Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suarès

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    1/34

    CARNETM A R S 1 9 3 1L A F I N D U

    GRAND MYTHE

    (3 )

    ET TEXTES DE

    KRISHNAMURTI

    B O U S Q U E T

    J. A U D A R D

    France : le N" 4 f rs. Carnets Mensuels Etrange r: le N 5

    A g e n t G n r a l : Jo s C o r t i 6 Ru e de C l i c h y P a r i s

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    2/34

    C A R N E T

    LA FIN DU GRAND M YTHE (3 )

    J. KRISHNAMURTI

    fragments

    JOE BOUSQUET

    Chronique : Lewis Carroll, Pierre Guguen,Frobenius, Cahiers dArt, Quelques peintres

    Notes : Franz Werfel par Jean Audard

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    3/34

    Carnets mensuels (sauf aot et septembre, soit dix numros par

    AGENT GENERAL : JOSE CORTI, 6, RUE DE CLICHY, PA

    Adresser tout ce qui concerne ladministration et la rdactio

    NI. Carlo Suars, 15, Avenue de la Bourdonnais. Paris VIIe.

    Chques postaux Paris 152573.

    Abonnement pour lanne 1931 :

    France et Colonies : 25 frs. Etranger : 35 frs.

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    4/34

    LA FIN DU GRAND MYTHE

    n i

    Origines

    De mme quun rve est dtermin par une cause profonde

    sexprime sous une forme symbolique, lHistoire est dtermine

    le Mythe qui sexpr ime pa r ses symboles. Le droulemen t de l Histest la simple projection du droulement mythique, le dterm ini

    historique est la pr ojection du dterm inism e m ythique.

    Nous avons vu que le Mythe et le Temps ont la mme orig

    Tous deux commencent lorsque lhomme, ayant rompu avec lu

    de la Nature, saperoit quil est exil dans une dualit quil nar

    pas r 'soudre. Lor squ e son je in dividu el soppose au m o

    extrieur et saperoit quil nest pas de la mme nature que lurve commence, le rve des fragments de conscience que sont

    individus hu ma ins. Dans un rve collectif linconscient colle

    projett e des symboles immu ables ou dra ma tiques, qui sont plus v

    que le rve, et autour desquels le rve se construit. Aussitt, les

    celles humaines de conscience, immerges dans le rve et identif

    lui, se mettent jouer, reprsenter ces symboles. Elles se pr

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    5/34

    Tout au long de lHistoire les hommes sidentifient leurs rau point de ntre que les pantins inconscients dun drame don

    ralit a rem plac leur pr opr e ralit. En disant j e cha

    homm e dsigne n on pas son essence, ma is le rle qu il joue. J

    le rle, sest substitu la vrit primordiale de ltre au poin

    lui apparatre comme la seule vrit, la seule ralit, la condi

    indispensable pour quil se sente vivre. Les pantins humains

    frent les tortures, lagonie, la perte de leur rle... et ils ont raitant que dure le rle...

    Mais aujourdhui le drame est termin, le Mythe est mort

    Vrit est au del de tous les rles : le Mythe se prsente n

    dans tout son ensemble, depuis le commencement jusqu la

    et ce nest quen dehors de lui que nous pouvons natre. Il a c

    menc la sparation, il finit aujourdhui la rconciliation, a

    laccomplissemen t des Ecritu res, a prs que' toutes les t ra ditions

    t joues, apr s la fin du m on d e, de ce monde qui a t

    pendant des dizaines de milliers dannes.

    Cha que Mythe a son unit de Temps

    Le Grand Mythe dont nous parlons est celui qui a t jou

    fois en Orient et en Occident depuis lorigine des temps. Nous tu

    rons son personn age Occident beau coup plus longuem ent que

    per sonn age Orient cause de ses nombr euses pr ipties, et a

    parce que selon les rgles du jeu cest lui qui devait apporter la

    du jeu. Ctait dans son rle, mais cette fin quil apporte est n

    sairement commune. Il est en effet impossible quun des myt

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    6/34

    (par consquent endormies) et isoles. Cette fragmentation ex

    dabord sous la forme de gigantesques Entits collectives, qui n

    sent, se dveloppent, et meurent sous la forme de races et de civ

    sations (ou de cycles de civilisations). Chacune de ces Entit

    un dveloppement biologique qui lui est propre, et un temps qu

    est propre. Chacune a son origine au com m en cem en t d es tem

    puisque sa naissance a donn naissance au temps. Si nous cons

    rons quelquesunes de ces Ent its, comm e pa r exemple lEn

    hindoue, lEntit chinoise ou lEntit mditerranenne, (deve

    lOccident avec lapport germanique et slave et ses branches am

    caines) nous constatons que le temps ny a pas du tout la m

    valeur. Un sicle chinois, un sicle europen, nont pas la m

    contexture : en termes arbitraires dhorloges ils ont la mme du

    mais en termes vrais de conscience ils sont trs diffrents, et c

    naturel, puisque chacune de ces entits fabriqu e son propre te

    (comme les personnages dun rve fabriquent le temps de ce rEt non seulement ces temps sont diffrents, mais lintrieur d

    de ces Entits la signification du temps varie suivant les ncess

    du Mythe. Il est vident, par exemple, que dans le cycle mdite

    nen, dix sicles de lancienn e Egypte n ont pas apport les boule

    sements de conscience qua apport le seul sicle 18301930.

    A lorigine du cycle, le temps tait long, confus, inconsci

    Aujourdhui en Europe et en gnral dans tout lOccident il cdans une hystrie individuelle, impossible dcrire. Il y a au

    de temps diffrents quil y a dindividus, et pour chacun il se prc

    ju squ t re ver t igin eux. Depuis 1914 chacun de nous a vcu

    cent, mille vies. Une seule heure daujourdhui est plus charge

    bouleversements quune anne dautrefois. Il faut du nouveau to

    les minutes. Telle architecture nouvelle na pas le temps dach

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    7/34

    pas ende de cette vie, en un retour en arrire dans les val

    mortes du mythe judochrtien, mais au del de lclatement, l

    il aboutit.

    Saffranchir du Temps veut dire saffranchir de linconsc

    collectif, qui fabrique le temps collectif, et de linconscient indivi

    qui fa br ique le temps individuel. Le t emps individu el est t ou jou r

    au temps collectif, car lindividu ne parvient que trs difficilem

    se librer de lemprise de linconscient. Cest pour desserrer c

    treinte mortelle que nous nous efforcerons de la dcrire.

    Il est vident que le Mythe judochrtien, qui a eu une

    individuelle, une expression propre, un temps particulier, a eu

    cont acts a vec tous ces au t res personn ages du globe : les aut res Myt

    Ils se sont parl, ils ont eu des changes extrmement nombreux

    au long de lHistoire. Mais ces contacts innombrables, ces chan

    taient identiques ceux que peuvent avoir entre eux des pers

    na ges dan s un rve, qui se pa rlent , bien que ntant que des fra gm

    dun seul et mm e ind ividu. Ces fra gmen ts ont chacun un r le jo

    par rapport aux autres. Donc non seulement chacun est un cycle

    soi, un drame en soi, mais lensemble de tous ces cycles (ou per

    nages) est un drame collectif auquel participe chaque drame p

    culier.

    OrientOccident

    Nous voici amens dire quelques mots sur lopposition

    lOrient et de lOccident, et sur la possibilit de rduire cette op

    sition. Tout le monde est daccord sur la ncessit de rconcilier

    deux branches de lhumanit, mais chacun voudrait le faire

    prenant parti pour lune delle, contre lautre. En ralit il

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    8/34

    ma is nous pou vons le dpasser si nous com pr en on s le rle que ch

    terme joue par rapport lautre. Il nous est indispensable, a

    dtudier le droulement du Mythe mditerranenoccidental, d

    situ er par ra pport cet au tr e Mythe, lOrient, sans qu oi n ous ris

    rions de ne pas lui donner sa vritable signification. Rptons

    nous ne prenons pas le mot Mythe dans le sens de fable. Le M

    suivant le sens que nous lui donnons est lensemble des faits r

    mais inconscients, dont toute lHistoire des hommes nest qu

    projection.

