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    Claude Lecouteux

    Paganisme, christianisme et merveilleuxIn: Annales. conomies, Socits, Civilisations. 37e anne, N. 4, 1982. pp. 700-716.

    Abstract

    Paganism, Christianity, and the Supernatural

    Until the 12 th century, the supernatural derived its themes primarily from Antiquity, as well as borrowing from the remnants of

    paganism and from local beliefs, which the Church was largely responsible for keeping alive. In its struggle against those beliefs,the Church actually preserved and spread them, indeed gave credence to some of them. Taking as its starting point the early

    Middle Ages, this study suggests connections between historical texts and the literature of entertainment, and seeks to explain

    the great 12th-century revival of the supernatural. The fortunes of the supernatural are shown here to be sometimes closely

    linked to the socio -historical development of particular civilization.

    Citer ce document / Cite this document :

    Lecouteux Claude. Paganisme, christianisme et merveilleux. In: Annales. conomies, Socits, Civilisations. 37e anne, N. 4,

    1982. pp. 700-716.

    doi : 10.3406/ahess.1982.282882

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_4_282882

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_ahess_12120http://dx.doi.org/10.3406/ahess.1982.282882http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_4_282882http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_4_282882http://dx.doi.org/10.3406/ahess.1982.282882http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/author/auteur_ahess_12120
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    PAGANISME, CHRISTIANISME ET MERVEILLEUX

    Jean Caries zum 61. GeburtstagTout le Haut Moyen Age est marqu par un conflit opposant l'glise aupaganisme survivant dans les textes, les pratiques et les superstitions populaires l,ainsi que par la lutte contre les hrsies arianisme, manichisme, plagianisme,priscillianisme. Il existe cependant un terrain o la lutte se fit peu peu moinsardente, celui du merveilleux 2 qui, au xne sicle, connat une extraordinaire

    renaissance. C'est la gense de cette renaissance que je voudrais examiner ici.Le merveilleux du sicle se caractrise par un curieux mlange de donnesantiques et de thmes, de motifs locaux emprunts aux religions paennes plusd'une fois vhmrises par les clercs chrtiens qui transcrivent des lgendessouvent colportes oralement depuis des sicles et les christianisent. Jacques LeGoff note avec justesse que le premier problme est celui des attitudes deshommes du Moyen Age par rapport aux hritages du merveilleux qu'ils ont reus. .Dans hritage, je vois un ensemble qu i s'impose vous d'une certaine faon (ontrouve un hritage, on ne le cre pas), mais cet hritage, il faut un effort pourl'accepter, le modifier ou le refuser, au niveau collectif comme au niveauindividuel... Chaque socit scrte plus ou moins de merveilleux, mais surtout ellese nourrit d'un merveilleux antrieur 3. Dans sa prsentation du merveilleuxmdival, Daniel Poirion remarque que pour bien interprter le merveilleuxd'une littrature comme celle du Moyen Age nous devons interroger lastratification des cultures... Mais la question des substrats se pose aussi... 4.Que lgue l'Antiquit ? Essentiellement des uvres crites et des croyances quiont, plus d'une fois, leur pendant chez les habitants de l'Occident mdival, et celamrite que l'on s'y attarde quelque peu.I. Les crits

    Nous avons d'une part des sommes importantes Histoire naturelle de Pline,Collection de Choses mmorables de Solin des ouvrages zoologiques Physiologus 5 des traits de mythologie Mtamorphoses d'Ovide, Commen-700

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    Cl . LECOUTEUX PAGANISME, CHRISTIANISME, MERVEILLEUXtaires de Servius, Fables Hygin des gographies Chorographie dePomponiusMela par exemple des traits sur les dieux et la religion ouvragesdeVairon et de Cicron 6 des popes Virgile), des romans (Apule). Beaucoupde ces oeuvres vhiculent des ides incompatibles avec le christianisme, et parti:du ine sicle les crivains chrtiens les combattent de plus en plus vigoureusement.Tertullien, dontl'activit littraire se situe entre 1 97 et 222, rdige son Apologtique,les traits De l'Idoltrie et Aux Nations; dans ce dernier ouvrage il s'en prend lathologie physique (II, 2-6), puis la thologie mythique 7. Dans les Institutionsdivines, rdiges vers 304-313, Lactance ridiculise les allgoristes paens et leursdieux, les potes qu i transposent ainsi nombre d'vnements, non pour mentir audtriment des dieux qu'ils vnrent, mais pour embellir et gayer leurs chants 8,opinion qui est peu de chose prs celle des Pres de l'glise : comme auteurs defables mensongres, les potes paens, fabricants de faux dieux, sont responsablesdes superstitions et de l'idoltrie (Div. Inst. VIII, 2 2) 9 . Vient Arnobe de Sicca mortvers 327), dont les cinq premiers livres du trait Contre les Nations, c'est--direcontre le polythisme et l'idoltrie, critiquent en dtail le paganisme, sa thologieanthropomorphique, ses divinits abstraites ou scandaleuses, ses mythes absurdesou inconvenants, son exgse allgorique, les temples, les statues, les liturgies et lessacrifices 10. Mais c'est surtout saint Augustin (354-430) pour qu i l'interprtationallgorique des auteurs paens est un moyen de dguiser la misre de leurssuperstitions n.Les apologistes chrtiens s'appuient sur la parole du Psaume (95,5) disant queles dieux des nations sont des dmons, reprennent la thorie vhmriste des dieux-hommes et des dieux-dmons, telle qu'elle se rencontre chez Servius dve sicle) parexemple. Fulgence (vers 430-530), dont les Mythologies marquent la naissanced'une mythographie chrtienne 12 , achve de forger l'outil vhmriste qu i permetla rcupration de certains auteurs de l'Antiquit mais s'accompagne d'unedestruction du merveilleux qui n'est plus qu'ornement et allgorie : Cerbre devientl'image de la terre qu i consume les corps au cours des trois ges de l'homme, lessirnes sont des courtisanes... 13.Jusqu'au ve-vie sicle, nous assistons donc une rpression 14 de toutes lesformes de merveilleux relevant de la mythologie, mais pas de tout le merveilleux :est pargn le merveilleux gographique et zoologique. Il est intressant de noterquels ouvrages sont recopis et diffuss au vie sicle : ce sont ceux de Pline, Solin,Virgile, Salluste et Aulu-Gelle. Il faut attendre le xe sicle pour que resurgissentceux de Lucain, Stace, Ovide et Horace 15. Si le merveilleux gographique etzoologique est peu touch, c'est sans doute parce que les crivains chrtiens ne lejugent pas trop pernicieux. Dans La Cit de Dieu (XVI, 8), saint Augustin ne rfutepas l'existence des peuples du bout du monde, bien au contraire ! Il pose d'ailleursune question fondamentale : Dieu les a-t-il crs ? La rponse sera apporte auxiie sicle justement, par l'anonyme rdacteur de la Gense de Vienne :

    Adam avait interdit ses filles enceintes de manger certaines plantes ; ellesdsobirent et mirent au monde des enfants monstrueux, certains sans tte,autres marchant quatre pattes, d'autres ayant une tte de chien, d'autres auxoreilles si grandes qu'ils s'en vtaient... 16 .

