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Le sujet de mon mémoire de Master 2 porte sur l’appropriation et la réappropriation du concept des « villes intelligentes » par les marques. Nous verrons ainsi quelles sont les marques qui s’approprient ce concept des « villes intelligentes », en utilisant les terminologies, la sémantique et les imaginaires qui y sont associés, et quelles sont celles qui se réapproprient le concept, en proposant de nouvelles solutions, en concevant des services, des outils et des biens pour façonner la ville, la réinventer, ou tout simplement répondre à de nouveaux usages.
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AUDE CASTAN 2011-2012
ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
UNIVERSITÉ DE PARIS-SORBONNE ( PARIS IV)
MASTER PROFESSIONNEL
Mention : Information et Communication
Spécialité : Marketing, Publicité et Communication
(RÉ) APPROPRIATION DES VILLES INTELLIGENTES PAR
LES MARQUES.
Préparé sous la direction du Professeur Véronique Richard.
2
3
REMERCIEMENTS
Je tiens à tout particulièrement remercier Philippe Gargov, mon rapporteur professionel
pour le temps qu’il a su me consacrer tout au long de l’écriture de ce mémoire..
Je remercie de la même manière l’ensemble du corps enseignant du CELSA pour leurs
précieux conseils de méthodologie et lecture.
Enfin, merci à MJB pour son support.
4
Sommaire
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 5
I. Quand les frontières entre marketing et urbanisme se confondent, la ville devient media. ....... 12
A. Face à la congestion publicitaire, on assiste à un phénomène de dépublicitarisation au profit
de l‘expérience physique et sociale, amenant les marques à investir l’espace urbain. ................... 12
B. Au-delà de cette investigation essentiellement médiatique de l’espace, certaines marques
s’intègrent dans des dynamiques de prospective urbaine, l'espace urbain devenant ainsi un
gigantesque territoire d'expérimentation. ....................................................................................... 19
C. Étude de cas : Montréal ............................................................................................................ 21
II. La ville intelligente comme nouvel horizon créatif: Appropriation et réappropriation de ses
territoires et imaginaires par les marques ........................................................................................... 30
A. Smart city et streetsmart brands .............................................................................................. 31
B. Participation, proximité et dialogue .......................................................................................... 35
C. Imaginaire de la ville intelligente : entre utopie naïve… ........................................................... 39
D. …et dystopie cyberpunk ? ......................................................................................................... 43
III. Limites et recommandations..................................................................................................... 48
A. Utopies techniques et réalités urbaines ................................................................................... 48
B. La ville comme plateforme d’innovation ouverte pour les marques ........................................ 53
C. Hacking urbain, détournement urbain et détournement de valeurs : ..................................... 55
CONCLUSION ......................................................................................................................................... 62
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... 69
MOTS-CLEFS .......................................................................................................................................... 72
ANNEXES ............................................................................................................................................... 73
5
INTRODUCTION
Au sein des villes, l’architecture et l’urbanisme épousent inévitablement le
rythme des révolutions technologiques : Dans son ouvrage Los Angeles : The
architecture of the four ecologies, Reyner Banham1 critique architectural américain,
explique comment ce qui était auparavant une révolution (l’ossature d’acier des
édifices du 19ème siècle, la mise en place d’escalators dans les métros et l’air
conditionné au 20ème etc ) devient généralement une norme, s’intégrant
naturellement dans l’infrastructure urbaine.
Au 21ème siècle toutefois les innovations ayant influencé l’évolution de
l’infrastructure urbaine sont autant tangibles qu’intangibles2 : Les TIC (technologies
de l’information et de la communication) modifient depuis une dizaine d’années
l’accès aux services et aux ressources de la ville, des compagnies urbaine et de
certaines collectivités locales. Internet, les smartphones et les smart cards3,
détenus par un nombre croissant4 d’individus sont devenus aujourd’hui, et seront
encore plus demain, des vecteurs essentiels de l’autonomie, de la communication et
de la socialisation urbaine. Pour Bruno Marzloff, sociologue, directeur du cabinet
d'études Média Mundia et du Groupe Chronos, les apports du numérique permettent
une nouvelle maîtrise des usages de la ville, que cela soit par exemple dans les
transports (auto-partage, vélo en libre service etc.), les réseaux intelligents (les
"smart grids"5 pour une optimisation des productions-consommations d'énergie), les
1 Los angeles : The architecture of the four ecologies, Reyner Banham, p17-35, 2000
2 Si les données et flux d’informations circulant dans les villes sont intangibles il ne faut pas oublier que les
infrastructures du "virtuel" sont tout à fait "tangibles" : câbles, antennes, postes de contrôle, etc.
3 Les smart cards (cartes à puce en français) sont principalement utilisées comme moyens d'identification
personnelle (carte d'identité, badge d'accès aux bâtiments, carte d'assurance maladie, carte SIM) ou de paiement (carte bancaire, porte-monnaie électronique) ou preuve d'abonnement à des services prépayés (Ainsi toutes les cartes de téléphone et titres de transport rechargeables utilisent cette technologie)
4 En 2012, environ 18% de la population mondiale possédant un téléphone est équipée d’un smartphone,
contre 12% en 2010 et 8% en 2008. D’ici 2015 ce chiffre est estimé passer à 60%. Source : IHS iSuppli's market intelligence, 25 Aout 2011
5 Le smart grid est une des dénominations d'un réseau de distribution d'électricité « intelligent » qui utilise des
technologies informatiques de manière à optimiser la production, la distribution, la consommation ainsi que de mieux mettre en relation l'offre et la demande entre les producteurs et les consommateurs d'électricité. Définition proposée par fournisseurs-electricite.com
6
régulations de flux, le “quotidien à distance” (commerce, travail, formation, santé...),
etc. La massification des pratiques numériques alliée à la banalisation des capteurs
et des supports de transmission ouvre des horizons inédits de régulation urbaine,
visant à une économie des ressources, un apaisement des mobilités et à une
autonomisation des pratiques du citadin6
Pour Serge Wachter7, les TIC et les réseaux numériques sont de plus en plus
« encastrés » dans les modes de vie et représentent désormais aussi une
composante de premier plan du fonctionnement de l’infrastructure environnementale
et urbaine de ce qu’il appelle « la ville interactive ».
Au-delà de cette vision plutôt techno centrée, l’économiste, sociologue et urbaniste
François Ascher et l’architecte Néerlandais Rem Koolhaas préfèrent parler de « ville
hypermoderne » reprenant les théories de Gilles Lipovetsky sur l’hypermodernité8,
théorie qui envisage la ville hypermoderne au travers des développements
considérables dans les techniques de transport et de stockage des personnes, des
biens et surtout des flux d’informations9. Rem Koolhaas déclare d’ailleurs que « la
métropole hypermoderne est moins marquée par une transformation des lieux que
par une montée en flèche des flux matériels et virtuels qui relient ces mêmes
lieux. »10
6 Pourquoi la ville sera servicielle ? Bruno Marzloff. Texte publié sur le site de Millénaire 3, le centre de
ressources prospectives du Grand Lyon. 7 La ville interactive - L'architecture et l'urbanisme au risque du numérique et de l'écologie, de Serge Wachter ;
L'Harmattan 8 « On peut dès lors définir l’hypermodernité par la radicalisation des trois logiques constitutives de l’âge
moderne, à savoir, la techno-science, le marché, et l’individu et sa transcription politique, la démocratie'. Une radicalisation qui se déploie au travers des processus de rationalisation mais aussi de l’intensification de la compétition et de la commercialisation quasi générale des modes de vie. » Institut paul Bocuse, Cycles de conférences « Grands Témoins » sur le thème de « l’hypermodernité », Extrait de la conférence de Gilles Lipovetsky - 4 octobre 2010. 9 Organiser la ville hypermoderne - François Ascher, grand prix de l'urbanisme Ariella Masboungi , Olivia Barbet
Massin, 2009,Broché 10
Great leap forward – Harvard Design School Project on the City, New York , Rem Khoolas, Taschen, p. 124-
140.
7
Toutefois durant ces dernières années c’est le concept des « smart cities » ou
encore villes intelligentes qui a eu le plus de succès, désignant par là un type de
développement urbain apte à faire face aux besoins des institutions, des entreprises
et des citoyens, tant sur le plan économique, social qu'environnemental. Selon la
définition la plus communément employée, une ville intelligente serait ainsi une ville
qui investit en capitaux humains et sociaux, et en infrastructures traditionnelles
(transports) et modernes ( NTIC11) dans le but d’offrir une qualité de vie plus élevée
à ses citoyens, avec une gestion avisée des ressources naturelles, et ce à travers
une gouvernance participative. 12
De nos jours, les performances urbaines ne dépendent plus seulement de la dotation
de la ville en infrastructures (son capital physique) mais aussi, et de plus en plus, de
la disponibilité et la qualité de la communication du savoir et l’infrastructure sociale
(capital social et capital intellectuel). Le terme de villes (plus) intelligentes est utilisé
comme concept de marketing ou de branding par les villes : La ville de
Southampton en Angleterre utilise le terme depuis 2004 pour décrire leur système
de carte de transport « Smartcities card »13 tandis qu’Amsterdam revendique
l'appellation Smart City.14 Louise Guay qui dirige le Living Lab de Montréal, un
laboratoire d'innovation urbaine, rappelle qu’ «Une ville intelligente, c'est aussi une
ville qui s'appuie sur la participation citoyenne. Les jeunes, ceux qu'on a baptisés les
«digital natives» ou natifs numériques, sont habitués d'avoir une voix, de voter, de
co-créer. Naturellement, on se dirige de plus en plus vers ça. C'est la notion
d'intelligence planétaire dont parlait l'auteur Joël de Rosnay »15
11
Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. 12
“A city can be defined as ‘smart’ when investments in human and social capital and traditional (transport)
and modern (ICT) communication infrastructure fuel sustainable economic development and a high quality of
life, with a wise management of natural resources, through participatory governance” définition donnée dans
Smart Cities and the Future Internet: Towards Cooperation Frameworks for Open Innovation par Hans
Schaffers, Annika Sällström, Marc Pallot, José M. Hernandez-Muñoz, Roberto Santoro, Brigitte Trousse In: The
Future Internet. Future Internet Assemby 2011: Achievements and Technological Promises, pp 431-446.
13 http://www.southampton.gov.uk/living/smartcities/
14 http://www.amsterdamsmartcity.nl/#/en
15 Le cerveau planétaire, Joël de Rosnay ,Editions Olivier Orban, collection Points, 1986, p.11.
8
Les marques s’aventurent également de plus en plus sur ce terrain, comme IBM et
sa campagne « Une planète plus intelligente » 16 ou encore Siemens (probablement
précurseur) en 2004 avec le projet Stadt der Zukunft/Smart City project17 On
remarquera que ces initiatives vont au-delà de l’aspect purement techno centré, et
s’inscrivent dans une démarche participative et durable : Le concept de la campagne
« Une planète plus intelligente » repose sur une conversation qu’IBM engage avec
son écosystème et le grand public sur la nécessité d’une planète plus intelligente, et
ce que fait IBM pour créer des solutions. Cette conversation s’exprime sur diverses
plate-formes sur Internet (une par pays) autour de thématiques régulièrement
renouvelées comme la gestion du trafic automobile, le traitement des données ou
encore la pénurie d’énergie. En France le journal Le Monde possède un partenariat
avec IBM, et propose un supplément numérique http://www.planete-plus-
intelligente.lemonde.fr/ consacré aux problématiques de la ville intelligente.
Dans la mesure où 50% des habitants de notre planète vivent en ville d'après l'ONU,
la transformation des villes est un nouvel enjeu central pour les marques. Depuis
quelques années les entreprises de télécommunications telles qu’IBM ou Siemens
ne sont plus les seules à se positionner sur ce segment, et de nombreux autres
groupes multiplient les dispositifs pour imaginer mais surtout concevoir la ville de
demain. Au-delà de la volonté d’innovation et d’inventivité que connotent ces projets,
il faut également envisager que ce déploiement des marques dans la ville intelligente
soit aussi une alternative médiatique face à l’érosion des supports publicitaires
traditionnels : Depuis une vingtaine d’années l’OJD , Office de Justification de la
Diffusion des Supports de Publicité, constate une baisse de l’efficacité et un recul de
la diffusion des principaux médias, que l’on attribue à une saturation visuelle, et une
lassitude des consommateurs face à la publicité.18
16
http://www.ibm.com/smarterplanet/uk/en/overview/ideas/
17http://www.siemens.com/innovation/de/publikationen/zeitschriften_pictures_of_the_future/PoF_Fruehjahr
_2004/SmartCity.htm 18
Plus des trois quarts des Français ont le sentiment que la communication des marques a fortement augmenté ces dernières années, et 56% jugent que c'est plutôt une mauvaise chose. Source : étude TNS Sofres publiée à l’occasion des Phénix de l’UDA, mars 2010.
9
Le sujet de réflexion portera donc sur l’appropriation et la réappropriation du concept
des « villes intelligentes » par les marques. Nous verrons ainsi quelles sont les
marques qui s’approprient ce concept des « villes intelligentes », en utilisant les
terminologies, la sémantique et les imaginaires qui y sont associés, et quelles sont
celles qui se réapproprient le concept, en proposant de nouvelles solutions, en
concevant des services, des outils et des biens pour façonner la ville, la réinventer,
ou tout simplement répondre à de nouveaux usages. Dans cette optique, le sujet
pourra être problématisé de la façon suivante :
***
"Dans quelle mesure peut-on dire que la ville intelligente soit un nouvel horizon
créatif pour les marques face à l’érosion des supports publicitaires traditionnels ?
***
Il s'agira ici de penser la ville intelligente comme une inspiration pour les marques
qui la mettent en scène, la subliment, la transforment ou la perfectionnent, et de
dépasser la notion de marketing urbain et de city branding. Nous nous interrogerons
sur la sémantique du concept : Que signifie le terme « intelligence », comment doit-il
être compris selon qu’on soit collectivité, entreprise, citadin, marque ? Quels sont les
imaginaires, les valeurs, les symboliques qui gravitent autour de ce concept ?
Comment se concrétisent-ils au niveau des stratégies de communication des
marques, des collectivités, des entreprises ? Il est important ici de sortir de la vision
techno-centrée, qui selon Philippe Gargov géographe et spécialiste de la ville
numérique, « s’accompagne principalement d’imaginaires stéréotypés, hâtivement
résumés par le raccourci : « ville numérique = smart city = ville intelligente = ville
idéale. »19 Il nous faudra également confronter le terme à ses dérivés sémantiques
« Clever city », « ville astucieuse » ou encore « ville agile » et à ses extensions
marketing « smart brands » et « street smarts brands. »
19
De la smart city à la « clever city » : la boîte à outils de la ville astucieuse (Angers Technopole), Philippe
Gargov, http://www.pop-up-urbain.com
10
La première hypothèse s’attache à analyser et interpréter le contexte présent,
et postule que l’investissement de l'espace urbain s’inscrit dans une logique de
dépublicitarisation20 : De plus en plus marketing et urbanisme se confondent, par
conséquent on pourrait envisager la smart city comme un média à part entière, dans
le sens où elle permet la communication, l’échange d'informations et la transmission
d’un message. Pour vérifier cette hypothèse nous utiliserons une méthodologie
essentiellement académique dans un premier temps : Nous nous appuierons sur les
travaux de différents universitaires et chercheurs afin de montrer en quoi l’érosion
de l’efficacité des supports classiques de publicité pousse les marques à investir la
ville.
Nous utiliserons ainsi les travaux de Pierre Berthelot21, consultant chez Sennse, o
il gère différents projets de mobilité et d’architecture, et chargé de cours au Celsa,
mais également des textes issus de yperpublicitarisation et dépublicitarisation
Métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique22 par Karine
Berthelot-Guiet et Caroline de Montety enseignants chercheurs au Celsa. Après
avoir posé les bases théoriques sur le sujet nous couplerons ces informations avec
une étude de cas, pratique, à travers la ville de Montréal, en présentant les divers
moyens mis en place par les marques pour s’inscrire dans l‘environnement urbain de
cette « ville intelligente » en devenir. Nous nous baserons ici essentiellement sur des
entretiens menés avec Louise Guay et Claude Faribault, dirigeants du Living Lab de
Montréal et sur une observation in situ des infrastructures de la ville.
La seconde hypothèse avancée pour répondre à cette problématique se place sous
un angle de prospective et envisage les villes intelligentes comme un terrain fertile
aux innovations d‘un point de vue marketing et communicationnel.
20
Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique. Caroline de Montety, co-auteur avec Karine Berthelot Guiet. Circav, n ° 20, juin 2009. La publicité d’aujourd’hui . Discours, formes et pratiques. Ouvrage coordonné par Y. Lebtahi et F. Minot. L’harmattan. 21
Les médias magasins : du prétexte à l'implication. Pierre Berthelot. Communication & langages - n° 146- Décembre 2005. P52 22
Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique. Caroline de Montety, co-auteur avec Karine Berthelot Guiet. Circav, n ° 20, juin 2009. La publicité d’aujourd’hui Discours, formes et pratiques. Ouvrage coordonné par Y. Lebtahi et F. Minot. L’harmattan.
