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Le Carnet du Public L’Hiver de la Cigale Face à face de Pietro PIZZUTI Generated by Foxit PDF Creator © Foxit Software http://www.foxitsoftware.com For evaluation only.

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Le Carnet du Public

L’Hiver de la Cigale

Face à face de

Pietro PIZZUTI

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Le Carnet du Public – L’Hiver de la cigale – Pietro Pizzuti

Théâtre le Public – Saison 17 – 2010-2011 Page 2

L’Hiver de la cigale de Pietro Pizzuti

Mardi 26 octobre 2010 à 18h30 : Mardi du Public. « Les résistantes en lutte contre les dictatures. » Rencontre et débat. Entrée libre Samedi 09 octobre de 18h00 à 19h30 : L’Invitée du Public. Rencontre et causerie orchestrées par l’animateur culturel Eric RUSSON avec Magali PINGLAUT. Entrée libre. Avec Nathalie Cornet et Laurence Vielle Mise en scène Magali Pinglaut Assistante à la mise en scène Hoonaz Ghojalu Scénographie et costumes Anne Guilleray Lumière Maximilien Westerlinck Régie Rémy Brans / Thomas-Tristan luyckx Photos © Bertrand sottiaux Photos de Pietro PIzzuti © Lupo

Croquis © Anne Guilleray UNE CRÉATION ET PRODUCTION DU THÉÂTRE LE PUBLIC Hiver 2002. La cigale ayant chanté tout l'été dû bien se résoudre à affronter l'hiver... Laura est maintenue en détention préventive, accusée d'avoir tué le général Oscar Antonio Roederer, ancien dictateur de son pays. L'avocate de la défense, Maître Franchi, va avoir du mal à arracher des aveux à sa cliente. Au fil des rencontres, les deux femmes se retrouvent liées l'une à l'autre par les révélations d'une histoire commune. Devenues indissociables, elles vont devoir parcourir ensemble le long chemin qui mène à la vérité. Un texte puissant par l'auteur de "L'initiatrice" que vous avez été nombreux à apprécié la saison passée, servi par deux splendides comédiennes sous la direction de Magali Pinglaut. Dans les écrits de Pizzuti, ce sont toujours des femmes qui luttent. Avec obstination elles se battent pour qu'un autre monde advienne. Avec opiniâtreté elles font avancer la machine sociale. Avec fermeté elles parlent, s'engagent et dénoncent ; audacieuses, elles sont pragmatiques et entières, elles luttent pour l'émancipation de tous et pour les libertés de chacun. Parce que, toutes, elles rêvent à des lendemains qui chantent !

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1. L’auteur: Pietro Pizzuti

Pietro Pizzuti est un homme de théâtre, avec un grand H et un grand T. Où bien est-il le théâtre fait homme ?Acteur, auteur, metteur en scène, traducteur, il est présent partout où son besoin de vivre ses passions et de dénoncer les injustices le porte. Il a la légèreté et l'élégance de l'aigrette, la puissance et le courage du tigre. Voici, au fil de quelques questions, le portrait d'un artiste plus que complet. Arlecchino senza maschera*

Pietro, il semble que le théâtre remplisse toute ta vie, t'envahisse. On dirait que tu es tombé dedans quand tu étais petit et que depuis tu nages dans le théâtre avec bonheur. Ca vient d'où ce besoin absolu de théâtre ?

Pietro : C'est venu très tôt. Je pense d'un contexte familial un peu particulier, le fait d'avoir eu un frère jumeau. C'est comme un partenaire de jeu. C'est-à-dire que c'est comme une part de toi-même. Un jeu de miroir, de vrai miroir parlant, bougeant. Je crois que c'est ça qui est très troublant : Je ne l'ai jamais considéré comme un autre être, je l'ai toujours eu près

de moi. Ensuite, bien sûr, en grandissant on est devenu d'autres hommes. En tant qu'adultes, il y a entre nous une reconnaissance, un amour extraordinaire, une appartenance l'un à l'autre et en même temps la marque d'une différence. Mais ça a inoculé un germe, un truc qui est comme un dédoublement. Et alors c'est d'un ludisme extraordinaire ! Il y a eu cette sensation instantanée, à partir du moment où j'ai commencé à sentir cette jouissance de la répartie, cette jouissance d'être à deux dans

l'échange, de devoir le montrer aux autres. Il faut imaginer, en 58, sur la plage en juillet près de Rome... Je suis sûr que ma mère « exposait» ses deux joyaux, ses deux jumeaux mâles. Je crois que s'il faut aller chercher quelque chose, le jour où je me mets sur un divan, je dirai ça : Que je me suis senti un objet d'admiration. Evidemment c'est ridicule et je suis le premier à le dire ! Mais indépendamment du jugement des choses, je crois que j'ai dû sentir des regards sur moi, sur nous. Et si j'avais été seul... ? Je ne peux pas le dire, parce que je ne l'ai jamais vécu. Voilà, je crois que le théâtre est né là.

Et ça semble tellement absolu, qu'à part peut-être éclairagiste, tu fais tous les métiers de ce métier ! Tu joues, tu écris, tu mets en scène, tu danses...

