut de membre participant et efficace ».
Ce passage est formalisé par les étapes ou « stades de socialisation » qui se caractérisent par leur
intensité et par un contenu différent. Cette approche a pour objectif de proposer un modèle
général de socialisation organisationnelle qui regroupe les facteurs et les résultats de la
socialisation organisationnelle.
Nous présentons dans un premier temps les différentes étapes qui composent les modèles
séquentiels recensés dans la littérature (2.2.1). Puis, nous proposons d’étudier les fondements
théoriques du modèle conceptuel de Feldman26 (2.2.2).
2.2.1. Les étapes du processus de socialisation
§ La socialisation anticipée
Le concept de socialisation anticipée ou socialisation anticipatrice est définie comme une
forme de socialisation où l’individu intériorise les normes et les valeurs d’un groupe de référence
auquel il souhaite appartenir (Merton, 1957). Il est utilisé pour désigner l’étape préalable à
l’entrée effective dans une organisation (Porter, Lawler et Hackman, 1975 ; Van Maanen, 1976 ;
Feldman, 1976 ; Jones, 1986). Au cours de cette étape les nouvelles recrues formulent des
attentes sur le travail et l’entreprise, à partir des informations qui leur sont fournies à travers les
offres d’emplois et les entretiens d’embauches. Les informations recueillies permettent aux
vendeurs une meilleure prise de décision sur l’emploi proposé. Les recherches sur la
socialisation anticipée précisent que le réalisme des informations communiquées par l’entreprise,
et l’adéquation des individus sollicitant un emploi avec l’environnement organisationnel sont un
facteur de réussite de l’intégration (Dubinsky et al, 1986 ; Wanous, 1980 ; Feldman, 1976 ; Van
Maanen, 1975). Le réalisme se réfère aussi bien aux attentes des candidats potentiels, qu’à la
transparence dont l’entreprise doit faire preuve, concernant l’information transmise sur le poste à
pouvoir, et de façon générale le travail qui est proposé. L’idée d’un recrutement réaliste est
promue par Wanous (1975, 1992), qui considère qu’un recrutement basé sur des informations
réalistes aussi bien dans les aspects positifs que négatifs du travail et de l’organisation permet de
retenir les meilleurs profils, tout en excluant de la sélection les personnes qui ne présentent pas 26 Feldman (1976)
111
un intérêt, ou une qualification pour le travail proposé. Cette approche est confirmée par de
nombreuses études empiriques qui établissent des relations positives et significatives entre les
informations réalistes reçues par les nouvelles recrues et divers indicateurs d’ajustement au
travail, tels que la maitrise des taches, la clarté de rôle, l’intégration dans le groupe, et la
connaissance des valeurs et normes de l’organisation (Dubinsky et al., 1986 ; Bauer et Green,
1994 ; Kammeyer-Muller et Wanberg, 2003 ; Klein, Fan et Preacher, 2006).
L’adéquation personne-environnement désigne la compatibilité entre un individu et son
contexte de travail, qui se produit lorsque leurs caractéristiques sont parfaitement congruente
(Kristof-Brown et al, 2005). Parmi les cinq formes de congruence identifiés dans la littérature,
deux types d’adéquation sont généralement pris en compte lors du recrutement : (1) l’adéquation
personne-poste permet de s’assurer la compatibilité entre les compétences et aptitudes
individuelles et les exigences du poste à pourvoir. Elle a fait l’objet de nombreuses études
empiriques. Ainsi, certaines recherches ont testé positivement les relations entre la congruence
personne-poste et certaines variables d’ajustement telles que la clarté de rôle et l’initiation à la
tache (Dubinsky et al, 1986), et la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel et la
performance globale ; et des relations négatives avec l’intention de quitter et le roulement
(Kristof-Brown et al, 2005). (2) l’adéquation personne-organisation porte principalement sur la
compatibilité entre la personnalité, les valeurs d’un individu et la culture de l’entreprise. Elle
peut-être appréhendée aussi bien du point de vue de l’individu que celui de l’organisation. Les
individus, dans leur recherche d’emploi, sont emmenés à choisir les entreprises dans lesquelles
ils désirent travailler en confrontant leurs perceptions des valeurs de l’entreprise avec leurs
propres valeurs. De même que les entreprises sont soucieuses de sélectionner des individus dont
les valeurs et la personnalité correspondent aux valeurs de l’entreprise. Selon Dubinsky et al.
(1986), la bonne utilisation de ce concept nécessite une bonne compréhension du travail et de
l’environnement organisationnel. Cette approche de la congruence a un double objectif, celui
d’attirer et de retenir au sein de l’entreprise les meilleurs profils sur le marché (Bourhis et
Chenevert, 2010). Selon ces auteurs, « la congruence entre les personnes et leur environnement
suggère qu’une meilleure adéquation est synonyme d’attitudes et de comportements positifs de la
part des salariés ». Les études empiriques réalisées dans ce contexte montrent que la perception
de congruence personne-organisation favorise l’attraction organisationnelle, l’acceptation d’une
offre d’emploi, la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel et diminue l’intention de
quitter et le roulement de personnel (Hoffman et Woehr, 2006 ; Kristof-Brown et al. 2005 ;
Verquier et al. 2002).
112
§ L’étape d’intégration
Encore qualifié de phase d’introduction (Feldman, 1981) ou de rencontre (Van Maanen,
1975), l’intégration relève de la capacité des nouvelles recrues à adopter des comportements
proactifs, consistant à rechercher l’information permettant de connaitre la réalité du
fonctionnement de l’organisation et d’en « devenir membre participant et efficace ». La
proactivité mobilise deux types de processus, les processus cognitifs et les processus relationnels
(Almudever et al, 1999). Selon ces auteurs, les premiers processus relèvent du travail
d’attribution de sens que les individus réalisent lorsqu’ils sont confrontés à l’incertitude et à des
surprises au moment de leur intégration. Le second processus fait référence aux relations
interpersonnelles construites dans l’organisation avec les membres déjà en place, et qui aident les
nouvelles recrues à acquérir une identité dans l’organisation. Dans tous les cas, l’emploi qui leur
est proposé est nouveau et peut engendrer des « surprises » qui nécessitent une remise en
question de la conception même du travail. La surprise peut venir du travail, les nouvelles
recrues doivent faire face aux exigences de leur nouvel emploi. La surprise peut aussi provenir
des attentes imprévisibles que les nouvelles recrues formulent par rapport à leurs besoins, leurs
valeurs et compétences. Il est donc important que ces derniers s’approprient les mécanismes de
ce nouveau fonctionnement, et élaborent de nouvelles stratégies pour s’adapter à leur nouvel
environnement de travail.
§ L’étape d’adaptation
Traditionnellement dénommée « le management de son rôle », la troisième étape du processus
de socialisation consacre l’adaptation de la nouvelle recrue, et surtout sa capacité à résoudre les
conflits et les ambiguïtés de rôle qui se posent, aussi bien dans la sphère professionnelle que dans
les arbitrages qu’il est emmené à faire entre sa vie professionnelle et sa vie privée. Or, s’il est
vrai que les conflits portant sur l’articulation sphère professionnelle et vie privé s’estompent avec
la liberté dont dispose le vendeur indépendant dans l’organisation son travail, il est moins vrai
que les autres conflits, notamment professionnels disparaissent automatiquement. Il convient
donc de considérer cette étape, non seulement comme une phase de résolution des tensions de
rôle, mais aussi comme « une phase de consolidation de ses aptitudes et compétences
professionnelles et de renforcement de sa confiance en ses capacités », qui pourrait servir de
« tremplin pour permettre d’envisager d’autres transitions professionnelles » (Delobbe, 2011,
113
p.294)27. C’est donc logiquement que nous considérons cette étape, comme celle du
« management de son rôle », et de son « employabilité ».
2.2.2. Analyse du modèle séquentiel de Feldman (1976)
Feldman développe un modèle séquentiel de la socialisation en trois étapes distinctes. Il
spécifie dans ce modèle les activités engagées par un individu à chaque étape et précise les
contingences individuelles et organisationnelles qui permettent de suivre son évolution à travers
les différentes étapes. La première étape dénommée « socialisation anticipée » concerne
l’ensemble des informations et des savoirs qu’un individu peut se procurer avant d’intégrer une
organisation. Deux variables permettent d’évaluer les progrès des individus au cours de cette
étape, le réalisme concerne l’image précise et globale que le candidat potentiel a de sa future
organisation et la congruence exprime l’adéquation entre les ressources de l’organisation d’une
part, et les besoins et les qualifications de l’individu d’autre part. La deuxième étape concerne
l’adaptation de l’individu aux réalités de l’organisation. C’est la phase d’intégration effective de
la nouvelle recrue qui va se réaliser à travers quatre activités principales dont, (1) l’initiation aux
taches que l’individu doit réaliser par l’acquisition de compétences, (2) l’initiation à la vie du
groupe qui est matérialisée par l’acceptation, la confiance des collègues de travail et par des
relations interpersonnelles de qualité, (3) la définition de rôle à travers un accord tacite ou
explicité avec le groupe et (4) l’évaluation avec le supérieur de l’adaptation au poste permettant
de mettre en évidence les forces et les faiblesses de la nouvelles recrues en vue d’actions
correctives. La troisième étape qualifiée par l’auteur de « management de son rôle », concerne la
capacité de la nouvelle recrue à résoudre les problèmes qui se posent dans son propre groupe de
travail. Deux conflits de rôle sont identifiés, le premier conflit concerne les arbitrages que le
nouveau doit réaliser entre sa vie professionnelle et sa vie privé. Le second conflit concerne les
conflits de son équipe de travail avec d’autres équipes de l’organisation.
Feldman identifie également dans son modèle quatre variables présentées comme les résultats
possibles du processus de socialisation. La satisfaction générale est une variable qui permet de
mesurer le niveau de satisfaction et de bonheur de l’employé dans son travail. L’influence
mutuelle est définie comme la dimension atteinte par les individus dans leur capacité à orienter et
contrôler l’exécution de leur travail au sein de leur département. La motivation interne au travail
désigne le niveau d’auto-motivation atteint par un employé pour accomplir efficacement son
travail. L’engagement au travail traduit le niveau d’engagement et d’implication personnelle
développé par un individu dans son travail. Feldman dégage aussi de son modèle les principales
27 Psychologie et recrutement, sous la direction de Sonia Laberon.
114
hypothèses qui définissent l’ordre et les relations qu’entretiennent les différentes variables du
processus de socialisation. Première hypothèse, les variables de « la socialisation anticipée »
précédent les variables de l’étape d’adaptation dans le temps. Deuxième hypothèse, l’adaptation
précède les variables de l’étape du « management de son rôle » dans le temps. Troisième
hypothèse, dans le processus d’évolution vers les résultats, les variables définies à chaque étape
sont supposés précéder directement les variables des étapes postérieures immédiates, et
influencer directement les variables des étapes suivantes. Il se trouve que dans cette disposition,
seules les variables du « management de son rôle » sont supposées influencer la réalisation des
résultats. Ainsi, l’auteur conclut en expliquant que la socialisation est complète lorsqu’un
individu franchi les trois étapes principales de la socialisation.
2.3. L’approche gestionnaire de la socialisation organisationnelle
2.3.1. Les premières recherches sur la socialisation organisationnelle
L’organisation est présenté par Schein (1968) comme une entité qui s’emploie, au moyen de
la formation et de divers autres techniques, à faire adhérer ses membres à un ensemble de
valeurs, de normes et de comportements qui traduisent son « identité » et son « intégrité ». Etant
donné que l’organisation ne peut s’exprimer qu’à travers ceux qui sont sensés la représenter
auprès de ses différents partenaires extérieurs, l’idée d’un modelage ou d’une transformation des
individus par l’organisation est également suggérée par Van Maanen (1978). Cette idée prend
définitivement forme dans un article fondateur dans lequel Van Maanen et Schein (1979)
élaborent les principales tactiques qu’une organisation met en place pour gérer la socialisation de
ses membres. La définition de ces tactiques repose sur trois principales idées. Premièrement, la
survie et la continuité d’une organisation est considérée comme une préoccupation majeure.
Selon ces auteurs, la pérennité de l’organisation dépend de la façon dont sa culture est transmise
d’une génération à une autre. La culture étant considérée comme le socle de l’existence même de
l’organisation, il est normal qu’une transmission des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être
entre ceux qui la quitte et ceux qui arrivent, est la meilleure façon de garantir la continuité de
l’organisation sur un plan économique et social. Le rôle de la socialisation est d’assurer cette
continuité. Deuxièmement, l’organisation est un « ensemble de rôle » segmenté en trois
dimensions considérées comme des « frontières organisationnelles ». La première dimension est
fonctionnelle et se réfère aux diverses taches accomplies dans les différentes fonctions de
l’organisation par ses membres. La dimension hiérarchique concerne la répartition des positions
hiérarchiques à l’intérieur de l’organisation et la dimension inclusive se réfère aux relations
interpersonnelles. Dans ce contexte, la socialisation s’intéresse à la façon dont les individus
115
assurent leur rôle lorsqu’ils arrivent nouvellement dans une organisation, ou lorsqu’ils
franchissent les frontières internes de l’organisation. Troisièmement, la socialisation se
préoccupe de la façon dont les nouvelles recrues sont susceptibles de répondre aux actions de
l’organisation. Deux types de réponses sont identifiés par la littérature. Soit la nouvelle recrue
accepte le rôle tel qu’il est pratiqué par ses prédécesseurs, soit il apporte quelques modifications
à la pratique et fait preuve d’innovation.
2.3.2. Analyse du modèle des tactiques de socialisation de Van Maanen et Schein
(1979)
Le modèle théorique de Van Maanen et Schein (1979) s’inspire des travaux de Cosgwell
(1968) et de Brim et Wheeller (1968) portant sur la socialisation primaire, et plus précisément
sur le processus d’intégration d’un enfant dans une société humaine. Pour Cosgwell (1968), il est
possible d’influencer le processus de socialisation primaire en structurant le cadre de ce
processus, ou plus précisément en agissant sur trois caractéristiques de ce cadre : sa formalité son
caractère individuel ou collectif, et son caractère en série ou disjoint. Van Maanen et Schein
(1979) proposent par conséquent un modèle d’influence composé de six tactiques bipolaires (les
trois caractéristiques de Cosgwell, auxquelles ils ajoutent trois autres caractéristiques), chacun
des pôles représentant une extrémité d’un continuum. Ces tactiques peuvent être utilisées par les
organisations pour structurer la socialisation des nouvelles recrues. Les auteurs soulignent que
ces tactiques influencent l’orientation que les nouvelles recrues vont finalement donner à leur
prise de rôle (réplique ou innovation de rôle) et leur adaptation ultérieure à l’organisation. (Cf.
Tableau 3)
116
Tableau 9. Typologie des tactiques de socialisation de Van Maanen et Schein (1979)
Tactiques de type Formel/Informel Formel Les recrues sont plus ou moins isolées des autres membres de l’organisation à travers une série d’expériences façonnées pour les nouveaux entrants. Leur apprentissage est structuré clairement et officiellement.
Informel La spécificité du rôle du nouvel entrant n’est pas distinguable. Cela donne une sorte de socialisation du « laisser-faire » où le nouvel entrant est accepté au moins comme un membre provisoire du groupe et non placé dans un rôle de recrue par des signaux symboliques tels que des labels spécifiques, badges, uniforme ou autres.
Tactiques de type collectif/individuel Collectif Le nouvel entrant est seul, isolé, sa série d’expériences est plus ou moins unique.
Individuel Les recrues sont placées ensemble pour vivre une série d’expériences communes. Ces stratégies prennent place dans les organisations où un grand nombre de recrues entrent simultanément pour occuper un même rôle.
Tactiques de type séquentiel/aléatoires Séquentiel L’organisation spécifie une séquence donnée d’étapes identifiables qui mènent à une « position cible » dans l’entreprise. Autrement dit, elle communique au nouveau les séquences de rôles par lesquelles il devra passer au cours de sa carrière pour atteindre la « position cible ».
Aléatoire La séquence de rôles qui mène à une position donnée dans l’entreprise est inconnue, ambigüe ou continuellement changeante.
Tactiques de type fixe/variable Fixe L’organisation identifie et communique au nouvel entrant la durée de chaque séquence de rôle menant à une position cible.
Variable La durée de séquences entre deux transitions organisationnelles est inconnue.
Tactiques de type en série/disjoint Série Les membres expérimentés de l’organisation accompagnent les nouveaux qui assument des positions relativement similaires dans l’organisation (rôle de modèle pour les recrues).
Disjoint Le nouveau ne dispose pas de modèle de rôle pour le renseigner sur la manière d’occuper son rôle. Les prédécesseurs « sortent par la porte de derrière » et les nouveaux « entrent par la porte de devant ».
Tactiques de type investiture/non investiture Investiture L’organisation et le groupe confirment l’identité de la recrue à son entrée et ratifient la fiabilité et l’utilité de ses caractéristiques personnelles.
Non investiture L’organisation et le groupe infirment l’identité de la recrue à son entrée et dépouillent la recrue de certaines caractéristiques personnelles. Le nouveau doit modifier certains éléments de sa personnalité pour pouvoir devenir un membre de l’organisation et du groupe.
Source : Bargues-Bourlier, 2009
Van Maanen et Schein (1979) précisent que ces tactiques ne sont pas exclusives et qu’elles ne
sont pas destinées à un type d’organisation ou à des comportements particuliers. Par ailleurs,
l’inconvénient majeur de cette approche est qu’elle considère les nouvelles recrues comme des
acteurs passifs, malgré l’influence que l’individu peut exercer sur l’organisation, notamment à
travers ses comportements d’innovation de rôle. Dans le prolongement des travaux de Van
Maanen et Schein (1979), Jones (1986) suggère que les tactiques organisationnelles peuvent
117
avoir une influence différente sur la socialisation des individus, en fonction des contextes dans
lesquels l’information est fournie aux nouvelles recrues, du contenu de cette information et de
divers aspects sociaux. Il élabore à cet effet une nouvelle classification qui met en évidence
deux dimensions des tactiques de socialisation.
La première dimension distingue trois catégories principales de tactiques qui ont vocation à
servir de levier d’actions pour l’organisation et ses membres sur le processus de socialisation. La
première catégorie se réfère au contexte de la socialisation, elle suggère que les tactiques
collectives et formelles sont mise en place par l’organisation pour s’assurer que les nouvelles
recrues reçoivent le même message sur les valeurs et les normes de l’organisation, ce qui leur
permet de se conformer au rôle qui leur est proposé, alors que les tactiques individuelles et
informelles laissent aux nouvelles recrues la latitude d’adopter des pratiques différentes et
innovantes. La deuxième catégorie concerne le contenu de la socialisation, elle stipule que les
tactiques séquentielles et fixes permettent aux nouveaux de disposer d’une information précise
sur les différentes activités et le calendrier de leur apprentissage. Alors que l’absence de ces
précisions dans les tactiques non séquentielles et variables accroit l’incertitude des nouveaux sur
leur avenir dans l’organisation. Enfin, la troisième catégorie se rapporte aux aspects sociaux et
interpersonnels du processus de socialisation. Elle suggère, dans la proposition initiale de Van
Maanen et Schein (1979) que les tactiques en série et de désinvestissement constituent un
meilleur soutient social pour les nouvelles recrues et favorisent la conformité au rôle. Alors que
les tactiques disjointe et d’investissement traduisent une absence de soutient, et par conséquent
une innovation dans la prise de rôle.
La seconde dimension regroupe les six tactiques de Van Maanen et Schein (1979) en deux
catégories distinctes : les tactiques institutionnalisées (collective, formelle, séquentielle, fixe, en
série, investiture) et les tactiques individualisées (individuelle, informelle, non séquentielle,
variable, disjointe, désinvestissement). Cette classification permet de considérer que les tactiques
« institutionnalisées » sont plus structurées et donc initiées par l’entreprise, alors que les
tactiques « individualisées reflètent une absence de structure et sont initiées par les employés
eux-mêmes.
L’étude empirique réalisée par Jones (1986) révèle que les tactiques institutionnalisées
seraient positivement corrélées à toutes les variables qui traduisent un bon ajustement et
négativement corrélées à celles qui traduisent un mauvais justement. Alors que les tactiques
individualisées sont négativement corrélées à toutes les variables qui traduisent un mauvais
ajustement. En d’autres termes, les tactiques institutionnalisées poussent les individus à se
118
conformer à un rôle prédéfini, ce qui permet de réduire l’incertitude qui entoure leur intégration
tout en favorisant certaines attitudes (la satisfaction au travail l’engagement vis-à-vis de
l’entreprise et intention de rester), tandis que les tactiques individualisées favorisent l’innovation
dans le rôle et augmente l’incertitude.
Tableau 10. Les tactiques de socialisation organisationnelles (Jones, 1986)
Les deux dimensions de Jones (1986)
Socialisation institutionnalisée
Socialisation individualisée
Contexte de la socialisation Collective formelle
Individuelle Informelle
Contenu de la socialisation Séquentielle fixe
Non séquentielle Variable
Aspects sociaux de la socialisation
En série investissement
Disjointe désinvestissement
Les dimensions de Van Maanen et Schein (1979)
Source : Lacaze et Fabre, 2005
Ces résultats de recherches montrent également que la dimension sociale (tactiques en série et
d’investitures) influence la manière dont les individus accomplissent leur rôle et s’ajustent
ultérieurement à leur organisation. Ils révèlent aussi que le contenu des informations transmises
aux nouveaux leur permet de réduire l’incertitude entourant leur intégration. Enfin, les résultats
montrent globalement que les tactiques collectives et formelles sont celles qui influencent le
moins. Ces résultats sont confirmés par les travaux réalisés par Allen et Meyer (1990), puis par
Ashforth et Saks (1996). Cependant, il convient de préciser que contrairement aux propositions
faites par Van Maanen et Schein, les tactiques « fixe » et « investissement », plutôt que les
tactiques « variables » et « désinvestissement », sont associés à la conformité de rôle. De plus,
Grant et Bush (1996) affirment dans leurs travaux sur les forces de vente que les tactiques de
type « séquentielles » et « en série » sont celles qui contribuent le plus la formation d’une
adéquation aux valeurs organisationnelles. Les auteurs suggèrent que les responsables de vente
veillent à ce que les nouveaux vendeurs soient informés à leur arrivée, des séquences des
activités auxquelles ils vont participer et les encouragent à entretenir des relations de qualité avec
toutes les personnes qui participent à leur initiation.
119
2.4. L’approche cognitive de la socialisation organisationnelle
Elle est marquée par les travaux de Louis (1980). En effet, l’auteur propose, dans son modèle
dédié à l’expérience de la nouvelle recrue, le processus cognitif suivi par les individus au
moment de leur intégration dans l’entreprise. Elle suggère que les nouvelles recrues présentent
des attentes souvent irréalistes et imprévisibles, et que la confrontation de ces attentes avec la
réalité objective du fonctionnement de l’entreprise va contribuer à ajuster leurs comportements.
En d’autres termes, la socialisation est considérée comme un processus de construction de sens
qui vient réduire le stress que ressentent les individus lorsqu’ils intègrent une nouvelle
organisation. Selon Perrot et al., (2005), ce modèle présente une proximité théorique avec
l’approche fondatrice de Kelly (1955, 1970, 1977) qui « décrit les mécanismes de construction
de sens des personnes socialisées comme un cycle qui part des système de représentation
(construction) initiales des individus, et comprend cinq phases » : l’anticipation,
l’investissement, la rencontre, la confirmation ou la non confirmation, et la construction du
système de représentation. Alors que Louis (1980) consacre son processus de construction de
sens autour de trois traits caractéristiques : le changement, le contraste et la surprise. Bien que
ces approches présentent des similitudes, nous présentons dans les lignes qui suivent les
différentes phases du modèle de construction de sens telles que présentées par l’auteur.
Le changement est défini comme une différence objective entre les principales
caractéristiques du nouvel environnement et celles de l’ancien. Ce changement concerne trois
fonctions importantes qui ne sont pas attachées à l’individu et peuvent être connues d’avance. Il
s’agit du poste et des tâches qu’il est nécessaire d’accomplir. Il y a aussi la position que la
nouvelle recrue va occuper dans la hiérarchie et les implications que cela suppose en termes de
responsabilités. Il y a enfin la position informelle que la nouvelle recrue va occuper et son accès
à l’information.
§ Le contraste est une notion personnelle à l’individu qui, à la différence du changement,
n’est pas connue d’avance. Il représente une différence subjective entre le nouvel et
l’ancien environnement par lequel la nouvelle recrue caractérise et définie la nouvelle
situation.
§ La surprise représente la différence entre les anticipations individuelles et la découverte
du nouveau contexte organisationnel. Elle peut être à la fois positive et négative et résulte
de la découverte des contrastes et des réactions affectives portant sur eux. Il faut par
ailleurs noter que la surprise peut se produire au niveau de l’organisation, du travail ou de
l’individu, et que les anticipations peuvent être conscientes, tacites ou émergentes.
120
Selon Louis (1980), la « surprise » peut prendre plusieurs formes qui nécessitent de la part des
nouvelles recrues des adaptations permanentes. Il distingue cinq types de «surprise ». La
première se révèle lorsque les attentes conscientes concernant le travail ne sont pas satisfaites
positivement ou négativement. La seconde apparait lorsque les attentes (conscientes et
inconscientes) concernant personnellement l’individu sont imprévisibles. La troisième forme de
« surprise » se produit lorsque les attentes inconscientes concernant le travail sont imprévues. La
quatrième provient des difficultés que rencontre la nouvelle recrue à anticiper ses réactions face
aux situations professionnelles. La cinquième provient du fait que les hypothèses qui ont été
formulées par les nouvelles recrues ne soient pas adaptées à la nouvelle situation. Finalement, la
surprise apparait dans ce modèle comme l’élément déclencheur du processus de construction de
sens. Louis (1980) souligne que l’inadéquation entre les attentes des nouvelles recrues et les
dispositions du nouvel environnement de travail crée au niveau de l’individu des tensions que ce
dernier est contraint de réduire pour retrouver un état d’équilibre. Elle précise, en outre, que cette
« surprise » est inévitable au moment de l’intégration compte tenu de l’incertitude et des attentes
imprévisibles qui peuvent émerger.
Figure 9.Processus d'attribution de sens lors de l'entrée organisationnelle
Activités clés Détection Diagnostic Interprétation
Attribution de sens lors de l’entrée organisationnelle
Le nouveau entre
dans l’organisation
Changement
Surprise Attribution de
sens
Sens de
l’attribut
Sélection
comporteme
nt
Mise à jour
des attentes et
de la vision de
la situation
Contraste
Eléments intervenant dans
l’attribution de sens
- Interprétation des autres
- Schéma d’interprétation locaux
- Prédispositions
- Expériences passées
Source : Louis, 1980 (« Surprise and sens-making »)
121
Ainsi, pour montrer comment la nouvelle recrue affronte l’expérience d’intégration dans une
nouvelle organisation, Louis (1980) met en évidence l’importance des difficultés auxquelles font
face ces individus. Elle compare ces obstacles aux processus, plus simples, par lesquels les
individus déjà intégrés résolvent au quotidien des problèmes dans un contexte sans surprise. Le
mécanisme de construction de sens qu’elle propose repose sur les processus cognitifs que les
individus utilisent dans le cadre organisationnel pour faire face aux évènements inattendus et à
l’innovation. Enfin, l’auteur identifie les besoins spécifiques que les nouvelles recrues peuvent
éprouver dans le processus de construction de sens. Ils éprouvent le besoin d’interpréter les
évènements qui se produisent dans leur nouvel environnement de travail. Ils éprouvent
également le besoin d’une aide leur permettant d’apprécier les situations spécifiques et
complexes ou ayant des implications d’ordre culturelle. Pour cela, les personnes déjà en place
dans l’organisation constituent des sources d’information appropriées que la nouvelle recrue
devrait prendre en compte.
En définitif, nous pouvons conclure cette partie en soulignant que l’organisation est à la fois
une source d’incertitude et un pourvoyeur de connaissances qui donne à l’individu la possibilité
d’apprendre au contact des personnes expérimentées et de pouvoir faire face aux « situations
inattendues ». La socialisation organisationnelle s’attache à ces caractéristiques pour assurer
l’influence nécessaire qui permettra à l’organisation de réduire cette incertitude, d’assurer
l’apprentissage indispensable permettant aux individus de gérer les situations auxquelles ils sont
confrontés.
3. Les approches récentes de la socialisation organisationnelle
3.1. Les tactiques individuelles de socialisation
Elles suggèrent que l’individu qui jusque là était passif, devient un acteur actif du processus
de socialisation en adoptant des comportements de recherche d’information qui lui permettent
d’assurer sa propre intégration dans l’organisation. Deux raisons principales justifient cette
recherche d’informations, (1) la réduction de l’incertitude qui permet aux nouvelles recrues
d’avoir un contrôle et une maitrise de leur environnement, et (2) la possibilité de posséder les
informations dont ils ont besoin pour maitriser leur travail et assurer leur intégration, dans la
mesure où ces informations ne sont pas souvent disponibles. Nous présentons la recherche
d’informations à travers deux traits comportementaux. Le premier concerne le comportement
réactif qu’adopte la nouvelle recrue face à l’incertitude que présente son nouvel environnement
de travail et qui constitue pour lui une occasion de construction de sens. Le second met en
122
évidence la recherche d’information comme une stratégie d’acquisition de connaissances qui est
matérialisée au niveau de la nouvelle recrue par des comportements proactifs.
3.1.1. La recherche proactive d’informations
La littérature présente la recherche proactive d’informations comme une stratégie par laquelle
les individus accélèrent leur propre socialisation et définissent les conditions de leur ajustement
dans le nouvel environnement de travail (Morisson, 1993aet 1993b ; Ostroff et Kozlowski,
1992). Cette recherche s’apparente à une activité intense de communication qui repose sur trois
points essentiels : le type d’informations recherchées, les sources d’informations et le
comportement adopté par les nouvelles recrues.
§ Le type d’informations recherchées
Ostroff et Kozlowski (1992) puis Morisson (1993) suggèrent que le type d’information
recherchée doit permettre une meilleure connaissance des différents domaines de socialisation
tels que définis dans la littérature existante28. Il s’agit des informations qui relèvent des
exigences de la tache, les attributs du rôle, les normes du groupe et, le climat et la culture
organisationnelle. Les nouvelles recrues recherchent les informations techniques concernant les
compétences, les habiletés qui permettent d’accomplir les taches relatives à leur travail. Ils
recherchent également des informations concernant leur rôle dans l’organisation, afin d’avoir
une meilleure perception des attentes des personnes avec qui ils doivent collaborer. Les
informations sur les normes, les valeurs, la culture et les procédures de l’organisation renseignent
les nouveaux sur les comportements attendus d’eux, pour s’ajuster à leur travail et à
l’organisation. Enfin, les nouvelles recrues sollicitent auprès de l’organisation un feedback
concernant leur performance et leur relation avec les autres membres de l’organisation
Morisson, 1993). Selon l’auteur, ces informations renseignent sur la qualité du comportement et
le niveau de performance réalisé par le nouveau et apportent le cas échéant des ajustements
pouvant les améliorer. La littérature indique que les nouvelles recrues consacrent l’essentiel de
leur temps à la recherche d’informations (Morisson, 1993 ; Ostroff et Kozlowski, 1992), mais
que toutes les informations n’ont pas la même importance dans la résolution des problèmes qui
se posent à eux. La priorité dans la recherche est accordée aux informations techniques et au
feedback sur la performance au travail. Ensuite, les nouvelles recrues ont recours aux
informations d’ordre politique et relationnel pour faciliter leur intégration (Morrison, 1995,
1993 ; Chao et al. 1994). Les informations normatives et organisationnelles sont sollicitées en
28 Fisher (1986)
123
dernier Or, comme le précisent Lacaze et Fabre (2005), c’est cette information qui est donnée en
priorité par l’employeur. Ce qui suppose des ajustements nécessaires.
§ Les sources d’informations les plus adaptés
Les nouvelles recrues disposent de deux sources principales d’informations pour obtenir
l’information dont ils ont besoin pour intégrer l’organisation. Les sources impersonnelles ou
sources non interpersonnelles) sont composées de l’ensemble des documents écrits, fichiers
électroniques, livret d’accueil, notes de service, plaquettes publicitaires et de façon générale tous
les documents internes officiels qui peuvent aider à intégrer une organisation (Perrot et al.
2005). Les sources interpersonnelles sont constituées de l’ensemble des personnes qui, à
l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation, peuvent fournir aux nouveaux des
informations. Parmi ces personnes, on distingue les supérieurs hiérarchiques, les collègues de
travail, les parrains ou dans une certaine mesure les clients et les fournisseurs (Morrison, 1993 ;
Ostroff et Kozlowski, 1992 ; Miller et Jablin, 1991). La littérature consacrée à la socialisation
s’est surtout intéressée aux sources interpersonnelles (Morrison, 1993 ; Ostroff et Kozlowski,
1992). Les sources les plus sollicitées sont les supérieurs et les collègues de même rang à cause
de leur familiarité et de leur accessibilité (Morrison, 1993 ; Miller et Jablin). Les informations
recherchées auprès de ces sources sont, les informations techniques et le feedback social. Le
supérieur est dans tous les cas la meilleure source d’information, à cause de sa position et les
responsabilités qui lui donne évalue et délègue les responsabilités. Néanmoins, les sources
impersonnelles, même si elles n’ont pas fait l’objet d’un intérêt particulier de la part des
chercheurs, présentent quelques avantages et inconvénients. Les avantages proviennent du fait
qu’elles fournissent des informations claires et objectives et, surtout qu’elles préservent le
nouveau de toute forme d’agacement de la part des personnes interrogées. L’inconvénient majeur
de ces sources réside dans le fait qu’elles ne livrent pas toujours une information riche et
pertinente (Ostroff et Kozlowski, 1992).
§ Les stratégies adoptées par les nouvelles recrues
Une fois identifiées les types d’informations dont ils ont besoin et les sources les plus adaptés
pour les obtenir, les nouvelles recrues sélectionnent les comportements qu’ils jugent appropriés
pour recueillir l’information. La littérature fait état de deux types de comportement de recherche
d’informations. Le premier fait référence à une recherche active qui consiste à demander (ou
poser des questions) des informations et le deuxième consiste, en une observation passive qui se
résumerait à observer, lire et écouter (Morrison, 1993 ; Ostroff et Kozlowski, 1992 ; Ashforth et
Cummings, 1983). Ces deux types de comportement sont souvent opposés en raison des coûts
124
que suscite leur utilisation, mais aussi à cause de leur capacité à recueillir des informations
pertinentes. Les coûts relatifs à l’observation se situent au niveau des risques que comporte une
mauvaise interprétation des informations recueillies, alors que les coûts associés à une recherche
par le questionnement sont évalués en termes d’images. Autrement dit, les nouvelles recrues
peuvent éprouver une gène à solliciter des informations qui exposent leurs mauvais résultats, ou
ils apparaitre agaçant vis-à-vis des personnes auprès de qui ils sollicitent ces informations
(Morrison, 1998). Les résultats des études réalisées sur le sujet révèlent que l’utilisation de
l’observation passive est plus adapté dans la recherche d’informations de référence et normative,
alors qu’il est plus aisé d’obtenir des informations techniques par la demande (Morrison, 1998).
3.1.2. Les autres formes de comportements proactifs
La proactivité d’un individu peut aussi s’exprimer à travers des comportements qui révèlent
une certaine maitrise psychologique des évènements lorsqu’il s’agit de faire face à des difficultés
majeures. Les études de terrain ont révélé que la prise de conscience, par les vendeurs
nouvellement engagés, de leur statut d’indépendant était la cause de nombreux départs. Mais
nous savons aussi que ceux des vendeurs qui réussissent connaissent des débuts difficiles. Ils
occupent des emplois qui ne garantissent pas toujours une évolution dans la carrière, et ils sont
surtout privés de revenu, tant que leurs capacités cognitives ne leur permettent pas de vendre.
Dès lors on peut légitimement se poser la question de savoir comment ils font pour surmonter
ces difficultés. La littérature nous explique que les individus sont dotés de facultés qui leur
permettent d’analyser positivement leur situation et de donner un sens à leur nouvel
environnement de travail tout en se forgeant une nouvelle identité. C’est le processus de
construction de sens développé par Louis (1980) et qui s’avère particulièrement utile dans
l’intégration des vendeurs indépendants.
Dans le même esprit, Lacaze (2011) analyse l’intégration des nouvelles recrues à partir des
tactiques individuelles. Elle considère ces tactiques comme des processus d’adaptation,
psychologiques, sociaux et comportementaux qui doivent permettre à ces employés d’être très
rapidement opérationnels (Cf. tableau). Ainsi, la proactivité des nouvelles recrues s’expriment
dans les efforts que produisent ces derniers en termes d’actions (tactiques individuelles) leur
permettant d’intégrer le nouvel environnement de travail. Les nouveaux arrivants doivent
réalisés des efforts sur le plan psychologique, car ils peuvent être confrontés à des situations
inattendues donnant lieu à une reconsidération des attentes initiales, susceptibles de créer un
choc émotionnel. Ils doivent aussi réaliser des efforts sur le plan social, dans la mesure où il est
de leur responsabilité de se faire accepter par le groupe, à la fois pour leurs qualités relationnelles
125
et pour leurs compétences professionnelles. Enfin, ils doivent réaliser des efforts sur le plan
comportemental pour connaitre les « rouages » de leur métier pour être efficace.
Tableau 11. La proactivité des nouvelles recrues
Type d’adaptation Tactique individuelles d’intégration
Objectifs
Adaptation psychologique
- Attribution de sens - Vision positive de sa situation et maitrise de ses émotions - Développement d’une identité professionnelle
- Intégrer les situations vécues dans le nouvel emploi dans un cadre cognitif structuré - Acquérir une stabilité émotionnelle - Tenir son statut et gérer l’ensemble des rôles qu’un individu doit tenir
Adaptation sociale - Intégration au sein des équipes - Comportements politiques
- Obtenir du soutien social - Acquérir du pouvoir dans l’organisation - Négocier du changement dans le travail
Adaptation comportemental
- Recherche d’information - Expérimentation - Auto-management
- Découvrir le métier - Planifier son apprentissage
Enfin, certains comportements proactifs comme l’expérimentation et l’auto-management
illustrent bien cette dimension de la responsabilisation, qu’est l’autonomie du vendeur, dans la
réalisation de son propre apprentissage. L’expérimentation explique le fait que l’on ne devient
bon vendeur qu’en pratiquant, car c’est en corrigeant ses erreurs passées qu’on acquiert un savoir
faire dans le métier de vendeur. Cet apprentissage par expérimentation procède de la capacité du
vendeur à travailler le plus souvent auprès de vendeurs expérimentés, de manière à acquérir par
un processus d’essai-erreur les connaissances techniques (argumentaire, découverte des besoins,
conclusion d’un entretien, etc.) qui lui permettent de vendre. L’auto-management quant à elle,
établit la capacité du vendeur à piloter son apprentissage, en se fixant des objectifs et en adoptant
des comportements pour les atteindre. Il s’agit de comportements d’auto régulation qui
consistent à gérer, non seulement son apprentissage, mais aussi son environnent, ses ressources,
ses émotions et ses motivations pour s’aider à atteindre ses objectifs (Butler et Cartier, 2004).
3.2. L’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle
Alors que les travaux initiaux sur la socialisation organisationnelle sont marqués par une
approche séparée de l’organisation et de l’individu dans le processus de socialisation, les
recherches récentes prônent l’analyse simultanée des niveaux organisationnels et individuels.
Cette analyse est fondée sur le comportement proactif de l’individu qui implique nécessairement
des interactions avec les membres de l’organisation.
126
3.2.1. L’analyse simultanée des niveaux organisationnels et individuels
L’utilisation conjointe des tactiques organisationnelles et individuelles émerge avec l’idée que
ces tactiques peuvent se compléter et fournir une meilleure compréhension du processus de
socialisation. Il serait par exemple intéressant de savoir, d’un point de vue managérial, quelles
tactiques institutionnalisées permettent aux nouvelles recrues d’accéder facilement à
l’information, ou d’identifier les tactiques que les jeunes recrues ont tendance à développer selon
les types de tactique de socialisation utilisée par l’organisation qui les accueille (Guerfel-Henda
et al. 2012). Par ailleurs, la perspective d’une intégration des deux niveaux d’analyse doit aussi
nous emmener à envisager la nature des liens qui existent entre les deux concepts, et le pouvoir
explicatif de chacun. Certaines études montrent que les tactiques individuelles jouent un rôle
médiateur entre les tactiques organisationnelles et les résultats de la socialisation (Cooper-
Thomas et Anderson, 2002 ; Saks et Ashforth, 1997). Plusieurs études ont montré l’intérêt
d’intégrer ces deux approches (Mengnuc, Han, et Aun, 2007 ; Lacaze, 2005 ; Cooper-Thomas et
Anderson, 2002 ; Saks et Ashforth, 1997). L’objectif de ces chercheurs étant de parvenir à une
véritable théorie intégrative qui permette d’assembler toutes les approches fragmentées
développées dans ce champ de recherche.
Saks et Ashforth (1997), souvent présentés comme les premiers à envisager cette intégration,
soutiennent que les tactiques de socialisation institutionnalisées offrent aux nouvelles recrues des
« opportunités de rencontre et d’échanges » qui vont faciliter l’acquisition d’informations auprès
d’agents internes. Ces auteurs soulignent ainsi l’influence que les tactiques organisationnelles
peuvent exercer sur les comportements proactifs des nouveaux. Ils soulignent aussi la
complémentarité de ces tactiques et les effets bénéfiques, notamment dans l’accélération du
processus, étant entendu qu’une socialisation plus rapide va permettre aux nouveaux de
surmonter rapidement l’incertitude et l’anxiété qui entoure leur entrée dans l’organisation, et à
l’organisation de disposer d’individus rapidement productifs (Cooper-Thomas et Anderson,
2002). Lacaze et Roger (2000) et Lacaze (2005) confirment cette tendance à l’intégration des
tactiques organisationnelles et individuelles et observent une complémentarité entre les
comportements proactifs des nouvelles recrues et les tactiques mises en place par l’organisation.
Ils y voient surtout dans la proactivité des nouvelles recrues une forme de compensation aux
tactiques rigides et contraignantes des organisations. Les tactiques individuelles sont considérées
comme les meilleurs conducteurs de l’intégration des nouvelles recrues, mais elles viennent dans
la majorité des cas en complément des tactiques organisationnelles. Ainsi, ces auteurs
recommandent aux entreprises d’avoir une meilleure connaissance des conditions d’intégration
des nouveaux, afin que celles-ci adaptent leurs tactiques à leurs besoins. Lacaze (2005) va plus
127
loin dans sa réflexion, en prônant une responsabilisation de l’individu pour son intégration, en
développant une meilleure connaissance de son rôle. Pour cet auteur, l’organisation doit prendre
en compte les tactiques développées par les individus dans la recherche d’informations afin
d’initier des programmes d’accompagnement devant faciliter par exemple l’accès à l’information
ou le feedback.
L’utilisation conjointe des tactiques organisationnelles et individuelles dans les forces de
vente à fait l’objet d’une étude de Menguc et al. (2007) dans un contexte non occidental. Les
auteurs mettent en évidence dans leur modèle séquentiel la complémentarité des deux tactiques
et leur influence respective sur l’accommodation (clarté de rôle et intégration social) et
l’ajustement des vendeurs à leur nouvel environnement de travail (satisfaction au travail,
engagement organisationnel et performance au travail).
3.2.2. L’interactionnisme symbolique
L’expression interactionnisme symbolique « désigne un courant sociologique d’origine
Américaine qui est fondé sur l’idée que la société est le produit des interactions entre les
individus. C’est également une expression qui recouvre divers réalités qui peuvent être d’ordre
théorique ou organisationnel. Ce qui signifie que ces divers réalités ne sont pas les mêmes d’un
pays à un autre ».
Mead (1934) est considéré comme le fondateur de l’interactionnisme symbolique, mais c’est à
Blumer (1969) que nous devons les trois grands principes qui servent de fondement à ce courant
de pensée : (1) les humains agissent à l’égard des choses en fonction du sens que les choses ont
pour eux. (2) ce sens est dérivé ou provient des interactions de chacun avec autrui. (3) c’est dans
ce processus d’interprétation mis en œuvre par chacun dans le traitement des objets que ce sens
est manipulé et modifié. Dans la conception générale, l’interaction est une action ou une
influence réciproque pouvant s’établir entre deux personnes, objets, éléments, corps ou
phénomènes et en modifier le comportement ou la nature. De ce point de vue, la socialisation
organisationnelle peut être définie comme un processus interactif de construction et d’influence
mutuelle qui se déroule entre les nouveaux et les anciens membres d’une organisation (Perrot et
al. 2005). Cette définition repose sur un certain nombre de réalités que nous résumons de la
façon suivante : (1) l’individu qui arrive nouvellement dans une organisation va inévitablement
interagir avec les anciens pour s’adapter à son nouvel environnement de travail. Ce qui implique
un changement individuel et organisationnel ; (2) la réalité organisationnelle est le « fruit » d’une
construction qui découle des interactions diverses et multiples qu’entretiennent les individus
dans une organisation. ; (3) l’interaction entre un nouveau et un ancien est le fondement du
128
processus de socialisation ; (4) l’interaction entre l’organisation et la nouvelle recrue peut être
appréhendée comme un processus d’influence mutuelle qui donne à chacun des acteurs un rôle
d’agent socialisateur. Ainsi la nouvelle recrue n’est pas la seule à entrer dans un processus de
socialisation, puisque les personnes déjà en place peuvent être influencées par les attitudes et les
comportements du nouveau.
En se référant à cette perspective théorique, Reichers (1987) développe un certain nombre de
propositions dans le cadre de la socialisation organisationnelle. L’auteur considère que
l’interaction accélère le processus de socialisation en permettant aux nouvelles recrues de
connaitre rapidement la réalité organisationnelle et de se construire une identité sociale. Il estime
que la maitrise des taches et l’intégration des nouvelles recrues seront d’autant plus rapides que
ces derniers s’engagent dans un nombre important d’interactions avec les membres déjà en place
dans l’organisation. Ces interactions sont elle mêmes facilités par le fait que les acteurs
impliqués dans le processus de socialisation interagissent les uns sur les autres. Pour Reichers
(1987), la proactivité des acteurs est fondamentale dans l’intégration des individus dans
l’organisation. Il la définit comme tout comportement qui implique une recherche active des
opportunités d’interactions (Mitchell, 1980). Dans le même ordre d’idées, Major et Kozlowski
(1997), en s’appuyant sur le modèle de Reichers (1987), établissent un lien significatif entre la
fréquence de la proactivité des nouvelles recrues et le niveau d’interdépendance des taches. Ces
auteurs soutiennent la thèse selon laquelle, plus les taches sont interdépendantes, plus elles
nécessitent que les nouvelles recrues interagissent avec les membres déjà en place dans
l’organisation, du moins pour assurer la coordination des activités. Dans ce contexte, la
proactivité des individus dépend essentiellement d’une grande interdépendance des taches. Mais,
cette relation est modérée par des facteurs individuels et contextuels, tels que le sentiment
d’efficacité personnel du nouveau et l’accessibilité des membres déjà en place.
3.3. Le contenu de la socialisation organisationnelle
Le terme de contenu se réfère à l’expression même de ce qu’est la socialisation, c'est-à-dire un
référent qui permette de dire qu’un individu est socialisé ou pas, ou a atteint un niveau donné de
socialisation. Il s’agit de considérer des critères ou des indicateurs qui vont nous permettre
d’apprécier les acquis ou le degré de transformation de l’individu qui intègre une organisation.
3.3.1. Les domaines de socialisation
Dans la littérature, le contenu de la socialisation est appréhendé à travers « les domaines de
socialisation ». Ces domaines sont définis comme, « ce qui est appris et ce qui modifié au cours
de la socialisation » (Fisher, 1986). L’auteur distingue quatre domaines qui forment l’ossature
129
d’une taxonomie des apprentissages (Perrot, 2008). Ces domaines sont considérés comme les
différentes issues possibles du processus de socialisation (Tableau N°12).
Tableau 12. Les domaines de socialisation (Fischer, 1986)
1) Les valeurs de l’organisation, les objectifs, la culture…
Le nouvel arrivant doit apprendre les règles, les relations hiérarchiques, le système de rémunération et les autres caractéristiques de son organisation. Il doit aussi se familiariser avec la culture et les aspects informels de l’organisation. Un « contrat psychologique » (Schein, 1978) s’établit de façon implicite et marque l’acceptation mutuelle entre la personne et l’organisation.
2) Les valeurs du groupe, les normes, le fonctionnement, les amitiés…
Le nouveau doit faire connaissance avec ses collègues, s’intégrer au groupe de travail, comprendre les raisons du comportement des autres et adopter un comportement approprié. Découvrir les relations de pouvoir et les intérêts politiques de chacun fait également partie du processus de socialisation. « L’intégration sociale » est évaluée par des communications et des comportements perçus comme coopératifs au sein du groupe ou d’une organisation ainsi que par des éléments affectifs tels que la cohésion et l’attirance pour le groupe ou l’organisation (O’Reilly, Caldwell, Barnet, 1989).
3) Comment faire le travail : compétences et connaissances requises.
Même si le nouvel embauché est déjà formé pour occuper son poste, il doit encore apprendre les procédures, les règles, le jargon spécifiques à son lieu de travail. Il est aussi parfois nécessaire d’acquérir certaines capacités physiques de rapidité, de précision, d’endurance, de force…Enfin, pour devenir efficace, la personne doit former ses propres schémas, ses propres cartes cognitives représentant l’enchaînement de ses différentes taches.
4) Changement personnel relatif à l’identité et à l’image de soit
L’arrivée dans une nouvelle situation de travail s’accompagne d’une évolution de l’identité individuelle. A ses débuts dans une organisation, l’individu apprend sur lui-même et établit ses « ancres de carrière » :il découvre quels sont ses capacités et ses talents, ses motivations et ses besoins, ses attitudes et ses valeurs (Schein, 1978). Il peut découvrir qu’il a de nouvelles attentes et de nouveaux objectifs. Le changement personnel se traduit aussi par une modification du comportement, du mode d’interaction et de la façon de se vêtir (Fisher, 1986). Cela suppose un retrait de l’identité passé (Louis, 1980). Le nouveau salarié vit une sorte de deuil, situation fortement perturbante.
Source : Lacaze et Fabre, 2005
La socialisation d’un individu peut être considérée comme un apprentissage qui porte sur les
quatre domaines. Cependant, comme le souligne Perrot (2008), le domaine individuel (à travers
les changements identitaires) est considéré par certains chercheurs comme une conséquence plus
qu’une caractéristique permettant de définir le concept. Ce qui revient à considérer le travail, le
groupe de travail et l’organisation comme les principaux domaines de socialisation. Or, comme
le précise Perrot (2008), cette identification des domaines reste insuffisante et ne permet pas de
saisir pleinement la mesure du concept de socialisation organisationnelle. En effet, si la
130
socialisation s’est dans un premier temps focalisée sur les phénomènes d’apprentissage, certains
auteurs (Wanous, 1980 ; Jones, 1983 ; Fournier et Payne, 1994) considèrent que « ce qui est
appris » ne peut être efficacement appliqué que si les individus parviennent à l’intérioriser. Cette
approche révèle l’importance et la nécessité de coupler ces deux concepts pour une meilleure
connaissance du processus de socialisation organisationnelle. L’intériorisation est définie comme
le degré d’acceptation, d’adhésion et d’intégration des objectifs et des valeurs organisationnelles
(Perrot, 2008, 2009). Ce concept semble avoir un pouvoir explicatif plus important que
l’apprentissage, dans la mesure ou des individus peuvent apprendre pour enrichir leur
connaissance des taches, des rôles et des valeurs d’une organisation et décider de ne pas les
intégrer dans leur système de valeurs. Aussi, il est risqué de prétendre qu’un individu qui a fait
l’objet d’un apprentissage sur les trois domaines traditionnellement évoqués (travail, groupe de
travail et organisation) est effectivement socialisé. Perrot (2008) suggère dans ce contexte que
l’intériorisation soit étendue aux trois domaines de socialisation retenus. Cependant, si cette
perspective est réalisable pour l’organisation, elle l’est moins pour les deux autres domaines.
Aussi, aux dimensions concernant l’apprentissage des domaines liés à l’organisation, au travail
et au groupe de travail s’ajoute une dimension relative à l’intériorisation des objectifs et valeurs
de l’organisation.
3.3.2. La mesure de la socialisation organisationnelle
L’évaluation du niveau de socialisation atteint par un individu a été pendant longtemps réalisé
à travers des indicateurs attitudinaux, tels que la satisfaction au travail, l’engagement
organisationnelle et dans le travail, l’intention de quitter. Mais ces indicateurs jugés distants par
certains auteurs, donnent des résultats indirects (Ostroff et Kozlowski, 1992 ; Bourhis, 2004 ;
Perrot et Roussel (2009). De plus, ces variables de résultat sont déterminés par un nombre
important de variables dans la littérature. Pour remédier à cette défaillance, un groupe de trois
chercheurs (Chao et al.1994 ; Taormina, 1994 ; Anakwe et Greenhaus, 1999) va initier une
recherche importante permettant à la littérature de disposer d’échelles de mesure.
§ L’échelle de Chao et al (1994)
Chao et ses collaborateurs réalisent dans une revue de la littérature et identifie six dimensions
de la socialisation sur lesquelles les organisations peuvent avoir une certaine influence :
131
Encadré 1. Les dimensions de l'échelle de Chao et al (1994)
La compétence professionnelle (performance proficiency) qui correspond à l’acquisition de savoirs et savoir-faire requis par les taches reliées à l’emploi. Les relations interpersonnelles (people), ou la capacité à établir des relations professionnelles satisfaisantes avec les autres membres de l’organisation. Le niveau politique (politics), c'est-à-dire la capacité à comprendre les relations et procédures formelles et informelles au travail, ainsi que les structures de pouvoir au sein de l’organisation. Le langage (language), soit la connaissance et l’l’utilisation du langage technique spécifique à la profession ainsi que le jargon de l’organisation. Les objectifs et valeurs organisationnels (organizational goals and valus), ou la connaissance et l’acceptation des normes et principes nécessaires au maintien de l’intégrité de l’organisation. L’histoire (history), correspond à la connaissance des traditions, coutumes, mythes, et rituels utilisés afin de perpétuer un certain modèle de comportement
§ L’échelle de Taormina (1994)
Taormina (1994) développe une échelle de mesure du niveau de socialisation qui comporte
quatre dimensions. Elle réalise un inventaire de la socialisation organisationnelle comprenant 27
items à évaluer sur une échelle en sept points (fortement en désaccord – fortement en accord).
Ces items traitent de (1) de la formation reçue par les employés, (2) de leur compréhension de
leur emploi et du fonctionnement de leur entreprise, (3) de l’aide ou du support moral offert par
leurs collègues et (4) des attentes des recrues quant à une carrière dans l’organisation. Cette
échelle est conceptuellement proche de celle de Chao et al. (1994), mais parait plus large dans la
mesure ou elle intègre l’efficacité des pratiques de socialisation, ainsi que l’acceptation par le
salarié de son identité et de son avenir dans l’organisation (Lacaze et Fabre, 2005).
§ L’échelle d’Anakwe et Greenhaus (1999)
Anakwe et Greenhaus (1999) appréhendent la socialisation comme un construit composé de
six dimensions : (1) la maitrise des taches, (2) le fonctionnement au sein du groupe de travail, (3)
la connaissance et (4) l’acceptation de la culture organisationnelle, (5) l’apprentissage personnel
et (6) la clarté de rôle. Le principal apport de cette échelle par rapport aux deux autres porte sur
la dimension « apprentissage personnel ». Alors que les quatre premières dimensions sont
conformes aux dimensions « compétence professionnelle », « relation interpersonnelles » et
« objectifs et valeurs organisationnelles » de Chao et al (1994) selon Lacaze et Fabre (2005).
Concernant la sixième dimension sur la « clarté de rôle », ces auteurs estiment qu’elle a été mise
en évidence par de auteurs (Fisher, 1986 ; Jones, 1986 ; Perrot, 2001).
132
SECTION 2. CONTRIBUTION DE LA SOCIALISATION A LA GESTION
A défaut de développer une théorie générale de la socialisation organisationnelle, la recherche
sur la socialisation dans les organisations a connu une réelle extension dans de nombreux
domaines des sciences de gestion. Ce prolongement, qualifié de socialisation organisationnelle
en contexte29, se réfère au processus par lequel les modèles de comportements, les usages et
coutumes, les croyances et les pratiques d’un groupe particulier sont progressivement assimilés
par un individu (Evan et al, 1995).
Nous proposons une analyse des développements de la socialisation organisationnelle dans la
gestion des ressources humaines ; le marketing, avec notamment la socialisation des clients dans
les services et la socialisation des fournisseurs ; et l’entrepreneuriale dans les organisations, en
mettant en évidence la nécessité d’innover, et surtout de « sauter le pas » de la création (1). Puis,
nous proposons une nouvelle lecture du management de forces de vente à partir du concept de
socialisation organisationnelle (2).
1. Les développements de la socialisation dans les sciences de gestion
La socialisation organisationnelle est issue des sciences sociales, notamment de la sociologie,
de la psychologie et de l’anthropologie culturelle. Son développement dans les sciences de
gestion s’est surtout porté sur trois domaines de recherche, à savoir la gestion des ressources
humaines, le marketing et l’entrepreneuriat. Ainsi, nous analysons les extensions de la
socialisation en GRH, dans des domaines particuliers comme le syndicalisme, l’expatriation et le
personnel en contact.
1.1. Les développements en gestion des ressources humaines
Dans la gestion des ressources humaines, la socialisation organisationnelle s’est
principalement intéressée à l’évolution de l’individu au cours de sa carrière, notamment aux
transitions successives qui marquent le passage d’une fonction à une autre, depuis le recrutement
jusqu’au départ à la retraite d’un employé. Mais, c’est surtout dans les activités concernant
l’entrée dans une organisation que la recherche est la plus intense, soulignant l’impact que les
pratiques de GRH (recrutement et formation) peuvent avoir sur les comportements futurs de
l’individu au travail.
29 Campoy et al (2005)
133
1.1.1. La socialisation du personnel en contact
Le personnel en contact est considéré comme une catégorie de travailleurs particulière,
compte tenu de la nature de leurs activités orientée vers le client et engageant la responsabilité de
l’entreprise. Goffman (1968) cité par Campoy et al (2005) précise que « les relations
professionnelles spécialisées peuvent se diviser en deux catégories, l’une où le praticien se
trouve par son travail même, en contact avec le public, l’autre ou son travail ne touche que les
membres d’une organisation. Selon moi, le contact avec le public et le pouvoir exercé sur lui
constituent des caractères assez importants pour que tous ceux qui en font l’expérience puissent
être regroupés en une catégorie spéciale ». Plusieurs métiers différents sont regroupés dans
l’expression « personnel en contact », tels que conducteurs de taxi, caissières, hôtesses,
professions libérales, forces de vente, infirmières, policiers, agents de centres d’appels …
(Campoy et al, 2005). Il s’agit des personnels travaillant de façon permanente avec le client et
dont le rôle est de servir d’intermédiaires entre ces clients et l’organisation qu’ils représentent.
Selon ces auteurs, cette position frontalière rappelle celle du « marginal-sécant »30 qui intervient
dans plusieurs systèmes d’actions. Le personnel en contact a un accès privilégié à l’information
stratégique, ce qui peut lui conférer un pouvoir dans l’exécution de ses tâches, mais il est aussi
soumis à des tensions de rôles.
Dans la littérature, les recherches sur les personnels en contact sont principalement
américaines, et portent pour l’essentiel sur le management des forces de vente. Bien que
modestes, ces recherches ont été réalisées sur la socialisation des forces de vente. On notera
chronologiquement les travaux de Dubinsky et al (1986) qui adaptent et testent empiriquement le
modèle séquentiel de la socialisation organisationnelle de Feldman (1976) dans le contexte du
management des forces de vente. Ces travaux sont présentés dans la deuxième partie de ce
paragraphe. Evans et al (1995) examinent dans leurs travaux sur la socialisation des vendeurs
dans la vente des services, l’impact de la socialisation du vendeur sur l’engagement
organisationnel, la satisfaction et la performance. Ils soulignent le rôle très important de la
personne en contact avec le client, en l’occurrence le vendeur, dans le succès des organisations.
Grant et Bush (1996) testent les effets des tactiques organisationnelles de socialisation sur la
convergence des valeurs à travers une culture commerciale forte au sein des forces de vente. Ils
soulignent le rôle des managers dans leur capacité à intégrer les attentes des vendeurs aux
valeurs défendues par l’organisation. Pour leur part, Lopez et Mac Millan-Cepehart (2002)
étudient, à travers le concept d’adéquation personne/organisation, la façon dont la socialisation
30 Crozier et Friedberg, (1977)
134
peut aider des personnes d’origines diverses à intégrer l’organisation. Barksdale et al (2003)
s’appuient sur le modèle séquentiel de Dubinsky et al (1986) pour tester l’impact de l’aperçu
réaliste d’emploi et la perception de la formation sur la performance et l’implication du vendeur.
Enfin, Menjuc et al, (2007) expérimentent dans un contexte non occidental, l’utilisation
conjointe des tactiques de socialisation organisationnelle et individuelle dans l’intégration et
l’ajustement des vendeurs à leur nouvel environnement de travail. En France, Commeiras et al,
(2012) réalisent une étude exploratoire sur la socialisation des apprentis, notamment la formation
des vendeurs et des personnels du marketing dans le secteur de la banque et des assurances.
1.1.2. La socialisation syndicale
La socialisation syndicale est présentée comme le résultat du processus d’interaction entre
l’individu et le syndicat (organisme syndical, responsables syndicaux et les autres adhérents)
(Campoy et al, 2005). Elle fait l’objet de deux approches différentes : l’approche intégrative et
l’approche pragmatique. La première considère le syndicat comme le prolongement de la classe
sociale qu’il représente. Le rôle du syndicat est alors d’intégrer ses membres en vue d’en faire
des militants qui viendront défendre leurs propres intérêts contre l’entreprise. La deuxième
approche s’intéresse à la pérennité du syndicat. Elle ne propose pas simplement d’intégrer
l’individu dans la société, mais de pérenniser l’existence du syndicat. La recherche sur la
socialisation syndicale est largement influencée par les théories développées dans le cadre de la
socialisation organisationnelle, dont elle hérite également du cadre conceptuel. La préoccupation
des chercheurs a donc été de savoir comment mesurer la socialisation dans le cadre des pratiques
syndicales.
1.1.2.1. La mesure de la socialisation syndicale
Pour mesurer la socialisation syndicale trois approches ont été successivement utilisées par les
chercheurs. La première approche est essentiellement explicative. Elle cherche à identifier les
déterminants (profils et motivations des syndiqués) qui influencent la syndicalisation des
individus. Elle veut surtout comprendre les mécanismes qui font qu’un individu soit à la fois
loyal (double loyauté) vis-à-vis de l’entreprise qui l’emploi et de l’organisation syndicale qui
défend ses intérêts. Selon Campoy et al. (2005) les recherches réalisées dans ce sens révèlent des
résultats surprenants : « les individus qui se déclarent les plus satisfaits vis-à-vis de leur
entreprise sont aussi ceux qui déclarent le plus haut niveau de satisfaction à l’égard de leur
syndicat. Par ailleurs, la double allégeance est plus forte quand les relations sociales dans
l’entreprise sont riches et les salariés bien intégrés dans la communauté de travail. Enfin, les
salariés avec un haut niveau de double allégeance sont plus productifs et fréquentent plus
135
assidument les réunions syndicales ». D’autres chercheurs ont utilisé l’implication syndicale
pour mesurer la socialisation syndicale. Cette évaluation est opérée à travers quatre dimensions :
la loyauté syndicale (implication affective), la volonté d’agir pour le syndicat (l’implication
calculée), le sentiment de responsabilité vis-à-vis du syndicat (l’implication normative), et la
croyance dans le syndicalisme (l’implication morale). La deuxième approche fondée sur le
processus a été adopté à la suite des travaux de Feldman (1976) et Van Maanen et Schein (1979)
sur le processus de socialisation organisationnelle. Elle s’intéresse particulièrement au début de
l’adhésion au syndicat (primo-socialisation) et mesure la façon dont le nouveau syndiqué a été
« soutenu, encouragé ou au contraire ignoré ; dans quelles mesure les buts du syndicat lui ont été
clairement expliqués ». Ces variables ont révélées des corrélations positives avec les différentes
dimensions de l’implication syndicale citées précédemment. Il faut ajouter à cette phase
d’intégration, les recherches réalisées lors du passage du statut d’adhérent à celui de militant. La
transition d’une telle frontière organisationnelle nécessitant de socialiser à nouveau le syndiqué,
afin de faciliter son ajustement au nouveau rôle. La troisième approche porte sur le contenu et
permet de mesurer le niveau de socialisation syndicale. C’est une approche récente qui n’a pas
fait l’objet de nombreux travaux, cependant elle apparait davantage comme une approche
complémentaire à la précédente, dans la mesure où elle permet d’affiner « les liens entre les
différentes dimensions de la socialisation et d’autres variables à partir des résultats obtenus par
l’approche par les processus »31.
1.1.2.2. Analyse du modèle conceptuel de la socialisation syndicale
Campoy et al (2005) proposent un modèle intégrateur de la socialisation syndicale,
comprenant les antécédents et les conséquences de la socialisation syndicale, ainsi que les liens
avec d’autres formes de socialisation.
Il faut noter que la socialisation syndicale est influencée par des variables qui relèvent à la
fois des autres formes de socialisation, des conceptions culturelles et idéologiques liées au
syndicalisme et des caractéristiques individuelles. Parmi les antécédents de la socialisation
syndicale, on note la socialisation familiale à travers le rôle socialisateur de la famille dont
l’influence peut affecter les attitudes des individus avant même qu’ils ne soient syndiqués ; il y a
aussi les proches qui constituent le plus souvent un « groupe de pression » pouvant contraindre
l’individu à se socialiser ou pas ; la croyance et l’idéologie sont considérées comme des variables
de la socialisation anticipée, car elles peuvent être développées antérieurement à toute expérience
liée au travail ou au syndicat ; l’expérience et l’ancienneté sont des indicateurs de premier plan,
31 Cité dans Campoy et al.,(2005)
136
on distingue l’expérience institutionnelle (formation syndicale, procédures d’accueil formalisées,
distribution de documents) et l’expérience individuelle (rencontre avec les responsables
syndicaux, aide et soutien du syndicat) ; les caractéristiques du responsable ont aussi des effets
importants sur la socialisation syndicale puis qu’il est le premier agent socialisateur de
l’organisation, et par conséquent celui qui par son leadership, sa disponibilité et ses compétences
avoir une influence directe sur la socialisation des membres.
Les conséquences de la socialisation syndicale sont regroupées autour de deux grands groupes
variables : les variables liées à l’activité syndicale et les variables organisationnelles. Le premier
groupe comprend les attitudes et les comportements développés par les syndiqués comme,
l’implication, la participation et la citoyenneté syndicale, et la volonté de faire grève. Le
deuxième groupe se réfère aux attitudes et comportement de type organisationnel.
1.1.3. La socialisation organisationnelle dans le cadre de l’expatriation
L’expatriation des ressources humaines dans des entreprises de dimension internationales
requiert de celles-ci qu’elles socialisent à nouveau leurs membres, compte tenu des différences
culturelles et organisationnelles qui peuvent exister entre la société mère et les sociétés filiales à
l’étranger. Il s’agit d’un processus de transition interne qui peut se faire, soit de façon
hiérarchique dans le cadre d’une promotion, soit de manière fonctionnelle pour pallier à des
besoins de compétences existants dans l’entreprise de destination. Dans tous les cas, ce
processus de transition de carrière implique une adaptation particulière des individus qui fait
appel à plusieurs champs de connaissances de la socialisation organisationnelle. Dans la
littérature, l’adaptation de l’expatrié à son nouvel environnement de travail est présentée comme
un processus qui part de la maitrise du nouveau contexte culturel à l’adoption des pratiques
organisationnelles et sociales propres au contexte organisationnel.
1.1.3.1. Le processus d’adaptation de l’expatrié
Le principe d’une adaptation de l’expatrié est admis dès lors que ce dernier est confronté,
dans ses échanges au sein de l’entreprise, à des difficultés de communication ou relationnelles
rendant impossibles la collaboration dans le travail. Il est alors conseillé à l’expatrié de s’adapter
à son nouveau contexte culturel national, dans la mesure où la majeure partie de ses interactions
est réalisée avec des collègues ou des collaborateurs issus du milieu national. Il peut arriver que
l’entreprise soit composée d’un nombre important d’expatriés issus de différentes cultures. Dans
ce cas, l’adaptation ne sera plus seulement nationale, elle devient interculturelle. Pour certain
auteurs, cette adaptation peut prendre la forme d’une acculturation, c'est-à-dire d’un « processus
137
par lequel les membres d’un groupe d’un milieu culturel s’adaptent à la culture d’un groupe
différents (Tung, 1993)32. En s’appuyant sur les travaux de Berry (1980) puis de Reiger et
Wrong-Reiger (1991), Tung présente une approche ou stratégie d’acculturation qui reflète
l’évolution de l’efficacité interculturelle lorsqu’elle présentée dans cet ordre : séparation,
déculturation, assimilation et intégration (ou multiculturalisme). Selon Tung (1993), l’intégration
est la stratégie d’acculturation optimale.
Figure 10. Adapté du processus d'ajustement de Reiger et Wrong-Reiger (1991)
Maintien de la culture d’origine Oui Non Oui Adoption de la culture du pays Non
Intégration
Assimilation
Séparation
Marginalisation
Source : Tung (1993)
Les quatre typologies d’acculturations décrivent des modèles qui partent des stratégies
d’interactions « hautement fonctionnelles » aux stratégies « hautement dysfonctionnelles », entre
des personnes appartenant à des cultures nationales différentes. Dans l’intégration, l’expatrié
veut à la fois maintenir sa culture et son identité d’origine et adopté la culture du pays d’accueil.
Une telle association des cultures permet une meilleure collaboration au travail, une prise de
rôles et un ajustement organisationnel plus rapide. A l’autre extrémité, la séparation constitue le
modèle d’interactions le plus dysfonctionnel entre les personnes appartenant à des cultures
différentes. Dans ce modèle, l’expatrié cherche à conserver son identité et sa culture d’origine,
tout en rejetant volontairement la culture du pays d’accueil. Un tel modèle d’interactions ne
favorise pas la collaboration au travail, mais peut au contraire générer des conflits entre les
membres de l’entreprise et freiner l’atteinte des objectifs. Entre ces deux extrêmes, nous avons
l’assimilation et la marginalisation. Dans l’assimilation, l’expatrié abandonne son identité et sa
culture d’origine pour adopter la culture du pays d’accueil. Si cette stratégie permet de
32 Cité dans Campoy et al.(2005)
138
promouvoir les pratiques locales, elle n’a pas vocation à se rependre dans toute l’organisation et
peut créer des dysfonctionnements dans le cadre d’une entreprise multinationale. Enfin, la
marginalisation est la stratégie dans la quelle l’expatrié se replie sur sa culture et refuse d’adopter
la culture du pays d’accueil. Un tel modèle d’interaction conduit à l’isolement, et par conséquent
à des dysfonctionnements dans le cadre des relations de travail.
Par ailleurs, le processus d’adaptation de l’expatrié à été étudié comme relevant des
conceptions socio-affectives du processus d’adaptation interculturels. Ce processus est élaboré
sous la forme d’une courbe en U décrivant le « choc culturel » que subit l’expatrié dans le
processus d’acculturation. Selon Hofstede (1994), « le choc culturel est le résultat d’un constat
dans la pratique générale d’une culture. Le choc apparait quand la première idée qu’on se fait
sur la culture, accentuée par les apparences, a été faussée ». Le « choc culturel » peut être
appréhendé comme un sentiment négatif ressenti par l’expatrié, dans sa confrontation avec la
culture du pays d’accueil. Il est nécessaire, dans ce cas, qu’un effort de compréhension mutuel
soit instauré entre les personnes de culture différente, pour aboutir à une phase d’adaptation.
Pour cet auteur, l’acculturation est un processus d’adaptation réciproque entre les cultures qui
s’étale sur quatre phases : l’euphorie de la découverte, le choc de culture, l’acculturation et la
stabilité.
1.1.3.2. Analyse du modèle d’adaptation interculturel (Black, Mendenhall et
Oddou (1991)
En s’appuyant conjointement sur la littérature relative à l’adaptation internationale et la
littérature domestique sur les ajustements au travail, Black, Mendenhall et Oddou (1991)
développe un modèle intégrateur de l’adaptation de l’expatrié. La littérature sur l’adaptation
internationale met en évidence cinq principales catégories de variables de l’ajustement
interculturel : (1) la formation, (2) les expériences internationales antérieures, (3) les mécanismes
organisationnels de sélection, (4) les connaissances individuelles et (5) les facteurs hors travail.
Les trois premières variables concernent les actes posés par les expatriés avant de quitter leur
pays, et les deux dernières variables, une fois arrivée dans le pays d’affectation. La formation
liée au départ à l’expatriation s’est appuyée sur la revue de la littérature de Black et Mendenhall
(1990). Ces auteurs concluent à l’issue de leurs travaux que « la littérature empirique accorde un
soutien mesuré à l’affirmation selon laquelle, la formation interculturelle influence positivement
l’efficacité interculturelle.
S’agissant des expériences antérieures, il est presque normal de penser qu’une expérience
acquise dans des situations d’expatriation similaires ne peut que faciliter le processus
139
d’adaptation. La sélection des candidats à l’expatriation a fait l’objet de recherches de la part de
Mendenhall et al (1987). Ces auteurs font le constat selon lequel les multinationales américaines
sont focalisées sur un seul critère de sélection dans leur recrutement de candidats : les
compétences techniques. Alors que de nombreuses études montrent que l’expérience technique
et les connaissances techniques relatives à un travail sont les deux critères le plus importants
utilisés dans la sélection des candidats à l’expatriation.
Concernant les connaissances individuelles, Mendenhall et Oddou (1985) ont catégorisés ces
connaissances en trois dimensions : (1) la dimension personnelle comprend les compétences de
l’expatrié à maintenir et renforcer son bien être psychologique, son efficacité personnelle et la
capacité à gérer le stress ; (2) la dimension relationnelle regroupe les capacités à communiquer
avec les travailleurs locaux ; et (3) la dimension perceptuelle qui comprend les capacités de
percevoir et de comprendre les comportement des travailleurs locaux. Enfin, les facteurs hors
travail suggérés par la littérature sont au nombre de deux. Le premier fait référence à la
nouveauté de la culture du pays d’accueil. Il peut arriver que l’expatrié ait du mal à s’adapter
parce que la culture locale est, soit « distante » (Church, 1982), soit parce qu’elle est difficile à
intégrer (Mendenhall et Oddou, 1985). Mais, le temps passé dans pays peut atténuer la nouveauté
de la culture. Le deuxième facteur concerne la nécessaire adaptation du conjoint et de la
famille, sans laquelle l’expatriation peut ne pas aller à son terme. Les études passées soutiennent
l’importance de ce facteur (Church, 1982 ; Mendenhall et Oddou, 1985).
La littérature domestique sur l’adaptation mobilise quatre champs de recherche dont (1) la
socialisation organisationnelle, (2) la transition de carrière et la construction de sens, (3) les
transitions de rôle au travail et (4) le changement d’adresse. Selon Black, Mendenhall et Oddou
(1991), la littérature sur la socialisation et la transition de rôle au travail est surtout focalisée sur
les formes d’adaptations comme centre d’intérêt, tandis que la littérature sur le changement et la
construction de sens est focalisée sur le niveau d’adaptation. La socialisation organisationnelle
s’intéresse au processus d’adaptation à travers deux champs de recherche : (1) les étapes de la
socialisation et (2) les tactiques de socialisation et les réponses individuelles aux efforts de
socialisation.
Le premier champ sur les étapes a montré qu’une socialisation anticipée complète et précise,
facilite et accélère l’adaptation (Fischer, 1986) ; la maitrise des taches relatives au travail et des
relations sociales diminue les tensions de rôle, tout en facilitant l’adaptation dans la seconde
étape ; et dans la troisième étape l’adaptation est facilitée lorsque l’individu adopte les normes et
les valeurs de la nouvelle organisation.
140
Le second champ de la socialisation porte sur les effets des tactiques de socialisation sur les
nouvelles recrues. Lorsque ces tactiques sont institutionnalisées, elles favorisent la réplique de
rôle et quand elles sont individualisées, elles encouragent l’innovation dans le rôle. La littérature
sur les transitions de carrière et la construction de sens se réfère aux travaux de Louis (1980).
Pour cet auteur, « les anticipations et les expériences dans le rôle servent de guide pour la
sélection du comportement et pour l’interprétation des évènements. Lorsque ces anticipations
s’avèrent fausses, il y a des surprises ». Cette situation conduit l’individu à reconsidérer
mentalement ses anticipations sur le nouveau rôle, et à donner un sens à la nouvelle situation.
L’expatrié est soumis à cette forme d’adaptation anticipative, qui a lieu avant son adaptation
dans le pays d’accueil (, Black, Mendenhall et Oddou, 1991).
La littérature sur la transition de rôle au travail est dominée par les travaux de Nicholson
(1984), et de Dawis et Lofquist (1984). Ces auteurs s’intéressent aux variables qui influencent la
façon dont un individu s’adapte lorsqu’il change de rôle. Dawis et Lofquist identifient deux
modes d’adaptation : une adaptation active et une adaptation réactive. L’adaptation active peut se
faire en changeant la situation, alors que l’adaptation réactive se fait par rapport à des
changements individuels. Dans le même ordre d’idées, Nicholson compose une matrice à double
entrée identifiant quatre modes d’adaptation : (1) la réplique, recouvre ni de changement de
situation, ni personnel, (2) l’intégration, nécessite un changement personnel, mais pas de
changement de situation, (3) la détermination reflète un changement de situation, mais pas de
changement personnel, et (4) l’exploration requiert à la fois un changement personnel et de
situation. Le premier ensemble d’antécédents aux modes d’adaptation est la flexibilité de
l’environnement de travail, et le second ensemble est composé des tactiques de socialisation
empruntées à Van Maanen et Schein (1979). Selon Nicholson, les tactiques séquentielles et en
série, et qui impliquent un désinvestissement poussent l’individu à se changer personnellement,
alors que les tactiques non séquentielles et disjointes qui impliquent un désinvestissement
conduisent les individus à changer certains aspects de leur rôle. La littérature sur le changement
d’adresse et ses conséquences repose sur les travaux de Bret (1980) qui traitent de la réduction
de l’incertitude dans des situations de changement d’adresse. Selon l’auteur, le conflit de rôle,
l’ambigüité de rôle, la nouveauté de rôle et la nouveauté de l’environnement de travail
influencent négativement l’adaptation après un changement d’adresse.
141
1.2. Les développements en marketing
En marketing, la socialisation organisationnelle a fait l’objet de nombreuses recherches dans
des domaines tels que la socialisation du comportement de l’enfant-consommateur, la
socialisation organisationnelle du client et la socialisation organisationnelle du fournisseur.
1.2.1. La socialisation de l’enfant-consommateur
Elle à fait l’objet d’une synthèse portant sur vingt cinq ans de recherche réalisée par Roedder
John (2001). L’auteur s’intéresse particulièrement aux liens qui peuvent exister entre la
socialisation du consommateur et son âge, avec pour objectif de décrire ce que les enfants savent
et comment ils raisonnent en tant que consommateur. Pour cela, Roedder john (2001) développe
un schéma conceptuel sur la socialisation du consommateur fondé sur l’hypothèse que la
socialisation du consommateur progresse par une série d’étapes qui couvrent la période de la
petite enfance jusqu'à l’adolescence. Ensuite, elle réalise une synthèse des études empirique sur
le développement des connaissances du consommateur, les savoir-faire, et les motivations chez
l’enfant qu’elle adapte à son schéma conceptuel. Enfin, elle définit les implications qui sont
susceptibles de conduire à des développements empiriques et théoriques sur la socialisation.
Cette synthèse montre que l’enfant est un consommateur qui dès son plus jeune âge fait
l’apprentissage de son rôle de consommateur et que cette accumulation de connaissances et de
savoir-faire dicte ses comportements futurs. La socialisation du consommateur permet donc à
l’entreprise d’avoir un « aperçu unique » des croyances et des comportements de ce segment de
consommateurs important. Elle est de ce point de vue un outil indispensable pour le marketing.
1.2.2. La socialisation organisationnelle du client
Elle est étudiée dans le cadre de l’entreprise de service. Kiane Goudourzi (2006) montre
qu’en considérant le client comme un « membre éphémère » de l’organisation, à cause de son
implication dans la production de services (servuction), ce dernier vit une « expérience de
service » qui aboutie à une relation de service globale dans laquelle, l’entreprise et ses clients
sont en interaction. Cette relation est selon l’auteur « socialement inscrite », puisque le client
intègre «un univers social dans lequel il joue un rôle ». Il est donc nécessaire que le client
reçoive une formation qui lui permettra d’être efficace dans la relation de service avec
l’entreprise.
142
1.2.3. La socialisation organisationnelle du fournisseur
La socialisation organisationnelle a été abordée du point de vue des fournisseurs. Certains
auteurs (Chang et Gotcher, 2008 ; Cove et Jallat, 2005 ; Hakansson et al, 1999) soulignent
l’intérêt d’assimiler les fournisseurs aux valeurs et normes des distributeurs afin d’améliorer les
procédures techniques liées à l’approvisionnement et d’apporter une valeur ajoutée plus
importante au client. Dans le même esprit, Machat (2010) appréhende la socialisation du
fournisseur comme une variable de segmentation du portefeuille fournisseur régional d’une
enseigne de distribution. L’auteur suggère qu’une approche différente de la socialisation des
fournisseurs constitués de façon homogène, apporte une valeur supplémentaire au distributeur,
qui peut proposer à ses clients une offre différente grâce au complément d’assortiment régional
tout en s’assurant une marge confortable. Cette socialisation du fournisseur peut être
appréhendée de façon séquentielle sur quatre étapes : (1) l’intégration des normes techniques, (2)
la connaissance du rôle du fournisseur, (3) la connaissance de l’enseigne et (4) l’intégration
sociale (valeurs, culture).
En définitif, nous pouvons dire que les différents développements réalisées sur le concept de
socialisation en GRH et en marketing, montrent que la socialisation organisationnelle est outil de
gestion qui permet d’apporter de la valeur à la relation que l’entreprise entretient avec ses
employés, ses clients ou ses fournisseurs. Ils permettent aussi de constater que la socialisation à
l’organisation peut être appliquée à des personnes de nature et de statut différents, qui sont liées
à l’entreprise par un contrat de travail ou par une simple relation commerciale. Cette approche
parait intéressante pour le management des forces de vente externalisées, et particulièrement
pour la gestion des vendeurs indépendants.
1.3. Les développements en entrepreneuriat
1.3.1. Les fondements de la socialisation entrepreneuriale
La socialisation entrepreneuriale est définie comme « un processus historique
d’apprentissage, d’intégration et de positionnement social par lequel un individu se prépare à
remplir des rôles entrepreneuriaux, c'est-à-dire des rôle liés à l’imagination, le développement et
la réalisation de la vision créatrice de la valeur et d’activité » (Pailot, 2003). Selon l’auteur, la
socialisation entrepreneuriale est une « forme de socialisation professionnelle qui articule deux
transactions placée dans une relation d’interaction » : une transaction biographique permettant au
futur entrepreneur d’envisager la construction de son avenir professionnelle (héritage et/ou
développement d’un capital social, culturel, économique et symbolique), et une transaction
relationnelle qui procède de la reconnaissance et de la légitimation symbolique et économique
143
que les « stakeholders » (actionnaires) lui accorde. Pour Pailot, la combinaison transactionnelle
évoquée contribue à la formation de l’identité professionnelle (domaine de l’emploi et de
l’activité économique), sociale (statut social) et personnelle (définition de soi) du futur
entrepreneur. Cette conception « bipolaire » de la socialisation entrepreneuriale suscite une
analyse des deux transactions définies par l’auteur.
La première implique de considérer deux facteurs essentiels pour appréhender le processus de
socialisation de l’entrepreneur : le facteur spatial et le facteur temporel de la socialisation. Le
facteur spatial se réfère aux différents espaces de socialisation (famille, système scolaire, le
monde du travail, les cercles relationnels) par lesquels l’individu hérite ou développe des
connaissances, des aptitudes et des compétences qui peuvent l’aider à passer à l’acte
entrepreneurial. Le facteur temporel permet d’appréhender la socialisation entrepreneuriale
comme une « opération d’agencement séquentielle » formalisée par une succession d’étapes qui
définissent les acquis nécessaires qui permettent d’apprécier l’aboutissement de l’acte
entrepreneurial, c’est à dire la formation d’une organisation. Cette évolution est décrite dans le
modèle de socialisation de Starr et Fondas (2002) que nous analyserons dans le paragraphe
suivant.
La seconde met en évidence la caution nécessaire des actionnaires et leur soutien à l’acte
entrepreneurial. Elle souligne l’évolution du concept d’entrepreneur socialisé, depuis le modèle
de l’entrepreneur capitaliste développé par Schumpeter (1912) jusqu'à l’entrepreneur tel qu’il est
perçu aujourd’hui. En effet, dans la conception schumpétérienne, l’entrepreneur est un agent
économique qui se distingue des autres individus par sa capacité à innover et à créer des activités
qui améliorent le fonctionnement et l’évolution de l’économie. Dans ce contexte l’entrepreneur
est un acteur majeur de l’économie, puisqu’il est le principal et l’unique détenteur du capital et
ses comportements sont le reflet de la société dans laquelle il est inséré. Il est un acteur socialisé
aux normes et valeurs de la société capitaliste dans laquelle il tient un rôle et des fonctions de
choix (Boutillier et Uzunidis, 2002). Mais de nos jours, cet entrepreneur héroïque a disparu,
entrainé par la socialisation de l’économie (Ziel, 1999 ; Boutillier et Uzunidis, 2002), c'est-à-dire
la détention des moyens fondamentaux de production des biens et services par un nombre
important d’acteurs (le marché). La socialisation de l’économie procède de l’éclipse de
l’entrepreneur au profit des grandes firmes. Les managers et les actionnaires prennent la place de
l’entrepreneur dans la conduite de l’entreprise. L’entrepreneur est réduit à suppléer les
manquements de la grande entreprise, notamment, dans la prise de risque de projet innovant, ou
dans « l’absorption des reflues du salariat » (Boutillier et Uzunidis, 2014). Selon ces auteurs, le
144
fonctionnement du système est garanti par l’Etat qui, en tant que protecteur des valeurs et
normes du jeu économique, tient le rôle d’un agent socialisateur.
La socialisation de l’entrepreneur s’inscrit désormais dans les rapports de production que les
petites entreprises entretiennent avec les grandes firmes. Ces rapports dominés par les grandes
entreprise, permettent de distinguer deux types principaux de socialisation de la production :
l’entrepreneur socialisé proactif, innovant qui possède un haut niveau de qualification et qui
opère dans la haute technologie, et l’entrepreneur socialisé réactif, peu qualifié et routinier qui se
contente de créer son propre emploi (Ziel, 1999). Dans le même ordre d’idées, Boutillier et
Uzunidis (2000, 2002, 2014) voient dans le concept d’entrepreneur socialisé une fonction sociale
qui est définie en fonction du rôle que l’individu tient dans l’économie et la place qu’il occupe
dans la division sociale du travail. Ils identifient trois types d’entrepreneurs : (1) l’entrepreneur
technologique est un individu hautement diplômé qui cherche à tirer profit des opportunités
qu’offrent les nouvelles technologies, comme la micro informatique ou le marché de l’internet ;
(2) l’entrepreneur de proximité est un individu moyennement diplômé dont la fonction est de
recréer le lien social rompu par le chômage. Son action se limite au marché local et à une
clientèle bien ciblée ; (3) l’entrepreneur traditionnel est un individu peu diplômé, mais qui
dispose de quelques compétences professionnelles lui permettant d’exercer dans des domaines
tels que le commerce de détail, l’artisanat, la sous-traitance ou la franchise dans une grande
entreprise. Selon les auteurs, l’apparente autonomie dont semble se prévaloir l’entrepreneur
dans son fonctionnement, obéit en réalité à certaines règles qui sont déterminées par les règles du
jeu économique (loi du marché, concurrence, enrichissement personnel). Dès lors, on comprend
la position du travail indépendant, juridiquement indépendant mais très dépendant sur le plan
économique.
1.3.2. Analyse du modèle de socialisation entrepreneuriale
Starr et Fonda (2002) ont développé un modèle de socialisation de l’entrepreneur qui s’appuie
sur le cadre théorique de la socialisation organisationnelle, notamment sur les travaux de Fisher
(1986). Le modèle reflète le passage à l’acte entrepreneurial d’un néophyte dans la création
d’une entreprise. Il suggère également les facteurs qui influencent la transition de la pré-
organisation à la nouvelle organisation.
Le modèle de socialisation entrepreneurial identifie deux phases qui conduisent le néophyte à
créer une entreprise. La phase de la socialisation anticipée et la phase de la nouvelle socialisation
de l’entrepreneur. La première phase comprend les expériences antérieures et les apprentissages
145
qui préparent un individu à intégrer une organisation (Feldman, 1976 ; Fisher, 1986). Il s’agit des
diverses prédispositions qui précèdent la décision de devenir entrepreneur. Dans son modèle
conceptuel de choix de carrière, Bird (1989) distingue des variables telles que les caractéristiques
personnelles, les aptitudes, les compétences et la situation sociale comme autant de facteurs qui
influencent le choix d’un métier dans la perspective de devenir entrepreneur. Le modèle fait
également état des sources d’informations qui informent tous ceux qui aspirent devenir
entrepreneur au sujet des exigences qui sont liés au métier choisi. Selon les auteurs, il n’existe à
proprement parler de sources fiables dans la littérature, néanmoins il est possible dans ce
contexte d’étudier les liens qui existent entre les pré- déterminants de la carrière d’entrepreneur
et les changements d’attitudes et comportements qui résultent de « l’apprentissage des ficèles »
du rôle de l’entrepreneur.
La seconde phase est un processus de socialisation entrepreneurial dans lequel trois facteurs
principaux se combinent pour influencer le passage de la décision de devenir entrepreneur à la
création d’une entreprise : les motivations de base de l’individu, les agents socialisants, et la
structure du contexte dans lequel l’organisation est initiée. La motivation fait référence à
certaines dispositions internes à l’individu qui peuvent le pousser à agir dans le sens de la
création d’une entreprise. Cette motivation réside dans la capacité de l’individu à préserver ses
intérêts et par conséquent à s’engager dans les projets qui correspondent à ses valeurs. Elle
transparait aussi dans la personnalité de l’individu et surtout dans le sentiment qu’a ce dernier
d’être compétent pour y parvenir. Starr et Fondas, soulignent que le sentiment de réussite
personnel est une source de motivation importante dans la création et la conduite de certains
projets, comme par exemple la création d’une « startup » (jeune entreprise). Enfin, la motivation
peut être décelée dans la faculté à maitriser l’anxiété et le stress, ou la sensibilité aux
récompenses et aux sanctions. Les agents socialisants désignent toutes les personnes qui
interagissent avec le potentiel entrepreneur dans la construction de son rôle dans la société. Starr
et Fondas compte parmi ces agents, la famille, les amis, les banquiers, les fournisseurs et tous les
autres membres du monde des affaires. Selon les auteurs, cette influence dépend de la fréquence
des contacts, du pouvoir de récompense de l’agent, de sa légitimité et son expertise, de la
congruence entre les attentes de l’agent socialisant et celles du socialisé. Le contexte structuré du
cadre entrepreneurial se réfère à la façon dont le contexte structurel donne forme à l’expérience
de socialisation de la nouvelle recrue. Les tactiques de socialisation développées par Van
Maanen et Schein (1979) fournissent un cadre conceptuel qui permet de décrire et les différentes
expériences auxquelles une nouvelle recrue peut faire face lorsqu’il intègre une nouvelle
position.
146
Pour Starr et Fondas, la perception traditionnelle de l’entrepreneuriat est qu’elle est un
processus isolé et individuel. L’expérience entrepreneuriale est essentiellement acquise à travers
le travail réalisé dans des jeunes entreprises, même s’il existe des organismes capables de fournir
une expérience formelle. Les auteurs notent enfin que la littérature entrepreneuriale ne fourni pas
de façon précise des expériences relatives aux tactiques d’investissement vs désinvestissement et
en séquentielle vs non séquentielle. Cependant, comme l’affirme Verstraete (1997), la
socialisation de l’individu est contextuelle. Les processus de socialisation sont fonctions des
contextes dans lesquels ils se produisent. Ils définissent pour l’individu un réseau social dans
lequel il va se positionner, construire son identité et son rôle. Ainsi, selon Starr et Fondas, le
véritable succès de la socialisation entrepreneuriale est la création d’une entreprise, alors qu’un
échec du processus est perceptible dans la discontinuité de l’organisation ou sa disparition.