11
Pour répondre à cette hypothèse, nous présenterons une étude des imaginaires et
des valeurs ainsi qu’une étude de cas de marques qui s’approprient l’imaginaire des
smart cities. Notre méthodologie s’inscrit dans une démarche de prospective : Nous
tâcherons ici de montrer que cette appropriation n’est pas qu’une mode passagère
mais bel et bien un horizon de créativité. Il nous faudra ainsi répertorier et énumérer
les campagnes, médias et hors médias gravitant autour du concept de la ville
intelligente afin de sélectionner les thèmes récurrents.
Afin de montrer que les imaginaires et valeurs sélectionnés constituent de possibles
leviers créatifs nous analyserons toutes les connexions immédiates et secondaires
qui y sont liés, que se soit dans les tendances sociétales, la littérature, l’art, la
cinématographie ou le sport. Outre ces références culturelles et pop, nous utiliserons
les travaux et conférences de Phillipe Gargov et Bruno Marzloff géographe et
sociologue et de François Ascher, sociologue et urbaniste ainsi que les ouvrages de
Claude Chabine Les villes nouvelles dans le monde et de Françoise Choay
l’urbanisme, utopies et réalité, une anthologie, pour compléter notre corpus.
La troisième et dernière hypothèse s’interrogera sur la capacité des marques à
réellement maîtriser cette ville-médias. Dans cette optique interrogerons les limites
du sujet, en essayant de proposer des recommandations pour pallier à ses limites.
Nous nous appuierons sur les ouvrages La ville 2.0, plateforme d’innovation
ouverte23 de Daniel Kaplan et Thierry Marcou et le 5ème écran, de Bruno Marzloff,
sociologue, directeur du groupe Chronos afin d’appréhender l’hypothèse dans une
optique de prospective urbaine viable.
Dans un premier temps nous tâcherons de montrer pourquoi et comment les
marques se sont-elles inscrites dans la ville en réponse à la perte d’efficacité des
médias traditionnels. La deuxième partie sera consacrée à l’analyse des territoires et
des imaginaires qui font de la ville intelligente un nouvel horizon créatif pour les
marques. Enfin dans une troisième et dernière partie nous nous concentrerons sur
les limites et recommandations, toujours dans une démarche de prospective.
23
La ville 2.0, plateforme d’innovation ouverte, Daniel Kaplan et Thierry Marcou, éditions FYP.
12
I. Quand les frontières entre marketing et urbanisme se
confondent, la ville devient media.
A. Face à la congestion publicitaire, on assiste à un phénomène de
dépublicitarisation au profit de l‘expérience physique et sociale,
amenant les marques à investir l’espace urbain.
Ces dernières années on a vu de nombreuses marques rompre la barrière
entre l’espace public et l’espace promotionnel. Au delà d’opérations de street
marketing, ces initiatives relèvent d’un véritable processus de planning urbain, et
s’intègrent dans un phénomène plus global de nouvelles transformations
médiatiques que nous allons nous employer à décrire.
Pour expliquer ces mutations médiatiques, il est nécessaire de tout d’abord se
pencher sur le système médiatique originel : Dans Les médias magasins : du
prétexte à l'implication, Pierre Berthelot24 explique que les médias à partir du
moment où la diffusion publicitaire y était importante, et ce quelque soit le support,
(que cela soit le contenu d’un journal télévisé, ou d’un magazine par exemple) offrent
systématiquement un prétexte pour diffuser le discours de la marque. La publicité
s’immisce et se dissimule dans le contenu éditorial, les contenus eux-mêmes n’étant
que le prétexte à la consommation de messages publicitaires constituant la véritable
finalité de la relation construite entre le média et ses récepteurs. On profite de
l'attente du programme de première partie de soirée, ou de la pagination d’un
magazine pour démultiplier les occasions de stimulations publicitaires.
24
Pierre Berthelot, Les médias magasins : du prétexte à l'implication. in: Communication et langages. N°146,
4ème trimestre 2005. pp. 42-43.
13
Toutefois, selon Pierre Berthelot, cette multiplication des prétextes occasions /
dissimulation a engendré un effet de saturation :
« (…)Si elles permettent de faire connaître une marque, un produit, elles ne
sont pas nécessairement transformées en actes d'achats par les
consommateurs. Elles sont le plus souvent, au mieux, reléguées au fond de la
mémoire, si toutefois le message a été perçu malgré le « bruit » concurrent
constitué par la multitude des sollicitations auxquelles un citoyen est
aujourd'hui soumis. Mais de consommation, point. »
Face à cette saturation et à la congestion publicitaires les marques ont donc dû
trouver de nouveaux espaces et apprendre “à désancrer leur discours des supports
publicitaires traditionnels pour l’inscrire dans des espaces non dédiés aux marques”,
comme l’expliquent Karine Berthelot-Guiet et Caroline de Montety enseignants
chercheurs au Celsa dans Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation :
Métamorphoses du discours des marques et gestion sémiotique25.
Depuis la production de médias de marque (le magazine En route produit par Air
Canada) en passant par des incursion dans les écoles ( films sur la santé bucco-
dentaire présentés par le lapin Colgate) la création de lieu-médias (le Spa Dove ou
l’hôtel Campers) ou encore des expositions dans les musées (Ai Wei Wei26 et
Unilever dans la Tate Modern à Londres en 2011) de nombreuses marques sont
investies dans une démarche de recherche constante de nouveaux espaces
cohérents, mais également dans la volonté de présenter des expériences sociales et
physiques inédites. Plus précisément, des marques s’immiscent dans la fabrique
même de l’espace public mobilier urbain, modes de transports, scénographie, etc.
25
Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : Métamorphoses du discours des marques et gestion
sémiotique. Caroline de Montety et Karine Berthelot Guiet,in La publicité d’aujourd’hui. Discours, formes et pratique , Revue du CIRCAV, Paris, L’harmattan, pp.63-78. 2008. 26
Ai Weiwei est un des artistes majeurs de la scène artistique indépendante chinoise. Une de ses oeuvres
récentes les plus célèbres est l'installation Sunflower Seeds présentée dans le cadre des « Unilever Series », du 10 octobre 2010 au 2 mai 2011, à la Tate Modern de Londres.
14
L'investissement de l'espace urbain s’inscrit parfaitement dans cette logique de
dépublicitarisation : de plus en plus marketing et urbanisme se confondent, avec des
démarches comme celles de Barclays Cycle Super Highways27 (programme de
location de vélos sponsorisés développé par la banque Barclays à Londres) ou
encore la campagne Fun Theory28 par Volkswagen, utilisant le milieu urbain
(escaliers, poubelles et autres containers de recyclage) comme installations
ludiques.
Pour reprendre les théories de Pierre Berthelot, le média ne se contente plus
d'exploiter le prétexte, il l'engendre :
‘’Le branding ne consiste plus seulement à être associé à des représentations
positives et cohérentes avec leurs identités, mais à en « faire des réalités
vécues ». Ce qui passe par deux étapes clefs: transformer notre
environnement en fiction de marque et, pour ce faire, multiplier les opérations
de médiatisation du quotidien.’’29
27
http://group.barclays.com/Media-Centre/Barclays-news/NewsArticle/1231785287844.html 28
http://www.thefuntheory.com/ 29
Pierre Berthelot, Les médias magasins : du prétexte à l'implication in Communication et langages. N°146,
4ème trimestre 2005. p. 45
15
Le système médiatique est passé d’une « double logique du prétexte - dissimulation
et occasion vers une logique d’implication », les marques ont évolué de façon
masquée vers une logique d’implication, en créant des dispositifs nouveaux, ancrés
dans l’expérience signifiante : La banque Barclays a ainsi financé à hauteur de 20%
le projet Barclays Cycle Super Highways (programme similaire à celui des vélib à
Paris) s’octroyant en échange le droit de d’apposer son nom, son logo et ses
couleurs sur chacun des vélos du programme. Au-delà de la visibilité médiatique
quotidienne évidente, la banque a également su transformer l’environnement en
fiction de marque comme le dit Berthelot, et il est évident que dorénavant cette
initiative ancrera dans l’esprit des Londonien une image d’une marque responsable,
et écologique.
Autre point important, la municipalité a fait le choix de l’open data : toutes les
données concernant le service et les flux de passagers sont disponibles en ligne.
Mises en formes par l’opérateur, elles peuvent ainsi être manipulées par des
développeurs tiers (indépendants, start-ups, autres opérateurs, etc.) afin d’améliorer
l’offre de services afférents cartographies dynamiques, applications mobiles... 30
Ainsi il n’existe pas d’application officielle mais une multitude d’applications iPhone et
Android privées fournissant divers renseignements sur la disponibilité des vélos,
l’itinéraire le plus court etc.31 Autre programme similaire, le système VLS Bicing de
Barcelone mis en place par ClearChannel s’accompagne du service iBicing qui
fournit des renseignements sur la disponibilité des vélos directement depuis un
téléphone mobile. Il suffit d’envoyer par sms le nom d’une station, et on reçoit
immédiatement un message avec un numéro pour débloquer un vélo.
Autre exemple, celui de la campagne « Fun theory » par Volkswagen, lancée sur le
web en 2009 sous forme de vidéos virales par l’agence DDB Stockholm. La marque
automobile allemande s’était lancé un défi en Suède responsabiliser les citoyens de
façon ludique, en s’appuyant sur les mécanismes de fidélisation par le jeu et la
“gamification”. Ainsi, à l’image de la mise en plage des signalétiques pietonnes32 par
30
Open data, comprendre l’ouverture des données publiques. De Simon Chignard, FYP editions. 31
http://data.london.gov.uk/datastore/package/tfl-cycle-hire-locations
32 http://www.mangerbouger.fr/pro/IMG/pdf/kit_pieton_inpes.pdf
16
les collectivités locales afin d’encourager les citadins à marcher, The Fun Theory a ici
utilisé ici les escaliers du métro en les déguisant en touches de piano pour les
convaincre de prendre les escaliers au lieu de l’escalator. La campagne se veut
également participative puisqu’elle invitait les suédois à laisser leurs propres idées
sur son site Internet. Au final, ce fut un gros succès viral (18 millions de vues pour la
seule vidéo des escaliers sur Youtube) mais également un succès en terme de
changement dans le comportement des usagers (66% d’utilisation supplémentaire
des escaliers) Pour mieux comprendre l’investissement de l’espace urbain par les
marques, il serait intéressant de se pencher sur la théorie Earned, Bought and
Owned medias, développée par les acteurs du digital , et synthétisée dans ce
schéma par Daniel Goodall, responsable Digital chez Nokia, et blogueur actif.33
Sur le schéma, le paramètre, « Bought », correspond aux canaux traditionnels de
communication, c'est-à-dire à l’achat médias classique (presse, TV, radio, bannières
etc). « Owned », représente quand à lui les canaux de communication propres à la
marque, comme son site web, son magazine, ses profils sur les réseaux sociaux ou
encore son point de vente.
33
Owned, bought and earned http://danielgoodall.com/
17
Enfin le troisième paramètre, « Earned », correspond aux médias que les marques
ne peuvent contrôler : les commentaires sur un blog, les tweets, les articles dans la
presse, le bouche à oreille etc. On observe également que plus la marque détient un
contrôle sur le média, et moins sa portée (Reach) est importante. De fait le
paramètre « Earned » ne dépend pas de la marque, il ne peut être contrôlé mais
uniquement influencé. Toutefois ce paramètre conversationnel n’est pas à négliger
dans la mesure où le bouche à oreille et la prescription ont toujours été le moyen le
plus sûr de convaincre un prospect d’acheter un produit ou un service. Et face à
l’érosion des médias traditionnels ( « Bought » ), créer la conversation entre les
consommateurs est devenue primordiale dans la construction d’une stratégie de
communication :
C’est grâce à leur capacité à susciter des conversations (du bouche à oreille) et à
faire vivre aux consommateurs des expériences uniques que les marques se
distinguent. La portée d’Internet et des réseaux sociaux a donné aux consommateurs
la possibilité de se faire une opinion par eux-mêmes, de devenir une source
d’information pour les autres concernant tout ce qui touche aux marques, aux
produits et services, et donc de partager leurs expériences à un spectre bien plus
élargi de consommateurs potentiels. Cette théorie est à rapprocher des celles
développées par Jeremy Rifkin dans L’Âge de l’accès. La nouvelle culture du
capitalisme34 Il y explique que nous appartenons désormais à « une économie qui
fournit des services et procure des expériences » (p.103) une société où ce qui
importe ce ne sont plus tant les objets à posséder que la qualité de vie et les
expériences auxquelles l’individu peut avoir accès.
34
L’Âge de l’accès. La nouvelle culture du capitalisme. Jérémy Rifkin. Paris : La Découverte, 2005
18
Nous vivons dans une société de services, une cité servicielle comme le rappelle
Bruno Marzloff35 :
“D'une manière générale, la société est entrée inexorablement dans un
modèle de services. Les services dans l'économie ont supplanté les
productions agricoles et industrielles. Les services, ce sont quelques 65% des
budgets des ménages, quelques 75% des emplois, quelques 80% du PIB,
quelques 85% de la croissance, en France aujourd'hui. Dans ce modèle (…)
les services deviennent des évidences qui s'imposent à la ville. Ces évolutions
sont drainées par l'ambition - explicite ou sous-jacente - de "maîtrises des
usages". Elles appellent une réflexion qui dépasse l'invocation du "service"
comme solution ou même l'identification des services comme pistes de
réponses. C'est une philosophie de la ville qui se repense.”
Cette nouvelle philosophie de la ville est repensée par les collectivités locales, mais
également par les marques et le citadin. En définitive les services de vélos en libre
service Barclays ou encore les services d’auto partage Car2go36 par Daimler sont
parfaitement représentatifs de cette nouvelle économie de la ville intelligente et
servicielle : Basés sur de nouvelles problématiques de mobilités incluant les TIC, se
sont de véritables médias de marques subtils, déguisés sous un habillage social et
surtout utilisés par les consommateurs de façon spontanée, conformément à ce que
Pierre Berthelot appelle “des phénomènes d'implication volontaire”, c'est-à-dire des
services, des outils et des biens susceptibles d’attirer et d’impliquer les
consommateurs, par leur nature même.
Ces deux exemples illustrent parfaitement la façon dont la ville intelligente peut
devenir un véritable média pour les marques dans le sens où ils permettent la
transmission d'un message, la communication et l'échange d'informations. Pour aller
plus loin on pourrait même dire que développer ce genre de services crée une
35
Pourquoi la ville sera servicielle ? Bruno Marzloff, Texte publié sur le site de Millénaire 3, le centre de
ressources prospectives du Grand Lyon, 2011. 36
Car2go est le nom d'un concept d'auto-partage urbain développé dans une dizaine de villes dans le monde
par le constructeur automobile allemand Daimler.
19
synergie entre les canaux de communications : Le financement relatif à la mise en
place des services pourrait être assimilé à de ‘achat d’espace (Dans la mesure ou la
marque verse une certaine somme à la ville en échange de la mise en place du
service) le service en lui-même ( auto-partage, vélo en libre service etc. ) constituant
le « owned medias » assurant visibilité et notoriété, tandis que les conversations
quotidiennes et les RP déclenchées au lancement du projet relèvent du « earned
medias ».
B. Au-delà de cette investigation essentiellement médiatique
de l’espace, certaines marques s’intègrent dans des dynamiques
de prospective urbaine, l'espace urbain devenant ainsi un
gigantesque territoire d'expérimentation.
Comme nous venons de le voir, les transformations médiatiques (dépublicitarisation,
investissement d’espaces non dédiés aux marques etc.) couplées à la multiplication
des réseaux et des flux d’informations dans les villes instaurent une nouvelle
condition urbaine dans laquelle les marques essayent de trouver leur place à travers
de multiples expérimentations. En effet, outre la visibilité et le bouche à l’oreille
entrainées par l’utilisation ou la mise en place d’ infrastructures urbaines comme
médias, cette incursion dans la ville se retrouve également dans la création de lieux
pionniers dédiés à des formes d'innovation urbaines : Au cours de ces dernières
années on a assisté à a multiplication des ouvertures de hackerspaces37 et autres
Living Labs38, lieux d'observation des usages émergents des technologies de
l'information et de la communication, dont certains ont été mis en place en
partenariat avec les marques. Parmi les marques qui se penchent vers l’urbanisme
37
Les Hackerspaces peuvent être vus comme des laboratoires communautaires ouverts où des
« hackers »peuvent partager ressources et savoir. Beaucoup de hackerspaces utilisent et participent à des
projets autour du logiciel libre, ou des médias alternatifs. Source : hackerspaces.org/
38 Le projet Living Labs est un programme de label européen lancé en 2006. Un Living Lab regroupe des acteurs
publics, privés, des acteurs individuels, dans l’objectif de créer et tester des services, des outils ou des usages
nouveaux. Il s’agit de sortir la recherche des laboratoires pour la faire descendre dans la vie de tous les jours.
Source : www.openlivinglabs.eu
20
et la prospective, on trouve les “fournisseurs de mobilité”, à savoir les constructeurs
automobiles et les marques du secteur de la communication, sans oublier les
opérateurs de mobilité qui doivent renouveler leur offre avec l’arrivée de ces
nouveaux entrants. Ainsi l’année dernière, Bjarke Ingels, l’un des plus grands
architectes contemporains, a été sollicité par Audi pour créer Urban Future
Initiative39, regroupant divers écrivains, créateurs et spécialistes de la prospective,
afin de travailler sur des idées de transition vers une nouvelle forme de mobilité.