Pietro : Oui, oui. Mais comment te dire. Je ne me rends pas compte du fait qu'au fond, il y a des limites. J'ai cette nature-là. C'est clair que l'acteur était là dès le départ, ça c'était l'instinct. Et puis, très vite aussi, est venu une grande passion pour les lettres. Je lis, j'écris et naturellement je mélange. Très très tôt, j'avais dix ou douze ans, à la mer j'ai écrit et mis en scène un truc qui s'appelait « les Portes ». C'était avec tout le groupe des gamins, des copains avec qui je passais l'été et je les ai tous mis au boulot. Voilà. c'est venu très tôt

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et très emmêlé. je n'ai jamais décidé : « Et maintenant je passe à l'écriture. Et maintenant je mets en scène. » Ca a toujours été mêlé. Mais tu sais, culturellement, je crois que c'est très italien ou méridional. Plutôt qu'exclure ou se spécialiser, on s'improvise un peu tout et on embrasse tout. C'est lié à ma culture je crois, ça.

Et puis un jour tu décides d'en faire un métier et tu rentres dans une école. Est-ce qu'il y a alors de figures, des rencontres fondatrices ?

Pietro : Il n'y a que ça ! Dans l'ordre, ça commence avec Bernard Marbaix, à l'école européenne. C'est Diana, qui allait devenir ma belle-sœur, qui me dit : « Pourquoi tu ne viendrais pas au spectacle de fin d'année ? Il nous manque un garçon pour jouer Hippolyte. » Et voilà, j'arrive, j'ai seize ans. Et je vois Bernard Marbaix qui apprend à jouer aux petits kets et jeunes filles de quinze ans des rôles incroyables ! Et ça a été le choc émotionnel. Puis ça a été aussi Bernard De Coster avec une camaraderie extraordinaire, un compagnonnage ! On avait quasiment le même âge, mais lui avait déjà un tel parcours ! L'admiration donc, et en même temps l'immense complicité sur des tas de choses, sur des valeurs. Et là ça a été tout de suite : « Voilà, on créé ensemble. » C'est la découverte de la complicité jusqu'au fait d'être près de lui, de pouvoir écrire pour lui, d'aider à ça. Claude Etienne aussi. c'était le Maître, qui te baigne comme Moïse dans les eaux sacrées du Théâtre, qui te baptise. C'était extraordinaire ! C'est encore un choc ! Pierre Laroche. Quand tu découvres l'improvisation, c'est-à-dire partir de tout ce qu'on adore. Un fil noir sur une chemise blanche et tu inventes le prince, la princesse, etc. C'était merveilleux ! Dans cette école incroyable où on côtoyait des figures tutélaires. Et puis Serge Creuz aussi, qui arrive avec son petit pinceau et on dirait une jeune fille qui peint des choses absolument légères, des petites fleurs. C'est une espèce de colosse incroyable, de géant magnifique. J'ai l'impression que j'ai été vraiment mis en présence de pierres, de ces pierres qu'on trouve, qui aident à traverser les rivières, sur lesquelles on s'appuie. Oui, j'avais ces espèces de figures tutélaires qui me protégeaient et qui m'ont conduit comme ça, d'un moment à un autre de mon parcours, pris par la main. Et je les reconnaissais, parce que je les écoutais, je les absorbais. Et je continue à avoir des chances comme ça. Je dirais Vera Feyder aussi pour l'écriture. C'est quand même extraordinaire de tomber comme ça dans le chaudron de cette grande dame des lettres, avec cette suavité, cette pertinence et même le côté rigoureux, exigeant. De Coster avait cette exigence. C'est fou, parce que ce sont toujours des êtres exigeants, même dans leur humanité, dans leur grande amabilité.

Est-ce que tu n'es pas exigeant, toi, vis-à-vis de toi-même ?

Pietro : Je ne m'en rends pas compte. Parce que je suis plutôt d'un naturel accommodant au fond. Mais peut-être que si ? Mais cette exigence s'exerce vis-à-vis de moi plus que des autres. Je risque d'ailleurs de me rendre pour les autres terriblement agaçant. On se dit : « Mais qu'est-ce qu'il nous joue ? Qu'est-ce qu'il nous fait ? Pourquoi commence-t-il à couper les cheveux en quatre ? »

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On connaît ton amour de la danse, mais quels sont tes rapports avec les autres formes d'art : la musique, la peinture, le cinéma... ? Est-ce que ça te nourrit ?

