2000. Bourgeois, B. Le Vocabulaire de Hegel

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    Dans la mme

    Le vocabulaire de Bergson, par FrdricLe vocabulaire de Berkeley, par PhilippeLe vocabulaire de Fichte, par Bernard Bourgeois

    Le vocabulaire grec de la philosophie, par Ivan GobryLe vocabulaire de Hegel par Bernard BourgeoisLe vocabulaire de Heidegger, par J ean-Marie VaysseLe vocabulaire de Hume, par Philippe SaltelLe vocabulaire de Kant, par J ean-Marie VaysseLe vocabulaire de Maine de Biran, par Pierre MontebelloLe vocabulaire de Platon, par LucJ Brisson et J ean-Franois PradeauLe vocabulaire de saint Thomw d'quin, par Michel Nod-LangloisLe vocabulaire de Schopenhauer, par Alain Roger

    Le vocabulaire de Spinoza, par Charles Ramond

    ISBN 2-7298-5830-X

    Ellipses dition Marketing S.A., 200032, rue Bargue 75740 Paris cedex 15

    Le Code de la proprit intellectuelle nautorisant, aux termes de larticle L. 122-5.2 et 3a),dune part, que les copies ou reproductions strictement rserves l usage priv du copiste etnon destines une utilisation collective , et dautre part, que les analyses et les courtes citations dans un but dexemple et dil lustration, toute reprsentation ou reproduction intgrale oupartielle faite sans le consentement de l auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est ill icite (Art. L. 122-4).Cette reprsentation ou reproduction, par quelque procd que ce soit constituerait une contrefaon sanctionne par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la proprit intellectuelle.

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    Le vocabulaire utilis par Hegel est, dans ses termes, trs simple,

    compos quil est des mots de la langue la plus populaire. Le penseur la,d'ailleurs, voulu expressment tel : il combat, en philosophie, l'emploi determes abstraits, surtout fabriqus par le philosophe s'imaginant tort qu'ila dire autre chose que la vie et, donc, le dire par dautres mots que ceuxdont celle-ci se sert. La philosophie vraie, spculative, doit reflter ce quiest, et elle doit l'exprimer dans la langue ordinaire. Pour Hegel, la plushaute culture dun peuple requiert de tout exprimer dans la langue familire,et cette exigence s'adresse d'abord la philosophie, cime de la culture.Aussi, le vocabulaire hglien est-il par principe port par le vocabulairebasique allemand : Sein (tre), Werden (devenir), Etwas (quelque chose),etc. ; il promeut des expressions courantes : an sich (en soi), fr sich (poursoi)... Cette grande familiarit lexicale du discours de Hegel fait contrasteavec la non moins grande difficult que ce discours oppose sacomprhension.

    Et pourtant, puisque la syntaxe et le style d'un tel discours, en leurparticularit formelle (complexit et densit de la phrase, par exemple), neheurtent pas foncirement le discours usuel, il faut bien chercher la raison

    essentielle de la difficult en question dans la mise en rseau discursiveproprement hglienne du contenu morphologique. Cette mise en rseau,qui exprime la pense en son inventivit singulire, insre les mots dans desrelations varies, parfois surprenantes, en exploitant leur sens tiss dansleurs entrecroisements au sein de l'exprience pensante linguistiquementobjective du monde. C'est ce potentiel pensant des mots bien connus de lalangue qui est, lui, non connu par la conscience ordinaire, et mmephilosophante, happe par les choses et ne rflchissant pas sur elle-mme,

    dans sa mobilisation alors insuffisante de ce qui peut et doit tre pens enelle pour que soit pensable sa propre possibilit telle quelle s'exprime. Cestlui que la philosophie spculative peut et doit, selon Hegel, actualiser en ledveloppant scientifiquement. Ce dveloppement de la pense qui nest quedans le langage qui, lui, nest que par elle, explicite son pouvoiroriginairement dialectique : un mot qui a un sens est, en lui-mme, rapportdiffrentiel, ngatif, aux autres, et spculatif : ces rapports se totalisent dans

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    leurs termes. La langue allemande est, pour Hegel, de ce point de vue,privilgie, elle qui fait dire en lun de ses mots une telle vertu dialectico-spculative de tous : aufheben dit bien identiquement la diffrence deerhalten (conserver) et aufliren lassen (faire cesser). La philosophiehglienne a alors voulu faire se dire dans son discours explicitementtotalis le gnie dialectico-spculatif qui fait parler la conscience commune.

    Un Vocabulaire de Hegel doit, par consquent, lui-mme s'efforcer dedployer, en chacun des articles retenus, et dans la perspective dfinie parchacun des mots expliqus, la totalisation articule et hirarchise de leurssens. Voulant actualiser en lui-mme la signification proprementphilosophante du vocabulaire hglien, il imposera au lecteur la rptitiond'un seul et mme exercice de pense, puisque, dans chaque article, c'est lemme tout pens et dit qui se dit singulirement. Il est vrai que penserHegel, c'est le repenser, toujours !

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    Absolu* L'absolu, en tant qu'il doit exprimer Dieu dans le sens et dans laforme de la pense (E, SL, 85, p. 348), ne peut cependant pas tresaisi comme tant en rapport avec ce qui serait radicalement autre quelui, ainsi que la religion se reprsente parfois Dieu. Car il dsigne ce qui

    est absous, dli, sans lien ou relation avec quoi que ce soit d'autre qui lelimiterait ou dlimiterait. Il ne peut donc pas tre dtermin, fix ou riv une dtermination ; mais pas non plus tre indtermin, ce qui ledterminerait face aux dterminations, lesquelles, mme en tantqu'apparences, seraient alors quelque chose d'autre que lui. Il n'est donclui-mme que s'il a en lui les dterminations, et toutes les dterminations, qu'il totalise activement en lui en les matrisant, en lesrelativisant.

    ** L'absolu, qui n'est pas autre que le relatif puisqu'il pose bien plutt enlui comme son contenu la totalit du relatif, est donc le sujet de toutes lesdterminations idelles (logiques) et relles (naturelles et spirituelles), dela plus pauvre et abstraite : l'tre (qui peut tre dit de tout), la plus richeet concrte : l'esprit pleinement transparent lui-mme dans le savoirphilosophique achev (qui ne peut tre dit que du tout). Si l'absolu, l'unqui est le tout, n'est pas pris dans une diffrence d'avec autre chose, il sediffrencie ou dtermine en lui-mme. Il affirme par l son identit soidans les diffrences ou dterminations ainsi la fois poses et nies

    comme telles en lui par lui-mme : elles ont la ralit irrelle ou idalede simples moments (aspects) de lui-mme. La dernire d'entre ellesest telle qu'elle ne renvoie pas une autre, mais elle-mme, le contenualors totalis des prcdentes, et qu'elle est donc l'absolu lui-mme poscomme tel, l'absolu prsent lui-mme dans le savoir absolu de lui-mme.

    *** Alors que Kant affirmait que la connaissance humaine ne saisissaitque du relatif, l'absolu lui chappant dfinitivement comme une chose

    en soi , Hegel installe d'emble, de mme que tout tre, l'hommeconnaissant au sein de l'absolu. Et cela, la place privilgie qui lui estimpartie, car il est dtermin comme participant au savoir de soi del'absolu. Le savoir a toujours pour contenu l'absolu, mais qui semanifeste d'abord selon les moments, en tant que tels, relatifs, de lui-mme la Phnomnologie de l'esprit en expose la progression ,avant de se manifester comme l'absolu se manifestant dans la

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    philosophie spculative accomplie par Hegel comme Encyclopdie dessciences philosophiques. Contre toutes les thories rabaissant laconnaissance un simple intermdiaire (instrument ou milieu) dformantextrieurement labsolu, Hegel en fait un moment decelui-ci, la prse soi o il est vraiment lui-mme. Comme le souligne 1introduction e laPhnomnologie de l'esprit, nous ne saurions rien, mme de relatif, del'absolu, sil ntait pas et ne voulait pas tre, en et pour lui-mme, djauprs de nous (Phgie, Introduction, p. 181). Labsolu, identit soiqui se diffrencie davec elle-mme et s'identifie elle-mme dans lesdiffrences ainsi poses, en se faisant par l totalit, nest donc que par cemoment mdian de lui-mme en lequel il s'oppose sa massivit commerelation soi. Certes, parce quil est fondamentalement identit, il estexprim essentiellement par son premier et son troisime moment, lemoment d'entendement et le moment spculatif, tandis que son deuxime

    moment, le moment dialectique (voir ci-dessous les articles :Dialectique,Entendement, Spculatif), le fait paratre comme son Autre,mais cest par ce moment de la relativit dialectique qu'il est vraiment cequ'il est (l'Un qui est Tout), de mme que, pour Hegel, le vrai Dieu estcelui qui, dans la religion absolue du christianisme, assume en lui sapropre mort.

    Alination (Entusserung-Entfremdung)

    * Action de se dessaisir (ent-) de quelque chose en le rendant extrieur(-usserung) ou tranger (-fremdung) soi. En sa premire modalit,l'alination est davantage formelle (le contenu de ce dont on se dessaisitest maintenu) ; suivant la seconde, elle est davantage matrielle (lecontenu en question est chang au point de devenir trange pour celuiqui s'en dessaisit). L'alination d'une chose (vente d'une proprit) lalaisse subsister telle quelle : Hegel dsigne bien, lui aussi, ce moment dudroit par le terme Entusserung (ou, de manire synonymique,Verusserung). En revanche, l'alination d'une dtermination de l'esprit(la ralisation d'une ide dans une uvre mondaine, dont le milieu estl'Autre du sujet : l'objet ou les autres sujets) la modifie en son contenu,o le sujet peut ne plus se reconnatre du tout : Hegel dsigne alors leprocessus, laborieux, de la culture (.Bildung : faonnement, formation)par le termeEntfremdung. Mais, puisque toute modification du statutd'un tre entrane une modification de son contenu, la diffrence |l|H ||Entusserung et Entfremdung devient une diffrence de degrs, et Mil

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    pourquoi il arrive Hegel demployer dans le mme passageindiffremment les deux termes.