    La rpression du merveilleux ne touche donc pas la littrature savante (histoirenaturelle, gographie, historiographie) 17 . Elle est nanmoins facilite par un701

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    LES DOMAINES DE L'HISTOIREvnement historique : les grandes invasions ont eu pour consquence uneclricalisation de la culture. Bientt, seule l'glise fut en mesure de reproduire et dediffuser des crits, de constituer des bibliothques ; elle put donc oprer une censurede facto et ne divulguer que ce qui servait ses desseins. Nous assistons alors undouble mouvement : censure des auteurs et du merveilleux paens, rcupration etcration un merveilleux chrtien.Il est difficile de savoir exactement partir de quel moment l'glise uvrantpour la plus grande gloire de Dieu fabrique consciemment du merveilleux. Il estcertain que, dans un premier temps, le mot merveilleux est inadquat Dieu esttout-puissant, rien n'existe qui ne vienne de Lui, donc le croyant s'attend desmiracles, des merveilles 18. Mais peu peu l'glise opre un tr i de plus en plusrigoureux et prend conscience des possibilits que lui offre l'attitude mentale de sesouailles. Il ne faut pas oublier que c'est vers l'an mille que l'glise fabrique la fabledu fils monstrueux (anserinum collum et caput habentem) de Berthe de Bourgogne,pouse de Robert le Pieux, pour contraindre le roi se sparer de sa parente auquatrime degr 19.L'attitude de l'glise est ambigu : on se souvient que saint Augustinrecommanda aux chrtiens de s'approprier la richesse de la pense profane pourmieux prcher l'vangile (ad usumjustum praedicandi evangeli), de mme que lesHbreux dans leur fuite emportrent les vases sacrs des gyptiens afin qu'ilsservissent leur propre culte 20. Saint Basile fait lamme recommandation proposdes lettres hellniques

    C'est entirement l'image des abeilles que nous devons tirer parti de cesouvrages. Elles ne vont pas galement sur toutes les fleurs... Elles prennent ce quiest utile leur travail, et quant au reste, adieu ! 21.Cette attitude explique le succs d'un crivain comme Martianus Capella dont lesNoces de Philologie et de Mercure sont un vritable manuel des sept arts libraux eto les dieux et les mythes sont les simples ornements du savoir. L'enseignement dela grammaire sauve les auteurs anciens dont l'uvre devient le serviteur de cet art(ancilla grammaticae).II. Pratiques et croyances

    Quittons le domaine des lettres et transportons-nous dans le sicle. L'Antiquitclassique et des croyances locales survivent encore longtemps. L'uvre de Csaired'Arles (vers 470-542) 22 en donne une image prcise mais ne permet pas de direquelle part revient exactement aux pratiques romaines et aux cultes locaux.Examinons rapidement les points les plus importants des pratiques du Haut MoyenAge, celles qui ont laiss des traces nombreuses dans la littrature du xne sicle, etcommenons par la plus dangereuse, l'oniromancie.a. Le rveLes anciens lguent au Moyen Age un systme trs labor d'interprtation dessonges. Dans son Commentaire du Songe de Scipion, Macrobe (vers 400) distinguecinq catgories de rves : Yinsomnium, provoqu par les soucis, les peurs ou les70 2

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    Cl . LECOUTEUX PAGANISME, CHRISTIANISME, MERVEILLEUXespoirs du dormeur, ou par un excs de boisson ou de nourriture (I, 3,4); visum/phantasma, sorte de cauchemar de l'homme en demi-sommeil (I, 3,7); oraculum,rve recherch en couchant dans un temple (incubatio, I, 3, 8) ; visio, rve dont lecontenu prophtique se ralise (I, 3, 9), et enfin somnium qu'il dfinit ainsi :

    Somnium proprie vocatur quod tegit figuris et velat anbagibus non nisiinterpretatione intelligendam significationem rei quae demonstratur (I, 3, 10).Grgoire le Grand distingue six catgories de rves qui, en fait, ne recouvrent quetrois grands types: les rves provoqus par la nourriture et la faim23, ceuxqu'envoient les dmons et , enfin, les manifestations divines :

    Aliquando namque somnia ventris plenitudine vel inanitate, aliquando veroillusione, aliquando cogitatione simul et illusione, aliquando revelatione, aliquandoautem cogitatione simul et revelatione generantur 24 .Le paganisme rejoint le christianisme qui, par la Bible, connat les visions (songes deDaniel, de Joseph, visions de Jean et d'zchiel)dont l'existence est ainsi confirme,ce qui provoque une question importante : comment peut-on distinguer les vraisrves des faux, ceux suscits par Dieu et ceux dus aux dmons ? Et surtout : doit-onen tirer des augures ?Saint Augustin ravale l'oniromancie au rang de l'idoltrie (sic qui colunt idola,quomodo in somnio vident vana) et ajoute qu'il ne faut pas croire aux songes queprovoque le dmon (in somnia vana, quia diabolus fecit)25. Le rve est doncessentiellement dmoniaque, y croire est une folie (stultitia), le prendre pour laralit signifie retomber dans les erreurs du paganisme. La divination par le rve estdonc bannie, en 789 par XAdmonitio generalis 26, et en 802-803 par un capitulairedisant :

    Ut nemo sit qui ariolos sciscitetur vel somnia observe! ve l ad augura intendat ; sint malefici, incantatores phitones, cauculatores tempestarii velobligatores ; et ubicumque unt, emendentur vel damnentur 21 .Cette assimilation des oniromanciens aux sorciers se retrouve dans les canons duconcile de Paris en 829.Des catgories dfinies par Macrobe l'glise ne tolre que la visio, manifestationdivine faite au juste, car l'illusion nocturne (insomnium) et le rve veill(phantasma) ne sauraient prsager l'avenir ; quant V oraculum, c'est un sortilge.Rupert de Deutz (vers 1075-1 129) s'exprime ainsi :

    Visio et divinatio hoc differunt, quod divinatio nunquam in Scripturis in bonampartem accipitur1%.Bref, l'glise n'admet que ce qui est attest par la Bible, mais le rve prmonitoire aune longue vie dans les textes littraires, en tmoignent oisir les sagas Scandinaves Vatnsdoela Saga, chap. 42, par exemple 29 le Parzival de Wolframd'Eschenbach (103, 25 ss), Helmbrecht le Fermier, de Werner le Jardinier, et lageste de Dietrich von Bern (Thodoric de Vrone) 30. Pourtant l'glise offre unecompensation aux hommes en dveloppant la littrature des visions dont le4 703

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    LES DOMAINES DE L'HISTOIREvritable essor suit de peu la diffusion des Dialogues (en 593) de Grgoire le Grand,dont le quatrime livre est un vritable recueil d'apparitions destines prouver lavie de l'me aprs la mort 31. Outre les ouvrages bien connus vision de Wettinus,Fursaeus, Lazare, Georges de Hongrie, saint Paul, Tundale, Purgatoire de saintPatrice, etc. les visions envahissent peu peu la littrature religieuse etl'historiographie et tmoignent du dveloppement de cette forme de merveilleux.Je citerai brivement : Annales Quedlinburgenses ( 1 020) pour l'an 1012 (MG SS3, 80, 45) ; Chronicon Novaliciense (1025), chap. 33 : vision de l'vque Lon deVercelli ; Vita Udalrici chap. 13-19) de Grard d'Augsbourg Migne, P.L., 135, col.1009-1058) et de Bern de Reichenau (mort en 1048) o alternent prophties,miracles et visions ; Liber visionm de Otloh de Saint-Emmeran (vers 1010-1 070),avec rfrence expresse Grgoire le Grand, cuius etiam intentionem in hocopusculo imitatur ; De miraculis sancti Emmerammi d'Arnold de Saint-Emmeran ;Chronicon Centulense (II, 2 1) de Hariulf de Saint-Riquier (vers 1 060- 1 1 43), avec lercit d'une vision de Charles III 32. Cette invasion, dont j'ai choisi de citer quelquestmoins aboutit au Scivias de sainte Hildegard, recueil de visions auquel le papeEugne III ne trouva rien redire lors de son sjour Trves en 1 1 47- 1 1 48, et auDialogus magnus visionm atque miraculum de Caesarius de Heisterbach (vers1219-1223).La peur qu'ont prouve les hommes se voir visits par des rvesdmoniaques est particulirement perceptible dans les lapidaires : dans celui deMarbode de Rennes nous trouvons, propos de diverses gemmes, les expressions etnoctes lmures, et somnia vana repellit (adamas) ; phantasmata noxia pellit(iaspis) 33. Chez Evax/Damigeron il est dit du diamant : repellit autem metum et visiones incertorum somniorum et simulacra umbrarum (III) ; le coraildpos dans une maison conservt... ab umbris demoniorum et vanis somniis (VII) ;le ceraunius appelle la remarque suivante : et oracula dat obsecranti, in somnis bonasomnia (XII) ; l'obsyonthes est magna opere adversus somnia incerta resistit(XXV) ; chrysolitheos -.phylacterii tutamentum est ad nocturnos timoresiXLVU) 34.b. L'idoltrie

