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Nos enfants sont-ils devenus fous ?
Photo ThinkstockAutisme, troubles du comportement, bipolarité… Un enfant sur sept souffrirait d'un trouble du comportement en France.
Autisme, troubles du comportement, bipolarité… Les diagnostics se multiplient comme si
soudain, des milliers d’enfants étaient devenus toqués. Lorsque la maladie est nommée, les
parents sont à la fois soulagés, mais aussi stigmatisés. Enquête.
En France, 100 000 jeunes de moins de 20 ans seraient atteints d’un trouble envahissant du
développement (TED) ; l’autisme infantile concernerait environ 30 000 d’entre eux ; et 15% des
enfants seraient diagnostiqués avec un trouble du comportement, selon l’Institut national de la
santé et de la recherche médicale (Inserm). Un chiffre qui ne cesse d’augmenter comme si,
brutalement, il n’y avait plus de place pour la moindre excentricité. Pour les parents, un
diagnostic précis est souvent synonyme de soulagement. Mais il peut aussi s’avérer stigmatisant.
Louis a 7 ans. Il sait lire depuis l’âge de 5 ans et s’intéresse particulièrement au dictionnaire,
qu’il scrute pendant des heures, au point d’en oublier le monde qui l’entoure. Également
passionné par l’aéronautique, il passe des après-midis entiers à dessiner des modèles d’avions et
n’est absolument pas intéressé par ses petites sœurs qui réclament pourtant son attention. Louis
est-il autiste ? Souffre-t-il de bipolarité ? Présente-t-il un autre trouble du comportement ?
Des diagnostics difficiles à établir
En un quart de siècle, l’Association américaine de psychiatrie a distingué de nouveaux critères
pour diagnostiquer certaines maladies, provoquant une augmentation de 50 % de la détection de
cas de troubles mentaux et une multiplication par 40 de celle de la bipolarité. Un bon exemple de
cette catégorisation des symptômes concerne celui d’Asperger. Décelé en 1994, il s’applique aux
personnes qui développent des intérêts qui dépassent l’entendement commun. Passionnés par les
dinosaures, l’astronomie ou l’informatique, ils s’imposent également une routine stricte et ont le
changement en horreur. La surmédiatisation de ce syndrome, devenu « populaire » notamment
avec la sortie du film Rain Man de Barry Levinson en 1988, a peut-être engendré de faux
diagnostics. À quel point faut-il être différent pour être Asperger ? Au vu des symptômes
associés, le jeune Louis, évoqué précédemment, en souffrirait peut-être.
Aujourd’hui, à mesure que les tests cliniques s’affinent, ce qui pouvait relever autrefois de la
bizarrerie ou d’une forme d’excentricité entre désormais dans la « case maladie ». L’autisme,
que l’on sait diagnostiquer depuis le milieu du XXe siècle, se caractérise par des altérations dans
la capacité à établir des interactions sociales et à communiquer, ainsi que par des troubles du
comportement correspondant souvent à un répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé
et répétitif. Mais tandis que le débat sur les origines et les causes de l’autisme ne faiblit pas,
d’autres maladies des troubles du comportement sont pointées du doigt, telles que le trouble de
déficit de l’attention et hyperactivité (TDAH) qui se définit, lui, par un déficit d’attention et une
hyperactivité associés à une forme d’impulsivité.
Quant à la bipolarité, elle combine des phases de dépression à des périodes hypomaniaques ou
maniaques (colères brutales, mythomanie, anxiété). Les premiers signes évocateurs de ces
comportements pourraient apparaître dès l’âge d’un an et demi, mais le corps médical est encore
parfois indécis face à certains symptômes ou comportements. « Il faut être extrêmement vigilant,
ne pas poser un diagnostic ferme trop tôt. Car un enfant, par définition, est en pleine évolution »,
reconnaît Catherine Audibert, psychologue clinicienne et psychanalyste
Le paradoxe du diagnostic précis
Les médecins eux-mêmes se perdent parfois au milieu de toutes ces pathologies. Olivia Cattan,
mère de Ruben, petit garçon atteint d’autisme, et auteure D’un monde à l’autre. Autisme, le
combat d’une mère, en a fait les frais. Ruben a été diagnostiqué à l’âge de 4 ans après deux
années d’un long cheminement. « Les spécialistes ont d’abord pensé à un TED puis à la
dysphasie avant de parler d’autisme », confie-t-elle. Avant d’ajouter : « Il y a de
l’incompréhension, une errance totale avant de parvenir à un diagnostic ferme ». Au bout du
tunnel, le soulagement d’avoir enfin des réponses mais parfois aussi, le risque d’une
catégorisation trop ferme.
Ruben a été diagnostiqué autiste après deux années d'un long cheminement.Photo Max Milo
Autisme, trouble de déficit de l’attention, bipolarité… Les diagnostics explosent chez les enfants,
tout en devenant dans le même temps, de plus en plus précis. Autrefois, la réponse récurrente
était celle de la déficience intellectuelle. La précision du diagnostic aujourd’hui permet qu’aucun
ne soit oublié par le système de santé ou reste démuni face à une situation cauchemardesque. Elle
permet également de guider les parents vers des solutions adaptées et des méthodes éducatives
pour soulager le mal-être chronique de l’enfant. Mais ce souci du détail génère son lot d’effets
pervers. « Il y a toujours une marge d’erreur. Et le diagnostic est tout à fait relatif et évolue tout
le temps. Par exemple, en Israël, Ruben ne serait pas considéré comme un enfant autiste mais
comme souffrant d’un trouble du comportement », souligne Olivia Cattan. Et cette distinction
peut faire la différence sur le plan médical mais aussi d’un point de vue social.
Médicalisation des profils atypiques
En France, 15 % des enfants seraient diagnostiqués avec des troubles du comportement. On
estime que 5 % sont concernés par le TDAH avec des variations qui englobent les enfants
souffrant « uniquement » d’hyperactivité. Il est étonnant de voir que la moindre originalité
sociale est aujourd’hui considérée comme une maladie. On observe une forme manifeste
d’intolérance à la différence, à la turbulence et même parfois à l’intelligence. « Nous sommes
dans une société de l’hyper-diagnostic. Les enfants doivent être « normatés » pour peu qu’ils
soient un peu dissipés. Les parents ont peur que leur enfant soit anormal mais paradoxalement ce
sont souvent eux qui le catalogue comme différent », souligne la psychologue Catherine
Audibert. Agathe est une petite fille qui a un fort quotient intellectuel. À sept ans, elle est
scolarisée dans une classe « normale » mais adopte un comportement différent de ses petits
camarades, se replie sur elle-même, lit dans son coin et refuse de se mélanger. « Face à la
différence de notre fille, son institutrice avait pensé à différents troubles du comportement mais
après plusieurs rendez-vous médicaux, il s’est avéré qu’elle était surdouée. Et il n’y a pas de
traitement pour ça », ironise aujourd’hui Pascal, le père de l’enfant.