    Le Mythe Orient est si totalement diffrent du Mythe O

    dent que si nous ne prenions un grand soin les situer lun

    ra pport lautre, on pour ra it a ller jusqu penser que le m me

    ne peut sappliquer aux deux, et que les conclusions auxquelles

    serons amens par lexamen du Mythe occidental, par exemple

    concernent pas lOrient. Mais ce serait une grave erreur. Ces li

    sadressent chacun, ca r au del de t out es les spar a tions est lhomuniversel, auquel chacun de nous doit parvenir. Notre entit

    table nest donc jamais ende des sparations, mais audel

    nous prenons parti, au sein de sparations humaines, pour un

    cts ou lautre, cest que nous portons cette sparation en

    comme une graine porte en elle le germe de lespce. Ce germ

    sparation et de conflit, nous le portons en nous, mais transpos

    un conflit intrieur, qui, si nous n y met tons fin pa r un e rcon ciliaet une synthse intrieure, ne pourra jamais se rsoudre

    lextrieur.

    Ainsi, nous allons essayer de montrer que le conflit Or

    Occident nest que la multiplication et la projection historique,

    la scne du monde, dun conflit intrieur dans lequel se dba

    tous les homm es, presqu e sans except ion , dont les aspects sont inn

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    9/34

    prcision stupfiante. Le conflit OrientOccident tant mythiqu

    ne sera pas rsolu politiquement, mais chacun pourra le rso

    en arrachant son propre inconscient : le germe du Mythe. Et lor

    ce conflit cesse au sein dune seule conscience individuelle, cest q

    toute vrit le conflit est termin, car la conscience individuelle q

    rsolu le conflit primordial est devenue universelle.

    Cette notion est trs simple, donc difficile raliser, mais

    peut dj exister virtuellement pour ceux qui veulent la compren

    Lobjection que lon fait toujours celui qui a compltement r

    son p roblme huma in est celleci : vous navez rsolu le p robl

    que p our vous ; tan dis qu il a ffirm e, du point de vue su pra i

    vidu el (qui n e fa it plus de dist inction ent re m oi et les aut re

    que le problme est non pas rsolu mais dpass, et non pas p

    lui (car il nexiste plus en t ant qu ent it spare) mais p

    tout le monde. Cest ce point de vue l qui nous a fait crire d

    dbut de ces pages que le Grand Mythe est fini, et nous entend

    bien quil est vritablement fini, mme sil faut encore des centa

    ou des milliers dannes sur la scne du monde, pour que cette

    se projette historiquement. Cette fin une fois arrive dans la c

    cience humaine propagera sa prsence indlbile et inluctable

    prsence plus puissante que tout. Elle dtruira des civilisation

    en construira dautres malgr les rsistances formidables des i

    tutions bases sur le Mythe, et qui orgueilleusement saffirm

    indestructibles.

    O sont lOrient et lOccident

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    10/34

    des variations sur le thme judochrtien. Nous appelons orient

    les civilisations asiatiquesNotre but tant dexposer le Mythe primordial nous ne pouv

    que situer rapidement dune part la Russie, dautre part lIs

    (rameaux dtachs de la branche judochrtienne) cheval e

    lOr ient et l Occident propremen t dits, et cela ma lgr leur im

    tance. Nous r eviendr ons plus loin la Russie et son r le par ticu

    Bien des Orientaux considrent lOccident comme une bran

    qui sest dtache de larbre asiatique et traditionnel et qui frappe de strilit moins quelle ne se soumette la tradi

    primitive. Cela nous semble tout fait faux. Il nous semble p

    exact de dire que dans leurs rapports lOrient est Adam et lOccid

    Eve. En reconnaissant lOccident ce rle fminin nous comp

    drons mieux ses aventures, les aventures o elle a entran

    compagnon, et aussi son rle indispensable pour la synthse fin

    o les deux Personnages doivent reconnatre quils ntaient, lu

    lautre, que la moiti de la vrit humaine.

    LOccident, cette folle, devait fatalement cueillir le fruit d

    science du bien et du m al et en t ra ner lOrient dans u ne a ven

    commune. LOrient dans la stabilit et la fixit de la connaissa

    de lternel stait dj laiss entraner fatalement ds le dbut

    malgr lui. Adam et Eve reprsentent chacun un des ples du My

    et sont par consquent, lun et lautre, imparfaits.

    En parlant de lOrient nous aurons surtout prsente les

    la tradition hindoue, car elle possde une grande unit, tandis

    la tradition chinoise, non moins ancienne probablement, est dou

    car elle comporte une tradition sociale qui sest spare de la

    dition mtaphysique et qui en est indpendante. Ainsi la Chine o

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    11/34

    Tradition et rvolution

    LAsie est base sur un e conn a issance t ra ditionn elle imp er

    nelle, lOccident opre par rvolutions successives une reche

    base sur la ralit des individus. Nous analyserons plus loi

    dtail ces deux modalits. La premire chasse lindividu hor

    luimme dans une ralit extrapersonnelle, la deuxime ramn

    monde extrieur au sein de lindividu. La premire nattache

    une importance primordiale lindividu, la deuxime au cont

    fait de lindividu le motif central de son drame.

    La tradition hindoue repose toute entire sur la prtention

    lintellect de connatre lui tout seul la vrit totale. Nous ne vou

    pas dire par l que lInde ignore la dvotion. Ce serait faux.

    foules normes aux Indes se laissent emporter par la dvotion. M

    la t ra dition originelle, pa r ce qu elle considr e lind ividu comm e i

    au lieu de lexalter, colore tout dune couleur complmentaire cde lOccident, mme la dvotion.

    Ce sont vraiment comme deux couleurs complmentaires,

    lon retrouve dans tous les domaines de la vie. Ainsi en art lAsiat

    dcore un fond tr a dition nel et imper sonnel, t andis que lar

    occidental, dans une uvre personnelle, cherche beaucoup plu

    propre raison dtre quil ne se soucie de faire beau. On ne dco

    pas une rvolution. LOriental est davance soumis une tradimtaphysique, lOccidental est davance insoumis, il veut exp

    menter. Dans la tradition orientale labsolu mtaphysique remp

    lexprience personnelle quelle mprise, tandis que lexprience

    sonnelle, individuelle, occidentale, mprise tout ce quelle app

    des thor ies .

    Pour dsigner provisoirement cette distinction fondamen

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    12/34

    sur les caractres des Hindous ou des Europens. Que lon ne n

    fasse pas dire que nous trouvons les Hindous intellectuels et Europens passionnels. Ce serait absurde. En disant que la tradi

    hindoue est uniquement base sur lintellect, nous parlons d

    formation particulire, lintrieur de laquelle existe la plus gra

    richesse de varits, et dont les donnes inconscientes ont dterm

    lhistoire pendant les millnaires qua dur le Mythe. Dailleur

    point de vue deviendra plus clair dans la suite de cet expos.

    La tradition hindoue

    La connaissance totale de lintellect pur est par dfini

    immuable et existe au del de toutes les recherches individue

    Elle existe par ellemme, elle na besoin daucune autorit ni d

    cune institution religieuse pour lappuyer. Elle est la tradition m

    purement intellectuelle et mtaphysique, et ne comprend pasmoindre lment sentimental et moral.

    Elle est, audel de la nature, audel de tout ce qui varie

    del de lunit mme (lunit est une affirmation) le principe prim

    dial de la non-dualit, Brahma.

