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LE SENTIMENT DE CULPABILITÉ Marie-Claude Baïetto ERES | « Analyse Freudienne Presse » 2006/2 n o 14 | pages 109 à 117 ISSN 1253-1472 ISBN 9782749207520 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-analyse-freudienne-presse-2006-2-page-109.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- !Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Marie-Claude Baïetto, « Le sentiment de culpabilité », Analyse Freudienne Presse 2006/2 (n o 14), p. 109-117. DOI 10.3917/afp.014.0109 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.167.84 - 14/01/2016 03h53. © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 41.142.167.84 - 14/01/2016 03h53. © ERES

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LE SENTIMENT DE CULPABILITÉMarie-Claude Baïetto

ERES | « Analyse Freudienne Presse »

2006/2 no 14 | pages 109 à 117 ISSN 1253-1472ISBN 9782749207520

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-analyse-freudienne-presse-2006-2-page-109.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

!Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Marie-Claude Baïetto, « Le sentiment de culpabilité », Analyse Freudienne Presse 2006/2 (no

14), p. 109-117.DOI 10.3917/afp.014.0109--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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« Je propose que la seule chose dont on puisse être cou-pable, au moins dans la perspective analytique, c’est d’avoircédé sur son désir 2. » On connaît cet énoncé de Lacan dansle Séminaire sur l’éthique de la psychanalyse. Mais en généralon ne retient que la dernière partie de la phrase devenue : nepas céder sur son désir, ce qui semble assigner une perspectivehédoniste à la cure, perspective qui semble bien éloignée desconceptions de Lacan. On en fait aussi comme un comman-dement, le 11e comme le dit plaisamment Safouan 3 : « Tu necéderas pas sur ton désir » alors que Lacan a avancé cela pourvoir « ce que ça donne pour des oreilles d’analyste ». Si cettephrase est prise ainsi comme un commandement, c’estcomme si l’éthique était récupérée par un surmoi impérieux.

Le sentiment de culpabilité 1

AFP - 14/2007

Marie-Claude Baïetto

1. Ce texte a été présenté aux Journées de Grenoble d’Analyse freudienne en avril2006. 2. Le Séminaire, livre VII, séance du 29 juin 1960. 3. Cf. Lacaniana, Fayard, 2001.

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L’objet de ce travail est de reprendre quelques aspects dusentiment de culpabilité tels que Freud les a développés, et deles mettre en parallèle avec l’approche de Lacan, en particu-lier dans le passage ci-dessus, sans aborder ce qu’il en est dusurmoi auquel bien sûr la culpabilité est liée.

Le premier abord de Freud que nous avons choisi se situeavant la conceptualisation du surmoi ; il se trouve dans untexte publié en 1916-1917 4 : « Quelques types de caractèresdégagés par la psychanalyse », il s’agit du deuxième chapitreintitulé : « Ceux qui échouent devant le succès » qui pourraitêtre mis en relation avec ce qu’avance Lacan.

Freud y énonce que la condition première de la névroseest le manque de réelle satisfaction, même si ce n’est pas laseule. Or il est surprenant, alors qu’un désir présent chez cer-taines personnes depuis longtemps se réalise que, parexemple, elles tombent malades. Elles sont alors comme inca-pables de supporter le succès. À cet endroit du texte, deux casillustrent ce constat et leur analyse montre que des « forcesémanant de la conscience morale » sont intervenues pourinterdire à ces personnes tout bénéfice. Afin d’illustrer ces« tendances justicières et punitives » chez un sujet, et recher-cher leur origine, Freud choisit encore deux personnages de lalittérature : Lady Macbeth et une héroïne d’Ibsen, Rebecca.

Dans la pièce intitulée Rosmersholm, cette héroïne refuseà son tour la réussite qu’elle vient enfin d’atteindre. Et cetexemple permet à Freud d’apporter l’éclairage nécessaire à lacompréhension d’un comportement aussi paradoxal.

Rebecca vit dans la maison d’un pasteur dont la femmeest maladive, le couple est sans enfant. Rebecca y est venueaprès la mort de son père adoptif qui l’a élevée en libre pen-seuse. Sans scrupule, elle a le projet de se faire aimer du pas-teur et d’évincer sa femme. Par différents stratagèmes, elle envient à pousser cette femme mélancolique au suicide.

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4. Dans Essais de psychanalyse appliquée.