La moitié d'une classe sous Ritaline
Au-delà de la catégorisation, le problème qui se pose est celui de la médicamentation de ces
troubles. S’il n’existe pas de traitement de l’autisme, une prise en charge précoce et adaptée peut
permettre d’améliorer les capacités de l’enfant à interagir avec le monde qui l’entoure. En
revanche, on observe une tendance à la médicalisation des enfants trop énergiques, à qui l’on va
prescrire des calmants et autres anxiolytiques. « Certains parents désemparés finissent par
accepter de gaver leurs enfants de ces cochonneries. Mais cela n’arrange pas le problème et les
effets sont d’autant plus néfastes lorsque l’on ne sait pas réellement de quoi souffre l’enfant »,
constate amèrement Olivia Cattan. « Une institutrice de CM1 m’a confié que la moitié de ses
élèves étaient sous Ritaline. C’est effarant de voir que la moindre agitation peut engendrer un
traitement lourd à base de calmants ou d’antidépresseurs », déplore Catherine Audibert.
« Je vois des parents complétement démunis, qui ne savent plus comment gérer le comportement
de leur enfant », remarque Marion, stagiaire en psychologie au sein d’un hôpital de jour. « Le
fait de nommer la maladie provoque souvent une réaction paradoxale. Il y a une forme de
soulagement après des mois voire des années d’interrogations. Mais souvent, c’est leur monde
qui s’effondre », ajoute la jeune femme. En France, lorsqu’un enfant est déclaré autiste ou
hyperactif, il devient, dans le même temps, handicapé. Et ce terme change nécessairement la
perception que l’entourage a de lui. « J’ai des amis qui m’ont tourné le dos du jour au lendemain.
Parce que je devenais la maman d’un enfant handicapé », assène Olivia Cattan. Et d’ajouter : «
On ne sortait plus parce que l’on ne trouvait plus de baby-sitter. »
Un enfant autiste est handicapé
« Le diagnostic d’un trouble du comportement, quel qu’il soit, est en permanente évolution. Le
rôle des parents est extrêmement important dans le processus d’intégration sociale de l’enfant qui
en souffre. Si on lui donne des cachets pour le calmer depuis la petite enfance et qu’on ne l’aide
pas à s’ouvrir sur le monde, on peut le condamner à un rejet encore plus violent », confirme
Marion. « Il ne faut pas coller une étiquette trop vite sur un enfant qui est encore en pleine
croissance et peut évoluer. Le stigmatiser c’est aussi le condamner », alerte Catherine Audibert.
Aujourd’hui, Ruben âgé de 8 ans, souffre d’un autisme « de haut niveau » alors qu’il avait été
diagnostiqué « autiste sévère ». Scolarisé, il mène une vie à peu près normale. Quant au petit
Louis, il s’est avéré être un garçon particulièrement curieux et intelligent qui poursuit un grand
rêve : devenir ingénieur en aéronautique.
Agitation à la crèche, bagarres en maternelle, mensonges fréquents… Un enfant impulsif
est-il un futur délinquant ? Dans le débat actuel sur la détection des troubles précoces, la
psychanalyste Sylviane Giampino et la neurobiologiste Catherine Vidal s’opposent à la
stigmatisation des comportements et réfutent tout déterminisme génétique. Rassurant.
Madame Figaro. – En lisant votre livre, on a l’impression que les enfants vivent l’une des
pires périodes de leur histoire : ils seraient traqués, évalués, jugés ?
Sylviane Giampino. – Nous vivons un moment très particulier, où se mettent en place des tests
et des questionnaires très intrusifs, venus des États-Unis et du Canada pour la plupart, pour
essayer de dépister les éventuels troubles du comportement chez les petits enfants. Au nom de la
santé publique, on cherche dès le plus jeune âge à distinguer ceux qui seraient susceptibles de
devenir asociaux, voire délinquants ! Les attentes des adultes à l’égard des enfants se rigidifient.
Que sont devenues leurs bêtises ? Trop tôt, mensonges et chapardages sont traités comme des
délits…
Pourquoi cette évolution ?
Sylviane Giampino. – Le désir de maîtrise et la crainte pour l’avenir laissent circuler l’idée
totalement saugrenue qu’en dépistant tôt les enfants, on pourrait les empêcher plus tard de mal
agir… Mais les enfants ne sont pas des adultes miniatures ! L’enfance est la période des
tâtonnements, des créativités, des expérimentations…
Catherine Vidal. – ...Ce qu’illustrent parfaitement les récentes découvertes sur le cerveau.
L’IRM, l’imagerie par résonance magnétique, a en effet montré l’extraordinaire plasticité du
cerveau. À la naissance, seules 10 % des connexions entre les neurones existent. Le reste va se
former ultérieurement, en fonction de l’environnement et des apprentissages. Le cerveau évolue
tout au long de la vie ! À l’œil nu, le dessin des circonvolutions du cortex cérébral est très
différent d’un individu à un autre, un peu comme une empreinte digitale. Même de vrais
jumeaux n’ont pas un cerveau identique, puisqu’ils n’ont pas vécu les mêmes événements…
Le mensonge est nécessaire
Vous avez montré combien le cerveau des musiciens, notamment, témoigne de cette
formidable plasticité...
Catherine Vidal. – Cela a été examiné chez les pianistes : leur cortex cérébral est plus épais et
plus riche en connexions dans les zones qui contrôlent les doigts et la vision. Ces modifications
sont d’autant plus grandes que l’apprentissage a commencé tôt. Mais cette plasticité du cerveau
existe aussi chez l’adulte. Le fait d’apprendre à jongler avec trois balles, par exemple, entraîne
l’épaississement des régions qui contrôlent la coordination des bras. Que l’on cesse de jouer ?
Les zones épaissies rétrécissent. Notre circuiterie neuronale est donc en perpétuel devenir. Voilà
pourquoi avancer que tout se joue avant 6 ans est une contrevérité scientifique.
Les psys nous ont cependant appris que plus on traitait tôt les troubles, plus on était
efficace… Est-ce qu’évaluer les jeunes enfants ne peut aussi participer d’une démarche
préventive ?
