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Bulletin dinformationDiffusion de jurisprudence, doctrine et communications

N 737Publication bimensuelle

1 mars 2011er

Les ditions des JOURNAUX OFFICIELS

internet

Consultezwww.courdecassation.frle site de la Cour de cassation

sur

En refondant son portail, la Cour de cassation a souhait : se doter dun site dynamique, lui permettant notamment de favoriser la remonte en page daccueil dinformations de premier plan ; rorganiser les contenus, accessibles par un nombre limit de rubriques et amliorer lergonomie du site pour favoriser laccs la jurisprudence et aux colloques organiss par la Cour ; faciliter la navigation sur le site par la mise en place dun moteur de recherche ; apporter des informations nouvelles : donnes statistiques, liens vers les sites de cours suprmes de lUnion europenne et du reste du monde, en plus des contenus presque tous repris de lancien site.

Bulletin dinformationC o mm u n ica tion s Ju risp ru d en ce D octrine

1 er mars 2011 Bulletin dinformation En quelques mots

En quelques motsCommunications Jurisprudence

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Le 3 novembre dernier, la chambre sociale (infra, no 269), rappelant que lemployeur a lobligation de fournir le travail convenu , a cass larrt estimant que la prise dacte de la rupture du salari produisait les effets dune dmission, alors quil rsultait de ses constatations que lintress avait t remplac dans ses fonctions de rdacteur en chef et quaucune autre affectation ne lui avait t propose . Christophe Rad (Droit social, janvier 2011, p. 95-96) prcise ce sujet que lemployeur qui ne fournit pas au salari le travail convenu sexpose de nombreuses sanctions , dont le paiement contraint des salaires (...), des dommages-intrts pour licenciement sans cause relle et srieuse [en cas de prise dacte de la rupture par le salari] (...), une indemnit compensatrice de pravis , mais aussi, le cas chant, (...) des dommagesintrts rparant spcifiquement le prjudice rsultant du caractre vexatoire de la mesure (...), qui pourra dailleurs galement participer de la qualification de harclement moral .

Par arrt du 10 novembre 2010, la deuxime chambre civile (infra, no 263) a quant elle jug que laction en paiement de dommages-intrts pour manquement de lassureur son devoir de conseil, qui na pas le mme objet que laction en excution dun contrat dassurance, ne se heurte pas lautorit de chose juge de la dcision rendue sur cette dernire . Dans son commentaire, Jean-Jacques Barbiri (JCP 2010, d. G, no 1270) note que la deuxime chambre civile parat aujourdhui plus clairement dispose limiter les applications de lobligation impose aux parties de prsenter, ds linstance relative la premire demande, lensemble des moyens quelle estime de nature fonder celle-ci, telle quelle a t cre en assemble plnire en 2006 [...] puis mise en uvre par de nombreux arrts ultrieurs , solution quil rapproche dun arrt rendu par la chambre sociale le 16 novembre 2010 (infra, no 301), assouplissant la rgle de lunicit de linstance en matire prudhomale.

Bulletin dinformation 1 er mars 2011En quelques mots

Doctrine

Aux termes de cet arrt, en effet, la rgle de lunicit de linstance institue par larticle R. 1452-6 du code du travail [aux termes duquel, en son alina premier, toutes les demandes lies au contrat de travail entre les mmes parties font, quelles manent du demandeur ou du dfendeur, lobjet dune seule instance ] nest applicable que lorsque linstance prcdente sest acheve par un jugement sur le fond . Dans son commentaire, Isabelle Ptel-Teyssi (JCP 2010, d. S, no 1517), tout en qualifiant cette solution de vritable revirement susceptible de modifier les contours de lobligation de regroupement et de la fin de non-recevoir qui en rsulte - analyse que lon retrouve dans la Revue de jurisprudence sociale, janvier 2011, no 67, p. 68 ( le dsistement dinstance ne produira plus les effets dun dsistement daction ) -, estime cependant que la Cour de cassation sest cantonne la rgle dont elle tait saisie , en loccurrence linterdiction autonome de ritration .

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La troisime chambre civile, se prononant, par arrt du 10 novembre 2010 (infra, no 259), dans un domaine voisin, a quant elle jug que les parties pouvant faire valoir en cause dappel un moyen nouveau lappui de leurs demandes, le bailleur commercial qui sollicitait devant le premier juge le dplafonnement du prix du bail renouvel peut invoquer pour la premire fois en cause dappel un moyen tir de la dure du bail expir, mme si ce moyen ne figurait pas dans son mmoire pralable en fixation du prix du bail renouvel . Commentant cet arrt, Christine Lebel (Revue des loyers, dcembre 2010, jurisprudence, p. 470 et s.) note que la rgle pose par larticle 563 du code de procdure civile est justifie par loralit de la procdure devant la cour dappel et quen lespce, seul le moyen tir de la dure du bail initial est nouveau, alors que la prtention du bailleur, la fixation du loyer renouvel sans plafonnement, nest pas nouvelle .

1 er mars 2011 Bulletin dinformation Table des matires

Table des matiresJurisprudenceDroit europenActualits Page 6

Cour de cassation (*)I. - TITRES ET SOMMAIRES DARRTS ARRTS DES CHAMBRES NumrosAction civile Action paulienne Appel correctionnel ou de police Arbitrage Architecte entrepreneur4

Enqute prliminaire Entreprise en difficult (loi du 25 janvier 1985) Entreprise en difficult (loi du 26 juillet 2005) tat tranger Garde vue Impts et taxes Instruction Jugements et arrts Mariage Peines Procdure civile Procdures civiles dexcution Proprit littraire et artistique Protection des consommateurs Prudhommes Reprsentation des salaris Responsabilit dlictuelle ou quasi dlictuelle Scurit sociale, accident du travail Sparation des pouvoirs Socit commerciale (rgles gnrales) Statut collectif du travail Statuts professionnels particuliers

276 277-278 279 281 282-283 284 285 286-287 288 289 290 291 292 294 295 296 297-298 299-300 301-302 303 304-305 306 307 308 309

251 252 253 254 273 255 256 257 257-258 259 260 261-262 263 264 265 266-267-273 268 269 270 271-272 273 274 275

Assurance (rgles gnrales) Avocat Bail (rgles gnrales) Bail commercial Bail rural Cession de crance Chose juge Concurrence Conflit de juridictions Conseil juridique Construction immobilire Contrat de travail, excution Contrat de travail, rupture Convention europenne des droits de lhomme Conventions internationales Coproprit Divorce, sparation de corps Donation

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Les titres et sommaires des arrts publis dans le prsent numro paraissent, avec le texte de larrt, dans leur rdaction dfinitive, au Bulletin des arrts de la Cour de cassation du mois correspondant la date du prononc des dcisions.

Bulletin dinformation 1 er mars 2011Table des matires

Syndicat professionnel Testament Travail

310 311 312

Travail, rglementation, dure du travail Travail rglementation, rmunration Urbanisme

313 314 315-316

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1 er mars 2011 Bulletin dinformation Droit europen

JurisprudenceDroit europenActualitsCOUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

Rappel : Le bureau du droit europen publie une veille bimestrielle de droit europen disponible sur le site intranet de la Cour de cassation : http://intranet.cour-de-cassation.intranet.justice.fr/, sous la rubrique Documentation , et sur le site internet : www.courdecassation.fr, sous la rubrique Publications de la Cour . 1. Interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dgradants - Droit un recours effectif (articles 3 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales) Dans larrt El Shennawy c/ France, rendu le 20 janvier 2011, requte no 51246/08, la Cour conclut lunanimit la violation de larticle 3, en raison des fouilles corporelles pratiques sur le requrant, et la violation de larticle 13 de la Convention, le requrant ne disposant daucun recours effectif pour contester ces mesures.6

Faits : Le requrant est actuellement dtenu la maison centrale de Saint-Maur, en excution de plusieurs peines criminelles. En 1977, il fut condamn pour la premire fois la rclusion criminelle perptuit, commue en vingt ans de rclusion criminelle pour vol avec arme et squestration de personnes ; il est enregistr depuis le 18 aot 1977 au rpertoire des dtenus particulirement signals (ci-aprs, DPS ). Plusieurs condamnations suivirent, parmi lesquelles une peine de seize ans de rclusion pour squestration et vasion avec menace dune arme alors quil tait hospitalis en unit psychiatrique, et une peine de treize ans pour arrestation, squestration et vol avec arme en rcidive, lissue dun procs dassises ayant eu lieu du 9 au 18 avril 2008. Dans le cadre de ce procs, compte tenu de son pass pnal et de la dangerosit du requrant, un dispositif exceptionnel de scurit fut mis en place, concernant les vrifications didentit et la dtection dobjets dangereux, ainsi que les conditions dextraction du requrant de la maison darrt et de son coaccus, et leur garde pendant les audiences. Le requrant fut soumis de nombreuses fouilles corporelles intgrales avec inspection visuelle anale - de quatre huit par jour - effectues par les agents de lquipe rgionale dintervention et de scurit (ci-aprs, ERIS ), lesquels taient, selon lui, constamment cagouls. loccasion dune de ces fouilles corporelles, il affirme avoir t contraint par la force saccroupir et tousser, alors quil sy opposait. Ces fouilles taient enregistres par un camscope et ralises le plus souvent en prsence dun agent du Groupe dintervention de la police nationale (GIPN)1. Le 14 avril 2008, le requrant saisit le juge des rfrs dune demande de suspension de lapplication du rgime de fouilles intgrales. Le 15 avril 2008, sa demande fut rejete, le juge considrant que les mesures de scurit qui accompagnaient chaque extraction et chaque rintroduction au sein de la maison darrt ntaient pas dtachables de la procdure suivie devant la cour dassises et que la demande du requrant tendant la suspension des fouilles intgrales ne relevait pas de la comptence de la juridiction administrative . Aprs son procs, le requrant se pourvut en cassation contre lordonnance du 15 avril 2008. Par un arrt du 14 novembre 2008, le Conseil dtat annula lordonnance du juge des rfrs, considrant que les dcisions de ladministration pnitentiaire de soumettre un dtenu des fouilles corporelles intgrales relevaient de lexcution du service public administratif pnitentiaire et de la comptence de la juridiction administrative, y compris lorsque les oprations de fouille se droulent dans lenceinte de la juridiction et durant le procs. Le Conseil dtat rejeta nanmoins la demande en rfr prsente par le requrant, dfaut de caractre durgence (il ntait notamment pas allgu que le requrant allait tre soumis au rgime de fouilles litigieux lors dune prochaine extraction).1

La circulaire AP.86-12 G1 du garde des sceaux, ministre de la justice, du 14 mars 1986, relative la fouille des dtenus, prcise les modalits dapplication et de mise en uvre des prescriptions du code de procdure pnale ; une circulaire du ministre de la justice du 9 mai 2007 prvoit certaines dispositions, dont lenregistrement audiovisuel des fouilles corporelles pratiques par les ERIS.