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Ensuite Rebecca demeure au foyer du pasteur, et sa rela-tion avec ce veuf reste amicale et intellectuelle. Toutefois,cette situation donne lieu dans leur entourage à des bavar-dages malveillants, si bien que le pasteur va proposer lemariage à Rebecca. De façon inattendue, elle lui oppose unrefus, car elle se dit alors arrêtée par son passé. Et Freudremarque qu’elle semble avoir acquis « un sentiment de cul-pabilité qui lui interdit de jouir de son succès », celui d’êtreparvenue à se faire proposer le mariage.

Ce passé qui la poursuit, et qu’elle connaît, est qu’elle aété la maîtresse de son père adoptif. Mais elle va apprendreensuite, qu’en réalité, ce père adoptif est son vrai père. Celarenforce son sentiment de culpabilité, et une deuxième fois,elle rejette la proposition du pasteur. Elle avait déjà refusé del’épouser avant d’apprendre que ce père était son véritablepère, sauf que même père adoptif, il était considéré commeun père, l’obstacle qui avait entraîné le refus était donc déjàl’inceste. Inceste consommé, où Rebecca avait pris la place desa mère, morte, auprès de ce père en passant à l’acte, elle étaità ce moment-là « sous la domination du complexe d’Œ-dipe », ajoute Freud. Chez le pasteur, elle a recréé la mêmesituation œdipienne, mais cette fois elle ne parvient plus àpasser à l’acte, comme elle l’avait fait au préalable avec sonpère. Sont intervenues « les forces de la conscience morale »qui l’ont fait échouer devant le succès, ces forces qui sont« intimement liées au complexe d’Œdipe ». Freud fait cetteremarque, en 1915, donc rappelons-le avant l’apport duconcept de surmoi, peut-être est-ce le cas général de tout sen-timent de culpabilité ?

Le deuxième abord du sentiment de culpabilité que nousretenons concerne la réaction thérapeutique négative queFreud définit en particulier dans « Le Moi et le ça 5 » aumoment de la conceptualisation de la deuxième topique.

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5. Le moi et le ça, 1923, chapitre V.

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« … Il y a des personnes qui dans le travail analytique secomportent très étrangement… Toute résolution partielle quidevrait avoir pour conséquences – et qui l’a réellement chezd’autres – une amélioration ou une rémission temporaires dessymptômes provoque chez elles un renforcement momentanéde leur souffrance ; leur état s’aggrave au cours du traitementau lieu de s’améliorer. Elles témoignent de ce qu’on nommela réaction thérapeutique négative… Ce qui l’emporte (est) lebesoin d’être malade… On en arrive à l’idée qu’il s’agit…d’un sentiment de culpabilité qui trouve satisfaction dansl’état de maladie et ne veut pas renoncer à la punition par lasouffrance. Mais ce sentiment de culpabilité est muet… lepatient ne se sent pas coupable, mais malade. » Pour Freud(en note) l’analyste livre là un combat difficile, car souvent lepatient dira que l’analyse ne lui sert à rien.

Il revient sur cette question dans son texte de 1924 sur lemasochisme 6 où il indique que : « La satisfaction du senti-ment de culpabilité inconscient est peut-être le poste le plusconsidérable du bénéfice de la maladie… la souffrance quiaccompagne la névrose est précisément le facteur par lequelcelle-ci devient précieuse pour la tendance masochiste. »Dans « Analyse avec fin et analyse sans fin » de 1937, Freuds’interroge sur « les obstacles (qui) se trouvent sur le cheminde la guérison analytique », et il apporte deux exemples de sesdébuts, le premier, on s’en souvient, concerne Ferenczi et sarelation à Freud même, le deuxième est le suivant. Il s’agitd’une personne incapable de marcher à cause de violentesdouleurs aux jambes de nature hystérique, mais une cure (de« trois trimestres », soit neuf mois !) y met fin. Sa vie sedéroule ensuite avec des catastrophes familiales et ne luiapporte rien de bon, mais cette femme se montre vaillante,aux dires de Freud. Puis on lui découvre un fibrome à la suitede saignements. Après l’ablation de l’utérus, elle redevintmalade. Amoureuse de son chirurgien, elle « s’adonna à des

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6. Dans Névrose, psychose, et perversion.

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fantasmes masochistes » et s’avéra réfractaire à l’analyse. EtFreud de s’interroger : ne s’agit-il pas d’un retour de l’an-cienne souffrance ?

