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Compte rendu Comité d’évaluation
et de contrôle des politiques publiques
– Évaluation du développement des énergies renouvelables et
de l’efficacité énergétique : examen du rapport ..................... 2
Mercredi 19 octobre 2016 Séance de 11 h 30
Compte rendu n° 2
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Présidence de M. Régis Juanico, puis de M. Éric Alauzet, puis de Mme Monique Rabin, vice-présidents du Comité
— 2 —
La réunion commence à onze heures trente-cinq.
M. Régis Juanico, président. Je vous prie d’excuser le président Bartolone qui m’a
demandé de le suppléer pour présider notre réunion. Nous examinons ce matin le rapport sur
le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Ce rapport
s’inscrit dans le cadre du suivi de l’évaluation de la mise en œuvre du paquet
« énergie-climat » qui nous avait été présentée en mai 2014. Nos deux rapporteurs sont
MM. Jean-Jacques Guillet et François de Rugy.
M. François de Rugy, rapporteur. Le présent rapport vise à assurer le suivi du
précédent. Nous rappelons en avant-propos le cadre de référence du développement des
énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Nous avions identifié il y a deux ans les
questions les plus déterminantes : la stabilisation des dispositifs, leur simplification et la
mobilisation des investissements publics et privés pour lever les verrous technologiques à la
transition énergétique.
La France s’est fixée des objectifs incitatifs de développement des énergies
renouvelables il y a plus de dix ans, dans la première loi sur l’énergie puis à l’occasion du
paquet « énergie-climat ». Il y a eu depuis d’autres évolutions législatives. Ces objectifs sont
assez ambitieux – plus ambitieux, même, que ceux de l’Union européenne. S’ils étaient
atteints, nous obtiendrions un mix énergétique tout à fait respectueux des engagements fixés
en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Mais au rythme actuel, il semble que ces
objectifs ne seront pas atteints aux dates prévues. Cela a notamment été établi par
l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son bilan
environnemental de la France.
M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Le contexte économique et juridique nous
paraît relativement peu propice au développement des énergies renouvelables.
Tout d’abord, le soutien total aux énergies renouvelables – qui agrège différentes
dispositifs : la contribution au service public de l’électricité (CSPE), la TVA à taux réduit, les
contrats de plan État-régions, etc. – a été évalué par la Cour des comptes à 19,5 milliards
d’euros entre 2005 et 2013. Ce soutien est donc important. Mais il paraît déséquilibré au profit
des énergies renouvelables électriques et ne cesse de croître. Le soutien à l’électricité via la
CSPE renouvelable s’élèvera en 2016 à 5 milliards d’euros, contre 754,6 millions en 2010. La
part du photovoltaïque est quant à elle passée de 249 millions à 2,9 milliards d’euros.
Le développement des énergies renouvelables thermiques repose sur le fonds
chaleur, qui est sous-dimensionné avec 1,2 milliard d’euros au cours de la période 2009-2014.
Ce fonds, géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME),
n’appuie pas assez une énergie pour laquelle la France dispose d’un potentiel considérable : le
biogaz qui n’a reçu que 0,6 % seulement des aides au cours de la période 2009-2015. Ce
fonds chaleur ne parvient pas à assurer la compétitivité des projets exploitant la biomasse,
elle-même menacée par la chute des prix du gaz.
Le prix du mégawattheure baisse et son niveau – 26 euros au deuxième trimestre
2016 – n’a plus aucun sens économique.
Les outils de programmation du développement des énergies renouvelables sont par
ailleurs incomplets. Ainsi, le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie,
— 3 —
prévu par la loi de transition énergétique pour la croissance verte, n’est toujours pas publié : il
reste pour le moment à l’état de projet.
Enfin, les programmations nationales et locales paraissent incohérentes. On constate
par exemple un écart de 16 000 mégawattheures entre les schémas régionaux et l’objectif
national pour l’éolien terrestre et le photovoltaïque.
M. Éric Alauzet succède à M. Régis Juanico à la présidence la réunion.
M. François de Rugy, rapporteur. Nous avons identifié plusieurs freins au
développement des énergies renouvelables.
Le premier concerne l’organisation des filières. Cela est sans doute plus vrai
aujourd’hui dans le cas du biogaz, filière caractérisée par une diversité d’acteurs et une
inadaptation des procédés – souvent importés de pays tels que l’Allemagne où l’on n’envisage
pas la production de biogaz de la même façon. Dans les autres filières, les acteurs sont mieux
structurés.
On se heurte également au problème du raccordement de la production d’énergie
renouvelable, dans le domaine de l’électricité mais pas uniquement. Délais et coûts de
raccordement entraînent un phénomène de goulot d’étranglement. Pour limiter ce phénomène,
la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique a fixé un délai de dix-huit mois pour
le raccordement de toutes les installations de plus de 3 kilowatts de puissance. Un effort de
simplification a également été engagé par le Gouvernement, mais certains textes sont encore
en attente, notamment l’ordonnance et le décret pérennisant les expérimentations
d’autorisations environnementales uniques et supprimant la procédure du permis de construire
pour les éoliennes.
L’encadrement des recours abusifs est un thème récurrent qui ne touche pas que les
énergies renouvelables. Il convient de trouver le bon équilibre entre la capacité à mener des
projets dans des délais raisonnables et le droit de tout citoyen à contester ces projets. La durée
des contentieux est parfois liée à l’existence de différentes voies de recours.
