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TwinyB.

OurLastDays

Saison1

NishaÉditions

Copyrightcouverture:arturkurjanISBN978-2-37413-523-6

Havefun!

@NishaEditions

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NishaÉditions&TwinyB.

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www.nishaeditions.com

TABLEDESMATIERES

Présentation1.Quelqueslignespourparlerdemoi2.Besoindemonaide!3.Unliensetisse4.Évasionméditerranéenne5.Devenirun«nous»6.Passelanuitavecmoi7.Unchamboulement8.S’excuser9.Aimeouquitte-moi10.Unejournéeaveclui11.Divinement12.Laferrade13.Lareprise14.Jesuisàtoi,tuesàmoi15.Fiançailles16.Cen’estqu’unaurevoir!17.Malgréladistance,c’estàtoiquejepense18.AuboutdemavieÀparaîtreExtraits

Quelqueslignespourparlerdemoi

Je m’appelle Joss Tully, j’ai vingt-trois ans et je vis seule depuis quelques mois. J’ai obtenu monpremierCDIilyadeuxans.J’aipumettredel’argentdecôtépourprendreunappartement.Jerésidedansun petit village près deMontpellier, car la ville est bien trop chère.Mon logement,modeste, est loind’êtreunpalace,maisc’estmonchez-moi.Jesuisfièredemonnid,carjen’airiendemandéàpersonne.Jemesuisdébrouilléeseule.J’aimêmeachetéetmontémesmeublessansl’aidedepersonne.

Mes parents, Roger et Jeanne, sont responsables d’un magasin de grande distribution. J’ai eu uneenfancemerveilleuse. Jem’entendaisbienavec tout lemonde. Je suis la cadetted’une fratriede troisbambins.Mongrand-frère,Vincent,estingénieuràParis.Masœur,Annie,estavocate.Papaetmaman,rêvaientdehautesétudespourmoi,maisj’aipréférélaliberté.Jemeconsidèreunpeucommelemoutonnoiroulevilainpetitcanarddelafamille.

Jesuisplutôtdugenretimide,surtoutaveclagentmasculine.Cequinem’empêchepasd’affirmermoncaractère lorsqu’onvientmeprovoquer.Celuiquicombleramoncœurestencore inconnu,mais jesaisqu’ilestlà,quelquepart.

Bouquinerestmapassion.J’adorelaromance.Jefaispartiedecesfillesquirêventdel’amouravecungrand«A».J’aidéjàeudesrelations,maisçan’ajamaisdépassélestroissemaines.Quandlepetittrucenplusn’yestpas,jepréfèreenresterlà.Çanesertàriendelaisserl’autres’attacher,alorsqu’onneressentrien.

Je sors parfois, surtout avec Lisa, ma meilleure amie. Elle est aussi ma collègue de boulot. Nousessayonsdecoordonnernosplanningsafindepartagernotretempslibre.Lisan’apaseumachance.Sasœur aînée et elle sont orphelines.Ellesont grandidansune familled’accueil, desgens aimants.Zazatravaillaitdès l’âgede seizeans. J’avoue sanshontequ’elleconnaît laviemieuxquemoi.Lisaest encouple depuis plus de sixmois avec Jérémy.Nous nous voyonsmoins,mais tentons d’entretenir notreamitié.

J’aimebien sortir au ciné avecFlorent, undenos collègues.Luivientde se séparer aprèsunanderelation.Pourlemoment,iln’estpasdansl’optiquedesecaser:tantmieuxpourmoi,sinon,jeseraislaseulepauvrecélibataire.Floestgentil.J’adoreparleretrireaveclui,maisnousenrestonslà.

Toutefois,cesdernierstemps,j’aicommeunétrangepressentiment.J’ail’intimeconvictionquetoutvatrèsbientôtchanger…

***

Assise sur mon canapé, j’admire mon cocon qui prend forme tout en savourant une tasse de caféfumante.Romenes’estpasfaiteenunjour.Seulslesbruitsduvoisinageetlescooterdufacteurbrisentlesilence ambiant. Je me lève et rassemble mes affaires pour aller prendre mon service de midi avecFlorent.