Mais à propos des véritables « sources de la résistance à lacure analytique », Freud parle d’une force puissante qui sedéfend contre la guérison et s’accroche à la maladie et à lasouffrance. Une partie de cette force identifiée commeconscience de culpabilité et besoin de punition est localiséedans la relation du moi au surmoi. Les manifestations dumasochisme, celles de la réaction thérapeutique négative ainsique la culpabilité du névrosé montrent que le psychisme n’estpas seulement soumis à l’aspiration au plaisir. Il y a en effetmaintenant la pulsion de mort.

Lacan rencontre la question de la culpabilité quand ilreprend l’analyse du fantasme « un enfant est battu ». Il le faitdans le Séminaire Les formations de l’inconscient (1957/1958)et d’abord en termes freudiens : le fantasme à caractère maso-chiste s’accompagne d’une forte culpabilité et la fillette y estprise dans le désir œdipien d’être l’objet du désir du père ; laculpabilité « nécessite qu’elle se fasse battre 7 » (deuxièmephase du fantasme), dans une relation franchement libidinaleavec le père.

Dans la dernière séance du même Séminaire 8, Lacanrevient sur la culpabilité en lien avec le surmoi, à propos dela névrose obsessionnelle. Mais il semble y admettre un sur-moi plus ancien que celui que met en place le complexe œdi-pien, un « surmoi maternel, archaïque… lié au premierAutre… support de premières demandes du sujet », avec ladépendance de l’enfant envers cet Autre. La demandes’adresse à l’Autre, tantôt objet réel capable d’apporter lasatisfaction (celle du sein), tantôt objet symbolique, quidonne ou qui refuse sa présence ou son absence. Quand par

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7. Séance du 12 février 1958. 8. Séance du 2 juillet 1958.

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exemple le nourrisson manifeste de l’anorexie mentale, ils’agit d’une demande qui alors est « demande de mort ».Celle-ci est à entendre non seulement comme demande mor-tifère, pouvant atteindre l’Autre, mais aussi comme « mort dela demande », « sorte de destruction » qui atteint le sujet lui-même. Au-delà, le vœu mortifère est lié à la manifestation del’agressivité, d’où aussi, plus tard dans la vie, toutes lesdéfenses de l’obsessionnel, jusqu’au silence, tel qu’il peut semanifester dans la cure. Ce vœu fait donc obstacle au dis-cours, ce qui le situe au lieu de l’Autre, d’où encore un désirqui se dit sous forme négative. Et ce désir est corrélatif d’unsentiment de culpabilité. De la sorte, « la culpabilité s’inscritdans le rapport du désir à la demande ». Qu’est-ce à dire ? Sice n’est que la culpabilité s’inscrit dans la parole même, dufait de parler, de dire une demande. Et Lacan précise : « Lesentiment de culpabilité apparaît à propos de l’approched’une demande sentie comme interdite parce qu’elle tue ledésir. »

La culpabilité n’est-elle pas alors liée à la structure mêmedu sujet qui est assujetti au signifiant ? Car le désir doit enpasser par les arcanes du signifiant, donc de la demande, et lesignifiant ne convient jamais.

Qu’est-ce donc que cette assertion de Lacan sur la culpa-bilité, laquelle adviendrait d’« avoir cédé sur son désir » ? Il estnécessaire de citer tout le passage.

« C’est à titre expérimental que j’avance devant vous cespropositions. Formulons-les en manière de paradoxes.Voyons ce que ça donne pour des oreilles d’analystes.

Je propose que la seule chose dont on puisse être cou-pable, au moins dans la perspective analytique, c’est d’avoircédé sur son désir.

Cette proposition, recevable ou non dans telle ou telleéthique exprime assez bien ce que nous constatons dans notreexpérience. Au dernier terme, ce dont le sujet se sent effecti-vement coupable quand il fait de la culpabilité, de façon rece-

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vable ou non pour le directeur de conscience, c’est toujours,à la racine, pour autant qu’il a cédé sur son désir.

Allons plus loin. Il a souvent cédé sur son désir pour lebon motif, et même pour le meilleur… Faire les choses aunom du bien de l’autre, voilà qui est bien loin de nous mettreà l’abri non seulement de la culpabilité, mais de toutes sortesde catastrophes intérieures 9. »

Dans la séance précédente, Lacan avait parlé du destind’Œdipe, dont le désir dans sa disparition surprenante (cf.Œdipe à Colonne) serait « un désir de savoir le fin mot sur ledésir ». Œdipe (est) irréductible jusqu’au dernier terme, exi-geant tout, n’ayant renoncé à rien, « absolument irréconci-lié ». Figure de celui qui ne recule pas devant son désir.