2. Le management des forces de vente : une lecture à partir du concept de socialisation organisationnelle
L’analyse de la littérature autour des concepts de socialisation organisationnelle et du
management des forces de vente a permis de mettre en évidence un fondement conceptuel
commun reposant sur la notion de contrôle. Il s’agit d’un contrôle qui porte sur les individus et
dont la finalité est d’influencer les comportements des acteurs de l’organisation dans le sens
attendu par cette dernière (Langevin et Naro, 2003).
Cette section a pour objectif de mettre en évidence les éléments fondamentaux du
management des forces de vente correspondant aux principaux mécanismes de contrôle
mobilisés par la socialisation organisationnelle. Il apparaît que le management des forces de
vente met en œuvre un ensemble de pratiques qui peuvent être étudiées par le biais de la
socialisation organisationnelle. Ces pratiques ont été recensées à partir d’une revue de la
littérature réalisée sur la socialisation organisationnelle et le management des forces de vente,
complétée par une étude préliminaire réalisée auprès des acteurs de la force de vente.
Nous cherchons d’abord à mettre en évidence que de nombreuses pratiques existant dans le
concept de socialisation organisationnelle, sont aussi utilisées en management des forces de
vente. Ensuite, nous proposons de dresser une grille de recueil de données qui répertorie les
éléments de la socialisation organisationnelle contenus dans le management des forces de vente.
147
2.1. La socialisation organisationnelle : un dispositif du contrôle social
La socialisation organisationnelle est considérée comme un moment important
d’apprentissage qui permet aux nouveaux vendeurs d’internaliser les valeurs de l’entreprise et les
bonnes pratiques (Campoy et al, 2005). Selon ces auteurs, « elle initie le processus de
développement d’un système de contrôle informel, à savoir le contrôle par le clan, le contrôle
culturel et l’autocontrôle particulièrement important pour les salariés autonomes ».
Nous présentons dans un premier temps les bases théoriques du contrôle social, en s’appuyant
sur la typologie de Ouchi (1979 ; 1980) (2.1.1). Ensuite, nous présentons les théories qui sous-
tendent cette approche de la socialisation comme dispositif du contrôle social (2.1.2).
2.1.1. Les fondements théoriques du contrôle social : le contrôle par le clan
A l’origine, le contrôle social désignait l’ensemble des mécanismes qui permettaient à une
société de maintenir une relative cohésion sociale. Il englobait en particulier le processus de
socialisation. Les travaux de l’école de Chicago dans les années 1920 (R. PARK et E. BURGESS),
vont appuyer sur cette conception du contrôle social pour leur objet d’études, notamment sur la
délinquance dans les grandes villes des immigrés de la seconde génération. Cette conception très
large du contrôle a cédé la place à une conception plus restrictive dans les années 50, avec les
travaux de T. Parsons, qui définit le contrôle social comme l’ensemble des moyens (sanctions
positives et négatives) utilisé par une société, pour prévenir et corriger les comportements
déviants (aspects complémentaires de la socialisation).
Selon Grima (2002), le contrôle social ou contrôle par le clan est l’une des modalités du
contrôle définit par Ouchi (1979) dans sa typologie. Il est envisagé lorsque les deux premiers
modes de contrôle définis par l’auteur (le marché et la bureaucratie) ne peuvent être mis en
œuvre, et surtout se révèlent incapable à assurer la cohésion au sein de l’organisation. En effet,
selon l’auteur la cohésion d’une firme repose sur le respect absolu de deux principes qui
caractérisent son fonctionnement, la « réciprocité et l’équité ». Ces principes sont mis en œuvre
dans la gestion des coûts de transaction. Pour Ouchi (1980), « un coût de transaction est
n’importe quel activité qui vise à rendre possible un échange interne entre les différentes parties
prenantes, de telle sorte que la valeur donnée et reçue dans la réalisation de la transaction soit
conforme aux attentes de chacun ». Ce contrôle à lieu à travers trois mécanismes qualifiés de
modes de contrôle dans la typologie de Ouchi (1979) : (1) le mécanisme de marché (contrat
reposant sur le prix), (2) le mécanisme bureaucratique (contrat formel prévoyant des formes de
contrôle, surtout le contrôle par la hiérarchie), et (3) le mécanisme de clan (avec le remplacement
148
du contrôle formel par une culture commune qui assure la convergence des intérêts individuels et
ceux de l’entreprise. Selon Grima (2002), ces mécanismes constituent des principes généraux
dont « la mise en œuvre nécessite l’existence de pré-requis sociaux normatifs et informationnels
propres à chacun et viennent compléter l’exigence de réciprocité ».
Le mécanisme de marché fonctionne sur la notion d’efficience et de minimisation des coûts,
et considère le prix comme le principal mode de régulation de l’échange (Togodo Azon, 2014).
L’information nécessaire est disponible sur le marché et les acteurs peuvent accéder de façon
équitable à celle-ci. Il existe donc un équilibre « instantané » entre la contribution et la
rétribution des acteurs, ce qui rapproche ce marché à un marché parfait. Dans un tel marché,
l’activité de contrôle est presque nulle33. Tout au plus, un système de sanction est mis en place
pour dissuader les éventuels fraudeurs. Mais ce système de contrôle connait des limites, d’abord
parce que la notion de marché pur et parfait n’est qu’une vue d’esprit, et qu’elle n’existe que
dans la théorie34. Ensuite parce que, comme le précise Ouchi, « le cadre de l’échange contractuel
fixé par le marché ne garantit pas la satisfaction des acteurs dans un contexte d’incertitude
élevée ». Ainsi, l’opportunisme des acteurs demeure. Dès lors, il convient de trouver un autre
mode de contrôle, et la bureaucratie apparait comme le système le plus à même d’assurer la
cohésion de l’organisation.
La bureaucratie, encore considérée comme un contrôle par les règles suppose un processus
combinant, un contrôle ex ante ou « contrôle du comportement permettant de guider et de diriger
le personnel », et un contrôle ex post ou « contrôle des résultats utilisant des mesures de
performance pour homogénéiser les comportements ». Pour Ouchi (1980), ce mode contrôle
témoigne de l’échec de la régulation par le marché, et se propose de répondre aux insuffisances
de ce dernier. En effet, la différence fondamentale entre ces deux modes de contrôle réside dans
le fait que la bureaucratie reconnait l’existence d’une autorité qui régule le travail des membres
de l’organisation. La légitimité de l’autorité est assurée par les règles organisationnelles, et
confère à celle-ci le rôle de garant de la réciprocité. Ouchi (1980) considère que « ces
caractéristiques permettent à la bureaucratie de pallier les insuffisances du marché ». Cependant,
si la légitimité de l’autorité hiérarchique permet de réduire les tendances opportunistes, certaines
ambigüités liées à l’évaluation de la performance peuvent s’avérer extrêmement difficile à mettre
en œuvre, et délégitimé l’autorité hiérarchique. Pour Ouchi, dans un contexte d’incertitude
élevée, lorsque le prix et la hiérarchie ne sont plus possibles en tant que garantie de l’honnêteté
33 Bouquin, 1988 34 Akerlof, 1970
149
des parties, la réciprocité ne peut être obtenu que grâce à une socialisation poussée des membres
de l’organisation ».
Le contrôle par le clan repose sur une culture organisationnelle forte qui permet aux parties
prenantes de s’éprouver mutuellement, et de vérifier qu’elles partagent une même vision sur la
manière de concevoir la réalité de la firme (Grima, 2002). La convergence des objectifs de la
firme et ceux des salariés, témoigne d’un niveau de congruence élevé. Les acteurs peuvent
positivement anticiper sur les décisions et les actions concernant les autres, ce qui contribue à
réduire l’opportunisme. L’instauration d’une confiance partagée permet de croire que la
réciprocité est réelle. Pour Ouchi (1980), le clan constitue le mode de contrôle qui permet
d’assurer la cohésion de la firme dans un contexte plus incertain. Cependant, l’auteur ne confère
pas une efficacité absolue à ce mode de contrôle. Il peut exister des insuffisances, notamment si
la sélection et la formation présentent des défaillances. Selon l’auteur, de telles défaillances
engendrent un opportunisme qui peut être destructeurs.
Dans le même ordre d’idées, Langevin et Naro (2003) soulignent, dans leur revue de la
littérature Anglo-saxonne sur le contrôle et les comportements, que « l’existence de
comportements dysfonctionnels et donc le besoin d’un contrôle des individus à trois causes
possibles. Premièrement, les individus peuvent ne pas connaitre précisément ce qui est attendu
d’eux. Deuxièmement, les individus peuvent être motivés à prendre des décisions différentes de
celles que l’organisation souhaiterait. Troisièmement, les individus peuvent ne pas avoir les
compétences, qualités ou connaissances requises pour prendre les bonnes décisions ». Pour
assurer ce contrôle, les organisations ont le choix entre trois modes de contrôle : le contrôle des
résultats, le contrôle des comportements, et le contrôle social. Les deux premiers modes sont
adaptés à des situations prévisibles, alors que le dernier « assures, par la socialisation
l’alignement de l’intérêt des salariés avec celui de l’organisation, induisant un fort degré
d’implication, et rendant donc inutile toutes les autres formes de contrôle reposant sur la
surveillance et/ou la mesure à postériori des comportements et des résultats ».
En effet, la notion de contrôle social procède de la socialisation et désigne « l’ensemble des
pratiques sociales, formelles ou informelles, qui tendent à produire et à maintenir la conformité
des individus aux normes de leur groupe social ». Dans l’entreprise, elle concerne les valeurs
partagées et l’influence mutuelle des membres d’un groupe social (Langevin et Naro, 2003).
Selon ces auteurs, le contrôle social repose en réalité sur plusieurs processus qui relèvent du
management des ressources humaines (recrutement, sélection, formation des membres de
l’organisation), des processus liés au style de management de l’organisation (participation et
150
implication des membres), des facteurs composant les variables culturelles de l’organisation
(mythes, symboles, rites) et des mécanismes de socialisation extérieurs ou anticipée (formation
avant l’entrée dans l’organisation).
Selon Campoy et al. (2005, p.363), la volonté d’assurer un contrôle efficace des activités de
vente, face à l’indépendance du vendeur et de répondre aux exigences de sa position aux
frontières de l’entreprise ; et, la prise de conscience par les chercheurs qu’un « contrôle trop
étroit nuirait à la qualité des relations de l’entreprise avec ses clients », a nécessité la définition
de trois « systèmes de contrôle hybrides fondés sur les résultats et les comportements» : le
contrôle par les résultats, le contrôle par les comportements, et le contrôle par la socialisation.
Ces modes de contrôle ont été développés par Ouchi (1979, 1980), dans le cadre du contrôle
organisationnel.
2.1.2. Le contrôle par la culture et les normes sociales
La culture d’entreprise constitue, de par les valeurs, les mythes, les rites et les tabous que
partagent des individus au sein d’un groupe social, un levier de contrôle important. Peters et
Waterman (1983) précisent que « plus cette culture est solide, et plus elle est dirigée vers le
marché, moins les précis de politique, les organigrammes, ou les procédures et les règles sont
nécessaires ». La culture d’entreprise reflète donc les règles de fonctionnement d’une
organisation, sa manière d’agir et de réagir face aux problèmes qui se posent à elle. Elle peut être
développée dans les départements de l’entreprise et prendre la forme d’une sous-culture. De nos
jours, la sous-culture la plus connue dans l’entreprise est la culture commerciale. Pour Darmon
(2012), le développement d’une culture commerciale forte constitue un levier important du
contrôle de la qualité des efforts que les vendeurs sont appelés à fournir. Ce contrôle doit
s’affirmer dans les pratiques de management qui « recherchent la satisfaction des vendeurs, le
pilotage équitable et le maintien d’un climat éthique » dans les organisations de vente. Selon
l’auteur, la satisfaction des vendeurs est une norme à respecter, car un vendeur insatisfait ne peut
pas être performant et risque de quitter l’entreprise (Brown et Peterson, 1994 ; Bagozzi, 980). De
même que le traitement équitable des vendeurs, relativement aux rémunérations qu’ils pensent
avoir droit et qu’ils ne perçoivent pas ou les traitements différenciés perçus par les vendeurs,
sont des pratiques qui peuvent annihiler les efforts que les vendeurs consentent à leurs activités.
Enfin, l’application stricte des règles d’éthique dans une force de vente, peut contribuer à
modifier la perception que les vendeurs ont du climat éthique et « favoriser la qualité de leurs
efforts et de leur implication organisationnelle » (Lavorata, 2009 ; Weeks et al, 2004). Cette
151
perception est plus forte chez les vendeurs externalisés que chez des vendeurs intégrés (Lavorata,
2004 ; Lavorata et Leroux, 2006).
La culture peut aussi servir à la coordination des activités d’une organisation ; selon Fayol
(1916) la coordination est le fait d’harmoniser les efforts et les travaux des individus dans
l’ensemble, est un concept fondamental dans le management des organisations. Si dans sa
conception le terme conserve son sens premier, fort est de constater que sa mise en œuvre dans
les organisations a nécessairement évolué. Pour Mintzberg (1990) cette évolution se justifie par
le fait que toutes les organisations ne sont pas semblables. Selon l’auteur, il n’est pas réaliste que
les mêmes règles soient appliquées à des entités, certes identiques par leur forme, mais qui
présentent des fonctionnements différents. Il dresse à cet effet une classification de sept types
d’organisations en combinaison les attributs de base (les parties composantes, les mécanismes de
coordination, leur travail, les systèmes de pouvoir et leur contexte) permet de dégager sept
configurations organisationnelles. (Cf. tableau).
Selon Mintzberg, le point commun à ces organisations est l’idéologie (la culture), mais cette
idéologie peut, à un moment donné, apparaitre si forte « qu’elle peut être utilisée pour jouer le
rôle d’un mécanisme nécessaire de coordination, à la place des mécanismes plus conventionnels
tels que la supervision directe ou la standardisation des procédés de travail, des résultats ou des
qualifications ». Le rôle tenu par l’idéologie est semblable à celui d’une configuration que
l’auteur qualifie de configuration missionnaire. Cette organisation repose, avant tout, sur la
mission et utilise la standardisation des normes, la sélection, la socialisation et l’endoctrinement
comme moyen de coordination.
Par analogie, la force de vente qui représente l’organisation commerciale de l’entreprise peut
se référer à un tel modèle d’organisation, si tant est que l’organisation s’engage à instaurer une
culture commerciale forte. Cette culture devrait favoriser l’identification des vendeurs à leur
mission et faciliter la coordination de leurs activités au moyen de la socialisation. La mission de
la force de vente peut être appréhendée à travers les activités et les objectifs de vente qui lui sont
confiés par l’entreprise. Cette mission s’articule autour de trois grandes sous-missions. La
première mission concerne la communication et renferme toutes les tâches qui consistent à
établir une relation de confiance avec le client, mais aussi celles qui permettent de le conserver.
Il s’agit par exemple, d’entretenir une relation étroite avec le client, par des visites de courtoisie,
de l’informer sur l’entreprise et les évènements qui la concerne afin de lui prouver qu’on
s’intéresse à la lui. La deuxième mission se réfère à la vente proprement dite et à toutes les
activités d’avant et d’après-vente. L’avant-vente concerne essentiellement l’activité de
152
prospection qui consiste à rechercher de nouveaux clients. Cette activité est importante pour
l’entreprise, car elle permet le renouvellement du portefeuille client. La vente est matérialisée par
la présentation commerciale et la négociation qui permettent de convaincre le prospect d’acheter
et de devenir client de l’entreprise. L’après-vente concerne elle, le suivi clientèle et de façon
générale sa fidélisation. La troisième mission est consacrée à la remontée des informations
disponibles sur le marché vers la hiérarchie. Les informations collectées par les vendeurs sont
réputées être plus conformes à la réalité de terrain et permettent une meilleure prise de décision.
La mission joue donc un rôle catalyseur, celui de permettre à l’organisation d’atteindre son but,
c'est-à-dire le client. Les vendeurs peuvent évoluer vers cet objectif majeur en s’appuyant sur les
normes établies dans l’organisation par le moyen de la socialisation.
De façon générale, la socialisation organisationnelle favorise la rétention des nouveaux
vendeurs dans la mesure où ces derniers sont sensibles à la culture de l’entreprise. Il est
indispensable que le management crée une forte identification des vendeurs à leur entreprise,
pour que ceux-ci se sentent valorisés, à la fois dans leur entreprise et dans leur milieu
professionnel. La réputation d’une force de vente repose aussi sur une identité sociale forte des
vendeurs (ex : les vendeurs de Xéros dans la bureautique). Lorsque cette réputation est bonne,
elle permet d’attirer et de retenir les bons vendeurs. Mais, dans tous les cas l’identification des
vendeurs à leur entreprise n’est possible que si ces derniers sont satisfaits dans leur travail. Les
entretiens exploratoires que nous avons réalisés auprès des vendeurs indépendants ont montré
que ces derniers s’identifiaient à leur entreprise, et avaient une meilleure opinion d’elle, dès lors
qu’ils étaient satisfaits dans leur travail.
2.2. La socialisation organisationnelle, vecteur de régulation sociale dans la force de vente
L’analyse du management des forces de vente sous l’angle de la socialisation
organisationnelle, nous permet de mettre en évidence le passage d’un contrôle basé sur les
résultats et/ou sur les comportements, à un contrôle fondé sur le management des ressources
humaines.
Nous présentons dans cette partie les différentes articulations de ce contrôle à travers les
travaux disponibles dans la littérature. Nous nous appuyons dans un premier temps sur les
pratiques de gestion de ressources humaines dans les forces de vente travaux (2.2.1), avant
d’analyser la contribution de Dubinsky et al (1986) (2.2.2).
153
2.2.1. Les pratiques des ressources humaines des forces de vente
Plusieurs travaux portant sur le management des ressources humaines, et sur le management
des forces de vente en particulier confèrent aux pratiques des ressources humaines dédiées à
l’entrée dans l’organisation (recrutement et formation), un rôle prépondérant sur la nature des
ressources humaines que l’entreprise souhaite avoir pour fonctionner harmonieusement.
§ La sélection et le recrutement
Le recrutement et la sélection sont considérés comme des déterminants importants de la
socialisation de l’individu à l’organisation (Feldman, 1976 ; Wanous, 1980). Ils constituent un
« filtre » nécessaire au processus d’entrée dans une organisation. Dans la littérature consacrée au
management des forces de vente, l’idée d’un contrôle est actée à priori, dès le recrutement et la
sélection des candidats-vendeurs. Il consiste à retenir, sur la base de critères préalablement
définis, les profils qui présentent les meilleurs espoirs de résultats. Dans ce contexte, la
socialisation anticipée propose une lecture pertinente de la sélection et du recrutement. Cette
conception du contrôle par la socialisation est appréhendée à travers les concepts de réalisme et
d’adéquation individu/travail, dont l’intérêt, dans le recrutement, est de vérifier que les qualités
et les compétences d’un individu sont compatibles avec les caractéristiques du poste à pourvoir.
Certaines études réalisées sur la gestion de l’opportunisme du partenaire, ont montré que l’intérêt
d’un tel système de contrôle réside sur le choix des critères de sélection du partenaire et leur
pertinence (Wathne et Heide, 2000).
Ainsi, pour vérifier que le vendeur possède bien les compétences et les capacités appropriées
pour accomplir avec succès les taches qui relèvent de son activité, et au niveau organisationnel
pour s’assurer que le vendeur et l’entreprise partagent les mêmes besoins et les mêmes valeurs
(Feldman, 1981). La recherche d’une telle compatibilité est essentielle au recrutement des forces
de vente, et constitue un critère de sélection bien meilleur que l’expérience ou le niveau d’études
(Greenberg et Greenberg, 1980). Plusieurs études ont démontré que l’adéquation individu-
organisation était déterminantes dans le développement d’attitudes et de comportements tels que
la satisfaction, la fidélité, la réduction de l’anxiété, l’implication organisationnelle, le
comportement de citoyenneté (Kristof-Brown, 2005 ; Verquier et al, 2003 ; Schneider, 2001 ;
Kristof, 1996 ; Chatman, 1991).
§ La formation des vendeurs
La formation est un outil qui permet de contrôler la qualité des efforts que les vendeurs
fournissent dans le cadre de leurs activités (Darmon, 2012). Elle permet de s’assurer que ces
154
derniers possèdent les compétences nécessaires pour accomplir leur mission. Dans le court
terme, ce contrôle va consister à élever le niveau de compétence des vendeurs dès le recrutement,
afin de combler l’écart de compétence qui subsiste entre le moment où ils sont recrutés et la prise
de rôle. Les études préliminaires réalisées sur les vendeurs indépendants ont montré la nécessité
de réaliser un tel contrôle. Les profils retenus étant, le plus souvent, éloignés des standards
recherchés, les entreprises sont dans l’obligation d’accorder une attention particulière à la
formation de leurs vendeurs. Cette attention doit consister en une évaluation des besoins en
formation du nouveau vendeur pour décider des ajustements qu’il est important de réaliser au
moment de son intégration. Il faut souligner que l’importance des besoins en formation est
déterminée par la qualité des « sources de candidats » (Darmon, 1993). Selon l’auteur, les
« sources de candidats » sont déterminées par le statut des candidats sur le marché (nature des
activités et l’expérience actuelle des candidats souhaités). Exemple : Les nouveaux diplômés
(source A) qui postulent à leur premier emploi, présentent un besoin en formation plus important
que les employés pris à la concurrence (source E).
Tableau 13. Types de sources de candidats et expérience pertinente initiales
Type de sources Expérience initiale A. Candidats qui n’étaient pas sur le marché de l’emploi
auparavant (nouveau diplômés d’instituts d’enseignement, personnes qui décident d’entrer dans la vie active, etc.)
B. Candidats actuellement employés par d’autres entreprises ou par les institutions dans les postes non reliés à la vente
C. Candidats actuellement employés par l’entreprise dans des postes non reliés à la vente
D. Candidats employé par d’autres entreprises ou par des institutions non concurrentes dans des postes de vendeurs
E. Candidats employés par des entreprises concurrentes dans des postes de vendeurs
aucune
modeste
moyenne
substantielle
vaste
Dans le long terme, ce contrôle sur la qualité des efforts réalisés par les vendeurs peut être
assuré par les programmes de formation continue. Malgré des résultats assez mitigés quant à leur
impact sur le processus de socialisation des individus au travail (Chatman, 1991 ; Saks, 1996),
les programmes de formations développées par les entreprises ont toujours leur importance.
Comme le suggéraient déjà Delobbe et Vandenberghe (2001), l’incapacité des programmes de
formation formelle à « activer les interactions symboliques et les comportements proactifs
favorables à la socialisation organisationnelle » trouveraient leur origine dans les modes
d’organisation de ces formations. Il y a lieu de s’interroger sur la pertinence de ces programmes
155
par rapport aux contextes dans lesquels ces formations sont diffusées, la qualité des
formateurs, les méthodes de formation et leurs contenus. A ce sujet, la littérature sur le
management des forces de vente nous fournit quelques éléments de réponse.
En effet, un certain nombre de chercheurs (Cron, Marshall, Singh, Spiro et Sujan, 2005)
anticipent que les changements dans les habitudes de consommation, avec d’une part des
consommateurs plus informés et plus exigeants, et d’autre part l’évolution prévisible des rapports
entreprise-vendeurs vers moins de hiérarchie, pour expliquer les changements qui vont se
produire dans la sélection et la formation des vendeurs. Pour ces auteurs, la question à se poser
n’est plus de savoir comment les entreprises vont former leurs vendeurs, mais plutôt comment
les entreprises et les vendeurs vont mutualisés leurs efforts pour disposer des connaissances, des
compétences et des savoir-faire nécessaires pour atteindre leur objectif commun. Selon Cron et
al. (2005), l’acquisition des connaissances, des compétences et savoir-faire se fait de façon
séquentielle en trois phases. La première phase concerne les taches liées à la fonction
commerciale dans l’entreprise, la deuxième phase concerne le perfectionnement du vendeur dans
les taches à la fonction commerciale, en termes d’adaptation, de résolution de problèmes, etc., et
la troisième phase se réfère à l’auto développement, la gestion des compétences, le
développement personnel, etc. Dans le même sens, Menguc et al. (2007) soulignent que le
concept de socialisation des nouvelles recrues a été étudié par Morrison (1993) sur la base des
ces trois approches de la formation. Dans la première approche, le rôle de l’organisation est
d’initier, structurer et appliquer le programme de formation pour aider la nouvelle recrue à
apprendre les connaissances, compétences et savoir-faire liés aux taches de vente et à
l’établissement des relations. Dans la deuxième approche, l’organisation va encore structurer et
appliquer le programme de formation, mais en s’assurant de façon dynamique à son adaptation
aux changements de l’environnement concurrentiel. La troisième approche explique le processus
cognitif par lequel les nouvelles recrues donnent un sens à leur formation et font face à leur
environnement de travail.
Il apparait, à juste titre, que les programmes de formation traditionnelle sont coûteux pour les
entreprises, prennent beaucoup de temps et ne sont pas adaptés aux préoccupations des vendeurs.
Alors que les nouvelles perspectives de formation responsabilisent le vendeur qui n’est plus
formé sur la seule volonté de l’entreprise, mais en fonction de ses besoins et des objectifs définis
conjointement avec l’entreprise. De plus, le caractère consensuel des programmes élaborés
permet une adéquation des besoins exprimés mutuellement par les deux parties et favorisent
l’adhésion du vendeur à la culture, aux valeurs et normes de l’entreprise.
156
2.2.2. Analyse du modèle de socialisation des forces de vente (Dubinsky et al (1986)
En s’appuyant sur les travaux de Feldman (1976), Dubinsky el (1986) développent un modèle
de socialisation du vendeur. La priorité accordée à cette recherche était de réfléchir d’abord sur
le recrutement, la sélection et la formation des vendeurs en examinant les différents facteurs qui
peuvent avoir une influence sur les vendeurs lorsqu’ils intègrent une nouvelle organisation.
Mais, ils démontrent également dans une certaine mesure la mise en œuvre d’un système de
contrôle de l’action de la force de vente, basé essentiellement sur le recrutement et la formation
en vue d’atteindre les résultats souhaités par l’entreprise (Cf. figure 12).
Figure 11. Modèle de socialisation des forces de vente
Selection/Recruitment Training Person Job Objectives Objectives Outcomes Outcomes
Realism
Congruence
Initiation to task
Role définition
Task Specific Self-Esteem
Resolution of Conflicting
Demand at Work
Job Satisfaction
Job Involvment/ Commitment
Performance
Source : Dubinsky et al. (1986)
La première étape concerne les objectifs de recrutement et de sélection des vendeurs. C’est la
phase anticipatoire du processus de socialisation. Elle souligne l’effort nécessaire que
l’organisation doit réaliser dans le choix des personnes qui vont composer l’équipe de vente, de
façon à faciliter l’intégration des nouveaux vendeurs et à les rendre efficace dans leur nouvel
environnement de travail.
La recherche sur la sélection et le recrutement des vendeurs à fait l’objet d’une abondante
littérature, aussi bien dans le domaine du management des forces de vente que celui de la
psychologie industrielle. La préoccupation des entreprises étant de disposer de vendeurs
performants afin de réduire les risques liés à un mauvais recrutement (turnover et coûts élevés),
le travail des chercheurs à consister à déceler les liens qui existent entre la performance d’un
candidat-vendeurs et ses caractéristiques personnelles (Darmon, 1993, p.123). Il s’agit, entre
autre, d’élaborer le profil de vendeur idéal et de mettre en place les procédures de sélection
efficientes qui permettent à l’entreprise de retenir les meilleurs vendeurs. Or, de nombreux
chercheurs sont d’avis que les caractéristiques personnelles ne peuvent pas à elles seules
expliquer la performance du vendeur. Moncrief (1986) souligne, dans sa taxonomie des positions
157
de vente, la variété des domaines dans lesquels le vendeur peut exercer son activité et les
multiples indicateurs tant individuels que situationnels qui peuvent permettre d’évaluer la
performance du vendeur. Il en déduit qu’une attention particulière doit être portée sur le travail et
l’environnement dans lequel les vendeurs sont appelés à exercer leur activité. Cette recherche sur
les dispositions du travail en rapport avec le contexte organisationnel et les personnes qui sont à
la recherche d’un emploi, plus connu sous l’adéquation entre le nouvel entrant et son
environnement de travail, à permis d’envisager autrement les pratiques de recrutement et de
sélection. Comme Feldman (1976), Dubinsky et al. (1986) retiennent, dans cette première étape,
deux variables pour atteindre les objectifs de recrutement et de sélection, considérés comme des
préalables au bon ajustement des nouveaux vendeurs à leur organisation : Le réalisme et la
congruence.
§ Le réalisme des anticipations
Il concerne la réalité objective du fonctionnement de l’entreprise que le candidat potentiel
ignore et qui peut être éludée par ses attentes souvent disproportionnées et excessives ou par les
informations manipulatoires qui sont distillées par l’entreprise lors des entretiens de recrutement
(Lewicki, 1981). L’idéal serait que les aspirations du candidat potentiel correspondent aux
propositions de l’entreprise, mais cela n’est possible que si l’entreprise réalise des entretiens
d’embauche réalistes (Wanous, 1980). Dans la littérature le réalisme est évalué à travers le
concept de « Réalistic Job Préview » (ou Prévision de Travail Réaliste). Le RJP est un dispositif
qui est utilisé dans les premières étapes de la sélection du personnel pour fournir aux candidats
des informations sur les aspects à la fois positives et négatives du travail (Premack et Wanous,
1985). Les chercheurs identifient quatre défis majeurs au RJP : (1) Les recruteurs ne partagent
pas le RJP durant les entrevues (Rynes, 1991) ; (2) La nature des informations réalistes partagées
(en laboratoire ou sur le terrain) est peu claire (Breaugh et Billings, 1988) ; (3) Les bonnes
questions ne sont pas posées ; (4) Les candidats demandent des informations plus spécifiques et
pertinentes sur le travail qu’ils ne reçoivent (Barber et Roehling, 1993 ; Mauer, Howe, et Lee,
1992).
§ La congruence
Elle se réfère à l’adéquation entre les compétences, les aptitudes du candidat et les
caractéristiques du poste à pourvoir. Dans la littérature la notion d’adéquation a été
conceptualisée selon deux approches principales (Kristof, 1996 cité dans Perrot, 2009). La
première introduit une opposition entre adéquation supplémentaire et adéquation complémentaire
et se réfère aux travaux de Muchinsky et Monahan (1987), alors que la seconde distingue les
158
notions de besoins/ressources et de capacités/demandes. Ces approches sont reprises par Saks et
Ashforth (1997) qui distinguent quatre formes principales d'adéquations regroupées dans les
notions de valeurs, besoins, personnalités et capacités. En se référant aux recommandations de
Kristof (1996) qui prône une définition large et complète du concept, Perrot (2009) définit
l’adéquation individu/ organisation « comme la perception globale de la compatibilité d’un
individu et son organisation ». Cette adéquation a fait l’objet d’un intérêt particulier, à travers le
modèle théorique Attraction-Sélection-Attrition (ASA) développé par Schneider et ses collègues
(1987) qui suggèrent que les individus et les organisations s’attirent mutuellement si leurs
valeurs et objectifs sont identiques.
La recherche d’une compatibilité individu/organisation constitue donc un objectif majeur car
elle peut aider les vendeurs en quête d’emploi ou qui se situent dans un processus d’intégration à
faire un meilleur choix du type de travail qui leur correspond, ou des attitudes qu’il convient
d’observer dans un contexte de travail donné (Cable et Judge, 1996). Elle peut aussi aider
l’entreprise à choisir les outils (tactiques de socialisation) qui lui permettent de socialiser ses
nouveaux vendeurs (Cable et Parsons, 2001), ou d’embaucher les vendeurs dont les profils
temporels correspondent aux exigences temporelles des postes à pourvoir, ou des positions
définies dans le cadre d’un emploi (Weeks et Fournier, 2010) . Elle peut également servir de
support d’intégration lorsque l’entreprise gère la diversité (Lopez et Mc Millan Cepehart, 2002).
Dans la deuxième étape du modèle, les objectifs de formation correspondent aux attentes et
résultats souhaités par l’organisation, en termes d’acquisition de connaissances, de maîtrise des
taches et de clarté de rôle. Ces objectifs sont réalisés à travers deux actions essentielles :
l’initiation à la tache et la définition du rôle.
§ L’initiation à la tâche
Elle est décrite comme un mode d’apprentissage par lequel le nouveau vendeur va acquérir les
compétences qui lui permettent d’être reconnu comme un partenaire de travail par les autres
membres de l’organisation. Cron et al. (2005) définissent, dans leur étude prospective sur la
formation des vendeurs, une approche séquentielle de la formation et du développement des
compétences des vendeurs, basée sur l’acquisition de connaissances, de compétences et de
savoir-faire. Selon ces auteurs l’initiation à la tâche concerne les connaissances, les habilités et
les aptitudes qui sont liées directement à la fonction commerciale dans l’organisation. Ces tâches
concernent les éléments essentiels qu’un vendeur doit posséder pour commercialiser les produits
d’une entreprise. Les auteurs soulignent que les aspects essentiels relatifs à la connaissance sont
les produits et les services, l’entreprise, les clients, la concurrence, le marché ou le secteur
159
industriel concerné. Il est aussi recommandé aux vendeurs de posséder certaines habilités,
comme par exemple maîtriser la gestion des territoires et du temps, établir et entretenir des
relations durables avec les clients, ou vendre et de conclure des contrats. Il s’agit donc de
qualifications que le nouveau vendeur pourrait acquérir par le biais de la formation.
§ La définition du rôle
Elle peut être appréhendée « comme le degré d’accord implicite ou explicite qui est établi
entre le nouveau vendeur et l’ensemble du groupe de travail auquel il appartient, concernant les
taches qu’il doit accomplir, les priorités d’exécution de ces taches et la façon dont il va allouer
son temps de travail aux différentes taches ». Le rôle ainsi défini implique une relation
contingente, dans la mesure où le rôle d’un vendeur est défini en tenant compte des attentes
différentes des personnes tenant des rôles contraires (Rogard, 2003), aussi bien à l’intérieur
qu’l’extérieur de l’entreprise. Dans ce contexte, la formation à la vente aura pour finalité de
« développer chez les nouveaux vendeurs des perceptions exactes de leurs rôle (Darmon, 1993,
p.158). Cette formation peut prendre diverses formes dans le processus de socialisation. Delobbe
et Vandenberghe (2001) distinguent dans leurs travaux, quatre dispositifs de formation : (1) le
mentoring est « caractérisée par l’instauration d’une relation de travail intense entre un protégé
(la nouvelle recrue) et un membre plus expérimenté de l’organisation (le mentor) chargé de le
formé à sa fonction et de promouvoir son développement de carrière », (2) les cours et sessions
formelles de formation, (3) les pratiques de stages et (4) les pratiques d’auto-apprentissage
permettent à la nouvelle recrue de transiter par divers services et fonctions.
En dehors de ces dispositifs formels, il existe aussi des dispositifs informels qui se
développent au gré des interactions et des échanges suscités dans le cadre des relations de travail
entre les supérieurs hiérarchiques et leurs collaborateurs ou entre collègues de travail.
La troisième étape consacre l’effort réalisé par l’organisation sur le plan de la formation et
détermine le type d’individu désiré au terme du processus de socialisation. Le modèle propose
deux types de personnalité comme résultats de la socialisation des vendeurs : l’estime de soi
spécifique à la tâche (« task specific self-esteem ») et la capacité à résoudre les conflits liés aux
exigences de son travail (« Resolution of conflicting demands at Works »).
§ L’estime de soi spécifique à la tache
Elle est une expression qui est liée au concept plus large d’estime de soi que l’on peut
appréhender comme « un type particulier de construit de la personnalité qui se réfère à la
160
manière dans laquelle les individus attribuent et infèrent certaines dispositions à eux-mêmes »35.
Il s’agit d’une évaluation positive de soi par l’individu qui est composée de deux dimensions : la
compétence et la valeur. « La dimension compétence (estime de soi fondée sur l’efficacité)
concerne le degré auquel l’individu se voit lui-même capable et efficace, alors que la dimension
valeur (estime de soi fondée sur la valeur) fait référence au degré auquel l’individu se sent une
personne de valeur »36. La littérature consacrée au concept identifie trois sources d’estime de
soi : (1) l’estime de soi chronique qui est un trait de personnalité relativement continuel qui
s’applique de façon assez constante à travers des situations variées ; (2) l’estime de soi
spécifique à la tâche qui provient de l’expérience passée relative à l’exécution d’une tâche
particulière ou une tache similaire, elle est le reflet du degré perçu par l’individu dans sa
compétence à accomplir la tache et (3) enfin par contraste, l’estime de soi socialement
influencée qui est une fonction des attentes d’autrui par rapport au comportement de l’individu
(Bagozzi, 1978). L’estime de soi à la tache qui nous intéresse particulièrement est finalement, ce
sentiment qui traduit l’atteinte d’un niveau de compétence sur une tache précise, qui est tel que
le vendeur est débarrassé de toute forme de crainte quant à l’exécution de ses taches. Ce
sentiment engendre une satisfaction au travail, un engagement vis-à-vis de l’entreprise, et permet
au vendeur de se protéger du stress dans la mesure où il est sûr de détenir une compétence qui le
rend indispensable, quelle que soit l’entreprise.
§ La résolution des conflits de rôles
Elle définit le niveau de sérénité atteint par un vendeur nouvellement recruté face aux conflits
qui surviennent dans son équipe, et sa capacité à résoudre les conflits relatifs aux exigences de
son travail. Dans le cadre de son activité, le vendeur doit répondre à de multiples sollicitations,
aussi bien à l’intérieur qu’a l’extérieur de l’entreprise. Selon que ces attentes sont contradictoires
entre elles ou ne répondent pas à ses besoins, le vendeur peut expérimenter des conflits de rôle
qui peuvent avoir une influence négative sur la satisfaction au travail, la performance et
l’intention de quitter ou de rester dans l’entreprise (Perrot, 2004).
Enfin, les auteurs ont défini une quatrième étape qui ne relève pas intrinsèquement du
processus de socialisation, mais qui peut être considéré comme les résultats possibles de la
socialisation des vendeurs, à savoir la satisfaction au travail, l’engagement vis-à-vis de
l’organisation et dans le travail, et la performance. Ces résultats sont, logiquement tirés des
études passées mettant en relation, dans le cadre du management des forces de vente, ces
35 Coopersmith, 1967, Well et Marwell, 1976 cités par Bagozzi, 1980 36 Cast et Burke cités dans la thèse de Perotto (2011)
161
variables avec l’estime de soi (Bagozzi, 1980 ; Teas, 1981) et le conflit de rôles (Commeiras et
al, 1990).
Enfin, Dubinsky et al. (1986) ont également défini les relations qui sous-tendent ce modèle.
Le réalisme et la congruence sont considérés comme les principaux déterminants de la
socialisation organisationnelle. Les auteurs suggèrent que la relation individu/travail et
individu/organisation doit inspirer les recherches sur le management des forces de vente,
notamment le recrutement et la sélection, en partant du principe qu’une meilleure adéquation du
vendeur avec le contexte organisationnel dans lequel il est appelé à travailler contribue à la
satisfaction et à la performance au travail. Ainsi, la congruence et le réalisme influencent
directement les résultats de la socialisation organisationnelle, et indirectement à travers la
variable « définition de rôle du vendeur ». Les variables « définition de rôle » et « initiation à la
tâche » déterminent l’effort que l’entreprise doit réaliser en termes de formation pour permettre
au vendeur de travailler. Ces deux variables vont à leur tour influencer les variables « résolution
des conflits de rôles » et « estime de soi spécifique à la tache », considérées comme les indices
de la transformation du vendeur, du statut d’outsider à celui de membre participant et efficace de
l’organisation (Feldman, 1976). Les variables relatives à « l’estime de soi spécifique à la tâche »
et à « la résolution des conflits de rôle » traduisent l’atteinte par le vendeur d’une certaine
maitrise de son travail et de son environnement de travail qui va engendrer de la satisfaction au
travail, un engagement plus important dans son travail et vis-à-vis de l’organisation, et la
réalisation de performances.
Finalement, Dubinsky et al. (1986) proposent un modèle séquentiel de la socialisation des
forces de vente qui intègre les antécédents (réalisme et congruence), et les conséquences
(satisfaction au travail, engagement organisationnel/travail, performance) de la socialisation.
Cependant, malgré des hypothèses fortes en teneur, le modèle de Dubinsky et al. (1986) présente
des limites. En effet, comme le modèle auquel il se réfère, le modèle de socialisation des forces
de vente n’explique pas comment les vendeurs passent d’une étape à une autre, ni quels résultats
sont obtenus à chaque étape. De plus, les résultats présentés ne sont pas spécifiques à la
socialisation.
162
Conclusion du chapitre 2.
Dans le cadre de cette recherche, nous avons abordé le concept de socialisation
organisationnelle dans sa globalité, mais aussi en fonction de ses particularités de manière à
ressortir l’ensemble des qualités et des insuffisances qui le caractérisent. La socialisation
organisationnelle s’inscrit dans les pratiques des relations sociales. Elle tire ses origines de la
sociologie et de la psychologie, mais son action est développée essentiellement dans le cadre
d’une organisation. Deux conceptions de la socialisation sont couramment développées dans la
littérature du management, une conception fondée sur les processus considère la socialisation
comme une succession d’étapes par lesquelles un individu acquiert les valeurs, les
comportements et les connaissances nécessaires afin d’assumer les rôles qui lui sont confiés au
sein de l’organisation, et d’en devenir un membre efficace (Feldman, 1976 ; Van Maanen et
Schein, 1979 ; Louis, 1980). Une autre conception appréhende la socialisation comme un
contenu, c’est à dire un ensemble de connaissances et de compétences qu’un individu doit
acquérir et intérioriser lors de son intégration (Fischer, 1986 ; Chao et al, 1994 ; Taormina,
1994 ; Anakwe et Greenhaus, 1999). Ces connaissances portent essentiellement sur trois
domaines, le travail, le groupe de travail et l’organisation. La socialisation organisationnelle
peut être aussi appréhendée en fonction des contextes dans lesquels elle est appliquée. Cette
approche a fait l’objet de développement intéressant dans les autres domaines des sciences de
gestion.
Ensuite nous avons procédé à un rapprochement entre le management des forces de vente et la
socialisation organisationnelle. Cette approche découle d’un examen minutieux des fondements
conceptuels, aussi bien du management des forces de vente que de la socialisation
organisationnelle. En effet, comme le souligne Darmon (1993), l’essence même du management
des vendeurs est de s’assurer que les vendeurs accomplissent les activités qui leur permettent
d’atteindre les objectifs de l’entreprise. Au-delà d’un isomorphisme structurel avéré du
management des forces de vente, c’est la quasi indépendance ou simplement l’indépendance du
vendeur, dans notre cas, qui permet cette orientation. Dans le même ordre d’idées, la
socialisation apparait, dans ses fondements sociologiques, comme un dispositif du contrôle social
dont l’action consiste, à veiller que les individus ne s’écartent pas des normes sociales. Appliqué
à l’organisation, elle veille à ce que les individus qui intègrent l’organisation se conforment aux
règles de travail et de fonctionnement qui favorisent sa cohésion.
163
Ce rapprochement autour de la notion de contrôle a permis d’envisager une nouvelle lecture
du management des forces de vente par le biais de la socialisation organisationnelle. Nous avons
donc répertorié dans les deux littératures les principaux éléments de comparaison qui nous ont
permis d’élaborer une grille de lecture. Le recrutement et la sélection, la formation des vendeurs
au sens large, et la culture organisationnelle sont les principaux axes de cette grille de lecture.
Les deux premiers sont envisagés dans une approche dynamique qui tient compte des actions
posées par l’entreprise, mais aussi des actions initiées par les vendeurs. Le dernier axe
appréhende la culture dans sa dimension normative, et constitue une base de réflexion sur la
structure la plus à même d’orienter les actions des acteurs.
164
CHAPITRE 3. CADRE THEORIQUE ET ANALYTIQUE DE LA RECHERCHE
Dans le premier chapitre, nous avons vu que les premiers travaux sur la socialisation
adoptaient les approches organisationnelles et individuelles séparément. Toutefois, depuis
quelques temps s’affirme une approche interactionniste plus conforme à la réalité sociale, dans la
mesure où la socialisation est pratiquée naturellement dans les entreprises à travers les
interactions des acteurs. En effet, lorsqu’on interroge les acteurs de la force de vente, il est aisé
de constater qu’à l’arrivée des nouveaux vendeurs un processus d’apprentissage et
d’accompagnement se met en place, sans que ces actions ne soient au préalable planifiées. En
partant de ce constat, nous prenons le parti de considérer la socialisation du vendeur indépendant
comme un processus de construction de la réalité sociale.
Ce chapitre a pour objectif de présenter le cadre conceptuel et théorique de notre recherche.
En effet, l’analyse conjointe de la littérature et de notre étude préliminaire ont permis de cerner
notre objet de recherche, autour de la socialisation du vendeur indépendant entendu comme un
processus de construction de la relation managériale qui permet aux managers et aux nouveaux
vendeurs de réguler leurs comportement s au moyen des interactions sociales. Cette perspective
repose sur une lecture interactionniste et de construction de sens de la socialisation. La
socialisation organisationnelle est considérée dans ses aspects cognitifs, et sur les processus
relationnels qui se mettent en place au moment où la nouvelle recrue entre dans l’organisation.
Ainsi, nous proposons dans une première section notre conception de la socialisation du
vendeur indépendant, en mettant en évidence la relation qui se construit entre un manager et ses
vendeurs au cours de la phase d’entrée dans l’organisation des nouveaux vendeurs. Puis, dans
une deuxième section nous présentons le modèle d’analyse retenu, c'est-à-dire le niveau
d’analyse et l’approche de socialisation que nous avons choisis pour étudier la socialisation des
vendeurs indépendants.
165
SECTION 1. LA SOCIALISATION DU VENDEUR INDEPENDANT : UN PROCESSUS
DE CONSTRUCTION DE LA RELATION MANAGERIALE
Bien que le concept de socialisation soit présent dans le management des forces de vente, son
application a été limitée à la socialisation des vendeurs salariés. Pour examiner le concept dans le
cadre de notre recherche, il est important de considérer le vendeur indépendant comme un
membre virtuel de l’entreprise étant donné son implication et sa contribution aux objectifs de
l’entreprise. Cette conceptualisation permet de définir clairement son rôle dans l’organisation, et
par conséquent de le soumettre aux pratiques des ressources humaines, tout en respectant son
statut. Par ailleurs, notre intérêt porte sur la phase d’intégration présentée dans la littérature
comme la plus intense et la plus prolifique du processus de socialisation (Lacaze, 2005). Cette
option est confortée par les informations obtenues dans notre étude préliminaire qui montrent
que c’est au cours de cette phase que les managers et leurs vendeurs échangent le plus en vue de
définir les modalités de leur collaboration. En conséquence, nous prenons le parti de considérer
la socialisation du vendeur indépendant comme un processus de construction de la réalité
sociale.
L’objectif de cette section étant de présenter notre approche de la socialisation, nous
présentons la relation d’échange qui s’établit entre un manager et ses vendeurs indépendants
dans la phase d’intégration (2). Mais avant, nous proposons une analyse des spécificités liés à
l’intégration du vendeur indépendant, compte tenu de sa position au sein de l’entreprise (1).
1. Les spécificités liées à l’intégration des vendeurs indépendants
L’intégration est considérée comme la dernière étape du processus de recrutement, mais de
façon plus large elle englobe toutes les « actions physiques et psychologiques » qui permettent à
un individu de « devenir membre efficace » (Louis, 1980) d’une organisation. Au sein des forces
de vente, ces actions prennent un sens particulier compte tenu de l’indépendance du vendeur et
de sa position frontalière entre l’entreprise et sa clientèle. Ainsi, pour avoir une meilleure
compréhension des pratiques de management que les entreprises mobilisent au cours de cette
période, nous présentons l’intégration du vendeur indépendant comme une étape décisive du
processus de socialisation (1.1), puis nous mettons en évidence les particularités de l’intégration
du vendeur indépendant (1.2), avant d’analyser les enjeux pour le management des forces de
vente (1.3).
166
1.1. L’intégration, comme une étape décisive du processus de socialisation
Dans leur ouvrage sur l’intégration des nouveaux collaborateurs, Lacaze et Perrot (2010)
présente l’intégration comme « un processus complexe et long » qu’il faut replacer dans le
processus de recrutement, et déterminer les outils. Ils distinguent quatre axes de définition qui
apportent une meilleure compréhension du concept : (1) l’intégration est une étape du processus
continu de socialisation organisationnel. C’est la première étape et la plus intense d’un processus
d’adaptation qui a lieu pendant la carrière d’un individu, et à chaque fois que ce dernier franchit
une barrière organisationnelle qui peut être, soit inclusive (entrée dans l’organisation), soit
fonctionnelle (mobilité horizontale), ou hiérarchique (promotion) ; (2) l’intégration est un acte de
gestion qui consiste à accompagner un nouveau dans la maitrise de son emploi et la
compréhension de son rôle, afin de le fidéliser ou de le rendre efficient dans son emploi ; (3)
l’intégration peut être bonne ou mauvaise, selon l’évaluation qui est faite à partir des indicateurs
comme la satisfaction au travail, l’implication organisationnelle, l’engagement au travail, la
motivation, l’intention de partir, le turnover, le conflit ou l’ambiguïté de rôle ; (4) enfin,
l’intégration peut être défini comme l’apprentissage et l’intériorisation d’un rôle organisationnel
portant sur les trois domaines de socialisation (travail, groupe de travail et organisation).
Ainsi, la gestion de l’intégration des nouveaux vendeurs apparait comme une activité
importante du processus de socialisation, dans la mesure où elle conditionne à la fois, la réussite
ou non de ce processus (satisfaction et engagement au travail, implication organisationnelle,
intention de départ, …), et le contrôle à long terme des activités de la force de vente. Comme le
souligne Lacaze et Perrot (2010), l’intégration ne se limite pas au recrutement, elle se poursuit
par une période d’assimilation des normes, des valeurs d’un groupe ou d’une organisation, une
construction de sens et la formation d’une identité qui confirme ou remet en question
l’évaluation faite à l’entrée. Cependant, si l’intégration est une phase « cruciale » du processus
de socialisation, la durée de cette phase reste variable selon les auteurs. Cette durée prend toute
son importance dans le contexte des forces de vente externes, où les vendeurs sont payés à la
commission, et la constitution d’une véritable équipe de vente parait laborieuse. Les vendeurs
indépendants sont des travailleurs « solos »37 qui passent l’essentiel de leur temps de travail à la
recherche de nouveaux clients. Ils ne sont toujours pas disposés à consacrer du temps aux
activités du groupe, et au suivi des nouvelles recrues. Il appartient donc au responsable
commercial de mettre en place les mécanismes qui favorisent l’interaction, et qui accélèrent
l’intégration des vendeurs, afin de permettre à ces derniers d’être rapidement opérationnel, et de
disposer d’un revenu. 37 Lacroix (2008)
167
L’intégration est donc un processus interactif qui permet, aussi bien à l’entreprise et ses
membres, qu’aux nouvelles recrues d’initier des contacts qui favorisent l’établissement de
relations interpersonnelles. Ainsi, les entreprises encouragent les comportements proactifs de
leur personnel (superviseurs et collègues de travail) en mettant en œuvre des tactiques de
socialisation qui permettent de canaliser le processus de socialisation des nouvelles recrues, à
travers les programmes de formation et les outils d’accompagnement qu’elles mettent en place
(Jones, 1986 ; Van Maanen et Schein, 1979). De même que les nouvelles recrues développent
des comportements proactifs en recherchant activement auprès des superviseurs et des anciens
l’information et le feed-back nécessaire à la maitrise de leurs tâches (Morrison, 1993 ; Ostroff et
Kozlowki, 1992 ; Miller et Jablin, 19991), en élaborant du sens (sensemaking) de façon à
surmonter l’incertitude et la surprise qui caractérisent cette étape d’intégration (Louis, 1980 ;
Almudever et al., 1999), et en établissant des relations interpersonnelles dans l’organisation
(Reichers, 1987). L’intégration dépend aussi bien de la proactivité des acteurs, que des tactiques
de socialisation initiées par l’organisation. Mais les recherches initiées dans les deux approches
du processus de socialisation ont souvent été conduites séparément (Saks et Ashforth, 1997), ce
qui n’a pas permis d’avoir une vision complète de la socialisation des individus à l’organisation.
Selon ces auteurs, la perspective interactionniste vient combler ce manquement en apportant une
meilleure compréhension des tactiques organisationnelles et individuelles dans le développement
des interactions nécessaires à l’apprentissage.
En effet, Reichers (1987) souligne que dans une relation, lorsque l’une des parties est
proactive et que l’autre ne l’est pas, les interactions sont moyennes, Cependant, lorsque les
acteurs sont tous proactifs les interactions sont plus fréquentes. Dans les forces de vente, ces
interactions contribuent de façon déterminante à la socialisation des vendeurs, si l’on tient
compte des spécificités du travail du vendeur dans l’entreprise. Les nouveaux vendeurs qui
adoptent des comportements proactifs augmentent la fréquence des interactions avec les
membres déjà en place, et accélèrent leur intégration dans l’entreprise. Mais la réussite d’un tel
processus exige que ces comportements soient réciproques, et que les membres déjà en place
adoptent aussi des comportements identiques. Les investigations préliminaires ont montré que
les vendeurs et les responsables commerciaux étaient davantage animés par une tolérance à
l’ambiguïté. Ainsi, la tendance des comportements observés permet de dire que les vendeurs sont
de moins en moins critiques sur les pratiques de management développées à leur égard par les
responsables commerciaux. Certains sont même favorables à la supervision directe dont ils font
l’objet, car elle est un support qui permet d’orienter leurs efforts vers les objectifs qui leur sont
fixés. Les responsables commerciaux, quant à eux, sont davantage portés sur une ouverture, aux
168
vendeurs indépendants, des « espaces de gestion » qui leur étaient jusque là interdits, favorisant
ainsi leur implication au fonctionnement de l’entreprise. Autrement dit, il se développe au sein
des forces de vente une forme de coopération tacite, qui n’est écrite sur aucun document, mais
qui permet aux acteurs d’inscrire leurs relations dans une nouvelle dynamique de travail. Les
actions organisationnelles et individuelles, prises isolément, ne constituent plus des réponses
suffisantes à la réduction de l’incertitude qui entoure l’intégration d’une nouvelle recrue. Il est
important que ces actions s’inscrivent dans des relations interpersonnelles fréquentes et de
qualité. Autrement dit, plus les interactions entre les acteurs sont importantes et recherchées, plus
vite le vendeur est intégré, mieux l’entreprise canalise les comportements de ses vendeurs.
1.2. L’intégration du vendeur indépendant : un processus multiple de socialisation
Dans les forces de vente, les vendeurs indépendants sont considérés comme des entrepreneurs
individuels, mais également comme les représentants d’une ou plusieurs entreprises auprès de
leur clientèle. Ils occupent donc une double position qui leur confère des rôles, qui ne sont pas
toujours compatibles avec les méthodes de gestion déployées par les entreprises. Nous proposons
d’examiner ces pratiques dans le cadre de la socialisation organisationnelle.
1.2.1. Le vendeur indépendant : un entrepreneur économiquement socialisé
Dans la conception économique contemporaine, le vendeur indépendant peut être assimilé à
un entrepreneur individuel qui participe, par son activité à la création de la richesse. Il occupe
dans la société une position prédéterminée par le jeu économique, conséquence de la
concentration des moyens de production au sein de la grande entreprise. La détention du capital
n’est plus le fait du seul entrepreneur innovant et créateur (Schumpeter, 1912), mais la propriété
d’un nombre plus important d’individus ou actionnaires. Ainsi, l’entrepreneur capitaliste cède la
place au manager et à l’actionnaire dans la conduite de l’entreprise, et son rôle consiste
désormais à assumer au coté de la grande entreprise, les risques inhérents à l’activité économique
(innovation technologique, incertitudes des marchés). Ziel (1999) parle de socialisation des
forces de production entre les grandes firmes et les petites entreprises pour illustrer cette
nouvelle forme de coopération. Boutillier et Uzunidis (2000, 2002) quant eux emploient
l’expression socialisation de l’économie pour désigner l’emprise grandissant de la relation de
marché sur l’ensemble des rapports économiques. Le rôle de l’entrepreneur consiste dans ce cas
de figure à réguler les dysfonctionnements des marchés (notamment le marché de l’emploi).
Autrement dit, le vendeur indépendant est un entrepreneur socialisé dans la mesure où son rôle,
en tant qu’agent économique, s’inscrit dans les relations qu’il entretien avec la grande entreprise,
169
et qui lui permettent d’exister. Ces relations sont dictées par le jeu économique. Ainsi,
l’utilisation de l’agent commercial est caractéristique de cette approche de la socialisation des
moyens de production, si nous nous référons au modèle de production développé dans les forces
de vente indépendantes. En effet, l’activité de vente au sein de ces organisations consiste
essentiellement à faire démarcher une clientèle et à proposer à la vente les produits ou les
services d’une entreprise par des mandataires sociaux, c'est-à-dire à externaliser le coût du
démarchage sur les vendeurs, puisque ceux-ci ne sont rémunérés uniquement en cas de vente. Le
système de rémunération à la commission permet aux entreprises de minimiser les risques que
représente une rétribution classique (fixe + commissions), surtout si les vendeurs ne vendent pas
suffisamment ou que les clients n’adhèrent pas au produit. Il faut néanmoins préciser que la mise
en place d’un tel système de collaboration n’est pas du seul ressort de l’entreprise. Les
conditions d’exploitation d’un statut de vendeur sont codifiées par la loi, et les manquements au
respect des règles qui régissent son fonctionnement sont réprimandés par la justice. Ce qui
confère à l’Etat le rôle d’agent de socialisation, puisqu’il est non seulement l’initiateur de ces
normes à travers les politiques économiques qu’elle développe pour encourager la création
d’entreprise, mais elle est aussi le garant de l’application de ces règles. Cependant, la
socialisation des moyens de production permet seulement de déterminer le rôle du vendeur
indépendant, pris comme un acteur économique. Il convient maintenant que l’individu qui se
propose de devenir vendeur indépendant, se détermine à son tour et assume les rôles qui
correspondent à ce statut dans le cadre d’une entreprise.
1.2.2. La socialisation du vendeur indépendant à l’organisation
La socialisation du vendeur indépendant présente deux aspects, selon que le vendeur est
nouveau ou non dans le métier. Ainsi, lorsque le nouveau vendeur est aussi nouveau dans le
métier, les entreprises assument aussi bien son intégration professionnelle (métier) que son
intégration dans l’organisation. L’intégration organisationnelle renvoie à l’ensemble des
mécanismes de socialisation qui permettent au nouvel entrant « d’apprendre et d’acquérir les
connaissances, les comportements et attitudes nécessaires pour assumer un rôle dans
l’organisation »38. Ces aspects ont été développés dans le chapitre 2 de cette thèse, par
conséquent nous nous contentons de préciser les contours du concept d’intégration
professionnelle, et de nuancer les deux approches dans le cadre de l’intégration du vendeur
indépendant.
38 Fischer, Van Maanen et Schein cités dans Delobbe et al. Comportement organisationnel, vol.1, « contrat psychologique, émotions au travail et socialisation organisationnel »
170
Selon Ficher (1986), la socialisation professionnelle fait référence à l’inculcation de valeurs et
de qualifications professionnelles, pouvant se généraliser d’un cadre organisationnel à l’autre où
la même profession est exercée. Elle est, selon Dubar (1991), « une initiation à la nouvelle
culture professionnelle et une conversion de l’individu vers une autre identité, par une démarche
d’envisager le monde et soi de manière nouvelle ». En reprenant la théorie de Hughes (1958),
l’auteur distingue trois mécanismes qui permettent de caractériser cette socialisation
professionnelle. Le premier intitulé « le passage à travers un miroir » décrit le passage du monde
« extraprofessionnel » au monde « professionnel » comme un exercice parsemé d’angoisses nées
de la confrontation des deux univers culturelles. Selon l’auteur, il s’agit de reconsidérer les
présupposés emmagasinés avant d’entrer dans la vie professionnelle à travers les quatre éléments
qui constituent le socle de l’identité professionnelle, à savoir la nature des taches, la conception
du rôle, l’anticipation des carrières et l’image de soi. Le deuxième mécanisme désigné par
« l’installation de la dualité » dépeint la comparaison systématique qui s’installe entre « l’image
idéale de la profession et la réalité quotidienne du métier et notamment à travers les taches
ingrates ». Cette phase de dualité peut être accomplie par la référence à un groupe qui servira de
modèle, à la fois, pour envisager une position et pour « légitimer les compétences » acquises. Le
troisième mécanisme titré « l’ajustement et la conception de soi » retrace la prise de conscience
par le sujet de « ses capacités physiques, mentales et personnelles, de goûts et dégoûts, pour
ajuster son identité en cours de construction ».
Dans le même ordre d’idées Paugam (1999) propose quatre formes d’intégration, en
considérant le degré de satisfaction dans le travail et le degré de stabilité de l’emploi comme
deux dimensions fondamentales de l’intégration professionnelle.
Tableau 14.Le type idéal d'intégration professionnelle et ses déviations
Satisfaction dans le travail
Stabilité de l’emploi
Type idéal : - Intégration assurée Déviation : - Intégration incertaine - Intégration laborieuse - Intégration disqualifiante
+
+ - -
+ - + -
Source : Paugam (1999)
L’intégration assurée permet au salarié « d’élaborer des projet de carrière et de s’investir
dans le travail pour le réaliser ». Il s’agit d’une intégration réussie, caractérisée par les bonnes
171
relations avec les collègues de travail et le supérieur hiérarchique. L’intégration incertaine est
caractérisée par une instabilité de l’emploi qui ne s’accompagne pas forcément par une
insatisfaction dans le travail. Il s’agit de situations dans lesquelles les salariés ont de bonnes
conditions de travail et de bonnes relations avec leurs collègues et supérieur hiérarchique, mais
ont une forte certitude de perdre leur emploi. L’intégration laborieuse correspond à une forme
d’intégration professionnelle dans laquelle les salariés sont globalement satisfaits dans leur
travail, mais dont l’emploi n’est pas menacé. L’intégration est garantie par la stabilité de
l’emploi, mais les mauvaises conditions de travail affectent négativement les relations avec les
collègues et le supérieur hiérarchique. L’intégration disqualifiante est caractérisée par une
insatisfaction dans le travail et une instabilité de l’emploi. Elle reflète l’existence d’une crise
d’intégration professionnelle qui se traduit par des mauvaises relations interpersonnelles au sein
de l’entreprise.
Ainsi, comme l’explique Bargues-Bourlier (2009), « la socialisation professionnelle est
superposée à la socialisation organisationnelle, mais s’en distingue du fait qu’elle est un
processus continu, qui ne se limite pas à une organisation ». Selon l’auteur, cette distinction est
apparente dans le fait que la socialisation organisationnelle consiste en un apprentissage sur les
trois domaines que sont le travail (compétences, rôles), le groupe de travail (relations sociales,
normes sociales, etc.) et l’organisation (culture, valeurs, normes, etc.), alors que dans le cadre de
la socialisation professionnelle l’apprentissage porte essentiellement sur le travail. Une autre
différence peut être observée dans le nombre d’acteurs intervenant dans le processus
d’intégration. Alors que dans l’intégration organisationnelle interviennent seulement les
individus et l’organisation, dans l’intégration professionnelle « s‘ajoutent les syndicats, les
pouvoirs publics et les institutions de formation »39. Par ailleurs, il arrive que selon les emplois
les nouvelles recrues d’une organisation soient déjà, en partie ou totalement socialisées aux
normes du métier (Lacaze, 2005). Selon l’auteur, « en fonction de la teneur des socialisations
l’individu développera une fidélité plus forte soit envers sa profession soit envers son
organisation ».
Dans la force de vente, un des constats fait est que les entreprises privilégient dans leur
programme de socialisation, l’intégration professionnelle au détriment de l’intégration
organisationnelle. Cette situation peut s’expliquer par la nature du travail, la vente qui constitue
la principale préoccupation des managers. L’autre explication est de nature socio-économique, et
s’explique par l’existence sur le marché d’une pénurie de vendeurs qualifiés (sans formation, ni
expérience de la vente). Celle-ci contraint les entreprises employant des vendeurs indépendants à 39 D’Iribarne (1986), cité dans Lacaze (2005)
172
assurer de façon presque systématique l’intégration professionnelle et l’intégration à
l’organisation de leurs nouveaux vendeurs. Il faut ajouter à ces explications le fait que la vente
est souvent considérée comme un « métier temporaire », accessible à tous et ne garantissant
aucune stabilité dans l’emploi. Ainsi, les informations recueillies auprès des vendeurs dans le
cadre de l’étude préliminaire, ont permis de constater que les vendeurs dotés d’une culture
commerciale avaient plus de facilité à assimiler les tâches qui relèvent de leur travail, par rapport
aux autres. Cependant, cette relative connaissance du métier n’était pas toujours une garantie
pour leur maintien dans l’emploi.
1.3. Les enjeux managériaux liés à l’intégration des vendeurs indépendants
Le vendeur indépendant et en particulier l’agent commercial est un prestataire de vente qui
est lié à l’entreprise par un contrat commercial. Il est inscrit au registre de commerce et ne
perçoit pas de salaire, ce qui lui confère sur le plan juridique la qualité de travailleur
indépendant. Cependant, il est important de relativiser cette indépendance car dans la réalité il
exécute un mandat, c'est-à-dire un ensemble d’instructions qui lui sont donnés par le mandant, et
qui impliquent qu’il rende des comptes. Certains auteurs y voient dans cette relation un lien de
subordination, dans la mesure où le vendeur est financièrement dépendant de l’entreprise et qu’il
lui est imposé de suivre certaines méthodes, ou des processus de vente prédéfinis (Moeneclaey,
2013). Les entretiens préliminaires que nous avons menés auprès des acteurs de la force de vente
mettent en évidence des comportements contrastés, au regard d’une part des règles juridiques qui
régissent le fonctionnement de cette catégorie de vendeurs, et d’autre part les pratiques de
gestion qui sont mises en œuvre par les entreprises.
1.3.1. Les politiques et pratiques de gestion en vigueur dans les entreprises
La recherche sur la socialisation organisationnelle s’est très largement appuyée sur
l’utilisation séparée ou simultanée des tactiques de socialisation organisationnelles (Van maanen
et Schein, 1979; Jones, 1986) et individuels (Morrison, 1993 ; Major et Kozlowski, 1992 ;
Ashford et Black, 1986) pour analyser l’intégration des nouvelles recrues, sans se soucier pour
autant de la pertinence de ces outils (Bargues-Bourlier, 2009 ; Bargues et Perrot, 2015). Ces
auteurs remettent en cause l’universalisme des pratiques de socialisation, et prônent plutôt une
approche contextualisée qui améliorerait la compréhension de l’intégration des nouvelles
recrues. En effet, Bargues et Perrot (2015) découvrent dans leur recherche qu’au-delà des
pratiques énoncées par Van Maanen et Schein (1979), des pratiques plus adaptées aux PME,
qualifiées de « pratiques concrètes et actuelles des organisations », apportent une meilleure
173
compréhension de l’intégration des nouveaux embauchés dans ces entreprises (Cf. tableau ci-
dessous).
Tableau 15. Pratiques de socialisation identifiées
Catégorie de pratiques Caractéristiques des pratiques
Transfert de compétences Donner des conseils Discuter avec le nouvel entrant Donner des documents de travail Faire découvrir le travail et les méthodes avec un pair Faire un tour de l’entreprise Tutorat Adapter les taches à la performance attendue Programme de formation
Ajustement Tester les idées du nouvel entrant Redéfinir la mission et/ou les taches assignés en accord avec les idées et le projet professionnel du nouvel entrant
Contrôle
Confier les taches et des objectifs identiques à ceux des pairs ou des prédécesseurs
Extinction des initiatives Adopter des comportements agacés en réponse aux sollicitations et questions du nouvel entrant Exclure le nouvel entrant Eliminer les idées nouvelles
Soutien Organiser un pot d’accueil Team building Inviter le nouvel entrant aux pauses et loisirs Discuter des idées décalées Positionner stratégiquement le nouvel entrant dans l’espace de travail Adopter des attitudes positives face aux sollicitations et questions du nouvel entrant
Domination Instaurer une relation de domination avec le nouvel entrant Imposer des méthodes ou des normes personnelles au nouvel entrant Dégrader délibérément le travail et les apprentissages du nouvel entrant Se décharger de certaines taches au détriment du nouvel entrant
Source : Bargues et Perrot (2015)
Ils découvrent également que la dynamique des pratiques de socialisation est centrée sur
« l’apprentissage du rôle, en interaction avec les forces de pression et/ou de souplesse
organisationnelles ». Autrement dit, la capacité des nouvelles recrues à assimiler les différents
aspects de leur travail dépend de la façon dont les managers orientent les actions de leurs
vendeurs, et apportent des solutions aux conflits et ambiguïtés expérimentés par les acteurs.
Dans la force de vente, l’utilisation des vendeurs indépendants répond à des besoins
stratégiques. Elle permet à l’entreprise de minimiser ses coûts et de pouvoir s’offrir sur le
marché des compétences qu’elle ne peut entretenir en interne. Or, en choisissant d’externaliser
leur vendeurs ou certaines de leurs activités commerciales, les entreprises prennent également le
174
risque de perdre le contrôle et la direction de leurs forces de vente (Moulinier, 2005), et partant,
la visibilité qu’elles souhaitent avoir sur leur marché. Cette disposition est renforcée par la
position frontalière du vendeur, source de pouvoir en raison de sa maitrise éventuelle de
l’information et sa liberté d’appliquer ou non les règles de l’entreprise (Campoy et al, 2005).
Aussi, pour conserver la commercialisation effective de leurs produits et la maitrise de leur
marché, certains managers sont tentés de passer outre les dispositions juridiques, avec le risque
de démotiver les vendeurs et d’assister à une requalification des contrats en cas de litige. Ce qui
affecterait la performance de l’entreprise.
1.3.2. La question de la durée du processus d’intégration d’un nouveau vendeur
Les recherches sur la socialisation organisationnelle évaluent de trois à six mois le temps
nécessaire d’une intégration effective dans l’entreprise. Or, ce temps peut paraitre très long, à la
fois pour les entreprises qui espèrent des résultats rapides de la part des nouveaux vendeurs, et
pour les vendeurs dont la perception d’une rémunération est attachée à leur capacité à produire.
Le rythme par lequel le vendeur est intégré et s’adapte à son nouvel environnement de travail
devient une préoccupation majeure du management. Un rythme trop lent peut décourager le
vendeur et l’inciter à partir de l’entreprise, alors qu’une socialisation plus soutenue permet au
vendeur de surmonter rapidement ses incertitudes, et de trouver plus de satisfaction dans son
travail.
En effet, La recherche sur la socialisation organisationnelle s’est intéressée aux indicateurs
directs (domaines de socialisation) et indirects (attitudes et comportements) qui déterminent la
réussite du processus de socialisation, sans pour autant s’interroger sur la dimension temporelle
de celle-ci, à la fois pour l’entreprise et pour la nouvelle recrue. Certes, il est couramment admis
que la socialisation accélère la prise de poste, et il est dans l’intérêt de l’entreprise que la
nouvelle recrue devienne rapidement opérationnelle pour éviter de payer trop longtemps des
revenus à un employé qui n’est pas encore productif. Cependant, lorsqu’il s’agit de vendeur
indépendant l’absence d’une rémunération fixe peut avoir un effet inhibiteur sur le processus de
socialisation et compromettre le succès de l’intégration du vendeur. Il apparait donc que
l’accélération du processus de socialisation est une des conditions de sa réussite, et il appartient
au manager des forces de vente de créer les conditions de cette accélération. Dans son modèle
interactionniste de socialisation des nouvelles recrues, Reichers (1987) défini les différents
rythmes de la socialisation et les conditions dans lesquelles ces rythmes se produisent. Selon
l’auteur, les différents niveaux de proaction (élevé, faible) des acteurs influencent la fréquence
des interactions, et par conséquent la vitesse du processus de socialisation. (Cf. figure10).
175
Figure 12. La vitesse du processus de socialisation, une fonction de la proaction des nouvelles recrues et des membres de l'organisation (Reichers, 1987)
Proaction nouvelle recrue
Très élevé
Peu élevé
1.
Vitesse intermédiaire
3.
Vitesse rapide
Proaction
membre de
l’entreprise 2.
Vitesse lente
4.
Vitesse intermédiaire
Peu élevé Très élevé
Ainsi, lorsque le niveau de proaction entre les acteurs est fortement élevé, la situation est
caractérisée par des interactions fréquentes et une socialisation rapide. Dans une situation
pareille, l’incertitude et l’anxiété sont réduites rapidement, et la nouvelle recrue devient
performante plus tôt que prévu. Lorsque la situation est caractérisée par un niveau de proaction
lent (bas) de la part des acteurs, les interactions sont moins fréquentes et la vitesse de
socialisation est plus lente. Dans ce cas de figure, les nouvelles recrues sont isolées des anciens
et demeurent dans un état d’anxiété prolongé qui ne favorise pas leur apprentissage et leur
adaptation. Enfin, lorsque la situation est caractérisée par un niveau de proaction intermédiaire,
les interactions sont moins fréquentes que dans la première situation, et plus fréquente que dans
la deuxième situation. Dans cette situation, l’une des parties est fortement proactive, alors que
l’autre expérimente des frustrations. Cependant, si la partie proactive n’obtient pas de réponses à
ses attentes, celles-ci décroissent en fréquence à cause des frustrations que cela peut susciter à la
longue.
Il est entendu que la fréquence des interactions facilite la formation d’une nouvelle identité
sociale, l’attribution de sens et l’apprentissage des différentes dimensions40 de la socialisation
indispensables à cette étape. Par ailleurs, une accélération du processus d’ajustement et
d’adaptation intéresse aussi bien les nouvelles recrues qui surmontent rapidement les incertitudes
liées à leur entrée dans l’organisation, que l’organisation qui maximise son efficacité (Ashforth,
2012 ; Reichers, 1987). La vitesse de la socialisation est déterminée par (1) les difficultés
40 Travail, groupe de travail, et Organisation.
176
d’apprentissage et d’adaptation que la nouvelle recrue rencontre dans un contexte particulier, et
(2) par le processus décidé par l’organisation et les nouvelles recrues pour faciliter cet
apprentissage et cette adaptation (Ashforth, 2012). Comme nous l’avons souligné dans l’étude
préliminaire réalisée auprès des agents commerciaux, l’une des difficultés majeure des vendeurs
nouvellement recrutés à intégrer l’entreprise réside dans le fait que les vendeurs n’étaient pas
suffisamment suivis. De plus, les occasions d’interactions sont plutôt rares étant donné la nature
de leur activité principalement localisée à l’extérieur de l’entreprise, de la concurrence qui
s’installe entre les membres de l’équipe vente, et de la défiance qui en résulte. Le vendeur
indépendant est davantage concentré sur son activité et ses relations avec les autres personnels de
l’entreprise sont plutôt rares, ce qui ne favorise pas les interactions avec les membres déjà en
place dans l’entreprise.
2. La relation manager / vendeur dans une perspective d’intégration
Au regard des spécificités qui entourent le travail des vendeurs indépendants, et des disparités
qui peuvent exister d’une entreprise à une autre, la relation entre un manager et ses vendeurs ne
peut être la même dans toutes les entreprises et même pour deux vendeurs travaillant dans la
même entreprise. La façon dont les acteurs attendent fonctionner, et atteindre leurs objectifs
respectifs n’est pas donnée d’avance, mais résulte des échanges que ceux-ci vont établir et des
interactions voulues ou non dans le cadre du travail. Cette relation est construite sur la base
d’une confiance réciproque des acteurs.
Nous présentons dans les paragraphes qui suivent la définition et l’évolution de la relation
managériale, et sa construction (2.1), avant d’évoquer le rôle de la confiance dans la construction
de cette relation (2.2).
2.1. Définition et évolution du concept de relation managériale
En s’appuyant sur les travaux de Simmel (1908), Goudarzi (2006) définit le concept de
socialisation comme « une entrée en relation ». Selon l’auteur cette relation peut prendre
différentes formes selon qu’elle est étudiée en sociologie (relation d’un individu avec la société),
en psychologie (relation à soi), et en psychologie sociale (relation à un groupe). Conformément à
cette idée, nous pouvons considérer la socialisation du vendeur indépendant comme une entrée
en relation, entre le vendeur et l’entreprise à travers son manager des ventes, et de façon
extensive avec toutes les personnes participant à l’activité commerciale.
177
Dans la littérature en management, la relation entre un manager et ses collaborateurs a
longtemps été considérée comme « une relation hiérarchique unidimensionnelle et descendante
allant supérieur vers le subordonné » (Rupelle et al, 2014). Selon l’auteur, cette vision réductrice
de la relation managériale, essentiellement fondée sur l’autorité hiérarchique, trouve son
explication dans les notions de pouvoir développée par Crozier et Friedberg (1977). Il faut
attendre les développements ultérieurs de la théorie des rôles et celle de l’échange social pour
que se dessine une évolution de la relation hiérarchique vers une relation managériale plus
dynamique.
La notion de relation mangériale n’a pas fait l’objet d’une littérature spécifique en
management. Il n’existe donc pas définition formelle, cependant la relation managériale évoque
des situations d’encadrement de collaborateurs quels qu’ils soient, et « De manière informelle,
elle caractérise toutes les formes co-construites d’échanges entre un manager et son collaborateur
» (Deffayet et Tessier, 2005). Les auteurs soulignent la nécessité de s’appuyer sur la capacité
des managers à motiver leurs collaborateurs plutôt que de recourir au pouvoir hiérarchique afin
de tenir compte de l’évolution des termes de la relation d’emploi.
Dans le même esprit, Deffayet et Pedrazza (2015) soulignent que « l’objectif poursuivi est la
performance organisationnelle générale à travers un collaborateur que l’on cherche à motiver et à
impliquer ». Ces auteurs définissent également trois attributs importants de la relation
managériale. Elle a pour finalité de développer l’autonomie du collaborateur, et lui permettre
d’être créatif dans son travail. Elle engage au moins deux individus, dont l’une incarne l’autorité,
sans que cela ne remettent en cause la recherche nécessaire d’un consensus dans le
fonctionnement. Enfin, elle requiert selon les propos des auteurs « la mise en œuvre de
compétences transversales qui vont permettre à l’individu de réguler sa relation avec les autres à
partir de sa propre subjectivité. Autrement dit, à chaque relation, à chaque lien noué dans
l’environnement externe, est associé une représentation (dimension cognitive) ainsi que des
sentiments et émotions que cette image évoque (dimension affective) dans l’environnement
interne des membres de la dyade ». Deffayet et Pedrazza (2015) identifient cinq compétences
relationnelles fondamentales : reconnaitre et manifester ses limites, gérer ses émotions négatives,
chercher et donner du soutien et du support, avoir confiance en soi et en l’autre, trouver
l’équilibre entre distance et proximité dans la relation.
Dans un tout autre registre, Ayache et Laroche (2010) focalisent leur attention sur une
approche dynamique la relation managériale, dépassant de ce fait l’approche traditionnelle
prépondérante dans la littérature. Nous mobilisons dans le cadre de cette revue succincte de la
178
littérature sur le concept, la typologie proposée par les auteurs. En effet, dans un examen de la
littérature en management les auteurs distinguent quatre types de relations managériales,
identifiées selon le point de vue du manager/supérieur et la perspective objective ou subjective
adoptée par les auteurs sur le travail ou le comportement du manager. Ces types de relations
managériales sont présentés dans la figure ci-dessous (Figure 13).
Figure 13. Typologie des relations managériales à travers la littérature en management
Point de vue du supérieur
Relations managériales traditionnelles : Relations managériales opportunistes :
- Hiérarchie et autorité (Fayol, 1916) - Une sous-spécification des mandats
- - « Management by objectives (Drucker, 1954) stratégiques (Hendry, 2002 ; Jackall, 1988)
- - Activités quotidienne du manager (Mintzberg,
-- 1984, Martinko & Gadner, 1994, Tenglad, 2006)
Perspectives Perspectives
Subjective objectives
Relations managériale zélée : être ou donner Relation managériale ambigüe, à construire
- l’image du bon élève - Attentes floues (Watson et Harris, 1999, et
- -« Managing your boss » (Gabarro et Kotter, 1980) contradictoires (Tsui et al, 1995)
- - Théorie LMX (Graen et Uhl-Bien, 1995) - Interprétation des jugements (2001), négociation
- - Management des impressions (Gardner et sur le travail (Hales, 1986), «shared meaning »
- Martinko, 1988), stratégie d’influence (Kipnis (Ferri et al, 1994)
- et al,1980). - Problèmes abordés : « issu selling », promoteur
du changement, fabricant de stratégie (Strategy
Practice)
Point de vue du manager
Source : Ayache et Laroche (2010)
La relation managériale traditionnelle préconise un management « fluide, rationnel, technique
et objectif » basé sur des principes tels que la hiérarchie et l’autorité de Fayol (1916), la direction
par objectif de Drucker (1954) et les études sur le travail managérial de Mintzberg (1984). C’est
la situation d’un supérieur qui manage ses subordonnés en tenant compte de leurs attentes.
La relation managériale dite « zélée » est analysée par les auteurs dans le cadre de la relation
manager/supérieur. Elle stipule que le manager (ici subordonné) doit s’employer à établir une
relation « compatible » avec son supérieur. Elle insiste surtout sur la nécessité pour la dyade
supérieur/manager à fournir une relation fluide et harmonieuse. Dans le même esprit, la théorie
Leader-Member Exchange (LMX) ou « échange supérieur/subordonné » permet de mesurer la
qualité de la relation entre un supérieur et ses subordonnés.
179
La relation managériale opportuniste est expliquée par le comportement stratégique ou
opportuniste que le supérieur adopte vis-à-vis de ses subordonnés. Selon les auteurs, le supérieur
entretien un comportement « ambigu et peu lisible » qui lui permettrait de couvrir ses
manquements, notamment sa capacité à orienter par des objectifs clairs le travail de ses
collaborateurs. Il exerce donc dans une certaine confusion, ce qui lui permet de choisir le type de
relation qu’il souhaite établir avec ses collaborateurs.
La relation managériale ambiguë repose sur le fait que les attentes du supérieur peuvent
apparaitre « floues et contradictoires ». Le subordonné ne sait pas exactement ce que le supérieur
attend de lui, il ne dispose pas d’information nécessaire pour accomplir correctement sa tache. Il
doit alors interpréter les « signaux et les indices » émis par son supérieur, et justifier de la
pertinence des actions qu’il met en œuvre. Le collaborateur doit négocier de façon permanente
du « contenu et des modalités de son travail », ce qui fait de cette relation managériale une
relation à construire.
Ayache et Laroche (2010) appréhendent la relation managériale comme une relation ambiguë
et à construire. Ils retiennent trois dimensions pour caractériser cette relation : le « contrat » qui
s’établit entre les acteurs et qui peut être sources d’incertitudes ; « l’interprétation » nécessaire
que le collaborateur donne des signaux émis par le supérieur, et qui confère à la relation un
caractère subjectif ; et l’aspect « temporel et processuel » de la relation qui permet d’envisager
son évolution. Ils concluent leur propos en indiquant que la relation managériale « se construit et
évolue dans le temps », parce qu’elle n’émane pas de la hiérarchie mais résulte des interactions
des acteurs.
Par ailleurs, Ayache et Laroche (2010) suggèrent que la construction de la relation
managériale connait au moins deux phases. La première phase correspond à un apprentissage
progressif, à travers des interactions fréquentes entre le supérieur et son collaborateur. Selon les
auteurs, « ces interactions sont autant d’occasions pour le collaborateur d’interpréter les signaux
émis par son supérieur en réponse aux actions et d’en tirer les conséquences aux attentes
identifiées chez le supérieur ». Ainsi, à mesure que le nouveau collaborateur assimile son rôle et
les différentes taches de son travail, la relation se modifie progressivement et les interactions
deviennent moins fréquentes. La seconde phase correspond à la maintenance de la relation
managériale, et consiste en « un allègement de certaines interaction ». Le collaborateur acquiert
une certaine autonomie dans son fonctionnement, tout en instaurant des mécanismes qui
permettent maintenir les interactions avec son supérieur. La relation managériale est analysée du
180
seul point de vue du collaborateur, ce qui ne permet pas d’avoir une idée précise de la
dynamique des interactions, et surtout d’apprécier les décisions et actions du supérieur.
En management des forces de vente, Leroux (2009) s’intéresse particulièrement à la relation
managériale entre un manager et ses vendeurs. Il défini cette relation comme l’ensemble des
interactions entre le manager et sa force de vente. Selon l’auteur, ces interactions peuvent être
interpréter de la façon suivante : « le manager fixe les missions à réaliser et les objectifs aux
commerciaux » et « les commerciaux vendent, réalisent leur missions et remontent les
informations recueillies sur le terrain ». Il souligne l’existence d’une interdépendance entre le
manager et son équipe de vente par laquelle, « le manager exerce une influence sur son équipe de
par sa personnalité, son mode de management, son leadership, et l’équipe influence le manager
qui prend des décisions selon les attentes, le comportement et la performance de ses
commerciaux ». Pour une meilleure compréhension de la relation entre le manager et ses
vendeurs, nous avons condensé dans un tableau les éléments qui composent cette relation
managériale.
Tableau 16. Condensé des différentes composantes de la relation managériale
Les éléments Description sommaire L’autorité Influence sur autrui, directives, procédures de travail, objectifs.
La délégation du pouvoir
Savoir : donner des instructions, accorder les moyens, contrôler, aider, remercier et encourager, déterminer les échéances.
La stimulation des vendeurs
Redonner le goût de vendre, briser la routine, encourager
La communication Transmission d’informations, réunion ou entretien personnelle, internet, notes de service, visioconférence, etc.
La gestion des conflits Prévoir les risques de conflits, rapports de pouvoir entre le manager et les vendeurs, surmonter les conflits de fortes amplitudes.
Les éléments contextuels
Assurer une cohésion au sein de l’équipe, permettre au manager de motiver, de faire atteindre les objectifs, et de respecter les directives de la hiérarchie.
Les objectifs de la direction
Respecter les objectifs de la direction générale : objectifs de l’entreprise, objectifs commerciaux, objectifs en ressources humaines commerciales.
Les éléments intrinsèques
Application de la politique marketing et commerciale, management de l’activité des ventes, administration des ventes.
Les acteurs Direction de l’entreprise, le manager commercial, les commerciaux, l’administration des ventes.
Les rapports manager/commerciaux
Manager : se conformer au statut et au contrat du vendeur, rémunérer le vendeur selon son contrat ; vendeur : respecter l’autorité du manager, les valeurs de l’entreprise et les lois en vigueur.
Source : Leroux (2009)
Dans la réalité, les représentations que les acteurs de la vente développent dans cette relation
paraissent plus complexes, compte tenu des difficultés à concilier les exigences de gestion liées à
l’activité de vente et les dispositions juridiques encadrant le travail de certains vendeurs.
181
2.2. Une relation qui se construit sur la confiance des acteurs
La confiance est un mot qui revêt des sens variés. Les chercheurs s’accordent à dire que ce
mot est polysémique, au regard des nombreuses définitions qui le caractérise (Simon, 2007).
Selon cet auteur, trois approches principales du terme peuvent être distinguées. La première
approche, de nature psychologique, défini la confiance comme une « croyance, une attente ou un
sentiment profondément enraciné dans la personnalité… d’un individu ». La deuxième approche,
d’ordre sociologique, défini la confiance comme un « phénomène inter ou intra organisationnelle
et comme objet que l’individu suppose quant au fonctionnement des institutions ». La troisième
approche émane de la psychosociologie et défini la confiance comme « l’espérance et le
consentement d’un tiers qui s’engage dans une transaction ». Ces trois catégories de définition
permettent trois types de confiance : la confiance interpersonnelle, la confiance organisationnelle
et la confiance institutionnelle. D’abord, la confiance interpersonnelle fait référence à la
« confiance placée par des individus dans d’autres individus ». Elle émane du système social et
favorise la coopération entre individu ; ainsi la confiance interpersonnelle occupe une place
prépondérante dans les échanges, ce qui lui vaut d’être considérer comme un « mécanisme de
gouvernance qui se substitue partiellement aux structures formelles de contrôle ». Ensuite, la
confiance organisationnelle concerne la « confiance accordée par les membres d’une
organisation à l’organisation associée ». Elle implique au moins deux organisations qui vont
porter au niveau organisationnel des attentes individuelles. Cette confiance conduit à des
« comportements coopératifs et à l’apprentissage collectif ». Enfin, à la différence des deux
premiers types de confiance plus axé sur l’individu et l’organisation, la confiance institutionnelle
se réfère au contexte dans lequel s’inscrit la relation. Elle admet l’existence d’une entité sociale
supérieure sur laquelle les individus s’accordent et partagent les vertus. Comme le souligne
Simon (2007), cette confiance « se manifeste principalement par le recours des deux parties à
divers institutions telles que les lois, le cadre réglementaire, et les contrats avec l’acceptation des
règles qui en découlent ».
En sciences de gestion, les recherches sur la confiance se sont focalisées sur les
problématiques relatives au contrôle et à la coordination. La confiance est donc comme un
mécanisme de gouvernance concurrent des outils traditionnels que sont le marché et la
hiérarchie. Nous retenons dans le cadre de cette recherche la typologie des formes de la
confiance construite par Bornarel (2007) autour d’une discussion des définitions souvent
convoqués dans les recherches. En effet, l’auteur propose un instrument d’analyse de la
confiance dans l’organisation en s’appuyant sur l’idée que « la décision d’accorder sa confiance
est prise à la suite d’un jugement sur le comportement du destinataire de celle-ci et cela dans un
182
contexte qui exerce une influence ». Les comportements sont envisagés aussi bien dans leurs
aspects positifs que négatifs (opportunisme, défiance…). De même que le contexte fait référence
à deux puissants déterminants qui le caractérise : l’incertitude et la présence de risques
d’opportunisme. Le croisement de ces dimensions permet de mettre en évidence quatre formes
de confiance dans l’organisation (Cf. tableau 15).
Tableau 17. Les formes de la confiance (Bornarel, 2007)
Contexte jugé défavorable à la confiance
Contexte jugé favorable à la confiance
Vision négative du
comportement
Motivé par la satisfaction de l’intérêt personnel, les individus se comportent en opportunisme. L’incertitude est maitrisée par des mécanismes formels. D’autres ont pour fonction d’éviter toutes les expressions possibles d’opportunisme, notamment en supprimant les relations de dépendance
Motivé par la satisfaction de l’intérêt personnel, les individus s’investissent malgré tout dans des relations d confiance. Elles sont mobilisées pour surmonter l’incertitude. Leur maintien est conditionné par les avantages de la dépendance mutuelle, celle-ci réduisant la tentation à s’investir dans l’opportunisme.
Vision positive du
comportement
Motivé par le respect de ses engagements, les individus se comportent honnêtement, voire font preuve de bonne volonté, et agissent pour satisfaire les intérêts d’autrui. Les mécanismes formels sont le meilleur moyen de maitriser l’incertitude. L’organisation fait confiance aux individus pour qu’ils ne se détournent pas de ces mécanismes
Motivé par le respect des engagements, les individus se comportent honnêtement, voire font preuves de bonne volonté, et agissent pour satisfaire les intérêts du collectif, de la communauté. La confiance est mobilisée pour surmonter l’incertitude et favorisée l’implication. Elle est conditionnée par la dépendance de l’individu à l’égard de la communauté.
Selon l’auteur, les formes de confiance identifiées ci-dessus peuvent être mobilisées pour
éclairer les principes d’organisation dans plusieurs contextes organisationnels. Ainsi, les
organisations de type taylorien sont dans « l’incapacité de fonctionner avec des relations de
confiance ». En partie, parce qu’elles ne peuvent être efficace que dans des environnements
stables où tout est mis en œuvre pour qu’il n’existe pas de relations interpersonnelles, jugées
néfaste pour ce type d’organisation. Dans les organisations bureaucratiques, la confiance des
individus portent sur les règles qui assurent le fonctionnement de l’organisation. Les individus
obéissent à ces règles que si elles permettent un traitement équitable entre les membres de
l’organisation. Comme dans l’organisation taylorienne, il n’est pas justifié d’entretenir des
relations interpersonnelles, dans la mesure où il suffit simplement de faire confiance à
l’organisation. L’organisation moderne, quant à elle, mobilise une relation de confiance
paradoxale. Bien que le comportement du destinataire de la confiance soit jugé négatif,
183
l’organisation développe des stratégies qui poussent l’individu à « s’investir dans des relations de
confiance interpersonnelles ». Cette manœuvre consistant à « facilité et canaliser » les relations
interpersonnelles à pour ambition de contrôler l’individu et le permettre d’atteindre ses objectifs.
Autrement dit, « un individu est jugé digne de confiance dès lors qu’il atteint ses résultats ».
L’organisation clanique (Ouchi, 1980), est le cadre favorable au développement d’une confiance
idéale. Le contexte et le comportement sont de nature à favoriser les relations de confiance, car
les intérêts du clan sont jugés prioritaires à ceux des membres. De plus, la présence simultanée
de la confiance organisationnelle et de la confiance personnelle permet d’assurer un contrôle
efficace et une meilleure coordination des activités, sous la réserve que les membres respectent
les valeurs du clan.