    ** Hegel gnralise le concept d'alination et en fait un momentncessaire essentiel de Vexistence spirituelle de l'esprit. Existence deYesprit : il n'est gure question dalination, dans le sens de l'tre,

    contenu de la Logique hglienne, que lorsque ce sens se prsentecomme se rflchissant en lui-mme et, en cela, d'objectif, se faitsubjectif ; et, pour ce qui est de la philosophie du rel, un tel thmen'apparat propos de la nature que pour voquer son origine spirituelle : La nature est l'esprit qui s'est alin lui-mme (E, N. Ph, 247,Zusatz, p. 50) ou son devenir-sujet dans l'tre vivant. Existencespirituelle de l'esprit : celui-ci ne saffirme tel quen surmontant sonexistence native, naturelle, individuelle ou collective, dans laquelle il

    adhre immdiatement son milieu et, travers ce milieu, qui secondense en son tre reu, lui-mme. La ngation ou le sacrifice de sonpropre tre qu'il opre alors ne consiste certes pas, pour lui, se rendrepassif de l'activit d'un autre sujet l'homme n'a pas le droit d'aliner cequ'il est, mme sa libert trs imparfaite en sa premire expression, de sefaire esclave d'un autre , mais se faire soi-mme activit absolue, n'tre que ce qu'il se fait tre. Telle est prcisment la culture, l'espritqui s'est alin lui-mme , dont le rgne, qui met fin, selon laPhnomnologie de l'esprit, la vie thico-politique antique o

    l'individu est immerg dans une collectivit particulire toujours djexistante, caractrise le monde moderne, produit comme mondeuniversel par l'auto-ngation d'un tel individu ainsi particularis. Cettepriode de la culture s'ouvre dans le sacrifice de soi de l'esprit absolureprsent, par le christianisme, comme le Dieu qui meurt lui-mme,pour se crer, travers sa communaut porte par l'esprit vraiment saint,son monde de part en part spirituel. Cependant, si l'alination n'est paspremire, elle n'est pas non plus dernire. Sa vrit, en effet, est de

    s'aliner elle-mme et de laisser ainsi s'exprimer positivement l'auto-position de l'esprit alors rconcili avec lui-mme et jouissant d'autantplus de son unit avec lui-mme que celle-ci s'est concrtise etconfirme mme l'preuve de son alination aline elle-mme.

    *** Dans la mesure o l'universalisation de la notion d'alinations'accomplit en ce sens qu'elle est insre dans l'absolu lui-mme expression spculative du thme chrtien du Dieu qui meurt pour

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    ressusciter , le problme se pose du srieux mme de l'affirmation parHegel d'une telle notion : dire de Dieu, qui ne peut mourir, qu'il meurt,n'est-ce pas simplement faire mourir la mort elle-mme, annulerl'alination qu'elle achve ? Hegel voque lui-mme, dans la Prface delaPhnomnologie de l'esprit, la possibilit de ne pas prendre du tout ausrieux l'alination et son dpassement en Dieu, simple jeu de l'amouravec lui-mme (Phgie, Prface, p. 69). Il est vrai que c'est poursouligner aussitt qu'un tel aspect ludique de l'alination n'apparat que sil'on envisage Dieu en tant qu'il est seulement en soi, processus trinitaireo le Pre s'aline en ce qui, comme son Fils, est encore intimement li lui, et que, en revanche, si l'on saisit Dieu en son alination relle dans lemonde o il s'incarne, souffre et meurt, alors celle-l est rellement elle-mme, en tant qu'un moment divin qui se rflchit en lui-mme, unealination. Assurment, on pourra ds lors objecter Marx l'a fait dans

    ses manuscrits de 1844 que mme cette alination dite relle estidalise en son sens parce qu'elle est purement pense, Hegel rduisantl'tre l'tre su ou pens ; l'Autre du Soi fondamentalement pensant ouconscient de soi serait l'objet comme tel pensable et ainsi apte trerconcili avec elle par la conscience de soi pensante. L'alinationvraiment relle serait, au contraire, la production, par l'homme rel nonoriginellement transparent lui-mme en son activit concrte, d'unmonde dont l'altrit ne se rduirait pas sa simple forme d'objet, maisaurait un contenu objectif chappant, en sa dtermination matrielle, laseule subjectivit pensante. Mais la critique marxienne nglige, d'unepart, la complexification croissante de l'alination hglienne, qui n'estpas l'objectivation simplement formelle d'un sujet qui serait purementpensant et dont le pour-soi matriserait d'emble son en-soi existantd'abord comme immdiatet sensible-naturelle ; et d'autre part, le faitque, si l'homme n'est pas purement pensant, il est toujours aussi pensant,et que c'est la pense qui s'aline comme telle en tout ce qu'elle dit etpose comme tant autre qu'elle, s'avrant par l le principe premier et

    dernier de l'alination et de son dpassement.

    me* L'me est un moment, simplement un moment et le moment immdiat,primaire, non concret, de l'esprit. Elle est en effet l'intriorisation de lanature qui, comme ralisation (alinante) dusensible de l'extriorit rciproque, nie alors sa

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    son contenu, ainsi rflchi en lui-mme ou prsent lui-mme dans lesentir, l'esprit o elle vient se dpasser. Dans ce recueil spirituelimmdiat de la nature quest l'me, dsigne par Hegel comme 1' esprit-nature ou le sommeil de l'esprit (E, Ph. E, 389, p. 185), le pour-soi (la forme dj spirituelle) de l'me et son en-soi (son contenu encore

    naturel) sont en symbiose, sans se faire face, dj, comme un sujet et unobjet, une telle diffrenciation ou extriorisation de soi de l'meidentique et intrieure soi signifiant le surgissement en elle de laconscience. L'me est donc l'esprit non encore scind en lui-mme et, parune telle distanciation l'gard de lui-mme, s'apparaissant lui-mmecomme conscience ; elle est l'objet de Xanthropologie, alors quereparatre soi conscientiel de l'esprit sera celui de la phnomnologie.

    ** L'interpntration originaire de l'esprit et de la nature, constitutive de

    l'me, interdit de juxtaposer celle-ci et le corps, comme l'a souvent fait laphilosophie traditionnelle. Mais, parce que cette interpntration a pourlieu l'esprit, dont l'unit il est le sens total de l'tre (l'ide, comme ditHegel) existant sensiblement en tant que sens peut seule, enl'accueillant en elle-mme, faire mriter la nature, pour elle-mmecondamne par sa contradiction interne (voir article Nature), d'exister,elle est une interpntration spirituelle de la nature et de l'esprit : l'esprit,dans l'me, a prise immdiatement sur la nature. La forme spirituelle

    matrisant ainsi le contenu naturel, les dterminations naturelles quiremplissent lme : la vie cosmique, sidrale, tellurique, les varitsdorigine gographique : raciales et ethniques, les singularitscaractrielles, la diffrences des ges de la vie, celle des sexes, etc., nefont que la conditionner, la laissant libre pour les dterminationsoriginairement spirituelles que lesprit se crera plus tard en elle.L'intriorit soi, la subjectivit, le Soi de l'me affirme donc sonpouvoir magique sur son contenu naturel ou extrieur soi, idalisdans le sentir. Cependant, la symbiose hirarchise du sentant, identique soi ou universel, et du senti, toujours divers ou particulier, signified'abord la conscration purement formelle, par le premier, du secondalors fix en son contenu particulier. Contradiction dont le dpassementexige que le Soi sentant universalise en lui-mme un tel contenu, qui,gnralis, devient habituel et, par l, n'intresse plus, ne fixe plus lui-mme le Soi. L'me va ds lors se donner une effectuation mondaineadquate son essence spirituelle, sopposer comme objet un mondedans lequel elle se retrouve pourtant comme sujet : cette extriorisation

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    de soi de lintriorit de l'me est la conscience, dont l'anthropologiehglienne est la gense spculative. L'me est le processus par lequell'esprit s'veille naturellement de la nature et finit par se la donnercomme objet en se posant face elle comme sujet en tant qu'espritconscient.

    *** L'anthropologie hglienne, qui anticipe et fonde conceptuellementnombre de thmes que la psychologie ultrieure croira dcouvrir en secontentant souvent de les dcrire (notamment celui du sentir pr-conscientiel), illustre avec clat le gnie spculatif de Hegel. Car, dansl'unit de l'esprit, les diffrents moments de lui-mme ne peuvent se

    juxtaposer comme le font, dans la nature rgie par le principe del'extriorit rciproque , ses divers rgnes. Les dterminations de l'men'existent pas, normalement, pour elles-mmes, mais sont intgres, tels

    de simples aspects, dans les dterminations suprieures, plus concrtes,dj de la conscience, puis des formes ultrieures de l'esprit. Elles sontdonc prsentes dans tout le champ de celui-ci, mme en ce qu'il a de pluspurement spirituel : toute ide, mme la plus thre, se sensibilise dansl'me, ce qui ne veut, certes, pas dire que, par exemple, la religion puissese rduire au sentiment. Pourtant, l'intgration de l'me dans et parl'esprit entirement dvelopp, parce qu'elle est spirituelle et non pasnaturelle, est ncessaire quant son sens universel, mais non en sonexistence singulire. En sorte qu'il peut y avoir conflit entre les

    dterminations de l'me, toujours prsentes comme moments, mais qui,alors, existeraient pour elles-mmes, et, si l'on veut, celles de laconscience, dont la limitation librerait les prcdentes. Ainsi,l'entendement, qui unifie objectivement l'exprience du monde, peut sevoir contredit par l'absolutisation que le sentiment de soi opre d'unereprsentation parcellaire vcue du monde. Une telle contradiction entrel'me libre pour elle-mme et la conscience insuffisamment matressede la premire, contradiction qui empche le Soi d'tre chez lui en lui-mme, qui l'aline lui-mme dans lui-mme, est la folie. L'esprit n'est

    rel que si tout, en lui, s'incarne en son tre naturel, c'est--dire dansl'me, mais celle-ci n'est vraie qu'en idalisant son contenu propre dansles formes plus spirituelles de l'esprit. La philosophie de l'esprit de Hegelsitue, de la sorte, en elle, l'anthropologie, sans la ngliger ni l'absolutiser.

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    Art

    * Si lesthtique kantienne est essentiellement une esthtique de lacontemplation du beau, offert dans la nature par le Crateur moral divindu monde, l'esthtique hglienne est une esthtique de la cration par

    l'homme du beau artistique. Cependant, en crant l'uvre dart, l'hommese dpasse lui-mme et laisse s'affirmer en lui absolument l'esprit, c'est--dire l'esprit absolu ou divin. Bien loin d'tre un simple divertissement,l'art est, pour Hegel, une expression, travers l'esprit fini, de l'espritinfini au principe du sens universel de l'tre. Mais c'est le premiermoment seulement de l'esprit absolu, pour autant que celui-ci sexprimedans luvre dart de faon purement sensible, alors que la religion,deuxime moment, dit le divin dans ce mlange de sensible (par lecontenu) et de sens (par la forme) quest la reprsentation, et laphilosophie, troisime moment, dans le sens pur ou le concept. Cest lce qui fait la limite, aussi historique, de lart.

