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245 Transnational Associations Associations transnationales Les langues dans la régionalisation du monde par Sophie Fisher page 247 Civil society in favour of language diversity : unity for the Cause by Denis Cunningham page 249 Figures de linguistes dans la société civile par Françoise Gadet page 261 Ethnicité et culture : l'alliance à plaisanterie comme forme de culture ciment entre les ethnies au Burkina Faso par Alain Sissao page 269 International Relations and its languages: a transdisciplinary perspective by Paul Ghils page 283 *** Une révolution démocratique : l'émergence de l'Union européenne by Dusan Sidjanski page 291 Services sociaux d’intérêt général et droit communautaire par Marianne Dony page 299 Book reviews Recensions page 309 Association News Vie associative page 313 New international organisations Nouvelles organisations internationales page 322 Index page 323 Contents 4/2004 Sommaire

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Page 1: Contents 4/2004 Sommaire - UIA

245

Transnational AssociationsAssociations transnationales

Les langues dans la régionalisation du mondepar Sophie Fisherpage 247

Civil society in favour of language diversity : unity for the Causeby Denis Cunninghampage 249

Figures de linguistes dans la société civilepar Françoise Gadetpage 261

Ethnicité et culture : l'alliance à plaisanterie comme forme deculture ciment entre les ethnies au Burkina Fasopar Alain Sissaopage 269

International Relations and its languages: atransdisciplinary perspectiveby Paul Ghilspage 283

***

Une révolution démocratique : l'émergence de l'Union européenneby Dusan Sidjanski page 291

Services sociaux d’intérêt général et droit communautairepar Marianne Dony page 299

Book reviewsRecensionspage 309

Association NewsVie associativepage 313

New international organisationsNouvelles organisations internationalespage 322

Indexpage 323

Contents 4/2004 Sommaire

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Dear Subscribers,

We regret to inform you that this issue will be the last issue of Transnational Associations to bepublished in printed form.

From 2005, the journal will be available and distributed electronically. It is now integrated intoa system of online access to all issues of Transnational Associations (or its predecessors) dating backto 1949. Articles will also be accessible online via the associated bibliographical data base (throughsubscriptions to the online version of our Yearbook of International Organizationshttp://www.uia.org/db).

Electronic versions of all past issues can be purchased. The contents index can be freely browsedand searched in the Transnational Associations Online Database (http://www.uia.org/ta/online.php)

A nos lecteurs

Nous avons le regret d’annoncer à nos lecteurs que ce numéro est le dernier d’Associations transna-tionales à paraître sous forme imprimée.

A partir de 2005, Associations transnationales (et les versions antérieures de cette publication depuis1949) sera accessible en format électronique sur notre site à l’adresse http://www.uia.org/ta/online.phpet sera distribué aux abonnés sous cette forme. Les articles seront accessibles par la même voie à partir dela banque de données biliographiques (par abonnement à la version en ligne du Yearbook ofInternational Organizations (http://www.uia.org/db).

Les versions électroniques des anciens numéros peuvent être achetées. L’index des sommaires peut êtreparcouru gratuitement et faire l’objet d’une recherche sur le site d’Associations transnationales àl’adresse indiquée ci-dessus.

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angues “nationales”, “internationales, “régio-nales” , “locales”... la liste des propriétes attri-buées aux langues est longue, elle interroge

toutes les sciences sociales et se heurte à unenouvelle donne: le dépassement des frontièresconstruites généralement aux XIXème etXXème siècles aussi bien par la création de“‘nations” que par la décolonisation qui induitun processus semblable. Aujourd’hui l’empires’appelle “marché”, (cf.”commun européen” ouMercosur) et cela implique une redistributiondans la “nomadisation” linguistique.

Le panorama que j’essayerai de présenterconcerne en premier lieu ce qui est “hors” de laFrance métropolitaine et des territoires qui lacomposent. Car si nous abordons la question decette manière c’est qu’en parcourant espaces etcontinents qui se trouvent actuellement en liti-ge, la question linguistique se pose de manièreaigüe : ou nous acceptons un monoliguisme uti-litaire, une langue véhiculaire générale -ce quiélmite histoire et identités- ou nous essayons decerner quels espaces linguistiques se dessinentdans cette nouvelle restructuration des espacesmondiaux. C’est à cela que nous avons songé enconstruisant cette recherche en commun avecdes spécialistes de diverses langues1.

Le monde et les langues....

Le point de départ a été l’étude des situationsde certaines régions européennes, en particulierles questions posées en Espagne par la diversitédes langues (espagnol mais aussi catalan, basqueet galicien) et le découpage politique en régionsautonomes, problèmes politiques posés par lefranquisme et le postfranquisme. Il est impor-tant de signaler dans ce cas l’importance de loca-lismes (anciens “patois”) vis-à-vis de langues àtradition écrite ancienne, sans oublier la ques-tion de la koyné dans les deux Amériques.2

Situation fort différente de la France métropoli-taine où le statut des langues n’est pas interprétéde la même façon.

Dans certaines zones de conflits, par exemple enAfghanistan3 les langues s’installent dans une géo-graphie particulière où les vallées et les pas dans lesmontagnes isolent et développent une grandediversité de langues, une situation qui s’imm-

brique avec la préeminence du politico-religieux.Par exemple, le pashtun, est la langue d’une tribu,d’un groupe, qui peut être ou non dominant enfonction des rapports de force du moment.

Le problème en Afrique de la superposition his-torico-politico-coloniale a été vu en considérantl”économie politique des langues et les politiqueslinguistiques en Afrique centre-orientale” où l’in-stabilité (par exemple le génocide ruandais) et lesdéplacements de population succèdent à une sta-bilité relative qui a duré du XIIème au XVIIèmesiècles, moment où le swahili apparaît commeune langue véhiculaire dans des aires où l’on trou-ve aussi l’arabe et des langues bantoues ainsi quedes langues européennes comme le portugais4.

En ce qui concerne l’arabe et ses variétés dialec-tales, Djamel Kouloughli5 travaillant avec lanotion poétique d’Arabia dans un monde de 300millions d’arabophones s’interroge : de quel“arabe” s’agit-il ? De la circulation d’une langue àtravers un texte sacré, une langue à énorme dis-tance des “parlers” locaux, ne serait-ce que par lapregnance de l’oralité chez ces derniers? Oralitéprésente elle aussi dans les “itinéraires berbères”de Hassan Jouad6 , qui montrent les rapportsentre mélodie et scansion dans la diffusion oraledu Coran. Ce qui met en lumière d’autres phé-nomènes liés à l’analphabétisme, à la relation dedépendance des femmes sans oublier la situationdu berbère comme langue minoritaire – et mino-rée – en pays arabophones.

Les travaux de Lia Varela7, montrent commentle français a construit -et essayé de conserver-un espace d’intérêt renouvelé, à travers différentsmodèles de diffusion, comme ceux de l’AllianceFrançaise ou, au XIXème siècle, de l’AllianceIsraélite Universelle, merveilleux exemple de dif-fusion d’une langue fille des lumières, vers despopulations minorisées dans les pays où ellesrésidaient, comme le monde turc ou les“marches” de l’est européen.

La France et les siennes....

Si le territoire européen de la France est lesocle de ce qu’on appelle actuellement langues“régionales” au sens strict, certaines ne sont riend’autre que des formes particulières des grandeslangues latines: le corse, le catalan, les langues

*Ecole des Hautes Etudesen Sciences Sociales,Centre de LinguistiqueThé[email protected] de la contributionfaite en espagnol auCongrès internacional“ Políticas Culturales eintegración regional”,Facultad de Filosofía yLetras y Facultad deCiencias Sociales,Universidad de BuenosAires, 2004.

1. Ce “parcours” a étél’objet de plusieursannéees du Séminaire duCentre de LinguistiqueThéorique de l’EHESS,animé par Pierre Encrevéet moi-même. Nous don-nerons le nom et l’apparte-nance institutionnelle descollègues qui ont présentéleur recherche et nous lesremercions à nouveau deleur collaboration.2. Covadonga LópezAlonso, UniversidadComplutense de Madrid3. Daniel Septfonds,INALCO. Ce dernikerdisait, de retour d’unséjour en Afghanistan que,dans la nouvelle situation,l’isolement linguistiquetraditionnel des valléeslaisse place à un emploivéhiculaire de l’anglais.4. José Kagabo- Centred’Etudes Africaines,EHESS5. Djamel Kouloughli,CNRS-ENS Lyon6. Hassan Jouad, CRAL,EHESS7. Lia Varela, EHESS-UBA

Associations transnationales4/2004, 247-248

Les langues dans la régionalisation du mondePolitique(s) linguistique(s) entre situation “interne” et discours pourl’extérieur

par Sophie Fisher *

247

L

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d’”oc” par exemple, germaniques comme l’alsa-cien, ou le “ picard”8 l’une des langues d’’”oïl”.Or la loi du 11 Floréal An X (1er. mai 1802)condamne l’usage des patois, suivie en 1881 parla loi d’enseignement “gratuit, laïc et obligatoi-re” qui non seulement enseigne le français maisréprime l’usage des langues régionales. Ce n’estqu’en décembre 1941 que le gouvernemenetcollaborateur de Vichy “autorise les institutuersà organiser, “dans les locaux scolaires, en dehorsdes heures de classe, des cours facultatifs delangues dialectales”9 Il serait intéressant de s’in-terroger sur les raisons à ce moment-là, d’allerchercher dans les langues les “racines” de lapopulation du territoire métropolitain...

Car la France est le dernier empire, un empireconstruit entre les XVIIéme et XIXème siècleshors d’Europe et en Europe avec l’aventurenapoléonienne. Si nous prenons ce terme ausens strict, la question des diverses communau-tés et de leurs langues, devient inévitable.

De là, peut-être, la justification de l’étonnementdevant le rapport sur les langues de France fait parB. Cerquiglini : il répertoriait 75 différenteslangues. Elle couvrent une bonne partie de la pla-nète, car hors des zones où les divers “français” separlent comme langue nationales: Belgique, Suisse,Canada, il y a les territoires d’Amérique(Guadeloupe, Antilles, etc.) mais aussi du Pacifique.C’est là où se présentent des zones d’interfaces bienplus riches que celles qui existent en métropole. Enoutre elles présentent pour les linguistes un énormeintérêt car il s’agit d’aires où la diversité est énorme.

Par ailleurs, certaines langues des émigrés -etqui sont langue officielle de pays reconnus- sontenseignées à l’école comme “langues étrangères”mais pas encore avec le même statut que les“grandes” langues du monde. Il s’agit du chi-nois, du viêtnamien, du cambodgien, pour par-ler des anciennes colonies en Asie. Mais il reste

aussi des langues véhiculaires d’autres ex-empires, comme celle des émigrés srilankais, letamul, ou le urdu des pakistanais lesquels trèssouvent ont des problèmes pour régulariser leursituation en France. Et nous laissons de côté lesinnombrables langues africaines qui n’ont mêmepas de statut dans leur propre pays.

Car, comment accède-t-on aux langues à statut?comment se fait le passage de la “transcription” àl’écriture ? C’est le même type de problème qui sepose avec des langues non transcrites -et histori-quement coloniales- comme l’on voit dans les tra-vaux sur le palikur10, langue en Guyane françaiseet qui se parle sur les deux rives du fleuve quiunit/sépare celle-ci du Brésil. Il s’agit d’unelangue arawak (groupe linguistique qui s’étendsur une bonne partie de l’Amérique du sud), unede celles qu’essayent de “domestiquer” , c’est-à-dire, de transcrire et de grammatiser les linguistesafin de pouvoir -peut-être- les enseigner.

In fine...

Les parcours ont le privilège de l’inachevé.Dans notre cas nous avons essayé de dépasser lesfrontières actuelles des pays en un temps où lamondialisation s’impose à travers le supportécrit-visuel des “ordinateurs”, ou “computers”,belles métaphores pour indiquer la force du“compter” et de mettre de l’”ordre” lorsque lescritères d’appartenance changent plus vite queles frontières écrites par l’histoire. D’où la néces-sité de réinterpréter les frontières linguistiques,de considérer dans leur fragilité les bords et lesfrontières établis.

Et de ne pas oublier la question posée parAlphonse de Candolle11 en 1873:”Avantage pourla science d’une langue dominante, et laquelle deslangues modernes sera nécessairement dominanteau XXème siècle”. Réponse: l’anglais.

8. Jean-Michel Eloy,Université de Picardie9. Jean Sibille, Les languesrégionales, Dominos,Flammarion, 2000. Il pré-cise que “ cet enseigne-ment demeura à l’état deprojet et l’arrêté lui-mêmepassa inaperçu”, p. 19.10. G. Bergougnioux,Université d’Orléans11. Alphonse de Candolle,1873: “Avantage pour lascience d’une langue domi-nante, et laquelle deslangues modernes sera néces-sairement dominante auXXème siècle”. , in Histoiredes Sciences et des savantsdepuis deux siècles, Corpusdes œuvres de philosophieen langue française,Fayard, 1987, 295 et ss.

248

Bibliographie complémentaire

Bollman, Y. (2001). La bataille des langues enEurope, Paris: Bartillat.

Branca-Rosoff,S. (2001).(sous la direction).L’institution des Langues. Autour de Renée Balibar,Paris: ed. MSH.

Kersaudy, G. (2001). Langues sans frontières. A la

découverte des langues de l’Europe, Paris :Autrement, Frontières.

Les Temps Modernes (1973), Minorités nationales enFrance, n° 324-325-326, août-septembre, Paris.

_______________ (2000), Langues d’enfance,langues d’en France, n° 608, 55ème année, mars-avril, Paris.

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The Global context

Let us begin with some facts on the global sit-uation!• 800 million adults are illiterate• one in four women are illiterate • 100 million children don’t attend school, with

another 120 million doing so rarely and let usplace this in perspective!

• since 1945, an estimated US$8 trillion hasbeen spent on nuclear weapons, but the esti-mated public expenditure on education worldwide represents less than 0.5% of this amount

• according to some estimates the world wouldneed to spend an additional $7 billion per yearon average for the next ten years to educate allchildren. This is less than the amount spentannually on cosmetics in the United States oron ice cream in Europe

(UIS 2000:22)

Challenge

s the global population moves through 6billion towards 7 billion - and is expected toincrease more rapidly than in the past - the

earth is becoming increasingly crowded, placingunprecedented demand on resources.

The special challenge to those of us who areagents of change, promoting linguistic diversityand intercultural harmony, is that many of ourglobal co-inhabitants fail to recognise the role,potential and value of multilingualism in effect-ing peace in what is - or must be - a multicul-turally rich and interdependent globe. What isrequired is a marked philosophical shift in theattitudes of those who foster monolingualismand linguistic hegemony, of those who place thedollar before the person, of those who promoteglobalisation at the expense of the individual, ofthose who carry out economic rationalism inignorance of humanitarian well-being, of thosewho would harbour a desire for war-mongeringin the denial of peace, of those who underwriteeconomic conglomerates to the detriment of theenvironment - our home!

We cannot underestimate the enormity of thechallenge, as it is immense.

In this paper, I would like to focus initially onlanguages, which stretch along the linguistic

continuum of language power from globalEnglish at one extreme to language death at theother. From this foundation, I would like toconsider areas such as policy, education, andexpertise to identify the role that civil society -and especially associations - might have in thedesign, implementation and review of languagediversity. “Civil society” is defined for this spe-cific context as “those independent, non-politi-cal, private organisations, groups, associations,institutions, etc, that participate effectively inlanguage policy processes”.

Languages

At the end of the twentieth century the globeretained a rich linguistic heritage of an estimat-ed 6000 languages. Others placed the figure aslow as 3000 or as high as 10000. The discrep-ancy may appear extreme, but debate continueson the integrity of languages and the demarca-tion between language, pidgin, Creole anddialect, among other factors.

With 6000 languages across the globe, weshould be happy but, as linguists, we are not.

In an ideal world, 6000 languages spreadevenly across 6 billion potential speakers couldlead to 1 million speakers of each, possiblyensuring the continuity of all languages . . . butthe world is not like that, is it?

The reality is very different, with a continuumof language strength stretching between Englishat one end and, at the other, the next languageto disappear from the globe. The vitality of alanguage depends not only on the number ofspeakers but on a range of factors that impact onlanguage choice. There are more native speakersof Chinese across the globe, for example, butone still speaks of English as the global language.While the initial inroads historically were mili-tary, the emergence of English as the global lan-guage in the second half of the twentieth centu-ry has been underpinned by more than militarymight. Other critical factors include: prosperity,commerce, industry, technology, media, (elec-tronic) communication, the Internet, the arts,cinema and popular music - and a seeminglyunbridled desire to associate with whatever isAmerican. And with this widespread trendcomes the wish to espouse English.

* President, FédérationInternationale desProfesseurs de LanguesVivantes (FIPLV)

Transnational Associations4/2004, 249-259

Civil society in favour of language diversity:unity for the Causeby Denis Cunningham*

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A

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To focus on both ends of the continuum,Crystal tells us that 96 percent of the world’spopulation speak 4 percent of the world’s lan-guages. Put another way, 4 percent speak 96 per-cent of the world’s languages (Crystal 2000:14).What of these languages, which constitute themultitude of tongues used by an inordinatelysmall number of speakers? Their future is farfrom assured.

While acts of imperialistic nations have had adetrimental effect on languages historically - inall areas of the globe - a decided threat to indige-nous languages everywhere has been the domi-nance of the linguistic preference of the con-queror. This has often been underwritten bypolicy designed to marginalise or eradicate thelanguages of minority groups. In some cases,genocide has been the order of the day, but gov-ernment policy to ban the education and usageof minority languages has also been effective.While genocide - and the resultant eradicationof hundreds of languages - came about throughacts of colonialism, the current threat to linguis-tic diversity arises from other factors. But thenet result, linguistically, will be the same.Between 50% (Crystal 2000:165) and 90%(Crystal 2000:18) of the globe’s 6000 languagescould disappear during this century.

Further, the stark reality is that some of theselanguages remain ‘alive’ only as long as the soleremaining speaker of the language lives. Putanother way, in some cases the death of an indi-vidual will constitute the death of yet another lan-guage. According to Crystal’s data, one language isdisappearing on average every two weeks (Crystal2000:19). This would be catastrophic as webelieve that the loss of even one language is tragic.

The global conscience for endangered languagesis a very recent phenomenon - and is far too late.In the 1990s, we witnessed the establishment ofsuch excellent projects and organisations(Crystal 2000:167-169) as:• Ethnologue (http://www.sil.org/ethnologue)• Foundation for Endangered Languages

(http://www.bris.ac.uk/Depts/Philosophy/CTLL/FEL)

• Logosphere ([email protected])• International Clearing House for Endangered

Languages (ie UNESCO’s Red Book)(http://www.tooyoo.l.u-tokyo.ac.jp)

An ambitious project of UNESCO, whereFIPLV was represented, was to focus on the lan-guages of the world. Objectives of this projectincluded drawing upon the mapping of the lan-guages scene globally in 2000, the identificationof policies in place to retain languages, and thepositing of strategies of intervention which couldbe shared internationally to be pro-active in theretention of endangered languages. This projectdrew upon existing data on languages, accumu-lated by UNESCO’s Study of EndangeredLanguages, Ethnologue, as well through theother projects listed above. The draft reportappeared in 2003 as Words and Worlds.

Policy

Immediate action is required at the humani-tarian level and this should have ramificationsfor languages policy in a context of globalisa-tion. All reasonable steps, that could be taken,should be taken to arrest this anticipated deteri-oration of the linguistic wealth currentlyenjoyed across the globe. The solutions aremany and must be put in place immediately.International federations, such as the FédérationInternationale des Professeurs de LanguesVivantes (FIPLV), have a pivotal role in theglobal awareness-raising of the issue at all rele-vant levels - governmental, political, familycommunity, education, culture, other Non-Governmental Organisations (NGO’s), elec-tronic and digital media, to identify but a few.In passing, I would like to point out that FIPLVis the only international federation which unites(8) international unilingual associations as wellas (25) national multilingual associations1.

We must mobilise a global conscience to pro-tect and retain the world’s languages. To do this,we need to lobby politicians, reach decision-makers, impact on those responsible for devel-oping policy. To promote languages, to retain afirm commitment to multilingualism, to enablethose in lesser developed countries to access ade-quate education and use of technology, we mustuse any legitimate means to promote our cause:personal, professional, political and in publica-tions on and off the Web.

The most effective means of retaining theexisting linguistic wealth globally is to have lin-

1. The ten internationalunilingual associationsinclude FIPF (French),IATEFL (EFL), IDV(German), ILEI(Esperanto), LATEUM(ESL), MAPRYAL(Russian), SIPLE(Portuguese) and TESOL(ESOL). The nationalmultilingual associationscome from: Australia,Bulgaria, Canada, TheCzech Republic,Denmark, Finland,France, Germany,Hungary, Iceland, Ireland,Italy, Latvia, TheNetherlands, NewZealand, Nigeria, Norway,Poland, Portugal, Russia,South Africa, Sri Lanka,Sweden, the UK, Uruguayand West Africa.

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guistic diversity, the promotion, teaching andlearning of languages, enshrined in governmentpolicy and law where there is a priority commit-ment made to fund the education and supportfor languages in the wider community. This isan ambitious requirement, especially given theregrettably low number of languages policies inplace across the globe - and in the paucity ofresources allocated.

Excellent educational policies have existedacross the globe and would serve as sound modelsfrom which to develop cohesive policies foreducation by States, regions, unions and globally.

In 2003, UNESCO published its positionpaper on languages, Education in a MultilingualWorld, in the six official languages of UNESCO.FIPLV was involved in its preparation.Ostensibly a policy, it is hoped that this willhave a direct and positive impact on policydevelopment and legislation in the 190UNESCO member States.

While associations have been at the forefrontin discussion and the creation of language poli-cies, we cannot ignore the prominent role oflanguage centres in this objective. Ingram’srecent monograph (2001), Language Centres,details excellent work of some which, being (rel-atively) autonomous and non-governmental,would satisfy our definition of “civil society”. Inthis area also, the borders become blurred as weconsider Lambert’s insightful Language Planningaround the World (1994), published shortly afterhe retired as Director of the National ForeignLanguage Center in Washington.

To assist us further in the realisation of thiscause, I exhort all to read and consider the find-ings and recommendations of the NuffieldLanguages Inquiry, published in 2000 asLanguages : the Next Generation. This thoroughstudy provides excellent, probing targets foraction, and should be used for extrapolationinternationally, where required.

Education

The Director-General of UNESCO correctlyidentifies “education for all” as “the most crucialchallenge of our day”, as “knowledge is at thecentre of economic development and socialtransformations” (Matsuura 2000:2). At the

same time, we read in the UNESCO Courier(November 2000) of the privatisation of educa-tion (pp 16ff ).

Another focus for civil society in the contextof education is the profession itself, the profes-sion of language teaching. I am the average ageof not only language teachers but all teachers inAustralia. At 50, the tragedy of this is not that Ihave aged, but that I am too old to be the aver-age age of teachers. This situation is reflectedelsewhere. What we need is the youth - and theenthusiasm, refreshing ideas and new attitudesto current theory and practice in languageteaching - coming into the profession to coun-terbalance the experience and expertise of thosenearing the end of their careers. We need thebalance, the blend, the beauty of what the com-bination can provide for our students.

In some countries, this is not happening forlanguages. Those of us of my age will soon begone - retired or resigned, promoted or pack-aged, or dead! In some areas of the globe, the sit-uation is approaching a crisis.

Education and languages education

Clearly, education has a major role to play inthe above context, as it is one of the main waysin which abstract policy becomes reality. Whereeducational policy and practice are excellent,education becomes an effective vehicle to fur-ther the cause of languages. Where these essen-tials of society are less than adequate, NGO’sand others must promote the irrevocable mes-sage that languages are critical to global society,peace, operations and culture, and must be nur-tured, defended and maintained.

UNESCO has recognised the crisis in educa-tion and has, as a result, instigated a series ofstudies. Significant reports of recent findings towhich I would like to refer include : Siniscalco’sA Statistical Profile of the Teaching Profession(2002); Latin America and the CaribbeanRegional Report (2001); The Caribbean andLatin America (2001); and Sub-Saharan AfricaRegional Report (2001). Let us consider some ofthe facts revealed by these and other studies inorder to have a snapshot of the scene! : • “based on the most extensive set of data ever

gathered on the teaching profession, the sur-

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Page 8: Contents 4/2004 Sommaire - UIA

vey found that the growth in the number ofschool-aged children had outpaced the growthin the number of teachers worldwide in the1990s, packing classrooms with as many as100 students per teacher in some developingcountries” (Williams 2002:23; Siniscalco2002:8)

• “almost half (228 million) of the total youthpopulation of secondary school age (in LesserDeveloped Countries) is out of school. Asmore of these young people get into school,demand for teachers will increase dramatical-ly” (Williams 2002:23)

• “such growth means that the ratio of pupils toteachers remains three times higher in theLDCs than in developed countries” (Williams2002:24)

• in some African countries (eg Benin,Cameroon, Chad, Congo, Malawi, Mali,Mozambique), there is an average of morethan 50 primary-age children and often asmany as 70 for every teacher in the overallpopulation, with Chad recording the highestat 68 (UIS 2001b:95)

• the average class size for primary educationacross Africa was 40-42 in 1998 (UIS2001b:95), stretching from 9 in St Helena to68 in Chad

• the average class size for education acrossLatin America and the Caribbean stretchedbetween figures of under 20 in Argentina,Cuba, Paraguay and Uruguay and up to 40 inthe Dominican Republic and Guatemala (UIS2001a:51-52)

• class sizes of in excess of 60 were also identi-fied as an issue in the NIER Report, where 15countries of Asia and the Pacific were repre-sented (NIER 2002:14)

• “in Germany and Sweden (...), more than 70percent of primary teachers are over 40”(Williams 2002:24)

• “in many of the LDCs the majority of prima-ry teachers have, at most, a lower secondaryqualification (Siniscalco 2002:25), and fre-quently no professional training at all. This isthe case for almost 50 percent of teachers inUganda, 40 percent in Togo and some 35 per-cent in Cape Verde” (Williams 2002:24)

• “young people are still becoming teachers, butthe number of new recruits to the job cannot

keep up with population growth, and, espe-cially in Africa, the profession is being deci-mated by AIDS and conflict” (Williams2002:23)

• “unless something is done quickly to turn thesituation around, say the experts, the worldwill have to deal with an acute teacher short-age at a time when demand for education isgrowing exponentially” (Williams 200:23)There are clear parallels in the above - and in

the findings of a regional report, Trends inForeign/Second Language Education in Asia andthe Pacific (NIER 2002), which identifies manyof the issues previously listed by FIPLV - andreinforcement of our view of the need foraction. What applies to education in general isalso relevant to the teaching of languages, a spe-cialised field which presents challenges of itsown. What can be done? Let us look at severalkey factors pertinent to the teaching of lan-guages and consider concrete strategies foraction!

The promotion and teaching of languagesthrough public education - whether at the pri-mary, secondary, tertiary or adult level - shouldbe a priority. The identity of languages taughtwould be a local concern, but one would expectadequate coverage of the first language of themajority of learners, languages of internationalsignificance and languages particular to a certainlocation, region or country. Any of these lan-guage categories could find themselves definedalternatively as minority languages within a cer-tain area but the majority of languages usedglobally are what we would consider collectivelyas minority languages.

Many of these will be learned at home, atschool or elsewhere as a first language, but let usnot forget the important perspective of theirbeing accommodated as a second language ineducation within all sectors (ie government, reli-gious, independent) and across all levels.

Australia - with its declining wealth of indige-nous languages and co-existing surge in thenumber of languages brought to the continentby more recently arrived groups - provides anexcellent model of a multicultural society,strongly underpinned by rich multilingualism.

In school, it is not only those students of cer-tain ethnic groups who are offered the lan-

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guage(s) of their community. Schools makechoices to teach languages, often the languagesof minority groups significant to an area, andexpect all students enrolled to undertake thestudy of these languages across a range of yearlevels. This practice takes on board the reasonsfor learning languages within the dichotomyarticulated by Crystal: identity or intelligibility.To elucidate, we learn languages either as a keyelement of the heritage and culture with whichwe identify, or for such reasons as communica-tion, enjoyment, career perspectives or someother instrumental purpose. The self-esteem ofthe speakers of these languages (as an L1) ele-vates predictably and considerably; those learn-ing the language as an L2, develop a healthy per-spective of another culture, another element oftheir community by learning the language ofsome of their classmates. An acceptance of dif-ference and a discovery of the touchstones ofhumanity - similar across all cultures - often leadto a growing respect for others.

FIPLV has developed a discussion paper toidentify solutions and strategies to rejuvenatethe profession, integral to retaining linguisticdiversity through education. Key areas of cover-age include: (1) teachers; (2) students; (3)teacher training; (4) curriculum; (5) policy; (6)programs; (7) practice; (8) perceptions; and (9)language trends2.

Expertise

International NGO federations such as FIPLVand its affiliates bring a wealth of expertise andexperience to the area of (language) policy, prac-tice and programs. Whether action is initiatedby representatives of civil society or whetherother governmental or institutional bodies iden-tify areas of activity, FIPLV and other organisa-tions have an important role to play, either as aleader or as a collaborator.

As indicated previously, there are very few lan-guages policies in place across the globe. But,where these exist or did exist, I am unaware ofany significant development of languages policieswhere national or international associations ororganisations did not play a critical part. Onethinks back to Australia in the 1980s, where thebest languages policy across the globe at that time

was implemented as the National Policy onLanguages in 1987, or to the recently publishedNuffield Report, Languages : the Next Generation(2000). One only needs to browse through thenames of the members of the steering committeesor the acknowledgements of these and similardocuments elsewhere to verify this fact.

For these and other policies, agents of civilsociety have been prominent in providing advice,expert in lobbying and active in advocacy andconsultation, often formalised through represen-tation on committees, working parties or othergroups integral to the development, adoptionand implementation of language policies.

Members of international federations have afurther challenge in at least two elements of pol-icy implementation: practice and programs. Atthe supranational and international levels,FIPLV has been active in its representation onsuch key bodies as the International LinguapaxCommittee and the Scientific Committee of theWorld Languages Report, not to mention therole in the realisation of the recent LinguapaxWorld Congresses in 2002 and 2004. Such roleshave also been metamorphosed into concreteorganisation of global workshops such asLinguapax V and the UNESCO InternationalConference in Melbourne in 1995 and 2001respectively.

Representation and organisation complementthe active role that international federations andtheir national affiliates undertake in their ownglobal and/or local conferences, workshops,seminars and other events. At these and otheractivities, keynote addresses, papers and othersessions are conducted by representatives of suchassociations, promoting policy and best practice.Furthermore, articles, reviews and other contri-butions often appear in the publications of suchassociations, those of others and the media. TheWeb has also afforded associations (and others)considerable potential in ready communicationand information dissemination through email,chat and dedicated websites.

Programs of international relevance andimpact - such as UNESCO’s Linguapax andWorld Languages Report and the European Yearof Languages-2001 - have also witnessed activeparticipation by members of international feder-ations and national associations, as these pro-2. Refer www.fiplv.org.

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jects have benefited from the wider publicity,activity and networking through the communi-cation channels of FIPLV and others.

I would also like to focus on an educationalexample here, where the model described couldbe exported internationally, either within publiceducation or adopted by organisations definedby the parameters of civil society.

Complementing the language curricula ofmainstream schools in Victoria (Australia), isthe Victorian School of Languages (VSL), whichteaches over 40 languages (excluding English) to15000 students in 735 classes across 39 metro-politan and rural centres. Six of these languages,plus Latin, are taught to another 1300 studentsvia distance mode throughout the state. The stu-dents are generally of school age, but there aresome adults enrolled. In 2004, the languagesoffered are :

Albanian, Amharic, Arabic, Auslan, Bengali,Bosnian, Chinese, Croatian, Czech, Dari,Dutch, Filipino, French, German, Greek,Gujarati, Hebrew, Hindi, Hungarian,Indonesian, Italian, Japanese, Khmer, Korean,Latvian, Lithuanian, Macedonian, Maltese,Persian, Polish, Portuguese, Pushtu, Russian,Serbian, Sinhala, Slovenian, Spanish, Tamil,Tigrinya, Turkish, Ukrainian, Vietnamese (andLatin by distance mode).

As a result, the VSL may well be “the largestlanguage school in the world” (Merlino 1988:5). The school would like to expand this rangein response to demand, as the existing coursescontinue to undergo significant revision - andconversion for online delivery.

The school, in the presence or absence of for-mal policies, has had a major role in meeting thelanguage needs of many elements of Victoria’slinguistically diverse and multiculturally richcommunity. With the fluctuation of demand forspecific languages, the VSL constitutes a signifi-cant provider of languages, one of five inVictoria with mainstream Government schools,those of the independent and Catholic sectors,and ethnic schools.

Irrespective of the emphases of previous poli-cies and the languages prioritised for certainperiods - or in the absence of formal policy - theVSL has remained an excellent option for thou-sands of students unable to access a language of

choice within their own home or school envi-ronment. In most cases, languages identified forpriority or especial status were and are taught inthe VSL. At the same time, the VSL has notsided in the various debates over which lan-guages should have priority. For us, our 100classes of Chinese, Turkish or Vietnamese arejust as important as our one class of eitherAmharic, Czech, Hungarian or Pushtu.

As intercultural understanding, tolerance andacceptance of the differences of others mustbegin with the individual, the multilingual andmulticultural environment provided by theVictorian School of Languages offers an excel-lent model of inter-racial harmony.Consequently, languages of communities inconflict or tension abroad are sometimes taughtalongside each other in the same centres. Itcould be faculties of Croatian and Serbian,Greek and Turkish, Greek and Macedonian,who work collaboratively at times, despite thepolitical situations in the countries of origin.

The environment of tolerance, harmony andunity within the VSL often serves to confront,attenuate or eradicate such tension in the indi-vidual students who have recently arrived, orwhose parents emigrated some years ago fromless harmonious situations across the globe.

Such a model epitomises what is possible inthe policy and desire to promote mutual respect,harmony and peace in a multilingual and multi-cultural society, a microcosm of our global com-munity.

Platform for action

While global multilingualism is a reality, it isunder siege. On the one hand, languages are dis-appearing rapidly from the face of the globe; onthe other, the emergence of English as the inter-national lingua franca is having a negativeimpact on language choice, planning and policy.

We need to be aware of these threats and ten-sions, as we are, to fight them - not alone, butby enlisting the support of the cohorts across theglobe who have a vested interest in their lan-guages being retained and even expanding on aglobe with diminishing resources, challenged byincreasing overpopulation. Elements of civilsociety have a leading role to play.

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We, as agents of civil society, must make adecided effort to retain the linguistic wealth cur-rently enjoyed by the globe, by impacting on theissues of policy and planning, teacher trainingand development, and student learning. Thispresupposes a concerted move towards linguisticdiversity, language retention and retrieval, andpolicy practice favourable to these objectives.

In this period of the consolidating globalmetropolis, of more effective intercontinentaltravel, of globalised markets and internationalconglomerates, travel is likely to be common-place for many of the future computerisedworld. The young learner must be given thewherewithal to compete, despite protestations ofirrelevance to a personal future. Again, lan-guages have an integral place in the future of theglobe.

What we, as leaders, as policy-makers and aslanguage educators, can do is to take all reason-able steps to ensure that the linguistic diversityof our multilingual globe is ensured andenhanced for future generations.

We cannot be complacent nor can we actalone. We must unite or join all those of similarphilosophy who support our cause to bring pres-sure to bear on those whose views and actionsare inimical to the globe and its people.

Recommendations

At the Linguapax X World Congress inBarcelona in May - with the theme of“Linguistic Diversity, Sustainability and Peace -we proposed the following recommendations(on behalf of Workshop 5: Agents in Favour ofDiversity):

Recommendation 1: That immediate action isrequired in the areas of:• language documentation• language revitalisationRecommendation 2: That we define “minority lan-

guage” as broadly as possible, thus potentiallyengaging the support of agencies which exist for awide range of languages.Let us recall that all languages could be

defined as a minority language in certain con-texts - even English, where its speakers could begrossly outnumbered in a given geographicallocation (eg China, Russia, Latin America, etc).

Recommendation 3: That we adopt the notion oflanguage revitalisation not only in its specific con-text of language loss but also in other areas wherelanguages are disappearing in society, educationand policy.

The notion of revitalisation is relevant in thecontexts of:• language death• language shift• languages in education (policy)• languages policy

The evident advantage of adopting such aposition is to increase the cohorts - also with aparticular contextualised vested interest - whocould support the cause of fighting against thedisappearance of languages.

Recommendation 4: That, wherever possible,national and international (civil society) organisa-tions work closely with community groups on ini-tiatives to redress language loss.

Such action would reflect the view ofSkuttnab-Kangas (2003:82) who states: “com-munity initiative and involvement seems to bedecisive for (language) revitalisation to work”. Inthis respect, however, we must be cautious aboutimposing ourselves upon communities which,after all, own their own language and culture.

Recommendation 5: That wherever possible,national and international (civil society) organisa-tions work closely with government groups on ini-tiatives to redress language shift.