BMW a quand elle mis en place un partenariat avec le musée Guggenheim de New
York pour créer le BMW Guggenheim Lab40, un laboratoire de recherche mobile.
Enfin Smart a traversé l’Europe entière d’avril 2010 à septembre 2011 avec son
projet itinérant Smart Urban Stage41, centré sur la ville du futur et la mobilité urbaine.
Côté communication IBM a par exemple lancé Smarter Cities Challenge42et Philips
son programme de Living Labs à travers le monde43 tandis que Sony a crée, en
partenariat avec le Forum for the Future, FutureScapes, un projet dont le but est
d’imaginer le monde en 2025 et de réfléchir au rôle que peut jouer la technologie
dans le futur selon différents scénarios d’évolution.44
Ces exemples prouvent le récent engagement des marques quand à la mise en
place de plate forme d’innovation ouverte favorisant l’innovation. Dans la mesure o
l’on considère que les marques font partie, au même titre que les collectivités
locales, des acteurs œuvrant au dynamisme des villes, il paraît logique qu’elles
mettent sur pied de nouveaux projets urbains afin de faire évoluer les villes. La 11ème
thèse proposée par François Ascher sur l'urbanisme moderne dans son dossier de
candidature pour le Grand Prix de l'Urbanisme en 2006 résume cette mutation
qu’opèrent les villes intelligentes.
39
http://www.audi-urban-future-initiative.com/
40 http://www.bmwguggenheimlab.org/
41 http://www.smart-urban-stage.com/
42 http://smartercitieschallenge.org/
43 http://www.research.philips.com/focused/experiencelab.html
44 http://www.sony.co.uk/discussions/community/en/community/futurescapes
21
« Le développement d'une ville dépend pour une bonne part du dynamisme
des acteurs. Son potentiel dépend aussi de toutes sortes de richesses
immatérielles, de l'intensité des réseaux sociaux locaux à l'image de marque
de la ville. L'urbanisme doit donc être capable de jouer non seulement sur le
hard de la ville, mais également sur le soft, que ce soit dans les tâches de
développement, dans l'invention programmatique liée à la conception de
projets urbains, dans la production d'événements susceptibles de laisser des
traces urbaines, dans la cristallisation spatiale des potentiels culturels et
sociaux. »
Si les marques ont un rôle à jouer dans le hard – c'est-à-dire dans les infrastructures
matérielles de la ville – comme on l’a vu précédemment avec les services de vélos et
voiture en libre service, ou encore avec l’installation de signalétiques ludiques, elles
ont également un rôle possible dans le soft , la programmatique de la ville C’est sur
cette programmatique que les living labs conçus par BMW IBM ou Smart
réfléchissent, dans le but bien sûr de l’améliorer, mais également pour reprendre
Ascher, de laisser une trace durable. Nous allons à présent approfondir cette
nouvelle forme de dynamique de prospective urbaine à l’échelle d’une ville, à savoir
Montréal.
C. Étude de cas : Montréal
Depuis quelques années de nombreux projets visant à promouvoir l’essor du Grand
Montréal comme ville intelligente se mettent en place dans la métropole Québécoise,
en particulier au niveau des infrastructures de transport. Une de ces premières
initiatives est la création en 1994 de Communauto45, un des plus importants services
d’auto-partage à avoir vu le jour en Amérique du Nord, suivi en 2008 par la mise en
place du Service Stationnement de Montréal ayant mis au point des terminaux de
paiement de stationnement automobile, en réseau sans fil et alimentés à l'énergie
solaire.
45
Communauto met des véhicules à la disposition exclusive de ses abonnés pour une demi-heure, une heure,
une journée. Disséminées dans de nombreuses stations, les voitures sont disponibles sans délai, 24 h / 24, 7 jours sur 7.
22
En 2009 la Ville de Montréal a lancé le système BIXI (mot-valise, contraction de
bicyclette et taxi) un service de quelques 6000 vélos en libre-service répartis sur 405
stations s’appuyant sur la même technologie d’alimentation à l’énergie solaire, et la
même infrastructure TI que les terminaux de paiement de stationnement automobile
existants. La réalisation physique a été faite en collaboration avec Rio Tinto Alcan
(Groupe minier fabricant aussi de l’aluminium) qui est également un des partenaires
mais également commanditaires du servie Bixi. Afin de rentabiliser les coûts
d’entretiens du service Société de vélo en libre-service46 et la ville ont mis en place
deux types de collaboration avec les marques :
Le premier système de financement, rapportant environ 2 millions de dollars par an,
est le partenariat, avec Rio Tinto Alcan, Telus (télécommunication) et Desjardins
(institution bancaire) En contre partie de leur appui financier ces trois marques on pu
afficher leurs logos et publicités sur les vélos et les stations ( voir photo ci-dessous).
46
C'est à l'automne 2008 que la Société de vélo en libre-service a été créée par Stationnement de Montréal
pour officiellement exploiter le système. En mars 2010, le maire de Londres, Boris Johnson, a procédé au lancement de la franchise BIXI, baptisé Barclays Cycle Hire, du nom de son commanditaire principal. En mai 2010, Bixi s’est installé à Melbourne, à Toronto , Ottawa et Boston en 2011 . En 2012 le système est présent ou encours d’installation dans une vingtaine de ville.
23
Le second système de financement provient des commanditaires, c'est-à-dire des
marques prêtes à payer pour avoir une ou plusieurs stations Bixi baptisées au nom
de leur entreprise. En plus des trois principaux partenaires cinq marques locales font
partie des commanditaires47. Toutefois cette transformation des vélos en support
publicitaire ne plait pas à tout le monde : Les Bixi sont régulièrement vandalisés, à la
peinture, au ruban adhésif ou à l'autocollant, afin de masquer les logos des
partenaires ( voir photo ci-dessous). La banque Desjardin, plutôt que de condamner
ces agissements reconnaît aujourd'hui qu'elle aurait pu afficher son partenariat avec
Bixi «de manière un peu plus délicate» comme elle l’indique dans le journal Le
Devoir48.
«Nous préférerions que notre image soit respectée, a indiqué Francine
Blackburn, porte-parole, mais nous ne pouvons pas empêcher les gens de
s'exprimer, même s'ils s'expriment mal.» L'institution dit aussi être « ouverte à
l'idée de discuter avec les représentants de Bixi afin de trouver d'autres façons
de les soutenir ». « Nous aurions pu nous montrer sur les vélos de façon un
peu plus discrète », reconnaît aujourd'hui Mme Blackburn.
47
http://montreal.bixi.com/commanditaires/commanditaires
48 Bixi: la pub qui dérange... dérange. Les affiches vandalisées causent des maux de tête à Desjardins, Fabien
Deglise, Le Devoir, mai 2011. http://www.ledevoir.com/politique/montreal/323220/bixi-la-pub-qui-derange-
derange
24
Justement, si la banque le désire, il existe des façons pour elle de discuter avec les
usagers et représentants, à travers la mise en place du BixiWiki 2.0 projet-pilote
lancé par le Living Lab de Montréal sous la forme d’une plate-forme numérique
basée sur l’innovation ouverte49, permettant aux acteurs de la ville de communiquer
entre eux.50
L'objectif est ici d'évaluer comment les usagers de Bixi peuvent utiliser les
applications mobiles et web sociales afin d’ aider à améliorer la fluidité du service de
vélos, développer le commerce local ou créer de nouvelles applications pour faciliter
les transports urbains. Cette plate-forme a été mise en place grâce à la collaboration
active de nombreux partenaires issus des secteurs publics et privés : les
usagers de Bixi, Tourisme Montréal, l’école HEC (Montréal), le groupe Bell (télé-
communications), l'École Polytechnique, le MIT Media Lab (Boston), entre autres.
Selon Louise Guay, fondatrice du Living Lab, interviewée en août 2012 à Montréal51,
l’intérêt pour les marques n’est plus seulement médiatique, mais de l’ordre de la
prospective urbaine Il s’agit ici pour les marques de s’habituer à collaborer, à aller
chercher des solutions en dehors de leur sein, à s’initier à l’innovation ouverte, avec
d’autres partenaires ou au sein de leur organisation interne. Le Living Lab se pose
en facilitateur, en collaborateur, en tant que plateforme de modélisation et de
consultation, tant pour les marques que pour les acteurs publics de la ville. Louise
Guay et Claude Faribault avouent que le Living Lab a pour vocation d’optimiser
Montréal, de la rendre plus intelligente.
49
L’innovation ouverte est un terme promu par Henry Chesbrough, professeur et directeur du centre pour
l'innovation ouverte à Berkeley. C'est un mode d'innovation basé sur le partage, la collaboration et la
sérendipité, s’opposant a à 'innovation "fermée", c'est-à-dire principalement développée « en interne » et mise
en œuvre au sein de l'entreprise, sous le sceau du secret industriel ou de fabrication Elle peut concerner tous
les domaines de la recherche. 50
Le Living Lab est un organisme à but non lucratif fondé par Louise Guay et Claude Faribault. Le Living Lab de
Montréal est né dans le cadre du projet de recherche international Responsive City, qui vise à mieux
comprendre l'utilisation des ressources partagées par les citoyens des villes. Regroupant plusieurs partenaires
sociaux, corporatifs, publics et universitaires, le Living Lab de Montréal favorise la co-création et l'innovation
ouverte comme méthode de recherche participative. 51
Interview réalisée en aout 2012 à Montréal auprès de Louise Guay et Claude Faribault. L’interview n’est pas
retranscrite en annexes pour des raisons de confidentialité.
25
« Aujourd'hui, sur les réseaux sociaux, tous les grands enjeux de
développement de la vie urbaine sont déjà discutés ouvertement par des
citoyens venus de tous les horizons. Le web 2.0 fait partie intégrante de la
nouvelle trame urbaine. Il a déjà commencé de transformer la ville en paysage
d'information et les citoyens en agents interactifs. »
Pour Louise Guay si les innovations sont aussi importantes dans le secteur du
transport c’est parce que les infrastructures de transport constituent la nouvelle
trame de la ville intelligente. Selon elle, les transports sont la matrice de la ville, elle
rappelle ainsi qu’en Amérique du nord les villes ont étés construites en fonction des
moyens de transport : Ainsi la largeur des routes épouse celle des calèches et
diligences, et par la suite celle des voitures, les résidences et commerces sont
venues s’installer le long des axes routiers, puis par la suite se sont délocalisés à
l’extérieur du centre ville. En Amérique du nord, ne pas avoir de voiture c’est être
condamné à être enfermé là o l’on vit, c’est aussi montrer indirectement que l’on n’a
pas les moyens d’en acquérir une. Le développement de Bixi ou de Communauto
représente une option écologique intéressante pour ceux qui ne possèdent pas de
voiture ou choisissent de ne conserver qu’un seul véhicule pour la famille.
Ces alternatives entraînent également un changement de paradigme fort : Le statut
social et les valeurs du conducteur ne se sont désormais plus visibles à travers le
choix de la marque de sa voiture, mais au contraire à travers son choix de ne pas
être propriétaire, sa volonté de trouver des solutions alternatives et intelligente, par
soucis d’écologie et d’économie. Ce changement de paradigme est pour Louise
Guay au cœur des problématiques des marques automobiles, qui plutôt que de s’en
inquiéter devraient apprendre à y voir de nouvelles formes d’innovation possible (Ce
que Audi, BMW ou Daimler ont très bien compris52)
Les marques, en collaborant avec le Living Lab et les acteurs publics ont la
possibilité de redéfinir la notion de possession, de mettre en place un système de
transport alternatif en plaçant l’usager au centre des problématiques, de réfléchir aux
nouvelles formes de financement ou de partenariat possibles afin de démocratiser de
l’accès aux différentes infrastructures publiques et commerciales de la ville, et
52
Cf exemples cités dans la première partie.
26
réduire l’empreinte écologique. Le projet central du Living lab, qui devrait voir le jour
courant 2013, est une plateforme de négociation et de collaboration, visant à
promouvoir l’économie locale, à récompenser les usagers des transports alternatifs
et axée sur des principes de ludification.
Le principe : les marchands et entreprises de la ville achètent des crédits de jeu
auprès des sociétés de transports de Montréal, en échange, c’est dans leurs
boutiques que les usagers pourront venir dépenser les points accumulés gagnés en
délaissent leurs voitures au profit des transports en commun, du co-voiturage, du Bixi
ou de la marche à pied. Comme le fait remarquer Louise Guay, pour arriver à de
nouvelles solutions, il est nécessaire de prendre en compte et collaborer avec tous
les acteurs du marché : Cette plateforme ne pourra être mise en place que si les
sociétés de transport publics et les marques travaillent main dans la main, en se
servant du Living Lab comme consultant et médiateur auprès des usagers afin de
créer une application utile et profitable à tous. Elle critique ainsi les initiatives trop
superficielles ou menées individuellement, constatant que les consommateurs ne
sont pas dupes et détectent facilement les projets o l’investissement des marques
n’est que superficiel et publicitaire : Bien que la démarche de Desjardin, Rio Tinto
Alcan et Telus à Montréal relève de la dépublicitarisation, les Montréalais n’y voient
qu’une nouvelle forme de publicité intrusive, et ne se privent pas de le faire savoir en
vandalisant les logos des vélos.
Pour eux le financement représente d’avantage un achat médias qu’un réel
investissement dans le projet, déjà parce que les sommes versées par les marques
ne couvrent qu’une petite partie des frais de dépense du service, mais également
parce que cela reflète une « appropriation » du projet plutôt qu’une vraie réflexion,
les entreprises ayant simplement « récupéré » le projet pour faire valoir un soit
disant engagement citoyen, elles ne se sont à aucun moment assises avec les
pouvoirs publics et les usagers pour le mettre en place. Ainsi il n’existe pas
d’application mobile officielle, et ce alors que Telus est une des plus grandes
compagnies de télécommunication en Amérique du nord.
27
Claude Faribault cite également l’Autobus des créateurs, un concours réalisé durant
la conférence internationale C2 MTL53 en mai 2012, en partenariat avec la Ville de
Montréal, la Société de transport de Montréal (STM) et Telus, où de jeunes
développeurs étaient invités à monter et travailler dans un bus sillonnant la ville, afin
de trouver des solutions aux problèmes de transport à Montréal de développer un
projet web ou mobile à partir des ensembles de données ouvertes par la Ville de
Montréal et la STM. Pour alimenter le travail des développeurs présents dans
l’autobus, la Ville de Montréal libérait de nouveaux ensembles de données dans de
nombreux domaines dont les pistes cyclables, l’hydrographie, les données de la
voirie etc.
Si l’initiative est à priori louable, sa réalisation se montre en revanche plus délicate,
un bus scolaire n’étant pas franchement un endroit adapté pour le travail en équipe
(pas de bureau, un accès WiFi très faible, une chaleur écrasante etc.) Ici,
l’engagement de Telus n’aura été qu’iconique, puisque la marque se sera
simplement contenté d’apporter un soutien financier. Si ici on déplore tout au plus
des conditions de travail absurdes, le manque de collaboration et d’écoute peut
entrainer de lourdes conséquences pour les compagnies.
Claude Faribault cite ainsi le BMW Guggenheim Lab, sorte de living lab temporaire et
mobile, réunissant architectes, artistes et scientifiques afin de discuter de problèmes
de développement urbain actuels, qui devait ouvrir ses portes à Berlin mais a reçu un
très mauvais accueil des habitants. Le projet a été retardé de trois semaines et a dû
s’installer dans un quartier plus excentré que ce qui avait été initialement prévu,
suite aux menaces de violence provenant de militants d’extrême gauche, et aux
plaintes des riverains. Un site internet et une pétition s’opposant à l’arrivée du lab
avaient étés mis en place en soulevant que le projet signifiant une prise de valeur du
terrain et donc une augmentation croissante des loyers. En effet ce type de projet
artistique et culturel signifie un afflux de touristes et entraîne une hausse importante
des loyers et de la vie quotidienne, ce qui a été jugé inacceptable de la part des
Berlinois, reprochant à BMW et au musée de venir faire du profit sans avoir consulté
53
http://createurs.ville.montreal.qc.ca/ C2-MTL est un événement de trois jours, mis en place par l’agence de
publicité Sid Lee, en collaboration avec le Cirque du Soleil, Fast Company et IBM, mis en place afin de trouver des réponses créatives à des questions commerciales. L’évènement accueillait divers ateliers , conférences et groupes de discussions en collaboration avec la ville et la région de Quebec.
28
les riverains, et en dépit de leur avis. L’affaire était remontée au plus haut niveau des
autorités locales, qui avaient du intervenir et prendre la décision de délocaliser le
projet plus loin entraînant de nombreuses répercussions sur l’image du constructeur
automobile et du musée. La ville est bel et bien une vitrine potentielle pour un produit
ou une compagnie, pourvu qu’elles apprennent à consulter pouvoirs publics et
usagers, sous peine de devenir intrusives, ou de saturer l’espace urbain par des
campagnes publicitaires invasives.