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Griefs : Invoquant les articles 3 et 8 de la Convention, le requrant se plaignait des nombreuses fouilles corporelles intgrales pratiques par les autorits pnitentiaires et policires lors de son procs dassises. Il soutenait que ces fouilles corporelles taient injustifies. Il se plaignait galement de navoir pas dispos dun recours effectif pour contester ces mesures, contrairement ce que prvoit larticle 13 de la Convention. Dcision : Sur lallgation de violation de larticle 3 de la Convention : titre liminaire, la Cour rappelle que larticle 3 de la Convention, qui prohibe la torture et les traitements inhumains ou dgradants mme dans les circonstances les plus difficiles, tels la lutte contre le terrorisme et le crime organis , [] consacre lune des valeurs les plus fondamentales des socits dmocratiques ( 33). Elle admet que les mesures privatives de libert saccompagnent invitablement de souffrance et dhumiliation , mais prcise les obligations incombant aux tats de sassurer que tout prisonnier est dtenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignit humaine [] [et] qui ne le soumettent pas une dtresse ou une preuve dune intensit qui excde le niveau invitable de souffrance inhrent une telle mesure [] . Enfin, ces mesures doivent tre ncessaires pour parvenir au but lgitime poursuivi ( 34). La Cour, rappelant laffaire Frrot c/ France2, reconnat que les fouilles corporelles peuvent tre ressenties par les intresss comme une atteinte leur intimit, voire, leur dignit ; cependant, ces mesures, y compris les fouilles corporelles intgrales, peuvent parfois se rvler ncessaires pour assurer un but lgitime tel quen lespce, la scurit dans une prison, la dfense de lordre ou la prvention dinfractions pnales. Les juges europens recherchent si, dans la prsente affaire, les fouilles corporelles subies par le requrant taient ncessaires pour parvenir aux buts poursuivis et si elles ont t menes selon des modalits adquates , de manire ce que le degr de souffrance ou dhumiliation [] ne dpasse pas celui que comporte invitablement cette forme de traitement lgitime ( 38). Constatant que le requrant et le gouvernement sont en dsaccord sur le nombre de fouilles corporelles pratiques, la Cour reprend les termes de larrt rendu par le Conseil dtat, selon lesquels ces mesures taient pratiques quatre huit fois par jour. Elle note quil rsulte du rapport tabli par lERIS que le requrant devait se dnuder et accomplir une flexion ; en cas de refus, la force pouvait tre utilise pour ly contraindre. Selon la Cour, de telles pratiques allaient au-del [des modalits de fouilles] prvues par la circulaire lpoque des faits, qui ne prvoit que lobligation de se pencher et de tousser [] les flexions ayant t autorises par une note interne de juillet 2009 ( 39). Enfin, elle relve que certaines fouilles ont t effectues par des hommes cagouls et ont t filmes. Les juges europens observent que les fouilles corporelles intgrales en France concernent principalement les dtenus qui, comme le requrant, sont qualifis de dtenus particulirement signals . cet gard, ils reconnaissent, linstar du gouvernement, que le pass et le profil pnal du requrant justifiaient des mesures de scurit importantes lors des extractions vers la cour dassises, en particulier au regard des faits dvasion pour lesquels il a t condamn ( 42). Cependant, ils indiquent que ces faits dvasion remontaient quatre ans. La Cour dcide dexaminer les modalits pratiques des fouilles effectues sur le requrant. Elle observe que celui-ci a t soumis un cumul de fouilles pratiques tant par les ERIS que par le GIPN, alors que la note de service du ministre de la justice relative la fouille par les ERIS recommande dviter un tel cumul qui ne serait pas justifi, en particulier lors de la remise dun dtenu par les ERIS un groupe oprationnel tel que le GIPN ( 43). Le nombre de fouilles corporelles a dailleurs t particulirement lev entre le 9 et le 11 avril, jours o le requrant retournait djeuner la maison darrt, et les juges europens sinterrogent sur la ncessit et lutilit que reprsentait une telle pratique. Sagissant de lusage de cagoule sur les hommes ayant pratiqu les fouilles corporelles sur le requrant, la Cour rappelle la position du Comit europen pour la prvention de la torture3 (CPT) sur le sujet et fait tat de son arrt rcent Ciupercescu c/ Roumanie4, dans lequel elle a considr avec inquitude cette pratique intimidatoire qui, sans vouloir humilier, peut crer un sentiment dangoisse . Elle ne voit aucune raison de scarter de ce constat en lespce. Enfin, la Cour se prononce sur le fait que les fouilles corporelles ont t filmes, au moins les premiers jours du procs. Elle remarque quau moment des faits, les modalits de ces enregistrements ntaient pas clairement dfinies par la circulaire de 2007 et constate par ailleurs quune note de 20095 prcise que la fouille intgrale dun dtenu ne [doit] pas faire lobjet dun enregistrement vido qui pourrait tre interprt comme une atteinte la dignit humaine . Ds lors, les juges de Strasbourg estiment que les nombreuses fouilles corporelles pratiques sur le requrant ne reposaient pas comme il se doit sur un impratif convaincant de scurit, de dfense de lordre ou de prvention des infractions pnales [] et bien [quelles] se soient droules sur une courte priode, elles2 3

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CEDH, Frrot c/ France, 12 juin 2007, requte no 70204/01, arrt rsum dans la veille bimestrielle no 15 (juinaot 2007). Notamment le rapport du 10 dcembre 2007 rdig par le Comit et relatif la visite en France du 27 septembre 2006 au 9 octobre 2006 : le CPT se dit en principe oppos au port dune cagoule par les fonctionnaires concerns, ceci peut notamment faire obstacle lidentification de suspects potentiels, si des allgations de mauvais traitements sont formules par des personnes prives de libert . Il reconnat toutefois que cette pratique peut tre, dans certains cas trs particuliers, ncessaire, mais prcise quen ce cas, des signes distinctifs sur luniforme devraient permettre une identification du personnel par les autorits en charge de contrler lopration. CEDH, Ciupercescu c/ Roumanie, 15 juin 2010, requte no 35555/03. Note no 282 du 7 juillet 2009, de la direction de ladministration pnitentiaire, portant instructions complmentaires relatives aux fouilles effectues par les ERIS.

1 er mars 2011 Bulletin dinformation Droit europen

ont pu provoquer chez le requrant un sentiment darbitraire, dinfriorit et dangoisse caractrisant un degr dhumiliation dpassant celui tolrable parce quinluctable que comporte invitablement la fouille corporelle des dtenus. La Cour prend acte [] de la loi pnitentiaire de 2009, qui apporte un cadre lgislatif au rgime de la fouille des dtenus et dont larticle 57, bien que ne visant pas spcifiquement les DPS, limite strictement le recours aux fouilles intgrales, dsormais possibles [uniquement] si les fouilles par palpation ou lutilisation des moyens de dtection lectronique sont insuffisantes ( 46). lunanimit, elle conclut que les fouilles corporelles subies par le requrant sanalysent en un traitement dgradant et quil y a donc eu violation de larticle 3 de la Convention. Sur la violation allgue de larticle 8 de la Convention : Le requrant soutenait que les fouilles corporelles auxquelles il avait t soumis constituaient une violation de son droit au respect de sa vie prive, garanti par larticle 8 de la Convention. Le gouvernement ne contestait pas quil y ait eu ingrence, mais prtendait que ces fouilles taient prvues par la loi, quelles visaient les buts lgitimes de la prvention contre tout risque dvasion et, plus largement, de la dfense de la scurit et de lordre, et que ces mesures taient justifies au regard du profil du requrant. Les juges de Strasbourg considrent que ce grief est li celui examin sous langle de larticle 3 de la Convention ; eu gard au constat de violation de larticle 3, ils estiment quil ny a pas lieu de lexaminer aussi sous langle de larticle 8 de la Convention. Sur la violation allgue de larticle 13 de la Convention : La Cour rappelle que larticle 13 de la Convention impose aux tats de sassurer de lexistence dun recours effectif, permettant de se prvaloir des droits et liberts de la Convention et habilitant examiner le contenu dun grief dfendable fond sur la Convention et offrir le redressement ( 56). Elle constate quen lespce, le requrant est lorigine du revirement de jurisprudence opr par le Conseil dtat. En effet, ce nest quaprs larrt du 14 novembre 2008, reconnaissant la comptence des juridictions administratives pour connatre des contestations relatives aux fouilles corporelles ordonnes aux fins dassurer la scurit des prisons ou des oprations dextraction, que le recours par la voie du rfr-libert a t mis en place. Le requrant na donc pas bnfici de ce recours, qui nexistait pas au moment des faits.8

Ainsi, lunanimit, la Cour conclut que le requrant na pas bnfici dun recours effectif pour faire valoir son grief sous langle de larticle 3 de la Convention. Au titre de la satisfaction quitable (article 41 de la Convention), la Cour dit que le gouvernement devra verser au requrant 8 000 euros pour dommage moral et 5 000 euros pour frais et dpens. 2. Interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dgradants - Droit un recours effectif (articles 3 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales) Dans larrt Payet c/ France, rendu le 20 janvier 2011, requte no 19606/08, la Cour conclut lunanimit la violation de larticle 3 de la Convention, concernant les conditions de dtention du requrant en quartier disciplinaire, et la violation de larticle 13 de la Convention, concernant limpossibilit pour le requrant de faire valoir son grief relatif larticle 3 avant lexpiration de lexcution de sa sanction disciplinaire. Elle conclut enfin quil ny a pas eu violation de larticle 3 concernant les transfrements du requrant. Faits : Le requrant est actuellement dtenu la prison de Chteauroux, en excution de plusieurs peines criminelles prononces pour meurtre, vasion, organisation de lvasion de complices, vols main arme et violences volontaires avec armes sur des policiers. En octobre 2001, la suite de son vasion par hlicoptre de la maison darrt dAix-en-Provence, il fut class dtenu particulirement signal . Il fut plac lisolement complet et soumis des rotations de scurit consistant changer frquemment son lieu de dtention pour djouer dventuels projets dvasion. En juillet 2005, une tentative dvasion par hlicoptre, visant librer le requrant, choua. Le requrant saisit le tribunal administratif de Paris en avril 2007, en vue de faire suspendre les rotations de scurit auxquelles il tait soumis depuis trois ans. Par ordonnance du 25 mai 2007, le juge des rfrs estima que les transfrements du requrant avaient t rendus ncessaires, dune part, par sa comparution devant une cour dassises et, dautre part, par sa dangerosit avre et les risques dvasion particuliers quil prsentait. En juillet 2007, le requrant svada nouveau par hlicoptre. Il fut arrt en Espagne, incarcr en France la maison darrt de Fleury-Mrogis et soumis quarante-cinq jours de dtention au quartier disciplinaire. Le requrant soutient que les locaux y taient impropres la dtention dun tre humain, notamment en raison de la promiscuit (4,15 mtres carrs), de labsence daration et de lumire, de problmes dtanchit et de promenades en extrieur limites. Il allgue galement que le seul point deau en cellule tait un robinet donnant directement dans la cuvette des toilettes - qui faisait galement office de chasse deau - et que les toilettes ntaient pas cloisonnes, alors quelles taient situes prs du coin repas. La snatrice de lEssonne, en visite la maison darrt de Fleury-Mrogis le 19 novembre 2007, crivit dans son rapport que sa visite du quartier disciplinaire lavait profondment choque et que de gros travaux auraient d, depuis longtemps, tre raliss, de faon assurer, de manire digne, laccueil et la vie des dtenus.