    Elle est, elle existe donc en dehors de toute volution et de

    progrs, elle ne participe pas au relatif, elle est la certitude abso

    qui dpasse les symboles et les mots, et qui par consquent ne p

    ja m ais t re expose. Son obje t est au del de la dist in ct ion su

    objet.

    Le moyen de cette connaissance fait un avec la connaissa

    mme. Lintellect tant supraindividuel ne considre le raison

    ment discursif que comme un instrument dimportance seconda

    Lintellect est plus vrai que la science : il est universel, tandis qu

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    13/34

    boles, mais travers les symboles la vrit mtaphysique ne v

    que suggrer, elle ne sexprime pas. Elle est au del des religioau del de la philosophie, elle na aucun rapport avec tout ce qu

    base sur lindividuel, psychologie, etc... car elle en est indpenda

    La mtaphysique ne considre aucune dualit comme irrd

    tible, elle ne sarrte pas la dualit espritmatire, elle nest arr

    par rien. Elle nest mme pas la connaissance de ltre, car l

    cest quelque chose, donc une expression dtermine. La m

    physique est indtermine. Donc la plupart des problmes philophiques qui intressent lOccident sont considrs par rapport

    comme des jeux denfants, comme des discussions creuses sur

    donnes artificielles avec des points de dpart individuels et hy

    thtiques qui nont rien de commun avec la vrit.

    La conn aissa nce in tellectue lle pu re est la conna issan ce

    excellence, qui pntre dans la nature des choses (1). Connatre

    tre sont une seule et mme chose. Il ny a donc pas de thorie

    la connaissance que la philosophie puisse substituer la conn

    sance, mais la thorie de la tradition hindoue nest quune pr

    ration la ralisation correspondante. Les rites comme la th

    ont pour but de tr ans form er la conn aissan ce virt uelle en une conn

    sance effective.

    Cet absolu intellectuel est si formidable que toute la tradit

    hindoue sappuie sur lui sans aucun secours daucune sorte. N

    hindou que celui qui se trouve lintrieur de la tradition. C

    doctrine qui est purement intemporelle rejette automatiquement h

    dellemme toutes les variations qui ne lui appartiennent pas

    naccept e que des var iat ions ort h odoxes dont les expressions ont p

    but dadapter la tradition des conditions particulires mentale

    sociales au cours de lHistoire Lorthodoxie est par dfinition

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    14/34

    pu simplanter aux Indes, car la tradition orthodoxe le consid

    ainsi que le dit M. Ren Gunon, comme une doctrine dgnre

    un point de vue sentimental.

    Intellect et motions

    Avant d aller plus loin disons tout de suite que, de notr e poin

    vue, la nondualit laquelle prtend arriver lintellect en domi

    sur lamour, bien que totale, bien quinfinie, bien quindtermi

    rside dj au sein dune dualit mythique cerveaucur. Dans c

    dualit celui des deux termes qui croit tre vainqueur au dtrim

    de lautre est en vrit vaincu par s.a propre illusion. Mais au

    de cette dua lit, l int ellect et la mour pousss tous deux

    extrme limite, vainqueurs tous deux galement, saperoivent qu

    ntaient que des expressions diffrentes et galement ncessadune mme vie.

    Une erreur trs grave que commettent des mtaphysiciens

    d opposer la conn a issance int ellectu elle totale le monde chang

    des motions. Le registre des motions et des sentiments corresp

    intellectuellement au registre infrieur du raisonnement individ

    qui, lui non plus, na aucun rapport avec la vrit. Mais lin

    intellectuel correspond aussi un infini damour, lidentificationlint ellect une iden t ifica t ion par l amour . De mme qu il existe

    fusion par lintellect du sujet et de lobjet, il existe une fusion

    sujet et de lobjet par lamour.

    De mme que le but suprme, ou mokslfe , de l int ellect

    la libration des liens de lexistence conditionne, par lidentifica

    parfaite lUniversel, le but suprme de lamour est la mme lib

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    15/34

    lamour pur, mconnaissent lintellect et le confondent avec le

    sonnement. Ils sont quittes. Lhumanit bancale peut ainsi indf

    ment crer le temps et la souffrance. Lintellect, ou Adam, p

    indfiniment reprocher Eve dtre amour, et mpriser ses fo

    expr iences : ils sont lun et laut re dan s le Gra nd Myth e de l

    sparation.

    Synthse plus Analyse

    Ainsi sclaire notre point de vue, car nous affirmons que

    Vrit est la synthse des deux ples, mais non pas laffirmation

    lun au dtriment de lautre. LOrient mtaphysique est dans la m

    illusion que lOccident scientifique. Ainsi que nous le disions tou

    fait au dbut de cet expos, lquation ne peut tre rsolue que d

    un sens positif qui englobe les deux lments : positif = positi

    ngatif. Ou encore : synthse = synthse + analyse.

    La synthse qu i soppose ler reu r ana lyt ique la conn

    sance qui soppose lamour, sont prisonnires de leur propre my

    Lopposition OrientOccident ne peut se rsoudre que par une tr

    formation complte des deux ples lun par lautre. En Vrit, in

    lect = intellect + amour; et en Vrit, amour = amour + intell

    Ce rsultat est Yacte pur dont nous avons parl au dbut, qui esVrit, et laboutissement de notre tre total.

    La libration totale nest en aucune faon une libration to

    mtaphysique avec en plus une libration totale par lamour

    ne sagit pas de d e ^ n ir un yogi intgra l et ensuite de passer

    autre genre dexercices. Il ne sagit pas de dvelopper fond un

    aspects puis ensuite lautre, de sidentifier dabord un des p

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    16/34

    Lintellect et lamour se fcondent mutuellement, la Vrit est

    harmonie parfaite, elle nest pas une question de quantit.

    Pour dcouvrir Brahma travers Ishwara et travers tout

    manifestation il est indispensable, puisquon ne se sert que de l

    tellect, de possder une connaissance thorique illimite qui

    aucun rapport avec la Vrit. De mme pour dcouvrir Dieu

    lamour mystique il est indispensable de mourir damour pour

    objet, travers lequel on cherche, ce qui na aucun rapport ave

    Vrit. Dans un cas il faut possder une quantit norme dintel

    tualit sans quoi on est sr davance de ne pas trouver Brah

    dans lautre il faut tre capable dune norme dvotion sans q

    on ne trouve pas Dieu.

    Que lon nous pardonne une comparaison un peu simple :

    normes quantits dintellect et de dvotion sont du mme ordre

    ce quoi aspire la grenouille qui veut se faire aussi norme qubuf. Lorsquelle clate il lui semble que cest lternit... Et m

    si elle devenait aussi grosse que le buf, oui mme si elle trou

    son Brahma ou son Dieu, quauraitelle accompli l?

    La Vrit nest en aucune faon une question de quantit, m

    dquilibre, et pour que lquilibre soit parfait il faut que lintel

    et lamour aient tous deux dpass la quantit.

    Ainsi la dlivrance mtaphysique totale, la connaissance tode Brahma, loin dtre mme une tape vers la Vrit soppose

    Vrit de toutes les tapes quelle a places entre elle et celui

    la cherche. La Vrit est beaucoup plus simple que tout ce que

    peut comprendre ou imaginer, elle nappartient ni lOrient

    lOccident, et ne condamne ni lun ni lautre, mais elle appartie

    lHomme intgral.

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    17/34

    y apporter lamour, rappelons que pour dsigner les deux fonct

    mythiquement spares, nous avons aussi employ les termes symliques cerveau et cur. En parlant de lamour, ou du cur, n

    englobons dans ces termes lamour et tous ses opposs; le dsir

    quil soit, lenvie, lavidit, la soif de possessions, comme le

    gnreux dsintressement, la cruaut, la haine, la passion, le

    de rvolte, comme la paix du cur, en somme toutes les express

    hroques ou lches, belles ou laides, gostes ou altruistes, qui n

    partiennent pas lintellect. Et ce que nous appelons intelleccerveau est aussi lintellect avec tous ses opposs dans son pr

    domain e, com m e pa r exem ple lignoran ce, le ra isonnem ent , la cla

    cation, lorganisation etc...