L’augmentation des coûts de raccordement s’explique, quant à elle, par la
suppression en 2010 du mécanisme de réfaction grâce auquel le gestionnaire de réseau
couvrait 40 % de ces coûts. Le Gouvernement prévoit de revenir sur cette suppression, mais
ce projet est contesté par la Commission de régulation de l’énergie.
M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Un nouveau mécanisme d’aide aux
producteurs d’énergies renouvelables a été mis en place par la loi du 17 août 2015.
Jusque-là, le système de soutien à la production reposait sur des contrats d’obligation
d’achat à prix fixe : il était sécurisant pour les producteurs et les investisseurs mais présentait
plusieurs inconvénients. Il avait tout d’abord un effet d’aubaine incontestable mais on
pouvait penser que, dès lors qu’il favorisait le développement des énergies renouvelables
– photovoltaïque en particulier –, il pouvait être intéressant de le conserver. La Commission
européenne a cependant identifié que le mécanisme d’obligation d’achat déformait le marché :
de fait, il faisait courir un risque de surcapacité d’énergies renouvelables susceptible de faire
baisser les prix.
Le nouveau système qui a été mis en place fait entrer directement les producteurs
dans le processus de commercialisation, sans passer par un acheteur obligé – qui était pour
— 4 —
l’essentiel EDF –, du moins pour les nouvelles installations de plus de 500 kilowatts qui sont
de loin les plus nombreuses. Les producteurs possédant de nouvelles installations de plus de
500 kW et qui vendent leur électricité sur le marché bénéficieront d’un complément de
rémunération calculé sur la base d’un prix moyen de marché – hors éolien terrestre pour
lequel un système dérogatoire demeure.
Le caractère variable de cette prime et le fait qu’elle ne soit pas versée en heure de
prix négatifs incitent les producteurs à adapter leur offre à la situation du marché. C’est
l’avantage de ce dispositif. Mais ce dernier induit des aléas de rémunération pour les
installations. Il risque de ce fait de renchérir le financement bancaire dans la mesure où les
banques sont relativement frileuses – on l’a d’ailleurs vu en Allemagne alors que ce pays a
une politique assez performante en matière de développement des énergies renouvelables.
Deux filets de sécurité ont donc été prévus pour les producteurs, et doivent faire leurs
preuves : une prime de gestion fixe pour couvrir les frais de commercialisation à la charge des
producteurs, prime dont le montant paraît faible ; et un dispositif pour assurer des recettes
minimales aux projets : la désignation d’un acheteur en dernier recours dans la mesure où le
producteur court toujours le risque de ne pas trouver de véritable acheteur.
Cette politique de soutien ne pourra être efficace que si un marché de l’agrégation
suffisamment liquide émerge : les gros producteurs n’ont pas de problème dans la mesure où
ils ont eux-mêmes leurs possibilités de trading mais les petits producteurs doivent passer par
des agrégateurs qui permettent un accès plus facile au marché. Par ailleurs, les appels d’offres
utilisés pour l’allocation des aides devraient permettre de préserver la diversité des
producteurs et le prix du carbone devrait être relevé pour assurer la rentabilité de long terme
des énergies renouvelables.
M. François de Rugy, rapporteur. S’agissant de l’investissement nécessaire pour
lever certains verrous technologiques, nous avons identifié plusieurs défis et efforts à
poursuivre, amplifier ou compléter.
Parmi les défis à relever, la question du stockage de l’électricité se pose
régulièrement. Plusieurs techniques existent, plus ou moins mobilisables. Le stockage par
batterie ne semble pas possible aujourd’hui à grande échelle mais peut être mobilisé
parallèlement au développement de la voiture électrique. Encore faut-il que cette solution soit
utilisée intelligemment.
On recense parmi les autres solutions technologiques le transfert d’énergie par
pompage, qui existe déjà, et la filière Power to gas que certains appellent la « méthanation »,
et qui consiste en l’injection, dans le réseau de gaz, d’hydrogène ayant été produit à l’aide
d’électricité renouvelable. La complémentarité entre la production d’électricité renouvelable
et l’hydrogène peut être une solution intéressante pour écrêter la variabilité de la production
renouvelable.
Je tiens ici à souligner que la question de la variabilité de la production – terme que
je préfère à celui d’intermittence – est aussi vieille que le développement même des énergies
renouvelables et qu’il faut tenir compte non seulement de l’écrêtement de la production mais
aussi de celui de la consommation – sujet qui nous renvoie aux fameux smart grids (réseaux
intelligents).
— 5 —
L’inadéquation entre la production et la consommation est un phénomène qui touche
tous les modes de production d’électricité. Même si l’on a une production de base très élevée
en France avec le parc nucléaire, il sera toujours difficile d’assurer une bonne adéquation
entre offre et demande. Le moyen le plus simple d’assurer cette adéquation est la production
thermique d’électricité, mais comme on cherche à réduire cette dernière pour limiter les
émissions de gaz à effet de serre, il faut trouver d’autres technologies.
