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48 ° 1748 26 2018 ÉCO GESTION Q ue ce soit pour vendre sa cli- nique vétérinaire ou se faire une idée de son patrimoine, le calcul du prix de vente est une opération délicate à effectuer. Entre les éléments purement comptables et les données plus subjec- tives, le juste prix est difficile à trouver. Même si les conseils sont de plus en plus efficaces pour épauler les vétérinaires dans ce type d’opération, mieux vaut se faire par soi-même une première idée du prix auquel on peut raisonnablement espérer trouver un repreneur. Mais les méthodes de calcul divergent encore. De fait, opter pour deux simulations diffé- rentes permet de trouver plus facilement le juste prix. Pour céder son affaire, il convient enfin de prendre un peu de recul et de temps, car le résultat donné par la calculatrice est rarement celui qui figure sur le chèque. La vente étant aussi une affaire de négociation ! Les méthodes d’évaluation « Deux écoles s’affrontent pour évaluer la valeur d’une clinique vétérinaire. La première s’appuie uniquement sur le chiffre d’affaires, alors que la seconde prend en compte d’au- tres éléments, qui permettent ainsi d’aboutir à une évaluation plus fiable », commente Dominique Favre, directeur de la commu- nication opérationnelle d’Interfimo, so- ciété spécialiste du financement des pro- fessionnels libéraux (créée par les syndicats et les institutions des profes- sions libérales, aujourd’hui filiale de LCL). 1 - La valeur dite patrimoniale (ou va- leur des actifs) Cette méthode d’évaluation vise à valo- riser les actifs immobilisés en s’appuyant sur les données du marché. « Il s’agit de partir du chiffre d’affaires et de lui appli- quer un coefficient », résume Dominique Favre. Le problème réside dans la diffi- culté à bien appréhender ce coefficient qui, pour les vétérinaires, varie entre 20 % et 80 %. « Il est de fait très difficile pour l’acheteur, comme pour le vendeur, de savoir où mettre la barre », tranche le di- recteur de la communication. Sauf peut- être à devenir un observateur hyper at- tentif du marché des prix de cession des cliniques, appliquer le “bon taux” est en effet très compliqué, tant les éléments qui influent sur la valeur d’une structure vétérinaire comme de bien d’autres est dépendante de nombreux facteurs. 2 - La valeur de rendement « Avec cette méthode, le postulat est que la clinique vaut ce qu’elle rapporte », explique Dominique Favre. De fait, la méthode ne prend plus en compte le chiffre d’affaires, mais la rentabilité de la clinique à travers l’excédent brut d’exploitation (EBE). Une méthode simple consiste à appliquer un coefficient aux bénéfices réalisés sur les trois derniers exercices. Ce coefficient varie en général de 3 à 5 suivant les points forts et les points faibles de la cli- nique. Là encore, le “bon dosage” du coef- ficient est délicat, comme pour celui du pourcentage choisi pour déterminer la valeur patrimoniale. C’est pourquoi de plus en plus de spécialistes de la trans- Le prix d’une structure vétérinaire, qui n’est pas la valeur, résulte d’une négociation entre l’acheteur et le vendeur. Compte tenu des divers éléments à prendre en considération, le juste prix est difficile à trouver. Comment évaluer le juste prix de vente d’une clinique FINANCES action et du financement des cliniques vétérinaires appliquent encore une autre méthode : celle de la capacité de rem- boursement. Pour déterminer cette va- leur, il convient de partir des bénéfices non commerciaux (BNC) auxquels sont ajoutés les frais financiers et les amor- tissements pour déterminer l’EBE, lequel a vocation à assurer le train de vie du vé- térinaire et lui permettre de s’acquitter des impôts. « Ce solde représente la capa- cité de remboursement de l’acquéreur », ré- sume Dominique Favre. Ainsi, il est aisé de calculer une valeur qui permet à l’ac- quéreur de rembourser l’emprunt qu’il sollicite, tout en conservant un revenu proche de celui auquel il pourrait pré- tendre en restant salarié. Ce calcul intè- gre en général le remboursement de l’emprunt couvrant 100 % de la valeur d’achat. En effet, même si l’acquéreur bénéficie d’un apport, on considère que les capitaux propres qu’il investit dans la clinique méritent eux aussi d’être ré- munérés, au même titre que ceux prêtés par la banque. Les mauvaises surprises sont ainsi évitées si l’activité s’avère un peu en deçà de celle du vendeur. Le processus d’évaluation Quelle que soit la méthode retenue, la valeur de la clinique va ainsi pouvoir être définie, mais pas forcément son prix. « Il faut bien avoir en tête que le prix n’est pas La typologie de la clientèle doit être finement analysée avant de proposer un prix. L’INCIDENCE DE LA FISCALITÉ Lorsqu’il s’agit de céder sa clientèle, sa valeur est aussi liée à la fiscalité qui va s’appliquer lors de la vente et, de fait, lors de l’achat pour l’acquéreur. Suivant la modalité d’exercice que ce dernier choisira, s’il s’agit d’une cession de parts ou d’une vente totale de la structure, la fiscalité va avoir un impact sur les négociations et donc sur le prix. Il est essentiel d’en tenir compte et de formuler plusieurs hypothèses pour être en mesure de négocier efficacement l’opération.