Languages are also disappearing - or dying - inthe context of language shift. As members ofdiasporas find themselves moving through gen-erational phases (perhaps) far from their home-place, language maintenance often wanes, givingway to the pressures of another linguistic envi-ronment which is perceived to be stronger, moreprosperous and more desirable. Subsequently,the languages of migrant groups disappear overtime.

Recommendation 6: That collaborative modelsbe publicised and replicated internationally as aconcrete step to arrest language shift in linguisticand cultural diasporas.

On behalf of such groups, allies can also beidentified. An example provided in Workshop 5was that of Hungarian in Australia, where aninternational conference would take place (inMelbourne), politically and financially supported

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by the Government of Hungary, the HungarianEmbassy and Consulates - and communityorganisations (ie INGOs and NGOs).

Recommendation 7: That, wherever possible,national and international (civil society) organisa-tions work closely with educational systems andinstitutions to foster the continuity of linguisticdiversity.

Language choice in schools may also be thebasis of linguistic diversity in the educationalcontext. As English appears more desirable tomany - perhaps as the only language apart fromone’s first - other languages are losing ground ineducation at the primary, secondary and tertiarylevels. As more communities, students andschools select English, there is a resultant declinein the numbers of students taking other majorlanguages of the globe (eg French, German,Russian, Spanish in the EU and elsewhere).

Recommendation 8: That, wherever possible,national and international (civil society) organisa-tions work closely with federal governments to pro-mote their languages in a collaborative manner,thus creating a stronger front (politically and eco-nomically) in unity.

The governments of these countries appear tobe concerned at this decline in the study of theirlanguages - as linguistic and cultural disinterestcould lead to a lack of economic interest - so aretaking steps politically (at home and abroad) topromote their languages. France is now doingthis as part of a plurilingual platform.

Recommendation 9: That all educationalauthorities be encouraged to adopt languages ineducation policies which promote multilingualism.

A specific example cited in Workshop 5 wasthe identification of border areas as a prime tar-get for maintaining linguistic diversity. Wherecommunities on opposite sides of a border (egalong the Rhine) speak different languages, thisappears a wonderful opportunity for schools onone side of the border to teach the language ofthe other, thus fostering social cohesion andintercultural harmony.

Recommendation 10: That INGOs, NGOs andcelebrated organisations, such as the UN andUNESCO, encourage all countries/member statesto enact language policies which are inclusive, mul-tilingual and non-discriminatory.

At the national and international levels, lan-

guage policies are required which promote theacceptance and usage of languages within soci-ety. An excellent starting point would be the EUin its expansion to 25 member states, embracing(over) 20 languages. Others should also beincluded.

Recommendation 11: That INGOs, NGOs andother agencies collaborate, wherever possible, to fos-ter international understanding, harmony andpeace.

Intercultural understanding can be the directproduct of linguistic diversity, communicationand friendship. This could be fostered by: - governments in the establishment of informed

languages policies- INGOs such as the Fédération Internationale

des Professeurs de Langues Vivantes (FIPLV)or through their multilingual websites

- projects, such as IntCultNet linking studentsfrom several countries electronically throughthe Internet

- the expansion of educational programs (suchas JaLing and EvLang) in schools

- other grass-roots projects such as the volunteergroup welcoming immigrants to BarcelonaRecommendation 12: That UNESCO, the

Linguapax Institute or some other agency use thedatabase of INGOs identified as promoting languagesas a starting point to unite those INGOs in a cam-paign to promote linguistic diversity in all contexts.

Civil society can act collaboratively and hasthe tools to commence and, thanks to AlanHedley, we have a database of INGOs identifiedon the Web as having a vested interest in lan-guages. Whether these organisations are identi-fied as activist or academic is irrelevant; what isimportant is that we have a tool to unite all theseagents of civil society in a shared cause.

Recommendation 13: That, as a priority of thisunited campaign, UNESCO or the LinguapaxInstitute exhort all INGOs, NGOs and other agen-cies of civil society to network with local, nationaland international governments, businesses andconglomerates in the global market.

Such a campaign needs to be undertaken inboth the real and virtual worlds. Just as we pro-mote linguistic diversity in and among peoples,so we should be doing the same on the Web.

Clearly, civil society by itself is not likely to besuccessful in the campaign. Allies need to be

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identified to add strength and finances to thecause.

It is only by uniting all potential allies that wemay achieve some success in the campaign which

we recognise as a priority: to retain and promotelinguistic diversity across the globe to fosterintercultural acceptance, harmony and peace.

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La linguistique et les scienceshumaines

armi les métiers des sciences humaines, celuide linguiste n’est pas tout à fait comme lesautres. Le linguiste en effet garde ses dis-

tances envers la cité, et affiche sa réserve, voire saméfiance, vis-à-vis des questions sociales ; il dif-fère également des ethnologues, sociologues,psychologues, ou économistes, par son rapportaux compétences et aux aptitudes constituées.En effet, qu’est-ce qu’un linguiste sait de parti-culier qui intéresse la société civile, puisque rienn’est mieux partagé que de parler ? Comme toutle monde, sauf pathologie, recourt au langagepour la plupart de ses activités, des plus simplesaux plus complexes (transversalité du langage),le savoir spécifique que prétendent détenir leslinguistes retient peu l’attention. La plus visiblede ces interventions est la rubrique grand public(journal ou télévision), pour commenter desmots ou des étymologies, ou pour fustiger des «fautes ». Quel impact social comportent detelles expertises ? (gardien du passé ? rappel dela norme ? conscience du changement ?).

Les linguistes sont donc peu et mal parvenus àce que les questions de langue mobilisent l’at-tention des citoyens, et leur intervention dans lacité prend l’allure d’une prolongation formaliséedu savoir scolaire sur la langue. En effet, pour laplupart des gens, même cultivés, le savoir expertsur l’homme se distribue en psychique,social/culturel, et économique ; à quoi corres-pondrait un dispositif disciplinaire de psycholo-gie, sociologie/ethnologie, et sciences écono-miques. Et les linguistes se sont contentés d’yadjoindre le langage et la linguistique, ajout quine modifie pas la logique du découpage deszones de compétence des sciences humaines. Sicertains pays apparaissent plus concernés qued’autres (comme la France, où l’idéologie de lanorme amène les locuteurs à sacraliser lalangue), ces remarques sont générales (Heller1999 pour le Canada). C’est donc bien l’exper-tise du linguiste qui « ne passe pas » auprès dupublic éclairé.

Ce n’est pas le lieu ici de se demander pour-quoi les linguistes, en défendant le concept d’au-tonomie de leur discipline, ont pour rejeter latransparence du sens abouti à supposer une

transparence du social. La considération de larelation entre le linguistique et le social/cultureldevrait pourtant conduire à relier les sciences dulangage au « monde réel », en sortant le lin-guiste du seul monde académique, ou d’un desrares domaines où son expertise pratique estconnue, l’ingénierie des langues. Mais pour lemoment, l’enseignement des sciences du langageporte avant tout sur la forme, et renvoie lesquestionnements sur les fonctions et l’usagesocial des langues à d’autres horizons (même s’iln’est pas clair de savoir lesquels), sans s’occuperde ce que font les citoyens avec le langage, leslangues (la leur et celles des autres) et les dis-cours, et pourquoi c’est ce qu’ils en font(Bourdieu 1982 : c’est un sociologue qui pose laquestion de « ce que parler veut dire »).

Je m’interrogerai ici sur la position qu’occupele linguiste dans la société civile, en question-nant la place des questions de langue(s) dans lacité. Il est en effet difficile de questionner le lin-guiste comme figure dans la société civile sans sedemander de quelle façon les questions linguis-tiques concernent les non-linguistes.

Le sociolinguiste et la Cité

Une discipline universitaire peut-elle se rédui-re à son auto-reproduction académique ?Comme toute communauté, elle perdure aussipar son immersion dans la société civile, par lafaçon dont elle peut s’impliquer dans desdemandes sociales et dans une professionnalisa-tion extra-universitaire des jeunes1, ainsi que parla diffusion de savoirs et d’argumentations dansle forum public. Les sciences du langageconcourent ainsi à l’information publique sur lesproblèmes concernant le langage et les langues.Et en ce point, deux figures distinctes s’oppo-sent : le linguiste et le sociolinguiste, qui n’inter-viennent pas de la même manière.

Les sciences humaines et sociales ne sont pastoutes équivalentes du point de vue de l’impli-cation-application sociale. Inutile d’insister surle rôle de l’économie, et sur son lien au poli-tique. La sociologie a produit, pour sortir de lareproduction universitaire, la sociologie du tra-vail et la sociologie des organisations ; ainsi quele travail social, qui a cependant conservé laréputation d’une spécialisation de second ordre2.

Figures de linguistes dans la société civilepar Françoise Gadet*

261

* Université de Paris-XNanterre1. Cette problématiqueétant aujourd’hui large-ment affichée dans lesréformes de l’universitéqui sont en cours dans lespays européens à des finsd’harmonisation, il n’estpas exclu que se manifestepeu à peu une réorganisa-tion des hiérarchies entredisciplines et sous-disci-plines.2. Il n’empêche qu’il y ades sociologues dans desentreprises et dans desorganismes publics ousemi-publics (en particu-lier dans les départements« Etude »), plus rarementdes linguistes. Les seulesprofessions sollicitées horsenseignement en rapportavec le langage sont tra-ducteur/interprète, «rewriter » stylistique si cen’est écrivain public, etsémioticien dans le marke-ting.

Associations transnationales4/2004, 261-268

P

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L’ethnologie contribue à la politisation desgroupes culturels minoritaires ou menacés d’ex-tinction. Quant à la linguistique, quand elle s’estdiffusée auprès du grand public cultivé, cela ad’abord été pour ses modèles sophistiqués del’époque structuraliste, et les temps ne sont passi lointains où les intellectuels lisaient Saussurepour mieux comprendre les œuvres de Foucault,Barthes ou Lacan. De ce point de vue, la socio-linguistique intervient dans une autre sphère :figure de linguiste peu connue, le sociolinguisteest souvent accusé par ses collègues d’abandon-ner la cité des Sciences pour le marais de la citétout court. Il est ainsi significatif que quand unlinguiste s’engage dans la cité, par exemple sousla forme de la sociolinguistique, il se voit repro-cher de dissoudre le linguistique dans le social.Un exemple d’un tel engagement a été donnépar l’article de Labov 1989, qui parle de sesinterventions d’expertise dans différents procès ;mais la forensic linguistics est une disciplineconstituée aux Etats-Unis ou au Canada, inexis-tante ailleurs, comme en France (aussi sansdoute pour des raisons de système judiciaire).

Le sociolinguiste dispose effectivementd’atouts pour la société civile, se distinguant dulinguiste non pas tant par le matériau sur lequelchacun travaille, que par le point de vue adopté.Robillard (à paraître) oppose ainsi deuxapproches tendancielles de la langue (et deuxpostures de linguistes). Le premier forge desmodèles, souvent abstraits, à la recherche d’inva-riants susceptibles de subsumer la variation, ledynamisme et l’hétérogénéité, et exclut touteintervention sur les langues et les situations lin-guistiques. La deuxième intègre l’hétérogénéitécomme un aspect fonctionnel des langues, s’ap-puie sur des méthodes où le chercheur est partieprenante des objets de recherche, et l’interven-tion politique ou sociale est l’un de ses moyensd’accès à la réalité étudiée. Le sociolinguistes’inscrit dans cette seconde perspective, et il aaffaire à un « terrain » (voir aussi Léglise &Robillard, 2003), dont il a besoin pour établirson expertise linguistique et langagière.

Mais la confrontation ethnographique, socia-le, et politique n’est pas un facteur stable etconstant. On peut supposer que le terrain a tou-jours révélé des cultures en tension et desgroupes en conflit, car les langues sont en conflit

en même temps que les groupes qui les parlent,et s’imposent les unes aux dépens des autres parle biais de leurs locuteurs. Pour autant que l’onsache, les langues ont toujours joué un certainrôle historique dans la formation des états et descommunautés, avant de céder la place à d’autres(de différentes manières : il y a plusieurs moda-lités de disparitions pour les langues). Mais il sepasse aujourd’hui quelque chose de nouveau.Ces tensions et ces conflits sont aujourd’hui plusvifs, à cause d’une accélération et d’une multi-plication des échanges à l’échelle du monde qu’ilest convenu d’appeler globalisation (ou mondia-lisation, si l’on veut un terme plus français maismoins politique), qui se caractérise pas unébranlement des frontières. La globalisationentraîne des modalités de communication deplus en plus diversifiées et complexes, qui sup-posent un élargissement d’échelle mettant encause les rapports entre les langues et entre leslocuteurs, sur un territoire et au-delà. Les chan-gements dans la vie sociale, économique et poli-tique globalisée reposent de plus en plus sur lecontrôle des ressources symboliques, langagièreset discursives, sur la communication et la quali-té de ses manifestations linguistiques, et la ges-tion des différences linguistiques.

Or, la gestion politique des langues, commeles politiques publiques dans des états multi-lingues, considèrent les langues dans leurcontexte social et culturel, ce dont le sociolin-guiste a fait sa spécialisation. Et il y a, sur lafaçon de concevoir cette question, une manifes-tation de la différence de posture entre le lin-guiste et le sociolinguiste. Le linguiste, qui étu-die les langues pour elles-mêmes, considèrequ’elles sont toutes égales entre elles, ce qui nepeut être vrai que du point de vue de leur formeet de la façon dont elles font système. Mais lesociolinguiste, concerné avant tout par ce queles locuteurs font avec les langues, donc par lavaleur sociale qu’ils leur attribuent et par lecontrôle que cet usage permet d’exercer sur lesressources culturelles et symboliques, voit leschoses différemment. Pour lui, toute situationde langue diffère de toutes les autres, et leslangues sont à regarder non selon des principesà prétention universelle, mais selon chaquecontexte spécifique, en fonction des différentsparamètres qui font différer leur emploi.

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La politique linguistique à l’heurede la globalisation

Une première manifestation de la globalisa-tion sur les langues est l’apparition d’un nou-veau régime linguistique mondial, reflet d’unnouvel ordre politique : les relations entre leslangues se dessinent maintenant au niveau mon-dial, avec des effets au niveau de chaque état,ainsi que des effets plus locaux.

La politique linguistique est un champ quis’intéresse aux langues et à leur gestion d’unpoint de vue macro-sociolinguistique, allant del’écologie des langues à la géo-stratégie linguis-tique (glotto-politique, aménagement linguis-tique, géo-linguistique), mais jamais très éloi-gnée de la politique tout court. Ces domaines depolitique linguistique, qui s’intéressent à lamême réalité avec des nuances de points de vue,prennent acte de ce que le destin des languesn’est plus concevable en isolation. Les langues nesont plus seulement en contact comme ellesl’ont toujours été parce que des locuteurs delangues différentes sont en contact dans denombreux lieux du monde (si ce n’est partout),elles sont désormais en interdépendance, leurvaleur d’usage étant tributaire de celle des autres.

Un premier aspect de la politique linguistiqueconcerne les relations inégales entre les langues.Bien que ce fait soit laissé de côté par la doxaangélique et politiquement correcte des lin-guistes3, il est flagrant que les langues ne sont paségales. La première évidence de cette inégalité estla position hégémonique occupée aujourd’huipar l’anglais. Viennent ensuite une dizained’autres langues, qui ont un nombre importantde locuteurs, servent de vecteur dans les institu-tions internationales, et sont technologiquementfortement instrumentées : ce sont les languesque Calvet 2002 appelle « super-centrales »,parmi lesquelles certaines pourraient prendredavantage d’importance au 21e siècle, comme lechinois ou le hindi. Plusieurs dizaines d’autresont valeur nationale, comme langues d’un seulEtat4 (langues « centrales » chez Calvet). Etenfin, il y a les cinq ou six mille autres langues,qui n’ont de valeur que locale et identitaire (ver-naculaire pour les relations de la sphère privée, etlimitées à une région ou une communauté), donton peut se demander ce que sera leur destin.

Toutefois des prédictions sont impossibles àfaire, d’autant moins que le terme est plus long :Mackey 2003 a exposé les nombreuses raisonspour lesquelles les prédictions sur l’avenir deslangues s’avèrent une tâche aventureuse, comptetenu du nombre de paramètres en cause et de ladiversité de leur nature, entre autres parce qu’ilsdépendent de dynamiques sociales et d’événe-ments politiques pas toujours prévisibles5. Sanspenser qu’elles vont toutes tout simplement dis-paraître (Gadet 2003, Maurais 2003, Calvet2002), ou même 90% d’entre elles comme il estsouvent annoncé, il est clair que beaucoupd’entre elles sont à court terme en position fragi-le. Mais la position des langues super-centralesest également fragile à terme, parce que leurusage est pris entre la fonction de communica-tion internationale aujourd’hui assurée par l’an-glais, et la fonction identitaire des langues locales: ainsi, il n’y a que peu de facteurs pour empêcherl’Afrique « francophone » de devenir anglopho-ne, comme certains pays en ont amorcé le mou-vement d’ailleurs (voir Maurais 2003). De plus,ces langues de large diffusion acquièrent descolorations locales, qui pourraient finir par don-ner naissance à la formation de nouvelleslangues, tout dépendant de comment on définitune langue : voir le français ivoirien, ou l’anglaisindien. Pour des réflexions sur l’avenir linguis-tique de la planète, le statut des différenteslangues, et l’éventuelle réorganisation de leur hié-rarchisation, voir par exemple Calvet 2002, dif-férents articles de Maurais & Morris 2003 (dontMaurais pour une perspective générale,Chaudenson pour le français, ou Ammon pourl’allemand), Chaudenson 2000 pour le français,et Graddol 1997 pour l’anglais.

Un second aspect de la politique linguistiqueporte sur la progressive modification des rela-tions de l’Etat à la régulation des langues. S’il ya longtemps que la gestion des langues standar-disées est cadrée par des lois et des réglementa-tions, leur promotion par des institutions appro-priées est une tendance plus récente6. Mais laglobalisation vient modifier la donne, en entraî-nant une modification rapide du statut deslangues les unes par rapport aux autres, et deleur hiérarchisation. On ne peut plus en rester àune conception centrée sur l’Etat, le territoire oula/les communauté(s) territoriale(s), quand la

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3. L’hypothèse d’égalitédes langues, sans aucundoute majoritaire parmiles linguistes, est à mettreen rapport avec qui domi-ne dans la discipline. Eneffet, il n’y a qu’un linguis-te ne s’intéressant qu’à laforme pour affirmer l’éga-lité des langues, principequi a d’ailleurs des impli-cations morales généreusesdu point de vue de la jus-tice, mais ne fait aucun casde la réalité politique etsociale des langues et deslocuteurs.4. 193 pays sont admis àl’ONU, mais le nombre delangues officielles est bienmoins élevé, car si certainsétats ont deux ou mêmetrois langues officielles,certaines langues concer-nent plusieurs états. Ainsi,45 états ont l’anglais pourlangue officielle ou co-offi-cielle, et 30 ont le français.5. Que l’on pense au rôlegéo-linguistique qu’ont puavoir, depuis une quinzai-ne d’années, l’effondre-ment du bloc communistesur le recul du russe, ou lafin de l’apartheid enAfrique du Sud, qui donneun point d’appui aux ten-dances africaines vers l’an-glophonie.6. L’apparition d’institu-tions de promotion delangues d’un Etat-nationremonte à la fin du 19esiècle (comme pour lefrançais, l’Alliance françaisecréée en 1883, oul’Alliance IsraéliteUniverselle créée en 1860),et intervient de façons trèsdifférentes de ce qu’avaitpu être la création del’Académie Française au17e siècle. La mêmeépoque a vu se créer leBritish Council ou leGoethe Institut, entreautres.

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notion de frontière prend un tout autre sens etqu’existent des communautés non territoriales,en particulier parce que les technologies de l’in-formation produisent une forte coupure entreles langues outillées (et le niveau où elles le sont)et celles qui ne le sont pas.

Il est évident que toutes les langues actuelle-ment parlées ne peuvent pas également êtreamenées à la modernité, à l’encontre des préten-dus « droits linguistiques » des locuteurs quiauraient tous le même droit d’user de leurlangue. Il s’agit là d’une illusion, les pays multi-lingues (qui sont aussi majoritairement les paysen voie de développement) n’ayant pas lesmoyens d’assurer l’enseignement dans toutes leslangues, de tout traduire dans toutes les langues,ou de développer des logiciels dans toutes leslangues. La globalisation ne fait ainsi qu’accen-tuer une concentration des langues, initiée par ladiffusion de l’écriture et renforcée par l’impri-merie qui, en introduisant une opposition entrelangues écrites et langues d’oralité, instaure desinégalités entre elles, et entre leurs locuteurs.L’écriture et l’imprimerie ont été les premièresformes de déterritorialisation, de déplacementdes valeurs que les locuteurs attribuent auxlangues et aux pratiques langagières, quand letrans-local peut entrer en conflit avec le local(Blommaert 2003).

Ce qui importe pour le changement des rap-ports de la linguistique à la societé civile et à lacité, c’est de reconnaître que les langues sont desobjets qui passent nécessairement par des locu-teurs en relation et en interaction. C’est en cesens aussi que la linguistique est touchée. Cetteremarque conduit d’ailleurs à redoubler la poli-tique linguistique de l’étude des investissementsdes citoyens dans leur(s) langue(s), et des repré-sentations qu’ils s’en font. Un exemple d’unetelle démarche a été donné par Klinkenberg(2001) qui, ayant assumé des responsabilitésgouvernementales en Belgique, parle de sonexpérience d’aménagement linguistique, pour laBelgique, pour la francophonie, et pour lescitoyens. Son livre, écrit pour un large public,est susceptible de participer à modifier le regarddes usagers sur le langage et les langues, en lesresponsabilisant : le destin des langues, c’estaussi l’affaire de leurs citoyens-locuteurs, et nousy reviendrons en quatrième partie.

Les sociolinguistes, le diagnosticsocial, l’intervention sociale

Le versant linguistique de la globalisationcomporte également d’autres aspects, manifestesaussi bien au niveau d’un état que des relationslocales entre acteurs dans la société civile. Nousen retiendrons ici deux illustrations, l’école, et letravail dans les entreprises.

Les politiques sociales regardées sous unangle linguistique

De longtemps déjà, des sociolinguistes ont étésollicités dans des débats sur l’enseignement, aumoins depuis les années 60 et le constat patentque l’échec scolaire perdurait. Il a donc fallu seposer des questions sur l’égalité des chances desenfants, la différence de réussite d’enfants d’ori-gines sociales et souvent ethniques différentes, lapart de la maîtrise linguistique dans la réussite etl’échec scolaires, ou encore la place à accorderaux pratiques non standard et multilingues (ver-naculaire des enfants, pratiques familiales ordi-naires). La question du linguistique et du langa-gier dans la socialisation de l’enfant est toujoursà l’ordre du jour, si l’on admet qu’au moins unepartie des performances scolaires s’appuie sur lamaîtrise du langage (voir par exemple Labov1993 sur l’illettrisme, ou un numéro de la revueVEI en 2002). Mais l’échec scolaire ne fait pasque perdurer, il s’accentue dans la globalisation,avec le nombre important d’enfants immigrésou de « deuxième génération » (Maghrébins enFrance, Pakistanais en Grande-Bretagne, Turcsen Allemagne…), redoublant celui d’enfantsdont le vernaculaire est distant de la langue stan-dard du pays, ces deux groupes constituant unebonne partie des enfants en difficulté scolaire.

Ainsi se croisent les questions des difficultésscolaires, du plurilinguisme et des contacts delangues, des parlers urbains, réflexions qui sedéploient dans plusieurs directions. L’uned’entre elles concerne l’observation des formeslinguistiques et des pratiques langagières, dansdes états des lieux sur le terrain de pays occiden-taux qui sont tout sauf monolingues, mêmequand l’Etat promeut une langue unique. Sur laplupart des communautés (voir par exempleLecomte 1997 pour les familles africaines enFrance, Bouziri 2000 pour une enquête sur de

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jeunes Maghrébins dans un quartier parisien, ouDeprez 2003 sur le bilinguisme intra-familial),les connaissances ethnographiques sont trèsinsuffisantes, car les données ne sont pas collec-tées de façon systématique, selon des pro-grammes ethnographiques (à supposer que celasoit réalisable). Une autre direction concerne letravail avec des professeurs des écoles, des édu-cateurs, des agents de justice, des formateurs,vers ce que les Britanniques appellent « langua-ge awareness », ou conscientisation sur lalangue. Cette réflexion part de l’idée que laconscience des confrontations entre les langues,et la compréhension des mécanismes fondamen-taux du langage peuvent, en partant de laconscience du vernaculaire, faciliter la recon-naissance des différentes façons de parler, l’accèsau standard, ou l’acquisition d’autres langues(voir Cheshire & Edwards 1993). Sur ces diffé-rents points, voir par exemple Billiez 2000,Auzanneau & Juillard 2002, ou Billiez 2003.

L’intérêt que présentent pour la société civileces diagnostics sur les langues en contact et lesparlers urbains, sur une exploration des interac-tions urbaines partant des modes de catégorisa-tions sociales repérables dans les conduites lan-gagières ou discursives, et sur des propositionspour l’intégration et l’insertion sociale (parexemple, Castellotti & Robillard 2001) se mesu-re aux demandes d’interventions dans la forma-tion de formateurs, ou d’enquêtes. Ainsi, parexemple pour la France, des enquêtes ont étécommanditées ou soutenues par la ProtectionJudiciaire de la Jeunesse (Ministère de la justice),la Délégation Interministérielle à la Ville, laDélégation Générale à la Langue Française et auxLangues de France (Ministère de la Culture), oule Fonds d’Action Sociale pour l’Intégration et laLutte contre les Discriminations.

L’étude du contact des langues détient ainsi unfort potentiel d’ébranlement pour la linguis-tique, qui a toujours été fortement centrée surl’idée que les langues coexistaient les unes auxcôtés des autres sans se rencontrer (et même lasociolinguistique classique repose sur l’idée d’in-dépendance des langues).

La langue et les discours au travailUn autre champ potentiel de remise en ques-

tion de la linguistique traditionnelle par une

demande sociale est l’analyse de discours, la glo-balisation se manifestant par d’importantesmutations discursives, concernant non le niveaudes langues mais celui des genres de discours.

La globalisation a provoqué une déstabilisa-tion des formes de l’organisation du travail etdes méthodes de production, en particulier parl’introduction de nouvelles technologies. Danscette nouvelle régulation de l’usage de la langueau travail, les entreprises ont peu à peu décou-vert les enjeux de la communication, en cher-chant à répondre aux pressions économiques dela globalisation par l’amélioration de l’informa-tion et des services, en particulier en raffinant lemode de communication des employés encontact avec la clientèle (magasins, banques, oucentre d’appels téléphoniques en particulier).

Paradoxalement, les linguistes ont très peu étépartie prenante dans cette mise au point profes-sionnelle, soit qu’ils n’aient pas voulu se com-promettre dans le monde de l’entreprise, soitqu’ils n’aient pas su faire valoir leur expertise(Cameron 2000). L’apport de sociolinguistes,d’analystes de discours et d’analystes de conver-sation, dont l’expertise est justement de décrirecomment fonctionne la communication dans lesinteractions langagières, et la compétence com-municative, pourrait être de deux ordres, dans lamesure où ils ont étudié l’oral pour ce qu’il est,et peuvent montrer à quel point son fonction-nement en fait autre chose qu’un avatar del’écrit7. Constitutif, pour ceux qui veulent parti-ciper à l’élaboration de ce savoir de conseil enlinguistique et communication : ainsi,Cameron 2000 montre à quel point les entre-prises pourraient avoir besoin de linguistes, dansune enquête sur les protocoles langagiers mis enœuvre dans les centres d’appel. Le corps desavoir auquel ces « usines de communication »font appel, en effet, repose très peu sur les acquisdes disciplines académiques constituées : naïve-té de savoirs de sens commun sur la prosodie oula symbolique du corps et de la voix, ignorancesur la syntaxe, en particulier celle des interroga-tions (et l’impact de la différence entre questionsouvertes et questions fermées). L’interventionpourrait également être critique, de façon com-plémentaire, si l’on considère que les usagers etles employés seraient mieux armés s’ils dispo-saient d’une dimension réflexive sur ce qu’ils

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7. Je ne dis pas que les lin-guistes n’étudient quel’écrit. Mais en prétendantcomme ils le font en géné-ral étudier une forme neu-tralisée entre oral et écrit,ils penchent de fait ducôté de l’écrit, lieu où,dans la tradition séculaire,un savoir grammatical etrhétorique s’est construit.Travailler sur l’oral, c’estd’abord déconstruire lesévidences qui donnentl’oral comme un avatarimparfait de l’écrit.

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font ou disent. Ainsi, Cameron 2000 initie unediscussion autour de « l’empowerment » queces pratiques sont censées apporter aux locu-teurs-citoyens (voir aussi Borzeix & Fraenkel2001 pour l’ensemble du thème « langage ettravail », dans ses mutations progressives).

L’expertise et le débat public

Mais il n’y a pas, dans le nouveau régime deslangues, que les deux niveaux de l’état ou desrelations entre états, et des relations entreacteurs sociaux et économiques par le biais deslangues et des discours. Il y a aussi le rôle descitoyens envers leur(s) langue(s), que ce soit auniveau des activités quotidiennes ou des choixface à leur propre Etat, la responsabilité dans leschoix pratiques effectués au jour le jour : ce rôlepeut se manifester dans le débat public, qu’il soitexplicitement ouvert ou non. Puisque le langageest partout, le débat sur le langage peut aussi êtrepartout. Les (socio)linguistes auraient ainsi laresponsabilité d’informer le public en l’aidant àfaire le partage entre connaissances et préjugéssur les langues, avant tout en dépassionnant lesdébats et en éclairant les prises de décisionsayant des incidences sur des options de vie, quece soit pour conforter telle ou telle positiondéfendue, ou pour y réagir d’une façon critiqueargumentée. Cameron 1995 a donné unexemple d’une réflexion sur les pratiques d’hy-giène verbale (intervention linguistique concer-tée), comme la féminisation des noms de métier,le « politiquement correct », ou la chasse auxanglicismes en France8.

Le questionnement expert et les questions quese posent les citoyens ne sont pas forcément enrecouvrement. En 1999, Monica Heller et troiscollaborateurs ont réalisé un dossier dans lejournal britannique Journal of Sociolinguistics,sur l’impact des sciences du langage, autour duthème « What do sociolinguists have to sayabout the language debates of our time ? »(débat introduit, donc, dans une revue profes-sionnelle de sociolinguistes). Ils visent les deuxaspects de la figure du sociolinguiste commeintellectuel engagé dans la sphère publique, et del’évaluation de la nature des savoirs que la disci-pline produit. Les quatre articles du dossierabordent des problèmes qui, une fois élargis,

concernent tous les citoyens : les variétés nonstandard, les jugements négatifs portés sur elles,et la place à leur accorder dans l’enseignement(par ex. la controverse sur l’Ebonics des Noirsaméricains à l’école, ou la légitimation de lavariété québécoise du français), la prise encompte des langues comme des tout culturels, ledestin des langues minoritaires ou en voie dedisparition, le passage d’une langue au statut «national standardisé ». La question est aussiposée de l’utilité du travail du linguiste pour lesusagers de la langue (description des languesindigènes : quel savoir détiennent et le linguisteet le natif ?), ou du rapport à l’idéologie (le lin-guiste étant aussi locuteur, son expertisel’exempte-t-elle de préjugés ?).Les incidences de ces questions ne sauraient êtresurestimées, pour les citoyens et pour l’engage-ment du linguiste dans la société civile et la cité.Aussi une autre discussion abordée par le dossierde Heller est-elle la diffusion dans le grandpublic, quand il apparaît difficile de se faireentendre des médias, dont beaucoup semblentn’attendre des experts que la reprise du discoursdominant. Il y a certes là le problème politiquedes médias comme lieu de fabrication deconsensus. Mais il y a aussi autre chose, parexemple sur la démonstration d’égale dignitélinguistique des variétés standard et non stan-dard. Les usagers, qui admettent mal ce dis-cours, ont un point de vue qui n’est pas à négli-ger, car ils connaissent la valeur sociale diversi-fiée des variétés et/ou des langues : quel que soitl’intérêt linguistique du français populaire pari-sien (ancienne version ou langue des jeunes), del’ebonics ou du joual québécois, les locuteurssavent les limites de tels outils linguistiques pouraccéder à la palette sociale, ou y conduire leursenfants. Il en va de même pour les languesminoritaires et en danger, défendues surtout parles linguistes et des militants faisant souvent par-tie de l’élite, quand leurs locuteurs perdent leurloyauté à leur égard et cessent de les transmettreà leurs enfants. La démonstration deMühlhaüssler 1995 sur la façon dont l’acquisi-tion de la littératie en langue vernaculaire laisseplace en deux générations au transfert vers unelangue de grande diffusion, est sur ce pointéclairante : qui pourrait être assez cynique pourculpabiliser les indigènes ou leur interdire l’accès

8. Ce n’est pas une spécia-lité française, ou franco-phone si l’on pense auQuébec : la pratique d’hy-giène verbale d’un Etatintervenant sur le corpusd’une langue afin d’en éva-cuer les mots d’origineétrangère est assez bienpartagée.

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à l’écrit, afin de conserver leur langue en préser-vant ainsi la diversité linguistique de la planète,que nous avons tellement réduite en Europe ?(voir aussi Calvet 2002).Le débat public ne peut être démocratique ques’il part des questions que les citoyens se posent,même si elles n’adoptent pas forcément la mêmeforme que celles des linguistes. Mais pourquoiles linguistes ne pourraient-ils pas formuler lesmêmes questions ? C’est par exemple ce que faitChaudenson dans ses titres : « Le français a-t-ilun avenir ? » (sous-entendu, international) ; «L’Europe parlera-t-elle anglais demain ? »(2000 et 2001). Ces questions simples mais inci-sives revêtent les formes des interrogations descitoyens-locuteurs.Pour créer les conditions d’un engagement dulinguiste dans la cité, il faudrait ainsi recenser lesthèmes de grands débats sur les langues, ainsi queleurs incidences sur les choix ordinaires des locu-teurs, ce dont voici quelques exemples. Quelchoix de langue effectuer, entre une langue héré-ditaire, ou une langue réputée facile, et unelangue socialement utile ? (= en quelle(s)langue(s) socialiser les enfants dans les situationsplurilingues ? ; choix de langues étrangères dansle système scolaire). Ou bien : les vernaculairesreflètent-ils la paresse humaine ? (= avantages etinconvénients du vernaculaire à l’école). Ou bien: le monde va-t-il vers une uniformisation lin-guistique, ou au contraire vers une fragmenta-tion des grandes langues, l’émergence de véhicu-laires, et la résurgence de langues identitaires ?La domination de l’anglais est-elle définitive-ment acquise, ou cette langue peut-elle être rem-placée dans ce rôle par une ou plusieurs autreslangues ? Faut-il une langue d’intercommunica-tion unique (lingua franca, comme a pu l’êtrejadis le latin dans d’autres circonstances et dansun monde plus petit) ? Les progrès technolo-giques comme la traduction automatique ont-ilsune chance d’un jour constituer une alternative àune langue unique ? (= expression de craintes ouau contraire d’espoir devant la globalisation)…Ces formulations sont-elles généralisables, au-delà des différences de statut et de situationsstructurelles des langues ? Ainsi, l’Espagne a pureconnaître un statut au basque ou au catalan,mais, dans les pays en voie de développement, le

multilinguisme est une donnée qui ne peut êtreprise en charge au niveau de l’Etat, et seule uneréduction drastique du nombre de langues ins-trumentées (enseignement et technologie) peutassurer la diffusion du savoir, avec d’autres pro-blèmes de politique linguistique. Je suggère ausside faire la part entre les thèmes de débats sur les-quels une intervention concertée ne pourrait rien(comme l’urbanisation, qui depuis qu’elle existea eu parmi ses effets la réduction du nombre delangues et la formation de véhiculaires : mais ilest peu probable qu’elle régresse), et ceux sur les-quels des politiques linguistiques correctementinformées des réalités sociolinguistiques et desvœux des citoyens pourraient avoir des effets.

Conclusion

Si les débats idéologiques sur les langues nesont pas pris en compte par les linguistes, ils sedérouleront sans eux, sans garantie d’informa-tion correcte sur les politiques linguistiques etsociales (à tous niveaux), qui risquent alors des’appliquer par défaut, comme c’est souvent lecas actuellement. Et si les citoyens ne sont prêtsà prendre en charge les conséquences des poli-tiques linguistiques sur la vie sociale, cela se ferasans eux.

L’intérêt d’ouvrir un débat public sur leslangues, le langage et les discours au moment dela globalisation est d’offrir aux citoyens-locuteursles moyens de faire des choix, dans un domaineoù ils ne font que les subir. Et l’intérêt du débatpublic pour la linguistique d’aujourd’hui est lafaçon dont les exigences d’expertise qui lui sontadressées l’obligent à se penser selon un nouveauparadigme, la forçant à dépasser un stade de sonhistoire intellectuelle qui avait fait de l’autono-mie son geste fondateur (Saussure et les écolesstructuralistes et post-structuralistes), à affronterla participation au forum public sur les questionsdu jour (Léglise & Robillard 2003), et à étudierles implications sociales des choix linguistiques(voir Heller 2002 sur l’institution d’une « socio-linguistique critique », et Blommaert 2003 surune « sociolinguistique de la globalisation »,tenant compte de la relativité des fonctions dulangage dans différentes langues).