C’estunebellejournée.Lestempératuressonthautesencemoisd’août,doncjesaisqu’ilrisqued’yavoirdumondeenville.Lestouristess’entassentdansleSudpourvenirécouternoscigalesetprofiterdenotreMéditerranée.

Jegrimpedansmapetitevoituresansprétention,unePeugeot206blanche.Jen’aipasàmeplaindre.Elleestassez récente,mêmesiellen’aaucuneoption–misàpart lesvitresélectriques.C’estdéjà lagrandeclasse.

Jelaisselaradioenfondletempsdutrajet.Jem’arrêtesurleparkinghabituel,àquelquesmètresducafé.Àpeineunpiedposédansl’établissement,jelanceunbonjourrapide.Puisjepassedansl’arrière-boutiquepourmechangeretrangermonsac.J’enfileletabliervertquejedéteste,maiscommecesontlescouleurs de l’enseigne…Une horreur. Je ne cherche pas à suivre la mode comme «madame-tout-le-monde»,maisjenem’habillepascommeunegrand-mèrenonplus.Monpetitsalairenemepermetpasd’acquérirdesvêtementsdemarques,alorsjefouilleprincipalementdanslesfriperiesoulesmarchésauxpuces.Onpeuttrouverdesjeansdequalitépourunebouchéedepain.Pourquoienacheterunneufquimeruinerait?

–Tuasunesaletête,aujourd’hui!constateFlorent.

Jelefixe,ajustantlessanglesautourdematailleavantdeluitirerlalangue.

–Quiaenviedetravaillerparuntempspareil?C’estdéprimant,avoué-je.–Surtoutlorsquetuentendscauserdeplagetoutelajournée.Heureusementqu’onalaclimatisation.–Quandellenedéconnepas!renchéris-jeeneffectuantlamiseenplace.–Neparlepasdemalheur,bonsang,tuvasencorenousporterlapoisse,gémit-il.

Je prends les commandes des premiers clients qui entrent au même moment. Très vite, le services’enchaînesansquenousayons le tempsdesouffleruneseconde.Milk-shakes,cafés,pâtisseries, lattesglacés…C’estéreintant!Mespiedsmelancentmalgrémesbonnesvieillesbaskets.

Enfin,lemilieud’après-midiarrive.«Seizeheures»estsynonymede«pause»!

–Flo,jeprofitedel’accalmiepourfumer.–Etjepariequetun’aspasdeclope…

–Non…Mais je sais que tu vasm’en donner une, car je suis la fille la plus gentille de la Terre,minaudé-jeexagérémentenbattantdescils.–Joss…Ilfaudraitpeut-êtrequetucommencesàt’enacheter.–Jenepeuxpas,sinonjefumeraistoutletempsetça,ilenesthorsdequestion.

Florent secoue la tête en riant avant de me tendre mon addiction. Nous nous relayons derrière lecomptoir:jepeuxenfinsortirsurletrottoir.

Tandisquejem’éloignedeladevanturedelaboutiqueafindenepasgênerlaclientèle,arriveLEbeaubrun aux yeux bleus renversants. Depuis le début de la saison, il vient tous les jours s’asseoir ici etcommander lamême chose.AvecFlo etLisa, nous nous amusons à inventer des scénarios, histoire dedevinerpourquoiilbossedesheuressursonPC.

J’écrasemonmégot,et le jettedans lapoubelle.Laportepassée,moncollèguem’adressedegrandssignespeudiscrets.Onpourraitcroireàunchimpanzé,derrièresagrille,réclamantdescacahuètes.

–T’asvu,ya«MysteriousMan»,précise-t-ilencrochantsesdoigtsenformedeguillemets.–Oui,jetesignalequejemetrouvaisdevant,rappelé-jeenmelavantlesmains.