Pietro : Enormément. Je ne connais rien en peinture, je ne connais rien des arts visuels. Mais j'ai un intérêt énorme et je suis très visuel. l'amour de la danse est là aussi : je n'ai aucune technique mais j'ai cet attrait extraordinaire, par la vue, de ce qu'est un corps en mouvement, la beauté, la légèreté d'un corps. le prodige d'un corps en mouvement ! J'ai ça aussi avec l'athlète, le sportif, mais pas dans la même esthétique. Tout ce qui est visuel m'attire énormément. Le cinéma pour moi, c'est un puits d'inspiration, un réservoir d'imaginaire. Je suis très cinévore, même si je déteste l'industrie. Je refuse la facilité d'écriture, je refuse le scénario convenu, je refuse beaucoup d'Hollywood. Mais je redeviens comme tout le monde un gamin quand on me montre des effets techniques, des effets spéciaux. Mais c'est dommage quand c'est pour raconter des âneries. C'est dommage parce que ça n'aide pas notre art, qui est quand même d'interroger, d'apporter un embryon de réflexion, de provoquer. Je regrette quand c'est superficiel et sans fond. Et je rejette aussi l'aberration de ce qu'est devenu le cinéma, sa consommation collective. Je ne rentre plus dans une salle de cinéma. Entre le pop-corn et la vulgarité, ce n'est plus possible. Heureusement, notre monde, en grande mutation technologique, nous propose des solutions incroyables. Et on a chez soi des écrans géants, on projette sur les murs à la maison, on s'achète tous le bunuel et c'est un bonheur.

Et la musique ?

Pietro : Alors là je suis complètement en admiration, ça m'épate, je pleure. Parce que pour moi, la musique est une magie. Là je pleure, parce que j'ai un gramme et demie de connaissance des notes et que j'ai pu taper un peu de mes dix doigts sur un piano ou une épinette. Mais il ne me reste rien du tout, j'ai tout oublié. Alors, quand je me retrouve face à des orchestres, des orchestres de chambre, des femmes et des types qui sont face à des pianos de quatre tonnes et qui deviennent des papillons sous leurs doigts ! Et des

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écritures d'aujourd'hui et d'hier ! Le plus difficile, c'est de trouver le moment pour écouter de la musique. C'est tellement un art de la communion, de la subtilité des sons, que je ne peux pas me résoudre à écouter pendant que je conduis ou quand je cuisine. Ce qui fait que j'ai un peu de mal à faire entrer la musique dans ma vie.

Tu as écrit une quinzaine de pièces et je me suis rendu compte que les premières comptaient pas mal de personnages et à partir de « la Résistante » en 2002, il n'y en a plus que deux ou trois. C'est un hasard ou une volonté ?

Pietro : Une volonté. C'est très clairement une volonté. Dans les années 90, je m'étais entiché à créer une asbl pour l'encouragement, l'encadrement des nouvelles écritures. Temporalia avait fait des ateliers, des marathons d'écriture, etc. Nous étions avec Virginie Thirion, Thierry Debroux, Philippe Blasband, Serge Kribus, Stanislas Cotton, une bande incroyable. Et on s'est alors très clairement mis à analyser la position de l'auteur en Communauté française de Belgique. Le constat était évident ; on avait intérêt, pour accéder à la scène, à « réduire les frais ». C'est aussi bête et concret que ça ! Et on l'a tous vu, on l'a vécu. La génération des auteurs que je viens de nommer, ils sont joués.

Tu es quelqu'un d'extrêmement drôle et vif, nous le savons. Mais un jour, tu as dit dans un article que tu étais incapable d'humour devant certaines injustices du monde. Alors qu'est-ce qui te révolte ?

Pietro : Ecoute, c'est toujours la même chose. Le fait de porter atteinte à la vie d'un autre être. Et ça me révolte de manière viscérale quand c'est pour des raisons ethniques, par exemple, pour des raisons de discrimination, et à quelque niveau que ce soit. Je ne peux pas accepter ça. Je ne comprends pas qu'on puisse tuer physiquement ou moralement. Ce qui est terrible, c'est quand il y a une « nécessité » qui fait loi. Elle est économique, financière,...Elle peut-être au niveau d'une famille comme dans un pays, une nation contre une autre. C'est quand cette « nécessité qui fait loi » arrive, que l'homme perd la raison, perd la lueur d'humanité qui le relie à son frère. Un mécanisme abject s'enclenche : « Il m'est « nécessaire » d'acquérir ce territoire, il m'est « nécessaire » de défendre ce puits de pétrole » et donc pour ce faire je peux nuire, tuer, déporter, annuler, etc. Dans tous les grands mécanismes de domination de l'homme par l'homme, c'est ce mécanisme-là qui m'a toujours coupé les bras. Je n'ai alors plus aucun humour.

Tu as traduit des auteurs italiens en français. Est-ce que tu as aussi traduit en italien des auteurs francophones ?

Pietro : Non. C'est très tentant. Mais pour moi, l'occasion fait le larron et c'est tout simple : pour le moment j'ai une ouverture et la possibilité de proposer des œuvres italiennes à des théâtres francophones, voire de les monter moi-même. Dans l'autre sens, je n'ai pas les mêmes débouchés. Et la première chose à faire aurait été de traduire mes textes. Mais j'ai donné la priorité au fait d'en écrire des nouveaux plutôt que de traduire les anciens. Exception à la règle : j'ai traduit Novarina, Mais je le jouais aussi. Valère

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Novarina a été traduit merveilleusement par Goia Costa, mais c'était trop littéraire pour être joué. Et Novarina m'a permis d'adapter, de « remettre en bouche ». J'ai donc re-traduit, si on veut, le spectacle. Puis j'ai fait cette petite tournée en Italie en jouant dans mon adaptation. C'est la seule exception.