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Motscles : ethnicité, ethnie,cultures, langues, alliance àplaisanterie, échanges transcuturels,intégration nationale, Burkina Faso

Construction de la notion de l’alliance etde la parenté à plaisanterie :

Le rôle de régulateur des tensions sociales : lesmécanismes de prévention des conflits

La Gestion sociale de tensions par le rireIl faut dire que l’alliance et la parenté à plai-

santerie sont des constructions des sociétés quileur permettent de vivre en bonne intelligence.C’est ainsi qu’au niveau des relations à plaisan-terie inter-ethniques ou inter localités, il y acelles qui existent entre sous-groupes sociaux ;ainsi, l’ensemble forgeron, yarga, joueur debendre et devin poeega se situe à la fois sur undouble plan horizontal et vertical.

Au niveau horizontal, tous sont redevables auforgeron de leur fournir les instruments néces-saires à la réussite de leurs différents métiers : auyarga, revient la daba pour cultiver son coton, aujoueur de bendre, les anneaux de son tambour etau devin, le couteau sans lequel il n’obtiendraitpas la peau pour fabriquer la sacoche destinée àrecueillir ses instruments divinatoires. Le forge-ron a recours aux uns aussi bien qu’aux autres,

car il a besoin d’étoffes et de remèdes pour samaisonnée. Aussi, aime-t-il bien écouter ladéclamation de la généalogie de ses ancêtres etentendre également le tambour l’appeler par lesnoms-devises ou zabyuuya, les jours de gloire.

Sur le plan vertical, toutes ces personnes sonthistoriquement les serviteurs de la cour royale,ce qui les conduit à une certaine entente.

Dans le dakiire, aucun groupe n’est laissé decôté pour un bon équilibre de la société, car ils’agit bien d’un enjeu qui consiste dans l’antici-pation de possibles conflits entre les membres dela société. Ainsi, la source éventuelle de conflitpeut provenir aussi bien du voisinage, que de laparenté. On retrouve ainsi le dakiire - notel’Abbé Damiba- entre le neveu et le mari decelle-là, le grand frère entre le frère cadet et lafemme de celui-là, la grande sœur entre le frèreet le mari de celle-là, le grand frère entre la sœuret la femme de celui-ci, la sœur entre sa sœur etle mari de celle-ci ou encore la femme donnéeentre deux familles alliées.

Ainsi située, la relation à plaisanterie pourraitse définir comme la gestion sociale par le rire, dedifférentes sources de tensions possibles. Il s’agitd’évoquer le lien pour dédramatiser, de jouer surun savoir-faire pour faire savoir ce qui fut ou cequi est, de situer l’autre à bonne distance assezproche pour être le même, mais suffisammentdistant pour rester l’autre. Ce qui conduit à pen-ser que « les moose croient à ces relations per-

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*Alain Joseph SISSAO,Chercheur, Institut desSciences des Sociétés(INSS), Centre Nationalde la RechercheScientifique etTechnologique 02 BP.5178 Ouagadougou 02Burkina Faso [email protected]

Associations transnationales4/2004, 269-282

Ethnicité et culture : l’Alliance à plaisanteriecomme forme de culture ciment entre les ethniesau Burkina Fasopar Alain Sissao*

e Burkina Faso est un pays plurilingue qui compte une soixantaine d’ethnies. A l’intérieur dechaque ethnie, les locuteurs de chaque langue fonctionnent selon leur vision du monde et leurscoutumes. C’est ainsi par exemple que la culture d’une ethnie A est différente de la culture d’une

ethnie B à travers ses expressions artistiques, culturelles, religieuses, etc. Mais force est de constaterque toutes ces ethnies se côtoient souvent et fonctionnent de façon harmonieuse avec d’autres eth-nies notamment leur allié à plaisanterie. C’est donc dire que l’alliance à plaisanterie est un cimentqui soude et fédère les cultures, les langues, les régions et même les pays. La pratique repose en faitsur une forme de supra langage ou de supra culture permettant aux ethnies de se retrouver sur desterrains d’entente communs qui permettent la symbiose des cultures. Dès lors, les notions de langueet d’ethnies sont sublimées à travers le jeu verbal et la pratique du phénomène pour ne retenir quel’expresssion de valeurs communes partagées comme la solidarité, l’entente, la fraternité. En somme,le métissage des valeurs, des langues et des cultures comme forme de langage transcendant la simplenotion de l’ethnie et de langue.

Nous essayerons de voir comment se construit cette notion d’intégration culturelle nationale à tra-vers la pratique de cette valeur qu’est l’alliance à plaisanterie entre les ethnies, les villages, les régionset les patronymes au Burkina Faso.

L

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missives comme étant l’une des sources derenouvellement de leur société ; et c’est non sansraison qu’ils affirment que tant qu’il existera desMoose, il y aura cette relation à plaisanterie ».

« Sans rakiire, l’existence serait sans attrait »Selon les moose, le rakiire ou dakiire est un dog

n mik (naître trouver), c’est-à-dire la tradition ouhéritage de la coutume. Les moose se réfèrent àcette notion pour expliquer la tradition commeune expérience ancestrale, à la vérité dérisoire auniveau des faits, et retentissante quant auxconséquences. Il en résulte l’élaboration d’unvaste catalogue d’injures ritualisées. La plus usi-tée, mais la plus grave, hors du contexte dudakiire étant tampiiri (bâtard, être dont aucunhomme ne veut assumer la paternité et qui, parconséquent, porte malheur au village).

Cette insulte constituerait une suprême offen-se pour les ancêtres du destinataire, en raison dece qu’elle laisserait supposer si elle ne s’inséraitdans les joutes oratoires coutumières.Cependant, l’aspect spectaculaire du dakiire lais-se à penser qu’il ne faut pas s’en tenir aux appa-rences immédiates pour rendre compte du phé-nomène.

La parenté à plaisanterie va ainsi désigner lesrelations individuelles, au sein du groupedomestique. En réalité, tout moaaga entretientdeux types de rapports de parenté dans le cadrede sa « grande famille ». À l’égard de son pèreBa, et des membres du buudu paternel (Ba yiirdâmba) la soumission à l’autorité, la déférenceenvers les personnes plus âgées et le respect deconventions s’imposent. Ainsi, le père et saparenté représente un pôle réputé « dur ».

À l’égard des membres du buudu de la mère,il y a plutôt, une relation d’entente comme l’at-teste cet adage « Ned pugdb sã toem sida bi atoeme dakiire» (si la soeur de votre père changede mari, vous devez changer de parent à plaisan-terie).

Quant à l’alliance cathartique, cette relationde détente constitue une « purge » (catharsis, ausens premier signifie la purification) des tensionss’élevant entre les groupes sociaux déterminés.Les injures, comme par exemple munafika(hypocrite, pervers, calomniateur, vicieux), sontsusceptibles d’empoisonner les relations entre lesgens. Cependant, les propos obscènes se mani-

festent surtout dans un contexte de réciprocité,toutefois avec une nuance particulière par rap-port à la parenté à plaisanterie.

En effet, l’alliance cathartique ne concerne pastoute la personne dakiiya mais au delà, il s’agitd’un ennemi fictif, en quelque sorte irréel.

Les San et samogo et les moose ont des rap-ports qui sont justifiés par tel vol véniel, perpé-tré au temps jadis mais ce dakiire n’est pas assor-ti des interdits matrimoniaux et sexuels. Il n’enva pas de même entre les moose et les peuls(Silmissi et Setba). Les peuls ont des partenairesprivilégiés, semble-t-il puisqu’ils “jouent” sur-tout avec les forgerons Sâaba et les bênda.Comme le dit un vieillard que cite P. Arozarena,“Sans rakiire l’existence serait sans attrait”.

« Faire le fou pour ne pas le devenir ».Par ailleurs, il faut distinguer au niveau du

dakiire, les manifestations de détente liées à larelation matrimoniale établie entre deuxlignages ; plus précisément celles qui relèvent dela purgation des tensions entre deux groupessociaux distincts de la société réelle, exprimantdes réalités psychologiques et sociales.

Dans Gens de parole, Sory Camara2, qui aentrepris une étude de différents aspects de l’al-liance, retient que celle-ci « permet de canaliserles tensions éprouvées dans des rapports deparenté clanique et avec les alliés matrimoniaux.En effet, le sanankuya, à travers les échanges ver-baux à caractères irrévérencieux entre alliés, éta-blit une relation pacificatrice qui joue le rôled’exutoire de tensions qui, autrement, dégénére-raient en violences ». C’est justement ce sens dela parenté à plaisanterie en tant qu’instrumentde régulation de tensions sociales et de divertis-sement que Sory Camara met en exergue « Ils’agit de désamorcer la guerre, de la jouer pourne pas la faire ». Ainsi, le sanankuya permet auxAfricains de l’Ouest de différentes contrées defraterniser au premier contact, de dédramatiserdes situations qui ailleurs conduiraient à desconflits ouverts. Au Mali, le sanankuya agit comme une théra-peutique qui participe quotidiennement à larégulation sociale. Les plaisanteries qu’échan-gent les alliés contribuent à détendre l’atmo-sphère, à rétablir la confiance, toutes chosesindispensables au dialogue.

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2. S. CAMARA, Gens deparole. Essai sur la condi-tion et le rôle des griots dansla société Malinké, ACCT,Ed Khathala, Paris SAEC,Conakry, 1992

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Pour Doulaye Konaté,3 « le sanankuya, que lesethnologues ont maladroitement assimilé à uneparenté à plaisanterie (appelée aussi cousinage àplaisanterie) est un système de solidarité inter-clanique et interethnique très répandu enAfrique de l’Ouest. Il ne repose pas sur uneparenté réelle entre alliés, à la différence de la «parenté à plaisanterie » qui concerne des per-sonnes ayant des liens de parenté avérés (c’estpar exemple la possibilité qui est donnée à unpetit fils de plaisanter avec son grand-père ou àun frère de s’adresser « vertement » à sa bellesœur, l’épouse du frère aîné ou l’inverse). Lamanifestation la plus remarquable du sanankuyaréside dans les échanges de plaisanterie entrealliés. Les propos injurieux qu’échangent à touteoccasion les partenaires ne peuvent donner lieuà aucune conséquence. Il s’agit d’une guerreentre frères ; comme une vraie guerre entrefrères est néfaste, on est bien obligé de la trans-former en jeu. Il s’agit bien de « faire le fou pourne pas le devenir ».

Mais au delà de cet aspect ludique, l’alliancerequiert une assistance mutuelle entre alliés(sanankou) en toute circonstance, un devoir,voire une obligation de médiation lorsque l’undes partenaires est en conflit avec un tiers ».

Faire régner la paix entre les hommesDans la société traditionnelle africaine, la parolene joue pas seulement le rôle d’informationimmédiate, elle est aussi révélation d’une certai-ne attitude et disposition à l’égard d’autrui ;révélation et répétition d’un moment vécuensemble, d’une histoire commune, ou si l’onpréfère, « vécu partagé ». Lorsque le jeu verbalet physique des alliances à plaisanterie repose surune base institutionnelle, lorsque les formes etles contenus sont violents dans la procédure, etlorsque l’ensemble des propos prend l’allure devéritables joutes oratoires, d’insultes et demoqueries, l’on se rend compte que leur portéen’est pas aussi simple qu’elle paraît, et qu’elle nevise pas le seul besoin d’établir des relations auquotidien. En effet, cette forme de communication réaliseune prise en charge totale de l’individu, de sescaractéristiques physiques, morales, spirituelleset intellectuelles, de sa réalité quotidienne, deson statut social, de son histoire individuelle et

de l’histoire de son groupe. L’on instaure defaçon ostentatoire la guerre verbale et gestuellepour ne pas arriver à la vraie guerre, destructivedes biens et des personnes.

Cette fonction d’harmonisation de l’allianceet de la parenté à plaisanterie a amené le chefde Doulougou, dans la province du Bazèga et lesnotables lobi de Gaoua, dans la province duPoni, à attribuer la naissance du dakiire et dumoal (alliance à plaisanterie en Lobi) à Dieu :« C’est Dieu qui a créé le dakiire et le moaldar ».Ceci pour avoir des moyens de recours pourapaiser les belligérants en cas de conflits et fairerégner la paix entre les hommes.

L’alliance et la parenté à plaisanterie permet-tent de réguler les tensions sociales. En cas d’ac-cidents malheureux, et qu’il se trouve que lesprotagonistes sont des alliés à plaisanterie, uneentente à l’amiable peut être envisagée pour nepas porter l’affaire devant les juridictionsmodernes. En « lavant le linge sale en famille »,cela permet de mieux souder les liens, de rap-procher les deux groupes. C’est pourquoi cer-tains enquêtés Bobo et Peul constatent avecregret que Peul et Bobo se convoquent aujour-d’hui devant les tribunaux. Le pardon et l’humi-lité sont des marques distinctives positives dansla parenté et l’alliance à plaisanterie. Les per-sonnes âgées sont garantes de la stabilité sociale.Elles permettent de réguler les tensions sociales.

L’allié à plaisanterie peut être un puissantmédiateur qui peut éteindre un conflit immi-nent et dramatique. Le témoignage de MonsieurSanou Blaise4 paraît assez éloquent :

Quand j’étais footballeur, j’avais un suppor-teur Peul qui m’invitait très souvent à boire (jene prends que de la sucrerie). Un jour au comp-toir, j’ai trouvé un homme qui ne buvait pas.Dès qu’il m’a vu, il m’a demandé de la bière. Jela lui ai offerte, il l’a bue un peu et versa le restede la bière sur ma tête. Je me suis fâché et je vou-lais lui infliger une sévère correction. En cemoment, dans un coin du bar, mon ami Peulsuivait toute la scène. Voyant le danger immi-nent, il s’approcha et s’interposant entre l’hom-me et moi. Il plaisanta en ces termes : « toi filsde buveur invétéré, on verse de la bière sur toi ettu t’énerves, il faut rentrer chez toi, buveur, va-t-en ». Foudroyé par la réaction du Peul, je quit-tai les lieux, très amer, parce que je voulais infli-

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3. D. KONATE, Lesfondement endogènes d’uneculture de paix au mali :les mécanismes traditionnelsde prévention et de résolu-tion des conflits,Conférence introductiveau thème (N°2) lors de lasemaine de la paix organ-isée à Bamako par le gou-vernement du Mali, lePNUD, l’UNESCO, LeDAP de l’ONU du 28mars 1977 Bamako 11p(dactylo)4. Membre de l’associationpour la parenté à plaisan-terie à Bobo, journaliste àradio Bobo.

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ger à l’homme une correction mémorable. Enrentrant à la maison, La colère grondait en monfor intérieur à tel point que j’ai refusé de man-ger. Vers 14 h, mon ami Peul vint précipitam-ment me rejoindre à la maison pour prendre mamoto pour suivre le cortège funèbre. C’est à sonretour qu’il m’appris qu’il se rendait à l’enterre-ment de l’homme qui avait versé la bière sur matête. Il a connu une mort subite sur une chaise.C’est alors que je me suis rappelé de l’interven-tion salutaire du Peul, parce que si j’avais suc-combé à ma colère ce matin, l’homme seraitmort sans doute par ma faute, et je serais aujour-d’hui en prison. Depuis ce jour, j’ai cru réelle-ment aux vertus de la médiation dans l’alliance àplaisanterie. En effet, l’alliance à plaisanteriepeut permettre d’atténuer les risques de conflitsentre les hommes et même au sein des foyers5.

Sur le même registre, nous pouvons inscrirecette histoire qui confirme les mérites de l’al-liance à plaisanterie dans la régulation des ten-sions sociales :« A Makadougou, un village où habitent lesBobo, un Peul a fait des dégâts dans un champavec ses bœufs, les notables lui donnèrent 72heures pour quitter le village. Les Peul se réuni-rent et plaidèrent le calme et la compréhension.Ils reconnurent le tort causé par leur frère Peul.Ils lui demandèrent d’aller s’excuser devant l’au-torité. Accompagné de ses concitoyens, le Peulest allé s’excuser à la chefferie Bobo. La média-tion fut couronnée de succès car tout le villageparticipa à la cérémonie de paix. N’eût été lamédiation des autres Peul et les alliés à plaisan-terie, les villageois allaient chasser ou même tuerle Peul 6.

Cette autre histoire entre Peul et Bobo montreles conséquences liées à la transgression des règlesrégissant le code de l’alliance à plaisanterie :Les animaux sont passés dans le champ d’unBobo. Le lendemain, un Peul de passage estaccusé par le Bobo. Le Peul nia les faits ; le Bobopersista dans sa dénonciation. On demanda auBobo de pardonner l’acte du Peul, il refusa caté-goriquement. Il convoqua le Peul à la préfectu-re. Pendant que le Bobo se rendait à la préfectu-re pour demander la condamnation du Peul, sonfils, par inadvertance, mit le feu à tout sonchamp. Il perdit ainsi toute sa récolte. C’estpourquoi il ne faut pas refuser le pardon d’un

allié, celui qui le fait court le risque d’un mal-heur. Il s’agit d’une tradition légendaire entre lesdeux peuples. Cette histoire montre que lesconflits sont condamnés. Celui qui viole cepacte court le risque de la malédiction7.

Chez les Peul, lorsque les gens s’affrontent ausein d’un village donné, le seul recours efficaceest l’alliance ou la parenté à plaisanterie. Onsitue les responsabilités, ceux qui ont tort lereconnaissent et s’excusent. Les anciens stigma-tiseront les actes de ceux qui sont en conflit enleur rappelant l’oubli de leur culture.Cependant, il existe des cas où les conflits nesont pas maîtrisés. Le cas de Kankoudéni dans laComoé où des événements dramatiques sontintervenus entre éleveurs et agriculteurs pendantl’année 2001.

Au Séno, dans l’environnement du village, ledénominateur commun est l’alliance et la paren-té à plaisanterie. C’est ainsi que les habitantsmettent tout en œuvre pour renforcer cette pra-tique, affirme Dicko Nassourou, un Peul duSéno.Quand un homme se trouve devant son parentou allié à plaisanterie, il a un devoir de respectenvers lui. Ce dernier a les mêmes devoirs bienqu’il plaisante. Il est interdit à un Peul du Sénode faire la bagarre avec un Jelgo ou un Baridjo.Le médiateur des deux parents peut les fustigeret ils sont tenus d’obtempérer. Le médiateurpeut à l’occasion exiger une réparation (un tau-reau) à cause de son statut de Ferobe. Donc, l’ac-ceptation de la médiation est un signe de respectet une compréhension juste de la parenté à plai-santerie8.

Une autre histoire illustre de l’efficacité de l’al-liance à plaisanterie dans le Séno: Une femme nommée Haoua fumait dans la sallede cinéma de Dori. Un policier qui ne compre-nait pas pourquoi cette femme fumait dans unesalle de cinéma, se dirigea vers elle et sans motsdire, cassa sa cigarette en deux. Haoua, unebagarreuse, que tout Dori connaît bien, attenditla fin de la séance pour régler son compte aupolicier. Elle était armée d’un couteau et d’ungourdin. Arrivée au commissariat de police, oùje me trouvais, elle menaça de « casser la tête »du policier. Elle me raconta toute l’histoire endemandant si elle n’avait pas raison ? Tu as plei-nement raison lui ai-je dit. C’est ainsi que je suis

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5. Enquêtes dans laprovince du Houet (BoboDioulasso), Novembre20006. L’association pour laparenté à plaisanterie àBobo, journaliste à radioBobo7. Enquêtes dans leHouet, Bobo Dioulasso,avec l’association pour laparenté à plaisanterie,Novembre 2000

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intervenu pour lui demander pardon. Comme jevoyais qu’elle était très énervée, je lui intimail’ordre de quitter les lieux sinon j’allai saisir tousles biens de sa famille et les distribuer. C’est alorsqu’elle a souri, respectant mes injonctions. Jerappelle que Haoua est une béribéri et moi unFerobe. Après cet incident, le commissaire feraun reproche sévère au policier en lui disant d’al-ler s’excuser auprès de Haoua parce qu’il n’avaitpas droit de restreindre la liberté des citoyens9.

Nous voyons à travers ce témoignage que l’al-liance à plaisanterie renferme des codes, des clésqu’il faut détenir pour dénouer une crise ou unconflit. C’est de cet usage judicieux que fait lemédiateur dans ce cas-ci pour sortir le policierabusif du mauvais pas dans lequel il s’est mis. Ila suffit au Ferobe (Dicko) de dire au Béribéri(Haoua) qu’il allait ramasser toutes ses affairespour la calmer. En effet, dans la culture Béribéri,les biens de la famille sont sacrés.

L’alliance et la parenté à plaisanterie sont en faitle code pénal pour régler les conflits entre lespopulations de façon traditionnelle. « Avant l’ar-rivée de la justice moderne tout se réglait entreparents à plaisanterie au Séno et dans l’Oudalan.Les gens préféraient « laver leur linge sale enfamille » plutôt que d’aller devant les juges reli-gieux (Al Kali) qui étaient souvent partiaux.Aujourd’hui, des problèmes moins graves se résol-vent entre nous. Il faut dire que quels que soientles différends, tout se règle par le pardon avec laparenté à plaisanterie et l’alliance à plaisanterie10.

Cette histoire est le modèle de régulation d’unconflit entre Zoose et Yana : En 1995 au secteur 3 de Fada, un conflit éclataentre Zoose et Yana, la tension était à sonparoxysme. Le bilan fut désastreux, le marché dusecteur brûlé, le chef moaaga blessé. Mais leconflit a été résolu par les vieux à travers les liensparticulier qui lient les Zoose aux Yana. La poli-ce avait refusé de régler l’affaire préférant qu’ellesoit réglée par l’alliance à plaisanterie. En effet,celle-ci a pu préserver la paix, éteindre ce conflit.La pratique sauve l’individu dans certaines cir-constances difficiles: par exemple, un Yana estplus protégé à Tibga et Diabo (fief des Zoose) quechez lui à Comin-yanga et vice versa.

Un autre témoignage chez les Djan nousmontre le rôle du médiateur managya dans larégulation des conflits sociaux :

Chez les Djan et Lobi, lorsqu’il y a conflitentre deux personnes de même clan, l’interven-tion du managya ou moaldar (allié à plaisante-rie) est vite acceptée et le conflit s’évanouit aus-sitôt. Mais si elles sont de clans différents, l’in-tervention du managya est difficilementaccueillie par celle qui n’est pas managya aveclui. Si l’entêtement se prolonge, le managya peutprendre à son compte la querelle au détrimentde celui qui n’a pas voulu accepter son interven-tion, sa médiation. Le cas s’est produit à BoboDioulasso, dans le quartier de Bolomakoté en1974. Un Gouin était en conflit avec un Bobo ;un Lobi est intervenu pour les séparer, le Bobos’entêta, demandant au Lobi de se retirer. Alorsce dernier prit la querelle à son compte etenvoya le Bobo à l’hôpital. On sait que les Lobiet les Gouin sont des alliés à plaisanterie11.

Chez les Djan, les disputes entre clans sontrégulées par un clan managya, entre ethnies parune ethnie managya (alliée) qui normalise lesrelations12. Nous voyons donc que leur interven-tion est efficace dans les conflits ; parfois mêmeindispensable. Ils ont le devoir d’intervenir pourrétablir l’harmonie entre les hommes, entre leshommes et les ancêtres et même entre lesEsprits. Chez les Lobi et les Djan, lorsque deuxpersonnes sont en conflit ou en guerre, l’alliépeut intervenir comme médiateur en utilisant lafeuille de karité (qu’il jette à terre ) et la cendre(qu’il verse à terre) pour signifier aux deux pro-tagonistes le seuil à ne pas dépasser. Le symbo-lisme des deux éléments est profond. En effet, lekarité est un arbre qui a beaucoup de pouvoir(on en tire du beurre de karité qui guérit beau-coup de maladies). Le karité est un arbre quis’interpose entre le monde des vivants et celuides morts (esprits), il est donc nanti d’une puis-sance mystique. La cendre vient du feu éteint etsignifie que le conflit ou la guerre que les prota-gonistes entretiennent doit être éteint comme lacendre. La cendre symbolise donc l’extinctiondu feu, du conflit. Les Lobi anticipent lesconflits grâce à ces symboles du karité et de lacendre ainsi qu’aux moyens occultes.

Chez les Lobi, en avril 2001, une histoire devol de bœufs a entraîné mort d’hommes. Leshabitants de Sapoli et de Tonkar victimes du volont décidé de marcher sur le village deGomgombli, village des voleurs. Heureusement

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8. DICKO Nassourou,Fumtogol, Dori.9. DICKO Nassourou, opcit.10. DICKO Nassourou opcit.11. S.M. KAM, Tihog-dãabuora nost?ro (paix à votreMaison), mémoire Grandséminaire de Koumi,1976, p.5012. S.M. KAM, Tihog-dãabuora nost?ro (paix à votreMaison), mémoire Grandséminaire de Koumi,1976, p.50

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que le conflit a été réglé grâce au moaldar, l’al-liance à plaisanterie.

A Banfora, une rixe entre deux enfants Lobi etGouin a entraîné la mort du Lobi. Le chef deBanfora a dû intervenir avec l’invocation dufétiche de leurs ancêtres pour éteindre le conflitqui risquait de ternir les relations séculaires de paixet d’alliance à plaisanterie entre Lobi et Gouin13.

L’allié à plaisanterie intervient dans des caspour décrisper l’atmosphère notamment chez lesLobi :lorsque la maison est morose, si un Gouin arri-ve, et commence à parler mal, les Lobi peuventse défouler sur lui. Cela permet aux Lobi de seressaisir et d’oublier leur tristesse. Il faut remar-quer que ce comportement est plus fréquentdans les cas de décès 14.

Les Traoré sont les médiateurs des Koné en casde conflit dans la famille ou en cas de conflitentre un Traoré et un Coulibaly. C’est donc laforce du pacte qui lie les deux groupes qui per-met la médiation. Le rôle de régulateur deconflit de l’alliance à plaisanterie intervient aussien cas de conflits des alliés à plaisanterie par lespatronymes. Ainsi, lorsqu’un Koné et unCoulibaly sont en conflit, le médiateur Traorépeut intimer l’ordre aux Koné de cesser, et celui-ci doit se soumettre.

Dans les circonstances de joie comme le bap-tême, le rôle de régulations de tensions et frus-trations peut être joué par les Coulibaly dans lamaison des Ouattara. Lorsque les Coulibalyconstatent qu’ils n’ont pas les moyens de fêter(pas de viande à offrir aux convives), ils se met-tent à crier en ces termes pour exorciser la hontedes Ouattara : « pourquoi, comment? il n’y a pas de moutons à manger, mais vrai-ment c’est difficile ». Ce comportement permetaux Ouattara de sortir de leur honte.Ce témoignage est éloquent pour dire que lessituations de défaillance financière peuvent êtrerelevées par les alliés. Ceux qui ne le font pass’exposent à un véritable courroux. C’est pour-quoi, on voit ici les Coulibaly critiquer ouverte-ment les Ouattara.

Chez les Kassena, la réconciliation des per-sonnes en conflit se fait par l’alliance et la paren-té à plaisanterie. Selon le Pô Pê (chef de Pô) :S’il y a une tension entre des frères, l’allié à plai-santerie a un devoir d’intervention pour réconci-

lier les parties. Si celles-ci refusent d’obtempérer,elles verront les conséquences négatives de cettedésobéissance. L’alliance et la parenté à plaisante-rie peuvent faire baisser la tension entre deuxindividus, deux familles et même entre deuxgroupes politiques. Cela dépend maintenant dela souplesse de l’individu ou ce que les individusvont déployer comme recours. L’intervention desalliés à plaisanterie apaise les tensions. C’est leurintelligence et leur connaissance qui entre en jeumaintenant. Donc s’il y a un malentendu entredeux groupes, ce sont leurs alliés à plaisanteriequi interviennent pour apaiser la tension15.

Les alliés ont aussi leur partition à jouer dansla régulation des conflits chez les Kassena.

Les conflits politiques entre certains adver-saires ont connu un dénouement heureux grâceà la médiation d’alliés à plaisanterie dans laComoé. Mais, on pourrait aussi dire que plu-sieurs responsables ou personnalités politiquesont tenté de jouer sur cette corde lorsqu’ils setrouvaient en visite ou en service dans une loca-lité alliée à plaisanterie avec leur ethnie.

Enfin, cette anecdote témoigne de la force del’alliance à plaisanterie en tant que moyen derégulation sociale :Un jour à Boulsa, un garde cercle San a acheté,de la viande au marché. Il refuse de payer le bou-cher. Convoqué par le commandant moaaga, ilse rendit sans crainte. Appelé à s’expliquer, leSan se mit à insulter le commandant et tous lesMoose en disant qu’il avait pris ce que les Mooseont eu l’habitude de lui voler depuis longtemps.Le commandant moaaga se rendit compte qu’ils’agissait d’un San alors il dit : je ne savais pasque c’est l’oeuvre d’un voleur de Zoom koom.Rentre chez toi ». En effet, c’est grâce aux liensde plaisanterie qui unissent les San et les Mooseque ces derniers se sentent intégrés dans toutesles zones d’administration où ils servent et réci-proquement. Le Zoom koom16 apparaît commeun leitmotiv dans toutes les plaisanteries entreces deux groupes17.

L’alliance et la parenté comme formed’intégration nationale au Burkina Faso

Un métalangage et ciment entre les ethnies : A Boulsa, village situé à l’est de Ouagadougou, les

groupes sociaux suivants entretiennent des relations

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13. L’histoire remonte aumois de mars-avril 200114. Cette anecdote nous aété rapportée par notreinformateur GouinSoulama Jacques ancienpréfet en retraite,Banfora, novembre 2000 , 15. Enquêtes à Pô, Février200116. Eau de boisson pour sedésaltérer composée defarine de petit mil délayéedans de l’eau.17. Enquêtes dans laprovince du Namentenga,Boulsa, mai 1998

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à plaisanterie: Nioniosé/Yarsé; Yarsé/Dapooré;Nioniosé/Peuls; Yadsé/Gourmanthés; Benda/Yarsé;Nakomsé/habitants de waglin ; Yarga/Yemdaado ;Benda/S©©ããba (forgeron); Sããba/Yuuma ; Peuls/Sããba; Yarsé/ Sããba (forgeron) ; Yarse/ Sããba;Yarsé/Marense (teinturiers d’origine djerma).

A Tenkodogo, Silmigha (Peuls)/Yarga ; Yarga/Sããya; Silmiga (Peul)/Yarga.

A Koupéla, ce sont les groupesYarse/(Yemdaado) qui entretiennent l’alliance àplaisanterie.

A Dori, dans le sahel, on rencontre le mêmephénomène. Ainsi, les groupes sociaux suivantsplaisantent : les Bellas et les Mallebe, les jawamieet les Bella. Entre bella et Jawamie,c’est plus fortque les autres. Pendant la fête de « haram », lesJawamie et les Bellas se donnent mutuellementdes cadeaux symboliques. Par exemple entre lesJallube et les Jawamie ou les Bellas et lesJawamie, il paraitrait que c’est un jawando quis’était marié avec plusieurs femmes et qui n’avaitpas eu d’enfants. Il décida de se marier avec unejawando et une Jallube ce était rare de voir àl’époque, un peul se marier à une Bella. Avec cesdeux femmes, il eut deux enfants. Ces enfantsont pour oncles maternels des Jallube et desBella.

Donc cette parenté à plaisanterie est née là decette manière.Les groupes sociaux qui entretiennent les rela-tions à plaisanterie dans le séno sont: lesFulantumuie, et les Baaiee, les Gurmaiee et lesBaaiee, les Gurmaiee sont des gourmantché. ; lesJalluiee et les Jelgoiee; les Toroiee et les Barriiee,les Feeroiee et les Wabamiee, entre les Mawri etles Peuls, les Beriberi et les Peuls, les Jawamiee etles Bellas. Les groupes sociaux qui entretiennentdes relations à plaisanterie entre eux sont : leshaaiee et les Wolaniee, les Torooiee et lesSilluiee, les habitants de ourolonga et ceux deKampiti, les Jawamiee et les Bellas, les Gawoieeet les Cirgaiee.

Les Bellas et les Jawaniee, les toroiee et lesDalluiee, les Wolariee et les Baaiee, les Jaaluiee etles Jelgoiee, les Baariiee et les Ferroiee, lesFongaiee et les Kampitiie.

Entre un groupe social et une ethnieC’est le cas des forgerons bobo et des Peuls qui

sont par un pacte plus fort que celui de toute la

communauté Bobo/Peul. En effet, le forgeronjouit d’une certaine considération sociale et sonactivité de producteur d’armes et d’outils ara-toires fait de lui un homme craint et respecté.

En cas de décès : les théâtralisations socialesIl faut dire que les populations alliées ont

trouvé des codes de langage verbal et non verbalpour décrisper l’atmosphère même en cas funé-railles. Cette forme de métalangage soude lesgroupes sociaux et les groupes ethniques alliés.C’est le cas lors des décès qui peuvent corres-pondre aux funérailles fraiches ou chaudes.

Dans sa brillante thèse sur les moose, Essayer lafolie pour voir, Risque et prudence des moose,l’Abbé F. X. Damiba18 a abordé la question de laparenté et de l’alliance à plaisanterie, dakiire.

Du point de vue anthropologique, le dakiirefait partie de la catégorie des discours appelésthéâtralisations sociales. Il fait donc partie desinstitutions d’une autre nature qui contribuentégalement à retremper la collectivité ou certainesde ses parties dans la joie de vivre, tels les jeuxbouffons, les masques et les diverses formes dethéâtralisations sociales. Les deux termes dakiireou dakiire sont admis, parce qu’en moore lesconsonnes d et r, à l’initiale, sont considéréescomme interchangeables.

On distingue trois formes principales dedakiire dans la littérature orale des moose, selonl’Abbé Damiba. C’est ainsi qu’une premièreforme est basée sur la légende ou le mythe. C’estl’exemple du forgeron et du peul. Cette relationse noue autour de la notion d’apprivoisement.Le forgeron fut, selon le mythe, le civilisateur dupeul car il le fit quitter son « tronc d’arbre » pourl’initier à la vie sociale ; cette version est contes-tée par le peul qui proteste avec véhémencechaque fois qu’il en est question d’où uneambiance bons enfants.

Il s’agit, selon la tradition, d’une relation per-missive qui expliquerait l’embarras du peul lors-qu’il vend son lait, ou quand il voit venir un for-geron. Dans ces conditions, ou bien il lui offrele lait et évite la lutte, ou alors ils se mettent àlutter ; l’un pour retenir le lait, l’autre pour leboire sans bourse délier, finissant généralementpar renverser le lait. Dans tous les cas, le peul estperdant. Aussi, pour limiter les risques, invite-t-il souvent « son parent », de manière très gen-

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18. DAMIBA, F. X.,Essayer la folie pour voir,Risque et prudence desmoosé, Thèse de doctorat,Paris V Descartes, 3 tomes,1993, p. 777

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tille, à venir prendre quelques cuillerées de laitpour étancher sa soif, ce qui désarme souvent leforgeron ; le résultat étant que chacun rit de boncoeur.

Nous voyons dans le cas du décès ou des funé-railles que les alliés sont ici les mieux placés pourexorciser « la douleur » de leurs alliés. Il n’y a pasde complexes, au contraire, en insultant, en fai-sant semblant de banaliser « la mort » et « lemort », on crée du même coup un autre climatpropice à la retenue. C’est tout l’effet recherchédans ces théâtralisations sociales.

Dans le plateau central, on verra encore unMoaaga se permettre d’investir le tombeau deson allié et exiger une réparation avant de quit-ter le tombeau. La bagarre physique peut s’enga-ger à l’occasion entre les deux groupes. Si desblessures graves adviennent, il est formellementinterdit de porter une rancune. Selon un de nosinformateurs, un cas malencontreux s’est passé àKoupéla où la fracture du bras d’un protagonisteest intervenue suite aux jeux entre deux alliés àplaisanterie. L’affaire n’a pas été portée dans lagravité, car les règles du jeu étaient bien précises.La règle générale chez les alliés et parents à plai-santerie est d’éviter de verser le sang de son allié.

Dans la Comoé, c’est le Gouin qui se permet-tra cette scène vis-à-vis de son allié défunt.Certains vont se permettre même de brûler latombe en signe de simulacre. Le cadavre est aussiobjet de plaisanterie. Lorsqu’il y a relations entredeux groupes, en cas de décès d’un membre del’autre groupe, on peut remarquer que celui-cipeut aller jusqu’à voler le cadavre ou encore tirerles pieds en refusant qu’on amène le cadavre. Enguise de compensation, le groupe peut demanderun dédommagement en termes monétaires.

En cas de décès d’un vieux Lobi, le dispositifest mis en place pour satisfaire les alliés Gouinnotamment un bœuf ou un mouton qu’ilsconsomment, autrement ils investiront le tom-beau au moment de l’enterrement.Il faut dire que le jeu des alliances va se déroulerd’une façon particulière pendant les obsèques.Ainsi, lors des funérailles d’un Dagara, les Gouinprésents aux cérémonies ne se gênent pas dutout. Pendant que les gens manifestent leursdouleurs, ils se livrent à des activités ludiques etprovocatrices. Mais tout cela participe de ladédramatisation de la situation.