Pour reprendre notre hypothèse initiale, il est certain que l’investissement de la
ville intelligente s’inscrit dans une logique de dépublicitarisation. Toutefois les
marques doivent maintenant aller au-delà de la dimension de support médiatique
qu’offre la ville intelligente, pour se diriger dans une optique de prospective urbaine,
en collaboration avec les acteurs du secteur, afin de proposer des solutions
intelligentes à l’écoute des usagers. Lorsqu’on analyse le terme « intelligence »
selon les définitions proposées par les dictionnaires Larousse54 et le Trésor de la
langue française informatisée55 on remarque la récurrence de plusieurs
thèmes entourant le concept d’intelligence, à savoir l’aptitude ; (soit la capacité, la
compétence reconnue ou la disposition naturelle) la notion de but et le choix des
moyens pour atteindre ce but ; la compréhension de l’environnement et des enjeux et
enfin l’action.
En comparant les définitions du concept « d’intelligence » avec la définition de la
ville intelligente donnée lors de la conférence Future Internet Assembly à Ghent en
Belgique en décembre 201056, on pourrait imaginer quelle serait la ville intelligente
dans laquelle les marques évolueraient : Une ville astucieuse, qui se construit selon
54
Intelligence, nom féminin (latin intelligentia, de intelligere, connaître) Désigne l’Ensemble des fonctions
mentales ayant pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle mais également l’ aptitude d'un être humain à s'adapter à une situation, à choisir des moyens d'action en fonction des circonstances, Qualité de quelqu'un qui manifeste dans un domaine donné un souci de comprendre, de réfléchir, de connaître et qui adapte facilement son comportement à ces finalités, Dictionnaire Larousse 55
[Dans des circonstances nouvelles pour lesquelles l'instinct, l'apprentissage ou l'habitude ne dispose
d'aucune solution] Aptitude à appréhender et organiser les données de la situation, à mettre en relation les procédés à employer avec le but à atteindre, à choisir les moyens ou à découvrir les solutions originales qui permettent l'adaptation aux exigences de l'action. Trésor informatisé de la langue française 56
« Une ville peut être qualifiée d’intelligente quand les investissements en capitaux humains, sociaux, en
infrastructures de communication traditionnelle (transports) et moderne (NTIC) alimentent un développement économique durable ainsi qu’une qualité de vie élevée, avec une gestion avisée des ressources naturelles, et ce à travers une gouvernance participative. »
29
les usages, une ville capable de comprendre et de s’adapter à son environnement
(citoyens, acteurs privés et publics) afin de choisir les moyens d’actions en fonction
du but à atteindre.
Par extension, une marque associée à une ville intelligente serait alors une marque
qui vient s’inscrire dans l’inconscient (ou le conscient) collectif comme une marque
intelligente, focalisée sur les usages du citoyen, sachant s’adapter aux besoins, aux
attentes, et s’adapter aux problèmes urbains pour simplifier et améliorer
concrètement le quotidien des citadins. Proposer des solutions urbaines intelligentes
assurerait ainsi aux marques une image positive, à la fois innovante et soucieuse de
l’environnement dans lequel elle s’inscrit. Pour cela, de nombreux imaginaires
créatifs s’offrent à elle, que nous allons dès à présent étudier dans une seconde
partie.
30
II. La ville intelligente comme nouvel horizon créatif:
Appropriation et réappropriation de ses territoires et
imaginaires par les marques
La ville, quelle soit réelle ou réinventée, imaginaire ou imaginée, a toujours
constituée un espace représenté à travers les diverses productions médiatiques
que sont la peinture, la littérature, la représentation cartographique, puis la publicité,
le cinéma, etc. ainsi qu’un espace de représentation, pour les acteurs qui viennent
s’y intégrer. La ville est depuis longtemps un sujet d’inspiration pour les marques,
qu’elle soit contemporaine ou futuriste : Depuis les villes robotisées ( Suntory - The
bar ou Puma - Until Then ) en passant par les villes ludifiées, terrains de jeu à ciel
ouvert ( Nike - Tag ou Nissan Qashqai ), celles reprenant les codes des jeux vidéos (
Nike- Game on, World) jusqu’aux villes dystopiques ( Verizon Motorola Droid Bionic –
Arena)57 Toutes sortes de représentations , de projections et d’imaginaires ont étés
utilisés par toutes sortes de marques.
Durant l’atelier « Ville imaginaire, ville imaginée, comment s’y retrouver? » organisé
l’an dernier à Montréal, Céline Poisson, enseignante à l’ École de design, Université
du Québec à Montréal rappelle comment depuis l‘imaginaire entourant la Rome
antique, en passant par le Paris haussmannien, jusqu’à Las Vegas « les images et
discours sur la ville se construisent, se complexifient au gré des désirs, des
aspirations et des fantasmes d’acteurs aux intérêts divers jouant ainsi un rôle
essentiel dans la représentation sociale et la construction identitaire urbaine. »
Comme on l’a vu dans une première partie, les marques aujourd’hui essaient de
plus en plus de devenir des acteurs importants du développement de la ville
intelligente, elles pourraient donc façonner cette nouvelle cité au gré de leurs désirs
et aspirations, et donc participer à la construction identitaire.
57
Toutes les références publicitaires de la ville du futur sont dans le corpus page 65, la ville ludifiée pages 66 et
67.
31
Comment les marques pourraient-elles projeter leur vision de l’urbanité ? Nous
commencerons ici par analyser les trois principaux concepts et leurs sous-concepts
qui entourent la ville intelligente et la façon dont ils peuvent être utilisés par les
marques. Que signifient-ils, comment peuvent-ils être appréhendés par les
marques ? Quels sont les imaginaires, les valeurs, les symboliques qui gravitent
autour de ces concepts pouvant être exploités par les marques ? Après avoir
analysé la sémantique de ces concepts, et les imaginaires qu’ils transportent, nous
tâcherons de voir comment chacun d’eux peut être amené à se concrétiser
ensemble ou séparément au niveau des stratégies de communication des marques.
A. Smart city et streetsmart brands
Si l’on reprend encore une fois la définition de l’intelligence on note que les notions
d’aptitude et d’adaptation reviennent beaucoup. Comme on l’a vu dans la première
partie, la ville intelligente est une ville astucieuse, qui se construit selon les usages,
une ville capable de comprendre et de s’adapter à son environnement, ce qui
suppose que ses habitants sachent faire de même. Ces notions « d’aptitude » et «
d’adaptation » en milieu urbain renvoient d’ailleurs vers la terminologie anglo-
saxonne « streetwise » ou « streetsmart »58 désignant une personne possédant les
astuces nécessaires à la survie dans l’environnement urbain, concept souvent traduit
en français par « débrouillard » ou « astucieux » perdant ainsi la dimension urbaine
du terme anglais. L’adjectif « streetsmart » qualifie également une personne
connaissant les « bons plans » les lieus secrets, les moindres recoins de la ville où
elle se déplace.
De nombreuses marques s’appuient sur ce concept et ancrent leurs campagnes de
communication dans le territoire créatif du « streetsmart » : Le collectif Soundwalk
59propose ainsi des guides audio téléchargeables sur internet. Il suffit d’écouter tout
en marchant les indications et les histoires racontées par les guides pour découvrir
une vingtaine de villes et leurs secrets.
58
- Adj, informal : having the skills and knowledge necessary for dealing with modern urban life. Word
reference 59
http://cxa.typepad.com/creative_exchange_agency/2011/03/now-representing-soundwalk.html
32
Le groupe a également travaillé avec différentes marques dont Louis Vuitton lors des
jeux Olympiques de Beijing en 2008 ou encore Puma lors de la coupe du monde de
football en Allemagne en 2010. Autres exemples : Adidas a mis au point en 2009 une
application mobile répertoriant les meilleurs graffitis et fresques murales de Berlin et
Hambourg et prévoit de faire de même pour d’autres capitales européennes tandis
que Nike a lancé « Nike True city » une application iPhone où les fans peuvent
laisser commentaires et opinions sur leurs endroits préfèrés dans les villes où ils
résident, afin d’établir une cartographie de la « Nike True city ». L’application prévient
également les fans avant tous les autres consommateurs de l’arrivée de nouveaux
produits dans leurs villes ou du lancement d’événements.
Nike est d’ailleurs un formidable exemple de ces marques qui mettent en scène la
ville comme terrain de jeu, et incarnent parfaitement l’introduction du « streetsmart »
dans le phénomène de mobilité et ludification urbaine, phénomènes ayant toute leurs
place dans les problématiques de la ville intelligente. Talya Bigio, architecte et co-
fondatrice de la rubrique architecture des Lettres Françaises explique que les
marques, et Nike en particulier, se sont appropriées le thème de la ludification
urbaine suite aux transformations des valeurs sociales vers le divertissement :
[Dans les publicité Nike] Dans les années 90, la publicité montrait l’image d’un
cycliste qui montait péniblement une montagne. La publicité privilégiait alors la
volonté et le dépassement héroïque de soi. Aujourd’hui, la publicité privilégie
les situations de loisir dans l’espace urbain. La publicité pour les chaussures
Nike met en scène un jeune homme engagé dans une course-poursuite dans
le métro. L’espace urbain est transformé en lieu de jouissance et d’action. A
l’image du mode ludique des jeux vidéo, le personnage est une figure de
l’éternel adolescent qui s’invente le modèle d’une cité qu’il peut librement
parcourir en tous sens.60
60
Talya Bigio, « Technopolis ou les paradoxes de la visibilité », Communication et organisation [Online], 32 |
2007, Online since 01 December 2010, connection on 15 August 2012. URL : http://communicationorganisation.revues.org/276
33
Dans ce spot publicitaire, la ville est un terrain de jeu (les habitants jouent à «
chat ») et le jeu se prolonge online, puisque les consommateurs sont invités à se
mesurer les uns aux autres en chronométrant leurs performances grâce au système
iPod (ou plus récemment à l’application Nike + tag.) et à partager en ligne les
résultats de leurs courses afin de comparer leurs aptitudes.
Nike a également lancé Nike Grid à Londres en 2010 invitant ses fans à parcourir
Londres en courant en vue de conquérir des quartiers. Pour ce faire, les joueurs
devaient se rendre dans les cabines téléphoniques brandées aux couleurs de la
marque et appeler un numéro afin de remporter le badge du quartier, le but du jeu
étant évidemment de courir plus pour remporter plus de badges. La campagne
exploite et détourne ici le mobilier urbain en le couplant avec la géolocalisation et la
gamification61 dans une grande quête o l’envie naturelle de se mesurer aux
coureurs locaux et l’attachement à leurs quartiers assurait une participation de la
part des coureurs. Nike se base ici sur l’insight selon lequel des joggeurs du même
quartier se défient naturellement en se croisant. De surcroit, la marque parie sur le
fait que plus un joueur connaît la ville comme sa poche et plus il est assuré de
gagner, en passant par des raccourcis inédits ou secrets. La campagne leur permet
ici de devenir les « rois du quartier » tant grâce à leur aptitude à courir plus vite que
les autres que grâce à leur maîtrise de l’espace urbain.
Autre exemple de streetsmart brand, le projet « Musée Ephémère » une initiative
ludique mêlant street art et revalorisation de l’espace urbain, mise en place par le
rhum Pampero à Lisbonne et permettant aux usagers de découvrir les œuvres des
murs de la ville : Sur le site web de la marque on peut télécharger gratuitement une
carte répertoriant tous les graffitis du Bairro Alto, quartier populaire connu pour ses
fresques murales mais perdant peu à peu son dynamisme passé. Un guide audio
était également mis à disposition, afin d’obtenir plus d’informations sur les œuvres.
61
La ludification ou gamification, est le transfert des mécanismes du jeu dans d’autres domaines, en particulier
des sites web, des situations d'apprentissage, des situations de travail ou des réseaux sociaux. Son objet est d’augmenter l’acceptabilité et l’usage de ces applications en s’appuyant sur la prédisposition humaine au jeu. [owni.fr/2012/06/07/la-culture-des-jeux-video-est-aux-fraises/ « C’est pas du jeu »], Owni.fr, Anaïs Richardin, 7 juin 201
34
Si on les compare aux initiatives de vélos en libre service, d’auto-partage ou de mise
en place de living lab, il est évident que ce genre de projet ludique vient s’inscrire
dans une dimension à moindre échelle, toutefois ils permettent à une marque de
s’intégrer dans une prospective d’innovation en s’affranchissant de la dimension
institutionnelle, en se positionnant comme de vraies marques urbaines tout en
préservant ( ou en créant de toute pièces ) une certaine impertinence, exclusivité ou
« street credibility » .
L’imaginaire de la « street » est vaste et se décline dans de nombreux domaines,62
comme le sport (le skate, le basketball de rue, le football de rue), le graffiti et les
installations artistiques urbaines (qu’on appelle communément streetart), le style
vestimentaire (de nombreuses marques – dont Adidas - revendiquent l’appellation
streetwear ) mais également la nourriture ( L’une des tendances majeures de 2010
ayant été les restaurants streetfood installés dans des camion ambulants annonçant
leurs venue grâce aux réseaux sociaux) Cette multitude de connexions permettent
ainsi possiblement à un grands nombres de marques aux origines et aux fonctions
diverses de venir s’établir dans les rues des villes intelligentes.
De plus, le concept « Streetsmart brand » possède une dimension plus locale, c’est
une expérience ou un service ludique à l’échelle d’une rue ou d’un quartier (Adidas,
Musée Ephémère ou Nike Grid) ou d’une communauté (Nike Tag, Nike True City,
Soundwalk ) qui permettent – en théorie - de souder ces quartiers ou communautés
autour d’un intérêt, ou d’un patrimoine commun. En effet, si ces projets ont en
apparence l’air plus simples à mettre en place d’un point de vu financier, ils
nécessitent la collaboration du public, à la fois des collectivités locales, mais
également des riverains, et demandent surtout à la marque de maîtriser, partager et
connaître les codes, intérêts et valeurs des communautés ou des quartiers à qui
elles s’adressent.
62
Planète street : cultures urbaines des cinq continents / Roger Gastman ; Caleb Neelon ; Anthony Smyrski. - Paris : Pyramyd, 2007.
35
Lorsqu’adidas a lancé son application les critiques ont étés vives, la marque ayant
été accusée de « récupérer » le mouvement street art à des fins publicitaires. En
effet l’application était payante, mais aucun des artistes ayant été répertoriés par la
marque n’a reçu de rémunération, et ce, alors qu’adidas utilisait les visuels lors de
ses communications. Quand au rhum Pampero, si la marque avait d’abord consulté
les artistes, c’est les riverains qu’elle avait oubliés La valorisation des graffitis n’est
pas au goût de certains commerçants et résidents du quartier, qui n’y ont pas vu une
tribune d’expression mais au contraire une incitation à vandaliser les murs du
quartier. Soutenus par des élus de l'opposition, les riverains ont convaincu la mairie
de Lisbonne de faire nettoyer deux rues du quartier et ont fait installer des caméras
de vidéosurveillance afin de dissuader les éventuels vandales.
Cette notion de participation, d’inclusion de la sphère publique se rattache d’ailleurs
à notre première partie, où nous avions détaillé l’importance du earned medias, et de
la prise en compte des usagers et citoyens dans les stratégies de communication, et
vient maintenant faire l’objet d’une étude plus approfondie.
B. Participation, proximité et dialogue
Participation, proximité et dialogue. Les trois maîtres-mots de la communication au
XXIème siècle, qu’elle soit politique, institutionnelle et bien entendu publicitaire. On
l’a vu, les nouvelles pratiques numériques ont chamboulé le schéma classique
émetteur-récepteur, aujourd’hui internet et les réseaux sociaux ont donné la
possibilité à tout le monde de participer, dialoguer, émettre un avis ou critiquer,
inspirant aux acteurs privés et publics de nouvelles idées, que cela soit à travers le
crowdsourcing 63ou la volonté d’une démocratie participative.
63
Le crowdsourcing est la pratique qui correspond à faire appel au grand public ou aux consommateurs pour
proposer et créer des éléments de la politique marketing (choix de marque, création de slogan, création de vidéo). Les prestataires amateurs peuvent alors être récompensés ou rémunérés. Source : http://www.definitions-marketing.com/Definition-Crowdsourcing
36
La notion de « gouvernance participative64 » étant incluse au cœur de la définition
de la ville intelligente, on peut donc déclarer que l’importance croissante de cette
mobilisation des acteurs, s’inscrit dans une redéfinition des façons de construire
l’intérêt général. Au sujet de cette nouvelle gouvernance urbaine, Saskia Sassen,
professeur de sociologie et co-présidente du Comité pour la pensée globale de
l’université de Columbia déclare :65
On peut imaginer qu’une telle organisation donnerait lieu à une conversation
générale, non seulement entre les résidents et les personnes qui dirigent la
ville, mais aussi horizontalement, entre les citoyens qui comparent leurs
impressions. Cela pourrait mener à un nouveau genre de réseau open source,
dans lequel le principe de détection des problèmes de code du logiciel serait
remplacé par un principe d’amélioration du système et de résolution des
problèmes par la collectivité urbaine. C’est ce que j’appelle « l’urbanisme open
source ».