JenettoielecomptoirpendantqueFlomeracontesasoiréedelaveille.Jerisdurâteauphénoménalqu’ils’estpris.Maintenant,scotchésurlesréseauxsociaux,ilmemontredesvidéosplusdébileslesunesquelesautres.

–Non,maisiln’estpashilarantcemec?–Si,enfinpasàmeplierendeux,affirmé-je.

Ilsouritets’accoudeprèsdemoienfixantnotremystérieuxsolitaire.

–Vas-y,commenceàmebalancercequetupenses,lance-t-il.

Jem’approcheenréfléchissant,leslèvrespincées.

–Ilattendsapromiserencontréeici.Touslesjours,ilreproduitlemêmeschémaenespérantlacroiserdenouveau.–Vous,lesgonzesses,fauttoujoursquecesoitunehistoiregnangnan,pouffe-t-il.–Prouve-moiquetupeuxinventermieux,alors.–Moi,jepariequ’ilfuitsananapourtravaillerenpaix.

Le beau brun regarde dans notre direction. Je tourne la tête pour nettoyer la vitre des pâtisseries.Aucuneenviequ’ilremarquequ’ilestl’attractiondenoslonguesjournées.

–Pourquoituvoistoujourslecôténégatif?Iln’apasvraimentl’aird’êtredecegenre.–Qu’ensais-tu?C’estpeut-êtreunCasanova.–Commetoi…?letaquiné-je.–N’importequoi!J’aimorfléavecFanny,alorsj’ailedroitdeprofiterunpeu,sedéfend-il.–Tupourraispasseràcôtédel’amourdetavie.–Jesuisungarshonnête,Joss.Jelespréviensàchaquefoisqu’iln’yaurapasdelendemain.Jetejure

qu’elles viennent commedes petits papillons… se justifie-t-il en bougeant ses doigts, reproduisant lesbattementsd’ailesdel’insecte.

Jerisenluijetantleboutdetissuàlafigure.J’enchaîneenprenantlacommanded’unclient.Florentrechargelestiroirsensortantdesboîtesdelaréserve.Jel’aideunpeulorsqu’unevoixsensuelleetgraves’élève.

–Excusez-moi,pourrais-jeavoirunLatteMacchiatoavecsupplémentcaramel,s’ilvousplaît?

Jemetourne,têtebaissée,bousculantaupassagemonamid’uncoupdehanche.«Sincérité»,monœil!J’allumeparmécanismelamachineàcafé,placelecouverclesurlegobeletetpivotepourdemanderàquelnom.Nosregardssecroisent;monventresecrispedevantcettemagnifiqueapparition.MysteriousMan est si beau,mais si étrange…Comment ces deux adjectifs peuvent-ils définir une seule etmêmepersonne?

–Etvotreprénom?questionné-je,l’airprofessionnel.

Ilpenchelatêtecommesimarequêtelesurprenait.Jelèvelegobeletpourluimontrerquec’estjustepournotersacommande.

–Bastien,lâche-t-ilensouriant.

J’écriscetagréableprénom,jolietpeucommundansmonentourage.Jeneveuxpasrévélerlerosequienvahitmesjoues.Safaçondemereluqueroudeprononcerle«S»desonnommecoupelesouffle.Unevague de chaleur circule dans toutmon être. Sensation irréelle. Je lui tends sa commande d’unemaintremblanteetl’encaissedelamanièrelaplusprofessionnellepossibleauvudemonétat.

–Bonnejournéeetmerci!

Bastiensouritenguisederéponse.Jeneparvienspasàmaintenirsonregard,tantlebleudesesirisestdéstabilisant.

Lerestedel’après-midisepassebien.Leslieuxsevidentpeuàpeu,annonçantledébutduweek-end.

J’attends ce jourdepuisdes semaines interminables.Unmois.Unmoisdevacances entier à lézarder ;profiter de la plage désertée par les touristes, mais suffisamment clémente pour se dorer la pilule encompagnied’unromancroustillant.