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Les recours du requrant en rfr contre cette dernire sanction disciplinaire furent vains. Le 14 dcembre 2007, le Conseil dtat rendit son arrt sur le recours du requrant contre lordonnance du 25 mai 2007 du juge des rfrs. Sil annula cette ordonnance, estimant que la dcision soumettant le requrant des rotations de scurit ne constituait pas une mesure dordre intrieur mais une dcision administrative susceptible de recours pour excs de pouvoir, sur le fond, il rejeta la demande de suspension : le Conseil dtat considra que le rgime de dtention impos au requrant rpondait, eu gard ses tentatives dvasion rptes, sa dangerosit et sa catgorie pnale, des exigences de scurit publique. Griefs : Le requrant invoque une violation de larticle 3 de la Convention ; il se plaint, dune part, des rotations de scurit auxquelles il a t soumis et, dautre part, des conditions de sa dtention en cellule disciplinaire. Il estime par ailleurs que ces conditions de dtention taient galement contraires larticle 8 de la Convention. Invoquant larticle 6 1 et 3 de la Convention, il prtend que la commission de discipline ne satisfait pas aux conditions dindpendance et dimpartialit prescrites par cette disposition aprs sa seconde vasion et se plaint de navoir pu sentretenir avec son conseil pour prparer sa dfense, en raison des dplacements multiples qui lui ont t imposs. Enfin, il invoque une violation de son droit un recours effectif, garanti par larticle 13 de la Convention, en raison de limpossibilit de se plaindre des rotations de scurit auxquelles il a t soumis et des conditions de sa dtention. Dcision : Sur la violation allgue de larticle 3 de la Convention : La Cour se prononce en premier lieu sur la compatibilit des rotations de scurit imposes au requrant avec larticle 3 de la Convention. titre liminaire, la Cour rappelle que larticle 3 de la Convention, qui interdit en termes absolus la torture et le traitement inhumain, consacre lune des valeurs fondamentales des socits dmocratiques et quil ne souffre daucune drogation, mme en cas de danger public menaant la vie de la nation ( 52). Elle expose que, pour tomber sous le coup de cet article, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravit et que lapprciation de ce minimum dpend de circonstances lies notamment la dure, aux effets de ce mauvais traitement ainsi qu des considrations plus subjectives, lies lindividu qui laurait subi. Si une incarcration expose invitablement le dtenu des souffrances ou humiliations, cependant, la Cour doit vrifier que ltat sest assur que tout prisonnier est dtenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignit humaine, que les modalits de sa dtention ne le soumettent pas une dtresse ou une preuve dune intensit qui excde le niveau invitable de souffrance inhrent une telle mesure et que, eu gard aux exigences pratiques de lemprisonnement, sa sant et son bien-tre sont assurs de manire adquate [] ; en outre, les mesures doivent tre ncessaires pour parvenir au but lgitime poursuivi ( 55). Les juges europens rappellent avoir dj admis que le transfert dun dtenu puisse tre ncessaire pour assurer la scurit dans une prison ou viter une vasion. En lespce, la Cour constate que le requrant a fait lobjet de vingt-six changements daffectation, dont onze translations judiciaires et quinze transferts administratifs. Elle relve que ces mouvements, prvus par une note de service du 29 octobre 20036, avaient pour but dviter les vasions des dtenus les plus dangereux. Lorsque le requrant a fait lobjet de ces mesures, il stait notamment dj vad deux reprises des tablissements pnitentiaires o il tait dtenu et avait organis lvasion de certains de ses complices. Si la Cour saccorde avec le Comit europen pour la prvention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dgradants pour constater que les transferts continuels dun dtenu peuvent avoir des effets trs nfastes sur lui, elle estime cependant que, dans la prsente affaire, les craintes du gouvernement franais quant de possibles vasions ntaient pas draisonnables. Aprs avoir enfin constat que le requrant est dtenu au mme endroit depuis septembre 2008 et, compte tenu du profil, de la dangerosit et du pass du requrant, [les juges de Strasbourg considrent que] les autorits pnitentiaires ont mnag un juste quilibre entre les impratifs de scurit et lexigence dassurer au dtenu des conditions humaines de dtention, lesquelles [] nont pas atteint le seuil minimum de gravit ncessaire pour constituer un traitement inhumain au sens de larticle 3 de la Convention ( 64). lunanimit, ils concluent que les rotations de scurit imposes au requrant ne constituent pas une violation de larticle 3 de la Convention. La Cour se prononce ensuite sur la compatibilit avec larticle 3 de la Convention de la sanction disciplinaire prononce lencontre du requrant la prison de Fleury-Mrogis et sur ses conditions de dtention. Elle indique demble que les allgations du requrant quant aux mauvaises conditions matrielles de dtention au quartier disciplinaire (salet, vtust, inondations, absence de lumire suffisante pour lire ou crire, exigut des lieux) semblent confirmes par plusieurs sources et que le gouvernement lui-mme reconnat que les conditions de dtention lpoque des faits taient susceptibles damlioration . Elle relve notamment que larrt rendu le 9 avril 2008 par le Conseil dtat, qui mentionne que le juge des rfrs du tribunal administratif de Versailles avait constat que ltat des locaux des quartiers disciplinaires de la maison darrt de Fleury-Mrogis [tait] particulirement dgrad , et le rapport de la snatrice qui avait visit la maison darrt lpoque o le requrant tait plac en cellule disciplinaire confirment ses allgations.6

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La Cour relve que cette note de service a ensuite t abroge par une circulaire du 16 aot 2007, puis annule par un arrt rendu le 29 fvrier 2008 par le Conseil dtat.

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La Cour en conclut que mme si les autorits navaient pas lintention dhumilier le requrant, les conditions de dtention [qui lui ont t imposes] ont t de nature lui causer des souffrances aussi bien mentales que physiques ainsi quun sentiment dune profonde atteinte sa dignit humaine. Ces conditions sanalysent donc en un traitement inhumain et dgradant, inflig en violation de larticle 3 de la Convention ( 85). lunanimit, elle conclut la violation de cet article. Sur la violation allgue de larticle 6 de la Convention : La Cour vrifie si larticle 6 1 de la Convention sapplique sous son volet pnal en lespce, comme le prtend le requrant. Elle renvoie cet gard aux affaires Engel et autres c/ Pays-Bas, et Campbell et Fell c/ Royaume-Uni7, et expose quil lui appartient de vrifier les trois critres alternatifs suivants : la qualification interne de linfraction, la nature de laccusation et enfin la nature et le degr de svrit de la sanction ( 94). Les juges europens cartent largument du gouvernement selon lequel la qualit de dtenu du requrant donnait linfraction un caractre disciplinaire et observent galement que les faits dvasion et de dommages causs aux locaux des tablissements, qui taient reprochs au requrant, constituent des infractions prvues par le code pnal franais. En consquence, mme en tenant compte du contexte carcral dans lequel les accusations ont t portes, la possibilit thorique dune responsabilit la fois pnale et disciplinaire est pour le moins un lment pertinent militant en faveur dune qualification mixte desdites infractions ( 97). Cependant, sagissant du troisime critre, tir de la nature et du degr de svrit de la sanction, la Cour, aprs avoir prcis quen lespce, la base lgale de la privation de libert du requrant tait constitue de ses diffrentes condamnations initiales par les juridictions judiciaires (...), [constate que] bien que la sanction disciplinaire ait ajout un lment nouveau, la dtention en cellule disciplinaire, il na pas t dmontr quelle ait en aucune manire allong la dure de la dtention du requrant. Ds lors, la sanction impose au requrant ntait pas dune nature et dune gravit qui la fassent ressortir la sphre pnale ( 98). Selon la Cour, la nature des charges lencontre du requrant ainsi que la nature et le degr de gravit de la sanction ne permettent pas de conclure que celui-ci a fait lobjet daccusations en matire pnale au sens de larticle 6 de la Convention. Ds lors, ce dernier nest pas applicable la procdure disciplinaire en cause ( 99). Le grief du requrant sous langle de larticle 6 1 de la Convention est donc rejet.10

Sous langle de larticle 6 3 c de la Convention, le requrant prtendait que ses transferts incessants lavaient priv des entretiens avec son conseil, quil tait en droit dattendre pour prparer sa dfense. La Cour estime que le requrant formule des allgations gnrales, sans donner la moindre prcision sur les procs dont la prparation aurait t en cours, ni la nature des obstacles qui auraient t apports sa dfense. En outre, il nallgue pas quil aurait t empch de communiquer librement et confidentiellement avec son conseil ; elle rappelle enfin avoir considr que les dplacements du requrant taient justifis par son pass et les risques dvasion ( 107). Par consquent, ce grief est rejet comme manifestement mal fond. Sur la violation allgue de larticle 8 de la Convention : Le requrant soutenait que les conditions de sa dtention avaient port atteinte au respect de sa vie prive et familiale ainsi qu la protection de sa personnalit. Les juges europens constatent que les visites de la compagne ou de lenfant du requrant nont pas t restreintes par dcision de ladministration pnitentiaire, mais quelles ont d tre limites, en pratique, en raison du rgime des rotations de scurit. Ils rappellent avoir estim que ces rotations ntaient pas contraires larticle 3 de la Convention dans le cas despce. Ajoutant enfin que le requrant formule son grief de manire gnrale, sans apporter de prcision concrte sur les consquences que ces changements daffectation auraient eu sur la limitation des visites de sa famille ( 117), et prcisant que lintress avait t la plupart du temps dtenu dans des tablissements du sud de la France, la Cour rejette ce grief comme manifestement mal fond. Sur la violation allgue de larticle 13 de la Convention : Le requrant se plaignait de ce que le juge, en se prononant sur les rotations de scurit, avait fait prvaloir limpratif de la scurit sur le droit la dignit. Il soutenait enfin ne pas avoir pu faire examiner son grief relatif aux atteintes porte la dignit humaine, du fait de son placement en quartier disciplinaire avant la fin de lexcution de sa sanction. La Cour examine, en premier lieu, si le requrant a dispos dun recours effectif devant les juridictions pour se plaindre du systme des rotations de scurit. Elle constate que le tribunal administratif puis le Conseil dtat se sont prononcs sur le fond du grief du requrant. Aprs avoir rappel que leffectivit dun recours au sens de larticle 13 de la Convention ne dpend pas de la certitude dune issue favorable pour le requrant ( 122), la Cour rejette cette partie de la requte, quelle considre mal fond. Les juges de Strasbourg recherchent enfin si les moyens dont le requrant disposait en droit franais pour se plaindre de ses conditions de dtention en cellule disciplinaire taient effectifs , cest--dire de nature empcher lexcution des mesures contraires la Convention et dont les consquences sont potentiellement7

CEDH, plnire, Engel et a. c/ Pays-Bas, 8 juin 1976, requtes no 5100/71, 5101/71, 5102/71, 5354/72 et 5370/72 ; CEDH, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, 28 juin 1984, requtes no 7819/77 et 7878/77.