    ** Luvre dart, nayant pas sa raison dtre dans le seul travail dunmatriau rendu apte satisfaire les besoins et dsirs naturels, finis, delhomme, exprime lide que lesprit se fait, en celui-ci, de son infinit oudivinit. Une telle ide nest pas d'abord saisie en sa puret spirituelle, etle progrs historique de lart traduit celui de la conscience de soi de plusen plus spirituelle de lesprit. La vie de lart est ainsi immerge dans lavie culturelle gnrale des peuples et, en celle-ci, lie fondamentalementau dveloppement de la conscience absolue, religieuse, que lesprit yprend de lui-mme : l'art expose de faon purement sensible ce que lareligion dit dj aussi comme sens. La purification croissante de l'ide delesprit va alors de pair avec celle du matriau sensible, qui sedmatrialise peu peu, et cest l ce qui constitue la srie des arts. Lamatire brute de l'architecture suggre en ses agencements extrieursdabord colossaux linfinit encore massive, non rflchie en elle-mme,

    de lesprit. Le matriau purifi de la sculpture statufiant l'homme,rflexion en soi incarne de lesprit fini, exprime lesprit infini commeesprit. Puis la matire idalise de lapeinture, qui ralise selon les deuxdimensions du tableau limage intrieure du monde, dit lesprit commentant pas identique son extriorisation sensible finie, mais autre quecelle-ci o il saline librement. Ensuite, le matriau purement temporeldu son exprime en eux-mmes les.mouvements de l'me, l'intrioritspirituelle qui se dit elle-mme au lieu de dire l'extriorit mondaine, et

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    telle est la musique. Enfin, le son lui-nHIfe se nie en tant que sensibledans le mot, lequel manifeste, dansmHmosie, l'esprit comme senstransparent soi de lui-mme. Un tel d|j||loppement systmatique desbeaux-arts est, de la sorte, commandP|Hr le rapport sens-sensible travers lequel l'esprit divin se prsente dans l'uvre d'art. Hegel

    distingue trois grandes tapes de ce rapport, marqu chacune par laprminence d'un art ou d'un groupe d'arts, dont le principe influence laralisation des autres. D'abord l'art symbolique, dans l'Orient asiatique,dont l'architecture ne peut qu'voquer, par sa grandeur sublime, l'infinitde l'esprit. Puis l'art classique, triomphe de la Grce antique, dont lasculpture exhibe la parfaite adquation, dans la beaut, de la figuresensible humaine et de l'esprit en sa dtermination ou singularisation, lalibert de sa rflexion en lui-mme. Enfin, l'art romantique, celui de lamodernit chrtienne, o la forme sensible en sa dtermination

    croissante dans la peinture, la musique et la posie privilgies, exprime, nouveau inadquatement, mais en sa vrit, l'esprit libr de la naturesensible o il s'incarne pour mourir elle. L'art est ainsi ressaisi parHegel dans sa systmatisation conceptuelle dploye dans le temps del'histoire universelle.

    *** L'art romantique, moins beau mais plus vrai en ce qu'il prsentesensiblement l'esprit comme principe non sensible du sensible quel'art classique, cime artistique de l'art, ne peut pourtant contenter

    absolument l'esprit humain qui ralise dsormais spculativement lemessage chrtien. L'achvement conceptuel de la culture dvalorise l'arten tant qu'expression limite, car sensible, du vrai : L'art n'apporte plusaux besoins spirituels cette satisfaction que des poques et des nations dupass y ont cherche et n'ont trouve qu'en lui [...]. L'art est et reste pournous, quant sa destination la plus haute, quelque chose de rvolu. Il a,de ce fait, perdu aussi pour nous sa vrit et sa vie authentique (CE, I,p. 17-18). Une telle mort de l'art, qui a seulement rapport sa mission dervlateur de l'absolu, ne signifie aucunement, aux yeux de Hegel, l'arrtde la cration artistique et de la jouissance finie offerte par celle-ci.Hegel dcrit mme l'art post-romantique ou si l'on prend le terme enson sens emphatique qu'il a chez lui post-artistique par des traits quirefltent assez bien l'art contemporain. Simplement : seule la pense peutapporter la pleine rconciliation de l'existence une humanit qui a saisiet, pour une part, dj ralis ses exigences ultimes.

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    Aufheben

    * Terme exemplaire, selon Hegel, du gnie spculatif de la langueallemande, en ce qu'il runit intimement deux significations opposes,celles de conserver [aufbewahren\ et d'abroger ou supprimer[hinwegrumen]. Le franais, que Hegel considre comme une langue delentendement, qui fixe chaque sens lui-mme, en tant quexclusif deson oppos (ou bien... ou bien), n'a pas de terme correspondant auflieben. On a alors, en forant leur sens ou en les accompagnantd'explications plus ou moins laborieuses, propos des termes courants :relever, enlever..., ou des nologismes : sursumer..., expdients quiviolent le grand principe hglien selon lequel la philosophie doit utiliserle langage habituel. Le mot dpasser respecterait ce principe, mais ila l'inconvnient de faire prvaloir la signification positive. Car, suivant

    Hegel lui-mme, qui, lorsqu'il veut accentuer le sens positif deAufhebung, lui ajoute l'adjectiferhaltend (conservant), le mot allemandsouligne le sens ngatif de suppression. Auflieben, c'est essentiellementsupprimer, le rsultat de la suppression ou ngation n'tant pas un purnant, mais un nant dtermin parYtre ni, donc possdant en lui-mme un ct positif.

    ** L 'identit de la conservation et de la suppression fait, certes, queconserver quelque chose c'est, en le prservant de la corruption, le

    supprimer comme se supprimant, le poser en niant sa ngation, maisYAufhebung dsigne plutt la ngation en tant qu'elle pose, lasuppression en tant qu'elle conserve. Ce qui est ni ne peut l'tre qu'entant qu'il est dj en lui-mme ni, limit, dtermin, ce qui l'empched'tre par lui-mme, par lui seul. Cette auto-ngation originaire est soncaractre dialectique (voir article Dialectique) : A est non-A, soit B.Mais B tant lui-mme non-B, soit A, ce qui est, c'est lidentit,spculative (voir article Spculatif), des deux opposs, ou leur totalit,

    soit C qui identifie A, parce quil est A = B, et B, parce qu'il est B = A,un A et un B qui demeurent tous deux dans cette totalit (parce quil y adeux sens de leur identit), mais avec un contenu chang (par exemple,A simple diffre de A qui est B), et un statut modifi (A et B ne sont plusdes pseudo-tres par eux-mmes, mais ne sont que comme leur totalit chaque fois sous un aspect diffrent d'elle-mme, c'est--dire des

    ~ tzccttc totalit). Leur ngation comme tres prtendus lesconserve comme des dterminations idales ou des moments de leur

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    tout, nouveau, qui, seul, peut tre. Ainsi, l'tre, qui se rvle identique aunant, et le nant, qui se rvle identique l'tre, deviennent, maiscomme disparatre et natre, les moments prcisment du devenir, leurtout.

    *** Il apparat que tout ce qui n'est pas un tout et, finalement, leTout,est passible d'uneAufhebungqui l'irralise ou l'idalise en un moment dece qui seul est, le Tout. C'est l ce qui donne son sens l'idalismehglien. Cette ngation du dtermin ou du quelque-chose n'est pas unengation extrieure, arbitraire, mais une auto-ngation, une ngationimmanente, et par l ncessaire, de ce qui est ni, en tant que ledtermin, diffrenci ou oppos n'est ce qu'il est que par son lien unAutre qu'il exclut en se condamnant lui-mme alors au non-tre.Cependant, le dterminest son auto-ngation, il neVapas. Le Tout, lui,

    qui n'a rapport qu' lui-mme, n'a un contenu, l'ensemble desdterminations, qu'en tant qu'il se dtermine ou se nie, sacrifice de soiqui vrifie bien plutt son tre qu'il ne le rsout, et le fait chapper touteAufhebungparce qu'il en est le sujet absolu.

    Chose (Sache)* la diffrence de la chose (Ding), corrlat de la simple consciencepercevant ou recevant l'unit encore purement sensible, donc labile, de la

    multiplicit sensible de ses proprits, la Chose (Sache) est uneobjectivit de degr suprieur, corrlative de la raison qui, unit de laconscience passive de l'tre et de la conscience de soi active, se retrouveelle-mme, comme Soi agissant, dans les choses perues, et s'y affirmedonc comme libre en leur imposant sa propre unit. C'est ainsi que lachose approprie par la personne juridique constitue une Chose.Cependant, l'unification seulement extrieure, en cela formelle, que leSoi apporte la chose extrieure lui devenue sa proprit, subsistemme lorsque la chosit mondaine et lunit du Soi, au lieu de rester

    extrieures l'une l'autre, s'unifient dans l'action mondaine de ce Soi.Alors, la Chose totalise sa multiplicit moyennant le Soi qui la fait serflchir en elle-mme (telle est la Chose mme [die Sache selbst] dont traite la Phnomnologie de l'esprit ; mais le Soi singulier,individuel, ne peut faire de cette Chose mme un vritable tout. Entant que Chose, l'existence humaine ne peut tre vritablementrconcilie en elle-mme, c'est--dire tre celle d'un esprit.

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    ** L tape de la Chose mme qui, dans la Phnomnologie del'esprit, ouvre la conclusion de la ralisation individuelle de laconscience humaine, consiste, pour celle-ci, chercher sa rconciliationen et avec elle-mme par-del les conduites du plaisir, du cur pur etde la vertu chouant imposer au cours effectif du monde un principeabstrait de satisfaction en vrifiant dans son agir la certitude o elleest dsormais de l'identit de ses projets singuliers, de ses dons naturelsparticuliers, et de la marche universelle des choses. La situation relle,l'idalit du but, l'agir mobilisant celle-l comme moyen de celui-ci, enleur accord recherch, sont affirms comme des moments d'un seul etmme ensemble pratique mondain. Cependant, l'agir qui relie entre euxet avec lui-mme ces moments dont il fait partie ne peut vraiment enfaire un tout, parce qu'il est un agir individuel, et non pas l'agir de ce tout(pour Hegel, le tout ne peut natre que de lui-mme). L'unit de

    l'ensemble pratique est donc celle, prcaire, non relle, d'une Chose, uneunit postule par la conscience agissante qui la revendique pour peuquelle assume tel ou tel moment de lensemble : par exemple, si cetteconscience na pas ralis objectivement son but, elle l'a pourtant voulu,et elle fait de ce vouloir l'ensemble de la Chose en question, mme si lesautres consciences rechignent ladmettre et considrent qu'elle lestrompe. Lunit des moments de l'ensemble pratique est donc une unitformelle, abstraite, qui peut tre prdique de chacun d'eux par l'individu

    agissant : il la saisit comme ce qui les contient, bien loin qu'elle s'avre lui comme le sujet total qui les produirait d'une faon originairementsynthtique travers les sujets individuels agissants en tant que membresde ce sujet total ou communautaire capable, en tant que tel, d'agirefficacement sur le monde en produisant son histoire, et que Hegelappelle l'esprit. La Chose mme est au seuil de l'esprit, c'est--dire del'tre vrai. Elle n'est pas celui-ci.

    *** En agissant dans la perspective de la Chose mme , runion de

    tous les facteurs de l'action se rsumant, d'une part, dans l'tre universel(les conditions de l'action), d'autre part, dans le Moi individuel (pourl'instant, seul sujet de l'action), la conscience se fait raison, s'univer-salise, pour produire une existence unifie, spirituelle, d'elle-mme. Maisle spirituel, l'esprit comme tre prdiqu d'un sujet qui, en tant mme queraison, reste encore le sujet individuel, un Moi, ne peut tre l'unit vraie4 'il doit tre. Un tout vritable, et non pas le pseudo-tout que demeurela Chose, ne peut tre produit que par le sujet lui-mme total. L'esprit ne

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    peut tre que comme sujet, non pas comme simple prdicat. Voilpourquoi Hegel dsigne par l'esprit, dans la Phnomnologie de l'esprit,l'esprit universel ou communautaire, le Nous, qu'il tudie d'abord dans laCit antique, antrieure l'individualisme essentiellement moderne. C'esten participant la vie et l'action de la communaut dont il se sent unmembre que le Moi peut jouir d'une existence pleinement rconcilieavec elle-mme, une et universelle en elle-mme. Tandis que, en sefixant lui-mme, et lors mme qu'il affirme la Chose mme , ilatteint un spirituel qui n'est encore que celui d'une rgne animalspirituel , non pas le rgne de l'esprit lui-mme.