Sylviane Giampino. – Certes, mais tout dépend de ce que l’on appelle « trouble ». Considérer
l’impulsivité d’un enfant de 4 ans comme facteur de risque pour l’avenir est à mon sens aberrant.
C’est nier les étapes du développement normal d’un enfant. Prenez le mensonge, qui serait, selon
les critères d’évaluation de certains tests, un indicateur de trouble de la personnalité. C’est
absurde, car c’est à cet âge que se mettent en place les catégories du réel et de l’imaginaire. C’est
une phase de construction nécessaire de l’intimité de l’enfant, une manière de protéger sa vie
intérieure, d’être moins « transparent » à l’égard de ses parents. Et de devenir moins
influençable.
De la même manière, les « petits voleurs » de bicyclettes ne sont pas des délinquants en
culottes courtes ?
Sylviane Giampino. – Certes, non ! L’enfant de 3 ou 4 ans qui chaparde le doudou de son
copain ne veut qu’une chose : entrer en relation avec l’autre ! Se bagarrer n’est pas toujours
agresser, mais se mesurer. Aurait-on oublié tout simplement que jusqu’à 5 ou 6 ans un enfant est
en priorité « psychomoteur » ? C’est à travers ses sensations, son exercice musculaire, à travers
le mouvement et le contact qu’il apprend à penser. Le goût d’apprendre débute par
l’appropriation physique des choses. L’enfant n’est pas voleur ou hyperactif pour autant !
Catherine Vidal. – Nous assistons à une évolution du lexique. Il y a encore peu de temps, on
qualifiait les enfants de « coquin », « chameau », « petit diable ». Aujourd’hui, dans le langage,
on substitue à ces mots bienveillants des termes issus du registre médical ou policier : opposant,
hyperactif, introverti… C’est stigmatisant.
De plus en plus d’enfants hyperactifs
Sylviane Giampino. – Ce vocabulaire se répand dans les crèches et dans les écoles depuis moins
de dix ans, car les professionnels sont maintenant formés aux évaluations comportementales. Si
ça n’était qu’une mode, nous n’aurions pas pris la peine d’écrire ce livre. Mais ces méthodes ont
des effets délétères, car plus vous traitez un enfant d’« opposant », d’« hyperactif », plus il risque
de le devenir. L’enfant se moule dans les mots qui le désignent. C’est ainsi que la prévention de
notre « meilleur des mondes » peut basculer très vite dans la prédiction. Et que l’on risque de
pousser les enfants à la violence à force d’en voir partout. À l’école, à force de traquer l’échec
scolaire de plus en plus tôt, on en fabrique à haute échelle !
Pourtant, les institutrices l’affirment : il y a de plus en plus d’enfants hyperactifs,
ingérables, intolérants à la frustration…
Sylviane Giampino. – Oui, c’est vrai, mais la société s’interroge t-elle sur les conditions de cette
violence ? Et sur sa propre baisse de tolérance ? Nous faisons vivre aux enfants une vie de
zapping et de stimulations excessives. Nous ne savons plus nous asseoir à côté d’eux, être
disponibles, bienveillants. Nous leur offrons des jouets ludo-éducatifs au berceau, nous leur
demandons, quand ils sont à la crèche, de se préparer pour la maternelle ; à la maternelle,
d’apprendre à lire pour l’école élémentaire… Nous les projetons en permanence dans le futur.
Pourquoi ne seraient-ils pas agités, alors que notre monde l’est ? On leur reproche de manquer de
concentration, alors que nous les empêchons de se concentrer sur leur présent, sur leur enfance.
C’est paradoxal !
Catherine Vidal. – Puis, pour les remettre dans le droit chemin, on leur donne une « pilule de
l’obéissance » qui est de la famille des amphétamines, proche de la cocaïne… Aux États-Unis,
huit millions d’enfants soi-disant hyperactifs sont traités à la Ritaline. C’est énorme. Chez nous,
les prescriptions sont en hausse !
Pourquoi ne prenons-nous pas la peine de traiter en profondeur leurs souffrances ? Ou de
les écouter ?
Catherine Vidal. – La tendance est de chercher une solution rapide, pas chère, efficace !
Sylviane Giampino. – Notre société a un rapport pathologique au temps. Nous ne savons plus
du tout être présents auprès de nos enfants sans rien faire. On leur inculque à 7 ans la crainte du
chômage, la menace de devenir S. D. F… Subtilement, on remplace l’éducation (qui nécessite du
temps) par le conditionnement, le « dressage », voire les médicaments, qui soumettent l’enfant
au lieu de lui apprendre la vie. Les enfants ont besoin de temps pour se construire, pour créer,
pour rêver. Et leurs parents aussi. Il faut une bonne dose d’inconscience, d’utopie et de rêverie
pour grandir ! L’aurait-on oublié ? Pour les « élever », au sens propre, il ne faut pas leur couper
les ailes…
Repères
Sylviane Giampino est psychanalyste et psychologue pour la petite enfance. Elle est l’auteure
du livre Les mères qui travaillent sont elles coupables ? (éd. Albin Michel). Elle est une des
porte-parole du collectif « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans ! », en réaction au
rapport de l’Inserm sur la violence des tout jeunes enfants.
Catherine Vidal, neurobiologiste, directrice de recherche à l’Institut Pasteur, est l’auteur
deHommes, femmes, avons-nous le même cerveau ?(éd. Le Pommier).
3 dates
Octobre 2005 : la publication d’un rapport de l’Inserm sur le « trouble des conduites chez
l’enfant et l’adolescent » met le feu aux poudres. Il préconise d’améliorer le dépistage et la
prévention du trouble des conduites (crises de colère, désobéissances répétées…) dès le plus
jeune âge, afin de mieux prévenir la délinquance.
Janvier 2006 : constitution du collectif « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans ! » ;
200 000 signataires, dont une majorité de professionnels de l’enfance et de médecins, s’élèvent
contre la médicalisation du mal-être social.
Février 2007 : le Comité consultatif national d’éthique dénonce les problèmes éthiques posés
par le rapport de l’Inserm. Ces données, à visée préventive et médicale, pourraient être utilisées
également à des fins prédictives et judiciaires.
Une proposition de loi PS-écologiste sur « l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant » vient
d’être déposée à l’Assemblée nationale.
Les couples séparés avec enfants devront-ils à l’avenir demander l’autorisation de leur ex-
conjoint en cas de déménagement ou de changement d’école ? C’est en tout cas l’un des volets
phare de la proposition loi PS-écologistes concernant « l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant
», déposée à l’assemblée nationale. Comme promis après l’annonce du report sine die du projet
de loi famille, début février, les questions familiales reviennent à l’agenda par le biais de textes
spécifiques.