Tu es artiste en résidence au public. C'est une liberté qui t'est accordée ou c'est une pression supplémentaire ?

Pietro : Les deux et c'est ça qui est bien. D'abord c'est la confiance. Quelqu'un qui s'assied en face de toi et qui te dit : « Voilà, je voudrais que tu me parles de tes projets. Dis-moi quelles sont tes envies et je vais t'aider ». On a cette confiance et c'est un rêve ! Pour les artistes que nous sommes c'est quand même une aubaine incroyable ! C'est le « clé sur porte » pour dire «maintenant tu fais ce que tu veux ». Dans « Animal », c'était extraordinaire, cette carte blanche. Et donc je me suis dis que j'allais me mettre en question, en danger, commencer de rien, ne pas avoir de texte pré-écrit. Avoir la chance de pouvoir m'entourer de qui je veux. Les contraintes aussi c'est magnifique. D'abord parce qu'évidemment ça met la pression. C'est instantané : tu te dis que tu as la confiance et maintenant il y a une obligation de résultat. Pour moi, c'est encore un privilège supplémentaire de savoir qu'à telle date on passe au public, que les gens vont payer leur place pour venir s'asseoir devant toi. C'est une pression, mais joyeuse. Ca veut dire aussi que les gens acceptent que les artistes cherchent, essaient de nouvelles formes. Ils sont là pour ça aussi. Pour moi, cette résidence, ça a été une manière de me recentrer sur mes vraies motivations. Autant sur ce qui fait mon engagement au monde, que sur ce que j'ai envie de dire sur une scène aujourd'hui, avant même le « comment le dire ». Pour quel thème ai-je envie de me mobiliser, pour quelle idée ? Quelle proposition à faire passer ? Quel dialogue à enclencher ?

Quel serait le mot (drôle) de la fin (provisoire) ?

Pietro : Plus j'avance, plus j'ai mal aux muscles quand je me lève le matin, mais plus j'arrive, je ne sais pas comment, à dépasser le poids du corps et à le rendre léger. Et je me dis : « Mais qu'est-ce que c'est cette alchimie extraordinaire qui fait que quand ton corps te trahit un peu et s'alourdit un peu, ta tête s'allège simultanément." C'est ce tiraillement vertical, comme dit Pierre Laroche, la tête qui va vers le ciel et les jambes qui descendent. Ce sont comme deux matériaux : il y a le physique et le spirituel qui t'élève. Qui arrive à te faire oublier le matin que tu as mal partout. C'est comme un message. Je ne sais pas ce qu'il y a autour de nous, mais nous sommes faits de quelque chose de sublime.

(propos recueillis par Michel Vanderlinden)

* Une des premières pièces de Pietro Pizzuti : Arlecchino senza maschera (1984) (Arlequin démasqué)

Pour en découvrir plus : http://www.pietropizzuti.be

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2. Le mot de l’auteur sur sa pièce

L’idée de « L’hiver de la Cigale » a germé il y a huit ans. Pinochet était vivant et on parlait d’un procès éventuel à Bruxelles. J’ai eu envie d’inventer une histoire où la composante publique d’un dictateur, de ce qu’il est au monde et aux yeux des gens et de la société, se

mêle à sa vie privée,

familiale. M’intéressait

aussi le fait que ce dictateur ne soit plus dans l’action, qu’il soit un dictateur « à la retraite » et en exil. Et c’est vraiment la figure de Pinochet qui m’a inspiré,

même s’il y en a d’autres qui me hantent. Je pensais à ces êtres qui ont eu en main durant un laps de temps la destinée d’une nation et qui dans une conjoncture historique précise ont pratiqué une gouvernance de la terreur. S’ils survivent à la dépossession de leur pouvoir, que se passe-t-il dans leur tête, une fois que le pays change, évolue ? Quel poids a ce qu’ils ont fait sur leur existence ? Comment vivre après tout ça ? On imagine Hitler à la retraite, déchu de ses fonctions ! C’est une situation abstraite. Bien qu’étant par leurs idées et leurs actes des créatures « ab-hominables », une fois rendus impotents, qui sont-ils ? Et comment la vieillesse les relie-elle au reste des humains ? Ce vieux tyran exilé a eu une femme et ensemble ils ont donné naissance à une fille. De là est née cette histoire familiale et de filiation. J’ai essayé de construire cela un peu comme un polar, en dévoilant petit à petit qui est qui et les liens que nouent entre elles les personnes. Là, en l’occurrence, je me suis dit qu’il fallait trouver d’emblée une situation critique. Une femme est accusée et emprisonnée, suspectée d’avoir tué l’ancien dictateur. Est-elle coupable ou non ? Qui est-elle ? Que faisait-elle auprès du tyran ? Quelles sont ses motivations politiques et personnelles ? Et tout ça se dévoile à travers le dialogue avec son avocate, la femme qui a accepté, qui a décidé de la défendre. L’aspect documentaire a été incontournable. Je me suis documenté entre autre auprès d’avocats pour construire une trame plausible, en tout cas une crédibilité. Dans notre métier, il faut saisir les grandes lignes du réel et les déformer car dans la réalité on a