Eu égard aux efforts d’investissement, le doublement prévu du fonds chaleur d’ici
à 2017 devrait permettre de développer la compétitivité des projets de biomasse et de mieux
soutenir la filière du biogaz qui peut être utilisée pour produire du gaz mais aussi de
l’électricité et dont les effets sont neutres en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
Nous avons donc évoqué les incitations au développement des technologies qui
rendent service au système électrique. Nous tirons sur ce sujet la sonnette d’alarme car une
partie de crédits destinés aux smart grids ont été amputés à l’occasion de redéploiements de
crédits. C’est un mécanisme budgétaire que l’on connaît sous tous les gouvernements et tous
les ans, le ministère des finances ayant toujours tendance à financer des mesures nouvelles par
des redéploiements qui ne sont jamais totalement neutres.
M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Le deuxième volet de notre rapport concerne
l’efficacité énergétique dans le logement, défi important sachant qu’il y a au total 35 millions
de logements, représentant 30 % de la consommation finale d’électricité. L’essentiel de ces
35 millions de logements a été réalisé avant la première réglementation thermique qui date
de 1974 et a une étiquette énergétique médiocre. 53,6 % des logements sont étiquetés D ou E
par les diagnostiqueurs et près d’un tiers d’entre eux sont des « passoires thermiques »,
étiquetées F ou G. Cela est relativement logique dans la mesure où 60 % des logements ont
été construits avant la RT de 1974. Il y a donc un effort particulièrement important à faire en
ce domaine, effort qui est d’ailleurs en partie réalisé mais qui reste encore insuffisant.
Les logements en location, qui représentent 42 % du parc, disposent souvent de
mauvaises étiquettes. Je ne parle pas ici du parc social qui fait l’objet de la part des bailleurs
d’une politique de rénovation thermique importante – bien qu’encore imparfaite. Près du quart
des locataires du parc privé occupent des logements classés G, contre 10 % seulement des
propriétaires. La proportion des étiquettes performantes A, B ou C des locations du secteur
privé est largement inférieure – de moitié – à celle constatée pour les propriétaires et les
locataires du parc social. Les logements en location sont les moins susceptibles d’être rénovés
car les propriétaires bailleurs, ne payant pas les factures d’énergie, n’ont pas la possibilité
d’amortir le coût des travaux sur ces factures. Les locataires, éligibles à plusieurs dispositifs
d’aide que nous évoquerons plus loin, peuvent faire eux-mêmes les travaux, mais n’y sont
guère disposés dans des appartements dont ils ne sont pas propriétaires. On pourrait donc
affirmer que la politique d’efficacité énergétique devrait s’appuyer sur une politique
d’accession à la propriété, mais ce serait aller un peu loin.
Au total, la fragmentation de la demande de rénovation se conjugue avec une offre de
rénovation très éclatée : on recense 380 000 entreprises du bâtiment employant entre un et dix
salariés. Seul un tiers des actifs entrant dans la filière est issu d’une formation en bâtiment. De
l’avis général, le secteur est diffus et relativement peu qualifié, malgré les efforts accomplis
par la profession en ce domaine. En amont et en aval du secteur, on recense un grand nombre
d’acteurs organisés les uns à côté des autres plutôt que les uns avec les autres :
7 000 fabricants de produits et d’équipement de construction, 12 000 bureaux d’études ou
sociétés d’ingénierie et 30 000 architectes.
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M. François de Rugy, rapporteur. J’en viens aux dépenses de rénovation. Il nous
paraît important de tordre le cou à l’idée récurrente qu’on ne ferait rien. Il se fait beaucoup de
choses en la matière, de façon dispersée peut-être et pas toujours le plus efficacement
possible. Lors des auditions que nous avons menées, de nombreux acteurs nous ont dit que
l’objectif de 500 000 logements rénovés par an était en train d’être atteint. Cela a représenté
en 2014 plus de 11 milliards d’euros d’investissements, ce qui est considérable. L’effort
moyen par logement s’élève à près de 7 000 euros – et à 8 500 euros en ce qui concerne les
logements les plus anciens.
La tendance est également positive concernant la valorisation des logements en
fonction de leur performance énergétique. Il y aura toujours des exceptions ici ou là, liées à
des marchés immobiliers particuliers, mais la tendance globale conduit à constater des écarts
de valeur assez importants, directement corrélés à la catégorie d’efficacité énergétique dans
laquelle les logements se situent. On le constate également sur le marché locatif.
Cela traduit non seulement une prise de conscience mais aussi une réalité. C’est aussi
pour les propriétaires qui réalisent des investissements une garantie de retour sur
investissement lorsqu’ils revendent leur logement. Cela nourrit a contrario, chez ceux qui ne
feraient rien, la crainte de voir leur logement se déprécier sur le marché de la revente. C’est
donc une incitation forte à consentir à engager des travaux.
Reste la question de l’efficacité de ces travaux. Les professionnels que nous avons
auditionnés ne sont d’ailleurs pas tous d’accord sur ce point. Certains considèrent qu’il faut
continuer à promouvoir un bouquet de travaux très diversifié, d’autres, qu’il faut en rester à
des opérations simples. En tout état de cause, il ne faudrait pas que cela ne concerne que le
seul marché du changement des fenêtres. La performance énergétique d’un logement se
mesure quand même à plusieurs critères et doit inclure des travaux divers pour être améliorée.
M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Les réglementations thermiques successives
ont eu des effets extrêmement positifs, en particulier pour les logements neufs. Cette
réglementation ayant été relativement efficace, il convient probablement de la renforcer,
comme le prévoit la réglementation thermique 2018 en cours de préparation, mais ce, avec
énormément de prudence.