    Dans ces deux vastes domaines, lamour et lintellect proprem

    dits ne diffrent de leurs opposs que parce quils ont retrouv

    essence, et parce quils se sont dgags la fois du sujet et de lo

    et de toutes les autres dualits. Mais dj leur propre dualit ini

    est mythique, et nest en aucune faon diffrente des autres dua

    mythiques quelles que soient les prtentions que puissent avoir

    tellect ou lamour de trouver eux seuls la nondualit. Cha

    domaine a un infini qui lui est propre mais quil a tort de cr

    universel.

    A leur insu, et ds lorigine, lintellect et lamour jouent

    rles en sassociant toutes les autres dualits. Ainsi lintellect

    lexpression de limmuable nonmanifest, qui domine la cra

    lamour est lexpression de ce qui est cr. Voici des millnaires

    lOrient attend que lOccident ait fini de jouer sa passion tra

    toutes les angoisses dramatiques de la Grande Illusion. Mais auj

    dhu i la Maya est termine, le ph nom ne peut tre rel, lacte

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    18/34

    vie en dehors des envotements devenus inutiles, de tous les en

    tements, ceux de lOccident et ceux de lOrient.

    Lenvotement hindou

    Le principal objet de notre expos sera de mette en vide

    lenvotement mditerranen et occidental, ce qui en une cert

    mesure sera facilit par son aspect extraordinairement dramati

    Il sagit dune vritable reprsentation thtrale qui sest drouavec des actes successifs, et des passions dchirantes. Des peu

    entiers se sont mis en marche, ont parl Dieu, ont mim l

    enthousiasmes et leurs dlires, se sont entrgorgs en portant

    tout avec eux, en eux, leur maldiction originelle et leur invinc

    tnacit, travers toute une Histoire semblable une nuit n

    dorage, sillonne dclairs. Pendant tout ce temps, lOrient immu

    at tenda it dans un absolu qu i lui aussi ntait qu un r le. Et voici lheure de t out es les Apoca lypses, sans sa voir pou rqu oi n i comm

    lOrient son tour est pris dans des rvolutions. Il est incontesta

    par exemple, que lunit hindoue est brise par lIslam, qui est

    de larbre judochrtien. L, lIslam agit comme un dissolvant

    ferment rvolutionnaire, un alli de lOccident, contre lequel la tr

    tion h indoue est in capa ble de se dfendr e.

    Mais tudier les transformations de lenvotement oriental

    f t ce 'qu a vec quelques dtails, serait un e t che dm esure

    dailleurs nous ferait perdre de vue notre but essentiel. Ces tr

    formations, loin dtre la courbe dun droulement dramatique

    des variations infinies sur un mme thme.

    LOccident a parcouru tout seul une immense trajectoire,

    dant que lOrient sest peine dplac autour dun seul centre

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    19/34

    en soi, et mythique. En effet, ltre stant tout entier situ l

    rieur dune seule de ses facults, lintellect, il a t cont

    dattribuer au seul intellect un caractre de ralit, et dattribu

    son autre facult, lamour, un caractre illusoire. Ne se reconnais

    quau sein dune partie de soimme (comme le fait le person

    je dans un rve) il a pris la partie pour la totalit.

    De l les rapports qui unissent la nondualit mtaphys

    (intellectuelle) Brahma, lunivers : lunivers manifest ne se

    tingue de lui que dune faon illusoire, car rien, par dfinition, nen dehors de lui, mais lui, Brahma, se distingue absolumen

    lunivers, en le dclarant illusoire. Il sagit de percer lillusion

    saffranchir de la grande Maya, donc aussi de la facult damou

    de tout ce quelle comporte, cestdire de lexprience sous to

    ses formes.

    Un tel point de dpart ne peut que donner une doctrine to

    parfaitement cohrente, parfaitement exclusive de tout le reste, toutes ses innombrables ramifications dans tous les domaines d

    vie. Elle existe par ellemme, elle est bien plus quune atmosph

    elle est un vritable envotement. On peut tre en dehors de

    envotement, et par consquent ne pas le comprendre et ne

    laccepter, mais si lon est lintrieur de lui, on est contrain

    laccept er tout ent ier on nest plus libre den sortir car son emp

    est totale.

    Disons en passant que si cet envotement navait pas ce ca

    tre absolu il naurait pas pu se maintenir. Lenvotement occide

    par contre, ayant un caractre essentiellement passionnel, exp

    mental et changeant, donne le sens de libert dont il a besoin p

    voluer. Le Christ, tout comme la Bvolution franaise a insist

    la libert. Quant savoir ce que les hommes en font cest une a

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    20/34

    en soi, indpendamment de tous les individus qui se sont identi

    lui. Ces ind ividu s nont pas cha pp la loi gnr a le selon laquetant quun mythe particulier na pas pris fin, les individus qui con

    tuent comme les cellules de ce mythe, peuvent se librer vritab

    ment , ma is en a ccomp lissa nt les gestes et en pr ena nt les at titudes

    correspondent lessence du mythe.

    Nous verrons comment en Occident les gestes ont vari au

    et mesure que le Mythe sest droul. En Orient au contraire

    Mythe ayant t immuable, les librations se sont toujours fa

    suivant une mme reprsentation. Lorsque des schismes se s

    produits, comme le Bouddhisme, les reprsentations se sont spar

    dune faon trs nette, chacune ayant sa vie soi, do la coexiste

    en Asie de civilisations diffrentes, tandis que lOccident mal

    toutes ses diversits a, chaque instant, une seule dominante

    Reprsentations mythiques

    Le processus suivant lequel la connaissance intellectuelle

    cristallise en doctrines et en lois sociales est assez simple c

    prendre. Tout dabord, si nous reprenons ce que nous disions pr

    demment au sujet du temps, nous devons constater quil est imp

    sible de retracer lorigine du Grand Mythe, puisque le Mythe eTemps ont une origine commune, et ne sont que deux aspects d

    mme phnomne. Le Mythe na donc pas t cr par des individ

    pas plus que les individus nont t crs par lui, mais cha

    individu porte en soi, en son inconscient, le thme initial du My

    non rsolu. Tout le but et la raison dtre dun individu est de

    soudr e le Mythe, ma is il ne peut le fa ir e qu en fon ction de lui, puis

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    21/34

    temps sont accomplis. Nous ne devons jamais cesser de tenir pr

    notre esprit cet accomplissement, car il cre des possibilits contredisent toutes les lois historiques. Lorsque nous parlerons

    la ncessit o se son t t rouvs les individus dan s le cours de lHist

    il sera entendu une fois pour toutes que ces ncessits ne n

    touchent plus.

    Ainsi la ncessit o se sont toujours trouvs les individus

    rsoudre le Mythe est remplace par la possibilit que nous av

    daller au del du Mythe. Mais, pour revenir au Mythe hindou, dpart les grands Librs qui il a donn naissance travers les

    nont pu que reprsent er lhommeint ellect dlivr de la Maya, d a

    part les normes masses humaines qui sont nes et mortes au s

    de ce Mythe nont pu que reprsenter, dans la Maya, la project

    de ces dlivrances.

    Noublions pas que le moyen de la connaissance fait un ave

    connaissance ellemme. Lorsque la connaissance est purement

    taphysique elle na absolument aucun rapport avec la psycholo

    Par consquent ds lorigine de sa recherche, lindividu, cet lm

    isol de conscience qui porte dans son inconscient le thme du My

    intellectuel, a dj accept lexistence dun vouloir universel, et

    est dj soumis. Cest mme en cela que rside le fait dapparten

    ce Mythel. Ds lors la r echerch e ind ividu elle se poursu it suivan t

    lois de ce vouloir, car par dfinition le dsir individuel de parven

    la connaissance ne reconnat pas sa vraie nature amoureuse. Pa

    que le dsir na pas la libert du choix il a lair dtre inexistant, e

    volont se croit seule.