Dans un essai de théorie sur le management, Luc Boyer (2010) propose de « repenser la
relation managériale » à l’aune de la confiance. L’auteur dégage de ses recherches trois axes de
réflexion possibles. (1) Développer la confiance par « la participation et la communication des
salariés aux actes de gestion ». Cet axe de recherche fait référence au management participatif
dont l’objectif est d’impliquer les employés à la prise de décision. Ainsi, on peut aisément
penser qu’en négociant les objectifs de vente avec le vendeur plutôt que de les lui imposer
encourage « l’innovation », permet de réduire « la rétention de l’information, le stress et
l’anxiété dans le travail ». (2) L’auteur souligne que la confiance ou le sentiment de confiance
est à l’origine de certaines pratiques de management comme « la délégation d’autorité et de
responsabilité ». La confiance favorise aussi « l’identification des employés à leur entreprise »,
tout comme elle peut être « consolidée par la justice et l’équité ». (3) Enfin, pour Boyer(2010) la
confiance repose sur l’idée des échanges sociaux, vécus comme une espèce d’investissement ».
Selon l’auteur, la confiance repose sur les trois termes suivants : Donner, recevoir et rendre.
Autrement dit, une relation managériale ne peut se construire que sur la base d’une confiance
réciproque, à travers un esprit de coopération et de responsabilisation et par une clarification des
attentes réciproque.
Par ailleurs, l’instauration d’une relation managériale efficace se construit aussi sur la base
d’une confiance réciproque, mais pour que cette confiance s’établisse il est nécessaire que les
attentes des acteurs soient clarifiées. Selon Anne Girard41, « la relation managériale repose sur la
coopération de deux personnes qui acceptent toutes les deux les règles du jeu, et qui assument la
responsabilité du fonctionnement de cette coopération ». Il s’agit donc d’une responsabilité
partagée qui incombe aux deux acteurs, et non seulement au seul manager. Les résultats de notre
41 Seenago, site internet : www.e-magazine.lamy.fr
184
étude préliminaire font écho aux propos de cette praticienne, à travers des situations qui
nécessitaient la coopération et la responsabilisation des acteurs. Ils indiquent que la relation entre
un manager et ses vendeurs indépendants oscillent entre deux extrêmes, la confiance absolue et
l’absence de confiance. Ainsi, lorsque la relation tend vers moins de confiance, la coopération
entre les vendeurs et leur superviseur est rendue difficile, dans la mesure où les managers
exercent un contrôle plus étroit sur leurs vendeurs. C’est le cas notamment lorsque les managers
soupçonnent leurs vendeurs d’occuper plusieurs emplois et exigent de ces derniers la
présentation d’un rapport d’activité hebdomadaire, alors même qu’il n’existe pas un lien de
subordination. Cependant, lorsque la relation est emprunte d’une confiance partagée, les acteurs
construisent mutuellement leur relation en tenant compte de leurs intérêts respectifs. Ainsi, Il est
courant de constater que les vendeurs adhèrent pleinement à l’idée de participer à réunions
quotidiennes programmées par l’entreprise, alors même que celles-ci peuvent laisser apparaitre
l’existence d’un lien de subordination. Dans ce cas de figure, les vendeurs acceptent les règles du
jeu, y compris celles de considérer l’autorité du manager, car c’est seulement à travers cette
organisation qu’ils peuvent atteindre leurs objectifs.
185
SECTION 2. LE MODELE D’ANALYSE DE LA SOCIALISATION DU VENDEUR
INDEPENDANT
La section qui suit a vocation à présenter les arguments qui militent en faveur de notre
conception de la socialisation comme un processus de construction de la relation managériale.
Ainsi, sur la base des informations recueillies sur le terrain et dans la littérature, nous proposons
un cadre conceptuel articulant l’approche interactionniste et de construction de sens de la
socialisation organisationnelle, et les théories de la régulation sociale et du contrat
psychologique. Cette conception doit permettre une meilleure lecture de l’entrée dans
l’organisation des vendeurs indépendants, et les comportements organisationnels y relatives.
Nous évaluons dans quelle mesure ce cadre peut servir de grille d’analyse de la socialisation des
vendeurs indépendants. Cette démarche nous conduit à proposer un modèle de socialisation
spécifique à l’entrée des vendeurs indépendants dans l’organisation, qui permet de mettre en
évidence la réalité des interactions au cours de cette période, et de dégager des axes de recherche
qui vont nous permettre de répondre à nos questions de recherche.
Ainsi, nous présentons dans un premier temps le niveau d’analyse interactionniste, retenu
dans le cadre de cette recherche (1) ; puis nous proposons l’approche de construction de sens qui
sous-tend la construction de la réalité (2) ; enfin, nous évoquons les théories qui permettent de
comprendre l’échange managérial entre un manager et son vendeur au cours de cette phase
d’intégration (3).
1. L’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle : une clé
d’analyse de l’entrée des vendeurs indépendants dans l’organisation
Selon Lacaze (2005), les recherches sur la socialisation organisationnelle obligent à choisir un
niveau d’analyse qui peut être l’organisation, l’individu ou le groupe. En adoptant une approche
interactionniste, nous avons fait le choix de considérer que la socialisation existe naturellement
dans les organisations, à travers les interactions entre les personnes dans le cadre de leur travail,
en vue d’atteindre des objectifs communs. Cette approche à rencontré un engouement certain
parmi les chercheurs, mais son application connait quelques limites. Afin de cerner les contours
de cette approche, nous présentons rôle moteur des interactions (1.1), et des agents de
socialisation (1.2). Puis, nous analysons les limites des recherches actuelles, et notamment du
modèle de construction de sens de Louis (1980) (1.3), avant de l’enrichir avec l’approche
théorique de construction de sens de Weick (1979) (1.4).
186
1.1. L’interaction comme principal mécanisme de la socialisation organisationnelle
Comme nous l’avons précisé dans le chapitre 1, la reproduction sociale des comportements
d’une génération à une autre, à travers l’acquisition des normes et valeurs de l’organisation, a été
la trame des premiers travaux sur la socialisation organisationnelle. Il faut attendre les années
1970, avec l’introduction d’un nouveau paradigme, pour qu’une orientation des théories sur la
socialisation porte davantage sur l’individualisme méthodologique que sur l’holisme
méthodologique. Alors que les approches holistes sont axées sur le conditionnement de
l’individu, l’individualisme méthodologique accorde une attention particulière à l’individu
socialisé, qui devient un acteur actif de sa propre socialisation. « Elle renvoie à l’interaction
voulue ou non, entre acteurs impliqués dans une situation ».
L’approche interactionniste de la socialisation appréhende l’entrée dans une organisation
comme un processus d’acquisition d’informations réalisé essentiellement à travers des
interactions entre les nouvelles recrues et les membres déjà en place dans l’organisation (Perrot,
2001). Dans le sens commun, une interaction sociale est une relation interpersonnelle entre deux
individus, par laquelle les comportements de ces individus s’influencent mutuellement et se
modifient chacun en conséquence42. Elle implique pour les individus qui arrivent nouvellement
dans une entreprise l’adoption de comportement proactifs visant à établir des relations
interpersonnelles, et pour ceux qui y travaillent déjà des comportements d’ouverture qui
favorisent l’échange.
L’interactionnisme symbolique s’intéresse au fondement de l’attribution de sens et des
identités en général. Dans l’entreprise, elle cherche à expliquer les sources organisationnelles à
l’origine de l’attribution de sens et des identités sociales des nouvelles recrues au cours du
processus de socialisation (Reichers, 1987). Les individus qui arrivent nouvellement dans une
entreprise n’ont aucune connaissance de celle-ci, et quelque fois du métier qu’ils doivent exercer.
Ils apprennent et organisent leurs connaissances à mesure qu’ils établissent des relations avec le
superviseur et les collègues, et plus largement avec l’ensemble des personnes qui participent au
fonctionnement de l’entreprise.
Aujourd’hui, l’interaction occupe une place centrale dans le processus de socialisation
organisationnelle, Perrot et al (2005) présentent dans leur revue de la littérature, ses
caractéristiques essentielles. Ainsi, ils appréhendent cette approche interactionniste comme un
processus de changement individuel et organisationnel, une Co-construction de la réalité, et un
processus d’influence mutuelle.
42 Dictionnaire Larousse [en ligne : http//www.Larousse.fr] consulté le 17/06/2014
187
§ Un processus de changement individuel et organisationnel :
Le changement est appréhendée aussi bien sur le plan individuel qu’organisation. Selon ces
auteurs le changement est inhérent au processus de socialisation. Les nouvelles recrues « entre
dans un processus de changement » dès lors qu’ils s’adaptent à leur nouvel environnement de
travail. Ce changement individuel entraine parallèlement un changement organisationnel, dans la
mesure où le nouvel arrivant apporte de nouvelles compétences dans l’entreprise. Ainsi, l’arrivée
d’une nouvelle recrue modifie les rapports sociaux au sein de l’organisation qui, à leur tour vont
induire de nouvelles formes de contrôle (Crozier et Friedberg, 1977). Autrement dit, l’intégration
d’un nouveau membre modifie le fonctionnement de l’organisation et suscite un besoin de ré-
socialisation. C’est le cas lorsque le nouvel arrivant est un membre de l’encadrement ou que des
modifications sont apportées aux missions de l’entreprise. Cela pourrait être aussi le cas lorsque
les activités des nouvelles recrues présentent des spécificités.
§ Une Co-construction de l’organisation :
La réalité organisationnelle est Co-construite par les acteurs, au moyen des interactions qu’ils
produisent dans leurs relations. Comme le précise Perrot et al (2005), « Dans un cadre
interactionniste, l’organisation ne s’impose pas comme un ensemble prédéfini fixé et figé de
structures relationnelles entre les individus ; mais plutôt comme un processus d’actions,
d’interprétation et donc de construction ». Dans le même sens, certains auteurs souligne
l’importance des interactions entre les nouvelles recrues et les membres déjà en place dans
l’accélération du processus de socialisation (Ashforth, 2012 ; Ashforth et Saks, 1997 ; Reichers
(1987).
§ Un processus d’influence mutuel :
L’organisation et le nouveau membre s’influencent mutuellement, et cette influence porte sur
les attitudes et les comportements. L’entré dans l’organisation de la nouvelles recrue est marquée
par un double processus de socialisation. Tour à tour, le nouveau membre et les membres déjà en
place deviennent des agents de socialisation. Ainsi, les agissements de l’un contraignent l’autre à
adopter un comportement qui est favorable à la perpétuation de la relation. Il y a donc un
processus de socialisation réciproque qui, en assurant la régulation des attitudes et
comportements permet une meilleure cohésion dans l’organisation.
188
1.2. Le rôle majeur des agents de socialisation
L’approche interactionniste de la socialisation est appréhendée à travers les relations
interpersonnelles qui s’établissent entre les nouvelles recrues et les personnes en place dans
l’entreprise, appelées agents de socialisation. De façon générale, « les agents de socialisation
sont des personnes et groupes de personnes qui influencent nos émotions, nos attitudes et nos
comportements ». Selon Perrot et al (2005), la littérature en science de gestion attribut le nom
d’agent de socialisation à toutes les « personnes susceptibles d’exercer une influence sur le
processus de socialisation d’un nouveau membre ». Ces personnes peuvent être identifiées aussi
bien à l’intérieur (insiders) qu’à l’extérieur de l’entreprise (outsiders), mais plus généralement la
recherche a accordé une plus grande attention aux personnes déjà en place dans l’entreprise (Cf.
tableau 4 ci-dessous). Parmi ces agents de socialisation, trois tiennent un rôle éminemment
important dans l’organisation, compte tenu de leur implication directe dans le processus de
socialisation : le supérieur hiérarchique, les collègues et le parrain ou tuteur.
Tableau 18. Types d'agents de socialisation
Agents de socialisation Identification Le supérieur hiérarchique
Personne clé qui assure l’intégration du nouveau dans l’entreprise, et chargée de la définition de sa fonction et de l’évaluation de ses performances (« feedback »).
Les collègues
Personnes se situant au même niveau hiérarchique que le nouveau, ayant un rôle similaire, et donc bien placée pour faciliter son adaptation au sein de l’organisation.
L’éventuel parrain ou tuteur
Personne à qui l’entreprise confie le nouveau afin de l’initier et de le guider à son arrivée dans l’organisation.
Le(s) subordonné(s)
Personnes qui interviennent de façon marginale. Ils peuvent être d’une aide précieuse pour les nouveaux entrants.
Les autres membres de l’entreprise Personnes avec qui le nouveau n’a pas de relations professionnelles directes.
Source : adapté de Perrot et al (2005)
En effet, à leur arrivée dans l’organisation, les nouvelles recrues n’ont pas une expérience
suffisante et des connaissances appropriées pour pouvoir expliquer les réalités qu’elles vivent
dans leur nouvel environnement de travail. Elles ont donc besoin de l’assistance des personnes
déjà en place, à la fois dans l’interprétation des évènements qui surviennent et sur le sens
qu’elles doivent donner à leurs actions dans l’entreprise (Louis, 1980). Selon l’auteur, cette
assistance constitue une source d’information pour les nouvelles recrues, car c’est auprès de ces
personnes qu’elles vont trouver l’information nécessaire concernant l’accomplissement de leurs
189
taches et la réalisation du rôle qui leur ai assignés dans leur nouvel environnement de travail.
Cette assistance permet aussi aux nouveaux arrivants de développer des relations étroites avec
les personnes déjà en place, dans le but de créer un réseau de soutien en leur faveur au sein de
l’organisation. Selon Perrot et al (2005), « ce type de relation contribue à créer un support
mutuel et une meilleure collaboration entre le nouveau et les membres de l’organisation ».
Ainsi, Lacaze (2010) estime qu’en recherchant activement l’information, les nouvelles recrues
obtiennent l’information et le soutien social dont ils ont besoins pour intégrer l’organisation.
Mantione (2001) préfère parler de soutien organisationnel pour exprimer tous les soutiens qui
proviennent de l’entreprise et ses membres. Autrement dit, il est essentiel que la nouvelle recrue
trouve auprès de l’entreprise un soutien positif, susceptible de favoriser sa satisfaction au travail,
son implication et sa volonté de rester dans l’entreprise. Au contraire, certaines relations
interpersonnelles peuvent apparaitre comme des « supports d’évaluation négatives », lorsqu’elles
sont fondées sur des « incertitudes et l’absence de feed-back », ou comportent des « pressions
trop fortes à se conformer ». Ces relations peuvent avoir des effets contre productifs au soutien
apporté par l’organisation, et compromettre l’intégration des nouvelles recrues (Perrot et al,
2005).
Par ailleurs, bien que les agents de socialisation jouent un rôle important dans le processus
d’intégration des nouvelles recrues, très peu de recherches se sont intéressées aux effets des
pratiques de socialisation sur les agents de socialisation (Perrot et al.2005). D’après ces auteurs,
les rares études réalisées sur les agents de socialisation observent des effets aussi bien positifs
que négatifs. Les aspects positifs peuvent être observés dans le renouvellement par les agents de
socialisation d’attitudes plus positives à l’égard de leur propre travail ; mais aussi dans leur
capacité à repenser et à reconstruire leur propre schéma d’interprétation, de façon à donner aux
nouvelles recrues des informations précises sur leur environnement de travail ; enfin, dans leur
volonté à actualiser leurs connaissances sur le métier et l’organisation en apprenant les nouvelles
méthodes ou procédés apportées par les nouvelles recrues. Les aspects négatifs concernent la
surcharge de travail, et surtout le temps qu’ils consacrent à l’encadrement au détriment de leur
propre travail. Selon les auteurs, ce surplus de travail peut créer de « l’insatisfaction au travail,
une augmentation du stress, et finalement conduire à une baisse de la performance ».
Cette revue succincte de la littérature sur l’approche interactionniste, à travers d’une part le
rôle central que tient « l’interaction comme principal moyen à travers lequel la socialisation à
lieu dans l’organisation » et d’autre part la place qu’occupe les agents de socialisation, nous ont
convaincu de l’intérêt d’une telle approche si nous voulons saisir le processus dans son entièreté.
190
Cependant, certaines questions subsistent, notamment sur l’influence réelle que le nouveau
membre peut avoir sur les anciens membres, au cours du processus de socialisation.
1.3. La nouvelle recrue, un agent de socialisation peu étudié
Alors que l’interactionnisme apparait comme une approche attrayante et pertinente dans la
socialisation des nouvelles recrues, l’attention accordée par la recherche sur l’influence que le
nouveau membre peut avoir sur les anciens membres reste très limitée. Les recherches portant
sur l’influence potentielle de la nouvelle recrue sur l’organisation, se sont focalisées sur la
socialisation du personnel d’encadrement ou des dirigeants créateurs ou repreneurs d’entreprise
(Perrot et al, 2005), laissant de côté l’influence des personnels subalternes sur l’organisation dans
le processus de socialisation. Or comme le souligne Weick (1979), la compréhension des
phénomènes organisationnels passe par un examen attentif des composants de base de ces
processus, c'est-à-dire des séquences d’interaction qui se développent entre deux personnes.
L’auteur élabore un « schéma de réponse conditionné » qui lui permet d’analyser les séquences
d’interactions, à savoir l’action de l’Un provoque une réponse de l’Autre, ces deux éléments
constituent une interaction (interaction). La réponse que fait l’Un à la réaction de l’Autre
complète la séquence (double interaction).
Tableau 19.Schéma de réponse conditionné (Weick, 1979)
Action Interaction Interaction double Action de l’Un Réponse de l’Autre Ajustement de l’Un qui isole un phénomène et le porte à l’attention de l’Autre qui propose une interprétation
qui accepte, rejette ou modifie cette mise en exergue qui accepte, rejette ou modifie l’interprétation
qui abandonne, révise ou maintien son choix qui abandonne, révise ou maintient son interprétation
En effet, l’hypothèse d’un « double processus de socialisation, de l’individu entrant mais
aussi des personnes déjà en place dans l’organisation », n’est formulée que de façon sélective
dans la littérature. Elle semble quasi inexistante dans les travaux, plus nombreux, portant sur la
socialisation des employés ordinaires43. Ainsi, pour de nombreux auteurs, l’approche
interactionniste comporte des limites dans sa mise en œuvre (Perrot et al, 2005), dans la mesure
où elle n’est pas appréhendée comme un processus interactif et d’influence mutuelle. Selon ces
auteurs, ces limites peuvent être portées à trois niveaux. Le premier, également évoqué par
Ashforth et Saks (1996) concerne le fait que l’organisation et l’individu ne sont analysés dans un
même schéma de compréhension de la socialisation. Les recherches portant uniquement sur
43 Par opposition aux emplois à statut ou d’encadrement.
191
l’organisation ou l’individu « limitent, de ce fait, la portée du caractère interactionniste que l’on
souhaite attribuer au processus de socialisation ». Le deuxième niveau se réfère au rôle très
réducteur de « collecteur d’informations » qui est attribué à la nouvelle recrue dans le processus
de socialisation. La nouvelle recrue est souvent présentée, comme un individu qui cherche
activement l’information sur son travail et sur l’entreprise qui l’accueille, dans le seul but de
comprendre son fonctionnement et de mieux assurer son rôle. Alors qu’il serait plus intéressant
de le considérer comme l’un des Co-constructeurs de la réalité organisationnelle.
2. La socialisation organisationnelle : un processus de construction de sens
Pour avoir une meilleure compréhension de l’entrée des vendeurs indépendants dans
l’organisation, nous avons choisi d’appréhender la socialisation organisationnelle comme un
processus de construction de sens. Cette approche s’impose comme un cadre conceptuel
pertinent qui permet de mettre en évidence, non seulement les processus cognitifs à l’œuvre au
cours de cette période, mais aussi l’échange managérial qui s’installe entre le manager des ventes
et les nouveaux vendeurs.
1.1. Le modèle cognitif de louis (1980)
L’idée de la construction de sens permet de mettre en évidence les outils grâce auxquels
l’interaction entre deux individus constitue le tissu organisationnel pouvant potentiellement
modifier les comportements. Les travaux de référence en la matière sont certainement ceux de
Louis (1980), qui « considère les périodes de transition de rôle, terrain de prédilection des
recherches sur la socialisation, comme des contextes très favorables au déclanchement du
processus de construction de sens »44
. En effet, l’auteur indique dans son modèle dédié à l’entrée
des nouvelles recrues dans l’organisation, l’importance des échanges entre les acteurs (Cf. pp. ).
Elle conditionne la réussite de cette entrée par la présence des membres déjà en place dans
l’organisation, dont le superviseur et les collègues. Cependant, si Louis (1980) reconnait le rôle
majeur des interactions dans l’adaptation des nouvelles recrues, elle ne traite pas de façon
explicite du processus cognitif et relationnel qui conduirait l’entreprise à travers ses membres
(agents de socialisation) à s’adapter réciproquement à la nouvelle situation. Cette démarche
parait, de notre point de vue, incomplète dans la mesure où elle décrit l’entrée dans
l’organisation à partir du seul point de vue des nouvelles recrues.
Partant de ce constat, nous souhaitons apporter un complément au modèle d’entrée dans
l’organisation des nouvelles recrues développé par cet auteur, en prenant en compte la réaction 44 Garreau et Perrot (2012)
192
de l’organisation et de ses membres dans un processus global de construction de sens. Nous
suggérons que tout comme les nouvelles recrues, l’organisation à travers ses membres peut être
soumise à des évènements inattendus qui vont la conduire nécessairement à réinterpréter son
environnement de travail. En effet, les résultats de notre étude préliminaire ont montré que les
managers commerciaux avaient conscience du fait que les outils à leur disposition n’étaient pas
toujours appropriés à la gestion des vendeurs indépendants. Car, en externalisant leur force de
vente, ils n’avaient pas anticipé les changements organisationnels et managériaux que cela
impliquait. Ainsi, parallèlement à la nouvelle recrue, l’organisation est confrontée à de
nombreuses ambiguïtés. Elle cherche également la meilleure solution qui lui permettra de gérer
efficacement l’intégration de ses nouveaux membres.
Dans la littérature, les recherches traitant du processus de socialisation organisationnelle dans
une approche de construction de sens impliquant, aussi bien l’individu que l’organisation, sont
rares. L’une des explications réside dans le statut accordé aux relations interpersonnelles dans le
processus de socialisation (Lapointe, 2013). Selon cet auteur, les relations interpersonnelles
jouent un rôle purement instrumental, dans la mesure où elles permettent seulement à la nouvelle
recrue de collecter l’information ; alors qu’elles gagneraient à valoriser le rôle de l’individu, en
le considérant davantage comme un acteur dans la construction de la réalité sociale. L’autre
explication se situe dans la conceptualisation même de l’entrée dans l’organisation, en termes
d’incertitude (Perrot et al, 2005). Selon ces auteurs, l’incertitude apparait très réducteur, au
regard de la nature très différente des évènements qui se produisent au moment où la nouvelle
recrue intègre l’organisation. Ils préfèrent au concept d’incertitude, celui d’équivocité développé
par Weick (1979), l’équivocité étant définie par l’auteur (Weick, 1995) par le fait de favoriser un
trop grand nombre d’interprétations à partir d’une même situation ». Weick (1979) illustrait
déjà cette approche de gestion, à travers ses conseils aux managers, à qui il recommande de
fonder leur décision sur un éventail de proposition (Bartunek, Gordon et Weathersby, 1983)45. Il
suggère, à travers ce conseil, aux managers d’être en capacité d’observer et d’appréhender les
évènements qui surviennent dans l’entreprise et son environnement, sous plusieurs points de
vue. L’équivocité étant considérée comme le déclencheur du processus de construction de sens.
1.2. Le modèle interprétatif de Weick (1995)
En effet, Weick (1979) montre le rôle considérable de la construction de sens dans le
déclenchement, l’évolution et le dénouement des situations de crise au sein des organisation ».
Selon l’auteur, la construction de sens est un processus par lequel un individu élabore des
45 Traduction de « Developing complicated understanding in administrators »)
193
réponses aux questions qui se posent à lui dans une situation d’incertitude, à savoir : « Que se
passe t-il ? », « Que faut-il faire maintenant ? »46. Ces questions traduisent un effet de surprise
auquel l’individu, par ses capacités cognitives, peut apporter des solutions. La théorie indique
que dans de pareilles situations, l’individu commence d’abord par sélectionner des indices qui
ont un intérêt pour lui. Puis, il se réfère à ses connaissances passées ou « réservoir de cadres »
(Croyances, idéologies, traditions ou histoires similaires), et c’est en les confrontant aux indices
recueillis dans son environnement, qu’il construit le sens qu’il donne à la situation. Ainsi, le
contexte et le cadre interagissent l’un sur l’autre. Selon Laroche et Stayer (2012), « le contexte
peut mettre en évidence certains indices qui nécessitent la mobilisation, par l’individu, d’un
cadre spécifique pour donner sens à la situation. A l’inverse, le contexte peut suggérer un cadre
de lecture particulier qui conduit l’individu à repérer certains indices plus que d’autres, à lire en
priorité des informations qui le confirment ».
Weick (2001, 1995) développe un « modèle interprétatif de construction de sens qui permet
de comprendre comment les organisations et les personnes qui y travaillent font sens de ce qui
se produit autour d’elles, et construisent leur réalité (« énactent » leur environnement) à travers
les interprétations qu’ils lui donnent » (Maurel, 2013).
Figure 14. Modèle dynamique d'organisation d'après Weick (1979)
Transformation de la réalité
Engagement dans le réel
Attribution de sens au réel devenu
équivoque
Rétention sous forme de schèmes du réel devenu significatif
Selon l’auteur, cette construction de la réalité constitue le fondement sur lequel reposent les
actions et les décisions prises par les acteurs. Le modèle comporte cinq étapes non-linéaires :
(1) Le changement écologique, ou discontinuité est lié à l’équivoque issue de l’environnement de
l’organisation. Chaque changement perçu est sujet à interprétation par les acteurs
organisationnels, ce qui a un impact sur l’action à privilégier.
(2) La mise en acte ou « énaction » implique la construction d’une réalité par les acteurs
organisationnels. Dans cette perspective, la réalité et l’environnement ne pas acquis une fois pour
toute, mais sont sujets à de constantes redéfinitions.
(3) L a sélection consiste pour les acteurs à choisir parmi les signaux et indices provenant de
l’environnement et parmi les interprétations qui émergent. La sélection représente une source de 46 Le feu de Mann Gulch, en 1949
194
justification des actions à privilégier, et l’interprétation retenue à un impact sur la perception de
la réalité.
(4) La rétention mémorielles permet aux acteurs de retenir les solutions efficaces qui résultent de
la création de sens. Ces solutions contribuent à enrichir les cartes cognitives et à élargir le
répertoire de connaissances.
(5) Le souvenir permet de réactiver ce qui a été stocké dans les mémoires et les cartes cognitives.
L’apprentissage se produit quand les remarquent des facteurs négligés au préalable, et négligent
des facteurs des facteurs remarqués précédemment.
Dans leur essai de théorie, Garreau et Perrot (2012) soulignent la pertinence d’utiliser
l’approche interactionniste de la socialisation avec le concept de construction de sens. Pour ces
auteurs, appréhender la socialisation organisationnelle comme un processus de construction de
sens revient à considérer les deux facteurs qui la sous-tendent, l’apprentissage et l’intériorisation,
davantage comme des processus plutôt que comme des états caractérisant un certain niveau de
socialisation. Selon les auteurs, cette perspective « permet de combler le chainon manquant à
l’édifice des recherches sur la socialisation ». Elle apporte des réponses à la question de savoir
comment un individu passe d’une phase à une autre dans les modèles par étape. L’approche par
la construction de sens explique le processus par lequel « un individu apprend et intériorise les
éléments clés de la socialisation ». Ainsi, pour montrer comment l’activité de construction de
sens permet cet apprentissage et l’intériorisation, les auteurs s’appuient sur le modèle Activation,
Sélection et Rétention de Weick (1995) qui appréhende le processus de construction de sens
comme la « confrontation de l’individu avec son environnement dans le cadre de situations ».
En considérant l’apprentissage comme un processus de construction de sens, nous tentons
d’expliquer comment les individus parviennent à la connaissance et à la compréhension de leur
environnement de travail. Selon Garreau et Perrot (2012), « le processus commence par l’action,
puis la sélection des éléments de l’environnement, et enfin la construction d’une représentation
de ce qui s’est passé ». Les individus comprennent donc de façon rétrospective, et donnent un
sens au déroulé de l’action une fois la confrontation terminée. Autrement dit, c’est au contact des
individus en place dans l’organisation, et à travers les différentes situations auxquelles ils sont
confrontés au cours du processus d’intégration (« entretien de recrutement, réunion d’accueil
avec les membres de la future équipe, première réunion de travail, visites des locaux, etc. ») que
les nouvelles recrues apprennent. Cet apprentissage peut porter sur « la connaissance et la
compréhension des valeurs, des mécanismes, des relations de pouvoir, liés aux trois domaines de
socialisation ».
195
Dans le même ordre d’idées, considérer l’intériorisation comme un processus de construction
de sens, c’est montrer comment des « éléments externes deviennent, à des degrés divers,
acceptés, constituantes de l’identité ou intégré par l’individu ». Ainsi, en se confrontant à son
environnement « l’individu comprend et interprète mieux son environnement, ce qui lui permet
de se positionner par rapport aux éléments avec lesquels il interagit ». Par ailleurs, à la
différence de l’apprentissage, l’intériorisation oblige à une négociation de sens au moment de la
confrontation. Cette négociation peut être interindividuelle ou individuelle. Elle est
interindividuelle lorsque « les individus échangent leurs interprétations dans les différentes
situations ». Elle est qualifiée d’individuelle lorsque l’individu « se questionne sur les éléments
qui l’entourent, ses pratiques, ses activités, etc. ». Comme le soulignent Garreau et Perrot(2012),
la négociation est donc au centre du processus d’intériorisation. Car, c’est-elle qui « rend les
connaissances, les valeurs et les normes acceptables et souhaitables ».
En conclusion, l’approche par la construction de sens met en évidence la dynamique de la
socialisation organisationnelle. Elle considère l’apprentissage et l’intériorisation comme des
processus de construction de sens. Ainsi, au gré des confrontations successives avec
l’environnement, l’individu apprend à connaitre et à comprendre subtilement les éléments des
trois domaines et les intégrer dans son système de valeurs. Mais, il peut aussi les rejeter et
paraître complètement désocialisé. Au regard de ce qui précède, nous pouvons donc dire que
l’issue de cette confrontation avec l’environnement n’est pas connue d’avance. Par ailleurs, il
faut souligner que les éléments porteurs de sens évoluent tout le long du processus de
socialisation. Ainsi le rôle de l’individu est susceptible d’évoluer dans le temps.
3. L’apport des théories de l’échange social pour appréhender la relation manager /
vendeurs indépendants en phase d’intégration
Afin d’expliquer les modalités de l’échange managérial lorsque les vendeurs indépendants
entre dans l’entreprise, nous avons fait appel à deux théories fondées sur l’échange social : la
théorie de la régulation sociale de Reynaud (1988, 1989, 2003) et la théorie du contrat
psychologique de Rousseau (1989). La première examine l’échange managérial d’un point de
vue sociologique, à travers les règles que produisent les acteurs dans leurs interactions (3.1). La
seconde est examinée d’un point de vue psychologique, car elle repose sur les croyances et
valeurs d’un employé sur les obligations réciproques entre lui et une autre partie, son
employeur » (3.2).
196
3.1. La théorie de la régulation sociale développée par Reynaud (1988)
Selon Reynaud (2003), « l’échange social est un échange de règles, ou plus exactement,
l’établissement des règles par l’échange ». En d’autres termes, la relation entre un manager et ses
vendeurs indépendants se construit par les acteurs à partir des règles que ceux-ci vont élaborés
dans leurs interactions. Afin de préciser les modalités de cette construction, nous présentons les
fondements de la théorie de la régulation sociale (3.1.1), avant d’examiner les apports de celle-ci
en management des forces de vente (3.1.2.
3.1.1. Les fondements théoriques
Le concept de régulation sociale est une notion polysémique47. D’après Terssac (2003), il est
au cœur de la vie sociale et son utilisation « semble être pertinente pour rendre compte d’une
variété d’échanges sociaux, de relations entre des éléments hétérogènes, d’ajustements entre des
actions multiples, que ce soit dans l’entreprise, dans le marché ou sur la scène publique ».
La théorie de la régulation sociale développée par Reynaud (1988, 1997) est une théorie
sociologique conçue pour expliquer l’action collective, c'est-à-dire l’élaboration par les acteurs
d’un projet commun, sa pérennisation, et son évolution dans le temps. Cette théorie repose
essentiellement sur l’idée que la création, le maintien et la destruction des règles s’appuient sur
une activité de régulation qui est mise en œuvre de façon permanente par les acteurs. Selon
l’auteur, la régulation « c’est la manière dont se créent, se transforment ou se suppriment les
règles ». Les règles régissent le fonctionnement de la société et organisent les rapports sociaux.
Elles sont produites par les acteurs dans le cadre d’une action collective, à travers les interactions
qu’ils développent ; ces règles sont renouvelées dans le temps et selon les contextes. Les règles
présentent donc un caractère instable qui est lié à l’instabilité des acteurs sociaux. Elles sont
soumises aux jeux de pouvoir des acteurs, et constituent de ce fait une stratégie que ceux-ci
développent pour défendre leurs intérêts.
Dans ses travaux, Reynaud (1988) s’est particulièrement intéressé à la régulation dans les
organisations. En partant du principe qu’il existe « plusieurs types de règles et plusieurs sources
de régulation dans l’entreprise », l’auteur se propose à travers sa théorie d’apporter une meilleure
compréhension des règles qui régissent le fonctionnement d’une organisation, en confrontant
« les règles qui viennent de la direction, et qui descendent du sommet vers la base avec celles qui
sont produites dans l’entreprise par les groupes d’exécutants eux-mêmes ». La théorie de la
régulation sociale est fondée sur la distinction de deux grandes catégories de règles distinctes,
47 Iconzi (2005), cité par Vernazobrès (
197
mais complémentaire dans la vie des organisations : (1) les règles formelles qui émanent du droit
(loi, contrat, etc.) et du fonctionnement des organisations (règlement intérieur, règles de gestion,
etc.) ; et (2) les règles informelles qui émanent des acteurs. A cette terminologie, l’auteur préfère
le concept de régulation, et distingue deux types de régulation. La régulation contrôle désigne les
règles qui viennent de la hiérarchie ou de l’extérieur, et qui ont pour objectif de s’imposer aux
individus et d’orienter leurs comportements. La régulation autonome représente les règles que
les acteurs définissent pour affirmer leur autonomie vis-à-vis de l’extérieur. Il faut noter que le
terme extérieur est utilisé par rapport à un groupe de référence qui défend ses intérêts, et veut
s’affirmer comme une force de proposition dans l’entreprise. C’est le cas des groupes de travail,
ou de la force de vente en ce qui nous concerne. La théorie de la régulation sociale stipule que
ces deux types de régulation peuvent s’opposer, et devenir concurrentes ; elle explique cette
opposition, non pas par la différence de leur objet (technique et économique vs social), mais par
la volonté de la hiérarchie de « peser sur la régulation des salariés, et de chercher à contrôler les
zones de liberté qu’ils s’octroient », alors que les salariés cherchent parallèlement à conserver
leur autonomie (Reynaud, 1988). Les deux types de régulation peuvent également se compléter
et former une régulation conjointe, dès lors que les deux parties (hiérarchie et salariés)
aboutissent par la négociation à un accord accepté par tous. Cette régulation conjointe devient à
son tour une régulation de contrôle qui s’impose à tous les acteurs (Reynaud, 1999 ; Dietrich et
Pigeyre, 2011, p.82).
Mais au-delà de cette activité de création de règles, Reynaud (1999) avait surtout l’ambition
d’élaborer une théorie générale de l’échange social fondée, au départ, sur les relations
professionnelles (de Terssac, 2003 ; 2013). Selon l’auteur, « le système de relations
professionnelles (comme le système social) se crée à partir de l’opposition de ses acteurs et la
divergence de leurs intérêts : au travers de leurs interactions, les acteurs construisent des règles
communes qui vont ordonner leurs échanges et constituer la matière première ». Trois concepts
fondamentaux permettent d’avoir une meilleure compréhension de cette théorie : « le conflit, la
règle et la négociation ». Le conflit exprime une forme de mécontentement qui n’a pu être réglée
autrement que par cette forme d’opposition. Il est considéré comme « un mode de
fonctionnement normal », dans la mesure où dans sa relation de travail, « chaque acteur est
porteur d’une rationalité qu’il tente de faire admettre aux autres pour infléchir leur
comportement ». Autrement dit, l’existence des conflits est souhaitable dans la mesure où elle
donne aux acteurs la possibilité de construire des règles communes qui vont régir leur
fonctionnement. Ainsi, « le conflit oblige à rechercher et à formuler une définition commune et
198
mutuellement acceptable de son jeu »48. L’absence de conflit étant considérée comme une
« anomalie ».
La notion de règle est au centre de la théorie de la régulation sociale. Elle est, selon
l’expression formulée par de Terssac (2003), le produit des interactions des acteurs. Cependant,
comme le souligne Dressen (2003), on peut s’interroger sur ce qu’est une règle, et surtout sur ce
qui la distingue de la norme, de la coutume ou de la convention. Dans sa préface à la deuxième
édition des « règles du jeu », Raynaud (1997) précise sa définition. Selon l’auteur, « la règle est
un principe organisateur. Elle peut prendre la forme d’une injonction ou d’une interdiction
visant à déterminer strictement un comportement. Mais elle est plus souvent un guide d’action,
un étalon qui permet de porter un jugement, un modèle qui oriente l’action. Elle introduit dans
l’univers symbolique des significations, des partitions, des liaisons. Les règles ont des auteurs et
elles ont des destinataires. Elles sont liées à un projet d’action commune ». Autrement dit, les
règles sont produites par les acteurs dans le cadre d’une communauté de personnes. Elles
permettent d’identifier cette communauté, et d’en assurer son fonctionnement. Les règles
s’imposent donc à ses membres, dès lors qu’elles sont acceptées par tous, de sorte que les
personnes qui tentent de s’en affranchir sont immédiatement réprimandées par la communauté.
Par ailleurs, il existe une diversité de règles qui peuvent être distinguées en fonction de leur objet
et du sens qu’elles portent. Ainsi, De Terssac (2003) distingue « les règles d’efficacité qui
prescrivent les opérations à réaliser pour atteindre un but, les règles de coopération et
d’autorité fixées par un accord de volonté issu de la rencontre des attentes mutuelles, et les
règles qui portent sur la hiérarchie et la division du travail ».
La négociation est également une notion centrale de la théorie de la régulation sociale. Elle est
définie par Reynaud (1999) « comme tout échange où les partenaires cherchent à modifier les
termes de l’échange, toute relation où les acteurs remettent en cause les règles et leur
relations ». Il conceptualise la notion de négociation à partir de trois propositions fondamentales:
la première consiste à distinguer la négociation du simple marchandage. Pour l’auteur, la
négociation ne se résume pas à l’obtention par « calcul et par stratégie, pour un domaine donné,
des solutions avantageuses ». Il souligne également que l’accord n’est pas le principal résultat de
la négociation, ni même la résolution d’un conflit. La deuxième proposition définie le rôle et les
résultats attendus de la négociation, à savoir produire les règles et permettre leur échange entre
les acteurs. Autrement dit, la négociation assure simultanément deux fonctions complémentaires.
La première consiste à fabriquer les règles communes qui vont régir le fonctionnement des
acteurs ; la seconde permet que les règles soient mutuellement acceptées par les acteurs. C’est ce 48 Reynaud (1999)
199
processus de production qui constitue le fondement de l’échange social. Par ailleurs, l’auteur
considère la règle aussi bien dans son contenu (les règles qui s’échangent), que par leurs formes
(les règles de l’échange). La troisième proposition repose sur la relation que la négociation
établie entre les acteurs. Elle permet à ces derniers de « trouver des solutions avantageuses », et
par conséquent de « gérer leur opposition ». Selon de Terssac (2003), «la négociation désigne les
efforts et les concessions que les protagonistes font pour élaborer ensemble des règles
communes ». Ainsi, l’accord auquel parviennent les protagonistes reflète davantage leur
« capacité à maitriser leurs rapports, à renforcer l’intégration sociale et en ce sens elle constitue
une opération de contrôle social ».
3.1.2. La contribution de la théorie de régulation sociale au management
La contribution de la théorie de la régulation sociale dans la compréhension des situations de
management est indéniable. La mise en œuvre de son pouvoir explicatif dans divers domaines
des sciences de gestion est désormais reconnu (Kromher et al, 2010). En management stratégique
par exemple, Brechet (2008) évoque un renouvellement de la réflexion sur l’analyse stratégique
des organisations; il appelle à plus d’originalité dans la façon de concevoir la stratégie d’une
entreprise. Selon l’auteur, la pratique qui consistait à élaborer la stratégie sur la base de modèles
prédéfinis doit être substituée par des pratiques qui tiennent compte des « contextes légal,
politique et social dans lesquelles ces stratégies s’expriment ». Dans le management des
ressources humaines, Havard et Kromher (2008) montrent l’intérêt d’utiliser la règle, et par
conséquent le processus de régulation comme cadre analytique des recherches sur la démarche
de compétence. Les auteurs préfèrent la notion de règle à celle d’outil, car elle représente «un
objet social et collectif qui met davantage en évidence le rôle des acteurs » ; alors que l’outil
n’est qu’un dispositif technique. Dans le même ordre d’idée, Dietrich et Pigeyre (2011)
appréhendent les règles comme un instrument majeur de la régulation du travail dans
l’entreprise. Pour ces auteurs, les règles sont indispensables au fonctionnement de l’action
collective et contribuent à organiser le travail, à coordonner et à contrôler les travailleurs.
Enfin, la théorie de la régulation sociale appréhende les pratiques de management comme les
résultats d’une régulation. Elle permet de comprendre comment, au moyen des interactions, les
individus créent, renouvellent les règles qui leur permettent de fonctionner. Dans cette
perspective, nous appréhendons la socialisation comme un mécanisme de régulation sociale, qui
assure le renouvellement des règles de gestion. Cette approche théorique est particulièrement
adaptée au management des vendeurs indépendants, et de façon précise à la gestion des agents
commerciaux. La gestion de ces vendeurs étant encadrée par des lois qui ne sont pas toujours
200
compatibles avec la réalité du fonctionnement des forces de vente, il est nécessaire que les
managers des ventes s’entendent avec leurs vendeurs (négociation) afin de pérenniser leur
relation.
Dans la force de vente, le manager des ventes établit une relation avec des vendeurs de statuts
divers, en fonction de la politique commerciale de l’entreprise. La relation avec des vendeurs
indépendants s’inscrit dans le cadre d’un contrat commercial. En effet, le vendeur indépendant
est considéré comme un prestataire de vente dont l’activité est réglementée par le droit
commercial et les différents contrats qui correspondent. A l’image du droit du travail « conçu
pour protéger le travailleur salarié de l’arbitrage patronal » (Dietrich et Pigeyre, 2011), le droit
commercial protège l’agent commercial des abus du mandant. Le responsable commercial qui
représente l’entreprise, est le garant du respect des règles de droit qui régissent le travail du
vendeur. A ces règles fondamentales sont associées les règles propres à la gestion d’une force de
vente ; ces règles forment ce que Reynaud (1988) appelle la régulation de contrôle. Il y a aussi
les règles produites par la force de vente à travers les interactions de ses membres, et qui
représentent la régulation autonome. Les informations recueillies dans notre étude préliminaire
indiquent que certaines entreprises mettent en place des dispositifs d’accompagnement pour
permettre aux nouveaux vendeurs de lancer leurs activités. S’agit-il d’une forme de régulation
conjointe ? Ou tout simplement une opération ponctuelle destinée à motiver les vendeurs. Après
une description des règles qui caractérisent le management des forces de vente, nous analyserons
le rôle de la socialisation organisationnelle dans le processus de régulation.
§ Les règles de droit
Le vendeur indépendant est un être social qui exerce son activité dans une équipe régie par
des lois, des règles liées au fonctionnement de la vie du groupe, mais également des règles liées à
la structuration de l’équipe. L’activité de l’agent commercial est définie par la loi qui donne un
contenu à l’exercice du métier de vendeur. Cette loi est complétée et précisée par le contrat et
les conventions collectives en fonction de l’acte posé et de la branche d’activité. Au regard du
droit commercial, l’acte uniforme OHADA portant sur le droit commercial général stipule dans
son article 216 que « l’agent commercial est un mandataire professionnel chargé de façon
permanente de négocier et, éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de
location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels,
de commerçants ou d’autres agents commerciaux, sans être lié envers eux par un contrat de
travail ». Cet article, tout comme l’article L134-1 du code de commerce Français, dont il
s’inspire donne une définition de l’agent commercial, ainsi qu’un aperçu de son activité. Nous
201
nous proposons d’analyser les points saillants de cette définition afin de donner une meilleure
compréhension des règles qui régissent le travail de l’agent commercial.
Llati (1995) dans sa thèse49 indique que la situation juridique de l’agent commercial présente
deux aspects : une activité commerciale largement autonome confirmée par la loi, coexistant
avec la consécration d’une protection codifiée au fil des années. L’autonomie et la protection de
l’agent commercial sont les deux points autour desquels nous analysons ce statut. L’autonomie
du vendeur est consacrée à travers une disposition qui stipule que l’agent commercial exerce sa
profession de manière indépendante, sans être lié par un contrat de travail. Cette liberté peut être
déclinée en liberté d’organisation, liberté d’activité et liberté d’actions (Maquet et Perreault,
1992).
§ Les règles de gestion de la force de vente
La nature du travail effectué par le vendeur et sa localisation à l’extérieur de l’entreprise,
exige que certaines règles de gestion soient mises en place pour assurer le bon fonctionnement de
l’organisation. Ainsi, il est de tradition que les responsables commerciaux suivent de très près, le
déroulement des activités des vendeurs afin d’évaluer les efforts fournis par ces derniers dans
l’atteinte des objectifs fixés par l’entreprise. Dans la pratique, le suivi des vendeurs est
matérialisé par deux actions : l’établissement d’un compte rendu de visites hebdomadaire et les
réunions de travail. Le compte rendu de visite est un document qui renseigne le manager sur le
travail du vendeur, l’état d’esprit de la clientèle et de la concurrence. Il présente de façon brève
les visites effectuées par le vendeur en indiquant les résultats obtenus, les actions entreprises, et
les faits marquants de son activité. Les réunions permettent d’organiser le travail de l’équipe de
vente, par le « briefing et le débriefing » sur les actions menées et les résultats obtenus. Le
« briefing » se réfère souvent aux directives qui sont données par le manager, en termes
d’objectifs et d’actions à mener sur le terrain ; alors que le « débriefing » permet de « faire le
point » sur les résultats obtenus, et le cas échéant d’apporter des corrections sur les insuffisances
des vendeurs.
Ainsi, alors que les règles de droit apportent au vendeur toute la protection nécessaire afin que
ce dernier réalise son travail en toute indépendance, les règles de gestion plus axées sur la
recherche de l’efficacité, apparaissent beaucoup plus contraignantes. La socialisation
organisationnelle apparait donc comme un recours indispensable, qui permettrait aux managers
de surpasser les problèmes juridiques posés par la gestion des vendeurs indépendants,
notamment la perte du contrôle direct des vendeurs et les difficultés de coordination qui en
49 La force de vente de l’entreprise : aspects juridiques
202
découlent. L’intérêt d’une telle approche est double. Premièrement, elle s’appuie sur des
pratiques de GRH, ce qui constitue une activité de gestion ordinaire qui peut s’appliquer à
l’identique, quel que soit le statut juridique du collaborateur à enrôler (salarié ou indépendant),
ou la nature de l’entité à engager (individu ou entreprise). Deuxièmement, il est indispensable
que les entreprises qui utilisent des forces de vente externes aient, pour des raisons de cohérence,
la possibilité de suivre leurs vendeurs sur le terrain afin de maintenir le contact avec leur
clientèle. Pour cela, les pratiques de GRH d’entrée dans l’organisation sont réputées pour leur
capacité à modifier en profondeur et pour le long terme, les comportements des individus dans le
sens souhaité par l’entreprise (Hughes, 1958). Depuis quelques années, ces pratiques de GRH
ont la faveur des chercheurs dans le choix des partenaires et la gestion des relations
interentreprises (Wathne et Heide, 2010 ; Ouchi, 1980). Ainsi, en dehors du rôle qui leur est
réservé dans le choix et l’enrôlement des nouveaux, ces pratiques deviennent aussi des outils de
gestion qui peuvent suppléer ou compléter les outils traditionnels.
3.2. La théorie du contrat psychologique
La théorie du contrat psychologique apporte une meilleure compréhension de la relation
managériale entre le manager des ventes et ses vendeurs indépendants, à travers leur relation
d’emploi. A l’origine conçue pour expliquer les mécanismes qui régissent une relation d’emploi
type (relation d’emploi salariée), la théorie du contrat psychologique a vu son champ
d’application s’étendre aux emplois dits « atypiques ». Cette extension marquée par une
évolution des obligations de l’employé et l’employeur, à modifié aussi la relation entre le
manager et son vendeur. Selon Tessier et Deffayet (2005), elle permet d’expliquer l’évolution
des représentations de l’échange managérial au sein de la dyade managériale. Ainsi, nous
considérons le contrat psychologique comme un mécanisme de régulation de la relation
d’emploi.
3.2.1. Les fondements théoriques du contrat psychologique
3.2.1.1. Définition et conceptualisation du contrat psychologique
Le terme de contrat psychologique est utilisé pour la première fois par Argyris (1960) afin de
décrire les relations entre les ouvriers et leur contremaitre. Selon cet auteur, « les ouvriers
paraissent plus productifs tant que les contremaitres répondent à un certain nombre de leurs
attentes non inscrites dans le contrat formel, telles que la tranquillité, la régularité du salaire ou
encore la sécurité de l’emploi ». Argyris veut montrer qu’en dehors des éléments écrits et
formalisés d’une relation d’emploi, il se développe une relation dite psychologique entre les
203
« ouvriers et leur contremaitre » qui peut être qualifiée de contrat psychologique. Ainsi, il
existerait entre les employés et leur employeur une entente tacite qui se manifeste sous la forme
d’un échange portant sur une meilleure productivité, assortie de faibles revendications contre la
garantie d’un salaire et une sécurité d’emploi. Cette conceptualisation met en évidence la qualité
des interactions entre les membres qui composent l’entreprise et les liens de réciprocité. Dans le
sillon d’Argyris, Levinson et al. (1962) et Schein (1965) vont développer une version plus
élaborée qui appréhende le contrat psychologique comme un « ensemble d’attentes réciproques,
non écrites entre le salarié et l’organisation ». Ainsi, la relation d’emploi repose sur deux types
de contrats, un contrat formel et écrit qui spécifie l’ensemble des obligations, généralement
codifiées dans des termes juridiques, et un contrat psychologique qui renferme les attentes
implicites et réciproques exprimés par les deux parties.
Par la suite, Rousseau (1995, 2001) propose une nouvelle conception du contrat
psychologique. Elle le définit comme « la croyance d’un individu relative aux termes et aux
conditions d’un accord d’échange réciproque entre cette personne cible et une autre partie »
(1989), Lequel « nait lorsqu’une partie croit qu’une promesse en un retour futur a été faite par
l’autre partie, et donc si elle lui apporte une contribution, elle l’oblige en retour pour un
bénéfice futur » (1990). Cette conception diffère de la première sur deux points. Premièrement,
l’auteur appréhende le concept au niveau individuel, en s’appuyant sur les perceptions de
l’employé. Autrement dit, le contrat psychologique émane des représentations subjectives de
l’individu, l’entreprise ayant pour rôle de fournir le contexte qui permet de créer le contrat
psychologique. Deuxièmement, le contrat psychologique porte sur les promesses et non plus sur
les attentes, il s’agit d’obligations qui découlent des promesses perçues et ayant un caractère
contraignant. Ces promesses peuvent être inscrites dans des documents écrits, des pratiques
organisationnelles, ou découler des discussions ou d’engagements pris par les acteurs au moment
du recrutement (Rousseau, 1989). De ce point de vue, le contrat psychologique apparait comme
un modèle mental de la relation d’emploi (Rousseau, 1995, 2001), c'est-à-dire un cadre cognitif
qui représente une connaissance organisée à propos d’un concept donné. Pris sous cette forme, le
contrat psychologique permet aux employés de définir leur relation d’emploi, tant au niveau du
contenu que des caractéristiques. Il constitue également un cadre référentiel qui permet aux
employés « d’interpréter et de se souvenir des obligations et des promesses qui définissent leur
relation d’emploi ».
Pour apporter une meilleure compréhension du contrat psychologique, Rousseau (2001)
appréhende aussi le contrat psychologique comme un schéma structuré en trois niveaux de
signification. Le premier niveau concerne les croyances, ou plus précisément les promesses et les
204
obligations qui composent la relation d’emploi, les obligations de l’employeur (la rémunération,
les opportunités de formation, le contenu du travail, etc.), les obligations de l’employé
(performance envisagée, loyauté, etc.). Le deuxième niveau concerne la signification attribuée
aux croyances, et décrivent les cinq dimensions qui caractérisent la relation d’emploi : (1)
l’orientation de la relation d’emploi (économique vs socio émotionnelle), (2) la durée (court
terme vs long terme) et la précision de l’horizon temporelle, (3) la stabilité (statique vs
dynamique), (4) l’étendue (limitée vs englobant), et (5) la tangibilité (observable publiquement
vs compris subjectivement).
3.2.1.2. Le contrat psychologique: une relation d’échange social régulée par
la norme de réciprocité
La théorie de l’échange social développée par Blau (1964) considère que la relation tissée
entre deux parties (ex. deux collègues ou un employé et son superviseur) peut être décrite sur un
continuum entre deux extrêmes : l’échange économique (comprenant des obligations respectives
claires centrées sur la satisfaction de ses propres intérêts et limité à un échange de ressources
quantifiables), et l’échange social (qui inclut des obligations non spécifiées laissées à la
discrétion des deux parties, tant quant à leur contenu qu’a leur fréquence d’apparition).
L’échange social, qui nous intéresse particulièrement est une conception de la relation d’échange
qui engendre des obligations non écrites entre les acteurs. Parmi ces obligations, nous avons le
principe de réciprocité sans lequel l’échange ne peut avoir un caractère social, l’obligation de
rendre qui est différée dans le temps, et l’engagement dans l’échange qui doit permettre
l’établissement de liens forts entre les partenaires. Le principe (ou norme) de réciprocité est tiré
des travaux anthropologiques de Mauss (1950) sur les sociétés primitives et archaïques
(Polynésie, Mélanésie, et du Nord-est Américain). L’auteur explique, à travers sa théorie du don,
que le système de prestation économique en vigueur dans ces sociétés indique qu’une prestation
offerte, en apparence gratuitement, est soumise in fine à « l’obligation de rendre la chose reçue ».
Cette obligation est au centre de la théorie de l’échange social et sa pertinence se situe dans le
fait que : « (1) les gens doivent aider ceux qui les ont aidés et, (2) les gens ne doivent pas faire de
tort à ceux qui les ont aidés » (Gouldner, 1960). La norme de réciprocité joue donc un rôle
central dans le développement de la relation d’échange, car elle oblige les parties à respecter
leurs obligations et renforce le sentiment qu’ils doivent s’acquitter de leur dette (Coyle-Chapiro
et Parzefall, 2005, p.29). Ensuite, le fait que l’obligation de rendre soit différée dans le temps
implique que les acteurs établissent entre eux une relation de confiance. Cette confiance se
construit dans un processus d’échange durable et réciproque (Blau, 1964) entre l’employé et son
entreprise. Finalement, la théorie de l’échange social permet de considérer que les
205
comportements des individus dans une relation sont guidés par leur engagement. L’engagement
de l’entreprise matérialisé par le soutien que les employés perçoivent de leur entreprise à travers
des actions précises, mais aussi l’engagement des employés entendu comme une implication de
ces derniers aux activités de l’entreprise. Aussi, il est admis que certaines pratiques des
ressources humaines, en répondant aux besoins des employés vont favoriser l’attachement de
ceux-ci à l’entreprise et par conséquent au développement de comportement conformes aux
objectifs de l’entreprise.
Considéré comme la construction mentale de la relation d’emploi, le contrat psychologique
repose sur le même schéma conceptuel que celui de l’échange social, à laquelle elle est
intimement liée. Coyle-Chapiro et Parzefall (2005) établissent une similitude dans la distinction
entre l’échange économique et l’échange social et les deux types de contrat psychologique
rencontrés dans la littérature : le contrat transactionnel et le contrat relationnel. Selon ces auteurs,
un contrat transactionnel est basé sur des critères de nature économique portant sur des éléments
tangibles et stables tout le long de la relation, alors qu’un contrat relationnel est réalisé dans les
relations d’emploi où les employés sont embauchés avec l’idée de faire carrière dans une seule
même entreprise jusqu'à la retraite. Comme le montre la typologie dressée par De Vos (2002),
ces contrats psychologiques peuvent être caractérisés par leur contenu, leur cadre temporel, leur
stabilité, leur portée, et leur caractère plus ou moins tangibles.
Tableau 20. Contrats transactionnels et relationnels selon DE VOS (2002)
Le contrat psychologique transactionnel Le contrat psychologique relationnel
Des échanges monétaires et économiques Des conditions spécifiques données comme le niveau de salaire Une implication personnelle dans l’emploi limitée Un cadre temporel donné Des engagements limités à des conditions bien précises Une flexibilité limitée L’utilisation de compétences existantes Des termes du contrat non ambigus
Une relation d’emploi à durée indéterminée Des investissements importants de la part des salariés et des employeurs Un degré élevé d’interdépendance et de fortes barrières à la sortie Des relations impliquant la personne dans son ensemble Dynamique et sujet au changement Un emploi pouvant empiéter sur la vie privée Des termes du contrat subjectifs et compris de manière implicite
Source : Campoy et al (2005)
L’ancrage du contrat psychologique dans la théorie de l’échange social est aussi matérialisé
par la réciprocité dans les échanges que l’employeur et l’employé réalisent dans leur relation
206
d’emploi. Ainsi, il est fait mention dans la littérature que les employés manifestent des attentes
vis-à-vis de l’entreprise, et espèrent que celle-ci récompense leurs efforts. De même que les
employés sont engagés à « rendre ce que l’entreprise leur donne, à travers leurs attitudes et
comportements ».
Nous pouvons conclure cette étape de conceptualisation en disant que le contrat
psychologique a fait l’objet de deux conceptions majeures, et la question qui revient est celle de
savoir s’il faut privilégier la perception par l’individu de la relation d’échange avec son
employeur, ou se concentrer sur l’interaction entre employeur et employé. Même si la conception
individuelle a obtenu la faveur des chercheurs, un consensus semble se dessiner sur la
perspective d’une intégration de l’employeur et de l’employé à partir de la norme de réciprocité
(Tekleab et Taylor, 2003 ; Coyle-Shapiro, 2002 ; Lewis et Taylor, 1998).
3.2.2. La formation du contrat psychologique
3.2.2.1. La formation du contrat psychologique au cours du processus de
socialisation
Les recherches sur la construction du contrat psychologique se sont particulièrement
intéressées à la façon dont le contrat se forme, se stabilise et change dans le temps. Etant donné
le caractère progressif du schéma cognitif qui sous-tend le développement d’un contrat
psychologique, l’entrée dans une nouvelle organisation est souvent présentée par de nombreux
chercheurs comme le point de départ de la formation du contrat psychologique (Rousseau, 2001 ;
Taylor et Tekleab, 2004). Selon Schein (1978) « l’instauration d’un contrat psychologique se
fait implicitement au cours du processus d’apprentissage, et marque l’acceptation mutuelle
entre la nouvelle recrue et l’organisation ». La littérature sur le contrat psychologique propose
deux approches de la formation du contrat psychologique : l’approche basée sur les différentes
étapes du processus de socialisation, et l’approche socio cognitive.
La première approche s’intéresse au développement temporel du contrat psychologique, et
s’inspire des travaux d’Anderson et Thomas (1996) et Nelson, Quick, et Joplin (1991). En
reprenant à leur compte le développement progressif du contrat psychologique à travers le
processus « continu d’accommodation entre les employés et les agents organisationnels », et en
s’appuyant sur le modèle cognitif d’intégration des individus dans l’entreprise de Louis (1980),
De Vos, Buyens, et Schalk (2003) envisagent la formation du contrat psychologique dans une
perspective de construction de sens. Les auteurs soulignent qu’au moment d’intégrer une
organisation, les nouvelles recrues sont, non seulement confrontés à l’incertitude relative à leur
rôle, mais ils font aussi face à un niveau élevé d’incertitude concernant leur relation d’emploi. Ils
207
éprouvent alors le besoin de donner un sens à leur nouvel environnement de travail afin de
réduire l’incertitude portant sur les termes de leur relation d’emploi. Dans ce contexte, la théorie
de construction de sens permet d’entrevoir les changements qui interviennent dans la perception
que les nouvelles recrues ont des promesses qui leur sont faites par l’organisation au cours des
phases d’intégration et d’adaptation du processus de socialisation. Deux mécanismes distincts
sont développés dans la littérature : l’adaptation unilatérale basée sur la perception de la réalité,
et l’adaptation réciproque basée sur la norme de réciprocité. L’adaptation unilatérale implique
que l’employé modifie sa perception des promesses faites par une des parties (lui-même ou son
employeur) sur la base de son interprétation des contributions apportées par cette dernière. Les
résultats des études empiriques montrent que les nouvelles recrues modifient leurs perceptions
des obligations liées à l’employeur sur la base de leurs perceptions des rétributions reçues
effectivement de ce dernier. L’adaptation réciproque implique que l’employé modifie sa
perception des promesses par une des parties (lui-même ou son employeur) sur la base de son
interprétation des contributions faites par l’autre partie. Les résultats de l’étude empirique
montrent également que les nouvelles recrues modifient leurs perceptions des obligations qu’ils
ont à l’égard de leur organisation sur la base des rétributions fournies par cette dernière.
Dans le même ordre d’idées, Dulac (2005) propose un processus de formation du contrat
psychologique qui prend en compte l’évolution temporelle du contrat: (1) « l’étape de
socialisation anticipatoire est celle de la formation d’un contrat psychologique anticipatoire.
Avant leur entrée dans l’organisation, les futures nouvelles recrues sont dotées d’un schéma
préalable de leur relation d’emploi. Ce schéma repose sur les expériences passées, et constitue le
socle des obligations perçues qui seront renforcées au moment des entretiens de recrutement. (2)
« la rencontre » est l’étape de la réévaluation du contrat « anticipatoire » par la nouvelle recrue,
confrontée à la réalité organisationnelle. Les interactions engagées avec les agents déjà en place
(collègues et superviseur) vont influencer les perceptions que les nouvelles recrues ont de leur
relation d’emploi, et modifier progressivement leur schéma contractuel en remplaçant le contrat
psychologique anticipatoire par un contrat plus stable. (3) « le changement et l’acquisition » est
l’étape dans laquelle la nouvelle recrue dispose d’une meilleure connaissance de sa relation
d’emploi et possède des certitudes qui l’aident à s’ajuster progressivement. Le contrat
psychologique est complètement formé lorsque les croyances individuelles sont jugées
conformes avec les expériences organisationnelles.
208
3.2.2.2. L’approche sociocognitive de la formation du contrat psychologique
Rousseau (1995 ; 2001) appréhende le contrat psychologique comme un processus socio
cognitif qui débute dès l’entrée dans une organisation. L’auteur s’intéresse aux facteurs
individuels et organisationnels qui interviennent dans la formation de ce contrat, et
particulièrement les deux grandes catégories de facteurs qui tiennent un rôle important dans la
formation du contrat psychologique : (1) les facteurs externes, et (2) les facteurs individuels. Les
facteurs externes comprennent les messages, les évènements et les signaux émis par
l’organisation et son environnement. Il s’agit de messages et d’évènements qui sont déployées
dans le cadre des activités impliquant le processus de gestion des ressources humaines (le
recrutement et la sélection, la formation, et la socialisation), ou lors des changements
organisationnels. Les facteurs individuels sont repartis en deux sous catégories. D’une part, les
prédispositions individuelles comprennent les biais cognitifs relatifs à l’interprétation des
promesses ; les buts, les motivations et les objectifs des nouvelles recrues et la personnalité des
individus. Ces prédispositions ont une influence sur le développement du contrat psychologique.
D’autre part, les comportements de recherche d’informations traduisent le rôle proactif des
nouvelles recrues. Selon Dulac (2005, p.85), « les nouvelles recrues ne se contentent plus de
percevoir et d’interpréter les signaux émanant de leur environnement, ils deviennent actif dans la
recherche et le traitement de l’information concernant leur nouveau contexte de travail, et
particulièrement l’information sur le contrat psychologique. Le processus d’acquisition de
l’information est le même que celui décrit par Morrison (1993a ; 1993b) et Ostroff et Kozlowski
(1992) dans le cadre de la socialisation organisationnelle. Il distingue deux principaux types de
comportement de recherche d’information : le contrôle (monitoring) et la demande (inquiry). Les
nouvelles recrues peuvent recueillir les informations concernant leur contrat psychologique (les
obligations réciproques relatives à la relation d’emploi) auprès de trois catégories d’agents dans
l’organisation : les responsables du recrutement et de la sélection, les collègues et le superviseur.
3.2.3. Les conséquences de la rupture du contrat psychologique
En tant que schéma mental de la relation d’emploi, le contrat psychologique peut avoir des
conséquences sur les attitudes et les comportements des personnes qui le détiennent. Ces
conséquences sont dans une majorité des cas négatifs, car ils résultent du constat (perceptions)
fait par un employé que les obligations de son organisation à son égard ne sont pas remplies.
Dans la littérature consacrée au contrat psychologique, deux concepts permettent de rendre
compte de ce phénomène : la brèche et la violation du contrat psychologique. La brèche du
contrat psychologique peut être définie comme le fait qu’un employé perçoive que l’organisation
209
a échoué dans l’accomplissement d’une ou plusieurs obligations ayant fait l’objet d’une
promesse préalable (Morrison et Robinson, 1997). Alors que le terme « violation » concerne
l’état émotionnel et affectif qui découle de l’interprétation de la brèche. Autrement dit la
perception d’une brèche au sein du contrat psychologique entraine inévitablement des réactions
émotionnelles (colère, anxiété, trahison) à l’origine de la violation du contrat psychologique.
Partant de ce principe, l’évaluation de la brèche est une opération importante car elle permet de
connaitre le degré d’accomplissement du contrat psychologique, et par conséquence les efforts à
réaliser pour que les perceptions de brèche soient moins nombreuses. Pour sa part, Mullenbach-
Servayre (2009) observe des corrélations entre la rupture du contrat psychologique et les
différentes variables explicatives exprimées en termes de loyauté, de confiance en son employeur
et d’intention de partir. Selon l’auteur, la réaction peut être observée lorsque certaines promesses
faites par l’employeur sont considérées comme ayant été bafouées: le climat de travail, la
carrière, la rétribution et l’intérêt du travail.
En définitive, nous pouvons dire avec Mullenbach-Servayre (2009) que le contrat
psychologique peut être considéré comme un outil de gestion précieux qui permet d’agir de
façon préventive dans des situations complexes et changeantes. Il permet de montrer
l’importance des promesses qui sont faites par les employeurs à leurs vendeurs indépendants
dans leur relation d’emploi, et les conséquences qui découlent du non-respect de ces promesses
en termes de comportements et d’attitudes. Dans cette recherche, nous mettons en évidence les
causes probables et envisageables du turnover des vendeurs indépendants.
3.3. Présentation du modèle de socialisation du vendeur indépendant
Dans une perspective dynamique, le schéma de synthèse que nous proposons ci-dessous (Cf.
figure 13), s’inspire du modèle général de la socialisation organisationnelle (Cf. figure 8). Il fait
ressortir les principaux éléments qui sous-tendent la construction de la relation managériale au
cours du processus de socialisation du vendeur indépendant. Les principales phases de ce schéma
sont présentées ci-après.
3.3.1. Adaptation du modèle général de la socialisation organisationnelle proposé
par Lacaze
Afin d’adapter le modèle général de la socialisation du salarié proposé par Lacaze au vendeur
indépendant, nous lui avons apporté trois modifications qui viennent de notre revue de la
littérature, et des études préliminaires sur le terrain. Ces modifications tiennent compte de
l’esprit et le corpus du modèle d’origine.
210
Premièrement, compte tenu de notre approche interactionniste de la socialisation, nous
établissons avant même l’entrée dans l’organisation des interactions entre les nouveaux vendeurs
et l’organisation, à travers ses membres. Ainsi, ces interactions débutent avec les opérations de
recrutement et s’intensifient au moment où le nouveau vendeur entre dans l’entreprise.
Deuxièmement, prenant en compte la position du vendeur dans l’entreprise, nous ajoutons la
relation managériale (ou précisément sa qualité) comme un résultat direct. La relation
managériale englobant tous les éléments caractéristiques du management tels que définis dans
les paragraphes antérieurs.
Troisièmement, nous considérons que les résultats de ce processus de socialisation peuvent
être soit positifs, soit négatifs. Nous indiquons donc de façon explicite cette orientation avec des
flèches comportant des signes plus ou moins. Par ailleurs, nous retenons dans notre modèle,
seulement trois résultats indirects à savoir, la performance, la satisfaction et le turnover
Nous présentons la dynamique de la socialisation qui s’installe au cours du processus d’entrée
dans l’organisation, et les résultats qui découlent directement des échanges entre les nouveaux
vendeurs et les personnes déjà en place. Ensuite, nous présentons les améliorations apportées
par rapport au modèle initial, et l’intérêt d’une telle approche pour les vendeurs indépendants.
3.3.2. Présentation du modèle de recherche
En appréhendant la socialisation du vendeur indépendant comme un processus de
construction de la relation managériale, nous avons résolu de la considérer comme un processus
continu (mais non linéaire) dans lequel le nouveau vendeur se confronte à l’organisation à
travers des situations de gestion (Garreau et Perrot, 2012). Selon ces auteurs, les individus
apprennent et intériorisent (ou désapprennent et rejettent) les éléments liés à leur travail, au
groupe et à l’organisation en fonction de leurs objectifs, des connaissances accumulées dans les
expériences passées et des affections qu’ils éprouvent dans leur nouveau contexte de travail.
Autrement dit, toutes les situations de confrontation du vendeur avec son environnement de
travail ne favorisent pas forcément sa socialisation à l’organisation. « Le vendeur peut apprendre
des éléments sur les pratiques organisationnelles, et les rejeter car elles ne font pas partie de son
système de valeur ». Ainsi, il est possible de rencontrer des vendeurs moins socialisés que
d’autres, ou qui ne le sont pas du tout plusieurs mois après leur arrivée dans l’entreprise.
211
Figure 15. Modèle d'analyse de la socialisation du vendeur indépendant
Actions de l’entreprise Actions du vendeur
Echanges Interactions Négociation
Confiance/Défiance Règles du jeu Attentes/Rôles
Comportements
et attitudes
organisationnels
Recrutement.
Tactiques Org.
Formation.
Management.
Recherche
d’information.
Ouverture aux
autres.
Préoccupations communes/divergentes
de la relation managériale
Satisfaction Performance
Turnover
+/-
+/-
Nous récapitulons les questions de recherche qui procèdent de cette approche de la
socialisation.
1. Comment les entreprises s’y prennent-elles pour intégrer leurs vendeurs indépendants ?
2. Comment les nouveaux vendeurs s’ajustent-ils à leur nouvel environnement de travail?
3. Quelle est le contenu de la socialisation au cours de cette période de transition?
Des éclairages sont attendus sur les pratiques mises en œuvre par les managers et les vendeurs, et
sur le contenu de leurs échanges au cours de la phase d’intégration.
Nous positionnons une quatrième question :
4. Pourquoi le turnover des vendeurs indépendant est-il aussi important dans cette phase
d’intégration?
212
Conclusion de la première partie
Dans le champ des sciences de gestion, le concept de socialisation organisationnelle à fait
l’objet de nombreux développements. En témoigne les nombreuses définitions qui sont
développées dans la littérature, et les difficultés que rencontrent les chercheurs à formuler une
définition unique et à l’ériger au stade de théorie à part entière. Mais le concept s’est nourrie de
l’apport de plusieurs théories connexes qui fournissent des approches conceptuelles différentes
de la socialisation organisationnelle. Ainsi, certaines approches expriment globalement une
vision cognitive de la socialisation organisationnelle, c’est le cas de la théorie de réduction de
sens, de la théorie cognitive de construction de sens, et de la théorie social-cognitive. D’autres
appréhendent la socialisation dans ses aspects fonctionnels et relationnels, avec notamment la
théorie des rôles et les théories de l’échange social.
Dans la littérature, le concept de socialisation organisationnelle est considéré comme un objet
de gestion privilégié dans la mesure où il favorise l’établissement de relations profitables entre
l’entreprise et les différentes personnes avec lesquelles elle souhaite collaborer. Certains
chercheurs considèrent que les relations ne constituent pas seulement un mécanisme d’adaptation
des nouveaux employés, mais une composante intrinsèque du processus de socialisation50, à
l’instar des pratiques organisationnelles et individuelles. Dans le cadre de cette recherche, nous
nous intéressons aux relations que les entreprises établissent avec leurs vendeurs indépendants.
La première partie de cette recherche nous a permis de construire un cadre conceptuel et
d’élaborer des propositions théoriques. Le modèle d’analyse développé, à partir des éléments
recueillis aussi bien sur le terrain que dans la littérature, est la cadre à partir duquel nous allons
collecter et analyser nos données. Pour apporter des réponses à nos questions de recherche, nous
cherchons à comprendre les processus par lesquels les nouveaux vendeurs font face à leur nouvel
environnement de travail, et les pratiques de management mobilisées par les responsables
commerciaux pour orienter les comportements des vendeurs dans le sens des intérêts de
l’entreprise. Autrement dit,
Cette recherche s’inscrit donc dans la compréhension du processus de socialisation du
vendeur indépendant, et l’explication des comportements organisationnels des nouveaux
vendeurs et particulièrement les départs massifs en période d’intégration.
50 Lapointe (2013)
213
Deuxième partie : La socialisation du vendeur indépendant, une
construction de la réalité sociale.
Au cours de ce travail de recherche, nous avons proposé d’éclairer le management des
vendeurs indépendant en nous appuyant sur le concept de socialisation organisationnelle. Plus
précisément, nous avons cherché à comprendre et à expliquer le turnover très élevé de ces
vendeurs en phase d’intégration. Pour cela, nous avons mis en évidence, dans la première partie,
la possibilité d’articuler autour des approches interactionnistes et de construction de sens de la
socialisation organisationnelle, les théories de la régulation sociale et du contrat psychologique.
Comme nous l’avons déjà précisé, la construction de ce modèle d’analyse a été rendu possible
grâce à notre recherche préliminaire sur la présence de la socialisation au sein des forces de
vente. Cette étude a permis d’identifier les préoccupations fondamentales des acteurs de la vente
sur la socialisation des nouveaux vendeurs, et de constituer le stock de concepts que nous allons
utiliser dans notre étude empirique.
Dans la deuxième partie, nous proposons d’adopter la méthode des cartes cognitives pour
rendre compte des représentations que les différents acteurs développent sur la socialisation des
nouveaux vendeurs. Le chapitre 4 présente les choix épistémologiques et méthodologique de la
recherche. L’adoption d’une approche constructiviste apparait comme une évidence, lorsqu’il
s’agit de construire des cartes cognitives, à partir des représentations de trois catégories
d’acteurs retenus dans le cadre de cette recherche. De même, le choix d’une étude qualitative
répond au caractère nouveau de ce champ de recherche, et les allez et retours entre la littérature
et le terrain justifient l’adoption d’une démarche abductive.
Le chapitre 5 présente les résultats de notre recherche. Ces résultats sont élaborés à l’aide du
logiciel « Decision Explorer », sous forme de listes de concepts ou de cartes graphiques. Le
chapitre propose deux types d’analyse, une analyse de la structure des cartes à partir des
indicateurs généraux et locaux, une analyse du contenu des cartes réalisée à partir de l’analyse de
regroupement et de l’analyse de centralité et/ou de l’analyse de domaine.
Enfin, le chapitre 6 propose un retour sur les différentes théories utilisées dans le cadre de
cette recherche, à travers deux types de discussion. Une discussion sur les résultats qui consiste à
confronter les résultats de notre recherche avec les résultats obtenus dans d’autres études. Une
discussion sur la nécessaire gestion de la socialisation du vendeur indépendant dans l’entreprise.
214
CHAPITRE 4. EPISTEMOLOGIE ET METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
La conduite d’une recherche implique de s’interroger sur la façon dont les connaissances sont
produites, afin de donner aux résultats de la recherche une reconnaissance partagée par tous.
Cette exigence de cohérence et de rigueur est commune à toutes les sciences, mais prend une
importance particulière dans les sciences de gestion à cause du caractère pragmatique ou pratique
des disciplines de gestion le plus souvent orientée vers l’action. Ainsi, le management est
considéré comme un art si l’on se réfère à l’habileté du manager dans la conduite des hommes et
la réalisation des objectifs de l’entreprise. Mais, il est aussi considéré comme une science dès
lors que sa démarche est inspirée des méthodes utilisées dans les sciences sociales (David, 1999).
Ce statut hybride, entre art et science, qui est attribué au management participe de la nécessaire
clarification des logiques et des méthodes qui doivent être mises en œuvre pour produire la
connaissance.
La méthode de production des connaissances envisagée dans cette recherche peut, en
apparence, correspondre à une posture épistémologique positiviste, si nous tenons compte de la
littérature mobilisée et des emprunts qui nous ont permis d’élaborer nos propositions théoriques.
Mais, le choix d’une posture constructiviste s’impose à nous, d’une part parce que les situations
de vente sont diverses et ne permettent pas une reproduction aisée des connaissances. D’autre
part, parce que l’objet de notre recherche, la socialisation du vendeur indépendant est par essence
un construit social. Autrement dit, une connaissance qui est élaborée à partir des interactions
produites par les acteurs de la vente dans le cadre de leur collaboration. Ainsi, dans la recherche
d’une meilleure connaissance du management des vendeurs indépendants en phase d’intégration,
notre ambition n’est pas d’établir une énième relation de causalité, mais de savoir si le concept
de socialisation peut nous apporter une meilleure compréhension de la situation et d’expliquer
les comportements des vendeurs. Pour cela, nous avons choisi d’exploiter les ressources que
propose la cartographie cognitive, pour apporter des réponses à nos questions de recherche.
Ce chapitre éclaire sur le design de la recherche et la démarche méthodologique mise en
œuvre pour atteindre nos objectifs de recherche. Dans une première section, nous rappelons
l’opposition fondamentale entre positivisme et constructivisme et proposons une « archéologie »
de l’épistémologie dans la vente, avant de décliner notre posture épistémologique et la démarche
de recherche retenue. Dans une deuxième section, nous présentons la méthodologie retenue
autour de la méthode des cartes cognitives.
215
SECTION 1. LE POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE DE LA RECHERCHE
Le choix d’une posture épistémologique est déterminant pour la méthodologie que l’on
souhaite mettre en œuvre. Comme le souligne Cossette (2008), le choix de la méthode
dépendant en grande partie de l’orientation épistémologique du chercheur. Dans cette section,
nous présentons d’abord les deux principaux courants épistémologiques qui participent à la
constitution des connaissances (1). Puis, nous proposons de revisiter la littérature traitant du
statut épistémologique de la vente (2). Enfin, nous déclinons nos propositions en tenant compte
du caractère construit de notre objet de recherche.
1. Positivisme versus constructivisme
Le choix d’un modèle de construction des connaissances fait l’objet d’un débat sans fin qui
oppose les deux principaux courants philosophiques qui président à l’élaboration de ces
connaissances : le positivisme et le constructivisme. Afin d’apporter une meilleure
compréhension des positions épistémologiques qui fondent ces paradigmes, nous avons choisi de
présenter d’une part les hypothèses (Gnoséologie) à la base de la construction des connaissances,
et d’autre part les principes (méthodologie) qui sous-tendent ces approches (Le moigne, 1995).
Le paradigme positiviste dérive principalement de la pensée d’Auguste Comte (1830-1845)
pour qui «le mot positivisme désigne le réel » (Le moigne, 1995). Autrement dit, le but de la
science dans cette conception est de découvrir la vérité (réalité) derrière ce qui est observé. Deux
hypothèses se succèdent dans cette approche : (1) l’hypothèse ontologique suppose que la réalité
a une existence propre différente de celle des individus, et que le chercheur peut chercher à
connaitre cette réalité qui est extérieure à sa personne (Thiétart et al, 1999). L’objet (la réalité)
est indépendant du sujet qui l’observe, ce qui implique que le chercheur peut étudier, cerner et
connaitre le réel en toute neutralité. Ainsi, la réalité est non seulement extérieure à l’individu,
mais elle est aussi indépendante des contextes dans lesquels les acteurs interagissent. Ce qui
permet d’obtenir une certaine objectivité dans la production de la connaissance ; (2) l’hypothèse
déterministe présume qu’il existe une forme de détermination propre au réel existant (Gavard-
Perret et al, 2012). Selon ces auteurs, la réalité ne peut être connue qu’en établissant des lois
invariables qui vont décrire les relations immuables entre les faits observables et mesurables
scientifiquement. Il s’agit de rechercher des explications sur la réalité que l’on observe en
mettant en évidence la chaine de causalité des évènements. Cela suppose que la réalité est régie
par des lois, et que ces lois existent même si elles ne sont pas toutes connues (Thiétard et al,
216
1999). Le travail du chercheur consiste donc à découvrir et à expliquer les mécanismes (lois) qui
sous-tendent cette réalité.
Pour connaitre la réalité, le paradigme positiviste s’appuie sur les deux principes
méthodologiques suivant : (1) le principe de modélisation analytique repose sur un précepte
énoncé par Descartes qui consiste à décomposer ou «diviser chacune des difficultés en autant de
parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour mieux les résoudre ». Cela suppose que « la
réalité connaissable existe et est décomposables en partie, elles mêmes connaissables » (Le
moigne, 1995 ; Gavard-Perret et al, 2012) ; (2) le principe de raison suffisante est articulé autour
de l’hypothèse déterministe et s’appuie sur l’énoncé de Leibniz (1710) qui affirme que : « rien
n’arrive jamais sans qu’il y ait une cause ou du moins une raison déterminante ». Ce principe de
raison suffisante conditionne la logique déductive, correspondant au syllogisme d’Aristote : si A
cause B ; A est la raison suffisante, A est l’explication certaine de B (et B ne peut être cause de
A).
En isolant l’objet d’étude de son contexte et des interactions avec les chercheurs, la démarche
positiviste propose, à travers ses hypothèses et ses principes méthodologiques, la garantie d’une
certaine objectivité qui conforte la validité des connaissances produites. Pour autant, cette
approche ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs qui vont développer des paradigmes
épistémologiques alternatifs (Gavard-Perret et al, 2012). Ces paradigmes sont élaborés dans un
courant post-positivisme qui considère que la réalité ne peut être appréhendée pleinement, dans
sa globalité, notamment dans les systèmes humains et sociaux, sans faire entorse au principe qui
consiste à isoler l’objet du sujet. Cette approche est soutenue par Popper qui introduit l’idée
qu’une théorie ne peut être qualifiée de scientifique que si elle est réfutée par l’expérience, et
Kuhn (1972) qui préfère le terme « incommensurabilité » à celui de réfutation pour comparer les
théories. Mais aussi par les courants réalistes (scientifique et critique) qui développent une vision
à priori du réel (Gavard-Perret et al, 2012).
A l’opposé, le constructivisme considère que « la science ne saurait poursuivre un objectif de
connaissance de la réalité, et que cette réalité n’est pas indépendante voire antérieure à
l’observateur-chercheur » (Charreire et Huault, 2001). Selon ces auteurs, « la recherche des lois
explicatives du fonctionnement des phénomènes tant naturels que sociaux, la volonté
d’approcher l’essence même de la réalité est dépassée au profit d’une attention plus marquée à la
construction de la connaissance ». Le constructivisme diffère du positivisme par le statut qu’il
attribut aux connaissances et par la représentation de leur mode de production. Deux hypothèses
soutiennent cette approche : (1) l’hypothèse phénoménologique et (2) l’hypothèse téléologique.
217
L’hypothèse phénoménologique est fondée sur les travaux de Piaget (1937) portant sur le
principe d’inséparabilité et la nécessaire « interaction entre le phénomène (l’objet) à connaitre et
le sujet connaissant qui forme la connaissance (de l’objet) et le mode d’élaboration de la
connaissance (l’intelligence) ». Autrement dit, l’approche constructiviste ne réfute pas
l’existence d’un réel qui serait indépendant du chercheur, mais elle revendique le fait que ce réel
ne peut être connu qu’en tenant compte de ses perceptions (Gavard-Perret et al, 2012). Ainsi, le
réel n’est pas une donnée objective qui existe à priori comme le stipule le positivisme, mais un
construit élaboré par le chercheur en interaction avec les acteurs. Le sujet est au cœur de l’action
et construit la connaissance à partir de ses expériences au moyen de représentations symboliques
(Le moigne, 1995). Selon cet auteur, l’hypothèse phénoménologique implique trois postulats :
l’irréversibilité de la cognition, la dialectique de la cognition et la récursivité de la cognition.
L’hypothèse téléologique stipule que « le projet de connaitre un certain réel influence la manière
dont on en fait l’expérience, et donc la connaissance que l’on en développe » (Gavard-Perret et
al, 2012). A l’inverse du positivisme qui prône une finalité transcendantale, dans le
constructivisme la finalité procède des intentions du chercheur puisque son rôle est décisif dans
la constitution de la connaissance (Le moigne, 1995). Dès lors, la démarche du chercheur porte,
non plus sur un objet à connaitre, mais sur un projet de connaissance qu’il s’est donné (Thiétard
et al, 1999).
Pour élaborer la connaissance, le constructivisme s’appuie sur deux principes
méthodologiques : (1) le principe de modélisation systémique se réfère à la théorie générale des
systèmes de Bertanlanffy (1968) qui développe à travers le paradigme systémique une méthode
d’observation multiple et globale qui permet d’aborder des sujets complexes qui ne peuvent être
étudiés par des méthodes analytiques. Selon Le Moigne (1995), « la modélisation systémique
privilégie la modélisation de l’acte qui ouvre le modèle sans chercher l’exhaustivité (qu’est-ce
que ca fait ? Pourquoi ?), à une modélisation de la chose ou analytique qui cherche l’exhaustivité
en fermant le modèle (de quoi c’est fait) ». En d’autres termes, il s’agit de dépasser le modèle
explicatif cartésien très réducteur qui enferme le chercheur dans une sorte de routine, pour
adopter des méthodes plus ouverte qui font appel à l’intelligence et favorisent la compréhension
de l’objet dans sa totalité ; (2) le principe d’action intelligente décrit « l’invention ou
l’élaboration, par toute forme de raisonnement (descriptif à postériori), d’une action (ou plus
précisément une stratégie d’actions) proposant une correspondance adéquate entre une situation
perçue et un projet conçu par le système »51. Il définit la capacité d’un système cognitif à
51 Le Flanchec, Colloque International sur les méthodologies de recherche AOM/RMD, Lyon, 15/16 juin 201.
218
explorer et construire des représentations symboliques des connaissances qu’il traite (Le Moigne,
1995). Dans cette perspective, le chercheur construit sa représentation du réel en s’appuyant sur
la raison, et en développant une argumentation qui prend source dans ses acquis (cognitifs,
conatifs et logiques).
Le constructivisme est généralement décliné sous deux paradigmes épistémologiques distincts
qui reposent sur des hypothèses fondatrices très proches, mais diffèrent par leur position
ontologique. Le premier a été élaboré à partir des travaux de Piaget (1937) par Von Glaserfeld
(1988, 2001), puis développé par Le Moigne (1995) sous la dénomination paradigme
épistémologique pragmatique (Gavard-Perret et al, 2012). Il constitue l’essentiel de notre
présentation ci-dessus. Le second paradigme à été développé par Cuba et Lincoln (1989, 1998)
dans le champ des sciences de l’éducation. L’hypothèse ontologique soutenue par ce paradigme
est relativiste, en ce sens qu’elle admet que « la réalité est relative, multiple, socialement
construite, et n’est pas gouvernée par des lois naturelles, causales ou d’autres sortes ». La
validité de ces connaissances constructivistes s’opère essentiellement sur deux principes : les
principes d’adéquation et d’enseignabilité. Une connaissance est dite adéquate si elle est
suffisante pour expliquer une situation à un moment donné. L’enseignabilité par contre indique
que la connaissance élaborée doit être transmissible.
Dans le même ordre d’idées, le paradigme interprétativiste développé dans le sillage du
paradigme épistémologique constructiviste pragmatique, récuse l’existence d’un réel objectif qui
serait indépendant du chercheur, mais diffère de ce dernier dans la mesure où il pose des
hypothèses fondatrices d’ordre ontologique. De même qu’ils diffèrent également sur les critères
de validité, qui sont pour le paradigme interprétativiste : le caractère idiographique des
recherches et les capacités d’empathie que développe le chercheur (Thiétart et al, 2012).
2. Le statut épistémologique de la vente
Le concept vente a été diversement défini dans la littérature, nous retenons dans le cadre de
cette recherche la définition proposée par Barth (2000), qui appréhende la vente comme « un
processus de construction de solutions (plus ou moins) complexes entre un offreur (vendeur) et
un demandeur (client) par des rencontres entretenant un flux informationnel bilatéral permettant
la conclusion d’un ou de plusieurs actes scellant un transfert de propriété, c'est-à-dire un accord
sur un échange à valeur ajouté d’un flux financier contre un flux de produit-service ». La vente
est à la fois un outil stratégique qui sert « la stratégie globale de l’entreprise et participe à la
performance », et une discipline des sciences de gestion qui regroupe divers champs de
recherche dont le management des forces de vente.
219
2.1. La vente : une discipline en construction
La vente est un champ de recherche relativement jeune qui suscite peu d’intérêt auprès des
chercheurs malgré la place qu’elle occupe dans les relations humaine et sociales (Barth, 2000),
et les sommes d’argent qui sont mobilisées pour sa mise en œuvre dans les entreprises (Darmon,
1993). Selon l’auteur, ce désintérêt est attribué au caractère pragmatique de l’activité et à la
difficulté que présente ce type de recherche, le plus souvent basée sur les expériences des acteurs
et la pratique de la vente.
Depuis quelques années, la question de la scientificité des connaissances produites dans la
vente se pose avec insistance ; si l’on se réfère aux écrits produits ces dernières années (Barth,
2000, 2001, 2003, 2004,2008). Selon Barth (2000), la difficulté à considérer la vente comme une
discipline scientifique repose sur trois spécificités propres à cette activité de gestion : Il y a
d’abord le manque de visibilité de la vente en tant que domaine de recherche ; ce manquement
s’explique dans ses rapports avec le marketing. Pendant longtemps la vente a évolué sous
l’ombre du marketing, et est apparu comme une discipline « subalterne » qui avait pour rôle de
rendre opérationnel les stratégies développées. Cette prégnance du marketing sur la vente est
exprimée dans le marketing-mix, qui positionne la vente comme une variable d’action dont on ne
sait pas exactement le rôle, car elle est intégrée, soit dans le plan de distribution, soit dans le plan
de communication. Ensuite, les discours et les comportements des individus sur la vente sont
caractérisés par le « dénigrement » systématique de la vente, notamment à travers les opinions
négatives qui sont développées sur elle, aussi bien dans les organisations que dans la société en
générale. Ainsi, la vente est souvent considérée comme une activité dévalorisante et le vendeur
un être antipathique qui cherche seulement à « dépouiller » le client pour assouvir ses objectifs
de gain (Barth, 2000). Dans l’entreprise, la vente est l’une des fonctions les moins nantis en
termes de gestion des ressources humaines; les perspective de carrière étant limitées pour un
vendeur dans une même entreprise (Xardel, 1993). Par ailleurs, la vente est considérée comme
un métier « ingrat, stressant, sujet de revenus aléatoires » (Barth, 2000). Ces préjugés souvent
véhiculés par les clients, les responsables commerciaux, et quelque fois par les vendeurs eux-
mêmes, donnent de la vente une image de précarité qui n’attire pas toujours les candidats
potentiels à postuler pour cet emploi (Barth et Biardeau, 2002). Enfin la vente est appréhendée
comme une pratique dénuée de tout fondement théorique. On nait vendeur, ou on le devient
naturellement au gré des circonstances, à travers des apprentissages informels ou tout
simplement en imitant des vendeurs aguerris dans le métier. Selon Barth (2008), il n’existe pas
de « corpus théorique » propre à la vente ; les connaissances développées dans ce champ de
recherche sont constituées essentiellement des apports venus des sciences connexes et en
220
particulier du marketing et de la gestion des ressources humaines. Autrement dit, les
connaissances produites dans la vente sont encore très hétérogènes ; la fragmentation de ces
connaissances, et surtout « l’enracinement de la vente dans l’action » sont autant d’obstacles au
développement d’un véritable corps de connaissances. Comme le souligne Fournier et Ganassali
(2008), la production des connaissances est encore trop limitée à « l’engagement et aux enjeux
propres à certains chercheurs », ce qui ne permet pas d’ériger la vente comme une discipline
autonome. Dans ces conditions, il est difficile de parler d’un réel connaissable de la vente qui
existerait à priori, et qui serait étudié objectivement. Le caractère pragmatique des activités de
vente, associé à la diversité des situations de vente qui se présentent au chercheur, suggère plutôt
que l’on considère la vente comme un domaine de recherche en construction. Elle implique une
interaction du chercheur avec l’objet de sa recherche dans la production de la connaissance.