Faisant valoir que « le droit de la famille doit s’adapter aux nouvelles configurations familiales
», cette proposition -que les parlementaires socialistes espèrent voir examiner début mai- entend
« apporter des réponses pragmatiques et les outils juridiques pour garantir l’intérêt de l’enfant
dans les situations du quotidien comme en cas d’accident de la vie », selon l’exposé des motifs.
L'accord exprès de l’autre parent
Ainsi, « tout acte de l’autorité parentale, qu’il ait un caractère usuel ou important, requiert
l’accord des parents lorsqu’ils exercent en commun l’autorité parentale », est-il précisé. « Ce
n’est pas novateur, c’est pédagogique », commente Charlotte Robbe, avocate au sein de BWG
Associés et membre d’un groupe de travail de douze avocats parisiens qui a inspiré les
parlementaires. « Manifestement, la loi n’est pas suffisamment claire. Certains parents
outrepassent leur droits ».
Parallèlement aux « actes usuels (comme les soins de santé courants), la proposition de loi
qualifie ainsi d’« actes importants » « le changement de résidence ou d’établissement scolaire ».
Ils requièrent donc « un accord exprès de l’autre parent en cas d’exercice conjoint de l’autorité
parentale ». « Accord exprès » qui peut par exemple prendre la forme d’un mail. Une exception
cependant, en cas de violences : « l’accord de l’autre parent n’est pas requis lorsque celui-ci a été
condamné soit comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit sur la personne du
parent », explique la proposition.
« L’objectif de cette proposition est de mettre fin à la politique du fait accompli. Un
déménagement à des kilomètres sans en informer préalablement l’autre est inacceptable. Ces
situations aboutissent bien souvent à une saisine du juge des affaires familiale », observe
Charlotte Robbe.
"Parler de la résidence de l’enfant"
Mais cette nouvelle disposition ne risque-t-elle pas d’entraver la liberté de mouvement de l’un
des conjoint ? « L’idée n’est pas d’empêcher les déménagements, les mutations, les
expatriations, mais d’anticiper en amont, à deux, ou d’avoir recours à une médiation. En cas de
conflit, il reviendra au juge de trancher », poursuit-elle.
Autre question : cette disposition ne pourra-t-elle servir d’arme dans une situation conflictuelle ?
« Certains dossiers resteront compliqués, malgré l’énergie que nous déployons et l’intelligence
des personnes concernées », commente simplement Charlotte Robbe. Plus globalement, la
proposition de loi s’inscrit dans un schéma d’« exercice conjoint de l’autorité parentale ».
Il faut parler de "résidence de l'enfant".
Ainsi l’idée de « résidence alternée », que les sénateurs souhaitaient, mais qui était rejetée par le
gouvernement Ayrault, est abordée sous un autre angle. Les députés veulent mettre « fin au
choix binaire (…) entre la résidence alternée ou la résidence au domicile d’un seul des parents,
(…) une source de conflits ». Le principe sera de fixer la résidence au domicile de chacun des
deux parents pour « traduire leur égalité ». « Il faut sortir de cette dichotomie stigmatisante et
parler de « résidence de l’enfant », martèle Charlotte Robbe. Il s’agit donc d’un changement de
terminologie.
Mais ce symbole appelle à un changement des mentalités majeur. « La demande de la résidence
alternée s’apparente bien souvent à une revendication basée sur des considérations personnelles.
Beaucoup de pères la demandent par principe, pour se positionner par rapport aux enfants »,
raconte l’avocate. « On a trop tendance à associer le temps de résidence à un temps d’exercice
exclusif de l’autorité, poursuit-elle. Les droits et obligations des parents ne doivent pas être
ponctuels, mais permanents, et ce jusqu’à la majorité de l’enfant ».
Les députés prévoient une amende de 10 000 euros maximum pour le parent empêchant
gravement l’exercice conjoint de l’autorité parentale. En revanche, la proposition ne prévoit rien
sur les obligations d’un parent défaillant, si ce n’est les traditionnelles compensations
financières. Partir à l’autre bout du monde, loin de ses enfants, ne nécessite pas une autorisation
préalable.
Si les jeunes filles peuvent aujourd’hui passer le baccalauréat, suivre des études
supérieures, devenir avocates, médecins ou encore parlementaires, il fut un temps ou ce
n’était pas le cas…
Certaines sont devenues célèbres, telles George Sand, Colette ou encore Simone Veil, mais
d’autres femmes d’exception sont restées dans l’ombre. Pourtant, elles ont fait avancer la
condition féminine en France. Dans Ces femmes qui ont réveillé la France (Éd. Points.), Jean-
Louis Debré et Valérie Bochenek nous livrent vingt-six portraits de pionnières. Focus sur cinq
d’entre elles, qui furent les premières dans leur domaine.
Élisa Lemonnier (1805-1865), créatrice de la première école pour toutes
Elle a fondé, en 1862, la première école professionnelle pour jeunes filles. Épouse d’un
professeur de philosophie engagé, Elisa Lemonnier entend sortir les femmes et filles d’ouvriers
de l’illettrisme et surtout de la dépendance. Elle crée le 1er octobre 1862, la première école
accessible à toutes pour endiguer l’ignorance et la soumission.
Soutenue politiquement et surtout financièrement, l’objectif qu’elle affiche est clair : « la
fondation et l’entretien à Paris d’une école professionnelle pour les jeunes filles, et la création
d’un cours destiné à préparer aux divers emplois du commerce pour celles qui veulent suivre une
carrière et pour lesquelles aucune institution spéciale n’a encore été fondée à ce jour. » Dès sa
création, l’école connaît un rapide succès. En dix mois, plus de 80 jeunes filles sont inscrites.
Elles sont 150 au bout d’un an. On dénombrera huit écoles Lemonnier à Paris. Elisa décède le 5
juin 1865. Son combat précède de vingt ans l’action du député Camille Sée et la loi promulguée
le 21 décembre 1880 qui instaurera les lycées obligatoires pour jeunes filles.
Julie-Victoire Daubié (1824-1874), première bachelière
Le 17 aoû 1861, Julie-Victoire Daubié obtient, à 37 ans, son baccalauréat. C’est la première
bachelière en France. À cette époque, la femme est considérée dans l'Hexagone non pas comme
inférieure à l’homme, mais comme façonnée différemment par la nature. Elle a pour mission de
s’occuper de la famille et de veiller à son épanouissement. Une aberration pour Julie-Victoire qui
entreprend très vite de bousculer les traditions.