    Concept (Begriff)* Si la philosophie hglienne, qui expose ltre comme le tout, peut seprsenter comme la philosophie du concept, donc du tout commeconcept de lui-mme, c'est qu'elle ne rduit pas le concept sa dfinitioncourante de reprsentation d'un sens gnral abstrait de contenus d'abordsensibles qui, eux, rvleraient le rel. Une telle dfinition du conceptpar les conditions subjectives de son acquisition historique dissimule laraison d'tre de celle-ci, savoir la fonction mme de celui-l, qui est defaire comprendre (begreifen, c'est comprendre), poser synthtiquement,le contenu divers de quoi que ce soit partir de son sens simple,identique soi, comme loi de composition d'un tel contenu en sa

    diffrenciation interne. Cette composition conceptuelle de tout, du tout,se dcouvre et exprime, certes, d'abord subjectivement, mais elle est,pour Hegel, qui fait s'accomplir l'tre dans son savoir de lui-mme,constitutive de tout ce qui est. L 'ontologie hglienne du concept se

    justifie par la dmonstration, tablie dans la Science de la logique, quel'tre n'est, c'est--dire n'chappe la contradiction qui l'anantirait, quesi son identit soi n'est pas seulement de type qualitatif, quantitatif,substantiel, causal, etc., mais telle que l'exprime la relation conceptuelleprsente elle-mme dans la connaissance spculative. Pour Hegel, leconcept est bien le principe crateur de l'tre.

    ** La totalit de ce qui est, identit de son identit et de sa diffrence, nepeut tre elle-mme ni seulement immdiate, identique soi, donc sur lemode deY tre, car elle est alors diffrente d'elle-mme, ni seulementmdiatise, pose, pour autant qu'en elle l'identit, commeessence. oosela diffrence, et par l est diffrente dans elle-mme. Elle n'est totalit

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    que si, en elle, l'identit se pose dans sa diffrence de faon trediffrenciation de soi, dtermination de soi, auto-dtermination, bref :conceptqui est, identique soi, immdiat, en tant qu'il est pos, diffrentde soi, mdiatis. L 'insuffisance de l'tre et de l'essence imposel'affirmation du tout comme concept, qui, par son tre, fait tre,

    relativement, l'tre et l'essence. Bien loin, par consquent, que le conceptdoive son tre au contenu offert par la reprsentation sensible (donnantde l'tre) ou intellectualise (rflchie comme essence) comme un objetautre que lui, il le constitue en sa ralit vraie. Kant a eu raison de dfinirle Moi unifiant par ses concepts comme le pouvoir objectivant lecontenu sensible des reprsentations, mais il a eu tort de prsupposer l'unification conceptuelle de l'objet un matriau sensible incitant limiterle concept par une chose en soi, cette relation de subsomption de ce dontil y a concept, comme d'un contenu, sous le concept, comme simple

    forme, se retrouvant dans la subsomption des divers concepts, commecontenu intellectuel, sous le J e pense lui-mme rduit une pureforme. Hegel qui ne se contente pas de subordonner la diffrence l'identit, mais la fait produire ou mieux car c'est une productionprsente soi, matrise crer par cette identit, voit dans le conceptla forme infinie qui, comme telle, se fait son propre contenu, se donne saralit : un concept cre ce dont il est le concept, et lui-mme, commeconcept dtermin, diffrenci, divers, est l'auto-ralisation du seul et

    unique concept qu'est le tout de l'tre en son principe, le sujet ou l'espritabsolu. Assurment, le tout de l'tre est le concept compltement auto-diffrenci, objectiv, ralis dans et comme l'ide, et c'est cette Ide quele philosophe fait s'exposer en lui. Mais la puissance cratrice de l'ide,immanente elle et la matrisant de l'intrieur, est le concept, et c'estpourquoi la philosophie spculative se prsente, en sa vie mme, commeune philosophie du concept.

    *** On peut saisir la dimension thologiquede la conception hglienne

    du concept. Hegel souligne bien l'accord entre sa doctrine et lareprsentation chrtienne du Dieu qui a cr le monde partir de rien, ils'entend : de rien d'autre que lui, qui s'est fait autre que lui-mme enlivrant le sens de la Cration travers sa propre Incarnation : Il est parl reconnu que la pense, et plus prcisment le concept, est la formeinfinie ou l'activit libre, cratrice, qui na pas besoin d'une matireuuiiiiee nors d eile pour se raliser (E, SL, 163, Addition, p. 594).Cette pense du concept comme universalit non abstraite mais se

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    particularisant concrtement et, par cette rflexion de lui-mme commeuniversel en lui-mme comme particulier, se manifestant commesingularit cratrice du tout, est une pense dont il faut dire qu'il a falludes millnaires avant qu'elle ne pntrt dans la conscience des hommes,et qui n'a obtenu sa pleine reconnaissance que grce au christianisme (ibid., p. 593). Le hglianisme, sur ce point pour lui capital, reconnat

    ainsi lui-mme, dans sa propre gense historique, sa dette envers lareligion dont il a voulu tre la rationalisation. On n'a pas manqud'inverser une telle relation en voyant en lui une christianisation de laraison. I l faut pourtant dire que, dans sa justification philosophique,l'affirmation de l'absolu, en son sens, comme concept, est une strictedmonstration dialectique purement conceptuelle, et que celle-ci, en sondveloppement prcis, n'a pas encore t rfute sa propre hauteur.

    Conscience* La conscience, au sens strict du terme, est le deuxime moment del'esprit en sa constitution subjective d'esprit se sachant tel en tout ce qu'ilsait. Elle suppose l'me, qui, ayant achev sa ngation de l'extrioritnaturelle par l'intriorisation de celle-ci, se nie elle-mme en extriorisant par rapport sa forme, devenue prsente soi comme sujet, soncontenu reprsent ds lors comme objet (Gegenstand : ce qui se tienten face, ce qui s'objecte). La conscience, cet apparatre soi de l'me qui

    s'est mise distance d'elle-mme dans le face--face sujet-objet, esttudie par la phnomnologie (le phnomne, c'est ce qui apparat),laquelle suit donc l'anthropologie, tude de l'me, et prcde lapsychologie, tude de l'esprit en tant que, pris lui-mme strictement, ilest la rconciliation avec l'objet du sujet qui se retrouve en lui et jouitdonc de sa libert. La Phnomnologie de l'esprit de 1807 expose en sancessit le processus de la conscience mme son contenu, aussimondain et supra-mondain, le plus total, depuis la certitude sensiblelmentaire jusqu' la foi religieuse en l'unit de l'Homme-Dieu, identit

    du sujet singulier et de l'objet universel, prsupposition ultime du savoir absolu qui, sachant l'absolu comme se sachant lui-mme en lui, dpasseen sa vise la dualit conscientielle.

    ** Entre l'me, symbiose vcue dans le sentir de ce qui n'est pasencore pour soi un sujet avec ce qui ne se donne pas encore comme unobjet, et l'esprit accompli dans le savoir absolu, o le sujet se sait pleine

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    identit de lui-mme et de ce qui n'est plus pour lui un objet, uneobjection, un Autre, se dploie la conscience, lieu de l'opposition, de lascission du sujet et de l'objet, donc de l'preuve du malheur qu'est,au fond, l'exprience, L' exprience de la conscience , dont laPhnomnologie se prsente, en son titre complet, comme la science, est,

    de la sorte, une expression tautologique. Mais la contradiction Je est(li intimement ) un Autre se contredit elle-mme : souffrir, c'estvouloir ne plus souffrir ! C'est pourquoi la conscience est le mouvementde se surmonter elle-mme en direction du savoir absolu. Un mouvementqui, avant ce terme, est sans cesse du en son intention et constitue parl un calvaire , puisque, chaque fois, l'Autre est surmont dans unAutre encore plus limitant, puisquil finit par se prsenter comme le Dieutout-puissant, avant que la toute-puissance dun tel objet, de l'Objet, se

    manifeste dans la bont de l'incarnation, annonciatrice de larconciliation de l'alination conscientielle. Il y a l une dialectiqueimmanente la conscience. Car celle-ci a dans l'objet dont elle estcertaine comme du vrai, c'est--dire comme de ce qui est identique soiquel que soit son contenu, la norme exigeant qu'elle surmonte leurdiffrence en identifiant l'objet son mouvement subjectif de parcoursde cet objet. Le mouvement subjectif d'assimilation de l'ancien objetconstitue alors le nouvel objet, tant que l'objet n'a pas objectiv tout ledynamisme du sujet alors devenu pour soi tout ce qu'il tait en soi, sujet

    qui se sait comme tel en slevant par l de la conscience l'esprit.*** La philosophie hglienne de la conscience est ainsi unerelativisation de celle-ci et, en consquence, une critique desphilosophies qui absolutisent sa structure dualiste en la traitant commecoextensive lesprit, tel, du moins, quun discours sens peut tre tenusur lui ; la philosophie moderne prototypique de la conscience est pourHegel le kantisme. Il y a un avant spirituel et, surtout, un aprs spirituelde la conscience ; il y a un sentir qui nest pas encore un savoir (Wissen)

    ou une certitude (Gewissheit) sensible, et un savoir qui nest plus, en sonsens, sensible, le savoir absolu o ltre est dit, conceptuellement, telquen lui-mme. Entre ces deux prsences soi, pr-conscientielle etpost-conscientielle, de lesprit, s'tend le domaine de cette reprsentation(Vorstellung : reprsentation, c'est position Stellung face Vor , ob-jectivation) qu'est fondamentalement la conscience. Laphilosophie de Hegel n'est pas une philosophie reprsentative ,enfermant la pense dans la reprsentation. Mais Hegel, moins

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    prtentieux et naf que certains de ses lointains successeurs, sait que lesavoir absolu ne peut se dire, s'objectiver dans un discours qu'ens'alinant lui-mme immdiatement dans la reprsentation ou laconscience dont il est le dpassement constant. Le savoir absolu n'est pasun tat, mais l'activit ou la ngativit constante de l'auto-ngation

    spculative de la conscience, la vitalit suprme de l'esprit.Contradiction

    * Si l'entendement courant limite la contradiction au dire, au penser, et un certain dire ou penser jug alors faux (deux propositionscontradictoires ne peuvent tre l'une et l'autre vraies), la raisonhglienne affirme que tout tre la contient en lui : o que ce soit, il n'ya absolument rien en quoi la contradiction, c'est--dire des dter

    minations opposes, ne puisse et ne doive tre montre (E, SL, 89,p. 355). Toute chose est contradictoire en tant qu'elle runit ou identifieen elle intimement des dterminations manifestement contraires, voiresimplement diffrentes, le fait, pour elle, d'tre ainsi la fois identique etnon identique elle-mme dans elle-mme constituant son oppositioninterne ou sa contradiction (cela dit l'encontre du reproche, souventadress Hegel, d'avoir confondu contrarit et contradiction).