–Tucomptesfairedesheuressupplémentaires?medemandeFlorent.–Non,pourquoi?–Parcequ’ilesttempsdefermer!Toi,tut’enfous,garce,t’esencongés.Moi,lundi,jem’occupede

l’ouverture.–Dixitletypequis’estbarrétroissemainesàIbiza!rétorqué-jeensouriant.–Oui,bencen’estpaspareil.– Ah bon ? J’avais les boules de rester avec les saisonniers, moi. Surtout vu les photos que tu

m’envoyaispourmefairerager,souligné-jeenluilançantlalavettegorgéed’eau.

IléclatederireetmeracontepourlamillièmefoissonséjourenEspagne.CesontsesparentsquiluiontoffertpourNoël.Florentestissud’unefamilleaisée.Ilestfilsunique,doncsescadeauxsonttoujoursextravagants.Un jour, jeme paieraimoi-même un voyage. Je ne sais pas encore où, tout dépendra dubudget.J’adoreraispartirenItalie,pourdécouvrirVenise,lavilledesamoureux,ouenAngleterre,làoùbeaucoupdemesromansfavorissontnés.

Moncollèguenettoielestablesunedernièrefois.Aumomentoùilrapportelesdéchetsàjeter,ilmefaitsigned’approcher.

– Je suis sûre qu’il vient pour toi,MysteriousMan. Je sais que je te le répète, mais il te reluqueconstamment…–Oupourtoi.Tun’yaspassongé?memoqué-je.

Sonexpressionassuréedevientconfuse.Jenepeuxpasm’empêcherdepouffer.

–Ilresteraitpourrien,jenemangepasdecepain-là!affirme-t-il.–Mamèredittoujours:«Onnepeutpasprétendrequ’onn’aimepastantqu’onn’apasgoûté»!–Certes,maislà,çaconcernemesfessesetnonpasunflanauxcourgettes!tranche-t-il.

Jerisenextirpantlesénormessacs-poubelledeleurcompartimentpourlesjeterdevantlecommerce.Ilresteencoredeuxclients,dontlemystérieuxinconnu.SilathéoriedeFlorentestexacte,pourquoinem’a-t-ilpasadressélaparoleendeuxmois?C’estlapremièrefoisqu’ilmepassecommande.Ilesttoujoursserviparlesautres.Jepensejustequ’ilattendsabelle.Unhommecommeluinepeutpasêtreseul.Ceseraitdugâchis.

Jejettelessacsetapprochelesconteneursauborddutrottoirpourquelescamionslesvidentdanslanuit. Ils pèsent un ânemort et, avecmon petitmètre cinquante-cinq, ce n’est pas unemince affaire. Je

trébucheparterre,monpiedcoincésousl’unedesbennes.Tirantdessus,jetentedemedégager,maisc’esttrop lourd. J’entends des gens crier au loin, mais je n’y prête pas attention, trop accaparée à medépatouillerdecebourbier.Jeparviensenfinàmelibérerentordantmacheville.Jemelèveettapotemesfesses, fière de moi, pour me nettoyer. Des mains puissantes me poussent alors subitement.Au mêmeinstant,ungrandcoupdeklaxonretentit.

–Attention!

Tout se déroule extrêmement vite.Bastien est percuté par unevoiture, qui, auvudubruit, a tenté defreiner.Elleleprojetteassezviolemmentausol.Desgenscrient.Moi,jesuisenétatdechoc.Florentcourtversmoipours’assurerquejevaisbien.Ilmesecondepourmeremettresurmespieds:jesuisunpeuégratignée,maiscen’estriendecomparableàcequiauraitpum’arriver.

–T’essûrequeçava?J’avaisprévudem’enoccuper,tusais!s’inquiète-t-il.–Oui,çava…Attends…

Jemeprécipiteversmonsauveur.Ilestétendusurlesol,conscient,maisgrimaçant.Il jureentresesdentsetenvoiebaladertouteslespersonnesdésirantluiapporterdel’aide.Sansréfléchir,etauvudesonétat,j’aboie:

–Appelezlespompiersaulieudel’emmerder!