Ainsi, parler d’une épistémologie de la vente c’est envisager l’existence d’un corps de
connaissances propres à la vente ; avec un objet de recherche qui tienne compte de l’ensemble
des champs de recherches qui la composent (management des forces de vente, négociation
commerciale, …), et qui permettent à la discipline de gagner en autonomie et en légitimité, tout
en affirmant son ancrage dans les sciences de gestion (Barth, 2008).
2.2. Management des forces de vente : un champ de recherche hétérogène et complexe.
Pendant longtemps, toute l’activité de recherche sur la vente s’est focalisée sur le
management des forces de vente, occultant ainsi les autres champs de recherche. Le management
des forces de vente est l’un des domaines de recherche de la vente qui met en scène des
connaissances issues de plusieurs champs disciplinaires en vue de gérer le vendeur et son activité
dans l’entreprise. Ainsi, comme le soulignait Darmon (1993, p.330) plusieurs théories sont mises
à contribution , « les théories de la communication aident à comprendre les processus
d’influence ; les théories sur les négociations mettent l’accent sur les moyens d’établir et
d’entretenir des relations avec les prospects et la clientèle ; le comportement de l’acheteur à joué
un rôle-clé pour comprendre la façon dont les vendeurs peuvent traiter avec une organisation
cliente et pour comprendre les processus d’influence ; le comportement des organisations et la
psychologie industrielle aident à étudier le comportement et les réactions des vendeurs dans des
cadres organisationnels et des situations variées ; les théories économiques ont pu montré dans
une certaine mesure comment les vendeurs sont susceptibles de réagir aux incitations
financières ». Le management des forces de vente, c’est aussi un ensemble de pratiques de
gestion extrêmement diversifiées qui, en raison de la grande variété des situations de vente, des
produits et des services vendus, des types de clientèles, des taches de vente et d’organisations
font que les résultats obtenus dans une étude précise ne soient pas généralisables à toutes les
221
forces de vente. En évoquant cette hétérogénéité des connaissances produites dans le
management des forces de vente, Darmon (1993, p. 321) soulignait déjà la difficulté à étudier le
vendeur. D’une part, parce que c’est un individu qui établi un nombre important de relations
humaines complexes à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise, et que son activité
l’éloigne physiquement et psychologiquement de l’entreprise. D’autre part, parce que
l’environnement évolue. Selon cet auteur, ces deux paramètres sont à l’origine du décalage que
l’on observe entre les connaissances produites par la recherche en management des forces de
vente et les pratiques déployées par les entreprises. En somme, les chercheurs se sont très peu
préoccupés des problèmes réels que rencontrent les managers des ventes au quotidien et d’y
apporter des solutions. Ce « décalage » est selon nous permanent faute de résultats homogènes,
et la recherche que nous conduisons a pour ambition de combler cette connaissance, en
répondant à certaines des préoccupations auxquelles font face les managers dans la gestion des
vendeurs indépendants. Les connaissances disponibles, aussi bien dans la littérature académique
que managériale sont relativement muettes face au besoin grandissant des entreprises à
externaliser leurs vendeurs tout en conservant un pouvoir de contrôle sur leurs activités. Pour
autant, au regard de ce qui précède, on peut légitimement se poser la question de la scientificité
des connaissances que nous entendons produire dans le cadre de cette thèse. Autrement dit,
comment attester de la valeur scientifique des résultats que nous allons produire, si ces derniers
ne viennent pas confirmer ou infirmer un « socle » de connaissances théoriques pré existants.
A l’instar des autres disciplines des sciences de gestion, la recherche en management des
forces de vente n’échappe pas à la critique sur la scientificité des connaissances élaborées. Le
caractère pragmatique de la discipline invite à définir les « normes de valeur » qui permettent de
distinguer entre les connaissances qui ont un caractère scientifique et celles qui ne le sont pas. De
façon générale, la validation des connaissances scientifiques se fait par vérification empirique, de
nombreux auteurs ont formulés des critères de démarcation qui permettent d’apprécier la
scientificité des connaissances produites. Ces critères dépendent souvent du cadre
épistémologique adopté par le chercheur. Ainsi, Descartes (1937) développe dans son ouvrage
« discours de la méthode », une démarche de constitution de la connaissance scientifique en
s’appuyant sur la logique déductive. Il propose quatre règles fondamentales : (1) présenter
clairement l’objet évident (le sujet de l’étude), le problème à résoudre et les hypothèses ; (2)
réduire la difficulté en décomposant mentalement le problème à résoudre en ses éléments
constituant ; (3) construire un savoir rigoureux à partir des éléments découverts par l’analyse ; et
(4) réviser en confirmant ou en réfutant les hypothèses. Dans le même ordre d’idées, Popper
(1902-1994) propose à partir des critiques qu’il formule sur l’induction (vérification vs
222
corroboration), le principe de réfutabilité (ou de falsification) comme critère de démarcation
entre science et non science. Selon l’auteur, une connaissance scientifique est une connaissance
réfutable, c'est-à-dire dont on ne peut affirmer qu’elle ne sera jamais réfutée. En s’appuyant sur
une théorie de l’évolution cyclique des paradigmes scientifique, Kuhn (1922-1996) propose une
évolution de la science en boucle. Il s’oppose au principe de réfutabilité de Popper, et soutien
l’idée que les connaissances scientifiques ne sont pas rejetées lorsqu’elles sont réfutées, mais
« seulement quand elles ont pu être remplacées ». En d’autres termes, une connaissance reste
valable tant qu’elle n’est pas contredite ; une connaissance réfutée donne lieu à un changement
de paradigme ou de théorie. Pour sa part, Lakatos (1922-1974) considère que la falsification
d’une hypothèse ne doit pas entrainer son abandon. Il préfère au principe de falsification
Poppérienne fondée sur la théorie, une falsification méthodologique qui restreint le champ
d’application de la falsification et favorise la découverte. Enfin, le choix de la méthode de
recherche, et surtout sa cohérence avec les exigences de l’objet de la recherche et les objectifs de
l’étude confère aux connaissances élaborées une forte teneur scientifique (Vernazoles, 2008 ;
Barth, 2000).
3. Le choix du positionnement épistémologique
Le choix d’un positionnement épistémologique consiste à déterminer le paradigme dans
lequel le chercheur va développer ses connaissances et les outils méthodologiques qui seront
mobilisés. Selon Gavard-Perret et al (2012), « tout chercheur doit ainsi être conscient que le
paradigme épistémologique dans lequel il inscrit sa recherche conditionne les pratiques de
recherche admissibles ainsi que les modes de justification des connaissances élaborées ». Ce
choix peut être dicté par les convictions du chercheur, mais il peut aussi être contraint par les
conditions d’expérimentation qui s’imposent à lui. Dans ce paragraphe, nous présentons le
positionnement épistémologique retenu pour élaborer nos connaissances, puis nous présentons la
stratégie qui nous a permis d’accéder au réel.
3.1. La socialisation organisationnelle : un construit social
Les objets de recherche dans la socialisation organisationnelle sont dans leur essence des
construits sociaux. Or, comme le soulignent Charreire et Huault (2002, 2008), l’erreur souvent
commise par les chercheurs dans la définition d’un positionnement épistémologique, est de se
fondre systématiquement dans une posture constructiviste lorsque l’objet de recherche est un
construit social. Selon Gavard-Perret et al (2012), le caractère construit de l’objet donne au
chercheur la « latitude d’envisager la ou les stratégies et méthodes pour concevoir et
223
instrumentaliser sa relation de connaissance à cet objet ». Ainsi, dans l’étude d’un processus
social, et particulièrement de la socialisation organisationnelle le positionnement du chercheur
est déterminant dans la construction de la connaissance. Lacaze (2005) indique que le chercheur
peut adopter deux positions. La première consiste à appréhender le réel à travers ce qui est
observable ; cette position est adaptée à l’étude des comportements et des pratiques qui sont
généralement mesurés par des perceptions individuelles. La majorité des études sur la
socialisation organisationnelle est réalisée selon ce format, et la démarche adoptée dans ces
recherches est de type hypothético-déductif. Autrement dit, les chercheurs en comportement
organisationnel se sont préoccupés à établir des relations causales entre certains facteurs
individuels et organisationnels et des variables comportementales et attitudinales (la
performance, la satisfaction au travail, l’engagement organisationnel et dans le travail, le
turnover) pour évaluer le niveau de socialisation des nouvelles recrues. La seconde position
considère que la réalité correspond à des représentations construites dans l’interaction. Selon
Perrot et al (2005), la réalité dont il est question est « une réalité sociale reconnue par les
membres actifs » d’une organisation, et qui conditionne l’existence même de celle-ci. L’auteur
précise que cette connaissance n’est pas définitive, mais qu’elle est « reconstruite en fonction
des évènements et des personnes concernées ». Il s’agit d’une position relativiste qui est adaptée
à l’étude des phénomènes cognitifs, affectifs et identitaires.
3.2. Notre positionnement épistémologique
S’agissant de notre positionnement épistémologique, nous inscrivons cette recherche dans un
constructivisme pragmatique (Von Glasersfeld, 1988, 2001 ; Le Moigne, 1995, 2001, 2007),
malgré la littérature que nous mobilisons. Cette position reflète à la fois, notre conviction que la
connaissance en management des ventes est socialement construite, et qu’elle n’existe pas à
priori. En effet, la spécificité des activités de vente d’une part, la diversité des situations de vente
et des statuts de vendeurs d’autre part, font que les connaissances produites sont difficilement
exploitables dans une perspective positiviste. Le chercheur en vente est obligé d’appréhender la
réalité à travers les interactions qu’il établit avec les acteurs (l’objet) agissant. Cette approche
repose sur deux postulats : le caractère nouveau de l’objet d’étude et l’expérience du chercheur.
Concernant notre objet de recherche, l’idée d’étudier la socialisation des vendeurs
indépendants vient de l’inconsistance ou de l’absence de connaissances disponibles dans le
management des vendeurs indépendants. En effet, les travaux réalisés jusqu'à maintenant sur le
management des forces de vente font une large part à la gestion des vendeurs salariés, laissant de
côté les vendeurs indépendants. Le développement récent de l'externalisation et la perspective
224
pour l'entreprise d’optimiser la gestion de son personnel de vente a dévoilé la possibilité
d’utiliser des vendeurs indépendants, travaillant de façon permanente pour une entreprise.
Cependant, les dysfonctionnements observés dans les relations managers-vendeurs indépendants,
traduisent plutôt une absence de connaissances adaptées à la gestion de ces vendeurs; la mise en
œuvre systématique du modèle « taylorien » donne l’impression qu’il existe toujours " une seule
bonne façon de gérer les vendeurs ". Or la diversité des statuts de vendeur nous rappelle que le
métier de vendeur peut être exercé différemment d’un vendeur à l’autre. Ainsi, le système de
contrôle ou la performance peuvent être appréciés différemment selon que l'on gère un vendeur
salarié ou un vendeur indépendant. Ces considérations induisent des approches de management
qui nécessitent des connaissances différentes. Dans ce contexte, la socialisation organisationnelle
offre de nouvelles perspectives de gestion.
Par ailleurs, nous abordons cette recherche avec un minimum de connaissances sur le terrain
de recherche. Les fonctions occupées lors de notre passage dans une organisation de vente, en
qualité de vendeur mandataire, puis de chef d’équipe commerciale ont contribué à forger notre
compréhension du management des vendeurs indépendants, et des difficultés auxquelles sont
confrontés les managers. Cette expérience participe de la façon dont nous entendons élaborer nos
connaissances, et surtout leur donné une valeur scientifique. En partant du principe que « la
socialisation des vendeurs indépendants » n’est pas une donnée objective, c'est-à-dire un
ensemble de connaissances disponibles à priori, nous avons mobilisé le concept de
socialisation organisationnelle, à la fois pour ses qualités conceptuelles et ses applications
empiriques, en vue de produire des connaissances. Cohen (1997) suggère qu’une telle
« entreprise ne peut être développée qu’en prenant en compte trois principes analytiques
fondamentaux » :
§ Prendre en compte l’ensemble des connaissances de gestion quel que soit leur niveau de
formalisation ou de généralité, et non pas les seuls connaissances scientifiques ;
§ Analyser la différenciation des divers types de connaissances constituées dans le champ
de la gestion… compte tenu du fait que toutes les connaissances de gestion ne peuvent
revendiquer le même statut épistémologique ;
§ Analyser le processus par lequel les sciences de gestion se constituent à partir des
différents types de connaissances,…capitaliser l’expérience issue des pratiques de gestion
et procéder à une rupture critique par rapport aux représentations que ces pratiques
suscitent.
225
3.3. L’abduction comme démarche de recherche
Notre objectif d’éclairer le management des forces de vente à partir du concept de
socialisation organisationnel a pour ambition de proposer un cadre conceptuel nouveau pour le
management des vendeurs indépendants. Pour cela nous avons élaboré des propositions
théoriques à partir des connaissances établies sur la socialisation organisationnelle et le
management des forces de vente, et des informations recueillies sur le terrain. L’utilisation de
ces connaissances permet de donner un sens à nos observations empiriques, et au delà de faire
des propositions plus précises et plus solides grâce à des allers-retours fréquents entre le
matériau empirique et la théorie (Thiétart, 2014 ; David, 1999). Une telle démarche est qualifiée
d’abductive, en ce sens qu’elle s’écarte des logiques de raisonnement traditionnelles, en
inscrivant l’action du chercheur dans une démarche créative.
L’abduction est introduite dans la démarche scientifique par le philosophe et logicien Pierce
(vers 1900), pour améliorer la production des connaissances jugés incomplète à ses yeux
(Dumez, 2012). En effet, l’abduction vient compléter le raisonnement scientifique en apportant
une nouvelle explication au phénomène étudié, et jusque là ignoré par les deux principaux modes
de raisonnement que sont : la déduction et l’induction. Dans la démarche scientifique, la
déduction est le raisonnement qui fonde la démarche hypothético-déductive ; elle est caractérisée
par la formulation d’une ou plusieurs hypothèses qui seront par la suite confrontés à la réalité du
terrain. La déduction se présente donc comme un moyen de démonstration qui s’appuie sur un
raisonnement rigoureux, dont la caractéristique est de considérer que, si les hypothèses
formulées au départ (les prémisses) sont vraies, alors la conclusion doit être nécessairement
vraie. L’induction quant à elle est définie comme « une inférence conjecturale qui conduit : (1)
de la régularité observée de certains faits à leur constance ; (2) de la constatation de certains faits
à l’existence d’autres faits non donnés mais qui ont été liés régulièrement aux premiers dans
l’expérience antérieure » (Morfaux, 2011, cité dans Thiétart, 2014). Le mode de raisonnement
inductif permet alors de passer du particulier au général, ou encore des faits aux lois. Selon
Dumez (2012), ces deux modes de raisonnement ne permettent pas au chercheur d’être créatif
dans la constitution des connaissances, car si dans la déduction la « conclusion est présupposée
dans les prémices », l’induction ne fait que généraliser des faits connus. A la différence de ces
modes de raisonnement, l’abduction procède à « un retour en arrière pour formuler une nouvelle
hypothèse sur ce qui pourrait expliquer ce qui s’est passé ». Pour marquer cette différence,
Koenig (1993) définit l’abduction de la façon suivante : « l’abduction est l’opération qui,
n’appartenant pas à la logique, permet d’échapper à la perception chaotique que l’on a du monde
réel par un essai de conjectures sur les relations qu’entretiennent effectivement les choses […]
226
l’abduction consiste à tirer de l’observation des conjectures qu’il convient ensuite de tester et de
discuter ». Selon David (1999), les trois modes de raisonnement sont généralement combinés et
constituent une « boucle récursive » qui s’articule autour des éléments suivants.
Figure 16. Boucle de récursive (David, 1999)
Abduction Déduction Induction
Une hypothèse explicative est construite par abduction pour rendre compte des données
posant problème ; l’induction permet une mise à jour des règles ou théories ; si ces règles sont
infirmées, alors il faut reformuler - par abduction- de nouvelles hypothèses explicatives, et le
cycle recommence.
L’abduction parait être le mode de raisonnement le plus adapté à notre démarche de
recherche, dans la mesure où nous souhaitons apporter une explication nouvelle au turnover des
forces de vente en général, et au turnover des vendeurs indépendants en particulier, envisagé
comme un comportement dysfonctionnel.
En effet, si nous nous référons à la position de Pierce décrite par Dumez (2012) sur
l’abduction, le management des forces de vente a longtemps traité la problématique du
comportement du vendeur en se basant sur des théories qui privilégient les incitations
financières. L’objectif visé par les chercheurs est de stimuler le comportement du vendeur à la
réalisation des objectifs de l’entreprise. C’est le cas des théories de la motivation qui s’appuient
sur le système de rémunération pour orienter le comportement du vendeur (Sprimont, ) ; c’est
aussi le cas de la théorie de la théorie d’agence, à travers le dispositif d’incitation financière qui a
pour rôle de stimuler les efforts du vendeur dans son activité. Dans cette perspective la
préemption d’une nouvelle hypothèse, en l’occurrence la faible socialisation des vendeurs, pour
expliquer le comportement du vendeur apparait comme un « fait surprenant » au sens de Pierce.
En effet, un fait est dit surprenant lorsqu’il produit des effets autres que ceux attendus (Dumez,
2012). Selon l’auteur « un fait surprenant » peut être distingué en deux catégories : la nouveauté
ou l’anomalie ; pour s’attendre à autre chose, il faut qu’il ait eu déduction et induction au
préalable ». Notre ambition est d’apporter une explication « plausible » sur la façon dont on peut
orienter le comportement du vendeur. Cette explication permet de replacer le fait social dans le
management des forces de vente, et de corriger une « anomalie ».
227
Par ailleurs, l’adoption d’une démarche abductive pose nécessairement la question de la
validité des connaissances produites, étant donné le caractère « inachevé » de la recherche.
Comme le souligne Dumez (2012), la conception Peircienne de l’abduction insiste sur la
réalisation de la boucle abduction/déduction/induction pour dire d’une hypothèse qu’elle est
vraie ou fausse. Compte tenu du temps que nécessite la réalisation d’une telle recherche, nous
nous contenterons d’élaborer des hypothèses pertinentes ; selon David (2012), ce travail de
conception « constitue un résultat en soi, car ces hypothèses sont soumises au débat
scientifique ». Cependant, à défaut de valider immédiatement les connaissances produites,
certains chercheurs estiment qu’il est possible de procéder à une validation, ne serait-ce que
partielle des connaissances obtenus. Dumez (2012) indique par exemple qu’en diversifiant ses
sources, le chercheur peut par effet de triangulation conférer aux connaissances produites une
certaine consistance. Dans le même ordre d’idées, Thiétart (2014) indique que la construction de
lois universelles n’est pas forcément l’objectif visé dans le cadre d’une approche abductive. Le
chercheur peut se contenter de proposer de nouvelles conceptualisations théoriques, ou tout
simplement éclairer une situation qui présente des ambiguïtés.
228
SECTION 2. LES CHOIX METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE
Nous présentons dans cette section notre approche méthodologique ainsi que les principes qui
guident la méthode de recueil et d’analyse de données que nous avons retenue. Pour cela, nous
nous sommes inspirés de la méthode des cartes cognitives ou causales développée par Audet et
Cossette (1994). Les auteurs définissent une carte cognitive comme « une représentation
graphique de la représentation mentale que le chercheur se fait d’un ensemble de
représentations discursives énoncées par un sujet à partir de ses propres représentations
cognitives, à propos d’un objet particulier ». La méthode des cartes cognitives s’accommode
aussi bien des approches objective que subjective de la réalité. En nous situant résolument dans
le paradigme épistémologique constructiviste, nous justifions ici les choix méthodologiques que
nous avons jugés pertinents pour cette recherche.
1. Le choix d’une approche qualitative
1.1. Approche qualitative versus approche quantitative
La façon dont le chercheur va collecter et analyser les données de son étude détermine
l’approche méthodologique qu’il entend imprimer à la recherche. Dans la littérature, une
distinction est généralement faite entre l’approche qualitative et l’approche quantitative. Quatre
critères permettent d’orienter le choix entre les deux approches : la nature des données,
l’orientation de la recherche, le caractère objectif ou subjectif des résultats, et la flexibilité de la
recherche (Thiétart et al, 2014). La nature de la donnée correspond au matériau sur lequel le
chercheur va extraire les résultats ; ces données sont qualitatives lorsqu’elles proviennent des
discours, des textes recueillies auprès des acteurs et mesurées par des échelles nominales et
ordinales (non-métriques), alors que les données quantitatives souvent chiffrées sont collectés à
l’aide des échelles d’intervalles (ou cardinales faibles) et de proportion (ou cardinales fortes).
L’orientation de la recherche peut se faire dans deux directions, la construction et le test ; la
construction oriente le chercheur vers une démarche exploratoire plus adaptée à une approche
qualitative, tandis que le test s’accommode bien à une approche quantitative. Le caractère
objectif ou subjectif des résultats se réfère à la position du chercheur par rapport à l’objet de
recherche ; autrement dit, la collecte et l’analyse des données doivent rester cohérent avec le
positionnement épistémologique décliné par le chercheur. La flexibilité de la recherche
correspond à la plus ou moins souplesse qu’offrent les deux approches aux chercheur. Il est
admis que l’approche qualitative parait plus souple, car moins rigide dans l’agencement des
évènements qui caractérise son déroulement.
229
Sur la base de ces observations, nous avons pris l’option d’une approche qualitative pour
aborder la partie empirique de notre recherche. Ce choix est aussi conditionné par certaines
considérations qui paraissent, de notre point de vue, essentielles pour une bonne compréhension
de notre démarche méthodologique. La première est l’étude simultanée du processus et du
contenu de la socialisation organisationnelle. Dans la littérature consacrée à la méthodologie de
recherche en management, deux possibilités de recherche s’offrent au chercheur : la recherche
par le processus et la recherche par le contenu (Thiétart et al, 2014, p.129). La recherche sur le
processus « cherche à mettre en évidence le comportement de l’objet dans le temps ». Elle
consiste principalement à définir les différentes phases ou séquences qui compose le processus,
et à décomposer la variable processuelle à étudier en autant de sous-variables que de phases, afin
d’appréhender le déroulement de l’objet dans le temps. La recherche sur le contenu « vise à
mettre en évidence la composition de l’objet étudié » ; autrement dit, elle permet d’appréhender
l’objet à étudier à un moment précis, sans prendre en compte son évolution dans le temps. Ces
deux approches sont mises en œuvre dans une perspective descriptive ou explicative, et
s’enrichissent mutuellement lorsqu’elles sont prises ensemble. Ainsi, le chercheur peut en
fonction de « l’état des connaissances sur l’objet étudié, soit adopter l’une des approches, soit
utiliser conjointement les deux approches. Dans le cadre notre recherche, le choix d’une
approche mixte (processus et contenu) repose sur l’importance de la littérature existante sur la
socialisation organisationnelle, et sur la nécessité d’étudier plus profondément la socialisation
des vendeurs indépendants. En effet, nos observations préliminaires nous ont permis de constater
qu’il y avait globalement un déficit important de socialisation chez les vendeurs indépendants.
Ce constat nous conduit à émettre des conjectures sur la faible socialisation des vendeurs en
rapport avec le développement de certains comportements dysfonctionnels, comme le turnover.
Aussi, aborder la socialisation des vendeurs indépendants en considérant seulement l’une des
approches, nous conduirait certainement vers un traitement partiel du problème. De même
qu’envisager cette recherche par une approche quantitative, limiterait la possibilité de faire
émerger toute l’information nécessaire à la bonne compréhension de l’objet étudié.
La deuxième considération concerne le choix de collecter les données de notre recherche
auprès de plusieurs acteurs de l’entreprise. L’adoption d’une telle approche rompt avec les
pratiques couramment utilisées dans la recherche sur la socialisation organisationnelle. Comme
le soulignait déjà Barges-Bourlier (2009) dans sa thèse de doctorat, la majorité des travaux
réalisés dans ce domaine de recherche a adopté une approche quantitative. Les chercheurs ont
surtout privilégié l’utilisation des échelles de mesure très développées dans la littérature, en se
basant uniquement sur les perceptions des nouvelles recrues. Or, contrairement à l’approche
230
quantitative plus axée sur l’homogénéité de l’échantillon, l’approche qualitative exploite les
différences et les contrastes en s’appuyant sur une population hétérogène (Wacheux, 1996).
Partant de ce constat, nous avons envisagé dans le cadre cette recherche, utiliser des sources
d’information différentes à la fois, internes et externes à l’entreprise. Autrement dit, nous avons
recueilli les données de notre recherche aussi bien auprès des vendeurs indépendants, que des
principaux agents socialisateurs. Dans la force de vente deux types d’agents socialisateurs
peuvent intervenir dans la socialisation du vendeur. Le manager des ventes est le principal
interlocuteur du vendeur, et souvent le seul intermédiaire entre celui-ci et le reste de l’entreprise.
Il est aussi le superviseur direct du vendeur, et en cette qualité il assure un rôle d’encadrement
qui consiste à former, évaluer, et suivre les vendeurs au quotidien. Les anciens vendeurs jouent
aussi un rôle fondamental dans la socialisation des nouveaux arrivants ; c’est à leur niveau que le
nouveau vendeur apprend les « ficelles » du métier et se forge une nouvelle identité. Le rôle des
anciens vendeurs consiste à accompagner le nouveau sur le terrain; cet accompagnement peut
prendre la forme d’un coaching, ou d’un tutorat qui est supervisé par le manager des ventes.
Enfin, nous affirmons notre choix pour une approche qualitative en adoptant une analyse de
données qualitative particulière, plus à même à nos yeux de tenir compte des objectifs que nous
nous sommes fixés. Pendant longtemps, la recherche quantitative a bénéficié d’un crédit
important de la part des chercheurs, à cause probablement des garanties qu’elle offre sur le plan
de la généralisation et la validité des résultats. Mais, cette préférence tend à s’inverser au profit
d’une recherche qualitative plus ambitieuse, si l’on considère des avantages qu’elle procure,
notamment sa capacité à traiter des situations complexes (Voynnet Fourboul, 2012). Selon
l’auteur, le choix systématique de l’approche quantitative dans la majorité des recherches en
science de gestion, tient au fait d’une profonde méconnaissance de l’analyse des données, et des
possibilités qu’elle offre au chercheur. En effet, lorsqu’on parle d’analyse de données on se
réfère automatiquement à l’analyse de contenu ; c'est-à-dire à « un ensemble de techniques
d’analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de
description du contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant
l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées)
de ces messages » (Bardin, 2013). L’analyse de contenu n’est qu’une technique d’analyse de
données ; il existe en science de gestion une variété de méthodes d’analyse concurrentes très peu
mobilisée dans les recherches en France. Dans le cadre de cette thèse, nous avons le choix
d’analyser nos résultats par la méthode des cartes cognitives que nous présentons plus
amplement dans le troisième paragraphe.
231
1.2. Présentation de l’étude préliminaire
Avant de réaliser notre étude proprement dite, nous avons conduit une étude préliminaire
auprès des acteurs de terrain. Cette étude permet d’explorer le terrain de recherche. Elle permet
aussi d’évaluer les pratiques de GRH mobilisés par les entreprises dans une perspective de
socialisation des forces de vente, et de connaitre l’opinion des vendeurs indépendants sur les
pratiques de GRH déployées par les entreprises.
1.2.1. Objectifs et description de l’étude
Les recherches réalisées jusqu’alors sur le management des forces de vente se sont
particulièrement intéressées au vendeur salarié laissant de côté les vendeurs indépendants, qui
constituent cependant l’essentiel des forces de vente de nombreuses entreprises. En l’absence
d’une littérature appropriée et suffisante, l’exploration de ce contexte particulier de la force de
vente doit permettre une meilleure compréhension des pratiques de GRH et contribuer à mieux
élaborer notre problématique, en tenant compte des réalités du terrain. Elle doit aussi favoriser
l’émergence de variables qui nous permettront d’appréhender le phénomène et le mesurer. Pour
cela nous définissons pour cette étude deux objectifs principaux :
- Vérifier l’existence du phénomène de la socialisation sur le terrain, et relever des éléments
pratiques qui permettent de mieux élaborer notre problématique en tenant compte des réalités du
terrain ;
- Identifier les concepts et variables relatives à l’entrée du vendeur indépendant dans
l’organisation commerciale, et permettre de mieux appréhender le phénomène et le mesurer.
1.2.2. Méthodologie de l’étude préliminaire
L’échantillon des personnes interrogées est composé de 2 responsables commerciaux et 2
vendeurs, dont 3 hommes et 1 femme. Dans les deux cas, nous avons choisi d’interroger aussi
bien des individus ayant une très grande expérience dans la vente et la gestion d’équipe de vente,
que des nouveaux.
§ La méthode d’entretien
La méthode d’entretien choisie est l’entretien semi directif. Elle repose sur deux guides
d’entretiens thématiques portant sur les pratiques de GRH au sein des forces de vente. Le
premier est destiné aux responsables commerciaux et chefs de vente disposant d’une force de
vente indépendante. Il s’articule autour d’une question qui est formulée de la façon suivante :
232
« pouvez-vous nous parler des pratiques de GRH que vous mobilisez lorsque vous embauchez
des vendeurs indépendants ». Par la suite, cette question est orientée dans trois directions
principales permettant d’obtenir des précisions sur le recrutement, la formation et l’intégration
des vendeurs. Le deuxième guide est destiné aux vendeurs indépendants et cherche à connaitre la
perception des vendeurs sur les pratiques de GRH mis en œuvre par l’entreprise. Il débute par
une question qui se présente comme suite : « pouvez-vous nous parler des pratiques de GRH que
l’entreprise utilise lorsqu’elle vous a embauché ». Trois questions principales sont posées par la
suite pour obtenir de plus amples explications sur le recrutement, la formation et l’intégration des
vendeurs.
§ L’analyse de contenu
L’analyse de contenu est définie comme « une technique de recherche pour une description
objective, systématique et quantitative des communications, ayant pour but de les interpréter »
(Berelson, 1952). Plus récemment, Bardin (2003) la définit comme « un ensemble de techniques
d’analyse des communications visant, par des procédures systématiques et objectives de
description du contenu des messages, à obtenir des indicateurs (quantitatifs ou non) permettant
l’inférence de connaissances relatives aux conditions de production/réception (variables inférées)
de ces messages ». Elle peut se présenter sous plusieurs formes. Dans notre étude, nous avons
choisi une analyse thématique en procédant à un résumé/synthèse sur l’ensemble du corpus. Les
thèmes retenus dans le cadre de notre étude sont les mêmes, aussi bien pour les responsables
commerciaux que pour les vendeurs indépendants. Un seul thème à émerger lors de nos
entretiens avec les responsables commerciaux que nous avons immédiatement intégrés dans
notre analyse. Les réponses obtenues ont été analysées sur la base des tactiques de socialisation
de Van Maanen et Schein (1979) considérée en la matière comme une grille de lecture
permettant de caractériser les styles de socialisation (institutionnalisées ou individualisées) mis
en œuvre par les entreprises (Lacaze, 2010). Par ailleurs, il faut souligner que la socialisation
peut être réalisée de façon consciente ou inconsciente par l’entreprise, ce qui nous conduit à
prendre en compte toutes les réponses qui étaient émises par les répondants, sans rechercher à
évaluer leur fréquence d’apparition.
2. Présentation de l’étude qualitative
Elle consiste à mesurer objectivement l’ensemble des variables que nous avons identifié dans
notre étude préliminaire, mais également d’en susciter d’autres. Pour cela des guides d’entretien
ont été élaborés, et des entretiens ont été menés auprès de trois catégories population des forces
de vente.
233
2.1. Description du terrain de la recherche
La recherche utilise comme terrain d’étude la force de vente que nous définissons comme le
réseau commercial de l’entreprise, composé de vendeurs salariés et indépendants, des cadres
hiérarchiques situés entre eux et la direction commerciale et éventuellement des assistants
opérationnels chargés de l’administration des ventes. Nous nous intéressons particulièrement aux
vendeurs indépendants que l’on désigne sous les dénominations d’agent commercial. L’agent
commercial est un personne physique ou morale dont la profession consiste à vendre à titre
d’indépendant des produits, des prestations de services ou bien encore la location pour le compte
d’un mandant (producteurs, industriels ou commerçants). Dans le cadre de cette recherche, nous
nous intéressons particulièrement à l’agent commercial, personne physique.
Les individus que nous avons entretenus sont pour la plupart des professionnels de la vente
issus de quatre secteurs d’activité : l’automobile, les assurances, l’édition et la
papeterie/bureautique. Le choix des secteurs et des entreprises est complètement fortuit, dans la
mesure où notre préoccupation première était de trouver des vendeurs indépendants qui étaient
liés à leur entreprise par un contrat. Cependant, nous avons veillé à ce qu’à l’intérieur d’un
secteur donné, les vendeurs retenus soient suffisamment représentatifs ; cette représentativité
tient compte de deux critères identifiés lors de nos entretiens préliminaires : la politique
d’intégration et l’organisation de l’entreprise. Le premier distingue les entreprises qui conduisent
une politique progressive d’intégration du vendeur (du statut d’indépendant à celui de salarié), de
celles qui proposent strictement des emplois d’indépendant. Le deuxième critère concerne
l’appartenance de l’entreprise à un groupe ou non ; ce critère a permis de relever des disparités
dans le processus de recrutement. Ainsi, on sait par exemple que dans un groupe les recrutements
des vendeurs sont centralisés au niveau de la « holding », et que les informations relatives à
l’entreprise d’accueil et à la nature de l’emploi ne sont connues qu’après la sélection. Par
ailleurs, nous avons souhaité diversifié nos sources d’informations, en procédant à des entretiens
auprès des personnes différentes au sein de la force de vente. Cette pratique plus connue sous le
vocable « triangulation des sources » a pour objectif d’assurer la validité des résultats obtenus.
Ainsi, nous avons interrogé les vendeurs indépendants qui sont les premiers concernés dans le
processus de socialisation ; ensuite nous nous sommes entretenus avec les responsables
commerciaux qui représentent l’entreprise ; enfin nous avons obtenus l’avis des vendeurs
« chevronnés » qui prennent une part active dans la socialisation des nouveaux vendeurs.
234
2.2. Présentation de l’échantillon retenu
L’échantillon retenu compte quarante (40) individus repartis entre les nouveaux vendeurs
(20), les vendeurs séniors (12), et les responsables commerciaux (08). Nous avons pu interrogés
trente deux (32) individus, dont vingt (20) nouveaux vendeurs, huit (8) vendeurs séniors, et cinq
(5) responsables commerciaux, Soit un retour de 80%. Les interviews ratées sont dus
essentiellement à des rendez-vous manqués. Il est très difficile d’obtenir des rendez-vous
pendant les heures de travail, compte tenu de l’intense activité des différents acteurs. Les trois
rendez-vous manqués avec les responsables commerciaux sont dus au refus par ces derniers de
nous recevoir, après avoir donné leur accord de principe. Concernant les quatre (4) vendeurs
séniors, nous les avons rencontrés effectivement, mais ces rencontres étaient réalisées en
présence du responsable commercial. Nous avons supprimé ces entretiens, parce que nous avions
le sentiment qu’ils étaient biaisés par la présence de ce responsable hiérarchique.
Les vendeurs interrogés sont identifiés dans la classe des nouvelles recrues. Dans notre
recherche, sont considérés comme nouvelles recrues les vendeurs ayant une ancienneté inférieure
ou égale à un(1) an.
Tableau 21. Liste des nouveaux vendeurs interviewés
Personnes interrogées
Position et/ou ancienneté dans l’entreprise
Secteur d’activité Age sexe
Lionel 9 mois Edition 30 ans M Mathilde 7 mois Papeterie/Bureautique 31 F Gaëlle 5 mois Papeterie/Bureautique 38 F Achille 8 mois Papeterie/Bureautique 38 Prisca 2 mois Papeterie/Bureautique 37 F Kenneth 1 an Papeterie/Bureautique 26 M Frann 8 mois Concession automobile 30 M Naomi 7 mois Assurance 25 F Rodrigue 8 mois Concession automobile 27 M Aymard 3 mois Concession automobile 31 M Landry 11 mois Concession automobile 34 M Nancy 9 mois Assurance 27 F Nina 9 mois Assurance 29 F Jean Baptiste 9 mois Assurance 30 F Alex 8 mois Concession automobile 32 M Ruben 9 mois Assurance 29 M Ernest 9 mois Assurance 29 M Patrick 10 mois Concession automobile 37 M Boris 6 mois Concession automobile 31 M
Les vendeurs séniors sont des vendeurs expérimentés à qui l’on confie des missions
d’encadrement des nouvelles recrues.
235
Tableau 22. Liste des vendeurs séniors interviewés
Personnes interrogées
Position et/ou ancienneté
dans l’entreprise
Secteur d’activité Age sexe
Claude Chef d’équipe/ 15 ans Edition 39 M Prisca Chef d’équipe/8 ans assurance 30 F Magloire Chef d’équipe/9 ans assurance 39 M Nadine 5 ans assurance 32 F Yves 3 ans Concession automobile 43 M Jean Baptiste 19 ans Concession automobile M Carlos 9 ans Concession automobile 37 M Chardin 8 ans Concession automobile M
Les responsables commerciaux sont les managers directs des forces de vente, c'est-à-dire les
personnes qui gèrent au quotidien l’activité des vendeurs.
Tableau 23. Liste des responsables commerciaux interviewés
Personnes interrogées
Position dans l’entreprise
Secteur d’activité Age sexe
Christian Responsable commercial assurance 35 M Serge Responsable commercial Concession automobile 40 M Rufin Chef d’agence assurance 44 M Mathilde Chef des ventes Papeterie/Bureautique 38 F Christiane Responsable commercial Concession automobile 37 F
Le secteur automobile représente un marché de 160 milliards de francs CFA52 en 2010. Le
Gabon est le deuxième marché de la zone francophone après le Sénégal, mais le premier si l’on
tient compte du ratio population/ventes. Ce secteur emploi près d’une centaine de vendeurs
repartis dans sept concessionnaires automobile. Dans ce secteur, nous avons travaillé avec des
vendeurs de quatre entreprises différentes qui représentent une part de marché de 51, 1% de la
vente d’automobile en 2011. Le travail des vendeurs est organisé au sein d’une équipe, et les
vendeurs sont repartis indistinctement sur le territoire de vente, sans soit nécessaire de procéder à
un découpage des secteurs de vente. Les vendeurs peuvent à la fois vendre aux particuliers
comme aux entreprises.
Ensuite, le secteur de l’assurance vie a retenu notre attention a cause de son dynamisme. Il est
le principal pourvoyeur des emplois de vendeurs indépendants, compte tenu du type de produits
qui est vendu et la nature de l’activité commercial basée principalement sur le conseil. La
constitution d’un réseau commercial est dans ce secteur une obligation dont l’exécution et le
52 La monnaie locale
236
suivie sont assurés par une autorité de surveillance, en l’occurrence la CIMA53. Ainsi, lorsqu’un
recrutement de vendeurs a lieu dans une entreprise d’assurance, ce recrutement n’est effectif
qu’après une formation sur les assurances validée par l’autorité de surveillance. Par ailleurs, les
compagnies d’assurance proposent une organisation très hiérarchisée de leur force de vente.
Dans la hiérarchie commerciale, le responsable de vente est secondé dans ses taches par des
inspecteurs réseaux qui assurent à leur tour la supervision des équipes de vente.
Le secteur de l’édition fait office de pionniers dans la vente directe au consommateur ; les
premières entreprises disposant d’une force de vente organisée proviennent probablement de ce
secteur d’activité. C’est en effet dans les années 1980 qu’apparait une nouvelle espèce de
vendeur au style un peu particulier, qui rencontrent les prospects dans leur lieu de travail ou dans
leur domicile. Depuis cette époque, le secteur n’a pas vraiment évolué ; il compte deux
entreprises installées à Libreville, qui subissent la forte concurrence occasionnée par l’utilisation
massive des nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’organisation du
travail des vendeurs est similaire à celle des forces de vente du secteur automobile; les vendeurs
exploitent principalement une clientèle de particulier, ils couvrent l’ensemble du pays, en
réalisant des tournées à l’intérieur du pays.
Enfin, le secteur de la papeterie/bureautique regroupe un ensemble de petites et moyennes
entreprises qui proposent principalement aux entreprises, de nombreux produits (articles de
bureaux, copieurs, imprimantes, ordinateurs, etc.) et des services. Nous avons travaillé dans une
entreprise familiale qui s’est forgée au fil des années une forte culture commerciale. L’entreprise
regroupe au sein d’une force de vente des vendeurs salariés et indépendants. Elle assure un
traitement identique aux deux types de vendeur, sans qu’il y ait possibilité d’une évolution du
statut d’indépendant vers le salariat. Chaque vendeur gère un secteur de vente bien défini ; de
même que les clients importants sont confiés à des vendeurs particuliers, afin d’en assurer un
suivi particulier à cette clientèle.
3. La cartographie cognitive comme outil de compréhension des représentations
des trois catégories d’acteurs
La socialisation organisationnelle est un concept qui renvoie à plusieurs acceptions, si l’on
tient compte des nombreuses définitions qui la caractérise (Feldman, 1976 ; Van Maanen et
Schein, 1979 ; Louis, 1980 ; Perrot, 2008). Aussi, pour saisir le phénomène, nous avons choisi
d’étudier les représentations des trois catégories d’individus les plus importants, de notre point
53 Conférence
237
de vue, au processus de socialisation des vendeurs indépendants à travers la méthode des cartes
cognitives. Le choix de cet outil doit nous permettre de mettre en évidence et de « donner un
sens aux données verbales ou écrites de façon plus pertinente que l’aurait fait l’analyse de
contenu »54. Elle permet donc, non seulement de dénombrer les concepts contenus dans un
discours, mais en plus de structurer les relations entre ces concepts.
Le terme carte cognitive est utilisé pour la première fois par Tolman (1948) dans ses
recherches sur la psychologie animale. L’auteur soutient que des « rats en situation
d’apprentissage dans un labyrinthe, construisent une représentation mentale (carte cognitive) de
celui-ci ; et que cette carte cognitive détermine le comportement de l’animal ». Depuis, le
concept a évolué et constitue un objet de recherche très sollicité dans plusieurs champs
disciplinaires tels que, la science politique (Axelrod, 1976) et les sciences de gestion (Huff,
1990 ; Eden et al, 1983 ; Cossette, 1989). Dans le cadre de cette recherche, nous entendons
utiliser la carte cognitive comme un outil d’analyse.
3.1. Présentation de l’outil
La cartographie cognitive est un outil d’investigation qui permet de capturer, de représenter,
et d’analyser les représentations d’un individu à un moment donné55. Selon Parades (2009), elle
revêt des utilisations et des démarches très variées. D’abord, les cartes cognitives sont utilisées
pour la première fois par Axerold (1976) qui étudie dans le domaine des sciences politiques, la
compréhension d’un individu à propos d’un domaine particulier, ou d’un problème. L’auteur
propose « un mécanisme d’inférence qui aide à évaluer différentes alternatives, à découvrir des
effets non prévus, et à concevoir des scénarios permettant de résoudre le problème »56. Ensuite,
la cartographie cognitive est utilisée dans les organisations pour aider les gestionnaires à
résoudre les problèmes. Allard Poesi et al (1996) distinguent deux utilisations possibles de la
cartographie cognitive. La première appréhende la cartographie cognitive comme un outil
d’intervention dans les organisations. Dans ce contexte, elle peut servir d’outil d’aide à la
décision, par la mise en évidence des points d’accords et de désaccords en vue de valoriser les
points communs. Elle peut aussi servir à diriger le changement stratégique, en considérant
l’organisation comme un système de boucles d’influence positive, c'est-à-dire comme une
dynamique de changement partagée par l’ensemble des membres de l’organisation. La seconde
appréhende les cartes cognitives comme un outil qui permet d’expliquer et de prédire les
comportements individuels ou les phénomènes organisationnels. Sur le plan individuel, elle
54 Chabin (2001) 55 Fletcher et Huff (1990) 56 Chauvin (2011)
238
utilise les caractéristiques de contenu et de structure pour expliquer les comportements et les
attitudes des individus dans les organisations. Sur le plan organisationnel, les cartes
organisationnelles57 sont utilisées pour expliquer les réponses de l’entreprise face au changement
de son environnement.
Pour Parades (2009), trois raisons soutiennent la pertinence de cette approche
méthodologique: « la première réside dans le fait que la cartographie cognitive appréhende
l’individu dans son environnement, en évaluant leur relation en termes de moyens et de fins.
Deuxièmement, les cartes cognitives permettent en évidence le sens et la présence d’éléments
cognitifs, et d’analyser surtout les relations entre ces éléments cognitifs. Enfin, le résultat des
analyses, la carte cognitive, s’avère être un outil de communication compact et puissant pour les
chercheurs et les consultants ».
Dans ce contexte, la cartographie cognitive peut nous permettre de viser trois objectifs
empiriques essentiels à notre démonstration :
§ Comprendre les processus apprentissage et d’adaptation à l’œuvre dans les organisations,
et les comportements individuels ou collectifs ;
§ Comprendre l’adéquation (ou pas) des stratégies formulées par les organisations face aux
évolutions de l’environnement ;
§ Prédire les comportements et attitudes des acteurs.
Ces objectifs reposent sur le fait que dans une organisation l’apprentissage dépend
essentiellement des connaissances accumulées par ses membres ; les entreprise définissent des
stratégies qui peuvent être inadaptées à leur environnement ; et la relative stabilité des schèmes,
une fois constituées, et donc leur capacité à prédire les comportements des acteurs (Komokar,
1994 ; Cosette, 2004).
57 Cartes assemblées des différents services de l’organisation.
239
Figure 17. Le processus d’élaboration d'une carte cognitive
PHASE PREPARATOIRE
(3) : session 2 : récolte des données par méthodes structurées ou non structurées selon l’objectif de la recherche
CONSTRUCTION DES CARTES
(6) : analyse des cartes (6’) : output : cartes visuelles
(1) : planification du projet, préparation du terrain, émergence de thèmes issus de la littérature
(2) : session 1 : entretiens peu structurés pour affiner la problématique et pour saisir le vocabulaire des sujets
(4) : retranscription brute des données, analyse préliminaire
(5) : standardisation des données : découpage du texte en assertions, conversion en un vocabulaire standard
Source : Chaney, 2010 (adapté de Laukkanen, 1994).
§ L’utilisation du logiciel Decision Explorer
Pour exploiter les données issues de nos entretiens, nous avons utilisé le logiciel Decision
Explorer comme support à l’analyse des données. Cet outil a été développé par Eden et al (1992)
« pour aider à voir les relations entre différentes idées et perspectives pouvant être exprimées sur
un thème ». Dans leur démarche de création, Eden et ses collègues sont influencés par le
construit théorique personnel de Kelly (1955), et ils ont adoptés certains éléments de cette
théorie. Parmi ces éléments nous avons l’individualité, la sociabilité, et le sentiment de solidarité
qui sont perçus comme les clés du travail avec les individus et les équipes dans les organisations.
Autrement dit, ils considèrent que les gens vivent des expériences différentes et par conséquent,
ils interprètent les évènements dans des voies différentes.
D’après le tutoriel élaboré par Banxia software (1999), Decision Explorer offre une base pour
le débat et la réflexion. Il peut être utilisé pour cartographier les pensées d’un individu,
rassemblées lors d’entretiens ou des idées générées lors d’une discussion de groupe. Le travail
avec les idées consiste à voir comment elles s’accordent entre elles et s’influencent l’une l’autre,
et ainsi parvenir à générer de nouvelles idées. L’unité d’entrée des donnés est un concept, c'est-à-
dire une expression courte qui condense l’essentiel d’une idée, et forme une partie d’une chaine
240
d’arguments. Les concepts sont liés de manière à exprimer la logique d’un argument ou d’un
raisonnement. Au moment de la saisie chaque concept se voit attribuer un numéro unique de
référence par le logiciel.
L’utilisation de Decision Explorer dans les recherches sur la carte cognitive est très répandue.
Ceci s’explique par les nombreuses possibilités fonctionnelles qu’il offre. Selon Cossette (2008),
le logiciel permet d’étudier de façon approfondie le réseau sémantique constitué des concepts et
liens. Ainsi, l’apport du logiciel est particulièrement apprécié dans la quantification de certains
indicateurs (variables, groupes, liens, boucles, densité, l’intensité relationnelle) ; il permet aussi
de calculer un score de centralité pour chaque concept (1 point pour chaque lien direct, 0.5 points
pour les liens de deuxième niveau…). De même que dans le cadre de l’analyse du contenu des
cartes, le logiciel facilite certains traitements quantitatifs, tels que l’analyse en composante
principale, les mesures de distance ou les mesure de similarité.
3.2. La construction des cartes cognitives
Les méthodes d’établissement des cartes cognitives sont nombreuses (Cf. tableau), le choix de
ces méthodes dépend en grande partie de la position épistémologique du chercheur (Cossette,
2008). Autrement dit, si la recherche se situe dans une démarche objective de construction de la
connaissance, le chercheur aura tendance à déterminer à priori les concepts (ou variables) devant
composer la carte graphique. Il lui suffira par la suite, de demander au répondant d’établir les
liens entre les différents concepts ; cette opération peut être réalisée par divers moyens de recueil
de données, comme le questionnaire d’enquête ou des entretiens directifs. Si par contre, le
chercheur adopte une approche subjectiviste, « les concepts d’une carte cognitive devraient
provenir des sujets eux-mêmes plutôt que d’avoir été déterminés à priori par le chercheur ».
Dans cette perspective, le chercheur peut utiliser des questions ouvertes du type « qu’est ce qui
explique ce concept » ou « quelles en sont les conséquences », pour obtenir du répondant des
réponses qui établissent des liens entre les concepts.
3.2.1. Le choix d’une méthode de construction des cartes cognitives
Selon la position épistémologique, le chercheur détermine la méthode de collecte des
données. La littérature distingue deux grandes méthodes de collecte de données : les méthodes à
priori et les méthodes à postériori. Dans les méthodes à priori, la collecte des données est plutôt
structurée en ce sens que c’est le chercheur qui propose les concepts qui vont figurer dans la
carte cognitive. Il collecte les liens d’influence direct auprès des répondants en leur demandant
de considérer chaque paire de variable (A a-t-il une influence sur B, si oui, s’agit-il d’une
241
influence positive ou négative). Selon Allard-Poesi (1996), cette méthode permet une analyse
comparative des cartes individuelles, dans la perspective de construire une carte assemblée.
Mais, sa mise en œuvre comporte des limites, notamment le risque de déposséder le sujet des
éléments clés de sa représentation et de l’enfermer dans un univers qui n’est pas le sien. Dans les
méthodes à postériori, la collecte des données se fait par des méthodes moins structurées ou par
des entretiens en profondeur. Les concepts et les liens qui vont composer la carte viennent du
sujet, et reflètent la réalité telle qu’elle est perçue par ce dernier. Cette méthode permet un
meilleur accès au système référentiel de l’interviewé, cependant il est à craindre une forte
mobilisation des stéréotypes.
Tableau 24. Les différentes méthodes de collecte des données (adapté de Allard-Poesi et al, 2000, p. 452)
Méthodes dites « structurées » Méthodes dites « non structurées » Objectifs - Générer directement la représentation
d’un sujet concernant le thème. Il ne repose pas sur des données naturelles de discours
- Générer des données naturelles
Principes - Représentation du sujet à partir de cadre que le chercheur a défini préalablement
- Dissocier les phrases de collecte, les phrases de codage, et l’analyse de données
Etapes - Sélection d’un ensemble de catégorie, concepts, construits ou variables - Demander à l’intervenant les liens entre ces catégories
- Entretien libre ou semi structuré pour collecter la représentation sur le thème - Enregistrement et retranscription intégrale codage des données
Avantages - Générer des données fiables, stables et replicables, utilisables à grande échelle - Générer des représentations émanant d’un même ensemble de concepts initiaux - Générer des représentations comparables et pouvant être agrégées.
- Validité des données produites - Reflet plus fidèle de ce que pense l’intervenant - Générer des données riches
Inconvénients - Eléments de représentation n’émanent pas du sujet : risque de déposséder une partie de la représentation de rajouter des éléments supplémentaires. - Manque de validité, donnée acquise limitée
- Limites la fiabilité des données produites - Travail important en aval de la collecte de données du chercheur - Travail non envisageable à grande échelle - Utilisation uniquement pour étudier en profondeur les représentations de quelques sujets
Source: Rakotomena (2008)
242
3.2.2. Construction des cartes collectives
Enfin, l’élaboration d’une carte cognitive est différente selon que la représentation est
individuelle ou collective. Si dans une majorité des cas, les cartes cognitives ont été utilisées
pour la construction des représentations d’un individu, leur extension vers les groupes
d’individus et l’organisation nécessite une approche différente. La littérature distingue deux
grandes méthodes de construction de cartes cognitives collectives (Allard Poesi, 1996) : les
méthodes d’agrégation et les méthodes globales.
Les méthodes d’agrégation permettent de « construire une carte collective à partir des cartes
individuelles des membres d’une organisation. Il existe dans la littérature plusieurs principes
d’agrégation » (Cf. tableau 22).
Tableau 25. Méthodes d’établissement des cartes collectives (méthodes d'agrégation)
Méthodes Principes Références
Méthodes d’agrégation
Carte moyenne Détermination statistique des concepts et liens de la carte à partir des cartes individuelles
Bougon et al. (1977) Ford et Hegarty (1984)
Carte pondérée Les liens et concepts compris dans la carte sont pondérés de l'influence perçue par les autres membres du groupe
Walsh et al. (1988; 1986)
Carte sociocognitive Corrélation entre la convergence cognitive et la connectivité sociale des membres individuels
Dunn et Ginsberg, 1986
Cartes d'assemblage
Assemblage des cartes individuelles ou de différents services sur la base des variables qu'ils ont en commun (union des cartes)
Hall (1984) Weick et Bougon (1986
Carte d'éléments d'union
Assemblage des cartes individuelles sur la base de leurs éléments communs compris au moins dans une boucle
Bougon (1992; 1994)
243
Les méthodes globales permettent de « construire les cartes collectives à partir de sources de
données que l’on considère comme émanant de l’organisation ». Compte tenu de l’approche
subjectiviste adoptée dans le cadre de cette recherché, nous avons opté pour une carte
« assemblée » qui permet de faire figurer les idées de tous les répondants sur la carte collective
(Cossette, 2008). Selon l’auteur, il s’agit de former un assemblage des préoccupations
individuelles, et de faire émerger une dimension collective représentative des idées de chaque
acteur. Cette méthode consiste : (1) Etablissement des cartes individuelles et de sous-groupe ;
(2) Repérage des variables communes ; et assemblage des cartes sur la base des éléments
communs.
Tableau 26. Méthodes d'établissement des cartes collectives (méthodes globales)
Méthodes Principes Références Méthodes globales Méthodes documentaires
Codage et établissement de cartes à partir de documents (plans rapports annuels, compte-rendu de réunions)
Huff (1990); Tucker Wrighston (in Axelrod, 1976)
Carte composite négociée
Carte établie après discussion des membres d'un groupe de l'union de leurs cartes individuelles
C. Eden et al. (1983), Langfield-Smith (1992)
Diagramme d'influence
Représentation du chercheur des interconnexions entre facteurs organisationnels dans un domaine stratégique.
Diffenbach (1982) Ross et hall (1980) ramaprasad et Poon (1985) Hall (1978)
3.3. La collecte de données
3.3.1. Les méthodes de collecte de données
La collecte de données qualitatives peut se faire de plusieurs manières. On distingue
généralement en fonction des objectifs poursuivis trois types de méthodes d’investigation
(Thiétart et al, 2014) : l’entretien individuel, l’entretien de groupe et l’observation. L’entretien
individuel est utilisé lorsqu’il s’agit de mettre en évidence les motivations conscientes ou
inconscientes du sujet. Ce type d’entretien est également adapté lorsque l’étude porte sur le
recensement des pratiques individuelles, notamment en ce qui concerne l’étude des processus ou
des mécanismes de prise de décision. L’entretien de groupe est plus adapté aux études
244
nécessitant une interaction entre les répondants. C’est le cas, lorsque la recherche d’informations
nécessite de reproduire un contexte social favorable aux échanges de points de points de vue,
lorsqu’on veut avoir le point de vue d’une cible de personnes ou encore lorsqu’il s’agit de
stimuler la créativité des répondants. L’observation consiste à relever, pendant une période
donnée, les comportements inconscients, mécaniques et même insoupçonnés qu’un entretien
ordinaire ne parvient pas à faire ressortir. « L’observation constitue un mode de recueil alternatif
de l’entretien dans le sens où le chercheur peut analyser des données factuelles dont les
occurrences sont certaines, plutôt que des données verbales dont l’inférence factuelle est sujette
à caution ». Il existe deux types d’observations. L’observation directe permet de recueillir
l’information sans que, le sujet et l’enquêteur n’interfèrent dans le processus de collecte, alors
qu’une observation indirecte nécessite que l’enquêteur se souvienne de ses actions, ou que le
sujet rende compte de son processus de décision. Dans la perspective de l’établissement des
cartes cognitives collectives, et en suivant les recommandations de cossette (2008) concernant
les méthodes de cartographie cognitive dans une approche subjective, nous avons privilégié les
entretiens en profondeur pour recueillir les données.
245
Tableau 27. Les différentes techniques de collecte de données dans la littérature
Techniques de collecte Précision (=) ; Avantages (+) ; Inconvénient (-)
Observation participante
(=)Déterminez des variables jugées importantes par l’ensemble d’un groupe (+) Permet de rester très proche du vécu des individus concernés (-) Forte influence du chercheur dans le choix des concepts (-) Tendance des sujets à adopter un comportement artificiel dans une situation d’observation participante Bougon et al. (1997)
Questionnaire (Matrice)
(-) Utilisée pour identifier des liens entre concepts déjà fixés. Souvent à partir d’une matrice (+) Facilité d’utilisation (-) Répondants sont prisonniers du modèle choisi par le chercheur (-) Monotonie quant on remplit la matrice, ce qui implique un nombre restreint de variables Bougon et al. (1997) ; Ford et Hegarty (1984) ; Komokar (1994) ; Swan et Newell (1998)
Entrevue en profondeur
(-) A partir de questions ouvertes : permet de montrer à partir de quel concept le sujet structure sa réalité et entre lesquels il établit un lien d’explication prêtant à conséquence. (+) Donne le meilleur accès au système référentiel (concepts à partir desquels ils organisent leur expérience et aux liens qu’ile établissent entre certains d’entre eux). (+) Permet de prendre en considération l’information non verbale (permet d’évaluer la sincérité du sujet (Weick et Bougon, 1986) et comprendre la signification de ce qu’ils communiquent (Eden et Ackermann, 1998a). (-) Le chercheur se retrouve vite enseveli par une masse de données de tous ordres. Les concepts deviennent difficiles à distinguer (niveaux d’abstraction différents, parfois utilisés de façon synonyme sans que ce soit très clair, font partie d’un discours décousu et désorganisé, éloignement de l’objet de la carte cognitive). (-) Le sujet peut s’abstenir de verbaliser ce qui lui semble important mais évident. (-) Le repérage des liens peut s’avérer complexe du fait de la grande diversité du type de liens. (-) Le chercheur peut suggérer plus ou moins volontairement au sujet de certains concepts et liens appartenant à son propre univers subjectif plutôt qu’a celui du sujet. (-) La conduite d’entrevues en profondeur requière beaucoup de temps et de déplacement, demande une grande disponibilité de la part des participants, une grande capacité d’écoute et une acceptation inconditionnelle des idées véhiculées. Eden et Ackermann (1998a) ; Eden et al. (1983) ; Calori et al. (1992 ; 1994) ; Cossette (1989 ; 1994b) ; Cossette et Audet (1992).
Grille d’exploration systématique (développée par Cossette)
(-) Le sujet est invité à identifier les facteurs, qui selon lui ont un impact important sur « l’objet d’étudié », chaque facteur étant inscrit au centre de la grille. Il doit ensuite déterminer, pour chacun de ces facteurs stratégiques, ses explications et conséquences et faire de même avec les nouveaux facteurs nommés. (+) Cette procédure a l’avantage d’être systématique et donc d’éviter les digressions inutiles, tout en étant non directive (aucun concept ni lien ne sont suggérés). (-) Elle exige, cependant, une très bonne habileté interpersonnelle, le sujet doit en effet se sentir en confiance pour partir de façon aussi systématique à la découverte de ses propres idées, ce qui peut être menaçant ou du moins créer une certaine anxiété, moins susceptible de se développer avec les autres approches. Cossette (2001) ; Verstraete (1997)
Grille-répertoire
(-) Technique dérivée de la théorie des construits de Kelly (1955). Au départ le chercheur doit obtenir une liste d’éléments pertinents à sa recherche (provenant du répondant lui-même ou d’autres sources). Il sont ensuite présentés à chaque répondant généralement par groupe de trois choisis au hasard de façon séquentielle (1, 2, 3 ; 2, 3, 4 ; …). Le répondant doit alors préciser en quoi deux d’entre elles sont semblables et en quoi le troisième est différent. Finalement, le sujet est invité à évaluer chaque autre élément de sa recherche sur chacune des dimensions identifiées, à partir d’une échelle de Likert. (-) Pas facile à manœuvrer (+) Elle est proche du vécu de chacun (-) Problèmes de comparaison des différents individus à partir des mêmes dimensions présumés uniques. (+) Limite l’influence du chercheur et de son propre système référentiel. Reger (1990a).
Visual Card Sort (Daniels et al. 1995)
(=) S’apparente à la grille-répertoire. L’objectif est de faire émerger les construits employés par le sujet en lien avec une situation particulière. Dans l’étude de Daniels et, portant sur la représentation du modèle mental qu’un gestionnaire a de ses concurrents, on demande d’abord au répondant de nommer les entreprises concurrentes à la sienne sur des cartons séparés. Ensuite, il classe ses cartons de façon à ce que les entreprises les plus fortement concurrentielles soient proches les unes des autres, et de justifier leur dispositions, ce qui permet d’identifier les construits auxquels il fait appel. On lui demande ensuite de repositionner les cartons aussi souvent qu’il souhaite.
Source : Pijoan (2007)
246
3.3.2. La collecte des données par un guide d’entretien
Pour être sur de recueillir toute l’information nécessaire à la bonne compréhension de la
socialisation des vendeurs indépendants, nous avons réalisé plusieurs entretiens auprès des
sources différentes. Ces entretiens constituent un moyen privilégié pour « accéder aux faits, aux
représentations et aux interprétations sur les situations connues par les acteurs » (Wacheux,
1996, p.203).
Dans un premier temps, nous avons mené une série d’entretiens préliminaires sur des thèmes
jugés pertinents pour appréhender le phénomène de la socialisation organisationnelle au sein des
forces de vente indépendantes. La socialisation n’est pas toujours réalisée de façon consciente
dans l’entreprise (Lacaze, 2010). Cependant, il est possible de saisir le phénomène à travers un
certain nombre de pratiques GRH, telles que le recrutement, l’intégration, et la formation. Pour
réaliser cette enquête préliminaire, nous avons élaborés deux guides d’entretien en nous
appuyant sur la littérature. Le premier est destiné aux responsables commerciaux et chefs de
vente disposant d’une force de vente indépendante. Il s’articule autour d’une question qui est
formulée de la façon suivante : « pouvez-vous nous parler des pratiques de GRH que vous
mobilisez lorsque vous embauchez des vendeurs indépendants ». Le second guide est destiné aux
vendeurs indépendants anciens et nouveaux confondus, et cherche à connaitre la perception des
vendeurs sur les pratiques de GRH mis en œuvre par l’entreprise. Il débute par une question qui
se présente comme suite : « pouvez-vous nous parler des pratiques de GRH que l’entreprise a
mis en œuvre lorsqu’elle vous a embauché ». Au total huit entretiens ont été réalisés, dont sept
entretiens individuels et un entretien de groupe ; notons également que ces entretiens avaient un
caractère formel pour certains, et informel pour les autres.
La deuxième série d’entretiens avait pour objectif de recueillir les perceptions des acteurs sur
les facteurs tant individuels qu’organisationnels susceptibles d’influencer le départ ou le
maintien des vendeurs dans l’organisation. Pour cela, nous avons procédé à des entretiens semi
directifs centrés (Romelaer, 2005) ou semi structurés selon l’expression de cossette (1994).
Autrement dit, nous avons adopté « un mode d’entretien dans lequel le chercheur amène le
répondant à communiquer des informations nombreuses, détaillées et de qualité sur les sujets
liés à la recherche, en influençant très peu, et donc avec des garanties d’absence de biais qui
vont dans le sens d’une bonne scientificité ». Cette méthode permet de recueillir des données
inspirées directement des acteurs, tout en les invitant à approfondir leurs propos. A l’inverse de
l’entretien directif qui suggère des réponses aux personnes interrogées et de l’entretien libre plus
ouvert, l’entretien semi directif parait plus flexible et plus adapté pour aborder les problèmes
247
complexes. Les entretiens ont été réalisés à l’aide d’un guide d’entretien préparé pour chaque
type de répondant (nouveau vendeur, responsable commercial et ancien vendeur).
En ce qui concerne les nouveaux vendeurs, nous avons demandé au répondant de relater de
façon rétroactive son entrée dans l’organisation, et de décrire les différents évènements qui ont
jalonnés son parcours professionnel jusqu’à maintenant. Cet entretien est marqué par deux
séquences importantes. La première cherche à comprendre le déroulement de la socialisation du
vendeur, en mettant en évidence les facteurs individuels et contextuels qui la caractérise. La
seconde se propose d’établir les relations d’influence entre les facteurs identifiés par le répondant
et sa propension à partir ou à rester dans l’entreprise. De plus, le guide d’entretien est élaboré de
telle sorte que le processus et le contenu de la socialisation organisationnelle soient clairement
mis en évidence. Enfin, le guide d’entretien destiné aux vendeurs indépendants est structuré de la
suivante :
La question de départ : « Pouvez-vous nous parler de votre arrivée et de vos début dans
l’entreprise et dans l’équipe de vente ? »
Cette question est précisée par des questions portant sur les thèmes suivants :
· Les moyens de recrutement (annonce presse, cabinet conseil, etc.) ;
· Les informations reçues sur l’emploi et l’entreprise ;
· La motivation à accepter cet emploi ;
· L’organisation de l’apprentissage du vendeur ;
· Le contenu des apprentissages reçus ;
· La proactivité des vendeurs ;
· La qualité58 des échanges avec le superviseur et les anciens vendeurs ;
· Le temps mis pour être opérationnel ;
· Les raisons à l’origine des départs des nouveaux vendeurs ;
· Les raisons qui motivent de continuer comme vendeur indépendant.
Les entretiens réalisés auprès des responsables commerciaux et des anciens vendeurs
permettent d’évaluer les efforts accomplis par l’entreprise, à travers ses membres, dans la
socialisation des nouveaux vendeurs. Comme nous l’avons souligné dans notre approche
conceptuelle, la socialisation des vendeurs indépendants est envisagée essentiellement dans une
perspective interactionniste. Cette approche permet de collecter des informations sur les
occasions suscités ou mises à profit par les personnes déjà en place pour interagir avec les
58 Fréquence et contenu des échanges.
248
nouveaux vendeurs, et vérifier leur impact sur les intentions de départ, les départs effectifs ou le
maintien de ces derniers dans l’équipe.
En ce qui concerne les responsables commerciaux, il est de tradition que ceux-ci participent
au processus de recrutement, ou qu’ils soient les principaux animateurs des campagnes de
recrutement des nouveaux vendeurs. Leurs actions débutent donc dès le recrutement, et même
bien avant et se poursuit tout le long du processus d’intégration, dans le cadre de la gestion
courante des activités des vendeurs. Compte tenu du rôle prépondérant des responsables
commerciaux dans le processus d’intégration, nous avons demandé aux répondants de nous
raconter le déroulement du processus d’intégration d’un vendeur indépendant. Autrement dit,
nous souhaitions qu’il décrive tous les actes qu’ils sont amenés à poser lorsqu’ils procèdent au
recrutement, la façon dont ils organisent la formation des nouveaux vendeurs et les échanges qui
sont établis avec ces derniers. Nous avons aussi requis des responsables commerciaux qu’ils
s’expriment sur les différentes raisons à l’origine des départs ou du maintien de cette catégorie
de vendeurs dans l’entreprise, compte tenu de leur expérience.
Le guide d’entretien élaboré à cet effet présente comme le précédent deux séquences, la
première destinée à la compréhension du processus de socialisation à travers les perceptions des
responsables commerciaux ; la seconde servant à énumérer les causes des départs et du maintien
des vendeurs. Le guide d’entretien destiné aux responsables commerciaux se présente de la
suivante :
La question de départ : « Pouvez-vous nous parler du déroulement de l’embauche d’un vendeur
indépendant jusqu'à son intégration dans l’équipe de vente ? »
Cette question est précisée par des questions portant sur les thèmes suivants :
· Les sources et canaux de recrutement ;
· Les informations échangées avec les postulants ;
· Les critères de sélection ;
· L’accueil du nouveau vendeur ;
· L’organisation de la formation ;
· Les domaines d’apprentissage ;
· La qualité des échanges avec les vendeurs ;
· Les critères de rétention des meilleurs vendeurs ;
· Le délai d’apprentissage (durée de l’essai) ;
· Les causes des départs prématurés ;
249
· Les motivations des vendeurs à rester.
Les entretiens réalisés auprès des anciens vendeurs permettent d’avoir une vue complète sur
les initiatives prises par l’entreprise pour socialiser les nouvelles recrues. Les anciens vendeurs
sont souvent appelés à encadrer et à partager leur expérience avec les nouveaux ; ils constituent
donc un vivier d’informations intéressant pour nos investigations. Le guide d’entretien que nous
avons construit pour collecter ces données est structuré comme suit :
La question de départ : « Pouvez-vous nous parler de votre expérience dans l’encadrement d’un
nouveau vendeur ? »
Cette question est précisée par des questions portant sur les thèmes suivants :
· L’organisation de l’apprentissage ;
· Les acquis de l’apprentissage ;
· La proactivité des vendeurs ;
· Le rôle d’encadreur de l’ancien vendeur ;
· Le suivi de l’action par la hiérarchie ;
· La qualité des échanges avec le nouveau vendeur ;
· Le temps mis pour apprêter un nouveau vendeur ;
· Les causes des départs prématurés ;
· Les motivations des vendeurs à rester.
Nous pouvons conclure cette présentation en précisant que notre première préoccupation était
de comprendre le déroulement du processus de socialisation, et d’apprécier son contenu au sein
des forces de vente indépendantes. Pour cela les entretiens semi directifs constituent un
formidable moyen d’investigation, car ils permettent de sonder le répondant en profondeur, tout
en orientant légèrement la discussion. Ces entretiens nous fournissent également des explications
précieuses sur les causes multiples qui sont à l’origine des départs, mais aussi sur les raisons qui
motivent certains vendeurs indépendants à demeurer dans ce statut. Par ailleurs, comme l’ont
souligné plusieurs auteurs, le fait de croiser plusieurs sources de recueil de données conforte la
validité des résultats obtenus (Wacheux, 1996 ; Dumez, 2013).
250
3.4. Traitement des données collectées pour la construction des cartes
3.4.1. Le passage de la collecte des données à l’établissement des cartes cognitives
La méthode des cartes cognitives propose un ensemble de techniques visant à présenter, sous
la forme d’un graphique ou d’une matrice, les représentations d’un individu ou d’un groupe
d’individus sur un problème particulier. Une carte cognitive permet de représenter des systèmes
complexes contenant un grand nombre de facteurs qui interagissent. Pour Cossette (1994), « une
carte cognitive est une figure tracée par un chercheur pour représenter les affirmations d’un sujet.
Elle se compose de deux éléments : les concepts, le plus souvent des variables, et des liens,
généralement dits d’influence ou de causalité, unissant certains d’entre eux ». Par ailleurs, le
terme sentiers d’influence désignent « les chemins reliant un concept à un autre en passant par
l’intermédiaire d’un ou de plusieurs autres concepts ». Lorsque l’effet d’une variable sur une
autre est positif, on parle de sentier positif ; à l’inverse un sentier négatif indique que l’effet
d’une variable sur une autre est négatif. En outre, on notera qu’un sentier peut former une boucle
« lorsqu’une variable exerce, de façon indirecte, une influence sur elle-même ».
Figure 18. Illustration des concepts de "sentiers" et de "boucles"
Dépenses de publicité
Rémunération Rendement de l’employé
Ventes Coûts
Rendement de l’entreprise
Relation positive
Relation négative
AED Sentier positif
ACD Sentier négatif
FBDF Boucle positive
FCDF Boucle négative
F
E
D
A
B
C
Source : Cossette (1994)
Les données collectées peuvent faire l’objet de deux types de représentations différentes : Une
représentation sous la forme d’un graphique et une représentation sous la forme d’une matrice.
La représentation graphique d’une carte cognitive varie d’une recherche à l’autre. Ainsi, Axelrod
et ses collègues (1976) adoptent un dispositif qui situe les concepts perçus comme des « causes »
à gauche, et ceux perçus comme des « conséquences » à droite ; Bougon et al (1977) disposent
les concepts de façon circulaire, reliés par des traits qui s’entrecroisent, ce qui donne l’apparence
251
d’une toile d’araignée ; Eden et al (1988) quant à eux disposent les concepts de bas en haut de
façon à réduire les distances entre ceux qui sont reliés et les croisements de liens. Une carte
cognitive peut aussi être représentée sous la forme d’une matrice comprenant, en ligne les nœuds
émetteurs de liens et en colonne les nœuds récepteurs de liens. Les cellules formées donnent la
force du lien (valeur associée à un lien) ou bien comptabilisent le nombre d’occurrences du lien
entre les deux nœuds considérés. (Cf. figure 20, ci-dessous).
Figure 19.Exemple de carte cognitive et de matrice correspondante
+ + + + - -
1 2 3 4 5 6 TLS
1 0 1 0 0 0 0 1 2 0 0 0 0 1 0 1 3 0 1 0 0 -1 0 2
4 0 0 0 0 0 -1 1 5 0 0 0 0 0 1 1
6 0 0 0 0 0 0 0 TLS 0 2 0 0 2 2 6
2
3
5 6
4
1
Source : Morineau et Billet (2007)
3.4.2. Le codage des données recueillies
La démarche d’analyse proposée par la méthode des cartes cognitives semble bien adaptée à
notre recherche, car elle permet d’établir les relations d’influence et de causalité que nous
souhaitons, entre les variables de la socialisation et certains comportements et attitudes du
vendeur. Pour y parvenir, nous avons retranscris intégralement l’ensemble des enregistrements et
notes obtenus, avant de procéder au codage des données recueillies. Le codage consiste à traiter
les données collectées, afin de les rendre exploitables. Pour cela, le chercheur est amené à
réaliser deux types d’opération.
La première concerne la préparation du corpus, et « recouvre deux types d’action » (Thiétart
et al (2012) :
§ L’intervention du chercheur sur le corpus, à travers la transcription, la correction, la
réduction et l’organisation de celui-ci ;
252
§ L’indexation des documents pour organiser, et permettre au chercheur de retrouver
facilement un document au sein du corpus total.
La seconde concerne le codage des données proprement dit. Selon Bardin (2013), « Le
codage est le processus par lequel les données brutes sont transformées systématiquement et
agrégées dans des unités qui permettent une description précise des caractéristiques pertinentes
du contenu. » Ce processus implique de faire trois choix importants. Le premier consiste à
définir les règles de découpage du corpus et de préciser l’unité de signification ou d’analyse à
coder. Cette unité peut être un mot, une phrase, un paragraphe ou un thème. Le deuxième choix
consiste à déterminer les règles de comptage, c'est-à-dire la manière de compter l’unité
d’enregistrement (par exemple la fréquence). Le troisième choix se réfère à la catégorisation,
autrement dit elle consiste à regrouper les unités d’enregistrement présentant des
« caractéristique de forme commune ».
Pour notre part, nous avons choisi un codage thématique qui permet de ressortir les concepts
ainsi que les liens qui les unissent. Cette démarche est engagée dans une perspective
compréhensive et explicative ; les thèmes retenus sont en grande partie suggérés par les acteurs.
Notre approche s’inspire du protocole de codage élaboré par Allard-Poesi, Drucker-Godard et
Ehlinger (2007), pour coder les entretiens totalement retranscrits. Ce codage s’articule autour de
trois opérations distinctes : (1) la définition des unités d’analyse, (2) la définition des catégories,
et (3) la fusion des concepts ou variables présentant des similarités.
La première étape consiste à repérer dans le texte les unités d’analyse ou assertions constitués
de concepts et de liens qui les unissent. Dans la pratique, la recherche des assertions se fait en
fonction du type de carte que l’on souhaite établir:
- les assertions comprenant des liens d’influence (du type A influence, favorise, empêche
B) pour établir des cartes d’influence ;
- les assertions comprenant des liens de causalité (du type A entraine B, si A alors B, A
implique B) pour élaborer une carte de causalité ;
- les assertions comprenant des liens de similarité (A est similaire, ou différent de B),
hiérarchique (A est inclus dans B, A est un exemple de B) pour bâtir des schèmes de
catégorie ;
- Ou encore, l’ensemble de ces liens pour construire une cartographie cognitive.
253
Ainsi, dans l’établissement d’une cartographie cognitive, l’unité d’analyse est une assertion
du type « concept A/lien/ concept B ». En général, cette assertion peut correspondre à une
phrase, mais elle peut se trouver aussi dans plusieurs phrases.
La deuxième étape consiste à spécifier dans les assertions repérées, les différents éléments
« concept » et « liens ». Autrement dit, il s’agit d’identifier les concepts et les liens qui
composent les assertions retenues. Concernant l’identification des concepts, on spécifie « les
éléments considérés par le locuteur comme étant concept influençant, concept influencé (ou
cause, effet, moyen, conséquence) et lien ». Les auteurs conseillent de poser les questions
suivantes pour faciliter pour identifier ces éléments :
« A précède t-il B dans le temps ? »
« A précède t-il logiquement B ? »
« A est-il nécessairement avant B ? »
A étant le concept supposé « cause » et B le concept supposé « effet ».
Ensuite, on identifie les liens unissant les concepts retenus par des verbes du type « entraine »,
« implique » ou « empêche ». En ce qui concerne l’établissement des cartes de causalité ou
d’influence, on recherche toujours les liens suivants :
§ Lien d’influence ou de causalité positive, (noté/+/) : induit, entraine, conduit à, cause, a
pour conséquence, augmente, permet de…
§ Lien d’influence ou de causalité négative, (noté/-/) : empêche, nuit à, est dommageable à,
réduit, est nuisible à, entrave, diminue…
§ Lien d’influence nul, (noté/0/) : n’a pas d’effet sur, n’est pas lié à…
Par ailleurs, par souci de simplification, nous faisons le choix d’appliquer les mêmes règles
de codage pour l’identification des relations de « définition », « d’exemple », ou d’égalité qui le
plus souvent font l’objet d’un traitement spécifique, dans la mesure elles facilitent la fusion
ultérieure des variables.
La troisième étape concerne la fusion des variables qui présentent des similarités, ou qui
peuvent apparaitre comme étant des synonymes. En cas de doute sur la similarité, il est conseillé
de considérer la variable telle qu’exprimée par le locuteur. Cependant, les auteurs distinguent
quelques règles qui peuvent être très utile dans cette étape : (1) Si une variable est mentionnée
plusieurs fois par un répondant, il y a de fortes chances pour qu’une expression modifiée de
celle-ci ne soit qu’une variation de style ; (2) Si une variable apparait comme un exemple ou une
254
partie d’une variable plus générale, on peut fusionner les deux variables, dans la mesure où ces
variables sont exprimées par une même personne.
3.4.3. Fiabilité et validité du codage des données recueillies
En science de gestion, la scientificité de l’instrument de mesure se pose différemment selon
que la démarche est de type quantitatif ou qualitatif (Chaney, 2010). Alors qu’un instrument de
type quantitatif permet, à travers les tests statistiques, d’assurer la fiabilité et la validité de l’outil,
l’instrument de type qualitatif comporte des exigences qui nécessitent de prendre certaines
précautions.
Dans la littérature réservée à la construction des cartes cognitives, un intérêt particulier est
accordé à la fiabilité et à la validité de la collecte de données. Concernant la fiabilité, Allard-
Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger (2007) recommande qu’une tierce personne, experte en la
matière, soit mise à contribution et procède de façon identique au codage des données. Selon ces
auteurs, la fiabilité « intercodeur » est obtenu sur les trois opérations énumérées précédemment
(Cf. 5.4.2), à savoir les unités identifiées comme codables, la catégorisation de ces unités, et les
décisions de fusion des concepts. S’agissant de la validité, Chaney (2010) distingue pour sa part
trois niveaux de validité, le premier concerne la sincérité des données collectées, et suppose
l’existence d’un climat de confiance entre l’interviewé et l’enquêteur. Le deuxième s’intéresse à
la pertinence des données collectées en rapport avec le problème étudié, et interroge la méthode
de collecte choisie. Le troisième niveau se réfère à la capacité des données recueillies à traduire
« la réalité que le chercheur souhaite observer ». Dans ce cas l’outil de collecte de données
(guide d’entretien) doit être adapté au vécu quotidien de l’interviewé et tenir compte de ses
préoccupations59, de façon à obtenir des données de qualité.
Cependant, s’il est plus aisé d’assurer la validité des données recueillies, car proposer un
instrument de mesure qui permette d’obtenir « les données similaires et produire des cartes
semblables est difficile à respecter » compte tenu du caractère subjectif de notre approche. Dans
ces conditions certains chercheurs proposent de procéder à un arbitrage (Chabin, 2001 ; Eden et
al, 1992), et de considérer que la fiabilité et la validité de l’instrument seront plus ou moins
élevées selon la méthode (à priori ou à postériori) de construction de cartes choisie (Cf. carte ci-
dessous).
59 Allard-Poesi, 1997
255
Tableau 28. Arbitrage entre fiabilité et validité de la collecte et du codage des données
Fiabilité Validité De la collecte
Questionnaire très structurée Entretiens ouverts
Génération de concepts à priori Choix des construits à postériori
Du codage
Utilisation de règles strictes Utilisation de règles propriétaires
Faible prise en compte du contexte discursif
Forte prise en compte du contexte discursif
Source : Chabin (2001)
Par ailleurs, il est de tradition dans les recherches portant sur les cartes cognitives qui consiste
à proposer aux personnes interrogées, un second entretien qui viendrait confirmer les propos tenu
par l’interviewé lors du premier entretien. Mais comme l’explique Chabin (2001), cet entretien
peut comporter des biais qui vont déformer le discours initial. Cependant, pour valider les
informations recueillies, nous avons d’abord procéder à une étude préliminaire auprès des
responsables commerciaux et des vendeurs indépendants. Ensuite, nous avons approfondie les
concepts retenus auprès d’un échantillon plus large et varié.
3.5. L’analyse des données
3.5.1. Les différents types d’analyse dans la littérature
Les analyses des cartes cognitives reposent essentiellement sur deux méthodes principales
(Chaney, 2010) : l’analyse de structure et l’analyse du contenu. L’analyse de structure cherche à
décrire l’organisation générale de la carte, et à identifier les attributs qui structurent la carte.
Deux dimensions sont particulièrement étudiées : la complexité et l’organisation de la carte. La
complexité d’une carte est appréciée à travers six indicateurs :
1. Le nombre de variables de la carte : il déterminer le nombre de concepts différents que le
répondant a énoncés en référence aux thématiques soumises.
2. Le nombre de regroupements (ou cluster) : il correspond au regroupement de l’ensemble
des variables en groupe.
3. Le nombre de liens : recense le nombre de relations existantes entre les concepts présents
dans la carte. On s’intéresse à la quantité des liens et non à leur nature.
4. Le nombre de boucle : il identifie le nombre de chaines de relations d’influence reliant un
concept à lui-même.
256
5. La densité : elle exprime le nombre de variables présentes dans la carte en fonction du
nombre de liens recensé.
6. L’intensité relationnelle : elle correspond au rapport entre le nombre de liens observé et le
nombre total de liens théoriquement possible étant donné l’ensemble des variables
comprises dans la carte.
Selon l’auteur, les indicateurs (1) et (2) renseignent sur le degré de différenciation de la carte,
plus ils sont élevés plus la carte est complexe et diversifiée. Alors que les indicateurs (3), (4), (5)
et (6) évaluent le degré d’interconnexion de la carte ; plus ils sont élevés plus la carte est
compacte. L’organisation d’une carte est appréciée à partir de l’évaluation de l’importance
relative de chacun des concepts cités par le répondant. Un concept est considéré comme
particulièrement central ou important lorsqu’il est relié directement ou indirectement, soit
comme un facteur influençant, soit comme un facteur influencé, à un grand nombre d’autres
concepts (Chaney, 2010 ; Cossette, 2008). Dans ce cas, on parle d’une « analyse de centralité
simple » ; alors que l’analyse de « centralité mixte » prend en compte, en plus des variables qui
influencent et qui sont influencées par chaque concept, la longueur moyenne de tous les sentiers
liant ce concept à d’autres. Par ailleurs, il est aussi possible de mener une analyse des facteurs
influents ou conséquences et explications. Selon Cossette (2008), certains concepts sont
considérés comme des conséquences et représentent les objectifs poursuivis, alors que d’autres
sont considérés comme des explications et constituent les moyens qui permettent d’atteindre les
objectifs.
L’analyse du contenu des cartes, quant à elle, porte sur les éléments qui les composent. On
distingue les méthodes quantitatives qui permettent de comparer le contenu des différentes
représentations et les méthodes qualitatives qui permettent de donner un sens aux cartes
produites (Chaney, 2010). Dans la littérature, trois types de traitements quantitatifs sont
couramment utilisés par les chercheurs : (1) les analyses en composantes principales non
linéaires : « l’analyse en composante principale (ACP) est une technique exploratoire dont
l’objet est de chercher , à partir d’un ensemble de k variables mesuré sur des échelles d’intervalle
ou de rapport, une logique, une structure sous-jacentes aux données collectées » (Thiétart et al
(2012). Autrement dit, l’ACP est une technique de projection de données sur une droite ou un
plan, permettant de synthétiser et de visualiser l’information contenue dans un tableau de
données. A l’inverse l’ACP non linéaire se caractérise par une projection des données sur des
courbes ou des surfaces ; elle permet d’évaluer la similarité sémantique entre les répondants sur
la base des liens énoncés » (Chaney, 2010). (2) les mesures de distance : elles s’appliquent aux
257
matrices de proximité correspondant aux cartes cognitives. Elles comparent les liens d’influence
issus de deux cartes, et leur usage dépend de la méthode de recueil de données. (3) les mesures
de similarité : elles sont matérialisées par des indices de similarité ; ces indices permettent
d’étudier les points communs et les points de divergence entre les cartes. Les indices de
similarité sont élaborés sur la base d’une matrice qui synthétise sous forme de tableau l’ensemble
des données (concepts et liens) issues d’une carte cognitive.
Par ailleurs, il existe des méthodes qualitatives qui permettent une analyse plus fine des cartes
cognitives. C’est la cas de l’analyse de domaine qui consiste à sélectionner une sous partie de la
carte jugée intéressante par le chercheur, et d’y réaliser une analyse en profondeur (Chaney,
2010). C’est aussi le cas lorsqu’on fait appel à un expert pour évaluer la similarité des cartes
cognitives.
3.5.2. L’adoption d’une méthode d’analyse adaptée
Cependant, si l’objectif poursuivi par l’analyse du contenu est la recherche d’une conception
partagée, à travers une comparaison des cartes individuelles, les méthodes d’assemblage
utilisées, en vue d’élaborer une carte collective, restent difficiles à mettre en œuvre. Comme le
soulignent Pijoan (2007) et Rakotomena (2008), la recherche d’une « vision commune » peut
avoir pour effet « d’écarter de la carte finale les spécificités individuelles ». Aussi, en vue de
faire apparaitre la dimension individuelle, dans les représentations collectives, les auteurs
proposent une analyse locale du contenu basée sur l’organisation des cartes (Cf. tableau 10).
Cette analyse a le mérite d’écarter le problème de l’incommensurabilité60, qui se pose pour
l’analyse des données non structurées, mais que l’on peut minimiser en portant l’analyse sur un
« espace restreint » comme les résultats de l’analyse de centralité ou l’analyse de regroupement.
60 Cossette
258
Tableau 29. Quelques démarches d'analyse comparative de concepts restreints
Cas 1 : approche par une « bande de concepts
importants »
Cas 2 : approche par les « courants » de Miles et Huberman
Cas 3 : approches par les groupes de
concepts Etapes Générer les concepts les plus
importants par carte Générer les concepts
les plus importants par carte
Faire une analyse de regroupement par carte
Poser une bande unique de délimitation des concepts par rapports à tous les concepts
du discours (ex : les ¼ supérieur ou celui à score de
centralité le plus élevé)
Identifier parmi eux le ou les concepts sur lesquels on souhaite
travailler
Faire une analyse comparative des
clusters Générer les chaines
d’argumentation qui expliquent les concepts
Identifier les similarités ou divergences des thèmes entre
les cartes
Identifier les chaines similaires entre les
cartes
Identifier les similarités ou
divergences des clusters entre les cartes
Principes de travail
Inconvénients
Analyse comparative de contenu
Analyse comparative des chaines
d’argumentation
Analyse comparative des clusters
Risque de délaisser toutes les possibilités offertes par la
cartographie cognitive
Complexe en cas d’existence d nombre important de chaines d’argumentation par
carte rendant la démarche comparative
trop lourde
Complexité des comparaisons dans le cas de plusieurs cartes
Source: Rakotomena (2008)
Dans le cadre de cette recherche, nous avons choisi l’approche par les groupes de clusters que
nous complétons par une analyse des concepts les plus importants. Elle a le mérite de prendre en
compte tous les concepts proposés par les cartes cognitives des trois catégories d’acteurs
considérés, tout en examinant les similarités et les divergences des clusters.
En définitive, nous pouvons dire qu’il existe une panoplie de méthodes d’analyse de cartes
cognitives, mais que le choix de ces méthodes est en grande partie guidé par les choix opérés par
le chercheur sur la méthode de recueil de données, et plus généralement sur le positionnement
épistémologique retenu. Il faut souligner aussi que les méthodes d’analyse quantitatives et
qualitatives des cartes cognitives, ne sont satisfaisantes que lorsqu’elles sont utilisées de façon
complémentaire.
259
Conclusion Chapitre 4
Ce chapitre avait pour objectif de présenter notre démarche méthodologique et le
positionnement épistémologique le mieux adapté pour notre recherche. Nous avons fait le choix
de réaliser une recherche qualitative afin d’étudier plus en profondeur un domaine de recherche
jusque là inexploré, la socialisation du vendeur indépendant.
La méthodologie retenue repose sur la méthode des cartes cognitives, un outil de recherche
qui nous a permis de décrire les représentations des individus du point de vue de leur structure et
de leur contenu. Nous avons choisi d’une méthode de collecte de données non structurée qui
nous donne directement accès au système référentiel des individus étudiés, et par conséquent
d’accéder à une connaissance plus proche de la réalité.
Cette approche méthodologique est soutenue par un positionnement épistémologique
constructiviste. Cette posture s’explique par le fait que le concept de socialisation est construit
social qui s’y prête bien à ce type d’approche, et surtout à l’implication du chercheur dans la
construction des connaissances.
Par ailleurs, nous avons adoptée une démarche abductive compte tenu du caractère
exploratoire de notre recherche, marqué per les va et vient constant entre la littérature et le
terrain.
260
CHAPITRE 5. LES RESULTATS DE LA RECHERCHE
L’élaboration d’une carte collective implique que les membres d’un groupe donné aient une
conception commune ou partagée du problème qui leur est posé. Pour cela, il est nécessaire de
prendre en compte les conceptions individuelles des personnes qui forment le groupe, tout en
cherchant les points qu’ils ont en commun. Dans le cadre de cette recherche, nous avons
considéré (comme indiqué dans la partie méthodologique) trois groupes d’individus intervenant
dans les activités de la force de vente, à savoir les responsables commerciaux, les vendeurs
séniors et les nouveaux vendeurs. Pour chacune de ces catégories d’acteurs, nous avons élaboré
les cartes cognitives collectives qui nous serviront de support à notre analyse.
L’objectif de cette recherche étant de comprendre et d’expliquer le management des vendeurs
indépendants à partir de la socialisation organisationnelle, nous proposons de réaliser deux
niveaux d’analyse repartis dans les deux principales sections qui composent ce chapitre. La
première section concerne les résultats obtenus de l’analyse de la structure des cartes cognitives
collectives des différents groupes retenus. Il s’agit dans cette analyse, d’une part de mettre en
évidence la complexité des schèmes d’actions et de pensée des différents acteurs sur la
socialisation des nouveaux vendeurs ; et d’autre part d’appréhender la structure de leur pensée à
travers l’analyse de centralité, les explications et conséquences, et l’analyse de regroupement.