Il s’agit effectivement de théâtre: l’antagonis-me en l’occurrence y est joué, simulé par desacteurs, devant des spectateurs ; nul n’est dupedu caractère fictif de ce qui se déroule ; à unétranger qui s’inquiéterait devant la scène, ons’empresserait de lui dire c’est du jeu, ils s’amu-sent. Et l’interdit de colère effective est là pouréviter que ce jeu ne tourne au sérieux.

L’effet visé par cette mise en scène est bel etbien la détente, la catharsis théâtrale. Il s’agitd’amuser l’assistance, de faire rire pour détendrel’atmosphère…et le public, en général, ne s’enprive pas !19.

Chez les Dagara « les gens de cendres » ,enduisent les personnes proches du défunt pourleur éviter des états d’âme qui sont à même deprovoquer en eux des chocs psychiques. Ilss’adonnent, pour ce faire, à des pitreries pourfaire rire les gens et détendre ainsi l’atmosphère.Outre ces alliances particulières, il y a lieu dedistinguer les rapports de plaisanterie que lespetits enfants (garçons et filles) entretiennentavec leurs grands-parents (grands pères etgrands-mères). Les petits-fils sont autorisés àtirer l’oreille de leurs grands-parents. Aux funé-railles de ces derniers, ils ne pleurent pas, maiss’amusent de plusieurs manières. On les recon-naît par la ceinture de cauris qu’ils portent enbandoulière. Sur les lieux de partage de la vian-de, si les Gouin arrivent à s’accaparer d’un quel-conque morceau, on ne peut le leur reprendre,et des Dagara, ne s’en privent pas. Au momentde l’enterrement, les Gouins investissent latombe et n’en sortent qu’après la promesse depaiement (généralement ils exigent pour ce faireun bœuf). En cas de décès, les gens pleurent lecadavre, mais certains parents à plaisanteriejouent en s’enfuyant avec le cadavre, les autresalliés sont obligés de s’humilier pour avoir lecadavre. C’est aussi le cas chez les Moose.

Chez les Djan, à la mort d’un vieux chef declan, les alliés managya poussent les gens àrendre les funérailles joyeuses. Ils font semblantde pleurer. Au temps de la culture du maïs, ilsrentrent dans le champ du défunt ou de ses fils,en cassent les épis. Ils ont droit à une patte anté-rieure du bœuf qui est tué pour les funérailles,mais ils essaient de se procurer un morceau deviande par la force, on les pourchasse et ce jeuanime les funérailles. Ils puisent les cauris desti-

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19. C.G. DABIRE, Nisaall’homme comme relation,Thèse de doctorat ph. D,Université LAVAL, Janvier1983, p. 168

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nés aux musiciens, descendent dans le grenierpour puiser dans le trésor du défunt ; ils peu-vent même s’emparer de l’or qui s’y trouve éven-tuellement sans être nullement inquiétés. Lesmanagya ont aussi des responsabilités en cas decertains décès. Il revient au managya d’assurerl’information auprès des parents, des amis etconnaissances du défunt. Ils ont la garde dubœuf tué dont la peau servira à attacher lecadavre dans la natte pour l’interrogatoire. Danscertains villages, ce sont les managya qui inter-rogent le mort.

Les récits et témoignagesIl existe des écarts de comportements chez les

Bobo en cas de décès d’un Peul. Ils se présententet cherchent à savoir s’il y a des bœufs. Les Bobopeuvent empêcher d’enterrer le cadavre si leursdoléances ne sont pas satisfaites. Le Peul a unattachement sans égal pour son cheptel. Mais lefait de permettre de tuer un bœuf pendant lesfunérailles d’un Peul est le signe de détachementen cette circonstance et du prix culturel qu’ilporte à l’alliance à plaisanterie.Au sein de la famille Bobo, les parents prochesinterviennent pour atténuer la douleur desautres membres plus fragiles :Quand mon grand père est décédé, confie unBobo, je me suis mis à pleurer et ma mère m’ademandé pourquoi je pleurais. Pour elle, je nedevrais pas pleurer, c’était elle plutôt qui devaitpleurer. C’était une manière de me consolerparce qu’entre le grand père et le petit fils, il y ala plaisanterie. C’est une manière de ne pas dra-matiser l’événement malheureux. 20

Nous voyons que dans la famille, les relationssont très renforcées entre le petit-fils et lesgrands parents, ce qui fait que les rapports peu-vent être très vifs en cas de disparition d’unancien.

En cas de décès, l’allié à plaisanterie peut secoucher dans la tombe pour empêcher lesparents d’enterrer le défunt. Les parents sontobligés de demander pardon et de donnerquelque chose (animal ou argent) en compensa-tion. Voici ce qui est arrivé lors du décès d’unvieux San :À l’enterrement d’un San, un moaaga rentredans la tombe. Les gens meurtris croyaient qu’ilallait attraper le corps pour le coucher par terre.

On le lui donna, mais celui-ci le repoussa, lemanège dura si longtemps que cela provoquaune irritation au sein de la foule. Mais le moaa-ga était venu de Ouagadougou avec les fils etfilles du défunt, c’est eux qui donnèrent l’argenten expliquant à la foule qui il était, un allié àplaisanterie. Ainsi il sortit de la tombe et laissacontinuer la cérémonie d’enterrement. Enremettant l’argent au moaaga, les fils du défuntlui dirent : « c’est pour couvrir les frais de car-burant »21.

Un autre exemple frappant s’est produit à l’oc-casion des obsèques de l’Evèque Zoungrana àOuagadougou, nous avons assisté d’ailleurs à desscènes de siège de son tombeau par les alliés plai-santerie San.

Par ailleurs, lorsqu’un vieux meurt, les petits-fils (puisqu’il y a parenté entre petit-fils etgrand-père) peuvent bloquer la porte de la mai-son où se trouve le corps pour empêcher la levéedu corps et l’enterrement. En ce moment, les filsdu vieux sont obligés de négocier en donnantaux petits-fils ce qu’ils demandent. Jadis, c’étaitdu tabac, mais maintenant c’est de l’argent.Deuxième exemple, en cas de décès, les parentsà plaisanterie vous apportent de la bouse devache en lieu et place du tabac pour faire rire.Il faut dire que même après la mort, la plaisan-terie continue. Avant si un Baribe mourait, unFerobe pouvait dire :Voilà tu es parti, pauvre type. Ton malin estmaintenant terminé. Si tu n’as rien laissé, jeprendrai ta femme quand même. Je peux dansersur ta tombe ce n’est pas interdit. Je fais ce queje veux22.

Le Ferobe dit tout cela en sachant qu’intérieu-rement il pleure. L’un de nos informateurs rapporte qu’au décès desa cousine, il s’est mis exprimé en ces termes :« Voilà maintenant, je t’ai divorcée et Dieu t’a

épousée » Ces échanges verbaux ont uniquement pour

but d’atténuer la douleur de la famille dudéfunt.

En ce qui concerne les Bisa et les Kassena, s’ily a un décès, l’un ou l’autre camp peut occuperla tombe pour retarder l’enterrement et il fautnégocier et donner ce qu’ils demandent avantd’avoir l’autorisation. Le plus souvent, on offredes paniers d’arachides et un chien.

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20. Enquêtes, BoboDioulasso Novembre 200021. Enquêtes, Nayala,février 200122. Enquêtes dans le Séno,Dicko Nassourou, février2001

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En cas de décès chez les Kassena, s’il y a le« Doorou », entre alliés la plaisanterie continue.S’il y a décès chez les Tiétembou, lesGomgnimbou s’y rendent pour leur dire ceci :«Vous avez encore tué, vraiment, vous êtes fortsde ce côté là, bon si c’est ainsi donnez-nous unmorceau ». Ces mots ne doivent pas énerver l’in-terlocuteur. En cas de décès, la plaisanteriecontinue donc chez les Kassena, par exemple, onutilise les termes suivants pour s’amuser : «Vousavez encore tué ? Donnez-nous aussi un mor-ceau si le corps n’est pas encore enterré ».

Cette allusion au morceau de viande est unclin d’œil à la sorcellerie dont serait victime ledéfunt. Mais, au delà de ces allégations, le butrecherché est de trouver un alibi à la mort, parcequ’on sait que dans les sociétés africaines, lamort n’est pas souvent gratuite et connaît desinterprétations multiples23.

Après un examen des mécanismes de fonc-tionnement de l’alliance et de la parenté à plai-santerie en cas de décès, nous nous intéresseronsmaintenant aux propositions d’utilisation et demodernisation de la pratique dans la viepublique.

Un métalangage et ciment entre les patronymesDans les enquêtes menées dans la province du

Kénédougou, précisément dans les villages deSamogohiri, Banzon, Kourouma, Kayan, lespatronymes suivants sont sytématiquement desalliés à plaisanterie : Traoré/Koné, Ouatttara/Coulibaly, Cissé/Barro, Diarra/koné, Barro/Konaté,Diarra/Coulibaly, Traoré/Coulibaly, Tioro/Tioro,Tanon/Barro.

Chez les Bwaba, on distingue les patronymes sui-vants alliés : Keita/Coulibaly ; Diarra/Coulibaly ;Dembélé/Traoré. Dans la Comoé les patronymessuivants sont des alliés Koné/Traoré ;Ouattara/Coulibaly ; Traoré/Diarra/Koné ;Traoré/Koné ; Traoré/Diarra ; Ouattara/Coulibaly; Koné/Coulibaly,Touré/Barro ; Traoré/Kanté.

Nous allons essayer d’expliciter les origines deformes de parenté à plaisanterie entre les patro-nymes. Arrêtons-nous un instant sur le cas desOuattara et des Coulibaly dans la Comoé. Eneffet, les résultats de l’enquête notent deux ver-sions de l’alliance à plaisanterie entre Ouattaraet Coulibaly. La première, celle d’un Ouattaracensé être un Sembla :

« Les Bwaba étaient nos serviteurs, il y a long-temps que nous sommes ensemble. Dans lepassé, nous guerroyons ensemble. Et nousaimions monter sur les collines pour bien locali-ser l’ennemi. Un jour, nous avons demandé auxbwaba de monter sur la colline en éclaireurs. Ilsn’ont pa pu monter. Et nous leur avons deman-dé ce qui se passait. Ils ont répondu que la colli-ne les empêche de monter ; d’où leur nomCoulibaly. C’est pourquoi Ouattara et coulibalysont très liés. Les Ouatarra sont toujours plusforts que les coulibaly. Les Sembla sont desOuatarra et les Coulibaly sont des Bwaba ».

La deuxième version, celle d’un Coulibalycensé être un Bwaba :

Le Ouattara était un messager du chefCoulibaly. Il a bénéficié de beaucoup d’avan-tages et a pris ensuite son autonomie. Mais sonautonomie tourne court car les Ouattara étaientdes ratisseurs. Un jour, ils décident de lier unpacte de paix et de vivre ensemble ».

Identiquement, nous allons chercher les ori-gines de l’alliance à plaisanterie entre les Traoréet Koné et Diarra. Pour les Traoré, les Koné et les Diarra sont desingrats parce que pendant les guerres tribales, ilsétaient presque vaincus et ils ont eu recours auxTraoré pour leur permettre de battre l’ennemi.Les Traoré, après avoir aidé les Diarra et les Konése reposaient sous un arbre pendant que lesDiarra et les Koné étaient en train de mangersans les inviter. Il faut souligner que les Traoréqui sont venus participer au combat de la victoi-re des Diarra et Koné sur l’ennemi ont en réali-té pour nom en dioula « an taara minn weele »par déformation de la langue devenu Traoré.

Chez les Djan, ce sont les Sou/Palm qui sontautorisés à plaisanter.

Chez les Gourmantché nous avons les patro-nymes alliés suivants : Combary/Lompo,Thombiano, Diabouga, Lankouandé, Onadja.L’origine vient du fait que la femme Combary asu subtiliser le bonnet de chefferie des Nassouripour leur remettre.

Par ailleurs, nous avons les patronymesLankouandé qui sont alliés avec les Natama etOuoba. L’origine provient du fait que les Natamaset Ouoba savent préparer la viande du chien. LesLankouandé apprécient l’art de cuire le chien desNatamas et Ouoba . Alors, un jour ils décident

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23. Cf. les travaux de LouisVincent Thomas sur l’in-terprétation de la mort enAfrique. Voir aussiZIGANE, T. F., Les Bisanoet la Mort. Idéologiefunéraire au Burkina Faso,Thèse de Doctorat, 2tomes, 1996, Paris, V-Sorbonne, France.

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d’en faire. Etant inexpérimentés, ils ont fait unemauvaise cuisine qui a engendré des conséquencesdésatrueuses dont la diarrhée. Depuis ce jour, lesOuoba les traitent de gourmands.

Quant aux Couldiaty, ils traitent les Nassouride dapola ( c’est à dire souris). En retour lesNassouri disent avec mépris : vous êtes desétrangers, espèce de haoussa.

Chez les Kassena, il y a le « Cobiou » qui estune alliance à plaisanterie entre frères de mêmeethnie et village. En exemple, nous pouvonsciter les Gomgnimbou et les Tiétembou ; lesBilgo et les Tohogobou.

Chez les Dagara, le jeu de plaisanterie existeentre deux matriclans : Somé/Dah, Somdha ;Méda, Hien/Kambou, les (Gbãane/Kpila).

Chez les Peuls du Séno, on a les patronymessuivants qui sont des alliés : Diallo et JelgoDiallo et Baridjo. Si un Jelgo et un Baridjo setapent, l’intercesseur un Diallo peut leur dire :arrêtez tout de suite, et ils sont obligés de s’exé-cuter.

Un métalangage et ciment entre les régions,villes, villages, quartiers, Les formes baséessur la toponymie : l’alliance à plaisanterieinter-régionale

Elle se définit dans la perspective d’un lien deplaisanterie entre deux provinces, conformé-ment au découpage administratif du Burkina.Mais cette délimitation est purement formellepour le cas de notre étude car les frontières entreles provinces sont souvent caractérisées par deszones de capillarité ethniques. Ainsi les habi-tants de la province du Ganzourgou entretien-nent des relations de plaisanterie avec ceux deKoupéla. Ceux de Tenkodogo avec ceux deKoupéla. C’est le cas de Boulsa et Téma quientretiennent ces relations à plaisanterie. Onpeut citer aussi le cas de Boulsa et de Mané, deTenkodogo et de Koupéla, vice versa, deKoupéla et de Zorgho entre les gens de Ratengaet ceux de Risam dans le Bam, entre ceux deMané et ceux de Boulsa, Kaya et Pissila ;Piktenga et Louda au Sanmatenga.

l’alliance à plaisanterie (inter villes, villages, quartiers)L’enquête menée dans plusieurs provinces du

plateau moaaga (Namentenga, Boulgou,Ganzourgou, Kouritenga, Yatenga, Bam etc…)

révèle qu’il existe plusieurs formes d’alliance àplaisanterie au niveau des entités géographiquesque sont les régions, villages, et quartiers.

L’alliance à plaisanterie inter-villageElle peut se présenter entre deux villages proches

d’une contrée. La relation entre deux villages peuts’entendre comme un lien entre deux villagesd’une même province. A Zorgho cette pratique seretrouve entre les localités ou villages suivants:Kaanghin/Tanghin/Méguet ; Kabouda/Zorgho;Zorgho (Nakomse (princes)/Bougoulem(Nioniosé) ; Tensobdogo/Pissy ; Pissy/Gelgê ;Ouidi/Tambogo; Yougoulmandé/Da yorgo (quar-tiers des yarsé) ; Dapoya/Nayirdamba (cour roya-le) ; Nédego/Méguet; wapassi/(quartier Bãdo).

Au Kénédougou, les gens de Kangala plaisan-tent avec ceux de Sokouraba ; les ressortissantsde Banzon avec ceux de Djigouera et deToussiana ; les ressortissants de Kourouma avecceux de Famberla (de N’Dorola).

L’alliance à plaisanterie inter-quartierElle se définit sur l’échelle de deux entités d’un

même village. Dans la province du Namentengaprécisément à Boulsa les quartiers suivantsentretiennent des liens d’alliance à plaisanterie:Nioga/Paranouigué, Sanyiri (localité proche deKoupéla)/Bonam (quartier de Boulsa); Bonam(quartier d’origine de Boulsa de NaabaNamendé)/Baloguin, Koupéla ; habitants deWagda/ (quartier de Boulsa)/ chef de Boulsa ;Dapoya/Ouidi ; Waglin (habité par des Yadse/princes de Boulsa issus de Naaba Namendé) ;Kognéré/Doatenga ; Lioulgou/Kognéré ;Paspãga/Bagãnin.

A Koupéla, on retrouve la même pratiqueentre le chef de Koupéla et les habitants duquartier Dapoya ; les quartiers Balma/Paspãga.Toujours, à koupéla les quartiers suivants plai-santent ensemble : Balma/Dapooré/Paspãga ;Nakalbo/Dapooré; Voogo/Kalguin

Dans la ville de kaya , il y existe des quartiersqui entretiennent des relations à plaisanterie,notamment les localités de Piktenga /Louda,parce que les ressortissants du secteur dePiktenga arrosent le secteur 7. De même, le can-ton de Louda arrose le secteur 4 . Donc les sec-teurs 7 et 4 plaisantent et, par extension, les res-sortissants de Gaoua, Tiweega, Kougren, Louda.

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Conclusion

En définitive, on observe un fait frappantdans paysage culturel du Burkina Faso. Ce payscompte une soixantaine d’ethnies. En dépit decette diversité d’ethnies et de cultures, règne unesprit de tolérance au sein des populations quicohabitent paisiblement. C’est l’occasion desouligner le rôle de la parenté à plaisanteriecomme ciment entre les ethnies, entre lesfamilles, entre les villages, entre les régions et quifinalement favorisent la bonne cohabitation.Tout ce brassage culturel et ethnique crée uneforme de métalangage qui permet de souder lescommunautés.

L’alliance à plaisanterie qui repose sur uneforme de supra langage ou de supra culture per-mettant aux ethnies de se retrouver sur des ter-rains d’entente communs qui permettent lasymbiose des cultures.

Cette analyse répond parfaitement à la situa-tion socioculturelle du Burkina où les ethniescohabitent et s’interpénètrent sans heurts.L’alliance et la parenté à plaisanterie apparaîtcomme nous l’avons montré comme un supralangage qui soude les différentes ethnies duBurkina Faso. C’est pourquoi, toutes les ethniesdu Burkina Faso vivent en symbiose dans unecomplémentarité culturelle.

Nous avons tenté de révéler ces différentsaspects à travers cet article. Notre ouvrage révè-le d’autres facettes des alliances et parentés àplaisanterie au Burkina Faso24.

Nonobstant cette valeur traditionnelle léguéepar les ancêtres, il y a urgence de développer desstratégies de sa pérennisation. Dans cette pers-pective, l’Etat moderne ne doit l’ignorer ou lamépriser. Au contraire, il peut s’en servir commeun tremplin et doit y puiser comme un terreaufavorable pour unir les communautés et les sou-

der. Dans ce sens, les nominations des fonction-naires dans des zones alliées à plaisanterie pour-rait renforcer et réactualiser cette pratique.

Des décisions de soutien aux Associations,groupes ou communautés qui pratiquent le jeuet ses valeurs doivent être prises pour sa promo-tion. C’est à ce prix que nous ferons de l’Afriqueun continent où règne plus de tolérance. Lemonde souffre des génocides du Rwanda, descharniers de Youpougon, des épurations eth-niques de toutes sortes.

Dans la perspective d’une décision politique,au niveau des institutions, une journée nationa-le ou internationale de la parenté à plaisanterieou encore une journée des nations peut attirerl’attention des citoyens à plus de tolérance et defraternité. Au cours de cette journée, chaqueculture présentera ses coutumes, sa vision dumonde etc. Cette journée va constituer unesorte de valorisation de ce qui constitue le fon-dement de chaque identité pour une sorte decommunion de la somme des différences quicomposent finalement l’identité nationale ouinternationale. Cette re-activation de la tradi-tion s’exprime déjà au niveau associatif auBurkina à travers la société civile avec des asso-ciations de promotion de la pratique sur tout leterritoire. Parmi ces associations, l’Associationpour la promotion de la Parenté à plaisanterie(AB3P) apparaît comme celle qui essaie de sen-sibiliser les populations citadines. Elle a su jeterles bases de la modernisation de la pratique etcontribuer à cultiver la culture de la paix au seinde communautés citadines burkinabè déraci-nées. Ses manifestations culturelles et sportives ;conférences autour du thème de la parenté àplaisanterie, nuits culturelles, match de footentre ethnies, tendent à prévenir les conflits eth-niques et à installer une culture de paix et detolérance au Burkina Faso.

24. Alain Joseph SISSAO,Alliances et parentés àplaisanterie au BurkinaFaso, mécanismes de fonc-tionnement et avenir,Sankofa & Gurli, novem-bre 2002, 188p.

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lthough the history of political thought andspecifically international relations hasundergone significant advances in recent

decades, International Relations as an academicdiscipline has stuck to an often outdated episte-mology and methodology, avoiding the com-plexities involved with a more global approachto the pace and space of international processes.True, in the 1990s scholars emphasized theweakening of states as the global order’s tradi-tional foundations. In the late 20th century,many countries, often those born of decoloniza-tion, appeared to lack the traditional features ofstates - reliable institutions, social cohesion, ornational consciousness. But the end of commu-nist regimes in Europe paradoxically gave rise toa revival of states associated with the rebirth ofnationalism. In other parts of the world, ethnic,religious or cultural minorities that were or con-sidered themselves oppressed demanded inde-pendence. In Rwanda, Saudi Arabia, Iraq,Sudan, Afghanistan, and Haiti, autocratic ortheocratic states rulers crushed dissension orwaged open warfare against their own subjects.Some of the crisis that broke out strengthenedthe legitimacy of humanitarian interventions, atthe expense of international legal principles ofnational sovereignty and non-intervention. Atthe same time, “international civil society”claimed a bigger role in reshaping world order inassociation with states and inter-state organiza-tions, while demanding from these that theycheck the increasing influence of multinationalcorporations, another category of non-stateactors. The world picture has consequently

become increasingly complex and paradoxical,resulting in tensions among states and withininter-state organizations, the strengthening ofsome states and the fragmentation of others, thechallenges to the state system and the quest fora new multilateralism, the advances of economicglobalisation and political integration oftencurbed internationally by the resurgence ofnationalism and domestically by ethnic tensionsand local interests.

Moving actors in a fragmentedworld

Public international law, as it is conceivedtoday, emphasizes the prominent position ofsubjects of international law as the main actorsin international relations and, therefore, ininternational law. The subjects are those entitieswhich are the addressees of international legalrules or norms, the bearers of internationalobligations and rights. These subjects nowinclude states and international organizations,with the peculiarity that states grant interna-tional rights to and impose international obliga-tions on the IGOs, which implies that statesremain the original subjects of international law.Another peculiarity is that the very subjects ofinternational law, viz. the states, are also theentities that create international law, eitherthrough state conduct (practice) leading to cus-tom, or through interstate agreements ortreaties. Up to this point, we can say that statesare clearly at the centre of the internationalscene.

*Philosopher, linguist andinternationalist. Lecturerat the Haute Ecole deBruxelles/Institutsupérieur de traducteurs etinterprètes.This text is a revised ver-sion of a lecture given atthe Conference on “TheUnifying Method of theHumanities, SocialSciences and NaturalSciences”, Vienna, 7-9November 2003. Theconference proceedingshave been published underthe title The UnifyingAspects of Culture, a bookwhich recently receivedthe Bruno Kreisky Award.

Transnational Associations4/2004, 283-290

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International relations and its languages:a transdisciplinary perspectiveby Paul Ghils*

The need to understand and possibly explain the developments of a globalised but diversified world impliesa critical approach to International Relations as a discipline. Its purpose should be to highlight the conceptualneeds as well as the inadequacies of current conceptual and terminological tools. Against this background, thetransdisciplinary approach is an attempt to not only express emerging realities, but also to fashion new realitiesthrough renewed interpretations. It is confronted with what has become a twin obstacle: the rational orderingof academic disciplines, and the fragmentation of knowledge resulting from their excessive specialization andthe associated lack of communication among autonomous subjects. Both the uncritical deployment of a rational,universalistic ordering of the world and the indulging into an anarchical drift implicitly driven by powergames require a critical method. As a fundamental response to the problem involved in the building and theexpression of knowledge, the transdisciplinary method is designed as a “reasonable”, albeit potential tool, tointegrate fragmented bodies of knowledge and erratic modes of communication. It departs from an exclu-sively rational way, on which scientific disciplines and enquiry have been largely based for the last fourcenturies.

A

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However, in the recent decades non-state enti-ties have been granted, whether legally or de facto,the status of actors in the international system.Some of them, like the Holy See, as representativeof the Catholic Church, were even granted thestatus of subjects of international law. Most of theothers have played a role stemming from theCharter of the UN (article 71), which recognisestheir relevance through a “consultative status”. Inaddition to their active role on the internationalarena in a many fields, NGOs have actively con-tributed to the development of international lawin the field of human rights, scientific research,environmental matters and many more. Moregenerally, they are now fully involved in norm for-mation and political decision-making throughformal or informal processes. These developmentshave led to the concept of an international lawconceived as cosmopolitical, i.e. based on inter-pretations granting equal status to all partiesinvolved, decentred from any particular vision.

A second category of non-state entities isMNCs, which have also been proclaimed as newactors on the international scene as new agentsof economic development, this time quite unof-ficially. Their action is now so significant thatthey are the most active agents of globalisation,to such an extent that even the UN has tried tocontrol their influence by setting the GlobalCompact, a loose UN policy of rapprochementwith the business community, to which someNGOs responded by arguing “that corporateinfluence at the UN is already too great, andthat new partnerships are leading down a slip-pery slope toward the partial privatisation andcommercialization of the UN system itself ”(TRAC, 2000)1.

To this we could or should many more cate-gories, such as liberation and other nationalmovements, social, ethnic and cultural move-ments, criminal networks including maffias andterrorist groups, which have often adopted legalassociational forms.

The variety of international actors has natu-rally brought the question of the erosion of statesovereignty, whether it comes from civil oruncivil society organisations. In this respect, anew concern emerged in 1989, when itappeared that the political systems of three cen-turies came to an end in Europe: the balance of

power and the imperial urge. That year markednot just the end of the Cold War, but also, andmore significantly, the end of a state system inEurope which dated from the Thirty Years War.The resurgence of ethnic tensions, the creationof new nations-states and 11 September showedus some of the implications of the change.

International order used to be based either onhegemony or on balance. At the beginning ofthe 20th century, the international system wasbased largely on two epochal events in Europeanhistory: the Peace of Westphalia in 1648 and theCongress of Vienna of 1814-15. The Congressof Vienna and the treaty that emerged from itsanctified balance-of-power as the dynamic ofchoice for the international system. That was,and remains, a very European idea.

Hegemony came first. In the ancient world,order meant empire. Those within the empirehad order, culture and civilisation. Outside it laybarbarians, chaos and disorder. The image ofpeace and order through a single hegemonicpower centre has remained strong ever since.Empires, however, are ill-designed for promot-ing change. Holding the empire together – andit is the essence of empires that they are diverse– usually requires an authoritarian politicalstyle; innovation, especially in society and poli-tics, would lead to instability. Historically,empires have generally been static. In Europe, amiddle way was found between the stasis ofchaos and the stasis of empire, namely the smallstate. True, the small state succeeded in estab-lishing sovereignty, but only within a geograph-ically limited jurisdiction. Thus domestic orderwas purchased at the price of international anar-chy. The competition between the small states ofEurope was a source of progress, but the systemwas also constantly threatened by a relapse intochaos on one side and by the hegemony of a sin-gle power on the other. The solution to this wasthe balance of power, a system of counter-bal-ancing alliances which became seen as the con-dition of liberty in Europe. Progress was madepossible within this system, which preserve theirsovereignty of small states between the authori-tarian, static style of empires and the anarchy ofexcessive fragmentation.

However, an historical, contextualised form ofthe state cannot support a natural, universal

1. TRAC (2000),“Tangled Up In Blue:Corporate Partnerships atthe United Nations”,www.corpwatch.org

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conception which would be the inverted mythof security guaranteed by a strong state. The20th century amply demonstrated that the smallstate is not a guarantee of peace, contrary towhat Martin Korr2 suggested after Rousseau’scelebration of small and medium-sized commu-nities, Gandhi’s promotion of self-governedswadeshi and Schumacher’s support for the eco-nomic and ecological myth of small is beautiful.But the pre-eminence of a strong state is nosafer, as Eric Hobsbawm observed when heasked the question of how the world is to con-front or to contain the US.

Whatever the features – small or big, imperialor federal, despotic or democratic - ascribed tothe state when taken as the building block of IR,a contradiction arises whenever it is conferred anontological identity: just like Vishnu’s avatars, itincarnates age after age into so many figures thatits final nature never appears as a definable, uni-fied concept. There is the complex nature oftoday’s world scene, about which EricHobsbawm observed that “our era is still one ofnation-states - the only aspect of globalisation inwhich globalisation does not work.”3

In so far as world players” interactions are acomplex game, some classification may be use-ful, even though the state and the states systemappear to be a moment in history. RobertCooper has clearly categorized states into threebig categories, the complex intermingling of dif-ferent orders referred to as premodern, modernand post-modern4, where:

- pre-modern: where the state has failed andthe Hobbesian war of all against all is underway(Somalia, Congo, until recently Afghanistan).

Modern: Westphalia established the nation-state as the polity of choice for the next threeand a half centuries. A nation state is a territorycontrolled by a single government and inhabitedby a distinct population with a common culturethat commands the loyalty and shapes the iden-tity of its citizens. There remain modern statesthat behave according to Machiavellian princi-ples and raison d’Etat (India, Pakistan, China)

Post-modern: based on- a fuzzy distinction between domestic and for-

eign affairs;- the irrelevance of borders;- mutual interference and surveillance;

- in matters of security, transparency and mutu-al openness, interdependence and mutual vul-nerability;

- the rejection of force for solving disputes; cod-ification of self-enforced rules(UE, Japan, Canada; International Criminal

Court, Kyoto Protocol...)A fourth category may be added if we agree

with David Held, who thinks that more than aHobbesian sovereign and contrary to RobertKagan’s remark, “the US is best perceived as pre-Hobbesian because it is a return to the state ofnature”. In this view, whereas Hobbes justifiedsovereign power in so far as it delivers security,“The US strategy does none of these things,endangering its citizens (especially abroad), fur-ther dividing and polarising internationalaffairs, and weakening the international institu-tions of peace and justice.”5

By those definitions, we can understand whythere will be competition not so much amongstates as among different categories of states orstate-like entities, which may lead to the desta-bilising of the world. The Middle East is just oneexample of this destabilisation -far more unstablenow than it was 10 years ago, or five years ago.As a modern, imperial state, the US weakens allthe alternative arrangements, formal and infor-mal, for keeping order. In Europe it has wreckedthe North Atlantic Treaty Organisation by tryingto turn it into a world military police force forthe US in disguise. It has deliberately sabotagedthe EU, and also systematically aims at ruininganother of the great world achievements since1945, prosperous democratic social welfarestates. The widely perceived crisis over the credi-bility of the United Nations is less of a dramathan it appears since the UN has never been ademocratic and representative institution, andhas generally been unable to do more than oper-ate marginally because of its total dependence onthe Security Council, and the use of the vetoright of five powers.

As to the problematiques of “players in theinternational system”, we can draw a few con-clusions from the state of IR, which is far morecomplex and paradoxical than the over-simpli-fied ideas of the demise of the state or the adventof a post-Westphalian, global civil society wouldevoke:

2. The Breakdown ofNations, GreenBooks/New EuropeanPublications, 2001 [1957].3. “The Empire ExpandsWider and Still Wider”, LeMonde Diplomatique inEnglish, 11 June 2003. 4. “The post-modernstate”, in Re-Ordering theWorld, edited by MarkLeonard, The ForeignPolicy Centre, London,2002.5. HELD David, “Returnto the state of nature”,www.openDemocracy.net,20 March 2003.

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1. State sovereignty is being eroded in limitedspheres, despite the proliferation of civil societyactors and their increasing participation in inter-national decision-making and norm formation;

2. The same process (through the InternationalCriminal Court and other IGOs) paradoxicallystrengthens the state because the latter is thefinal guarantee that such treaties will be imple-mented;

3. In the same way, the pressure of uncivilsociety, sustained by criminal organisations of allkinds, enhances the need of states to protectboth states and civil society for, as Martin Hallsaid, “Without Hobbes we may not have Lockebut rather the jungle, as those who have livedwithout a state know all too well.”6

4. Some states may in any case gain instrength, most obviously in the case of theUnited States (which may not be a nation-statein the Westphalian sense7), or in highly central-ized China. In turn, these modern states willlook for state partners to create what they thinkwill be a safer world. But such partners, insteadof other strong states, may be post-modern enti-ties such as the European Union, which are pre-cisely the Aufhebung, the “sublation” of thosesovereign states that were the pillars of stabilityin Westphalian Europe. Furthermore, if weakstates do not necessarily bring peace, strongstates may elicit violence by the very authoritythey impose on dominated entities, as can beseen today in Iraq;

5. In an age of globalisation, sub-nationalentities, from local consumer groups to regionalpartnerships associations and associations ofsmall or big cities, are hollowing out state pow-ers from the bottom;

6. Ironically, one weakness of internationalcivil society, if we admit its reality, is precisely theabsence of a multilateral, inter-state entity thatwould play in the international sphere the roleplayed by the liberal state in the gradual emer-gence of autonomous, domestic civil societies.

It appears from these processes that the stateand the states system have never been an unam-biguous concept usable for a scientific theory ofIR. Even before the undermining of the inter-state system, which some historians would sayhad never existed8, states as entities were no iden-tities. We have learned from thinkers like

Maffesoli, Touraine and Giddens not to reifysocieties defined by the boundaries of particularstates9. The vast and complex space opened tothe study, the understanding and possibly theexplanation of international relations cannot becorralled between “two views of human natureand two visions of knowledge” which, whetherconstrained or unconstrained, are more reminis-cent of Medieval Sin and Grace, as StephenToulmin would say, than appropriate to thefoundations of IR theory 10. The quest for funda-mental laws of international processes tradition-ally associated with IR as a science is the doomedavatar of an outdated conception of science.

On the other side, comprehensive conceptsused by the transnationalist school, such as“global civil society”, run into symmetrical diffi-culties. For unlike the national level, there is no“global” or world government against whichINGOs may be defined as a residual. If it is oftenaverred that “international organizations have nodemos of their own”11, it can be symmetricallyaverred that the “transnational demos” has nopolitical counterpoise that could act as a transna-tional polity. This severely restricts the assump-tions of such moral cosmopolitans as JohnRawls, who considers extending the moral cos-mopolitan theory (previously confined to thedomestic realm) to that of an internationalrealm.12 The argument that a suitable principlecan be justified by analogy with the justificationgiven by Rawls in his Theory of Justice for anintrastate distributive principle is undermined bythe ontological novelty of an asymmetricaltransnational world. And even if there were suf-ficient cooperation on the inter-state level -assuming with Rawls that human rights are uni-versal and therefore capable of crossing nationaland cultural boundaries, an admittedly reason-able argument - it would still remain to be shownthat justice provides the motivation and groundsfor fulfilling such cooperation through arenewed “law of the peoples”, which obviously isnot the case despite the rational feasibility ofsuch a process.

Today, the problem is made even more com-plex with the intrusion of new political objectssuch as the European Union, which is even lessdefinable as the state: Hegel considered Europeas the locus of a “struggle for recognition”;

6. HALL John A., “TheReturn of the State”,Science Research Council,New York, 2002; MERLEMarcel, “Le retour del’Etat”, La Croix, 21November 2002.7. Because this country wasconceived by its foundersas a new kind of nationand, indeed, a new kind ofstate - one based not on thecombined accidents ofdemography and geogra-phy, but on the combinedexertion of political willand championship of polit-ical ideas (TALBOTTStrobe, “War in Iraq, revo-lution in America”, TheWhitehead Lecture, TheRoyal Institute ofInternational Affairs,October 9, 2003.8. SALLMANN Jean-Michel. Nouvelle histoiredes relations internationales,vol. 1: Géopolitique duXVIe siècle 1490-1618),Paris: Seuil, 2003. 9. Cf. MAFFESOLIMichel, La transfigurationdu politique, Grasset, 1992; see also “The Ethic ofAesthetics”, Theory,Culture & Society, 8 (1),1991, 7-20; OUTH-WAITE William, “Towarda European civil society?”,www.theglobalsite.ac.uk/press, p. 7. 10. Cosmopolis. TheHiddenAgenda of Modernity,Chicago: The Universityof Chicaco Press, 1990.See also Return to Reason,Cambridge(USA)/London: HarvardUniversity Press, 2001. 11. CHARNOVITZSteve, « The emergence ofdemocratic participationin global governance(Paris, 1919) », IndianaJournal of Global LegalStudies, p. 47.12. “The Law of Peoples”,in Stephen Shute andSusan Hurley (eds.), OnHuman Rights, New York:Basic Books, 1993.