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irrversibles . Ils prcisent que, dans cet arrt, ils ont jug les conditions de dtention incompatibles avec la Convention et, cet gard, que larticle 13 soppose ce que de pareilles mesures soient excutes avant mme lissue de lexamen par les autorits nationales de leur compatibilit avec la Convention ( 129). En lespce, le requrant a t plac en cellule disciplinaire pendant une priode de quarante-cinq jours. Selon la Cour, pour tre effectif, [] le recours [] devait donc prsenter des garanties minimales de clrit ( 131). Or, le recours prvu larticle D. 250-5 du code de procdure pnale nest pas suspensif, alors que la sanction disciplinaire est, quant elle, dapplication immdiate. La Cour relve galement que le directeur interrgional des services pnitentiaires doit tre saisi pralablement tout autre recours et quil dispose dun dlai dun mois pour statuer. Ce nest quaprs ce recours pralable que le tribunal administratif peut tre saisi. Ds lors, [] le requrant ne se trouvait plus en cellule disciplinaire avant quun juge ait pu statuer sur sa demande ( 132). Eu gard limportance des rpercussions dune dtention en cellule disciplinaire, il est indispensable que le dtenu bnficie dun recours effectif, lui permettant de contester aussi bien la forme que le fond dune telle mesure devant une instance juridictionnelle. Le requrant nayant pas bnfici dun tel recours, la Cour conclut, lunanimit, la violation de larticle 13 de la Convention. Au titre de la satisfaction quitable (article 41 de la Convention), la Cour dit que le gouvernement doit verser au requrant 9 000 euros pour dommage moral. 3. Interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dgradants (article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales) Dans larrt Raffray Taddei c/ France rendu le 21 dcembre 2010, requte no 36435/07, la Cour europenne retient lunanimit la violation de larticle 3 de la Convention, en raison de labsence de prise en compte suffisante par les autorits nationales de la ncessit dun suivi spcialis dans une structure adapte que requiert ltat de la requrante [actuellement incarcre], conjugue avec les transferts de lintresse particulirement vulnrable et lincertitude prolonge qui en a rsult quant sa demande de suspension de peine ( 63). Faits : La requrante, ne en 1962, est croue en excution de peines correctionnelles prononces entre 1997 et le mois de novembre 2007, principalement pour des faits descroqueries, abus de confiance, falsification de chques et usage, recel, vol, outrages, violences sur personnes dpositaires de lautorit publique. Son casier judiciaire mentionne vingt condamnations depuis 1994 pour des faits similaires. Le 27 janvier 2004, lObservatoire international des prisons (OIP) crivit au juge de lapplication des peines du tribunal de grande instance de Nice, o la requrante tait incarcre, pour dnoncer le manque de soins prodigus son gard. Il ressortait du communiqu que la requrante tait hospitalise depuis aot 2003 pour le traitement dun cancer et que sa demande de libration conditionnelle avait t rejete. Par la suite, la requrante retourna en Corse. Par une ordonnance du 23 juin 2006, le juge de lapplication des peines du tribunal de grande instance de Bastia dsigna un mdecin expert, qui conclut que ltat de sant de la requrante ntait pas incompatible avec la dtention. Le 7 mai 2007, la requrante fut incarcre la maison darrt de Borgo (Haute-Corse). Au cours de sa dtention Borgo, la requrante demanda une suspension de peine mdicale en vertu de larticle 720-1-1 du code de procdure pnale. Le 23 aot 2007, la requrante prsenta devant la Cour de Strasbourg, quelle avait saisie dune requte, une demande urgente en vertu de larticle 39 du rglement de la Cour, afin dobtenir la suspension de sa peine pour raisons de sant , qui fut rejete. La requrante fut hospitalise dans le service de mdecine du centre hospitalier de Bastia du 7 au 11 fvrier 2008. Le 3 mars 2008, un autre mdecin expert dsign par le juge de lapplication des peines conclut lincompatibilit de ltat de sant de la requrante avec la dtention. Le 4 mars 2008, elle ritra en vain sa demande de suspension de peine mdicale effectue pralablement au centre pnitentiaire de Borgo. Du 1er au 18 juillet 2008, la requrante fut hospitalise en raison dune grve de la faim. son retour en dtention, et la suite de son refus de salimenter et de shydrater, la requrante fut transfre, le 8 aot 2008, vers lhpital de sant de Fresnes. Le 23 avril 2009, une expertise psychiatrique destine au juge de lapplication des peines (pour valuer sil existe un risque grave de renouvellement de linfraction , celui-ci ordonne une expertise psychiatrique ou psychologique, depuis la loi du 12 dcembre 2005 relative au traitement de la rcidive) indiqua que lexamen psychiatrique rvlait un syndrome de Munchausen responsable dun certain nombre de pathologies somatiques induites par la requrante elle-mme et responsables actuellement dune dnutrition avec anorexie qui est comorbide dune raction son transfert de Corse sur la France continentale . Par un jugement du 5 mai 2009, le juge de lapplication des peines du tribunal de grande instance de Crteil rejeta la demande de suspension de peine. Le 4 juin 2009, la requrante fut transfre en ambulance au centre de dtention de Roanne, o elle est actuellement incarcre. Selon le gouvernement, la requrante bnficie depuis son arrive dune prise en charge mdicale et psychologique hebdomadaire. Depuis, la demande de libration conditionnelle forme par la requrante a t rejete courant 2009, son projet de sortie consistant en une hospitalisation puis un projet de soins. Grief : La requrante se plaint de son maintien en dtention et de linsuffisance des soins adapts son tat de sant. Estimant avoir subi un traitement inhumain ou dgradant, elle invoque larticle 3 de la Convention. Dcision : Arguments du gouvernement franais : Le gouvernement prcise titre liminaire que les hospitalisations de la requrante depuis juillet 2008 ne sont pas lies aux pathologies lourdes allgues, mais son refus de salimenter et de shydrater. Il fait observer le

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nombre lev dexpertises, qui tmoignerait de lattention porte la requrante. Le gouvernement considre par ailleurs que la requrante bnficie de soins appropris et que ses pathologies ont t prises en charge : difficults respiratoires traites la maison darrt de Borgo, suivis spcialiss Rennes et transfrement dans ltablissement public hospitalier de Fresnes aprs son refus de salimenter. Le gouvernement estime que la requrante est suivie avec beaucoup dattention et de sollicitude par lquipe mdicale du centre de dtention de Roanne, le centre de Marseille o elle souhaitait aller ne disposant pas de place. Sa souffrance natteint pas, en tout tat de cause, le seuil de gravit exig par larticle 3 de la Convention. Dcision de la Cour : Il est renvoy aux arrts Mouisel c/ France et Rivire c/ France8 pour les dispositions relatives aux soins de sant en prison. Les juges de Strasbourg rappellent que le manque de soins mdicaux appropris peut constituer un traitement contraire larticle 3. La Cour europenne exige, tout dabord, lexistence dun encadrement mdical pertinent du malade et ladquation des soins mdicaux prescrits sa situation particulire. (...) De plus, la diligence et la frquence avec lesquelles les soins mdicaux sont dispenss lintress sont deux lments prendre en compte pour mesurer la compatibilit de son traitement avec les exigences de larticle 3. En particulier, ces deux facteurs ne sont pas valus par la Cour en des termes absolus, mais en tenant compte chaque fois de ltat particulier de sant du dtenu ( 51). La Cour constate qu aucun moment de la procdure, il na t prsent au juge de lapplication des peines deux expertises mdicales concordantes, comme lexige larticle 720-1-1 du code de procdure pnale, concluant lincompatibilit de ltat de sant de la requrante avec le maintien en dtention. Elle observe aussi que les mdecins nont jamais conclu que la requrante tait atteinte dune pathologie engageant le pronostic vital. Dans ces conditions, la Cour ne peut pas conclure que le maintien en dtention de la requrante est incompatible en soi avec larticle 3 de la Convention. Cependant, compte tenu de ltat de sant manifestement dgrad de la requrante (atteinte dasthme chronique, danorexie et du syndrome de Munchausen de manire incontestable), la Cour recherche si, en lespce, les autorits nationales ont fait ce quon pouvait raisonnablement exiger delles et, en particulier, si elles ont satisfait, en gnral, leur obligation de protger lintgrit physique de la requrante par ladministration de soins mdicaux appropris. Sagissant du traitement adapt des pathologies dont souffre la requrante, la Cour est frappe cet gard par la discordance entre les soins prconiss par les mdecins et les rponses qui y sont apportes par les autorits nationales, celles-ci nayant pas envisag un amnagement de peine qui et pu concilier lintrt gnral et lamlioration de ltat de sant de la requrante ( 59). Les juges europens reprochent aux autorits nationales la non-prise en compte de la recommandation mdicale rpte dune hospitalisation de la requrante dans un environnement spcialis. La Cour critique les termes de larticle 729 du code de procdure pnale, qui subordonne le prononc dune mesure de libration conditionnelle lexpression defforts srieux de radaptation sociale de la part de la personne concerne. Lexigence dune telle condition en lespce apparat, aux yeux de la Cour, rigoureuse, compte tenu de ltat mental et physique de la requrante, et a eu pour consquence inluctable labsence dexamen des possibilits de soins adapts aux besoins de la requrante ( 60). La Cour europenne stonne galement, pour le dplorer, du dlai pris par les juridictions comptentes pour statuer sur les demandes de suspension de peine formes par la requrante plusieurs reprises : La Cour ne peut que constater que ces dlais cadrent mal avec le contentieux concern, impliquant lexamen de pathologies engageant le pronostic vital ou dun tat de sant incompatible avec la dtention ( 62). Elle conclut : Dans ces conditions, la Cour ne saurait considrer que les autorits comptentes ont fait ce quon pouvait raisonnablement attendre delles vu les exigences de larticle 3 de la Convention. Le seuil de gravit pour quun traitement soit considr, au sens de cet article, comme inhumain ou dgradant a ainsi t dpass. Il y a donc eu violation de cette disposition . Elle retient lunanimit la violation de larticle 3 de la Convention et dcide de ne pas octroyer la requrante de satisfaction quitable au titre de larticle 41 de la Convention. 4. Droit un procs quitable (article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales) Dans larrt Vernes c/ France, rendu le 20 janvier 2011, requte no 30183/06 la Cour europenne conclut lunanimit la violation de larticle 6 1 de la Convention, sous langle du droit une audience publique, du droit un tribunal impartial et du principe de lgalit des armes. Faits : Le requrant tait prsident de la socit financire R., socit anonyme ayant pour objet la gestion de portefeuilles, laquelle poursuivit, compter du 31 octobre 1997, une activit de gestion pour le compte de tiers et une activit de rception-transmission dordres. Dans le courant de lanne 1999, la Commission des oprations de bourse (ci aprs, COB ) dcida douvrir une enqute sur la socit R. Cette dcision fut notifie par son prsident, M. P. Ce mme prsident notifia au requrant, le 18 septembre 2000, un certain nombre de griefs le conduisant envisager le retrait de lagrment de la socit R., qui avait t dlivr le 31 octobre 1997. La socit R. fit parvenir ses observations la COB, laquelle, finalement, en fvrier 2001, abandonna la procdure de retrait dagrment, par lettre de son prsident et au vu des termes dune dcision du Conseil dtat du 20 dcembre 2000.8