Dans la deuxième section, nous présentons une analyse comparative des clusters des cartes
collectives. Cette comparaison permet de mettre en évidence les similarités et les différences
entre les cartes assemblées, et d’apporter une meilleure compréhension au turnover des
nouveaux vendeurs.
L’analyse des cartes cognitives collectives a permis d’identifier les points communs, mais
aussi les perceptions particulières des différents acteurs, sans que cela ne constitue véritablement
des points de désaccords. Aussi, pour tenir compte de toutes les préoccupations exprimées par
les acteurs concernés par la socialisation des nouveaux vendeurs, nous avons choisi d’assembler
l’ensemble des représentations des acteurs (Cossette, 2008). Bien qu’elle comporte des limites,
cette approche nous épargne des difficultés pratiques rencontrées dans les autres méthodes. Dans
le présent chapitre, nous présentons dans une première section, la structure cognitive de chacune
des trois catégories d’acteurs ; ensuite, nous analysons dans une deuxième section les
préoccupations soulevées par les acteurs retenus dans notre étude ; enfin, nous traduisons les
résultats issus des cartes cognitives en termes de socialisation dans une troisième section.
261
SECTION 1. L’ANALYSE DE LA STRUCTURE DES CARTES COLLECTIVES DES
TROIS CATEGORIES D’ACTEURS
L’analyse de la structure des cartes cherche à décrire l’organisation générale de la carte. La
littérature distingue deux types de méthodes (Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 2007) :
les méthodes qui permettent d’évaluer la complexité cognitive des sujets, au moyen d’indicateurs
généraux (1); et les méthodes qui permettent d’identifier les « dimensions structurantes » à partir
desquelles les sujets organisent leurs représentations (2).
1. Evaluation des indicateurs de complexité des cartes collectives
Pour évaluer la complexité des cartes, six indicateurs quantitatifs sont généralement mobilisés
dans les recherches portant sur les cartes cognitives (Chaney, 2010) : (1) le nombre de variables
ou concepts retenus à l’issue des entretiens ; (2) le nombre de groupe comprenant des variables
interconnectés ; (3) le nombre de liens existant entre les différents concepts d’une carte ; (4) le
nombre de boucles représentant les chaînes de relations d’influence reliant un concept à lui-
même ; (5) la densité d’une carte exprimée par le rapport entre le nombre de liens et le nombre
de variables recensés ; (6) l’intensité relationnelle désigne le rapport entre le nombre de liens
observé et le nombre de liens théoriques pouvant être établis dans une carte. Selon l’auteur, les
deux premiers indicateurs informent sur le degré de différenciation de la carte (plus ils sont
élevés, plus la carte est complexe et diversifiée), alors que les quatre autres indicateurs traduisent
le degré d’interconnexion de la carte (plus ils sont élevés, plus la carte est compacte).
Tableau 30. Tableau de la structure des cartes collectives à partir des indicateurs généraux et locaux
Cartes Responsable commerciaux
Nouveaux vendeurs
Vendeurs séniors
Dispersion Moyenne
Nombre de variables finales(1) 18 15 17 1,5 16,6
Nombre de variables initiales(2) 25 48 36 11,5 36,3
Nombre de variables option 45 42 43 1,5 43,3
Nombre de concepts(3) 88 105 96 8,5 96,3
Nombre de liens(4) 131 145 143 7,5 139,6
Nombre de liens possibles (n*n-n) (5) 7656 10920 9120 1634,8 9232
Ratio nbre vf/n (1)/(3) 20,45% 14,28% 17,70% 0,03 0,17
Ratio nbre vi/n (2)/(3) 28,40% 45,71% 37,5% 0,08 0,37
Densité de la carte 1,48 1,38 1,48 0,05 1,4
Ratio de complexité1* 1,71 1,32 1,56% 0,88 1,01
Nombre de boucles 67 10 52 29,54 43
Nombre de groupes 4 4 5 0,57 4,3
262
Dans leur ensemble, les cartes cognitives des trois catégories d’acteurs présentent des
structures complexes. Les indicateurs de différenciation (concepts et groupes) et
d’interconnexion (liens, boucles, densité, et ratio de complexité 1) sont assez élevés. Ce qui
traduit un degré de différenciation relativement élevé, et montre dans le même temps que les
cartes sont très compactes.
La littérature concernant l’évaluation de la complexité cognitive retient deux types
d’indicateurs : les indicateurs généraux de structure (1.1), et les indicateurs locaux de structure
(1.2).
1.1. Evaluer la complexité des cartes à partir des indicateurs généraux
Il existe dans la littérature plusieurs indicateurs généraux qui permettent d’évaluer la
complexité des cartes cognitives. Nous proposons de présenter dans cette recherche trois
indicateurs, le nombre de concepts et de liens contenus dans une carte, la densité d’une carte et
le ratio de complexité 1, à partir de la synthèse établie dans le tableau ci-dessus.
§ Etude du nombre de concepts et de liens contenus dans les cartes
Le nombre de concepts et de liens contenus dans une carte permet de mesurer respectivement,
le niveau de différenciation et d’intégration de la carte. Ainsi, on dira qu’une carte est plus ou
moins complexe selon le niveau de différenciation et d’intégration de ses composantes. Comme
nous l’avons indiqué ci-dessus, les cartes étudiées présentent globalement un niveau de
complexité élevé, si l’on s’en tient aux nombres de concepts et de liens qui composent les
différentes cartes : carte des RC (88-131) ; carte des (105-145) ; carte des VS (96-143).
Par ailleurs, le nombre moyen de concepts présent dans les trois cartes collectives étudiées
est de 96,3 pour un écart type de 8,5 alors que le nombre moyen de liens unissant ces concepts
est de 139,6 pour une dispersion de 7,5. Cette étude de différenciation et d’intégration met
évidence une certaine hétérogénéité des cartes étudiées. Elle suppose que les individus étudiés ne
parlent pas exactement de la même chose.
Mais, la littérature souligne d’être prudent avec ces données dont la fiabilité dépend à la fois
de la méthode utilisée, de la longueur des entretiens, et de l’expérience du chercheur dans la
pratique des entretiens (Eden et al, 1992). Elle suggère d’évaluer la densité de la carte par le ratio
liens/concept pour mesurer convenablement l’intégration. Pour notre part, notre expérience de
chercheur débutant ne nous exempt pas de potentielles erreurs, c’est pourquoi nous avons
263
utilisé d’autres indicateurs pour tenir compte des erreurs éventuelles qui pourraient affecter la
construction des cartes cognitives.
§ Etude de la densité des cartes
L’évaluation de la densité présente des cartes relativement moins dispersées avec 0.05 pour
une moyenne de 1,04. Ces indicateurs traduisent l’homogénéité de la construction des cartes
étudiées. D’ailleurs, la littérature recommande de vérifier la qualité des cartes en s’assurant que
le résultat de l’opération nombre de liens/nombre de concepts soit compris entre 1,4 et 1,7. Ainsi,
dans l’hypothèse où le résultat est inférieur à 1,7 : cela signifie qu’il y a trop de liens. Si le
résultat est inférieur à 1.4 : cela signifie qu’il n’y a pas assez de liens dans la carte.
Si nous considérons les trois cartes étudiées, nous constatons qu’elles présentent des densités
qui se situent dans l’intervalle (1,4 – 1,7), ce qui dénote da la qualité des cartes construites.
Cependant, lorsqu’on regarde de près ces indicateurs, on s’aperçoit que les cartes des
responsables commerciaux et des vendeurs séniors (1,48) sont plus proches que celles des
nouveaux vendeurs (1,38). Nous expliquons cette différence par le fait que les nouveaux
vendeurs, dans la mesure où ils sont tout à fait novices dans le métier, n’ont pas encore une
bonne connaissance de leur environnement de travail et des tâches qu’ils doivent accomplir.
§ Etude du ratio de complexité 1
Le ratio de complexité 1 exprime le rapport entre le nombre de liens émis dans la carte et le
nombre de liens possibles. Il permet d’évaluer la part d’influence émise dans le discours et par le
codage. Il représente en moyenne 1,01 de possibilité pour une dispersion de 0,88. Il peut être
interpréter comme un indicateur de précision du discours entre le général et le particulier ; les
propos généraux reflétant un pourcentage élevé. La dispersion relativement faible tend à définir
une uniformité de degré de précision de codage.
1.2. Evaluer la complexité des cartes à partir des indicateurs locaux
Les indicateurs locaux de structure nous ont également permis d’évaluer la complexité des
schèmes cognitifs des trois catégories d’acteurs. Dans ce paragraphe, nous analysons les scores
moyens de centralité, le nombre de boucles présentes dans une carte, et le nombre de
regroupement.
264
§ Les scores moyens de centralité des cartes collectives
Nous avons calculé pour chaque carte collective, et à l’aide du logiciel Decision Explorer, les
scores de centralité des vingt premiers concepts. Ces concepts focalisent les préoccupations les
plus importantes des différents acteurs. Selon Cossette (2004), il s’agit des concepts pour
lesquels la pensée des différents acteurs est la plus complexe.
Par ailleurs, nous avons calculé les scores de centralité de chacune des cartes collective (Cf.
tableau N°30). Pour un groupe d’individus, lorsque des concepts sont plus centraux que d’autres,
cela signifie que ces concepts sont fréquemment mobilisés dans leur logique argumentative.
Ainsi, un score moyen de centralité élevé signifie que les concepts de leur carte cognitive sont
nombreux et/ou fortement reliés entre eux. Un écart type faible signifie que l’importance
attribuée au concept est distribuée de façon relativement uniforme entre ces concepts.
Tableau 31. Centralité moyenne des cartes collectives
Cartes Score de centralité total
Nombre de concepts
Score de centralité moyen
Dispersion des scores de centralité
Carte des responsables commerciaux 1013 88 11,76 5,69
Carte des nouveaux vendeurs 1083 105 11,28 5,91
Carte des vendeurs séniors 1195 96 11,38 5,52
Concernant le tableau ci-dessus, le score moyen de centralité pour chacune des cartes est
calculé en divisant la somme des scores de centralité de l’ensemble des concepts contenus dans
une carte par leur nombre. Le score de centralité élevé des trois cartes traduit la complexité des
cartes étudiées, car les concepts sont nombreux et fortement reliés entre eux. Cependant, une
forte dispersion des scores autour de la moyenne traduit, comme dans les analyses précédentes,
une certaine hétérogénéité.
En outre, Eden et al (1992) suggèrent de croiser les scores de centralité de chaque concept
avec les mesures de domaine, car les concepts qui présentent simultanément un niveau de
centralité et de domaine élevé affichent également un niveau de complexité plus élevé. En effet,
lorsque nous croisons les résultats de centralité et de domaine des dix premiers concepts des
cartes cognitives assemblées, les résultats montrent que les schèmes cognitifs des responsables
commerciaux et des vendeurs séniors sont les plus complexes. Ils révèlent aussi que le concept le
plus complexe partagé par les trois catégories d’acteurs est « maitriser les aspects techniques du
travail ».
265
§ Les boucles présentent dans les cartes
Ensuite, les résultats de notre recherche indiquent que la présence de nombreuses boucles
dans les différentes cartes cognitives révèle l’existence d’un niveau de complexité plus ou moins
élevé. Dans la littérature, nous retiendrons l’opposition de Cossette(2004) aux propos d’Eden et
al (1992), qui considère qu’un niveau de complexité est plus élevé que si l’individu a conscience
de cette complexité. Selon l’auteur, l’évaluation de la complexité dans l’analyse de
regroupement vient contredire cette thèse. Ainsi, en prenant position en faveur de l’analyse de
Cossette, nous avons suggéré dans nos résultats que le nombre de boucles contenues dans les
différentes cartes collectives, témoigne de la vision systémique de la pensée des différents
acteurs. Cependant, la différence du niveau de complexité entre les vendeurs séniors et nouveaux
vendeurs s’explique par le fait que les premiers, par leur expérience, ont une meilleure
connaissance du fonctionnement de l’entreprise.
§ Le nombre de regroupement des cartes collectives
Enfin, le nombre de regroupements (cluster) contenues dans une carte permet également
d’évaluer le niveau de complexité de la carte (Cf. tableau 30). Ainsi, les résultats de l’analyse de
structure révèlent que le schème cognitif des vendeurs séniors est moins complexe (5
regroupements) que ceux des responsables commerciaux et des nouveaux vendeurs (4
regroupements). Selon Cossette (2004), « une carte contenant plusieurs groupes de concepts
fortement reliés entre eux mais relativement peu reliés aux autres groupes témoignerait d’une
complexité cognitive plus faible parce que de tels regroupements seraient une façon de simplifier
la réalité ». Autrement dit, les vendeurs séniors présentent une structure cognitive plus
compréhensible, et plus proche de la réalité que les autres acteurs participant au processus de
socialisation du vendeur indépendant.
2. Analyser l’organisation des cartes collectives pour caractériser les schèmes des
acteurs
L’analyse de l’organisation des cartes permet de mettre en évidence l’importance relative que
les trois catégories d’acteurs attribuent à chaque construit qu’ils énoncent dans leur carte
cognitive et la manière dont ils organisent ou structurent leur représentation de la socialisation du
vendeur indépendant, les facteurs qu’ils envisagent comme des explications ou comme des
conséquences sur d’autres facteurs et, en définitive, la complexité de leur logique plus ou moins
circulaire et stabilisatrice qui caractérisent leur mode de pensée. Elle repose sur la topographie
266
des cartes cognitives, c'est-à-dire sur l’étude structurelle formée par le réseau sémantique de liens
qui existent entre les construits théoriques.
Dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes inspirés des travaux de Cossette (1994,
2004, 2008), et nous proposons d’analyser et de caractériser dans les paragraphes qui suivent,
l’organisation structurelle des cartes cognitives des responsables commerciaux (2.1), puis celle
des nouveaux vendeurs (2.2), et enfin la carte des vendeurs séniors (2.3).
2.1. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des responsables commerciaux
Cette carte est élaborée sur la base de six cartes individuelles comportant chacune une
moyenne de trente concepts. Sur un total de 197 concepts identifiés dans les discours des
responsables commerciaux, 88 ont été retenu après la fusion des concepts qui présentaient des
similarités. Nous avons tenu à reproduire le sens originel des variables, tout en rendant leur
lecture compréhensible.
2.1.1. L’analyse de centralité
Les résultats issus de cette analyse montrent que la volonté de « gérer autrement les vendeurs
indépendants… » est au cœur des préoccupations des responsables commerciaux. En effet, neuf
des vingt concepts ayant obtenu les plus hauts scores de centralité traduisent cette préoccupation
(voir les variables 1, 5, 6, 8,10, 11,13, 14 et 17). La carte suggère que les responsables
commerciaux pensent adapter leur gestion des hommes aux particularités du travail
d’indépendant. Autrement dit, Ils mettent en place des systèmes d’incitation (fixe et prime de
transport), des procédures de recrutement (recruter par la DRH et les journées portes ouvertes),
et des méthodes de travail (renouveler les règles de travail et changer la culture de travail), qui
permettent de motiver et de maintenir les vendeurs dans l’équipe (voir variables 3 et 15). Cette
approche de gestion doit permettre aux vendeurs de recevoir et de s’approprier les
connaissances et comportements qui permettent de vendre, et d’être performant (voir le
variables 2, 4, et 9). La carte met aussi en évidence le caractère très contraignant du système de
contrôle dû, à l’instabilité de l’emploi, et à la recherche par les vendeurs d’un autre emploi qui
leur permettrait de compléter leur revenu (voir variables 19 et 20). En effet, à la différence des
vendeurs salariés, les indépendants ne disposent pas d’une rémunération fixe lorsqu’ils entrent
dans l’entreprise; ils sont donc contraints de rechercher des moyens financiers pour lancer leurs
activités.
267
Tableau 32.Importance relative des 20 premières variables selon le nombre de liens directs
et indirects
1 Gérer autrement les vendeurs indépendants… 31 2 Maitriser les aspects techniques du travail 23 3 Motiver le vendeur 22 4 Avoir un fixe dans la rémunération 22 5 Informations véhiculés à l’entretien 21 6 Degré de réalisation de l’objectif 21 7 Primes de transport 21 8 Acquérir des compétences 20 9 Recruter par la DRH 20 10 Renouveler les règles de travail 19 11 Changer de culture de travail 18 12 Contrôle strict des activités des vendeurs 18 13 Recruter par les journées portes ouvertes 18 14 Faire des efforts dans le travail 18 15 Sélection de candidats vendeurs 17 16 Maintenir le vendeur…s’en séparer 17 17 Disposer d’un espace de travail 17 18 Connaissance de l’emploi proposé… 17 19 Connaitre l’entreprise 16 20 Performance du vendeur 16
2.1.2. Conséquences et explications
S’agissant de l’analyse des caractéristiques des variables influencées, le tableau N°30 (ci-
dessous) indique que les responsables commerciaux focalisent leur attention sur l’acquisition,
par les vendeurs, des compétences permettant de vendre. Deux variables, la « maitrise des
aspects techniques de l’activité » et la « compétence du vendeur » expriment cette perception
(avec respectivement 9 et 4 explications directes). Ces variables sont considérées comme des
objectifs cruciaux à poursuivre. Dans le même ordre d’idées, la « décision de quitter
l’entreprise » et la « décision de rester » apparaissent aussi comme une conséquence majeure.
D’autres variables comme « gérer autrement les vendeurs… », et la « performance du vendeur »
sont aussi considérées comme des conséquences très préoccupantes.
268
Tableau 33. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs
Maitriser les aspects techniques du travail 9 Décider de rester dans l’équipe 7 Décider de quitter l’entreprise 5 Sélection des candidats-vendeurs 5 Acquérir des compétences 4 Performance du vendeur 4 Gérer autrement les vendeurs…maintenir la gestion actuelle 4 Maintenir le vendeur dans l’équipe 4 Motiver le vendeur 4 Implication du vendeur 4 Frustration des vendeurs 4 Echanger avec les vendeurs séniors 4 Information véhiculée à l’entretien 4
Concernant l’analyse des caractéristiques des facteurs influençant (Cf. tableau N°31), « gérer
autrement les vendeurs indépendants est la variable qui détient le pouvoir explicatif le plus
important pour les responsables commerciaux (avec 9 conséquences directes). Cette variable
constitue le moyen privilégié par les responsables commerciaux pour atteindre leurs objectifs.
Ensuite, deux facteurs, « recruter par la DRH…service commercial » et « sentiment chez le
vendeur d’être tenu à l’écart », permettent aussi d’atteindre les objectifs. Dans la pensée des
responsables commerciaux, le recrutement par la DRH permet au manager de s’occuper des
nouveaux vendeurs, alors le sentiment d’exclusion tend à l’éloigner de l’entreprise. Enfin, Le
degré de réalisation de l’objectif, le statut d’agent indépendant, l’accompagnement sur le terrain
ont aussi une influence importante (avec 4 conséquences directes).
Tableau 34. Facteurs influençant directement au moins quatre facteurs
Gérer autrement les vendeurs…maintenir la gestion actuelle 9 Recruter par la DRH…service commercial 5 Sentiment chez le vendeur d’être tenu à l’écart 5 Degré de réalisation des objectifs 4 Statut d’agent indépendant 4 Accompagner sur le terrain…former en salle 4
Par ailleurs, la carte cognitive met en relief, un intérêt plus prononcé pour le résultat dans la
mesure où le nombre de facteurs influencés (13) est deux fois plus important que les facteurs
influençant (6) chez les responsables commerciaux. Il faut noter aussi que la variable « gérer
autrement…maintenir la gestion actuelle » est répertorié, à la fois comme facteurs influencés et
facteurs influençant. Cette variable peut être considérée comme la clé du processus de
socialisation chez les responsables commerciaux.
269
2.1.3. L’analyse de regroupement (clusters analysis)
L’analyse de regroupement de la carte cognitive des responsables commerciaux (tableau
N°32)61 fait ressortir quatre regroupements de concepts repartis de la façon suivante : le premier
regroupement compte 37 concepts qui renvoient essentiellement au management des ressources
humaines des vendeurs indépendants ; le deuxième regroupement comprend 23 concepts traitant
de la performance du vendeur et des efforts à réaliser pour être performant; le troisième
regroupement est composé de 15 concepts focalisés sur le statut du vendeur indépendant et ses
implications sur les relations de travail ; le quatrième regroupement comprend 12 concepts se
rapportant à la formation des nouveaux vendeurs. Par ailleurs, les deux premiers regroupements
contiennent l’essentiel des concepts de cette carte avec près de 70% des concepts annoncés, alors
que les deux derniers représentent seulement 30% des concepts.
Tableau 35. Résultat de l’analyse de regroupement (RC)
GROUPE 1 GROUPE 2 Gérer autrement les vendeurs ...maintenir la gestion actuelle
Multiplier les emplois clandestins
Bouche à oreille…l’annonce presse Accorder des prêts financiers Cibler les vendeurs expérimentés…diplômés
Conditions de travail
Définition d’une période d’essai Décision de quitter l’entreprise Réunir quotidiennement les vendeurs Bien être dans le travail
GROUPE 3 GROUPE 4
Contrat d’exclusivité Accompagnement le vendeur sur le terrain…le former en salle
Différences culturelles Echanger avec le superviseur Procédures de rupture simplifiées Echanger avec les clients Relation de confiance Programme de formation de l’entreprise Statut d’agent indépendant Transmettre des informations pertinentes
Les regroupements 1 et 2. Le regroupement 1 renferme à lui seul 62% des concepts des
regroupements 1 et 2. Ce regroupement concentre l’essentiel de la pensée des responsables
commerciaux, dans la mesure où il contient la presque totalité des 20 premiers concepts de
centralité. Un examen des variables dévoile que le processus de socialisation est assuré à travers
un renouvellement des procédures de recrutement, mais aussi par un contenu axé essentiellement
sur la connaissance des techniques de vente et de négociation. Il montre aussi que les
responsables commerciaux alternent entre une gestion très directive des activités des vendeurs
(exemple contrôle strict des activités) et la mise en place d’un dispositif d’incitation au travail
(exemple la prime de transport, ou le fait de disposer d’un espace de travail). Cette approche de
gestion est motivée par deux préoccupations majeures : la volonté de contrôler le travail des 61 Pour une lecture complète des tableaux, voir annexe N°5
270
vendeurs dans un contexte de travail différents, et la possibilité de permettre au vendeur
d’acquérir les compétences nécessaires pour son travail, dans un temps relativement court
(exemple, maitriser les aspects techniques du travail, définition d’une période d’essai). Le
regroupement 2 cristallise la pensée des responsables commerciaux sur la performance du
vendeur, et de façon sous-jacente sur les efforts à fournir pour y parvenir. Elles traitent aussi des
déterminants du départ des nouveaux vendeurs. Par ailleurs, le cluster montre que les
responsables commerciaux peuvent aussi se séparer des vendeurs les moins performants, dans
la mesure où ces derniers constituent une source de démotivation pour les nouvelles recrues.
Les regroupements 3 et 4. Ils représentent respectivement un poids de 46,42% et 53, 57%
des concepts des deux regroupements. Mais, nous notons que le regroupement 3, axé
essentiellement sur la formation des nouveaux vendeurs, représente seulement près 15% de
l’ensemble des regroupements. Ce qui laisse penser que les responsables commerciaux sont peu
préoccupés par la formation. L’accompagnement sur le terrain et les échanges permanents sont
préférées à la formation en salle, jugée très théorique et dispendieuse. De plus, la formation en
salle immobilise les ressources humaines, ce qui laisse penser qu’elle prend du temps et constitue
un manque à gagner pour les entreprises. Par ailleurs, ce regroupement met en évidence
l’ouverture nécessaire des nouveaux vendeurs aux autres membres déjà en place (superviseur et
les vendeurs séniors) pour faciliter les échanges. Les concepts du quatrième regroupement
apportent une meilleure compréhension du statut de vendeur, et les difficultés qu’il pose dans
l’implication du vendeur au travail et à l’entreprise qui l’emploi. Mais aussi les difficultés que
rencontrent les entreprises lorsqu’elles emploient ce type de vendeurs.
2.1.4. L’analyse des boucles
L’extrait de carte 1 propose une représentation graphique des boucles présentes dans la carte
cognitive collective des responsables commerciaux. Cette carte contient vingt (20) concepts
engagés dans la formation d’au moins une boucle, ce qui laisse penser à une complexité
cognitive importante chez ces acteurs. L’existence d’une seule boucle négative face à un nombre
plus élevé de boucles positives permet de penser que le changement caractérise plus ce schème
collectif que la stabilité. De plus, trois concepts sont particulièrement impliqués dans la
constitution au moins de deux boucles, prenant ainsi une part active dans la circularité de ce
schème : la performance du vendeur, faire des efforts dans le travail, et gérer autrement les
vendeurs…
271
Extrait de carte 1. Boucles présentes dans la carte des responsables commerciaux
3 Gérer autrement
les vendeurs ...
maintenir la gestion
actuel
8 Avoir un fixe dans
la rémunération
11 Degré de
réalisation de
l'objectif
12 Accorder des
prêts financiers
13 Recruter par la
la DRH ... le
service commercial
17 Maitriser les
aspects techniques
du travail
22 motiver le
vendeur
27 Niveau de revenu
peu satisfaisant
32 Faire des efforts
dans le travail
36 Connaissance
effective ...
approximative de
l'emploi proposé
38 Information
véhiculé à
l'entretien
39 Ventes réalisées
par le vendeur
48 Disposer d'un
espace de travail
51 Négocier le
modalités de travail
56 performence du
vendeur
60 Acquérir des
compétences
63 Recruter par des
journées portes
ouvertes ... cabinet
conseil
70 Primes de
transport
73 Renouveler les
règles de travail
74 changer la
culture de travail
-
Par ailleurs, cette boucle contient les principaux concepts de l’analyse de centralité. Elle
résume donc l’ensemble des préoccupations des responsables commerciaux. Un examen attentif
des concepts laisse penser que c’est autour des concepts liés au recrutement et à la motivation
des nouveaux vendeurs que s’organise la pensée des responsables commerciaux
Nous présentons dans le tableau ci-dessous, les principales caractéristiques du schème des
nouveaux vendeurs telles que suggérés par l’étude de leur carte cognitive.
Tableau 36.Principales caractéristiques du schème des responsables commerciaux suggérés par l'étude de leur carte cognitive
· Suggère que les responsables commerciaux pensent à renouveler des pratiques de gestion
pour mieux encadrer les activités des vendeurs indépendants.
· Met en évidence l’importance qu’ils accordent à la maitrise du travail et à la motivation du
vendeur.
· Suggère qu’il faut séparer la gestion des vendeurs indépendants, des autres personnels de
l’entreprise quitte à paraitre comme quelqu’un qui exclu.
· Présente des schèmes circulaires positifs, caractérisant une tendance au changement
· Laissent penser qu’ils privilégient un apprentissage axé sur les techniques de vente
· Met en relief un intérêt prononcé pour les résultats que pour les moyens
· Met en évidence le caractère systémique de la gestion à mettre en place en relation avec les
objectifs.
· Suggèrent qu’ils adoptent une approche pragmatique de la socialisation des nouveaux
vendeurs
272
2.2. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des nouveaux vendeurs
La carte cognitive des vendeurs indépendants est construite sur la base de 19 cartes
individuelles. Sur un total de 225 concepts, nous avons retenu 104 concepts après la fusion des
concepts.
2.2.1. L’analyse de centralité
Les résultats de l’analyse de centralité (Cf. tableau ci-dessous) mettent en avant l’importance
de la dimension financière, comme substrat de la motivation, dans les représentations des
nouveaux vendeurs (voir variables 1, 2, et 3). En effet, la préoccupation de ces derniers est
davantage porter sur ce qu’ils peuvent gagner en termes de revenu, que sur la façon dont ils
doivent exercer leur métier.
Il convient de rappeler que le revenu du vendeur indépendant est constitué essentiellement des
commissions calculées sur les ventes obtenues (voir variables 2, et 6). Autrement dit, le vendeur
est son propre artisan dans la constitution de son revenu, et pour cela il a besoin de stimulation
pour y arriver. La motivation financière constitue l’élément qui va pousser ou freiner le
nouveau vendeur à « choisir un emploi d’indépendant » (voir variable 4) ; à se former et à
échanger avec les membres déjà en place (superviseur et vendeurs séniors) ; à partir ou à
demeurer dans l’entreprise (voir variables 9 et 13). Ainsi, la possibilité d’atteindre des revenus
importants et la promesse d’un emploi salarié sont les let motifs qui pousser le nouveau vendeur
à acquérir les compétences nécessaires pour vendre.
Tableau 37. Importance relative des 20 premières variable selon le nombre de liens directs
et indirects
1 Motiver le vendeur 26 2 Commissions perçues 25 3 Disposer d’un revenu 24 4 Choix de travailler comme indépendant 24 5 Connaissance de l’emploi proposé 23 6 Ventes réalisées par le vendeur 22 7 Promesse d’un emploi salarié 21 8 Maitriser les aspects techniques de son emploi 22 9 Décider de rester dans l’équipe 22 10 Echanger avec le superviseur 21 11 Frustrer le vendeur 21 12 Acquérir des compétences 21 13 Décider de quitter l’entreprise 21 14 Faire des efforts dans le travail 18 15 Paiement irrégulier des commissions 18 16 Relever les challenges 18 17 Echanger avec les vendeurs séniors 18 18 Accompagner sur le terrain…former en salle 18 19 Information véhiculée lors du recrutement 18 20 Connaitre l’entreprise 17
273
Par ailleurs, étant donné que le choix de travailler comme indépendant permet d’abord de
satisfaire un besoin financier ponctuel, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’un travail par défaut.
2.2.2. Conséquences et les explications
L’analyse des caractéristiques des variables influencés (Cf. tableau N°35) montrent que le
turnover est un phénomène prégnant qui retient l’attention des nouveaux vendeurs. Deux
concepts, la « décision de quitter » et « la décision de rester », se distinguent particulièrement
par le nombre de facteurs qui convergent vers elles (10). Une variable, le choix de travailler
comme indépendant, réalise aussi un score important et constitue une conséquence majeure dans
la mesure où ce choix n’est pas forcément désiré. D’autres variables, comme la « maitrise des
aspects techniques de l’emploi » ou la « frustration du vendeur » sont également des
conséquences qui résultent du processus d’intégration des nouveaux vendeurs.
Tableau 38. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs
Décision de quitter l’entreprise 10 Décision de rester dans l’équipe 10 Choisir de travailler comme indépendant… 8 Frustrer le vendeur 6 Maitriser les aspects techniques du travail 6 Commissions perçues 5 Disposer d’un revenu élevé 4 Connaitre l’entreprise 4 Accompagner sur le terrain…former en salle 4 Promesse d’un emploi salarié 4
L’analyse des caractéristiques des variables influençant (Cf. tableau 36) révèle que cinq
facteurs peuvent avoir un impact important sur l’entrée des nouveaux vendeurs dans l’entreprise.
Parmi ces variables, les plus importantes concernent celles qui favorisent les interactions entre
les vendeurs et leur superviseur, telles que « Echanger avec le superviseur », « rechercher
l’information… », ou « Réunir quotidiennement les vendeurs ». Ces variables détiennent un
pouvoir explicatif relativement important (avec respectivement 6 et 5 conséquences directes), et
constituent les moyens que les nouveaux vendeurs privilégient pour leur intégration. D’autres
variables, comme « information véhiculé à l’entretien » et « Échanger avec les vendeurs
séniors » sont aussi considérées comme des moyens qui peuvent aussi faciliter leur intégration.
274
Tableau 39. Facteurs influençant au moins quatre autres facteurs
Echanger avec le superviseur 6 Réunir quotidiennement les vendeurs 5 Rechercher l’information…l’attendre 5 Information véhiculée lors de l’entretien 4 Echanger avec les vendeurs séniors 4
Par ailleurs, le nombre relativement important de facteur influencés (9) par rapport aux
facteurs influençant dénote de l’intérêt que les nouveaux vendeurs accordent au résultat.
2.2.3. L’analyse de regroupement (clusters)
L’analyse de regroupement de la carte cognitive des nouveaux vendeurs (Cf. Tableau N°37)62
a fait émerger quatre regroupements différents, repartis de la façon suivante : le premier
regroupement comprend 28 concepts, et désigne le choix de carrière fait par le nouveau
vendeurs ; le deuxième regroupement compte 37 concepts qui traitent des frustrations et
déterminants du départ des nouveaux vendeur ; le troisième regroupement est constitué de 23
concepts et s’intéresse à la formation et à l’acquisition des compétence du vendeur; et le
quatrième regroupement est composé de 17 concepts traitant du recrutement et la sélection des
vendeurs. En outre, les deux premiers regroupements contiennent près de 62% des concepts
énoncés, alors que les deux derniers représentent seulement 38% des concepts.
Tableau 40. Les résultats de l'analyse de regroupement (NV)
GROUPE 1 GROUPE 2 Besoin de s’assumer Décision de quitter l’entreprise Choisir de travailler comme indépendant Conditions de travail Multiplier les gains Commissions perçues Liberté d’organiser son travail Consulter le fichier client Etablir de nouvelles relations Absence d’un plan de carrière
GROUPE 3 GROUPE 4 Information véhiculée lors du recrutement Recruter par un cabinet conseil…le service
commercial Connaissance de l’emploi proposé Cibler les candidats diplômés…expérimentés Annonce presse…bouche à oreille Négocier avec la hiérarchie Accompagner le vendeur sur le terrain…le former en salle
Posséder un carnet d’adresse
Connaitre les produits Réaliser sa première vente
62 Pour une lecture complète des tableaux, voir annexe N°5
275
Les regroupements 1 et 2. Ils rassemblent majoritairement les variables relatives à
l’intégration sociale des nouveaux vendeurs. Le regroupement 1 contient au moins 43% des
variables qui justifient la motivation du vendeur à prendre un emploi d’indépendant. Bien que
minoritaire dans la pensée des nouveaux vendeurs, la décision de travailler comme vendeur
indépendant n’est pas planifié, elle est motivée par le besoin qu’éprouve un individu à
s’émanciper et à s’assumer. Cette situation laisse penser que la décision d’occuper cet emploi est
un choix par défaut. Par ailleurs, un examen plus rigoureux des concepts de ce groupe permet de
penser qu’en réalité les nouveaux vendeurs restent dans l’équipe pour deux raisons
fondamentales : la promesse d’un emploi salarié et la possibilité d’atteindre des niveaux de
revenu particulièrement élevés.
Le regroupement 2 rassemble plus de la moitié (57%) des variables traitant de l’intégration
des vendeurs, et cristallisent la pensée des nouveaux vendeurs sur les raisons qui peuvent
compromettre leur intégration. Le groupe suggère que les nouveaux vendeurs sont susceptibles
de quitter leur équipe pour trois raison : la frustration du vendeur, les conflits entre vendeurs et
les commissions perçues. Ces variables peuvent avoir des effets aussi bien positifs que négatifs
sur la socialisation du vendeur. Ainsi, on peut penser globalement que les nouveaux vendeurs
partent parce qu’ils éprouvent des satisfactions (ou insatisfactions) dans leur travail.
Les regroupements 2 et 3. Le regroupement 3 axé sur la formation et l’acquisition des
connaissances pèse près de 60% des variables de l’ensemble de ces deux regroupements, mais ne
représente que près de 22% de l’ensemble des regroupements. Ce qui relativise la place
qu’occupent ces actions de socialisation sur le schème des nouveaux vendeurs. Mais avec 23
concepts, ce regroupement à la particularité de rassembler les principales dimensions de la
socialisation, à savoir : l’accompagnement sur le terrain, la recherche d’information et les
échanges divers entre les acteurs. Il suggère que les nouveaux vendeurs n’attendent pas
simplement recevoir de l’entreprise, mais qu’ils prennent aussi des initiatives pour acquérir les
compétences nécessaires.
Enfin, le regroupement 4 rassemble le plus faible nombre de variables, mais à le mérite de
mettre en évidence un critère essentiel du recrutement du vendeur indépendant, à savoir la
possession d’un carnet d’adresse. En effet, le fait de posséder un carnet d’adresses suppose que
le candidat-vendeur a une bonne connaissance du marché.
276
2.2.4. L’analyse des boucles
L’extrait de carte 2 propose une représentation graphique des boucles présentes dans la carte
cognitive collective des responsables commerciaux. Elle contient neuf (9) concepts engagés dans
la formation d’au moins une boucle, et permet d’entrevoir une complexité cognitive plus ou
moins importante chez ces acteurs. L’absence de boucles négatives signifie qu’il n’y a que des
boucles positives, et que la vision des nouveaux vendeurs est beaucoup plus déterminée par le
changement que par la stabilité. Cette représentation est en accord avec l’idée que le vendeur
indépendant se fait de leur évolution dans la force de vente. A savoir améliorer leur condition, en
travaillant et engranger des revenus toujours plus important.
Extrait de carte 2. Boucles présentes dans la carte cognitive des nouveaux vendeurs
5 Choisir de
travailler comme
indépendant ...
salarié
10 Commissionsperçues
21 Acquérir des
compétences
23 Performance duvendeur
36 Relever les
challenges
51 motiver levendeur
57 Disposer d'unrevenu élevé 58 Promessse d'un
emploi salarié
64 Ventes réalisés
par le vendeur
Comme dans l’extrait de carte précédent (extrait de carte 1), la carte des boucles des
nouveaux vendeurs contient les principaux concepts de centralité, et résume ainsi les
préoccupations des nouveaux vendeurs, en se focalisant sur la motivation. Autrement dit, les
nouveaux vendeurs sont motivés dans leur emploi par la possibilité de disposer d’un revenu
élevé, ou par la promesse qui leur est faite d’obtenir un emploi salarié. Cette motivation crée à
son tour des cheminements qui conduisent au concept de départ. Aussi, pour atteindre des
niveaux de revenu élevé le vendeur acquiert des compétences qui vont lui permettre d’être en
capacité de vendre et de performer ou de percevoir des commissions. De même, pour que
s’accomplisse la promesse qui lui a été faite, il doit composer avec les challenges qui lui sont
proposés. Par conséquent, nous pouvons affirmer que les concepts engagés dans la formation des
10 boucles contenues dans cette carte forment un système.
Nous présentons dans le tableau ci-dessous, les principales caractéristiques du schème des
nouveaux vendeurs telles que suggérés par l’étude de leur carte cognitive.
277
Tableau 41. Principales caractéristiques du schème des nouveaux vendeurs suggérés par l'étude de leur carte cognitive
· Suggère que la motivation est au centre de la pensée des nouveaux vendeurs.
· Montre qu’ils ont un intérêt particulièrement fort pour les gains que procure leur activité
· Met en relief chez les vendeurs la nécessité de maitriser les techniques de vente et de négociation
· Laisse croire qu’ils apprennent les éléments de leur travail, mais ne les intériorisent pas
· Suggère qu’ils considèrent le départ et le maintien dans l’entreprise comme la réponse à la satisfaction de leur besoins
· Met en évidence une vision plutôt linéaire de la pensée des nouveaux vendeurs · Laisse penser qu’ils considèrent le travail d’indépendant comme un choix par défaut
· Montre que les nouveaux vendeurs développent une vision de court terme de leur intégration
· Met en évidence une forte orientation vers les résultats
2.3. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des vendeurs séniors
La carte cognitive des vendeurs séniors construite sur la base de 19 cartes individuelles. Sur
un total de 225 concepts, nous avons retenu 104 concepts après la fusion des concepts.
2.3.1. L’analyse de centralité
Les résultats de l’analyse de centralité montrent que la formation et l’acquisition des
compétences sont au centre des préoccupations des vendeurs séniors. Le tableau ci-dessous
indique que les cinq concepts les plus importants, traduisent la nécessité de doter les nouvelles
recrues des capacités nécessaires à la vente (voir les variables 1, 2, 3, 4, et 5). La formation est
appréhendée, aussi bien à travers un accompagnement suivi du nouveau vendeur sur le terrain,
que par la recherche d’informations par ce dernier pour obtenir connaissances nécessaires à
l’accomplissement de son travail. Ce qui laisse croire que les vendeurs séniors ont une vision
plutôt dynamique de l’apprentissage du nouveau vendeur.
Par ailleurs, les compétences acquises sont basées essentiellement sur « les aspects techniques
du travail », c'est-à-dire les techniques de vente et négociation qui permettent à un individu de
proposer un produit à un client, et de conclure la vente. L’enjeu principal étant de donner au
nouveau vendeur, les capacités qui lui permettent de vendre et de se constituer un revenu
satisfaisant. Il faut noter que le comportement altruiste des vendeurs séniors lorsqu’ils acceptent
d’encadrer les nouveaux vendeurs (voir variables 5 et 15), laisse penser qu’ils font aussi preuve
d’un esprit d’équipe, forgé tout au long de leur parcours de vendeur. En effet, pour avoir vécu
278
des expériences similaires, ils sont certainement mieux placés pour savoir ce dont a besoin un
nouveau vendeur.
D’autres concepts expriment l’importance du processus de recrutement dans la socialisation
des nouveaux vendeurs. La nature des informations transmises et le degré de connaissance que
les nouvelles recrues ont de l’emploi qui leur est proposé, vont déterminer leur comportement
dans l’entreprise (voir variables 17 et18). Les vendeurs séniors soulignent également
l’importance de l’expérience dans la vente, ce qui met évidence leur préférence pour des profils
de vendeurs type, difficile à trouver sur le marché (voir variable 7). Enfin, un autre groupe de
variables s’intéresse à la concurrence entre les vendeurs, et aux conflits qui découlent de cette
concurrence. La concurrence entre les vendeurs peut s’établir à deux niveaux. Le premier se
situe au niveau des clients, car les vendeurs travaillent sur le même client, sans qu’il y ait un
découpage préalable de celui-ci. Le second repose sur la relation de méfiance qui s’installe entre
les vendeurs séniors et les nouveaux arrivants. Ces comportements couvent souvent des conflits
latents, d’ordre générationnels ou relatifs au niveau scolaire, qui ne favorisent pas la
collaboration et par conséquent l’encadrement des nouvelles recrues.
Tableau 42. Importance relative des 20 premières variables selon le nombre de liens
directs et indirects
1 Acquérir des compétences 27 2 Maitriser les aspects techniques du travail 26 3 Encadrer les nouveaux vendeurs… 23 4 Accompagner le vendeur sur le terrain… 23 5 Chercher l’information… 22 6 Echanger avec les vendeurs séniors 20 7 Disposer d’un revenu 20 8 Expérience acquise dans la vente 19 9 Conflits entre vendeur 19 10 Connaitre le statut d’agent indépendant 19 11 S’ouvrir aux autres… 18 12 Connaissance de l’emploi proposé 18 13 Concurrence entre vendeur 18 14 Comportement d’aide 17 15 Connaitre des procédures de vente 17 16 Information véhiculé lors du recrutement 17 17 Performance du vendeur 17 18 Ventes réalisées par le vendeur 17 19 Connaitre les techniques de vente 17 20 Connaitre les produits 17
2.3.2. Les conséquences et les explications
L’analyse des caractéristiques des variables influencés fait apparaitre les variables qui
considérées comme des conséquences par les vendeurs séniors (voir tableau ci-dessous). Les
279
deux premières variables relatifs au turnover, respectivement 12 et 10 explications directes, sont
les conséquences majeures. Les deux seconds variables concernant la « maitrise des aspects
techniques du travail » avec respectivement 8 et 6 explications directes, sont considérés comme
les véritables objectifs poursuivis par ces acteurs dans le processus de socialisation. En effet,
l’objectif du formateur est de transmettre au nouveau vendeur les connaissances nécessaires, afin
que ce dernier soit en mesure de prospecter, de vendre, et de conserver sa clientèle.
D’autres facteurs peuvent être aussi considérés comme des résultats à atteindre, c’est le cas
de la « performance du vendeur » ; « la sélection des candidats », notamment des meilleurs
profils lors du recrutement ; la formation à travers le parrainage des nouveaux vendeurs ; et
surtout la possibilité de donner aux candidats, une meilleure compréhension du travail qui leur
est proposé.
Tableau 43. Facteurs influencés au moins par quatre autres facteurs
Partir de l’entreprise 12 Rester dans l’équipe 10 Maitrise des aspects techniques du travail 8 Acquérir des compétences 6 Sélection des candidat-vendeurs 5 Performance du vendeur 4 Accompagner sur le vendeur terrain sur le terrain… 4 Connaissance de l’emploi proposé 4
Concernant les facteurs influençant (Cf. tableau ci-dessous), la carte cognitive des vendeurs
séniors met en évidence un facteur prépondérant, « Rechercher l’information … l’attendre » (6
conséquences directes). Ce facteur dispose du pouvoir explicatif le plus élevé dans la
représentation des vendeurs séniors, et laisse penser que le comportement proactif de recherche
d’information est le moyen privilégié dans l’intégration du nouveau vendeur.
D’autres facteurs, non moins importants, comme « Accompagner le vendeur sur le
terrain… », « Travailler en équipe… », « Encadrer les nouveaux vendeurs… », « Statut d’agent
commercial… », ou « échanger avec le superviseur » sont aussi considérés comme les moyens
privilégiés dans la pensée des vendeurs séniors (5 conséquences directes).
280
Tableau 44. Facteurs influençant directement au moins quatre autres facteurs
Rechercher l’information…l’attendre 6 Accompagner les vendeurs sur le terrain… former en salle 5 Travailler en équipe…agir individuellement 5 Encadrer les nouveaux vendeurs… laisser se débrouiller 5 Statut d’agent commercial 5 Echanges avec le superviseur 5 Expérience acquise dans la vente 4 Echanges avec les vendeurs séniors 4 Dimension commerciale…les aspects entrepreneurials 4 Degré de réalisation de l’objectif 4
Par ailleurs, le concept « accompagner le vendeur sur le terrain… » se retrouve dans les deux
tableaux. Ce concept peut être considéré comme le facteur-clé de la socialisation des nouveaux
vendeurs, d’après la perception des vendeurs séniors.
2.3.3. Les résultats de l’analyse de regroupement (cluster analysis)
L’analyse de regroupement des vendeurs séniors fait apparaitre cinq grands regroupements de
concepts (Cf. tableau ci-dessous)63. Le premier regroupement est composé de 38 concepts qui
présentent la formation des nouveaux vendeurs. Le deuxième groupe compte 16 concepts qui se
référant essentiellement aux déterminants du départ des vendeurs de l’entreprise. Le troisième
groupe comprend 20 concepts se rapportant à la performance du vendeur et à la décision de
rester. Le quatrième groupe comprend 13 concepts traitant du statut d’indépendant et du rôle des
vendeurs séniors dans la formation des nouveaux vendeurs. Le cinquième groupe est composé de
9 concepts relatifs aux relations professionnelles dans l’équipe de vente. Deux regroupements
rassemblent à eux seuls un peu plus de 60% des concepts énoncés (les regroupements 1 et 3), les
trois autres contiennent seulement près de 40% des concepts (les groupes 2, 4 et 5).
63 Pour une lecture complète du tableau, voir annexe N°5
281
Tableau 45. Résultat de l’analyse de regroupement (VS)
GROUPE 1 GROUPE 2 Programme de formation peu structuré Pression de la hiérarchie Accompagner le vendeur sur le terrain Décider de quitter l’entreprise Connaitre des produits Conditions de travail Connaitre de l’entreprise Exercer un travail difficile Connaitre des techniques de vente Idées préconçues sur le vendeur indépendant
GROUPE 3 GROUPE 4
Ventes réalisées par le vendeur Compensation financière et matérielle Disposer de l’information sur le travail Statut d’agent indépendant Acquérir des Compétences Organisation particulière de son activité Performance du vendeur Qualité des relations avec les nouveaux Décision de rester dans l’équipe Encadrer les nouveaux vendeurs…
GROUPE 5 Climat de travail Manque de dynamisme du vendeur Motiver le nouveau vendeur Formation des barrières psychologiques Implication du vendeur
Les regroupements 1 et 3. Le regroupement 1 pèse près de 66% du poids des regroupements
1 et 3. Il rassemble donc l’essentiel des variables expliquant le processus de socialisation du
nouveau vendeur (le recrutement, la formation et à l’acquisition des connaissances). Il montre le
caractère peu structuré de la formation, et suggère que les nouveaux vendeurs s’impliquent à leur
propre socialisation, à travers l’auto formation et la recherche active d’information auprès des
membres déjà en place. Autrement dit, les vendeurs séniors envisagent une socialisation
dynamique fondée sur une responsabilité partagée de la formation tout en profitant de toutes les
occasions d’échanges entre les nouveaux vendeurs et les membres déjà en place. Nous notons
également dans ce groupe, des concepts qui présentent des situations conflictuelles potentielles,
et les techniques pour les gérer.
Le regroupement 3 se focalise sur les variables liés au management, et particulièrement à la
performance du nouveau vendeur. Il suggère que la performance et le niveau de revenu sont les
seuls causes objectives qui orientent la décision de rester dans l’entreprise, tout comme celle de
maintenir le vendeur dans l’équipe. Les autres causes sont majoritairement d’ordre motivationnel
Les regroupements 2, 4 et 5. Le regroupement 2 rassemble les concepts de nature
motivationnelle qui expliquent le départ des nouveaux vendeurs de l’entreprise. Ces motivations
sont liés, d’une part à la qualité du management (par exemple la pression de la hiérarchie, les
conflits avec le superviseur, les promesses d’emploi non tenues…) et au climat interne
282
(frustration, conflits entre vendeurs …), certains à l’emploi (instabilité de l’emploi, conditions de
travail…).
Le regroupement 4 contient les variables qui décrivent le rôle des vendeurs séniors dans
l’encadrement des nouveaux vendeurs. Il suggère que la position du vendeur séniors dans
l’entreprise est difficile à concilier avec un rôle d’encadrement, étant donné que cette activité
peut nuire à sa capacité à réaliser des ventes et donc à se rémunérer. Le groupe met en évidence
deux dimensions importantes et complémentaires de ce rôle d’encadrement : la disponibilité et
les compensations financières ou matérielles.
Le regroupement 5 se concentre principalement sur les variables liées aux relations
interpersonnelles et la capacité des acteurs à collaborer dans l’équipe. Il met en évidence deux
dimensions de ces relations : l’ouverture aux autres et la formation des barrières psychologiques.
Par ailleurs, la nature de la relation contractuelle rend difficilement perceptible l’existence d’une
équipe au sein des forces de vente externes. Il est nécessaire de susciter une mobilisation
permanente des vendeurs, de les motiver, de les impliquer et de créer un esprit d’équipe parmi
les vendeurs.
2.3.4. L’analyse des boucles
L’extrait de carte 3 propose une représentation graphique des boucles présentes dans la carte
cognitive collective des vendeurs séniors. Elle contient les trente (30) concepts engagés dans la
formation d’au moins une boucle, ce qui laisse penser à une complexité cognitive élevée chez
ces acteurs. Le fait que trois liens seulement soient négatifs, et que le nombre de boucles
positives soit plus important que celui des boucles négatives permet de penser que le changement
caractérise beaucoup plus ces acteurs que la stabilité. Cette vision est en accord avec les
représentations que les vendeurs séniors se font de leur évolution dans le métier, depuis leur
arrivée dans l’entreprise.
283
Extrait de carte 3. Boucles présentes dans la carte cognitive des vendeurs séniors
2 Compensationfinancière et
matérielle
3 Accompagner levendeur sur le
terrain ... leformer en salle
4 connaitre lesproduits
5 connaitrel'entreprise
6 connaitre lestechniques de vente
7 Ventes réaliséespar le vendeur
9 Acquérir desCompétences
10 Rechercherl'information ...
l'attendre
11 climat de travail
16 Performance duvendeur
27 motiver levendeur
30 Maitriser lesaspects techniques
du travail
31 Connaitre lesprocédures de vente
34 Formation desbarrières
psychologiques
35 Faire des effortsdans le travail
44 Niveau de revenu
47 Encadrer lesnouveaux vendeurs
... les laisser sedébrouiller seuls
48 Temps consacré àla vente
51 Disponibilité duformateur
53 Echanger avec lesvendeurs séniors
57 Dimensioncommerciale ... les
aspectsentrepreneurials
63 s'ouvrir auxautres ... paraitre
suffisant
69 Posséder uncarnet d'adresses 70 Prospecter les
client
71 Evaluer lenouveau vendeur
74 Echanges avec lesuperviseur
75 Contrôler lesactivités des
vendeurs
79 Rémunération à lacommision
82 Comportementd'aide
87 Etablir desrelations dans
l'équipe
-
-
-
Par ailleurs, le schéma présenté ci-dessus contient les principaux concepts mis en évidence
par l’analyse de centralité. Elle résume donc les préoccupations des vendeurs séniors en se
concentrant sur la dimension formative du processus de socialisation. Ainsi, l’accompagnement
des nouveaux vendeurs sur le terrain est le concept qui traduit le plus la circularité de la pensée
des vendeurs séniors, et par conséquent la complexité de ce schème. La recherche d’information
est une pratique qui part de l’initiative du nouveau vendeur, et une marque de son implication
dans sa propre socialisation. Elle traduit l’idée d’une socialisation dynamique que les vendeurs
séniors appellent de leur vœux, au regard des comportements d’exclusion observés dans
certaines entreprises.
L’étude de la carte cognitive des vendeurs séniors permet de mettre en évidence les
caractéristiques du schème cognitif de ces acteurs. Nous résumons dans le tableau ci-dessous les
principales caractéristiques de ce schème.
284
Tableau 46. Principales caractéristiques du schème des vendeurs séniors suggérés par
l’étude de leur carte cognitive
· Suggère que les vendeurs séniors accordent une importance particulière à la formation
et à l’acquisition des compétences
· Montre qu’ils ont un intérêt particulier pour les compétences liées à la vente et à la
négociation
· Montre que les vendeurs séniors sont favorables à l’implication du nouveau vendeur à
sa propre formation
· Met en relief le rôle prépondérant de l’accompagnement sur le terrain et de la
recherche d’information dans la pensée des vendeurs séniors
· Montre qu’ils ont le même intérêt pour les résultats que pour les moyens
· Laisse penser que les vendeurs séniors ont une approche dynamique de la formation
des nouveaux vendeurs.
· Laisse croire qu’ils sont animés par le changement dans leur vision de la socialisation
des nouveaux vendeurs
· Montre que c’est sur l’accompagnement sur le terrain que la pensée des vendeurs
séniors est complexe
· Met en évidence le caractère conflictuel des relations interpersonnelles dans la pensée
des vendeurs séniors
285
Tableau 47. Synthèse des résultats de l’analyse de structure des cartes collectives
Carte cognitive RC Carte cognitive NV Carte cognitive VS Complexité. - Variables. - Liens. - Densité. - Ratio complexité 1. - Groupes. - Boucles
88 131 1,48 1,71
4 67
105 145 1,38 1,32
4 10
96 143 1,48 1,56
5 52
Analyse de centralité.
- Gérer autrement …maintenir le système - Maitriser techniques - Motiver vendeur
- Motiver le vendeur - Commissions perçues - Niveau revenu
- Acquérir compétences - Maitriser techniques - Encadrer les nouveaux
Conséquences
et
Explications
Concepts clés
- Maitriser techniques. - Sélection candidats - Acquérir compétences
- Travailler comme indépendant - Frustrer le vendeur - Maitriser techniques
- Maitriser techniques - Acquérir compétences - Sélection candidats
- Gérer autrement …maintenir le système - Recruter par la DRH - Sentiment d’exclusion
- Echanger avec le superviseur - Réunir les vendeurs quotidiennement - Rechercher information
- Rechercher information - Accompagner sur le terrain… - Travailler en équipe
- Gérer autrement …maintenir le système
Accompagner sur le terrain… former en salle
Analyse de regroupement
1. système de gestion spécifique 2. Performance et le départ des vendeurs 3. Statut d’indépendant 4. Formation des nouveaux vendeurs.
1. Choix de carrière 2. Frustration des vendeurs 3. Formation et compétence acquises 4. Sélection candidats
1. Formation et compétences 2. Frustration et décision de partir 3. recrutement et décision de rester 4. Statut et disponibilité du formateur 5. Relations professionnelle
Nous retenons que :
- Les structures cognitives des responsables commerciaux (RC) et des vendeurs séniors
paraissent plus complexes que celle des nouveaux vendeurs.
- Les trois catégories d’acteurs structurent leur pensée sur des idées fondamentalement
opposées : le système de gestion pour les RC ; la motivation pour les nouveaux vendeurs ; et
la formation pour les vendeurs séniors.
- Ils présentent aussi des structures cognitives circulaires et systémiques caractérisée par le
changement.
286
SECTION 2 : ANALYSE DU CONTENU DES CARTES COLLECTIVES POUR
EXPLORER LES PREOCCUPATIONS DES ACTEURS
A défaut de réaliser une analyse quantitative, et de calculer les principaux indicateurs de
distance et de similarité qui s’imposent en pareille situation, nous avons procédé à une analyse
locale de la structure des cartes collectives comme nous le suggère Allard-Poesi, Drucker-
Godard et Ehlinger (2007). Il s’agit de conduire une analyse comparative Cette analyse porte sur
un espace retreint de concepts, principalement sur les « presqu’iles » (ou clusters analysis) des
différentes cartes collectives et sur la « crème », autrement dit les concepts les plus importants.
L’objectif de cette analyse est de mettre en évidence les préoccupations fondamentales des
différentes catégories d’acteurs, et de relever les décisions et actions mises en œuvre par ces
derniers dans le processus de socialisation du vendeur indépendant. Nous présentons un premier
point, sur la base des thèmes principaux retenus, une analyse comparative des clusters traitant
des mêmes préoccupations des différents acteurs (1). Puis, nous analysons les préoccupations
dominantes qui déterminent les actions des acteurs (2).
1. Les principales préoccupations des acteurs sur la socialisation des vendeurs
indépendants
Afin de procéder à une analyse comparative des clusters, nous avons récapitulé les clusters
contenus dans chacune des cartes collectives, puis nous avons identifié chaque cluster à partir
des principaux concepts qui le compose (Cf. tableau 44). L’analyse comparative des clusters des
trois cartes collectives fait émerger cinq dimensions que nous classons dans deux catégories : les
deux premières dimensions concernent le management des ressources humaines : le recrutement
et la formation des vendeurs ; alors que les trois derniers se réfèrent au management en général :
performance du vendeur, statut du vendeur, motivation (frustration) et relations
interpersonnelles. Ces dimensions sont développées dans les paragraphes suivants.
287
Tableau 48. Récapitulatif des clusters des cartes assemblées
Responsables commerciaux Thème principal
Classement des principaux concepts
Cluster 1 Gérer autrement les RH /Sélectionner les candidats / Recruter
par la DRH /Information véhiculée/…
Gestion et recrutement
des RH
Cluster 2 Performance du vendeur / Décider de partir / Faire des efforts
dans le travail/ Frustrer les vendeurs / …
Performance du
vendeur
Cluster 3 Echanges avec les vendeurs séniors / Accompagner sur le
terrain / Echanges avec le superviseur/…
Formation du vendeur
Cluster 4 Statut d’agent indépendant / Changer la culture de travail /
Sentiment d’exclusion /…
Statut d’agent
indépendant
Nouveaux vendeurs
Classement des principaux concepts
Cluster 1 Décider de rester / Travailler comme indépendant/ Disposer
d’un revenu / Promesse d’un emploi salarié/…
Choix de carrière
Cluster 2 Décider de partir / frustrer le vendeur / commissions perçues /
Conflits entre vendeurs
Frustration du vendeur
Cluster 3 Echanger avec le superviseur /Echanger avec les vendeurs
séniors / Maitriser les aspects techniques du travail /
Rechercher l’information /…
Formation des vendeurs
Cluster 4 Sélectionner les candidats /Posséder un carnet d’adresses /
Degré de réalisation de l’objectif /…
Recrutement des
vendeurs
Vendeurs séniors
Classement des principaux concepts
Cluster 1 Accompagner sur le terrain…/Maitriser les aspects techniques
du travail /Echanger avec les vendeurs séniors/…
Formation des vendeurs
Cluster 2 Décider de partir / Frustrer le vendeur/… Frustration des
vendeurs
Cluster 3 Décider de rester / Performance du vendeur/ Degré de
réalisation de l’objectif/ Niveau de revenu /Faire des efforts
Performance du
vendeur
Cluster 4 Statut de vendeur indépendant / Temps consacré aux
nouveaux…/ Disponibilité du formateur / Encadrer les
nouveaux vendeurs…/..
Statut d’agent
indépendant
Cluster 5 S’ouvrir aux autres…paraitre suffisant / Formation des
barrières psychologique /Motiver le vendeur
Relations
interpersonnelles
288
1.1. Les idées relatives au recrutement des vendeurs indépendants
Le recrutement des vendeurs indépendant comporte des décisions et des actions qui ont pour
objectif d’attirer, d’informer les individus visés par une offre d’emploi, afin de susciter un grand
nombre de candidatures. Dans les forces de vente indépendantes, cette opération est soumise à
des contraintes d’ordre socioéconomique, mais aussi juridiques qui obligent les responsables
d’entreprises à mettre en œuvre des procédures et actions spécifiques.
Le recrutement des nouveaux vendeurs est analysé à travers trois clusters identifiés dans les
trois cartes collectives. Ces clusters mettent en évidence la logique de recrutement mis en place
par les entreprises pour intéresser les potentiels candidats, et les représentations des vendeurs sur
les pratiques de recrutement.
1.1.1. Les logiques de recrutement développées par les entreprises
L’analyse inter carte porte sur trois clusters identifiés traitant du recrutement. Le cluster 1 de
la carte des responsables commerciaux et le cluster 4 des nouveaux vendeurs. Le premier
présente le recrutement comme une composante du système de gestion (en général) des
vendeurs indépendants, tel qu’il est perçu par les responsables commerciaux. Le second cluster
est centré sur les expériences vécues respectivement par les nouveaux vendeurs et les vendeurs
séniors.
1.1.1.1. Attirer les candidats aux emplois de vendeur indépendant par une
manipulation des outils
Pour appréhender cette logique de recrutement, nous concentrons notre analyse sur les
moyens et les supports de recrutement, et de façon accessoire sur les critères de sélection. Dans
le cluster 1 des RC (annexe 3), les concepts les plus importants, à savoir « Gérer autrement les
vendeurs indépendant », la « sélection des candidats » et la « maitrise des aspects techniques du
travail », établissent une relation entre ces différentes variables. Autrement dit, la volonté des
responsables commerciaux est d’établir une relation positive entre le système de gestion, les
procédures de recrutement, et la capacité du nouveau vendeur à s’adapter à son nouvel emploi.
Mais, nous verrons par la suite que ces pratiques ne sont pas perçues pareillement par les autres
acteurs. L’analyse du cluster 1 permet d’identifier trois niveaux d’analyse : les moyens de
recrutement, les supports d’information, et les critères de sélection.
Dans les forces de vente, il est d’usage que le recrutement des vendeurs indépendants soit
réalisé par le service commercial, dans la mesure où ces vendeurs ne sont pas comptés dans les
289
effectifs de l’entreprise. En la matière, le service commercial est reconnu dans l’entreprise
comme étant la structure la mieux placée pour procéder à ce recrutement. Cette légitimité, il l’a
doit à son ouverture sur le marché, et à sa proximité avec les acteurs du processus de
commercialisation (vendeurs, intermédiaires de la distribution, institutions de crédits).
Cependant, en dépit de leur expertise sur le plan commercial, les managers commerciaux sont
peu compétents dans le domaine du recrutement. Ainsi, confier le recrutement des vendeurs
indépendants à la direction des ressources humaines (désormais DRH) est perçu par les
responsables commerciaux comme une bonne décision, car elle leur permet de se « concentrer
sur les aspects commerciaux du management ». Cependant, cette décision peut être contre-
productive, car la DRH à tendance à « harmoniser le recrutement » de son personnel, prenant
ainsi le risque de recruter les vendeurs indépendants avec les mêmes outils que les salariés.
D’abord, au niveau des moyens utilisés pour recruter les meilleurs profils, les responsables
commerciaux proposent différentes solutions. Ainsi, nous avons d’abord le recrutement qui est
fait par les « cabinets conseils » qui sont considérés comme représentant les moyens
traditionnels. Ces moyens s’avèrent également comme étant très sélectifs, dans la mesure où ils
s’intéressent surtout aux candidats diplômés, ou présentant un bon niveau de formation. Il y a
aussi les « journées portes ouvertes » que l’on présente comme des espaces de rencontre propices
à la découverte des talents, dans la mesure où elles touchent des publics plus larges et plus
diversifiés. Ces espaces permettent d’apprécier in situ les qualités intrinsèques des candidats
comme le précise un des responsables commerciaux interrogés (Cf. encadré 1). L’utilisation de
ces « journées portes ouvertes » traduit bien un besoin de renouvellement des pratiques des
ressources humaines.
Ensuite, concernant les supports d’information, deux types de supports sont privilégiés par les
responsables commerciaux : les annonces de recrutement insérées dans la presse écrite et bouche
à oreille. Le premier support touche généralement un public assez large, mais leur efficacité
dépend de la qualité de « l’information véhiculé » et de l’attraction même des emplois proposés.
Le second support vise une cible plus restreinte compte tenu de la pénurie de vendeurs qualifiés
sur le marché de l’emploi. De façon générale, les entreprises utilisent conjointement ces deux
supports, avec accent particulier sur l’annonce presse pour atteindre les candidats ayant un « bon
niveau de formation ». Or, comme on peut l e pressentir, il serait judicieux d’utiliser le bouche à
oreille pour atteindre les candidats disposant d’une « expérience dans la vente ».
Enfin, s’agissant des critères de recrutement, les responsables commerciaux recherchent des
candidats présentant au moins l’une des dispositions suivantes : l’expérience dans la vente, la
290
formation à la vente, le niveau scolaire, et la qualité de l’expression et de la communication. Les
deux premiers critères demeurent une constante dans l’élaboration des profils de ces vendeurs,
mais comme nous l’avons souligné dans le paragraphe précédent, la difficulté à trouver ces
profils sur le marché obligent les entreprises à former leurs nouvelles recrues aux métiers de la
vente. Dans ce contexte, les exigences pour intégrer une équipe de vente sont réduites au niveau
scolaire et à la qualité de l’expression.
1.1.1.2. Attirer les candidats par des promesses d’emplois salariés
Cette vision du recrutement n’est pas toujours partagée par les nouveaux vendeurs, et dans
une certaine mesure par les vendeurs séniors. En effet, les différents clusters traitant de cette
dimension soulignent plutôt une influence négative de ces pratiques sur l’adaptation ultérieure
des nouveaux vendeurs à leur nouvel emploi. Le cluster 3 des vendeurs séniors présente une
vision contrastée du recrutement, tel qu’il est mis en œuvre par les entreprises. Les vendeurs
pensent que les moyens utilisés par les entreprises (cabinets de recrutement et les annonces
presse) ne permettent pas aux candidats d’avoir une bonne connaissance de l’emploi proposé.
D’une part, les cabinets sont utilisés pour valoriser l’offre d’emploi, et la rendre attractive auprès
des cibles visées. Certes, ils parviennent, par leur expertise à sélectionner les meilleurs candidats
possibles, mais dans le même temps ils fournissent très peu d’informations sur la dénomination
de l’entreprise et les informations du poste à pourvoir. Dans ces cas, le rôle des cabinets consiste
simplement à identifier les meilleurs candidats aux emplois proposés, et à les soumettre à
l’appréciation de l’entreprise. D’autre part, certaines annonces écrites et publiées dans la presse
ne renseignent pas suffisamment sur l’emploi proposé, notamment sur les aspects essentiels tels
que le statut et la rémunération. La logique du recrutement consiste à donner moins
d’informations au candidat, pour ensuite l’intéresser par des promesses lors des entretiens de
recrutement. Cette rétention d’information engendre naturellement, chez les candidats retenus,
une connaissance approximative de l’emploi proposé. Ainsi, une majorité de vendeurs débutant
leurs activités dans la vente ne savent pas exactement en quoi consiste leur travail.
Par ailleurs, dans la carte collective des nouveaux vendeurs, les variables relatives au
recrutement sont reparties dans deux clusters (clusters 3 et 4), ce qui dénote et confirme la
complexité de ce schème cognitif. Mais dans le cadre de cette analyse, nous avons considéré le
cluster 4, compte tenu des nouvelles relations qu’elle propose. En effet, en dehors des variables
retenues pour expliquer l’action des responsables commerciaux dans le recrutement des vendeurs
indépendants, la carte des nouveaux vendeurs met en évidence un critère important : le « carnet
d’adresse ». Le carnet d’adresses représente le réseau de relations qu’un vendeur est capable de
291
mobiliser dans le cadre de son activité. C’est un critère essentiel, voir le plus important du
processus de sélection, dans la mesure où il exprime l’intérêt pour une entreprise de s’attacher
les services d’un vendeur indépendant, à savoir un portefeuille clients important qui donne un
accès immédiat au marché.
En définitive, les moyens et procédures de recrutement mises en œuvre par les entreprises
font largement appel aux techniques couramment utilisées dans le recrutement des vendeurs
salariés. Le recours systématique à l’annonce presse, ou l’utilisation des méthodes classiques
d’entretiens deviennent très peu adaptés à toucher les profils correspondants au poste de vendeur
indépendant. Ces pratiques ne tiennent pas compte de la réalité du travail qui est proposé dans de
nombreuses entreprises, et l’objectif poursuivi et souvent inavoué des responsables commerciaux
est celui de dissimuler toutes les informations qui pourraient rendre l’emploi proposé moins
attractifs. Ainsi par exemple, on ne précisera pas le type d’emploi proposé (salarié ou
indépendant), ou le système de rémunération (fixe et/ou commissions). Le vendeur franchit donc
les étapes essentielles du recrutement en ayant une « connaissance approximative de l’emploi
proposé ». Par conséquent, le recrutement des vendeurs indépendants présente deux risques
majeurs. Le premier risque repose sur le fait que le profil retenu ne corresponde pas aux qualités
requises pour occuper ce poste de vendeur. Dans ce contexte, l’apprentissage du vendeur peut
prendre du temps, surtout quand le nouveau vendeur n’a jamais exercé dans la vente. Le second
risque se situe dans l’incompatibilité des valeurs de la nouvelle recrue avec celles de l’entreprise.
Cette situation survient lorsque l’entreprise propose un emploi d’indépendant, alors le vendeur
aspire à des emplois salariés. Les nouveaux vendeurs qui sont confrontés à de telles situations
quittent prématurément l’entreprise.
1.1.2. Le choix d’un emploi d’indépendant
De l’aveu de certains vendeurs interrogés, les emplois dans le commercial sont précaires et
dévalorisants. Ainsi, le travail de vendeur indépendant est considéré comme un passage
transitoire vers des emplois plus valorisants, ou vers d’autres projets professionnels. Cependant,
les raisons qui poussent les individus à s’engager dans ces emplois empruntent des trajectoires
différentes, et répondent à des motivations particulières.
L’examen du cluster1 (Cf. annexe 2) des nouveaux vendeurs permet de constater que les
motivations qui orientent les individus à accepter un emploi d’indépendant dans la vente sont
nombreuses. Nous présentons à travers les chaines d’argumentation, les pratiques de recrutement
telles que se les représentent les nouveaux vendeurs, puis nous analysons l’impact de ces
pratiques sur le turnover des vendeurs.
292
§ Une logique de carrière
Le vendeur indépendant est un prestataire qui travaille pour le compte d’une ou plusieurs
entreprises, sans être compté dans l’effectif de celles-ci. Il apparait donc théoriquement
inconcevable d’inscrire l’évolution de sa carrière dans le cadre d’une seule entreprise, car il n’est
pas salarié. Cependant, depuis quelques années, une conception du recrutement fondée sur une
perspective de carrière émerge des pratiques de gestion développées par les entreprises.
En effet, les promesses, faites par des agents recruteurs lors des entretiens, ont pour objectif
d’encourager les postulants à s’engager dans ces emplois. Ces stratégies permettent aussi aux
entreprises de se constituer un vivier permettant d’alimenter leurs besoins en recrutement. Dans
cette perspective, le travail de vendeur indépendant peut être présenté comme un emploi qui
permet d’entrer dans une entreprise. On débute comme vendeur indépendant, avant d’évoluer
vers des emplois salariés dans la vente, ou dans d’autres fonctions de l’entreprise. Le cluster 1
des NV (Cf. annexe 4) montre que les individus qui ont fait le choix de travailler comme
indépendant, sont influencés par la promesse qui leur est faite de devenir salariés. La promotion
au statut de salarié étant conditionnée par leur performance, la promesse faite au vendeur va
donc jouer un rôle catalyseur dans le comportement de ce dernier. Ainsi elle va, non seulement
motiver le vendeur à relever les challenges, mais elle va aussi l’encourager à rester dans l’équipe.
Cependant, les promesses ne sont pas toujours tenues pour des raisons diverses. La logique
économique, c'est-à-dire la volonté de l’entreprise de réaliser des économies, oblige les
entreprises à maintenir leurs vendeurs dans ce statut. La performance du vendeur, dans la mesure
où le vendeur n’atteint pas les objectifs qui lui sont fixés. De façon générale, deux cas de figure
s’offrent au vendeur : (1) Il persévère et attend une opportunité d’emploi dans un autre service de
l’entreprise ; il quitte l’équipe de vente, mais demeure dans l’entreprise. (2) Il quitte simplement
l’entreprise.
§ Un emploi par défaut.
La deuxième motivation est liée à l’environnement socio-économique. Le cluster 1 des
nouveaux vendeurs met aussi en évidence plusieurs raisons qui interviennent dans cette décision.
Ainsi, les situations de précarité et la volonté des individus à répondre à leurs besoins personnels
poussent certains à prendre le premier emploi qui se présente à eux. La perte d’un emploi salarié
est également un motif pertinent, car les individus affectés par cette perte doivent rechercher des
ressources financières pour continuer à vivre et à payer leurs charges. Il s’agit d’une situation
plus ou moins contraignante, car les postulants sont obligés de prendre ces emplois pour subvenir
293
à leurs besoins existentiels. Etant donné que ces emplois ne correspondent pas à des objectifs
professionnels, nous les considérons comme des emplois contractés par défaut. Autrement dit, le
vendeur exerce une activité qu’il n’avait pas souhaitée. Il demeure à son poste, tant qu’il n’a pas
trouvé un emploi qui réponde à ses aspirations, et son implication aux activités de l’entreprise est
très faible. Aussi, lorsqu’une meilleure opportunité d’emploi se présente à lui, il quitte son
emploi actuel de vendeur. Mais, ce départ n’est pas systématique, car le vendeur procède d’abord
à une évaluation de sa situation présente par rapports aux propositions qui lui sont faites. Ainsi,
les vendeurs qui ont atteint des niveaux de rémunération importants auront tendance à demeurer
dans l’équipe, alors que ceux qui peinent à se constituer un revenu satisfaisant vont quitter
l’entreprise.
§ Un tremplin vers un autre emploi
La troisième motivation porte sur des motifs plus valorisants tels que la volonté d’établir de
nouvelles relations, le désir d’acquérir une expérience professionnelle, ou encore le besoin de
multiplier ses gains. Il s’agit d’individus qui ont des projets professionnels très ambitieux, et qui
prennent le temps de se former avant de se lancer. Les vendeurs qui se situent dans ce cas de
figure, cherchent à termes un emploi salarié, ou espèrent capitaliser leurs acquis professionnels
pour se mettre à leur propre compte. Par conséquent, ils sont prêts à travailler temporairement
comme indépendant, en attendant de trouver un meilleur emploi. Le vendeur va profiter des
contacts qu’il établi dans le cadre de son activité, et créer un réseau de relations qu’il mobilisera
le moment venu. Ainsi, l’emploi de vendeur indépendant est souvent perçu comme un tremplin
qui prépare les individus, soit à occuper par la suite un emploi plus stable, soit à financer leurs
projets personnels. Dans ce contexte, le vendeur est souvent amené à quitter son emploi lorsque
ses objectifs sont atteints.
En conclusion, nous pouvons dire que le départ ou le maintien des nouveaux vendeurs
dans l’équipe dépend de plusieurs facteurs liés aux attentes et objectifs que ceux-ci se donnent.
Les attentes découlent des promesses qui sont faites par les agents recruteurs. La non réalisation
des ces promesses engendre le départ du vendeur, mais ce départ n’est pas systématique, dans la
mesure où certains vendeurs restent quand même dans l’entreprise. De même que les nouveaux
vendeurs qui n’atteignent pas leurs objectifs, ne quittent pas automatiquement l’équipe de
vente. Dès lors, on peut se poser la question sur les motivations qui poussent certains vendeurs à
rester, quand bien même leurs attentes ne sont pas satisfaites.
294
1.2. Les idées relatives à la formation et l’acquisition des connaissances
La formation englobe l’ensemble des décisions et des actions qui permettent au nouveau
vendeur d’apprendre le métier, et d’acquérir les connaissances, les compétences et les
comportements nécessaires. Dans le cadre de cette analyse, la comparaison des clusters qui
traitent de la formation des nouveaux vendeurs porte sur quatre clusters, le cluster 4 des RC (Cf.
annexe 3), le cluster 3 des NV (Cf. annexe 4), les clusters 1 et 4 des VS (Cf. annexe 5). Les trois
premiers clusters développent les préoccupations communes aux trois catégories d’acteurs, alors
que le dernier traite des préoccupations particulières des vendeurs séniors.
Nous proposons une analyse comparative des clusters à partir des préoccupations communes
(1.2.1), puis nous présentons le rôle spécifique des vendeurs séniors dans la formation des
nouvelles recrues (1.2.2).
1.2.1. Accompagner sur le terrain vs formation en salle
Les clusters traitant de la formation des nouveaux vendeurs mettent en évidence deux
préoccupations. La première repose sur une vision commune de la formation fondée sur le
concept « accompagner sur le terrain » et son pôle contrasté « former en salle ». Autrement dit,
l’accompagnement des nouveaux vendeurs sur le terrain reste donc la principale action de
formation que les entreprises mettent en œuvre, car elle permet un apprentissage pratique et plus
rapide du métier de vendeur. Les vendeurs apprennent dans l’action en regardant, puis en imitant
les vendeurs les plus expérimentés. Alors que, la formation en salle concerne les aspects
théoriques de la vente et des procédures qui permettent de commercialiser les produits.
Cependant, elle est nécessaire pour les vendeurs qui n’ont aucune expérience de la vente, et
permet de préparer les nouveaux vendeurs à la dure épreuve du terrain. Dans ce contexte,
l’existence du pôle contrasté permet de préciser la place de plus en plus marginale que la
formation en salle occupe dans les programmes de formation des entreprises employant des
vendeurs indépendants. Les entreprises mettent en avant deux préoccupations : les coûts suscités
par ces formations, dans la mesure où les formateurs viennent essentiellement de l’extérieur
d’une part ; et le temps accordé à la formation, en ce sens qu’il peut occasionner un manque à
gagner pour l’entreprise d’autre part.
En réalité, cette préférence pour l’accompagnement sur le terrain reflète aussi le faible
engagement de l’entreprise à la formation des nouveaux vendeurs. En effet, le nombre de
variables autour du concept « accompagner sur le terrain » parait moins important dans le
cluster 4 des responsables commerciaux que dans les clusters des vendeurs séniors et des
295
nouveaux vendeurs. Ce qui laisse penser que les responsables commerciaux seraient moins
préoccupés que les vendeurs séniors (cluster1) et les nouveaux vendeurs (cluster 3) sur la
formation des nouveaux vendeurs.
La seconde repose sur une vision différenciée de la formation entre les trois catégories
d’acteurs. Alors que le cluster 3 des responsables commerciaux propose une formation qui
repose essentiellement sur l’action de l’entreprise, les clusters des vendeurs séniors et des
nouveaux vendeurs présentent une vision plutôt dynamique qui considère, en plus de l’action de
l’entreprise, celle des vendeurs à travers la recherche d’information. Ces différentes approches
de la formation reflètent en réalité la façon dont la socialisation du vendeur est conduite.
Les responsables commerciaux adoptent une approche organisationnelle, qui consacre le rôle
prépondérant de l’entreprise dans la formation du nouveau vendeur. Cette formation peut prendre
du temps et retarder la socialisation de la nouvelle recrue, si l’entreprise n’est pas totalement
engagée, mais aussi dans le cas où le vendeur n’est pas ouvert aux autres membres de l’équipe.
Par contre, lorsque la formation est une préoccupation partagée, les interactions permanentes
entre le vendeur et personnes chargés de la formation accélèrent le processus de socialisation.
En conclusion, on peut donc affirmer que les vendeurs et en particulier les vendeurs séniors
accordent une importance particulière à la formation. Le vécu de jeune vendeur, et l’expérience
dans la vente leur permet une meilleure compréhension des besoins en formation des nouveaux
arrivants. Cependant, le rôle de formateur auquel ils sont souvent prédestinés, n’est pas sans
conséquence à la fois sur leur travail, et sur la formation des nouveaux vendeurs.
1.2.2. L’encadrement des nouveaux par les vendeurs séniors
Il y a une tradition qui veut que le nouveau vendeur soit placé auprès d’un vendeur plus
expérimenté qui fait office de tuteur ou de coach selon les situations, pour apprendre le métier.
En pratique, cette tache relève des attributions courantes du responsable commercial, mais en
fonction de la charge de travail et du nombre de vendeurs en apprentissage, les vendeurs séniors
sont mis à contribution pour accompagner les nouvelles recrues sur le terrain. Cependant, cette
action habituellement mis en œuvre dans les forces de vente salariées, peut s’avérer délicate à
mettre en œuvre auprès des vendeurs indépendants. Elle pose la question de l’encadrement des
nouveaux vendeurs par les vendeurs séniors, et l’efficacité de leur action.
Le cluster 4 des VS, met en évidence le rôle des vendeurs séniors dans la formation des
nouveaux vendeurs. Cette analyse laisse apparaitre deux préoccupations qui tournent autour du
296
concept « disponibilité ». D’une part, en leur qualité de vendeur indépendant, les vendeurs
séniors n’ont pas d’attributions qui relèvent du fonctionnement courant de l’entreprise.
Cependant, à la faveur d’un accord tacite avec le responsable commercial, ils se rendent
disponibles. Autrement dit, ils acceptent d’accompagner les nouvelles recrues dans leur
apprentissage, en échange d’une compensation. Cependant dans leur gestion quotidienne,
certains responsables commerciaux appréhendent ce travail comme le prolongement de leur
activité principale, et ne rémunèrent pas cette tâche spécifique. Or, comme nous l’avons souligné
dans les paragraphes précédents, les vendeurs séniors utilisent une partie de leur temps de
production à l’encadrement. Ce qui suscite un manque à gagner qui n’est pas toujours compensé
par l’entreprise. Ainsi, le vendeur sénior peut manifester un faible engouement à encadrer
convenablement le nouveau vendeur, ce qui aurait pour conséquence d’affecter sa formation, et
par conséquent son intégration, l’entreprise n’ayant pas de moyens coercitifs pour exiger ce
suivi. D’autre part, le cluster 4 montre également que les vendeurs expérimentés présentent une
meilleure disponibilité, dans l’encadrement des nouveaux vendeurs, que ceux qui le sont moins.
En effet, les vendeurs peu expérimentés et souvent pas très performants, ont tendance à percevoir
les nouveaux vendeurs comme des concurrents. Par conséquent, ils n’accordent assez de temps
au suivi des vendeurs qui leur sont confiés, influençant négativement l’acquisition des
compétences. Alors que les vendeurs disposant d’une grande expérience, et ayant à leur actif un
portefeuille clients important présentent des comportements d’aide et une plus grande
disponibilité à encadrer les nouveaux vendeurs. Ils sont donc par leur réussite, les mieux placés
pour transmettre les connaissances et les comportements nécessaires à la vente, et plus
globalement le rôle de vendeur indépendant.
1.3. Les idées relatives aux relations interpersonnelles
La difficulté du management des vendeurs indépendants est de concilier le caractère
individualiste du vendeur indépendant, avec les valeurs d’une équipe de vente. La question des
relations entre les membres déjà en place dans l’entreprise et les nouveaux vendeurs est mise en
évidence dans de nombreux clusters, et dans des clusters différents à l’intérieur d’une même
carte collective. Ainsi, les trois clusters 1, 2, et 5 des VS (Cf. annexe 5), les deux clusters 2 et 4
des NV (Cf. annexe4), et le cluster 1 des RC (Cf. annexe 3) traitent partiellement de la question.
Seul, le cluster 5 des VS semble se focaliser sur le sujet. Cette observation confirme la
complexité des représentations de ces vendeurs sur les relations professionnelles. Néanmoins,
pour comprendre comment ces relations évoluent et influencent le comportement des nouveaux
vendeurs, nous présentons d’abord à partir d’une analyse intergénérationnelle, les relations de
défiance entre les nouveaux vendeurs et les vendeurs séniors. Ensuite, nous analysons les effets
297
des relations conflictuelles entre vendeurs. Enfin, nous examinons les relations conflictuelles
entre les vendeurs et leur superviseur.
1.3.1. Un climat de défiance entre vendeurs séniors et nouveaux vendeurs
Le plus souvent, les vendeurs séniors s’attendent à ce que les nouvelles recrues manifestent
leur volonté d’appartenir au groupe. Le concept « s’ouvrir aux autres…) exprime l’accessibilité
du nouveau vendeur aux membres déjà en place dans l’entreprise. Autrement dit, la capacité du
vendeur à se confier à son superviseur et ses collègues vendeurs expérimentés, et à solliciter leur
aide dans l’accomplissement de son travail. L’ouverture aux autres traduit également une
disposition d’écoute indispensable lors du processus d’apprentissage.
Le pôle contrasté du concept permet d’identifier deux types de comportement opposés, un
comportement de suffisance (cluster 2 V.S) et un comportement d’isolement (cluster 3 R.C). Le
cluster 3 des RC montre que la capacité des nouveaux vendeurs à s’ouvrir aux autres favorise les
échanges avec les vendeurs séniors et le superviseur. Par contre, les vendeurs qui ne s’ouvrent
pas se replient sur eux-mêmes, dans un comportement d’auto-exclusion. Ils se mettent
volontairement à l’écart, pour anticiper les comportements de rejet dont ils font parfois l’objet.
Dans le cluster 5 des VS, les vendeurs qui s’ouvrent aux autres établissent des relations dans
l’équipe, favorisent le climat de travail et expérimentent des succès dans leur activité. A
l’opposé, les vendeurs qui ne s’ouvrent pas adoptent un comportement de défiance (cf.
paragraphe) vis-à-vis des autres. Deux explications possibles peuvent justifier ce comportement:
(1) le vendeur est davantage préoccupé par ses propres résultats que ceux de l’équipe, dans la
mesure où sa rémunération en dépend. De plus, il est souvent marginalisé du reste du personnel
de l’entreprise, ce qui crée des « barrières psychologique » qui ne l’encourage pas à s’impliquer
dans le travail et dans l’entreprise, et à trouver suffisamment de motivation dans son activité. (2)
les vendeurs se considèrent dans leur ensemble comme des concurrents sur le terrain, car les
vendeurs confirmés ont le sentiment que les nouveaux vendeurs vont réduire leur part de marché
et les privés des gains substantiels. Il y a donc deux approches pour les nouveaux vendeurs qui
ne s’ouvrent pas aux autres. Ces comportements sont susceptibles de ralentir le processus
d’intégration du nouveau vendeur, et dans une certaine mesure susciter le départ de ces derniers
en cas de désaccords profonds.
298
1.3.2. L’émergence des conflits au sein de l’équipe de vente
Le cluster 2 des VS met en évidence deux types de conflits qui sont susceptibles de créer des
frustrations chez les nouveaux vendeurs, et influencer leur départ de l’équipe et de l’entreprise :
les conflits entre vendeurs, et les conflits entre le superviseur et les vendeurs.
§ Les conflits entre vendeurs
La chaine d’argumentation allant de « ne pas clarifier les règles de travail » jusqu'à la
« décision de partir » contenus dans le cluster 2 des VS indiquent que l’absence de clarification
des règles de travail est, en partie, à l’origine des conflits entre vendeurs. Elle se réfère au fait
que dans ces organisations de vente, les vendeurs ne sont pas repartis dans des secteurs de vente
et interviennent indifféremment sur le terrain, créant ainsi des confusions à la fois pour les
clients qui reçoivent plusieurs vendeurs d’une même entreprise, mais aussi pour les vendeurs qui
travaillent sur les mêmes clients. Le cluster 2 des NV parait plus explicite sur les conflits entre
vendeurs en mettant en évidence les explications et les conséquences.
Deux facteurs, la concurrence entre vendeurs et le fait de travailler sur les mêmes clients sont
considérés comme les faits générateurs de ces conflits. Ces faits sont liés à l’absence de règles de
travail, et par conséquent à la qualité de la gestion des vendeurs sur le terrain. Les disputes sur
les clients créent des tensions, et suscitent des relations difficiles dans les équipes. Par ailleurs,
nous notons que les conflits entre vendeurs influencent négativement l’esprit d’équipe, et
détériorent la cohésion interne. En outre, certains vendeurs peuvent être frustrés par les décisions
prises par la hiérarchie pour résoudre ces conflits, et quitter l’entreprise.
§ Les conflits entre les vendeurs et leur superviseur
A la différence des « conflits entre vendeurs », le cluster 2 des VS ne propose pas
explicitement des explications aux « conflits entre les vendeurs et leur superviseur ». Cependant,
une lecture transversale du cluster 2 des NV permet de mettre en évidence deux facteurs
explicatifs de la frustration du vendeur, qui renseignent sur l’état des relations de ces deux
acteurs : la différence de traitement des vendeurs et le fait de priver le vendeur des affaires
réalisées conjointement avec l’entreprise. En effet, ces deux variables permettent de comprendre
les tensions qui peuvent exister dans les relations entre les nouveaux vendeurs et leur
superviseur. Concernant la « différence de traitement », certains vendeurs révèlent les partis-pris
de leur hiérarchie dans la prise des décisions. Ces partis-pris se produisent lorsqu’il faut
trancher sur des litiges opposant les anciens aux nouveaux vendeurs. Ils existent aussi dans les
traitements de faveur dont bénéficient les vendeurs séniors. A tord ou à raison, ces différences de
299
traitement créent de la frustration, et peuvent susciter le départ des vendeurs. La deuxième
variable concernent les affaires initiées par le vendeur mais concluent en partie par l’entreprise.
Nous distinguons deux cas de figure : le premier cas de figure concerne les affaires négociées par
le vendeur, mais conclues en son absence à son siège. Les commissions résultant de ces affaires
sont le plus souvent, soit encaissées par le responsables hiérarchique, soit conservées par
l’entreprise. Le deuxième cas de figure concerne les affaires réalisées par le vendeur avec
l’appuie de sa hiérarchie. Il s’agit d’affaires portant sur des montants importants, et qui
nécessitent l’intervention de l’entreprise, ou du moins la participation des personnes hauts
placées à la négociation. Il arrive très souvent que les vendeurs initiateurs de la transaction soient
dépossédés de ces affaires, et par conséquent des commissions qui résultent de la vente réalisée.
Dans tous les cas, la privation des commissions crée chez le vendeur des frustrations qui peuvent
influencer son départ de l’entreprise.
1.4. Les idées relatives au statut et rôles du vendeur indépendant
Le statut du vendeur indépendant est mis en évidence à travers deux clusters, le cluster 4 des
RC et le cluster 4 des VS. Le premier cluster met en évidence trois concepts prépondérants qui
traduisent chacun une préoccupation particulière: « statut d’agent indépendant », « changer la
culture de travail », et « sentiment d’exclusion ».
1.4.1. Les enjeux liés au statut d’indépendant
Le vendeur indépendant est davantage un partenaire de l’entreprise qu’un employé. Certaines
entreprises utilisent les termes « prestataire de vente » ou « apporteur d’affaires » pour
caractériser leur relation avec le vendeur. Autrement dit, il s’agit de vendeurs qui sont installé à
leur propre compte, et organisent librement leurs activité. Mais, dans leur fonctionnement réel,
les vendeurs sont soumis à une clause d’exclusivité qui les oblige à travailler uniquement pour
une entreprise. En réalité, la « clause d’exclusivité » incorporée au contrat de collaboration
permet l’emploi exclusif d’un vendeur par rapport à une marque ou à un produit. A priori, le
vendeur exclusif peut occuper d’autres emplois, à la seule condition que ceux-ci ne soient pas
concurrents. Mais très souvent, les responsables commerciaux sont tenus par des exigences
d’efficacité et d’image qui les orientent vers une supervision plus contraignante. Ainsi pour
certains responsables commerciaux, la « clause d’exclusivité » précarise davantage un emploi
déjà instable, et nuit à l’efficacité du vendeur dans son travail. La « multiplication des emplois
clandestins » est aussi l’une des conséquences de cette situation, car les vendeurs cherchent
toujours à multiplier leur revenu. Les managers sont donc obligés de mettre en place des
300
mécanismes de contrôle plus drastiques, et quelques fois se séparer des vendeurs peu
performants, qui ne respectent pas cette clause d’exclusivité.
Dans le même ordre d’idées, la clause d’exclusivité permet à l’entreprise de protéger son
image et celle des marques dont elle a la charge. Dans son activité, le vendeur indépendant est
aussi porteur de l’image de son entreprise et des marques qu’il commercialise. Ainsi, représenter
plusieurs entreprise, ou plusieurs marques peut brouiller son image, dans la mesure où le vendeur
n’agit pas en son nom, mais au nom de ses commanditaires.