Ce que Saskia Sassen avait imaginé en 2011, les applications Beecitiz, ou encore
FixMyStreet l’ont réalisé. Le principe : Une carte participative qui permet aux
citadins de rendre compte de problèmes sur la voirie et, aux services municipaux de
leur répondre. Les requêtes sont postées autour de quelques grandes catégories
(espaces verts, voirie, éclairage...). La mairie Paris IV a été une des premières à
expérimenter ce service et après un an quelques 100 signalements ont été fait, et
plus de 700 téléchargements de l'appli Paris4 sur Iphone et sur Androïd ont été
répertoriés.66 Ce nouvel outil de géolocalisation participatif répond ainsi aux
exigences actuelles des citoyens envers leurs services publics : la réactivité,
l’immédiateté, la proximité et le dialogue. D’un côté, les habitants en participant
améliorent leur environnement immédiat et les élus quant à eux voient leur notoriété
augmenter et leur image s’améliorer.
64
La Gouvernance Participative est l’exercice de l’autorité économique, politique et administrative par les citoyens et les officiels, pour gérer les affaires de la société à tous les niveaux. 65
Dialogue sur la ville de demain avec Saskia Sassen http://www.sfr.com/les-mondes-numeriques/sfr-
player/11142011-1259-dialogue-sur-la-ville-de-demain-avec-saskia-sassen 66
http://www.mairie4.paris.fr/mairie04/jsp/site/Portal.jsp?document_id=2223&portlet_id=119
37
A l’échelle d’une marque, ce genre d’initiative est à relever du côté de la SNCF :
Ainsi la plateforme Transilien Open Data s’appuie sur la participation des usagers,
pour proposer des idées d'applications mobiles dans une démarche d'appropriation
des outils numériques en mobilité, mais aussi dans un processus d’open data,
lentement mis en place par la SNCF. Accessible à tous, le concours Open app (
organisé par l’agence publicitaire June 21 ) a récompensé en mai 2012 les
applications les plus intelligentes.
Le jury a choisi de récompenser Transifoule, une application renseignant
« l'affluence quotidienne sur chaque Transilien pour optimiser son trajet et de fait
participer à la régularisation du trafic en gares. »67 L'application se couple à d'autres
services proposés dans le concours comme la possibilité de rencontrer des profils
similaires ou au contraire d'éviter un train trop masculin le soir.
67
http://opendata.transilien.com/concours-openapp/transifoule/
38
Autre idée d'application, Colis Train, qui transforme le voyageur en livreur à temps
partiel68 :
"L'application proposée permettrait à des voyageurs de se confier des
livraisons de tous types (colis, lettres, fleurs...). L'expéditeur dépose une
requête dans laquelle il décrit les stations de départ et d'arrivée ainsi que la
nature de la livraison (poids, délai...). Un voyageur peut accepter cette requête
et ils conviennent alors d'un tarif qui idéalement est gratuit. De la même façon
tout voyageur peut indiquer les trajets qu'il réalise et proposer ses services
pour effectuer une livraison. Ce type d'application peut s'effectuer en
partenariat avec un site type colis-covoiturage."
Au-delà de l’aspect écologique et de la possibilité d’augmenter un peu les revenus
des usagers, cette initiative répond également à un réel problème rencontré dans
certaines ZUS69, o les livreurs n’osent plus s’aventurer, privant les habitants de leurs
colis (et de leurs droits !)70 Si pour l’instant ces deux applications sont simplement
envisagées par la RATP, le processus décrit dans la deuxième commence à se
mettre doucement en forme : à Seattle et à New York, Amazon expérimente
actuellement un système de consignes, installés dans les supérettes Seven Eleven,
possédant des enseignes dans tous les états du pays.
Ces nouvelles initiatives basées sur la mobilisation citoyenne contribuent à
l'élargissement des possibles, en termes de créativité. On pourrait ainsi imaginer des
services et applications à mettre en place grâce à la mobilisation citoyenne voire au
crowdfunding, à l’image de la « Plus pool »71 un projet de piscine flottant dans la
rivière Hudson à New York. Pour réaliser ce projet les designers ont ouvert un
compte kickstarter, afin de recevoir des dons des habitants et commencer à
construire la piscine avec l’accord des autorités locales.
68
http://opendata.transilien.com/concours-openapp/colis-train/ 69
zone urbaine sensible 70
http://www.lepoint.fr/societe/pas-de-livraison-de-colis-en-zone-urbaine-sensible-14-08-2012-
1495911_23.php 71
http://www.pluspool.org
39
Ce genre d’initiative serait parfaitement envisageable à l’échelle d’une marque soit
au niveau du financement, soit au niveau des décisions à prendre (emplacement,
design du projet etc.) Dans la veine des compagnies qui demandent de l’aide aux
consommateurs et jeunes designers pour concevoir un spot télé, un logo etc. ces
initiatives vont plus loin et proposent un résultat concret, ouvert, utile et accessible à
tous. La mobilisation et le dialogue citoyen pourraient amener les marques à
s’intéresser à l’aménagement urbain en collaboration avec les citadins, pourvu
qu’elles y perçoivent un moyen de renouveler leurs fonctions et leur image, en
proposant non plus des produits mais des services des services utiles à la
communauté. Les nouvelles formes d’appropriations de l’espace urbain par les
marques ou les possibles partenariats public-privé ouvrent de grandes perspectives
tant pour les acteurs privés que pour les acteurs publics, à court de financement,
mais cherchant néanmoins toujours de nouveaux moyens de montrer le dynamisme
et l’attractivité de leurs villes.
De plus, à partir du moment où se sont les citoyens qui investissent massivement
(intellectuellement et financièrement) en connaissance de cause dans les projets
proposés par les marques, les collectivités locales ont davantage de chance d’avoir
l’opinion publique de leur côté, essayant ainsi d’éviter de se faire taxer d’opportuniste
ou de faire le jeu des multinationales.
C. Imaginaire de la ville intelligente : entre utopie naïve…
Il est intéressant de noter que la plupart de ces communications, qu’elles soient
médias ou hors médias possèdent toutes une double temporalité : Inscrire sa
marque dans la ville intelligente c’est naturellement l’inscrire dans le présent, et faire
valoir son dynamisme, son côté précurseur, innovant, tendance voire comme on l’a
vu plus haut lui donner une certaine « street credibility ». Mais c’est également
l’inscrire dans une temporalité future en pariant sur la ville intelligente et ses
technologies on projette la marque dans le futur, on lui conçoit une longévité, on
avance vers le progrès, on se place dans une démarche de projection souvent un
peu utopique.
40
La problématique de la cité idéale est loin d’être récente et se décline de multiples
façons depuis la “Callipolis” de Platon (La République) jusqu’aux grandes utopies
urbanistiques du XXe siècle en passant par les u-cities72 , comme Songdo73 en
Corée , ou encore les villes 100% écolo comme Lilypad74. Il est certain que les
grandes ambitions sociales, technologiques, écologiques et politiques de la ville
intelligente lui confèrent à priori une dimension de « ville idéale », il est donc logique
que les marques se soient aventurées sur ce territoire. Toutefois certaines de ces
projections, et ce à la différence des marques évoquées plus haut qui exploitent des
territoires et imaginaires très ancrés dans le réel, tendent souvent à ressembler à
une ville utopique aseptisée, uniformisée, voire déshumanisée, pour reprendre
Françoise Choay.75
Ainsi, les récents spots Samsung pour la tablette Galaxy Note en 2010 suivis d’une
campagne pour le smartphone Galaxy Note en 2012, présentent tous une ville
moderne, aseptisée et lisse, mais qualifiée d’ « idéale ». Ainsi dans un des films
(Work) un jeune homme travaille pour un projet économique sur la ville idéale,
présentant de jolis camemberts de parts de marché et autres diagrammes en bâton
analysant la satisfaction client. Derrière cette publicité somme toute assez banale, on
trouve en réalité une réalité urbanistique : Les dénominations « intelligente »,
« numérique » ou «ville du futur » de plus en plus employées par les métropoles
dans leurs stratégies de branding révèlent leur volonté d’attirer les classes créatives
et supérieures, garant du dynamisme économique de la ville, en leur promettant des
installations culturelles et technologiques dernier cri.
72
Une ville ubiquitaire, ou u-city est une ville hyperconnectée, où tous les systèmes d’information sont liés. 73
Songdo est une nouvelle ville en construction près de Séoul, à Incheon, en Corée du Sud. Construite de toute pièce, la
ville, verte et intelligente, inaugurera, en2018, sa centaine de buildings, couverts de toits végétaux et de panneaux solaires., parcourus de milliers de kilomètres de câbles collectant, traitant et utilisant les moindres données émises par ses habitants. Son concepteur, la société Gale, espère vendre prochainement ce concept de « ville en kit » à une vingtaine d’agglomérations en Asie. Source :. http://www.maxisciences.com/ville/songdo-la-ville-du-futur_art25808.html 74
Lilypad est un concept de l'architecte Vincent Callebaut, un modèle de ville à 100% écolo, qui flotte au large de nos
côtes
75
Entretien de Françoise Choay avec Thierry Paquot, 1994. http://www.franceculture.fr
41
A travers la présentation des capacités du téléphone Samsung projette ainsi sa
vision de l’urbanité, à savoir une ville dynamique grâce à ses cadres supérieurs. Si
on peut émettre certaines réserves devant cette construction d’une ville-produit un
peu lisse dans laquelle les citadins sont des clients, il faut tout de même reconnaître
que la marque exploite le territoire du « projet » et de la « construction » de la ville
idéale, et laisse toute la place à l’imagination : la publicité ne montre pas
physiquement la ville, mais se contente de montrer comment la marque peut aider
les individus à la façonner, aux grés de leurs envies. Ainsi une seconde vidéo
exploite également cette notion de projet urbain avec beaucoup plus de candeur
cette fois : Dans le spot « Laissez libre cours à votre créativité » la ville idéale ne se
markette pas, elle se rêve et se dessine. Le citadin bricole lui-même sa « ville idéale
» en commençant par intégrer un bâtiment iconique et moderne (ressemblant à
l’opéra de Sydney) dans le paysage tout aussi iconique (pour ne pas dire cliché)
d’une mer bleu turquoise scintillante.
On retrouve cette vision de la ville idéale et aseptisée dans deux autres films (
Galaxy Note - Create et Galaxy Tab – official Release ) : Le décor carton-pâte
rappelle les rues marchandes de Disneyland, la ville-privée Celebration76 ou encore
les banlieues résidentielles américaines proprettes et uniformisées d’ Agrestic et
Wisteria Lane dans les séries TV Weeds et Desperate Housewife. La ville est si
paisible et policée qu’elle paraît quasiment désuète : Dans les rues du spot
« Create » on voit un vieux landeau monté sur des hautes roues, installé devant des
musiciens ambulants jouant de l’accordéon, dans le spot Galaxy Tab on aperçoit des
rails de tramway séculaire et des voitures de collection, quand aux passants et
protagonistes des deux films, ils arborent tous un look preppy-retro des plus sages.
Comme le note Philippe Gargov, le plus intriguant dans le décor du film Galaxy Tab
réside dans le fait que la ville représentée est sensée être New York :
76
Celebration est une ville privée américaine, située dans le centre de l'État de Floride, à quelques kilomètres
d'Orlando. Elle a la particularité d'avoir été créée, développée et d'être administrée par la Walt Disney Company. Elle devait être en quelque sorte la réalisation du projet lancé par Walt Disney d'une ville idéale
42
Alors qu’habituellement, les publicitaires se contentent de quelques taxis
jaunes ou d’un plan sur l’entrée d’un métro, facilement identifiables, le spot
choisi ici d’afficher son identité territoriale grâce aux panneaux indiquant la
direction de Broadway ou Central Park. C’est d’autant plus surprenant que l’on
n’est clairement pas à New York.
La ville que nous présente Samsung est lisse, propre, dépouillée et calme, loin de
l’effervescence technologique, urbaine et humaine un peu grouillante attribuée
généralement à New York. On peut y voir ici le choix de la marque de présenter sa
propre vision de ce que devrait être une ville moderne et idéale. Si la marque
s’écarte du cliché « Times Squares et ses écrans géants » c’est bien entendu pour
montrer qu’une autre ville, plus sereine et chaleureuse est possible, mais c’est
surtout pour s’éloigner des imaginaires de la ville numérique. La marque laisse la
porte du champ des possibles grande ouverte Ici, la modernité, l’innovation et
l’intelligence viennent des usages que l’on fait de l’outil, et non pas de la ville elle-
même. En somme, la ville du futur se construit par le biais des objets et des
interactions des citadins.
En haut à gauche, la publicité Samsung Galaxy Note - Spot TV Create ( 2012) En bas à gauche, les boutiques de Disneyland Tokyo. En haut à droite, la publicité Samsung Galaxy Tab Official Release (2010) En bas, à droite, la ville de Wisteria Lane dans la série Desperate Housewives.
43
D. …et dystopie cyberpunk ?
En réalité, si l’on s’attarde sur la dimension «technologie et modernité » de la ville
intelligente , dimension qui comme on l’a vu précédemment est souvent trop mise en
avant au détriment des autres paramètres, on s’aperçoit très vite que les imaginaires
et les projections entourant ces concept sont révélateurs de nombreuses peurs, et
penchent souvent vers la paranoïa aigue, raison sans doute pour laquelle Samsung
a préféré rassurer ses consommateurs en utilisant une ville uniformisée et coquette
plutôt que de mettre en avant un prototype de ville du futur.
La technologie est en train de profondément modifier les interactions entre les
acteurs des villes (à défaut de modifier profondément leurs infrastructures) et
engendre une nouvelles condition urbaine, se caractérisant selon Robert David
Kaplan77 journaliste économique américain, par six facteurs, englobant autant d’effets
positifs que d’effets pervers.
1. Omniprésence des réseaux : les réseaux sont de plus en plus banalisés, au
sens où ils véhiculent indifféremment toutes sortent de contenu.
2. Internet des objets, autrement dit l’intelligence ambiante qui suppose
l’adjonction de puces aux objets, et donc l’enrichissement de leurs
interactions avec leur environnement.
3. Infrastructure informationnelle et le web sémantique : les données produits
par les objets intelligents sont potentiellement exploitables par les acteurs
privé ou publics. Quand au web sémantique, il permet la délivrance de
nouveaux services avec un impact sur la localisation de ces services
4. Tensions autour de la sécurité due au développement des TIC : risques de vol
des données numériques, peur que l’on utilise les TIC à des fins sécuritaires
(comme la vidéo-surveillance généralisée)
5. Risque de fracture numérique, géographique et générationnelle Ethique de
l’innovation : possible nécessité de mettre en place des mesures de protection
des libertés et des individualités, et d’un principe de précaution à l’innovation
numérique
77
D.Kaplan, Le territoire face aux nouvelles tendances technologiques, prospecTIC et territoires, conférence
Fing - octobre 2006.
44
Si la technologie permet des avancées considérables, elle n’en demeure pas moins
inquiétante aux yeux de nombreux citoyens, journalistes, urbanistes et architectes :
Reprenant les travaux du critique d’architecture américain Paul Goldberger, Serge
Wachter s’interroge sur la montée de cet environnement saturé d’informations et de
signes numériques et ses effets néfastes sur l’espace public et en termes de
dissolution du lien social et des lieux.
« En prétendant libérer les acteurs sociaux des contraintes de l’espace et du
temps, les réseaux numériques l’enfermeraient, en réalité, dans une bulle
individualiste.(…) Cela a pour effet de désincarner ou de réifier les rapports
des individus à l’espace public. De fait, un risque se présente qui pourrait
amplifier un penchant pour des relations sociales de plus en plus virtuelles et
de plus en plus déconnectées des espaces publics et lieux traditionnels où se
construit l’urbanité. » 78
Outre cette peur de la déconnexion du réel , couplée à la crainte que les futures
générations n’envisagent les relations sociales que via leur amis virtuels, les craintes
faces à la technologies sont nombreuses, il suffit de lancer une brève recherche sur
internet pour s’en rendre compte : Les articles de presse, blogpost, threads dans les
forums et autres débats en lignes sont innombrables, et révèlent une inquiétude
certaine, doublée parfois d’une paranoïa digne de la science fiction dystopique
« Faut-il avoir peur de la vidéo surveillance ?79 » « Étude d'Avira :86% ont peur pour
la sécurité de leurs données 80» « La perte de données et le vol d'identité inquiète les
internautes81 » « Les puces RFID : ça fait peur 82» « Cartes de crédit sans contact...
78
La ville numérique : quels enjeux pour demain ? par Serge Wachter, le 28/11/2011
http://www.metropolitiques.eu/La-ville-numerique-quels-enjeux.html 79
http://m.gilles.free.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=241:faut-il-avoir-peur-de-la-video-
surveillance-&catid=41:democratie-locale&Itemid=65
80 http://fr.canoe.ca/techno/mediassociaux/archives/2012/05/20120531-111435.html
81 http://www.ti-exclusif.ch/Dossiers/Informatique/les-internautes-se-sentent-de-plus-en-plus-menaces-par-la-
perte-de-donnees-et-le-vol-didentite.html
82 http://blog.ramenos.net/general/les-puces-rfid-ca-fait-peur/
45
et sans danger ?83 » « Faut-il avoir peur des nanotechnos ?84 » etc etc. Et pour
cause, quand on se penche sur les œuvres de science-fiction mettant en scène la
ville, la technologie semble toujours être à l’origine de créatures destructrices ou
être utilisée par des autorités malfaisantes pour contrôler l’humain, s’inscrivant dans
une vision d'un avenir désenchanté et aliéné aux progrès informatiques et
technologiques, condamnant les individus à des existences par procuration, ou
sordides.