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CEDH, Mouisel c/ France, 14 novembre 2002, requte no 67263.01, 26, et CEDH, Rivire c/ France, 11 juillet 2006, requte no 33834.03, 29.

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Par une lettre du 6 juin 2001, la COB notifia la socit R., ainsi quau requrant, divers griefs qui rsultaient des conclusions du rapport denqute du service de linspection de la COB examin lors dune prcdente sance de la Commission du 25 juillet 2000, pouvant donner lieu des sanctions disciplinaires. Le requrant prsenta ses observations crites en dfense le 13 juillet 2001. Par une dcision du 12 fvrier 2002, suivant une sance du 15 janvier au cours de laquelle elle entendit le rapporteur et le conseil du requrant, et agissant en vertu de son pouvoir disciplinaire, la COB pronona, lencontre de la socit R. et de son prsident, le requrant, linterdiction dexercer titre dfinitif lactivit de gestion pour le compte de tiers. Les sances des 15 janvier et 12 fvrier 2002 ne furent pas prsides par M. P. mais par M. D.-M. La dcision du 12 fvrier fut signe par le prsident de la COB et le secrtaire de sance. Par une requte du 5 avril 2002, le requrant demanda au Conseil dtat dannuler la dcision de la COB, en invoquant larticle 6 de la Convention, au titre de labsence de publicit des dbats et daudiences publiques de la COB, ainsi que du dfaut dimpartialit de cette Commission, dont la composition tait reste inconnue du requrant. Paralllement cette procdure, la loi de scurit financire du 1er aot 2003 procda la fusion de la COB, du Conseil des marchs financiers et du Conseil de discipline de la gestion financire, en crant lAutorit des marchs financiers. Par un arrt du 28 dcembre 2005, notifi le 27 janvier 2006, le Conseil dtat rejeta la requte. Il estima notamment que, du fait de lexistence dun recours de plein contentieux devant le Conseil dtat lencontre des dcisions prises par la COB en matire disciplinaire, assurant le respect des garanties prvues larticle 6 1 de la Convention, le caractre non public de la sance lissue de laquelle avait t prononce la sanction ne permettait pas de caractriser une mconnaissance de ces dispositions. Griefs : Devant la Cour de Strasbourg, le requrant invoquait larticle 6 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales, pour critiquer la procdure devant la Commission des oprations de Bourse. Il se plaignait de labsence de publicit des dbats, de labsence dinformation sur la composition de la Commission ainsi que de la prsence du commissaire du gouvernement au dlibr de cet organisme. Dcision : - Sur la violation allgue de larticle 6 1 de la Convention quant labsence de publicit des dbats devant la Commission des oprations de Bourse : La Cour observe quaux termes de la lgislation en vigueur au moment de la procdure litigieuse devant la COB, les sances ntaient pas publiques, ni dans les textes ni en pratique. Le grief du requrant est donc recevable, mme sil na critiqu cette situation qua posteriori. La Cour rappelle que la publicit des dbats constitue un principe fondamental consacr par larticle 6 1 de la Convention ( 30). Ce principe peut souffrir des amnagements, justifis notamment par les intrts de la vie prive des parties ou la sauvegarde de la justice. Elle rappelle galement avoir conclu, dans larrt Guisset c/ France, rendu le 26 septembre 20009, quen labsence daudience publique, la Cour de discipline budgtaire et financire navait pas assur au requrant son droit un procs quitable. De mme, dans larrt de Grande chambre, Martini c/ France, rendu le 12 avril 200610, elle a estim que le fait pour le requrant de ne pas avoir eu la possibilit de solliciter la tenue de dbats publics devant la Cour des comptes tait contraire aux garanties de larticle 6 1 de la Convention. Tenant compte des pouvoirs de sanction de la COB et des consquences de celle prononce en lespce, la Cour approuve lexigence du requrant quant un contrle du public comme une condition ncessaire la transparence et la garantie du respect de ses droits, nonobstant la technicit des dbats ( 32), et observe que le rglement intrieur de la COB a t modifi en ce sens depuis les faits de lespce. lunanimit, elle retient donc la violation de larticle 6 1 pour la situation qui lui est soumise. - Sur la violation allgue de larticle 6 1 de la Convention, du fait du dfaut dimpartialit de la COB : Le requrant se plaignait de ne pas avoir eu connaissance de la composition de la formation de jugement et de limpossibilit qui en a rsult de vrifier si sa cause avait t juge avec impartialit. Selon les juges europens, ce grief nappelle pas un examen de lexistence ventuelle datteintes limpartialit comme la Cour peut le faire habituellement, car il porte prcisment sur limpossibilit mme de vrifier, du fait des dispositions de droit interne alors en vigueur, limpartialit de la Commission. En effet, la loi ne permettait pas au requrant davoir connaissance de la composition de la Commission qui lui a inflig la sanction prcite, et donc de sassurer de labsence dun ventuel prjugement de sa part ou dun lien de lun de ses membres avec la partie en cause, susceptibles de vicier la procdure constatent les juges de Strasbourg. Ils approuvent le requrant en estimant, au nom des apparences [], que le dfaut dindication de lidentit de lensemble des membres de la COB ayant dlibr tait de nature faire douter de son impartialit . Observant l encore une volution sur ce point des textes aujourdhui en vigueur, ils concluent lunanimit quil y a eu, en lespce, violation de larticle 6 1 de la Convention.9 10

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CEDH, Guisset c/ France, 26 septembre 2000, requte no 33933/96, 76. CEDH, Grande chambre, Martini c/ France, 12 avril 2006, requte no 58675/00, 44.

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- Sur la violation allgue de larticle 6 1 de la Convention du fait de la prsence du commissaire du gouvernement au dlibr : La Cour rappelle ses jurisprudences Kress c/ France et Martinie c/ France11, dans lesquelles elle a conclu la violation de larticle 6 1 de la Convention, du fait de la participation et mme de la simple prsence du commissaire du gouvernement au dlibr de la formation de jugement du Conseil dtat. La prsente affaire tant antrieure la rforme du code de justice administrative en la matire, entre en vigueur le 1er septembre 2006, la Cour conclut, lunanimit, la violation de larticle 6 1 sur ce point. Dcision sur la recevabilit 5. Droit un procs quitable (article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales) Dans laffaire Franoise Etoc et Richard Borot c/ France, requte no 40954/08, la Cour europenne a rendu, le 7 dcembre 2010, une dcision dirrecevabilit pour non-puisement des voies de recours. Les requrants navaient pas us du recours qui leur tait ouvert depuis ladoption de la loi du 4 aot 2008 de modernisation de lconomie, modifiant larticle 16-B du livre de procdures fiscales. Faits : Les requrants furent souponns dexercer en France une activit occulte dans le domaine du btiment sans souscrire de dclarations fiscales. Saisi par ladministration fiscale dune requte visant engager une procdure de visite domiciliaire et de saisie en vertu de larticle L. 16-B du livre des procdures fiscales, le juge des liberts et de la dtention du tribunal de grande instance de Versailles dlivra une ordonnance en ce sens le 19 juillet 2006. Lordonnance prvoyait notamment quelle serait notifie oralement aux occupants des lieux au moment de la visite, que le juge des liberts devaient tre tenu inform de toute difficult dexcution et que la seule voie de recours ouverte contre la dcision tait le pourvoi en cassation. Les visites furent organises le 20 juillet 2006, alors que les requrants avaient form un pourvoi en cassation ds le 19 juillet 2006, contestant le fondement mme de lordonnance et soutenant galement que le juge nayant pas t joignable au moment des visites, il navait pu exercer un contrle satisfaisant sur les oprations. Le 19 septembre 2007, la Cour de cassation rejeta leur pourvoi, aux motifs notamment que le juge des liberts et de la dtention avait souverainement apprci lexistence des prsomptions dagissements justifiant la mesure autorise. Elle prcisa galement quil ne rsultait pas des pices du dossier que les requrants avaient, lors du droulement des oprations, rgulirement saisi le juge des liberts et de la dtention dune difficult lie auxdites oprations . Le 9 avril 2008, les requrants, qui navaient probablement pas eu connaissance de larrt du 19 septembre, transmirent un courrier au greffe de la juridiction suprme, en complment de leur mmoire ampliatif, pour signaler larrt Ravon c/ France12, rendu par la Cour europenne le 21 fvrier 2008. Le greffe de la chambre criminelle les informa alors quun arrt avait dj t rendu dans leur affaire. Les requrants ne firent lobjet daucune poursuite, aucune charge nayant t retenue contre eux lissue des contrles fiscaux. Le 27 octobre 2008, ladministration fiscale envoya deux courriers aux requrants, pour les informer que, depuis ladoption de la loi du 4 aot 2008, ils disposaient de deux mois pour exercer un recours contre lordonnance rendue par le juge des liberts en 2006, devant le premier prsident de la cour dappel. Les courriers, non rclams, revinrent ladministration et les requrants nexercrent pas ce recours. Griefs : Devant la Cour europenne, les requrants invoquaient une violation de larticle 6 de la Convention, estimant ne pas avoir bnfici dun recours effectif pour contester la rgularit des visites domiciliaires. Ils soutenaient galement que le contrle exerc par le juge des liberts sur les pices produites par ladministration fiscale navait pas t satisfaisant. Enfin, sur le fondement de larticle 2 du Protocole additionnel no 7, ils prtendaient que la seule possibilit dexercer un recours devant la Cour de cassation, qui ne dispose pas de la plnitude de juridiction, les avaient privs de leur droit un double degr de juridiction. Sur la recevabilit de la requte : Le gouvernement soulve une exception dirrecevabilit la requte. Reconnaissant quau moment o lordonnance a t rendue par le juge des liberts, le seul recours auquel les requrants pouvaient prtendre tait le pourvoi en cassation, il indique cependant que la loi du 4 aot 2008 leur permettait de saisir a posteriori le premier prsident de la cour dappel. Les requrants rpondent cet argument que les courriers qui devaient les informer de ce nouveau recours ne leur taient jamais parvenus, car ladresse indique tait errone. Les juges de Strasbourg constatent que ladresse mentionne sur les courriers transmis en octobre 2008 tait identique celle figurant dans lordonnance rendue par le juge des liberts et autorisant les visites domiciliaires. Partant, en labsence dlments convaincants de leur part, la Cour considre que les courriers ont t envoys une adresse laquelle ils taient domicilis et que le fait quils naient pas t rclams rsulte dun manque de diligence de la part des requrants. 11 12