1.4.2. L’environnement de travail
Le « contexte de travail », se réfère aux effets que certaines dispositions de l’environnement
(socio-économique, culturel et juridique) produisent sur la gestion du vendeur indépendant.
L’environnement socio-économique est marqué par une forte « pénurie de vendeurs qualifiés ».
Deux variables influencent particulièrement la possibilité de trouver des vendeurs de qualité sur
le marché de l’emploi. D’une part, le caractère très peu attractif des emplois proposés, dans la
mesure où ces emplois sont précaires et ne permettent pas une évolution dans la carrière. D’autre
part, le marché de l’emploi est très étroit, car il est difficile de trouver des individus formés aux
métiers de la vente ; même si disposer d’une formation dans la vente n’est pas une condition
suffisante pour être un bon vendeur. Dans ces conditions, les responsables commerciaux doivent,
le plus souvent, se contenter des vendeurs aux profils atypiques. L’essentiel de leurs actions
consiste alors à mettre en place des mécanismes permettant aux nouveaux vendeurs de s’adapter
pleinement à leur emploi.
L’environnement culturel est probablement celui qui influence le plus le management des
vendeurs indépendants. Certains responsables commerciaux estiment qu’il est indispensable de
s’émanciper des méthodes de gestion occidentales, encore très prégnantes dans la gestion des
vendeurs indépendants. Les « différences culturelles » entre des vendeurs encore attachés au
salariat, et des dirigeants préoccupés par un retour sur investissement, doivent inspirer un
« changement de la culture de travail ». En somme, les responsables commerciaux prônent une
« gestion paternaliste » de la force de vente. Ils soulignent le manque de maturité des vendeurs,
dans la gestion de leurs activités et de leur finance.
L’environnement juridique concerne les règles de droit qui régissent le fonctionnement des
vendeurs indépendants, et particulièrement de l’agent commercial. Bien qu’elles préservent le
vendeur indépendant des abus de l’entreprise, ces règles peuvent constituer un blocage au bon
fonctionnement de la force de vente. C’est le cas des « réunions quotidiennes », qui à priori
301
expriment la manifestation d’un lien de subordination, lorsqu’elles sont initiées par l’entreprise.
Mais qui par ailleurs constituent pour les responsables commerciaux un formidable outil de
coordination, également apprécié par les vendeurs.
1.5. La performance du vendeur
Le management des forces de vente est caractérisé par un ensemble d’éléments relevant des
efforts fournis par le vendeur et du management mis en place par l’entreprise. Nous retenons
dans ce passage quatre éléments clés : les résultats de vente, la motivation et les réunions
d’équipe.
1.5.1. Les résultats de vente
Les résultats de vente sont une exigence fondamentale, aussi bien pour le vendeur que pour
l’entreprise. L’analyse de la performance du point de vue des résultats du vendeur s’appuie sur
le cluster 2 des RC et le cluster 3 des VS, qui traitent explicitement de la question de la
performance et des relations qu’elle suscite dans la pensée des acteurs. Dans les deux clusters la
« performance du vendeur » se situe au centre de nombreuses relations qui permettent, soit
d’expliquer ses déterminants, soit de lui donner un sens. Nous noterons également que les
facteurs qui influencent la performance, comme ceux qu’elle influence sont presque les mêmes,
pour les responsables commerciaux et les vendeurs séniors. Une identité de vue qui peut se
justifier par le fait que dans leur rôle d’encadrement, ces acteurs sont les mieux placés pour juger
de la performance d’un nouveau vendeur.
Les deux clusters révèlent de façon identique l’influence des concepts « ventes réalisées » et
« faire des efforts » sur la performance du vendeur. Dans le cluster 2 des responsables
commerciaux, la chaine d’argumentation montre que la performance est le résultat de l’effort
fourni par le vendeur, qui à son tour influence positivement le niveau de rémunération. Les
ventes réalisées par le vendeur dépendent des efforts fournies par le vendeur dans son travail, et
des compétences acquises par ce dernier dans le cadre de son apprentissage. Comme nous
l’avons souligné au début de cette analyse, pour obtenir des commissions le vendeur doit vendre
les produits qui lui sont confiés. Autrement dit, il doit prospecter de nouveaux clients et les
convaincre d’adhérer à sa proposition. Ensuite, les deux clusters mettent en évidence deux
concepts qui, de notre point de vue, exercent la même influence sur la performance. Le cluster 2
des responsables commerciaux parle de « fiabilité du vendeur » dans la mesure où ce dernier ne
parvient pas à réaliser les résultats qui lui sont demandés (objectifs), parce qu’il occuperait
plusieurs emplois. Ce qui rejoint le concept « degré de réalisation de l’objectif ». Enfin, le
302
concept « conditions de travail » influence négativement la performance dans le cluster 2 des
responsables commerciaux. Ce qui suppose pour ces acteurs que les mauvaises performances des
nouveaux vendeurs ne peuvent pas s’expliquer par les conditions d’exercice du métier.
Dans un deuxième temps, en traitant l’influence du concept « performance du vendeur » sur
les autres concepts, nous constatons que de façon identique la performance influence
positivement le « niveau de revenu du vendeur ». Autrement dit, si la performance est bonne le
vendeur aura un revenu satisfaisant, si au contraire elle est mauvaise le vendeur ne pourra pas
améliorer son revenu. Ainsi, selon le niveau du revenu, le vendeur est susceptible de quitter
l’entreprise ou de rester. Par ailleurs, en examinant les relations de la « performance du
vendeur » avec les autres concepts, nous remarquons que les concepts « performance du
vendeur » et « faire des efforts sont impliqués dans au moins une boucle dans les deux clusters.
Ce qui confirme le caractère systémique des schèmes étudiés déjà annoncé dans la première
section de ce chapitre. Cependant, l’appartenance de ces deux concepts à un système de
boucles64 (deux boucles) leur confère une importance particulière dans la prédiction du turnover.
Ainsi, un vendeur qui ne réalise pas suffisamment d’efforts dans son travail, peut être démis pour
insuffisance de travail, ou décider de partir à cause de son faible revenu.
1.5.2. La motivation des nouveaux vendeurs
Certaines entreprises mettent en place des dispositifs de gestion qui permettent de soutenir les
efforts demandés aux nouveaux vendeurs dans leur travail, et les encourager à produire
davantage. C’est le cas des dispositifs d’incitations financières et matériels développées par les
entreprises, mais ils ne constituent pas une obligation contractuelle
1.5.2.1. Le dispositif d’incitation organisationnel
Il comprend deux dispositifs. Le dispositif financier comprend un ensemble d’actions
développées par l’entreprise pour motiver les nouveaux vendeurs, et les maintenir le plus
longtemps possible au sein de l’équipe. Parmi ces actions, nous avons le « fixe dans la
rémunération » ou le minimum vital, c'est-à-dire un forfait qui permet au nouveau vendeur de
répondre à ses besoins existentiels. Il y a également les primes de transport et de communication
qui permettent au vendeur de prospecter, et de disposer d’un outil de communication par lequel il
peut être joint à tout moment. Il y a enfin, la possibilité qui est offerte au nouveau vendeur
64 Système écologique (Bougon et Komocar, 1994)
303
d’obtenir des facilités financières, telles que les prêts ou des avances sur commissions, dans la
mesure où il est performant.
Tableau 49. Actions de l'entreprise pour motiver les nouveaux vendeurs
Type d’actions Actions Objectifs
Matérielle
Allouer un espace de travail - maintenir le vendeur - créer les conditions optimales de travail - impliquer le vendeur
Financières
Allouer des primes de transport
- faciliter les déplacements - encourager la prospection
Disposer d’un fixe dans la rémunération
- motiver le vendeur - maintenir le vendeur
Accorder des prêts financiers - maintenir le vendeur - motiver le vendeur
Le dispositif matériel permet aux vendeurs indépendants de « disposer d’un espace de
travail » dans les locaux de l’entreprise, afin d’organiser leur travail et recevoir leurs clients. Ces
dispositifs d’incitation visent deux objectifs : motiver et impliquer les nouveaux vendeurs à la
vie de l’entreprise, et les conserver le plus longtemps possible au sein de l’équipe de vente. Le
premier objectif vise à encourager les vendeurs à surmonter les difficultés auxquelles ils sont
confrontés dans les trois premiers mois qui précèdent leur entrée dans l’entreprise. En effet, de
nombreux responsables commerciaux estiment que les vendeurs sont animés par un sentiment
d’exclusion. Ce sentiment influence négativement leur motivation au travail, la confiance avec le
superviseur, et conforte un comportement d’auto-exclusion qui ne favorise pas leur implication
au travail. Le deuxième objectif vise à maintenir ou à susciter chez les vendeurs l’idée de rester
dans l’entreprise. Ainsi, les entreprises prêtent à ceux qui sont susceptibles de rembourser, au
vue des performances qu’ils réalisent. En outre, notons simplement que les entreprises n’ont
aucune obligation formelle à mettre en place ces dispositifs. Mais, celles qui s’y emploient à le
faire ont un meilleur contrôle sur leur force de vente, et conservent leurs vendeurs le plus
longtemps possible. Alors que les entreprises qui ne mettent pas en place ces dispositifs
enregistrent souvent des départs massifs les trois premiers mois.
1.5.2.2. Les motifs de satisfaction / insatisfaction du vendeur
Les clusters 2 des RC et des NV mettent en évidence deux facteurs d’insatisfaction des
nouveaux vendeurs : la frustration et le revenu. La frustration est souvent considérée comme la
304
privation d’une satisfaction. Dans le cluster 2 des RC, cette privation peut être appréciée à partir
des quatre variables qui permettent de l’expliquer.
La première variable se réfère à l’attitude de fermeture des responsables qui prive les
nouveaux vendeurs d’accéder aux informations dont ils peuvent avoir besoin pour assumer
convenablement leur rôle. Elle traduit la volonté des responsables de l’entreprise de ne pas
étendre la gestion des vendeurs au-delà de leur responsable hiérarchique direct. Ce dernier étant
considéré comme le seul interlocuteur des vendeurs au sein de l’entreprise. La deuxième variable
concernant les « promesses non-tenues », empêche le vendeur d’obtenir un emploi salarié qui lui
assurerait une meilleure stabilité dans l’emploi. La décision des dirigeants de ne pas répondre
favorablement aux propositions d’emploi qui ont été faites pour attirer les individus à s’engager
comme vendeur indépendant peut être, soit le fait d’une mauvaise conjoncture économique qui
ne permet pas de recruter, soit simplement la volonté des dirigeants de ne pas en faire des
salariés. Il y a dans cette attitude un « manque de considération » de la part des entreprises vis-à-
vis des vendeurs qu’ils emploient. La troisième variable concerne le paiement irrégulier des
commissions et prive les vendeurs de disposer de leur revenu, et par conséquent des seules
ressources auxquelles ils aspirent pour accomplir leurs missions de vente. La quatrième variable
concerne les commissions perçues par le vendeur, et de façons générales le niveau de
rémunération qu’il espère au regard du travail fourni. En effet, les commissions perçues
constituent pour de nombreux vendeurs l’une des motivations de rester, dès lors que ces
commissions se situent à un niveau élevé. Mais, il arrive très souvent que ces commissions
stagnent ou évoluent peu pour les raisons suivantes : le taux de commissionnement, les
remboursements clients, les ventes réalisées par le vendeur, le défaut de règlement des clients, et
le fait de priver le vendeur des commissions dues.
Concernant le taux de commissionnement, les entreprises mettent en place des systèmes de
commissionnement progressifs qui ont pour objectif d’inciter les vendeurs à vendre davantage et
à améliorer leurs commissions. Mais, les nouveaux vendeurs encore peu expérimentés ne
parviennent pas à atteindre les taux les plus élevés, et par conséquent à relever leurs
commissions. Ce qui constitue un découragement qui peut se traduire par un départ. Le défaut de
règlement concerne les clients qui ne respectent pas leur échéancier de paiement, alors que les
remboursements concernent la restitution par l’entreprise des paiements reçues des clients, dans
la mesure où ces derniers ne sont pas satisfaits des produits ou prestations fournies. Ces défauts
de règlement et remboursement viennent minimiser les commissions perçues par le vendeur, et
constituent une source d’insatisfaction. L’examen des chaines d’argumentation qui mènent au
« remboursement client » met en évidence deux arguments : le premier met en cause le système
305
de gestion, dans la mesure où celui-ci n’est pas adapté à la gestion des litiges avec les clients.
Pour obtenir des commissions le vendeur doit vendre les produits qui lui sont confiés. Autrement
dit, il doit prospecter de nouveaux clients et les convaincre d’adhérer à sa proposition. Il doit
aussi travailler dans un environnement concurrentiel qui ne garanti pas le succès. Pour cela, le
vendeur doit avoir les connaissances nécessaires pour atteindre ses objectifs. Le vendeur qui se
sent incapables d’obtenir des ventes, éprouvent naturellement de l’insatisfaction dans leur travail.
Ainsi, le vendeur quittera l’entreprise s’il ne vend pas suffisamment, par contre il restera s’il est
persuadé de d’engranger des commissions. Enfin, le fait de « priver le vendeur des commissions
dues créent chez ce dernier un sentiment d’injustice qui peut le pousser à quitter l’entreprise. On
constate que dans le cluster 2 des NV, il existe une relation indirecte, entre « priver le vendeur
des commissions dues » et « décider de partir », qui met en évidence deux sentiers opposés,
traduisant la complexité du schème.
Par ailleurs, il faut souligner que la frustration du vendeur n’entraine pas systématiquement
son départ de l’entreprise. D’autres facteurs, tel que le « niveau de revenu » peuvent tempérer
l’intention du vendeur à quitter l’entreprise. En effet, le cluster 2 des RC montre aussi que le
niveau de revenu du vendeur influence positivement la décision de partir. Autrement dit, si le
revenu du vendeur est satisfaisant il restera dans l’équipe, même si les promesses ne sont pas
tenues, ou que le paiement est irrégulier. La décision de rester peut être également influencée par
des motifs personnels (le désir de s’assumer), ou des considérations socio-économiques
évoquées dans les paragraphes précédents.
Enfin, le cluster 2 des NV parait plus explicite sur les variables qui expliquent la frustration
du vendeur, et par conséquent son insatisfaction. Hormis le « paiement irrégulier des
commissions déjà traité dans le cluster 2 des responsables commerciaux, nous identifions cinq
nouvelles variables. Parmi ces variables, trois d’entre elles (la différence de traitement des
vendeurs, les conflits entre vendeurs et le fait de priver le vendeur des affaires réalisées
conjointement avec l’entreprise) ont fait l’objet d’un traitement dans l’explication des relations
interpersonnelles. Les deux variables restantes concernent : le « sentiment d’être tenu à l’écart »
et « l’absence de reconnaissance ». Le sentiment d’être tenu à l’écart est un sentiment
d’exclusion vécu par les vendeurs indépendants, au motif qu’ils ne sont pas salariés de
l’entreprise. Cette exclusion est perceptible dans le traitement qui est réservé aux vendeurs,
notamment la gestion de la rémunération, la participation aux activités socioculturelles de
l’entreprise, et quelque fois à travers des signes d’appartenance distinctifs65, comme le souligne
ce responsable commercial « …quand je suis arrivé, j’ai constaté que les vendeurs indépendant
65 Des badges d’identification anonymes qui ne porte pas le nom de l’entreprise.
306
portaient des badges qui les distinguaient des autres…j’ai tenu à ce que tout le monde ai le
même badge ». Il est aussi perceptible dans les comportements des salariés, notamment dans les
relations que les vendeurs entretiennent avec les personnels de l’administration des ventes. Cette
frustration empêche le nouveau vendeur de se constituer une nouvelle identité professionnelle, et
se considérer comme un membre à part entière de l’équipe et de l’entreprise.
1.5.3. Les réunions et le travail d’équipe
Les réunions de travail quotidiennes sont une règle de gestion constamment mises en œuvre
dans le management des vendeurs indépendants. Lorsqu’elles sont initiées par l’entreprise, elles
peuvent apparaitre comme une injonction de celle-ci et constituer un mécontentement chez les
vendeurs. Cependant, l’inscription de cette action dans les schèmes cognitifs des trois catégories
d’acteurs justifie l’importance de cette pratique dans le processus d’apprentissage et
l’organisation du travail des vendeurs. Les nouveaux vendeurs pensent en effet que la fréquence
de ces réunions favorise les échanges avec le superviseur et les vendeurs séniors (cluster 3). Les
vendeurs séniors, quant à eux, estiment qu’elles constituent un moyen de contrôle de l’activité
des vendeurs, un moment qui permet d’impulser le travail d’équipe, et surtout une preuve de la
qualité de la supervision des vendeurs indépendants (cluster 1). Enfin, pour les responsables
commerciaux, les réunions quotidiennes sont organisées pour assurer le contrôle des activités des
vendeurs (cluster 1). Ainsi, au lieu de paraitre un point de désaccord entre les vendeurs et leur
entreprise, les réunions journalières permettent de créer un espace d’interactions permanentes
entre les vendeurs, et entre ceux-ci et leur superviseur. Elles permettent aussi d’organiser et de
contrôler le travail des vendeurs, de résoudre les conflits qui les opposent, et par conséquent de
faciliter l’apprentissage des nouveaux vendeurs. Une absence de réunion peut, au contraire, être
préjudiciable au bon fonctionnement de l’équipe de vente, et retarder l’adaptation du vendeur.
Par ailleurs, le travail d’équipe est souvent considéré comme un formidable outil fédérateur,
qui permet à l’entreprise de faire travailler ensemble des vendeurs expérimentés avec les
nouveaux vendeurs. Mais, il arrive aussi que des vendeurs se regroupent spontanément pour
mutualiser leurs efforts afin d’atteindre leurs objectifs. L’existence d’un pôle contrasté, laisse
penser que le travail en équipe est plutôt apprécié par les nouveaux vendeurs par rapport au
travail en individuel. Cette tendance peut s’expliquer par le fait que, les nouveaux vendeurs
éprouvent encore un besoin important d’informations sur leur travail. L’analyse distingue deux
clusters qui traitent particulièrement du travail en équipe, le cluster 2 des NV et le cluster 1 des
VS. Le cluster 2 des NV met en évidence les variables explicatives et les conséquences du
concept. On notera par exemple que, la concurrence entre vendeurs favorise davantage le travail
307
en individuel que le travail en équipe ; et que le travail en équipe stimule le vendeur à faire des
efforts dans le travail, et par conséquent à être performant. Mais, c’est dans le cluster 1 des
vendeurs séniors que la contribution du travail en équipe est significative. En effet, le travail en
équipe est perçu comme un moyen qui permet d’atteindre quatre objectifs : (1) les échanges avec
les vendeurs séniors, pour acquérir les connaissances et comportements nécessaire pour tenir son
rôle et accomplir ses taches ; (2) l’esprit d’équipe, pour assurer un climat de travail propice à la
réalisation des performances ; (3) la performance collective, comme aboutissement des efforts
réalisés par l’équipe de vente ; et (4) confiance réciproque des membres de l’équipe, comme
moyen de coordination des activités au sein de l’équipe.
2. Les concepts dominants de la socialisation des vendeurs indépendants
Cette analyse permet d’identifier les préoccupations dominantes autour desquelles les
principaux acteurs du processus de socialisation du vendeur indépendant organisent leurs
représentations. Les résultats obtenus dans les tableaux présentés ci-après procèdent du
croisement entre les critères de centralités et de domaine les plus importants de chaque carte
collective. Après une présentation des principaux résultats obtenus (2.1), nous proposons
d’analyser les concepts les plus importants dans le management des vendeurs indépendants (2.2).
2.1. Les résultats du croisement de la centralité et du domaine
2.1.1. Les concepts les plus importants de chaque carte collective
Pour obtenir les concepts les plus importants, nous avons croisé les dix concepts de centralité
et de domaine qui réalisent les scores les plus élevés, à partir des données fournies par le logiciel
« Decision Explorer ».
2.1.1.1. La carte des nouveaux vendeurs
Dans la carte des nouveaux vendeurs, la correspondance entre les préoccupations obtenues par
le calcul de centralité et celui de domaine est plus ou moins élevée, puisqu’elle concerne six
concepts sur dix. Par conséquent, les concepts qui cristallisent les préoccupations des nouveaux
vendeurs sont :
§ Motiver le vendeur
§ Travailler comme indépendant…salarié
§ Commissions perçues
308
§ Echanger avec le superviseur
§ Frustrer le vendeur
§ Maitriser les aspects techniques du travail
Tableau 50. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des
nouveaux vendeurs.
Centralité Domaine Motiver le vendeur Travailler comme indépendant…salarié Commissions perçues Echanger avec le superviseur Disposer d’un revenu Frustrer le vendeur Travailler comme indépendant…salarié Commissions perçues Connaissance de l’emploi proposé Echanger avec les vendeurs séniors Ventes réalisées par le vendeur Maitriser les aspects techniques du travail Promesse d’un emploi salarié Accompagner le vendeur sur le terrain Maitriser les aspects techniques du travail Conflits entre vendeurs Echanger avec le superviseur Rechercher l’information Frustrer le vendeur Motiver le vendeur
2.1.1.2. La carte des vendeurs séniors
La carte des vendeurs séniors présente l’existence d’une relative similitude entre les concepts
centraux et les concepts dont le domaine est élevé, puisque sept concepts sur dix sont les mêmes
dans les deux cartes. Les préoccupations les plus importantes des vendeurs séniors reposent sur
les concepts suivants :
§ Acquérir des compétences
§ Accompagner sur le terrain…formation en salle
§ Maitrise des aspects techniques du travail
§ Rechercher l’information
§ Echanger avec les vendeurs séniors
§ Niveau de revenu
§ Statut d’indépendant
309
Tableau 51. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des
vendeurs séniors.
Centralité Domaine Acquérir des compétences Accompagner le vendeur sur le terrain Maitriser les aspects techniques du travail Maitriser les aspects techniques du travail Encadrer les nouveaux vendeurs… Acquérir des compétences Accompagner le vendeur sur le terrain Rechercher l’information Rechercher l’information Echanger avec les vendeurs séniors Echanger avec les vendeurs séniors Sélection des candidats Niveau de revenu Statut d’indépendant Expérience dans la vente Niveau de revenu Conflits entre vendeurs Dimensions commerciales Statut d’indépendant S’ouvrir aux autres
2.1.1.3. La carte des responsables commerciaux
Dans la carte des responsables commerciaux, nous relevons une forte correspondance entre
les concepts centraux et les concepts dont le domaine est élevé, puisque sept des dix concepts
sont identiques. Les préoccupations des responsables commerciaux se définissent comme suit :
§ Gérer autrement les vendeurs
§ Maitriser les aspects techniques
§ Motiver le vendeur
§ Information véhiculée lors de l’entretien
§ Degré de réalisation de l’objectif
§ Acquérir des compétences
§ Recruter par la DRH
Tableau 52. Croisement des critères de centralité et de domaine de la carte collective des
responsables commerciaux.
Centralité Domaine Gérer autrement Gérer autrement Maitriser les aspects techniques du travail Maitriser les aspects techniques du travail Motiver le vendeur Performance du vendeur Avoir un fixe dans la rémunération Echanger avec les vendeurs séniors Information véhiculée à l’entretien Sélection des candidats Degré de réalisation de l’objectif Degré de réalisation de l’objectif Prime de transport Recruter par la DRH Acquérir des compétences Information véhiculée à l’entretien Recruter par la DRH Acquérir des compétences Renouveler les règles de travail Motiver le vendeur
310
2.1.2. Les concepts les plus importants des trois cartes collectives
Pour obtenir les concepts les plus importants des trois cartes cognitives, nous avons procédé
par un croisement par paire des résultats obtenus sur le croisement des critères de centralité et de
domaine de chaque carte. Cette opération a permis d’identifier les concepts les plus importants
par paire de carte, puis d’isoler le concept le plus important pour les trois catégories d’acteurs
(Cf. tableau 26). Ces concepts représentent les préoccupations les plus importantes à prendre en
compte dans le management des vendeurs indépendants.
Tableau 53. Mise en évidence du concept le plus important
NV/VS NV/RC RC/VS Maitriser les aspects techniques du travail
Maitriser les aspects techniques du travail
Maitriser les aspects techniques du travail
Motiver le vendeur Acquérir des compétences
2.2. Analyse des préoccupations dominantes des trois cartes collectives
Les concepts identifiés comme étant les plus importants des cartes cognitives des trois
catégories d’acteurs constituent des repères indispensables qui vont servir de guide dans les
décisions et actions que les acteurs mettent en place pour orienter l’activité du vendeur au cours
de son intégration dans l’entreprise. Pour cela, elles forment dans ce contexte précis les
principaux axes du management des vendeurs indépendants.
Dans ce paragraphe, nous analysons les préoccupations qui entourent l’acquisition des
connaissances et compétences nécessaires à l’exercice du métier de vendeur (2.2.1). Puis, nous
parlerons de l’importance de la motivation dans l’activité des vendeurs indépendants (2.2.2).
Enfin, nous traiterons de la place centrale de la « maitrise des aspects techniques du travail »
dans la pensée des trois catégories d’acteurs (2.2.3).
2.2.1. L’acquisition des compétences
La compétence du vendeur peut être appréhendée comme l’ensemble des connaissances, des
aptitudes, et des comportements acquis à l’issue de la formation ou des interactions avec les
autres membres de l’équipe. La compétence est une variable qui est particulièrement influencée
par de nombreuse autres variables (l’expérience accumulée dans la vente, le niveau scolaire, la
maitrise des aspects techniques du travail, la recherche d’information…), mais elle impacte
seulement quelques variables liés au rendement et à la croissance (ventes, performance…). Ce
311
qui explique une acquisition des compétences, essentiellement axées dans le domaine
commercial.
De façon générale, la compétence peut être appréciée à travers les savoirs, et les savoir-faire
développés par le vendeur. Nous présentons, dans un premier instant, ces savoirs et savoir-faire
spécifiques. Ensuite, nous traiterons dans un deuxième temps des conséquences de celles-ci sur
le turnover des vendeurs indépendants.
2.2.1.1. Les savoirs et savoir-faire essentiels
Les savoirs portent sur les connaissances essentielles qui permettent au vendeur d’exercer son
activité. Ces savoirs sont présents dans toutes les cartes, et le plus souvent reliés directement ou
indirectement à la compétence du vendeur. Ils portent essentiellement sur les produits et les
services, les techniques de vente, les procédures de vente et l’entreprise.
Les savoir-faire sont des compétences acquises par l’expérience dans l’exercice d’un métier.
Il s’agit des savoirs qui sont tirés de l’action du vendeur. Les savoirs faire se réfèrent donc aux
comportements et attitudes acquis ou qu’il est nécessaire d’acquérir pour exercer
convenablement son activité. Ils sont aussi dans leur majorité partagés par l’ensemble des
acteurs, cependant des clivages existent notamment entre les anciens et les nouveaux vendeurs.
Ainsi, on peut constater que certains nouveaux se sentent suffisants, et ne se rapprochent pas
suffisamment des anciens pour apprendre davantage sur le métier ; il arrive aussi très souvent
que les nouvelles recrues ne prennent pas d’initiatives personnelles, particulièrement dans la
recherche d’information ; et il existe enfin une tendance forte à l’action personnelle portée par le
caractère individualiste du travail d’indépendant, qui ne permet pas le partage des expériences.
Tous ces comportements ont pour effet de ralentir la transmission des connaissances, de priver
les nouveaux vendeurs des capacités nécessaires à la vente, et par conséquent de réduire
l’incertitude à disposer d’un revenu satisfaisant.
Savoirs faire · Maitriser les aspects techniques du travail
· Etre ouvert aux autres…paraitre suffisant
· Rechercher l’information…l’attendre
· Travailler en équipe…l’action individuelle
· Echanger avec le superviseur
· Echanger avec les vendeurs séniors
· Prospecter les clients
· Etablir les relations
· Etablir de nouvelles règles de travail
· Disposer de l’information sur le travail
312
Par ailleurs, il faut souligner que les compétences présentées ci-dessus s’inscrivent surtout
dans une perspective commerciale. Cette tendance dénote de la volonté, aussi bien des
responsables commerciaux que des nouveaux vendeurs, à inscrire leur collaboration dans des
objectifs vente à court terme. D’une part, l’entreprise espère que le nouveau vendeur devienne
rapidement opérationnel. Elle s’emploie donc à lui donner les connaissances essentielles
permettant de proposer un produit, et de le défendre auprès d’une clientèle. D’autre part, le
vendeur sait que sa rémunération dépend des ventes qu’il réalise. Pour ce faire, Il va être
d’abord préoccupé par l’acquisition des compétences nécessaires à la vente. Ces préoccupations
mettent en avant l’aspect commercial du travail de vendeur indépendant, et occultent les aspects
relationnels. Cependant, en observant attentivement la carte cognitive des vendeurs séniors, on
notera à travers les chaines d’argumentation que ces derniers sont pratiquement les seules à
intégrer dans le programme de formation, la dimension entrepreneuriale. En effet, même si la
formation des vendeurs est orientée sur les aspects commerciaux, les vendeurs séniors partagent
aussi avec leurs « protégés », leur perception du travail d’indépendant. Mais, Pour autant leurs
actions restent très marginales, car on ne perçoit pas dans les comportements des vendeurs des
changements notables.
2.2.2. L’influence de la compétence sur les comportements et attitudes du vendeur
Il faut souligner que les compétences acquises par le vendeur n’influencent pas directement
son comportement, mais qu’elles agissent par l’intermédiaire d’autres variables exprimant, le
plus souvent, le résultat. Ainsi, dans le cluster 2 des vendeurs séniors, la chaine d’argumentation
qui part du concept « acquérir des compétences » à la « décision de rester », passe par trois
autres concepts, « ventes réalisées par le vendeur, « performance du vendeur » et « Disposer
d’un revenu. Autrement dit, un vendeur peut décider de rester dans l’équipe et dans l’entreprise,
parce qu’il a le sentiment que les compétences acquises lui permettent d’être performant et de
disposer d’un revenu satisfaisant. La compétence donne donc au vendeur une certaine aisance
dans l’accomplissement de son travail, et l’assurance des gains ultérieurs. Elle favorise l’estime
de soi spécifique à la tache (Task Specific Self-Estime) que Bagozi (1978), puis Dubinsky et al
(1986) traduisent comme la maitrise qu’un vendeur peut avoir des taches qui relèvent de son
activité. Ainsi, les vendeurs indépendants qui parviennent à un tel niveau de compétence,
envisagent de continuer dans la vente, et souvent dans la même entreprise. Dans le sens
contraire, lorsque le vendeur peine à maitriser son travail, il n’obtient pas de bon résultats de
ventes. Il peut partir de sa propre initiative, parce que ces revenus sont très faibles. Il peut aussi
être démis de ses fonctions par l’entreprise qui craint que ces mauvaises performances
constituent un mauvais exemple pour les nouveaux.
313
Par ailleurs, les chaines d’argumentation reliant l’acquisition des compétences aux variables
du turnover (Cf. cluster 3 VS, cluster 2 NV, cluster 1RC) indiquent que la focalisation des
connaissances sur la seule dimension commerciale, n’entraine pas nécessairement le départ des
nouveaux vendeurs. Autrement dit, dans la pensée des acteurs, les compétences commerciales
sont les seules qui vaillent, dans la mesure où elles permettent au nouveau vendeur de générer
des ventes, et par conséquent des revenus pour lui-même et pour l’entreprise. Les compétences
relatives à sa qualité d’entrepreneur individuelle apparaissent de façon insignifiante, sans réel
incidence sur le rôle du vendeur indépendant. Ces résultats remettent donc partiellement en cause
l’idée qu’une connaissance imparfaite de son rôle serait à l’origine du turnover des nouveaux
vendeurs. En effet, le constat général que nous dressons présente les compétences commerciales
comme un moyen permettant au vendeur d’accomplir seulement les taches qui relèvent de son
activité. Le vendeur parvient à vendre et à atteindre les objectifs qui lui sont fixés, mais il n’a pas
toujours les connaissances nécessaires qui lui permettent de tenir le rôle qu’impose son statut
d’indépendant. En outre, l’absence de connaissances en entrepreneuriat laisse penser que les
nouveaux vendeurs peuvent difficilement envisager l’évolution de leur activité dans le long
terme. En effet, les vendeurs indépendants n’appréhende pas toujours le coté entrepreneur de leur
activité, se privant ainsi la possibilité de passer à terme, de l’individu agent commercial à une
agence commerciale plus structurée.
2.2.3. La motivation de vendeurs
La motivation est définie par Moulinier (2005, p.274) « comme l’ensemble des facteurs qui
inspirent, encourage et poussent les commerciaux à réaliser durablement le travail requis ».
Comme dans la majorité des définitions, celle-ci caractérise la motivation seulement à partir de
ses déterminants donnant ainsi une vue partielle de son potentiel explicatif. Dans le cadre de
cette recherche le concept « motiver le vendeur » apparait dans les schèmes cognitifs de
l’ensemble des acteurs, mais c’est dans la paire nouveau/responsables commerciaux (NV/RC)
qu’il occupe une position importante. Il est présenté davantage comme un facteur influencé,
c'est-à-dire un résultat ou un objectif à atteindre, au regard du nombre de variables qui
l’influence directement.
La motivation joue un rôle central dans le management des vendeurs indépendants. Nous
présentons dans ce passage les ressorts de cette motivation dans le contexte particulier des
activités d’un agent commercial, puis nous précisons son influence sur les attitudes et
comportements du vendeur.
314
2.2.3.1. Les ressorts de la motivation du vendeur indépendant
Dans les cartes cognitives collectives étudiées, le nombre de facteurs influençant directement
la variable « motiver le vendeur », est plus important que celui des facteurs influencés par elle.
Ce qui dénote d’un intérêt plus prononcé chez ces acteurs pour les résultats que pour les moyens
(Cf. tableau 28). Autrement dit, la motivation est un objectif fondamental pour le management
des vendeurs indépendants dans ce contexte.
Tableau 54. Déterminants et conséquence de la motivation du vendeur indépendant.
Carte cognitive
Motivation Concepts influençant Concepts influencés
Responsables commerciaux
Avoir un fixe dans la rémunération Disposer d’un revenu Prime de transport Sentiment d’exclusion
Impliquer le vendeur Faire des efforts dans le travail
Nouveaux vendeurs Aide financière Disposer d’un revenu Paiement irrégulier commission Promesse d’un emploi salarié
Acquérir des compétences Relever les challenges
Vendeurs séniors Conflits avec le superviseur Conflits entre vendeurs Formation des barrières psychologiques
S’ouvrir aux autres
Un examen plus attentif des concepts influençant permet de constater que certaines variables
ont une influence positive (avoir un fixe, disposé d’un revenu, avoir une prime de transport,
bénéficier aide financière, promesse d’un emploi salarié) sur la motivation du vendeur, alors que
d’autres variables ont plutôt une influence négative (sentiment d’exclusion, paiement irrégulier
commission). Ainsi, selon que la variable est positive ou négative, la motivation permet
d’encourager le vendeur ou au contraire le décourager à « faire des efforts dans le travail », à
s’impliquer davantage dans leur travail, à « acquérir des compétences » et à « relever les
challenges ». Cette ambivalence caractérise le système de motivation développé dans les
organisations de vente employant des vendeurs indépendant. D’une part, les entreprises
proposent à leurs nouveaux vendeurs des avantages financiers et matériels qui leur permettent de
lancer leurs activités et de les stimuler. D’autre part, elles paraissent plus fragile à assurer
certaines « prestations » qui sont considérées par les vendeurs comme une marque de
considération à leur égard, telle que le paiement régulier de la commission ou le fait de
considérer le vendeur comme un membre de l’entreprise. Dans le même esprit, l’influence
négative des variables influençant la motivation du vendeur dans la carte cognitive des vendeurs
séniors, va agir négativement sue la capacité des nouveaux vendeurs à s’ouvrir aux personnes
déjà en place dans l’organisation.
315
Par ailleurs, nous remarquons qu’un concept, « disposer d’un revenu », est la « pierre
angulaire » de la motivation du vendeur indépendant, car il est partagé par la paire d’acteurs
« nouveau vendeur/responsable commercial » (NV/RC) sur la quelle porte cette analyse.
Autrement dit, ces acteurs s’accordent parfaitement sur le fait que c’est la possibilité de se
constituer un revenu et surtout d’atteindre des niveaux de revenu élevé qui va motiver le nouveau
vendeur. Ainsi, les agents de recrutement s’appuient traditionnellement sur cet argument pour
attirer et inciter ceux qui hésitent encore à rejoindre leur équipe.
2.2.3.2. L’influence de la motivation sur les comportements et attitudes du
vendeur
La motivation est un facteur clé du management de la force de vente. Dans certaines
organisations de vente employant des vendeurs indépendants, elle occupe une place centrale dans
le dispositif de gestion dans la mesure où elle est levier important pour moduler les
comportements et attitudes des vendeurs qui, juridiquement ne sont pas assujettis à l’entreprise.
L’examen des chaines d’argumentation reliant le concept « motiver le vendeur » aux variables
du turnover montre que la motivation n’agit pas directement sur ce dernier, mais que son action
dépend en partie de l’influence qu’elle exerce sur des variables intermédiaires qui vont, soit
pousser le vendeur à quitter l’entreprise, soit le décider à demeurer dans l’équipe.
Dans la carte cognitive collective des nouveaux vendeurs nous avons identifié quatre chaines
d’argumentation qui nous propose plusieurs explications sur le turnover des vendeurs
indépendants. La première et la plus longue chaine d’argumentation relie le concept « motiver le
vendeur » au concept « décider de rester » en passant par quatre autres concepts, « acquérir des
compétences », « ventes réalisées par le vendeur », « commissions perçues » et « disposer d’un
revenu élevé ». Autrement dit, un vendeur motivé peut en acquérant des compétences être
productifs et percevoir des commissions de plus en plus importantes qui vont le convaincre de
rester dans l’équipe.
Extrait de carte 4. Chaine d'argumentation N°1 sur la motivation du vendeur (NV)
10 Commissionsperçues
21 Acquérir descompétences
28 Décider de resterdans l'équipe
51 motiver levendeur
57 Disposer d'unrevenu élevé
64 Ventes réaliséspar le vendeur
316
La deuxième chaine d’argumentation est formée sur le sillage de la première, avec un concept
en moins et relie le concept « motiver le vendeur » au concept « décider de partir » en passant
par les concepts « acquérir des compétences », « ventes réalisées par le vendeur »,
« commissions perçues ». La jonction avec la première chaine se fait au niveau du concept
« commissions perçues », et permet de constater qu’un vendeur motivé peut acquérir des
compétences qui vont lui permettre de vendre et percevoir des commissions, puis décider de
quitter l’entreprise. Dans cas, nous supposons que les commissions perçues ne sont pas assez
importante pour permettre au vendeur de rester.
Extrait de carte 5. Chaine d'argumentation N°2 sur la motivation du vendeur (NV)
8 Décider de partir
de l'entreprise
10 Commissions
perçues
21 Acquérir descompétences
51 motiver levendeur
64 Ventes réalisés
par le vendeur
La troisième chaine d’argumentation est également construite sur le sillon de la première,
mais elle est rattachée à celle-ci à partir du concept « ventes réalisées par le vendeur ».
L’argument indique qu’un vendeur motivé est encouragé à acquérir des compétences qui vont lui
permettre de vendre et d’être performant. C’est sur la base de cette performance qu’il est
maintenu dans l’effectif de l’équipe. Autrement dit, la performance est un indicateur du turnover
car si le vendeur n’est pas performant il peut être démis de son poste.
Extrait de carte 6. Chaine d'argumentation N°3 sur la motivation du vendeur (NV)
21 Acquérir descompétences
23 Performance duvendeur
51 motiver levendeur
64 Ventes réaliséspar le vendeur
68 Maintenir lacollaboration ... la
rompre
La quatrième chaine d’argumentation relie le concept « motiver le vendeur » à celui de
« décider de rester » en passant par trois autres concepts, « relever les challenges », « promesse
d’un emploi salarié » et « travailler comme indépendant… ». En d’autres termes, la motivation
encourage le vendeur à relever les défis qui sont soutenus par des promesses qui lui sont faites, et
persuade ce dernier d’accepter le statut d’indépendant, et par conséquent de demeurer dans
317
l’équipe de vente. Le vendeur ne reste que parce qu’il a espoir de devenir à terme un salarié de
l’entreprise.
Extrait de carte 7. Chaine d'argumentation N°4 sur la motivation du vendeur (NV)
5 Travailler commeindépendant ...
salarié
28 Décider de resterdans l'équipe
36 Relever leschallenges
51 motiver levendeur 58 Promessse d'unemploi salarié
Dans la carte cognitive collective des responsables commerciaux, nous avons dénombrés
quatre chaines d’argumentation. Les deux premières relient le concept « motiver le vendeur » au
concept « décider de rester ». Elles sont constituées sur les mêmes bases, et suivent la même
trajectoire en passant par les concepts « faire des efforts » et « performance ». Ce dernier concept
fait la jonction entre les deux chaines d’argumentation, et continu respectivement par les
concepts « accorder les prêts financiers » et « bien être dans l’entreprise » qui donne un sens à
l’argumentation. L’argument principal indique qu’un vendeur motivé est encouragé à consentir
des efforts qui le rendent performant dans son travail. Cette performance peut le convaincre à
rester dans l’équipe s’il bénéficie de certains avantages comme par exemple se voir « accorder
des prêts financiers ». Elle peut aussi le persuadé à rester si le vendeur parvient à s’épanouir dans
son travail. Ainsi, la propension d’un vendeur performant à rester dans l’équipe est amplifiée par
les variables « accorder des prêts financiers » et « bien être dans l’entreprise » qui forment deux
sentiers parallèles. Parallèlement, il faut souligner que certaines entreprises accordent également
des prêts, ou facilitent des prêts bancaires à leurs vendeurs pour les conserver dans leur équipe.
Un vendeur performant peut être incité à partir de l’entreprise dès lors qu’il développe une très
forte estime de soi.
Extrait de carte 8. Chaine d'argumentation N°1 sur la motivation du vendeur (RC)
12 Accorder des
prêts financiers
21 Bien être dansl'entreprise
22 motiver levendeur
32 Faire des effortsdans le travail
55 Décider de resterdans l'équipe
56 performence duvendeur
La troisième chaine d’argumentation suit le même chemin que les deux précédentes. Elle relie
le concept « motiver le vendeur » au concept « décider de partir » en passant par les concepts
« faire des efforts dans le travail », « performance du vendeur » et « niveau de revenu ».
318
L’argument développé est qu’un vendeur performant peut aussi décider de partir de l’entreprise
si le niveau de son revenu ne le satisfait pas. Plusieurs raisons, souvent extérieur au vendeur,
peuvent expliquer cela.
Extrait de carte 9. Chaine d'argumentation N°2 sur la motivation du vendeur (RC)
12 Accorder desprêts financiers
22 motiver levendeur
32 Faire des effortsdans le travail
56 performence duvendeur
57 Maintenir levendeur ... s'en
séparer
La quatrième chaine d’argumentation part du concept « motivation du vendeur » au concept
« impliquer le vendeur ». Elle indique qu’un vendeur motivé s’implique nécessairement dans son
travail.
2.2.4. La maitrise des aspects techniques du travail : un concept central dans le
processus de socialisation du vendeur indépendant
De façon générale, le concept « maitriser les aspects techniques du travail » exprime
l’ensemble des connaissances, des habilités, et aptitudes relatives aux taches de nature
commerciales qui incombent au vendeur. Il regroupe aussi toutes les formes de contingences
individuelles et organisationnelles qui peuvent avoir un impact sur la capacité du vendeur à
accomplir convenablement ces taches. Ces taches se situent dans le « cœur de compétence » du
vendeur, et qui doivent être nécessairement accomplies pour conquérir une clientèle.
Le concept « maitriser les aspects techniques du travail » est le concept central des schèmes
cognitifs des trois catégories d’acteurs retenus dans cette recherche. Autrement dit, il représente
le « repère » autours duquel les trois catégories d’acteurs construisent leurs représentations du
travail d’un vendeur indépendant ; et surtout l’élément qui va impacter de façon déterminante les
décisions et les actions des individus qui sont mises en œuvre par ces trois acteurs majeurs de la
force de vente.
Dans les cartes cognitives étudiées, le concept « maitriser les aspects technique du travail »
est plutôt identifié comme un résultat ou une conséquence, au regard du nombre important de
liens directs qui l’influence. Il est par conséquent considéré par les acteurs comme un objectif
fondamental, ou un résultat primordial vers lequel sont orientées leurs actions. Ainsi, la maitrise
des aspects technique du travail est appréhendée comme la compétence essentielle, et même
319
suffisante du vendeur indépendant. Une étude des antécédents permet donc de distinguer les
éléments qui favorisent ou non la formation de cette compétence. Dans un souci de clarté, nous
avons sélectionné, puis repartis ces antécédents en quatre catégories : les connaissances requises,
les qualités recherchés, et les aptitudes nécessaires (Cf. tableau ci-dessous).
Tableau 55. Antécédents de la maitrise des aspects techniques du travail
Antécédents de « maitrise des aspects techniques du travail »
Connaissances requises
Connaitre les produits Connaitre l’entreprise Connaitre les procédures de vente Connaitre les techniques de vente Connaitre l’emploi proposé
Qualités recherchées
Niveau scolaire Qualité de l’expression Formation à la vente Expérience acquise dans la vente
Aptitudes nécessaires
Rechercher l’information Disposer de l’information en temps réel
Contingences
Concurrence entre vendeurs Renouveler les règles de travail Instabilité de l’emploi occupé
Les connaissances requises font référence aux connaissances dont à besoins un vendeur pour
vendre. Elles renferment les éléments nécessaires à la pratique du métier de vendeur. Certaines
connaissances revêtent une forme de constance dans leur contenu, c’est le cas des techniques de
vente qui, fondamentalement sont identiques d’une entreprise à l’autre, même si elles requièrent
parfois des adaptations ; d’autres au contraire doivent être renouveler en fonction des
circonstances (nouveau produit, changement d’entreprise ou de secteur d’activité) ou du
caractère. Ainsi, un vendeur nouveau dans l’entreprise mais ancien dans le métier nécessitera
quelques adaptations, alors qu’un vendeur nouveau dans le métier aura systématiquement besoin
de l’ensemble des connaissances. La maitrise de ces connaissances est nécessaire dans
l’adaptation du nouveau vendeur à son travail. Cependant, il arrive très souvent qu’un vendeur
ait une bonne maitrise des aspects techniques de son travail, sans que ces éléments soient
intégrés dans son système de valeurs. C’est le cas de la plupart des vendeurs indépendants qui
vendent pour le compte de plusieurs entreprises. Aussi, nous pensons qu’une entreprise qui veut
s’attirer les faveurs d’un vendeur indépendant, doit s’assurer que ce dernier intègre effectivement
ses valeurs.
320
Le concept « maitriser les aspects technique du travail » dépend aussi de quatre variables qui
expriment l’existence chez le nouveau vendeur de certaines dispositions identifiées lors du
processus de recrutement/sélection. Ces qualités sont exprimées à travers quatre variables :
l’expérience acquise dans la vente, la formation à la vente, le niveau scolaire et la qualité de
l’expression. Les deux premières variables se réfèrent aux connaissances commerciales acquises
par un individu dans ses apprentissages antérieurs, à travers les emplois occupés ou le cursus de
formation. Ces apprentissages, plus connus sous le terme « socialisation anticipée », ont un
impact considérable sur la maitrise par le nouveau vendeur des pratiques commerciales. Les
deux dernières variables expriment des qualités de base nécessaires, mais pas suffisantes à
l’exercice du métier de vendeur. Elles constituent, dans des contextes de pénurie de vendeurs
qualifiés, les critères sur lesquels s’appuient les entreprises pour recruter des vendeurs. Le
« niveau scolaire » se réfère au niveau de connaissances culturelles que doit posséder un
vendeur, alors que la « qualité d’expression » renvoi à la capacité à se faire comprendre. Ainsi,
les entreprises considèrent qu’un individu d’un niveau scolaire élevé qui sait transmettre ses
messages peut rapidement « maitriser les aspects techniques de son travail ».
Ensuite, nous avons identifié deux variables qui traduisent la capacité des nouveaux vendeurs
à favoriser personnellement leur propre apprentissage : « rechercher l’information », « disposer
de l’information en temps réel ». Ces variables font référence à la proactivité du nouveau
vendeur, c'est-à-dire à la capacité de ce dernier à trouver l’information dont il a besoin pour
accomplir ses taches. En effet, en recherchant activement l’information, le nouveau vendeur
déclenche un processus d’acquisition de connaissances qui se fait à travers les interactions qu’il
établit avec le superviseur et les collègues vendeurs déjà en place dans l’organisation. Le concept
« disposer de l’information en temps réel » découle de cette activité de recherche d’information.
Il exprime la capacité du nouveau vendeur à mobiliser les connaissances nécessaires pour
accomplir ses taches. Par conséquent, un vendeur qui recherche activement l’information et sait
la mobiliser dans le cadre de son activité, parvient à « maitriser les aspects techniques de son
travail ».
Enfin, nous avons identifiés trois variables dites contingentes, car elles n’émanent pas
des individus, mais plutôt des artefacts organisationnels : la « concurrence entre vendeurs »,
« instabilité de l’emploi occupé », et « renouveler les règles du travail ». Les deux premières
variables influencent négativement la capacité du vendeur à « maitriser les aspects techniques de
son travail », pour des raisons différentes. La « concurrence entre vendeurs », parce qu’elle crée
potentiellement des conflits au sein de l’équipe de vente ; et « L’instabilité de l’emploi occupé »,
dans la mesure où elle engendre de l’anxiété et de l’incertitude chez le vendeur. La troisième
321
variable, « renouveler les règles de travail », influence positivement le concept « maitriser les
aspects techniques de son travail ». Elle indique surtout qu’une adaptation des pratiques de
management au vendeur indépendant, a un effet positif sur la capacité de ce dernier à
s’approprier les outils essentiels de son travail.
Tableau 56. Synthèse de l'analyse de contenu des cartes collectives
Responsable commercial Nouveau vendeur Vendeur sénior
Principales réoccupations des acteurs Recrutement des vendeurs indépendants
Attirer les candidats Attirer les candidats par des promesses
Logique de carrière Emploi par défaut Tremplin
Formation et acquisition des compétences
Accompagner sur le terrain plutôt que la formation en salle
Encadrement des nouveaux par les séniors
Relations interpersonnelles Conflit générationnel Conflits entre vendeurs Conflits entre vendeurs et superviseur
Statut et rôle du vendeur indépendant
Vendeur instable ; préserver l’image et de la marque ou de l’enseigne
Contrat d’exclusivité : supervision contraignante / Précarité
Performance du vendeur Ventes, efforts du vendeur, frustrer / motiver le vendeur, réunions quotidiennes, travail d’équipe
Ventes, efforts du vendeur, frustrer / motiver le vendeur, réunions quotidiennes
Concepts dominants
Maitriser les aspects techniques du travail. Motiver le vendeur
Maitriser les aspects techniques du travail. Acquérir des compétences
Nous retenons que :
- Les entreprises attirent les candidats au poste de vendeur indépendant par tous les moyens;
- Les vendeurs acceptent les emplois d’indépendant, soit pour y faire carrière, soit par défaut ;
- les entreprises privilégient l’accompagnement sur le terrain par un tuteur ;
- Les vendeurs s’acceptent difficilement dans leur travail ;
- Les entreprises emploient exclusivement leurs vendeurs afin de préserver leur image et d’avoir
un contrôle direct sur eux.
- Les vendeurs sont motivés et fournissent des efforts importants en vue d’obtenir des revenus
élevés ;
- L’apprentissage et les connaissances acquises portent essentiellement sur les aspects
commerciaux.
322
SECTION 3. DES CARTES COGNITIVES A LA SOCIALISATION DU VENDEUR INDEPENDANT
Notre recherche avait pour objectif de comprendre le management des vendeurs indépendants,
et d’expliquer les comportements de ces derniers au moment où ils intégraient l’entreprise. Pour
cela, nous avons étudié les représentations des trois principaux acteurs sur la socialisation du
vendeur indépendant afin d’extraire les principales préoccupations qui se dégagent des
situations. Selon Cossette (2008), ces préoccupations peuvent porter sur des questions, des
problèmes ou enjeux particuliers et variés pouvant avoir une grande influence, dans notre cas,
sur l’intégration des nouveaux vendeurs
L’approche conceptuelle que nous avons développé dans cette recherche, considère la
socialisation du vendeur indépendant comme un processus de construction de la relation
managériale (Ayache et Laroche, 2010). Les résultats obtenus dans les deux premières sections
de ce chapitre, sous forme de préoccupations et les situations dégagées dans l’étude exploratoire
constituent les éléments de cette relation. Les préoccupations, comme les situations sont reprises
dans cette section et confrontés aux trois domaines de socialisation, le travail, le groupe de
travail, et l’organisation.
Nous distinguons les préoccupations structurantes, communes à tous les acteurs qui
permettent d’appréhender les séquences du processus de socialisation des vendeurs indépendants
(1) ; et les préoccupations particulières servent de principes d’actions aux agents socialisateurs
(2).
1. Les préoccupations structurantes du processus de socialisation du vendeur
indépendant
Cette partie met en perspective le processus de socialisation du vendeur indépendant à travers
les deux processus sous-jacents d’apprentissage et d’intériorisation de la socialisation. L’idée
générale est de mettre en évidence les situations de gestion et les préoccupations partagées par
les trois catégories d’acteurs, et les divergences de fond.
1.1. Un recrutement pensé pour attirer les meilleurs profils
L’un des objectifs des entreprises désireuses d’employer des vendeurs indépendants est
d’attirer les meilleurs profils. Pour cela, elles mettent en place des procédures de recrutement
permettant d’atteindre cet objectif telles que les annonces de recrutement ou les entretiens de
323
recrutement. Nous dans le cadre de ces situations de gestion deux préoccupations soutenues par
l’ensemble des acteurs : la diffusion d’informations plus ou moins concrète sur l’emploi proposé
et la sur évaluation des attentes des vendeurs potentiels.
§ Information plus ou moins complète sur l’emploi proposé
Dans un contexte de forte pénurie de vendeurs qualifiés, les entreprises mettent en place des
mécanismes qui permettent d’attirer les meilleurs talents. A travers les situations précitées, le
postulant au poste de vendeur est censé acquérir les informations qui vont lui permettre d’avoir
une meilleure compréhension de l’emploi proposé. Dans cette séquence d’apprentissage
l’entreprise peut adopter deux types de comportements. Soit, elle livre toute l’information sur
l’emploi, et permet au postulant de faire librement son choix ; soit elle dissimule volontairement
les informations pertinentes.
§ Attentes des vendeurs potentiels plus ou moins grossies
Afin d’attirer les meilleurs profils, les entreprises grossissent volontairement les attentes des
postulants au poste de vendeur. Cette séquence d’apprentissage est matérialisée à travers des
procédures de recrutement « sophistiquées » et irréalistes, c’est les cas lorsque recherche des
profils de candidats diplômés ; ou lorsqu’elle utilise des cabinets de recrutement. C’est aussi le
cas lorsqu’elle fait des promesses d’emplois salariés et des promesses de gains élevés.
Quand le nouveau le vendeur prend connaissance de la réalité de l’emploi qui lui est proposé,
deux réactions peuvent être envisageables. Il peut décider de ne pas poursuivre le processus de
recrutement parce que l’emploi proposé ne correspond pas à ses aspirations. Il peut aussi décider
de continuer pour deux raisons principales. D’une part, il occupe l’emploi proposé parce que
celui-ci peut lui procurer un revenu, mais il ne partage pas pour autant les valeurs de
l’entreprise. D’autre part, il occupe l’emploi proposé par ce qu’il espère faire carrière dans
l’entreprise, dans ce cas il y a une évolution des comportements du vendeur et de l’entreprise qui
acceptent de s’ajuster mutuellement. Ainsi, le vendeur peut être désocialisé à ses débuts dans
l’entreprise, puis se socialisé progressivement à mesure que les acteurs s’accordent tacitement ou
explicitement sur leurs valeurs et normes ou leurs objectifs respectifs.
1.2. Une formation qui favorise la connaissance de la tâche plutôt que le rôle
La formation du vendeur est considérée comme la principale variable d’ajustement du
nouveau vendeur à son travail et à son organisation. La formation en salle et l’accompagnement
sur le terrain sont les deux situations dans lesquelles les nouveaux vendeurs sont généralement
324
confrontés à l’organisation. Ces situations mettent en évidence deux préoccupations : le peu
d’enthousiasme de l’entreprise pour la formation des nouveaux vendeurs et la focalisation des
connaissances transmises sur les aspects commerciaux.
§ Un enthousiasme mesuré pour la formation des vendeurs
Pour des raisons pratiques et d’efficacité les acteurs préfèrent l’accompagnement sur le
terrain, au détriment de la formation en salle. Cependant, La préoccupation concerne le peu
d’enthousiasme des entreprises sur la formation des nouveaux vendeurs. En effet, au lieu
d’opposer ces deux modalités de formation, nous pensons qu’il serait souhaitable de les utiliser
conjointement, étant donné qu’elles apportent des contributions différentes. De façon générale,
les entreprises qui ont l’initiative de la formation ne souhaitent pas souvent s’investir dans la
formation d’un vendeur indépendant, dans la mesure où ils ne sont pas sûrs de le retenir et
obtenir un retour sur investissement. Il se contente donc d’affecter un vendeur sénior qui va plus
ou moins assurer l’encadrement du nouveau vendeur.
§ Favoriser les connaissances liées à la pratique commerciale
L’analyse comparative des clusters révèlent que les nouveaux vendeurs reçoivent en priorité
des connaissances portant essentiellement sur leur activité de vendeur. Cette préoccupation est
partagée par l’ensemble des acteurs, car la connaissance des rudiments du métier est essentielle à
la pratique de la vente. Cependant, cette connaissance des taches est faite au détriment des
connaissances qu’ils doivent avoir sur leur rôle, c'est-à-dire l’ensemble des droits et des
obligations qui sont attachés à leur position dans l’entreprise. Autrement dit, le vendeur n’a pas
une bonne compréhension des attentes. Cette méconnaissance est à l’origine de nombreux
dysfonctionnement, notamment des conflits et des ambiguïtés de rôle.
Globalement, ces pratiques ne sont pas bien comprises par les nouveaux vendeurs, car elles
ralentissent considérablement leur apprentissage, et par conséquent leur intégration dans
l’entreprise. Ainsi, les nouveaux vendeurs peuvent être considérés comme moins socialisés parce
qu’ils ne partagent pas totalement les pratiques de l’entreprise qui consistent à accorder très peu
d’attention à leur formation. Cependant, il leur revient aussi de prendre des initiatives pour leur
propre formation, en adoptant des comportements d’ouverture vis-à.-vis des personnes
(superviseur et vendeurs séniors) susceptible de leur apporter une aide. Les nouveaux vendeurs
peuvent aussi être considérés comme plus ou moins socialisé du fait que les connaissances
acquises sont orientées essentiellement sur les aspects commerciaux, laissant de côté les
compétences liées à leur rôle d’entrepreneur individuel.
325
1.3. Des relations interpersonnelles conflictuelles
Les relations interpersonnelles sont d’une importance capitale dans la socialisation des
nouveaux vendeurs. Cependant, certaines situations de gestion marquées par l’absence d’un
découpage des territoires de vente en secteur ou la concurrence entre vendeurs engendrent des
relations conflictuelles. Les préoccupations des acteurs portent sur deux types de conflits : les
conflits entre vendeurs et les conflits entre nouveaux vendeurs et vendeurs séniors. Ces
préoccupations sont analysées à travers les deux situations de gestion citées ci-dessus.
§ Conflits entre vendeurs
Il concerne les relations entre vendeurs d’une part, et de façon marginale les relations entre
les vendeurs et leurs superviseurs d’autre part. L’analyse comparative des clusters indique que
ces relations conflictuelles sont générées par le management, et portent essentiellement sur la
rémunération qui est due au vendeur. En effet, les conflits entre vendeurs naissent du fait que les
vendeurs sont amenés à travailler sur les mêmes clients. Les entreprises disposent de solutions à
cette situation, en organisant simplement le travail de leurs vendeurs sur le terrain66. Or, cette
possibilité d’attribuer à chaque vendeur un portefeuille client est écartée au motif que la priorité
est à l’acquisition du client, quitte à gérer des conflits par la suite. Dans le même ordre d’idées,
les conflits entre vendeurs et superviseurs apparaissent dans les comportements opportunistes de
certains superviseurs. La différence de traitement, ou la volonté de priver les vendeurs des
commissions résultant des affaires négociées par eux mais finalisées par l’entreprise, sont autant
d’indicateurs de gestion qui affectent les relations entre les vendeurs et leurs superviseurs.
§ Conflit entre vendeurs séniors et nouveaux vendeur
Le conflit entre les nouveaux et les anciens vendeurs, est générationnel et concerne aussi bien
les vendeurs salariés que les vendeurs indépendants. Il se situe dans la capacité des vendeurs à
s’accepter mutuellement. Ainsi, les anciens vendeurs peuvent percevoir les nouveaux comme des
concurrents, et limiter au strict minimum leurs échanges avec ces derniers. Alors que les
nouveaux vont apparaitre très suffisants, et se passer des précieux conseils des anciens, se
réservent ainsi la possibilité de choisir avec qui ils vont collaborer dans l’équipe.
Au demeurant, il est prévisible que les nouveaux vendeurs disposant d’une expérience dans la
vente, n’établissent pas systématiquement des relations de travail avec les vendeurs déjà en
66 Découpage du territoire de vente (ou de la clientèle) en secteur de vente.
326
place. Mais, il est aussi dommageable que les vendeurs qui débutent dans le métier ne s’ouvrent
pas aux autres.
Globalement, ces pratiques de gestion ne sont pas comprises par les vendeurs, et peuvent
constituer un motif d’insatisfaction ou de départ du vendeur. Lorsque ces pratiques sont quant
même comprises par les vendeurs, ces derniers ne les intègrent pas systématiquement dans leurs
systèmes de valeurs. Ainsi, nous avons des vendeurs qui socialement ne sont pas intégrés, mais
demeure dans l’entreprise. Il faut souligner que cette confrontation du nouveau vendeur avec son
environnement concerne les trois domaines de socialisation à savoir le travail, le groupe de
travail, et organisation.
1.4. Un management fait de compromis
Certaines situations de gestion telles que la motivation du vendeur, le paiement des
commissions et les réunions d’équipe nécessitent des compromis et une tolérance, ou au
contraire peuvent engendrer des incertitudes dans la relation entre le manager et ses vendeurs.
Autant de préoccupations que nous proposons d’analyser respectivement dans les situations de
gestion précitées.
§ Des accommodements pour motiver les vendeurs
Le système de motivation mis en place par les entreprises est assez varié et constitue une
évolution des pratiques de management au sein des forces de vente externes. Comme nous
l’avons souligné dans nos propos antérieurs, certaines entreprises mettent à la disposition de
leurs vendeurs indépendants des moyens financiers et matériels qui, pour certains (moyens
financiers), doivent être restituées. La seule préoccupation des vendeurs est que ces moyens ne
sont pas acquis d’avance, car il faut les négocier, ce qui nécessite une contrepartie en termes de
résultats de vente. Ce qui, de notre point de vue, parait logique au regard de la position du
vendeur dans l’entreprise.
Dans l’ensemble, cette pratique est souvent bien comprise et très appréciée des vendeurs, qui
du reste n’ont aucune difficulté à l’intégrer dans leur système de valeurs. Il ne s’agit pas de
pratiques mises en place spontanément par les entreprises, mais acquises par ces derniers à la
suite de longues négociations. En cela, nous pouvons affirmer que ces pratiques constituent une
avancée dans les relations entre le manager et ses vendeurs, et la preuve que l’organisation
s’ajuste aussi dans ce processus de socialisation.
327
§ Une tolérance à l’ambiguïté concernant les réunions d’équipes
Les réunions d’équipe sont des moments d’échanges importants au cours desquelles les
managers procèdent à des réglages. Cependant, la convocation de ses réunions par les entreprises
et leur fréquence peuvent constituer une atteinte à l’indépendance du vendeur. Dans la pratique
les managers convoquent des réunions et décident de la fréquence, en exigeant la présence de
tous les vendeurs. Ils assistent spontanément aux réunions et apprécient tacitement leur tenue, ce
qui suppose que les vendeurs comprennent l’intérêt de ces réunions.
Dans l’ensemble, les vendeurs intègrent la tenue de ces réunions dans leur système de valeurs,
car ils estiment avoir besoin de ce système de coordination qui apparait, à leurs yeux, très utile
dans leur progression. Ils participent ainsi à la création de nouvelles normes de gestion qui
viennent suppléer les normes juridiques, souvent très inconvenantes.
§ Les incertitudes portant sur le paiement des commissions
Le paiement des commissions est un acte important dans le management des forces de vente
externes, dans la mesure où ces commissions constituent l’essentiel de la rémunération des
vendeurs. Cependant, ce paiement peut être retardé pour des raisons dues au système de gestion
de l’entreprise, ou simplement de la volonté de l’entreprise de ne pas payer entièrement une
charge devenue importante. Cette pratique est la plus critique du système de gestion des forces
de vente, et les vendeurs ne la comprennent pas car elle leur prive des seules ressources qui leur
permettent de travailler et de vivre.
Dans la majorité des cas, les vendeurs n’apprécient pas cette pratique, et par conséquent ne
l’intègrent pas dans leur système de valeurs. Les retards de paiement ou les paiements partiels
des commissions pouvant constituer un motif de départ des vendeurs. Dans certaines
circonstances, les vendeurs peuvent ne pas intégrer ces pratiques et demeurer dans l’équipe en
attendant que la situation s’améliore. Dans ce cas, les insatisfactions vécues par le vendeur
peuvent nuire à sa performance.
2. Les préoccupations particulières, comme principes d’action des acteurs
L’analyse comparative des clusters des trois cartes cognitives collectives a révélé aussi des
préoccupations particulières. Elles correspondent à des principes de pensées et d’actions qui sont
propres à chacune des catégories d’acteurs. L’analyse a permis d’identifier trois préoccupations
328
majeures : la volonté de gérer différemment pour les RC, le choix de carrière pour les NV, et
l’encadrement des nouveaux vendeurs pour les VS.
2.1. Une volonté de gérer différemment
D’abord le système de gestion à mettre en place, pour orienter les comportements des
nouveaux vendeurs, est la principale préoccupation des managers des ventes. La difficulté à
trouver sur le marché des vendeurs qualifiés, et les contraintes juridiques attachées au statut
d’agent commercial induisent des pratiques de gestions spécifiques. Les résultats de notre
recherche ont montré que les responsables commerciaux adaptent en permanence leurs méthodes
de gestion aux situations qui se présentent à eux. Les vendeurs étant employés exclusivement
font l’objet d’un suivi plus étroit. Ces décisions, ainsi que les actions qui les accompagnent
peuvent apparaitre incohérentes avec les règles de droit en vigueur, dans la mesure où elles
affectent l’indépendance supposée des vendeurs. Elles peuvent être aussi éloignées des attentes
des vendeurs, et alimenter leur intention de partir. Dubinsky et al (1986) pense, en matière de
direction des forces de vente, les managers de vente ne se posent pas toujours les bonnes
questions. Selon ces auteurs, la question n’est pas de savoir « Dans quelle mesure une gestion
étroite influence la satisfaction au travail et la performance du vendeur ? » Mais plutôt, « Quel
type d’individu éprouve plus de satisfaction et de performance dans le travail lorsque la gestion
est étroite, et quel type d’individu réalise de meilleures performances lorsque la situation requiert
une gestion plus large ? ». Autrement dit, il est souhaitable de rechercher une adéquation entre
les compétences et qualités des personnes qui sollicitent un emploi, et les caractéristiques de
l’emploi proposé ou de l’organisation d’accueil. Ce qui ne parait pas, de notre point de vue,
réalisable étant donné l’état du marché.
2.2. Le choix d’un travail par défaut
Ensuite, les pratiques de recrutement, notamment les informations sur l’emploi proposé, font
que les vendeurs sélectionnés sont amenés à faire un travail qu’ils ignorent et qu’ils n’avaient pas
souhaité. Les résultats de notre recherche soulignent que la décision de prendre un emploi
d’indépendant dans la vente était un choix d’un travail par défaut. Les motivations à la base de
ce choix sont extra-professionnelles, et les personnes qui s’y engagent dans ces emplois finissent
par partir dès qu’une opportunité d’emploi se présente à eux. Deux cas de figure émergent de
cette situation. Le vendeur quitte l’équipe de vente, mais reste dans l’entreprise pour postuler à
un emploi salarié, soit dans l’administration des ventes, soit dans un autre service de
l’entreprise. Le vendeur peut aussi quitter l’entreprise pour un emploi à l’extérieur de
l’entreprise, ou pour se consacrer à un projet professionnel personnel. Cette approche correspond
329
à une idée répandue dans la littérature, qui considère le travail de vendeur comme un métier
d’entrée dans l’entreprise (Barth, 2009). Cependant, les résultats de notre recherche montrent
aussi que ces départs ne sont pas systématiques. En effet, certains vendeurs présentent des
capacités d’adaptation très importantes, qui leur permettent de persévérer dans l’effort et
demeurer dans l’équipe de vente. Ces vendeurs restent parce qu’ils ont pu reconsidérés leur
situation de départ, en se donnant de nouveaux objectifs, et en développant des nouvelles
motivations pour atteindre ces objectifs. Cette capacité d’adaptation est décrite dans la littérature
à travers le processus cognitif d’attribution de sens (Louis, 1980). En paraphrasant les propos de
cet auteur, nous considérons qu’à leur arrivée dans l’entreprise, les nouveaux vendeurs sont
confrontés à la dure réalité du travail qui leur ai proposé. Ils ajustent leur comportement en
surmontant les difficultés qui se présentent à eux, et en intégrant les exigences de leur nouvel
emploi. Cette adaptation se traduit par les bons résultats de vente, et l’évolution du revenu. Ainsi,
les vendeurs ayant atteint des niveaux de rémunération élevés, ne sont pas disposés à quitter leur
statut d’indépendant pour un statut de salarié, jugé moins rémunérateur.
2.3. La disponibilité du tuteur
L’accompagnement du vendeur sur le terrain est présenté dans cette recherche comme le
mode de formation privilégié pour les vendeurs indépendants. Compte tenu des occupations du
responsable commercial, le formateur est en général un vendeur sénior indépendant, qui tient le
rôle de tuteur ou de parrain. Les résultats de notre recherche révèlent deux préoccupations
complémentaires qui peuvent avoir une influence sur l’efficacité du tutorat, et par conséquent
sur l’adaptation des nouveaux vendeurs: la disponibilité et les critères de choix du tuteur. La
question de la disponibilité se pose dans la mesure où le tuteur est également un vendeur
indépendant. A l’instar des forces de vente salariées, les entreprises employant des vendeurs
indépendants s’appuient sur certains de leurs vendeurs qui présentent des dispositions
d’encadrement. Mais, l’utilisation de cette ressource n’est pas accompagnée de dispositifs
incitatifs permettant de compenser le temps que les tuteurs passent dans l’encadrement des
nouveaux vendeurs. Les vendeurs séniors sont donc peu disposer à s’investir dans ce travail de
tuteur. Cette tendance est confirmée par de nombreux travaux qui perçoivent les agents
socialisateurs comme étant peu disponibles et motivés à transmettre les connaissances favorisant
la socialisation des nouvelles recrues (Commeiras et al, 2010). Dans le même esprit, les résultats
de notre recherche ont montré que certains vendeurs séniors percevaient les nouveaux vendeurs
comme des concurrents. Cette appréhension pose la question des qualités requises pour assurer la
fonction de tuteur, et plus généralement la question de la formation et de la désignation des
tuteurs. Dans la force de vente, comme dans bien d’autres organisations, le tuteur est présenté
330
comme un modèle pour le nouveau vendeur, il est donc souhaitable que ce dernier présente des
capacités et des qualités qui favorisent la transmission des connaissances. Or, on peut observer
dans notre recherche que certains vendeurs, retenus comme tuteur, sont peu expérimentés et peu
performant pour servir d’exemple.
En conclusion, la confrontation du nouveau vendeur avec son environnement à travers les
situations de gestion permet de comprendre le processus de socialisation du vendeur
indépendant, et la complexité du management concernant cette catégorie de vendeur. Suivant les
règles et valeurs qui entourent le métier de vendeur indépendant, l’agent commercial est un
entrepreneur dont la relation avec l’entreprise est essentiellement partenariale. Or, les procédures
et les dispositifs de gestion développés par les entreprises révèlent des pratiques de gestion
réservées aux employés salariés. Il apparait donc, au regard des résultats obtenus trois situations.
Dans la première, les vendeurs ne comprennent pas toujours certaines pratiques mises en œuvre
par l’entreprise, et n’intériorisent pas les éléments relatifs aux trois domaines de socialisation. La
mauvaise compréhension que le vendeur a des conflits qui l’oppose aux autres vendeurs, et de
façon exceptionnelle au superviseur constitue une divergence sur les valeurs concernant le
groupe et l’organisation. Deuxièmement, les vendeurs ne comprennent pas que l’entreprise
dissimule les informations sur les emplois proposés, ou qu’elle ne tienne pas ses promesses. La
mauvaise compréhension de ces éléments va amener le nouveau vendeur à ne pas intérioriser
certains éléments du groupe et de l’organisation, et apparaitre moins socialisé dans ces domaines.
Par ailleurs, il se trouve que le nouveau vendeur intègre facilement dans son système de valeur
des éléments qui permettent de le motiver, ce qui va faciliter son apprentissage.
331
Tableau 57. Synthèse : mise en perspective de la socialisation du vendeur indépendant
Situations de gestion
Préoccupations des acteurs
Comportements et attitudes du vendeur
Recrutement.
Entretien de recrutement
Promesses d’emplois salariés, promesses de gains élevés.
Attentes non satisfaites : adaptation difficile ; valeurs incompatibles (Pas d’influence sur le départ, si situation de précarité) Dissimuler les informations ; une image avantageuse de l’emploi
Diffusion de l’information
Messages plus ou moins complet, canaux plus ou moins adaptés
Formation.
Formation en salle
Très peu de formation ; coûts élevés Suivi aléatoire ; tuteur improvisé
Apprentissage prolongé, maitrise approximative du travail, résultats très moyens
Accompagnement sur le terrain :
L’encadrement des nouveaux.
Choix du tuteur ; compenser le travail du tuteur ;
La recherche d’information
Peu d’initiatives, barrières psychologiques,
Relation interpersonnelles
Répartition des vendeurs sur le terrain
Travailler sur les mêmes clients ; partage de la commission ; priver d’une commission
Frustration/découragement
Frustration/ départ
Supervision des vendeurs
Conflits entre vendeur et superviseur : Priver le vendeur d’une commission importante.
Management en général
Motivation des vendeurs
Fixe ; prêts financiers, espace de travail ; primes de transport ; participation aux évènements de l’entreprise,
Encourage le vendeur à travailler, permet d’obtenir des résultats (Départ si absence de dispositif d’incitation)
Paiement des commissions
Retard de paiement des commissions; remboursement client ; défaut de règlement client
Frustration/départ
Réunions d’équipe Organiser le travail des vendeurs ; résoudre les conflits
Nous retenons que :
- Les préoccupations des acteurs concernent le management des ressources humaines (formation
et recrutement) et le management en général (motivation, gestion des conflits, etc.).
- Les préoccupations fondamentales des acteurs concernent l’acquisition des compétences, la
motivation des vendeurs et surtout la maitrise de la vente.
- Le contenu de la socialisation porte essentiellement sur les aspects commerciaux.
- Les nouveaux vendeurs sont socialisés (ou non) à travers la confrontation avec les acteurs
internes dans des situations.
332
Conclusion du chapitre 5
Ce chapitre avait pour objectif de présenter les résultats de notre recherche, à travers une
analyse des cartes cognitives construites. Les résultats obtenus sont fournis par le logiciel
« Decision Explorer » développé par Eden et al (1992). Ils sont exploités dans le cadre des deux
types d’analyse utilisés couramment dans la littérature : l’analyse de la structure et l’analyse du
contenu des cartes. Ces analyses sont consignées dans les trois sections qui composent ce
chapitre.
La première section réservée à l’analyse de structure a permis de mettre en évidence la
complexité et l’organisation des trois cartes cognitives collectives que étudiées dans le cadre de
cette recherche. L’analyse de complexité porte essentiellement sur six indicateurs de complexité,
dont quatre indicateurs généraux (le nombre de variables de la carte, le nombre de liens, la
densité et le ratio de complexité 1 le nombre de groupes, le nombre de boucles). Il s’agit d’une
analyse topologique des réseaux sémantiques ainsi constitués. L’analyse de l’organisation des
cartes s’est appuyé sur le modèle d’analyse développé par Cossette (2004, 1994) portant sur les
quatre aspects suivants : l’importance relative de chacun des concepts, le regroupement des
concepts, les explications et les conséquences privilégiées, et l’analyse des boucles. Cette
analyse a permis de caractériser les schèmes cognitifs des trois catégories d’acteurs retenus pour
étudier la socialisation du vendeur indépendant.
La deuxième section est dédiée à l’analyse du contenu des trois cartes cognitives collectives
précitées dans la première section. Nous avons fait le choix d’une analyse locale portant sur les
préoccupations les plus importantes des différents acteurs. Deux types d’analyse sont retenus
dans cette section : l’analyse comparative des clusters des différentes cartes et l’analyse des
concepts les plus importants. L’analyse comparative inter carte des clusters a permis de
distinguer les préoccupations partagées par les différents acteurs de celles qui ne le sont pas, et
par conséquent de mettre en évidence les divergences entre les trois catégories d’acteurs sur le
processus de socialisation des vendeurs indépendants. L’analyse des concepts les plus importants
à permis d’isoler les concepts qui se situaient au centre de la pensée des trois acteurs. Ces
concepts constituent les principes d’actions.
Enfin, dans la troisième section les résultats obtenus des cartes cognitives sont abordés en
termes de socialisation pouvant être discutés. Notre ambition était de mettre en évidence les
préoccupations dominantes et particulières afin de comprendre le sens des agissements des
acteurs, et leur influence sur les attitudes et comportements des nouveaux vendeurs.
333
CHAPITRE 6. DISCUSSION GENERALE
Les résultats de cette recherche ont permis de comprendre que, bien qu’adhérant aux mêmes
idées, les trois catégories d’acteurs en font un usage différent. Ce qui permet de dire qu’ils
possèdent des schèmes cognitifs différents. Ces résultats s’inscrivent dans une perspective
gestionnaire de la socialisation, dans la mesure où ils apportent des réponses au biais managérial
constaté dans le management des vendeurs indépendants. Ils mettent en évidence trois points
importants qui reflètent la cohérence du modèle d’analyse utilisé. Le premier point est théorique,
et concerne notre approche de la socialisation organisationnelle. Une approche interactionniste et
de construction de sens qui considère la socialisation comme un processus d’échanges et
d’ajustement mutuel, ou selon les termes de Perrot et Garreau (2012) un phénomène de
l’organizing; un dispositif de régulation permettant aux acteurs de régler leur fonctionnement ; et
un contrat psychologique qui crée des obligations réciproques. Le deuxième point est
méthodologique, et s’intéresse à la valeur ajoutée apportée par la cartographie cognitive à l’étude
des phénomènes de gestion. Nous avons fait le choix des méthodes à postériori qui donnent
accès au système référentiel des sujets. Cette approche nous a permis de considérer les
principaux agents socialisateurs comme étant les plus aptes à produire la connaissance dans un
domaine encore peu connu dans les organisations de vente. Le troisième point est opérationnel,
et invite à gérer la socialisation des vendeurs indépendants et définit les implications
managériales en termes d’outils de gestion pour les managers des forces de vente.
Dans la première section, nous discutons de la pertinence des cadres théoriques et
méthodologiques utilisés, à travers les résultats obtenus sur la structure et le contenu des
schèmes, tout en apportant des réponses à nos questions de recherches. Nous proposons dans une
seconde section de discuter de la nécessité de gérer effectivement la socialisation du vendeur
indépendant, et examinons les implications managériales qui en découlent.
334
SECTION 1. DISCUSSION DES RESULTATS
Pour apprécier la contribution de la socialisation organisationnelle dans le management des
vendeurs indépendant, nous avons choisi d’étudier les échanges qui s’établissent entre le
manager des ventes et ces vendeurs au moment où ces derniers entrent dans l’organisation. Etant
donné que l’intégration apparait comme une période propice à l’assimilation des éléments qui
vont constitués les comportements et attitudes futurs des nouveaux, il nous a semblé opportun
d’examiner les pratiques de socialisation qui sont mises en œuvre par les entreprises. Ainsi, en se
basant sur une revue de la littérature portant sur le management des forces de vente, la
socialisation organisationnelle, et la cartographie cognitive nous avons cherché à établir une
cohérence entre notre approche conceptuelle et méthodologique.
L’objectif de cette section est de confronter les résultats de notre recherche avec les travaux
disponibles. D’abord sur le plan théorique, en s’assurant que le cadre théorique retenu permet
d’apporter des réponses à notre question de recherche (1). Ensuite, sur le plan méthodologique,
en mettant en évidence la valeur ajoutée de la cartographie cognitive (2).
1. Comprendre le management des vendeurs indépendants en phase d’intégration
Notre approche de la socialisation organisationnelle, ainsi que des théories qui la sous-tendent
dans le cadre de cette recherche nous ont permis d’approfondir la connaissance sur le
management des vendeurs indépendants en situation d’intégration, et d’apporter des réponses a
notre question de recherche. La socialisation du vendeur indépendant est appréhendée comme un
processus dans lequel le manager et ses vendeurs échangent et construisent progressivement une
relation dont les termes sont définis par les acteurs eux.
Afin de justifier de la pertinence de cette approche de la socialisation et de l’éclairage
nécessaire qu’elle apporte au management des forces de vente, nous proposons de revenir sur les
situations de gestion qui sont mises en évidence dans nos résultats. Nous parlerons, dans un
premier temps, des mécanismes que les acteurs mettent en place pour s’ajuster mutuellement à
leur environnement de travail (1.1). Ensuite, nous évoquerons les relations conflictuelles au sein
des équipes, comme la base d’un management consensuel (1.2) Puis, nous traiterons de la
prédominance des aspects commerciaux sur le fonctionnement du vendeur indépendant (1.3).
Enfin, nous discuterons de la gestion du turnover des vendeurs indépendants (1.4).
335
1.1. Une volonté de changement plus ou moins affirmée par les acteurs
Les résultats de notre recherche ont montré, à travers les situations et les préoccupations des
acteurs, que le nouveau vendeur n’agréait pas nécessairement toutes les pratiques développées
par l’entreprise d’accueil. Cependant, le vendeur pouvait s’en accommoder dans la mesure où
son objectif de départ était de satisfaire ses besoins existentiels. Ces résultats ont montré
également que l’entreprise pouvait évoluer dans ses pratiques, même si cette évolution paraissait
marginale. Il existe donc une dynamique dans le processus de socialisation du vendeur
indépendant, qui fait qu’un vendeur peut être successivement socialisé et désocialisé en fonction
des interactions et des échanges qu’il entretient avec les personnes qui l’accueillent dans
l’entreprise.
L’adoption d’une approche interactionniste et de construction de sens de la socialisation,
permet donc de mettre en évidence cette dynamique, et d’envisager des résultats imprévisibles
du processus de socialisation. Autrement dit, la socialisation du vendeur indépendant est faite de
séquences de socialisation et de désocialisation. Un vendeur est dit désocialisé lorsque, tout en
ayant une bonne connaissance des pratiques de l’entreprise, décide de ne pas les intégrer dans
son système de valeurs. Plus précisément, il accepte de vendre les produits ou les services d’une
entreprise sans pour autant qu’il en devienne un membre participant, au sens de Feldman (1976,
1981). Ce type de comportement se révèle chez le vendeur lorsqu’il occupe un emploi par défaut
(le temps de résoudre des problèmes existentiels), ou qu’il considère cet emploi comme un
tremplin vers d’autres projets professionnels. Un vendeur est dit socialisé lorsqu’il est en accord
avec les pratiques de l’entreprise, dans la mesure où celle-ci fait également évoluer ses pratiques
et tient compte de la position du vendeur dans l’entreprise. Ainsi, en acceptant d’évoluer dans
leurs pratiques, les entreprises optent pour un ajustement mutuel et redéfinissent, d’une certaine
manière, les normes de gestion qui vont guider leurs actions.
Dans un sens, le management développé par les entreprises est fait de compromis et de
tolérance à l’ambiguïté. Autrement dit, les entreprises qui aspirent au changement, vont prévoir
des compensations afin de soutenir les pratiques de gestion susceptibles de créer des désaccords
mais utiles au bon fonctionnement de l’équipe. Alors que celles qui n’apportent pas de réelles
compensations ne changent pas dans leur approche de gestion, et prennent le risque de susciter
des mécontentements. Ainsi, en proposant des compensations à leurs vendeurs, les entreprises
créent les conditions d’une adaptation mutuelle, et inscrivent leurs actions dans une logique de
régulation sociale. Selon Krohmer et al (2011) les pratiques de management mises en œuvre par
les entreprises sont considérées comme le résultat d’une régulation. Deux approches peuvent
336
caractériser cette régulation, d’une part les vendeurs et les entreprises qui les emploient peuvent
s’accorder sur les règles de leur collaboration. C’est ce que Raynaud (1988) qualifie de
régulation conjointe. D’autre part, l’entreprise peut imposer ses règles de gestion, et envisager
de contrôler au maximum les espaces de liberté de ses vendeurs. Les règles proposées par
l’entreprise s’opposent donc aux règles que les vendeurs estiment conformes à leur statut. Cette
opposition est la source de conflits rencontrés fréquemment au sein des forces de vente, conflits
qui sont à la base du processus d’échanges entre les acteurs et par conséquent du processus de
régulation.
Dans un autre sens, les acteurs vont s’engager contractuellement pour fonctionner, à travers
des échanges implicites et informels qui vont créer des obligations réciproques. En effet, nous
considérons qu’au moment du recrutement, un contrat psychologique est formé entre le nouveau
vendeur et son employeur. Dans ce contrat est établie une relation d’échange réciproque dans la
quelle les acteurs échanges des éléments tangibles et intangibles (Delobbe, 2011). Selon l’auteur,
en vertu d’une norme sociale de réciprocité, toute forme d’investissement et de reconnaissance
manifestée par l’employeur au profit de l’employé a pour effet d’accroitre le sentiment
d’obligation de l’employé à l’égard de son employeur et vis versa. Ainsi, en apportant aux
nouveaux vendeurs un espace de travail aménagé, ou en leur accordant des primes ou des
avances sur commissions, les entreprises obligent ces derniers à leur accorder réciproquement
des compensations. De même que les concessions faites par les vendeurs dans le cadre de leur
travail (réunions quotidiennes) peuvent constituer une « monnaie d’échange » aux promesses
faites par l’entreprise.
Nous concluons ce propos en rappelant que l’une des difficultés qui se pose à la gestion des
vendeurs indépendants, est l’impossibilité d’utiliser les dispositifs d’animation habituels, tels que
les réunions de travail, sans que ces faits ne constituent une entrave à la liberté d’organisation.
La socialisation du vendeur indépendant permet de promouvoir au sein des forces de vente un
mode de coordination et de contrôle consensuel qui privilégie les règles (normes) définies par les
acteurs eux-mêmes. Ces règles peuvent évoluer en fonction des aspirations des acteurs et de
l’évolution de l’environnement. La socialisation apparait donc comme un dispositif de
régulation, un modèle d’influence qui permet d’orienter et d’ajuster les décisions et les actions
des managers, en l’absence d’un lien de subordination. Elle constitue de fait, selon les termes de
Garreau et Perrot (2012), un moteur de l’organisant.
337
1.2. Un intérêt mesuré concernant les relations interpersonnelles
Les résultats de notre recherche ont montré l’existence de nombreux conflits dans les rapports
que les vendeurs entretiennent entre eux, mais aussi des conflits entre les nouveaux vendeurs et
leur superviseur. Ces conflits témoignent, de notre point de vue, du peu d’intérêt que les
entreprises accordent à l’intégration sociale de leurs vendeurs indépendants. Plus généralement,
ces conflits révèlent l’existence de comportements d’exclusion qui tranchent, paradoxalement,
avec l’idée d’attirer de nouveaux vendeurs dans l’entreprise. Deux types de comportement
d’exclusion intéressent particulièrement le management des vendeurs indépendants.
Le premier type concerne les comportements d’exclusion venant de l’entreprise et de ses
membres qui, à travers son organisation et son fonctionnement distille des éléments qui
permettent de signifier aux vendeurs qu’ils n’appartiennent pas à l’entreprise. Ainsi, les actes de
gestion posés par les responsables (rémunération séparée…), les évènements réservés au
personnel salarié (fête du travail par exemple), mais aussi les comportements de dédain
manifestés par certains salariés vis à vis des vendeurs indépendants, sont autant de situations
d’exclusion. Suivant cette logique, le vendeur a le sentiment qu’il est mis à l’écart du
fonctionnement de l’entreprise. Cette situation peut créer une crise d’identité chez le nouveau
vendeur, et peut avoir des répercussions sur son intégration dans l’entreprise et dans l’équipe.
En effet, en sa qualité de vendeur indépendant, le nouveau vendeur peut avoir du mal à
s’identifier à une entreprise qui ne l’accepte pas et ne le considère pas comme un de ses
membres. Cette absence d’identification peut être considérée comme un échec du processus de
socialisation, et susciter l’intention de partir. Dans la littérature, de nombreux travaux
considèrent l’acquisition d’une identité comme le résultat d’un processus de socialisation. Par
ailleurs, Perrot et al (2005) mettent en évidence les liens entre l’attribution de sens et la notion
d’identité. Selon ces auteurs, « la notion d’identité et d’identification constituent un filtre (à la
fois individuel et collectif) à travers lequel se réalise le processus de construction de sens,
permettant notamment au nouvel entrant d’interpréter l’environnement organisationnel, de s’y
ajuster, et d’en devenir un membre à part entière ». Autrement dit, lorsqu’un vendeur
indépendant est accepté comme membre d’une entreprise, il va se construire une identité
professionnelle à partir de cette entreprise. Cette identification à l’entreprise va permettre au
nouveau vendeur de donner un sens au travail qu’il fait, et de justifier sa volonté de rester.
Le second type de comportement d’exclusion émane des vendeurs. Il laisse penser que les
nouveaux vendeurs s’excluent mutuellement, car ils apparaissent comme des prestataires en
compétition auprès d’un acheteur. Ces exclusions ont lieu au sein de la force de vente, et nous
questionnent sur la pertinence et la formation d’une véritable équipe de vente constituée de
338
vendeurs indépendants. Les résultats de notre recherche ont montré que les comportements
d’exclusion entre vendeurs étaient dus, en partie, au fait que les vendeurs séniors percevaient les
nouveaux vendeurs comme des concurrents. Cette concurrence entre vendeurs, par ailleurs
voulue par les responsables pour stimuler les efforts des vendeurs, est aussi source de frustration,
dans la mesure où un client initialement entretenu par un vendeur peut être attribuée à un autre
au moment du paiement de la commission en cas de vente. La constitution d’une équipe apparait,
de notre point de vue, pertinente car elle permet aux vendeurs séniors d’accomplir leur rôle
d’agent socialisateur, et aux nouveaux vendeurs d’acquérir des informations utiles pour
accomplir leurs taches. Dans la littérature réservée au management des forces de vente, la notion
d’équipe a été surtout utilisée par les professionnels de la vente. La conceptualisation de la
notion dans la littérature académique est récente et présente des perspectives de recherche dans
l’étude de la performance des forces de vente (Moon et Armstrong, 1994). Les réflexions
développées par les chercheurs, notamment l’influence que les relations interpersonnelles
peuvent avoir sur une équipe de vente, ou la façon dont l’équipe de vente participe à
l’apprentissage dans une organisation (Jones et al, 2005 ;), situent la notion d’équipe de vente au
centre des problématiques de socialisation, aussi bien dans l’apprentissage que dans ses aspects
relationnels.
L’adaptation du nouveau vendeur à son poste dépend donc de la capacité des acteurs à
s’accepter mutuellement, et à établir de bonnes relations de travail. Selon Louis et al. (1983),
« les contacts avec les pairs et avec le supérieur hiérarchique sont considérés par les nouvelles
recrues comme les éléments les plus utiles au processus de socialisation organisationnelle,
devant la formation par exemple ». Sur le plan empirique, de nombreux travaux considèrent la
relation qui est établie entre les nouvelles recrues et les membres déjà en place dans
l’organisation, comme l’une des conditions essentielles de leur adaptation (Feldman, 1981 ;
Bauer et al, 1998 ; Bauer et al, 2007 ; Menguc et al, 2007 ; Lapointe, 2013). Autrement dit, les
relations interpersonnelles ne se résument pas seulement à un rôle instrumental, qui est celui de
permettre aux nouvelles recrues d’acquérir les connaissances. Elles se traduisent aussi par
l’acceptation formelle ou pas, par les pairs, de la nouvelle recrue.