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today, it is equally conceived of as an operationof remembering (Ricoeur’s travail de mémoire),of working on stereotypes and representations ;Europe is also a philosophical idea, a spiritualfigure born in Greece as the locus of the inven-tion of philosophy and science, a purely theoret-ical space. In the political sphere, far from dupli-cating American federalism, it has been atransnational process from its origin – not onlyas a coexistence of nations or a convergence ofnational interests, but as the achievement of anextranational process, the accomplishment ofotherness, “the realization of transnational-ism”13.

The very idea of a discipline

One cannot effectively discuss trans- (cross-,inter-, multi-, anti-, post-, etc.) disciplinaritywithout some assumptions about what consti-tutes a discipline in the first place. Disciplineswere originally a response to the empirical uncer-tainties of scientists and the reasonable views ofsceptic thinkers in the 16th century. The rationalapproach taken by Descartes and his followers,based on certain, objective truth and the disci-plinary distribution of knowledge, has ironicallyculminated in today’s hyper-specialization, asplitting up of knowledge and human experiencewhich threatens to undermine the integratedunderstanding of their significance. As an acade-mic discipline, IR is a recent subject conceived inBritain and the United States in the early 1920swith a practical task. It was the scientific under-standing of the causes of war and of the condi-tions of peace. It had, therefore, a policy voca-tion, but it was closely linked to the politicalestablishment, whether governmental or officialopposition, which made it markedly unscientif-ic. IR consequently results from a double drift,with consequences on both academic practicesand the representations of the world it isassumed to depict: a strongly rationalist bias, andclose relationships with the American politicalestablishment14.

However, after the long period over whichtransnational relations have been severely con-strained ever since by the inter-state systemknown as « Westphalian », the complexity ofinternational relations has made it necessary to

promote interdisciplinary programmes and ques-tion the relevance of positivistic science whileintroducing a set of parameters not previouslyconsidered (regimes, social and cultural factorsand actors, non-state entities)15. IR first enteredinto a “first debate”, in which realism competedwith idealism in the late 1930s and early 1940s,then a “second great debate”, where realism wasquestioned by behaviouralism in the late 1950sand 1960s. These views have not disappeared andremain competing references among specialists,even though a “third debate” in IR has broadenedthe epistemological framework, offering morecomplex patterns for describing and possiblyunderstanding international relations. The rise oftransnationalism in the inter-paradigmatic debatehas introduced transdisciplinary concepts such asthe transnational and transcultural dimensions,while shedding new light on globalisation and itsimpact on political, social, or communal identi-ties. A response is being sought here to the chang-ing pattern of power relations, toward whatappears increasingly as a form of “complex multi-lateralism”16 involving a system of governancemade of a plurality of actors: not only states andinter-state organizations conventionally recog-nized by international law, but also networks andcommunities diversely formalised into civil soci-ety organizations, whether on a corporate or anon-profit basis. The “multi-stakeholder” dia-logues and “multilayered identities” are some ofthe concepts associated with multipartite gover-nance structures, which have arisen as a novel fea-ture of the institutional landscape.

Is IR a discipline?

If IR is heir to different traditions – history,political science, philosophy, economics, law, anda few more – it is by necessity multi- or interdis-ciplinary: psycho-economics is emerging as a newapproach, to humanize homo oeconomicus andshed new light on consumer behaviours andgroup interactions; in the French school, the dis-ciplinary base for the study of InternationalRelations is very weak, but this disadvantage iscompensated by the potential advantage of inter-disciplinary cross-fertilization induced by suchfields as history (Braudel), anthropology and legalstudies. Within the “third debate”, IR has bene-

13. Cf. Europe as adynamic process, a movingconcept inChristianeVillain-Gandossi, BOCHMANNKlaus et al., Le concept del’Europe dans le processus dela CSCE/The Concept ofEurope in the Process of theCSCE, Gunter Narr,Tübingen, 1990, Wolton,2001; Penser l’Europe à sesfrontières, texts présentéspar GUENOUN Danielet NANCY Jean-Luc,Editions de l’Aube, 1993.14. In the words ofStanley Hoffmann, IR isan American social science(“An American social sci-ence: InternationalRelations”, Daedalus,106/3, 1977, pp. 41-60.15. Considered as the con-ventional, contemporarymethod based on the crite-ria of accuracy, falsifiabili-ty, explanatory power, pro-gressive research pro-grammes, consistency withother research areas andlimited use of basic con-cepts (Hollis and Smith,Explaining andUnderstandingInternational Relations, andBooth and Smith,International Theorytoday).16. O’BRIEN Robert, «Complex multilateralism:the global economic insti-tutions and global socialmovements nexus », paperpresented at the confer-ence on « Non-StateActors and Authority inthe Global System », 1November 1997.

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fited from the interpretation of political science aslinguistically constituted, a topic explored by theCambridge school17; more recently, ethical con-cerns have penetrated economics to such lengthsas labeling the latter a “moral science” by NobelPrize winner Amartya Sen.

For the sake of simplicity, the many sources ofIR’s development and methodology can be referredto two essential traditions: scientific and hermeneu-tic, which can be methodologically translated asunderstanding and explanation, to use Hollis andSmith’s words18. The object of IR can be presentedas composed of two (very) different levels: that ofstates and their relations on the one hand, and thatof peoples, societies and individuals on the other.This dichotomy has always opposed mutuallyexclusive paradigms of IR, as illustrated by the his-toric debate in the International StudiesAssociation’s Congress in 1973 between- the English school, which viewed the interna-

tional system as a huge spider web made of allkinds or organisations interacting with eachother19, and

- the American or German-American school,focused on Morgenthau’s vision of a billiardball game among competing states.The former is clearly derived from a Leibnizian

paradigm, whereas the latter is derived fromHume’s idea of an empirical, mechanistic sciencebased on causation/sequence as correlation betweenconstant and predictable events. So formalized, thescientific view translates in various disciplines: inpolitical science the state behaviour is caused bystructural factors; in economics, the behaviour offirms is dictated by the “invisible hand” of marketforces conceived as a system; in discourse analysis,meaning is constructed in accordance with under-lying social and cultural values. In all cases,researchers presuppose as in game theory the exis-tence of hidden, underlying structures which justi-fy the Platonic view of a search after truth, the deci-phering of Galileo’s “Book of Nature”.

A new paradigm?

The question arising from this state of thingsis: can the logic of IR be reduced to this exclu-sive dichotomy, is any intermediate or con-structed discourse, any “third debate” doomedto be “irrelevant”, as claimed by Emmanuel

Navon?20 Navon’s argument is inherently con-tradictory in so far as, if “facts are facts” as vehe-mently stressed in his conclusion, there is noreason whatsoever to engage into the “history ofinterpretation”, as he however does, and no needto summon scepticism either, as this preciselyimplies the rejection of universal objectivity, tol-erating and even inviting plural interpretationsof what can be initially posed as facts of the realworld. Any claim to the contrary would be clos-er to dogma than to science, if we recognize thatscience, far from stating ultimate verities, is con-stantly open to falsification. If the “first” (con-servative v. revolutionary approach to humannature) and “second” (rationalist v. non-ratio-nalist approach to human knowledge) debatesare still relevant, as Nevon rightly claims, itshould also be recognized that scepticism, remi-niscent of Michel de Montaigne, will preciselyallow for uncertainty, ambiguities and disagree-ment, that is for the plural beliefs explored todayby cultural anthropology and the conflict ofinterpretations articulated by Paul Ricoeur21.

A rigid contrast cannot be maintained if gen-eral trends and inductive generalizations aresubmitted to the here and now of peculiar his-torical contexts, and if reason and logic have tobe induced from attention to facts rather thanfrom stark facts, and so unavoidably translatedinto discourse and rhetoric, a dimension empha-sized by the Cambridge School in relation withthe linguistic and conceptual roots of politicallegitimacy22. Language and concepts are the bor-derline between a supposedly passive object andthe cognitive approach taken by the subject,whether idiosyncratic or shaped by social andcultural patterns. The language mediation doesnot imply that an autonomous linguistic or con-ceptual reality, in a Platonic sense, takes theplace of objective facts as was considered byWittgenstein in his first writings, but that inter-action between facts and observers transformsour perception and understanding of what isaimed at. As Charles Taylor has observed aftermany linguists, a crucial feature of conversationis that the speakers create an object that is notjust an object for one that happens to be also anobject for the other, but a new object for both.Charles S. Peirce’s cable metaphor had alreadyillustrated the fact that individuals are not iso-

17. The Cambridge per-spective can be viewed as apolitical avatar of previousattempts by Austin andWittgenstein to define anew form of realism wherethe world is enshrined inordinary language. In turn,these echo the rejection byQuine (Word and Object,1960) of theanalytical/empirical distinc-tion, which exposes themyth of « meaning » andconcludes to the indetermi-nation of translation.Beyond theempiricism/realism tensionaddressed by Quine, theworld can be thougt asimmanent to ordinary lan-guage, the polity appearingas, albeit partially, governedby or channelled by a lin-guistic mediation. 18. Hollis, Martin andSmith, Steve. Explainingand UnderstandingInternational Relations,Oxford: Clarendon, 1990.19. William Outhwaiteobserved that “On theissue of compatibilitiesand incompatibilities ofvarious structural and cul-tural forms, Max Weberborrowed from Goethewhat remains perhaps themost useful concept foraddressing these issues: thechemical concept of elec-tive affinity(Wahlverwandtschaft)”.http://www.theglobalsite.ac.uk/press/008outhwaite.htm20. “The ‘third debate’revisited”, Review ofInternational studies, 27,2001, 611-625.21. Du texte à l’action, (Del’interprétation), Seuil,Paris, 1984.22. Cf. BELL DuncanS.A., « The CambridgeSchool and world politics». www.theglobalsite.ac.uk,2001.

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lated entities but permeable subjects, interrelat-ed by as many fibres, into what is more com-monly known today as networking relations23.Instead of sets of individuals, social-politicalgroups are better defined, in Peirce’s neo-kantiansemiotics, by the transindividual, trans-subjec-tive links underlying a semiosis producing newobjects, emphasizing relations within a contextand resulting in an intersubjective stabilisation,an agreement about the object. The possibletruth emerging from such a process transcendsany single truth based on opinion and is aimedat reaching the agreement of all scientists, soproducing what we deem true or real24. It is asimilar process that creates what Taylor and pro-ponents of the critical theory associated with thenames of Habermas, Adorno or Linklater call a“public” or “common” space which varies withthe various uses of language25. These views, how-ever, found their most refined achievementsafter the linguistic turn in social sciences trig-gered by philosophers of language or linguistssuch as Mikhail Bakhtin and the “second”Saussure26 and refined by the followers of theseparallel, sometimes rival traditions.

The epistemological consequence is that we canno longer stick to the method of Copernicus,Galileo and Descartes, for whom the world canbe explained in the language of mathematics,whose perfection – reflecting God’s perfection –has survived up to the present time in the dreamof an integral rationality, whether resulting inmapping the geopolitical world, in modelling thebehaviours of producers and consumers in aneconomic system, in the same way as biologistsdecipher the human genome. Attempts atdescribing the rational behaviour of individualshave also been made through structuralapproaches, as in various fields of human andsocial sciences inspired by linguistics. However,both methodological individualism and radicalstructuralism have failed to describe more thanvery specific features of human processes, becausereductionist approaches leave no room for theinteraction of objects and subjects in the consti-tution of knowledge. The lessons learned with theepistemological shift associated with Popper’s ideathat any scientific hypothesis needs to be falsifi-able do not imply that this scientific method isnecessarily and generally transferable into the

realm of human and social sciences. After all,even the Popperian turn has shown that science isnot in search of truth but is an ever-provisionalbuilding of propositions open to falsification.

The consequence is triple: Any “true” theory becomes a heuristic tool

whose usefulness is proportional to the openingup of the new research programmes;

The question of “levels of reality” becomes aquestion of “levels of analysis”, where the analystis both the observer and the creator of these levels.

Disciplinary fields are intersected with crossissues such as violence and human rights, andphilosophical questions related to moral valuesand ethics.

The “analysis” approach is particularly essen-tial in that it acknowledges that knowledge isnot passively received, as in discovering an onto-logical reality, but actively built up by the cog-nizing subject. The function of cognition isadaptive and serves the organization of the expe-riental world, allowing for a transdisciplinarypicture different from a mere combination ofdata extracted from various disciplines, as thecase would be with a strict interdisciplinaryapproach.

This state of affairs opens adaptable ways toresearch in so far as, in a first stage, it allows tocombine various levels as seems appropriatefrom among legal, geographical, historical, eco-nomic, social, anthropological or even psycho-analytical studies27. Such flexible interdiscipli-narity is the precondition for a possible transdis-ciplinarity, which in a second stage will emergeas the global interpretation/understanding ofthe selected data derived from the crossing ofdisciplinary boundaries. In this process, the act-ing subject/researcher is responsible for theexperiential world it constructs. Ethics, there-fore, cannot be avoided: it will be associatedwith the constructed representation of theworld.

For these reasons, a transdisciplinary methodappears as both continuous and discontinuous.In the wake of an uncompleted or possibly over-completed modernity (through the overwhelm-ing power of reason), today’s challenge may bethe re-integration of both traditions of moder-nity, epitomized by Descartes and Montaigne,to build not so much a fuzzy “post-modern”

23. This semiotic frame-work is basically differentfrom Charles W. Morris’sbehaviourist conception,whose cultural underpin-nings are obvious if theyare related to the utilitari-an, analytical notions ofthe technical-scientificviews of the time. The lat-ter could be correlatedwith the modular conceptof current cognitivism,breaking the object intothe various competencelevels to which it applies(syntactic, semantic, prag-matic) (Cf. “Signs, lan-guage and behavior”,Writings on the GeneralTheory of Signs, Mouton,1971).24. Collected Papers,Cambridge (Mass.):Harvard University Press,1931-1958, 5, p. 407.25. Sources of the Self. TheMaking of the ModernIdentity, CUP, 1989, p. 35. 26. This is no longer theSaussure of langue but ofparole, without which thesocial use of language, ifnot its semiotic openings,would not be conceivable.See comments of SimonBouquet and RudolfEngler (eds.) onSaussurean texts recentlyrediscovered in Ecrits delinguistique générale,Gallimard: Paris, 2002.This orientation was laterfurthered by linguists(Benvéniste, Jakobson),philosophers of ordinarylanguage (Austin, Searle,Grice) and philosophers ofcommunication and prag-matics (Habermas, Apel,Jacques).27. Cf. Daniel Sibony,Proche-Orient, psychanalysed’un conflit, Seuil, 2002.In La Psychanalyse àl’épreuve de l’islam (Paris :Aubier, 2002), FehtiBenslama encovers theconstitutive repression ofthe islamic religion byexploring its origins andanalysing its most visiblecontemporary crisis: theislamist movement.

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world as a reconciled “transmodernity”. The firstsource of modernity belongs to the Platonic-Kantian tradition, whose universal principlescan be found in the idea of world federalism aswell as of scientific or economic rationality. Thesecond is commonly governed by emotionalappeals, a “sentimental education” à la Rorty 28

in the tradition of David Hume and WilliamJames, whose practical expression may vary froma benevolent multiculturalism oblivious of thedogmatic biases of the community to the irenicforms of a homogeneous cyberspace. The trans-disciplinary way views these two poles not somuch as articulated around Vasquez’sArchimedian point, which cancels out dynamictensions by reducing them to a neutral stance, astatus quo antes mediated by the zero value29, butas a complex arrangement of asymmetrical, ten-sorial relations that can be figured out as thestring of Heraclites’s bow30. To be effective, thedevelopment of future international institutionswill rely on such mediations, so much so as theseare constantly threatened with dissolving intostandardizing rules, from the pervading lex mer-catoria to a proclaimed “return of the state” but-tressed on the expansion of the sole superpowerand fed on the waning of international law. Inthis perspective, dialogue and dialogical com-munication need to be reinterpreted as morethan a mere literary genre, to put into practice a

global view that predicates universal referenceson the general, that characterizes universal rea-son by cultural diversity. In a cosmopolis predi-cated on cultures taken as historical realities,International Relations is invited to conceive ofglobal relations on the basis on the impure rea-son associated with cultural practices, ratherthan on a predefined universal matrix derivedfrom “true” social-political realities.

Whatever the scope of this challenge, it willhave to address the two faces, rather than phas-es, of history. This is a formidable future indeed,where the Utopian quest for the societas maximaprojected by the Stoics beyond the City-state,and pursued through Kant’s insight of aCosmopolis ordered into political units whichwould not be bellicose and would recoil fromwar, will remain closely associated with the tur-moil of its dwellers. If an « overturn » of inter-national relations can be envisaged, it is likely tobe through the complex intermingling of theinternational and the transnational, the ebb andflow of both orientations. The ensuing patternwill not point to any post-modernity, but to arearrangement of both the rational and the rea-sonable31 sources that replace social and politicalinstitutions into their cultures, that redefinemodernity into a fragile and subtle casting of itsmultiple players, not protected from possibleeruptions or disruptions.

28. See for example «Human rights, rationality,and sentimentality », inStephen Shute and SusanHurley (eds.), On HumanRights, Basic Books, NewYork, 1993, p. 111-135.29. « The post-positivistdebate: reconstructing sci-entific enquiry and inter-national relations theoryafter Enlightenment’s fall», in Ken Booth and Stevesmith, International rela-tions Theory Today,Cambridge: Polity Press,p. 217.30. As elegantly explainedby Jean-JacquesWunenburger in « Le par-adigme de l’équilibre : lec-tures hippocratique etarchimédienne”, Les étudesphilosophiques, 4/1986,529-540.31. In so far as « reason-able » is not equated with« irrational » or « non-rational ».

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La Communauté et l’Unioneuropéenne portent la marque deleur origine

Les initiatives et les actions qui ont abouti à lacréation de la CECA résultent des propositionsconvergentes des mouvements européens et del’action de Jean Monnet. Cependant, avantmême l’intervention de Jean Monnet, ce sontces mêmes mouvements qui ont préparé le ter-rain par leurs activités militantes en faveur del’Europe unie.1

Dès la fin de la guerre et à partir de 1946, desmouvements tels que l’Union paneuropéenne,l’Union européenne des fédéralistes (UEF), leMouvement socialiste pour les Etats-Unisd’Europe (MSEUE), les Nouvelles équipesinternationales (NEI) issues des partis démo-crates-chrétiens, le Mouvement libéral pourl’Europe unie (MLEU), la Ligue européenne de

coopération économique (LECE) s’engagentdans la promotion de l’Union de l’Europe, ens’appuyant sur des réseaux de comités nationauxet régionaux et sur de nombreuses personnalitéseuropéennes. Deux caractéristiques méritentd’être soulignées : l’action repose à la fois sur lespersonnalités et sur les militants ; ces mouve-ments par dessus les frontières poursuivent, pardes voies différentes, un même objectif, unionpolitique, démocratique et fédérale de l’Europeoccidentale. Deux mouvements se distinguentau sein de cette constellation : l’UEF et leMouvement européen qui réunissent autour del’idéal européen des membres issus de diversesfamilles politiques.

Pour notre analyse, il est essentiel de noterqu’à l’origine des Institutions européennes setrouvent des initiatives et mouvements sociauxet non pas des propositions des gouvernements.Dans ce sens, nous sommes fondés à soutenir

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*Professeur émérite del’Université de Genève,président du Centreeuropéen de la culture.Fondateur duDépartement de sciencepolitique à l’Université deGenève, Dusan Sidjanskiest professeur émérite de laFaculté des scienceséconomiques et sociales etde l’Institut européen decette université. Il a étédepuis 1956 prochecollaborateur de Denis deRougemont au Centreeuropéen de la culturefondé en 1950 à la suitede la Résolution culturelledu Congrès de La Haye de1948. Il est auteurd’ouvrages sur lefédéralisme et surl’intégration européennedont Fédéralismeamphictyonique, Elémentsde système et tendanceinternationale, Paris etLausanne, Pedone etRouge & Cie, 1956;Dimensions européennes dela science politique, Paris,LGDJ, 1963; EuropeElections, de la démocratieeuropéenne, Paris, Stanké,1979; Union ou désunionde l’Europe? LaCommunauté européenne àl’épreuve de la criseyougoslave et des mutationsen Europe de l’Est, Dossiersde l’Institut universitaired’études européennes,(IUEE) Genève, 1991;L’Avenir fédéraliste del’Europe, La Communautéeuropéenne des origines autraité de Maastricht, Paris,PUF, 1992, 1993 qui a ététraduit en italien, serbo-croate, portugais, grec,russe, espagnol et anglais.La version anglaise mise àjour a été publiée par TheUniversity of MichiganPress The Federal Future ofEurope, Ann Arbor, 2000; L’approche fédérative del’Union européenne ou laquête d’un fédéralismeeuropéen inédit,

Associations transnationales4/2004, xxx-xxx+8

Une révolution démocratique : l’émergence del’Union européennepar Dusan Sidjanski *

es relations internationales ont connu une évolution et une transformation rapides dans la périoded’après guerre. Dans ce nouveau contexte, la Communauté européenne puis l’Union européenne se pré-sentent comme une révolution, telle leur expérience est à la fois inédite et innovante. Elle constitue la

tentative la plus ambitieuse de démocratisation d’une communauté d’Etats régionale. A plus d’un titre,cette expérience peut servir de référence aux intégrations régionales et peut-être à l’avenir aux organisationsinternationales à vocation globale.

En effet, malgré les progrès enregistrés par l’ONU et les organisations spécialisées, ces avancées s’inscri-vent dans un courant à dominante intergouvernementale et à vocation mondiale. Certes, à l’heure de lamondialisation de l’économie et de la communication mais aussi des problèmes et des conflits, ces organi-sations globales prennent une importance accrue dans la mesure où elles sont appelées à réguler la puissancedes groupes économiques et la prolifération des organisations non-gouvernementales, des mouvementssociaux et des réseaux qui bouleversent les structures traditionnelles. Ces vagues de fond qui, de surcroît,suscitent des irruptions d’individus et de groupes en tant que nouveaux acteurs porteurs d’espoirs ou de tra-gédies, posent la question de la participation de ces ensembles d’acteurs et soulèvent le problème éminem-ment complexe de la démocratisation des relations internationales et des organisations internationales enparticulier. Or, les avantages qu’offrent ces organisations gouvernementales globales sont en même tempsleur principal handicap.

Dans son opuscule La paix universelle, Kant a mis l’accent sur la nécessité de faire reposer l’organisa-tion de la paix sur les régimes politiques compatibles, voire homogènes. Traduite en termes actuels, ladémocratisation des organisations internationales supposerait que les membres de ces organisations soientdes démocraties, alors que l’hétérogénéité des régimes politiques dans le monde est loin de répondre à cettecondition préalable. D’où la difficulté de démocratiser des relations internationales au plan mondial.C’est pourquoi, tout en poursuivant ce but, la démarche par voie d’intégration régionale et de démocra-tisation de sous-ensembles dont les membres pratiquent la démocratie, me semble être l’approche la plusréaliste dans la situation actuelle du monde. C’est une conception qui s’inscrit dans la Charte des NationsUnies et selon laquelle les organisations régionales ou de proximité formeraient des piliers de la commu-nauté internationale en conformité à son ordre normatif et à ses décisions générales. C’est dans cetteoptique que je me propose de présenter quelques traits saillants du processus de démocratisation de l’Unioneuropéenne.

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que l’Union européenne est une constructionqui s’édifie de bas en haut, sous l’impulsion depersonnalités, de réseaux et de mouvements,avant d’acquérir un caractère officiel par la créa-tion d’institutions. Dès lors, un système poli-tique se met progressivement en place sous lapression des demandes venant d’en bas aux-quelles les institutions et les gouvernements sontcensés apporter des réponses sous la forme dedécisions et de politiques communes.Aujourd’hui, plus d’un trait original apparais-sent en filigrane dans le visage officiel que pré-sente l’Union européenne. Aussi faut-il remon-ter aux sources de l’intégration européenne pourpouvoir expliquer à la fois la vocation démocra-tique et la participation des acteurs informels auprocessus de décision dans l’Union européenne.

Un deuxième constat qui n’a pas perdu de sonactualité aide à la compréhension du systèmecommunautaire. L’idée de l’Europe uniedevient un but partagé. Devenue idée-force,elle oriente et soutient les actions politiques.Elle prend la forme, sous la plume de Denis deRougemont, d’ une sorte de charte des principesfédératifs adoptée au Congrès de l’UEF àMontreux en 1947. Cet élan, bien que freinépar les Britanniques, anime un an plus tardle Congrès de la Haye (1948) lequel, sousla présidence de Winston Churchill et en pré-sence d’un millier de participants venus de tousles horizons, donne naissance au Manifesteeuropéen, dont le principal rédacteur n’est autreque Denis de Rougemont. C’est une sommeeuropéenne qui contient les principes, lesgrandes orientations et les objectifs qui ont ins-piré les fondateurs de la Communauté et del’Union européenne. Relayée par le Mouvementeuropéen, la résolution politique a abouti à lacréation du Conseil de l’Europe en 1949 et de laCour des droits de l’homme. Première organisa-tion européenne gouvernementale, qui exige deses membres le respect des principes démocra-tiques et des droits de l’homme, le Conseil del’Europe est doté d’une Assemblée consultativede parlementaires ainsi que d’un Comité desministres. C’est, d’après la formule de GeorgesBidault, « L’Europe des libertés » qui s’accom-pagnera de « l’Europe de la volonté », plus peti-te mais plus intégrée.2 Les résolutions duCongrès sont aussi à l’origine du Mouvement

européen qui fédère les différents mouvements,du Collège de l’Europe et du Centre européende la Culture.

Incarnation de cette volonté politique, laCommunauté européenne du charbon et de l’acier(CECA) est née au confluent des mouvementseuropéens et de la nécessité fonctionnelle derépondre aux besoins pressants de l’époque(pénurie du charbon, surproduction chaotiquede l’acier). A l’idée d’une fédération politiqueglobale préconisée par Denis de Rougemont,Jean Monnet et Robert Schuman préfèrent,pour des motifs pragmatiques, une sorte deFédération partielle, la CECA, qu’ils considèrentnéanmoins comme une étape vers la Fédérationeuropéenne3. Le Plan Schuman vise à recons-truire le bassin de la Ruhr par delà des frontièreset à créer une interdépendance indissolubleentre anciens ennemis. Il tisse ainsi les fonde-ments d’une Communauté à vocation démocra-tique et fédérative. Il déclenche le processusd’intégration qui construit progressivement pardes réalisations concrètes créant des solidaritésde fait, de proche en proche, secteur après sec-teur, les bases d’une union politique. Le mouve-ment d’engrenage qui rappelle le « spill over »de Ernst Haas n’a pas conduit de manière auto-matique à l’instauration d’une autorité politiquecommune. Il n’en reste pas moins que, commel’écrit Jean Monnet, la CECA « marque ladirection dans laquelle la future Europe devrachercher sa voie vers une Communauté fédéralepacifique plus vaste, plus prospère, au sein delaquelle les nations européennes mettront encommun leurs ressources et leurs capacités etpourront ainsi, dans la liberté et la diversité,vivre au rythme du monde moderne ».4

J’appelle l’ œuf de Jean Monnet son idée d’uneHaute Autorité, indépendante chargée de régu-ler les deux secteurs de base dans un systèmeembryonnaire qui prévoit la participation desEtats membres au sein d’un Conseil, uneAssemblée commune issue des parlementsnationaux chargée du contrôle démocratique etune Cour de justice chargée du contrôle juridic-tionnel. Les bases de la future fédération démo-cratique sont jetées.

Cette volonté initiale est exprimée par les pro-jets des traités de la CED et de son prolongementnaturelle, la Communauté politique européenne.

Notre Europe, 2001 paruen versions portugaise,italienne et allemande. Adresse : 33 Chemin del’Avanchet, 1216 Cointrin– Genève. Courrier électronique :[email protected]. Site web :www.eurofederalism.com1. Dusan Sidjanski,L’Avenir fédéraliste del’Europe, IUEE, Paris,Presses universitaires deFrance, 1992, p.27 et ss.2. Aujourd’hui le Conseilde l’Europe incarne « lagrande Europe » dontfont parties les membresde l’Union européenne,laquelle à son tour pour-rait bien comprendre unnoyau dynamique etfédérateur sous la forme decoopération renforcée s’ap-puyant sur la zone euronotamment.3. Robert Schuman, Pourl’Europe, Paris, Nagel,1963, p.203.4. Jean Monnet, Les Etats-Unis d’Europe ont com-mencé, Paris, RobertLaffont 1955, p. 17.

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Elaboré par l’Assemblée ad hoc, ce projet deCommunauté politique est destiné à offrir uncadre constitutionnel à la Communauté des Sixen englobant les principales fonctions d’uneFédération européenne parmi lesquelles les poli-tiques économiques, des affaires étrangères et dedéfense. Cette Communauté à la fois démocra-tique et fédérative comprend un Parlement bica-méral, composé d’une Chambre des peuples etd’un Sénat qui ensemble, forment le législatif ;un Conseil exécutif européen qui assure le gou-vernement de la Communauté, dont le Présidentélu par le Sénat nomme à son tour les membresde son Conseil qui est investi par le Parlement etsoumis à son contrôle démocratique ; une Courde justice ouverte aux recours des personnes phy-siques et morales. Cette construction ambitieusedemeure néanmoins sous une forte influence desgouvernements représentés au sein d’un Conseildes ministres nationaux dont les avis conformessont à la base des projets du Conseil exécutif.Cette progression à un rythme rapide vers unsystème démocratique inédit à Six est tuée dansl’œuf par l’échec de la CED. Cette crise profon-de paralyse le processus d’intégration et fait duprojet de l’Europe politique un tabou. La cassu-re a provoqué une sorte de « pontage » et de «bypass » en contournant l’obstacle et en concen-trant tous les efforts dans le domaine écono-mique avec la mise sur pied d’une Communautééconomique européenne dès 1957. L’essentiel duschéma est préservé mais ne fonctionne que dansl’ensemble de l’économie à l’exclusion desmatières de politique étrangère et de la défense.Il n’en reste pas moins que le processus de démo-cratisation se poursuit. Dès 1974, Valéry Giscardd’Estaing et Helmut Schmitt lancent à laréunion des chefs d’Etat et de gouvernement, leprojet d’élection du Parlement européen au suf-frage universel direct. Adopté en 1976 le projetn’est mis en pratique qu’en 1979, année des pre-mières élections européennes. C’est une percéedémocratique, une innovation dans les relationsinternationales.

Eléments démocratiques dansl’Union européenne

La légitimité démocratique des institutionscommunes intergouvernementales repose sur la

participation effective des gouvernements et deleurs ministres, désignés par voies démocra-tiques, au processus de décision dans l’Unioneuropéenne. Quant à la Commission, institutioncommunautaire indépendante, elle doit sa légiti-mité à sa désignation par le Conseil européen etles gouvernements et à son approbation par leParlement européen.

Dans la pratique, le Conseil européen se réunittrois à quatre fois par an selon les besoins en pré-sence de tous les Chefs d’Etat et de gouverne-ment ainsi que du Président de la Commissioneuropéenne. Il a pour responsabilité de définirles grandes orientations et les stratégies géné-rales, de donner des impulsions et des mandats,mission dont il s’acquitte en règle générale parconsensus. Toutefois, il n’hésite pas à recourir àla majorité qualifiée dans plusieurs domaines telcelui de la désignation du Président de laCommission. Si sa légitimité n’est pas mise enquestion, les préoccupations exprimées concer-nent surtout son efficacité. La Constitutioneuropéenne cherche à y remédier en le dotantd’un Président à plein temps pour une durée de2 ans ? renouvelable une fois. Les faiblesses del’actuel Conseil européen se sont manifestéesprincipalement dans le domaine de la politiqueétrangère commune où la division l’a emportésur la cohésion notamment à l’occasion deconflits dans l’espace yougoslave et plus récem-ment à propos de la guerre contre l’Irak. Cettedernière a non seulement divisé les Etatsmembres entre eux mais a également provoquéun décalage entre la politique gouvernementaleet l’opinion publique dans les Etats membresqui ont apporté leur soutien aux Etats-Unis.Deux crises politiques graves qui ont mis à nu lafragilité et les défaillances de l’Union européen-ne. La crise à propos des conflits yougoslaves aprovoqué une prise de conscience au sujet de lanécessité de doter la Communauté européenned’un minimum de compétences de politiqueétrangère ; elle a été d’autant plus menaçantequ’elle a mis à mal la cohésion du couple franco-allemand. Quant à l’impact de la guerre contrel’Irak, elle a provoqué des oppositions qui sesont manifestées en dehors du cadre institution-nel qui prévoyait une consultation des Etatsmembres au sein du Conseil européen et duConseil des ministres des affaires étrangères.

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Autant de preuves des insuffisances institution-nelles et des volontés politiques opposées quimarquent une régression par le retour aux jeuxdiplomatiques classiques. Une fois de plus,l’Union a fait preuve de solidité et a su en tirerdes leçons pour l’avenir.

Quant au Conseil, il comprend en fait, outreun Conseil général, une vingtaine de Conseilsspécialisés qui réunissent entre six et dix fois parannée les ministres compétents. La situation secomplique encore davantage en raison d’uncumul des pouvoirs gouvernementaux avec despouvoirs législatifs. En effet, la fonction législa-tive a pendant longtemps consisté en un partagede pouvoirs entre la Commission chargée de for-muler des propositions et le Conseil qui lesadoptait après les avoir souvent remodelées, sousla forme de règlements généraux (lois) ou dedirectives (lois-cadres). Dans ce face à face, laCommission disposait de plusieurs atouts : lacompétence et la maîtrise du dossier, le suivitout au long du processus d’élaboration et laprotection dont bénéficie sa proposition initialequi ne peut être modifiée qu’avec son accord oul’unanimité des Etats membres. C’est un destraits originaux de la Communauté européenneoù l’unanimité joue en faveur des propositionsde la Commission européenne. Lorsque laméthode communautaire est appliquée par letandem Commission – Conseil au titre de fonc-tion législative, le processus revêt un aspectdémocratique dans la mesure où le Parlementeuropéen élu assume le contrôle démocratiquesur la Commission. De toute évidence, le pou-voir législatif de l’Union se démocratise dans lamesure où le Parlement européen accroît sonpouvoir en devenant le co-législateur commu-nautaire avec le Conseil.

Le contrôle démocratique

Le Parlement européen, institution commu-nautaire et démocratique par excellence, a ren-forcé et étendu ses pouvoirs législatifs et budgé-taires progressivement depuis les années 70.Chaque nouveau traité a apporté un supplémentde pouvoirs au Parlement européen et partantune dose supplémentaire de démocratie àl’Union européenne. Quant au pouvoir decontrôle démocratique, il existe depuis le traité

de Rome sous la forme d’une motion de cen-sure. Cependant, son utilisation a été fort rarepour plusieurs raisons du fait que la motionexige certes une majorité renforcée difficile àréunir. Pour ma part, je privilégie une explica-tion à la fois complémentaire et plus fonda-mentale : les parlementaires sont conscients dufait que renverser la Commission, institutioncommunautaire par excellence, a pour consé-quence de donner la possibilité aux gouverne-ments de modifier sa composition selon leurscouleurs politiques ou leurs intérêts du moment.C’est aussi affaiblir l’Exécutif communautaire auprofit des gouvernements et du Conseil. De fait,la Commission et le Parlement européen, deuxinstitutions communautaires, sont condamnésd’être des alliés objectifs face au poids des gou-vernements et du Conseil.

Cette connivence naturelle n’a pas empêché leParlement européen de provoquer la démissionde la Commission Santer en mars 1999. Cettedémission collective a mis en relief le sens de laresponsabilité des membres de l’Exécutif euro-péen et a attiré l’attention sur le respect desrègles qui régissent la vie publique au sein del’Union européenne, à savoir la publicité, latransparence et la responsabilité.

Codécision législative du ParlementEuropéen

Pas à pas, la codécision législative s’étend, ren-forçant le pouvoir du Parlement européen.Parallèlement, la capacité du Conseil augmenteavec l’extension de la majorité qualifiée qui s’ap-plique principalement lorsque le Conseil décidesur proposition de la Commission. A cettemarque de confiance à l’égard de la Commissions’ajoute l’interdépendance de ces trois institu-tions appelées à agir en commun. Malgré lesprogrès modestes obtenus à Nice, la tendancegénérale s’oriente vers plus de démocratie et plusd’efficacité ainsi que vers l’esquisse d’un pouvoirlégislatif bicaméral. En assurant la double parti-cipation des Etats membres au Conseil et despeuples au Parlement européen de l’Union, ceprogrès témoigne de l’évolution de laCommunauté européenne vers un système fédé-ratif. De surcroît, ce bicaméralisme se reflèteclairement dans le rôle du comité de conciliation

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où sont présents les représentants du Parlementeuropéen et du Conseil à l’exclusion de laCommission reléguée à une tâche de médiationcomme il est de tradition pour tout pouvoir exé-cutif. Cependant, l’ambivalence du Conseildemeure dans la mesure où à côté de ses fonc-tions législatives il exerce des fonctions gouver-nementales plus nombreuses depuis que l’Unionétend ses pouvoirs en matière de politique étran-gère, de sécurité et de défense. Une certaineconfusion des pouvoirs constitue la maladieinfantile du Conseil que la Constitution euro-péenne cherche à atténuer en distinguant lesfonctions législatives des autres pouvoirs duConseil.