Sesyeuxcaptentlesmiens.Calme,ilm’observedespiedsàlatête.Commes’ilanalysaitlesdégâts…Jem’accroupisàsescôtéssansoserletoucher.Ilnesaignepas,maissajambeformeunangleétrange.Jeluiadresseunsouriregêné,bienembêtéeparlasituation.Toutestmafaute.Sij’avaisécoutéFlorent,çaneseraitjamaisarrivé.

–Çava…Bastien?

Il n’y a pas dephrase plus idiote que celle-ci,mais quevoulez-vousque je lui demande ? Il laisseapparaîtreunemimiquemiamusée,midouloureuse.

–J’aiconnumieux…Etvous,voussaignez,grince-t-ilenmontrantmesplaies.

Jefixemespaumesetmesgenoux.Peuimporte.Jedésinfecteraienrentrant.

Nousentendonsbientôtlessirènesdesecoursquiapprochent.Leconducteurn’arrêtepasdetenterdesejustifierauxpassants.

–Pardon,mademoiselle,intervientlepompier.

Jerecule,restanttoutefoisàproximité.Florentm’apportemesaffairesetm’assurequ’ils’occupedelafermeture.Jel’embrassepourleremercier.Lagendarmerieentreendiscussionavecl’automobilisteetlepersonnelducamionrougesang.Unjeunesecouristes’approchepourm’ausculter.

–Çavaaller,jen’airien,grâceàlui.Ilm’asauvélavie,déclaré-jeavecunmouvementdemain.–Alorsonembarquevotrehérosàl’hôpitaldeLapeyronie,précise-t-il.

L’équipeinstalleBastiendanslevéhicule.J’aijusteletempsd’adresserunpetitsigneàl’inconnu–quin’enestplusvraimentun,maintenant.Jesuiscommecaptivéeparleslumièresbleuesdansantesetlebruitassourdissant.

Une paume posée sur mon avant-bras me tire de mes pensées. Je tourne la tête. Une dame d’unequarantained’annéesmetenduntéléphoneportableetdesclefs.

–C’estàvotreami,jesuppose,vousdevriezlesluigarder.

Jelesrécupère,sansréfléchiraufaitquejeconnaisàpeinecethomme.Jesaisseulementqu’iladorelesLatteMacchiatoavecsupplémentcaramel.Parfois,çapeutaussiêtreuncaféfrappéaccompagnéd’unmuffinauxgroseilles.Oh,etilseprénommeBastien.Riendeplus.Cen’estqu’unclient.Beaucommeundieu,certes,maisunclient…

Laruesevidepeuàpeudescurieux,melaissantseuleavecmeshésitations.Lagendarmerieaprismontémoignage,maisnes’estpaséternisée.Dois-jealleràl’hôpital?Maisdanscecas,quepourrais-jebiendire?

«Bonjour,jevoudraisvoirBastien! Ilaeuunaccidentàcausedemoi!»

Lepersonnelmeprendraitpourunefolle.Lemieux,c’estderentrer.Ilappellerasursonmobileoujeluilaisseraiaucafépourqu’ilpuisselerécupérer.

Jefonceendirectiondugrandparkingpourretrouvermavoiture.Lalumièredujourdécline,remplacéepar lecoucherdusoleil.Une fois installéederrière levolant, jepousseun longsoupir…etmemetsàpleurersanstropsavoirpourquoi.Unmélanged’adrénaline,depeur…C’estlibérateur!

Unhommepassedevantmonvéhicule,unecigaretteauxlèvres.J’aibesoind’uneclope.Jesorssansréfléchir.

–Excusez-moi!Enauriez-vousunepourmoi,s’ilvousplaît?–Biensûr.

L’étranger,sauveurdemonétatnerveux,extirpesonpaquetetenextraitunelonguetige,qu’ilmetend.

–Mercibeaucoup,bafouillé-je,tremblante.–Jepensequ’ellevousferadubien.Bonnesoirée.