Ainsi dans le film Matrix des frères Larry et Andy Wachowski85, « les champs des
corps humains » servent comme source d’énergie pour la ville des machines, les
humains étant connectés à « la matrice » un univers virtuel où ils pensent vivre, dans
le même genre Gravé sur Chrome 86de William Gibson raconte l’histoire deux
hackers, s’attaquant à Chrome, représentation virtuelle d'une entreprise totalitaire
maîtrisant tous les flux d’informations dans la ville.
Si les œuvres « Cyberpunk »87 ont autant d’impact sur l’imaginaire collectif de la ville
du futur c’est parce qu’elles évoluent dans une proximité temporelle avec le début du
xxie siècle : Les innovations technologiques présentées dans les films sont tout à fait
plausibles, et, plus troublant encore, certaines de ce projections imaginées dans les
années 1970-1980 sont devenues quasi réalisables ( la matrice ressemble beaucoup
à Internet et à la réalité augmenté, technologies qui n’existaient pas à l’époque) voire
prophétiques ( Les gynoïdes88, (robots-sexuels ayant l’apparence de femmes)
ressemblent aux robots prostitués dans le film A.I Intelligence Artificielle de Steven
Spielberg ou dans le manga Ghost in the Shell par Masamune Shirow)
83
http://affaires.lapresse.ca/finances-personnelles/bons-comptes/201102/11/01-4369454-cartes-de-credit-
sans-contact-et-sans-danger-.php
84 http://www.linternaute.com/science/technologie/dossiers/06/nanotechnologies/14.shtml
85 Toutes les références cinématographiques et littéraires sont répertoriées dans le corpus page 64.
86 Ibid
87Ibid
88 En juin 2006, Henrik Christensen du département Européen de recherché robotique déclarait “ les gens
auront des relations sexuelles avec des robots d’ici cinq ans », dans l’article « No sex please, robot, just clean the floor » publié par The Times (London). En réalité il n’aura même pas fallut cinq ans.
46
Bien sûr on peut voir ici une limite à l’utilisation de l’imaginaire de la smart city :
Puisque la technologie en tant qu’outil mal utilisé ou mal maîtrisé inquiète les
citadins, les marques doivent s’aventurer sur ce terrain de façon prudente,
notamment en ce qui concerne l’utilisation des données, sous peine de voir leurs
actions perçues comme envahissantes, ou violant les lois de protection numérique.
Toutefois, certaines marques arrivent à réutiliser et réinventer les codes du
cyberpunk, en se plaçant cette fois comme « sauveurs providentiels » et ce grâce à
la technologie : Dans la publicité Verizon Motorola Droid Bionic – Arena89, une
humaine se bat contre un robot dans une ville futuriste, et gagne en retournant la
technologie de la marque contre lui.
On peut voir ici dans le détournement des codes cyberpunk un nouvel horizon créatif
où les marques ne joueraient plus un rôle antagoniste, mais au contraire un rôle
d’adjuvant. Si l’on revient à notre hypothèse initiale, il parait donc envisageable de
considérer que la ville intelligente constitue bel et bien une nouvelle forme d’horizon
créatif, limité toutefois par les craintes d’une réalité dystopique de l’autre. Afin de
contourner cette limite il reste toutefois possible pour les marques de participer à la
construction identitaire de la ville intelligente en restant bien ancrées dans des
problématiques présentes.
Les initiatives streetsmart ludique et astucieuses ou encore les services élaborés en
collaboration avec les citadins sont deux moyens d’innover, d’améliorer le quotidien,
et de rester en osmose avec les thèmes de la ville intelligente. La ville intelligente
constitue un horizon créatif immense aux possibilités quasi infinies, dans la mesure
o les marques se concentrent sur des projets d’aménagements urbains locaux et
concrets et ne se projettent pas dans des prospectives de villes futuristes ou idéales
et utopiques, qui pourraient être potentiellement jugées inquiétantes ou au contraire
irréalistes et naïves par les consommateurs.
89
Toutes les références publicitaires répertoriées dans le corpus page 65.
47
En effet, concernant l’utopie, il est intéressant de constater que dans l’imaginaire
collectif, comme en urbanisme ou en philosophie, l’utopie est souvent considérée
comme un exercice d’imagination naïf, un projet idéal mais irréalisable qui ne prend
pas en compte le réel et les possibilités de concrétisation. Ainsi François Ascher90
déclare « La prospective est un art plus difficile que la prévision ou que l’utopie »
quand Armand Braun, prospectiviste et président de la SICS (Société internationale
des conseillers de synthèse) écrit : « L’utopie cherche à reconstruire à partir de rien.
Or, nous ne sommes pas de nulle part, nous avons une histoire biologique et une
histoire humaine. (…) Toute prospective se détache de l’utopie.»91 Si on revient sur
l’étymologie du mot, dans l’ouvrage Utopia de l’archevêque de Canterbury, Thomas
More, premier auteur a avoir donné un nom à ce genre en 1516, le nom grec topos
signifie « lieu » et « u » renvoie au préfixe privatif grec ou l’« utopie » désigne par
conséquent un non‐lieu, un lieu qui n’existe pas, un lieu imaginaire.
Dans une deuxième étymologie possible, si l’on retient non pas le préfixe « u » mais
« eu », « eu‐topos » signifie lieu heureux. L'utopie peut donc être définie comme un
lieu idéal imaginaire. Si l’on part du principe que l’œuvre utopique cherche à
produire un contraste, entre ce qui est, et ce qui pourrait ou devrait être, alors il faut
bien admettre que parfois la prospective urbaine incorpore de l’utopie, surtout quand
on touche à « la ville intelligente » : les possibilités créatives de la ville intelligente
sont souvent axées sur l’imagination plus que sur la réalisation ( ne demande-t-on
pas aux designers et consommateurs « d’imaginer » la ville ou les services du
futur ?) et ne tiennent pas toujours compte du réel, en particulier quand il s’agit de
prospectives axées sur la technologie, comme nous allons le voir à présent dans une
troisième et dernière partie.
90
La parabole des pratiques alimentaires, séminaire de prospective pour la cnaf, juin 2005. P111 91
http://www.prospective.fr/Bibliotheque/Les_mots_de_la_prospective.htm
48
III. Limites et recommandations
A. Utopies techniques et réalités urbaines
Les « utopies techniques » qui caractérisent les nouvelles villes idéales se
proposent de régler les grands problèmes sociétaux à travers la technique (fusion
thermonucléaire, hydrogène, captation et stockage du CO2, thérapies géniques,
OGM, robotique de mobilité…) en sous‐estimant parfois les effets pervers de ces
solutions. Un de ces effets pervers consiste selon Rem Khoolas à oublier que
l’architecture n’est pas – ou n’est plus – une forme construite destinée à marquer son
temps et son milieu mais un service susceptible d’être ponctuel et temporaire, dans
un contexte particulier, adapté aux usages et aux besoins des citadins, dont la
signification se fait en réponse à un programme, contrairement à l’art “ Le magasin
incite à la vente, le bureau optimise le travail et l’église abrite le recueillement”.92
L’architecture numérique (c’est-à-dire incluant les technologies digitales dans la
conception des édifices) encourage de plus en plus la starisation des architectes et
la surenchère de l’exploit technique l’architecture devient centrée sur l’édifice,
l’architecte crée un bâtiment iconique, révolutionnaire, sans tenir réellement compte
de la façon dont la technologie pourrait révolutionner les usages, innovant mais sans
tenir compte de l’éthique de la conception et de sa conceptualisation.
Dans « La ville interactive » Serge Wachter qualifie ces édifices « d’autistic
buildings » : bien que pourvu de propriétés communicantes ils ne sont en réalité que
les symboles de la société du spectacle et ne servent pas concrètement à grand-
chose. De plus, quand on sait que le temps qu’il faut à une technologie pour devenir
obsolète est devenu extrêmement court, le risque est alors que ces bâtiments
fonctionnant grâce aux systèmes intelligents deviennent obsolètes très rapidement.
92
Esthétique : cahier de notes inédit de Victor Cousin, Hegel. éd. Alain Patrick Olivier, Paris, Vrin, 2005
49
Cette problématique de la fracture des temporalités urbaines se retrouve également
au niveau des décisions des collectivités locales quand à l’installation de mobilier
urbain intelligent comme l’indique Jean-Philippe Clément chargé de mission TICC et
Innovation à la Mairie de Paris :
"Si elle décide de sa création et ses fonctions, une collectivité ne maîtrise pas
l'évolution potentielle d'un mobilier urbain pendant sa durée de vie souvent
longue (10, 15, voire 20 ans). A l'heure où le numérique induit des ruptures
technologiques tous les 3 à 5 ans, il est difficile de définir tous les dispositifs
présents et à venir que la ville souhaitera mettre en place dans son
développement numérique, dès la conception et le contrat initial du mobilier."93
De plus en plus "intelligents", les mobiliers urbains se sont vu attribuer de nouvelles
missions (Donner des prévisions météorologiques en temps réel, servir de guide
interactif pour les touristes etc.) en plus de celles pour lesquelles ils ont été crées (
Renseigner sur une direction, abriter les passagers attendant le bus, collecter les
déchets etc.) Depuis cette année dans le quartier londonien de la City des poubelles
intelligentes, équipées de bornes WiFi et d’écrans annoncent aux passant les
disponibilités des vélos Barclays, la météo du jour, ainsi que des alertes financières.
Au-delà d’un simple effet de mode, ces mobiliers posent la question de l’arrivée de
nouveaux usages, et des problèmes techniques qui y sont liés : Comment faire en
sorte de mettre en place des installations durables, mais dont la technologie de
pointe permettra de proposer des informations en temps réel ? Pour Jean Phillipe
Clément il s'agit pour la collectivité qui souhaite accompagner la mutation de l'espace
public hybride grâce au mobilier intelligent, de se laisser une « marge de
manœuvre », qu’il appelle une « servitude TICC »94 permettant de suivre l'évolution
des usages et supports technologiques matériels :
« Concrètement, une servitude TICC est un simple emplacement laissé libre à
l'intérieur d'un mobilier au moment de sa conception. Concernant l'accès, la
gestion et la valorisation de la servitude TICC, la collectivité reste maîtresse et
autonome vis-à-vis d'un éventuel concessionnaire ou d'un gestionnaire global. 93
http://fr.slideshare.net/AgentNumerique/revue-m3-article-mobilier-urbain-jpclement 94
technologies de l'information et de la communication et de la connaissance
50
Le fait de se projeter et de s'ouvrir des perspectives indéterminées pourra
peut-être permettre demain d'innover et de désigner de nouveaux services
pour les usagers. »95
On retrouve ici la notion d’adaptation, primordiale dans la ville intelligente, ainsi que
la notion de sérendipité, essentielles en prospective urbaine, dans la mesure o l’on
considère que se sont les usages qui façonnent les villes. Deux exemples viennent
ici illustrer nos propos Lorsque JC Decaux a lancé Vélib’, le groupe n’avait pas
pensé à créer d’application mobile officielle. Très rapidement un développeur
indépendant a hacké la page web, et a crée sa propre application, générant ainsi un
nouveau service. Le groupe s’est par la suite ouvert à l’open data, prouvant sa
capacité d’adaptation aux usages et besoins. En 2011 la campagne Yahoo Stop
Derby en partenariat avec Clear Channel proposait aux habitants de San Francisco
de jouer à des jeux sur un écran tactile installé sur l’abribus en attendant le bus, les
points étant cumulés à l’échelle du quartier. Une initiative simple, ludique, et
ponctuelle, qui a ici permis à la marque de s’offrir de la visibilité mais également
d’améliorer son image en proposant une solution simple et efficace à une des
problématiques des usages citadin ; la diminution du temps d’attente perçu étant un
levier d’attractivité des transports publics.
Ces exemples s’inscrivent parfaitement dans une démarche d’agilité technologique
et d’ouverture vers des perspectives indéterminées décrites par Jean-Philippe
Clément la technologie et les datas peuvent être réutilisée à d’autres fins, et pour
d’autres marques ou projet encore inconnues lors de leur mise en place. Il ne faut
pas oublier qu’un véritable écosystème fluctuant de signes numériques en tout
genre tapissent désormais l’espace public, depuis les bornes des vélos en libre
service en passant par les téléphones mobiles, les passes de transports, mais
95 "Pourquoi et comment prévoir la création d'une servitude TICC dans les milieux urbains" présentation par
Jean Philippe Clément, chargé de mission TIC à la Ville de Paris
http://fr.slideshare.net/AgentNumerique/pourquoi-et-comment-prvoir-la-cration-dune-servitude-ticc-dans-les-
mobiliers-urbains#btnPrevious
51
également les espaces publics, ou encore les façades d’immeubles le CityWall96 ou
la comme la Dexia Weather Tower97. Au-delà de la dimension spectaculaire ou
« gadget » qu’on peut leur prêter, ils possèdent une réelle utilité potentielle, comme
le rappelle Serge Wachter :
« Une rue est un objet technique, une infrastructure matérielle, mais elle est
aussi, dorénavant, une infrastructure numérique et informationnelle. Elle abrite
et condense des nuages de données. Ainsi, les murs et autres surfaces
peuvent potentiellement devenir des écrans et afficher des informations, des
images, des couleurs qui communiquent et interagissent avec ceux qui
passent devant eux. Des lieux peuvent se voir « tagués » numériquement par
ceux qui les visitent, laissant ainsi commentaires, annotations et impressions
aux visiteurs et passants suivants»
Ce système des médias urbains est catégorisé par Bruno Marzloff comme le
système du 5ème écran98, un système technique où les écrans traditionnels échangent
entre eux au sein d’un nouvel écosystème permettant l’action dans l’espace public,
avec le mobile comme pivot et le réseau internet comme le lien. Il explique que dans
ce cas de figure « Le citadin lambda devient un média, un producteur d’information,
et les prestataires de la ville (transport, afficheurs, services publics, etc.) deviennent
les fournisseurs de nouveaux services urbains. » ( Il est d’ailleurs intéressant de
96
Le City Wall, à Helsinki, est un écran urbain interactif et tactile dont le contenu est organisé sur une «
timeline », c’est-à-dire une carte temporelle qui permet de visualiser des manifestations sur une échelle des
temps. On trouve sur cet écran public des informations relatives aux festivals, aux représentations ou encore
aux événements sportifs qui se déroulent dans ou autour de Helsinki.
97 Cette tour construite à Bruxelles propose la météo du lendemain grâce à ses 4 200 fenêtres équipées de LED
qui, grâce à un code couleur, deviennent source d’information.
98 Le premier écran dynamique dans l’histoire des technologies est public et extérieur, c’est le cinéma. Le
deuxième écran, la télévision, reste collective mais n’est plus public. Le troisième écran est personnel, c’est
l’ordinateur. Il signe le renversement d’un mode collectif à un mode personnel (PC : personal computer).Le
quatrième écran est le téléphone mobile et ses diverses déclinaisons. Il est sur soi, intime, quasiment le
prolongement de la main. L’étape suivante est celle où les écrans échangent entre eux au sein d’un nouvel
écosystème, le 5eme écran.
Sources 86,87,88 : Le 5eme écran, les médias urbains dans la ville 2.0, Bruno Marzloff, editions FYP.
52
constater qu’au moment ou Marzloff a écrit son livre, il n’a pas inclus les marques
dans cette liste de prestataires, prouvant que cette évolution est récente, et en
cours.)
Les écrans, ubiquitaires et présents dans la ville sous de multiples formes
(téléphones mobiles, passes de transports, façades etc) se font l’écho de la ville, de
ses évènements, publics ou privés, de son rythme, se faisant tour à tour médias,
crieurs de la place publique, producteurs d’informations ou producteurs de services.
Les données entrantes sont déclinables et modifiables à l’envie, induisant par
conséquent une collecte quasi infinie de différentes formes de données de sortie. La
fluidité, le mouvement perpétuel intrinsèque et la polyvalence des écrans en font des
outils facilement utilisables par les marques, dans la mesure où elles peuvent gérer
facilement les input/output quasiment au jour le jour.
Toutefois il est également important pour les marques (et les collectivités locales) de
garder à l’esprit que chaque habitant doit pouvoir « vivre sa ville » en mode
déconnecté s’il le souhaite. Si le numérique peut offrir un plus, son absence ne doit
pas générer un handicap. Les applications et services proposés via les smart card,
smart phone, smart cars, smart screens, mis en place par de nombreuses villes
appellent à des capacités cognitives et à un capital social qui n’est pas toujours
détenu par les utilisateurs et sans connaissances il est alors impossible de s’en
servir. Outre la limite de l’obsolescence des technologies, se pose donc la limite de
la maîtrise des technologies : La solution pour les marques et les villes pourrait
provenir de l’innovation ouverte, où les entreprises, acteurs publics et individus
deviennent les co-auteurs des réponses à leurs besoins.