Née le 26 mars 1824, cette jeune fille issue d’une famille modeste a perdu son père peu après sa
naissance. Elevée par son grand frère, prêtre, elle aura la chance de recevoir une éducation
éclairée. Elle étudie à l’époque, l’histoire, la géographie, le latin et le grec.
"Un examen réservé aux hommes"
Douée et pourvue d’une grande soif de connaissances, elle entre finalement à l’école primaire et
reçoit en 1844 le brevet de capacité pour exercer l’instruction primaire. Seul diplôme
d’enseignant auquel les femmes ont le droit de prétendre à l’époque. Ne comptant pas en rester
là, Julie-Victoire rêve d’une société égalitaire. Elle décide dès lors de rédiger un manuscrit
qu’elle publiera des années plus tard sous le titre de La Femme pauvre au XIXe siècle. Après
avoir répondu à de nombreux concours organisés par l’Éducation nationale, dont pour certains
elle figura parmi les finalistes, Julie-Victoire passe à l’étape supérieure : le baccalauréat. Un
examen réservé aux hommes dont le titre n’est d’ailleurs pas conjugué au féminin. En 1860, elle
tente de s’inscrire à l'épreuve auprès du rectorat des académies de Paris et d’Aix. Elle se voit
refuser partout. En 1861, grâce à de nombreuses connaissances, elle obtient le droit par le recteur
de Lyon, de passer l’épreuve de Lettres, en candidature libre. Triomphante le 17 août, elle
devient la première « bachelière » de France.
Cette réussite constitue une étape essentielle dans le combat des femmes pour se voir reconnaître
des droits identiques à ceux des hommes.
Jeanne Chauvin (1862-1926), première avocat
Le combat de cette femme, première avocat, pour contraindre le monde patriarcal des magistrats
et parlementaires à autoriser les femmes à s’inscrire au barreau, fut exemplaire. Née en 1862
dans le Loiret, d’un père notaire, Jeanne est une jeune fille brillante. Obtenant le baccalauréat de
sciences et celui de lettres en même temps, elle deviendra l’une des premières « docteur en doit »
après avoir obtenu une licence de droit et une autre de philosophie. Son but est simple : plaider
pour la bonne cause et donc devenir avocat. Malgré ses diplômes, Jeanne se voit refuser l’accès
au barreau en 1897. Le motif invoqué est tout simplement que la loi n’autorise pas les femmes à
plaider. Une plaisanterie ? Non une réalité. En 1892, elle écrira dans L’Illustration du 16 juillet
un pamphlet annonçant la fin de la supériorité. Elle sera chargée dès lors de dispenser de
nombreux cours dans plusieurs lycées pour jeunes filles. Mais sa vocation reste de plaider et de
côté-là, rien n’y fait, le corps de métier s’y oppose. Jeanne Chauvin se battra alors durant trois
ans. À coups de publications et de revendications juridiques en tout genre. C’est finalement en
1900, le 19 décembre, qu’elle prêtera serment et deviendra ainsi lapremière femme avocat en
France après le vote d’une loi le premier du même mois.
La sophistication rimerait avec solitude et obsolescence. Désormais, la mode et le monde
célèbrent les individus normaux et leur look simple, comme une nouvelle forme
d'authenticité.
Le hipster n’est plus, c’est Internet qui l’a proclamé. Mais quand la mode enterre l'un, elle
célèbre l'autre. Cette fois, le normal, le banal, ce look global qui s'est répandu sur la planète
connaît son heure de gloire. Il s'agit du normcore. Contraction denormal et hardcore, cette
nouvelle lubie célèbre l’habit ordinaire et cultive le gout des choses simples. Là où le hipster
prêtait une attention particulière voire obsessive à son apparence, lenormcore revient au basique.
Jean, tee-shirt noir et baskets ont remplacé le pantalon velours moutarde et la chemise bariolée.
Un style ultrabanal érigé au rang de tendance mode, dont les lignes épurées des années 1990
et Steve Jobs (et son célèbre col roulé noir) sont les modèles.
Si le mot hipster trouvait son origine linguistique dans les années 1940 pour désigner les
aficionados de jazz, le normcore a lui conquis sa gloire sur le Web. « Même si cette tendance
était déjà présente, il fallait la nommer pour qu’elle existe », explique le sociologue Ronan
Chastellier. « Ce besoin du néologisme est nécessaire pour avoir prise sur l’anonymat, dès qu’on
met un nom sur quelque chose, il est créé », précise l’auteur de l’ouvrage Tous en Slip ! Essai sur
la frugalité contemporaine et le retour aux valeurs simples.
Selon la journaliste Fiona Duncan qui a révélé ce style au grand public dans un article du New
York Magazine en février dernier, les looks se sont tellement uniformisés que l'on ne peut
distinguer un touriste d’un jeune New-Yorkais branché, tous étant « vêtus de jeans délavés,
d’une polaire et de chaussures de sport confortables, et ayant l’air de descendre du métro après
avoir fait du shopping sur Times Square. » De cette silhouette globalisée, serait née une mode.
Une définition retouchée
C’est le cabinet de tendance new-yorkais, K-Hole, qui a le premier forgé le concept de cette
uniformité. Comme l’admet Fiona Duncan, il s’agissait « non pas de décrire un look particulier,
mais une attitude générale, celle d’embrasser une similitude délibérée pour avoir l’air cool, au
lieu de rechercher l’authenticité et la différence. » Dans un article publié ultérieurement dans
le Huffington Post, le cabinet a tenu à repréciser que le normcore est le désir d'être vierge, de
recommencer à zéro. « Les gens avaient l'habitude d'être nés dans des communautés et devaient
ensuite trouver leur propre individualité. Aujourd’hui, c’est le contraire, les gens sont nés dans
un monde individualisé et doivent trouver leurs communautés », explique Sean Monahan de K-
Hole. Une réflexion plus profonde qui dépasse le port de parkas kakis, sweats gris et casquettes
de base-ball.
Mais ce normcore intello... a déjà évolué. Car la machine s'est emballée. Sur les réseaux sociaux,
les médias et les marques, le normcore est désormais l’objet de toutes les attentions, comme la
noté le site français Slate . De Gap à Uniqlo en passant par la marque de baskets New Balance, le
non style devient un argument publicitaire de poids. Sur son compte Twiiter, la marque
américaine Gap revendiquait même être dans la tendance depuis 1969.