    Cest ainsi que lintellect, ou Adam, qui constitue la vrita

    entit de ce per sonnage qu est le Mythe hindou, a une volon t p rop

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    22/34

    (cest le thme initial du Mythe qui spare lindividu de luniver

    le m oi du ce l a , vu du ct intellectuel), et que pour ta ntidal, sauf quelques trs rares exceptions, nest jamais atteint

    personne. Il en rsulte lillusion suivante : la thorie et toutes

    voies de la connaissance, les mthodes, les ordres tablis, les lois

    dveloppement, les catgories, les classifications, les divisions,

    correspondances, les oppositions, les normes accumulations de d

    trines, de lois sociales et individuelles, et le formidable apparei

    lorthodoxie hindoue, le plus complet qui soit au monde, tout

    appareil millnaire qui pour lesprit le plus orthodoxe est une ap

    cation de la vrit, est au contraire un chafaudage intellectuel

    lintellect sest construit luimme pour parvenir son accompli

    ment.

    Lillusion organise

    Lintellect part du principe que la cration toute entire est

    illusion absolument inexistante en face de son infinit lui, mai

    veut rgir cette illusion et cette nullit en appliquant la vrit

    Maya, sans se rendre compte que de son propre point de vue

    vrit une fois applique lillusion nest plus en aucune faon

    vrit, mais lillusion ellemme. Quels que soient en effet les deg

    de lillusion, la vrit mtaphysique en est totalement absente,

    la vrit na pas de degrs.

    Labsolu mtaphysique indfiniment borgne se condamne ain

    fa br iqu er un t emps collectif indfinimen t lon g au sein dune i

    sion o il sest ja m a is inter dit de reconna tr e une r alit q

    conque, mais quil veut asservir ses fins propres. Ainsi, loin d

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    23/34

    Nous nen donnerons quun exemple encore, avant daborde

    Mythe occidental : celui des castes. Le systme des castes est basle Dharma de chacun cestdire sur le fait que selon sa pr

    nat ure, ch aqu e in dividu se com port e dun e fa on par ticulire, pos

    certa ines apt itudes, peut rem plir cert aines fon ct ion s et se dvelo

    suivant certaines lignes. Or nous sommes faits de deux lmen

    dune part latavisme, dautre part ce qui constitue notre force

    sonnelle et originelle, ce qui n ous caractr ise ds n ot re n

    sance (1). Nous avons des caractristiques qui nous font appart un groupe typologique plutt qu un autre. Ces groupes peu

    tre t ablis pa r com m odit suivan t des classificat ions for t diffren

    Types pr imitifs et Mta types const ituent un e vrita ble Srie N

    relle humaine, dont le genre se dfinit par la Constitution, les

    par le tem pram en t, lindividu par la dtermination du type

    tous ces car actres dter minen t nos apt itudes, et cellesci

    vra ient dter miner nos fonct ion s sociales. Il ne viendr a ja m alide de personne, dit encore le Dr. Martiny, datteler un pur

    u ne cha rr ue, ni de fa ire cou r ir un cheval de t rait . Or, en pr inc

    si lon donne au m ot caste sa vra ie s ignifica t ion fonct ion

    cia le , on voit qu il sagit l d un e loi na tur elle qu i ju squ ici a

    t mconnue par la civilisation occidentale. Mais le systme ri

    et thorique suivant lequel chaque individu ds avant sa naiss

    appartient une caste sociale dont en pratique il lui sera, malgr

    thorie, absolument impossible de sortir, cette doctrine qui ne t

    aucun compte de la personnalit, mais qui dfinit lindividu

    latavisme quil est cens avoir et par la fonction sociale de

    parent s, cett e t r adition qu i dclar e illusion, Maya devant to

    les donn es psychologiques, loin dtr e un e a pplica t ion d

    vrit, est une vritable mythocratie anonyme, inexorable, tyra

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    24/34

    on les tablir lavance? Les recherches typologiques contem

    ra ines, les tests qui perm ett ent de dgager la vra ie na tu relenfant, et enfin les instituts pour lorientation professionnelle

    respondent davantage la vrit. Soumettre un individu quel q

    soit, un e loi qu i pr tend corr espon dr e un e loi n a tu rell

    qui p rt end lapp liquer , cest tout simplemen t substituer c

    loi naturelle une loi artificielle qui na rien de commun ave

    vrit.

    Lexemple des castes peut stendre tout le systme hindo

    tous les systmes du monde, tous les rites, toutes les thorie

    toutes les sommes thologiques que la terre a vu fleurir et mouri

    toutes les voies , toutes les doctrines, toutes les Eglises. Cha

    fois que les homm es ont vou lu a ppliqu er la vrit ils on t

    linverse : ils ont construit des chafaudages qui devaient les m

    elle, en croyant pouvoir construire dans le temps des simulacre

    des images de ce qui ne peut tre ni simul ni imagin, labso

    vrit, lternel.

    Le rle d'Ada m

    Le Grand Mythe OrientOccident peut aussi bien sappele

    mythe mtaphysiqueexprience, ou le mythe connaissancescie

    ou le mythe synthseanalyse, ou le mythe absolutransitoire, ou

    myth e vritillusion , ou le mythe impersonna lit personnalit, o

    mythe celamoi, ou le mythe cerveaucur, etc... En parlant d

    faon extrmement gnrale on peut dire que les groupements

    mains se sont rpartis de faon reprsenter, jouer, ces d

    rles. Le but de cette reprsentation dramatique est la rconciliat

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    25/34

    lments qui sont lintelligence et les sentiments, ou lme e

    corps, et ainsi de suite indfiniment, partout et toujours jusqu prsenter le Mythe dans toutes les complexits de la vie).

    Les rles des deux Personnages du Grand Mythe peuvent

    dfinis suivant la faon dont on appelle ces Personnages, mais

    noms, bien que diffrent s, ra conteron t un e m me histoire. L

    n it doit se ma int en ir imm ua ble, a ffn de fcon der 1 illusio

    de la fconder constamment travers le droulement histori

    ju squ au jou r o, aprs de mult ip les m ta morphoses, 1 illu sio

    donne enfin naissance la Vrit. De son ct llment fconda

    a malgr lui subi les transformations quil a imposes. Si

    chemin est moins dramatique, moins douloureux, et moins long,

    nanmoins la mme dure que lautre.

    Les deux mouvemen t s peuvent tre com pa rs ceux des aigu

    dun e mon tr e : la iguille qui in diqu e les heur es ne se dp lace

    dun signe lautre pendant que laiguille analytique des min

    est oblige de faire tout le tour du cadran. A la nouvelle heu

    nanmoins elles se trouvent toutes deux dplaces, et ne se su

    posent plus. Elles taient unies minuit, elles ne le seront

    nouveau qu midi. Laiguille des heures ne se sera jamais une s

    fois dpartie de sa logique tranquille, cependant que lautre aura

    douze fois rpter la vrit sans la connatre. A cause de cette d

    ne laventure judochrtienne est essentiellement dramatiqu

    symbolique. Les douze aptres, la mise en croix six heures, la m

    neuf heures, et le soleil qui sest obscurci jusqu midi, puis e

    le soleil du grand midi, ces signes symboliques qui nous vien

    immdiatement lesprit, parmi des centaines dautres symbo

    nous indiquent dj lopposition des car actres des deux Personn

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    26/34

    de natre, et la Vrit aussi vient de natre, qui est universelle. Q

    lOrient prenne garde tout autant que lOccident, car nous avons t

    assez jou, cela suffit, les rles nont plus aucune signification, et l

    puissance hypnotique sera brise en miettes au milieu des p

    grandes convulsions.

    mu

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    27/34

    LE CHANT DE LA VIE

    (Fragment s)(1)

    J e te le dis, c'est sur la pou rritu re de lesp rit et du c u r

    schafaudent les orthodoxies.