    ** La reconnaissance de l'omniprsence de la contradiction se heurte l'obstination de l'entendement riv au principe de l'identit abstraite : Aest A, non pas non-A. Devant une contradiction, l'entendementcommence par fixer l'un des opposs en occultant l'autre, et, si c'estimpossible, dcrte la nullit de l'tre qui en est le lieu, comme Znon lefaisait du mouvement. Il utilise mme, dans la sophistique, lacontradiction comme preuve du nant de ce qu'il rejette. Bref, pour lui, lacontradiction, bien loin d'tre essentielle et positive, est un accidentngatif viter. Cependant, sa cime kantienne, lentendementphilosophant, tout en maintenant le caractre ngatif de la contradiction,

    lui reconnat une ncessit essentielle sous la forme de l'antinomiecosmologique, mme si Kant continue de loger la quadruplecontradiction du monde pens (aussi bien comme fini que comme infini,etc.) dans lapense illusoire du monde (qui veut appliquer les catgoriesde l'entendement l'objet de la raison), et non dans le monde lui-mme.Il faut dpasser cette timidit kantienne en affirmant que la contrest objective, et non pas seulement subjective, et qu'elle est partout. Avec

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    un statut, il est vrai, vari. Dans la nature physique, rgie par lextrioritrciproque et la finitude, les choses sont emportes par leur contradictioninterne. L'tre vivant, qui est, lui, un tout, donc comme tel en soi infini,donc non li une dtermination particulire, finie, supporte la ngationconstitue par celle-ci : il en souffre, mais, puisque souffrir, c'est tendre

    supprimer la souffrance, il est pouss au-del d'elle ; la contradictionressentie est bien la source de tout mouvement spontan, de toute vie, detoute activit. Mais c'est dans la vie de l'esprit que la contradiction rvletoute sa vertu. L'histoire du monde en est le lieu clatant : Ce qui, d'unefaon gnrale, meut le monde, c'est la contradiction (E, SL, 119,Addition, p. 555). Loin, donc, d'exclure la contradiction, l'esprit, qui esten et pour soi infini, a la force de la supporter en toute son acuit en ypuisant sa richesse : il sait, en effet, qu'il est infini et que, ds lors, toute

    dtermination en lui n'est qu'autant qu'il la pose et, par consquent, peutla dposer, comme un moment de sa culture. L 'accomplissementphilosophant de l'esprit, la pense spculative, accueille et cultive en ellela contradiction au cur delle-mme comme son moment moteur, lemoment dialectique.

    *** Si tout est contradictoire (identique et diffrent) sauf le tout lui-mme, pourtant ce tout n'est pas sans contradiction puisque, commetotalit, il est prcisment l'identit de l'identit et de la diffrence, mais

    il a la contradiction au lieu deY tre. Il la matrise au lieu de la subir, il senie sans treni. C'est bien le message chrtien du Dieu qui se sacrifie etmeurt pour sauver et vivifier l'tre fini, que Hegel a voulu exprimerrationnellement ou conceptuellement. L'identit se diffrencie ou sedtermine, et cette auto-dtermination ou libert la fait s'aliner ainsi elle-mme, accueillir par l en elle-mme la misre (Not) de la ncessitCNotwendigkeit), alors immdiatement surmonte et transfigure. Ladialecticit de l'identit se faisant totalit par sa diffrenciation d'elle-mme se dpasse donc spculativement dans la jouissance de sa

    puissance travers sa bont mme. L'affirmation de l'tre triomphe dansla ngation de sa ngation, la contradiction de sa contradiction.

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    Dialectique* Il faut, chez Hegel, distinguer le dialectique et la dialectique. Ledialectique constitue l'un des trois moments, lune des trois dimensionssignifiantes essentielles, de tout ce qui a sens et tre. Toute chose est,dabord, identique elle-mme : cette identit soi, qui fait qu'elle est et

    qu'elle peut tre dite, est son moment d'entendement (A est A). Mais unetelle identit pour elle-mme abstraite n'est celle de telle chose, d'unechose dtermine, diffrencie en elle-mme et, par l, rellement, detoute autre, que pour autant que la chose est non-identit, diffrenced'avec elle-mme en elle-mme, donc, en vrit, contradictoire, ouidentique son oppose. Tel est son moment dialectique (A est non-A,soit B) : le moment dialectique est la propre auto-suppression [des]dterminations finies, et leur passage dans leurs opposes (E, SL, 81,

    p. 343). Celui-ci exprime dj la raison - pouvoir suprmed'identification, car des opposs eux-mmes , mais ngative :l'identification des opposs annule chacun d'eux. Le troisime moment,dit spculatif, exprimera la raison en sa positivit en saisissant le nantd'une dtermination, nant dtermin, comme une nouvelledtermination, positive, se nourrissant de l'auto-ngation dialectique desopposs identifis l'un l'autre (c'est l'identit positive de A qui se nie enB et de B qui se nie en A). Comme on le voit, le dialectique, raisonngative, mdiatise l'entendement avec la raison positive du spculatif et,

    en cela, fait des trois moments un unique processus qu'on peut doncdsigner comme la dialectique. Celle-ci est le processus immanent qui,mne, par la diffrence d'avec soi (la contradiction) du dialectique, del'identit abstraite de l'entendement l'identit concrte ou totale de laraison.

    ** La dialectique est souvent prise, de faon pjorative, comme unprocd subjectif artificiel s'ingniant, pour la disqualifier, susciterdans une notion une apparence de contradiction ; apparence, car un tre

    vritable est jug ne pouvoir contredire sa foncire identit soi. Toutaussi ngative dans son rsultat, si son intention est srieuse, apparat ladmarche du scepticisme, qui fait culminer la pense en son momentdialectique destructeur de tout ce qui est pens, sans voir quil affirme lepenser comme identique lui-mme en cette activit ngatrice de tout cequi est. Mobilise positivement au service de l'affirmation du vrai, 1_dialectique ironique de Socrate, antisophistique, reste une mthode

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    subjective. C'est, pour Hegel, Platon qui dgage le premier la dialectiqueobjective du contenu des dterminations intelligibles (lUn, lemultiple...). Ce que Kant confirme l'poque moderne dans letraitement de l'antinomie cosmologique, mais en rechutant, eu gard austatut assign celle-ci, dans le subjectivisme, tout ncessaire qu'il soit.

    Hegel a conscience de donner enfin au dialectique son rle universelfondamental. Ontologiquement, certes, ce dialectique est en gnral leprincipe de tout mouvement, de toute vie et de toute manifestation activedans l'effectivit , si bien que tout ce qui nous entoure peut treconsidr comme un exemple du dialectique (E, SL, 81, Addition,p. 513 sq.), du mouvement des corps clestes au progrs de l'histoirehumaine, mais aussi gnosologiquement, car il est l'me motrice de laprogression scientifique [...], le principe par lequel seul une connexionet ncessit immanentevient dans le contenu de la science (ibid., 81,Rem., p. 344). Alors que la ncessit de la dduction, qui va de A A,n'chappe la tautologie qu'en prsupposant un Autre qui la relativise(ainsi dans la synthse a priori de Kant, avec sa prsupposition del'exprience possible), celle de la dialectique, qui montre que A est nien non-A, ou B, lui-mme ni en non-B, ou A, tablit par l mme quece qui est ncessairement, c'est la ngation de ces deux auto-ngationsrciproques, leur identit positive, soit C ; il y a l une ncessit qui estpar elle-mme un progrs. La philosophie ne peut tre absolument

    scientifique, tre, tout en un, synthtique et a priori, qu'en promouvanten elle, mais comme un simple moment, le dialectique tort absolutispar le scepticisme et ignor par le criticisme comme par le dogmatisme.

    *** Parce que le dialectique est le moment moteur de la dialectique, ilne fait pas que celle-ci se nie elle-mme, ne serait-ce queprovisoirement, en s'arrtant ou fixant dans l'identit concrte o ellevient se reposer. Assurment, puisque le dialectique fait se nier le ngatifenvelopp dans le moment abstrait, spar, fini, de l'entendement et

    en ce redoublement dbouche, par lui-mme, dans le nant, il fautbien, si le dialectique lui-mme est, que ce nant soit repris dans un tredont l'identit (seul est ce qui est identique soi, s'il ne peut treseulement, abstraitement, identique soi) intgre, pour le faire tre, ledevenir dialectique. Il faut que cette identit concrte soit, donc que lapositivit spculative soit. Cependant, l'auto-ngation du ngatif qu'est ledialectique ne peut par elle-mme poser une telle positivit ; le ngatifachev exige sa propre ngation, mais exiger n'est pas faire tre !

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    L'identit spculative, concrte ou totale, C, des diffrences en ngationrciproque A et B excde par son sens leur simple somme (le devenir,premire illustration d'une telle identit, est autre et plus que l'tre et lenant additionns, qui sont sa ngation bien plutt que sa position). Bref,le moment spculatif, requis par le moment dialectique s'il y a de l'tre,

    se pose lui-mme, et pose dans l'tre aussi ce moment dialectique. PourHegel, c'est bien l'tre qui devient. la diffrence de la dialectiqueultrieure de Marx, la dialectique hglienne est essentiellement unedialectiquespculative (voir articleSpculatif).

    Effectivit (Wirklichkeit)* L 'effectivit ou la ralit effective dpasse la ralit comme simpleexistence ou simple phnomne autre que son sens essentiel. En elle,

    l'existence extrieure et l'essence intrieure ne font qu'un : la multiplicitdonne de la premire, au lieu d'tre pure apparition sensibledisparaissante, est fixe comme le dveloppement mme de l'identit soi pense de la seconde, laquelle identit n'est qu'autant qu'elle sediffrencie en un tel dveloppement. Une telle auto-diffrenciation de soide l'identit qui comprend tout en elle dfinissant la raison, celle-ci estau principe de l'effectivit, qui n'est ainsi rien d'autre que l'effectuation(Wirken =uvrer), dans la ralit existante, de cette raison. D'o laclbre formulation de la Prface des Principes de la philosophie du

    droit, reprise dans l'introduction de l'Encyclopdie : Ce qui estrationnel est effectif, et ce qui est effectif est rationnel . Doublequation lire selon la squence elle-mme rationnelle : parce que ce quiest rationnel est effectif, alors ce qui est effectif est rationnel ; c'est parceque la raison, premire, s'effectue que l'effectivit est rationnelle.