ÉCO GESTION FINANCES - Interfimo · ° 1748 26 2018 49 la valeur. Le prix résulte d’une négociation entre l’acheteur et le vendeur », insiste le directeur de la communication

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Page 1: ÉCO GESTION FINANCES - Interfimo · ° 1748 26 2018 49 la valeur. Le prix résulte d’une négociation entre l’acheteur et le vendeur », insiste le directeur de la communication

48 I LA SEMAINE VÉTÉRINAIRE I N° 1748 I 26 JANVIER 2018

ÉCO GESTION

Que ce soit pour vendre sa cli-nique vétérinaire ou se faireune idée de son patrimoine, lecalcul du prix de vente est uneopération délicate à effectuer.Entre les éléments purement

comptables et les données plus subjec-tives, le juste prix est difficile à trouver.Même si les conseils sont de plus en plusefficaces pour épauler les vétérinairesdans ce type d’opération, mieux vaut sefaire par soi-même une première idéedu prix auquel on peut raisonnablementespérer trouver un repreneur. Mais lesméthodes de calcul divergent encore. Defait, opter pour deux simulations diffé-rentes permet de trouver plus facilementle juste prix. Pour céder son affaire, ilconvient enfin de prendre un peu derecul et de temps, car le résultat donnépar la calculatrice est rarement celui quifigure sur le chèque. La vente étant aussiune affaire de négociation !

Les méthodes d’évaluation« Deux écoles s’affrontent pour évaluer lavaleur d’une clinique vétérinaire. La premières’appuie uniquement sur le chiffre d’affaires,alors que la seconde prend en compte d’au-tres éléments, qui permettent ainsi d’aboutirà une évaluation plus fiable », commenteDominique Favre, directeur de la commu-nication opérationnelle d’Interfimo, so-ciété spécialiste du financement des pro-fessionnels libéraux (créée par lessyndicats et les institutions des profes-sions libérales, aujourd’hui filiale de LCL).

1 - La valeur dite patrimoniale (ou va-leur des actifs)Cette méthode d’évaluation vise à valo-riser les actifs immobilisés en s’appuyantsur les données du marché. « Il s’agit departir du chiffre d’affaires et de lui appli-

quer un coefficient », résume DominiqueFavre. Le problème réside dans la diffi-culté à bien appréhender ce coefficientqui, pour les vétérinaires, varie entre20 % et 80 %. « Il est de fait très difficilepour l’acheteur, comme pour le vendeur, desavoir où mettre la barre », tranche le di-recteur de la communication. Sauf peut-

être à devenir un observateur hyper at-tentif du marché des prix de cession descliniques, appliquer le “bon taux” est eneffet très compliqué, tant les élémentsqui influent sur la valeur d’une structurevétérinaire comme de bien d’autres estdépendante de nombreux facteurs.

2 - La valeur de rendement« Avec cette méthode, le postulat est que laclinique vaut ce qu’elle rapporte », expliqueDominique Favre. De fait, la méthode neprend plus en compte le chiffre d’affaires,mais la rentabilité de la clinique à traversl’excédent brut d’exploitation (EBE). Uneméthode simple consiste à appliquer uncoefficient aux bénéfices réalisés sur lestrois derniers exercices. Ce coefficientvarie en général de 3 à 5 suivant lespoints forts et les points faibles de la cli-nique. Là encore, le “bon dosage” du coef-ficient est délicat, comme pour celui dupourcentage choisi pour déterminer lavaleur patrimoniale. C’est pourquoi deplus en plus de spécialistes de la trans-

Le prix d’une structure vétérinaire, qui n’est pas la valeur, résulte d’unenégociation entre l’acheteur et le vendeur. Compte tenu des diverséléments à prendre en considération, le juste prix est difficile à trouver.