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CEDH, Grande chambre, Kress c/ France du 7 juin 2001, requte no 39594/98, 72-76, et CEDH, Martinie c/ France, prcit, 53 et 54. CEDH, Ravon c/ France, 21 fvrier 2008, requte no 18497/03.

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Puis, citant laffaire Comptoir aixois des viandes c/ France13 et sa dcision SAS Arcalia c/ France14, la Cour rappelle avoir estim que cette voie de recours tait de nature remdier la violation allgue, car elle donnait la possibilit au premier prsident de la cour dappel de contrler lordonnance litigieuse aussi bien sur le fond que dans sa forme . Dans ces conditions, les requrants, qui nont pas exerc une telle voie recours, ne peuvent se prtendre victimes dun dfaut daccs un tribunal. lunanimit, la Cour dclare la requte irrecevable. INFORMATION - SUIVI DARRT : Dans laffaire Mancel et Branquart c/ France, requte no 22349/06, la Cour europenne avait conclu, le 24 juin 2010, la violation de larticle 6 1 de la Convention droit un procs quitable , en estimant, par quatre voix contre trois, que la composition de la chambre criminelle de la Cour de cassation lors de lexamen dun pourvoi form contre un arrt de cour dappel rendu aprs une premire cassation ne remplissait les conditions dimpartialit. Le gouvernement franais avait demand le renvoi de laffaire en Grande chambre. Le 22 novembre 2010, la Cour de Strasbourg a rejet cette demande. Larrt est donc devenu dfinitif.

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Dcision dirrecevabilit Comptoir aixois des viandes c/ France, 12 octobre 2010, requte no 19863/08. Dcision dirrecevabilit SAS Arcalia c/ France, 31 aot 2010, requte no 33088/08.

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I. - COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

Parution dun guide de lavocat pour endiguer le flot de requtes manifestement irrecevables adresses la Cour europenne des droits de lhomme. Un guide complet destin aux avocats a t publi, le 13 dcembre 2010, par le greffe de la Cour, dans le but dendiguer le flot de requtes manifestement irrecevables qui menace dinonder la Cour europenne des droits de lhomme. Plus de 130 000 affaires sont actuellement pendantes devant la Cour, mais, en gnral, 95 % des affaires pendantes sont rejetes car elles ne respectent pas les critres de recevabilit noncs dans la Convention europenne des droits de lhomme. Or la Cour consacre du temps au traitement des requtes manifestement irrecevables, qui sont dsormais examines par un juge unique, alors que ce temps pourrait tre consacr des affaires importantes respectant ces critres. Ce guide, qui expose en dtail les critres de recevabilit de la Cour, vise aider les avocats dterminer si la requte de leur client est dnue de toute chance de succs, afin quils sabstiennent dans ce cas de saisir la Cour. Son objectif est galement de permettre que les requtes mritant un examen au fond satisfassent aux critres de recevabilit. Il est par exemple rappel aux requrants quils doivent saisir la Cour dans un dlai de six mois compter de la dernire dcision nationale rendue en laffaire.16

Le Guide pratique sur la recevabilit est disponible en ligne en franais et en anglais sur le site internet de la Cour. Il est soulign dans le guide quun nouveau critre de recevabilit est en vigueur depuis le 1er juin 2010 : lorsque le requrant na subi aucun prjudice important, la requte est dclare irrecevable. Rcemment, par exemple, un requrant a saisi la Cour pour se plaindre du non-versement dune somme infrieure un euro.

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Convention europenne des droits de lhommeArticle 5 3. - Contrle judiciaire. - Cautionnement. Finalits. - Situation personnelle de lintress. - Gravit des infractions. - Ampleur du prjudice.Ne viole pas larticle 5 3 de la Convention une caution de 3 000 000 euros fixe pour la libration du capitaine dun navire ayant caus une catastrophe cologique, les tribunaux espagnols ayant suffisamment tenu compte de la situation personnelle du capitaine requrant, en particulier son statut demploy de larmateur, ses liens professionnels avec les personnes appeles servir de cautions, sa nationalit et son domicile, ainsi que son absence dattaches en Espagne et son ge, la gravit des infractions en cause et lampleur du prjudice imput au requrant. Grande chambre, 28 septembre 2010. Aff. Mangouras c/ Espagne (requte no 12050/04).

quitable avait t mconnu en raison du fait que larrt de condamnation de la cour dassises tait fond sur un verdict de culpabilit non motiv, qui ne pouvait faire lobjet dun recours devant un organe de pleine juridiction. Il ne saurait tre question pour la Cour de remettre en cause linstitution du jury populaire. Les tats contractants jouissent dune grande libert dans le choix des moyens propres permettre leur systme judiciaire de respecter les impratifs de larticle 6. Dans le cas du requrant, la tche de la Cour consiste ds lors rechercher si la procdure suivie a conduit des rsultats compatibles avec la Convention. La Cour relve que, dans des affaires antrieures, elle a jug que labsence de motivation dans le cas de verdicts rendus par des jurys populaires ne constituait pas en soi une violation du droit de laccus un procs quitable. Il nen demeure pas moins que, pour que les exigences dun procs quitable soient respectes, des garanties suffisantes doivent tre offertes, qui soient propres permettre laccus et au public de comprendre le verdict rendu. Or, dans le cas du requrant, ni lacte daccusation ni les questions poses au jury ne comportaient des informations suffisantes quant son implication dans la commission des infractions qui lui taient reproches. Enfin, le systme belge ne prvoyait pas la possibilit dinterjeter appel contre un arrt de cour dassises. Quant la possibilit de saisir la Cour de cassation dun pourvoi, elle ne pouvait sexercer que sur des points de droit et tait ds lors insusceptible dclairer adquatement laccus sur les raisons de la condamnation.

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Convention europenne des droits de lhommeArticle 6 1. - Equit. - Cour dassises. - Arrt de condamnation. - Motivation. - Ncessit (non). Conditions. - Information suffisante sur les raisons de la condamnation.Invoquant larticle 6 1, le requrant, accus de lassassinat dun ministre dtat, soutenait que son droit un procs

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En conclusion, M. Taxquet na pas bnfici de garanties suffisantes pour lui permettre de comprendre le verdict de condamnation prononc son encontre et la procdure a donc revtu un caractre inquitable, contraire larticle 6 1 de la Convention. Grande chambre, 16 novembre 2010. Aff. Taxquet c/ Belgique (requte no 926/05).

aucune affaire qui na pas t dment examine par un tribunal interne . Ici, la Cour estime ncessaire dexaminer doffice si lon est dans un tel cas. Elle examine donc, premirement, si le requrant na pas subi de prjudice important (lment principal de ce critre de recevabilit). Or, tel nest pas le cas. La Cour estime en effet le prjudice allgu (150 euros damende, 22 euros de frais de procdure et un point de permis de conduire) particulirement rduit. En outre, aucun lment du dossier nindique que lissue du litige aurait eu des rpercussions importantes sur sa vie personnelle, que ce soit pour des raisons conomiques ou autres. La Cour recherche, deuximement, si le respect des droits de lhomme exige un examen de la requte au fond. L encore, elle conclut par la ngative, car les questions poses par le requrant (mcanisme de charge de la preuve des contraventions, limites du droit la divulgation par laccusation dlments pertinents) ont dj fait lobjet de dcisions. Enfin, la Cour note que laffaire a t dment examine , au fond, par un tribunal - en loccurrence le tribunal de proximit, puis la Cour de cassation. Les trois conditions du nouveau critre de recevabilit tant ainsi runies, la Cour considre que le grief du requrant doit tre dclar irrecevable. 17 novembre 2010. Aff. Rinck c/ France (requte no 18774/09).