    ** Hegel souligne contre l'entendement qui oppose la raison commetotalisation du sens ou Ide, alors irralise en reprsentation subjectiveabstraite, et une ralit sensible ou existence phnomnale prive de

    toute dimension signifiante que l'ide, principe absolu, a la force dese raliser telle qu'en elle-mme en une effectivit pleinement sense.Mais il marque tout autant les limites de la raison manifeste commesimple effectivit. L'effectivit, catgorie qui accomplit l'tre commecause essentielle de lui-mme, comme production sense de lui-mme,ptit de la limitation de la raison ou de l'ide qui n'est encore qu'ciret non pas dj de ce que Hegel appelle le concept (voir articles Essence

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    et Concept). Unit premire, immdiate, donc sur le mode de l'tre, del'essence productrice et de l'existence produite, l'effectivit estproduction delle-mme (causa sui) ; elle n'a pas, ne matrise pas, cetteproduction essentielle de l'existence, et, par consquent, ne synthtisepas vraiment les moments d'une telle production. Ainsi, ce qui estproduit, la Choseeffective, puisY activitproductrice, enfin ce partir dequoi l'activit produit la Chose : les conditions existantes, restent autresles uns que les autres dans leur runion mme. Cette identification demoments subsistants en leur diffrence est, pour ceux-ci, un destin autrequ'eux, la ncessit. Mais la ncessit de l'effectivit, parce qu'ellesuppose, de la sorte, la diffrence de la runion et des lments runis,est, au fond, une contingence relativement ce qui, alors simplementprsuppos par elle, la rend nanmoins possible. La raison effective n'estpas encore manifeste comme pleinement rationnelle. Le sens de

    l'effectivit requiert l'affirmation d'un tre ou d'une existence qui,assurment, ne peuvent s'opposer efficacement celle-l, toutefois,niables par elle, ne sont pas poss absolument par elle. Si de l'effectif seproduit, il y a de l'ineffectif, de l'existant pur et simple, en lui-mme nonrationnel.

    *** La raison n'a dtre comme raison quautant quelle se fait tre entant que concept, et non pas simplement en tant quessence. La raisonconceptuelle se pose comme posant ltre, a donc, dans une parfaite

    transparence elle-mme, sa propre activit posante et, alors matresseabsolue d'elle-mme, l'est de tout ce qui a de l'tre (pour, car par elle).Cratrice ds lors, et non plus simplement productrice, la raisonconceptuelle pose mme ce que, pour s'apparatre comme posante, elleniait, en tant qu'essentielle, comme simple prsupposition d'elle-mme.Se faisant rflexivement autre qu'elle-mme, se retrouvant donc elle-mme, ainsi libre, dans ce qui lui est autre, elle est assez sre de sapuissance pour poser libralement, dans sa bont, son Autre comme

    Autre, libre lui-mme d'elle ; sans que certes, ses libralits ponctuellespuissent mettre en question son triomphe d'autant plus clatant au niveaudu sens universel des choses. La raison s'accomplissant concep-tuellement, unit qui se mdiatise en et avec elle-mme de l'essence et del'tre, qui se fait par l esprit au lieu de rester simple raison essentielle ounaturelle (naturante pour reprendre le terme du substantialisme deSpinoza, que Hegel veut dpasser dans une philosophie du sujet), renddonc raison aussi de l'existence d'un ineffectif ou irrationnel, en tant

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    mme qu'elle dpasse le stade de l'effectivit en se donnant uneobjectivitcomme sujet libre.

    En soi, pour soi, en et pour soi(an sich, fr sich, an und fr sich)

    * Expressions typiquement hgliennes en ce qu'elles font dire par lalangue la plus commune des donnes spculatives fondamentales. Ellesdsignent les modes, constituant une progression ncessaire, selonlesquels l'tre de quoi que ce soit est assum. Tout ce qui est, idalementou rellement, est d'abord son tre en soi, de faon enveloppe, engerme, potentiellement (il s'agit de la possibilit relle, appeledunamispar Aristote). Puis, dans un deuxime moment, l'identit simple de cettre dtermin se dploie dans le milieu extrieur elle des diffrences :

    elle existe, est l (dasein), mais une telle activit qui la fait s'extrioriseren elle-mme et exalte ainsi son propre pour-soi dissocie ce que son en-soi runissait, sa forme identique soi et son contenu diffrenci. Letroisime moment du processus de tout ce qui est constitue alors larconciliation de l'en-soi et du pour-soi, l'tre-en-et-pour-soi ralisant enacte (pour reprendre la terminologie aristotlicienne), dans le milieuscindant du pour-soi (ou de l'tre-l), l'unit en soi de la forme identique soi et du contenu diffrenci de quoi que ce soit. Par exemple,l'homme, qui est en soi libre mme s'il existe comme esclave, se libre

    en voulant traduire extrieurement son libre arbitre purement formel,avant de faire de celui-ci la forme mme de l'affirmation de soi ducontenu en soi de sa libert, l'actualisation subjective de l'autodtermination objective de ce qui, seul, est vraiment, savoir du tout.

    ** Le dveloppement menant de l'en-soi, par le pour-soi, l'en-et-pour-soi est souvent illustr chez Hegel par le processus vgtal conduisant dugerme, dont l'identit simple contient virtuellement toute la plante outout l'arbre en ses diffrences : tronc, branches, feuilles, fleurs..., par

    l'exposition de celles-ci, dont l'identit se rflchit hors delles-mmes,dans un pour-soi extrieur, jusqu' leur achvement dans une ultimediffrence, auto-ngatrice puisqu'elle reproduit, comme fruit renfermantla graine, l'identit mme de l'tre vgtal ; en un tel achvement, celui-ci est l en son identit, tel qu'il est en soi, donc se redouble lui-mme,est pour soi ce qu'il est en soi. Le dveloppement de l'tre se rv1identique lui-mme en ce que sa fin est son commencement alors pos

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    en tant que tel, non par un tre extrieur (observateur), mais par lui-mme qui se fait in fine position de soi ; le concept de finalit exprimecette identit du commencement et de la fin moyennant un mouvementen cela purement interne ou immanent, par l absolument ncessaire.Pourtant, une telle identit soi, bien loin d'ignorer la diffrence davec

    soi, s'en nourrit foncirement. Si Hegel dfinit le rapport entre les troismoments du dveloppement par les termes de contradiction ou derfutation la plante dploye contredit ou rfute le germe, comme lagraine le fait d'elle-mme , c'est que chacun de ces moments est en lui-mme anim par une contradiction interne qui rend ncessaire le momentsuivant, car la contradiction se contredit pour une pense assezresponsable pour intgrer dans sa dfinition de l'tre dont elle traite cequi la rend elle-mme possible, savoir l'identit d'abord requise par lesens. L'tre qui est seulement en soi, intrieurement, ce qu'il est, et dont

    l'existence, invitable puisque l'essence n'est qu' se manifester, est alorsune extriorit oppose son intriorit, souffre d'une contradictionintime qui lui est fatale. La suppression elle-mme invitable de cettecontradiction est l'extriorisation de son tre dabord seulementintrieur ; mais une telle extriorisation est, en son cours, elle-mme lacontradiction d'une extriorit ou d'un tre-l comme contenu manquantencore de sa forme unifiante, et d'une intriorit qui s'affirme pour elle-mme en tant encore prive de son contenu rel. Cette nouvelle

    contradiction se contredit et supprime dans la rconciliation du pour-soiet de l'en-soi, pour autant que l'en-soi se pose comme ce qu'a, titred'objet, le pour-soi en et comme lequel se totalise subjectivement l'tre-ldployant cet en-soi.

    *** Cependant, l'tre-en-et-pour-soi, qui n'est plus contradictoire en tantque mode d'tre ou forme d'un contenu dtermin, d'un certain tre, prisabstraitement pour lui-mme, est, comme forme vraie d'un tel contenunon total, donc non vrai, emport par l'tre alors encore seulement en soi

    du tout. Celui-ci, s'tant dvelopp comme tel, est seul n'tre pluscontradictoire. Pourtant, pos comme tout, il se pose, s'expose, secontredit lui-mme en tant que tel, dans un dveloppement qu'il matriseds lors absolument en son parcours travers les trois moments de l'en-soi, du pour-soi et de l'en-et-pour-soi. Ce processus absolument matris,que l'tre dploie selon le rgime de la libert et non plus de la ncessit,

    porte universelle, en l'absolutisant ainsi, de la squenceternaire : en soi, pour soi, en et pour soi, capitale dans le hglianisme.

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    Entendement* L'entendement (Verstand) est le pouvoir d'identifier soi un contenuquelconque en faisant abstraction, cest--dire en le diffrenciant, de sadiffrence ou diversit intrieure ainsi que de sa diffrence extrieure,mdiatise par la premire, avec dautres. Identifiant en diffrenciant ou

    en sparant, donc abstraitement ou formellement, ce qui nest quunepartie de ce qui, seul, est vraiment, savoir de lidentit en elle-mmediffrencie ou concrte quest la totalit, lentendement doit treapprci aussi bien positivement que ngativement. Positivement, en cedouble sens que, faisant tre ce qui, ntant pas le tout, nest pas, il est,par son statut, la puissance (ngatrice) la plus prodigieuse qui soit, selonles termes mmes de la Prface de laPhnomnologie de l esprit, et quecette puissance qui identifie toute diffrence ou dtermination elle-mme et fait que lon peut donc sy retrouver est la condition premire dusens. Ngativement, en ce sens galement doubl que lexercice dunetelle puissance, qui correspond lexigence lmentaire de la pense, estce quil y a de plus naturel et facile pour celle-ci, et que laccomplissement de la pense vraie, car totalisante, requiert lintervention dupouvoir synthtisant ce que lentendement fixe en sa sparation, pouvoirconstituant la raison (Vernunft) en laquelle celui-l doit tre dpass.Simple moment du vrai, lentendement a cependant un sens universel,non seulement subjectif ou gnosologique, mais aussi objectif ou

    ontologique : il y a de lentendement dans les choses, et non passeulement dans la pense. Ainsi, la diffrence de Kant, qui avait lepremier fix la diffrence de lentendement et de la raison, Hegel ne faitpas plus s'puiser lentendement dans la connaissance quil ne faits'puiser la connaissance dans lentendement.

    ** Pour Hegel, l'entendement est le premier moment de l'tre et de lapense. Ce qui a de ltre et du sens est ncessairement identique soi. Ilest ce quil est en ntant pas ce quil n'est pas, ainsi que l'affirme le

    principe dit, positivement, d'identit, ou, ngativement, de contradiction,principe qui absolutise le travail de lentendement : identifier soi ensparant davec tout le reste : La pense en tant quentendement sentient la dterminit fixe et son caractre diffrentiel par rapport dautres ; un tel abstrait born vaut pour elle comme subsistant et tantpour lui-mme (E, SL, 80, p. 343). Mais lentendement nest aussiquun tel premier moment, et c'est pourquoi l'on ne peut s'en tenir lui.