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parfois du mal à croire que les choses soient vraies tant elles nous paraissent incroyables. Au fond, ce qui intéresse les gens au théâtre, c’est l’émotion et l’enjeu que tisse le rapport de force entre les personnages. De facto, c’est ça qui fait théâtre. Mais j’ai aussi voulu raconter une histoire qui ne fasse pas l’économie de la part d’humanité de cet « ab-homine », alors qu’il n’apparaît jamais sur scène, qu’on ne fait que parler de lui. C’est aussi l’homme qui m’intéresse, pas seulement la figure politique. Que reste-t-il de l’homme une fois que le dictateur a « disparu » et que le monstre est mis hors de portée de nuire. Je m’inquiète du fait que chez le pire des monstres, l’être humain le plus dangereusement pathologique, il y ait une lueur de fragilité, une brèche d’humanité qui nous relie à lui. Ce qui pose le problème de la conscience. À un moment donné, on entend la voix du « monstre », en quatre minutes de monologue enregistré, il dépose son bilan. Au moment de mourir, il s’adresse à une personne à qui il dit ce que probablement, il n’a jamais dit de sa vie. Il s’agit de situations extrêmes. C’est ce que je souhaitais, à l’image de ce qui arrive dans la vie au seuil d’une grande maladie ou aux portes de l’ailleurs, au moment d’achever notre parcours et d’entrer dans le néant ou que sais-je ? Là, il y a souvent (paraît-il) une transformation, une métamorphose porteuse d’une expérience inexprimable. Je me nourris de l’hypothèse qu’au niveau humain, il y ait in-fine une sorte de rémission finale, une rédemption. Vera Feyder, qui est l’auteure extraordinaire que l’on sait et que j’ai eu la chance de côtoyer, (elle m’a même aidé à écrire « La Résistante » qui lui est dédiée), m’a dit un jour : « Tu sais, il faut essayer d’aller vers la rédemption dans toutes les histoires que nous racontons, parce que plus notre monde crée des monstres, des personnages abjects et extrêmes, plus notre mission au théâtre est de les rapprocher de chaque spectateur, de

reconnaître leur part d’humanité, ça ne veut pas dire de les excuser ! ». Et dans « La Résistante » à la fin, on a cette reconnaissance. Pierre Laroche m’a appris que dans reconnaître il y a « renaître avec ». Et c’est un peu mon obsession, cette « re-con-naissance » entre humains. Le pardon de soi-même… est le plus difficile à obtenir. Le dictateur que j’ai imaginé demande le pardon comme une absolution, en sachant que le plus difficile sera de l’obtenir de lui-même. Il ne se pardonnera jamais d’avoir infligé ce qu’il a infligé à tout un peuple au nom de la raison d’Etat. Mais, au moment de mourir, il demande le pardon d’une personne, d’un être qui lui est plus cher que tout au monde.

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Dans « L’Hiver de la Cigale », il m’a plu de créer deux rôles… comme je les aime. Deux femmes. J’aime inventer des personnages féminins parce que j’aime profondément la sensibilité féminine et la distance que les femmes posent par rapport au pouvoir. Il me semble que chez l’homme le rapport au pouvoir est trop souvent promu comme l’enjeu moteur. Alors que chez la femme, même lorsqu’ il y a rivalité, le duel est plus subtil et tient compte d’un degré d’empathie avec l’adversaire. Il me semble que l’homme construit sa stratégie de lutte « contre » l’autre. Il traque souvent ses faiblesses au lieu de désamorcer ses atouts. La femme au combat me paraît plus fine stratège. Peut-être parce que la femme n’étant pas encore tout à fait l’égale de l’homme, reconnaît plus facilement sa nature de « discriminée » ce qui crée cette empathie, cette forme de respect pour ses semblables qui la sauve d’être monolithique. Cela se vérifie souvent entre femmes. Ce qui les met en état de « re-con-naissance » les unes vis-à-vis des autres, c’est le fait qu’elles soient porteuses de la vie et cette maternité les relie forcément plus que la paternité ne peut le faire. C’est physiologique : la femme n’aura jamais cette sorte de cruauté aveugle, hélas trop souvent masculine. Il y a quelques années, Nancy Huston, dans les colonnes du Le Monde, parlait de la violence de l’homme-monstre, des grands tyrans, des psychopathes qui sont essentiellement des hommes et très très rarement des femmes. Elle pose alors l’hypothèse que cela provienne du fait que l’homme naît d’un corps qu’il ne connaît pas, alors que la petite fille naît d’un même corps que le sien. Et l’homme, par nature, est victime toute sa vie de ce trauma qui le poussera à ouvrir le corps pour voir comment ça marche, parce qu’il naît d’un corps différent du sien. C’est étonnant, n’est-ce pas, cette hypothèse? Je voue une immense passion à Nancy Huston, grande intellectuelle et grande inventrice d’histoires à la fois, qui a le pouvoir de mêler les données scientifiques avec d’autres dimensions de la réflexion humaine et de l’imaginaire, de la psychologie. Je trouve très beau de tenter cette analyse-là, parce que c’est évident qu’il y a un mystère là-dedans. Qui nous contient tous. Les spectateurs suivront un dialogue entre deux femmes qui se dévoilent petit à petit dans un contexte de plus en plus présent et porteur d’émotion, de mystère. Et si au départ, il y a entre elles une opposition, petit à petit va naître une possible convergence. Toutes les