Par ailleurs, les pouvoirs du Parlement euro-péen se présentent sous différentes formes qui lerapprochent de ses homologues nationaux :contrôle démocratique, pouvoir budgétaire,pouvoir d’approbation et d’investiture, avisconforme ainsi que pouvoir d’enquête et d’audi-tion, d’initiative et de promotion. Ces diversprocédés contribuent à éclairer les activités del’Union européenne, d’autant que le Parlementeuropéen est la seule institution transparente dontla fonction de communication élargit l’ouvertu-re de l’Union au public européen.

Partis et groupes politiques

Fort de ces divers instruments, le Parlementeuropéen conforte sa dimension politique. Par làmême, il encourage les groupes politiques parle-mentaires à se constituer en noyaux des partispolitiques européens en devenir. Sans être assi-milables aux partis politiques dans les fédéra-tions suisse et américaine, ils s’en rapprochentdans la mesure où ces derniers existent principa-lement dans les Cantons ou dans les Etats fédé-rés. Au plan fédéral, les partis ont un faible degréde cohésion en Suisse, tandis qu’aux Etats-Unis,ils renaissent au moment des élections présiden-tielles et législatives. La participation aux élec-tions européennes autour de 50 % est compa-rable avec les moyennes suisses et américaines.Comme en Suisse, elle s’explique par le fait qu’iln’existe pas pour l’heure de lien direct entre lesrésultats des élections européennes et la compo-sition de la Commission qui reflète les majoritésgouvernementales des Etats membres.

Désormais, l’existence des partis politiques estformellement reconnue par les traitésd’Amsterdam et de Nice. Ils sont importants auniveau européen à la fois en tant que facteurd’intégration et de formation d’une consciencepolitique européenne et en tant que véhicules dela volonté politique des citoyens. Le Conseil apour tâche d’officialiser l’existence des partispolitiques au niveau européen en fixant leur sta-tut et les règles relatives à leur financement. Cesigne d’encouragement adressé aux partis poli-tiques devrait les inciter à mieux se structurer enpartant des groupes politiques parlementaires,afin d’assumer progressivement leur fonctiond’articulation et d’agrégation au niveau euro-péen. Il n’en reste pas moins qu’aux côtés degroupes politiques européens qui reproduisentles clivages partisans, les délégations nationalescontinuent à jouer un rôle actif au sein duParlement européen. Dans la pratique, on assis-te au fonctionnement parfois boiteux d’unegrande coalition réunissant le PPE e le PSE avecle soutien des libéraux qui préfigure dans sonensemble une sorte de majorité européenne pardessus les clivages nationaux et partisans. Ledéveloppement et la consolidation des fédéra-tions de partis contribuent à leur tour à rééqui-librer l’influence des groupes d’intérêt et à for-mer de façon progressive une conscience poli-tique européenne dans un espace public euro-péen élargi.

Si par étapes successives la codécision et lamajorité qualifiée ont gagné du terrain dans laCommunauté européenne, des « poches impor-tantes d’unanimité » subsistent encore à présentdans l’Union. Seule leur élimination doit per-mettre d’éviter des lenteurs, des paralysies et descompromis au niveau du plus petit dénomina-teur commun. Depuis le début du processusd’intégration, c’est le Parlement européen qui aconnu le développement le plus remarquable.D’institution consultative, le Parlement euro-péen s’est mu en une deuxième Chambre repré-sentant les peuples européens. Les traités succes-sifs de l’Acte unique européen en passant par lestraités de Maastricht et d’Amsterdam ont gra-duellement renforcé les pouvoirs du Parlementeuropéen contribuant ainsi à la démocratisationde l’Union européenne et à l’accroissement durôle des groupes et partis politiques.

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Démocratie participative etconsultative

Outre la participation des citoyens lors desélections des députés européens, d’autres voiesd’intervention citoyenne existent ou sont pré-vues par la Constitution européenne qui intro-duit la notion d’initiative populaire à partir d’unmillion de signataires. Aussi les citoyens ont-ilsla possibilité d’adresser leurs plaintes ou leursrevendications au médiateur européen. Sansoublier qu’ils disposent d’un recours auprès de laCour de justice dont le domaine d’applicationest étendu par la Constitution européenne. Lerecours ouvert aux personnes physiques est unélément d’équilibre dans une communauté démo-cratique : dans la mesure où les actes commu-nautaires ont des effets obligatoires et exécu-toires directs sur les résidants, la balance despouvoirs, droits et obligations en démocratieexige en contrepartie que le recours soit ouvertaux destinataires de ces actes. Afin d’élargir et dediversifier les sphères de communication et departicipation, nous avons lancé un projetd’Europass-citoyen sur Internet qui doit per-mettre à tout un chacun qui le désire d’inscrireson profil sur Europass-citoyen afin de commu-niquer avec d’autres citoyens, associations ouinstitutions et de participer à des activités euro-péennes de son choix.5

Consultation et accès informels

De nombreux réseaux de groupes socio-éco-nomiques notamment se sont tissés autour descentres de décision communautaires 6. L’impactdu pouvoir communautaire qui tend à s’ac-croître et à se diversifier a suscité l’émergence degroupes socio-économiques, de divers lobbies etd’un nombre impressionnant d’experts et deconseillers évalués à une dizaine de milliers.Dès les premières années

du fonctionnement de la Communauté euro-péenne, la Commission a pris l’habitude deconsulter les milieux spécialisés au niveau euro-péen lors de l’élaboration de ses propositions etde ses décisions. Ce recours à une large consul-tation lui procure des données et des connais-sances tout en lui offrant une meilleure image dela répartition des forces et des intérêts. Le dia-

logue permet aussi à la Commission de s’assurerdes appuis de groupes socio-économiques. Deson côté, elle leur ouvre des accès auprès descentres de décision qui leur permettent d’exercerleur influence et d’apporter leur contribution.Vecteurs d’informations et d’idées, porte-paroleet intermédiaires des intérêts de secteurs et desgroupes de citoyens, ces groupes d’intérêt assu-ment néanmoins une forme de représentation etde participation spécialisée. L’impact de l’Unionn’épargne non plus d’autres secteurs tels que lesmédias et les milieux scientifiques, éducatifs etculturels. Ces différents cercles en réseaux com-muniquent en continu notamment par desmoyens électroniques sans pour autant dimi-nuer l’apport des réunions et des contacts per-sonnels qui créent des liens de confiance. Ainsise tisse un vaste réseau de liens et d’associationslequel, selon Alexis de Tocqueville, forme l’in-frastructure sociale de la démocratie.

Au cours des années 80, mais surtout depuisl’entrée en vigueur de l’Acte unique une véri-table explosion du nombre de lobbyistes, deconseils juridiques et financiers, de consultantset de bureaux spécialisés s’est produite.L’ensemble des effectifs de ces spécialistes enaffaires communautaires offrent une largegamme de services allant des consultations juri-diques et économiques aux relations publiques.Cet essaim de professionnels de tous genres pro-venant de divers pays de la Communauté maisaussi des Etats-Unis permettent aux firmes qui,ou bien rencontrent des problèmes de distanceet de connaissance ou qui n’ont pas la dimensionsuffisante pour entreprendre des actions de leurpropre chef, de se rapprocher des institutionscommunautaires et de se familiariser avec lesaffaires européennes.

Les estimations concernant le nombre de lob-byistes installés à Bruxelles sont variables, cellede Fortune de juin 1990, par exemple, avance lechiffre de 3000. A son tour, la Commission éva-lue la situation actuelle de la façon suivante : «On estime qu’actuellement quelques 3000groupes d’intérêt employant jusqu’à 10000 per-sonnes font du lobbying sous une forme ou uneautre à Bruxelles. Ce total comprend plus de500 fédérations européennes et internationales(dont les membres appartenant à des associa-tions nationales sont plus de 5000) ; 50

5. Europass-citoyen, Projetd’un outil numérique,startforyou.com, en associ-ation avec le Centreeuropéen de la culture,septembre 2004.6. Jean Meynaud, DusanSidjanski, Les groupes depression dans laCommunauté européenne,Bruxelles, NLB, 1970 ;D. Sidjanski, « Nouvellestendances des groupes depression dans l’Unioneuropéenne », inPolitiques publiques enEurope, Dir. Yves Mény,Pierre Muller et Jean-LouisQuermonne, Paris, L’Harmattan, 1995.

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bureaux de représentation de Länder ou d’auto-rités régionales et locales (dont certains peuventbien entendu participer aux travaux menés dansle cadre institutionnel de la Communauté) ;plus de 200 entreprises directement représentées; environ 100 bureaux de consultants (gestion etrelations publiques) présents à Bruxelles et beau-coup d’autres qui s’occupent d’affaires commu-nautaires. Enfin, les cabinets d’avocats spéciali-sés dans le droit communautaire sont au nombred’une centaine en Belgique, sans parler de ceuxqui sont établis dans d’autres pays. »

Une autre évolution est due au développe-ment technologique. Les télécopieurs et lesréseaux de micro-ordinateurs permettent d’ac-croître l’efficacité des groupes européens endiminuant l’importance de leurs administra-tions centrales, tout en augmentant leur capaci-té d’influence, grâce à la rapidité de consultationet à l’utilisation des expertises de leurs membres.La constitution de nouveaux centres d’activitéset de coordination en matière de recherche et dedéveloppement technologique offre un exempled’une innovation communautaire de portée à lafois scientifique, technologique et politique. Cesprogrammes inaugurent une nouvelle forme decollaboration entre les institutions publiques –communautaires, nationales et régionales – lesmilieux d’universitaires et de chercheurs et untroisième partenaire que sont les entreprises etles instituts d’investissement.

Consultation institutionnalisée

Le nombre et l’activité des groupes et des asso-ciations ainsi que des lobbyistes et consultantsde diverses natures constituent un indicateurfiable quant à la répartition des pouvoirs et lepoids réel des institutions de l’Union européen-ne. En effet, ces acteurs informels ne connais-sent pas, ni ne pratiquent d’actes gratuits maischerchent à concentrer leurs actions sur lescibles qui sont des centres de décisions, institu-tions, unités ou personnes, détenteurs effectifsde pouvoirs réels. effectifs et efficaces. Deuxexemples illustrent la mobilisation, la mobilitéet l’adaptabilité des stratégies des groupes, asso-ciations et mouvements. A mesure que les pou-voirs du Parlement européen s’accroissent et queson rôle de co-législateur s’étend à des domaines

importants, il devient l’une des cibles privilé-giées aux côtés de la Commission européenne.La présence des représentants de groupescomme de lobbyistes dans les couloirs duParlement européen tant à Bruxelles qu’àStrasbourg témoigne, s’il en est besoin, de laplace que cette institution-clé occupe dans lesystème politique de l’Union.

Suivant le modèle du Plan français, la CECAa institutionnalisé dès le début la consultationdes principaux intéressés, producteurs, utilisa-teurs et consommateurs regroupés au sein d’unComité consultatif. Cette expérience a été repri-se sous la forme d’un Comité économique et social(CES) où les différentes catégories actives sontappelées à donner leurs avis sur les propositionsde la Commission ainsi que sur des questions etdes politiques communautaires. A ces organesconsultatifs s’ajoute un réseau impressionnantde groupes de travail autour du Coreper duConseil et de la Commission que l’on désignecouramment par le terme de comitologie.7

L’émergence des régions européennes est unedes conséquences de la politique régionale de laCommunauté européenne. L’action du Fondseuropéen de développement régional (FEDER) aencouragé la participation des régions au proces-sus d’intégration. D’une part, les régions ont dûs’organiser pour présenter, avec la participationdes principaux intéressés, des projets de dévelop-pement, formant ainsi des pôles de participationrégionaux. D’autre part, de nombreuses régionsont créé des bureaux et des représentations auprèsde la Commission afin d’exercer une influencedirecte sur la répartition des aides communau-taires. A une échelle régionale, nous retrouvonsdes modèles de participation au niveau commu-nautaire avec en sus un aspect original qu’offreun plus fort engagement de responsables etacteurs politiques. Cette dimension nouvellecontribue à une plus vaste participation et, par-tant, à la formation d’une Europe des citoyens.

Le Comité des régions s’inscrit dans cette mou-vance. Certes, sa forme et ses fonctions actuellesne répondent pas aux propositions des Länderallemands visant à instituer un Sénat desRégions. Cependant, à la différence du Comitééconomique et social, le Comité des régions aune dimension politique, ses membres étant desélus des régions, des villes ainsi que des collecti-

7. Il s’agit d’un tissu densede comités, d’organismeset de groupes de travailœuvrant à divers niveauxet auprès de diverses insti-tutions. Ces noyaux sontcomposés de représentantsgouvernementaux, d’ex-perts nationaux ainsi qued’experts d’organisationsprofessionnelles et de spé-cialistes indépendants.

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vités publiques des communes. Tout en étantconsulté souvent sur les mêmes questions que leCES, il est le seul à donner des avis notammenten matière de culture. Par sa nature et sa fonc-tion, le Comité des Régions élargit l’espace departicipation des citoyens aux processus d’inté-gration européenne. Faut-il rappeler que selonDenis de Rougemont les régions et les com-munes constituent par leur proximité desespaces privilégiés de participation.

Un exemple exceptionnel et novateur est fournipar la Convention qui a eu la tâche d’élaborer leprojet d’une Constitution pour l’Europe. A la dif-férence des conférences intergouvernementales, laConvention a rassemblé 105 membres et autantde membres suppléants. C’est là une ouverture surla société politique avec aux côtés des représen-tants des 25 gouvernements et des institutionseuropéennes nombreux parlementaires nationaux.Au delà de ces représentants des cercles dirigeants,la Convention a été également à l’écoute des mou-vements, associations et des suggestions indivi-duelles. De surcroît, la transparence de ses travauxa stimulé la participation comme en témoignentde nombreux documents et avis. A ce titre, lemouvement européen, l’Union européenne desfédéralistes mais aussi le Centre européen de laCulture ont retrouvé leur vocation originelle defoyers d’idée et de promotion de projet d’uneFédération européenne. La diversité des opinionset des conceptions a failli l’emporter sur l’unitéd’un projet de Constitution susceptible d’aboutirà un consensus général. Orchestré de main demaître par le Président Valéry Giscard d’Estaing, leconsensus a été obtenu sous la pression des parle-mentaires nationaux et grâce à un sursaut deconscience de la responsabilité et le l’intérêt com-mun des représentants gouvernementaux. Detoute évidence, plus de transparence et unemeilleure écoute favorisent plus de participation etune plus grande diffusion par les médias.

Quel avenir ?

La vocation démocratique et fédérative del’Union européenne, proclamée par le Congrèsde La Haye, s’inscrit dans les faits dès la créationde la CECA. Elle s’est confirmée au travers dudéveloppement des pouvoirs du Parlement euro-péen, en particulier, et de la signature de laConstitution pour l’Europe. Tout récemment,les médias se sont fait largement l’écho des audi-tions du Président et des commissaires désignés– procédure dont ne sont que rarement coutu-miers les Parlements nationaux – ainsi que desexigences, des tractations et des débats parle-mentaires qui ont abouti à l’investiture de laCommission Barroso à une large majorité desdeux tiers des suffrages. L’investiture a été accor-dée le 19 novembre 2004 par 449 voix, contre149 et 82 abstentions. Cette dynamique démo-cratique se renforce au fur et à mesure qu’aug-mente le nombre d’associations et d’organismeset que s’intensifie leur participation au processusd’intégration. Ce sont autant de canaux qui faci-litent le rapprochement des citoyens des institu-tions européennes et leur participation à laconstruction européenne.

La diffusion de nouvelles technologies decommunication – parmi lesquelles l’Internet etle SMS occupent une place privilégiée – prépareune profonde mutation de la démocratie. Lavague d’innovations annonce dès à présent unetransformation des relations tant à l’intérieurqu’à l’extérieur de l’Union. La question resteouverte de savoir si cette expérience singulièreest transférable à d’autres régions qui évoluentdans des environnements culturels et politiquesdifférents. Ce cas exemplaire porte en lui des élé-ments susceptibles d’entraîner dans son sillaged’autres communautés de pays et de créer ainsiun mouvement de démocratisation des relationsinternationales.

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C’est que, dans le cadre de la consultationouverte par le livre vert sur les services d’intérêtgénéral2, les acteurs concernés par le domainedes services sociaux ont manifesté une grandeinquiétude à l’égard de la problématique de lasoumission des services sociaux aux règles de laconcurrence et du marché intérieur aux servicessociaux d’intérêt et souhaité une clarté et uneprévisibilité accrue.

Nous examinerons successivement la problé-matique de l’applicabilité des règles de concur-rence et du marché intérieur (1), les dérogationsdont ils sont susceptibles de bénéficier (2) et lesinquiétudes suscitées par les solutions actuelle-ment retenues en la matière auprès des acteursconcernés (3).

L’applicabilité des règles de laconcurrence et du marché intérieuraux services sociaux d’intérêtgénéral

Les règles de la concurrence et du marché inté-rieur s’appliquent uniquement aux entreprises. Lanotion d’entreprise « comprend toute entité exer-çant une activité économique, indépendamment dustatut juridique de cette activité et de son mode definancement 3» . Enfin, constitue une activité éco-nomique « toute activité consistant à offrir desbiens ou des services sur un marché donné ».

Qu’en est-il des services à caractère social dansce contexte ?

La Cour de justice a consacré une abondantejurisprudence à ce sujet ; elle a posé le principeque les organismes qui remplissent une ‘fonctionde caractère exclusivement social’ 4 n’exercent pasune activité économique. Mais encore faut-ilsavoir ce qu’il faut entendre par là. La Cour a étéamenée à se prononcer sur quatre types d’activi-tés à caractère social.

L’enseignement

Dans un arrêt du 27 septembre 19885, la Coura estimé que les cours dispensés dans un instituttechnique relevant de l’enseignement secondai-re, dans le cadre du système d’éducation natio-nale, ne peuvent être qualifiés de services, ausens du traité CEE. En effet, les services sontdéfinis comme les prestations fournies normale-ment contre rémunération ». Or, la caractéris-tique essentielle de la rémunération, à savoir quecelle-ci constitue la ‘contrepartie économique’d’une prestation, fait défaut dans le cas de coursdispensés dans le cadre du système d’éducationnationale car, « d’une part, en établissant et enmaintenant un tel système, l’État n’entend pas s’en-gager dans des activités rémunérées, mais accomplitsa mission dans les domaines social, culturel et édu-catif envers sa population, et, d’autre part, le systè-me en cause est, en règle générale, financé par lebudget public et non par les élèves ou leursparents. » La Cour a ajouté que la nature de cetteactivité n’est pas affectée par le fait que, « par-fois, les élèves ou leurs parents sont obligés de payerdes redevances ou des frais de scolarité en vue decontribuer dans une certaine mesure aux frais defonctionnement du système. »

Dans un arrêt du 7 décembre 19936, la Coura rappelé les termes de l’arrêt Humbel en souli-gnant que « ces considérations valent égalementpour les cours dispensés dans un institut d’enseigne-ment supérieur dont le financement est assuré, pourl’essentiel, par des fonds publics ». Elle ajoute uneprécision essentielle : « toutefois (…), s’il est vraique la plupart des établissements d’enseignementsupérieur sont financés de cette façon, il en existenéanmoins qui sont financés pour l’essentiel par desfonds privés, notamment par les étudiants ou leursparents, et qui cherchent à réaliser un bénéficecommercial. Lorsqu’ils sont dispensés dans de telsétablissements, les cours deviennent des services au

* Directeur des recherchesjuridiques à l’Institutd’Etudes européennes del’Université libre deBruxelles1. Publié par laCommission européennele 12 mai 2004, documentCOM(2004) 374 final2. Publié par laCommission européennele 21 mai 2003, documentCOM (2003) 2703. Arrêt du 23 avril 1991,Höfner, aff. C-41/90.4. Arrêt du 17 février1993, aff. C-159/91 et C-160/91, Poucet et Pistre.5. Aff. 263/86, Humbel.6. Aff. C-109/92, Wirth.

Associations transnationales4/2004, 299-307

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Services sociaux d’intérêt général et droitcommunautairepar Marianne Dony *

La Commission, dans son livre blanc sur les services d’intérêt général1, a reconnu la nécessité dedévelopper une approche systématique afin d’identifier et de reconnaître les particularités des servicessociaux, qui recouvrent notamment les services de santé, les soins de longue durée, la sécurité socia-le, les services de l’emploi et le logement social, et de clarifier le cadre dans lequel ils fonctionnent ;elle a annoncé à cet égard la présentation, dans le courant de l’année 2005, d’une « communicationsur les services sociaux d’intérêt général, y compris les services de santé, qui décrira l’organisation et le fonc-tionnement des services sociaux et de santé dans les États membres et dressera l’inventaire des politiquescommunautaires ayant un rapport avec la fourniture des services sociaux et de santé d’intérêt général. »

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sens de l’article 60 du traité. Le but poursuivi parces établissements consiste en effet à offrir un servicecontre rémunération. »

Dans un arrêt du 15 mars 19887, la Cour aconfirmé qu’il « appartient à chaque Etatmembre de définir quels sont, en matière d’ensei-gnement, le rôle et les responsabilités propres del’autorité publique », mais elle a considéré quedes écoles privées de rattrapage ou d’enseigne-ment professionnel pouvaient être considéréscomme des services, pour la prestation desquelstoute discrimination fondée sur la nationalitéétait proscrite.

Dans le domaine de l’enseignement, la Courfait donc une nette distinction entre l’éducationen tant que bien public et service public, qui n’apas de caractère économique, et les services pri-vés d’éducation et de formation qui sont quantà eux des activités économiques.

Les bureaux de placementDans son arrêt du 23 avril 1991 précité, la

Cour a rejeté l’argument du gouvernement alle-mand, selon lequel l’activité de placement decadre et de dirigeants ne relevait pas du champd’application des règles de concurrence, dès lorsqu’elle était exercée par l’office allemand pourl’emploi, un organisme public qui fournit cesservices à titre gratuit. Elle a posé le principe,sans se justifier à cet égard, que « l’activité deplacement est une activité économique ». Elleajouté que le statut juridique et le mode definancement de l’entité en cause étaient inopé-rants, dès lors qu’elle exerce une activité écono-mique. Enfin, elle a estimé que la circonstancequ’en Allemagne les activités de placement sontnormalement confiées à des offices publics nesaurait affecter la nature économique de ces acti-vités, ajoutant que « les activités de placementn’ont pas toujours et ne sont pas nécessairementexercées par des entités publiques, tout particulière-ment en ce qui concerne les activités de placementde cadre et de dirigeants d’entreprises »8.

Les organismes de sécurité sociale.La Cour a consacré une importante jurispru-

dence à cette problématique. Dans l’affairePoucet et Pistre déjà citée, elle a eu à connaîtred’organismes chargés en France de la gestion decertains régimes de sécurité sociale destinés aux

travailleurs non salariés. La Cour a souligné queles régimes en cause relevaient de la protectionsociale obligatoire et qu’ils poursuivaient unobjectif social et obéissaient au principe de lasolidarité, dans la mesure où ils visaient à assurerà l’ensemble des personnes qui en relèvent unecouverture des risques de maladie, vieillesse,décès et invalidité, indépendamment de leurcondition de fortune et de leur état de santé lorsde l’affiliation. Elle a aussi relevé que les presta-tions étaient identiques pour tous les cotisants,les cotisations proportionnelles aux revenus, etenfin que les régimes excédentaires participaientau financement des régimes déficitaires. Enfin,elle a noté que, dans l’exécution de leur mission,les organismes en cause n’ont aucune possibilitéd’influer sur le montant des cotisations, l’utilisa-tion des fonds et la détermination du niveau desprestations qui sont fixés par la loi. La Cour adéduit de ces éléments que « les organismes encause remplissaient une fonction de caractère exclu-sivement social. Cette activité est, en effet, fondéesur le principe de la solidarité nationale et dépour-vue de tout but lucratif. Les prestations versées sontdes prestations légales et indépendantes du montantdes cotisations. »

La Cour a précisé la portée de cet arrêt dansun arrêt ultérieur du 16 novembre 1995, quiconcernait cette fois un régime complémentaired’assurance vieillesse en faveur des agriculteurs9.La Cour a relevé qu’il s’agissait d’un régimefacultatif, fonctionnant selon le principe de lacapitalisation et que les prestations dépendaientdes cotisations versées par chaque adhérent,ainsi que des résultats financiers des investisse-ments effectués par l’organisme gestionnaire,pour conclure qu’il s’agissait d’une activité éco-nomique, exercée en concurrence avec les com-pagnies d’assurances vie ».

Fallait-il déduire de ces arrêts une ligne de «démarcation » fondée sur le caractère obligatoireou non de l’assurance sociale ? La Cour a répon-du par la négative dans trois arrêts parallèles du21 septembre 199910 : elle a en effet jugé qu’unfonds de pension chargé de la gestion d’un régi-me de pension complémentaire, auquel l’affilia-tion est obligatoire pour tous les travailleurs dusecteur concerné, exerce une activité économiqueen concurrence avec les compagnies d’assurances,dans la mesure où il détermine lui-même le mon-

7. Aff. 147/86,Commission/Grèce; voy.aussi l’arrêt du 28 octobre1999, aff. C-55/98,Skatteministeriet, danslequel la Cour a confirméque l’organisation de coursde formation profession-nelle étaient des servicesentrant dans le champd’application de l’article59 du traité.8. Solution confirméedans deux arrêts ultérieursdu 11 décembre 1997, aff.C-55/96, Job Centre, etdu 8 juin 2000, aff. C-258/98, Carra.9. Aff. C-244/94,Fédération française dessociétés d’assurances.10. Aff. C-67/96, Albany; aff. C-115/97 à C-117/97, Brentjens, et aff.C-219/97, DrijvendeBokken.

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tant des cotisations et des prestations et fonc-tionne selon le principe de la capitalisation.

En revanche, dans un arrêt du 22 janvier200211, la Cour a dénié la qualité d’entreprise àl’INAIL, l’organisme chargé par la loi italiennede la gestion de l’assurance contre les accidentsdu travail et les maladies professionnelles. D’unepart, elle relève deux éléments permettant d’éta-blir que le régime d’assurance en cause met enoeuvre le principe de la solidarité : les cotisa-tions sont calculées non pas seulement sur labase du risque lié à l’activité de l’entrepriseconcernée, mais également en fonction des reve-nus de l’assuré ; et le montant des prestationsversées n’est pas nécessairement proportionnelaux revenus de l’assuré et aux cotisations acquit-tées, ce qui implique une solidarité entre les tra-vailleurs les mieux rémunérés et ceux qui, comp-te tenu de leurs faibles revenus, seraient autre-ment privés d’une couverture sociale adéquate.D’autre part, elle souligne que l’activité del’INAIL est soumise au contrôle de l’État et quele montant des prestations ainsi que des cotisa-tions est, en dernier ressort, fixé par ce dernier.La Cour est arrivée à une conclusion similairedans un arrêt du 22 mai 200312, à propos del’Institut grec des assurances agricoles (ELGA),après avoir mis l’accent sur trois éléments : lacontribution finançant ELGA revêt essentielle-ment la nature d’une charge imposée par l’État; c’est l’État qui détermine les caractéristiques, ycompris le taux, de cette charge ; enfin la natu-re et le niveau des prestations fournies parELGA sont fixés par le législateur national. Maisla Cour précise que cet organisme n’est pas uneentreprise, « en tout cas pour ce qui concerne sesactivités au titre du régime d’assurance obligatoirecontre les risques naturels. ». Par conséquent, sil’organisme en cause exerce à la fois des activitéséconomiques et des activités ‘à finalité purementsociale’, chacune de ces activités est soumise àson régime juridique propre.

De même, s’agissant des caisses de maladie durégime légal d’assurance maladie allemand, laCour13 a souligné qu’elles « sont légalementcontraintes d’offrir à leurs affiliés des prestationsobligatoires, pour l’essentiel identiques, qui sontindépendantes du montant des cotisations. » Elleajoute qu’elles « n’ont ainsi aucune possibilitéd’influer sur ces prestations ». Enfin elle met en

avant le principe de solidarité qui lie les caissesde maladie et qui permet « d’opérer entre ellesune péréquation des coûts et des risques, une com-pensation étant effectuée entre les caisses de mala-die dont les dépenses de santé sont les moins élevéeset celles qui assurent des risques coûteux et dont lesdépenses liées à ceux-ci sont les plus importantes. »Elle en déduit que « les caisses de maladie ne sontdonc pas en concurrence entre elles ni avec des éta-blissements privés pour l’octroi des prestationslégales obligatoires en matière de soins ou de médi-caments qui constitue leur fonction essentielle »L’avocat général Jacobs était arrivé à une conclu-sion différente, en raison de la marge de libertédont les caisses de maladie disposent pour fixerle taux des cotisations et se faire ainsi une certai-ne concurrence pour attirer des affiliés. La Coura estimé que cette circonstance était inopérante,car le législateur a introduit cet élément deconcurrence en matière de cotisations afin d’in-citer les caisses de maladie à exercer leur activitéselon les principes d’une bonne gestion, à savoirde la manière la plus efficace et la moins coû-teuse possible, dans l’intérêt du bon fonctionne-ment du système de sécurité sociale allemand.La Cour reconnaît cependant qu’il ne peut êtreexclu qu’en dehors de cette fonction de natureexclusivement sociale, les caisses de maladie selivrent à des opérations ayant une finalité autreque sociale et qui seraient quant à elles de natu-re économique14.

Ici, le critère de distinction semble donc rési-der dans l’existence ou non d’un lien direct entrecotisations et prestations ainsi que dans la liber-té ou l’absence de liberté de fixer le montant decelles-ci.

Les services de santéSelon un arrêt du 25 octobre 200115, des orga-

nisations sanitaires qui assument le transportd’urgence et le transport de malades, fournissentdes services, moyennant rétribution des utilisa-teurs. La Cour souligne que telles activités n’ontpas toujours été et ne sont pas nécessairementexercées par de telles organisations ou par desautorités publiques. Elle reconnaît que des obli-gations de service public peuvent rendre les ser-vices fournis par une organisation sanitaire don-née moins compétitifs que des services compa-rables effectués par d’autres opérateurs non liés

11. Aff. C-218/00.12. Aff. C-355/00.13. Arrêt de la Cour du16 mars 2004, aff. C-264/01.14. Elle estime cependantque ce n’est le cas enl’espèce.15. Aff C-475/99, FirmaAmbulanz Glöckner.

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par de telles obligations, mais considère quecette circonstance ne saurait empêcher que lesactivités en cause soient considérées comme desactivités économiques16.

Dans un arrêt du 12 juillet 200117, la Cour aété amenée à examiner la question de savoir dansquelle mesure les dispositions relatives à la libreprestation des services peuvent s’appliquer auxsoins hospitaliers. Le régime d’assurance maladieapplicable aux Pays-Bas prévoit la gratuité dessoins pour les assurés, à la condition qu’ilss’adressent à un des établissements de soins aveclesquels leur caisse a passé une convention.Plusieurs gouvernements ont soutenu que lesservices hospitaliers, lorsqu’ils sont dispensésgratuitement en nature dans une infrastructurehospitalière en vertu du régime d’assurance, neconstituent pas une activité économique.L’avocat général était arrivé à une conclusionsimilaire, en mettant en avant les particularitésdu régime d’assurance applicable aux Pays-Bas.Selon ce système, les caisses signent avec les éta-blissements de soins des conventions dans les-quelles elles fixent à l’avance le contenu et laqualité des prestations ainsi que l’interventionfinancière de la caisse, et l’intervention financiè-re a davantage pour objet de financer les établis-sements qui les fournissent que de couvrir lecoût réel de l’hospitalisation. La Cour n’a pasretenu ces arguments. Elle a estimé que « la cir-constance qu’un traitement médical hospitalier estfinancé directement par les caisses d’assurancemaladie sur la base de conventions et de tarifs pré-établis n’est pas de nature à le soustraire du domai-ne des services »» Selon la Cour, les paiementseffectués en l’espèce par les caisses de maladie, «même s’ils sont forfaitaires, constituent bien lacontrepartie économique des prestations hospita-lières et présentent donc un caractère rémunératoi-re dans le chef de l’établissement hospitalier qui enbénéficie et qui est engagé dans une activité de typeéconomique. » La Cour ajoute qu’il n’est pasnécessaire que la rémunération soit payée parceux qui bénéficient de la prestation18.

Dans un arrêt du 4 mars 200319, le Tribunal depremière instance a estimé que, en revanche, lesystème national de santé espagnol fonctionnait« conformément au principe de solidarité dans sonmode de financement par des cotisations sociales etautres contributions étatiques et dans sa prestation

gratuite de services à ses affiliés sur la base d’unecouverture universelle »

La jurisprudence semble ainsi, comme enmatière d’enseignement, faire une distinctionentre le ‘système national de santé’ qui preste dessoins publics et gratuits et n’exerce pas une acti-vité économique et la ‘médecine libérale’, qui pré-sente un caractère économique, même si soncoût est en définitive totalement ou partielle-ment pris en charge par les pouvoirs publics, àtravers les systèmes de sécurité sociale.

La pratique de la Commission européenne estdans la droite ligne de la jurisprudence de laCour de justice. Ainsi, dans une décision du 22août 200220, la Commission, saisie d’une plain-te à l’encontre d’allègements fiscaux instauréspar les autorités italienne au profit des fonda-tions bancaires, a examiné si l’activité de ces fon-dations était une activité économique. Elle aestimé que la première de leur activité, à savoirle versement de contributions à des organismessans but lucratif qui agissent dans les secteursindiqués par la loi, était une activité ‘caractèreexclusivement social’, fondée ‘sur le principe de lasolidarité’. La Commission observe en outre queles fondations n’opèrent pas selon les critères demarché normaux, et que d’ailleurs il n’existe pasde ‘marché’ pour ce type particulier d’activité.L’analyse a été différente en ce qui concerne lesactivités que les fondations bancaires peuventexercer dans certains secteurs tels que : aide auxcatégories sociales défavorisées, enseignement,recherche scientifique et technologique, protec-tion de l’environnement, arts, sauvegarde dupatrimoine culturel et encouragement d’activitésculturelles. La Commission souligne que, dansla majeure partie des secteurs ainsi indiqués, ontrouve des opérateurs qui exercent une activitésimilaire à des fins lucratives. L’activité de pres-tation de services hospitaliers, l’activité d’unegalerie d’art ou d’une agence de protection despersonnes impliquent des opérations écono-miques ; sur ces marchés, la présence des fonda-tions est donc susceptible de fausser la concur-rence et leur activité ne peut dès lors pas êtretotalement soustraite au contrôle du respect desrègles de concurrence.

En synthèse, le critère essentiel pour qualifierune activité d’économique, consiste à vérifier sicette activité, même si elle est exercée dans un

16. Cette circonstancefondera en revanche laqualification de serviced’intérêt économiquegénéral.17. Aff. C-157/99, Smits(épouse Geraets) etPeerbooms.18. La Cour relève à cetégard que les traitementsmédicaux en cause, dis-pensés dans des Étatsmembres autres que celuid’affiliation, ont biendonné lieu à une rétribu-tion directe des établisse-ments prestataires par lepatient. Elle soulignequ’une prestation médicaledispensée dans un Étatmembre et rétribuée par lepatient ne saurait cesser derelever du champ d’appli-cation de la libre presta-tion des services garantiepar le traité du seul faitque le remboursement dessoins en cause est sollicitéau titre de la législationsur l’assurance maladied’un autre État membrequi prévoit essentiellementune intervention en nature19. Aff. T-319/9920. Décision de laCommission du 22 août2002 relative aux mesuresfiscales mises à exécutionpar l’Italie en faveur desfondations bancaires,2003/146/CE, JO L 55 du1er mars 2003.

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but non lucratif par un organisme public ou parun organisme poursuivant une finalité sociale,s’exerce sur un marché dans lequel elle peutentrer en concurrence avec une activité similaireexercée contre rémunération par une entité pri-vée poursuivant un but lucratif. Un élémentimportant à prendre en compte est la facultééventuelle de l’entité d’influencer le niveau de lacontrepartie exigée pour les prestations de ser-vices fournies. S’agissant de la présence de cer-tains éléments de solidarité, il faut vérifier si ceséléments sont si fondamentaux et essentielsqu’une entité privée ne pourrait les assumer ous’ils présentent un caractère plus limité, n’ex-cluant pas la qualification d’activité écono-mique21.

Dans sa communication de 200022 sur les ser-vices d’intérêt général, la Commission a indiquéque « nombre d’activités exercées par des orga-nismes dont les fonctions sont essentiellementsociales, qui ne réalisent pas de profits et n’ont paspour objectif de pratiquer une activité industrielleou commerciale, seront normalement exclues del’application des règles communautaires relatives àla concurrence et au marché intérieur. Cela couvreplusieurs activités non économiques d’organismestels que les syndicats, les partis politiques, les égliseset associations religieuses, les associations deconsommateurs, les sociétés savantes, les organisa-tions caritatives ou humanitaires. Toutefois,lorsque de tels organismes, dans l’accomplissementde leur mission d’intérêt général, s’engagent dansdes activités économiques, l’application des règlescommunautaires à ces activités économiques se ferasur la base des principes énoncés dans la présentecommunication, en tenant compte notamment del’environnement social et culturel dans lequel cesactivités sont exercées. »

Quelles sont les conséquences de la qualifica-tion des services sociaux en tant qu’activité éco-nomique ?