    Outre certaines pratiques comme la ddicace des enfants un dieu dans les paysScandinaves 35, les paens honorent leurs dieux dans des temples, vouent un culteaux divinits des arbres, des sources et des pierres. Jetons un regard sur cesdiffrents points.Plusieurs textes Chronicon Laurissense brve (vers 806), Translatio s.Alexandi de Rodolphe de Fulda (mort en 867) par exemple nous apprennentque les Germains adoraient une idole appele Irminsul (colonne d'Irmin) 36, etchacun sait que saint Boniface abattit, prs de Geismar (Hesse) le chne consacr Donar. En France l'vque Amator (mort le 1er mai 41 8) fit abattre Auxerre unpoirier objet de culte. Dans l'actuelle Belgique, Amandus, vque de Maastricht(647-649) fit de mme prs de Gand. Dans ses Gestes des vques de Hambourg,Adam de Brme (mort vers 1080) dcrit le temple d'Uppsala o se trouvaient lesidoles de Thorr, Wodan et Fricco ( = Freyr), cum ingenti priapo (IV, 26 s). LaKjalnesinga Saga islandaise (chap. 2) voque un temple ddi Thorr, o sedonnaient des banquets sacrificiels (bltveizlur) 37. Le culte des arbres est bien attestchez les Saxons qui consacraient des bosquets ou des forts, leur donnant les nomsde leurs dieux, et attachaient de tels endroits une minente dignit. . C'tait surtout70 4

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    Cl . LECOUTEUX PAGANISME, CHRISTIANISME, MERVEILLEUXles arbres feuillus et les sources qui leur semblaient dignes de culte , dit Adam deBrme {Gesta, 1,7 s). En Scandinavie, laHervarar Saga okHeidreks Konungs citel'existence d'un arbre aux sacrifices (blttr) 38. Chez les Celtes, l'if de Ross, le chnede Mughna et le frne d'Uisnedr, la crmonie de l'arbre de mai attestent les mmescroyances.Que le culte paen se soit accompagn de sacrifices humains incompatibles avecle christianisme est indniable : les trouvailles faites dans les tourbires deScandinavie (mossfynder) le prouvent, et la Vatnsdoela Saga (chap. 30) dit d'unnomm Thorolfr : II possdait des fosses sacrificielles, car on pensait qu'il offraiten sacrifice la fois des tres humains et des animaux 39. Au ixe sicle, la VitaWulframni indique que les Frisons sacrifiaient des enfants leurs dieux : ils lespendaient 40. Adam de Brme fait allusion un puits o l'on jetait, lors de ftes, unhomme vivant {Gesta, IV , 26, scolie 138 : ibi est fons, ubi sacrificia paganorumsoient exerceri et homo vivus immerg). En Irlande, le Livre de Leinster{vers 1156)parle de l'idole Cromm crach (ou Cenn crach) qui s'levait au Champ del'Adoration

    Ici tait une grande idole... qu'on appelait Courbe sanglante ou Croissantensanglant, Cromm crach ; elle donnait, dans chaque province, la puissance et lapaix... Les braves Gdels l'adoraient : ils lui demandaient le beau temps... Pourelle, sans gloire, ils tuaient leurs enfants premiers-ns... C'tait du lait et du blqu'ils lui demandaient en change de leurs enfants41.Il faut encore noter le culte des sources et des fontaines, bien attest dans toutl'Occident mdival : les lois chrtiennes du Gulathing, en Norvge, reprochent auxpaens de croire aux gnies tutlaires (landvaettir), que ce soit dans les bosquetsd'arbres ou dans les tertres ou dans les cascades42. Rgis Boyer constate que lessources recevaient des offrandes de vivres en Scanie, donnaient lieu dessimulacres de rites et de mariages en Vstergtland et des crmonies propitiatoi

    resn Nrke 43. Toutes ces pratiques sont bien connues de l'glise qui ne cesse deles combattre ; dans les actes du concile de Tours, en 567, nous lisons dj :Contestamur Ulam sollicitudinem tam pastores quant presbitores gerere, ut,quoscumque in hacfatuitate persistere viderint vel a nescio quaspetras aut arboresaut fontes, designata loca gentilium, perpetrare, quae ad ecclesiae rationem non

    pertinent, eos ab ecclesia sancta auctoritate repellant participare sancto altariopermittant **.La Vita Eligii (vine sicle) interdit d'allumer torches et flambeaux (luminaria), deprter des serments ou encore d'mettre des vux en ces lieux :

    Nullus christianus ad fana vel ad petras aut ad fontes vel arbores aut adcancellos vel trivia luminaria faciat aut vota reddere praesumat *5 .Grgoire le Grand (mort en 604) ordonne d'utiliser les difices paens aprs en avoirloign les idoles et aprs lustration 46, mais le synode de Nantes (vers 658) rendobligatoire la destruction des difices du culte paen ; en outre, les arbres doiventtre coups, les racines arraches et brles, les pierres enleves et jetes en un autreheu, l o elles ne pourront plus servir au culte 47.

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    LES DOMAINES DE L'HISTOIRESous une forme scularise, les anciennes croyances alimentent la constitutiondu patrimoine merveilleux : pierres de vertu (Tugendsteine) dont ne peut s'approcherue le meilleur chevalier, Cercle des Gants de YHistoria regum Britanniae deGeoffroy de Monmouth, source miraculeuse dans le Carmen de Timone comit

    (vers 835 ; MGPoet. lat. aevi carol. II, 1 20), fontaine de Barenton du Roman deRoude Wace, arbre merveilleux de Durmart le Gallois, etc.

    Les ftesL'Antiquit a lgu un certain nombre de ftes calendes de janvier et de mai,Spurcalia de fvrier, Neptunalia (23 juillet), Volcanalia (23 aot) 48 s' accompa

    gnante manifestations d'autant plus populaires qu'elles concident souvent avecdes ftes locales en Irlande, assemble du 1 er mai (Belten), du 1 er aot(Lugnasad), du 1er novembre (Samain) ; en Scandinavie, blt d'automne (haustblt),vers le 1 5 octobre, blt de la mi-hiver (midvetrarblt), appel lfablt (sacrifices auxElfes) ou Jl, etc. 49. Csaire d'Arles (Sermo, 192) place les ftes des calendes dejanvier au rang des sacrilges et en donne les raisons suivantes :et ideo sancti antiqui patres nostri considrantes maximm partem generis humanidiebus istis gulae vel luxuriae deservere, ebrietatibus et sacrilegis saltationibusinsanire 50.

    Martin de Braga (vers 515-580) fustige les ftes en l'honneur de Vulcain, indiqueque les fileuses ne doivent pas invoquer Minerve en travaillant (De correctionerusticorum, chap. 1 6). Il est interdit de porter un masque de rf(cervolofacere), dese vtir de peaux de btes (alii vestiuntur pellibus pecudum...), de mettre des habitsqu i ne sont pas de son sexe (trullanum). Le concile de Rome (en 743) interdit detels cortges de traverser villes et villages :

    Si guis Kalendes ianuarias... per vicos et per plateas cantationes et choros ducere(praesumpserit)... anathema sit51,car toutes ces pratiques s'accompagnent d'actes ravalant l'homme au niveau de labte. UHomilia de pythonibus et maleficis, attribue Petrus Chrysologus (vers 380-450), dit, propos de ces ftes :

    Praeterea vestiuntur homines in pecudes, et infeminas viros vertunt, honesta-tem rident, violant judicia, censuram publicam rident, inludunt, saeculo teste, etdicunt, se, facientes ista, jocari. Non unt joca, sed unt crimina. In idolatransfiguratur homo 52.La mascarade est frappe d'anathme car il est port atteinte l'homme image deDieu 53, et il est mme interdit de chanter Alleluia en ces occasions 54.Toutes ces ftes et leurs rites ont laiss des traces dans les littratures celtiques etScandinaves ; dans la littrature romane et allemande par contre, il en est fait peu dementions, exception faite du roman arthurien o quelque prodige survient toujourslors de Nol ou des ftes de Pques arrive d'une franche pucelle, passage du cerfblanc, apparition d'inscriptions...70 6

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    Cl . LECOUTEUX PAGANISME, CHRISTIANISME, MERVEILLEUXd. Sorciers et magie