deux font un voyage qui peut les joindre l’une à l’autre, même si elles partent de points opposés. Et bien que, par définition, l’avocate doive gagner la confiance de sa cliente - et en l’occurrence elles n’ont pas vraiment le choix ni l’une ni l’autre – on comprend au bout d’un moment que les enjeux sont plus personnels. Aucune des deux ne cède à la « routine ». Elles sont l’une et l’autre liées corps et âme à un idéal qui semble les opposer, les affronter. Un idéal qui est forgé par leur histoire personnelle et par l’Histoire. Le chassé-croisé entre ces deux niveaux leu r permettra de se reconnaitre… C’est encore une fable sur la rencontre entre deux femmes. Deux personnages stéréotypes – l’accusée et l’avocate – elles incarnent l’une et l’autre les deux archétypes

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de la femme victime et de la femme protectrice. Et on se rend compte que les rôles se renversent petit à petit. Personne n’est fait d’une seule pièce. En jurisprudence c’est vrai aussi. La loi n’est pas monolithique. Nous avons la chance avec toute l’équipe de bénéficier pendant les répétitions de la présence d’une avocate de très haut niveau -amie de Laurence- qui dit qu’en jurisprudence on ne travaille pas avec la notion de justice. La loi c’est un texte. Il tend à être exhaustif pour faire face à toute une série de cas de figures, de situations réelles et y apporter une solution juridique qui soit la plus précise possible. En droit pénal, il s’agit de faire correspondre une peine à une faute. Mais cela a finalement peu à voir avec les notions de justice ou même d’équité. J’avais envie d’aborder ce contexte de la jurisprudence, parce qu’il m’intéresse énormément. J’y vois une dimension de l’humain qui est à son image, c'est-à-dire trouble, meuble, instable et au moins double, mais qui tend à une rigueur. C’est un paradoxe, car comme sait : on peut faire dire à la loi la chose et son contraire. Et le personnage de l’avocate le dira à plusieurs reprises : elle n’est pas là pour prouver l’innocence de l’inculpée. Elle est là pour entrer dans un système qui lui permette de plaider l’innocence de quelqu’un qui ne l’est pas. Mais elle est humaine avant tout. Elle aussi finira par mêler à son métier son idéal, sa passion, ses convictions et sera victime de son émotion. Petit à petit nous serons amenés au-delà du jugement même à considérer la qualité de l’argumentation. C’est ce qui fait qu’un jugement n’est pas l’autre, qu’un tribunal n’est pas l’autre et qu’il arrive qu’on voie des sentences complètement inversées en appel. C’est vertigineux et passionnant.

3. Le mot de la metteure en scène

L’Hiver de la Cigale est une fable. Une parabole sur «comment rendre justice ? » Quelles armes employer ? Comment affronter sa propre histoire, et l’Histoire ? Y a-t-il un devoir de mémoire ? Doit-on porter le combat de nos disparus ? Le continuer ? L’Hiver de la Cigale est un polar. Où traîne le fantôme de Colombo. Où l’on pense aux procès exemplaires qui ont marqué nos sociétés contemporaines. Où l’on questionne le

combat des vérités, le combat entre l’argumentation des faits et la dictature de l’émotion. La notion de punition. Ce qui est juste, ce qui ne l’est pas… On suit pas à pas une enquête. L’intrigue est tendue. Deux femmes. Deux chemins de vie. Une joute de vocabulaires. D’intime. De sens. Entre elles.

Et le cœur, toujours au centre. (Sacré Pietro !) Mes parents m’ont toujours appris, dans le travail, à construire ensemble, à harmoniser les compétences de chacun. Nous commençons tout juste à répéter et j’ai l’envie, ici, de créer une république de travail. Je suis attentive à ce que me révèlent Laurence et Nathalie, à la qualité de leur présence, de leur pensée, de leur voix… Attentive à ce que dénonce Anne, aux questions que posent Hoonaz, ou Max…

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Le Carnet du Public – L’Hiver de la cigale – Pietro Pizzuti

Théâtre le Public – Saison 17 – 2010-2011 Page 12

Oui, nous cherchons ensemble. Et je mesure le précieux de côtoyer des amitiés fortes au sein de l’équipe. J’aimerais mener les deux comédiennes à épouser le rythme ciselé de la langue de Pietro A assumer les silences. J’aimerais chercher avec elles autour de la notion de territoire, spatial et langagier. Tout commence. Et bien, dansons maintenant !