Jereviensdansmapetite206etallumelecontactafinquelamusiqueemplissel’habitacle.Jesavourechaqueboufféequejetireenappuyantmatêtesurlesiège.J’imaginecequiauraitpum’arriversiBastienn’avaitpassurgidenullepart.Jen’apprécieraispascettecigarettetranquillement…

Je jette le mégot par la fenêtre et emprunte le chemin du retour. Ce soir, j’irai au plus simple. Jem’arrêteaudrivepouremporterunhamburger/frites.Paslaforcedecuisiner.Etpuis,lefrigoestvide.

J’atteinslamaison,ramassemoncourrieretmontelesescaliers.Unefoislaported’entréefranchie,jeme déchausse pour soulager mes pauvres pieds et me précipite sur mon canapé. J’ai besoin de meregarderunbonfilmquejeconnaisparcœur,maisdontjenemelassepas.J’adoreleromantisme,qu’ilsoit dansmes livres ou à l’écran. Je suis de repos et compte bien en profiter.Néanmoins, l’image duMysteriousManmehante…

Bastien.

Queva-t-iladvenirdecettesituation,maintenant?Àmoinsdepassermesvacancesautravail,jen’aiaucunmoyendelerevoiretpourtant,jeluidoistant…

Besoindemonaide!

Leslueursdusoleilmetirentdemonsommeil.Jemesuisendormiesurlecanapécommeunegrosseloque.Labouchepâteuseetunmaldedosterribleenrécompense.Règlenuméroun:arrêterdepioncerdevantlatélévision.

Je lèvemon popotin enm’empressant de lancer lamachine à café. Pendant que la tasse se remplit,j’allume la chaîne des clips en fond et ouvre la fenêtre en grand pour aérer. Le temps est maussadeaujourd’hui, vu les nuages noirs, l’orage est proche.Monmug enmain, je sors des pains au lait pourdéjeuner. Mon cerveau se réveille en douceur, alors que je fixe le téléphone de Bastien. Je me suisconvaincuedenepasfouillerdedans,maislaJossdecematinestd’humeurcurieuse.Mesdoigtstapotentsurleverredelatable,puisgambadentjusqu’aumobile.

–Tunedevraispas,cen’estpasbien,prononcé-jeàmonintention.

Sage, je le pousse et finis demangermon en-cas. Jem’applique à tout ranger, nettoyer etmonte levolumedutéléviseuravantdefoncersousladouche.Sansm’enrendrecompte,jememordilleleslèvresparanxiété.Commentva-t-il?Lespompiersn’avaientpas l’air inquiets,mais jen’aipasarrêtédemesoucierpourcegarsquis’estjetésouslesrouesd’unevoitureafindemesauver.Pourquoia-t-ilfaitça?Çafaitplusieurssemainesqu’ilvienttouslesjourssurmonlieudetravail,maisjusqu’àhier,ilnem’avaitjamaisadressélaparole.

Jemesècheetrejoinsmachambrepourmechoisirunetenue.Aprèslamétéodujour,j’optepourunpantalonavecmesconversesetunetunique.S’iltombedestrombesd’eau,jenemevoispasavecdesnu-pieds.

Superledébutdesvacances:unhommeafaillimouriràcausedemoietmaintenant,ilfaituntempsdechien.Enretournantverslasalledebainspourfinirdemepréparer,jelorgnesanscessecesmartphonequipourraitm’enapprendreplus surBastien.Histoirede résister aumaximum, j’explore lemien. J’aideuxmessages,undeFlorentetundeLisa.

Florent[Coucoumajolie,çavamieux?Tum’asfaitpeur.Donnedesnouvelles.Bisous.]

Jesourisetprendsletempsdepianoterpourluirépondre.

Moi[Saluttombeur,toutvatrèsbienpourmoi.UnpeumoinspourMysteriousMan…Bisous.]

Dèslemessageenvoyé,jelisceluidemameilleureamie.