    Magi sunt, qui vulgo malefici ob facinorum magnitudinem nuncupantur, ditIsidore de Seville (Etymologiae, VIII, 9, 9), et le terme de sorcier (sortiarus) apparaten 589. Pour toute la littrature religieuse, les magi sont les spcialistes des artsmalfiques. Dj Lactance justifie ainsi leur nom vulgaire : si quos vere maleficosvulgas appellat, cum artes suas execrabiles exerant (Div. Inst., II, 15, 4) 55. Soit entant que prtres des anciennes religions (druides, godi), soit en tant que devins ousorciers, ils sont tenus pour des hrtiques, pour des tres dangereux en raison deleurs pouvoirs diaboliques. Isidore nous dit qu'ils envotent et ensorclent leshommes, troublent leur esprit, agissent sur les lments (Et., VIII, 9, 9). D'autrescrivains, Hugues de Saint- Victor (mort en 1141) par exemple, indiquent qu'ilstuent ou nuisent, confectionnent des amulettes S6, utilisent l'eau baptismale, leshuiles saintes et le saint-chrme 57, font des statuettes qu'ils baptisent, font dire unemesse des morts pour un vivant58, utilisent charmes et incantations. Lespnitentiels nous apprennent qu'ils font des philtres pour susciter l'amour,provoquer l'avortement ou empcher la fcondation :

    Bibisti ullum maleficium, herbas vel alias causas, ut non possis infantemhabere aut alii dedisti aut hominem cum potione occidere voluisti... 59.Les magi et physici reoivent le nom incantator, incarminator 60 veneficus, lesfemmes sont nommes incantatrix, venenata et striga, herbaria. La Loi Saliqueprcise la punition pour les sorciers : soixante-douze sous et demi d'or pour lecoupable de malfices ; deux cents sous d'or pour la sorcire (striga) ayant dvorun homme 61 . Le Code des Wisigoths d'Espagne punit de deux cents coups de fouetles coupables de malfices qui, en outre, sont tondus 62. On croit que les sorcirescommandent la lune 63 et qu'elles sont anthropophages 64 . Le Code des Wisigothset la plupart des textes apparents indiquent que les sorciers lancent des temptes,envoient la grle par des incantations sur les vignes et sur les moissons. LaVatnsdoela Saga dj cite a conserv le souvenir de ces pratiques : les sorciersenvotent des chats (chap. 28), provoquent des boulis meurtriers (chap. 36),dchanent les lments (chap. 34 et 47), moussent le tranchant des armes etressuscitent les morts (chap. 29). La Saga de Snorri le Godi (Eyrbyggja Sagachap. 20) met en scne la sorcire Katla qui abuse les sens des hommes 65.

    En France, le synode de Rouen (650) interdit de prononcer des incantations surles pains et les herbes, puis de les cacher dans les arbres ou aux carrefours pourprserver les troupeaux des pidmies ou pour provoquer une pizootie dans lecheptel des voisins 66.Une des principales occupations des sorciers est la confection d'amulettes :Csaire d'Arles proscrit le port de characteres, morceaux de bois, de mtal, depierre, de tissus ou de parchemin couverts de signes 67 ; le troisime concile deTours 8 1 3) interdit le port d'os d'animaux morts et d'herbes incantes 68 VHomiliade sacrilegiis s'attaque au port de langues de serpent (aut lingua serpentis ad collumhominis suspendit) et rsume ainsi ce qui touche aux amulettes :Quicumque salomoniacas scripturas facit (nom des signes ports sur lesamulettes), et qui caracteri in carta sive in bergamena, sive in laminas aereas,ferreas, plumbeas vel in quacumque christum vel scribi hominibus vel animalibusmultis ad collum alligat, iste non christianus, sed paganus est69.

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    LES DOMAINES DE L'HISTOIREEst-il besoin de souligner l'influence de la ralit sur les romans ? La sorcellerieet ses rites sont la source de plus d'un motif merveilleux : Bladud le ncromant(Wace, Brut, v. 1629 ss), enchanteurs Mabon (Renaut de Beaujeu, Le Bel Inconnu),Mabuz et Malduck (Ulrich von Zatzikhoven, Lanzelet), Jeroparg {Friedrich von

    Schwaben)... Les lapidaires dveloppent les phylacteria et les characteres dans decurieux fragments intituls De sigillis o nous trouvons les vertus des pierressculptes de figures, graves de signes 70, devant tre utilises d'une faon bienprcise : serties dans des mtaux prcieux, portes au doigt, au cou, poses sur tellepartie du corps, etc. 71 . L'usage des philtres est largement attest par la littrature dedivertissement {Roman de Tristan, par exemple). Une tude exhaustive prouveraitsans nul doute que la ralit est partout en contrepoint dans les romans 72.e. Synthse

    De nombreuses uvres font la somme des croyances cites, Dcrets deBurchard von Worms (vers 1 000), Homilia de sacrilegiis (vine sicle) et Indiculussuperstitionum et paganiarum, De magicis artibus de Raban Maur (vers 780-856),De correctione rusticorum (572-574) de Martin de Braga, uvre de Csaire d'Arles,mais ces textes sont trop longs pour tre cits. En revanche, Pirmin (mort en 7 5 3), lefondateur du monastre de Reichenau, a ralis une bonne synthse que voici ;pour plus de commodit nous dcoupons le texte en paragraphes :Noli adorare idolis ; non adpetras, neque ad arbores, non ad angulos, neque adfontes, non ad trivios nolite adorare, vota reddire.Precantores et sortilogos, karagios, aruspices, divinus, ariolus, magus,

    maleficus, sternutus et auguriaper aviculas vel alia ingnia mala et diabolica nolitefacire credire.Nam Vulcanalia et Kalendas observare, laurus ponire, pedem observare,effundire super truncum frugem et vinum, et panem in fontem mittere ; mulieres intela sua Minerva nominare, et veneris aut alium diem in nuptiis observare, et, quodie in via exeatur, attendire, omnia ista, quid est aluit, nisi cultura diaboli ?Karactires, erbas sudno nolite vobis vel vestris apendire.Tempestarios nolite credere ; aliquid pro eis dare, neque qui dicunt quodmanus fructa tollere possent.Nolite hoc credere neque in inpurias, que dicunt homines super tectus mittere,ut aliqua futura possint eis denuntiare, quod eis bona aut mala adveniat. Nolite eiscredere, quia soli deo est futura prescire.Cervulos et veculas in Kalendas vel aliud tempus nolite ambulare. Viri vestesfemineas, femine vestis virilis in ipsis Kalendis vel in alia lusa quam plurima nolitevestire.Membra ex lignofacta 73 in trivios et ad arboribus vel alio nolitefacire, nequemittere, quia nulla sanitate vobis possunt praestare.Luna quando obscuratur, nolite clamores emittere.Nullus carminum diabolicum credire, nee super se mittere non prsumt.Nullus christianus neque ad ecclesiam, neque in domibus, neque in trivios, neein ullo loco ballationes, cantationis, saltationis, veliocus et lusa diabolicafacire nonprsumt.Mimaricias et verba turpia amaturia vel luxuriosa ex ore suo non profrt.Omnia filacteria diabolica et cunta supradicta nolite ea credire, adorare,neque vota illis reddere, ullum honorem inpedire, quia in Exodo dominus ait : Non fades tibi sculptile (Ex., 20, 4 s)1*.