Ainsi, la réglementation thermique en vigueur, la RT 2012, a contribué à la montée
en compétences énergétiques du secteur du bâtiment et incité la filière à mettre au point des
techniques et des matériaux plus performants. Elle l’a fait en imposant pour les bâtiments
neufs le niveau « bâtiment de basse consommation » (BBC), soit un niveau de consommation
en énergie primaire plafonné à 50 kilowattheures équivalent pétrole par mètre carré par an en
moyenne – ce qui correspond à une division par trois ou quatre, selon le type d’énergie utilisé,
de la consommation maximale prévue par la précédente réglementation.
La RT 2012 a donc entraîné une augmentation des coûts de construction qui a
néanmoins été relativement moins importante qu’on ne pourrait l’imaginer – entre 4 et 15 %
selon les estimations et proche de 4 % pour les grands opérateurs qui ont plus de moyens pour
mettre en œuvre cette réglementation. Aujourd’hui, ce surcoût est en grande partie absorbé
par la diffusion d’équipements et de procédés plus performants.
La réglementation thermique a surtout eu un effet positif sur la pointe électrique dont
le rythme d’évolution est désormais équivalent à celui de la consommation d’énergie. Alors
qu’auparavant, le développement du chauffage électrique, dont la part de marché était
— 7 —
supérieure à 70 % dans le neuf entre 2005 et 2009, pouvait menacer la stabilité énergétique du
pays par grand froid, en particulier aux heures de pointe, les nouvelles surfaces chauffées au
gaz et à l’électricité ont été rééquilibrées : elles étaient de 45 % en 2015 pour chacune des
deux énergies.
Une nouvelle réglementation thermique est prévue pour 2018 qui doit prendre en
compte cette fois-ci le niveau d’émission des gaz à effet de serre : ce dernier est déjà mesuré
mais il sera demain beaucoup plus normé. Cette perspective suscite de vifs débats entre les
experts et les opérateurs. Pour certains – souvent experts électriciens –, le chauffage électrique
ne devrait plus être pénalisé par la nouvelle réglementation par rapport au gaz, considéré
comme émetteur de CO2. Il faut souligner que le biogaz, qu’évoquait à l’instant François
de Rugy et qui est appelé à se développer, n’émet pas de CO2, ni de particules d’ailleurs. Pour
d’autres experts – le plus souvent gaziers –, cette réorientation pourrait conduire le système
électrique à faire appel aux heures de pointe soit à des centrales thermiques soit aux centrales
à charbon allemandes, ce qui n’est pas une bonne solution. Il convient donc de trouver un
équilibre afin d’éviter que les économies d’énergie qui seraient gagnées d’un côté ne se
traduisent de l’autre par des externalités environnementales négatives.
Mme Monique Rabin succède à M. Éric Alauzet à la présidence de la réunion.
M. François de Rugy, rapporteur. J’en viens à l’accompagnement des particuliers
et à la professionnalisation dans le domaine de la rénovation et de l’efficacité énergétiques.
Les dispositifs d’accompagnement sont assez éclatés, tant en termes d’acteurs que de type
d’accompagnement proposé. La loi de transition énergétique a identifié ces dispositifs et a
essayé de les regrouper sous l’appellation de plateforme territoriale de la rénovation
énergétique. C’est un élément très important permettant de rassurer les propriétaires qui
veulent s’engager dans cette rénovation. C’est même un facteur déclencheur de ces travaux
pour les ménages les plus modestes qui se disent qu’ils n’arriveront pas à les financer. C’est
pour ce type de ménages, qui vivent plus souvent que d’autres dans des passoires
énergétiques, qu’il y a le plus de gains à obtenir. Lorsque l’accompagnement personnalisé va
du montage du projet jusqu’au plan de financement des travaux, il est très efficace.
Il existe donc plusieurs dispositifs d’accompagnement, dont fait partie les dispositifs
de recensement de la Poste. On est cependant encore loin d’une logique du guichet unique.
Cette logique un peu la tarte à la crème de toutes les politiques, mais l’on sait qu’elle
confèrerait de la visibilité et de l’efficacité à cette politique de rénovation. Le programme
« Habiter mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) est le seul à être clairement
ciblé sur cette démarche, puisqu’il comprend une phase de conseil et de visites à domicile
avant le versement d’aides.
Des incertitudes pèsent néanmoins sur les ressources de l’agence. Nous préconisons
donc la pérennisation de ces dernières. Je ferai ici une remarque plus personnelle, que j’avais
déjà formulée dans notre précédent rapport : pour beaucoup de gens, la seule rénovation
énergétique du logement n’est pas une motivation suffisante, même avec la « carotte
financière » des économies réalisées par la suite. En revanche, l’amélioration de l’habitat
suscite chez eux une motivation bien plus grande. Beaucoup de gens font des travaux dans
leur logement sans bénéficier du moindre gain financier à la clef parce qu’ils souhaitent
agrémenter leur cadre de vie. Intégrer l’efficacité énergétique dans cette approche me
semblerait donc un bon levier. Avant de faire des économies ou de contribuer à la lutte contre
le dérèglement climatique, les occupants d’un logement ont comme principal objectif de vivre
mieux et d’avoir un logement plus agréable à vivre. Or, l’efficacité énergétique y contribue :
— 8 —
toutes les expériences montrent que lorsqu’on a un logement mieux isolé, il est aussi plus
confortable.