"La crise a fait office d’éveil"
Certains suggèrent encore qu’à travers le dernier « défilé supermarché » de Chanel, le
phénomène a diffusé dans les sphères les plus hautes de la mode. « Cette tendance est logique,
estime le Guardian. Autrefois confidentiel et exclusif, le monde de la mode s’ouvre aux réseaux
sociaux. Au sein même de l’industrie, certains se rebellent contre le look trop fashion et adoptent
un uniforme vierge sans plusieurs niveaux de compréhension. »
Mais si les tendances passent et s’effacent, ce retour au normal serait en réalité l’expression
symptomatique d’une époque, où la transparence et la non dissimulation se voient sanctifiées.
« La crise n’explique par tout, mais elle a certainement fait office d’éveil », estime Ronan
Chastellier. « On observe un mouvement de retour aux sources, aux joies simples, car les êtres se
sont rendus compte que la simplicité pouvait combler », explique-t-il. Le hispter symbolisait le
trop plein d’accessoires et d’objets. Avec lenormcore, le temps est à une véritable méditation sur
la lourdeur. « On cherche à se débarrasser de l’inutile et de l’artifice, comme si cette quête de la
liberté passe par un allègement de la vie et l’annulation d’un poids. »
La première étude sexuée réalisée par le Centre national du cinéma (CNC) montre
l’ampleur du chemin qui reste à parcourir pour parvenir à la parité. Parmi les techniciens
comme aux postes de direction et de production, les inégalités entre femmes et hommes
sont tenaces. État des lieux.
La parité dans le milieu du cinéma, on en est loin. En France, la part de réalisatrices ne
représente que 23% de l’ensemble de la profession. Un chiffre obtenu par la première étude
sexuée, réalisée par le CNC à la demande de la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. Pour
Jackie Buet, fondatrice et directrice depuis trente-six ans du Festival international de films de
femmes de Créteil, ces statistiques sur la parité sont capitales. « Cela nous permet enfin d’avoir
de vrais chiffres », se réjouit-elle. Aux yeux de cette militante féministe, c'est le signe d'une
volonté politique de faire évoluer la représentation des femmes aux postes de création et de
direction.
Car, cette étude, longuement attendue par les défenseurs de l’égalité femmes-hommes dans le
milieu du cinéma, fait suite à la signature le 10 octobre dernier par les ministres Aurélie
Filippetti et Najat Vallaud-Belkacem de la Charte pour l’égalité. Un texte dit incitatif, élaboré
par l’association Le deuxième regard, qui avait notamment pour objectif d'obtenir de telles
statistiques. Il avait également été paraphé par deux des femmes qui comptent dans l'industrie de
l'audiovisuel français : Frédérique Bredin et Véronique Cayla, respectivement présidentes
du CNC et d'Arte France.
Le cercle devient rapidement vicieux
Pour le moment, le chemin vers l'égalité se heurte à des contradictions. Si les effectifs de
la Femis, l’école de cinéma parisienne, se révèlent paritaires depuis plusieurs années, les femmes
ne représentent que 25% des auteurs de premiers films. Un déséquilibre qui s'explique par une
répartition très nettement sexuée en fonction des filières : alors que les hommes sont plus
nombreux en réalisation, on retrouve les femmes dans les métiers traditionnellement féminins
comme celui de scripte (98,1% selon le CNC) ou en montage. Une habitude, vestige du temps où
le matériel de tournage était très lourd à porter, mais qui perdure : « La caméra pour les garçons,
le montage pour les filles parce qu'elles ont, soi-disant, les mains fines… C'est resté un
automatisme », déplore Jackie Buet.
Charlotte Silvera , elle, a réussi à tracer son sillon. Depuis son premier film, en 1984, Louise
l'insoumise, la réalisatrice de C'est la tangente que je préfère a tourné en tout sept longs-
métrages. Mais, elle explique qu'elle n'est jamais parvenue à obtenir un budget supérieur à deux
millions d'euros, alors que la moyenne pour un film français est en général le double. Les
femmes moins capables de gérer une grosse enveloppe, elle n'y croit pas : « Je ne connais aucune
femme cinéaste en France qui ait explosé un budget ou se soit à mis à dos des producteurs
successifs. »
Pourtant, le cercle devient rapidement vicieux. Certains agents et acteurs peuvent se montrer
frileux à participer s'ils sentent une réticence du producteur à s'engager sur le projet, et vice
versa.
Réaliser sept longs métrages, comme l’a fait Charlotte Silvera, relève presque de l'exploit. En
effet, si nombre de réalisatrices parviennent à faire un premier film, elles sont beaucoup plus
rares à passer le cap de la deuxième, voire de la troisième réalisation. Un premier film reçoit de
nombreuses aides incitant les producteurs à promouvoir de jeunes talents : le CNC attribue
notamment une avance sur recettes qui peut aller jusqu'à 20% du devis. Sans ces subventions, et
si le premier film n’a pas fait un carton, il devient très difficile de convaincre un producteur, peu
enclin à miser ses fonds propres.
La caméra pour les garçons, le montage pour les filles
Ce manque de parité se retrouve aussi au sein des équipes de tournage. On ne compte par
exemple, en moyenne, que 10% de chef opératrices. Jeanne Lapoirie fait partie des rares. Elle a
travaillé entre autres avec André Téchiné, François Ozon ou Valeria Bruni-Tedeschi : « Les
équipes sont constituées par réseau : le réalisateur choisit son chef opérateur, le chef op son chef
machiniste, son chef électro, etc… » Les postes à responsabilités étant une nouvelle fois occupés
par des hommes, en découlent des équipes majoritairement masculines. « Certains réalisateurs ne
se sentent tout simplement pas à l'aise pour travailler avec des femmes », regrette-t-elle.
Une forme d’autocensure
Charlotte Silvera n'hésite pas à parler de combat à mener au sein d'une industrie du cinéma
qu'elle qualifie de « conservatrice, archaïque et hiérarchisée. » Elle dénonce des comportements
à la misogynie sous-jacente comme lorsque, sur son dernier tournage, des membre de l'équipe
ont taxé d'hystérie une réalisatrice avec laquelle il venait de travailler. « Les hommes aussi sont
caractériels, mais c'est comme s’ils avaient la légitimité de l’être », s'indigne-t-elle. Dominique
Cabrera, réalisatrice engagée dont le dernier film documentaire Grandir vient de sortir en salles,
tempère : « On est pris dans un système de domination masculine. Mais une fois emporté dans
l'aventure de création, tout le monde va dans le même sens. »
Manque de considération, contraintes budgétaires, les femmes ne sont pas encouragées à se
lancer dans la réalisation. Dominique Cabrera regrette que, face à cela, elles se mettent elles-
mêmes des barrières. « Ce qui est difficile, c'est de se sentir légitime de s'exprimer publiquement
alors que dans notre société, la parole féminine est traditionnellement limitée à l'espace privé.