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    Cl . LECOUTEUX PAGANISME, CHRISTIANISME, MERVEILLEUXSuit Fnumration des passages de la Bible correspondant aux diffrents interdits(Ex., 22, 19 ; Lev., 19, 26 ; Deut., 18, 10-12 et 22, 5 ; 27, 15 ; Jer., 29, 8 s).III. Le dveloppement du merveilleux

    Une des formes que prend la lutte contre le paganisme est le dveloppementd'un merveilleux chrtien : des desses sont christianises sainte Brigitte enIrlande 75 les sources sont places sous le patronage d'un saint thaumaturge, etc.Ds le vie sicle l'hagiographie se dveloppe, comme en tmoignent la Vie de saintMartin, de Grgoire de Tours (538-594), puis celle de saint Cudhbert, de Bde leVnrable (avant 705) ; des saints saurochtones apparaissent, la littrature desvisions prend son essor partir du vne sicle. Le commerce des reliques ou d'objetsayant appartenu des saints vient peu peu remplacer celui des phylacteria,ligatur, ligamina et charactered. La lutte contre les devins, augures, oracles etautres esprits pythons se poursuit avec les actes du synode de Rouen (650) 76, deClichy 77, qui reprennent les canons du concile d'Orlans (5 1 1 ) 78. Le second concilede Tours (567) jette l'anathme sur les offrandes faites aux arbres, aux sources etaux rochers. Par le biais des sermons, le corps ecclsiastique tente d'inspirer auxhommes la crainte de l'enfer, et Csaire d'Arles n'hsite pas qualifier les dieuxpaens de monstres 79. Cette lutte ne cesse pas de tout le Moyen Age mais change partir de 771 environ.a. La Renaissance carolingienne et ses consquences

    La rpression du merveilleux paen qui, je le rpte, ne touche pas la littraturesavante, s'explique par l'histoire de l'glise : jusqu'au vine sicle, elle mne un precombat pour s'imposer aux hommes et aux souverains, pour devenir la religion del'Occident mdival, pour runir les deux moitis du corps mystique. La lgende dubaptme de Clovis est dj, bien des titres, remarquable : Dieu accorde la victoireau roi qui a promis d'embrasser la vraie foi conception bien germanique de larciprocit 80 ! Jusqu' l'avnement de Charlemagne, l'glise ne tolre rien qu i nefasse partie du dogme chrtien : ne va-t-elle pas crer une lgende pour discrditerle souvenir populaire qu'a laiss Thodoric, cet arien 81 ? Le poids de la censureecclsiastique est perceptible jusqu'au moment o l'glise trouve en Charlemagnele bras sculier qu i lui faisait dfaut.Plus qu'aucun de ses prdcesseurs, le nouvel empereur romain (cf. l'ide de latranslatio imperii ad Francos) a le sentiment profond que la religion requiert lasollicitude du prince et qu'elle engage sa responsabilit. Il va donc faire rgner, oudu moins le tenter, romana et la.pax christi, une des raisons pour lesquelles ilsera canonis en 1165. Il combat l'adoptianisme aux cts du pape, assurel'existence du clerg en donnant la dme le caractre d'un impt, soutient l'glisepar le biais de ses lois : en 789 il s'attaque la sorcellerie (MGLeg., 2, 1, 64), en 775-790 aux repas cultuels (MGLeg., 2, 1, 69). Le grand tournant dans la vie de l'glisese situe entre 771, (mort de Carloman) et 818 (Capitulare ecclesiasticum).Antrieurement 77 1 peu de textes de lois soutiennent l'action de l'glise : Lois deChildebert (51 1-558), Edictum Rothari (643), capitulaire de 742-743, CapitulareSuessionense (744), alors que les vques dploient une intense activit : quinzesynodes et conciles ont lieu en France du ve au vne sicle Arles (443-452 ; 524 ;

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    LES DOMAINES DE L'HISTOIRE654) ; Agde(5O6) ; Orlans (51 1 ; 533 ; 541) ; auze(551) ; Tours (567) ; Auxerre(573-603) ; Narbonne (589) ; Reims (624-630) ; Clichy (626-627) ; Chalon-sur-Sane (639-654) ; Nantes (658).La Renaissance carolingienne est certes celle du pouvoir central et de l'glise,mais surtout celle des lettres qui se caractrise, entre autres choses, par ledveloppement des coles, des scriptoria, la mise au point de la minuscule Caroline,la constitution de bibliothques. La multiplication des coles monastiques entranele besoin de nouveaux textes qui sont, bien naturellement, emprunts l'Antiquit,revus et corrigs l'aide de la Bible, des Pres de l'glise et de l'vhmrisme. Toutsemble indiquer que la rpression du merveilleux touche sa fin, c'est du moins ceque suggre l'closion d'ouvrages qui sont de vritables rservoirs de motifsmerveilleux : Liber monstrorum, Gographie de Dicuil (825), anonyme Gographieddie Charles le Chauve (entre 845 et 870), De universo de Raban Maur, lePrcepteur de la Germanie, traits des Trois mythographes du Vatican, ce dernierouvrage prouvant bien que la mythologie n'est plus considre comme undanger 82 : ce trait de mythographie correspond un besoin. Cette soudaine libertdes lettres toutes proportions gardes s'explique par les succs de l'glise quiassied son autorit sur les mes et les royaumes tout au long des xe et xie sicles : ds9 3 3 laNorvge a un roi chrtien, Hkon le Bon ; le Danemark embrasse la vraie foien 985 ; l'Islande adopte le christianisme Althing de 999 ; en 962 est crl'vch de Magdebourg, en 972 celui de Prague, en 1000 celui de Gniezno(Pologne) ; en 985, Etienne II de Hongrie est baptis et les Hongrois se convertissententre 997 et 1038...b. La transition

    Au cours des xe et xie sicles se fait galement sentir une volution qui prfigurela grande renaissance du merveilleux au xne sicle. Je n'en veux pour preuve queles faits suivants : on recopie, traduit et illustre le De rebus in Oriente mirabilibus ;Ratramne de Corbie change des lettres avec Rimbert pour savoir si les Cynocphalesen fait une peuplade Scandinave) sont des hommes ou des btes ; Walther deSpire rdige la Vie de saint Christophe (vers 982), ce Cynocphale auquel Dieudonna figure humaine 83. Et surtout : la lgende d'Alexandre le Grand se rpandcomme une trane de poudre. Lon de Naples traduit le roman du Pseudo-Callisthne (vers 953), et la mme poque la Lettre d'Alexandre Aristote sur lesMerveilles de l'Inde connat un succs foudroyant : les plus anciens manuscritsdatent du ixe sicle 84.Au xie sicle des traits voient le jour, dont l'habillage chrtien cache peine lefond paen : Lapidaire de Marbode de Rennes (vers 1035-1 123), tmoignant de laredcouverte du trait d'Evax/Damigeron, et le Macer floridus de viribusherbarum, d'Odon de Meung. La Renaissance du XIIe sicle

    Ce mouvement, dont je ne cite que les principaux tmoins, aboutit deuxuvres majeures, le Liber floridus de Lambert de Saint-Omer et le De imaginemundi d'Honorius Augustodunensis 85. Arrtons- nous un instant. Lambert achveson Florilge en 1 1 20, tire d'Isidore et du Physiologus ses connaissances zoologiques, suit Isidore et Marbode pour les vertus merveilleuses des pierres, emprunte710

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    Cl . LECOUTEUX PAGANISME, CHRISTIANISME, MERVEILLEUX Martianus Capella et saint Augustin ce qu'il dit des monstres humains, semblesuivre le Pseudo-Aristote pour son chapitre sur les sources et les fontaines auxproprits magiques, reprend les informations pas toutes de YHistoriaBritonum sur les merveilles de Bretagne, reproduit in extenso la Lettre d'Alexandre Aristote ainsi que le roman Apollonius de Tyr... Honorius achve son Image duMonde en 1 1 23, compilant Solin, la Philosophia mundi de Guillaume de Conches, leLiber de divinis officiis de Rupert de Deutz, et sans doute des lments de laPeregrinatio sancti Brandani. Nous le voyons, le merveilleux est l'honneur !Paralllement ces monuments, il faut citer la Physica de sainte Hildegard quiaccueille les traditions populaires celle du basilic naissant d'un uf de poulecouv par un crapaud, par exemple 86 et surtout constater l'omniprsence deSolin dont l'autorit renforce celle d'Isidore et d'Honorius. Nous avons un longpome de Thodoric de Saint-Trond o toutes les merveilles des Collactenea sontrassembles ; Thodoric dit en sa prface :