Enfin, s’agissant de la professionnalisation de la filière, on se trouve, comme je le
disais, face à une multiplicité d’entreprises. Certains dispositifs existent qui méritent selon
nous d’être confortés et amplifiés. Il faut s’appuyer sur ce qui existe, à commencer par la
labellisation des entreprises du bâtiment, véritable garantie pour les personnes qui font appel à
ces entreprises à condition que les labels soient accordés en contrepartie d’une formation des
artisans dans une approche pluridisciplinaire. Plutôt que de séparer les corps de métier, mieux
vaut que les artisans soient, dans leur formation, habitués à travailler avec leurs collègues
d’autres corps de métier.
M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Les aides fiscales à la rénovation thermique
sont aujourd’hui simplifiées mais il importe de les stabiliser. Les deux dispositifs principaux
sont désormais cumulables, ce qui n’était pas le cas auparavant.
Le crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique (CITE), tout d’abord, a
succédé au crédit d’impôt pour le développement durable. Il a connu trois phases depuis 2005.
Il a été entaché à un moment donné du soupçon d’exercer un effet d’aubaine, ce qui a conduit
le Gouvernement et le Parlement à le modifier. Dans un deuxième temps, il a été décidé de
« massifier » le CITE en supprimant la condition de réalisation d’un bouquet de travaux,
condition qui présentait l’inconvénient de réduire la capacité des propriétaires à engager ces
travaux. Le CITE est donc devenu un outil fiscal grand public en matière de sensibilisation
aux enjeux de la rénovation énergétique. Au vu des multiples évolutions qu’a connues le
CITE, il paraît prudent de laisser prospérer ce dispositif au cours des prochaines années en le
stabilisant avant de l’évaluer et, le cas échéant, de le modifier ou, éventuellement, de
l’abandonner. Il présente en effet l’inconvénient de bénéficier, par construction, à des
ménages capables de financer a priori les travaux éligibles et de ne pas du tout concerner les
locataires. Le CITE ne bénéficie donc pas aux ménages les moins favorisés.
Le dispositif de l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) permet, dans une certaine mesure,
de répondre à ce problème. Il a un plus fort effet de levier que le CITE puisqu’il s’adresse à
des ménages qui ne pourraient pas, sans cette aide, réaliser d’opération de rénovation
thermique. Cependant, il faut souligner que le dispositif s’est effondré : entre 2010 et 2015, on
est passé de 78 484 à 23 567 prêts, ce, pour plusieurs raisons. D’abord, on a attribué la
responsabilité d’attester l’éligibilité des travaux aux banques qui ne sont pas compétentes
pour le faire. Ce problème, identifié à la fin de l’année 2011, n’a été corrigé qu’en 2014.
Ensuite, il y a amenuisement de l’avantage accordé dans une période où nous connaissons des
taux d’intérêt extrêmement faibles. Ces taux n’encouragent pas les propriétaires à solliciter
l’éco-PTZ. Enfin, le prêt bénéficie d’une moindre notoriété que les autres aides fiscales
– CITE et TVA à taux réduit sur les travaux d’entretien.
Des mesures récentes pourraient le dynamiser : l’autorisation de cumuler le prêt avec
les aides de l’ANAH ou avec le CITE – élément nouveau et très encourageant – et la création
d’un fonds spécifique chargé de garantir les prêts distribués à des ménages modestes et de
contre-garantir les prêts pour la rénovation thermique des copropriétés. Ces dernières sont en
effet éligibles à l’éco-PTZ, ce qui répond aux préoccupations de l’ANAH concernant les
personnes qui voudraient rénover leur habitat et, simultanément, en assurer la rénovation
thermique.
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Voilà, madame la présidente, l’économie générale de ce rapport. Cette évaluation,
qui vient à la suite du rapport que nous avions fait en 2004, apportera une pierre
supplémentaire à un édifice construit au service des énergies renouvelables et de l’efficacité
énergétique.
M. Gérard Menuel. Je tiens tout d’abord à saluer le regard très pragmatique que
vous portez dans ce rapport sur les problèmes de terrain.
Le stockage d’électricité sera effectivement un enjeu majeur au cours des vingt
prochaines années. Il convient d’accélérer le rythme de l’innovation et de la recherche afin de
trouver de vraies solutions. La batterie ne sera une solution que très partielle et d’autres
propositions de ce rapport me paraissent très intéressantes. La recherche a évolué, notamment
en ce qui concerne les volants d’inertie qui ne permettent pas de stocker mais de réguler les
besoins électriques d’une industrie. Ce système est aujourd’hui passé en phase opérationnelle.
Je voudrais insister sur le problème des délais de réalisation. J’ai moi-même été
confronté à un délai tellement long – aux recours se sont ajoutés des problèmes de fouilles qui
n’en finissaient pas – que j’ai abandonné mon unité de biomasse. J’ai fini par lâcher au bout
de cinq ans le projet que j’avais engagé alors qu’il ne faut qu’un an en Allemagne pour
monter une unité. Ce que je dis de la biomasse se vérifie d’ailleurs dans les autres secteurs.
Enfin, en matière de logements, la question ne se pose pas de la même manière selon
que l’on est en zone tendue ou en zone détendue. Je suis, pour ma part, à Troyes, dans un
secteur qui se détend en termes de besoins en logement. Les logements y étant vendus à des
prix relativement bas, le coût de la réhabilitation énergétique dépasse aujourd’hui le prix des
logements mêmes. Les propriétaires rencontrent des difficultés lorsqu’ils veulent réhabiliter
leur logement, ce dernier valant moins cher, une fois réhabilité, que l’investissement réalisé.