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    Lidentit vraie, en effet, nexclut pas, mais inclut en les totalisant lesdiffrences, qui la dterminent concrtement. Une telle identit concrteou totale est lidentit propre la raison, dont Hegel reprend la dfinitionkantienne gnrale de totalisation ; la raison dpasse lentendementdabord ngativement en tant que, dialectique, elle fait se dissoudre les

    identits fixes elles-mmes par lentendement : A est en vrit aussi

    bien non-A, puis positivement en tant que, spculative, elle unifie cesdterminations opposes en une identit qui les concilie en elle en lesrduisant de simple aspects ou moments d'elle-mme. L entendementdoit donc tre la fois reconnu et limit. Ce qui explique le doublecombat constant de Hegel contre, d'une part, les philosophies qui, sesyeux, mme lorsqu'elles se prsentent comme des philosophies de laraison, absolutisent en fait l'entendement, et, d'autre part, lesphilosophies qui le refusent en croyant pouvoir faire l'conomie de

    l'abstraction. C'est d'abord, en sa priode de formation fascine par labelle totalit immdiate de la vie grecque, et dans ses premires annesdenseignement universitaire Ina, au dbut du sicle, contre lesphilosophies rflexives de lentendement kantien et fichten que Hegelclbre lquation du vrai et du tout. La raison oppose le total au simpleuniversel ou infini entendu comme oppos au particulier ou au fini, et,par l, lui-mme rendu particulier ou fini. Elle s'en prend notamment,dans le champ pratique, aux doctrines qui appellent communaut lapseudo-unit de linteraction prsupposant les diffrences fixes etconsacres des individus, et qui font rsulter ltat dun contrat entreceux-ci ; l'chec de la Rvolution franaise a bien t celui del'entendement politique. Plus tard, dans le contexte de la Restauration etdu romantisme anti-intellectualiste, Hegel s'opposera surtout au culte del'intuition et du savoir immdiat (d'un J acobi) : le mlange syncrtiquedes dterminations sera alors jug plus dangereux que leur sparation parle ou bien-ou bien cher lentendement. L'unit rationnelle,proprement synthtique, prsuppose les distinctions de l'entendement,

    qui doivent tre intgres elle et, pour cela, d'abord reconnues commetelles.

    *** Que la raison intgre ainsi en elle l'entendement comme un moment dpasser ne signifie cependant pas qu'il ne garde pas un champd'activit propre o, sans tre assurment mis en cause, le tout, cest--

    ------ : pas de dterminations incombant alors ce seulentendement. Laraison hglienne, qui illustre sa toute-puissance par sa

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    bont librale, tolre l'intrieur de son rgne universel lesmanifestations particulires de son Autre, la factuellit ou positivit nonrationnelle o la contingence a son libre jeu. Dans le dtail de la natureet de l'histoire, l o il ne s'agit pas de leur sens vritablement universel,par exemple dans le contenu purement empirique des sciences de lanature, du droit, de la politique, etc., la diversit ne peut tre ordonne,

    thoriquement ou pratiquement, que par des rgles ou des rglements(rationnellement) arbitraires de l'entendement : qu'on songe auxdcisions du lgislateur et du juge ! La raison sait donc aussi librer unexercice propre de l'entendement, libralisme certes limit au domainedu particulier, mais en celui-ci, o l'individu peut saffirmer comme tel,bien rel.

    Esprit

    * L absolu est esprit : c'est l la dfinition la plus haute de l'absolu (E, Ph. E, 384, p. 179), et Y essence de l'esprit est [...] la libert(ibid., 382, p. 178). L'esprit est bien la dtermination vraie de l'absoluparce qu'il est lui-mme, prcisment, libert ou auto-dtermination,c'est--dire auto-limitation ou, dit plus radicalement, auto-ngation.Absolutisant lui-mme l'ide kantienne de l'esprit comme acte, et nonplus comme simple tre, Hegel souligne l'quation entre activit etngation (agir, cest changer, donc nier ce qui est), et entre activitabsolue, non limite par un Autre sur quoi elle porterait, et ngation desoi. Se nier ou limiter, se dterminer, pour l'esprit en sa libert, c'est alorsposer son Autre, l'tre dtermin et par l fini de tout ce qui, face l'agir,ne fait qu'tre. L 'esprit se fait en faisant tre tout ce qui est. Loin doncd'tre l'tre, mme universel, d'unesubstance identique elle-mmeen sa richesse alors unifie comme simple ncessit ou, en cela, d'unestructure exprimable par le neutre : le spirituel, l'esprit comme agir serflchissant ngativement sur et en lui-mme est un Soi ou unsujet libremme de son tre, et qui nest qu se diffrencier de soi. Cest bien le

    contenu religieux, pour lui absolu, du Dieu chrtien se sacrifiant pourfaire vivre le monde, que conoit rationnellement Hegel dans lespritcomme Soi dont la libre auto-ngation pose le tout de ltre en sancessit.

    ** On voit que, pour Hegel, il ny a pas l'esprit et autre chose, parexemple la nature, puisque l'esprit lui-mme est ce dont la ngation uw

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    soi fait l'tre-pos de tout. Une telle immanence ngative de lesprit tout ce qui est exclut aussi bien, en tant qu'immanence, lextriorit del'esprit et de la nature, que, comme ngative, leur identit pure et simple.L'esprit est ainsi l'unit le tout de lui-mme commeesprit etde son Autre alors pos par lui comme ce partir de quoi il se pose,

    c'est--dire comme ce qu'il se prsuppose : L'apparence selon laquellel'esprit serait mdiatis par un Autre est supprime par l'esprit lui-mme,puisque celui-ci pour ainsi dire a la souveraine ingratitude desupprimer cela mme par quoi il est mdiatis, de le mdiatiser, de lerabaisser en quelque chose qui ne subsiste que par lui, et de se faire, decette faon, parfaitement subsistant-par-soi (E, Ph. E , 381, Addition,p. 391). La prsupposition que se donne l'esprit est double, puisqu'elleest celle, d'abord, de son Autre idal, du sens pur ou du principe logique

    de l'tre, du tout en tant qu'ide, objet de la premire partie deY Encyclopdie des sciences philosophiques, la Science de la logique ,puis de son Autre rel, lalination sensible de l'ide dans et comme lanature, la ralit que son extriorit rciproque empche de sunifier enun tout vritable, et que prend pour objet la deuxime partie deY Encyclopdie, la Philosophie de la nature . Quant au contenu de satroisime partie, la Philosophie de lesprit , il est le sens sensibiliscomme sens, lide naturalise comme Ide, le tout pleinement ralis.L'esprit en tant qu'esprit se fait advenir tel pour lui-mme dans

    l'intriorisation de la nature travers les tapes de sa prsence soisentante l'me , reprsentative ou objectivante la conscience ,et pensante l'esprit stricto sensu qui saisit l'objet comme identique lui-mme, le sujet. Quand l'esprit d'abord purement subjectifen sareconqute incomplte de l'objectivit naturelle devient objet pour lui-mme, en cela pur rapport lui-mme dans ce qui ne lui est plusvraiment autre, alors, sr de sa libert, il impose la nature purementobjective le reflet objectif de sa subjectivit, la seconde nature qu'est le

    monde du droit au sens large du terme, celui de la ralisation de lalibert dans les institutions juridiques, sociales et politiques. Mais l'espritobjectif objectiv comme esprit, est encore limit par son inscriptiongographico-historique qui le spare de lui-mme. Il n'est vraiment unavec lui-mme qu'en se posant comme le principe totalisant en lui lemonde ainsi idalis dans l'art, la religion et la philosophie, et tel est

    x 1; mme en son absoluit.

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    *** L'esprit, tel que Hegel le conoit, conjoint intimement en luil'universalit et la singularit. Il est le Soi qui est un tout et le tout qui estun Soi. Le Soi qui est un tout, c'est--dire d'abord en lui-mme unecommunaut d'esprits, l'esprit d'une communaut ou d'un peuple, que laPhnomnologie de Vesprit dsigne encore significativement par le

    terme mme d' esprit , en l'illustrant par la cit grecque si oppose l'individualisme moderne, atomisation naturalisante de l'esprit. Ou thme qui devient dominant dans le hglianisme systmatiquementdvelopp le tout qui est un Soi, l'universel qui se singularise, selon larfrence dsormais privilgie l'affirmation chrtienne du Dieus'incarnant dans un individu en lequel il sauve la communaut desindividus humains. Ces deux mouvements inverses dont la runionconstitue l'esprit, l'universalisation thico-politique des Moi et lasingularisation religieuse-thologique de l'universel, seront disjoints dans

    le clivage de la gauche et de la droite hgliennes. Hegel les a toujourssolidement maintenus en leur unit, il est vrai hirarchise, car c'est lasingularisation de l'universel qui fait s'universaliser la singularit ;l'esprit est l'unitinfiniede l'esprit infini et de l'esprit fini.

    Essence* L 'essence (Wesen) ne constitue pas encore, pour Hegel, qui veutrompre avec la mtaphysique rationaliste moderne, la vrit de l'tre.

    Bien plus, dans son articulation gnrale de la science de cet tre en sonsens gnral, la Logique, il la rapproche mme de l'tre en sonimmdiatet de simple tre, non encore mdiatis, c'est--dire runi aveclui-mme, par l'intriorisation de son extriorit soi premire ou lerappel en et soi de lui-mme devenu alors cet tre pass (gewesen :ayant t) qu'est prcisment l'essence. Car l'essenceest elle-mme, doncassume immdiatement, en Vtant, le sens intrieur, sous-jacent, substantiel, de l'tre pris en son immdiatet de simple tre. Et c'estpourquoi Hegel rassemble l'tre et l'essence dans la premire partie de laLogique, qu'il appelle bien la Logique objective , Logique de l'objetou de l'tre, qui englobe aussi bien l'immdiat (l'tre comme pur tre)que l'assomption immdiate de la mdiation (l'essence). Il distingue decette Logique objective la Logique subjective , qui tudie le sens del'tre en tant qu'il a lui-mme c'est l une mdiation avec soi de lamdiation , qu'il se saisit (greifen) de lui-mme, qu'il se comprend(begreifen) lui-mme, bref : qu'il est concept (Begriff) de lui-mme, et

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    que, auto-position de soi posant en son sens tout ce qui est, il est, plusqu'une structure intelligible ou une substance pense, un sujet intelligentou pensant. Le projet de Hegel, de raliser vritablement la rvolutioncopernicienne ses yeux non accomplie par Kant, de penser l'absolu nonpas simplement comme objet ou substance, mais comme sujet,

    enveloppait ainsi une relativisation de lessence ; dans le champ de ltreenvisag en son sens, le grand saut n'est pas de l'tre l'essence, mais del'essence (fondant l'tre) au concept (qui les cre).