53
B. La ville comme plateforme d’innovation ouverte pour les
marques
Une plate forme d’innovation ouverte, qu’elle soit annoncée comme telle, comme
celle mise en place par le Living Lab de Montréal pour Bixi, ou qu’elle soit
« déguisée » en concours comme le projet open app par Transilien, permets de
favoriser l’éclosion d’idées innovantes, donne la possibilité à tous de participer, de
façon active ou fortuite, et d’être certains que les usagers comprennent et maîtrisent
les technologies, dans la mesure où se sont eux qui les proposent. De même,
l’innovation ouverte permets d’éviter les dérives de l’architecture ou de l’urbanisme
numérique, en s’assurant que les propositions communicantes correspondent
réellement à des usages et des besoins, et non pas uniquement à un désir égoïste
de créer une infrastructure innovante pour la « beauté du geste ». Dans La ville 2.0,
plateforme d’innovation ouverte99, Daniel Kaplan et Thierry Marcou, expliquent que si
la ville se vit comme une plate-forme d’innovation ouverte, elle a des chances d’être
plus attractive, de se transformer en profondeur, en devenant plus durable, plus
vivante et solidaire. Selon eux une nouvelle et récente dynamique d’innovation
urbaine est en train de naître, basée sur une énergie collaborative « public-privé-
citoyen ».
Ils expliquent qu’une des premières raisons qui poussent les villes à innover est bien
sûr de répondre aux attentes des citoyens et proposer des réponses neuves aux
tensions urbaines d’aujourd’hui (compétitivité et exclusion, développement durable et
mobilité, individualisation des modes de vie et identité collective) Toutefois face au
manque d’action de certains acteurs publics, les villes et les quartiers ont vu naître
avec l’implémentation du web 2.0, la multiplication de centaines d’initiatives
individuelles, entrepreneuriales ou associatives, s’employant à résoudre ses
problèmes à une échelle locale (comme les applications Fixmystreet ou Beezcity
citées dans la deuxième partie) prouvant que les acteurs privés et les citoyens
désirent réellement être impliqués dans l’innovation urbaine. La seconde raison
majeure listée par les auteurs est le besoin des villes de rester compétitives et
attractives, afin de renouveler constamment leur vivier de talents et entreprises :
99
La ville 2.0, plateforme d’innovation ouverte, Daniel Kaplan et Thierry Marcou, éditions FYP.
54
Aujourd’hui, la compétitivité des entreprises ne repose plus sur leur capacité
de réduire les coûts (tout le monde le fait) mais sur celle d’innover en
permanence, de redéfinir sans cesse leur propre marché ou de reprendre de
l’avance sur leurs concurrents à chaque moment. C’est aussi le cas des villes,
qui sont elles-mêmes en concurrence les unes vis-à-vis des autres pour attirer
les activités et les talents.
Ainsi en Amérique du Nord, l’innovation et la créativité sont souvent conçues comme
résultant des activités économiques des acteurs privés et publics (tandis qu’ en
Europe, la capacité innovatrice est encore souvent uniquement associée aux acteurs
publics) comme en témoigne par exemple les propos du Maire de Toronto,
David Miller, lors de l’ouverture de la semaine de la créativité et de l’innovation en
2005
« Le potentiel créatif illimité de tous est l’une de nos plus abondantes
ressources encore sous-exploitée. Elle devrait être nourrie, reconnue et
encouragée. La créativité (…) aide les gens à développer de nouvelles
perspectives, à voir de nouvelles possibilités de choisir et prendre de
nouvelles décisions, donnant ainsi à chacun les potentialités lui permettant
d’améliorer sa vie et sa communauté (…) » 100
Toutefois il faut garder à l’esprit que ce n’est pas la créativité en elle-même qui
explique entièrement le dynamisme économique des villes, comme a pu l’écrire par
exemple l’auteur américain Richard Florida101, mais le niveau d’éducation et le capital
humain de leurs habitants.
100
City of Toronto, 2005, cité dans Grundy, Boudreau, 2008, p. 352 101
L’ouvrage de Richard Florida The Rise of the Creative Class affirme que la capacité de développement
économique des villes dépend de la place qu’y occupe la “classe créative” : “scientifiques, ingénieurs, professeurs d’université, romanciers, artistes, gens du show-business etc.” et professionnels des secteurs “à forte intensité de savoir” (nouvelles technologies, finances, conseil juridique, etc.). Cinq indices permettent de définir une ville créative : indices de haute technologie (pourcentage d’exportation des biens et services liés à la haute technologie), d’innovation (nombre de brevets par habitant), de gays, comme représentatifs de la tolérance (pourcentage de ménages gays), de “bohémiens” (pourcentage d’artistes et de créateurs) et de talent (pourcentage de la population ayant au moins le baccalauréat).
55
Les profils créatifs (gays, « hipsters », artistes) qui contribuent selon Florida à la
croissance des villes grâce à leur personnalité ouverte, tolérante, avant-gardiste et «
cool » détiennent en réalité bien souvent un capital humain élevé, et un niveau
d’éducation supérieur à la moyenne. Dans la mesure où on considère que les
entreprises innovantes réalisant d’importants profits apportent indéniablement un
dynamisme et des capitaux aux villes en attirant les classes supérieures et créatives
( créatives par leur profession et non pas leur personnalité) il est donc logique
d’envisager l’innovation ouverte comme solution aux problèmes urbains. Les villes
peuvent trouver un intérêt à s’allier aux entreprises privées dans la mesure o elles
détiennent des capitaux, mais également dans la mesure où ces capacités de
financement et d’investissement des entreprises privées attirent d’avantage les
chercheurs et les scientifiques que les institutions publiques.
De leur côté, les entreprises privées trouvent dans cette alliance une crédibilité et un
soutient auprès des citoyens, qui pourraient être potentiellement inquiets d’une «
externalisation » des tâches des collectivités locales. L’innovation ouverte, à
condition qu’elle regroupe public-privé et citoyens permets aux différents acteurs des
villes de s’improviser consultants en innovation urbaine, en utilisant les notions de
dialogue, proximité et participation que nous évoquions dans la seconde partie, mais
permettent surtout de faire en sorte que le projet reçoive la validation et l’approbation
des usagers ou des citadins, évitant ainsi les détournements, les critiques et la
mauvaise presse.
C. Hacking urbain, détournement urbain et détournement de
valeurs :
Lorsque BMW a lancé son projet Living Lab, la marque a omis de demander l’accord
et l’avis de la population, et bien qu’elle ai reçu l’appui de la municipalité le projet a
reçu de vives critiques. Cette presse négative aurait pu être évitée si le groupe avait
pris la peine de consulter le public, ou si tout simplement elle avait supporté son
opération par davantage de relations publiques, par le biais de la presse ou d’internet
par exemple. Bien que la ville comme médias puisse, on l’a vu, constituer un
formidable moyen de renouveler les moyens d’actions et l’image des marques,
56
celles-ci ne doivent pas oublier que le renouvellement des moyens de
communication ne doit pas signifier un changement radical.
Les marques ne doivent pas s’affranchir des canaux traditionnels de communication
telles que les relations publiques ou les communiqués de presse, au contraire, ceux-
ci doivent venir supporter les initiatives, afin de les rendre plus convaincantes, plus
médiatisées et plus transparentes. Plus que jamais la communication intégrée
s’impose, lorsque communications hors médias, technologiques et traditionnelles
convergent.
Si les initiatives utilisant la ville comme média continueront de s’améliorer, d’évoluer
et de s’affirmer comme un outil de communication incontournable, pour en tirer
pleinement profit, les compagnies doivent toutefois garder à l’esprit que si elles
n’arrivent pas à établir un lien avec les membres du public cible, elles ne
communiquent pas vraiment. Il est nécessaire de trouver le bon équilibre entre
l’utilisation des nouveaux outils de communication dans la ville-média et celle des
médias plus traditionnels, et des choix en fonction de la situation, du public cible et
des résultats souhaités.
Il faut bien garder à l’esprit que la publicité dans les villes, sous toutes ses formes,
subit de vives critiques, notamment en ce qui concerne la saturation visuelle de
l’environnement, les réticences à son encontre ne se situant pas uniquement auprès
du grand public mais également à une échelle institutionnelle : En témoigne depuis
le 31 janvier 2011 un décret paru au Journal officiel dans le cadre du Grenelle visant
à faire disparaître les panneaux publicitaires ( affichage et numérique) des villes,
avec l ‘appui de l’ancienne ministre de l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet qui
déclarait alors : "La fin des couloirs publicitaires dans les entrées de ville est en
passe de devenir une réalité. (...) Cette réglementation va enfin stopper la lente
dégradation de nos paysages urbains et péri-urbains et améliorer notre cadre de vie
et l'image même de nos villes".102
102
Toutefois en mai 2012 grâce au recul du gouvernement sous la pression des lobbies, les afficheurs ont
obtenu un délai de six ans au lieu de deux pour se mettre en conformité avec tout nouveau règlement sur les panneaux de publicités.
57
Paradoxalement, en voulant éviter de s’inscrire dans les supports traditionnels qui
peuplent les villes, en implantant des projets trop « marketés » et jugés non
désirables ou superficiels (Comme les vélos Bixi portant les logos Telus ou
Desjardins ) par les citadins, les marques ne font que renforcer cette impression de
congestion de l’espace urbain, elles viennent superposer le discours sur la multitude
d’autres discours publicitaires contenus dans les panneaux d’affichages, sur les
carrosseries des bus, etc.. Cette superposition naturelle de valeurs et de messages
dans l’espace urbain est d’ailleurs à l’origine de multiples détournements,
technologiques et urbains, deux paramètres qui prouvent la capacité d’adaptation et
la forme d’agilité qui caractérisent les villes intelligentes. En 2007, le vendredi 30
novembre, Act Up-Paris détourne le système Vélib’ et recouvre les vélos de protège-
selles roses dans lesquels sont glissés un préservatif, avec l’inscription « et vous,
vous faites quoi pour vous protéger ? » afin d’informer les citoyens de l’ampleur de
l’épidémie de sida à Paris. Si le but de la campagne guérilla d’ Act Up est louable, on
peut toutefois se demander quelle aurait été la réaction de JC Decaux si un autre
annonceur s’était servi du support médiatique que représentent les vélos à d’autres
fins commerciales lucratives.
Rappelons que chaque année le groupe verse une somme importante pour
l’entretient et le droit d’installer le service dans la ville, ce qui équivaut finalement à
un achat médias, et que par conséquent ce qu’Act Up a réalisé s’apparente à de
l’ambush marketing103, ce qui est considéré comme illégal aux yeux de la loi. Si
l’afficheur a fermé les yeux cette fois ci, nul doute qu’une initiative similaire non
affiliée à un organisme caritatif ou humanitaire se verrait poursuivie en justice.
Toutefois, cette menace n’effraie pas toutes les marques, et quand bien même elles
seraient poursuivies, il serait déjà trop tard et leur détournement créeraient sans
aucun doute un buzz qui les serviraient.
103
L’ambush marketing (anglicisme signifiant littéralement « marketing en embuscade ») est l'ensemble des
techniques de marketing utilisées par une marque ou une entreprise pour se rendre visible mais sans avoir versé l'argent nécessaire pour devenir commanditaire ou annonceur.
58
Plus récemment la RATP ouvrait ses premiers comptes Twitter dédiés aux lignes de
métro 1, 4, 12 et 13, censés permettre aux usagers de suivre en temps réel le trafic
sur leur ligne. Toutefois la RATP avait oublié de réserver les comptes Twitter pour
les autres lignes, et très vite des utilisateurs ont crées des comptes parodiques pour
les autres lignes, o l‘humour satirique était révélateur de ce que la plupart des
usagers pensent de l’état des lignes et de leurs nombreux incidents quotidiens.
Si les comptes ont été très vite désactivés, la RATP a eu l’intelligence de bien
réagir en créant un Tumblr nommé le Hall of Fake104, reprenant les meilleurs tweets,
dont les deux ci dessous :
Il est d’ailleurs intéressant de constater que les community managers de la RATP, en
faisant preuve d’auto-dérision, ont réussi à en quelque sorte « détourner le
détournement ». Cette capacité à s’adapter, à rebondir, à saisir l’opportunité du
moment présent représente une parade que les marques se doivent de maîtriser.
Dans la mesure où reprenant les théories de Mc Luhan on déclare que si la ville est
un média, et que le média c'est le message, à partir du moment où les marques ne
maîtrisent pas pleinement le média, elles ne maîtrisent pas leur message et donc
leur communication. Une solution pourrait alors être pour les villes d’adopter un
système similaire au community management afin d’avoir une interface entre le
public, la ville et la marque.
104
http://ratp-hall-of-fake.tumblr.com
59
La ville, comme tout hors-médias basé sur le bouche à oreille échappe plus ou
moins à un contrôle total. (Voir le schéma dans la première partie) Tout comme
internet et les réseaux sociaux, la ville se révèle être un support en mouvement
constant, et nécessite par conséquent une présence, une vigilance constance. Ce
mouvement permanent des villes intelligentes permet d’ailleurs de dépasser les
morphologies urbaines préexistantes en détournant, en hackant l‘espace Qu'il
s'agisse d'occuper l'espace inoccupé par les voitures (les parklets), de créer des tiers
lieux éphémères ou mobiles en s’inspirant de la culture hacker, ou de détourner
des containers inutilisés, on trouve de multiples initiatives ludiques ou fonctionnelles
menées par des individus, des collectivités ou des marques révélateurs de cette
agilité créative.
60
Partant du postulat que si tout ce qui relève de la technologie tend à se banaliser
rapidement grâce au développement accéléré des performances dans ce secteur,
François Ascher explique que cela donne en contre partie « une valeur économique
et symbolique accrue à tout ce qui ne télécommunique pas, à ce qui se touche, se
sent, se goûte, se vit dans le face-à-face, en direct. » Le hacking urbain, reprends les
codes de la culture du hacking, en améliorant par petites touches le quotidien de ses
habitants en détournant les objets et mobiliers de leurs fonctions premières, en les
transformant ou en les recyclant, souvent dans un but aussi ludique que fonctionnel.
Au-delà de « bidouillages » opportunistes, il faut voir dans ses installations de
véritables inspirations pour les marques, en terme de design et de conception de
nouveaux mobiliers, mais également de potentiels supports de communication
véhiculant des valeurs positives et un message concret : Lorsque Volkswagen,
installe un toboggan dans les escaliers d’un métro berlinois, ou des escaliers-piano
en Suède, la marque réponds à des usages et des attentes existantes et concrétise
physiquement le message porté par sa campagne « Fun Theory » A l’inverse d’une
opération de guérilla marketing, l’installation apporte réellement une plus-value à
ceux qui l’utilisent. Les toboggans auraient ainsi changé la routine quotidienne de
ceux qui les ont essayés, convaincant les usagers de prendre les escaliers plutôt que
les escalators, ou apportant un peu de gaité dans la glissade durant un moment de la
journée jugé difficile et morne par de nombreux usagers des transports en commun.
La tendance du pop-up, que l’on a d’abord pu observer dans l’industrie de la vente,
se déploie désormais dans l’ensemble de l‘espace urbain de la ville intelligente, que
ce soit à travers un musée temporaire et intéractif (Le musée Pampero) , un lieu de
restauration mobile communiquant via les réseaux sociaux (Kogi Korean BBQ à Los
Angeles) ou un mobilier modulable et intelligent ( Le principe des servitudes TICC ou
encore tout simplement la table en kit) Temporaires, réutilisables, recyclés ou
recyclables les « pop up » permettent d’économiser les coûts fixes liés à la location,
à l’achat et à l’entretien, mobiles et modifiables ils peuvent être déplacés là o se
trouve la clientèle désirée, s’adaptent facilement à différents produits, services et
environnements, ce qui leur confère une qualité de renouveau perpétuel.
61
Si les marques ne peuvent totalement maîtriser totalement la ville, elles peuvent en
revanche s’approprier ses codes, ses particularités, ses installations, et en se
montrant aussi agiles et réactives, arriver à proposer des solutions, et des services
ponctuels, ré-ajustables ou réutilisables. Il s’agit ici de ne pas oublier que se sont les
usages, et les usagers qui font la ville en aménageant des politiques d’innovation
ouverte, ou du moins des propositions axées sur « les découverte heureuses » et a
sérendipité. Chaque action mise en place doit l’être en prenant en compte le
caractère mouvant et fluctuant des villes et de leurs installations, afin qu’ainsi les
marques puissent réagir à chaque réaction, critiques ou réappropriation des citadins,
et utiliser le puissant levier du earned media à des fins constructives et profitables à
tous.
62
CONCLUSION
Tout au long de ce mémoire nous avons dit, et répété à quel point il est important
pour nos marques souhaitant s’intégrer dans la ville intelligente de se placer dans un
angle de prospective urbaine réaliste et servicielle. Pour reprendre Françoise Choay,
Il est indispensable « de récupérer la réalité, le concret, (…) afin d'échapper à
l'illusion et à l'illusoire! Il ne faut pas voir cela comme une limite, mais plutôt comme
une contrainte posant un cadre au champ d’action des marques, leur permettant de
savoir si leurs actions sont légitimes et utiles. On l’a vu l’innovation ouverte, le
partenariat avec les collectivités locales ou le détournement urbain sont autant de
façons de communiquer en répondant aux nouveaux usages et comportements
dans la ville intelligente. »
La ville intelligente peut être considérée comme un horizon créatif dans la mesure
où les marques n’essaient pas de construire une ville idéale, mais au contraire
chercher à améliorer l’existant, sans imposer leur présence pour autant. Dans la
mesure o l’on considère que l’ une des principales raisons poussant les marques à
communiquer à travers la ville est la volonté d’éviter les écueils des supports
traditionnels de communication, il est évident que l’investissement urbain se doit
d’être discret, validé, sinon toléré par les citoyens.