4. Questions aux deux comédiennes de la pièce

Quelles sont les grandes figures de femmes courageuses ou en lutte qui vous ont marquées au théâtre ou dans la vie ? Celles que vous avez peut-être jouées ou que vous aimeriez incarner ? Laurence Vielle : Je n’ai pas encore cherché à m’inspirer de tel ou tel personnage parce que je suis encore dans la compréhension du texte et du personnage. Maintenant que le texte est en moi, je commence à me rendre compte de l’ampleur du combat du personnage que je défends. Le dernier personnage combattant que j’ai incarné, c’était

Jeanne d’Arc et, comme le personnage de « L’Hiver de la Cigale », elle mène son combat jusqu’au bout. Elles ont toutes les deux quelque chose qui est lié l’enfance, même si je ne peux pas encore préciser cela ! Si quelqu’un m’inspire vraiment, c’est une de mes amies qui m’a raconté son propre combat, juste avant que Pietro Pizzuti ne me parle de sa pièce. C’est elle que j’ai l’impression de porter à travers cette pièce, dans laquelle Pietro a incroyablement rejoint l’histoire vraie de cette femme. C’est une Chilienne arrivée en France qui s’est retrouvée dans un réseau de personnes à la recherche des victimes, des disparus de la dictature. En

faisant ce travail d’enquête, on est forcément confronté aux bourreaux… Et tout à coup, l’Histoire a rejoint d’une manière terrible son histoire familiale. Dans cette pièce, un aspect très fort qui me touche, c’est que ces femmes ont un combat politique qui rejoint leur réalité personnelle. La force de ces grandes figures, n’est-ce pas justement l’endroit où leur combat est lié à leur histoire personnelle ? Nathalie Cornet : J’ai beaucoup joué de femmes combattantes et je crois aussi qu’à partir du moment où on est capable de mener de tels combats, c’est parce que forcément ils sont en lien très fort avec une histoire personnelle. On ne peut aller jusqu’au bout d’un combat que parce que quelque chose, en nous, nous pousse à le faire. Un combat politique ne peut pas n’être qu’intellectuel, il y a forcément quelque chose de viscéral qui nourrit tout ça. Même en tant que comédienne, on ne peut pas être que cérébrale, c’est

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Le Carnet du Public – L’Hiver de la cigale – Pietro Pizzuti

Théâtre le Public – Saison 17 – 2010-2011 Page 13

impossible. Michèle Fabien par exemple, m’a beaucoup inspirée, dans son travail de théâtre - essentiellement d’auteure- pour son combat pour la reconnaissance des femmes. Et ce n’est pas fini : je viens de lire dans un journal les différences de salaires qui existent encore aujourd’hui entre les femmes et les hommes. C’est ahurissant. Peut-être n’y a-t-il pas encore assez de femmes, comme celles que nous jouons dans la pièce, qui s’engagent et qui vont jusqu’au bout ? Il faut faire bouger les hommes et les femmes, parce que le féminisme n’est pas un mouvement contre les hommes, c’est un combat contre toutes les idées rétrogrades, y compris celles des femmes. Laurence Vielle : Je me demande ce qui serait différent si c’était deux hommes qui vivaient cette histoire ? En même temps je trouve que Pietro écrit si bien pour les femmes… Il y a toujours beaucoup de solidarité entre les femmes, moins de lutte de pouvoir : d’autres choses se jouent entre elles. De l’empathie, par exemple, même si au début de la pièce ces deux femmes ont des positions très différentes : elles sont très fermes sur leurs positions tout en se donnant la possibilité de s’ouvrir. C’est particulièrement féminin, je trouve. Ce sont toutes les deux des guerrières qui ne veulent pas la guerre. Nathalie Cornet : C’est tout à fait juste. Elles ont le même but et elles n’utilisent pas les mêmes armes que les hommes. Ce sont des résistantes. On n’est pas dans le sentimentalisme. L’intérêt de la pièce c’est que leurs discours, à toutes les deux, ne sont pas essentiellement féminins : ils sont aussi politiques. Elles échangent leurs points de vue. Les femmes sont capables d’échanger même si elles ne sont pas d’accord. Du coup elles peuvent se transformer. Ce n’est pas évident de trouver des rôles de femmes comme ça, même si j’ai eu la chance d’en jouer quelques-uns. Des femmes qui vont non seulement jusqu’au bout mais qui tiennent un discours cohérent et argumenté. Laurence Vielle : Oui, c’est ce côté charnel dans leur discours qu’on doit trouver à présent qu’on a décortiqué le sens. Ce sont deux femmes et je sens maintenant qu’il faut que ça descende dans nos ventres.

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Le Carnet du Public – L’Hiver de la cigale – Pietro Pizzuti

Théâtre le Public – Saison 17 – 2010-2011 Page 14

5. Question à la metteure en scène, Magali Pinglaut

« L’Hiver de la Cigale » est la rencontre de deux femmes en lutte. Faut-il soi-même, comme metteuse en scène ou actrice, être en lutte pour porter à la scène ces figures de femmes militantes et courageuses ? Magali Pinglaut : Si j’accepte de monter cette œuvre, c’est qu’elle me touche dans les