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Convention europenne des droits de lhommeArticle 35 3 b. - Conditions de recevabilit. - Prjudice important. - Applications diverses.Invoquant larticle 6 1 (droit un procs quitable), le requrant se plaignait dune rupture de lgalit des armes dans la procdure suivie son encontre. Selon lui, le ministre public, en refusant de produire des informations techniques en sa possession et dterminantes pour lissue du litige, ne la pas mis en mesure dapporter la preuve contraire des faits relevs son encontre par procs-verbal. Il critiquait en outre linsuffisance de la motivation de la Cour de cassation pour rejeter son pourvoi. La Cour rappelle que, depuis lentre en vigueur du Protocole no 14 la Convention, le 1er juin 2010, une requte peut tre dclare irrecevable lorsque le requrant na subi aucun prjudice important, sauf si le respect des droits de lhomme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requte au fond et condition de ne rejeter pour ce motif

II. - COUR DE JUSTICE ET TRIBUNAL DE LUNION EUROPENNEII. 1. - COUR DE JUSTICE DE LUNION EUROPENNE

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Union europenneConcurrence. - Entente et position dominante. - Rglement (CE) no 1/2003, du 16 dcembre 2002. - Intervention des autorits de concurrence nationales dans les procdures judiciaires. - Lgislation nationale accordant lautorit la facult dtre partie dfenderesse. - Ncessit.Statuant sur une demande de dcision prjudicielle au titre de larticle 234 du Trait CE, introduite par le Hof van beroep te Brussel (Belgique), la Cour dit pour droit : Larticle 35 du Rglement (CE) n 1/2003 du Conseil, du 16 dcembre 2002, relatif la mise en uvre des rgles de concurrence prvues aux articles 81 et 82 du Trait, doit tre interprt en ce sens quil soppose une rglementation nationale qui naccorde pas la facult une autorit de concurrence nationale de participer, en tant que partie dfenderesse, une procdure judiciaire dirige contre la dcision dont cette autorit est lauteur. Il appartient aux autorits de concurrence nationales de mesurer la ncessit et lutilit de leur intervention au regard de lapplication effective du droit de la concurrence de lUnion. Toutefois, la non-comparution systmatique de lautorit de concurrence nationale de telles procdures judiciaires compromet leffet utile des articles 101 et 102 du Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne. En labsence de rglementation de lUnion, les tats membres demeurent comptents, conformment au principe de lautonomie procdurale, pour dsigner le ou les organes relevant de lautorit de concurrence nationale qui disposent de la facult de participer, en tant que partie dfenderesse, o

une procdure devant une juridiction nationale dirige contre la dcision dont cette autorit est lauteur, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux et la pleine effectivit du droit de la concurrence de lUnion. Grande chambre, 7 dcembre 2010. Aff. C-439/08 : Vlaamse c/ Raad voor de Mededinging et a.

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Union europenneCoopration judiciaire en matire civile. - Rglement (CE) no 2201/2003. - Comptence, reconnaissance et excution des dcisions en matire matrimoniale et en matire de responsabilit parentale. - Responsabilit parentale. - Droit de garde. - Enlvement denfant. - Article 42. - Excution dune dcision certifie ordonnant le retour dun enfant rendue par une juridiction comptente (espagnole). - Comptence de la juridiction requise (allemande) pour refuser lexcution de ladite dcision en cas de violation grave des droits de lenfant.Statuant sur une demande de dcision prjudicielle au titre de larticle 267 du Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne, introduite par lOberlandesgericht Celle (Allemagne), la Cour dit pour droit : Dans des circonstances telles que celles de laffaire au principal, la juridiction comptente de ltat membre dexcution ne peut pas sopposer lexcution dune dcision certifie ordonnant le retour dun enfant illicitement retenu au motif que la juridiction de ltat membre dorigine qui a rendu cette dcision aurait viol larticle 42 du Rglement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du

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27 novembre 2003, relatif la comptence, la reconnaissance et lexcution des dcisions en matire matrimoniale et en matire de responsabilit parentale abrogeant le Rglement (CE) no 1347/2000, interprt conformment larticle 24 de la Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne, lapprciation de lexistence dune telle violation relevant exclusivement de la comptence des juridictions de ltat membre dorigine. Premire chambre, 22 dcembre 2010. Aff. C-491/10 PPU : Joseba X c/ Simone Y...

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Union europenneCoopration judiciaire en matire pnale. - Mandat darrt europen. - Dcision-cadre 2002/584/JAI. - Article 3, point 2. - Ne bis in idem. - Notion de mmes faits . Possibilit pour lautorit judiciaire dexcution de refuser dexcuter un mandat darrt europen. - Jugement dfinitif dans ltat membre dmission.Statuant sur une demande de dcision prjudicielle au titre de larticle 35 du Trait UE, introduite par lOberlandesgericht Stuttgart (Allemagne), la Cour dit pour droit : Aux fins de lmission et de lexcution dun mandat darrt europen, la notion de mmes faits figurant larticle 3, point 2, de la Dcision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat darrt europen et aux procdures de remise entre tats membres, constitue une notion autonome du droit de lUnion. Dans des circonstances telles que celles en cause au principal, o, en rponse une demande dinformation au sens de larticle 15, paragraphe 2, de cette Dcision-cadre formule par lautorit judiciaire dexcution, lautorit judiciaire dmission, en application de son droit national et dans le respect des exigences dcoulant de la notion de mmes faits telle que consacre ce mme article 3, point 2, a expressment constat que le prcdent jugement rendu dans son ordre juridique ne constituait pas un jugement dfinitif couvrant les faits viss dans son mandat darrt et ne faisait donc pas obstacle aux poursuites vises dans ledit mandat darrt, lautorit judiciaire dexcution na aucune raison dappliquer, en lien avec un tel jugement, le motif de non-excution obligatoire prvu audit article 3, point 2. Grande chambre, 16 novembre 2010. Aff. C-261/09 : procdure relative lexcution dun mandat darrt europen c/ Gaetano X

Larticle 40 de lAccord sur lEspace conomique europen, du 2 mai 1992, ne soppose pas une lgislation nationale telle que celle en cause au principal, qui exonre de la taxe sur la valeur vnale des immeubles situs sur le territoire dun tat membre de lUnion europenne les socits qui ont leur sige social sur le territoire de cet tat et qui subordonne cette exonration, pour une socit dont le sige social se trouve sur le territoire dun tat tiers membre de lEspace conomique europen, lexistence dune convention dassistance administrative conclue entre ledit tat membre et cet tat tiers en vue de lutter contre la fraude et lvasion fiscales ou la circonstance que, par application dun trait comportant une clause de non-discrimination selon la nationalit, ces personnes morales ne doivent pas tre soumises une imposition plus lourde que celle laquelle sont assujetties les socits tablies sur le territoire dun tat membre. Troisime chambre, 28 octobre 2010. Aff. C-72/09 : tablissements Rimbaud SA c/ directeur gnral des impts et a.

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Union europenneProtection des consommateurs. - Directive 93/13/CEE. Clauses abusives figurant dans les contrats conclus avec les consommateurs. - Critres dapprciation. - Examen doffice, par le juge national, du caractre abusif dune clause attributive de comptence juridictionnelle.Statuant sur une demande de dcision prjudicielle au titre de larticle 234 du Trait CE, introduite par le Budapesti brsg (Hongrie), la Cour dit pour droit : 1o Larticle 267 du Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne doit tre interprt en ce sens que la comptence de la Cour de justice de lUnion europenne porte sur linterprtation de la notion de clause abusive , vise larticle 3, paragraphe premier, de la Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, et lannexe de celle-ci, ainsi que sur les critres que le juge national peut ou doit appliquer lors de lexamen dune clause contractuelle au regard des dispositions de cette Directive, tant entendu quil appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte desdits critres, sur la qualification concrte dune clause contractuelle particulire en fonction des circonstances propres au cas despce. 2o Le juge national doit prendre doffice des mesures dinstruction afin dtablir si une clause attributive de comptence juridictionnelle territoriale exclusive figurant dans le contrat faisant lobjet du litige dont il est saisi, et qui a t conclu entre un professionnel et un consommateur, entre dans le champ dapplication de la Directive 93/13/CEE et, dans laffirmative, apprcier doffice le caractre ventuellement abusif dune telle clause. Grande chambre, 9 novembre 2010. Aff. C-137/08 : Pnzgyi c/ Schneider.

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Union europenneImpts et taxes. - Libre circulation des capitaux. - Personnes morales tablies dans un tat tiers membre de lEspace conomique europen. - Possession dimmeubles situs dans un tat membre. - Taxe sur la valeur vnale de ces immeubles. - Refus dexonration. - Lutte contre la fraude fiscale. - Apprciation au regard de laccord EEE.Statuant sur une demande de dcision prjudicielle au titre de larticle 234 du Trait CE, introduite par la Cour de cassation (France), la Cour dit pour droit :

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III. - JURIDICTIONS FRANAISESIII. 1. - COUR DE CASSATION FRANAISE

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AgricultureGroupement foncier agricole. - Associ. - Retrait. Conditions. - Autorisation par dcision de justice. Exclusion. - Justification.Les dispositions de larticle L. 322-23 du code rural, selon lesquelles, dfaut de prvision dans les statuts dun groupement foncier agricole des conditions dans lesquelles un associ peut se retirer totalement ou partiellement de la socit, son retrait ne peut tre autoris que par une dcision unanime des autres associs, drogent, au sens de larticle 1845 du code civil, celles de larticle 1869 du mme code, prvoyant que le retrait dun associ dune socit civile puisse tre autoris pour justes motifs par une dcision de justice. Une cour dappel dcide exactement que lassoci dun groupement foncier agricole ne peut soutenir que le refus daccueillir sa demande de retrait sur le fondement de larticle 1869 du code civil le priverait du droit fondamental dagir en justice et porterait atteinte son droit de proprit consacr par larticle premier du Protocole additionnel no 1 la Convention europenne des droits de lhomme en relevant, dune part, que les rgles rgissant les groupements fonciers agricoles, dont il lui a t fait application, sont dictes par des objectifs de politique agricole visant viter le dmembrement des proprits rurales en favorisant leur conservation au sein des familles et leur transmission sur plusieurs gnrations et quelles justifient ds lors la restriction apporte par le code rural la possibilit pour un associ de se retirer dun groupement foncier agricole, et en notant, dautre part, que lassoci tire profit, par la perception de dividendes, de ses parts sociales, qui demeurent cessibles, sous rserve de laccord des autres associs.

Sentence. - Recours en annulation. - Cas. - Arbitre ayant viol une rgle dordre public. - Violation dune rgle dordre public. - Contrle du juge. - tendue. - Limites.Aprs avoir relev que les arbitres ont constat la prescription des demandes au regard du droit du Liechtenstein choisi par les parties, et ds lors quaucune mconnaissance de larticle 6 de la Convention europenne des droits de lhomme ntait caractrise et aucune violation flagrante, effective et concrte de lordre public international tablie, une cour dappel a pu, sans dnaturation, en dduire que la requrante sollicitait en ralit une rvision au fond de la sentence, interdite au juge de lannulation.

1re Civ. - 6 octobre 2010. REJETNo 09-10.530. - CA Paris, 25 septembre 2008. M. Charruault, Pt. - Mme Pascal, Rap. - M. Chevalier, Av. Gn. SCP Clice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet, Av.