Les marques auront beau investir des millions pour proposer des solutions futuristes,
l’horizon créatif conféré par la ville intelligente se limite toutefois à un futur proche et
anticipé : Il ne faut pas oublier que l’urbanisme au XXème siècle n’est pas une
réponse nouvelle à de nouveaux problèmes mais des reprises, des répétitions de
configuration discursives inconscientes nées au siècle précédent.105 En d’autres
termes l’architecture et l’urbanisme répondent à nos problèmes présents, et
n’anticipent pas les problèmes futurs.
105
Françoise Choay, l’urbanisme, utopie et réalité : une anthologie.
63
Dans son anthologie Françoise Choay énumère d’ailleurs une liste de thèmes
récurrents, revenant d’un auteur à ‘autre, d’un siècle à l’autre : P.J Proudhon, Jules
Vernes, Victor Hugo, Martin Heidegger ou encore Kevin Lynch, tous ces
« penseurs » de la ville ont tous abordé les mêmes thèmes dans leurs ouvrages, à
savoir l’hygiène, l’habitat individuel, les espaces verts, la mobilité, le rapport à
l’esthétique et à la lisibilité.
Selon elle l’auteur le « plus fin, le plus actuel, le plus interrogateur est
incontestablement Victor Hugo » parce que justement il n’inventait pas une nouvelle
réalité, mais proposait des solutions concrètes. A l’inverse elle décrit Le Corbusier
comme un architecte anachronique : Selon elle, à force de vouloir utiliser la science
dans une démarche architecturale utopique, (notamment pour La Ville radieuse, qu'il
imagine en 1935) Le Corbusier a cessé de se préoccuper de la réalité et est devenu
« en retard par rapport aux attentes des citadins et au développement de l'économie
et des innovations technologiques. »
A partir du moment où les acteurs privés et publics intègrent ces dimensions, chacun
peut trouver son compte dans la mise en place d’initiatives communes. Pour les
marques, la ville intelligente comme plateforme d’innovation ouverte permets un
auto-renouvellement interne et externe, en termes d’image, de positionnement et de
production de bien ou de services. Par auto-renouvellement interne on entend ici un
renouvellement par l’amélioration de l’organisation de l’innovation des entreprises et
des conséquences qui en découlent, que cela soit à travers une démarche
d’innovation interne (activité interne de recherche et développement ) ou externe (
démarche d’innovation ouverte faisant intervenir de nouveaux acteurs dans le
processus tel que des chercheurs ou des artistes mais aussi des agences de
communication, des citoyens etc.)
64
Utiliser la ville intelligente comme plateforme de communication ou d’innovation sert
ainsi de levier aux marques pour :
- Accroitre la dynamique de leur activité interne de recherche et
développement leur permettant la commercialisation de futurs biens ou
services.
- Elaborer de nouvelles campagnes de communication innovantes.
- Faire « sortir » les innovations internes qui ne sont pas utilisées, par
l'intermédiaire de publications, bases de données, brevets etc. qui pourront
être repris et utilisés par d’autre chercheurs, journalistes et universitaires, leur
assurant un retour en terme de notoriété, d’image ou de bouche à oreille.
En outre, dans une démarche d’innovation ouverte, l’entreprise a besoin de porte-
paroles et d’attachés de presse qui vont faire connaître l’initiative et les thématiques
d’innovation à l’occasion d’événements, de conférences ou de workshops. La mise
en place de ce réseau de porte-paroles est une fois un plus un moyen d’améliorer
l’image, la notoriété et la visibilité des groupes.
Outre cet auto-renouvellement interne, on observe également un auto-
renouvellement externe, issu de la mise en place des services, des biens ou des
outils dans la ville. On l’a vu, ce sont les usages qui font la ville. Potentiellement,
chaque nouveau service, solution ou expérience nouvellement crées dans les villes
peuvent donc engendrer de nouveaux usages sur lesquels les acteurs privés et
publics peuvent rebondir pour de nouveau proposer des réponses à ces besoins,
créant ainsi une sorte de cercle d’innovation vertueux. Cela implique également que
l’on agisse en mettant les principes d’agilité et de sérendipité en avant lors du
processus de création : Toute installation doit être conçue de façon à pouvoir être
réutilisée, détournée ou recyclée opportunément, sous peine de devenir rapidement
obsolète.
65
Le potentiel de créativité renouvelée des villes intelligentes représente un intérêt
indéniable pour les marques, mais également pour les villes elles-mêmes : On l’a vu,
il est important pour elles de se renouveler afin de rester compétitive et attractives,
mais également afin de trouver de nouvelles ressources en capitaux humains et
financiers. C’est justement cette dimension globale de renouvellement qui a motivé le
choix du sujet : Le thème de la ville intelligente et des marques a globalement peu et
traité (voire pas été traité du tout) d’un point de vue académique, pourtant il semble
que du point de vue de la théorie communicationnelle il y ait beaucoup à dire sur le
sujet dans la mesure où on considère la ville comme un média. On pourrait donc au
cours d’une prochaine réflexion, traiter le sujet sous l’angle du renouvellement des
supports médiatiques de la ville, et d’envisager ainsi que la ville intelligente constitue
une nouveau moyen pour les agences médias et de communication de se
renouveler.
On l’a vu, la ville ne peut être totalement maîtrisée, les marques ont besoin
d’accompagnement stratégique afin d’éviter le détournement, la saturation, le «
brouillage des valeurs ». Les agences de communications pourraient voir dans cet
« accompagnement » de nouvelles opportunités de travailler avec les marques en
proposant des services tels que le community management urbain, du consulting ou
encore des relations publiques spécialisées. (Que nous évoquions quelques
paragraphes plus haut en tant que « porte-paroles »des groupes) Cette étape est
déjà en train de se mettre en place doucement, ainsi l’agence June 21 a mis sur pied
le concours Transilien Open App relayé par une campagne médias, alors qu’elle
aurait pu proposer une campagne classique uniquement avec des médias
traditionnels.
On pourrait envisager que dans l’avenir les métiers de planeur stratégique et
consultant stratégiques s’ouvrent à l’urbanisme (ou que l’urbanisme s’ouvre au
planning stratégique c’est selon) comme c’est déjà le cas avec l’architecture. Dans
ce cas de figure, le planeur vient légitimer l’extension des compétences de l’agence
de communication vers l’architecture classique par ses connaissances en branding,
ses capacités à créer un argumentaire de vente et sa vision d’une stratégie de
communication globale. Steven Somogyi, chargé de projet chez Sid Lee
66
architecture106 raconte que le planeur possède l ‘d’envisager l’espace du point de
vue de la marque, habileté que ne possèdent pas forcément les architectes. On
pourrait également supposer que ces qualités soient légitimes dans le cas d’une
ouverture à l’urbanisme, o dans le cas de la mise en place d’une campagne
publicitaire ou d’une plateforme innovation ouverte ou les stratèges seraient invités à
aider les marques.
Il se dégage en définitive de nouvelles questions, concernant le rôle à jouer des
agences de communication. On l’a vu, la mise en place de solutions ou d’installations
urbaines, implique l’imagination, l’idéation, la création, le design de l’expérience, puis
sa communication, sa promotion. Les agences de communication polyvalentes,
auraient donc tout intérêt à suggérer de telles pratiques aux marques, dans la
mesure o elles seraient capables d’intervenir à toutes les étapes. Certaines
agences comme Wieden + Kennedy, l’agence du groupe Nike utilisent ces
mécaniques depuis plusieurs années déjà : Ainsi la plateforme en ligne Nike + se
déploie peu à peu dans la ville, de façons concrète, les produits permettant de
mesurer ses performances de course, et surtout de les comparer à celles d’autres «
joueurs » en ligne, un paramètre qui a été plébiscité par les consommateurs eux-
mêmes.
Tout comme les innovations en matière d’interactivité et de publicité digitale
influencent les innovations architecturales (en particulier sur les points de vente), on
est donc en droit de se demander si l’innovation dans l’urbanisme des villes
intelligentes pourrait provenir de la publicité et des marques dans la mesure où les
communicants portent un regard sur l’espace urbain très différents de celui des
urbanistes.
106
Sid Lee est une agence de communication basée à Montréal possédant une antenne d’architecture dans laquelle des planeurs travaillent de concert avec des architectes. L’entretien de Steven Somogyi est disponible dans le mémoire « Le développement du planning stratégique appliqué à l’architecture commerciale en réponse aux transformations médiatiques »
67
Dans la dernière campagne « Game on world », en exploitant à la fois des
imaginaires issus de la culture pop (présence de l’acteur Ving Rhames célèbre pour
son rôle dans Pulp Fiction ), geek (les références aux jeux vidéos comme Mario) et
street, ( le basketball de rue ou le parkour 107) et en actionnant diverses mécaniques
comme le data et la gamification, Nike façonne une nouvelle perception de la ville,
plus ludique, plus fluide. Si la campagne se déroule dans une ville virtuelle, elle se
prolonge en revanche de façon physique dans les villes bien réelles, à travers le
produit, le bracelet Fuelband (permettant de mesurer la course) mais également
online, sur la plateforme Nike + et sur les réseaux sociaux où les consommateurs
sont invités à analyser et partager leurs résultats.
On trouve dans cette campagne de nombreux insights concernant les attentes des
joggeurs et des sportifs urbains en matière de contrôle des performances et des
résultats, tout en maintenant la compétition ludique et sociale. Par déduction il est
donc possible d’imaginer les améliorations à envisager pour parfaire les
infrastructures sportives de la ville, et en ce sens on peut réellement dire de cette
campagne qu’elle est inspirante aux yeux des urbanistes.
107
Le parkour est une discipline physique consistant à transformer des éléments du milieu urbain ou rural en obstacles à franchir. Le but est de se déplacer d'un point à un autre de la manière la plus naturelle, fluide et efficace possible.
68
Il semblerait donc que les agences ayant compris comment combiner la capacité de
leurs services stratégique à appréhender les évolutions et attentes de la société avec
leur maîtrise du branding, des infrastructures digitales et des techniques de
communication puisse trouver rapidement de nouvelles opportunités de travailler
avec les marques et de se déployer dans les villes intelligentes, pourvu que les
citadins revalorisent leurs actions ou du moins apprennent à y voir des services et
des expériences plaisantes à défaut d’être utiles.
69
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES ET PUBLICATIONS
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Hyperpublicitarisation et dépublicitarisation : Métamorphoses du discours des
marques et gestion sémiotique. Caroline de Montety et Karine Berthelot
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CIRCAV, Paris, L’harmattan, pp.63-78. 2008.
Le cerveau planétaire, Joël de Rosny ,Editions Olivier Orban, collection
Points, 1986, p.11.
Pierre Berthelot, Les médias magasins : du prétexte à l'implication. in:
Communication et langages. N°146, 4ème trimestre 2005. pp. 42-43.
Institut Paul Bocuse, Cycles de conférences « Grands Témoins » sur le thème
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octobre 2010.
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2000
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Open Innovation. Hans Schaffers, Annika Sällström, Marc Pallot, José M.
Hernandez-Muñoz, Roberto Santoro, Brigitte Trousse In: The Future Internet.
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pp 431-446.
Claude Chabine Les villes nouvelles dans le monde
Françoise Choay l’urbanisme, utopies et réalité, une anthologie
70
D.Kaplan, Le territoire face aux nouvelles tendances technologiques,
prospecTIC et territoires, conférence Fing - octobre 2006.
Sciences humaines et sociales appliqués à l’urbanisme :
Pourquoi la ville sera servicielle ? Bruno Marzloff. Texte publié sur le site de
Millénaire 3, le centre de ressources prospectives du Grand Lyon.
Organiser la ville hypermoderne - François Ascher, grand prix de l'urbanisme
Ariella Masboungi , Olivia Barbet Massin, 2009,Broché
Le 5eme écran, les médias urbains dans la ville 2.0, Bruno Marzloff, editions
FYP.
La ville 2.0, plateforme d’innovation ouverte, Daniel Kaplan et Thierry Marcou,
éditions FYP.
La ville interactive - L'architecture et l'urbanisme au risque du numérique et de
l'écologie, de Serge Wachter ; L'Harmattan
The Rise of the Creative Class, Richard Florida
ARTICLES ET BLOG POST
De la smart city à la « clever city » : la boîte à outils de la ville astucieuse
(Angers Technopole), Philippe Gargov, http://www.pop-up-urbain.com
« Pourquoi et comment prévoir la création d'une servitude TICC dans les
milieux urbains » présentation par Jean Philippe Clément, chargé de mission
TIC à la Ville de Paris http://fr.slideshare.net/AgentNumerique/pourquoi-et-
comment-prvoir-la-cration-dune-servitude-ticc-dans-les-mobiliers-
urbains#btnPrevious
Bixi: la pub qui dérange... dérange. Les affiches vandalisées causent des
maux de tête à Desjardins, Fabien Deglise, Le Devoir, mai 2011.
http://www.ledevoir.com/politique/montreal/323220/bixi-la-pub-qui-derange-
derange
La ville numérique : quels enjeux pour demain ? par Serge Wachter, le 28
novembre 2011 http://www.metropolitiques.eu/La-ville-numerique-quels-
enjeux.html
71
« C’est pas du jeu », Owni.fr, Anaïs Richardin, 7 juin 2011
Dialogue sur la ville de demain avec Saskia Sassen http://www.sfr.com/les-
mondes-numeriques/sfr-player/11142011-1259-dialogue-sur-la-ville-de-
demain-avec-saskia-sassen
“Owned, bought and earned”, Daniel Goodall http //danielgoodall.com/
SITES INTERNET
http://www.southampton.gov.uk/living/smartcities/
http://www.amsterdamsmartcity.nl/#/en
http://www.ibm.com/smarterplanet/uk/en/overview/ideas/
http://www.planete-plus-intelligente.lemonde.fr/
http://group.barclays.com
http://www.thefuntheory.com/
http://data.london.gov.uk/datastore/package/tfl-cycle-hire-locations
http://www.bmwguggenheimlab.org/
http://www.smart-urban-stage.com/
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http://www.research.philips.com/focused/experiencelab.html
http://www.sony.co.uk/discussions/community/en/community/futurescapes
http://createurs.ville.montreal.qc.ca/
http://www.pop-up-urbain.com
http://www.livinglabmontreal.org/
http://www.groupechronos.org/
http://opendata.transilien.com/concours-openapp/transifoule/
http://opendata.transilien.com/concours-openapp/colis-train/
72
MOTS-CLEFS
- Ville intelligente
- Ville agile
- Ville 2.0
- Ville interactive
- Ville numérique
- Ville média
- Innovation ouverte
- Urbanisme
- Marketing urbain
- Marques
- Street smart brands
- Smart city
73
ANNEXES
RÉFÉRENCES :
Littérature :
• William Gibson
• Philip K.Dick
• Ray Bradbury, Farenheit 451
• Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes (1931)
• George Orwell, notamment le roman 1984 (Nineteen Eighty-Four,
1948)
• Richard Matheson, Je suis une légende
• Pierre Bordage : le cycle de Wang, la trilogie des Prophéties
Bandes dessinées, animés et manga
• La Trilogie Nikopol de Enki Bilal : La Foire aux immortels, La
Femme piège, Froid Équateur)
• Akira de Katsuhiro Ōtomo
• Ghost in the Shell (Mamoru Oshii, 1995, d'après le manga de
Masamune Shirow)
Films
• Blade Runner (Ridley Scott, 1982), d'après le roman de Philip K.
Dick
• Tron (Steven Lisberger, 1982)
• 1984 (Michael Radford, 1984), d'après le roman "Nineteen Eighty-
Four" de George Orwell
• Brazil (Terry Gilliam, 1985)
• Total Recall (Paul Verhoeven, 1990), d'après la nouvelle "We can
remember it for you wholesale" de Philip K. Dick
• eXistenZ (David Cronenberg, 1999)
• Le cycle de Matrix : Matrix (1999), Matrix Reloaded (2003) et Matrix
Revolutions (2003) (Andy et Larry Wachowski)
• Avalon (Mamoru Oshii, 2001)
• Impostor (Gary Fleder, 2001)
• Intelligence artificielle (Steven Spielberg, 2001)
• Minority Report (Steven Spielberg, 2002), d'après la nouvelle de
Philip K. Dick
• Equilibrium (Kurt Wimmer, 2002)
• I, Robot (Alex Proyas, 2004) d'après une nouvelle de Isaac Asimov
• 5th Element .
AUDE CASTAN 2011-2012
ANNEXES
La ville du futur dans la publicité.
75
ANNEXES
Villes ludifiées.
76
ANNEXES
Villes ludifiées : Le cas Nike.
77
ANNEXES
La ville idéale de Samsung.
78
ANNEXES
La ville idéale de Samsung.
79
ANNEXES
Villes idéales.
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