    Auribus aut oculis non totus sufficit orbis,non omnis nova res oculos quae mulcet et aures,sed quae mirentur homines videntur.Me iuvat audiri quod non est copia cerni,unde mihi facilem si quisquam prebeat auremquae de solinis miranda relegiex rebus variis, brevibus mandabo lituris,multa quidem referens et eorum multa relinquens*1 ...Deux autres pomes anonymes confirment la vogue de Solin, d'Isidore etd'Honorius, le De monstris Indie, compil de Solin et d'Honorius, et le De monstrishominum naturis atque ferarum, tir d'Isidore, du Physiologus et d'autres sources88. Ce dernier texte fournit la littrature franaise le motif des oreilles sigrandes qu'elles servent de bouclier 89. A la demande du comte Baudouin deFlandres, Simon de Ghisnes traduit Solin en franais. Si on a pu dire des xie et sicles qu'ils taient l'ge ovidien (aetas ovidiana), pour le merveilleux, le sicle mrite le nom d'ge solinien.La lgende du Prtre Jean connat une large diffusion ; vers 1 1 50, on complteles merveilles de la ville de Rome par la Graphia aureae urbis Romae ; des recueilsaccessus apparaissent, introductions mthodiques l'tude des auteurs ou destextes scolaires, dont la synthse permettrait de dresser le guide des tudesmdivales : l, voisinent auteurs chrtiens et paens. Le merveilleux de laMatire de Bretagne, dj prsent chez les crivains de langue latine (Geoffroy deMonmouth, Giraud de Barri), envahit la littrature vernaculaire, alimentant lesuvres de Marie de France et de Chrtien de Troyes. L'Antiquit et sa mythologierevivent dans le Roman de Thbes o apparaissent les azeivres (v. 5013). dans leRoman d'Eneas o nous avons de belles descriptions de la Sibylle (v. 2 1 99 ss) et deCerbre (v. 2561 ss) ; dans le Roman de Troie, Benot de Sainte-Maure met en scnesagittaires, ives de mer, neituns et dindialos90. La lgende d'Alexandre rendpopulaires les merveilles de l'Inde, femmes-fleurs, odontotyrannus et bien d'autrestres insolites. Il faut dire que les croisades ont ouvert l'homme fodal l'Orientfabuleux sur lequel la littrature savante raconte depuis longtemps tant de chosesextraordinaires91. Outre-Rhin, la Chronique des empereurs (vers 1145) prendl'allure d'un vritable lgendaire ; l'pope du Roi Rother nous entrane

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    LES DOMAINES DE L'HISTOIREConstantinople sur les traces des gants, fidles vassaux de Rother ; le Duc Ernst(vers 1 1 90 ) prsente les peuples fabuleux, Hommes-grues, Pieds-d'ombre (Skia-podes), Longues-oreilles (Panotens), Pygmes et gants de Canaan92...

    Au terme de cette tude volontairement schmatique, je crois pouvoir affirmerqu'il existe des conjonctures du merveilleux et qu'elles sont en troit rapport avecl'volution historique des socits occidentales. Les vnie et ixe sicles marquent lafin d'une priode de rpression ; les xe etxie sicles forment une priode transitoire :l se mettent en place des structures, des thmes et des motifs, l se forme unpatrimoine de merveilleux qui, ds le xne sicle, imprime fortement sa marque lalittrature de divertissement.Si j'ai choisi le xne sicle comme point d'aboutissement, c'est aussi parce qu'partir de cette date l'glise cesse de rgir le domaine des lettres, parce que lestraditions populaires et orales prennent une place de plus en plus importante (cf. lesouvrages de Gautier Map, puis de Gervais de Tilbury), et que l'imaginaires'affranchit des entraves qui bridaient ses mouvements, s' alliant avec bonheur auxlments venus de l'Antiquit par le canal de la littrature savante. Mais le xne sicleest aussi une charnire car le fruit du travail des coles de traduction (Tolde,Montpellier, Palerme) est perceptible ds 1 150-1 160 : ds lors se rencontrent denouveaux lments de merveilleux qui prennent une place importante dans lesgrandes encyclopdies du sicle.Les relations de l'glise et du paganisme sont, au niveau du merveilleux, cellesde deux cultures diffrentes qui s'affrontent, les clercs cherchant dtruire tout cequi est clbr par le paganisme 93 et transfigurant les croyances archaques. Lemerveilleux du xne sicle est, en grande partie, le rsultat de la modification et del'adaptation chrtienne des substrats anciens.

    Claude LecouteuxParis- Caen

    NOTES.1. J'utilise le terme dans le sens que lui a reconnu D. Harmening, Superstitio, Berlin, 1979,pp. 14-39 : l sont rassembles les dfinitions des Anciens et de s auteurs mdivaux.2. Sur le sens de ce concept, cf. Cl. Lecouteux, Introduction l'tude du merveilleuxmdival . tudes germaniques, 36 , 1 98 1 , p. 273 ss. D. Poirion, Le merveilleux dans la littrature

    franaise du Moyen Age, Paris, P.U.F., Que sais-je ? , 1 982, p. 4, en donne pratiquement la mmedfinition, montrant que le merveilleux est li Ttranget d'un dsir.3. Cf. L 'trange et le merveilleux, M. Arkoun, J. Le Goff, T. Fahd et M. Rodinson ds, Actes ducolloque tenu au Collge de France en mars 1974, Paris, 1978, p. 63 ss.4. Poirion, op. cit., p. 5.

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    Cl . LECOUTEUX PAGANISME, CHRISTIANISME, MERVEILLEUX5. Bonne mise au point de N. Henkel, Studien zum Physiologies im Mittelalter, Tubingen, 1 976(Hermaea, 38) ; cf. aussi l'article Bestiarium dans Lexikon des Mittelalters, Munich-Zurich, 1. 1,col. 2072-2080.6. Cf. Varro, De lingua latina, R. G. Kent d., Londres, 1958 ; Cicero, De divinatione, A. S.

    Paese d., Darmstadt, 1963 ; De ntura deorum, Paese d., Cambridge (Mass.), 1958.7. De idolatria, Migne, P. L. , 1, col. 661-696 ; Apologeticus adversus gentes, ibid., col. 257-536.Consulter J. Fontaine, La littrature latine chrtienne, Paris, 1 970, pp . 1 5-24.8. Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum (CSEL), Vienne, t. 29, p. 43.9. Cf. P. Demats, Fabula, Genve, 1973,- p. 18 .10. Cf. J. Fontaine, op. cit., p. 40.1 1 . De civitate Dei, VII, 5 : Sed ipsorum potius interpretationes physicas audiamus, quibusturpitudinem miserrimi erroris velut altioris doctrinae specie colorare conantur. Mme opinion chezLactance, Div. Inst., I, 12 .12 . Cf. P. Demats, op. cit., p. 59.13 . Cf. Mythologiae, II, 18, R. Helm d., Leipzig, 1898.14 . Le mot est de J. Le Goff qui, parlant de la lgende hagiographique du Haut Moyen Age,ajoute : Ce que nous voyons, c'est essentiellement le souci, de la part de l'Eglise, soit de transformerprofondment en lui donnant une signification tellement nouvelle que nous ne sommes plus en facedu mme phnomne, soit d'occulter ou mme de dtruire ce qui reprsente pour elle un des lmentspeut-tre le plus dangereux de la culture traditionnelle, qu'elle appelle en gros paenne, dans lamesure o le merveilleux a exerc sur les esprits de s sductions videntes qui sont une de sesfonctions dans la culture et dans la socit (op. cit., p. 64 ss).15 . Cf. G. Grber, Lateinische Literatur de s Mittelalters, Munich, s.d., pp . 101 et 121 : listecomplte des auteurs alors utiliss.16 . Die Wiener Genesis, . Smits d., Berlin, 1972, v. 646-658.17 . Je suis frapp de voir en effet combien les chroniques et les annales on t t rceptives aumerveilleux local et traditionnel ; cf. J. Grimm, Deutsche Sagen, Darmstadt, 1974, p. 34 1 ss, etL. Petzold, Historische Sagen, 2 vols, Munich, 1977.18 . Cf. Aline Rousselle, Du sanctuaire au thaumaturge : la gurison en Gaule au ive sicle ,Annales E.S.C., n 6, 1 976, pp . 1 085- 1 07, surtout p. 1 094 ss et p. 11 00 ss. Je remercie A. Roussellequi a eu la gentillesse de me faire parvenir ses travaux et de me donner les renseignements qui memanquaient.19 . Sur ce point, cf. Cl. Lecouteux, Die Kranischschnbler in der Herzog Ernst-Dichtung ,Euphorion, 75, 1981, pp . 100-102.20 . De doctrina Christiana, CSEL, t. 80 , II, XL-XLIII, pp . 73-77 : saint Augustin consacre troischapitres ce problme.21 . Aux jeunes gens, sur la manire de tirer profit de s lettres hellniques, d . et trad.