1.3. Un management orienté sur la tâche et les rôles commerciaux
Les résultats de notre recherche ont montré que les connaissances transmises aux nouveaux
vendeurs, au cours du processus de socialisation, reposaient essentiellement sur les aspects
commerciaux. Ce résultat témoigne également de l’orientation donné par les entreprises au
contenu de la socialisation du vendeur indépendant, un contenu plus axé sur les aspects
339
commerciaux que sur la dimension entrepreneuriale. En effet, à la différence des vendeurs
salariés, les vendeurs indépendants sont des vendeurs à statut dont l’activité se réfère à un
ensemble de dispositions juridiques, et à une position dans l’entreprise à laquelle sont associés
des rôles. Ainsi, socialiser un vendeur indépendant c’est, entre autre, initié le nouveau vendeur
aux tâches et aux rôles qui sont attachés à son statut d’indépendant. Dans notre recherche, nous
avons choisi de travailler sur le statut d’agent commercial. L’une des caractéristiques de l’agent
commercial est d’être à la fois, entrepreneur individuel et un représentant commercial d’une ou
plusieurs entreprises auprès de leur clientèle. Il occupe donc une double position qui lui confère
des rôles différents mais complémentaires, qui ne sont pas toujours clairement établie au moment
de leur entrée dans l’entreprise. Ces rôles recouvrent l’ensemble des comportements attendus des
vendeurs dans le cadre de leurs activités.
La position de représentant commercial est celle qui suscite le plus d’intérêts pour l’entreprise
et ses dirigeants, car elle détermine la façon dont l’entreprise entend utiliser ses vendeurs pour
commercialiser ses produits auprès de sa clientèle. A cette position sont associés deux rôles
principaux. Le rôle de négociateur à travers le mandat qui est donné au vendeur de prospecter
une clientèle, de négocier, et de conclure des ventes au nom et pour le compte d’une entreprise
mandante. Ce rôle s’inscrit dans une approche transactionnelle de la vente, et repose sur la
conquête de nouveaux clients afin de minimiser ses coûts et de maximiser ses profits. La
transaction est considérée comme un évènement unique, avec un début, un déroulement et une
fin (Gundlach et murphy, 1993). Le rôle « d’ambassadeur », car le vendeur est le représentant de
l’entreprise auprès de sa clientèle et de ses partenaires économiques. Il ne se contente plus
d’établir les relations, il doit également les entretenir afin de conforter l’image de l’entreprise à
l’extérieur. Dans ce contexte, le rôle du vendeur s’inscrit dans une approche relationnelle.
Autrement dit, le rôle du vendeur est aussi de gérer la relation de l’entreprise qu’il représente
avec sa clientèle.
Dans sa position d’entrepreneur, le vendeur indépendant exerce une profession libérale et, à
ce titre il s’organise et assume les risques de son activité ainsi que les coûts de sa protection
sociale. Comme le précise Moulinier67, l’agent commercial est un entrepreneur qui,
contrairement au vendeur salarié, n’est pas subordonné aux directives de l’entreprise. Il a une
responsabilité fondamentale, celle de faire fonctionner sa « petite entreprise », pour cela il peut
endosser plusieurs rôles. Le premier rôle est celui de créateur, au sens de créer une structure
organisationnelle. Nous rappelons que le concept d’entrepreneur individuel, dans lequel nous
plaçons le vendeur indépendant, est un construit social qui résulte de la socialisation des moyens 67 René Moulinier : Manager les vendeurs (2005)
340
de production. Autrement dit, lorsque que des vendeurs indépendants sont recrutés, ils sont
placés systématiquement dans cette position. Cependant, pour qu’ils franchissent le cap de la
l’entrée ces vendeurs ont besoin des personnes qui connaissent bien le métier, et qui peuvent les
aider à acquérir les connaissances nécessaires. Ensuite, le rôle de gestionnaire dans la mesure où
le vendeur indépendant doit assurer la pérennité de sa structure.
L’analyse du contenu des cartes assemblées a montré que les connaissances acquises par les
nouveaux vendeurs portaient davantage sur la position de représentant commercial, que sur la
position d’entrepreneur. Une telle orientation des connaissances a une incidence négative à court
termes sur la gestion des activités de vente, notamment dans la capacité des vendeurs à gérer
efficacement leurs ressources financières. Elle a aussi une incidence négative dans le long terme,
car les nouveaux vendeurs n’ont généralement pas une perspective d’évolution de leur structure
de vente. Par ailleurs, en privilégiant uniquement les savoirs et savoir-faire commerciaux, les
entreprises se privent également de la possibilité de voir leurs nouveaux vendeurs adopter des
comportements qui sont conformes à leur statut d’indépendant. Ces résultats tranchent avec la
volonté de nombreuses entreprises à inciter leur personnel à adopter un comportement
d’entrepreneur pour faire face aux changements incessants qui affectent l’organisation de leur
travail (Basso et Fayolle, 2009). Dans la littérature consacrée à l’entrepreneuriat, la capacité du
management à insuffler une dynamique entrepreneuriale dans l’entreprise est appréhendée à
travers le concept d’orientation entrepreneurial (Basso, Fayolle et Bouchard, 2009). Selon ces
auteurs, l’orientation entrepreneuriale est un construit qui mesure l’intensité entrepreneuriale
d’une organisation. Les travaux dans ce domaine ont exploré les cinq dimensions qui permettent
d’appréhender le concept, et surtout ses antécédents afin de le caractériser. Ainsi, Bargues et
Bouchard (2013) réalisent une étude exploratoire qui permet d’établir la relation entre les
pratiques de socialisation organisationnelle et l’orientation entrepreneuriale. Pour ces auteurs, les
pratiques de socialisation qui consistent à ne pas structurer le poste de travail du nouvel entrant,
ou à le structurer faiblement dénote d’une forte orientation entrepreneuriale. De même que, le
fait de limiter la communication des règles à respecter, indique une orientation entrepreneuriale
forte. Ces résultats montrent que des actions peuvent être initiées par les entreprises pour inciter
leurs nouveaux vendeurs à adopter des comportements d’entrepreneur. Mais, il n’est pas exclu
aussi que le vendeur initie des actions personnelles dans la recherche d’informations relatives à
sa position d’entrepreneur. L’absence de ces comportements peut apparaitre paradoxale dans les
organisations de vente, fondamentalement prédisposées à l’entrepreneuriat.
En définitif, il est souhaitable que le nouveau vendeur soit intégralement imprégné, au
moment de son intégration, de l’ensemble des connaissances qui lui permettent de maitriser son
341
rôle d’agent commercial. Une orientation des connaissances transmises dans les seuls aspects
commerciaux au détriment des aspects entrepreneuriaux, aura pour conséquence de renforcer ses
aspirations à devenir salarié. Ainsi, une connaissance incomplète de son rôle alimentes les
conflits et les ambiguïtés de rôle qui, à leur tour, peuvent susciter le départ des vendeurs ou du
moins leur intention de partir.
1.4. Expliquer le turnover des vendeurs en phase d’intégration
L’analyse des cartes cognitives a montré que les résultats du processus de socialisation des
vendeurs indépendants étaient imprévisibles. Dès lors, nous pouvons considérer de façon
déductive que la socialisation ne favoriserait pas systématiquement le maintien des vendeurs
indépendants dans l’entreprise et dans l’équipe de vente. Aussi, pour avoir une bonne
compréhension du turnover des vendeurs indépendants, nous avons choisi de revenir sur les
facteurs déclencheurs du turnover (1.4.1). Puis, nous analyserons les déterminants aussi bien
des départs que du maintien des nouveaux vendeurs afin de mettre en évidence le management
mis en œuvre par les entreprises (1.4.2).
1.4.1. Les facteurs déclencheurs du turnover
Les résultats de notre recherche ont montré que les pratiques de gestion mises en œuvre par
les acteurs impliqués dans le processus de socialisation avaient une incidence sur le turnover des
nouveaux vendeurs. Mais cette influence ne conduisait pas, de façon systématique et directe, au
départ de ces derniers. En effet, certains comportements et attitudes, plus ou moins prévisibles,
permettent une meilleure compréhension de ces départs, mais aussi du maintien des vendeurs
dans l’entreprise. Nous prposons d’expliquer l’influence de la socialisation organisationnelle sur
le turnover, à travers deux concepts souvent considérés dans la littérature comme des indicateurs
d’adaptation : la satisfaction au travail et la performance du vendeur.
1.4.2. La place centrale de la satisfaction/insatisfaction
Nos résultats ont révélé qu’à la base des préoccupations répertoriées auprès des différentes
catégories d’acteurs, il y avait des concepts qui constituaient une source de satisfaction (ou
d’insatisfaction) dans le travail, pour le nouveau vendeur. Ainsi, lorsque nous parlons de
« paiement irrégulier de la commission », nous touchons à une insatisfaction du vendeur, car ce
dernier fait face à un retard de paiement qui ne correspond pas forcément à ses attentes. Cette
approche de la satisfaction au travail a été défini dans la littérature comme une relation entre ce
qu’un individu espère obtenir de son travail, et ce qu’il obtient effectivement (Pujol, 2008 ;
342
Locke, 1976). Autrement dit, dans leur rapport au travail les nouveaux vendeurs sont porteurs de
valeurs qu’ils idéalisent et recherchent dans le travail. L’absence de convergence entre les
valeurs du vendeur et celles du travail proposé engendre nécessairement une insatisfaction.
Cependant, cette insatisfaction n’aboutit pas automatiquement au départ du vendeur, dans la
mesure où elle ne constitue pas un obstacle majeur à l’atteinte de ses objectifs. Darmon (1993)
souligne qu’il est important de connaitre et de comprendre les objectifs d’un vendeur. Selon
l’auteur, les vendeurs organisent leur travail en vue de satisfaire d’abord leurs propres objectifs.
Certains objectifs sont liés au travail et à la vie professionnelle, ils concernent la carrière et les
promotions auxquelles aspirent les vendeurs. D’autres objectifs sont liés à la vie personnelle et
familiale, c’est le cas des vendeurs qui s’engagent pour pouvoir s’assumer et répondre aux
besoins de leur famille. Il y a enfin des objectifs financiers, notamment pour les vendeurs qui
aspirent à des revenus importants, et qui sont constitués par leurs propres efforts. Ces objectifs
influencent profondément le comportement du vendeur. Ainsi, un vendeur à qui l’on a promis un
emploi de salarié dans une entreprise et qui ne le devient pas, aura tendance à quitter l’entreprise
si son objectif était de devenir salarié. Par contre, il va demeurer dans l’équipe si l’objectif était
de répondre à des besoins financiers.
1.4.3. La performance, comme principale cause des départs du vendeur
La littérature en management des forces de vente admet l’existence d’une relation
curvilinéaire entre la performance du vendeur et le turnover (Darmon, 2012, 1993). Autrement
dit, il y a une tendance que des « vendeurs très ou très peu performants » quittent la force de
vente, pour des raisons différentes, en comparaison des vendeurs dont la performance est
moyenne. Cependant, si les causes de départ des vendeurs très peu performants sont évidentes,
les motifs de départ de ceux qui présente un niveau de performance élevé restent complexes. Les
résultats de notre recherche permettent d’avoir quelques éléments de réponse. L’évaluation de la
performance, à travers notamment les évaluateurs et les critères d’évaluation apportent des
réponses différentes. S’agissant des évaluateurs, nous notons qu’à la différence de la satisfaction,
la performance peut être évaluée par le vendeur lui-même, et par l’entreprise à travers le
responsable commercial et le vendeur sénior qui fait office de tuteur. En effet, l’entreprise qui a
obligation d’évaluer le vendeur peut se faire une idée de sa performance à travers sa
rémunération, et décider de rester ou de partir de l’entreprise. Darmon (1993) souligne que « les
vendeurs, comme les entreprises poursuivent des objectifs qui leur sont propres, et bien entendu
différents de ceux de l’entreprise ». Lorsque le niveau de rémunération est un objectif, le vendeur
peut considérer, à travers une rémunération élevée, qu’il atteint une maitrise de la vente (estime
de soi à la tache) qui lui permet de réaliser son objectif de gain dans une autre entreprise. De
343
même il arrive que certaines entreprises, qui ont fait de l’éthique un pilier de leur action, se
séparent de vendeurs performants. Par ailleurs, les critères d’évaluation de la performance
apportent également un éclairage sur le turnover des nouveaux vendeurs. Les résultats de notre
recherche mettent évidence trois critères : les ventes réalisées par le vendeur, les efforts
accomplis par le vendeur, et la fiabilité du vendeur. Les ventes représentent le résultat objectif
des activités de vente déployées par le vendeur. Elles constituent aussi la mesure par laquelle le
vendeur estime son revenu. Ainsi, un vendeur qui ne réalise pas ses objectifs est susceptible
d’être démissionné par son employeur ; ou un vendeur peut décider de sortir de la force de vente
parce qu’il considère sa rémunération insuffisante. Les efforts réalisés par le vendeur sont
appréciés à travers les activités de vente que le vendeur déploie pour obtenir des ventes. Il est
démontré que les vendeurs qui travaillent avec plusieurs entreprises dispersent leurs efforts, et
réduisent leur capacité à performer. Alors que les vendeurs qui travaillent en équipe, en
mutualisant leurs efforts aux autres vendeurs, réalisent de meilleures performances. Ainsi, un
vendeur qui ne réalise pas suffisamment d’efforts court le risque d’être démis de ses fonctions.
Enfin, le concept de « fiabilité du vendeur » met aussi en exergue le rôle attendu du vendeur,
notamment sa capacité à exercer son métier de vendeur dans le respect des dispositions qui
relèvent de son statut d’indépendant. Ainsi, le non respect de la clause d’exclusivité peut être un
motif de licenciement. En outre, les entreprises mettent en place des récompenses ou des facilités
financières qui permettent de conserver les nouveaux vendeurs.
En conclusion, nous constatons que les actions posées par les acteurs lors du processus
d’intégration ont une incidence sur la performance du vendeur et sa satisfaction au travail.
Ensuite, nous remarquons que l’insatisfaction et l’absence de performance influencent les
intentions de départs des nouveaux vendeurs, mais qu’en réalité les départs effectifs sont
déterminés par les objectifs que se fixent les vendeurs dans leur travail, et les entreprises dans
leur fonctionnement.
1.4.4. La typologie des déterminants du turnover
Le turnover en général, et celui des vendeurs indépendants en particulier renvoie à un certain
nombre de comportements et d’attitudes, qui traduisent leur propension à partir ou à demeurer
dans l’équipe de vente. Dans le cadre de cette recherche, nous avons recueilli auprès des
différents acteurs les raisons qui pouvaient motiver le départ ou le maintien d’un nouveau
vendeur. L’étude comparative des clusters montre que le turnover dépend aussi bien des
décisions des vendeurs que celles de l’entreprise, avec un nombre de déterminants plus
important émanant des vendeurs. L’analyse comparative montre également que la « performance
du vendeur » est au centre de toutes les décisions sur le turnover, aussi bien pour les vendeurs
344
que pour l’entreprise. Ce qui révèle l’intérêt que les acteurs accordent aux résultats, et le rôle
central des indicateurs de performance dans le management des vendeurs indépendants. Enfin,
une analyse des caractéristiques des déterminants a permis de dresser une typologie des
déterminants du turnover chez les vendeurs indépendants. Comme le montre le tableau ci-
dessous, nous avons retenu quatre catégories pour classer les déterminants du turnover : la
rémunération, l’emploi lui-même, le management, et les considérations personnelles.
Tableau 58. Typologie des déterminants du turnover
Décision de rester Décision de partir
Rémunération
Niveau de revenu Fixe Multiplier les gains
Commissions perçues Paiements irréguliers Taux de commissionnement
Emploi
Devenir salarié Bien être dans le travail Attente d’un meilleur emploi Absence d’opportunité d’emploi Liberté d’organiser son travail Qualité de l’environnement
Conditions de travail Instabilité de l’emploi Exercer un travail difficile Statut d’agent indépendant Idées préconçues/travail indépendant Absence de plan de carrière
Management
Qualité de la supervision Climat de travail Degré de réalisation de l’objectif
Frustration des vendeurs Pression de la hiérarchie Priver les vendeurs de leurs affaires Promesses non tenues Absence de considération Absence de reconnaissance
Personnel
Travailler comme indépendant Acquérir de l’expérience Rechercher une occupation Passion du métier Subvenir à ses besoins Constituer un capital Espérer un meilleur traitement
Poursuite des études Pression de la famille et des amis
345
§ La rémunération du vendeur
La rémunération est un facteur très déterminant du turnover des nouveaux vendeurs, car elle
est attachée à la performance du vendeur. En effet, lorsqu’ils débutent leurs activités de vente,
les nouveaux vendeurs ne disposent pas d’un revenu. Ils doivent fournir des efforts pour réaliser
des ventes, et ainsi obtenir leurs premières commissions. Mais, il arrive souvent que les vendeurs
ne soient pas satisfaits des revenus qui leur sont versés, soit parce que les commissions perçues
sont insignifiantes, soit parce que les paiements sont irréguliers.
Concernant les commissions perçues, le taux de commissionnement est à la base des
mauvaises rémunérations enregistrées par les nouveaux vendeurs à leur début. D’une part, le
niveau relativement bas des taux de commissionnement pratiqués ne permettent pas au vendeur
de se constituer un revenu satisfaisant, malgré les efforts fournis dans le travail. D’autre part, les
entreprises mettent en place des systèmes de commissionnement progressifs destinés à
encourager les ventes. Mais, ces systèmes peuvent s’avérer inadaptés aux nouveaux vendeurs,
dans la mesure où iles sont encore peu expérimentés pour réaliser des ventes importantes et
bénéficier des taux attractifs.
S’agissant des paiements irréguliers des commissions, les cartes cognitives des différents
acteurs montrent que les nouveaux vendeurs quittent leur emploi parce qu’ils attendent
longtemps avant de recevoir leurs commissions. Deux raisons sont évoquées par les acteurs, « le
défaut de règlement des clients » et « le traitement administratif des commissions ». Le défaut de
règlement est une préoccupation, car les vendeurs ne sont payés que lorsque la vente est
effectivement encaissée. Il appartient donc à l’entreprise de procéder au recouvrement de ses
créances pour assurer le paiement des vendeurs. Le traitement administratif des commissions se
réfère au retard accusé par l’entreprise pour payer les commissions des vendeurs. Pass (2011)
souligne que la commission n’est pas seulement la récompense de l’effort fourni par le vendeur,
mais elle constitue d’abord le seul revenu dont il dispose pour assurer ses charges. Par
conséquent la diligence dont fait preuve l’entreprise dans le paiement des commissions peut être
une source de satisfaction.
§ L’emploi
L’emploi regroupe les déterminants du turnover portant essentiellement sur le travail des
nouveaux vendeurs. Sur un plan général, les cartes cognitives des acteurs montrent que les
nouveaux vendeurs ont souvent une connaissance approximative de l’emploi qui leur ait proposé.
Les chaines d’argumentation développées par ces acteurs indiquent que, cette mauvaise
346
connaissance de l’emploi influence, à travers d’autres variables, la décision de rester ou de partir.
Dans le cadre spécifique de l’analyse de regroupement, les déterminants qui motivent le vendeur
à rester portent sur les aspirations des nouvelles recrues, et l’environnement de travail. D’une
part, les nouveaux vendeurs estiment que le travail qu’ils exercent actuellement est un tremplin,
soit vers un meilleur emploi à l’extérieur de l’entreprise, soit vers un emploi salarié dans leur
entreprise. Cette attente est justifiée par le fait que certaines entreprises, s’appuient
essentiellement sur cette procédure pour recruter leur personnel salarié. Mais, elle découle aussi
de l’attachement culturel des individus au salariat. D’autre part, certains vendeurs demeurent
dans l’équipe vente, parce que l’environnement de travail favorise leur épanouissement ; ou tout
simplement parce qu’ils ont noué de très bonnes relations, avec leurs collègues vendeurs et
l’ensemble des personnes dédiée à la vente. Par ailleurs, les déterminants à l’origine des départs
des nouveaux vendeurs, reposent aussi bien sur l’attractivité de l’emploi que sur la perception
que ces derniers ont de leur statut de vendeur. En effet, le statut d’agent indépendant est souvent
considéré comme un statut qui ne garanti pas l’emploi. Les vendeurs diplômés sont réticents à
exercer cette fonction, car ils estiment qu’ils peuvent obtenir mieux qu’un travail d’indépendant.
Dans le même ordre d’idées, les conditions de travail inadaptées, souvent liées aux
commodités68 dont à besoin un vendeur pour exercer son activité, influencent le départ du
nouveau vendeur. Les difficultés rencontrées par les vendeurs dans la conquête des clients, ainsi
que les efforts demandés aux vendeurs quant aux résultats, peuvent être un motif de départ.
§ Le management
Le management intègre l’ensemble des déterminants du turnover relatifs à la gestion au
quotidien de l’équipe de vente. L’analyse comparative des clusters des différentes cartes montre
que, les départs des nouveaux vendeurs sont dus, en partie aux frustrations qu’ils éprouvent vis-
à-vis des personnels salariés, et de leur superviseur. En effet, les nouveaux vendeurs ont le
sentiment d’être tenu à l’écart, pour la seule raison qu’ils ne sont pas salariés de l’entreprise. La
carte cognitive montre que le manque de considération exprimé par les vendeurs, est
particulièrement manifeste dans les retards de paiement des commissions. Elle met aussi en
relief, le fait que des vendeurs peuvent être déposséder des affaires importantes, au motif que la
hiérarchie aurait contribué à l’acquisition de celle-ci. Ces comportements sont de nature à
décourager les nouveaux vendeurs qui, fautes de pouvoir entrer en possession de leurs
commissions, sont obligés de quitter l’entreprise. En outre, certaines pratiques engendrent chez
les vendeurs, des comportements qui peuvent potentiellement influencer leur départ ; la pression
de la hiérarchie sur les résultats, crée des tensions qui peuvent affecter les efforts des vendeurs 68 Moyen de déplacement, frais de vie…
347
dans leur travail ; les promesses non-tenues engendrent également une perte de confiance entre le
vendeur et sa hiérarchie ; et enfin, le manque de reconnaissance ne permet pas de valoriser le
travail du vendeur. Par ailleurs, nous notons qu’un déterminant, le climat de travail, influencent
à la fois le départ du vendeur et la décision de rester dans l’équipe. Dans la force de vente
indépendante, le climat de travail est apprécié à partir des relations que les vendeurs
entretiennent entre eux, et avec leur hiérarchie. L’analyse des clusters montre que ces relations
sont, dans leur majorité, conflictuelles. Elle indique aussi que la concurrence entre vendeurs est
à l’origine de ces conflits, dans la mesure où celle-ci porte sur les clients, source de revenu.
Ainsi, lorsque les conflits sont résolus équitablement, le climat est apaisé et les vendeurs auront
tendance à demeurer dans l’équipe. Dans le cas contraire, les vendeurs mécontents vont sortir de
l’entreprise.
§ Les considérations personnelles
Les considérations personnelles recouvrent l’ensemble des préoccupations des nouveaux
vendeurs. L’analyse comparative des clusters montre que les nouveaux vendeurs peuvent quitter
l’entreprise sous la pression de la famille et les amis, ou pour poursuivre leurs études. D’une
part, la pression de la famille et des amis repose sur les interprétations que ceux-ci se font du
travail indépendant, et l’image de précarité qui y est associée. Cette position explique
l’attachement culturel des individus à l’emploi salarié. D’autre part, certains individus viennent
travailler pour un temps et repartent à leurs occupations initiales, c’est le cas des étudiants qui
généralement sont employés en temps partiel.
2. La pertinence de l’utilisation de la méthode des cartes cognitives dans cette
recherche
L’utilisation de la cartographie cognitive dans cette recherche se révèle opportune à double
titre. D’abord, parce qu’elle nous permet d’appréhender la socialisation des nouveaux vendeurs
à travers les représentations mentales des agents de socialisation, et donc de capturer le processus
cognitif et le résultat de ce processus (Denis, 1989) (2.1). Ensuite, parce qu’elle permet de traiter
la complexité qui caractérise le management des forces vente, et par conséquent de la prendre en
compte dans le processus de socialisation organisationnelle (2.2).
348
2.1. Appréhender la socialisation du vendeur indépendants à partir des représentions
des acteurs
En partant du principe que la socialisation du vendeur indépendant est un construit social, il
était nécessaire que nous nous appuyions sur les représentations des acteurs impliqués dans ce
processus afin de cerner leurs préoccupations, et de distinguer celles qui sont partagées de celles
qui ne le sont pas. En effet, en tenant compte des contextes de travail, de la diversité des statuts
de vendeur et même des produits à vendre, le management à appliquer n’est pas toujours le
même dans toutes les organisations de vente, et même d’un vendeur à un autre dans une même
organisation. Ainsi, pour appréhender la façon dont les nouveaux vendeurs s’adaptent à leur
nouvel environnement, nous nous appuyons sur le concept de socialisation, et particulièrement
sur les expériences vécues et les représentations des personnes qui, dans l’entreprise, participent
au processus de socialisation (superviseurs et collègues expérimentés).
Afin de cerner la juxtaposition de nos approches théoriques et méthodologiques, nous
proposons dans un premier temps de définir le concept de représentation, et son utilisation dans
les sciences de gestion (2.1.1). Puis, nous précisons ses apports dans l’étude de la socialisation
du vendeur indépendant (2.1.2).
2.1.1. Le concept de représentation en sciences de gestion
En se référant aux définitions d’auteurs importants dans ce champ de recherche (Abric,
1988 ; Molinier, 1998), Barth (2002) définit la représentation comme « un ensemble organisé
d’opinions, d’attitudes, de croyances et d’informations se référant à un objet ou une situation ».
Le concept de représentation dont l’origine se situerait dans les sciences cognitive, a fait
l’objet de définitions « riches et variées » dans les sciences sociales (Schultz et Labbe-Pinlon,
2013). En psychologie cognitive, les représentations désignent le traitement de l’information par
l’individu en fonction de sa propre histoire69. En psychologie sociale, les représentations
correspondent à une « forme de connaissance socialement élaborée et partagée ayant une visée
pratique et courante à la constitution de la réalité commune à un ensemble social »70. Dans les
sciences de gestion, le concept de représentation est utilisé pour apprécier la façon dont les
décideurs appréhendent leur environnement concurrentiel. En marketing, les représentations sont
mobilisées pour aborder la manière dont les managers simplifient et donnent du sens au marché
(Schultz et Labbe-Pinlon, 2013 ; Chaney, 2010 ; Chabin, 2001). En stratégie ou en
69 Gallina, 2006 70 Jodelet, 1997
349
entrepreneuriat, les représentations permettent de mettre en évidence la vision stratégique du
dirigeant pour son entreprise. En gestion des ressources humaines, les représentations sont un
formidable outil d’aide à la gestion (Mouret, 1993), notamment dans les démarche d’anticipation
(prévision ou prospective) comme la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
(GPEC). Selon cet auteur, « l’anticipation dote le Directeur des ressources humaines (DRH) des
outils et de processus qui font de lui un manager stratégique ».
Dans son article intitulé « le Manager Pygmalion », Lamendour (2009) analyse la relation
managériale d’un débutant et son mentor au moment de l’intégration, en s’appuyant sur les
représentations filmiques. L’auteur met en évidence deux aspects essentiels : l’essence
relationnelle du management, et la portée des représentations dans l’action managériale. En effet,
Lamendour (2009) appréhende « le management comme un processus relationnel ». Elle
souligne l’importance de la relation avec l’autre dans les recherches en management, et la
dimension formative du concept, considérée comme une compétence que l’on doit acquérir et
qui doit, par conséquent, faire l’objet d’un enseignement particulier. Ainsi, la relation
managériale est caractérisée par un temps d’apprentissage qui est marqué par les actions
conjointes du nouvel arrivant et du mentor.
Concernant la portée des représentations dans l’action managériale, l’auteur met en évidence
trois usages auxquels ce type d’analyse permet d’accéder : comprendre, agir et former. Les
représentations peuvent être utilisées comme outil de compréhension. L’auteur souligne que
« l’analyse des représentations permet d’évaluer la perception de la gestion dans une société
donnée ». Autrement dit, elles donnent à comprendre les valeurs et les pratiques que les groupes
étudiés ont en communs. Ces éléments peuvent être utiles pour l’interprétation de leur
environnement. Les représentations peuvent être également appréhendées comme un
cheminement vers l’action, dans la mesure où elles constituent le cadre d’interprétation des
situations de gestion auxquelles sont confrontés les acteurs. Ces interprétations « oriente
l’engagement des acteurs dans l’action managériale et structurent leurs comportements ». Enfin,
les représentations peuvent être utilisées comme des outils « didactiques » au service des
formations réalisées auprès des managers et des vendeurs qui ont besoin de comprendre l’action
managériale.
350
2.1.2. L’apport de la cartographie cognitive à l’étude des représentations de la
socialisation du vendeur indépendant
Selon Chaney (2010), la cartographie cognitive à pour but d’appréhender les représentations
mentales. Autrement dit, elle permet de capturer, de représenter et d’analyser les représentations
d’un individu à un moment donné (Fletcher et Huff, 1990). Elle apparait donc pertinente dans le
cadre de notre recherche pour trois raisons principales. D’abord parce que, à la différence des
autres méthodes d’analyse des données textuelles, elle s’intéresse à l’individu dans son
environnement, dans une perspective holistique des choses (Calori et Sarnin, 1993). Autrement
dit, dans notre cas, elle permet de replacer le vendeur dans son environnement et de voir à un
instant donné les relations qu’il entretient avec cet environnement en termes de moyens et fins.
Ensuite, les cartes cognitives ne se contentent pas de compter et d’analyser quantitativement les
unités de texte, mais elles permettent surtout de mettre en évidence le sens et la prégnance
d’éléments cognitifs, et surtout d’analyser les relations entre ces éléments cognitifs. Enfin, le
résultat de l’analyse, la carte cognitive, s’avère être un outil de communication puissant pour les
chercheurs et les consultant (Allard-Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger, 2003). Toutefois, la
cartographie ne permet que de réaliser une photographie de la cognition d’un individu à un
moment donné, et n’appréhender qu’un aspect des représentations : le produit du processus
cognitif.
Par ailleurs, dans la mesure où la socialisation du vendeur indépendant est appréhendée
comme un processus de construction de la relation managériale, et que cette relation n’est pas la
même d’une organisation à une autre, la socialisation du vendeur indépendant peut aussi être un
objet de représentations sociales. En s’appuyant sur les travaux de Moliner (1996), Mantione,
(2001) distingue cinq conditions nécessaires à l’émergence d’une représentation sociale. La
première concerne « l’objet » des représentations, la socialisation du vendeur indépendant dans
notre cas, et s’appuie sur deux caractéristiques essentielles de cet objet : l’aspect polymorphe et
la valeur d’enjeu. Autrement dit, le vendeur indépendant peut faire l’objet de socialisations
multiformes. La diversité des forces de vente nécessite qu’elle soit construite pour assurer le bon
fonctionnement de l’organisation. La deuxième condition concerne l’existence d’un « groupe »
de référence identifié par l’interdépendance de ces membres, c'est-à-dire les individus qui
élaborent ces représentations. Dans notre recherche, ce groupe est représenté par l’équipe de
vente, composée d’un superviseur et des vendeurs (anciens et nouveaux). La troisième condition
fait référence aux « enjeux » suscités par l’objet. La définition d’une identité en ce qui concerne
l’individu par rapport à son groupe de référence ; la cohésion sociale en ce qui concerne le
groupe. Ainsi, la socialisation permet aux acteurs de se former une identité de vendeurs ou de
351
manager, en même temps qu’elle crée de la cohésion en favorisant un fonctionnement
harmonieux du groupe. La quatrième condition relative à la « dynamique sociale » est incarnée
par trois éléments qui sont « le groupe, l’objet et l’autrui social ». Dans notre recherche, cette
dynamique est perceptible dans les interactions que les sous-groupes de notre population
entretiennent. Ainsi, en interagissant les uns avec les autres, les managers de vente et leurs
vendeurs s’aident mutuellement à élaborer une activité représentationnelle. La cinquième
condition concerne l’existence d’une « orthodoxie » qui régularise le fonctionnement du groupe,
et qui serait la même pour tous. La présence d’un tel système n’est pas compatible avec
l’élaboration des représentations. Concernant la relation managériale entre un manager et ses
vendeurs, un tel système n’est pas envisageable, car en management des forces de vente tout
comme dans les autres activités de management, le « one best way » est révolu. La relation
managériale n’étant pas la même d’une entreprise à une autre, nous pouvons dire qu’elle se
construit en fonction des contingences.
2.2. Les cartes cognitifs, pour réduire la complexité des schèmes cognitifs
La diversité des entreprises et des fonctions commerciales suggère que le management d’une
force de vente est un processus complexe qui nécessite un nombre important de décision et qui
fait intervenir des relations multiples dans l’organisation (Darmon, 1993, 2012). Comme toutes
les décisions de management des forces de vente, l’intégration des vendeurs indépendants est
une opération complexe qui peut s’avérer difficile à comprendre, et donc à gérer en l’état actuel
des connaissances. En introduisant la cartographie cognitive, nous avons été en mesure, non
seulement de mettre en évidence cette complexité, mais également de la réduire afin d’avoir une
bonne compréhension des échanges qui se produisent entre le manager et ses vendeurs dans cette
phase d’intégration.
Dans le cadre de notre recherche, les résultats de l’analyse de structure ont révélé
l’importance de la complexité des schèmes cognitifs des trois catégories acteurs étudiés. Cette
complexité peut s’expliquer par des raisons d’origines diverses. D’abord au niveau des
responsables commerciaux, l’analyse montre que ces acteurs sont souvent confrontés à de fortes
ambiguïtés. Par exemple, les responsables commerciaux envisagent de « gérer autrement les
vendeurs indépendant ». Cependant, on peut constater dans le même temps qu’ils ne fournissent
pas toujours toute l’information sur les emplois proposés ; ou que certains managers adoptent
plutôt un contrôle contraignant vis-à-vis de leurs vendeurs indépendants. Ainsi, ils appliquent les
règles qui régissent leur collaboration avec les vendeurs indépendants, quand celles-ci leur sont
352
favorables. Cependant, ils dérogent à leur usage lorsqu’elles ne profitent pas à l’entreprise. Ce
qui laisse penser qu’ils adoptent des comportements opportunistes.
Ensuite, concernant les nouveaux vendeurs, nous constatons que ces acteurs sont confrontés à
plusieurs incertitudes au moment de leur entrée dans l’entreprise. Ils sont souvent appelés à
travailler, et à financer leur activité alors qu’ils ne disposent pas d’un revenu. Cette complexité,
bien qu’elle soit d’un niveau relativement faible (10 boucles), apparait plutôt un handicap. En
effet, on peut penser les nouveaux vendeurs qui quittent prématurément l’entreprise ont un faible
niveau de complexité cognitive, car ils ont « tendance à voir les choses de manière
dichotomique »71.
Enfin, les vendeurs séniors sont confrontés à une ambiguïté sur leur rôle de tuteur. Ils doivent
assurer un rôle important dans la socialisation des nouveaux vendeurs, alors qu’ils ne sont pas
salariés de l’entreprise. Les vendeurs séniors sont souvent partagés entre une activité qui n’est
pas officiellement rémunéré, et leur activité principale de vendeur. Cependant, ils font preuve
d’un comportement altruiste, indispensable pour apporter aux nouveaux vendeurs le soutien
nécessaire à leur intégration.
Dans la littérature, les cartes cognitives présentant des indicateurs élevés correspondrait à des
individus ayant une pensée plus ou moins complexe. Selon Eden et al (1992), cette complexité
est le signe qu’il existe potentiellement chez ces individus des conflits entre les actions qu’ils
mettent en œuvre, et les objectifs qu’ils poursuivent. Mais selon Cossette (2004), le niveau de
complexité élevé des cartes cognitives est plutôt une bonne chose. Il laisse penser que, dans
leurs représentations, les trois catégories d’acteurs étudiés possèdent des capacités qui leur
permettent d’envisager des causes multiples aux problèmes auxquels ils sont confrontés, ainsi
que les solutions à y apporter. Cette observation est conforme à l’esprit de la théorie de la
complexité cognitive qui suggère qu’un individu qui a une complexité cognitive élevé a plus de
capacité que d’autres, à proposer de meilleures solutions. Au lieu d’être un handicap, la
complexité d’un schème cognitif est plutôt considérée comme un atout, dans la mesure où elle
confère à l’individu une capacité d’adaptation importante. Cossette (2004) souligne également
qu’un schème à avantage à être complexe. Selon l’auteur, « plus une structure cognitive est
complexe, plus elle permet de faire face adéquatement à des situations différentes et nouvelles ».
Il faut remonter à Weick (1979) pour retrouver le sens profond de ce concept en management. En
effet, Weick suggère que les managers doivent intégrer la complexité dans leurs schèmes
71 Jean-Frédéric Morin (2013). Nous reprenons à notre compte cette allusion faite sur les dirigeants de grands pays sur leur perception des relations internationales.
353
d’action et de pensée, et appréhender les problèmes qui se posent à l’organisation et son
environnement sous plusieurs angles. Cette approche permet au décideur de mettre en évidence
les différentes causes possibles d’un problème, afin de choisir l’action la plus adaptée à la
situation. Bartunek et al, (1983) suggèrent que la complexité cognitive conduit à un
comportement plus efficace, et à une perception plus juste des évènements, bien que cette
relation ne soit pas nécessairement linéaire et automatique. Ainsi, lorsqu’on aborde la complexité
cognitive des trois acteurs que nous avons choisi d’étudier, nous nous apercevons qu’ils adoptent
chacun des solutions qui sont plus ou moins adaptées à leurs préoccupations. Mais, pour autant
ces préoccupations ne sont pas forcément partagées. Par conséquent, il est logique de penser que
l’existence de divergences, entre les acteurs, peut affecter le processus de socialisation des
nouveaux vendeurs, qui à son tour influence le turnover.
354
SECTION 2. DISCUSSION SUR LA GESTION DE LA SOCIALISATION DES
VENDEURS INDEPENDANTS
Notre recherche sur la socialisation du vendeur indépendant nous conduit à penser qu’il est
possible de renforcer le corpus managérial des forces de vente en introduisant le concept de
socialisation. La pénurie de vendeurs qualifiés sur le marché, et la très faible probabilité de
recruter des vendeurs expérimentés laisse apparaitre la nécessité d’accompagner les nouveaux
vendeurs dans leur adaptation dans le métier et dans l’entreprise. Par ailleurs, la littérature en
management des forces de vente à montré que le vendeur indépendant était à la fois un
représentant commercial, un entrepreneur individuel, et même un fournisseur de prestations.
Autant de facettes du rôle du vendeur qui traduisent la complexité des relations de travail que
ce dernier entretient avec l’entreprise. Cependant, la faisabilité d’une telle action se pose, si l’on
considère la position du vendeur dans l’entreprise à travers son statut d’indépendant. En effet, en
l’absence d’un lien de subordination, il peut être difficile de soumettre le nouveau vendeur à un
programme de socialisation, tout comme ce dernier peut difficilement trouver du temps à
consacrer à une activité qui ne lui rapporte pas.
Dans cette section, nous voulons apporter les arguments en faveur d’une formalisation des
pratiques de socialisation au sein des forces de vente, à travers une gestion effective du processus
de socialisation (1), avant de proposer les implications managériales (2).
1. La gestion du processus de socialisation
Dans une perspective interactionniste la socialisation existe naturellement à travers les
échanges fonctionnels ou non qui se construisent dans le cadre du travail. Il apparait alors
nécessaire de formaliser le processus, afin d’en avoir la maitrise.
1.1. Préexistence de la socialisation dans l’entreprise
L’utilisation de cette approche dans le cadre de notre recherche à permis de constater que la
socialisation était mises en œuvre de façon inconsciente dans ces organisations de vente, et que
cette absence de formalisation rendait nécessairement le processus incomplet. Nous rappelons
que la socialisation organisationnelle peut être appréhendée, selon qu’on la considère du point
de vue de l’organisation, ou du point de vue de l’individu. A ces débuts, la littérature sur la
socialisation est fortement marquée par la prééminence de l’organisation sur l’individu, mais
avec le développement de la GRH, l’individu n’est plus seulement un acteur passif, il participe
activement à sa propre socialisation. La tendance actuelle est plutôt à une intégration des
355
positions organisationnelles et individuelles de la socialisation dans l’entreprise, et de façon
générale à l’émergence d’une approche interactionniste. Dans le paradigme interactionniste, la
socialisation existe dès lors que des individus, en interaction, collaborent dans le cadre de leur
travail pour apporter des solutions aux problèmes de gestion qui se posent à eux. Reichers (1987)
souligne que l’interaction est au centre du processus de socialisation. Ainsi, peut être qualifié de
socialisation tout échange d’informations, même informel, entre les personnes déjà en place dans
l’organisation et les nouvelles recrues, dès lors que ces derniers prennent connaissance de la
réalité de leur environnement de travail, et se forment une nouvelle identité. Selon Perrot et al.
(2005), les individus s’influencent mutuellement et participent à la construction d’une réalité
organisationnelle qui correspond à leurs aspirations profondes. Autrement dit, la réalité sociale
n’est prédéfinie d’avance, elle n’existe que par rapport aux « interactions multiples et divers »
que les individus mettent en œuvre. Ces interactions sont perceptibles dans les messages que les
entreprises et leurs membres envoient aux nouvelles recrues, et les comportements qui sont
affichés par ces derniers en retour (Lacaze, 2010). Ainsi, il est possible d’identifier, à travers le
modèle de socialisation de Van Maanen et Schein (1979), le style de socialisation mis en œuvre
par une entreprise.
La socialisation existe donc dans l’entreprise, en dehors de toute procédure formelle de
l’organisation. Elle apparait comme un processus incomplet dans la mesure où elle n’émane pas
d’une volonté stratégique de l’entreprise, mais résulte plutôt de l’héritage des pratiques passées.
Ainsi, en accordant une attention limitée à la socialisation de ses nouveaux vendeurs, l’entreprise
se prive également de la possibilité d’orienter ultérieurement leurs comportements déviants.
1.2. Formaliser nécessairement la socialisation des vendeurs indépendants
§ En vue de consolider la stratégie d’externalisation
La tendance actuelle des entreprises est d’externaliser leur force de vente pour bénéficier des
avantages que procure cette opération (notamment la transformation des charges fixes liées aux
salaires des vendeurs en charges variables). Mais cette décision, qui entraine nécessairement un
changement de la structure de vente, est souvent mise en œuvre sans qu’il soit envisagé
parallèlement une évolution de la gestion des hommes qui composent cette organisation. En
effet, la position qu’occupent les vendeurs, à l’extérieur des frontières de l’entreprise pose le
problème de leur encadrement et de façon générale, celui du management à mettre en place pour
que les objectifs poursuivis par l’entreprise restent bien défendus.
356
La difficulté à laquelle sont confrontées les entreprises dans la gestion de leurs vendeurs
indépendants est principalement d’ordre juridique. Cependant, malgré le fait qu’ils soient
légalement indépendants, l’agent commercial et sont mandant sont en réalité interdépendants
dans la mesure où la réussite de l’un dépend de celle de l’autre (Anderson et Trinkle, 2005, p.
130). Aussi, travailler dans le sens du renforcement de cette relation est la voie prônée par de
nombreux chercheurs et praticiens (Anderson et Trinkle, 2005 ; Moulinier, 2005). En s’appuyant
sur l’interdépendance des acteurs, nous nous intéressons aux obligations réciproques qui sont
consignés dans le contrat. Ces obligations peuvent être appréhendées comme des normes de
comportement ou des rôles que l’on pourrait assimilés à des pratiques dans le cadre d’une
fonction. Ainsi, comme le souligne Guni72 dans sa thèse de doctorat, « tout changement
organisationnel crée des rôles complémentaires dont doit s’approprier le management ».
Autrement dit, il est nécessaire d’identifier les nouveaux rôles qui sont attachés à la gestion de
l’agent commercial, et les intégrer dans le système de gestion des forces de vente. Ces rôles vont
à leur tour suscité de nouvelles approches de gestion. Guillemin et Grenier Godard (2004)
soulignent l’intérêt de la mise en place d’un management des ressources humaines concertée
pour assurer le succès d’une opération d’externalisation et les perspectives récentes développées
dans le domaine de la gestion des ressources humaines, notamment la possibilité d’étendre la
recherche à d’autres acteurs à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise permet d’entrevoir des
solutions de gestion aux problèmes posés par l’externalisation des vendeurs.
§ En vue de maitriser le comportement du vendeur
Pour illustrer nos propos, nous avons choisi d’établir une analogie avec le concept de
positionnement en marketing.
En effet, selon la littérature en marketing le positionnement concurrentiel d’un produit
désigne la place qu’une entreprise souhaiterait voir son produit occupé dans l’esprit du
consommateur. Deux options s’offrent à l’entreprise. Elle décide de positionner volontairement
son produit, dans ce cas elle choisi la meilleure position possible sur le marché, en tenant compte
des caractéristiques et qualités de son produit, et des besoins de la population qu’elle souhaite
atteindre. L’entreprise peut aussi choisir de ne pas positionner son produit, dans ce cas le produit
sera positionner par défaut par les populations auxquels il est destiné. Dans le premier cas,
l’entreprise installe son produit dans une position qui lui permet de maitriser son comportement
72 Thèse de doctorat en sciences de gestion : La fonction des ressources humaines face aux transformations des entreprises. (2002)
357
sur le marché. Dans le second cas, elle perd le contrôle de son produit sur le marché, en
abandonnant le positionnement de ce dernier « entre les mains de la clientèle ».
Dans le même esprit, la socialisation organisationnelle permet de définir les comportements et
les attitudes qu’une entreprise souhaiterait faire adopter à ses nouvelles recrues. Il va de soi
qu’une entreprise qui met en œuvre, de façon explicite, la socialisation des nouveaux arrivants
aura un meilleur contrôle sur leurs comportements ultérieurs. A contrario, une entreprise qui
n’organise pas la socialisation de ces nouvelles recrues, prend le risque de les soumettre à des
influences négatives qui peuvent à termes le desservir. Autrement dit, la nouvelle recrue est
socialisée par défaut, et les comportements qu’elle développe échappent totalement ou
partiellement à l’entreprise. A la lumière de ce qui précède, nous pouvons affirmer que le
turnover des vendeurs indépendants est du principalement au peu d’intérêt que les managers des
ventes accordent à la socialisation des nouveaux vendeurs. En laissant les nouveaux vendeurs
« se débrouiller tout seul », l’entreprise se prive des moyens qui leur permettraient de réduire le
turnover. Dans une approche similaire, Grant et Bush (1996) soulignaient déjà que le manque
d’attention au processus de socialisation, pouvait avoir des conséquences sur le niveau du
turnover des vendeurs.
2. Les implications managériales
Afin d’obtenir des nouveaux vendeurs des comportements et attitudes souhaitées, il est
indispensable que l’entreprise formalise ses pratiques de socialisation. Nous avons démontré
dans le paragraphe précédent qu’une attitude passive privait l’entreprise du contrôle des
comportements ultérieur du vendeur, alors qu’une gestion plus active de la socialisation
permettait à celle-ci d’orienter les comportements et attitudes des nouveaux vendeurs. Les
résultats de notre recherche ont montré également que parmi tous les rôles que le vendeur devait
endosser, seul le rôle de représentant commercial était pris en compte. Il est donc nécessaire
d’intégrer dans le processus de socialisation les aspects entrepreneuriaux.
Sur la base de ces observations et des résultats de notre recherche, nous proposons des pistes
de réflexion qui permettront d’orienter les actions des managers, et la possibilité de contrôler les
comportements, et notamment le niveau particulièrement élevé du turnover des vendeurs en
phase d’intégration.
358
2.1. Développer un leadership spécifique
Nous avons soulignés le fait qu’il était difficile de mettre en place des actions de socialisation,
compte tenu de la nature de la relation de travail, et des impératifs de résultat pour les deux
parties. Or, les résultats de notre recherche ont montré que dans bien des situations de gestion, la
supervision pouvait être à l’origine de nombreux départs des nouveaux vendeurs. En effet, le
superviseur occupe une place centrale dans la relation contractuelle entre l’entreprise et ses
vendeurs indépendants. C’est l’interlocuteur privilégié entre ces deux entités, et par conséquent
celui qui peut le mieux défendre leurs intérêts respectifs. Mais, ce rôle d’intermédiaire confère au
superviseur des responsabilités qui nécessitent des compétences particulières et un bon
leadership.
2.1.1. Mobiliser de nouvelles compétences
S’agissant des compétences, il est souhaitable qu’un superviseur ait de bonnes connaissances
sur le plan commercial, et surtout un vécu suffisamment important dans la vente. C’est en
général ce critère prépondérant dans les forces de vente, puisque les trois quart de notre
échantillon sont des anciens vendeurs. Mais ce critère commercial ne parait pas suffisant au
regard des responsabilités qui incombent au superviseur. En effet, la supervision des vendeurs
indépendants nécessite des compétences qui vont au-delà du simple domaine commercial. Ainsi,
il serait intéressant qu’un superviseur maitrise les différents aspects des ressources humaines
(recrutement, formation, rémunération, etc.). Il apparait aussi évident qu’il soit parfaitement
informé des dispositions juridiques qui régissent la relation avec les vendeurs. Dans le cas
d’espèce, si le superviseur n’a pas une bonne connaissance du statut d’agent commercial, il est
certain que les informations qui seront transmises au nouveau vendeur seront décalées de la
réalité. Le superviseur doit donc développer des compétences variées. La littérature sur
l’externalisation des vendeurs identifie plusieurs domaines de compétences ; la gestion des
ressources humaines (Darmon, 1993, 2012 ; Leroux, 2004) ; les achats (Leroux, 2004 ; Gosse et
al, 2002) ; et le droit, notamment une maitrise des contrats (Barthélémy, 2004).
2.1.2. Partager le leadership
L’une des difficultés du management des forces de vente est le manque d’emprise des
managers sur les vendeurs du à l’éloignement physique, social et psychologique de ces derniers
des structures d’encadrement. Cet éloignement est aggravé, en ce qui concerne les vendeurs
indépendants, par les restrictions d’ordre juridiques. Ainsi, les managers des forces de vente sont
davantage des superviseurs que des leaders, dans la mesure où leur rôle consiste à s’assurer
359
(surveiller) que les vendeurs mettent en œuvre les activités qui permettent d’atteindre les
objectifs fixés par l’entreprise. Pour autant, les résultats de notre recherche montre une évolution
des comportements aussi bien des nouveaux vendeurs que des responsables commerciaux. D’une
part, la carte cognitive des nouveaux vendeurs révèle l’existence d’un besoin implicite de
leadership, si l’on tient compte des attentes exprimées par ces derniers à leur arrivée dans
l’entreprise. D’autre part, le schème cognitif des responsables commerciaux met en relief la
volonté des managers d’orienter les comportements des vendeurs dans un sens qui est favorable
à l’entreprise. Ce type de management, que nous qualifions d’interventionniste, peut-il incarner
un style de leadership ? Quel leadership est adapté à la gestion des vendeurs indépendants ?
Autant de questions qui témoignent de la confusion qui persiste entre management et leadership,
et en ce qui nous concerne des difficultés à définir ce que peut être un leadership dans le
management des vendeurs indépendants.
Les chercheurs en management des forces de vente se sont particulièrement intéressés au
leadership commercial. Les premiers travaux ont consisté à établir la relation entre les différents
styles de leadership, notamment les leaderships transactionnel et transformationnel, et les divers
résultats en comportement organisationnel (Ingram et al, 2005 ; Humphreys, 2002 ; Mc Kenzie
et al, 2001 ; Shoemaker, 1999 ; Kouzes et Posner, 1987). Cette littérature est marquée par une
très grande confusion des termes utilisés par les chercheurs pour désigner le leadership (Ingram
et al, 2005). Afin de tenir compte de l’évolution de l’environnement commercial, ces auteurs
proposent une nouvelle orientation des recherches sur le leadership commercial. Celle-ci est
articulée autour de trois éléments essentiels. Le premier se réfère à la définition, et appréhende le
leadership commercial comme des « activités accomplies par ceux-là qui dans les organisations
de vente influencent les autres pour atteindre des objectifs communs en faveur de l’organisation
des ventes et de l’entreprise »73. Cette conception considère que le leadership est porté par le
responsable le plus élevé de la hiérarchie commerciale, mais admet également son extension vers
l’ensemble des managers. Ainsi, les vendeurs peuvent développer un leadership personnel dans
le cadre de leurs activités, tout comme les individus engagés dans des activités formelles ou
informelles au sein d’une équipe de vente, peuvent partager le leadership. Le deuxième élément
concerne les spécificités du travail de vendeurs. Selon Ingram et al (2005), l’éloignement des
vendeurs des structures d’encadrement s’accordent difficilement avec la mise en œuvre d’un
leadership traditionnel. Seul un leadership personnel est pertinent dans ces cas d’isolement des
vendeurs. Dans le même sens, la position charnière des vendeurs, à la fois représentant des
vendeurs auprès de l’entreprise et représentant de l’entreprise auprès des vendeurs, créent des
73 Notre traduction
360
demandes conflictuelles qui nécessitent un leadership particulier. Enfin, le troisième élément
concerne la différence fondamentale que les auteurs établissent entre d’une part le leadership, et
d’autre part le management et la supervision. Pour ces auteurs, « le leadership commercial tend à
être plus proactif, orienté dans le long terme, prenant une perspective générale, et touche
davantage les individus que le management et la supervision ». Alors que « le leadership
s’intéresse à l’efficacité et à utiliser les bonne pratiques, le management et la supervision, au
contraire, s’intéressent à la performance et fait ce qui est juste de faire ».
En partant de cette approche, et conformément à la perspective interactionniste adoptée dans
notre recherche, un leadership partagé serait plus indiqué à la situation des vendeurs
indépendants. Celui-ci repose sur l’influence réciproque des acteurs et l’adoption des
comportements qui sont profitables à l’entreprise. Autrement dit, le leader serait davantage un
coach qui accompagne le nouveau vendeur dans sa prise de rôle, travaille à la constitution d’une
véritable équipe de vente et à sa cohésion, et améliore son efficacité. Le nouveau vendeur
contribuerait à ce leadership par son comportement proactif, à travers une recherche active
d’information et une capacité à l’auto-management. Dans sa revue de la littérature sur le
leadership, Plane (2015) évoque l’intérêt d’un leadership partagé, comme réponse aux
changements intervenus dans les organisations ces dernières années. En s’appuyant sur les
travaux d’Edith Luc (2004, 2010, 2014), l’auteur souligne l’importance d’un « leadership
réciproque entre les personnes mobilisées pour une cause commune ». Il met en évidence
« l’équilibre nécessaire entre un leadership vertical traditionnel et un leadership distribué,
individuel ». Par ailleurs, contrairement à Ingram et al (2005) qui soulignent les différences entre
le leadership et le management, Plane (2015) précise la position de Mintzberg ( ) pour qui le
leadership et le management serait indissociables. Elles constitueraient les deux faces d’une
seule et même réalité. Ainsi, comme nous avons appelé à un management spécifique pour les
vendeurs indépendants, il serait souhaitable d’envisager aussi un leadership spécifique.
2.2. Attirer et retenir les nouveaux vendeurs
2.2.1. Recrutement réaliste et adéquat.
Le travail de vendeur indépendant n’est pas très connu du grand public, et beaucoup
d’individus s’engagent dans ces emplois sans avoir une idée exacte de ce qu’ils vont faire. Il est
donc nécessaire que les entreprises soient plus réalistes dans leur recrutement. Ce réalisme passe
d’abord par l’utilisation des moyens plus adaptés, comme le bouche à oreille qui permet
d’atteindre une population plus ciblée, ou en organisant des journées porte ouverte dans des
établissements de gestion afin d’informer plus amplement sur les emplois. Il est aussi possible
361
d’utiliser les annonces presse ou de faire intervenir les cabinets de recrutement, mais de façon
marginale. Ensuite, il est souhaitable que les informations véhiculées tout le long du processus
de recrutement soient de qualité. Les postulants manifestent un besoin important d’informations
sur l’emploi proposé ; ils veulent connaitre les conditions matérielles et financières de travail ; ils
veulent aussi avoir des informations sur les possibilités de carrière. Il est donc nécessaire que les
entreprises mettent à disposition ces informations avant les opérations de recrutement. Enfin,
nous pensons qu’il est meilleur d’attirer les candidats et les emmener à prendre ce poste, en
présentant les revenus des meilleurs vendeurs plutôt que de faire des promesses. Les revenus
permettent une prise de conscience quant aux efforts à fournir pour les obtenir, alors que les
promesses sont plus déstabilisantes lorsqu’elles ne sont pas tenues.
Par ailleurs, les résultats de notre recherche ont montré que la pénurie de vendeurs qualifiés
orientait les entreprises, soit vers des personnes très diplômés qu’il était impossible de retenir,
soit vers des personnes qui ne présentaient pas de réelles aptitudes pour la vente. Il est donc
important que les responsables commerciaux recrutent « la personne qu’il faut à la place qu’il
faut ». Les différents types d’adéquation entre l’individu et son environnement de travail
(Krysto-Brown, Zimmerman et Johnson, 2005) permettent de trouver la personne qu’il faut pour
ces emplois de vendeur indépendant. Dans le cas précis des vendeurs indépendant, il est
souhaitable de mettre un accent particulier sur l’adéquation individu/organisation, car la majorité
des départs concernent performance des vendeurs.
2.2.2. Articuler les tactiques de socialisation
Les tactiques de socialisation permettent de connaitre la façon dont est structurée la prise de
rôle des nouveaux vendeurs. La littérature distingue les tactiques organisationnelles portées par
l’entreprise, des tactiques individuelles qui émanent des nouvelles recrues. Certains travaux ont
montré que ces tactiques pouvaient se compléter ou se suppléer et améliorer la socialisation des
individus à l’organisation. Les résultats de notre recherche ont montré que les entreprises étaient
focalisées sur le rôle de commercial, au détriment des autres rôles potentiels du vendeur
indépendant. De plus, on remarque que les nouveaux vendeurs prennent des initiatives dans la
recherche d’informations, mais que ces actions restent très marginales et isolées.
En effet, à leur arrivée dans l’entreprise, les vendeurs indépendants présentent des besoins
importants compte tenu des différents rôles qu’ils doivent tenir. Il est important que l’entreprise
tiennent compte, non seulement des aspects commerciaux mais aussi de leurs comportements
d’indépendants. Il s’agit de trouver un « bon équilibre » entre les tactiques institutionnalisées et
les tactiques individualisées (Lacaze, 2010). Les premiers permettent d’accompagner le nouveau
362
vendeur dans l’acquisition des connaissances et comportements utiles pour la vente, alors que les
secondes permettent de promouvoir l’autonomie, l’innovation et la créativité nécessaire au
vendeur indépendant.
Pour cela, il serait aussi nécessaire d’articuler les tactiques organisationnelles et les tactiques
individuelles, pour rechercher une meilleure efficacité du processus de socialisation. Nos
résultats montrent que, les nouveaux vendeurs prennent très peu d’initiatives concernant leur
intégration dans l’équipe ; et que les entreprises s’engagent de façon isolée dans des actions de
socialisation. Il est donc souhaitable de rapprocher les deux dimensions74 de la socialisation mis
en œuvre dans les entreprises, et les tactiques proactives développées par les nouveaux vendeurs.
Par ce moyen, il est possible d’identifier et de promouvoir les comportements proactifs des
vendeurs en fonction des tactiques organisationnelles. Le modèle des interactions entre les
tactiques des nouvelles recrues et les tactiques organisationnelles développé par Griffin et al
(2000) permet de répondre à cet objectif de rapprochement.
2.3. Adapter le management aux vendeurs indépendants
Le management des vendeurs indépendants souffre des emprunts fréquents, et quelque fois
maladroits à la gestion des vendeurs salariés. Les résultats de cette recherche nous permettent de
faire des propositions pour améliorer le management.
2.3.1. Négocier de nouvelles règles de gestion
Nos résultats ont montré que l’essentiel des décisions prises dans les forces de vente
proviennent de la hiérarchie de l’entreprise, plaçant ainsi les nouveaux vendeurs dans
l’obligation d’adhérer ou de partir. Nous prenons en exemple deux situations de gestion souvent
observées dans le management des vendeurs indépendants. La première concerne certaines
décisions, pourtant utiles au bon fonctionnement de l’organisation, mais qui peuvent s’avérer
contraignantes pour les vendeurs indépendants lorsqu’elles sont initiées unilatéralement par
l’entreprise. Ainsi, les décisions concernant l’organisation des réunions de travail quotidiennes,
ou la fixation des objectifs des vendeurs peuvent apparaitre inappropriées, car elles établissent un
lien de subordination. La seconde concerne le besoin légitime qu’éprouve l’entreprise à s’assurer
que ses vendeurs ne travaillent pas également pour la concurrence. C’est la raison d’être de la
clause de d’exclusivité annexé au contrat, qui interdit au vendeur indépendant de travailler pour
des entreprises concurrentes. Mais, pour des raisons d’image, il arrive que certains responsables
commerciaux étendent l’application de cette règle aux entreprises qui ne sont pas directement
74 Socialisation institutionnalisée ou individualisée
363
concurrentes. Dans les deux cas l’entreprise a pris des décisions qui sont contraires aux règles
gestion, mais qui peuvent être utiles au bon fonctionnement de la force de vente. Mais ces
décisions peuvent être légitimées si l’entreprise associe les vendeurs à la prise de décision. Il
appartient donc au management de rechercher un compromis avec les vendeurs, afin que ces
actes de gestion n’apparaissent pas comme une exigence de l’entreprise.
Par ailleurs, dans l’optique d’une négociation, et dans la perspective d’une légitimation des
règles établies, il est souhaitable que l’entreprise prévoie des compensations. Ces contreparties
peuvent prendre plusieurs formes. Ainsi, on s’aperçoit que dans les entreprises qui mettent à la
disposition des vendeurs un espace de travail ou qui fournissent à leurs vendeurs des outils de
communication, les vendeurs sont disposés à participer aux réunions quotidiennes et à travailler
exclusivement pour une entreprise. Ce type de comportement est qualifiée par certains auteurs de
tolérance à l’ambiguïté de rôle (Reichers, 1987 ; Budner, 1962). Cette capacité des acteurs à
ignorer leur différence individuelle, facilite les interactions et améliore le processus de
socialisation.
2.3.2. Organiser le dispositif de formation des nouveaux vendeurs
La formation est le principal outil d’apprentissage mobilisé dans le processus de socialisation.
Dans la force de vente, elle est inégalement repartie entre une formation théorique (formation en
salle) et l’accompagnement sur le terrain.
§ La formation théorique
Nos résultats ont montré que, pour des raisons financières, les entreprises étaient moins
disposées ce type formation. Or, un examen des profils retenus montre que les trois quarts des
nouveaux vendeurs sont à leur première expérience dans la vente. Ce qui nécessite de former les
vendeurs sur les fondamentaux de la vente, avant de les lancer sur le terrain. Il apparait donc
important que les entreprises consacrent systématiquement les premiers instants de leur séjour à
la présentation de l’entreprise et à la formation théorique. Ces séances de formation permettent
aussi de compléter les connaissances des nouveaux dans des domaines spécifiques, tels que le
montage d’un plan de financement ou la gestion des stocks.
Par ailleurs, la formation théorique est considérée comme un élément essentiel de l’échange
réciproque entre l’entreprise et le vendeur indépendant, dans le cadre d’une relation d’emploi
qui a nécessairement évoluée (Coyle-Shapiro et Parzefall, 2005). En échange de leur implication,
les vendeurs sollicitent davantage de formation pour améliorer leur compétence, et être en
364
capacité de performer et d’assurer la pérennité de leurs activités dans l’entreprise ou en dehors
(task specific self-esteem)75. Pour cela, et il est souhaitable que la formation apparaisse
davantage comme une préoccupation commune. Comme le suggère Cron al. (2005), l’entreprise
et les vendeurs doivent évoluer vers un partage de responsabilités dans la formation pour que
chacun atteigne ses objectifs dans le bien du client.
§ Le tutorat des nouveaux vendeurs
Le tutorat constitue la principale forme d’accompagnement utilisée dans les forces de vente.
Dans la pratique le tutorat prend la forme d’une activité informelle. D’une part, les vendeurs
désignés pour assumer cette responsabilité sont des indépendant, et n’appartiennent pas
juridiquement à l’entreprise. D’autre part, le tutorat peut se mettre en place de façon tacite entre
un vendeur séniors et un nouveau vendeur. Dans les deux cas, le tuteur échappe partiellement au
contrôle du responsable commercial, et son action (ou inaction) peut nuire à l’efficacité du
processus d’apprentissage. Comme le souligne les résultats de notre recherche, le tutorat des
vendeurs indépendant pose le problème de la disponibilité et l’expérience du tuteur.
La disponibilité est un facteur important, dans la mesure où le tuteur n’est pas rétribué pour le
temps qu’il consacre à la formation des nouveaux vendeurs. Il est donc souhaitable que
l’entreprise rémunère cette activité afin de stimuler le tuteur, mais aussi permettre un meilleur
suivi de son déroulement. A ce propos, Hulin (2007) souligne que la motivation est primordiale
pour assurer les fonctions de tuteur. Pour sa part, Moulinier (2005) considère le tutorat comme
une activité périphérique à l’activité principale du vendeur sénior. Il propose qu’un « budget
fixe, en plus de la commission », soit négocié chaque année pour rémunérer le tuteur.
Par ailleurs, les résultats de notre recherche ont montré que les vendeurs qui n’étaient très
expérimentés percevaient les nouveaux vendeurs comme des concurrents potentiels, et qu’ils
pouvaient être réticents à les accompagner convenablement sur le terrain. Il est donc souhaitable
que les entreprises définissent rigoureusement les critères de sélection des tuteurs. Pour cela, il
nécessaire que le tuteur apparaisse comme un modèle pour les nouveaux vendeurs. Autrement
dit, qu’il reflète un niveau de connaissances et de performance suffisamment élevé pour susciter
l’adhésion des personnes dont il a la charge. De ce point de vue, l’expérience et la performance
du vendeur constituent des facteurs déterminants dans la réussite du tutorat. Hulin (2007) indique
que « devenir tuteur nécessite de satisfaire à plusieurs conditions, comme par exemple, définir un
savoir-faire spécifique ou posséder des qualités de pédagogue ». En d’autres termes, la fonction
75 Estime de soi spécifique à la tache
365
de tuteur ne s’improvise pas. Selon cet auteur, il faut réaliser « une sélection rationnelle et
former les prétendants ».
2.3.3. Motiver les vendeurs
La motivation du vendeur est un facteur essentiel pour attirer et retenir les nouveaux vendeurs
au sein de l’équipe, mais les entreprises ne se donnent pas toujours les moyens pour réaliser cette
action. Les managers commerciaux ont conscience de la difficulté qui entoure le travail des
vendeurs indépendants, dans la mesure où ceux-ci ne disposent pas d’un revenu fixe à leur début.
Il apparait donc que les nouveaux vendeurs ont besoin de motivation pour accomplir leur travail.
Cette motivation peut être envisagée différemment, et justifiée deux approches possibles de
gestion. D’une part, l’entreprise ne propose pas du tout d’aides, mais recherche avant tout des
vendeurs motivés. Le vendeur demeure dans l’équipe parce qu’il a des objectifs personnels à
atteindre, et il trouve donc dans son travail une motivation pour satisfaire ses besoins. Il
appartient donc aux managers de déceler les ressorts de cette motivation. Cependant, l’absence
d’un dispositif d’incitation prolonge inutilement le processus d’apprentissage, car les vendeurs
sont obligés de rechercher d’autres sources de revenu pour financer leurs activités de
prospection. Cette approche de la motivation est caractéristique d’une forme d’intégration
qualifiée de « sélection naturelle » (Lacaze, 2010). D’autre part, l’entreprise s’engage à proposer
des aides proportionnées en fonction de ses besoins. Les managers mettent en place des solutions
financières destinées à motiver les nouveaux vendeurs dans leur travail. Cette aide peut prendre
plusieurs formes, la forme la plus courante consiste à allouer des primes de transport, ou des
forfaits de téléphone aux vendeurs qui atteignent les objectifs fixés par l’entreprise. Cette
approche à l’avantage de prendre en compte, à la fois les besoins des vendeurs et les perspectives
de résultat de l’entreprise. Cependant, elle ne tient pas compte des capacités du vendeur à
atteindre les objectifs, étant donné leur faible niveau de connaissance. Plus rare, une autre forme
de motivation consiste, pour les entreprises, à octroyer un forfait mensuel sur une période de
trois mois. Cette approche de la motivation est, de notre point de vue, la plus adaptée à la
situation dans laquelle se trouvent les nouveaux vendeurs. En effet, cette aide doit permettre aux
vendeurs de lancer leur activité et de se constituer un portefeuille clients, nécessaire pour
s’assurer un revenu.
Pour conclure cette section consacrée à la gestion de la socialisation des vendeurs
indépendants, nous constatons globalement que le management souffre d’un déficit de
financement. Souvent, dans l’obligation de respecter leur stratégie d’externalisation, les
entreprises acceptent difficilement de financer les activités liées à la gestion des vendeurs
366
indépendants. Cette réticence repose sur une interprétation limitée de la rentabilité de leurs
vendeurs. Les managers tablent davantage sur une rentabilité à court terme, alors qu’il serait
souhaitable de prendre en compte les effets à long terme d’un tel investissement. En effet, il ne
suffit plus d’évaluer le vendeur sur ses seules résultats, il faut également intégrer dans
l’évaluation de la performance des critères intangibles tels que la compétence des vendeurs
(Cappelletti, 2005). Selon l’auteur, il est essentiel que les managers commerciaux s’approprient
les méthodes de gestion déjà présentes dans l’entreprise et utilisées dans d’autres services, en les
adaptant à leurs propres besoins de gestion. Ainsi, on peut penser qu’en investissant sur la
socialisation des nouveaux vendeurs, l’entreprise réduirait sensiblement les coûts suscités par le
turnover.
367
Conclusion du chapitre 6.
Ce chapitre avait pour objectif d’expliciter les résultats de notre recherche en les confrontant
aux travaux antérieurs et à la littérature en général, afin d’en avoir une meilleure interprétation.
Pour cela, nous avons organisé cette discussion autour de deux points essentiels. Le premier est
consacré à la discussion des résultats de notre recherche, alors que le second discute des
perspectives de gestion de la socialisation des vendeurs indépendants.
La discussion des résultats permet de répondre à notre question de recherche et aux questions
subsidiaires. Nous avons d’abord mis en évidence le niveau élevé de complexité des schèmes
cognitifs des trois catégories d’acteurs. Certains chercheurs ont montré qu’un tel niveau de
complexité était plutôt une bonne chose, dans la mesure où il traduit la capacité d’un individu ou
d’un groupe à faire face à des situations nouvelles et différentes (Cossette, 2004). D’autres au
contraire, estiment que cette complexité est source de conflits potentiels entre les actions et les
objectifs poursuivis par un individu (Eden et al, 1992). Par ailleurs, nous avons évoqué la
cohérence des trois cartes collectives, pour confirmer qu’elles parlent bien de la même chose, à
savoir la socialisation des nouveaux vendeurs. Nous soulignons toutefois que, malgré cette
cohérence, l’interprétation de la réalité peut être différente d’une carte à une autre dès lors que le
processus d’attribution de sens réalisé par les trois catégories d’acteurs repose sur des
expériences différentes.
Ensuite, nous avons mis en évidence le contenu des cartes cognitives collectives afin de situer
les préoccupations, et les points d’accord et de désaccords entre les acteurs. Ainsi, sur les cinq
préoccupations communes identifiées, on dénote des désaccords majeurs entre les responsables
commerciaux et les vendeurs en général (nouveaux et séniors). Alors que les vendeurs séniors,
forts de leur expérience, ont des points d’accord communs avec les nouveaux vendeurs. Dans
les trois préoccupations particulières retenues, on notera aussi des accords et désaccords au sein
catégories d’acteurs concernés. Ainsi, les responsables commerciaux sont partagés entre le statut
quo et le renouvellement des règles de gestion, les nouveaux vendeurs sont pour une majorité
dans une logique de carrière, et les vendeurs séniors sont partagés entre accompagner
bénévolement les nouveaux vendeurs et attendre une compensation. Ces points d’accord ou de
désaccords influencent directement ou indirectement le turnover des vendeurs.
Nous évaluons par la suite, notre proposition théorique générale, à la lumière des résultats
obtenus. En effet, d’un point de vue théorique nous pouvons affirmer que la persistance de
certaines pratiques de gestion, la prise en compte d’une seule dimension du statut d’agent
368
commercial, et la non prise en compte des aspects relationnels témoignent du caractère
incomplet ou inadéquat de la socialisation du vendeur indépendant.
La discussion sur la gestion de la socialisation des vendeurs indépendants met en évidence
l’intérêt pratique de la socialisation organisationnelle au sein des forces de vente. Elle souligne le
rôle régulateur de la socialisation, en tant que modèle d’influence, mais aussi comme pratiques
de gestion des ressources humaines au service du contrôle social. En effet, nous suggérons que
la maitrise, par les entreprises, des comportements ultérieurs de leurs nouveaux vendeurs, et
particulièrement du turnover passent par la socialisation effective de ces derniers. Nous
soulignons que la socialisation des nouveaux vendeurs ne peut être complète que si l’entreprise
formalise ces pratiques de gestion, étant donné que celles-ci sont encore dans une large mesure
informelles.
La formalisation du processus de socialisation à des implications sur le management que les
responsables commerciaux peuvent mettre en place. Nous avons suggéré trois pistes de réflexion
qui peuvent s’avérer utile pour le management des vendeurs indépendants : Développer un
leadership commercial adapté au management des vendeurs indépendants ; Mettre en place des
outils pour attirer et retenir les nouveaux vendeurs ; Adapter le management aux vendeurs
indépendants
369
CONCLUSION GENERALE
Notre thèse vise à apporter un éclairage sur le management des vendeurs indépendants, et
particulièrement à expliquer le turnover élevé de ces vendeurs en phase d’intégration, en
s’appuyant sur le concept de socialisation organisationnelle. Elle considère que la socialisation
des vendeurs indépendants est une action nécessaire si l’entreprise veut avoir le contrôle sur les
comportement et attitudes de ses vendeurs, et surmonter les difficultés juridiques auxquelles elle
est souvent confrontée dans le management de cette catégorie de vendeurs.
A travers une revue de la littérature, nous avons montré l’intérêt de recourir à la socialisation
organisationnelle pour avoir une meilleure compréhension des comportements des vendeurs au
cours de leur intégration dans l’organisation. La focalisation de notre recherche sur un
comportement particulièrement proéminent des forces de vente, le turnover très élevé des
vendeurs, nous conduit à nous intéresser à l’éclairage que la socialisation organisationnelle peut
apporter à ce dysfonctionnement du comportement des vendeurs indépendants au cours de la
période d’intégration. Nous voulons savoir si la socialisation organisationnelle peut fournir des
outils pour mieux traiter le turnover. En conséquence, la question de recherche qui a guidé cette
thèse est : la socialisation organisationnelle peut-elle fournir une clé de lecture du management
des vendeurs indépendants?
Pour répondre à cette question, nous avons construit un cadre conceptuel qui articule autour
du cadre d’analyse interactionniste de la socialisation, les théories de la régulation sociale et du
contrat psychologique. Ce cadre conceptuel permet d’appréhender la socialisation comme un
processus d’ajustement influence et de changement mutuel qui permet de réguler les
comportements des acteurs organisationnels et individuels. Ainsi, le management et les relations
de travail entre l’entreprise et ses vendeurs sont le fruit d’une construction de la réalité sociale
au moyen des interactions entre les acteurs. Sur la base de ce cadre théorique et des informations
recueillies sur le terrain, nous soutenons que le caractère incomplet ou inadéquat de la
socialisation est à l’origine des départs fréquents des nouveaux vendeurs au cours de cette
période cruciale.
La recherche empirique que nous avons réalisée avait pour objectif de mettre en évidence les
représentations des principaux acteurs de la socialisation du vendeur indépendant. Une étude
préliminaire a été menée afin de cerner, sur le terrain, le phénomène de la socialisation
organisationnelle dans les forces de vente, et de mettre en évidence les situations de gestion à
travers lesquelles le nouveau vendeur est confronté à son environnement de travail. Une étude
370
qualitative basée sur la méthode des cartes cognitives nous a permis, à travers les représentations
des nouveaux vendeurs et des agents socialisateurs (superviseur et vendeurs séniors), d’identifier
les pratiques de management mises en œuvre par ces acteurs, et d’évaluer le processus de
socialisation des nouveaux vendeurs (apprentissage et intériorisation) des éléments des trois
domaines du travail, du groupe de travail et de l’organisation.
Les résultats de cette recherche sont issus de deux types d’analyse. L’analyse de la structure et
du contenu des cartes collectives. La première analyse mentionne la cohérence des schèmes
cognitifs des acteurs étudiés, tout en révélant leur complexité. Autrement dit, les trois catégories
de personnes que nous avons interrogées ont des connaissances très proches sur la socialisation
des nouveaux vendeurs. Mais la pensée relativement complexe de ces acteurs, dénote des
ambiguïtés auxquelles ils sont confrontés quant à leur perception du processus de socialisation
du vendeur indépendant. La deuxième analyse permet, à travers une étude comparative des
clusters et des concepts dominant, de mettre en évidence les principales préoccupations des
acteurs sur la socialisation des nouveaux vendeurs. Certaines préoccupations sont communes, et
portent sur les pratiques de socialisation. Elles sont marquées par la prééminence des pratiques
organisationnelles sur les pratiques individuelles, et une socialisation dont le contenu est
essentiellement axé sur les aspects commerciaux. D’autres préoccupations sont particulières à
chacun des acteurs, et constituent les éléments de différenciation entre les acteurs. Elles mettent
en relief les principes d’actions (ou inactions) qui accompagnent le processus de socialisation.
Enfin, nous avons discuté des résultats de notre recherche et de la nécessité de gérer la
socialisation des vendeurs indépendants. Dans la discussion sur les résultats, nous avons
répondus à nos quatre questions de recherche. A savoir que les entreprises intègrent leurs
vendeurs indépendants de façon aléatoire, au gré des interactions et des échanges qui se
produisent entre les nouveaux vendeurs et l’entreprise à travers ses membres. Les nouveaux
vendeurs s’intègrent en « apprenant sur le tas », et en pratiquant une forme d’auto-management
suscité par des formes d’exclusion dont ils font l’objet. Enfin, comme nous l’avons indiqué dans
le paragraphe précédent, les connaissances acquises portent surtout sur la vente. La socialisation
du vendeur indépendant est plutôt un processus continu, mais non linéaire. Le vendeur pouvant
être socialisé ou désocialisé en fonction de l’adéquation des pratiques de l’entreprise avec son
système de valeurs. Dans cette perspective, les résultats du processus de socialisation sont
imprévisibles. Néanmoins, nous dressons un état des déterminants qui expliquent la décision de
partir ou de rester.
371
Concernant la gestion de la socialisation des vendeurs indépendants, nous avons souligné
l’intérêt de formaliser le processus de socialisation, et de mettre en œuvre des actions qui
permettent à l’entreprise d’avoir un contrôle sur les comportements futurs de ses vendeurs.
Au terme de cette recherche, nous observons un certain recul pour souligner les apports de la
recherche (1), mais aussi les limites (2) et les voies de recherches futures (3).
1. Les principales contributions de la recherche
1.1. Les apports théoriques
Cette recherche nous a permis de proposer une autre lecture du management des forces de
vente, à partir du concept de socialisation organisationnelle. Nous appréhendons ce concept
comme une grille de lecture qui permet de décrypter l’entrée dans l’organisation des nouveaux
vendeurs, et de mettre en évidence les comportements organisationnels qui découlent des
pratiques mobilisées par les acteurs. En effet, à partir d’une revue de la littérature, nous avons
identifié un cadre théorique commun, sous jacent à la socialisation organisationnelle et au
management des forces de vente, le contrôle organisationnel. Nous avons donc retenu
d’appréhender la socialisation organisationnelle comme un dispositif du contrôle social fondée
sur les relations sociales et les pratiques de management des ressources humaines.
Pour avoir une meilleure compréhension de ce dispositif, nous avons proposé un cadre
conceptuel qui associe, l’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle avec les
théories de la régulation sociale et du contrat psychologique. Cette conception nous conduit à
considérer la socialisation organisationnelle comme un mécanisme de régulation, qui permettrait
de renouveler les pratiques de management des vendeurs indépendants, et donne aux acteurs
l’occasion d’établir une nouvelle relation managériale. En effet, comme le constatait déjà
Darmon (1993), « le management des forces de vente repose essentiellement sur les jugements,
les expériences passées et les traditions ; les directeurs commerciaux ne disposent que de peu de
théories, d’outils, de méthodes et de techniques pour les aider dans leurs taches ». Ainsi, nous
considérons le management des forces de vente dans une perspective de ressources humaines, et
plaçons les interactions au centre des décisions et des actions que les acteurs posent pour assurer
leur fonctionnement.
L’utilisation de cette grille de lecture nous a permis d’aborder la socialisation des vendeurs
indépendants en se référant à des réalités de gestion qui sont communes à tous les acteurs, de
façon à mettre en évidence les différences et les similitudes dans la perception du processus de
socialisation. Comme le soulignent Langevin et Naro (2003), le contrôle social réside dans les
372
valeurs partagées et l’influence mutuelle des membres d’un groupe. La culture commerciale est
le terreau des valeurs sur lesquelles les vendeurs sont socialisés, auxquelles il faut ajouter les
normes juridiques qui définissent la relation de travail entre l’entreprise et ses vendeurs. Il s’agit
de vérifier que les acteurs partagent les mêmes valeurs, à la fois sur le plan commercial et sur
entrepreneurial. Ainsi, nous avons pu montrer, à travers une étude comparative, que les acteurs
ne partageaient pas forcément les mêmes valeurs, et que cette incompatibilité pouvait être à
l’origine des départs des nouveaux vendeurs en phase d’intégration.
1.2. Les apports méthodologiques
Le principal apport méthodologique de notre recherche réside dans l’utilisation même des
cartes cognitives dans la socialisation des vendeurs indépendants. Nous avons souhaité, à travers
la recherche d’une cohérence entre nos cadres théorique et méthodologique, apporter des
réponses précises à nos questions de recherche. En effet, comme nous l’avons souligné dans nos
propos, une carte cognitive est une « structure épistémologique guidant un individu ou un groupe
dans son appréhension des évènements actuels, passé futurs » (Cossette, 2004). Le modèle
dynamique proposé par Weick (1979) rend compte de la formation de cette carte cognitive.
Cossette (1994, 2004) distingue quatre processus dans ce modèle ; l’individu s’engage dans le
réel à partir de sa conception des actions qu’il met en œuvre (énactement) ; celles-ci transforme
la réalité et crée des ambiguïtés dans la mesure où elle peut être comprise différemment
(transformation) ; il est obligé de rendre cette réalité intelligible en s’appuyant sur ses
expériences passées et les interactions qu’il établi dans son environnement (attribution de sens) ;
la réalité devenue significative est emmagasinée dans l’esprit de l’individu sous la forme d’un
schème ou d’une carte cognitive. Selon l’auteur, cette carte va guider les actions de l’individu
dans son engagement dans le réel, et soutenir les interprétations concernant l’attribution de sens
des actions proposées.
En s’appuyant sur le modèle de Weick, Louis (1980) à proposé un modèle qui « rend compte
de la dynamique d’énaction et de construction de sens caractérisant l’entrée dans l’organisation »
des individus. Elle souligne qu’à leur arrivée dans l’entreprise, les nouvelles recrues sont
confrontées à une réalité qui est souvent à l’opposé des attentes qu’elles auraient formulées
initialement. Aussi, pour ajuster les comportements des nouvelles recrues, l’auteur propose un
modèle en trois étapes. Le changement, comme une différence objective entre les principales
caractéristiques du nouvel environnement et celle de ancien ; le contraste représente une
différence subjective entre le nouvel et l’ancien environnement ; et la surprise représente la
différence entre les anticipations individuelles et la découverte du nouveau contexte
organisationnel. Dans ce modèle, les interactions avec les pairs et le supérieur hiérarchique sont
373
considérés, par de nombreux chercheurs, comme les éléments les plus utiles au processus de
socialisation (Fabre et Roussel, 2013 ; Louis et al, 1983). Cependant, si Louis (1980) s’attache à
nous expliquer comment les nouvelles recrues construisent leur carte cognitive, elle ne traite pas
des cartes cognitives des personnes déjà en place, dont l’action peut être entourée de nombreuses
incertitudes.
Notre apport a consisté à adjoindre à la carte cognitive des nouveaux vendeurs, celle du
responsable commercial (superviseur) et des vendeurs séniors (pairs) dans l’étude de
l’intégration des vendeurs indépendants. Les recherches traitant des processus cognitifs liés à
l’entrée dans une organisation ont jusque là privilégié l’étude des nouvelles recrues, laissant de
côté le rôle décisif de l’entreprise et ses membres. Nous avons donc souhaité, dans le cadre de
cette recherche, comblé ce gap en tenant compte des préoccupations des acteurs les plus
importants dans le processus de socialisation. En effet, tout comme les nouveaux vendeurs,
l’entreprise est confrontée, à travers ses membres, à des incertitudes. Les responsables
commerciaux et les vendeurs séniors posent des actions qui les engagent et qui transforment
nécessairement la réalité. Ils sont donc contraints à une activité de construction de sens afin de
rendre intelligible cette réalité devenue « équivoque ». Ce processus abouti au renouvellement
des cartes cognitives de ces deux catégories d’acteurs, mais il n’est pas toujours sur que cette
réalité « significative » soient partagées.
Cette approche a l’avantage de nous donner une vue plus large des processus cognitifs à
l’œuvre durant l’intégration des vendeurs indépendant. Elle permet également de déceler les
responsabilités collectives et individuelles des trois catégories d’acteurs dans la formation des
comportements déviants des nouveaux vendeurs. Par ailleurs, comme nous l’avons souligné,
l’utilisation de trois sources d’information différentes renforce, par l’effet de triangulation, la
validité des connaissances produites.
Enfin, nous abordons les apports contextuels de notre recherche. En effet, en adoptant la
méthode des cartes cognitives, nous avons fait le choix d’adapter notre recherche au contexte
culturel, juridique et socioéconomique du pays. Ainsi, sur le plan juridique, très peu de
responsables commerciaux sont disposés à utiliser en l’état les règles de droit qui régissent
l’activité des agents commerciaux, au motif que ces règles sont très contraignantes pour des
vendeurs qui sont à leur premier emploi, et qui ne peuvent donc pas s’assumer autant
professionnellement que financièrement. Par conséquent, ils adoptent un comportement plus
« paternaliste » qui consiste à accompagner le vendeur jusqu'à son adaptation effective.
374
Cette approche découle aussi d’un sentiment national encore très attaché à la culture du
salariat et du contrat à durée indéterminée. En effet, les vendeurs qui sollicitent un emploi
d’indépendant dans la vente, espèrent à termes obtenir un emploi salarié. Ainsi, certaines
entreprises mettent en place des dispositifs de recrutement qui reposent sur la promesse d’un
emploi salarié pour attirer les individus à postuler pour des emplois qui « souffrent » d’une
image de précarité. Mais, il y a implicitement dans cette approche de gestion une confrontation
idéologique avec la culture des propriétaires, plus portée sur la performance des vendeurs et le
profit de l’entreprise lorsque celle-ci a une origine étrangère.
1.3. Les apports managériaux
L’outil conceptuel que nous avons élaboré permet de considérer la socialisation
organisationnelle comme un modèle d’influence qui viendrait compenser l’absence d’un lien de
subordination, et rétablir le contrôle sur les comportements des vendeurs. En effet, comme nous
l’avons souligné dans nos propos, l’un des inconvénients de l’externalisation des forces de vente
est la perte de contrôle que les managers commerciaux avaient sur leurs vendeurs. Une
socialisation effective des vendeurs indépendants serait donc un moyen qui permettrait à
l’entreprise de rétablir ce contrôle. Comme l’indique Langevin et Naro (2003), « le contrôle
social repose sur l’idée selon laquelle que dès lors que les membres de l’organisation
intériorisent ses normes et valeurs fondamentales, leur comportements est sous contrôle ». Ainsi,
nous avons pu montrer, à travers les implications pratiques que nous avons développées, l’intérêt
pour les entreprises de formaliser la socialisation de leurs vendeurs indépendants. Car, une
socialisation bien maitrisée donne aux managers la possibilité de contrôler les comportements
éventuellement dysfonctionnels de leurs vendeurs. Nous proposons des situations dans lesquelles
ce contrôle peut s’exercer.
- L’une des difficultés qui se pose à la gestion des vendeurs externalisés est l’impossibilité
d’utiliser les dispositifs d’animation habituels, tels que les réunions de travail (Briefing et
débriefing), ou les documents de suivi d’activités, tels que les fiches d’activités ou les comptes
rendus de visites, sans que ces faits ne constituent une entrave à la liberté d’organisation. La
socialisation organisationnelle peut, à travers les programmes de formation générer des outils
d’animation adaptés aux forces de vente externalisées. En effet, les actions de formation
constituent des occasions d’interactions au cours desquelles les entreprises peuvent développer
des relations avec leurs vendeurs, passer des directives ou procéder à des réglages. Certains
dispositifs d’accompagnement, tels que le « mentoring » ou le tutorat sont caractérisés par des
interactions fréquentes qui permettent au mentor de suivre l’évolution de son « protégé »,
d’évaluer les progrès réalisés par ce dernier et d’initier le cas échéant des actions correctives.
375
- Certain comportements proactifs, tels que l’auto-management et l’expérimentation peuvent
constituer des outils de contrôle importants pour la gestion des vendeurs indépendants. Le
contrôle est perceptible dans les capacités que la socialisation confère à un individu à exercer sur
soi-même une influence pour se motiver à adopter les comportements requis (Manz et Snyder,
1983). Selon Vancouver et Morrison (1995), ces comportements d’auto-management incitent les
employés à adopter un rôle actif dans le contrôle de leur performance, c'est-à-dire qu’ils se fixent
librement des objectifs vers lesquels ils orientent leur comportement. Il se récompense une fois
les objectifs atteints, en se congratulant tout seul. Par ailleurs, l’expérimentation, c'est-à-dire le
fait d’apprendre « sur le tas » au contact de personnes expérimentées, permet l’acquisition de
savoir-faire qui facilitent l’auto-management. Cet outil peut se substituer au lien hiérarchique
dans la gestion des vendeurs externalisés, et favoriser l’orientation des comportements des
vendeurs.
- Au niveau stratégique, la socialisation organisationnelle peut engendrer des outils de
« différenciation » pour le management des forces de vente externalisées. En effet, selon
l’approche stratégique, la gestion des ressources humaines n’est plus seulement considérée
comme une activité qui consiste à gérer l’individu, depuis le recrutement jusqu'à son départ à la
retraite. Elle considère désormais l’individu comme une variable stratégique qui peut procurer à
l’entreprise un avantage compétitif. Dans ce contexte, la socialisation peut à travers le principe
d’identification à l’entreprise développer des outils qui permettront à l’entreprise d’attirer et de
retenir les meilleurs vendeurs. Cette approche est particulièrement intéressante pour le
management des forces de vente externalisées, dans la mesure où ces vendeurs évoluent dans une
relation d’emploi plutôt flexible, discontinue et quelque fois précaire.
- Au niveau symbolique, le dispositif de destruction et de construction de sens développé par
les organisations pour créer une identification forte de leurs membres en termes d’image, peut
constituer un outil symbolique par lequel l’entreprise va gérer son image à travers ses vendeurs
externalisés. En effet, les vendeurs externes, bien qu’indépendant sont les représentants d’une
entreprise et par conséquent ses « ambassadeurs » auprès de sa clientèle et de ses partenaires
économiques. Cependant, à cause de leur position en dehors des frontières de compétences de
l’entreprise, ils sont le plus souvent étrangers aux valeurs de l’entreprise qu’ils représentent.
L’entreprise en s’appuyant sur la socialisation va transmettre ses valeurs qui seront par la suite
mises en évidence dans le cadre de son activité.
376
2. Les limites de la recherche
Nous avons réalisé ce travail en effectuant des choix, aussi bien théoriques que
méthodologiques, qui ont été justifiés, cependant des limites sont perceptibles dans la mesure où
nous n’avions pas la prétention d’être exhaustif. Ces limites sont de deux ordres : théorique et
méthodologique.
2.1. Les limites théoriques
L’utilisation d’un concept et sa capacité à rendre compréhensible de la réalité d’une situation
de gestion est parfois difficile. Bien que nous traitions principalement de la socialisation
organisationnelle et de sa dimension contrôle, certains concepts auraient pu être approfondis
pour apporter une meilleure compréhension de la socialisation des vendeurs indépendants. L’une
des premières limites a été de n’avoir pas suffisamment mis en évidence le concept de rôle
pourtant prépondérant dans les recherches sur la socialisation organisationnelle. En effet, comme
l’indique l’ensemble des définitions sur la socialisation organisationnelle (Van Maanen et
Schein, 1979 ; Perrot, 2008), l’acquisition du rôle par le nouvel entrant est au centre du processus
de socialisation. La théorie des rôles développée par Katz et Khan (1964) donne des
explications, notamment sur les difficultés des individus, à travers les conflits et ambiguïtés de
rôle, à s’approprier des rôles dans une organisation, et les conséquences sur les comportements et
attitudes. Perrot et al (2005) propose sur la base d’une recherche portant sur l’entrée des jeunes
diplômés dans l’organisation, une grille de lecture transversale de la socialisation
organisationnelle à travers la théorie des rôles. Selon ces auteurs, les conflits de rôle apparaissent
comme des déterminants clés de la réussite ou de l’échec de l’entrée dans l’entreprise. Dans
notre recherche, nous avons montré que l’une des difficultés des nouveaux vendeurs à s’adapter
à leur emploi, était justement la mauvaise compréhension que les acteurs avaient du rôle d’un
agent commercial.