» Des freins sociaux auxquels vient s'ajouter le manque de modèles pour inciter les jeunes
femmes à se tourner vers la réalisation. Une forme d’autocensure que regrette Jackie Buet : « Au
Festival de films de femmes, nous recevons beaucoup de groupes scolaires, explique-t-elle. Il est
important que des jeunes filles puissent se rendre compte qu'elles ne sont pas forcément
destinées à n’être que puéricultrices, mais qu'elles aussi ont un regard à elle et qu'elles peuvent le
partager. »
er, le nouveau film de Spike Jonze, raconte la naissance d’un amour entre un être humain
et son assistante virtuelle. Dans le même temps, le film propose une réflexion globale sur la
place de plus en plus prégnante de l’intelligence artificielle au sein des relations
sentimentales.
Un homme esseulé tombe amoureux d’un « OS » (un système d’exploitation informatique) qui
répond au doux nom de Samantha. Après une rupture difficile, Theodore (Joaquin Phœnix)
trouve du réconfort auprès de cette version nettement améliorée de l’assistant personnel
d’Apple, Siri. Et pour cause, Samantha, à qui Scarlett Johansson prête sa voix sensuelle, a tout de
la femme parfaite. Douée d’une intelligence hors norme, elle est capable de lire des livres entiers
en quelques secondes et de trier les mails de Theodore. Mais, loin de ses seules aptitudes
cérébrales, elle possède également des qualités « humaines », se révélant drôle et attachante. Pas
étonnant que Theodore finisse par tomber amoureux d’elle. Petit inconvénient mais pas des
moindres : cette « femme » n’existe pas. Le film de Spike Jonze pose des questions prégnantes.
Peut-on entretenir une relation avec un objet de technologie ? Les comportements amoureux
sont-ils en train de glisser vers le terrain du « tout virtuel » voire de l’artificiel ?
Le rapport à la machine
A priori, impossible de tomber amoureux d’une voix, d’autant plus lorsque l’on sait qu’elle
appartient à un objet de technologie, et non pas à un être humain, fait de chair et d’os. Pourtant,
dès les années 1950, l’informaticien Alan Turing a prouvé que l’on peut dialoguer avec un
ordinateur, par clavier et écran interposés, sans même réaliser qu’il s’agit en réalité d’une
machine. La technologie se développe alors comme une forme de lien social ; parce qu’elle
permet non seulement de mettre en contact deux êtres géographiquement éloignés, mais aussi
parce qu’elle vient, parfois, combler un certain manque affectif. « Certaines personnes
entretiennent déjà un lien émotif avec leur ordinateur ou leur smartphone, projetant sur leur
machine des sentiments humains », note le britannique David Levy dans son ouvrage Love + Sex
with robots . L’appareil est aujourd’hui apte à simuler la pensée humaine, mais de là à tomber
sous son charme, rien n’est moins sûr.
« Les expériences de psychologie cognitive ont permis de cerner ce qui favorise l’état
amoureux : le sentiment de proximité, la réciprocité, l’échange de récits sur son enfance, sa vie
intime, l’apparence physique… Il est tout à fait possible de programmer un humanoïde afin qu’il
reproduise tous ces éléments », avance David Levy. Ici, il n’est plus question d’un « simple »
smartphone mais d’un robot dont le comportement et l’apparence se rapprochent
progressivement de celle de l’homme.
Fantasme de la femme fabriquée
« Il est envisageable de focaliser ses émotions sur ces machines puisqu’elles ont un visage »,
souligne Alain Cardon, mathématicien spécialisé dans le domaine de l’intelligence artificielle. Et
d’ajouter : « Des sentiments affectueux, amicaux voire amoureux pourraient tout à fait naître. »
Cette possibilité interroge également un mythe maintes fois fantasmé par les hommes, celui de la
création d’une femme totalement artificielle. Dans la mythologie grecque, Pygmalion, artiste
solitaire et misogyne, entreprend de sculpter une compagne parfaite. D’un bloc d’ivoire, il cisèle
Galatée et en tombe amoureux. La déesse Aphrodite, touchée par la solitude de Pygmalion,
donne vie à sa statue.
Des siècles plus tard, cette obsession est toujours latente comme l’illustre la série Real
Humans du Suédois Lars Lundström diffusée sur Arte en 2013. Dépeignant une société dans
laquelle hommes et robots (au nom de Hubots) cohabitent en (presque) harmonie et où la
question du sentiment amoureux vient, là aussi, inévitablement se poser. Léo, mi-homme mi-
robot tombe sous le charme de Mimi, une séduisante Hubot d’origine asiatique. Ici, les
humanoïdes jouissent non seulement de la capacité d’éprouver des sentiments mais ont
également une vie sexuelle épanouie. Car cet aspect physique n’est pas négligeable dans la
réussite d’une histoire d’amour.
Combiner sexe et activité cérébrale
Dans son livre, Des poupées et des hommes , Elisabeth Alexandre s’intéresse aux real dolls , ces
poupées en silicone hyperréalistes et malléables à merci. Au Japon, des maisons de rendez-vous
leur sont même consacrées. Au « Doll No Mori », le client paie, choisit son modèle et l’utilise à
son gré. Mais le must, c’est de pouvoir combiner le sexe et l’illusion d’une activité cérébrale. Les
geeks et les chercheurs l’ont bien compris. Ainsi Le Trung, un geek canadien d’origine
vietnamienne a-t-il pour compagne Aïko, depuis 2007. Aïko n’est pas une femme comme les
autres, c’est une femme-robot. En plus de parler l’anglais et le japonais, elle sait distinguer les
couleurs et les visages familiers, cligner des yeux et servir à manger. Dans le New-Jersey
aussi, la société True Companion commercialise Roxxxy, présenté « non pas comme un robot
sexuel mais comme une compagne » avec cinq personnalités différentes téléchargeables selon
l’humeur de son propriétaire.
Il deviendra naturel de les aimer
Devançant le progrès, le ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Énergie de Corée du Sud a
même lancé la rédaction d’un code éthique destiné à réguler et à moraliser les futurs rapports
entre les personnes et les créatures artificielles. « D’ici à 2050, les êtres humains se marieront
avec des robots humanoïdes. On sera capable de construire des machines qui nous ressembleront
et reproduiront nos émotions : il deviendra quasi naturel de les aimer », assène David Levy.
Vraiment ?