    F. Boulanger, Paris, 1952. p. 46.22 . Les sermons, Migne d., PL., 39. col. 2000-2271 ; Corpus Christianorum. Series latina(CCL), Turnholt, Brepols, t. CIII ; d . et trad, de M. J. Delage, Sources chrtiennes, 1 75. 1 97 1 , et 243,1 978 sont la source principale de la littrature canonique de l'Occident mdival ainsi que prouvD. Harmening. op. cit. Viennent ensuite le De correctione rusticorum de Martin de Braga. C. W.Barlow d., New Haven, 1950. VHomilia de sacrilegiis. C. Caspari d.. Eine Augustin flschlichbeigelegte H.d.s., Christiania. 1886. et la Ratio de cathecizandis rudibus, J. M. Heer d.. Einkarolingischer Missionskatechismus, Fribourg, 1911.23. Cf. Aline Rousselle, Abstinence et continence dans les monastres de Gaule mridionale la fin de l'Antiquit et au dbut du Moyen Age : tude d'un rgime alimentaire et de sa fonction ,dans Hommage Andr Dupont, tudes mdivales languedociennes, Montpellier. 1974. pp . 240-254, ici p. 246 ss (Ascse alimentaire et Sexualit).24 . Dialogi, IV, 48. Migne, P.L., 77 , col. 499. Alors que les ides de Macrobe(cit d'aprs l'd. deF. Eyssenhardt, Leipzig, 1892) se retrouvent chez Barthlmy l'Anglais {De proprietatibus rerum,VI, 27). Thomas de Cantimpr {De ntura rerum, II, 1 3, 53 ss. H. Boese d.. Berlin-New York, 1973)et Vincent de Beauvais (Speculum naturale, XXVI, 52), Honorius Augustodunensis reprend la

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    LES DOMAINES DE L'HISTOIREdfinition de Grgoire et la prcise : Unde veniunt somnia ? Aliquando a Deo, cum aliquid futurirevelatur, sicut Joseph per Stellas et manipules quod fratribus suis praeferretur, aut aliquidnescessarium admonetur, ut alius Joseph, utfuget in Aegyptum. Aliquando a diabolo, cum aliquidturpe videtur aut bonm impedire nititur, ut in passione Domini de uxore Pilti legitur. Aliquando abipso homine, cum, quod viderit vel audierit ve l cogitaverit, hoc in somnis imaginatur et in timorpositus per tristia, et spe pe r laeta ludificaturiElucidarium, III, 32 , dans Y. Lefvre, L'Elucidariumetles lucidaires, Paris, 1 954, p. 452). Cf. aussi Alain de Lille, Summa de arte praedicatoria, 7, Migne,P.L., 210, col. 12 6 ; J. Le Goff, Les rves dans la culture et la psychologie collective de l'Occidentmdival, Scolie, I (1970).25. Cf. Enarrationes in Ps. 62, dans Sententiarum ex operibus s. Augustini delibatarum, Migne,P.L., 51 , col. 457.26. Canon (C.) 65 , MG Leg., 2, I, 58 s.27. 40, MG Leg., 2, I, 104.28. Commentaria in XII prop hetas minores, Migne, P.L., 168, col. 441-472, ici col. 469.29. Trad. R. Boyer sous le titre : La Saga de s chefs du Val au Lac, Paris, 1980, p. 116.

    30. Consulter les ouvrages de E. Benez, Ds Traummotiv in der mhd. Dichtung bis 1250 und inalten Volksliedern, Halle, 1 89 7 ; W. Schmitz, Traum un d Vision in der erzhlenden Dichtung desdeutschen Mittelalters, Munster, 1934 (p. 28 ss sur le songe dmoniaque de Charlemagne).3 1 . Quia multos intra s. ecclesiae grmium constitutos de vita animae post mortem carnisperpendo dubitare, quaeso ut debeas... dicere ut... discant cum carne animam non finiri, cit parM. Manitius, Geschichte d. lat. Literatur de s Mittelalters, Munich, 19652, t. II, p. 103.32. On trouvera un bon recueil des textes relevant de la littrature des visions chezP. Dinzelbacher, Vision und Visionsliteratur im Mittelalter, Stuttgart, 1981, pp . 13-28.33. Marbode, Liber lapidum, Migne, P.L., 171, col. 1737-1780.34. Evax/Damigeron, De virtutibus lapidum, J. B. Pitra d., Spicilegium Solesmense, Paris,1855, t. III, pp . 324-335.35. Trad. R. Boyer sous le titre : La Saga de Snorri le Godi, Paris, 1973(BPhG 24), chap. 7, p. 52avec commentaire p. 19 4 ; chap. 11, p. 58.36. Cf. C. Clemen, Fontes historiae religionis Germanicae, 1 928, p. 61 ; autres rf. pp . 45, 48, 54et 67.37. R. Boyer, La religion des anciens Scandinaves, Paris, 1981, p. 158.38. Ibid., p. 158.39. Op. cit., p. 93.40. Cf. Clemen, op. cit., p. 51 ss : Contigit quadam di e puerum quendam, ex ipsa Fresionumnatione ortum, diis immolandum duci ad laqueum...41. Cf. d'Arbois de Jubainville, Le cycle mythologique irlandais et la mythologie celtique, Paris,1884, t. II, p. 10 7 ss.42. R. Boyer, La religion..., op. cit., p. 43.43. Ibid., p. 43.44. C. 33, cit par D. Harmening, op. cit., p. 51 ss.45. MG SS rer. merov., IV, 706.46. Epitola ad Mellitum abbatem, MG Ep., II 330 ss, ici p. 331.47. Summo decertare debent studio episcopi, ut arbores demonibus consecratas, quas vulguscolit, et in tanta veneratione habet, up ve l surculum inde audeat amputare, radicibusexcidantur, atque comburantur. Lapides quoque quos in ruinosis locis et silvestribus, daemonumludificationibus decepti venerantur, ubi vota vovent et deferunt.fundibus effodiantur, atque in tali loco

    projiciantur, ub i nunquam a cultoribus suis inveneri possint (C. 20 , J. D. Mansi d., Sacrorumconciliorum nova et amplissima collectio, 31 vols, Venise, 1757-1798, t. 18, p. 172).48. Pour le dtail, cf. D. Harmening, op. cit., p. 1 17 ss ; M. Meslin, La fte des kalendes deJanvier, coll. Latomus. t. 115, 1970.49. D' Arbois de Jubainville, op. cit., t. II, p. 5 ; R. Boyer, La religion..., op. cit., p. 154.