    L e tranquille tang dort sous les bois, recou ver t dun m ant

    vert; ainsi la V ie est recou vert e par les accum ula tions d es pen

    automnales.

    La d ou ce feu ille est lou rd e de la pou ssire du d ern ier t ; a

    la Vie est lasse dun am our agon isant.

    Quand tes sens et ta pense sont encercls par la crainte de

    d com position, alors, ami, tu es pris dans lobscurit dune jour

    qui steint.

    Une ten d re feu ille gt et se fa n e dans lom bre d un e im m e

    valle.

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    28/34

    O am i, tu ne peu x pas lier la V rit. Elle est com m e lair, l

    illim ite, ind estructible, incom m ensurable. Elle n a pas de d em eni de tem ples, ni dau tels. Elle n est daucun Dieu , qu el qu e so

    zle de ses adorateurs. Peu x-tu d ire de quelle fleu r un ique lab

    a fait son m iel? O am i, laisse lh rsie lh rtiqu e, la religio

    lorthodoxe; mais recueille la Vrit dans la poussire de ton e

    rience.

    IUIIH1I

    L am ou r -est sa prop re d iv in it. Aban d on n e pou r lui le fard

    dun esprit ingnieux, et tu ne redouteras plus langoisse de

    am ours. L am ou r n est pas en cercl par lespace et le tem ps, n i

    les invent ions sans joie de lesprit . L am ou r se plat d ans la rich

    dun cu r qui a longtem ps err parm i la con fu sion des objets d

    poursu ite. L e Soi, le B ien -aim , ce que chaque ch ose rcle dad

    ble, est lim m orta lit de lam our. Pourqu oi chercherais-tu p lus l

    Am i, pou rqu oi chercherais-tu plus loin ? Cest dans la pou ssire

    am our dsord on n que se trouve la rout e in fin ie de la vie.

    J. KRISHNAMURTI.

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    29/34

    C H R O N I Q U E

    L ew is Carroll . Pierre Guguen. Frobenius. Cah

    dArt. Quelques peintres.

    LEWIS CARROLL : Alice au pays des merveil les (Les uvreprsentatives, Paris).

    P r e n e z s o in d u s en s d e l a p h r a s e , l es m o t s p r e n d r o n t s o i n d ' i u x -m m

    J e v ie n s d e c i t er u n e p h r a s e d u n l i v r e t r s c o n n u , e t a u q u e l A

    B r e t o n fa i s a i t u n e a l lu s i o n d i s cr t e d a n s le P r e m i e r m a n i fe s t e d u s u

    l i s m e : A li c e a u p a y s d e l t o n n e m e n t (c e p a y s d e l t o n n e m e n t

    c e lu i o l o n n e s t o n n e d e r i e n ) . I l fa u d r a i t d e m a n d e r R e n C r e v e l

    a co m p r i s ce liv r e c o m m e p e r s o n n e d e n o u s m o n t r e r c o m m e n t l e sp r i t

    f r i e s s h a k e s p e a r i e n n e s es t p a s s e n se m t a m o r p h o sa n t d a n s l e l iv r

    L e w i s C a r r o ll . J e n e v ou d r a i s p a s m e m o n t r e r t r o p b a r b a r e e n p a r la n

    p h i l o s o p h e d u n l i v r e c r i t , e n a p p a r e n c e , p o u r l e s e n f a n t s . J e d o n n

    s i m p le m e n t l i n d i c a t i o n s u i va n t e . Un e g r a n d e jo i e in h u m a i n e p a s se s u

    l i v r e d o n t l h r o n e a b o l i t e n e l l e m m e l i n d p e n d a n c e d e s t r e s e t

    c h o s e s . E l l e e s t a u m i l i e u d e t o u s l e s p h n o m n e s c o m m e l e c e n t r e v e r t i g e o e l le n e t a r d e p a s s e v o i r p r i s e s o n t o u r : l u n i v e r s e s t l e

    d A l ic e . Ma i s Al i c e e s t l e r v e d e c e t u n i v e r s i m a g i n a i r e .

    C e s t l e m o n d e o l a l u m i r e n e s t p a s p t r i e a v e c l a v i e . L a l o g i q u e ,

    l e x p r i e n c e . L a r a i s o n , s a n s l a m m o i r e . L e s y e u x , t r s l o i n d u c u r , c a

    r e g a r d s e st fa i t u n e m e d a n s l a p l u s b e l le d e s i m a g e s .

    C e q u i a r r i ve q u a n d o n v i t r e c u l on s , d i t a i m a b l e m e n t la R

    o n s e s e n t t o u t d a b o r d t o u r d i .

    V iv r e r e c u l o n s , r p t a A li c e a u c o m b l e d e l t o n n e m e n t ...

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    30/34

    Q u a n d j e m e s e r s d u n m o t , d i t H u m p t y D u m p t y , il s ig n i fie

    t e m e n t c e q u e j e v e u x q u i l s i g n i f i e , n i p l u s , n i m o i n s . . . P l u s i e u r s d

    e u x o n t u n c a r a c t r e ... D es a d j e c t i fs , v o u s p o u v e z fa i r e c e q u e v o u s v o

    m a i s p a s d e s v e r b e s . (D e l a u t r e c t d u m i r o i r ) .

    T o u t e s t c h a n s o n d a n s c e l i v r e , m m e l a t r i s t e s s e . P e u t t r e a u s s i

    t o u t y e s t t r i s t e s s e . C e t o u v r a g e q u i l e s t i n d i s p e n s a b l e d e c o n n a t r e e

    r e l i r e n e x is t a i t q u e n d i t i on d e lu x e . J e v o u d r a i s v o i r c et t e d i t i o n i ll u

    p a r u n a u t r e d e s s i n a t e u r q u e J e a n H e . S i l e t e x t e d A l i c e a r e s s u s c i t d a n

    m o u v e m e n t s l it t r a i r e s d e c e s d e r n i r e s a n n e s , i l n e fa u t p a s o u b l ie r

    le p lu s c l b r e d e c es m o u v e m e n t s a v a i t p o u r p a r r a i n u n p e i n t r e q u e

    H e n e d o i t p a s a i m e r . J e ve u x p a r l e r d u m o u v e m e n t d a d a a u q u e l Ga u

    d e v a i t , s a n s s e n d o u t e r , i m p r o v i s e r u n n o m l a v a n c e .

    PIERRE GUEGUEN : Jeux cosmiques (Fourcade).