Ian Yeoman et Michelle Mars, deux chercheurs de l’université Victoria de Wellington
(Nouvelle-Zélande), vont jusqu’à imaginer la généralisation de ces humanoïdes. Et rêver que
cela mettrait fin au marché du sexe, au trafic d’êtres humains et aux maladies sexuellement
transmissibles. Dans ces conditions, il va falloir prévoir un nouvel amendement au mariage pour
tous.
Le Maghreb est l’une des régions au monde le plus touchée par l’analphabétisme et le
Maroc est particulièrement en retard. Près de 53% des marocaines ne savent ni lire, ni
écrire, révèle un rapport du Haut commissariat au plan marocain.
Au pays du royaume chérifien, l’analphabétisme est un fléau qui touche encore une grande partie
de la population. Les femmes en particulier. Dans un rapport publié par le Haut commissariat au
plan (HCP), plus de la moitié des Marocaines (âgées de plus de 15 ans) sont aujourd’hui
analphabètes. Un taux très élevé, alors même qu’un secrétariat d’état dédié à cette problématique
ainsi que de nombreux programmes d’alphabétisation en coopération avec l’Union européenne et
diverses ONG, ont vu le jour au cours des dix dernières années.
Entre 2009 et 2010, plus de 700 000 personnes avaient accès à ces programmes, dont plus de la
moitié des effectifs étaient féminins. « L’UE, rappelons-le, n’y va pas de main morte quand il
s’agit d’aider le Maroc dans sa lutte contre l’analphabétisme. Elle a versé pour le programme
d’alphabétisation qui s’étale de 2008 à 2013 la bagatelle de 27 millions d’euros », rappelle le site
marocain LaVieéco. Or, si ces efforts ont permis de réduire le taux d’analphabétisme, puisque 8
femmes sur 10 ne savaient pas lire en 1982… Les progrès restent lents.
Les femmes en espace rural plus touchées
Les femmes rurales sont plus touchées que les citadines selon l’étude Femmes marocaines et
marché du travail : caractéristiques et évolution du HCP. Au total, plus de sept marocaines sur
dix (71,8 %) en souffrent dans les campagnes, contre environ quatre sur dix en milieu urbain. Le
constat est terrible dans un pays où plus de la moitié des femmes actives exercent dans des
exploitations agricoles et commencent à travailler avant 15 ans.
En 2013, l’analphabétisme a touché 774 millions d’adultes dans le monde entier, dont les deux
tiers (493 millions) concernent les femmes.) Le Maroc et le Maghreb en général
demeurent parmi les régions les plus touchées du monde, selon les chiffres de l’Institut de
Statistiques de l’Unesco (ISU). L’analphabétisme n’est peut-être pas aussi élevé que dans
certains pays d’Afrique subsaharienne, mais la situation au nord du continent reste préoccupante
pour les femmes. Si le Maroc fait figure de mauvais élève, les femmes sont encore 37 % à ne pas
savoir lire et écrire en Algérie, 29 % en Tunisie, et 17 % en Libye.
Si les femmes en Inde ont vu leur condition économique légèrement s’améliorer, elles
restent prisonnières d’un système de mariages arrangés et de leur clan.
Le mariage d’amour reste une exception en Inde. Seules deux femmes sur dix ont déjà aperçu
leur futur mari avant le jour de la cérémonie. Et la plupart n’ont pas pu donner leur avis. Une
enquête, publiée par le journal The Hindu, dresse un panorama inquiétant de l’égalité hommes-
femmes dans le mariage. Conduite par The National Council of Applied Economic Research, un
think-tank base à New Delhi, l’étude a interrogé plus de 40 000 épouses entre 2011 et 2012.
Mais si certains progrès sont notables, d’autres enseignements témoignent de la difficulté des
femmes au sein du mariage en Inde aujourd’hui.
Le mariage précoce recule
Les données indiquent d’abord un certain recul des mariages précoces. Depuis 2006, les unions
d’enfants sont interdites. Et le nombre de filles se mariant avant 18 ans est passé de 60 % avant
la loi à 48 % en 2011 (date à laquelle l’étude a été menée). Même si dans certaines régions où les
volontés progressistes se heurtent aux traditions culturelles et religieuses (l’adoption de la loi sur
l’interdiction du mariage des enfants a été votée en 2006). Plus de sept femmes sur dix (73 %)
indiquent s’être mariées alors qu’elles étaient mineures dans l’État agricole du Rajasthan.
À l’inverse, au Pendjab, l’une des provinces les plus riches de l’Inde, le taux de nuptialité des
mineures est faible. Seules 13 % des femmes se sont mariées avant d’avoir atteint les 18 ans. «
Des mesures ont été prises pour l'autonomisation des femmes », explique Sonalde Desai,
directrice de l’étude, « mais cette enquête montre surtout à quel point leur situation est encore
sombre. »
Les violences domestiques encore présentes
Au pays de Sonia Gandhi, la vie à deux se révèle toujours aussi contraignante au quotidien.
Seule une femme sur dix estime pouvoir décider d'acheter des meubles pour la maison. Moins de
deux femmes sur dix ont leur nom inscrit sur les papiers administratifs, tandis qu’elles sont à 80
% obligées de demander l’autorisation de leur époux pour consulter un médecin. « Certains
d’entre nous, qui se sont mobilisés pour le droit des femmes, ont pensé qu’il fallait se concentrer
sur la police et la sécurité. Mais, il doit y avoir un changement à l’intérieur de la maison, dans les
écoles et au sein même des communautés », rappelle Suneeta Dhar, présidente du mouvement
Jagori,dans The Hindu.
Pourtant interdite, l’usage de la dot persiste
D’autant que la violence, si elle n’épargne aucun pays dans le monde, reste prégnante en Inde.
Ménage, dépenses, cuisines… les raisons sont malheureusement diverses et variées pour justifier
les coups. Plus de la moitié des Indiennes (54 %) estiment qu’elles se feraient battre si elles
osaient sortir sans la permission de leur conjoint. Presque la moitié du panel (46 %) confie
également que les tâches ménagères sont une source de conflit, quand trois femmes sur dix
avancent qu’une mauvaise cuisine peut conduire leurs hommes à lever la main sur elles.
Le dernier enseignement de cette enquête révèle que l'apport d'une dot est encore une pratique
largement répandue en Inde. Pourtant prohibée en 1961, cette coutume qui scelle le mariage par
l’offre de cadeaux de la famille de la mariée à son futur époux, poursuit son chemin. Les femmes
indiennes paient en moyenne plus de 30 000 roupies, soit 350 euros.