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Assurance (rgles gnrales)Garantie. - tendue. Dtermination.Les rfrences aux units montaires nationales qui figurent dans des instruments juridiques existant la fin de la priode transitoire doivent tre lues comme des rfrences lunit euro, en appliquant les taux de conversion respectifs. Viole ds lors larticle 14 du Rglement (CE) no 974/98 du Conseil, du 3 mai 1998, concernant lintroduction de leuro, la cour dappel qui, pour dire quun assureur est tenu envers son assur dans la limite de sa garantie, mais exprime en euros, retient que la monnaie nest pas mentionne dans le contrat, quelle est donc prsume tre celle ayant cours lgal lors de sa conclusion mais aussi lors de son excution, quil appartenait lassureur de proposer toutes les modifications quil souhaitait au moment du passage du franc leuro et que, faute pour lassureur davoir fait modifier le contrat, les calculs tels que prvus dans la police doivent tre retenus sans modification et leur rsultat doit dpendre de la seule monnaie ayant cours lgal au moment du paiement.

1re Civ. - 3 juin 2010. REJETNo 09-65.995. - CA Bordeaux, 27 janvier 2009. M. Charruault, Pt. - Mme Gelbard-Le Dauphin, Rap. - M. Domingo, Av. Gn. - Me de Nervo, SCP Peignot et Garreau, Av.

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Aide juridictionnelleDemande. - Demande formule avant la date de laudience. - Office du juge. - tendue. - Dtermination. Porte.Commet un excs de pouvoir et viole larticle 25 de la loi du 10 juillet 1991 relative laide juridictionnelle et larticle 6 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales le juge qui procde la vente force dun bien sans sassurer que le dbiteur saisi, qui avait sollicit laide juridictionnelle, avait t inform de la dcision rendue sur cette demande et du nom de lavocat dsign ce titre.

3e Civ. - 20 octobre 2010 CASSATION PARTIELLENo 09-66.968 et 09-15.093. - CA Paris, 1er avril 2009. M. Lacabarats, Pt. - M. Pronier, Rap. - M. Cuinat, Av. Gn. SCP Clice, Blancpain et Soltner, SCP Didier et Pinet, SCP Capron, SCP Defrenois et Levis, SCP Bor et Salve de Bruneton, Me Odent, Av.

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2e Civ. - 24 juin 2010. CASSATIONNo 08-19.974. - TGI Pointe--Pitre, 17 juillet 2008. M. Loriferne, Pt. - Mme Leroy-Gissinger, Rap. - M. Mucchielli, Av. Gn. - SCP Laugier et Caston, Me Foussard, Av.

1o Communaut europenneMarque. - Directive 89/104/CEE. - Article 5 1 a. Rglement (CE) no 40/94, du 20 dcembre 1993. - Article 9 1 a. - Droits confrs par la marque. - Interdiction de faire usage dun signe identique la marque. - Applications diverses. - Responsabilit de lannonceur.

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2o Communaut europenneMarque. - Directive 89/104/CEE. - Article 5 1 et 2. Rglement (CE) no 40/94, du 20 dcembre 1993 - Article 9 1. - Droits confrs par la marque. - Interdiction de faire usage dun signe identique la marque. - Applications diverses. - Responsabilit du prestataire du service de rfrencement sur internet (non).

rfrencement sur internet lorsque ce prestataire na pas jou un rle actif de nature lui confier une connaissance ou un contrle des donnes stockes. En consquence, ne donne pas de base lgale sa dcision dcarter lapplication de larticle 6 I 2 de la loi no 2004-575 du 21 juin 2004 la cour dappel qui sabstient de caractriser ce rle actif.

3 Communaut europenneCommerce lectronique. - Directive 2000/31/CE, du 8 juin 2000. - Article 14. - Hbergement. - Domaine dapplication. - Prestataire dun service de rfrencement sur internet - Conditions - Absence de rle actif. - Porte.1o La Cour de justice de lUnion europenne (23 mars 2010, C-236/08 C-238/08) a dit pour droit que les articles 5, paragraphe premier, sous a, de la premire Directive 89/104/ CEE du Conseil, du 21 dcembre 1988, rapprochant les lgislations des tats membres sur les marques, et 9, paragraphe premier, sous a, du Rglement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 dcembre 1993, sur la marque communautaire, doivent tre interprts en ce sens que le titulaire dune marque est habilit interdire un annonceur de faire, partir dun mot-cl identique ladite marque que cet annonceur a, sans le consentement dudit titulaire, slectionn dans le cadre dun service de rfrencement sur internet, de la publicit pour des produits ou des services identiques ceux pour lesquels ladite marque est enregistre, lorsque ladite publicit ne permet pas ou permet seulement difficilement linternaute moyen de savoir si les produits ou les services viss par lannonce proviennent du titulaire de la marque ou dune entreprise conomiquement lie celui-ci, ou, au contraire, dun tiers.20

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Com. - 13 juillet 2010. CASSATION PARTIELLENo 06-15.136. - CA Versailles, 23 mars 2006. Mme Favre, Pt. - M. Smriva, Rap. - Mme Batut, Av. gn.SCP Piwnica et Molini, SCP Hmery et Thomas-Raquin, Me de Nervo, Av.

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1o Communaut europenneMarque. - Directive 89/104. - Article 5 1 et 2. Rglement (CE) no 40/94, du 20 dcembre 1993. - Article 9 1. - Droits confrs par la marque. - Interdiction de faire usage dun signe identique la marque. - Applications diverses. - Responsabilit du prestataire du service de rfrencement sur internet (non).

2o Protection des consommateursPublicit. - Publicit de nature induire en erreur. Conditions. - Caractrisation ncessaire.

3o ConcurrencePratique anticoncurrentielle. - Entente illicite. - Conditions. Entrave la concurrence. - Recherche ncessaire.1o La Cour de justice de lUnion europenne (23 mars 2010, C-236/08 C-238/08) a dit pour droit que le prestataire dun service de rfrencement sur internet qui stocke en tant que mot-cl un signe identique une marque et organise laffichage dannonces partir de celui-ci ne fait pas un usage de ce signe au sens de larticle 5, paragraphes 1 et 2, de la Directive 89/104/CEE ou de larticle 9, paragraphe premier, du Rglement no 40/94. En consquence, viole les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la proprit intellectuelle la cour dappel qui prononce condamnation dun tel prestataire pour contrefaon de marques au motif que ce dernier fait apparatre ces marques sur lcran de linternaute en association avec les produits ou services faisant lobjet de linterrogation et que cet usage des signes dposs titre de marques est un usage titre de marque. 2o Manque de base lgale larrt qui, sur le fondement de larticle L. 121-1 du code de la consommation, prononce condamnation dun prestataire de rfrencement sur internet sans caractriser en quoi la prestation de ce dernier constituait une publicit relevant de lapplication de ce texte. 3o Ne donne pas de base lgale sa dcision au regard de larticle L. 420-1 du code de commerce, ensemble larticle 81 du Trait CE, devenu larticle 101 du Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne, la cour dappel qui rejette une demande reconventionnelle fonde sur la prohibition des ententes susceptibles de fausser la concurrence sans rechercher si, compte tenu des parts dtenues par les demandeurs laction principale sur le march de llectromnager, cette action navait pas pour effet, mme ventuel, dentraver le jeu normal de la concurrence sur le march du commerce lectronique de ces quipements.

En consquence, justifie lgalement sa dcision de condamner un annonceur pour contrefaon de marque la cour dappel qui fait ressortir que lannonce restait si vague sur lorigine des produits ou des services en cause quun internaute normalement inform et raisonnablement attentif ntait pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message commercial qui y tait joint, si lannonceur tait un tiers par rapport au titulaire de la marque ou bien, au contraire, conomiquement li celui-ci, et que cette annonce ne permettait pas, ou ne permettait que difficilement, linternaute moyen de savoir si les produits ou les services viss par lannonce provenaient du titulaire de la marque ou dune entreprise conomiquement lie. 2o La Cour de justice de lUnion europenne (23 mars 2010, C-236/08 C-238/08) a dit pour droit que le prestataire dun service de rfrencement sur internet qui stocke en tant que mot-cl un signe identique une marque et organise laffichage dannonces partir de celui-ci ne fait pas un usage de ce signe au sens de larticle 5, paragraphes 1 et 2, de la Directive 89/104 ou de larticle 9, paragraphe premier, du Rglement no 40/94. Viole en consquence les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la proprit intellectuelle la cour dappel qui prononce condamnation dun tel prestataire pour contrefaon de marque, au motif que, si le mot-cl est un outil technique permettant le rfrencement des signes internet et ne dsigne pas en tant que tel les produits ou services commercialiss, son utilisation nen constitue pas moins un usage contrefaisant de la marque, ds lors quelle conduit ncessairement promouvoir des services identiques ou similaires ceux dsigns dans son enregistrement. 3o La Cour de justice de lUnion europenne (23 mars 2010, C-236/08 C-238/08) a dit pour droit que larticle 14 de la Directive 2000/31/CE du Parlement europen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative certains aspects juridiques des services de la socit de linformation, et notamment du commerce lectronique, dans le march intrieur, dite Directive sur le commerce lectronique , doit tre interprt en ce sens que la rgle y nonce sapplique au prestataire dun service de

Com. - 13 juillet 2010. CASSATION PARTIELLENo 08-13.944. - CA Paris, 1er fvrier 2008. Mme Favre, Pt. - M. Smriva, Rap. - Mme Batut, Av. gn. Me Spinosi, SCP Hmery et Thomas-Raquin, Av.

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Communaut europenneRglement (CE) n o 1346/2000, du 29 mai 2000. Procdures dinsolvabilit. - Article 4. - Loi de ltat douverture applicable la production des crances. Qualit pour dclarer en France une crance. - Organes lgaux ou prpos dlgu. - Dlgation sans pouvoir dagir ou de dclarer. - Effet.Aux termes de larticle 4 2 h du Rglement (CE) no 1346/2000, du 29 mai 2000, relatif aux procdures dinsolvabilit, la loi de ltat douverture dtermine les conditions douverture, le droulement et la clture de la procdure dinsolvabilit, et notamment les rgles concernant la production, la vrification et ladmission des crances. Il en rsulte que, dans le cas dune procdure dinsolvabilit ouverte en France, la dclaration de crance, faite titre personnel, par une personne morale, si elle nmane pas des organes habilits par la loi la reprsenter, peut encore tre effectue par tout prpos titulaire dune dlgation de pouvoirs lui permettant daccomplir un tel acte, manant dun des organes prcits ou dun prpos ayant lui-mme reu dun organe habilit le pouvoir de dclarer les crances ainsi que la facult de le subdlguer. En consquence, aprs avoir retenu que la dlgation de pouvoirs dont tait investi le prpos de la personne morale crancire de droit nerlandais qui avait dclar la crance ne comportait pas celui dagir en justice au nom de cette socit ou de dclarer les crances, une cour dappel en dduit exactement que la dclaration de crance au passif de la socit dbitrice dont le redressement judiciaire