    D s l e s p r e m i r e s p a g e s d u l i v r e d e P i e r r e G u gu e n o n e s t p r i s

    t o u r d i s s e m e n t p l e i n d h e u r e u x p r s a g e s . C e q u i l s e f f o r c e d a c c o m p l i r

    ja m a i s t t e n t . E t p o u r t a n t q u i l s e m p lo i e la v o i le r d i r o n i e , je c o n s i

    s a t e n t a t i v e c o m m e e x c e s s i v e m e n t s r i e u s e . A u j o u r d h u i c o m m e a u t

    d E r a s m e , u n e v r i t s c i e n t i f i q u e s e r v l e t o u t d a b o r d c o m m e l a f i n dc r o y a n c e . I l e st t r a g i q u e a u p l u s h a u t p o i n t d e v r i fi er c h a q u e c ou p

    n o t r e i n t u i t i o n s e n s i b l e e s t r e t r a n c h e l a v a n c e d e n o t r e e x p r i e n c e i n t e

    t u e l l e , q u e n o u s n o u s d p l a o n s a v e c d a s s e z b o n s i n s t r u m e n t s d e x p l o r a

    d a n s u n m o n d e o n o u s a v o n s t c om m e a p p o r t s d a i lle u r s . D e l d c

    fa t a l em e n t , l a p e n s e q u u n e v ie b i e n h e u r e u s e d o i t se p o u r s u i v r e d a n s l a

    g le m e n t le s c h e m i n s d e n o t r e a n a l ys e n t a n t p a s c e u x d e la c r a t i o n

    p e n s e a u l iv r e d e L e w i s C a r r o l l, d o n t je p a r la i s p l u s h a u t : P a s s e z d a

    l e g t e a u , d i t p e u p r s l a r e i n e , v o u s v e r r e z q u i l s e d i v i s e r a e n s u i t e

    s eu l e n q u a r t i e r s . M a i s l e s f o r c e s , l e s m o u v e m e n t s d o n t l e p o t e s e f a i t l e t r u c h e m

    c o m m e n t c r o i r i o n s n o u s q u i l le s a p r i s t e ls q u e l s d a n s l u n i v e r s c r ? J e

    s o u v i e n s d u n p r o v e r b e p l u s o u m o i n s o r i e n t a l : P o t e , n e d i s p a s :

    p l e u t . F a i s p l e u v o i r . I l a p p a r t i e n t u n p o t e d e n t r e r d a n s le s d

    d e l e x p r i e n c e s c i e n t i fi q u e , et d p r o u v e r s u r l e s fa n t m e s q u i l y v a

    c o n t r e r l e s e f f e t s d e s a f o r c e c r a t r i c e .

    C el a n a ja m a i s t t e n t q u o i q e n d i s e P i e r r e G u g u e n l u i m

    C e s t s u r l e s t e r r e s d s o l e s d e l a b s t r a c t i o n q u e l a p o s i e d i d a c t i q u e , a u t r e

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    31/34

    ma is in explica blem en t en cor e pr iv d ses dieux. I l se droba it sous lun

    apparence que lu i donnai t une t e rmino log ie forge par d es savan ts! Il te

    tous ses noms de larbitraire le plus inou. Il navait dexistence, ainsi,

    dans le domaine de l incontrl.

    P our dchir er cet te pr ison verbale , i l ny a vai t qu un pa r t i pren

    celui de lhumour. A la condit ion quon et dans le cur toute cet te

    cosmique o le dsespoir est contenu, qui a enfant cet te phrase prise

    jou r en p ig r a ph e p a r Ma r cel J ou h a n dea u : Le ch a r de Dieu es t fa i

    mil le clats de rire . Pierre Guguen a admirablement russ i . Et , pre

    l inspi rat ion pot ique t ravers les formes qui la rendent sa vr i table na

    de langage primit if do la prose devait sort ir par tous les temps

    veux dire t ravers sa forme classique, arrosant du sang des ges la plage

    rayons verts , des rayons bleus, i l a russi peupler les bois de l inco

    leur donner des d ieux, vei l ler son inconscient dans la profondeur

    univers qui ne savait pas que la chair tai t au monde.

    Voil le tour de for ce. P a rfai tem ent ra l is. Gr ce tout es les fo

    vives de posie que Pierre Guguen porte en luimme. Grce au pou

    quil a demployer la langue du vers et de la strophe. Cest ce livre qu

    prendrais le p lus volont iers la main pour prouver des tudiants

    le pome nat avant la posie et quil obit une rgle dor; quil a

    aurore dans une forme, hors de laquelle i l peut garder sa beaut, ce

    mais o i l ne reprendra pas ses espr i t s sans ressusci ter en lu i tout un m

    paen o i l arrive bien souvent en fin de compte que Marsyas ai t ra

    dApollon.

    Ce l ivre mapporterai t luimme, en effet , la preuve que toute po

    authentique, quelque domaine de l irrel quel le doive davoir pris

    sance, se dcouvre une raison dt re suprme et un sommet vivant

    cet t e sensa tion de soi qui r epr en d lh om m e tous les p roblm es,

    lamne rsoudre par l expdient de la vie le problme de ltre e

    n ontre. La douleu r intrieure, toute ins pir a t ion p otique se tr ouve

    mentanment soulage par cet te dcouverte que fai t l homme de lobjet su

    qu i l est redeven u u n corp s la fois sujet et objet . Centr e ma tr ie

    inonde et qui a ce monde pour centre spi r i tuel .

    Cest au lendemain de cet te dcouverte dont j avoue, pour ma

    quel le fai t un peu plir Hegel derrire lombre mconnue de l imm

    Schopenhauer que le pote peut vraiment poursuivre l exprience la p lus

    fondment humaine t ravers des uvres de ci rconstance. Sa conscience

    plus extrieure lui est devenue une espce de mtaconscience o

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    32/34

    c h o c ) le s oi n d a n a l y s e r la d e u x i m e p a r t i e d e s o n r e c u e i l . R o s i e r

    m e r s j i n t r o d u i s la fi n d e c e s n o t e s q u e l q u e s r e m a r q u e s s u r l e n " 89C a h i e r s d Ar t L A fr i q u e p a r L o F r o b e n i u s e t H e n r i B r e u i l.

    D e la m a s s e n o r m e d e d o c u m e n t s r a s s e m b l s p a r l u i , F r o b e n i u s s a p e r

    u n j o u r q u u n e v o i x s l v e : e t c e t t e v o i x e st la v o i x m m e d e l a

    L es p r i t m m e d e la v i e o r ga n i q u e r c l a m a n t u n m o d e d o b s e r v a t i o n e t

    r e c h e r c h e a b s o l u m e n t n o u v e a u . F r o b e n i u s , d i s c i p l e e n c e l a d e G o e t h e , s i n t e

    d e d c o m p o s e r u n o b j e t , s e l o n u n e m t h o d e r a t i o n n e l l e , e n u n i t s m a

    m a t i q u e s . M a i s , p r o c d a n t p a r i n t u i t i o n , i l v e u t l e c o n s i d r e r t r a v e r s

    t o t a l i t , l e p n t r e r d u n r e g a r d q u i l u i i n v e n t e u n e e s s e n c e . M t h o d e

    r e c h e r c h e r e m i se en h o n n e u r , d e n o s jo u r s , p a r H u s s e r l .M a i s c e c i , q u e j a i p u i s d a n s l t u d e d u p r o f e s s e u r O t t o , n e s u f f i t

    c a r a c t r i s e r l a m t h o d e d e F r o b e n i u s . I l m e p a r a t s e r i n c o r p o r e r

    c a t g o r i e d e s d i s c i p l e s d e H e g e l , p a r s a c r o y a n c e q u e c e q u i l y a d e

    a n c i e n n e d i s p a r a t p a s , m a i s p e r s i s t e j u s q u n o s j o u r s s o u s d e n o m b r e u

    f o r m e s d e l a c t i o n e t d e l a c r a t i o n d a n s l e s t r a d i t i o n s h i s t o r i q u e s e t

    r c i t s m y t h i q u e s . (V oi r s e s 12 v olu m e s d e c o n t e s a fr i c a i n s ).

    J e n e p e u x p a s d o n n e r i c i u n e a n a ly s e d t a i ll e d e c e fa s c i cu l e a b o n d

    m e n t i l lu s t r e t q u i d e v r a i t s e t r o u v e r d a n s t o u t es l es m a i n s . Ma i s p u i

    n o u s p a r lo n s d e C a h i e r s d Ar t e t qu e je m t a is p e r m i s , d e r n i r e m e n t , l g r e c r i t i q u e l e n d r o i t d e T r i a d e , q u o n m e l a i s s e r e n d r e h o m m a g

    c e t t e r e v u e d o n t je r e c o p i e i c i , e n s ou l i gn a n t d e s n o m s m o n g r , la f e

    d a n n o n c e s p u b l i e p a r l a R e v u e N o u v e l l e .