M. Jacques Lamblin. Je confirme ce que vient de dire mon collègue, quant aux
difficultés qu’on peut avoir à réaliser des projets d’installation – notamment dans le domaine
hydroélectrique. Remettre en service d’anciens moulins est un véritable parcours du
combattant, surtout si un projet a le malheur de déplaire a priori à l’administration de
contrôle. C’est un aspect auquel il conviendrait de s’intéresser.
L’évolution de la réglementation thermique perturbe considérablement le marché
immobilier : les logements anciens non-conformes trouvent aujourd’hui difficilement
preneurs sur le marché, alors que nous sommes en pleine crise du logement. La nouvelle
évolution de cette réglementation, annoncée pour 2018, signifie aussi que les logements qui
étaient conformes en 2012 ne le seront plus demain. Ces évolutions devraient être glissantes
de façon à ce que les problèmes posés par la réglementation actuelle pour les logements
anciens ne se reportent pas sur les logements construits récemment et susceptibles de ne pas
être conformes à la nouvelle norme.
M. Jean-Paul Chanteguet. Ayant auditionné l’ADEME dans le cadre de la mission
d’information sur la loi de transition énergétique, je connais les chiffres qui viennent d’être
cités en matière de rénovation énergétique des logements. Il serait néanmoins souhaitable de
les expertiser car nous sommes à mon avis très loin de l’objectif, fixé par la loi pour 2017, de
500 000 logements rénovés chaque année. Le nombre de logements faisant l’objet d’une
véritable rénovation thermique permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la
demande d’énergie me semble plus près des 150 000 – 200 000 peut-être. Je regrette d’autant
plus que les chiffres de cette agence soient éloignés de la réalité que, même si nous
— 10 —
atteignions les 500 000 rénovations énergétiques de qualité par an, il faudrait près de soixante
ans pour rénover la totalité du parc de logements – de l’ordre de 30 à 35 millions en France.
Je voudrais aussi évoquer le développement des énergies renouvelables : en ce qui
concerne l’éolien, l’objectif – de 25 000 mégawatts en 2020 dont 19 000 d’éolien terrestre et
6 000 offshore – ne sera malheureusement pas atteint. Nous en sommes loin, compte tenu du
rythme actuel. Aujourd’hui, aucun parc éolien offshore n’a vu le jour et il n’y a aucun début
de réalisation. Je ne le dis pas pour être désagréable à l’égard de qui que ce soit, mais il faut
de temps en temps rappeler cette réalité. Le problème, c’est que nous manquerons de moyens
financiers – non pas juridiques ni réglementaires – pour atteindre les objectifs ambitieux qui
ont été fixés par la loi de transition énergétique – le principal d’entre eux étant la division par
deux de la consommation énergétique d’ici à 2050, ce afin d’atteindre le « facteur 4 ».
Malheureusement, encore une fois, nous en sommes loin.
M. Alain Gest. Comme vous l’indiquez dans votre rapport, et comme vient de le
rappeler le président Chanteguet, nous sommes loin des objectifs fixés en matière éolienne et
l’on se heurte à des problèmes d’acceptabilité des projets d’installation. Il est en effet très
difficile de mener une politique contre la volonté de la population. Je le constate
clairement au-delà d’un certain seuil, moi qui suis dans un département exemplaire en ce
domaine –premier ou deuxième en termes d’implantation d’éoliennes. Cette difficulté à tenir
nos engagements est-elle uniforme sur le territoire ? J’ai plutôt le sentiment que certains
départements sont exemplaires en la matière tandis que d’autres ont des capacités plus
importantes pour freiner ce développement. Avez-vous établi des distinctions entre les
territoires ?
Mme Martine Lignières-Cassou. Je souhaiterais interroger les rapporteurs sur les
difficultés d’obtention d’aides financières au démarrage des petits projets de méthanisation
des agriculteurs. Non seulement la procédure est lourde, longue et complexe, mais le montage
financier n’est pas toujours facile non plus – même si les prévisions de taux de retour sur
investissement sont assez intéressantes à moyen terme. En Allemagne, les agriculteurs
confortent leurs revenus grâce à la méthanisation. En France, la Banque publique
d’investissement (BPI) refusait jusqu’à présent d’intervenir à la fois dans le domaine agricole
et en appui aux associations d’économie sociale et solidaire. Or, j’ai cru comprendre qu’il
serait demandé à la BPI d’assurer de nouvelles missions, notamment dans ces deux domaines.
Avez-vous eu des contacts avec cet organisme ? Son mode d’intervention permettrait-il de
favoriser ces projets ?
Mme Monique Rabin, présidente. Certaines de vos propositions pourraient-elles
faire l’objet d’amendements au projet de loi de finances ?
M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Nous avons effectivement essayé d’adopter
un regard pragmatique – et non pas idéologique – en la matière. Je remercie notre collègue
Menuel de l’avoir souligné.
Madame Lignières-Cassou, nous avons entendu des représentants de la BPI, sans
avoir de contacts directs avec les personnes chargées des dossiers de méthanisation. Je
reconnais que le financement des infrastructures de méthanisation pose un gros problème.