Elle peut en premier lieu conduire à une remi-se en cause des droits exclusifs dont certains ser-vices sociaux bénéficient. Ainsi, dans les affairesHofner et Job Services, la Cour a souligné que lemarché des prestations afférentes au placementdes travailleurs est, d’une part, très vaste et,d’autre part, hautement diversifié. Elle en déduitque, sur un marché aussi étendu et différencié,qui est, de surcroît, sujet, en raison du dévelop-

pement économique et social, à de grands chan-gements, les bureaux publics de placement ris-quent de ne pas être en mesure de satisfaire unepartie significative de toutes les demandes enprestations. Par conséquent, en interdisant, souspeine de sanctions pénales et administratives,toute activité de médiation et d’interpositionentre demandes et offres d’emploi, lorsqu’ellen’est pas exercée par des bureaux publics de pla-cement, un État membre crée une situation danslaquelle lesdits office seront nécessairementamené à contrevenir aux termes de l’article 82 dutraité, interdisant les abus de position dominante,notamment parce qu’ils ne sont manifestementpas en mesure de satisfaire, pour tous genres d’ac-tivités, la demande que présente le marché du tra-vail. L’incompatibilité de principe des droitsexclusifs avec le droit communautaire de laconcurrence a été confirmée sans ambiguïté parl’arrêt Albany précité. La Cour relève d’abord quele régime de pension complémentaire proposé parles fonds sectoriels est basé sur la norme envigueur aux Pays-Bas, mais elle ajoute que cer-taines entreprises d’un secteur déterminé souhai-teraient assurer à leurs travailleurs un régime depension allant au-delà de celui proposé par lefonds sectoriels et que, dans une telle hypothèse,elles seraient dans l’impossibilité de confier la ges-tion d’un tel régime de pension à un seul assureur.Elle souligne enfin que la restriction de la concur-rence qui en résulte découle directement du droitexclusif conféré au fonds sectoriel de pension

La qualification d’entreprise a aussi pourconséquence de faire entrer le financement deleurs missions d’intérêt général par les pouvoirspublics dans le champ d’application des disposi-tions du traité relatives aux aides d’Etat.

La question se pose alors de savoir dans quellemesure la nature particulière des missions quisont confiées aux services sociaux d’intérêt géné-ral permet, par application de l’article 86, para-graphe 2, du traité, de justifier des dérogations àl’application des règles relatives au marché inté-rieur et à la concurrence.

Le recours à la dérogation del’article 86, paragraphe 2

En vertu de l’article 86 paragraphe 2, « lesentreprises chargées de la gestion de services d’intérêt

21. Conclusions del’avocat général Jacobsdans l’affaire Inail ; voy.aussi le ‘non paper’ intitulé« Services d’intérêtéconomique général etaides d’Etat », documentde discussion préparé parles services de laCommission, disponiblesur le site Internet de ladirection généraleConcurrence, n° 32.22. JO C 17 du 19 janvier2001.

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économique général ou présentant le caractère d’unmonopole fiscal sont soumises aux règles du présenttraité, notamment aux règles de concurrence, dansles limites où l’application de ces règles ne fait paséchec à l’accomplissement en droit ou en fait de lamission particulière qui leur a été impartie ».

Cette disposition est-elle susceptible de s’ap-pliquer aux services sociaux ? Dès lors que laCour a retenu une définition très large de l’acti-vité économique, elle a également adopté uneconception large de la notion de missions d’in-térêt ‘économique’ général. Elle a ainsi décidéqu’elle pouvait viser l’activité de placement dedemandeurs d’emploi23, la « fonction socialeessentielle que remplit un régime de pension com-plémentaire » dans le système de pension auxPays-Bas en raison du montant réduit de la pen-sion légale, fonction sociale dont l’importance aété reconnue par l’adoption, par le législateurcommunautaire, de la directive 98/49/CE duConseil, du 29 juin 1998, relative à la sauvegar-de des droits à pension complémentaire des tra-vailleurs salariés et non salariés qui se déplacentà l’intérieur de la Communauté24, ou encorel’obligation d’assurer en permanence le trans-port d’urgence de personnes malades ou blesséessur l’ensemble du territoire concerné, à des tarifsuniformes et à des conditions de qualité simi-laires, sans égard aux situations particulières ouau degré de rentabilité économique de chaqueopération individuelle25.

Mais, dans le même temps, la Cour a soulignéqu’une entreprise chargée de la ‘gestion d’un ser-vice d’intérêt économique général’ reste soumiseaux règles de concurrence, tant qu’il n’est pasdémontré que leur application est incompatibleavec l’exercice de sa mission.

Elle a été amenée à examiner d’une part dansquelle mesure l’accomplissement d’une missiond’intérêt économique général peut justifier l’oc-troi de droits exclusifs, d’autre part si le finance-ment d’obligations de service public tombe dansle champ d’application des dispositions relativesaux aides d’Etat.

L’octroi de droits exclusifsS’agissant des droits exclusifs dont bénéficiait

l’office public allemand pour l’emploi, pourl’emploi en matière de placement, par rapportaux activités de placement de cadres et de diri-

geants d’entreprises, exercées par des sociétés pri-vées de conseil en recrutement, la Cour a estiméque leur suppression ne saurait faire échec à lamission particulière impartie à cet office, dès lorsque celui-ci n’était manifestement pas en mesurede satisfaire la demande que présente le marché àcet égard et qu’il tolère, en fait, une atteinte à sondroit exclusif par ces sociétés.

En revanche, elle a admis la légitimité desdroits exclusifs attribués à un fonds sectorielgérant le régime de pension complémentaire.Elle a souligné que, en cas de suppression dudroit exclusif du fonds de gérer le régime de pen-sion complémentaire pour tous les travailleursd’un secteur déterminé, les entreprisesemployant un personnel jeune et en bonne santéexerçant des activités qui ne sont pas dangereusesrechercheraient des conditions d’assurance plusavantageuses auprès d’assureurs privés. Le départprogressif des ‘bons’ risques laisserait au fondssectoriel de pension la gestion d’une part crois-sante de ‘mauvais’ risques, provoquant ainsi unehausse du coût des pensions des travailleurs, etnotamment de ceux des petites et moyennesentreprises disposant d’un personnel âgé exerçantdes activités dangereuses, auxquelles le fonds nepourrait plus proposer de pensions à un coûtacceptable. Selon la Cour, il en va d’autant plusainsi, lorsque, comme dans l’affaire au principal,le régime de pension complémentaire géré exclu-sivement par le Fonds se caractérise par un degréélevé de solidarité en raison, notamment, de l’in-dépendance des cotisations par rapport aurisque, de l’obligation d’accepter tous les tra-vailleurs sans examen médical préalable, de lacontinuation de la constitution de la pension endispense de versement des cotisations en cas d’in-capacité de travail, de la prise en charge par leFonds de l’arriéré de cotisations dû par l’em-ployeur en cas de faillite de ce dernier ainsi quede l’indexation du montant des pensions afin demaintenir leur valeur. En effet, de tellescontraintes qui rendent le service fourni par leFonds moins compétitif qu’un service compa-rable fourni par les compagnies d’assurancescontribuent à justifier le droit exclusif de ceFonds de gérer le régime de pension complé-mentaire. La Cour en conclut que la suppressiondu droit exclusif conféré au Fonds pourrait abou-tir à l’impossibilité pour ce Fonds d’accomplir les

23. Arrêts Höfner précité.24. Arrêts du 21 sep-tembre 2000 précités.25. Arrêt du 12 juillet2001 précité.

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missions d’intérêt économique général qui luiont été imparties dans des conditions économi-quement acceptables et mettre en péril son équi-libre financier.

De même, dans l’affaire Firma AmbulanzGlöckner, la Cour a estimé que les deux servicestraditionnellement assumés par les organisationssanitaires, à savoir les services de transport urgentde malades et les services de transport non urgentétaient étroitement liés l’un à l’autre, de sorte queles services de transport non urgent de maladessont difficilement dissociables de la mission d’in-térêt économique général que constituent les ser-vices de transport urgent et avec laquelle ils pré-sentent d’ailleurs des caractéristiques communes.Elle a relevé aussi que l’extension que l’extensiondes droits exclusifs des organisations sanitaires ausecteur du transport non urgent de malades leurpermettait précisément d’assurer leur missiond’intérêt général, touchant au transport urgent,dans des conditions d’équilibre économique. Lapossibilité qu’auraient les entrepreneurs privés dese concentrer, dans les services de transport nonurgent, sur des trajets plus lucratifs pourrait por-ter atteinte à la viabilité économique du servicefourni par les organisations sanitaires et, parconséquent, mettre en cause la qualité et la fiabi-lité dudit service. Mais la Cour indique que lasolution ainsi admise ne serait plus valable s’ildevait être établi que les organisations sanitaireschargées de la gestion du service d’aide médicaled’urgence ne sont manifestement pas en mesurede satisfaire en permanence la demande de trans-port médical d’urgence et de transport demalades », et que, dans ce cas, la justification del’extension de leurs droits exclusifs, tirée de lamission d’intérêt général, ne pourrait être admise.

Le financement d’obligations de servicespublic

Depuis quelques années, la problématique dufinancement public des services d’intérêt généralest devenue un sujet brûlant en droit commu-nautaire. Après une longue période de ‘flotte-ment’ de la jurisprudence et de la pratique de laCommission, la Cour de justice a finalementtranché la question, dans son arrêt déjà devenucélèbre Altmark Trans du 24 juillet 200326 : unecompensation représentant la contrepartie desprestations effectuées par les entreprises bénéfi-

ciaires pour exécuter des obligations de servicepublic échappe à la qualification d’aide d’Etat,mais à la condition qu’elle remplisse quatreconditions strictes, à savoir :

Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doiteffectivement être chargée de l’exécution d’obli-gations de service public, et ces obligations doi-vent être clairement définies.

Deuxièmement, les paramètres sur la base des-quels est calculée la compensation doivent êtrepréalablement établis, de façon objective ettransparente, afin d’éviter qu’elle comporte unavantage économique susceptible de favoriserl’entreprise bénéficiaire par rapport à des entre-prises concurrentes. Ne répond pas à cettecondition, aux yeux de la Cour, la compensationpar un Etat membre des pertes subies par uneentreprise sans que les paramètres d’une tellecompensation aient été préalablement établis,lorsqu’il s’avère a posteriori que l’exploitation decertains services dans le cadre de l’exécutiond’obligations de service public n’a pas été écono-miquement viable.

Troisièmement, la compensation ne sauraitdépasser ce qui est nécessaire pour couvrir toutou partie des coûts occasionnés par l’exécutiondes obligations de service public, en tenantcompte des recettes y relatives ainsi que d’unbénéfice raisonnable, afin de garantir qu’aucunavantage qui fausse ou menace de fausser laconcurrence, en renforçant la position concur-rentielle de cette entreprise, n’est accordé à l’en-treprise bénéficiaire.

Quatrièmement, lorsque le choix de l’entrepri-se à charger de l’exécution d’obligations de servi-ce public, dans un cas concret, n’est pas été effec-tué dans le cadre d’une procédure de marchépublic permettant de sélectionner le candidatcapable de fournir ces services au moindre coûtpour la collectivité, le niveau de la compensationnécessaire doit être déterminé sur la base d’uneanalyse des coûts qu’une entreprise moyenne,bien gérée et adéquatement équipée en moyensde transport afin de pouvoir satisfaire aux exi-gences de service public requises, aurait encouruspour exécuter ces obligations, en tenant comptedes recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice rai-sonnable pour l’exécution de ces obligations.

À la suite de l’arrêt Altmark, la Commission aproposé une refonte du cadre réglementaire26. Affaire C-280/00.

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applicable aux compensations accordées par lesÉtats membres aux entreprises fournissant desservices réputés servir l’intérêt général. A ceteffet, elle a lancé des consultations sur deux pro-jets de propositions.

La première mesure proposée est une décisionde la Commission relative au financementpublic à échelle relativement réduite de certainesentreprises qui sont chargées de la fournitured’un service dans l’intérêt public. Ce finance-ment, pour autant qu’il ne dépasse pas un cer-tain plafond annuel de fonds publics et que sesbénéficiaires ne réalisent pas un chiffre d’affairesannuel, toutes activités confondues, supérieur àun plafond donné sera considéré comme com-patible avec le marché commun et exonéré del’obligation de notification préalable. Les pla-fonds devront être finalisés à la lumière descommentaires reçus dans le cadre de la consulta-tion. Il en ira de même, sans limitation de mon-tant, pour les compensations de service publicoctroyées aux hôpitaux et aux entreprises encharge du logement social.

La deuxième mesure est un document de tra-vail des services de la Commission, préparant unencadrement relatif cette fois au financementpublic à grande échelle.

Les inquiétudes quant au statut desacteurs du secteur social

Le Parlement européen, dans sa résolution surla communication de la Commission de 200027,a estimé que « la communication de laCommission ne tient pas suffisamment compte del’importance particulière que revêtent les orga-nismes indépendants de bienfaisance et autres asso-ciations bénévoles qui, dans certains Étatsmembres, offrent une gamme de services d’intérêtgénéral s’inspirant de principes de solidarité,éthiques, religieux, à caractère caritatif ou présen-tant une grande diversité culturelle » (point 70).Il a mis l’accent sur « la nécessité de promulguer,pour les services socialement importants du secteursocial et culturel, une exemption par catégorie quipermette aux citoyens de bénéficier, à l’avenir, deces services à des conditions particulières et à desprix compétitifs, et qu’il doit être permis d’utiliser,à cet effet, des recettes publiques, de manière ouver-te et transparente, pour autant que la concurrence

ne s’en trouve pas gravement faussée » (point 71).Il a préconisé « d’exclure d’une manière généraleles activités à but non lucratif, par exemple à carac-tère social, culturel ou caritatif, des contrôles visantles aides d’État et de l’application du droit com-munautaire de la concurrence, au même titre queles activités relevant des prérogatives de la puissan-ce publique ». Dans sa résolution sur le Livrevert sur les services d’intérêt général28 leParlement européen a proposé l’application descritères suivants :« finalité (commerciale ou non)de la prestation et de la mise à disposition, part dufinancement public, importance de l’investisse-ment, poursuite d’un but lucratif ou intention decouvrir les coûts, analyse avantages-coûts de la pres-tation locale par rapport à l’adjudication auniveau européen, obligation de garantir des droitssociaux, contribution à la participation à la viesociale et à l’intégration sociale », ajoutant que «ces critères peuvent également être invoqués pourinstaurer des exemptions aux règles de la concur-rence générale dans le cas de services économiquesd’intérêt général » (point 21)

De même, le Comité économique et socialeuropéen, dans son avis sur le livre vert29, a esti-mé que « la frontière entre caractère économiqueet non économique est floue, hasardeuse et incertai-ne, ce qui conduit aujourd’hui à des formes d’insé-curité juridique croissante » ; il en a donc appe-lé à une clarification. Il a souligné que « touteprestation d’intérêt général, même celle fournie àtitre non lucratif ou bénévole représente une certai-ne valeur économique sans pour autant devoir rele-ver du droit de la concurrence. En outre, un mêmeservice peut être à la fois marchand et non mar-chand. De même, un service peut avoir un caractè-re marchand sans que, pour autant, le marché soità même d’assurer un service dans la logique etd’après les principes régissant les services d’intérêtgénéral. » Selon le CESE, l’important n’est pasde distinguer entre service économique ou nonéconomique, mais de mettre effectivement enœuvre le principe de subsidiarité et, à cette fin,d’identifier les « types de services (régalien oud’intérêt national, régional ou local, système obli-gatoire d’éducation, de santé et de protection socia-le, activités culturelles, caritatives, à caractère socialou basé sur la solidarité ou des dons, etc.) pour les-quels ne s’applique pas le droit commun de laconcurrence. »

27. Adopté le 13novembre 2001, COM(2000)580 C5-0399/20012001/2157(COS),rapporteur WernerLangen.28. Adoptée le 14 janvier2003, document COM(2003) 270 –2003/2152(INI), surrapport de PhilippeHerzog.29. N° 2004/C 80/20, JOC 80 du 30 mars 2003.

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On retrouve la même préoccupation dansl’avis du Comité des régions30, qui souligne que,pour décider si un service d’intérêt général doitou non être soumis aux règles de concurrence, ilne faut pas s’arrêter au seul critère de la natureéconomique ou non économique du service enquestion et que « les aspects politiques dans ledomaine considéré doivent également entrer enligne de compte. À titre d’exemple, pour les hôpi-taux publics, le principe de base n’est pas le marché,mais la satisfaction des besoins des citoyens enmatière de santé, conformément à la politique desanté au niveau national, régional et local »(point 2.5.2). Le CdR propose d’établir, sur labase des décisions de la Cour de justice et de laCommission, une liste de « certaines activitésnon économiques «typiques» en tant que telles (parexemple, les activités des écoles publiques, lesrégimes de base de sécurité sociale obligatoires, etcertaines activités exercées par des organismes àvocation sociale, qui n’ont pas pour objectif de pra-tiquer une activité industrielle », estimant quecette liste contribuerait grandement à la sécuritéjuridique.

Les organisations du secteur non marchand,dans les -nombreuses- contributions qu’elles ontdéposées dans le cadre de la consultation ouver-te par le livre vert de la Commission européen-ne sur les services d’intérêt général, ont insistéelles aussi sur la nécessité d’une clarification desnotions de services marchands et non mar-chands. Plusieurs d’entre elles31 ont ainsi suggé-ré l’établissement d’une liste indicative de cri-tères témoignant de l’existence d’un service nonmarchand :

« existence ou non d’un marché (dans une zonedonnée, dans des conditions données), sur lequel exis-te une concurrence, rentabilité ou non, caractère oné-reux ou non des prestations rendues, subventionaccordée par la puissance publique, réponse à unbesoin fondamental ou un droit de la personnehumaine, domaine d’intervention considéré comme

régulé de façon particulière, gestion au niveau local,sans influence sur les échanges communautaires, exis-tence de bénévolat ou de dons, rémunération fixée ounon comme une contrepartie du service rendu, per-manence de la plupart de ces éléments dans la durée,la cohésion sociale, le contrôle démocratique, l’amé-nagement du territoire, le développement durable etla mise en oeuvre du principe de solidarité »

La Commission répond-elle réellement à cespréoccupations dans son livre blanc sur les ser-vices d’intérêt général ?

Nous ne le pensons pas. Certes, la Commissionsouligne l’importance des services sociaux d’inté-rêt général, en tant que partie intégrante dumodèle européen de société et annonce une com-munication. Elle reconnaît que les règles commu-nautaires peuvent avoir une incidence sur les ins-truments de mise en oeuvre et de financement deces services, mais, selon elle, « une reconnaissanceclaire de la distinction entre les missions et les ins-truments devrait favoriser une clarté accrue en vuede la modernisation de ces services dans un contextemarqué par l’évolution des besoins des usagers, touten préservant leur singularité liée à des exigencesparticulières, notamment en matière de solidarité,de collaboration bénévole et d’insertion de groupes depersonnes vulnérables . La grande lacune à nosyeux du livre blanc est qu’il évoque seulementd’une part les ‘services marchands pour la fournitu-re des services sociaux et de santé’, à l’égard desquelselle estime nécessaire de préciser les effets quepourrait avoir le droit de la concurrence del’Union européenne et d’autre part les servicesassurés ‘directement par l’entremise d’organismesd’État financés par l’impôt’, qui - on le suppose -,échapperaient au droit de la concurrence. Elle nesemble donc absolument pas reconnaître l’exis-tence en la matière d’un ‘troisième pilier’ quiserait constitué par un secteur ‘privé non mar-chand’. La distinction entre le marchand et le nonmarchand est donc loin d’être suffisamment cla-rifiée.30. N° 2004/C 73/02, JO

C 73 du 22 mars 2003.31. Voy. notamment lescontributions de laConférence européennepermanente des coopéra-tives, mutualités, associa-tions et fondations,d’Eurocoop ou du Comitéeuropéen des associationsd’intérêt général

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The notion of civil society has been very muchin fashion in International Relations for the lastten years. It has acquired a global meaning inthe aftermath of the 1989 revolutions in EasternEurope and the rapid growth of non-govern-mental organizations (NGOs). Radically differ-ing interpretations of the meaning of civil soci-ety have been proposed. Such effervescencethreatens to generate much conceptual confu-sion rather than clarity, all the more so becauseof a lack of rigorous attention to the theoreticaltraditions allowing for the wording of these var-ious conceptions of civil society in the firstplace. Michael Edwards’ book provides a veryvaluable contribution in this respect. It propos-es a fine blend of theoretical insights and practi-cal examples.

The first chapter aims at clarifying the differ-ent interpretations of the concept of civil soci-ety. It starts by emphasizing its “chameleon-likequalities” (p. 3) and goes on to examine how thispolysemic nature has been used to justify verycontrasting, if not antagonist views. Accordingto Edwards, the outcome has been intellectualconfusion, which has created a backlash againstthe idea of civil society (p. vii). Thus, greaterclarity and rigour are needed if civil society is tobe considered more than a slogan. The first stepin this direction is to sketch a brief history of theidea of civil society in political thought. Withgreat clarity, Edwards provides us with a geneal-ogy of the idea of civil society from antiquity tothe recent debates on deliberative democracy.He proposes to focus on three schools ofthought in order to clarify the current debateabout civil society: civil society as part of society(the world of associational life), civil society as akind of society (the good society), and civil soci-ety as the public sphere. These analytical modelsof civil society are each examined in turn in thefollowing chapters.

The first school of thought derives essentiallyfrom Tocqueville’s ideas and depicts civil societyas a social sphere distinct from states and mar-kets. More precisely, civil society represents a“third” or “non-profit” sector containing “allassociations and networks between the family

and the state in which membership and activi-ties are voluntary” - that is NGOs, labourunions, political parties, religious groups, pro-fessional and business associations, communityand self-help groups, social movements and theindependent media (p. 20). At the global level,Neo-Tocquevillians focus on the rise of nonstate actors during the last ten years, mostnotably on the emergence of transnational net-works of NGOs that are now supposed to forma “global civil society”. Edwards criticizes the“three-sector model of society” which underliesthis school of thought by arguing that civil soci-ety, the state, and economic actors are inextrica-bly interwoven, and that these categories tend tovary accross countries, cultures and differentperiods in time. Instead, he propounds “a sys-tems view of associational life that looks at thedifferent components of civil society and howthey interact both with each other and withpublic and private institutions” (p. 32). In thisperspective, civil society organisations form acomplex and fragile “ecosystem” whose healthand strength depend on its achievement ofinternal institutional pluralism, that is on thecapacity to represent multiple interests and per-form multiple functions. It appears howeverthat these supposedly “healthy” attributes ofcivil society are opposed by recent trends of pro-fessionalization of the non-profit sector and itsconcomitant disconnexion from its social base.

The second school of thought defines civilsociety in normative terms, that is as a desirable(good) type of society. At the transnational level,it refers to the idea that civil associations areresponsible for the diffusion and the socializa-tion of ethical norms like human rights, peaceand solidarity. This perspective hinges upon theidea of a correlation between the means (civilassociations) and the ends (the achievement ofthe good society). Such a link between ends andmeans is however problematic because there isno a priori reason why civil associations shouldbe shot through solely with shared ethical aspi-rations. Indeed, there are many situations wherecivil society organisations actually defend sec-toral interests (business associations) rather than

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* Michael Edwards isDirector of the FordFoundation’s Governanceand Civil Society Program.

Transnational Associations4/2004, 309-311

Book Reviews Recensions

Civil Society, by Michael Edwards*, Polity: London, 2004. 402 pages. Index.

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transcend them, or promote exclusionary ideas(religious groups) rather than tolerance.Edwards is therefore right to assert that “associ-ational life per se is unlikely to guarantee a par-ticular set of social norms and values, still lessthe connection between these norms and thegoals of the good society.” (p. 42). In addition,the pursuit of the good society cannot bethought of independently from the activity ofeconomic actors and from government preroga-tives in this matter. Indeed, a civil society cannotmaintain itself without markets and vice-versa,and it is also dependent on government action,in particular on the definition and the provisionof public goods and on the role of the state in“securing the preconditions for equal civic par-ticipation and legal protection for associations”(p. 51).

The third school of thought represents civilsociety as a sphere distinct from the social sys-tems of the market economy and the statebureaucracy, capable of enhancing public delib-eration and stimulating participation in politicalprocesses. Based on a deliberative understandingof democracy, it claims that free discussion andrational argument can attenuate conflictualissues, bring about agreement and thus con-tribute to achieving consensus on the ends ofthe good society. The problem is, public delib-eration may not always lead to a rational andoptimal definition of the public interest, asprocesses of commodification engender inequal-ities and prevent equal access to voice and par-ticipation. In this context, some groups maywell exert a predominant influence on the defi-nition of the good society. Thus, Edwards con-cludes that if the theory of the public spheredoes shed light on the potential of civil societyto enhance democracy, it “fails to explain how todeal with the structural factors that determineits effectiveness (like inequality in voice)” (p. 71)in its relationship to democracy.

After this critical overview, Edwards sets aboutto propose, in chapter 5, “an integratedapproach of civil society that unites elements ofall three models” (p. 91). He perceives civil soci-ety as a pluralist and lively associational ecosys-tem which is a necessary (but not sufficient) pre-condition for the achievement of a good society.Indeed, such an associational ecosystem cannot

maintain itself if it is not embedded in a goodsociety that supports the (normative) goals ofsocial solidarity and democratic participation.In turn, the pursuit of these goals requires morethan a healthy associational ecosystem. Withouta properly functional public sphere, there is nospace where conflicting views of a good societycan be confronted and discussed, and where apolitical consensus can be secured.Transnational networks of NGOs perform asimilar function at the global level, by workingas a “public” to which citizens can appeal andwhich provides broader access to deliberationand multiplies sources of influence on regimes.The book concludes (chapter 6) with some rec-ommendations to help build “the preconditionsfor effective interactions between associationallife, the public sphere and the good society” (p.95). Edwards underlines two such prerequisites.The first is to reduce all forms of inequality anddiscrimination, promote active political partici-pation of citizens, guarantee the independenceof associations and communicative frameworks,and encourage institutional cooperation andpartnerships. The second is to provide incen-tives for citizens to engage in service to the goodsociety through the public sphere.

The main criticism which can be directedagainst Edwards’ three models of civil society isthat they appear often to overlap, thus weaken-ing their conceptual salience. For instance, themodel of civil society as a kind of society (thegood society) is not intrinsically different fromthe one of civil society as the public sphere, sincethe latter actually also refers to a desirable typeof society founded on the neo-Kantian projectof democratic peace. In both models, civil soci-ety organisations are supposed to diffuse valuesand ethical norms in relation to their definitionof the good society. Thus, the differentia specifi-ca which sets apart these two models is not somuch the normative act of defining a good soci-ety, but rather their focus on a different set ofactors. Indeed, civil society as a kind of societyprovides a more general perspective, encompass-ing a wider range of institutions (crucially gov-ernment and business) than the model of civilsociety as the public sphere which refers morenarrowly to non state actors situated out of thepolitical and economic spheres. In addition, the

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book’s three-model conceptualisation does notallow the inclusion of neo-Gramscian interpre-tations of civil society in contemporary interna-tional relations. At the national level, Gramsciemphasized how civil society organisations con-tribute to legitimate the domination of somegroups on others, how they perform a hege-monic function. On the other hand, he viewedthis sphere to have an emancipatory potentialbecause of its strategic role in the revolutionarystruggle. Today, Gramscian theoretical insightsdo much to shed light on the ambivalent roleplayed by civil society organisations in the con-text of globalisation, that is both in the repro-duction and the transnational contestation ofthis dynamic. The relative neglect of this schoolof thought in Edwards’ book may be related tothe first criticism (the possibility of overlapsbetween the three models of civil society), inthat it tends to fit two models of civil society -as a part of society (the world of associationallife) and as a kind of society (the good society).Indeed, Gramsci’s conception of civil society isboth descriptive and prescriptive, as it refers all

at once to an existing social sphere and to a pro-grammatic (revolutionary) conception of socialchange.

The qualification made here does not belittlein any way the fact that Edwards has certainlyprovided us with a lucid and well balancedanalysis. Though he claims to be a “civil societyrevivalist” (p. 112), his views are neither overlyenthusiastic nor one-sidedly discontented. Andwe can only agree with him when he asserts that“it is governments’ responsibility to deal withthe root causes that keep citizens from partici-pating, and participating equally, in association-al life and the public sphere, and that meansmarket regulation as well as legislation to pro-mote security and the guaranteed satisfaction ofbasic human needs.” (p. 89). If the aim of thebook was “to encourage readers to come to amore informed and nuanced set of judgementsabout the civil society debate” (p. vii), it hasbeen fully achieved.

Virgile PerretUniversité de Lausanne

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Association News Vie associative

L’Asie orientale et le Moyen-Orient sont les pires régions aumonde

Reporters sans frontières publieson troisième classement mondialde la liberté de la presse. C’est enAsie orientale (Corée du Nord,167e en dernière position ;Birmanie, 165e ; Chine, 162e ;Viêt-nam, 161e ; Laos, 153e) etau Moyen-Orient (Arabie saoudi-te, 159e ; Iran, 158e ; Syrie, 155e; Irak, 148e) que la liberté de lapresse est le plus menacée. Dansces pays, soit la presse indépen-dante est tout simplement inexis-tante, soit les journalistes sontsoumis à une répression et à unecensure quotidiennes. Ni la libertéde l’information, ni la sécurité desjournalistes n’y sont garanties. EnIrak, la guerre qui perdure est laplus meurtrière de ces dernièresannées pour la profession (44 tuésdepuis le début du conflit, enmars 2003).

Il reste malheureusement beau-coup d’autres points noirs dans le

monde pour la liberté de la presse.Cuba (166e) est, après la Chine,la plus grande prison du mondepour les journalistes (26 détenus).Depuis le printemps 2003, cesjournalistes indépendants croupis-sent en prison, après avoir étécondamnés à des peines allant de14 à 27 ans de réclusion.

Au Turkménistan (164e) et enErythrée (163e), il n’existe aucunepresse privée. Les habitants de cespays n’ont aucune autre sourced’information que les médiasd’Etat, relais dociles de la propa-gande officielle.

En tête de ce classement, onretrouve majoritairement des paysd’Europe du Nord (Danemark,Finlande, Irlande, Islande,Norvège, Pays-Bas), véritableshavres de paix pour les journa-listes. Sur les vingt pays les mieuxclassés, seuls trois (Nouvelle-Zélande, 9e ; Trinidad et Tobago,11e ; et le Canada, 18e) ne sontpas européens.

D’autres petites démocraties,souvent pauvres, se glissent égale-ment parmi les pays traditionnel-lement les plus respectueux de laliberté de la presse : El Salvador(28e) et Costa Rica (35e) enAmérique centrale, le Cap-Vert(38e) et la Namibie (42e) enAfrique, ou le Timor-Leste (57e)en Asie.

Pour établir ce classement,Reporters sans frontières a deman-dé à ses organisations partenaires(14 associations de défense de laliberté d’expression dispersées surles cinq continents), à son réseaude 130 correspondants, à desjournalistes, des chercheurs, desjuristes ou des militants des droitsde l’homme de répondre à 52questions permettant d’évaluer lasituation de la liberté de la pressedans un pays. 167 nations y appa-raissent, les autres sont absentes,par manque d’informations.

http://www.rsf.org/article.php3?id_article=11707

The UN Secretary-General hasreleased the advanced, uneditedversion of a Report on the themodalities, format and organiza-tion of the high-level plenarymeeting of the 60th session of theUnited Nations GeneralAssembly, which is a follow-up tothe outcome of the MillenniumSummit.

In Resolution A/RES/58/291,the General Assembly decided toconvene in New York, in 2005, a

summit to review the implemen-tation of the MillenniumDeclaration, and the integratedfollow-up to the major UnitedNations conferences and summitsin the economic, social and relatedfields.

The Secretary-General’s recom-mendations in the attached reportare based on the report of thefacilitators and the precedence ofthe 2000 Millennium Summit.

The report can be viewed online athttp://www.un.org/News/ossg/sg/repo

rt10-final.pdf .For background information, ongo-ing analysis and research, and cam-

paign initiatives relating to theMillennium Development Goals,

visit the UN-NGLS MDG portalat http://www.un-ngls.org/mdg.htm.The portal also offers a Millennium+5 Listserver with the latest devel-opments on the 2005 Millennium

Summit.

Millennium +5 Summit:

Troisième classement mondial de la liberté de la presse

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Traidcraft*, along with partnersacross the UK, Europe and Africa,is calling on the European Unionto stop Economic PartnershipAgreements (EPAs). African andEuropean civil society experts willbe in Brussels from Monday 18thto Wednesday 20th October todiscuss their concerns with deci-sion makers at the EuropeanCommission and the EuropeanParliament.

The Stop EPA campaign,launched last Friday (15thOctober) by Traidcraft, ActionAid, Christian Aid, CAFOD andAction for Southern Africa at the

European Social Forum (ESF) inLondon, will call on the public toreject EPAs. The campaign is sup-ported by over 120 organisationsfrom across Europe and Africa.EPAs are reciprocal trade dealsarising from the CotonouAgreement that are being devel-oped between the EU and 77countries across Africa, theCaribbean and the Pacific (ACP).

According to the EU, EPAs aimto integrate the ACP states intothe world economy, promote sus-tainable development and con-tribute to poverty eradication.However the Stop EPA campaign

argues that ACP countries willsuffer, as their governments willbe fo rced to give into EPAsbecause of heavy dependence onEU aid, forcing open their mar-kets to European goods and ser-vices. For example, it is estimatedthat under liberalised trade withthe EU, only 25 per cent ofGhanaian industries would sur-vive and it would take 15 years torestructure the Jamaican sugarindustry.

According to Traidcraft, thistrade liberalisation will threaten750 million of the world’s poorestpeople because:

The persistence of extremepoverty and the failure to meetmany development goals are usu-ally linked to lack of employment,poor wages and working condi-tions, and violations of workers’rights. In their most fundamentalfunctions, trade unions work tocombat these causes of poverty.Furthermore, in their campaignstrade unions often play a majorrole in the forefront of workingtowards results that have becomepart of the MDGs, such asachieving universal primary edu-cation or combating the spread ofHIV/AIDS. All too frequentlyhowever, the IFIs’ policy adviceand loan conditions counteracttrade unions’ efforts to contributeto achievement of the MDGs,particularly the attainment ofMDG 1 for eradicating extremepoverty. The present statementdescribes how IFI policies andpractices can more consistently be

supportive of achievement of theMDGs, particularly throughimproving their attention tolabour issues as part of povertyreduction policies.

The lack of attention paid tolabour and employment questionsis particularly notable in PovertyReduction Strategy Papers(PRSPs). The PRSPs generally donot set employment targets anddefine strategies for achievingthem, or elaborate strategies forimproving wages and workingconditions to levels that allowhouseholds to live above povertythresholds. This absence is strik-ing, in light of the fact that theMDGs have set targets that relatespecifically to income levels,employment levels for women andunemployment rates. Where tradeunions feel they can make ameaningful contribution tonational development and povertyreduction through the PRSP

process, they have done so will-ingly, as was confirmed in a recentWorld Bank paper on tradeunions’ participation in PRSPs.However in other countries wheretrade union proposals on employ-ment, labour and structural policyissues have been ignored in thePRSP or are superseded by IFIloan conditions, unions questionthe usefulness of continuing toparticipate in the process. TheIMF and World Bank mustencourage borrowing countries todevelop policy options in PRSPsthat truly reflect national priori-ties to reduce poverty, rather thanstandard IFI prescriptions to pri-oritize market-oriented economicliberalization.

Summary of Statement by GlobalUnions to the 2004 Annual

Meetings of the IMF and WorldBank Washington, 2-3 October

2004

Global Unions calls on IMF and World Bank to incorporate labour andemployment issues into their work

Trade traps not trade talks: stop economic partnership agreements

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• Market liberalisation will forcelocal enterprises to competewith subsidised European goodsand services

• ACP governments will lose theright to protect local businessesand regulate foreign companiesto ensure they create local jobsor use local resources

• They will receive less moneyfrom trade taxes on Europeangoods and have less to spend onhealth and education

The Stop EPA campaign arguesthat ACP countries will sufferunfairly under EPAs because:

• Poor countries will not get spe-cial treatment and will not beexempt from opening up theireconomies as much as richcountries

• EPAs will force controversial‘new’ issues through the backdoor that the WTO dismissedat Doha (‘Singapore issues’:investment, transparency ingovernment procurement, com-petition policy and trade facili-tation)

• EPAs are already underminingregional integration that is cen-tral to ACP countries’ develop-ment strategies

• The EU refuses to discuss alter-natives to EPAs that would ben-efit rather than harm develop-ing countriesTraidcraft points out that even

the EU is aware of these dangers

and is going against the advice ofits own consultants. An ECSustainability Impact Assessmentconducted byPriceWaterhouseCoopers findsthat for the Caribbean the “Fiscalimpacts of reciprocity are atremendous challenge”, and that“EPAs could lead to the collapseof the manufacturing sector inWest Africa” .