2.2. Les limites méthodologiques
Dans l’établissement des cartes cognitives par des méthodes à postériori, la proposition d’un
second entretien auprès des personnes interviewées est devenue la règle pour la validation des
données discursives recueillies (Pijoan, 2008). Or, pour des raisons qui tiennent aux difficultés
rencontrées sur le terrain, nous avons adopté une démarche assez particulière dans la mesure où
nous n’avons pas interrogés les mêmes individus dans les deux entretiens que nous avons
organisés. Ainsi, l’exploration en profondeur des concepts présélectionnés s’est faite sur des
personnes différentes, avec des risques de dissonance. Cependant, pour Chabin (2001), si ce
deuxième entretien permet de réaffirmer l’importance des concepts choisis et d’assurer un seuil
377
de validité recherché, il ne présente qu’un intérêt limité parce qu’il peut se créer chez le
répondant un sentiment de redondance qui va le conduire à modifier sensiblement son discours.
Par ailleurs, dans l’élaboration des cartes collectives, nous avons choisi d’établir directement
nos cartes assemblées à partir des entretiens, sans passer par l’établissement des cartes
individuelles. Cette option fait partie des possibilités qui s’offrent au chercheur, mais elle
comporte des risques notamment la perte éventuelle des spécificités individuelles (Cossette,
2004). En effet, comme l’explique cet auteur : « la démarche consistant à partir des
préoccupations individuelles pour mettre en relief une structure épistémologique collective n’est
pas sans soulever des questions, même si généralement c’est en s’appuyant sur des données
provenant des schèmes individuels qu’on construit des schèmes collectifs » (Cossette, 2008).
Autrement dit, il n’est pas toujours aisé d’expliquer comment on passe du niveau individuel au
niveau collectif.
En outre, nous avons volontairement choisi de travailler sur trois catégories d’acteurs
directement impliqués dans le processus de socialisation des nouveaux vendeur (le vendeur lui-
même, le superviseur et le vendeur sénior), nous privant par conséquent des autres agents
socialisateurs dont les cartes cognitives auraient certainement données plus de significations à
l’étude du processus d’entrée dans l’organisation des nouveaux vendeurs. Nous pensons
particulièrement à la carte cognitive du responsable d’entreprise, dans la mesure où en réalité les
décisions et les actions posées par les responsables commerciaux sont en grande partie
influencées par la hiérarchie de l’entreprise. En effet, certains entretiens ont montré des
contradictions entre les actions que les responsables commerciaux croyaient adaptées à la
situation, et les recommandations qui leur étaient faites par la hiérarchie. Ces différences de
perception, constituent des indices importants que nous n’avons pas su mettre en évidence dans
notre analyse.
Enfin, notre recherche n’est qu’une représentation à un instant T de l’entrée dans
l’organisation des nouveaux vendeurs, et des comportements qui découlent des interactions des
acteurs. Elle ne permet pas d’évaluer dans le temps l’évolution du processus de socialisation, et
la durée qu’il faut pour avoir un vendeur parfaitement opérationnel. La notion de temps apparait
donc comme un élément important du processus de socialisation, étant donné le flottement que
connaissent les vendeurs à leur arrivée et les impératifs de résultat. En effet, pour apprêter leurs
nouveaux vendeurs les entreprises s’accordent généralement une période de trois mois pendant
laquelle elles accordent une aide financière aux vendeurs, le temps de se constituer un
portefeuille clients. Or, le processus d’adaptation peut être plus ou moins long selon la nature des
378
produits à vendre. Dans la littérature, le temps nécessaire à d’adaptation des nouvelles recrues
varie selon les chercheurs de 2 à 8 mois. Il serait intéressant de connaitre cette variation pour les
vendeurs indépendants.
3. Les voies de recherche futures
Au regard des limites que comporte cette étude, plusieurs voies de recherche sont
envisageables. Ces voies de recherche potentielles peuvent être conçues à travers un programme
de recherche global qui porterait sur la socialisation des vendeurs indépendant. Ainsi, nous
envisageons trois voies de recherche. La première consisterait à conforter notre approche
théorique, et l’exploiter dans d’autres situations de gestion (3.1) ; La deuxième porterait sur des
études quantitatives et longitudinales afin de conforter notre démarche méthodologique (3.2).
3.1. Conforter notre approche théorique sur la socialisation
Afin de conforter notre approche théorique sur la socialisation organisationnelle, il serait
intéressant d’appliquer notre grille de lecture à d’autres terrains de recherche. En effet, la
socialisation organisationnelle à été rarement étudiée dans cette dimension contrôle. Comme
nous l’avons souligné dans nos propos antérieurs, cette approche prône un ajustement réciproque
entre les nouveaux vendeurs et l’organisation à travers ses membres. Elle est surtout adaptée
dans des situations où les acteurs apprennent les uns des autres, et s’influencent mutuellement
sur les comportements à adopter en vue de faciliter leur collaboration. Ainsi, les nouveaux
vendeurs tout comme les responsables commerciaux et les vendeurs séniors sont, à travers leur
position respective dans l’entreprise, des agents socialisateurs. Les théories de la régulation
sociale et du contrat psychologique permettent d’expliquer le renouvellement des pratiques de
management et de la relation d’emploi. Dans cette perspective, nous prévoyons une
communication qui portera sur des employés salariés, sur un terrain qui reste à déterminer.
Par ailleurs, nous avons constaté dans notre recherche que de nombreux questionnements, qui
ne rentraient pas dans notre problématique, méritaient des approfondissements. Le rôle très
important des vendeurs séniors dans l’encadrement des nouveaux vendeurs, permet d’envisager
une étude sur les socialisations ultérieures du vendeur indépendant, dans une logique de carrière.
Dans le même esprit, la focalisation dans la présente recherche sur les agents socialisateurs
internes nous offre l’opportunité d’envisager des prolongements avec les agents socialisateurs
externes. En effet, le rôle de certains agents socialisateurs impliqués dans le travail du vendeur
peut être d’un apport décisif. Ainsi, il parait nécessaire d’étudier les apports du client ou des
intermédiaires financiers dans l’apprentissage du nouveau vendeur. De même, il est important de
prévoir une recherche sur l’influence de la famille et des amis, ou encore des institutions de
379
l’Etat chargés de l’entrepreneuriat, sur l’acquisition des connaissances spécifiques et la
formation de l’entrepreneur indépendant.
3.2. Diversifier l’approche méthodologique
En adoptant la cartographie cognitive, nous avons bien conscience des limites que présentait
cette méthode. Aussi, pour améliorer la compréhension de notre objet de recherche, il est
souhaitable que des prolongements soient réalisés sur le plan méthodologique. En effet, la
difficulté à traiter certains propos contradictoires entre les responsables commerciaux et les
nouveaux par exemple, nous invite à recourir à d’autres méthodes d’analyse de données. Allard-
Poesi, Drucker-Godard et Ehlinger (2007) soulignent à ce propos le caractère inapproprié
d’étudier les données issues des interactions entre individus, le recours nécessaire à l’analyse de
contenu ou l’analyse conversationnelle. Ainsi, l’utilisation de l’analyse de contenu constituerait
le premier prolongement de cette recherche. Deuxièmement, il serait intéressant d’étudier, à
travers une étude longitudinale, le processus d’entrée des nouveaux vendeurs dans l’organisation.
Une analyse de l’intégration des nouveaux vendeurs sur douze mois permettrait de situer dans le
temps les périodes critiques et les efforts fournis par les acteurs, afin de mieux appréhender les
risques de turnover. Enfin, un autre prolongement consisterait à procéder par étude de cas
multiple afin de mettre en évidence les particularités de certaines entreprises. En effet, notre
approche dans cette recherche est inter organisationnelle, elle fait abstraction de l’organisation
des ces entreprises, de leur politiques commerciales, et des conséquences qu’elles peuvent avoir
sur les processus de recrutement, la formation, ou encore sur le système de motivation.
Par ailleurs, nous avons adopté, compte tenu de la nature exploratoire de cette recherche, une
démarche abductive qui nous contraint à rechercher par la suite une inférence à partir de la
déduction, puis de l’induction si nous voulons valider notre hypothèse (Dumez, 2012). Selon cet
auteur, le raisonnement abductif n’est que la première étape d’un processus dans lequel « les
trois mode de raisonnement se combinent en pratique dans des séquences de logique de
découverte ».
380
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401
TABLE DES MATIERES
Resumé ........................................................................................................................................... 3
Abstract .......................................................................................................................................... 4
Remerciements. ............................................................................................................................. 5
Sommaire. ...................................................................................................................................... 6
Introduction générale. ................................................................................................................. 11
Chapitre 1. Etat de l'art sur le management des forces de vente ............................................ 35
Section 1. Le champ du management des forces de vente ....................................................... 36
1. Les fondements théoriques et conceptuels du management des forces de vente ........... 36
1.1. Le management des forces de vente : un domaine d’étude transversal .......................... 36
1.1.1. L’orientation marketing du management des forces de vente ................................. 37
1.1.2. La dimension ressources humaines du management des forces de vente ............... 38
1.2. Les courants théoriques du management des force de vente .......................................... 40
1.3. Conceptualisation du management des FDV .................................................................. 43
1.3.1. Le management des FDV : une activité de contrôle ............................................... 43
1.3.2. Le management des forces de vente : une activité entrepreneuriale ...................... 45
1.3.2.1. Définition de l’entrepreneuriat ............................................................................ 46
1.4. La force de vente, une population diversifiée ................................................................. 49
1.4.1. La diversité des formes et statuts de la force de vente ............................................ 49
1.4.2. Le statut d’agent commercial .................................................................................. 54
2. Les études empiriques sur le management des force de vente ........................................ 57
2.1. Analyse des travaux empiriques sur le management des ressources humaines des forces de vente ..................................................................................................................................... 57
2.2. Analyse de quelques travaux concernant les forces de vente externes ........................... 60
2.3. Analyse des principaux résultats attendus des actions managériales ............................. 61
2.3.1. La performance du vendeur ..................................................................................... 62
2.3.2. La satisfaction générale ........................................................................................... 67
2.3.3. Le turnover des vendeurs indépendants .................................................................. 75 Section 2. Analyse critique des travaux réalisés en management des forces de vente .......... 81
1. L’externalisation des forces de vente : définitions et limites ........................................... 81
1.1. Définitions et conceptualisation ..................................................................................... 81
1.2. Les apports de la théorie au management des vendeurs indépendants ........................... 82
1.2.1. La théorie des coûts de transaction ......................................................................... 83
1.2.2. La théorie d’agence ................................................................................................. 84
1.3. Les limites des théories économiques ............................................................................ 86
2. Conséquences managériales liées à l’externalisation des forces de vente ...................... 89
2.1. La perte de direction et le contrôle de la force de vente ................................................ 89
2.2. L’émergence d’une nouvelle relation d’emploi .............................................................. 90
2.3. L’impact de l’environnement socioculturel sur le management. ................................... 93
402
Chapitre 2. Analyse de la littérature autour du concept de socialisation
organisationnelle………………………………………………………………………………98
Section 1. Fondements théoriques et conceptuels de la socialisation organisationnelle ..... 100
1. Les origines de la socialisation organisationnelles ......................................................... 100
1.1. Les apports de la sociologie .......................................................................................... 100
1.1.1. La socialisation primaire ....................................................................................... 100
1.1.2. La socialisation secondaire. ................................................................................... 101
1.2. Les apports de la psychologie ....................................................................................... 102
1.2.1. Les stades psychanalytiques de Freud ................................................................... 102
1.2.2. Les stades du développement cognitif de l’enfant ................................................ 103
1.3. L’approche interactionniste de la socialisation ............................................................ 105
2. La socialisation dans l’organisation ................................................................................. 106
2.1. Définitions et enjeux de la socialisation organisationnelle .......................................... 107
2.2. L’approche séquentielle de la socialisation organisationnelle ..................................... 110
2.2.1. Les étapes du processus de socialisation ............................................................... 110
2.2.2. Analyse du modèle séquentiel de Feldman (1976) .............................................. 113
2.3. L’approche gestionnaire de la socialisation organisationnelle ..................................... 114
2.3.1. Les premières recherches sur la socialisation organisationnelle ........................... 114
2.3.2. Analyse du modèle des tactiques de socialisation de Van Maanen et Schein (1979) …………………………………………………………………………………...115
2.4. L’approche cognitive de la socialisation organisationnelle .......................................... 119
3. Les approches récentes de la socialisation organisationnelle ........................................ 121
3.1. Les tactiques individuelles de socialisation .................................................................. 121
3.1.1. La recherche proactive d’informations ................................................................. 122
3.1.2. Les autres formes de comportements proactifs ..................................................... 124
3.2. L’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle ................................ 125
3.2.1. L’analyse simultanée des niveaux organisationnels et individuels ....................... 126
3.2.2. L’interactionnisme symbolique ............................................................................. 127
3.3. Le contenu de la socialisation organisationnelle .......................................................... 128
3.3.1. Les domaines de socialisation ............................................................................... 128
3.3.2. La mesure de la socialisation organisationnelle .................................................... 130 Section1. Contribution de la socialisation à la gestion ........................................................... 132
1. Les développements de la socialisation dans les sciences de gestion ............................ 132
1.1. Les développements en gestion des ressources humaines ............................................ 132
1.1.1. La socialisation du personnel en contact ............................................................... 133
1.1.2. La socialisation syndicale ...................................................................................... 134
1.1.3. La socialisation organisationnelle dans le cadre de l’expatriation ........................ 136
1.2. Les développements en marketing ............................................................................... 141
1.2.1. La socialisation de l’enfant-consommateur ........................................................... 141
1.2.2. La socialisation organisationnelle du client .......................................................... 141
1.2.3. La socialisation organisationnelle du fournisseur ................................................. 142
1.3. Les développements en entrepreneuriat ....................................................................... 142
403
1.3.1. Les fondements de la socialisation entrepreneuriale ............................................. 142
1.3.2. Analyse du modèle de socialisation entrepreneuriale ........................................... 144
2. Le management des forces de vente : une lecture à partir du concept de socialisation
organisationnelle ........................................................................................................................ 146
2.1. La socialisation organisationnelle : un dispositif du contrôle social ............................ 147
2.1.1. Les fondements théoriques du contrôle social : le contrôle par le clan ................. 147
2.1.2. Le contrôle par la culture et les normes sociales ................................................... 150
2.2. La socialisation organisationnelle, vecteur de régulation sociale dans la force de vente 152
2.2.1. Les pratiques des ressources humaines des forces de vente .................................. 153
§ La sélection et le recrutement ....................................................................................... 153
2.2.2. Analyse du modèle de socialisation des forces de vente (Dubinsky et al (1986) . 156 Chapitre 3. Cadre conceptuel et analytique de la recherche ................................................. 164
Section 1. La socialisation du vendeur indépendant: Un processus de construction de la
relation managériale ................................................................................................................. 165
1. Les spécificités liées à l’intégration des vendeurs indépendants ................................... 165
1.1. L’intégration, comme une étape décisive du processus de socialisation ...................... 166
1.2. L’intégration du vendeur indépendant : un processus multiple de socialisation .......... 168
1.2.1. Le vendeur indépendant : un entrepreneur économiquement socialisé ................. 168
1.2.2. La socialisation du vendeur indépendant à l’organisation .................................... 169
1.3. Les enjeux managériaux liés à l’intégration des vendeurs indépendants ..................... 172
1.3.1. Les politiques et pratiques de gestion en vigueur dans les entreprises ................. 172
1.3.2. La question de la durée du processus d’intégration d’un nouveau vendeur .......... 174
2. La relation manager / vendeur dans une perspective d’intégration ............................. 176
2.1. Définition et évolution du concept de relation managériale ......................................... 176
2.2. Une relation qui se construit sur la confiance des acteurs ............................................ 181 Section 2. Le modèle de socialisation du vendeur indépendant ............................................ 185
1. L’approche interactionniste de la socialisation organisationnelle : une clé d’analyse de
l’entrée des vendeurs indépendants dans l’organisation ....................................................... 185
1.1. L’interaction comme principal mécanisme de la socialisation organisationnelle ........ 186
1.2. Le rôle majeur des agents de socialisation ................................................................... 188
1.3. La nouvelle recrue, un agent de socialisation peu étudié ............................................. 190
2. La socialisation organisationnelle : un processus de construction de sens .................. 191
1.1. Le modèle cognitif de louis (1980) ............................................................................... 191
1.2. Le modèle interprétatif de Weick (1995) ..................................................................... 192
3. L’apport des théories de l’échange social pour appréhender la relation manager /
vendeurs indépendants en phase d’intégration ...................................................................... 195
3.1. La théorie de la régulation sociale développée par Reynaud (1988) ............................ 196
3.1.1. Les fondements théoriques .................................................................................... 196
3.1.2. La contribution de la théorie de régulation sociale au management ..................... 199
3.2. La théorie du contrat psychologique ............................................................................ 202
3.2.1. Les fondements théoriques du contrat psychologique .......................................... 202
404
3.2.2. La formation du contrat psychologique ................................................................ 206
3.2.3. Les conséquences de la rupture du contrat psychologique ................................... 208
3.3. Présentation du modèle de socialisation du vendeur indépendant ............................... 209
3.3.1. Adaptation du modèle général de la socialisation organisationnelle proposé par Lacaze 209
3.3.2. Présentation du modèle de recherche .................................................................... 210 Deuxième partie: La socialisation du vendeur indépendant : une construction de la réalité
sociale . ........................................................................................................................................ 214
Chapitre 4. Epistémologie et méthodologie de la recherche .................................................. 215
Section 1. Le positionnement épistémologique de la recherche ............................................ 215
1. Positivisme versus constructivisme .................................................................................. 215
2. Le statut épistémologique de la vente .............................................................................. 218
2.1. La vente : une discipline en construction ..................................................................... 219
2.2. Management des forces de vente : un champ de recherche hétérogène et complexe. .. 220
3. Le choix du positionnement épistémologique ................................................................. 222
3.1. La socialisation organisationnelle : un construit social ................................................ 222
3.2. Notre positionnement épistémologique ........................................................................ 223
3.3. L’abduction comme démarche de recherche ................................................................ 225 Section 2. Les choix méthodologiques de la recherche .......................................................... 228
1. Le choix d’une approche qualitative ............................................................................... 228
1.1. Approche qualitative versus approche quantitative....................................................... 228
1.2. Présentation de l’étude préliminaire ............................................................................. 231
1.2.1. Objectifs et description de l’étude ......................................................................... 231
1.2.2. Méthodologie de l’étude préliminaire ................................................................... 231
2. Présentation de l’étude qualitative .................................................................................. 232
2.1. Description du terrain de la recherche .......................................................................... 233
2.2. Présentation de l’échantillon retenu ............................................................................. 234
3. La cartographie cognitive comme outil de compréhension des représentations des trois
catégories d’acteurs ................................................................................................................... 236
3.1. Présentation de l’outil ................................................................................................... 237
3.2. La construction des cartes cognitives ........................................................................... 240
3.2.1. Le choix d’une méthode de construction des cartes cognitives ............................ 240
3.2.2. Construction des cartes collectives ....................................................................... 242
3.3. La collecte de données .................................................................................................. 243
3.3.1. Les méthodes de collecte de données .................................................................... 243
3.3.2. La collecte des données par un guide d’entretien ................................................. 246
3.4. Traitement des données collectées pour la construction des cartes .............................. 250
3.4.1. Le passage de la collecte des données à l’établissement des cartes cognitives ..... 250
3.4.2. Le codage des données recueillies ........................................................................ 251
3.4.3. Fiabilité et validité du codage des données recueillies ........................................ 254
3.5. L’analyse des données .................................................................................................. 255
3.5.1. Les différents types d’analyse dans la littérature .................................................. 255
405
3.5.2. L’adoption d’une méthode d’analyse adaptée ....................................................... 257 Chapitre 5. Les résultats de la recherche ................................................................................ 261
Section 1. L'aanalyse de la structure des cartes collectives des trois catégories d'acteurs . 261
1. Evaluation des indicateurs de complexité des cartes collectives ................................... 261
1.1. Evaluer la complexité des cartes à partir des indicateurs généraux ............................. 262
1.2. Evaluer la complexité des cartes à partir des indicateurs locaux ................................. 263
Les indicateurs locaux de structure nous ont également permis d’évaluer la complexité des schèmes cognitifs des trois catégories d’acteurs. Dans ce paragraphe, nous analysons les scores moyens de centralité, le nombre de boucles présentes dans une carte, et le nombre de regroupement. .......................................................................................................................... 263
2. Analyser l’organisation des cartes collectives pour caractériser les schèmes des acteurs
265
2.1. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des responsables commerciaux ......... 266
2.1.1. L’analyse de centralité .......................................................................................... 266
2.1.2. Conséquences et explications ................................................................................ 267
2.1.3. L’analyse de regroupement (clusters analysis) ..................................................... 269
2.1.4. L’analyse des boucles ............................................................................................ 270
2.2. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des nouveaux vendeurs ..................... 272
2.2.1. L’analyse de centralité .......................................................................................... 272
2.2.2. Conséquences et les explications .......................................................................... 273
2.2.3. L’analyse de regroupement (clusters) ................................................................... 274
2.2.4. L’analyse des boucles ............................................................................................ 276
2.3. Analyse de l’organisation de la carte cognitive des vendeurs séniors .......................... 277
2.3.1. L’analyse de centralité .............................................................................................. 277
2.3.2. Les conséquences et les explications .................................................................... 278
2.3.3. Les résultats de l’analyse de regroupement (cluster analysis) .............................. 280
2.3.4. L’analyse des boucles ............................................................................................ 282 Section 2. Analyse du contenu des cartes collectives pour explorer les préoccupations des
acteurs ........................................................................................................................................ 286
1. Les principales préoccupations des acteurs sur la socialisation des vendeurs
indépendants .............................................................................................................................. 286
1.1. Les idées relatives au recrutement des vendeurs indépendants ................................... 288
1.1.1. Les logiques de recrutement développées par les entreprises ............................... 288
1.1.2. Le choix d’un emploi d’indépendant .................................................................... 291
1.2. Les idées relatives à la formation et l’acquisition des connaissances ......................... 294
1.2.1. Accompagner sur le terrain vs formation en salle ................................................. 294
1.2.2. L’encadrement des nouveaux par les vendeurs séniors ........................................ 295
1.3. Les idées relatives aux relations interpersonnelles ....................................................... 296
1.3.1. Un climat de défiance entre vendeurs séniors et nouveaux vendeurs ................... 297
1.3.2. L’émergence des conflits au sein de l’équipe de vente ......................................... 298
1.4. Les idées relatives au statut et rôles du vendeur indépendant ...................................... 299
1.4.1. Les enjeux liés au statut d’indépendant ................................................................. 299
1.4.2. L’environnement de travail ................................................................................... 300
406
1.5. La performance du vendeur .......................................................................................... 301
1.5.1. Les résultats de vente ............................................................................................ 301
1.5.2. La motivation des nouveaux vendeurs .................................................................. 302
1.5.3. Les réunions et le travail d’équipe ........................................................................ 306
2. Les concepts dominants de la socialisation des vendeurs indépendants ...................... 307
2.1. Les résultats du croisement de la centralité et du domaine .......................................... 307
2.1.1. Les concepts les plus importants de chaque carte collective ................................ 307
2.1.2. Les concepts les plus importants des trois cartes collectives ................................ 310
2.2. Analyse des préoccupations dominantes des trois cartes collectives ........................... 310
2.2.1. L’acquisition des compétences .............................................................................. 310
2.2.3. La motivation de vendeurs .................................................................................... 313
2.2.4. La maitrise des aspects techniques du travail : un concept central dans le processus de socialisation du vendeur indépendant ............................................................................. 318
Section 3. Des cartes cognitives à la socialisation du vendeur indépendants ....................... 322
1. Les préoccupations structurantes du processus de socialisation du vendeur
indépendant................................................................................................................................ 322
1.1. Un recrutement pensé pour attirer les meilleurs profils ............................................... 322
1.2. Une formation qui favorise la connaissance de la tâche plutôt que le rôle .................. 323
§ Un enthousiasme mesuré pour la formation des vendeurs ............................................... 324
§ Favoriser les connaissances liées à la pratique commerciale ........................................... 324
1.3. Des relations interpersonnelles conflictuelles .............................................................. 325
1.4. Un management fait de compromis .............................................................................. 326
2. Les préoccupations particulières, comme principes d’action des acteurs ................... 327
2.1. Une volonté de gérer différemment .............................................................................. 328
2.2. Le choix d’un travail par défaut ................................................................................... 328
2.3. La disponibilité du tuteur .............................................................................................. 329 Chapitre 6. Discussion générale ............................................................................................... 334
Section1. Discussion des résultats ............................................................................................ 334
1. Comprendre le management des vendeurs indépendants en phase d’intégration ...... 334
1.1. Une volonté de changement plus ou moins affirmée par les acteurs ............................ 335
1.2. Un intérêt mesuré concernant les relations interpersonnelles ...................................... 337
1.3. Un management orienté sur la tache et les rôles commerciaux .................................... 338
1.4. Expliquer le turnover des vendeurs en phase d’intégration .......................................... 341
1.4.1. Les facteurs déclencheurs du turnover .................................................................. 341
1.4.2. La place centrale de la satisfaction/insatisfaction ................................................. 341
1.4.3. La performance, comme principale cause des départs du vendeur ....................... 342
1.4.4. La typologie des déterminants du turnover ........................................................... 343
2. La pertinence de l’utilisation de la méthode des cartes cognitives dans cette recherche
347
2.1. Appréhender la socialisation du vendeur indépendants à partir des représentions des acteurs ...................................................................................................................................... 348
2.1.1. Le concept de représentation en sciences de gestion ............................................ 348
407
2.1.2. L’apport de la cartographie cognitive à l’étude des représentations de la socialisation du vendeur indépendant ................................................................................. 350
2.2. Les cartes cognitifs, pour réduire la complexité des schèmes cognitifs ....................... 351 Section 2. Discussion sur la gestion de la socialisation des vendeurs indépendants ............ 353
1. La gestion du processus de socialisation ......................................................................... 354
1.1. Préexistence de la socialisation dans l’entreprise ......................................................... 354
1.2. Formaliser nécessairement la socialisation des vendeurs indépendants ....................... 355
2. Les implications managériales ......................................................................................... 357
2.1. Développer un leadership spécifique ............................................................................ 358
2.1.1. Mobiliser de nouvelles compétences ..................................................................... 358
2.1.2. Partager le leadership ............................................................................................ 358
2.2. Attirer et retenir les nouveaux vendeurs ....................................................................... 360
2.2.1. Recrutement réaliste et adéquat. ............................................................................ 360
2.2.2. Articuler les tactiques de socialisation .................................................................. 361
2.3. Adapter le management aux vendeurs indépendants .................................................... 362
2.3.1. Négocier de nouvelles règles de gestion ............................................................... 362
2.3.2. Organiser le dispositif de formation des nouveaux vendeurs ............................... 363
2.3.3. Motiver les vendeurs ............................................................................................. 365 Conclusion générale .................................................................................................................. 369
1. Les principales contributions de la recherche ................................................................ 371
1.1. Les apports théoriques .................................................................................................. 371
1.2. Les apports méthodologiques ....................................................................................... 372
1.3. Les apports managériaux .............................................................................................. 374
2. Les limites de la recherche ................................................................................................ 376
2.1. Les limites théoriques ................................................................................................... 376
2.2. Les limites méthodologiques ........................................................................................ 376
3. Les voies de recherche futures ......................................................................................... 378
3.1. Conforter notre approche théorique sur la socialisation ............................................... 378
3.2. Diversifier l’approche méthodologique ........................................................................ 379 Bibliographie .............................................................................................................................. 380
Annaexe ...................................................................................................................................... 407
408
ANNEXES
Annexe 1: Guide d’entretien Responsables commerciaux
Age : Sexe : Secteur d’activité : Parcours scolaire : Expérience dans la profession :
Récit du recrutement
· Quels sont vos moyens de recrutement?
· Quelles informations sont échangées avec les postulants, avant et pendant le processus ?
· Quelles sont vos critères de sélection ?
Les tous premiers mois du vendeur dans l’entreprise
· Comment procédez-vous à l’accueil d’un nouveau vendeur?
· Quelles activités mettez-vous en place pour que le vendeur intègre les différents aspects
de son travail?
· Comment organisez-vous la formation de vos vendeurs ?
· Comment échangez-vous avec vos vendeurs?
· Quelle est la fréquence des échanges avec les nouveaux vendeurs?
· Quel est le contenu des échanges avec les nouveaux vendeurs ?
Les acquis de l’apprentissage
· Avez-vous été obligé de vous séparer d’un nouveau vendeur? Pour quelles raisons ?
· Combien de temps faut-il pour évaluer de la qualité d’un nouveau vendeur ?
· Quels sont les critères de performance exigés pour maintenir un nouveau vendeur ?
· Combien de temps faut- il pour qu’un vendeur soit opérationnel?
· Comment faites-vous pour suivre l’activité de vos vendeurs ?
Le contenu des apprentissages
· Connaissance acquises
409
Annexe 2: Guide d’entretien Nouveaux vendeurs
Age :
Sexe :
Secteur d’activité :
Parcours scolaire :
Expérience dans la profession :
Question de départ : Pouvez-vous nous parler de votre arrivée et vos débuts dans l’entreprise et
dans l’équipe de vente?
Avant votre arrivée dans l’entreprise (recrutement)
· Comment avez- vous été informé de cette offre d’emploi ?
· Quelles informations vous avez reçu sur l’entreprise et sur l’emploi ?
· Qu’est ce qui vous a décidé à accepter cet emploi ?
Les tout premiers mois dans l’entreprise
· Comment était organisé votre apprentissage du travail ?
· Qu’avez-vous appris durant cette période ?
· Quelles actions avez-vous initié personnellement pour apprendre ?
· Quelle était la qualité de vos relations avec le superviseur et les anciens vendeurs ?
fréquence ? contenu ?
Evolution dans l’entreprise et dans l’équipe
· Combien de temps vous a-t-il fallu pour être en capacité de vendre?
· Avez-vous déjà exercé ce métier dans une autre entreprise ? si oui pourquoi êtes vous
parti ?
· Vous est-il venu à l’idée de quitter votre emploi actuel ? Pour quelles raisons ?
· Quelles raisons vous ont décidé à continuer comme vendeur indépendant ?
410
Annexe 3 : Guide d’entretien vendeurs séniors
Age :
Sexe :
Secteur d’activité :
Parcours scolaire :
Expérience dans la profession :
Question de départ : Pouvez-vous nous parler de votre expérience dans l’encadrement d’un
nouveau vendeur?
Les tout premiers mois dans l’entreprise
· Comment est organisé l’apprentissage des nouveaux vendeurs?
· Qu’apprennent les nouveaux vendeurs durant cette période?
· Quelles actions ont été initiées par les nouveaux vendeurs pour apprendre ?
L’action du vendeur séniors dans l’encadrement du nouveau
· Comment procédez-vous pour accompagner les nouveaux vendeurs dans leur
apprentissage?
· Quelle était la qualité de vos relations avec les nouveaux vendeurs ? fréquence ?
contenu ?
· Comment votre action est-elle coordonnée par le responsable commercial ?
Evolution du nouveau vendeur dans la force de vente
· Combien de temps vous a-t-il fallu pour initier les nouveaux vendeurs?
· Quelles raisons selon vous motivent les nouveaux vendeurs à quitter leur emploi?
· Quelles raisons selon vous conduisent les nouveaux vendeurs à rester dans l’entreprise ?
411
Annexe 4 : Les résultats de l’étude préliminaire
Les entretiens de cette étude ont lieu principalement dans deux secteurs d’activités (l’assurance
et les concessions automobiles) qui emploient en majorité des vendeurs indépendants sous le
statut d’agent commercial. Nous présentons successivement les deux analyses que nous avons
réalisées auprès des vendeurs et des responsables commerciaux. Nous mettons en évidence les
différentes pratiques qui témoignent de la présence de la socialisation dans une entreprise
(Lacaze, 2005), après avoir présenté le contexte. Nous terminons par une présentation des
principaux résultats.
1. L’analyse des entretiens avec les responsables commerciaux
1.1 Le contexte organisationnel et les impératifs économiques
Les vendeurs travaillant pour ces entreprises sont le plus souvent à leur premier emploi,
compte tenu du manque de vendeurs qualifiés sur le marché. Ce qui explique l’approche
particulière des vendeurs indépendants. Les responsables commerciaux interrogés considèrent
que le statut d’agent commercial n’est pas adaptés à leur contexte socio-économique et culturel,
et que les contextes de travail ne sont pas les mêmes : « Nous pensons que le statut d’agent
commercial ne peut être appliqué dans nos entreprises tel qu’il est prévu par la loi, car les
vendeurs que nous recrutons sont le plus souvent à leur premier emploi et ne peuvent pas
s’assumer autant professionnellement que financièrement » (Basile)
Les vendeurs travaillent donc de façon permanente et exclusive pour ces entreprises, sans
pour autant qu’ils soient comptés dans leurs effectifs : « (…) c’est des vendeurs indépendants
mais qui ont un contrat d’exclusivité par rapport aux marques que nous représentons » (Cécile) ;
« Nos conseillers vie sont exclusifs, ils ne peuvent pas travailler pour une autre entreprise (…)
d’ailleurs vous voyez bien qu’avec cette chemise au logo de l’entreprise, ils ne peuvent pas se
présenter au nom d’une autre entreprise » (Christian)
Les entreprises mettent en place un accompagnement financier, en fixant leurs vendeurs sur
site et en leur accordant des primes (transport et téléphone) qui leur permettent de lancer leur
activité. Ces primes sont restituées ou pas, lorsque le vendeur commence à percevoir ses
commissions : « (…) ils n’ont pas de fixe, ils sont payés à la commission et il y a des primes, une
prime de transport qui est donnée chaque semaine, une prime pour le téléphone » (Cécile) ; « le
vendeur indépendant est payé à la commission et on leur verse une prime pour le téléphone et le
carburant, mais c’est réglementé en fonction du nombre de prospects démarché » (Jean Prosper)
412
L’exclusivité exigée par l’entreprise contraint le vendeur à travailler pour une seule entreprise,
mais l’incertitude sur le revenu oblige ces derniers à exercer parallèlement d’autres activités :
«Les vendeurs indépendants ne sont pas fiables, car ils ne fournissent pas les résultats
intéressant. Ils cumulent plusieurs contrats d’indépendant, nous sommes intransigeants sur ce
principe d’exclusivité».
L’utilisation des vendeurs externes est une opportunité pour ces responsables, mais le
contexte économique et social dans lequel ils opèrent est particulier, ce qui justifie une
adaptation du statut d’agent commercial, à la fois pour permettre au vendeur de travailler et de
gérer ses comportements.
1.2 Les procédures de sélection et recrutement
Dans la recherche du vendeur idéal, les responsables commerciaux et chefs des ventes que
nous avons interrogées expriment des avis différents concernant les qualités requises et les
procédures à adopter pour le recrutement des vendeurs indépendants. Généralement, ils émettent
des annonces presse qui contiennent des informations plus ou moins complètes.
Concernant le type de vendeur recherché, deux profils reviennent dans les discours des
répondants. Certaines entreprises optent pour des vendeurs diplômés, pour cela elles mettent en
place des procédures de recrutement destinés à attirer les meilleures candidatures. Mais dans la
perspective d’une rémunération à la commission et en l’absence d’une garantie d’emploi, ces
recrutements ne sont pas souvent consolidés, comme l’expliquent ces responsables
commerciaux: « Nous avons dans le passé organisé nos recrutement par le biais d’un cabinet
conseils, qui procédait à des recrutements en se basant sur des profils comprenant des
universitaires et des candidats provenant des écoles de commerce. (…) Mais dans la majorité
des cas, les candidats retenus ne restaient pas longtemps dans l’entreprise car leurs exigences
salariales ne correspondaient pas aux conditions de rémunération proposées par l’entreprise ».
D’autres entreprises s‘intéressent à des profils de vendeurs expérimentés dans la vente dans
leur secteur ou dans des secteurs connexes. Ils utilisent pour cela des techniques simples et
moins couteuses, comme le « bouche à oreille ». Cette technique consiste à attirer les vendeurs
de la concurrence par l’intermédiaire de ses propres vendeurs, comme le déclare ce responsable
commercial : « (…) Nous faisons participer nos vendeurs au recrutement, en leur demandant de
véhiculer l’information de postes vacants auprès de vendeurs confirmés ».
Pour certains responsables, c’est l’idée de confier le recrutement à un cabinet qui pose
problème : « Je ne suis pas d’accord avec cette formule, parce qu’un bon commercial c’est celui
413
qui sait se débrouiller dans sa vie à lui. (…) un bac +3 ou +5 n’est pas forcément le meilleur, le
fait de passer par un cabinet va créer un filtre et on risque de perdre l’opportunité d’engager de
bon éléments juste parce qu’ils n’ont pas de diplôme ».
A défaut de garantir un emploi stable au vendeur, les entreprises doivent se contenter des
vendeurs aux profils atypiques, souvent éloignés des standards recherchés et qui acceptent de
vendre par nécessité : «Je suis favorable pour un recrutement qui tiendrait sur une journée au
cours de laquelle nous allons présenter l’entreprise, nous procèderont à des entretiens sur la
culture générale et notre métier, nous réaliserons des sketchs qui permettent de faire sortir de
vrais talents ».
Par ailleurs, l’information transmise au moment du recrutement n’est pas toujours complète.
Cependant, certaines entreprises mettent tout en œuvre pour que le candidat soit informé sur
l’emploi proposé. C’est le cas de cette entreprise d’assurance vie dont l’annonce de recrutement
est libellée de la façon suivante : « Avis de recrutement d’agents commerciaux non salariés ».
Mais ce réalisme affiché tranche quelque fois avec des promesses qui sont faites au vendeur
et non tenues, au point d’installer une certaine méfiance dans les relations comme le stipule ce
responsable : « on essai d’avoir des promesses réalistes qui seront tenues. J’ai remarqué que
lorsqu’on fait des promesses, les vendeurs voulaient qu’on formule cela par écrit. Il y a donc un
manque de confiance ».
Dans l’ensemble, les méthodes utilisées par les responsables commerciaux pour recruter ne
tiennent pas toujours compte de la réalité des emplois proposés. Ils mettent en place des
méthodes qui grossissent les attentes des vendeurs, mais ne répondent pas à leurs besoins. Les
vendeurs qui accèdent à ces emplois ne demeurent pas, le manque d’informations sur l’emploi et
les promesses qui sont faites lors des entretiens peuvent expliquer cette situation.
1.3 La formation à la vente et l’apprentissage du métier
La formation est un outil important de l’adaptation du nouveau vendeur, mais son utilisation
demeure marginale à cause des dépenses qu’elle suscite. L’une des craintes souvent exprimée
par les entreprises en matière de formation est le retour sur investissement, elles craignent de ne
pas profiter de l’investissement réalisé, car les vendeurs sont susceptibles de quitter l’entreprise à
tout moment. Par conséquent le temps accordé à la formation est limité, les entreprises offrent
l’essentiel de ce que doit savoir un vendeur sur les produits à vendre et les techniques de vente et
s’en remettent aux anciens, en ce qui concerne « le rouages du métier ».
414
La formation constitue le premier point de rencontre entre les nouveaux vendeurs et les
responsables commerciaux, et l’occasion pour ces derniers d’expliquer les contours du travail et
les attentes de l’entreprise. La formation sur les produits est faite de façon sommaire, les
formateurs préférant une étude suivie de la documentions qui est remise aux vendeurs. Il arrive
aussi que l’entreprise programme dans l’année des séminaires de formation sur la négociation
commerciale et les techniques de communication, mais ces séances de formation qui ne sont pas
spécifiquement réservées aux nouveaux sont programmées tardivement : « Nous organisons une
formation initiale sur les techniques d’assurance vie, les techniques commerciales et les produits
pour les nouveaux ; une formation continue pour les anciens et les inspecteurs ». (Christian)
« (…) on assure la formation, quand ils arrivent ils sont informés sur ce qu’ils doivent faire.
Ensuite il y a une sorte de prise en main, donc une formation sur les produits et les outils d’aides
à la vente ». (Hughes)
« (…) Ensuite, il y a la phase deux qui passe à la formation, donc à la formation produit, c'est-à-
dire quel type de produit pour quel type de client, les garanties parce que chaque produit à ses
types de garanties (…) Normalement il est prévu une formation par produit qui va se faire par
segment de produit (…) et la formation sur le financement. Il y a les financements internes à
l’entreprise et les financements extérieurs. On essaie de créer une relation entre les banques de
la place et les commerciaux ». (Jean Prosper)
Les responsables commerciaux ont recourt aux anciens pour encadrer les nouveaux. C’est le
moyen le plus utilisé par les répondants pour permettre aux nouveaux vendeurs d’apprendre le
métier de la vente. Il consiste à placer un nouveau vendeur auprès d’un ancien qui lui servira
d’exemple ou de modèle dans son apprentissage. Cette technique de formation est plus connue
dans la littérature à travers les pratiques du tutorat, du parrainage et du mentorat. Elles sont
développées sous l’influence du modèle d’apprentissage social de Bandura (1986) qui considère
que les individus apprennent en regardant les autres et en tentant de les imiter : « Quand je
recrute un nouveau vendeur, je mets en place un plan d’induction qui consiste à faire coacher le
nouveau par un ancien. Celui-ci organise une tournée avec lui, d’abord dans l’entreprise pour
connaitre les différents services, puis sur le terrain pour connaitre les organismes de
financement avec qui nous travaillons ». (Cécile)
« (…) on a un principe maison pour les nouveau vendeurs, surtout s’ils n’ont jamais travaillé
dans ce domaine, c’est qu’on les laisse sur site pendant deux ou trois mois, ils voient comment
ca se passe et une fois sur le terrain il prenne la main ». (Hughes)
« (…) le but maintenant, ce n’est pas qu’un commercial arrive et qu’il soit mis sur le terrain
avec juste une simple formation produit et une formation administrative, mais qu’il fonctionne
415
en binôme. C’est à dire on a lié un nouveau commercial avec un ancien commercial qui a déjà
de l’expérience et pendant une semaine à un mois ils vont fonctionner en binôme. Il va lui
montrer comment on rédige les dossiers, l’approche client (…) ». (Jean Prosper)
Les nouveaux vendeurs sont systématiquement formés à la maitrise des produits et des
techniques de vente et la volonté des responsables commerciaux est qu’un nouveau vendeur soit
initié au métier par un ancien. Toutefois, ils reconnaissent qu’ils n’en font pas assez.
1.4 L’intégration dans l’équipe de vente et dans l’entreprise
L’intégration est considérée comme la dernière étape du processus de recrutement. De façon
générale, l’intégration a souvent été associée à l’embauche d’un salarié, ce qui a contribué à
exclure les vendeurs indépendants de la gestion « normale » du personnel de l’entreprise. Bien
que cette pratique tant à disparaitre, les répondant reconnaissent qu’il existe encore des barrières
psychologiques qu’il faut défaire pour améliorer l’intégration du vendeur.
L’intégration administrative se réfère au processus d’accueil qui est réservé à tout nouvel
arrivant et consiste à présenter au nouveau vendeur les services avec lesquels il va collaborer
pour accomplir sa mission : « (…) la première phase d’intégration commence par la
présentation de l’entreprise, les procédures administratives. Il s’agit de savoir comment ca
fonctionne, comment on remplit un dossier administratif, comment est ce qu’on renseigne le
dossier du client et quels sont les éléments à fournir dans le dossier. Il y a aussi les différents
services (…) les procédures de ces services ». (Jean Prosper)
L’intégration dans l’équipe de vente comprend toutes les actions qui permettent au nouveau
vendeur de se familiariser et de se faire accepter par les autres membres de l’équipe. Il s’agit
d’une intégration sociale qui consiste à « établir des relations » avec les vendeurs déjà en place
(Lacaze et Roger, 2000). Les responsables commerciaux favorisent ces premiers contacts en
désignant un accompagnateur à chaque nouveau vendeur : « (…) en suivant le plan d’induction
dont j’ai fait allusion tout à l’heure (…) j’accompagne personnellement le nouveau sur le terrain
ou je les faits suivre par un ancien (…) cette présence du responsable ou d’un collègue est
nécessaire pour mieux l’intégrer dans le groupe et auprès des clients ». (Cécile)
Mais aussi en organisant des rencontres entre nouveaux et anciens commerciaux qui sont des
occasions d’échanges et de partage : « (…) Après chaque recrutement, nous organisons une
réunion qui permet aux commerciaux de se connaitre et de se forger un esprit d’équipe ».
(Christian)
416
L’intégration dans l’entreprise : les actions qui permettent de valoriser le vendeur et de le considérer comme un membre effectif de l’entreprise. Pour certains, cela consiste à associer les vendeurs aux activités qui leur étaient interdites : « Chaque fin d’année on a une cérémonie
groupe où tous les employés sont conviés y compris les vendeurs qui bénéficient des mêmes
privilèges que les salariés ». (Cécile) Pour les autres, il s’agit de donner accès à certains avantages…
« (…) Ils peuvent désormais bénéficier des prêts bancaires que nous garantissons (…) ils ont
droit aux présents le 1er
mai comme tous les travailleurs » (Christian)
D’autres enfin, pensent que l’intégration des vendeurs indépendants est rendue difficile car les
vendeurs s’auto-exclus simplement : « (…) Il y a un réel problème d’intégration parce que les
vendeurs indépendants ne se sentent pas comme des employés de l’entreprise (…) on y travail au
quotidien en créant une véritable relation de confiance (…) J’ai constaté que tous les vendeurs
revenaient vers moi lorsqu’ils avaient besoin d’une information ; J’ai compris qu’ils avaient
peur de questionner les services concernés parce qu’ils n’étaient pas salariés de l’entreprise ».
L’intégration des nouveaux vendeurs est formalisée par la visite de l’ensemble des services
avec les quels ils vont collaborer. Elle est complétée par des actions qui consistent à prendre en
compte le vendeur dans la vie de l’entreprise, même si il existe encore des barrières
psychologiques qui poussent les vendeurs à s’auto-exclure.
2. L’analyse des entretiens avec les vendeurs
2.1 Le contexte socio-économique et le choix du parcours professionnel
Les personnes interrogées estiment qu’ils sont devenus vendeurs indépendant à cause des
responsabilités qui leur incombaient, et donc il fallait qu’ils s’assument financièrement. Mais, ils
considèrent aussi qu’ils sont restés dans leur emploi pour des raisons financières et la liberté que
leur offre le statut d’indépendant.
Les répondants éprouvent le besoin de se prendre en charge pour répondre à des besoins
personnels. Par conséquent, ils prennent le premier emploi qui leur ait proposé.
« Je ne suis pas arrivé dans la vente par vocation. Je venais à peine d’obtenir mon B.T.S et
j’attendais un enfant, alors j’ai pris le premier emploi qui m’était proposé ». Pour sa part, un
autre vendeur explique : « j’étais en deuxième année d’une école de commerce et je n’avais pas
d’argent pour subvenir à mes besoins, j’ai donc décidé de chercher un emploi et je suis devenu
vendeur indépendant. Ce n’est pas ce que je voulais, mais je n’avais pas d’autres choix ».
417
Il arrive aussi que le choix du parcours professionnel soit déterminé par les conditions de
précarité dans lesquelles vivent certains diplômés qui, malgré leur diplôme ne trouve pas un
d’emploi à la mesure de leur formation. Certains vendeurs se disent informés des conditions de
travail, mais ils à leurs besoins existentiels : « J’ai été informé du type de travail que j’allais
réaliser et des modalités de la rémunération par commissions, mais il fallait que je fasse quelque
chose pour m’assumer ».
« J’ai fait des études de sociologie et comme je ne trouvais pas de travail correspondant à mes
références, j’ai accepté de vendre des voitures ».
Cependant, s’ils sont arrivés par hasard dans la vente, les vendeurs qui ont décidés de rester
dans cette activité et de continuer comme vendeur indépendants évoquent l’appât du gain :
« C’est vrai que le travail est dur au départ, il est même contraignant. Mais une fois que je me
suis adapté et que mes commissions ont atteint des niveaux importants, je ne pouvais plus
envisager travailler comme salarié dans l’entreprise que représente ou ailleurs »
Ils estiment aussi que la liberté d’organisation que leur confère le statut d’indépendant est un
atout pour la gestion de leur activité et au-delà, de leur carrière. Même si, il faut le souligner
cette liberté est contrainte, car en réalité ces vendeurs sont juridiquement indépendants mais
économiquement dépendant ( ) : « Je suis maitre de mes mouvements, je ne suis pas obligé de
pointer à huit heures et je peux gérer mes clients chez moi dès lors que je dispose de mon fichier
client ».
La perspective de devenir vendeur indépendant est un choix contraint pour de nombreux
vendeurs, compte tenu des conditions de travail à la limite de la précarité. Mais une fois, les
difficultés de départs surmontées ceux qui décident de rester avancent deux arguments comme la
possibilité d’avoir des revenus importants et la liberté dans le travail.
2.2 Les procédures de recrutement et leur contenu
Les répondants affirment ne pas posséder d’informations suffisantes avant et au moment des
entretiens de recrutement. Par conséquent, ils ignorent souvent le type d’emploi qui leur est
proposé et les conditions dans lesquels ils vont exercer. Dans la littérature, Matthews et Redman
(2001) rappellent que les entreprises conçoivent des annonces qui contiennent des informations
qui ne correspondent pas au potentiel du candidat recherché, ce qui laisse la porte ouverte à un
recrutement de vendeurs de moindre qualité.
418
Pour les vendeurs interrogés la diffusion d’informations n’est pas faite de façon optimale, et
ils ont le sentiment que l’entreprise dissimule volontairement ces informations pour attirer un
maximum de candidatures : « J’ai été recruté par un cabinet (…) avec tout le flou qu’il y a
dessus. On nous disait qu’on allait travailler pour entreprise prestigieuse (…) au moment du
recrutement il y a comme une nébuleuse, on vous dit c’est l’entreprise qui se chargera, ensuite
on vous dit que vous allez travailler pour une entreprise importante (…) Ce n’est que lorsque
débute la formation qu’on vous apprend que vous allez travailler comme vendeur indépendant ».
(Patrick)
L’entreprise attend le plus souvent que la sélection soit effective pour libérer l’information sur
la nature du travail à réaliser et le statut juridique des vendeurs. Les vendeurs sont devant le fait
accompli : « Au départ je ne savais pas ce qu’un vendeur indépendant, c’est après lorsqu’il était
question de nous expliquer en quoi consistait notre travail que j’ai fini par comprendre ».
(Fabien)
Les répondants reconnaissent qu’ils sont le plus souvent demandeurs sur le marché de
l’emploi, ce qui explique qu’a ce stade du processus de recrutement ceux qui acceptent de
continuer le font par défaut car ils n’ont vraiment pas le choix : « (…) on vous dit que vous allez
être vendeur indépendant, vous allez être payé à la commission et vous découvrez que le taux de
commissionnement s’élève à 1% de la valeur hors taxes et encore si vous ne faites pas de
remises ». (Patrick)
« Quand j’ai commencé, je ne savais pas que j’allais être indépendant. J’ai accepté ce
travail »(Albert)
Il arrive très souvent que la promesse d’un engagement définitif soit exprimée lors d’un
entretien afin de motiver les candidats diplômés qui présentent des profils intéressants : « (…) Ils
m’ont fait la promesse de me faire signer un CDI si je réalisais mes objectifs, mais j’ai constaté
qu’il n’en était rien alors je suis parti » (Mireille)
« (…) la promesse de devenir vendeur salarié n’est pas systématique, elle dépend de la situation
économique de l’entreprise ».
En phase de recrutement, le vendeur ne dispose pas toujours de l’information sur l’emploi
qu’il est appelé à occuper et les conditions de travail. Il découvre progressivement l’offre de
travail qui lui est faite et sa décision est motivée, soit par une promesse d’emploi salarié, soit par
les possibilités de gains qui s’offrent à lui.
419
2.3 La formation à la vente et l’apprentissage du métier
Les répondants considèrent que les formations sont proposées de façon restrictive. Si l’on
considère l’hétérogénéité des profils retenus lors des recrutements, on s’aperçoit qu’il existe un
besoin énorme de formation que les entreprises n’ont pas toujours l’intention de satisfaire en
totalité. Tout au plus, les vendeurs nouvellement engagés peuvent être encadrés par des anciens
qui veulent bien les aider, car ces vendeurs ne reçoivent pas de rémunération pour le travail
accompli.
Dans la palette des formations qui sont généralement destinées au vendeur, seuls les
formations sur les produits sont le plus souvent privilégiées. Les autres formations (négociation,
communication) sont étalées dans l’année car nécessitant des intervenants externes et souvent
des moyens importants ; « (…) nous n’avons pas été formé en tant que tel, l’entreprise nous
fourni une documentation que nous sommes tenus d’étudier afin de passer des tests de
connaissance ». (Fabien)
« (…) nous avons un mois de formation » (Albert)
Pour les personnes interrogées l’accompagnement est le moyen le plus fiable pour apprendre
le métier, mais l’évaluation à postériori du nouveau vendeur n’est pas systématique.
L’accompagnement peut être réalisé sur initiative du responsable ou à la demande du nouveau
auprès d’un ancien. Dans la réalité, l’accompagnement du nouveau vendeur se fait au gré des
contacts qu’il aurait établi : « (…) on m’a confié à un ancien qui m’a expliqué le travail (…)au
départ on partait le matin ensemble, il me montrait comment il prospectait, comment il réalisait
les entretiens avec les clients, comment il faut convaincre (…) comment aborder le client,
comment se comporter vis-à-vis d’un rejet (…) et puis aussi les procédures en interne
concernant l’achat jusqu'à la livraison, les taches que doit accomplir le commercial quand le
contrat est signé, le mode de paiement du véhicule, comment négocier les reprises… » (Fabien)
« (…) j’ai eu de la chance, j’ai trouvé quelqu’un qui a accepté de me suivre un moment »
(Patrick)
Pour certains répondants, le vendeur indépendant doit pouvoir assurer ses propres besoins en
formation, car de celle-ci dépend sa performance dans le travail : « (…) malheureusement,
l’entreprise est là pour faire CFA, elle n’a pas l’ambition de former (…) le fait d’être
indépendant, c’est un peu comme l’étudiant qui sort d’un lycée organisé et qui se retrouve livré
à lui-même dans une université. Il est perdu et a besoin d’une prise en main (…) le besoin de
formation est là, mais c’est aux gars de se former eux-mêmes car pour une entreprise une
formation ca coûte de l’argent et elle n’est pas prête à le faire à tout moment » (Patrick)
420
Les vendeurs considèrent que la formation qui leur est prodiguée est insuffisante et que
l’apprentissage qu’ils font auprès des anciens est essentiel dans l’acquisition des savoir-faire et
savoir-être. Cependant, ils estiment que le vendeur doit s’impliquer dans sa formation pour être
compétitif.
2.4 L’intégration dans l’équipe et dans l’entreprise
La formation d’une véritable équipe de vente au sein des forces de vente indépendantes est
souvent remise en cause par l’existence d’un climat de défiance entre les vendeurs et quelque
fois entre les vendeurs et leur responsable.
Les personnes interrogées estiment que lorsque les responsables commerciaux ne sont pas des
vendeurs de métier, ils ne sont pas proches des vendeurs : « le management n’est pas optimal, il
faut que l’encadrement soit outillé (…) le responsable commercial doit d’abord être un
vendeur » (Alexis)
« (…) généralement c’est des gens qui arrivent là par hasard (…) y a en qui connaissent un peu,
qui ont du métier, mais il y a aussi ceux qui sont là parce que c’est du copinage (…) vous avez là
un responsable commercial qui n’est pas vendeur à la base, c’est un ancien militaire. Qu’est ce
que vous voulez qu’il apporte, il n’a pas l’étoffe d’un vendeur » (Patrick)
En outre, il arrive que certains responsables se comportent en concurrent vis-à-vis des
vendeurs au lieu d’être un partenaire : « les relations sont tendues avec le responsable
commercial (…) si nous avons un problème avec un client, il s’approprie le dossier, réalise la
vente à notre place et encaisse la commission » (Alexis)
Il y a aussi une certaine défiance entre les anciens vendeurs et les nouveaux qui compliquent
l’intégration de ces derniers : « les jeunes qui arrivent ne font pas d’efforts pour se rapprocher
des anciens afin d’apprendre le métier » (Albert)
Par ailleurs, les vendeurs indépendants d’une même entreprise sont directement concurrents
sur le marché, ce qui crée un climat de tension interne : « (…) l’intégration du point de vue des
collègues est fermée (…) l’une des raisons c’est la concurrence, car celui qui arrive vient nous
prendre une partie du marché » (Alexis)
«(…) c’est une concurrence féroce (…) vous êtes d’avoir une bonne ambiance parce que c’est
une équipe commerciale, mais n’empêche que y en a qui sont tentés d’aller sur les plates bandes
des autres (…) ici la prospection ne se repartie pas de manière géographique (…) »
« Je m’intéresse aux résultats de l’équipe, mais je pense pas qu’on travaille en équipe. La
preuve c’est qu’il y a constamment des disputes sur des clients »
421
« Il ya quelque fois des tensions entre collègues dû à la compétition » (Roger)
Les répondants reconnaissent qu’ils ont dû s’investir personnellement pour établir des
relations au sein de l’équipe et de l’entreprise : « (…) personnellement je suis repassé voir
certains chefs de services et poser des questions sur le financement, je suis allé aussi dans les
ateliers discuter avec les responsables sur les problèmes mécaniques » (Roger)
« (…) moi, je me dis toujours que c’est la personne elle-même qui doit favoriser son
intégration » (Albert)
L’intégration des vendeurs au sein de leur équipe est rendue difficile par le climat de défiance
et la concurrence auxquelles ils sont soumis dans leur activité. Il appartient donc au vendeur de
rechercher les moyens qui lui permettent de mieux s’intégrer et d’accomplir efficacement son
travail.
3. Synthèse des résultats
En résumé, il ressort de cette étude exploratoire sur la socialisation des vendeurs indépendants
que :
Il n’y a pas de socialisation anticipée, car les individus ne désirent pas spontanément appartenir à
la corporation des vendeurs indépendants. Ceux qui acceptent de prendre cet emploi, le font pour
des raisons économiques et sociales. Ils ne disposent pas de connaissances préalables pour
exercer ce métier.
La socialisation a lieu essentiellement à travers les interactions voulues ou non entre les
nouveaux vendeurs et les personnes déjà en place dans l’entreprise. Les vendeurs apprennent à
partir de la confrontation qu’ils ont avec la réalité dans les situations de gestions suivantes :
diffusion de l’information, entretien de recrutement, accueil des nouveaux vendeurs, formation
en salle, l’accompagnement sur le terrain, réunion quotidienne de travail.
Les responsables commerciaux sont amenés à utiliser des moyens de recrutement sophistiqués
pour attirer les meilleurs profils. Cependant, ils reconnaissent ne pas faire assez d’efforts en
matière de formation pour des raisons économiques. Ils affirment l’existence de barrières
psychologiques qui peuvent constituer un frein à l’intégration des nouveaux vendeurs.
Les vendeurs affirment ne pas connaitre l’emploi qui leur ai proposé au moment où ils prennent
connaissance de l’emploi. Ils affirment prendre ces emplois pour des raisons économiques, mais
qu’ils demeurent pour deux raisons : la promesse d’un emploi salarié et les gains espérés.
422
Depuis son entrée dans l’entreprise le nouveau vendeur est confronté à son environnement de
travail, à travers les situations de gestion suivantes :
§ L’annonce de l’offre d’emploi
§ L’entretien de recrutement
§ L’accueil et présentation de l’entreprise
§ Réunions quotidiennes / hebdomadaires
§ La formation en salle
§ L’accompagnement sur le terrain
§ La prospection en équipe
§ Les fêtes en entreprise / détentes de l’équipe / etc.
Tableau récapitulatif des concepts évoqués au cours des entretiens
Thèmes abordés
Responsables commerciaux Vendeurs indépendants
Contexte socio-économique
et organisationnel.
- manque de vendeur qualifiés
-vendeur à leur premier emploi
- vendeurs permanents et exclusifs
- accompagnement financier
- besoin de s’assumer
- conditions de vie précaire
- appât du gain
- la liberté d’organisation
- gestion activité et carrière
Le recrutement et son
contenu
- bouche à oreille/cabinet
- Profils atypiques
- information incomplète/complète
- promesses difficile à tenir
- information insuffisante
- information dissimulée
- choix du travail par défaut
- promesses non tenues
La formation à la vente et
l’apprentissage du métier
- formation sommaire
- étude de la documentation
- programmation tardive
- le recours aux anciens
- formation restrictive
- accompagnement non évalué
- apprentissage lent
- prise en main personnelle
L’intégration dans l’équipe
et dans l’entreprise
- barrières psychologiques
-accueil et présentation des services
- ouverture aux activités réservées
aux salariés
- auto-exclusion des vendeurs
- climat de défiance
- concurrence interne
- responsable distant
- effort personnel d’intégration
423
Annexe 5: Listes complètes des résultats de l’analyse de regroupement
Tableaux des responsables commerciaux
GROUPE 1 Gérer autrement ...maintenir la gestion actuelle Qualité d’expression et de la communication
Bouche à oreille…l’annonce presse Disposer d’un espace de travail
Cibler les vendeurs expérimentés…diplômés Forte productivité
Définition d’une période d’essai Formation à la vente
Réunir quotidiennement les vendeurs Qualité de l’environnement de travail
Présence d’un fixe dans la rémunération Décision de rester dans l’équipe
Degré d réalisation de l’objectif Maintenir le vendeur…s’en séparer
Recruter par la DRH…le service commercial Acquérir des compétences
Recruter un indépendant…salarié Recruter journées portes ouverte…cabinet conseil
Concentrer le management sur le commercial Multiplier les gains
Niveau scolaire Cibler les talents
Maitriser les aspects techniques du travail Contrôler strictement l’activité des vendeurs
Expérience acquise dans la vente Prime de transport
Harmoniser le recrutement de l’entreprise Contexte de travail
Promettre un emploi salarié Renouveler les règles de travail
Connaissance effective…connaissance approximative de l’emploi proposé.
Sélection des candidat-vendeurs
Information véhiculée à l’entretien Minimisation des coûts
Devenir salarié de l’entreprise Attendre un meilleur emploi
Coopter par les anciens
GROUPE 2
Multiplier les emplois clandestins Défaut de règlement des clients
Accorder des prêts financiers Performance du vendeur
Conditions de travail Proposition d’emploi extérieur
Décision de quitter l’entreprise Paiement irrégulier des commissions
Bien être dans le travail Rechercher d’autres emplois d’indépendant
Motiver le travail Traitement administratif des commissions
Disposer d’un revenu Attitudes de fermeture des responsables
Instabilité de l’emploi Frustration des vendeurs
Fiabilité du vendeur Promesses non tenues
Violer la clause d’exclusivité Candidat hautement diplômés
Faire des efforts dans le travail Poursuivre les études
Ventes réalisées par le vendeur
GROUPE 3 Contrat d’exclusivité Pénurie de vendeurs qualifiés
Différences culturelles Esprit d’équipe
424
Procédures de rupture simplifiées Négocier les modalités de travail
Relation de confiance Sentiment d’être tenu à l’écart
Statut d’agent indépendant Changer de culture de travail
Impliquer le vendeur Comportement d’auto-exclusion
Rémunérer à la commission Participer aux activités sociales
Etroitesse du marché de l’emploi
GROUPE 4 Accompagnement le vendeur sur le terrain…le former en salle
Connaitre les produits
Echanger avec le superviseur Echanger avec les vendeurs séniors
Echanger avec les clients Initier des occasions de rencontre
Programme de formation de l’entreprise Visiter les services de l’entreprise
Transmettre des informations pertinentes Echanges avec acteurs de la chaine de vente
Connaitre l’entreprise S’ouvrir aux autres…s’isoler
Tableaux des nouveaux vendeurs
GROUPE 1
Besoin de s’assumer Disposer d’un revenu élevé Choisir de travailler comme indépendant Promesse d’un emploi salarié Multiplier les gains Maintenir le vendeur…s’en séparer Liberté d’organiser son travail Conjoncture économique Etablir de nouvelles relations Etablir des relations avec les autres vendeurs Performance du vendeur Acquérir une expérience professionnelle Décider de rester dans l’équipe Rechercher une autonomie financière Constituer un capital Passion du travail Subvenir à ses besoins Situation de précarité Notoriété et image de l’entreprise Espérer un meilleur traitement Relever les challenges Responsabilités familiales Devenir salarié Perte d’un emploi Absence d’opportunité d’emploi Politique sociales de l’entreprise Motiver le vendeur Fixe minimal
GROUPE 2
Décision de quitter l’entreprise Absence de reconnaissance
Conditions de travail Climat de travail
Commissions perçues Absence de considération
Consulter le fichier client Ventes réalisées par le vendeur
Absence d’un plan de carrière Travailler en équipe…travailler seul
Recherche un emploi complémentaire Esprit d’équipe
425
Concurrence entre vendeurs Travail administratif
Acquérir des compétences Défaut de règlement du client
Différence de traitement des vendeurs Remboursement du client
Relations avec les administratifs Système de gestion
Traiter les litiges avec les clients Partialité de la hiérarchie
Gestion de la relation client Statut d’indépendant
Proposition d’emploi à l’extérieur Faire des efforts dans le travail
Exercer un travail difficile Taux de commissionnement
Conflit dans l’équipe Sentiment d’être tenu à l’écart
Paiement irrégulier de la commission Rémunération à la commission
Frustrer le vendeur Priver le vendeur des actions initiées par lui
Travailler sur les mêmes clients Pression de la hiérarchie
Promesse non tenues
GROUPE 3
Information véhiculée lors du recrutement Connaitre l’entreprise Connaissance de l’emploi proposé Disponibilité du formateur Annonce presse…bouche à oreille Disposer de l’information en temps réel Accompagner le vendeur sur le terrain…le former en salle
Dynamisme du vendeur
Connaitre les produits Absence d’outils de communication Echanger avec les vendeurs séniors Connaitre les besoins des clients Attentes du vendeur Programme de formation Maitriser les aspects techniques du travail Créer des barrières psychologiques Rechercher l’information…l’attendre Coopter par un responsable de l’entreprise Echanger avec le superviseur Visiter les services de l’entreprise Réunir quotidiennement les vendeurs Connaitre les procédures de vente Connaitre les techniques de vente
GROUPE 4 Recruter par un cabinet conseil…le service commercial
Prime de transport
Cibler les candidats diplômés…expérimentés Aide financière temporaire
Négocier avec la hiérarchie Niveau scolaire
Posséder un carnet d’adresse Confiance en soi
Réaliser sa première vente Etablir de nouvelles règles de travail
Qualité de la supervision Sélectionner les candidats vendeurs
Résoudre les conflits dans l’équipe Contrôler l’activité des vendeurs
Prospecter la clientèle Expérience acquise dans la vente
Degré de réalisation de l’objectif
426
Tableaux des vendeurs séniors
GROUPE 1
Programme de formation peu structuré Cibler les vendeurs diplômés…expérimentés Accompagner le vendeur sur le terrain Travailler en équipe … Connaitre des produits Echanger avec les séniors Connaitre de l’entreprise Dimension commerciale… Connaitre des techniques de vente Recruter par un cabinet…service commercial Rechercher l’information…l’attendre Organiser des réunions quotidiennes Qualité de la supervision Résoudre les problèmes entre vendeurs Concurrence entre vendeurs Posséder un carnet d’adresses Compétition sur le terrain Prospecter les clients Sélection des candidats vendeurs Evaluer le nouveau vendeur Annonce presse…bouche à oreille Echanger avec le superviseur Connaissance de l’emploi proposé Contrôler les activités des vendeurs Information véhiculée lors du recrutement Inviter le vendeur à se remettre en cause Maitriser les aspects techniques du travail Expérience acquise dans la vente Connaitre les procédures de vente Formation à la vente Formation sur site Esprit d’équipe Transmission d’un savoir faire pratique Performance collective Confiance réciproque des membres Prédisposer à la vente Percevoir le nouveau comme un concurrent... Auto-formation du vendeur
GROUPE 2
Pression de la hiérarchie Instabilité de l’emploi Décider de quitter l’entreprise Conflits entre vendeurs Conditions de travail Frustration des vendeurs Exercer un travail difficile Promesse d’emplois non-tenus Idées préconçues sur le vendeur indépendant
Ne pas clarifier les règles de travail
Pression de la famille et des amis Ne pas atteindre les objectifs Conflits avec le superviseur Absence de soutien financier Proposition d’emploi à l’extérieur Taux de commissionnement
GROUPE 3
Ventes réalisées par le vendeur Passion du métier de vendeur Disposer de l’information sur le travail Reconnaissance des clients Acquérir des Compétences Attente d’un meilleur emploi Performance du vendeur Rechercher une occupation Décision de rester dans l’équipe Liberté d’organiser son travail Qualité de la relation avec la hiérarchie Bien être dans le travail
427
Niveau scolaire Accorder des prêts financiers Faire des efforts dans le travail Devenir salarié Maintenir le vendeur…s’en séparer Degré de réalisation de l’objectif Disposer d’un revenu élevé Réussite des anciens vendeurs
GROUPE 4
Compensation financière et matérielle Respecter les normes de l’entreprise Statut d’agent indépendant Manque à gagner financier Gérer en bon père de famille…gérer une affaire
Rémunération à la commission
Qualité des relations avec les nouveaux Vendeur expérimenté…vendeur peu Encadrer les nouveaux vendeurs… Comportement d’aide Temps que le vendeur séniors consacre Régulariser sa situation administrative Disponibilité du formateur
GROUPE 5
Climat de travail Mauvaise compréhension du travail à faire Dynamisme du vendeur Expérimenter la réussite…l’échec Motiver le nouveau vendeur S’ouvrir aux autres…paraitre suffisant Formation des barrières psychologiques Etablir des relations dans l’équipe Implication du vendeur
428
Annexe 6. Cartes des clusters des responsables commerciaux
Cluster 1.
3 Gérer autrementles vendeurs ...
maintenir la gestionactuelle
4 l'annonce presse... le bouche à
oreille
5 cibler desvendeurs
expérimentés ...diplômés
6 Définition d'unepériode d'éssai
7 Réunirquotidiennement les
vendurs
8 Avoir un fixe dansla rémunération
11 Degré deréalisation de
l'objectif
13 Recruter par lala DRH ... le
service commercial
14 Recruter unindépendant ... un
salarié
15 Concentrer lemanagement sur le
commercial
16 niveau scolaire
17 Maitriser lesaspects techniques
du travail
18 expérienceacquise dans la
vente
24 Harmoniser lerecrutement
34 Promettre unemploi salarié
36 Connaissance del'emploi proposé
38 Informationvéhiculé àl'entretien
43 Devenir salariéde l'entreprise
44 coopter par lesanciens
46 Qualité del'expression et dela communication
48 Disposer d'unespace de travail
50 Forteproductivité
53 formation à lavente
54 Qualité del'environnement de
travail
55 Décider de resterdans l'équipe
57 Maintenir levendeur ... s'en
séparer
60 Acquérir descompétences
63 Recruter par desjournées portes
ouvertes ... cabinetconseil
64 Multiplier lesgains
66 cibler lestalents
68 Contrôlerstrictementl'activités du
vendeur
70 Primes detransport
72 Contexte detravail
73 Renouveler lesrègles de travail
79 sélection descandidats-vendeurs
81 Minimiser lescoûts
83 Attendre unmeilleur emploi
-
-
-
-
-
Cluster 2.
2 Multiplier lesemplois clandestins
12 Accorder desprêts financiers
19 Conditions detravail20 Décider de partir
21 Bien être dansl'entreprise
22 motiver levendeur
27 Niveau de revenupeu satisfaisant
28 instabilité del'emploi occupé
29 Fiabilité duvendeur
31 violer la claused'exclusivité
32 Faire des effortsdans le travail
39 Ventes réaliséespar le vendeur
47 Défaut derèglement des
clients
56 performence duvendeur
58 Propositiond'emploi àl'extérieur
65 Paiementirrégulier descommissions
67 Rechercher unautre emploi
complémentaire
69 Traitementadministratif des
commissions
76 Attitudes deferméture desresponsables
77 frustration desvendeurs
78 promessesnon-tenues
80 candidatshautement diplômé
88 Poursuivre lesétudes
-
-
-
-
429
Cluster 3.
23 Acompagner sur leterrain ... former
en salle
25 Echanger avec lesuperviseur
35 Echanger avec lesclients
40 programme deformation del'entreprise
42 transmettre desinformations
pertinente sur letravail
52 Connaitre lestechniques de vente
59 connaitrel'entreprise
61 connaitre lesproduits
62 E<changer avecles vendeurs séniors
82 Initier desoccasion derencontres
84 Visiter lesservices del'entreprise
85 Echanger avec lesacteurs de la chainede commercialisation
87 s'ouvrir auxautres ... s'isoler
Cluster 4.
1 contratd'exclusivité
9 Différencesculturelles
10 procédure derupture simplifiée
26 Relation deconfiance
30 Statut d'agentindépendant
33 impliquer levendeur
37 Rémunérer à lacommission
41 Etroitesse dumarché de l'emploi
45 Pénurie devendeurs qualifiés
49 Esprit d'équipe 51 Négocier lemodalités de travail
71 sentimentd'exlusion
74 changer laculture de travail
75 comportementd'auto-exclusion
86 Participer auxacitivités sociales
-
-
-
-
430
Annexe 7. Cartes des clusters des nouveaux vendeurs
Cluster 1.
4 Besoin des'assumer
5 Choisir detravailler commeindépendant ...
salarié
11 Multiplier lesgains
12 Libertéd'organiser son
travail
13 Etablir denouvelles relations
23 Performance duvendeur
28 Décider de resterdans l'équipe
29 constituer uncapital
30 subvenir à sesbesoins
31 Notoriété etimage del'entreprise
36 Relever leschallenges
40 Devenir salarié
49 Absenced'opportunités
d'emploi
51 motiver levendeur
57 Disposer d'unrevenu élevé
58 Promessse d'unemploi salarié
68 Maintenir lacollaboration ... la
rompre
69 conjonctureéconomique
70 Relation avec lesautres vendeurs
71 Acquérir uneexpérience
professionnelle
72 Rechercher uneautonomie financière
73 Passion dutravail
78 Situations deprécarité
83 Epérer unmeilleur traitement
84 Responsabilitésfamilliales
85 Perdre un emploi
89 Politique socialede l'entreprise
98 Fixe minimal
-
-
Cluster 2.
8 Décider de partir
de l'entreprise
9 Conditions de
travail
10 Commissionsperçues
16 Consulter lefichier client
17 absence d'un plande carrière
18 rechercher unemploi
complémentaire
19 Concurrence entrevendeur
21 Acquérir des
compétences
22 Différence detraitement des
vendeurs
24 Relations avec
les administratifs
25 Traitement des
litiges avec lesclients
26 Gestion de larelation client
27 Propositiond'emploi àl'extérieur
32 Exercer untravail difficile
34 Conflits entre
vendeurs
38 Paiement
irrégulier de lacommission
39 Frustrer levendeur
47 travailler surles mêmes client
50 Promesses nontenues
52 Absence dereconnaissance
59 Climat de travail
60 Absence deconsidération
64 Ventes réaliséspar le vendeur
65 Travailler enéquipe ...
travailler enindividuel
66 Esprit d'équipe
75 Travailadministratif
81 Défaut règlementdu client
82 Remboursement duclient
86 Système de
gestion
87 Partialité de lahiérarchie
88 Statut d'agentindépendant
91 Faire des effortsdans le travail
93 Taux decommissionnement
95 Sentimentd'exclusiont
97 Rémunération àlacommission
101 Priver le
vendeur descommissions dues
103 Pression de lahiérarchie
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
431
Cluster 3.
1 Informationvéhiculée lors du
recrutement
2 connaissanceeffective ...
appriximative del'emploi proposé
7 Annonce presse ...le bouche à oreille
14 Accompagner surle terrain ...
former en salle
15 Connaitre lesproduits
33 Echanger avec lesvendeurs séniors
35 Attentes duvendeur
37 Maitriser lesaspects techniques
du travail
43 Rechercherl'information ...
l'attendre
44 Echanger avec lesuperviseur46 Réunions
quotidiennes detravail
53 Connaitre lestechniques de vente
54 Connaitre del'entreprise
55 Disponibilité duformateur
56 Disposer del'informations en
temps réel
74 Dynamisme dunouveau vendeur
77 Absence d'outilsde communication
80 Connaitre lesbesoins des clients
96 Programme deformation
99 Créer desbarrières
psychologiques
100 Coopter par unresponsables de
l'entreprise 104 Visiter lesservices del'entreprise
105 Connaitre lesprocédures de vente
-
-
-
-
Cluster 4.
3 recruter par uncabinet conseil ...
le servicecommercial
6 Cibler descandidats diplômés
... expérimentés
20 Négocier avec lahiérarchie
41 Posseder uncarnet d'adresse
42 Réaliser sapremière vente
45 Qualité de lasupervision
48 Résoudre lesconflits dans
l'équipe
61 Prospecter laclientèle
62 Degré deréalisation de
l'objectif
63 Prime detransport
67 Aide financieretemporaire
76 Niveau scolaire
79 Confiance en soi
90 Etablirdenouvelles règles
de travail
92 Séléctionner lescandidats- vendeurs
94 Contrôlerl'activité du
vendeur
102 Expérienceacquise dans la
vente
432
Annexes 8. Cartes des clusters des vendeurs séniors
Cluster 1.
1 Programme deformation peu
structuré3 Accompagner le
vendeur sur leterrain ... le
former en salle
4 connaitre lesproduits
5 connaitrel'entreprise
6 connaitre lestechniques de vente
10 Rechercherl'information ...
l'attendre
13 Qualité de lasupervision
14 concurrence entrevendeurs
19 Compétition surle terrain
23 sélection descandidats-vendeurs
24 annonce presse... bouche à oreille
25 connaissance del'emploi proposé
26 Informationvéhiculé lors du
recrutement
30 Maitriser lesaspects techniques
du travail
31 Connaitre lesprocédures de vente
32 Formation sursite
33 Transmission d'unsavoir faire
pratique
39 Confianceréciproque des
membres
49 Percevoir lenouveau comme un
concurrent ... unéquipier
50 Cibler lesvendeurs diplômés
... expérimentés
52 Travailler enéquipe ...
travailler enindividuellement
53 Echanger avec lesvendeurs séniors
57 Dimensioncommerciale ... les
aspectsentrepreneurials
64 recruter par uncabinet conseil ...
le servicecommercial
67 Organiser desréunions quotidienne
68 Résoudre lesconflits entre
vendeurs
69 Posséder uncarnet d'adresses
70 Prospecter lesclient
71 Evaluer lenouveau vendeur
74 Echanges avec lesuperviseur
75 Contrôler lesactivités des
vendeurs
77 Inviter levendeur à se
remettre en cause... le renvoyé
78 expérienceacquise dans la
vente83 Formation à la
vente
84 Esprit d'équipe
88 Performancecollective
89 Prédisposer à lavente
92 Auto-formation duvendeur
-
-
-
-
-
Cluster 2.
15 Pression de la
hiérarchie
17 Décider de partir
18 conditions de
travail
41 Exercer un
travail difficile
42 idées préconçues
sur le travail
d'indépendant
43 Pression de la
famille et des amis
46 Conflit avec le
superviseur
58 Proposition
d'emploi à
l'extérieur
59 Instabilité de
l'emploi
66 conflits entre
vendeurs
72 frustration des
vendeurs76 promesse non
tenue
85 Ne pas Clarifier
les règles de
travail
86 Non atteinte des
objectifs
90 Absence de
soutien financier
96 Taux de
commissionnement
433
Cluster 3.
7 Ventes réaliséespar le vendeur
8 Disposer del'Information sur le
travail
9 Acquérir desCompétences
16 Performance duvendeur
20 Décider de rester
21 qualité de larelation avec la
hiérarchie
22 niveau scolaire
35 Faire des effortsdans le travail
37 Manitenir levendeur ... s'en
séparer
44 Niveau de revenuélevé
45 Passion du métier
56 Reconnaissancedes clients
60 Attente d'unmeilleur emploi
61 Rechercher uneoccupation
65 libertéd'organiser son
travail
73 bien-être dans letravail
80 Accorder des prêtfinanciers
91 Devenir salarié
93 Degré deréalisation de
l'objectif
95 Réussite desanciens vendeurs
Cluster 4.
2 Compensationfinancière et
matérielle
28 Statut d'agentindépendant
29 Gérer en bon pèrede famille ... Gérer
une affaire
36 qualité desrelations avec les
nouveaux
47 Encadrer les
nouveaux vendeurs... les laisser sedébrouiller seuls
48 Temps consacré àla vente
51 Disponibilité duformateur
54 Respecter les
normes de travail del'entreprise
55 Manque à gagnerfinancier 79 Rémunération à la
commision
81 Vendeursexpérimentés
82 Comportement
d'aide
94 Régulariser sasituation
administrative
-
-
Cluster 5.
11 climat de travail
12 Dynamisme duvendeur
27 motiver levendeur
34 Formation desbarrières
psychologiques38 Impliquer le
vendeur
40 Mauvaisecompréhension du
travail à faire
62 Expérimenter laréussite ... l'échec
63 s'ouvrir aux
autres ... paraitresuffisant
87 Etablir desrelations dans
l'équipe
-
-
434
Annexe 9. Carte cognitive collective des nouveaux vendeurs
1 Informationvéhiculée lors du
recrutement
2 connaissanceeffective ...
appriximative del'emploi proposé
3 recruter par uncabinet conseil ...
le servicecommerc ial
4 Besoin des 'assumer
5 T ravail ler commeindépendant ...
salarié
6 Cibler descandidats diplômés
... expérimentés
7 Annonce presse ...le bouche à oreille
8 Déc ider de partirde l 'entreprise
9 Conditions detravail
10 Commissionsperçues
11 Multiplier lesgains
12 Libertéd'organiser son
travail
13 Etablir denouvelles relations
14 Accompagner surle terrain ...
former en salle
15 Connaitre lesproduits
16 Consulter lefichier c l ient
17 absence d'un plande carrière
18 rechercher unemploi
complémentaire
19 Concurrence entrevendeur
20 Négocier avec lahiérarchie
21 Acquérir descompétences
22 Différence detraitement des
vendeurs
23 Performance duvendeur
24 Relations avecles administratifs
25 T raitement deslitiges avec les
c lients
26 Gestion de larelation c lient
27 Propositiond'emploi àl 'extérieur
28 Décider de res terdans l 'équipe
29 constituer uncapital
30 subvenir à sesbesoins
31 Notoriété etimage del'entreprise
32 Exercer untravail diffic i le
33 Echanger avec lesvendeurs séniors
34 Confl its entrevendeurs
35 Attentes duvendeur
36 Relever leschallenges
37 Maitriser lesaspects techniques
du travail
38 Paiementirrégulier de lacommiss ion
39 Frustrer levendeur
40 Devenir salarié
41 Posseder uncarnet d'adresse
42 Réaliser sapremière vente
43 Rechercherl 'information ...
l 'attendre
44 Echanger avec lesuperviseur
45 Qualité de lasupervis ion
46 Réunionsquotidiennes de
travail
47 travail ler surles mêmes c lient
48 Résoudre lesconfli ts dans
l'équipe
49 Absenced'opportunités
d'emploi
50 Promesses nontenues
51 motiver levendeur
52 Absence dereconnaissance
53 Connaitre lestechniques de vente
54 Connaitre del'entreprise
55 Disponibil i té duformateur
56 Disposer del'informations en
temps réel
57 Disposer d'unrevenu
58 Promessse d'unemploi salarié
59 Climat de travail
60 Absence deconsidération
61 Prospecter lac lientèle
62 Degré deréalisation de
l'objectif
63 Prime detransport
64 Ventes réaliséspar le vendeur
65 T ravail ler enéquipe ...
travail ler enindividuel
66 Esprit d'équipe
67 Aide financ ieretemporaire
68 Maintenir lacollaboration ... la
rompre
69 conjonctureéconomique
70 Relation avec lesautres vendeurs
71 Acquérir uneexpérience
profess ionnelle
72 Rechercher uneautonomie financière
73 Pass ion dutravail
74 Dynamisme dunouveau vendeur
75 T ravailadministratif
76 Niveau scolaire
77 Absence d'outi lsde communication
78 Situations deprécarité
79 Confiance en soi
80 Connaitre lesbesoins des clients
81 Défaut règlementdu c lient
82 Remboursement duc lient
83 Epérer unmeil leur traitement
84 Responsabil i tésfamill iales
85 perte d'un emploi
86 Système degestion
87 Partialité de lahiérarchie
88 Statut d'agentindépendant
89 Politique soc ialede l 'entreprise
90 Etablirdenouvelles règles
de travail
91 Faire des effortsdans le travail
92 Séléc tionner lescandidats- vendeurs
93 T aux decommiss ionnement
94 Contrôlerl 'activité du
vendeur
95 Sentimentd'exclusiont
96 Programme deformation
97 Rémunération àlacommiss ion
98 Fixe minimal
99 Créer desbarrières
psychologiques
100 Coopter par unresponsables de
l'entreprise
101 Priver levendeur des
commiss ions dues
102 Expérienceacquise dans la
vente
103 Pression de lahiérarchie
104 Vis iter lesservices del'entreprise
105 Connaitre lesprocédures de vente
-
--
-
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435
Annexe 10. Carte cognitive collective des vendeurs séniors
1 Programme deformation peu
structuré2 Compensation
financ ière etmatériel le
3 Accompagner levendeur sur leterrain ... le
former en salle
4 connaitre lesproduits
5 connaitrel 'entreprise
6 connaitre lestechniques de vente
7 Ventes réaliséespar le vendeur8 Disposer de
l 'Information sur letravail
9 Acquérir desCompétences
10 Rechercherl 'information ...
l 'attendre
11 c limat de travail
12 Dynamisme duvendeur
13 Qualité de lasupervis ion
14 concurrence entrevendeurs
15 Pression de lahiérarchie
16 Performance duvendeur
17 Déc ider de partir
18 conditions detravail
19 Compétition surle terrain
20 Déc ider de rester
21 qualité de larelation avec la
hiérarchie
22 niveau scolaire
23 sélec tion descandidats-vendeurs
24 annonce presse... bouche à oreil le
25 connaissance del 'emploi proposé
26 Informationvéhiculé lors du
recrutement
27 motiver levendeur
28 Connaitre les tatut d'agentindépendant
29 Organisationparticulière se son
activité
30 Maitriser lesaspects techniques
du travail
31 Connaitre lesprocédures de vente
32 Formation surs ite
33 T ransmiss ion d'unsavoir faire
pratique
34 Formation desbarrières
psychologiques
35 Faire des effortsdans le travail
36 qualité desrelations avec les
nouveaux
37 Manitenir levendeur ... s 'en
séparer
38 Impliquer levendeur
39 Confianceréc iproque des
membres
40 Mauvaisecompréhens ion du
travail à faire
41 Exercer untravail diffic ile
42 idées préconçuessur le travaild'indépendant43 Pression de la
famille et des amis
44 Niveau de revenu
45 Pass ion du métier
46 Confl it avec lesuperviseur
47 Encadrer lesnouveaux vendeurs
... les laisser sedébrouil ler seuls
48 T emps quel 'anc ien vendeur neconsacre pas à faire
son travail
49 Percevoir lenouveau comme un
concurrent ... unéquipier
50 Cibler lesvendeurs diplômés
... expérimentés
51 Disponibi l i té duformateur
52 T ravail ler enéquipe ...
travailler enindividuellement
53 Echanger avec lesvendeurs séniors
54 respecter lesnormes de travail de
l 'entreprise
55 Manque à gagnerfinanc ier
56 Reconnaissancedes cl ients
57 Dimens ioncommerc iale ... les
aspectsentrepreneurials
58 Propos itiond'emploi àl 'extérieur59 Ins tabili té de
l 'emploi
60 Attente d'unmeil leur emploi
61 Rechercher uneoccupation
62 Expérimenter laréussite ... l 'échec
63 s 'ouvrir auxautres ... paraitre
suffisant
64 recruter par uncabinet conseil ...
le servicecommerc ial
65 l ibertéd'organiser son
travail
66 confl i ts entrevendeurs
67 Organiser desréunions quotidienne
68 Résoudre lesconfli ts entre
vendeurs
69 Posséder uncarnet d'adresses
70 Prospecter lesc lient
71 Evaluer lenouveau vendeur
72 frus tration desvendeurs
73 bien-être dans letravail
74 Echanges avec lesuperviseur
75 Contrôler lesactivités des
vendeurs
76 promesse nontenue
77 Inviter levendeur à se
remettre en cause... le renvoyé
78 expérienceacquise dans la
vente
79 Rémunération à lacommision
80 Accorder des prêtfinanc iers
81 Vendeursexpérimentés
82 Comportementd'aide
83 Formation à lavente
84 Esprit d'équipe
85 Ne pas Clarifierles règles de
travail 86 Non atteinte desobjectifs
87 Etablir desrelations dans
l 'équipe
88 Performancecollec tive
89 Prédisposer à lavente
90 Absence desoutien financier
91 Devenir salarié
92 Auto-formation duvendeur
93 Degré deréalisation de
l 'objectif
94 Régulariser sas ituation
administrative
95 Réussite desanc iens vendeurs
96 T aux decommiss ionnement
-
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436
Annexe 11. Carte cognitive collective des responsables commerciaux
1 contratd'exclusivité 2 Multipl ier les
emplois clandestins
3 Gérer autrementles vendeursindépendants
4 le bouche àoreille ...
l 'annonce presse
5 c ibler desvendeurs
expérimentés ...diplômés
6 Définition d'unepériode d'éssai
7 Réunirquotidiennement les
vendurs
8 Avoir un fixe dansla rémunération
9 Différencesculturelles
10 procédure derupture s implifiée
11 Degré deréalisation de
l 'objectif
12 Accorder desprêts financ iers
13 Recruter par lala DRH ... le
service commercial
14 Recruter unindépendant ... un
salarié
15 Concentrer lemanagement sur le
commerc ial
16 niveau scolaire
17 Maitriser lesaspects techniques
du travail
18 expérienceacquise dans la
vente
19 Conditions detravail
20 Décider de partir
21 Bien être dansl 'entreprise
22 motiver levendeur
23 Acompagner sur leterrain ... former
en salle
24 Harmoniser lerecrutement
25 Echanger avec lesuperviseur
26 Relation deconfiance
27 Niveau de revenu
28 instabil i té del 'emploi occupé
29 Absence defiabil i té du vendeur
30 Statut d'agentindépendant
31 violer la c laused'exclusivité
32 Faire des effortsdans le travail
33 impliquer levendeur
34 Promettre unemploi salarié
35 Echanger avec lesc lients
36 Connaissanceeffective ...
approximative del 'emploi proposé
37 Rémunérer à lacommiss ion
38 Informationvéhiculé àl 'entretien
39 Ventes réaliséespar le vendeur
40 programme deformation del 'entreprise
41 Etroitesse dumarché de l 'emploi
42 transmettre desinformations
pertinente sur letravail
43 Devenir salariéde l 'entreprise
44 coopter par lesanc iens
45 Pénurie devendeurs qualifiés
46 Qualité del 'express ion et dela communication
47 Défaut derèglement des
c lients
48 Disposer d'unespace de travail
49 Esprit d'équipe
50 Forteproductivité
51 Négocier lemodalités de travail
52 Connaitre lestechniques de vente
53 formation à lavente
54 qualité del 'environnement de
travail
55 Décider de resterdans l 'équipe
56 performence duvendeur
57 Maintenir levendeur ... s 'en
séparer
58 Propos itiond'emploi àl 'extérieur
59 connaitrel 'entreprise
60 Acquérir descompétences
61 connaitre lesproduits
62 échanger avec lesvendeurs séniors
63 recruter par desjournées portes
ouvertes ... cabinetconseil
64 Multipl ier lesgains
65 Paiementirrégulier descommiss ions
66 cibler lestalents
67 Rechercher unautre emploi
complémentaire
68 Contrôlers trictementl 'activités du
vendeur
69 T raitementadministrati f des
commiss ions
70 Primes detransport
71 sentimentd'exlus ion
72 Contexte detravail
73 Renouveler lesrègles de travail
74 changer laculture de travail
75 comportementd'auto-exclusion
76 Atti tudes deferméture desresponsables
77 frustration desvendeurs
78 promessesnon-tenues
79 sélection descandidats-vendeurs
80 candidatshautement diplômé
81 Minimiser lescoûts
82 Initier desoccas ion derencontres
83 Attendre unmeilleur emploi
84 Visiter lesservices del 'entreprise
85 Echanger avec lesacteurs de la chainede commerc ial isation
86 Partic iper auxacitivités soc iales
87 s'ouvrir auxautres ... s 'isoler
88 Poursuivre lesétudes
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