Ironisant au cours de la dernière séance du Séminaire sur« l’horizon de l’immortalité de l’âme » en référence aux reli-gions, Lacan remarque que « emmerdés » que nous sommessur terre avec le désir, il faudrait encore que dans l’éternité ilen soit fait les comptes ! Or le désir ne peut se mesurer, il estincommensurable, il ne se compte pas.

En ce qui concerne la culpabilité, « pour autant qu’elleoccupe le champ du désir, il y a les chaînes de la comptabilitépermanente ». Ainsi, avec le « directeur de conscience », oncompterait ses fautes ! On sait aussi que les biens, cela secompte. Comme l’on bât sa coulpe pour exprimer un repen-tir, coulpe venant de culpa, la faute en latin, faire son meaculpa, dit-on encore.

Le « service des biens », mais aussi le pouvoir s’opposentau désir, qui n’a qu’à se taire ! « Continuez à travailler pour lesbiens et au service des pouvoirs ; et « pour le désir vous repas-serez ».

Dans cette séance du séminaire était questionnée unerévision possible de l’éthique de la psychanalyse, sous laforme : « Avez-vous agi conformément au désir qui vous

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9. Le Séminaire, livre VII, séance du 29 juin 1960.

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habite ? » avant la proposition sur la culpabilité citée ci-des-sus. Donc celui qui cède sur son désir le fait en général pourune bonne raison, ce qui ne le met pas en effet à l’abri de laculpabilité et de la névrose, bien au contraire.

N’est-ce pas ce qui advient pour les exemples freudiensrencontrés plus haut où chacune de ces femmes renonced’une manière ou d’une autre ? L’héroïne d’Ibsen, Rebecca,refuse le mariage avec le pasteur. Pourquoi ? Et bien, elleaurait subi l’influence de cet homme, un être plein denoblesse, auprès de qui elle semble avoir acquis « conscienceet noblesse », nous dit Freud. En effet, Rebecca rétorque aupasteur que c’est son passé, celui d’avoir eu une autre relationmasculine, qui l’empêche de s’unir à lui ; elle va même jus-qu’à lui avouer son crime, celui d’avoir poussé sa femme ausuicide. Mais l’inceste avec le père demeure caché. Si bienqu’en conséquence de ses actes, elle ne peut maintenant quepartir, alors que jusque-là elle avait su aller vers la réalisationde ses désirs.

Quant à la patiente présentée par Freud dans le texte de1937, avant de tomber malade et être opérée, elle s’estdévouée avec courage à sa famille marquée par diverses catas-trophes, et finalement, elle n’a rencontré dans sa vie ni amour,ni mariage.

Que nous dit encore Lacan dans le Séminaire surl’éthique ? Dans le cadre de l’analyse, il s’avère que la dettedoit être payée. Or en chacun, il y aurait un héros et unhomme du commun. Ainsi le héros peut être par exemplecelui qui « adhère à sa haine jusqu’à la fin ». Ce qui serait toutde même à interroger quant aux modalités. Pour l’homme ducommun, il s’agit plutôt de céder sur son désir, donc d’yrenoncer. « Céder sur son désir s’accompagne toujours… dequelque trahison. Ou le sujet trahit sa voie ou il se trahit lui-même », ou encore il tolère que l’autre à qui il s’est plus oumoins voué… trahisse son attente. Et chacun renonce, dansun mépris de l’autre et de soi-même. Ensuite s’il est possiblede réparer, il n’est plus possible de défaire.

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La trahison rejette le sujet au service des biens, un sujetqui ne sait rien de ce qui le mobilise. Or « il n’y a pas d’autrebien que ce qui peut servir à payer le prix pour l’accès audésir », à savoir celui de s’inscrire dans une chaîne signi-fiante… quelconque.

Et Lacan termine avec ce passage bien connu sur « man-ger le livre » qui concerne l’opération signifiante, pourlaquelle en effet il y a un prix à payer (la dette), celui durenoncement à la jouissance. La culpabilité correspondrait àcette ratée de la jouissance, nécessaire pour s’inscrire dans lesymbolique, pour s’inscrire comme parlêtre.

« Manger le livre » renvoie en fait à la Genèse où Adamet Ève sont chassés du paradis après avoir mangé le fruit del’arbre de la connaissance du bien et du mal, ils sont tentéspar le serpent dans le désir d’un tout-savoir, autrement ditcelui de tous les signifiants sans un seul qui manque. La cul-pabilité leur tombe dessus, quand ils deviennent conscientsde leur nudité, de leur sexualité, et de la mort.

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