Nancy Kachingwe of AfricaTrade Network, a key member ofthe Stop EPA campaign says,“EPAs are completely inconsistentwith the goal of poverty eradica-tion, economic development andbasic social rights. Governmentsneed to go back to the drawingboard a nd work on a traderegime that responds directly tothe needs of developing countries,rather than the imperatives of theWTO or the trade agenda of theEuropean Union”. OduorOng’wen (SEATINI Kenya):“Treating unequal forces as if theywere equal amounts to injustice.But that is the basic premise ofEPA’s.”

Liz Dodd, trade policy adviserfor Traidcraft says, “The over-whelming emphasis on liberalisa-tion in the EPA negotiationsproves that they are aboutexpanding Europe’s access to ACPmarkets, rather than about ACPcountries’ development. Unlessthe direct ion of the negotiations

dramatically changes, EPAs willlead to deeper unemployment,loss of livelihoods, food insecurityand social inequality in ACPcountries. ACP governments willface significant losses in publicrevenue from the elimination ofimport duties and will continueto suffer the problem of capitalflight associated with liberalisa-tion. We are calling on the publicto join the campaign to stopEPAs”.

The campaign calls on theEuropean Union to:• Stop the current direction of

negotiations• Remove the demand for recip-

rocal trade opening and newissues from their negotiatingmandate

• Allow the necessary policy spacefor ACP countries to pursuetheir own development strate-gies

• Work urgently to change WTOrules and investigate alternativesthat leave ACP countries better– not worse - off, as waspromised in the CotonouAgreement

For more information on the StopEPA campaign seewww.stopepa.org.

Press release, Monday, 18thOctober 2004, 12:00

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“Il n’y a que trois vrais flux aumonde, constatait feu le comman-dant Cousteau, la mer, l’air et l’ar-gent.” Il aurait pu préciser : lesflux financiers qui traversent laplanète. En particulier ceux prove-nant des multinationales et desgrosses fortunes qui pratiquentl’”optimisation fiscale”.

En termes plus prosaïques, ils’agit d’argent propre qui échappeà l’impôt. De l’argent détourné leplus légalement du monde, grâceaux conseils d’experts-comptables,à ne pas confondre avec l’argentnoir de la fraude fiscale. C’estcontre ce système que se mobiliseaujourd’hui Tax Justice Network,une nouvelle ONG britanniqueaux ramifications internationales.La mise en place, le 13 octobre,d’un secrétariat basé à Londres,copié sur le modèle d’AmnestyInternational, atteste la volonté decombattre les astuces utilisées parles grandes sociétés et les super-riches pour payer le minimumd’impôts.

“L’évasion fiscale légale porte unénorme préjudice à l’économiemondiale, affirme JohnChristensen, le coordinateur deTax Justice Network. La concur-rence fiscale déloyale et l’existencedes paradis fiscaux favorisent lesmultinationales au détriment desentreprises tournées vers le mar-ché intérieur, les grandes sociétésaux dépens des PME, la vieilleéconomie sclérosée par rapportaux start-up innovantes.”

Les crises financières russe etbrésilienne de 1998, les scandalesEnron, Parmalat ou Vivendi, lescampagnes contre la dette despays pauvres lancées par les rockstars Bono et Bob Geldof ainsique la récente crise énergétique en

Bolivie ont propulsé à la “une” del’actualité les problèmes de déve-loppement causés, entre autres,par l’évasion fiscale à grandeéchelle.

Paradis fiscaux

La situation est d’autant plusinquiétante que deux élémentssupplémentaires sont venusaccroître les capacités de nuisance.Le premier tient à la mondialisa-tion et à son corollaire : la librecirculation des fonds à larecherche d’un havre fiscal peuregardant. Deux chiffres suffisentà pointer l’ampleur du problème :150 000 sociétés extraterritorialesopaques - trusts, fondations, hol-dings destinés à cacher les vraisbénéficiaires - se créent chaqueannée dans le monde.

De même, on compte aujour-d’hui soixante-trois paradis fiscauxcontre vingt-cinq au cours desannées 1970. Ainsi, ces centresfinanciers offshore, qui ne repré-sentent que 1,2 % de la popula-tion mondiale et 3 % du PNBplanétaire, accueillent 31 % desbénéfices et 26 % des actifs descompagnies multinationales amé-ricaines.

La prolifération de ces “comp-toirs” de l’argent caché est double-ment négative. D’un côté, elleentraîne la diminution de la capa-cité des Etats souverains, en parti-culier les nations dépourvuesd’administration fiscale digne dece nom, de lever l’impôt. Del’autre, elle augmente l’instabilitéfinancière internationale.

Le second élément est l’aggrava-tion de la crise économique dansle tiers-monde, en particulier enAfrique subsaharienne. “Bon

nombre de pays pauvres sontaujourd’hui dominés par des élitespassées maîtresses dans l’art dedissimuler leurs avoirs dans desparadis fiscaux, observe JohnChristensen. Au cours des der-nières années, la situation s’estdétériorée. Des moyens financiers,matériels et humains considérablesqui pourraient être investis dansdes programmes sociaux, éducatifsou écologiques sont détournéspour disparaître en toute légalitédans des places offshore.”

L’opposition des lobbies

Cet économiste de formationfut conseiller économique du gou-vernement de Jersey, paradis fiscaldes îles Anglo-Normandes, entre1987 et 1998. Hostile à la poli-tique du tout-financier, M.Christensen donne sa préférence àun développement plus équilibré.Chemin faisant, il s’est heurté àl’opposition des lobbies chargésdes intérêts des grandes banquesinternationales.

Détail piquant, Tax JusticeNetwork montre du doigt leRoyaume-Uni dans le recyclage deces fonds peu avouables. En effet,plus de la moitié des paradis fis-caux du globe sont d’anciennescolonies de la Couronne (îlesCaïmans, les Bahamas, etc.), oudes territoires d’outre-mer(Gibraltar, îles Vierges, Pitcairn,etc.), ou encore des confettis soustutelle (île de Jersey, îles deGuernesey, île de Man).

Par ailleurs, comme l’atteste letraitement de faveur accordé aux“résidents non domiciliés”, un sta-tut sur mesure concocté pour atti-rer les armateurs grecs, les tradersfrançais ou les grosses fortunes du

L’argent propre et les dégâts de ses profits baladeurs

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Proche-Orient, Londres encouragede facto ce phénomène.

L’Inland Revenue, le service desimpôts de Sa Majesté, ferme éga-lement les yeux sur les transfertsde bénéfices entre filiales via descoquilles vides, les special purposevehicles, qui leur permettent d’al-léger au maximum les taxes sur lesbénéfices.

Enfin, arc-bouté sur l’échanged’informations, Londres s’opposeavec acharnement à toute taxe surl’épargne des non-résidents.

L’objectif est de protéger laCity, premier centre financiermondial, qui, à sa manière, peutse montrer accommodante, mêmedepuis les attentats du 11 sep-tembre 2001 aux Etats-Unis. Lesdéclarations de guerre contre cetype de dérapages se multiplient.Mais il est peu probable qu’ellessoient suivies d’effets. Trop degrands pays, quoi qu’ils en disent,n’y ont pas intérêt.

Le rapport remis à JacquesChirac par le groupe de travailprésidé par l’inspecteur généraldes finances Jean-Pierre Landau

sur le financement de la luttecontre la pauvreté souligne les dif-ficultés d’imposition d’une taxeinternationale. L’absence d’autori-té mondiale en matière fiscale estla pièce manquante de l’accord deBretton Woods (juillet 1944)créant le Fonds monétaire interna-tional et la Banque mondiale, esti-me la nouvelle ONG. Les effortsdu Forum de stabilité financièrecréé par le G7, de l’Organisationde coopération et de développe-ment économiques, et surtout duGroupe d’action financière sur leblanchiment des capitaux (GAFI)pour trouver une parade aux dan-gers que font courir les paradis fis-caux ne sont qu’une étape pourtenter d’immuniser le systèmefinancier international contre lesenormes flux d’argent.

Contrat social affaibli

Contre ces attaques, les parti-sans de la mondialisation invo-quent la liberté pour les capitauxd’aller et venir. Ils ont beau jeud’évoquer les impératifs de valori-

sation à l’actionnaire, l’importan-ce des créations d’emplois par lesmultinationales, les pressions de laconcurrence, voire les impôts surle revenu payés par les chefs d’en-treprise et autres banquiers d’af-faires. L’activité des centres offsho-re est souvent la seule source derevenus pour ces microterritoires.

Existe-t-il une solution ? Lesexperts consultés ne sont guèreoptimistes. Les profits baladeursont apparemment de l’avenir.Reste que l’impôt, en particuliersur les grandes entreprises,demeure un rouage essentiel dufonctionnement des sociétésdémocratiques. Quand les contri-buables les plus riches y échap-pent, le contrat social s’affaiblit.Avec des conséquences drama-tiques, comme la hausse de lapression fiscale sur les classesmoyennes dans les pays dévelop-pés ou l’atrophie des servicespublics dans le tiers-monde. Lacollectivité tout entière se trouvealors perdante.

Marc RocheLe Monde, 26 octobre 2004

L’objectif du statut de “sociétéeuropéenne” est de créer unesociété européenne - désignée sousson nom latin de “SocietasEuropaea” ou SE - ayant sonpropre cadre juridique afin depermettre à des sociétés consti-tuées dans des États membres dif-férents de fusionner, de formerune société holding ou une filialecommune, tout en évitant lescontraintes juridiques et pratiquesqui résultent de quinze ordresjuridiques différents. Il s’agird’autre part d’organiser l’implica-tion des salariés dans la société

européenne et de reconnaître leurplace et leur rôle dans l’entreprise.

A l’heure actuelle, seuls six Etatsont modifié leur législation dansle temps imparti. Avant d’êtreadopté en 2001, le statut de «société européenne » a fait l’objetde trente ans de pourparlers.Opérationnel depuis le 8 octobre2004, ce cadre juridique a tou-jours du mal à entrer dans lesfaits. A ce jour, seuls six des vingt-cinq Etats membres ont fait lenécessaire pour permettre auxentreprises d’opter pour ce régime: l’Autriche, la Belgique, la

Finlande, le Danemark, l’Islandeet la Suède.

Cette législation doit permettreles rapprochements entre lesentreprises européennes, dans lafoulée de l’euro. Elle prévoitquatre modes possibles : la consti-tution d’une SE par fusion, laconstitution par création d’unesociété holding, la constitutionsous forme de filiale commune etla transformation d’une sociétéanonyme de droit national. Lafusion est limitée aux sociétésanonymes d’États membres diffé-rents. La création d’une société

Le statut de « société européenne » est entré en vigueur

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Déclaration pour lelancement d’une plate-formede dialogue politique et depromotion des initiativeséthiques et solidaires descitoyens dans l’économie

Le Forum « Finance solidaire etconsommation responsable : pou-voirs publics et citoyens engagéspour la cohésion sociale » , organisépar le Conseil de l’Europe les 4 et 5novembre 2004, a adopté la décla-ration en se basant sur l’affirmationde la stratégie de cohésion socialerévisée du Conseil de l’Europe,approuvée par le Comité desMinistres le 31 mars 2004, que :

a. la cohésion sociale et le déve-loppement durable, c’est-à-dire lacapacité de la société à assurer lebien-être de tous, y compris desgénérations futures, relèvent d’uneco-responsabilité partagée entretoutes les parties de la société ; etque

b. on assiste à « une préoccupa-tion naissante de la part des

citoyens pour promouvoir de nou-velles formes d’action écono-miques qui s’inscrivent dans uneapproche de cohésion sociale, parles moyens d’action dont ils dis-posent, notamment par laconsommation et l’utilisation deleurs épargnes ».

Convaincus que :

a. Il y a un intérêt croissant dela part des autorités publiquespour l’engagement des citoyensdans ces initiatives qui ont desobjectifs convergents avec leurspropres objectifs sociaux et envi-ronnementaux ;

b. Le dialogue des autoritéspubliques avec les organisationscitoyennes engagées dans des ini-tiatives économiques éthiques, res-ponsables et solidaires et équi-tables est essentiel pour préciserles différents aspects concernant laco-responsabilité pour le bien êtrede tous et jeter les bases d’un par-tenariat qui puisse assurer une

meilleure coordination des actionset avoir des politiques écono-miques qui prennent en compteles problèmes sociaux et environ-nementaux pertinents ;

c. Ce dialogue doit être basé surune volonté commune d’intégrerles dimensions sociale, écono-mique et environnementale dansune perspective de cohésion socia-le et développement durable, ens’appuyant sur des valeurs d’équi-té, de solidarité et de réciprocité etsur des principes éthiques detransparence, d’ouverture et departage ;

d. Dans le contexte de la globali-sation et des rapports entre pays del’Europe élargie, il y a un besoincroissant de dialogue entre les auto-rités publiques et la société civile ;

Les participants au forum «Finance solidaire et consomma-tion responsable : pouvoirspublics et citoyens engagés pour lacohésion sociale », comprenantdes membres de différentes ins-tances du Conseil de l’Europe, des

européenne holding est ouverteaux sociétés anonymes et auxSPRL ayant une présence com-munautaire, soit des sièges dansdes États membres différents oudes filiales ou succursales dans despays autres que leur siège. Laconstitution d’une SE sous formede filiale commune est ouverte àtoute entité de droit public ouprivé suivant les mêmes critères.

Le siège statutaire de la SE doitcorrespondre au lieu où se trouveson administration centrale, c’est-à-dire à son siège réel. La SE peutfacilement transférer son siège àl’intérieur de la Communauté

sans devoir -comme c’est le casactuellement - dissoudre l’entre-prise dans un État membre pouren créer une nouvelle dans unautre État membre.

Le statut de SE a été complétépar une directive sur la participa-tion des travailleurs, qui conciliedes conceptions aussi diverses quela cogestion des entreprises à l’al-lemande et le système plus libéralen faveur en Grande-Bretagnevouen Espagne, susceptible de mettreen cause le rôle des syndicats. Ladirective prévoit que la créationd’une société européenneimplique une négociation sur la

participation des salariés avec unorgane unique représentant tousles salariés des sociétés concernées.S’il s’avère impossible d’aboutir àun arrangement satisfaisant pourles deux parties, un jeu de prin-cipes de base s’applique, dont lanature exacte dépend de la formede la participation des travailleursdans les sociétés avant la constitu-tion de la société européenne.

Le texte intégral du règlement surle statut de la SE et de la directive

connexe sur la participation des tra-vailleurs est disponible à l’adresse

suivante : http://europa.eu.int/scad-plus/leg/fr/lvb/l26016.htm

Forum 2004 du Conseil de l’EuropeFinance, consommation et cohésion sociale

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réseaux de la finance solidaire et laconsommation responsable, desresponsables de la société civile etd’autres personnes concernées parla problématique,

1. Prennent acte de l’existencede nombreuses formes de dialogueet partenariat entre les institutionspubliques, y compris les organisa-tions internationales, et les initia-tives citoyennes éthiques, respon-sables et solidaires et équitables etles ONG autour d’objectifs com-muns de cohésion sociale et déve-loppement durable dans les diffé-rents pays d’Europe, que ce soitau niveau international, national,régional ou local et les prennenten compte pour la réflexion surun cadre d’action au niveau euro-péen.

2. Proposent la mise en place,avec le support du Conseil del’Europe, d’une « Plate-formeeuropéenne de dialogue politiqueet de promotion des initiativeséthiques, responsables et solidairesdes citoyens dans l’économie »,afin de :- mieux connaître et mettre en

valeur la pertinence des initia-tives éthiques, responsables etsolidaires dans l’économie pourla cohésion sociale,

- échanger les expériences de par-tenariats et dialogue existantaux différents niveaux et encapitaliser les enseignements,

- mieux définir les rôles des auto-rités publiques en termes desoutien, création de cadres juri-diques, systématisation desactions,

- recevoir, examiner et élaborerdes propositions pour accroître

l’impact de ces initiatives.3. Estiment que la plate-forme

doit impliquer la participationd’autres acteurs, notamment :- les autorités nationales compé-

tentes dans des domaines spéci-fiques,

- des chercheurs et réseaux dechercheurs travaillant sur cesthèmes qui pourront, apporterdes éclairages, assurer un suiviet faciliter le dialogue et la défi-nition des objectifs à atteindre,

- des représentants des media quipourront jouer un rôle essentieldans l’information et la divulga-tion de ces nouvelles approcheset pratiques afin d’assurer unemeilleure compréhension par legrand public des idées de res-ponsabilité partagée,

- des représentants des entreprisesqui seront amenées à présenterleur point de vue sur une res-ponsabilité partagée pour lacohésion sociale et le développe-ment durable à différentsniveaux territoriaux,

- des syndicats qui pourront éga-lement présenter le point de vuedes salariés dans une responsa-bilité partagée.4. Attendent de la plate-forme

qu’elle puisse contribuer:- à informer les autorités

publiques sur les possibilitésd’appuyer les initiativeséthiques, solidaires et respon-sables des citoyens dans l’écono-mie, par la sensibilisation dupublic, les politiques d’accès auxmarchés publics et la créationd’un environnement favorable,notamment sur les plans légal etfiscal,

- au développement des initia-tives éthiques, responsables,solidaires et équitables, notam-ment dans les pays où ils sontpour le moment encore peuprésents,

- à des échanges sur ce thèmeavec d’autres institutions inter-nationales, notamment laCommission Européenne,l’Organisation pour laCoopération et leDéveloppement Economique(OCDE), le BureauInternational du Travail (BIT),les autres agences des NationsUnies, la Banque deDéveloppement du Conseil del’Europe, la Banque Européenned’Investissement, les autresbanques de développement. et,plus généralement:

- à une meilleure intégration desdimensions sociale et environ-nementale dans l’économiegrâce à une plus grande interac-tion entre les politiquespubliques et les initiativeséthiques, responsables et soli-daires des citoyens dans l’écono-mie ;

- à une plus grande cohésionsociale et au développementdurable aux différents niveauxterritoriaux.5. Invitent le Secrétariat du

Conseil de l’Europe à communi-quer le texte de cette déclarationaux instances compétentes duConseil de l’Europe afin qu’ilsexaminent la possibilité de mettreen place une telle plate-forme.

Communiqué de presse, 10novembre 2004

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320

Call for Conference Papers

Effective governance is integralto the nonprofit sector and thecommunities it serves. Yet scholarsand practitioners alike continue tobe intrigued and challenged bythe complex and changing natureof nonprofit governance and theboards that engage in it. Even aswe learn more about the breadthand depth of variety in context,design, and practices, it is clearthat we do not fully understandthis element of nonprofit leader-ship and how it is or should bepracticed. Are most nonprofitboards effective in providing ade-quate governance? Are there newand more effective ways to addressnonprofit governance needs?Some news reports andCongressional testimony suggestthat nonprofit boards suffer fromshortcomings as serious as thoseof business corporation boards,and many proposals have beenforwarded as solutions to addressthe governance challenges of thesector. This is a time of significantchange for nonprofit governance.

We invite papers for this confer-ence that focus not only on non-profit boards, including public-benefit charities, grant-makingfoundations, and associations, butwe also invite papers that focus onother avenues or mechanisms ofnonprofit organizational gover-nance. The following illustrate thekinds of questions and issues to

be considered at this conference.* It long has been recognized

that nonprofit governance is com-plicated by the fact that nonprofitorganizations have no sharehold-ers. What stakeholder interests dononprofit boards usually seethemselves as representing? Areboards more likely to behave as ifdonors are more important stake-holders than clients? In instanceswhere boards successfully addressmultiple stakeholder interests,how is this accomplished?

* In what ways have nonprofitorganizations explicitly and for-mally involved stakeholders ingovernance? How has this beenaccomplished, and what havebeen the results and conse-quences? * How has the enhancedemphasis on accountability affect-ed the roles and behavior of non-profit boards? Are boards taking agreater role in assessing account-ability and, if so, which boardsand how? * What has been theimpact on the performance ofthose nonprofit

organizations that have adoptedsome of the provisions of therecent Sarbanes-Oxley legislation?

* Should Sarbanes-Oxley (orrelevant portions) apply to non-profit charitable organizations?Should other national legislationspecifying governance require-ments and mechanisms morespecifically tailored to nonprofitorganizations be enacted?

* How has the recent press for

some nonprofits to become moreentrepreneurial or “business-like”affected the nature of their gover-nance and the behavior and effec-tiveness of their boards?

* Since accountability is usuallyconceived as providing evidenceabout performance, what role (ifany) do boards take in assessingprogram performance; what role(if any) do boards take in assess-ing overall organizational perfor-mance?

* If boards (as the availableresearch suggests) typically do lit-tle about assessing program per-formance and especially aboutassessing overall organizationalperformance, why has that beentrue? What might (can) be doneto induce boards to take a greaterrole? What should that role be?

* Are efforts to improve gover-nance of nonprofit organizationsfocused too much on a “manage-rialist” approach, attempting toimprove efficiency and effective-ness of service delivery and ignor-ing the civic or other roles of non-profit organizations? What stan-dards or expectations might beestablished (and by whom) toencourage boards (and managers)to assess their organizations’ con-tributions to civic life?

We welcome papers that areempirical, papers that are concep-tual, and prescriptive papers thatare based on theory and research.The deadline for receipt of pro-posals is December 3, 2004.

Boards and beyond: understanding the changing realities of nonprofitorganizational governance

A Conference of Researchers and Practitioners

March 31, April 1, 2005The Midwest Center for Nonprofit Leadership, University of Missouri - Kansas CityKansas City, Missouri, USA

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321

Proposals should be no more than3 pages and, for empirical papers,will include a statement of theproblems or issues to be consid-ered, an overview of the relevantliterature, a statement of themethods used and a summary ofthe results or likely results.Proposals for conceptual papersshould also be no more than 3pages and should include a state-ment of the problems or issues tobe considered, an overview of therelevant literature, and a state-ment of the thesis or theses to bedeveloped and how these add toour understanding of nonprofitorganizational governance.Proposals will be peer-reviewedand authors notified of acceptanceby mid-January, 2005.

Proposals should be sent toProgram Coordinator, Ms. Jill

Cook. They may be sent as emailattachments to:[email protected], or they may bemailed to the Midwest Center forNonprofit Leadership,Cookingham Institute of PublicAffairs, 310 Bloch School ofBusiness and PublicAdministration, University ofMissouri-Kansas City, KansasCity, MO 64110-2499. Proposalsalso may be faxed to 816-235-1169.

Midwest Center conferences areunique and highly interactive,designed to facilitate activeexchange among researchers, prac-titioners, and consultants. As inpast, this conference’s designincludes research and paper ses-sions intermixed with plenary ses-sions and professionally-facilitateddialogue sessions. In multiple

ways, researchers, practitioners,and trainers/consultants will shareand discuss what they are learningfrom their research, study andpractice, and explore their impli-cations for future practice.

Questions about the conferencemay be directed to Bob Herman([email protected] or 816-235-2338) or Dave Renz([email protected] or 816-235-2342).

Bob Herman, ProfessorCookingham Institute of Public

AffairsBloch School of Business and

Public AdministrationUniversity of Missouri - Kansas

CityK.C., MO 64110

Tel.: 816-235-2338, Fax: 816-235-6508

Email: [email protected]

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322

New... Creations... Plans... New... Creations... Plans... New...

United NationsReform, UN-CivilSociety Relationship

The United Nations Non-Governmental Liaison Service(NGLS) is launching a new sec-tion of its website that will pro-vide up-to-date information onUN reform with a special focuson UN ? Civil Society Relations.The new section also showcasesbackground information on thereform process, including reportsissued by the Secretary-Generaland the Secretary-General’s Panelof Eminent Persons on UN CivilSociety Relations, statements byMember States, perspectives fromthe NGO community, back-ground papers and more.

www.un-ngls.org/UNreform.

“We, the People”

A new project was launched onthe occasion of the Celebration ofthe 59th Anniversary of the UN(United Nations Day), October24th, 2004, to build a Movement ofthe People in Support of the UnitedNations. It invites citizens of theworld to join with enthusiastic vol-unteers of the United NationsAssociations. Last year, its promotersdecided to express support for theUnited Nations and its principles byissuing a letter of appreciation andsolidarity. At a time when the UNcame under relentless scrutiny andfaced difficult challenges, “thisaction was necessary”.They drafted a“Declaration of Support”, translatedthe document in to the six officialUN languages and sent it to theUnited Nations on “UN Day”, the24th of October 2003. The office of

the Secretary-General Kofi Annanissued a favourable response stating,“The provided letters offer great andmuch-needed encouragement inthese increasingly trying times.”

In 2004, the project is under-taking further action to acquirebroad UN support from withincivil societies all over the world. Itshope is that this united effort willevolve in to a popular and world-wide action of the people for theUnited Nations. Ii invites support-ers to endorse the “Declaration ofSupport” and forward it to friendsand colleagues, within broad localcivil societies as well as regionaland national institutions.

Contact: www.UN-Declaration.org

Project Coordinator: Jean-PaulHalsberghe jphalsberghe@UN-

Declaration.org [email protected]

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Sociology of international relationsSociologie des relationsinternationales

“Faut-il démocratiser la mondialisation ?, parBoutros Boutros-Ghali, 3, 187-188

“De la démocratisation de la mondialisation àla démocratie mondialisée”, par Edgar Morin, 3,187-189

“Penser la démocratie mondiale”, par DanielCohen, 3, 193-196

“Inventer la Cité humaine”, par Paul Ghils, 3,197-204

“Une révolution démocratique : l’émergencede l’Union européenne”, by Dusan Sidjanski, 4,291-298

“International Relations and its languages: atransdisciplinary perspective”, by Paul Ghils, 4,283-290

IGOs/INGOs relationsRrelations OIG/OING

“The UN and the Idea of InternationalSecurity”, by W Julian Korab-Karpowicz”, 3,205-208

“We the peoples: civil society, the UnitedNations and global governance”. The CardosoReport, 3, 209-214

International LawDroit international

“L’urgence d’un encadrement juridique desSTN au niveau international”, par MelikÖzden, 2, 166-169

Social and Economic IssuesQuestions économiques et sociales

“Eco-social market economy as the key to aglobal sustainable development”, by Franz JosefRadermacher, 1, 17-31

“The Role of Social and Cultural Capital inthe Development Process”, by BernardoKliksberg, 1, 32-57

“Social capital and indigenous peoples devel-opment programs in Ecuador”, by Jorge E.Uquillas and Martien Van Nieuwkoop, 1, 75-95

“Essai d’interprétation de la diaspora chinoiseà la lumière de la notion bourdieusienne de cap-ital social”, par Philippe Ricaud, 1, 96-101

“Bonne gouvernance en bonne intelligence”,par Erik Rydberg, 1, 170-175

“Organised business interests: lessons fromthe EU constitutional process”, by Perez-Solorzano Borragan, 2, 119-124

“Europe and the extended impact assessment:opportunities for associations”, by AlfonsWestgeest and Rachel Barlow, 2, 125-128

“Organisational challenges for associations:the changing European landscape”, by AlfonsWestgeest and Katrijn Otten, 2, 129-134

“The role of trade associations in EU compe-tition law: friend or foe?”, by Alan S. Reid, 2,135-144

“The search for input legitimacy throughorganised civil society in the EU”, by JustinGreenwood, 2, 145-155

“The EU’s relationship with NGOs and theissue of “participatory democracy”, by TonyVenables, 2, 156-158

“Balanced political particpation with decisionmaking effectiveness: lessons from the eu gover-nance agenda for groups”, by Hans-WernerMüller, 2, 159-162

“Connecting citizens to the EU: informationand civil society”, by Angelina Hermanns, 2,163-165

“Bonne gouvernance en bonne intelligence”,par Erik Rydberg, 2, 170-175

Language, Communication andCultureLangage, communication et culture

“The knowledge society and social networks”,by Peter Johnston and Robert Pestel, 1, 3-9

“Capital humain et capital social au cœur desparadoxes de la société de la connaissance”, parGérard Valenduc, 1, 10-16

Index 56th yearVolumme LVI 2004 56ème année

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“The Role of Social and Cultural Capital inthe Development Process”, by BernardoKliksberg, 1, 32-57

“Technology and transformation: facilitatingknowledge networks in Eastern Europe”, byJonathan Bach and David Stark, 1, 58-74

“Pour une sociologie de l’identité culturelle”,par Aït Abdelmalek, 3, 215-222

“Civil society in favour of languagediversity: unity for the Cause”, by DenisCunningham, 4, 249-260

“Les langues dans la régionalisation dumonde”, par Sophie Fisher, 4, 247-248

“Figures de linguistes dans la société civile”,par Françoise Gadet, 4, 261-268

“Ethnicité et culture : l’alliance à plaisanteriecomme forme de culture ciment entre les eth-nies au Burkina Faso”, par Alain Sissao, 269-282

“International Relations and its languages: atransdisciplinary perspective”, by Paul Ghils,283-290

AfricaAfrique

“Ethnicité et culture : l’alliance à plaisanteriecomme forme de culture ciment entre les eth-nies au Burkina Faso”, par Alain Sissao, 269-282

AsiaAsie

“Essai d’interprétation de la diaspora chinoiseà la lumière de la notion bourdieusienne de cap-ital social”, par Philippe Ricaud, 1, 96-101

Europe

“Technology and Transformation FacilitatingKnowledge Networks in Eastern Europe”,byJonathan Bach and David Stark, 1, 58-74

“Organised business interests: lessons fromthe EU constitutional process”, by Perez-Solorzano Borragan, 2, 119-124

“Europe and the extended impact assessment:opportunities for associations”, by AlfonsWestgeest and Rachel Barlow, 2, 125-128

“Organisational challenges for associations:the changing European landscape”, by AlfonsWestgeest and Katrijn Otten, 2, 129-134

“The role of trade associations in EU compe-tition law: friend or foe?”, by Alan S. Reid, 2,135-144

“The search for input legitimacy throughorganised civil society in the EU”, by JustinGreenwood, 2, 145-155

“The EU’s relationship with NGOs and theissue of “participatory democracy”

by Tony Venables, 2, 156-158“Balanced political particpation with decision

making effectiveness: lessons from the EU gov-ernance agenda for groups”, by Hans-WernerMüller, 2, 159-162

“Connecting citizens to the EU: informationand civil society”, by Angelina Hermanns, 2,163-165

“Le projet de Constitution européenne : untexte inespéré et insuffisant”, par Marc LuyckxGhisi, 3, 223-234

“Une révolution démocratique : l’émergencede l’Union européenne”, by Dusan Sidjanski, 4,291-298

“Services sociaux d’intérêt général et droit com-munautaire”, par Marianne Dony , 4, 299-307

Latin AmericaAmérique latine

“Social capital and indigenous peoples devel-opment programs in Ecuador”, by Jorge E.Uquillas and Martien Van Nieuwkoop, 1, 75-95

Book ReviewsBibliographie

The Architecture of Global Governance: AnIntroduction to the Study of InternationalOrganizations, by James P. Muldoon, WestviewPress: Boulder, CO, 2004, 322 pages, 1, 102-103 [Dennis Dijkzeul].

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World Social Forum. Challenging Empires,edited by Jai Sen, Anita Anand, Arturo Escobar& Peter Waterman, The Viveka Foundation:New Delhi, 2004. 402 pages. Index, 2, 176-177 [Steve Charnovitz].

Civil Society, by Michael Edwards, Polity:London, 2004. 402 pages. Index, 4, 309-311,[.Virgile Perret].

Doctoral dissertationsSoutenances de thèses

NGOs and Equity Investment: a CriticalAssessment of the Practices of UK NGOs in Usingthe Capital Market as a Campaign Device, bySteve Waygood, University of Manchester,2003, 1, 114

Vie associativeAssociation News

1, 102-112; 2, 117-184; 3, 185-244; 4, 245-321

New International OrganisationsNouvelles organisationsinternationales

1, 113; 2, 181; 4, 322

Author IndexIndex des auteurs

ABDELMALEK Aït, 3, 215-222BACH Jonathan, 1, 58-74 BARLOW Rachel, 2, 129-134CHARNOWITZ Steve, 2, 176-177

COHEN Daniel, 3, 193-196CUNNINGHAM Denis, 4, 249-259DIJKZEUL Dennis, 1, 102-103DONY Marianne, 4, 299-308FISHER Sophie, 4,247-248GADET Françoise, 4, 260-267GHILS Paul, 3,197-204; 4, 283-290GREENWOOD Justin, 2, 145-155HERMANNS Angelina, 2, 163-165JOHSTON Peter, 1, 3-9KLIKSBERG Bernardo, 1, 32-57KORAB-KARPOWICZ Julian W., 3, 205-208LUYCKX GHISI Marc, 3, 223-234MORIN Edgar, 3, 187-189 MÜLLER Hans-Werner, 2, 159-162OTTEN Katrijn, 2, 129-134ÖZDEN Melik, 2, 166-169PEREZ-SOLORZANO BORRAGAN Nieves,2, 119-124PERRET Virgile, 4, 309-311PESTEL Robert, 1, 3-9RADERMACHER Franz Josef Radermacher, 1,17-31REID Alan S., 2, 135-144RICAUD Philippe, 1, 96-101RYDBERG Erik, 1, 170-175SIDJANSKI Dusan, 4, 291-298SISSAO Alain, 269-282STARK David, 1, 58-74 UQUILLAS Jorge E. 1, 75-95VALENDUC Gérard, 1, 10-16VAN NIEUWKOOP Martien, 1, 75-95VENABLES Tony, 2, 156-158WESTGEEST Alfons, 2, 125-128; 129-134

Index of Page NumbersIndex de pagination

n° 1 1-116n° 2 117-184n° 3 185-244n° 4 245- 328

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Some items in recent issues: Issue number:Parmi les thèmes traités récemment : Numéros :

Transnational actors in the international system 2/2000, 3/2001Les acteurs transnationaux dans le système international 4/2002, 3/2004.

The recognition of the legal personality of INGOs 3/1986, 3/1990,La reconnaissance de Ia personnalité juridique des OING 5/1990, 3/1995.

Cooperation between INGOs and IGOs 6/1999, 6/2000,La coopération entre les OING et les OIG 3/2003, 4/2003

Sociology of international relations 3/2001, 4/2002,Sociologie des relations internationales 1-2/2003, 3/2003.

Social movements, trade unions and cooperatives 6/1996, 3/1997Mouvements sociaux, syndicats et coopératives 5/1999, 1/2001.

Economic and trade issues 4/1998, 5/1999,Questopms économiques et commerciales 3/2002, 4/2003.

Environmental problems 4/1995, 2/1996,Les problèmes écologiques 3/2000, 2/2001.

Humanitarian aid and humanitarian law 2/1996, 2/1999,L'aide et le droit humanitaires 2/2001, 4/2002.

Language, culture, communication and gender 2/1998, 1/1999,Langage, culture, communication et genre 6/1999, 2/2000.

Civil Society and the State 4/1998, 1/1999,La société civile et I’Etat 4/2000, 2/2001.

Latin American and North-American Associations 6/1989, 3/1990,Les associations latino-américaines et nord-américaines 1/1993, 4/1996.

African Associations 1/1996, 2/1996,Associations africaines 1/1999, 4/2002.

European Associations 3/2000, 6/2000,Les associations européennes 1/2002, 3/2003.

Arab Associations 1/1998, 6/1999Associations arabes 2/2001

Asian Associations 2/1997, 6/1999Associations asiatiques 3/2003, 1/2004

Some authors / ont publié dans nos colonnes :Chadwick Alger, Benjamin R. Barber, Chérif Bassiouni, Mohammed Bedjaoui, Jan Berting, Maurice Bertrand,Elise Boulding, Boutros Boutros-Ghali, Daniel Cohen, Jacques Delors, Adama Dieng, Francis Fukuyama,Françoise Gadet, Johan Galtung, Susan George, André Gorz, Group of Lisbon, Robin Guthrie, Jürgen Höffner,Bill Jordan, Alexandre Kiss, Alain Labrousse, Ronnie D. Lipschutz, Marc Luyckx, Federico Mayor, Elikia M’Bokolo,Marcel Merle, Morton Mitchnik, Edgar Morin, Basarab Nicolescu, Ignacio Ramonet, François Rigaux, Nigel Rodley,John G. Ruggie, Wolfgang Sachs, Pierre de Senarclens, Jan Aart Scholte, Vaudana Shiva, Dusan Sidjanski,Rodolfo Stavenhagen, Rajesh Tandon, Charles Taylor, Fernand Vincent, Peter Waterman.

Transnational Associations 56th yearAssociations transnationales 56e année

Page 83: Contents 4/2004 Sommaire - UIA

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Transnational Associations 56th yearAssociations transnationales 56e année

Forthcoming topics:Dans les prochains numéros :

• Civil society and the state in EgyptLa société civile et l’Etat en Egypte

• Civil society and democracy in GermanySociété civile et démocratie en Allemagne

• International cooperation among local and regional authoritiesCoopération internationale entre les régions et les collectivités territoriales

Articles appearing in the journal are indexed in PAlS (Public Affairs Information Service) andAGRIS (International Information System for the Agricultural Sciences and Technology), FAO.

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