    . . . D a n s l es c o ll e c t i on s d e C a h i e r s d Ar t , v o u s t r o u v e r e z d e s t

    c o m p l t e s , i l l u s t r e s d e t r s b e l l e s r e p r o d u c t i o n s p l e i n e p a g e s u r l e s r

    s a t i o n s le s p l u s r c e n t e s d e s p e i n t r e s : Br a q u e , C h a g a ll , D u fy , M a x E r

    P a u l K l e e , F e r n a n d L g e r , J e a n L u r a t , M a r c o u s s i s , O z e n f a n t , P i c a s s o e t c

    D a n s le d o m a i n e d e l i n f o r m a t i o n o je m e t i e n s e n c e m o m e n t , i l n

    p a s d i n d i c e d o n t o n p u i s s e d i r e q u i l e s t t r o p l g e r . . . U n d e s d e r n i e r s n u m d e Va r i t !:, d c r i v a i t la d e m e u r e d u n m a r c h a n d d e t a b l e a u x : l e v e st i

    t a it or n d e p e i n t u r e s d e F e r n a n d L g e r . To u t e u n e s a lle t a it c o n s a c r

    M a x E r n s t . L e p a r a l l l e t a i t f a c i l e t a b l i r . J e p r f r e , p o u r m a p a r t , o p p

    O z e n f a n t M a x E r n s t . E t , s u r t o u t , s o u l i g n e r q u O z e n f a n t d a n s s o n d e r

    l iv r e Ar t a e u li n s p i r a t i o n v r a i m e n t g n i a l e d i n t r o d u i r e d e s u v r e s

    M a x E r n s t , d e r e s t e r a s s e r v i l i d e q u i l r e p r s e n t e , e n l u i d c o u v r a n t

    v e r s a n t q u i n e s t p a s le s i e n . Q u i , e n n o u s , p a r s u i t e , e s t le s i e n . I d e n t i fi c a

    t o u j ou r s en v a i n p o u r s u i v ie d e la c o n s c ie n c e m a l h e u r e u s e e t d e l a c o n s c i e

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    33/34

    FRANZ WERFEL : Le coupable cest la victime (Stock, dite

    U n d e s p l u s b e a u x t r a i t s d h u m o u r d A n d r G i d e a v a i t t d i n s c r i r e p i gr a p h e u n c h a p i t r e d e s F a u x - M o n n a y e u r s i n t i t u l l e r g i m e C e llu l a i

    c e t t e lo c u t i o n a t t r i b u e ( e n t r e a u t r e s ) M . B o u r g e t : l a f a m i l le , c e t t e c e

    s o c i a l e . .. D a n s c e li v r e d e W e r f e l , on v o i t , a v e c u n e v i o l e n c e q u e l o

    c o n n a t p a s a u x o u v r a g e s d e G i d e , l e r g i m e c e l l u l a i r e l o u v r a g e . . .

    L a t m o s p h r e c r a s a n t e , d u n e d i s c i p l in e d e p r i so n , cr e p a r l e

    a u t o u r d u n f i l s t i m i d e e t f a i b l e , a l l a n t j u s q u l h a l l u c i n a t i o n e t j u s q u

    v e l l i t d e p a r r i c i d e , e s t c e l l e d a n s l a q u e l l e b e a u c o u p d e j e u n e s g e n s

    v cu , e t c e la a t s o u v e n t d c r i t . O W e r f e l p a r a t p lu s i n t r e s s a n t e n

    c e st q u a n d i l se m b l e n o u s i n v i t e r c o n s id r e r q u e l e P r e a r r i v e a u mr s u l t a t p a r l a d o u c e u r q u e p a r la d u r e t . L a r i v a l i t d u P r e e t d u F i l s

    lo r s , n e st p l u s c e l le d u n h o m m e e t d u n h o m m e : ils p e u v e n t s a i m e r

    t a n t q u h o m m e s , o u p l u t t i l s p o u r r a i e n t s a i m e r s i l s n t a i e n t l e P r e

    F i ls . M a is il y a u n e i n v i n c i b l e L o i d e s G n r a t i o n s , u n e fa t a l i t i n h u m

    q u i l e s d r e s s e , e n q u e l q u e s o r t e m a l g r e u x , l u n c o n t r e l a u t r e ; l a l u t t e d u

    e t d u F i ls , c e st la lu t t e d u P a s s e t d u P r s e n t : c h a q u e p r e e s t c e L

    q u i e n g e n d r a d i p e : c h a q u e p r e e x p o s e so n f ils d a n s le d s e r t d e s

    t a g n e s , p a r c r a i n t e q u e c e l u i c i n e l u i e n l v e s a s o u v e r a i n e t . .. M a i s , c o

    d i p e c h a q u e fi ls , q u i l le s a c h e o u n o n , t u e s o n p r e ... L a fa o n t r s t r a n c h e e t c a r a c t r i st i q u e d o n t W e r f e l p o s e la q u e

    n o u s in c i t e , p r c is m e n t p o u r ce t t e r a i so n , u n e r s e r v e c on c e r n a n t le

    d e la r v o lt e f a m i li a l e . I l n e s a g it p a s d e s e r v o lt e r c o n t r e le P r e p

    q u i l e s t l e p r e , b i e n q u e c e s o i t p e u t t r e l u n e l o i d u m o n d e h u m a i n .

    e s t e x a c t q u e l e s t r a d i t i o n s d u P a s s s o n t p l e i n e s d e m e n s o n g e s e t q u e

    i r r a l i t s o i t d a n g e r e u s e , l a r v o l t e p i e d p i e d c o n t r e t o u t e t r a d i t i o n , l

    t h s e l i t t r a le d u m o n d e d u P r e n o u s p a r a t u n e e n t r e p r i se b i e n a v e

    g a l e m e n t , u n e r b e l l i o n p u r e m e n t d e s t r u c t r i c e q u i n e p e u t p o r t e r s e s f

    q u c o n d i t i o n q u o n e n s o r t e . L e m y t h e d e l a f a m i l l e e s t s o l i d a i r e d e d a u t r e s t r a d i t io n s b o u r g e o i s e s : p a t r i e , r a n g , a v e c le s q u e l le s o n v o i t

    l ia i s o n s m o r a le s . Il n e s t q u e t r o p v i d e n t , d a u t r e p a r t , qu e p a r l i n s t i t u t i o

    l h r i t a g e , i l e s t l i l c o n o m i e c a p i t a l is t e . U n e v r a i e r v o lt e f a m i li a l e n e

    a l le r s a n s la c o n s id r a t i o n d e ce s r e l a t i on s , sa n s u n e d i s cr i m i n a t i o n d

    q u i l y a d e p r i m e t d e c o m p a t i b l e a v e c l e n o u v e l t a t d e f a i t d a n

    t r a d i t i o n s p a t e r n e l l e s . S i n o n , e l l e n e s t q u u n r f l e x e i n c o n s c i e n t d e l i n s

    d e c on s e r v a t i on m e n a c , a v e c le q u e l n o u s p r i on s q u o n v e u i ll e b ie n n e

    c o n f o n d r e l a r v o l t e .

  • 7/30/2019 Carnet 3 - Mars 1931, par Carlo Suars

    34/34

    L I B R A I R I E

    J O S C O R TI6, RUE DE CLICHY - PARIS-IX

    LA REVOLUTION SURREALISTE

    LES CAHIERS DU SUD

    L E G R A N D J E U

    V A R I E T E S

    F R O N T

    N O R D

    P L A N SLA NOUVELLE EQUIPE

    C A R N E T S M E N S U E L S

    A R T E T L I T T R A T U R E D A V A N T - G A R DE

    T O U S L E S L I V R E S S U R L E C I N M A