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    Cl. LECOUTEUX PAGANISME, CHRISTIANISME, MERVEILLEUX50 . Sermo, 199, CCL, t. 104, p. 780 ss.51. 9, MG Leg. , 3, III 15 ss.52 . D. Harmening, op. cit., p. 141.53. Maxime de Turin (Homilia, 16, Migne, P.L., 57 , col. 257) dit : Numquid non universa ibifalsa sunt et insana, cum se a Deo formati homines aut in pecudes aut in feras aut in portentatransformant ? Isidore de Seville, De officiis ecclesiasticis, I, 41 , Migne, P.L., 83 , col. 737-826, icicol. 775 : Tune enim miseri homines et quodpeius est, etiam fidles sumentes species monstruosas infer arum habitu transformantur...54. Synode de Tolde (633), . 11, Mansi, op. cit., t. 10, p. 62 7 : Omnino Alleluja nondecantabitur.55. Div. Inst., II, 15, 4, CSEL, t. 19. Sur la magie, cf. P. M. Camus, Ammien Marcellin, Paris,1967 (avec bibliographie) et Denise Grodzinski, Par la bouche de l'Empereur , dans Divination etRationalit, J.-P. Vernant, d., Paris, 1974, que me signale A. Rousselle.56 . Didascalion de studio legendi, VI, 15, H. Buttimer d., Studies in Medieval andRenaissance Latin 1 0 ( 1 9 3 9) , p. 1 3 3 Cf. aussi, A. Rousselle Du sanctuaire. . , art. cit. , p. 1 09 3 ss.57. 37 , Mansi, op. cit., t. 23 , p. 484 (Synode de Trves, en 1227).58. Cf. les canons du 17e synode de Tolde (en 694), C. 5, Mansi, op. cit., t. 2, p. 99. Mmeinformation dans le Dcret de Gratien, Friedberg d., p. 1031 ss.59. Ordo poenitentiae, H. G. Schmitz d., Die Bussb'cher, 2 vols, Dusseldorf, 1 898, 1. 1, p. 749.60. Il est curieux de voir le nain Albric porter ce nom dans les Annales historiae illustriumprincipm Haunoniae, chap. 6 : le contexte montre en effet que le terme est synonyme de paen ;Jacques de Guise dpeint Albric occup reconstruire d'anciens temples.61. Lex Salica, 67 , 3, MG Leg., I, IV, 231.62. J. Palou, La sorcellerie, Paris, 1960, p. 47.63. Indiculus superstitionum et paganiarum, n 30 , MG Cap. reg. Franc, 2, I, 222 ss.64. Capitulare de partibus Saxoniae (vers 775-790), 6, MG Leg. , 2, I, 68.65. Op. cit., chap. 20 , p. 80 ss.66. Mansi, op. cit., t. 10, p. 1200.67. Sermo, 204, CCL, t. 104, p. 821.68. 42 , MG Leg., 3, II, 292.69. Caspari, op. cit., pp . 9-11.70. Je constate qu'un trait De sigillis caractre hautement merveilleux se rpand dans lespremires annes du sicle et prend place dans les encyclopdies d'Arnold le Saxon (Liber defloridus) et de Thomas de Cantimpr (De ntura rerum, XIV, 69). d'o il passe chez Vincent deBeauvais {Speculum naturale, VIII, 30). Cf. Cl. Lecouteux, Arnoldus Saxo : UnverffentlicheTexte transkribiert un d annotiert von CL. , sous presse dans Euphorion, 76 (1982).71. Cf. aussi H. Fuhner, Lithotherapie, Historische Studien uber die medizinische Verwendungde r Edelsteine, 2e d., Ulm, 1956.72. Je vois, par exemple, que le Lancelot en proseiA. Micha d., Paris-Genve, 1 978, 1. 1. pp . 18-

    1 70 : pisode de la fausse Guenivre) illustre parfaitement l'ouvrage que G. Duby consacre aumariage dans la France fodale (Le chevalier, la femme et le prtre, Paris, 1981): Arthur renvoie sonpouse, et tant alerent les choses que le pape de Rome qui lors tenoit le siege le sot, si le tint a moltgrant despit, quant si haus hom corn H roi de Bretaigne avoit deguerpie sa feme sans le seu de SainteIglise : si a command que la venjance Nostre Seignor soit espandue par la terre ou ilprist sa premierefeme, tant qu 'ilfust records par Sainte Iglise. En ceste manirefu entredite la terre le roi A rtu vint etun mois (p. 153). La fausse Guenivre tombe malade, puis le roi, qui a peur de mourir sans lessacrements qu'on lui refuse, accepte de reprendre son pouse et gurit aprs avoir communi. Cetexemple montre que l'tude de l'histoire ne doit pas ignorer la littrature de divertissement qui, plusd'une fois, porte le reflet de la ralit.73. Cf. A. Rousselle, Du sanctuaire..., art. cit., p. 1085, qui cite les actes du conciled'Auxerre, en 585, interdisant de sculpter dans le bois des pieds ou des figures humaines les maladesavaient coutume de graver sur le bois le membre qui les faisait souffrir.

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    LES DOMAINES DE L'HISTOIRE74. Dicta de singulis libris canonicis 22 , G. Jecker d., Die Heimat de s heiligen Pirmin, desApostels der Alamannen, Munster, 1927, pp . 33-73.75. D'Arbois de Jubainville, op. cit., p. 14 5 ss ; R. Boyer, La religion..., op. cit., p. 23 1 ss.76. 13, Mansi, op. cit., t. 10, p. 1200ss.77. 16, MG Leg., 3, I, 199.78. . 30 , MG Leg., 3, I, 9.79. Sermo, 193, d. CCL, t. 104, p. 785 : Etista monstruosa portenta, id est Mars et Mercurius etIovis... Csaire critique ici les superstitions attaches aux jours de la semaine placs sous le patronaged'une divinit germanique.80. R. Boyer, La religion..., op. cit., p. 227 : On offre sa fidlit, son culte au dieu, moyennantquoi il est entendu qu'il accordera bien-tre, victoire, russite, paix. Si je sers honntement tel dieu,celui-ci sera en quelque sorte tenu de satisfaire mes dsirs. 81. Grgoire le Grand, Dialogi, IV, 30.82. D. Poirion, Le merveilleux..., op. cit., pp . 33-36, ici p. 34 .83. De rebus..., Cl. Lecouteux, Meisenheim, 1979 (Beitr. z. klass. Philologie, 103) ; Ratramne,

    Epitola de Cynocephalis, Migne, P.L., 121, col. 1 153-1 156. Sur saint Christophe, cf. les tudes deH. F. Rosenfeld. Sur ce s individus, Cl. Lecouteux, Les cynocphales : tude d'une traditiontratologique de l'Antiquit au XIIe sicle , Cahiers de Civilisation mdivale, 24 (1981), pp . 1 17-129.84. Bibliographie et tudes : F. Pfister, Kleine Schriften zum Alexanderroman, Meisenheim,1976 (Beitr. z. klass., Philologie 61). La Lettre est dite par M. Feldbusch, Meisenheim, 1976(BzkP 78).85. Pour Lambert, je me rfre au manuscrit autographe, Cod. 92 , Gand ; pour Honorius,Migne, P.L., 172.86. Cf. Physica, VIII, 12, Migne, P.L., 197, col. 1117.87. Cit d'aprs le manuscrit de Bruxelles, Cod. 10712-10713, fol. 17 9 r.88. Ces deux textes ont t dits par Hnemrder dans Vivarium, 13(1975), pp . 103-118; etdans Rheinisches Museum f. Philologie, 119 (1976), pp . 272-278. On trouvera quelques-uns de ce stextes chez Cl. Lecouteux, Les monstres dans la littrature allemande du Moyen Age (1 150-1350),3 vols, Goppingen, 1982 (Gppinger Arbeiten z. Germanistik 330), t. III (anthologie).89. Sunt homines, quorum circumdatur undique binis / auribus indutum corpus ut a Clipeis(v. 5 s.) ; comparer : La Bataille Loquifer, I, J. Runeberg d., Helsingfors, 1 91 3, v. 1 94-202 ; cf. monarticle sous presse dans Romania.90. Cf. D. Poirion, Le merveilleux..., op. cit., p. 36 ss, ainsi que A. Dickman, Le rle dusurnaturel dans les chansons de geste, Genve, 1974, pp. 169-176 ; E. Faral, Recherches sur lessources latines des contes et des romans courtois du Moyen Age, Paris, 1967, pp . 308-383.91. Cf. les travaux de H. Szklenar, Studien zum Bilddes Orients in vorhfischen deutschen Epen,

    Gttingen, 1966 (Palaestra 243), et de J. Le Goff, L'Occident mdival et l'ocan Indien : un horizononirique , dans Pour un autre Moyen Age, Paris, 1977, pp . 280-298.92. Bonne introduction l'tude de ce merveilleux texte, J. Carles, La chanson du duc Ernst,Paris, 1 964. Sur le merveilleux dans la littrature allemande du Moyen Age, cf. Cl. Lecouteux,art. cit., et tudes germaniques, 32 (1977), pp . 1-1 1 ; 33 (1978), pp . 1-15 ; 34 (1979), pp. 1-21 ;35(1980), pp . 253-266.93. D. Poirion, op. cit., p. 8. En fait, il faudrait citer les quatre premiers points du 1e r chapitreaux conclusions desquels je souscris.