Nous relevons dans notre rapport la faible structuration de la filière qui fragilise le montage
financier des projets surtout lorsqu’ils impliquent des petites exploitations agricoles. Cela
rejoint tout à fait votre observation. Un dossier de méthanisation sur deux soutenu par
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BPI-France connaît ainsi des difficultés de paiement. Nous avons donc intérêt à consolider la
filière du bio-méthane qui est extrêmement prometteuse.
Il est incontestable que la réglementation thermique de 2018 déstabilisera le marché
immobilier ancien. Peut-on prévoir une évolution glissante ? Peut-être. Il nous est difficile de
répondre à la question. Je voudrais néanmoins insister sur la valeur verte du patrimoine
bénéficiant d’une rénovation thermique : cette valeur verte joue relativement peu dans
certaines régions, mais elle existe tout de même.
Il faudrait effectivement expertiser les chiffres de l’ADEME sur les rénovations
performantes. En outre, il est un fait qu’aucun parc éolien offshore n’a vu le jour. Comme
nous le soulignons dans ce rapport, autant nous avons enregistré des succès incontestables
dans le secteur photovoltaïque – parfois même un peu excessifs pour le marché –, autant la
filière éolienne n’est pas suffisamment développée. Les efforts doivent donc être beaucoup
plus importants en ce domaine.
M. François de Rugy, rapporteur. Je remercie à mon tour notre collègue Menuel
d’avoir salué notre approche pragmatique. Nous pouvons avoir des divergences quant à
certains choix liés à la politique énergétique ; cela ne nous a pas empêchés de bien travailler
ensemble et d’établir des constats, une analyse des freins à cette politique et des moyens de
les lever.
La longueur des délais de réalisation des projets – de méthanisation mais pas
seulement – peut mener à des abandons, dans des proportions plus élevées que dans d’autres
domaines. Dans le secteur du logement, les projets immobiliers font eux aussi l’objet de
recours quasi systématiques dans les zones tendues, qui induisent quasiment deux ans de
réalisation supplémentaires. Pour autant, ils font peu l’objet d’abandons purs et simples. De
plus, la première des ministres du logement de ce quinquennat a mené une politique de lutte
contre les recours abusifs. La même démarche est à l’œuvre en faveur des projets éoliens mais
elle a malheureusement pris plus de temps. Enfin, au-delà de l’abandon et du renchérissement
du coût, l’insécurité pesant sur les procédures et donc sur la réalisation même des projets crée
également des difficultés de financement bancaire.
Notre collègue Menuel soulignait tout à l’heure le fait que les travaux de rénovation
thermique finissaient, dans certains endroits, par être plus onéreux que la valeur même des
logements concernés. Je crois que l’efficacité énergétique et les travaux d’amélioration des
logements ne servent que de révélateur. Notre collègue Lamblin disait que cela perturbait le
marché. Mais cela réoriente également ce marché. Il faut le dire car tel est le but de cette
politique. L’objectif est aussi d’assainir le marché, certains logements « sous-performants »
ayant été mis sur ce marché tels quels. Des personnes ont ainsi cru faire une bonne affaire en
achetant peu cher sans voir que ces logements auraient ensuite un coût de fonctionnement très
élevé. La diversité des situations selon les territoires, entre zones tendues et détendues en
termes d’offre et de demande de logements, est une réalité, transition énergétique ou pas.
Cette réalité est très difficile à traiter s’agissant des ménages qui se sont endettés pour accéder
à la propriété et dont le logement peut constituer un patrimoine de valeur négative : ce
problème est indépendant de la transition énergétique.
Je sais que l’acceptabilité de l’éolien est une des préoccupations d’Alain Gest – ce
n’est pas lui faire injure que de le dire. Mais je m’inscris en faux contre l’affirmation selon
laquelle il serait difficile de mener une politique contre l’avis majoritaire de la population.
Toutes les études d’opinion montrent que le développement de l’éolien est soutenu par une
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très large majorité de la population. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de contestations
localisées liées à l’impact immédiat des installations sur les populations concernées – il en va
de même lorsqu’on demande aux gens s’il faut construire plus de logements pour satisfaire à
la demande. Mais cela nous ramène à la question des recours.
Ce qu’a dit notre collègue Gest sur les disparités territoriales est vrai. Nous n’avons
pas pu évaluer ces dernières, mais elles sont évidentes dans chacune de nos régions. Je peux
vous dire que dans les Pays de la Loire, le département de la Sarthe n’a quasiment jamais rien
fait en matière de développement de l’éolien terrestre parce que les élus locaux n’en voulaient
pas et que le conseil départemental faisait tout pour empêcher les projets de se concrétiser.
Cela étant, il y a un schéma régional, le préfet se mobilise et les élus évoluent et voient les
retombées des projets.
On parle toujours des habitants qui s’opposent à l’éolien pour des raisons d’intérêt
particulier – bien légitimes d’ailleurs –, mais il est des élus qui le soutiennent, au-delà de toute
considération politique, pour ses retombées. C’est ainsi dans tous les domaines d’activité :
lorsqu’on fait du développement économique local, on cherche aussi à en voir les retombées
économiques et fiscales sur son territoire. Enfin, il est des projets éoliens dans lesquels
s’impliquent les citoyens – c’est le cas de près de la moitié des projets en Allemagne.