Comment évaluer le juste prix de vente d’une clinique

FINANCESaction et du financement des cliniquesvétérinaires appliquent encore une autreméthode : celle de la capacité de rem-boursement. Pour déterminer cette va-leur, il convient de partir des bénéficesnon commerciaux (BNC) auxquels sontajoutés les frais financiers et les amor-tissements pour déterminer l’EBE, lequela vocation à assurer le train de vie du vé-térinaire et lui permettre de s’acquitterdes impôts. « Ce solde représente la capa-cité de remboursement de l’acquéreur », ré-sume Dominique Favre. Ainsi, il est aiséde calculer une valeur qui permet à l’ac-quéreur de rembourser l’emprunt qu’ilsollicite, tout en conservant un revenuproche de celui auquel il pourrait pré-tendre en restant salarié. Ce calcul intè-gre en général le remboursement del’emprunt couvrant 100 % de la valeurd’achat. En effet, même si l’acquéreurbénéficie d’un apport, on considère queles capitaux propres qu’il investit dansla clinique méritent eux aussi d’être ré-munérés, au même titre que ceux prêtéspar la banque. Les mauvaises surprisessont ainsi évitées si l’activité s’avère unpeu en deçà de celle du vendeur.

Le processus d’évaluation Quelle que soit la méthode retenue, lavaleur de la clinique va ainsi pouvoir êtredéfinie, mais pas forcément son prix. « Ilfaut bien avoir en tête que le prix n’est pas

La typologie de laclientèle doit être

finement analysée avantde proposer un prix.

L’INCIDENCE DE LA FISCALITÉ

Lorsqu’il s’agit de céder sa clientèle, sa valeur estaussi liée à la fiscalité qui va s’appliquer lors de lavente et, de fait, lors de l’achat pour l’acquéreur.Suivant la modalité d’exercice que ce dernierchoisira, s’il s’agit d’une cession de parts oud’une vente totale de la structure, la fiscalité vaavoir un impact sur les négociations et donc surle prix. Il est essentiel d’en tenir compte et deformuler plusieurs hypothèses pour être enmesure de négocier efficacement l’opération.

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la valeur. Le prix résulte d’une négociationentre l’acheteur et le vendeur », insiste ledirecteur de la communication opéra-tionnelle d’Interfimo. Au-delà de la né-gociation, le prix est également défini parla prise en compte d’éléments certesmoins tangibles que les données comp-tables, donc moins faciles à évaluer, maistout aussi décisifs. Parmi ces éléments,la localisation de la clinique a un poidsnon négligeable. « Une clinique dotée d’unparking aura toujours plus de valeur qu’uneautre située sur un site difficilement acces-sible », illustre notamment DominiqueFavre. Un établissement implanté aucœur d’un quartier dynamique où denouvelles constructions sont prévuessera également mieux valorisé que celuiinstallé dans une zone en perte de vi-tesse. La qualité et l’ancienneté des équi-pements représentent un élément clé dela valorisation d’une clinique. Les com-pétences de ses collaborateurs, leur an-

cienneté, tout comme leur rémunération,certaines clauses de leur contrat de tra-vail et le taux de turnover sont aussi àprendre en compte.

La valeur de la clientèle etl’acquisition différée de l’immobilierDe même, la typologie de la clientèle doitêtre finement analysée avant de proposerun prix. Elle s’apprécie en réalisant uneanalyse de sa diversité, de son ancien-neté, de sa fidélité ainsi que de sa loca-lisation. Sans oublier son potentiel. Uneclinique qui compte une majorité declients seniors aura moins de valeur quecelle ayant une clientèle jeune. Enfin, ilest indispensable de tenir compte de laconcurrence présente aux alentours etde l’intuitu personae, de la relation deconfiance qui se tisse avec son vétéri-naire, qui ne sera pas forcément aussiforte avec le nouveau, au point que cer-tains clients pourront quitter la clinique.

Dernier élément à prendre en compte :l’immobilier. « Souvent, le vendeur sou-haite conserver les murs de la clinique. Ilprend alors le risque de voir le prix devente moins élevé que s’il avait choisi decéder aussi les murs », estime DominiqueFavre. Sauf si le vendeur ne dispose pasde liquidités ou d’une capacité d’em-prunt suffisante pour lui permettre d’ac-quérir la clinique et les murs. Dans cecas, mieux vaut privilégier une acquisi-tion différée de l’immobilier. « Il fautalors prévoir une clause dans le contrat devente stipulant que le vendeur s’engage àacquérir les murs dans un délai défini »,conseille-t-il. Avec tous ces éléments, ilest possible d’évaluer de façon relative-ment précise la valeur d’une clientèle.Mais puisque certains éléments sontsubjectifs, il est préférable de s’entourerde compétences “neutres” pour parvenirà un résultat le plus objectif possible. •FRANÇOISE SIGOT