choses qu’elle dénonce, c’est qu’elle rejoint des choses que j’ai en moi. Elle fait appel à mon moi intime et ce que je décide de mettre en scène de ce qu’elles racontent questionne certainement une part de la femme que je suis dans la vie. Mais je ne m’estime pas militante et en lutte comme les deux personnages de la pièce. Vraiment pas. Bien sûr, je suis une femme en acuité aux choses, consciente et attentive à certains combats -peut-être plus que d’autres femmes- mais dans la vie, je ne m’engage pas de la même façon que ces deux femmes-là, même si je ne veux pas minimiser mon engagement. Je lis des trucs dans les journaux, comme cette iranienne qu’on veut lapider, je suis toujours très attentive à ce genre de choses, je signe des pétitions. Mais ce n’est rien à côté du chemin des deux femmes de la pièce. Elles portent leur combat dans leur métier, quotidiennement. Là où je les rejoins peut-être, c’est que dans mon métier,

je porte la parole de femmes quand je joue ou quand je mets en scène. Au théâtre, ça reste un acte politique de porter des paroles de femmes, parce que le déséquilibre entre les paroles d’hommes et les paroles de femmes est encore présent. Immense, énorme. Porter la parole des femmes au théâtre, c’est encore porter la parole de l’invisibilité, de celles qui sont invisibles. Ce n’est pas anodin d’être attentive à ça. Alors peut-être que oui - je me contredis - mais peut-être que, par mon métier, je milite. Au théâtre, il arrive souvent qu’on met en scène des femmes, plus que des hommes, porteuses de combat. Magali Pinglaut : C’est vrai qu’on en fait des figures, des héroïnes. Alors que dans la parole qu’on donne aux hommes au théâtre, on va souvent vers des choses plus complexes. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de rôles complexes de femmes au théâtre, mais soit ce sont des héroïnes, soit se sont des mères, des putes ou des ingénues. C’est rare que ce soit nuancé. Dans « L’Hiver de la Cigale », Pietro Pizzuti nous propose deux rôles de femmes en lutte, qui militent chacune à leur manière : l’une par les armes, l’autre par la loi et la justice. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’il nous propose aussi un accès à leur intimité, à leur parole intime. Elles ne sont pas que des héroïnes. Derrière ces grandes combattantes, il y a aussi la femme. La complexité du concret de quelqu’un. C’est une

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Théâtre le Public – Saison 17 – 2010-2011 Page 15

belle responsabilité de montrer des figures féminines dans le théâtre et de se dire : « Oui, là, on parle des femmes autrement. » Je trouve qu’on est pauvre de ça. Le rapport entre l’intime et le politique m’a toujours intéressée au théâtre et plus encore dans les figures féminines. Heureusement, il y en a dans le théâtre contemporain ! Des auteurs comme Pietro Pizzuti ou Olivier Coyette, par exemple, écrivent beaucoup et de manière juste pour les femmes…

Discussion générale avec les élèves sur la représentation :

ü De manière générale, avez-vous cerné les problématiques recensées dans la pièce ?

Pouvez-vous les lister et les associer à des séquences du spectacle ?

ü Le spectacle est appelé « comédie cynique ». Pouvez-vous expliquer de quelle manière ce

cynisme se déploie ?

ü Décrivez votre représentation des personnages tels que vous les avez découverts ?

Quelles relations entretiennent-ils entre eux ? Quel impact ces relations ont-elles sur le

déroulement de l’histoire ?

ü Quelle suite peut-on imaginer à la pièce ?

ü Imaginez la plaidoirie de l’avocate de la défense

ü Imaginez la plaidoirie des avocats de la partie adverse.

ü Parlez-vous à vos morts ? Ecrivez une lettre à une personne disparue importante à vos

yeux : qu’avez-vous envie de lui dire ? Quels étaient ses combats ? Pensez-vous devoir les

poursuivre ? Pourquoi ?

L’élève au théâtre

o L’école du spectateur, c’est apprendre à décrypter une pièce, un texte, une

représentation, un jeu de scène, des choix de mise en scène…C’est apprendre à apprécier

ou déprécier un spectacle mais en sachant donner les raisons de notre jugement. C’est

aussi un apprentissage des codes et des valeurs qui régissent le Théâtre. Enfin, l’école du

spectateur permet de trouver du plaisir à assister à une représentation en en comprenant

les enjeux…

o Quelles ont été les difficultés rencontrées par les élèves pour assister correctement à la

représentation ? (durée, installation, type de la pièce, contexte scolaire,…)

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Le Carnet du Public – L’Hiver de la cigale – Pietro Pizzuti

Théâtre le Public – Saison 17 – 2010-2011 Page 16

o Quels éléments ont facilité l’appréhension de la pièce par les élèves ? (genre, forme,

rencontre avec les artistes, discussion préalable en classe, …)

o Quelles ont été les attitudes des élèves lors de leur venue au Théâtre le Public ? (intérêt,

désengagement, bavardages lors de la représentation, ennui, fatigue, respect du lieu et du

personnel, amusement, découverte, …)

Lors de votre réservation, n’hésitez pas à demander une rencontre avant spectacle (19h-

19h45) avec les artistes du spectacle… !

Nous vous souhaitons une excellente soirée théâtrale avec vos élèves !

Nous sommes à votre écoute ! Pour les réservations, les questions ou les commentaires concernant les activités pédagogiques du Théâtre le Public, notre équipe se tient à votre disposition : Grégory Bergez : [email protected] 02/724.24.23 Anne Mazzacavallo : [email protected] 02/724.24.33

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