Je reconnais une forme de pessimisme chez le président de la Commission du
développement durable. J’ai souvent tendance à dire qu’il faut, pour se motiver, voir le
chemin parcouru, au moins autant que le chemin qui reste à parcourir. Dire que cela ne
marche pas, qu’il ne s’est jamais rien fait et que tout ce qui a été tenté a échoué n’est guère
incitatif. S’agissant de la « vraie rénovation thermique », la réponse est dans la question du
président Chanteguet. Certains experts considèrent qu’il n’y a que quelques centaines de
vraies rénovations thermiques par an en France parce qu’ils ne prennent en considération que
les rénovations donnant lieu à une approche globale permettant de transformer une passoire
énergétique en un logement sinon à énergie positive, du moins équivalant à un bâtiment basse
consommation (BBC). Mais entre l’idéal et le réel, entre tout et rien, il faut essayer de
progresser. C’est pourquoi je ne plaide pas pour qu’on repousse les échéances en matière de
réglementation thermique. Il n’est pas vrai de dire que ce qui était valable il y a cinq ans ne
l’est plus aujourd’hui. Dès le début, on s’est situé dans une logique progressive. Il ne faut
donc pas repousser les étapes sans quoi on ne sera plus dans cette logique. Cela vaut dans bien
des domaines de l’action politique : dès lors que l’on fixe les étapes du changement que l’on
conduit, il faut les respecter. L’efficacité énergétique tire le marché vers le haut et le cercle
vertueux est engagé.
Enfin, je ne suis pas favorable à l’idée de déposer des amendements au projet de loi
de finances, car ce n’est pas avant tout une question de fiscalité. Jean-Jacques Guillet l’a bien
dit à propos du CITE. En France, on aime beaucoup les crédits d’impôt mais à un moment
donné, il faut aussi agir dans le cadre qui a été défini, avec une certaine stabilité, mobiliser les
outils existants et pérenniser les financements. Ayant été membre de la Commission des
finances pendant cinq ans, je connais la logique. Il ne faut pas mettre fin à un crédit d’impôt
au motif qu’il aurait trop de succès. Il ne faut pas se plaindre qu’un dispositif ait du succès
mais en pérenniser le financement : cela relève de choix budgétaires, comme dans d’autres
domaines de l’action politique. Je ne suis d’ailleurs pas non plus d’accord avec le président
Chanteguet lorsqu’il affirme que le problème de la loi de transition énergétique réside dans
l’insuffisance des moyens qui lui sont consacrés : ce sont la mobilisation et l’orientation de
l’investissement privé vers ce chantier qui comptent.
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M. Jacques Lamblin. Je suis d’accord pour dire qu’il faut tirer le marché vers le
haut. Ce n’est pas bien grave quand on le fait pour les voitures, en durcissant par exemple les
normes d’émissions de CO2, car c’est un bien consommable dont on change au bout de
quelques années. Mais, dans le parcours d’un ménage, le logement est la grande affaire d’une
vie commune, pour l’immense majorité de nos concitoyens. Beaucoup de ménages s’étant
installés il y a une trentaine d’années dans des pavillons de banlieue arrivent aujourd’hui à
l’âge de la retraite et, leurs enfants étant partis, souhaitent se replier sur un appartement en
milieu plus urbain. Mais cela leur est impossible car l’évolution du marché du logement
induite par l’évolution de la réglementation thermique entraîne la dévalorisation de ces
pavillons vieux d’une quarantaine d’années. Leur situation est bien pire que celle des
logements beaucoup plus anciens qui ont du style et du caractère. C’est un problème que l’on
n’a pas du tout évalué lorsqu’on a instauré cette réglementation thermique et que l’on risque
encore d’amplifier en durcissant celle-ci dans les années à venir.
M. François de Rugy, rapporteur. Soyons clairs : la réglementation thermique ne
s’applique pas à l’ancien. C’est par effet de comparaison que les logements dont vous parlez
sont dévalorisés. Peu d’obligations pèsent finalement sur l’ancien en matière thermique alors
que, dans le domaine de l’assainissement individuel, qui concerne lui aussi les maisons isolées
en milieu rural ou périurbain, les normes sont très contraignantes : une personne souhaitant
revendre son logement doit, si elle n’a pas mis aux normes son système d’assainissement,
mettre sous séquestre une certaine somme d’argent pour que le nouveau propriétaire puisse le
faire. De fait, cela joue aussi sur le prix du logement.
On pourrait imaginer un dispositif comparable pour la rénovation thermique : il serait
contraignant mais donnerait une visibilité sur le coût de fonctionnement des logements.
Aujourd’hui, le grand public avance dans cette logique, en intégrant le coût de
fonctionnement des logements surtout en cas d’achat mais aussi en cas de location. Comme
l’a souligné Gérard Menuel, la question est plus difficile à traiter en zone non tendue où de
toute façon, rénovation thermique ou pas, le logement perd de sa valeur. La pire des situations
est celle des gens qui se sont lancés dans l’accession à la propriété en empruntant, qui doivent
vendre leur logement pour une raison familiale ou professionnelle et qui se retrouvent avec un
bien qu’ils n’arrivent pas à vendre parce qu’il n’a pas de valeur sur le marché mais qui leur
coûte en termes de remboursement d’emprunt. Mais la réglementation thermique ne fait que
se greffer sur un problème qui existe de toute façon.
Mme Monique Rabin, présidente. Nous vous remercions, messieurs les
rapporteurs.
Le Comité autorise la publication du rapport.
La réunion s’achève à douze heures cinquante.