Lisa[Coucoumachérie,Jérémyn’estpaslàcematin.Onsevoit?Bisous,bisous.]

Ellearriveàpoint,cardesconseilsconcernantBastienseraientbienutiles.Lisaestplusculottée,elleseraitcapablededébarqueràLapeyronieetdeleretrouver.

Jeluirépondsdanslaseconde.

Moi[CoucoumaZaza,librecommel’aircematin.Besoindetoi.Bisous.]

Jenavigueunpeusur les réseauxsociaux, riendebienparticulier.Certainsparlentde la rentréequiarrive,d’autresévoquentleursvacances.Moijenemarquejamaisrien,carjen’aitoutsimplementrienàdire.Jeposemonportableetfixeaveccuriositécesatanésmartphonederniercri;legenrequicoûtelamoitiédemonsalaire.

–Etpuismerde!

Jecraque,etmesaisisprécipitammentdel’objet.J’allumel’écranetdécouvrelaphotod’unvoilierenmer.Jefaisglissermondoigtpourledéverrouiller.Ilmedemandeuncode.Mince.Jetenteletraditionnel«0000»maisnon,çaauraitététropsimple.C’estsûrementunsigne.Jenedoispasvoircequ’ilyadanscetappareildemalheur.Jelerangedansmonsacavecsesclefs,puisprendslesmiennespourpartir.Jedescends lesmarches,malgré le temps gris etmon inquiétude pour Bastien, je suis de bonne humeur.Pendantunmois,jevaisavoirmesjournéesdelibres.Unefoisenvoituremon«jurassic»vibre,jelesorspourdécouvrirlepointderendez-vousdemameilleureamie.

Odysseum,j’adoreyaller!C’estunegaleriemarchandeaéréequiproposeunebrochettedemagasinsfortssympathiques.Durantletrajet,jepousselachansonnettesurdevieuxtubesintemporelsentapotantsurlevolant.Jem’engagedansleparkingsouterrainetempruntel’ascenseurpouratteindrelesboutiques.Alorsquejem’approchedulieuderendez-vous,deloinj’aperçoislatignassedeLisa.Jelareconnaîtraisentremillemêmesiellechangeaitcontinuellementdecoiffure.D’aprèselle,lescheveuxsontunatoutdebeautéqu’ilnefautpasnégliger…

–Hey!Çavamapoulette?lâche-t-elleenmeprenantdanssesbras.–Çavabienettoi?

–Super,maisons’enfout.Flom’atoutraconté,c’estunehistoirededinguecequ’ilt’estarrivé!

Jeluiproposed’allerenterrasseboireuncaféafindetoutluiexpliquer:delasatanéepoubellepesantdestonnes,àmonhérospercutantlavoitureàmaplace.

–C’estincroyablequeMysteriousMansesoittrouvélà!–J’étaispersuadéequ’ilsetrouvaitaucafé,maisquandilm’apoussée,jen’aipastoutcompris.Tout

estallésivite.–MonDieu,t’imaginess’iln’avaitpasétélà…grimace-t-elle.–Cen’estpaslecas.Jesuisenpleineforme.Luiparcontre,j’aimeraissavoircommentilva.–Vaàl’hôpital!lance-t-elleavecassurance.–T’esmarrantetoi!Jedisquoi,jeneleconnaispascetype.J’aijustesontéléphoneetsesclefs.–Donnejevaisfouillersonportable,ildoityavoirdesindices.

Jepenchelatête,enluioffrantunemoueboudeusetrèsprononcée.

–Tucroisquoi?Jen’aipasrésisté,maisyauncode…

Soudain,Lisaselèvebrusquementetmesignifiequ’onvaàLapeyronieàlarechercheduhéros.Jelasuisdeprès,carellemarcheaupasdecourse.

–Jen’aipasbeaucoupdetemps.Alorsjet’aideàlelocaliser,maisjeveuxtouslesdétailsaprès.