    ** Alors que les dterminations de l'tre comme simple tre : la qualit,la quantit, la mesure qualifiant la quantit, ne s'appellent pas les unesles autres du dedans de chacune d'elles, en sorte que c'est le logicien seulqui mobilise leur devenir, celles de l'essence : essence et existence,substance et accident, cause et effet..., sont, chacune, en leur sens mme,

    relatives leur Autre (la cause, en sa dfinition mme, renvoie l'effet),rflchies les unes dans les autres, mdiatises les unes par les autres.Une telle rflexion les relie de plus en plus troitement et intrieuremententre elles. Si l'essence n'est qu' se faire existence ou se manifesterdans le phnomne dont elle est la loi, ce lien encore formel se fait unlien matriel ou de contenu dans l'effectivit, o l'essence et l'existencese distinguent seulement comme l'intrieur et l'extrieur d'un seul etmme contenu. L'identit de ce contenu s'affirme d'abord ngativementdans le rapport de la substance l'accident : celui-ci tombe, s'croule,

    s'anantit dans celle-l, puis positivement dans le rapport de la cause l'effet : la cause se donne comme posant l'effet ; avant que, au terme del'essence, l'ingalit entre ces deux moments de la relation se supprimedans l'action rciproque, laquelle rend homogne la ncessit constituepar l'identification essentielle des diffrences existantes. Cependant ettelle est la limite de l'essence l'identification essentielle desdiffrences ne se rflchit pas comme telle dans chacune de celles-ci. Enchacune de ses dterminations, l'essence en pose une autre, puisque leur

    sens est corrlatif, mais commeautre (la cause se dfinit par sa relation l'effet, autre qu'elle) : elle ne se pose pas, comme le posant, dans cetAutre, et, par consquent, ne se matrise pas vraiment dans la position del'tre et de son sens. Elle est, dirions-nous, production ncessaire, quasinaturelle, d'un tel tre et d'un tel sens, non leur libre cration. Seul leconcept cre et se cre dans la libert.

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    *** Certes, la mtaphysique traditionnelle, dont la Logique hglienneveut, et, ses propres yeux, peut seule, accomplir le vu (voir articleLogique), a souvent caractris l'tre vritable ou l'absolu comme sujet(divin), mais de faon prtendue, car sans jamais justifier son dire entablissant dans un savoir absolu se sachant tel lidentit entre l'auto-position quelle attribue cet absolu et sa propre position attributive. Lamtaphysique traditionnelle relve bien de la Logique de lessence,marque par la diffrence entre lactivit de lessence qui est son objet etcelle du concept mis en uvre par son sujet, le logicien spculant.Lessence est telle quelle peut identifier ses diffrences, mais elle ne lesidentifie pas en tant que diffrences ; elle nidentifie pas lidentificationquelle est avec leur diffrence, et cest le sujet logicien qui oprelidentification de lidentit et de la diffrence galement reconnues danslessence. I l subsiste, de ce fait, une diffrence entre le processus pens

    quest lessence et lactivit pensante dploye par la Logique delessence. Ltre ne peut surmonter une telle contradiction en sa cime(philosophante), et donc vritablement tre, que sil se runit avec lui-mme, qui est manifestation de lui-mme, dans sa manifestationsuprme, ce qui requiert que celle-ci s'accomplisse comme la Logique duconcept. La mdiation essentielle anime l'absolu de sa ngativit, maisl'absolu ne se pose comme tel que dans la mdiation de la mdiation, lamdiation avec soi, immdiatet ou positivit vraie du Soi ou du sujetconceptuel (voir articles ConceptetMdiation).

    thique (vie)* Hegel distingue de la morale ou moralit, entendue commel'assomption intrieure individualise de la responsabilit pratique (lemot de morale vient du latin mos, moris, et Hegel insiste sur l'affirmationde la personne par le droit romain), la vie thique (.Sittlichkeit)consistantdans les coutumes (Sitten), les murs objectives d'une communaut, queles Grecs, qui ont illustr exemplairement celle-ci, dsignent par le terme

    ethos. L'effort hglien de rconciliation du souci antique de la totalitspirituelle et de l'attention moderne aux individus aboutit l'intgrationde ceux-ci, dont le droit extrieur (d'abord la proprit prive) et lamoralit intrieure (saffirmant dans lintention) sont pleinementreconnus, dans celle-l en tant quesprit pratique communautaire animantles institutions socio-politiques, esprit qui nourrit substantiellement iv*vouloirs individuels et, en retour, se renforce de leur nergie libre. La

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    vie thique accomplie dans le cours de l'histoire universelle constitue lemoment suprme de l'esprit objectiv dans un monde. Sa ralit assureoffre un champ solide l'exercice du droit abstrait et de la moralit, dontl'insuffisance pratique justifie l'existence absolument ncessaire d'elle-mme, qui runit concrtement en elle l'objectivit sans intriorit du

    premier et l'intriorit sans objectivit de la seconde.** La thorie de la vie thique expose dansYEncyclopdie et lesPrincipes de la philosophie du droit fait ainsi suite, puisque son objet ytrouve sa justification, la thorie du droit abstrait et celle de lamoralit, les deux premiers moments de l'esprit objectif. Possdant uneobjectivit gnrale comme le droit, mais une objectivit gnrale fondedans l'intriorit d'un esprit, et une intriorit spirituelle comme lamoralit, mais une intriorit s'objectivant immdiatement dans un

    comportement gnral, la vie thique rconcilie de la sorte l'universalitet la singularit pratiques selon trois modalits de plus en plus concrtes.D'abord, en tant que viefamiliale, elle identifie syncrtiquement, sansfaire droit pleinement ni l'une ni l'autre, l'universalit, trop limite, etles singularits, trop emptres dans leur lien naturel ; l'identit du tout etde ses membres se fait au dtriment de leur diffrence. Au contraire, lavie thique de la socit civile libre en elle la fois l'universalit, dansle cosmopolitisme des changes d'abord conomiques, et les singularitsindividuelles soucieuses de leur satisfaction goste ; la vie sociale, lienextrieur et abstrait, non-lien se faisant valoir souvent, dans ses crises,comme un destin inhumain, offre alors leur occasion relle l'administration du droit et aux dcisions morales. Mais l'unit positive,et non plus ngative, de l'universalit et de la singularit rellementreconnues et promues objectivement, l'accomplissement vrai de la viethique, c'est l'tat, lequel atteint lui-mme sa vrit dans la monarchieconstitutionnelle moderne encore raliser, si l'ide en est gnralementrevendique dans l'gal rejet de l'individualisme rvolutionnaire et de

    l'absolutisme de l'Ancien rgime. Le tout, qui s'affirme objectivementdans l'organisme constitutionnel des pouvoirs sous l'autorit du pouvoirprincier, et subjectivement dans le patriotisme des citoyens, s'attached'autant plus ceux-ci qu'il favorise leurs initiatives et leurs intrtspropres en laissant se dvelopper en lui la vie sociale et en leur donnantaccs concrtement l'activit lgislative. L'tat fournit ainsi la vie

    .....ou peuvent se fixer ses moments plus abstraits et, encela, plus fragiles, que sont la famille et la socit civile.

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    *** Si la vie thique, cime de lesprit objectif, n'puise pas l'esprit, quin'est vraiment que dans son absolutisation, fondamentalement religieusepuisque lart est la forme pr-religieuse et la spculation philosophique laforme post-religieuse de la religion, elle est cependant la prsuppositionobjective ncessaire de la religion en sa ralisation vraie. Au sein de

    l'esprit d'un peuple, principe de toutes les manifestations de la vie d'unecollectivit, il y a un lien intime entre la croyance religieuse et la viethique acheve politiquement ; l'histoire vrifie bien, par exemple, quela Rvolution politique ne peut russir sans la Rforme religieuse. Laconscience religieuse, conscience de l'absolu, est elle-mme laconscience absolue et, par consquent, le fondement ultime, le socleoriginaire de la vie thique : L'tat repose [...] sur la dispositiond'esprit thique, et celle-ci sur la disposition d'esprit religieuse (E, PhE, 552, p. 334). La vie thique ne peut donc contredire la religion ou

    lui tre indiffrente, si, en son contenu propre, elle ne peut tredtermine, assurment, par cette religion. Mais la vie thique elle-mme, surtout travers l'tat, universel le plus rel qui soit, confirmepar son objectivit l'engagement religieux qui procde du mme esprit : C'est seulement grce elle et partir d'elle que l'ide de Dieu est suecomme esprit libre ; en dehors de l'esprit thique, il est donc vain dechercher une vritable religion et religiosit (ibid., p. 333-334). Unetelle interaction entre la vie thique et la vie religieuse est, certes, porte

    par l'absoluit de cette dernire, qui, pourtant, ne peut elle-mme seposer en sa vrit qu'en se prsupposant dans l'objectivit de lapremire : La vie thique de l'tat et la spiritualit religieuse de l'tatsont ainsi pour elles-mmes les solides garanties rciproques (ibid.,p. 341).

    tre* Premier prdicat, le plus simple, le moins diffrenci, donc

    indtermin, comme tel attribuable tout (mme le non-tre peut tredit, en un sens, tre !), ltre ne peut cependant tre attribu pleinement,absolument, un sujet que si celui-ci est, non pas une dtermination (cartoute dtermination est ngation), mais la totalisation des dterminations. Or, selon Hegel, cette totalisation des dterminations semontre, se dmontre, n'tre elle-mme que si elle se comprend ouconoit comme le sujet d'elle-mme, la ralisation concrte d'un teiconcepttantY esprit. La philosophie spculative de Hegel, et d'abord en

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    tant qu'elle tablit en son sens pur le sujet de l'tre, ou qu'elle se fondedans la Science de la logique, est donc la dtermination progressiverigoureuse de ce dont on peut dire Y tre absolument et qui fait ainsisavrerY ontologie. Accomplissement rationnel dvelopp de l'argumentontologique mobilis par lentendement mtaphysique traditionnel,

    Y Encyclopdiehglienne s'emploie prouver dialectiquement que l'tre,la dtermination la plus pauvre, ne peut pleinement se dire que de ladtermination la plus riche de l'absolu, qui est, envisage par la Sciencede la logique en son sens pur, celle du concept achev enYIde, et,envisage par la philosophie de l'esprit en son sens ralis, celle de ceque la religion appelle Dieu et la spculation qui la rationaliseY espritabsolu.

    ** L'tablissement dialectique du sens (logique) de ce qui est s'opre en

    trois tapes, o cet tre est saisi selon un sens de plus en plus totalisant :d'abord comme tre qui n'est qu'tre, puis comme essence, enfin commeconcept. En son emploi ambigu, le terme tre, qui dsigne d'abord l'treen son sens gnral, exprimant l'identit soi, l'immdiatet, le dsigneaussi en son sens particulier, savoir l'tre en tant qu'tre, cet en tantque le particularisant prcisment relativement l'tre en tant qu'autreque pur tre (il est tout). La Logique de l'tre montre que l'tre en tantqu'tre, qui n'est que lui-mme, est, par son indtermination, bien pluttidentique son Autre, le non-tre, lequel, inversement, pris pour lui seul,

    est, de sorte que ce qui est, c'est la ngation de ce qui fait s'croulerl'tre, de son indtermination ou abstraction, donc sa relation sonAutre, le non-tre : une telle relation est le devenir (ce qui, la fois, estet n'est pas). Cependant, le devenir et toutes les dterminationsultrieures de l'tre : qualit, quantit, mesure, restent, mme en tantdtermines, identiques elles-mmes en tant qu'elles n'indiquent pas enleur contenu leur rapport d'autres (le sens qualit n'indique pas enlui le sens quantit ). De sorte que la dialectique qui fait passer de

    l'une l'autre procde du sujet de la Logique (qui pense dj leur tout etles y insre), bien loin d'tre impose chaque fois par l'objet de celle-ci.Le devenir des dterminations de l'tre leur est ainsi extrieur, tel undestin qu