Jelèvelesyeuxauciel,maissadéterminationestcontagieuse.JesuisdécidéeàtrouverceBastien.Detoutefaçon,commemerépètesanscessemagrand-mère,«quinetenterien,n’arien».Uneexpressionquiest de rigueur ce matin. Nous conduisons chacune nos voitures, car elle doit rejoindre Jérémy après,comme ça je serai libre de bouger quand l’envie m’en prendra. À présent sur la route du CHU deMontpellier, je suismotivée,maisma tête commence à cogiter. J’essaie d’imaginer la scène de notrearrivée, afin de trouver une excuse valable pour ne pas paraître pour des dingues. Nous passons labarrière d’entrée et nous arrêtons nos autos l’une à côté de l’autre. Nous nous aventurons dans cetimmensehôpitalenprenantsoindelirechaquepancarte.CeCHUestvraimentgrand,mêmepourtrouverl’accueilnousrisquonsdenousperdre.Mameilleureamienesedémontepaspouraborderunsoignant,afindeluidemandernotrechemin.Nousnousavançonsverslestandardetjelalaisseparler.

–Bonjour,hierundénomméBastienaétéadmisauxurgences,suiteàunaccidentaucentre-ville.Nousavonsrécupérésesaffairesetnousaimerionsleretrouver.–Oui,Bastiencomment?–C’estçalesouci,nousneconnaissonspassonnomdefamille.

Je reste sur le côté et aperçois la femme grimacer. Lisa lui explique que nous ne désirons pas le

déranger, mais que, comme nous travaillons au café près duquel la collision a eu lieu, nous voulionsprendredesesnouvelles.Jem’étonnedevoiravecquellefacilitéelledéballecettehistoiresansaucunehésitation. La standardiste n’a pas l’air méchante, mais embêtée. Ça commence à me chatouiller derépliquer,car jemedisquefinalement jen’airienàperdre.Après tout,nousfaisonsunebonneaction.Nousnesommespasdesserialskilleuses!

–Madame,lefaitestque«ce»Bastiens’estjetésouslesrouesdelavoiturepourmesauverlavie.Vousnepensezpasquec’estnormal,quejedébarquepourdécouvrircommentilseporte?lancé-jeenmontrantmesplaiesauxmains.

AvecLisa, nous sentonsqu’elle est prête à céder, il suffit d’un rienpourqu’elle craque.MaZaza atrouvélafaille.C’estuneromantique.

–Écoutez,çafaitdessemainesqu’ilvienttouslesjourssurlelieudetravaildemonamiejustepourlareluqueretlà,illuisauvelavie.Nesoyezpaslapersonnequiempêcheracettebellehistoired’amourdecommencer…

Jem’apprêteàmedéfendresurl’immensitédumensonge,maisjemeravisequandjevoisqueleplanfonctionne.Ellepianotesursonclavier,puissourit.

–En effet, BastienMoretti a été admis hier pour une fracture à la jambe et quelques contusions. Ildevraitsortiraujourd’huinormalement.Ilestautroisièmeétage.–Mercibeaucoupmadame,déclarons-nousenchœur.

Lisameprendlamainpourmetirerversl’ascenseur.J’enprofitepourluipincerlebras.

–Aïe!T’esmaladeouquoi?–Tuauraisputrouveruneautreexcusequetonhistoired’amourbidon.–Çaamarché,non?Aprèstout,tunesaispaspourquoiilvenaittoutletemps.Jepensequelathéorie

deFlopourraitêtrebonne.Surtoutmaintenantqu’ilt’asauvée.–N’importequoi!réponds-jeenhaussantlesépaules.

Nousmontonsàl’étagedanslesilence,unevoixrésonnedansmonesprit.

BastienMoretti,BastienMoretti…

Deuxmoissanssavoirquoiquecesoitetenquelquesheures,jeconnaissonprénomainsiquesonnomdefamille.Jesecouelégèrementlatête,qu’est-cequeçapeutmefaire?Jem’informedesonétat,jeluirendssesaffaireset jepars.Nousatteignons lebureaudes infirmières,Lisademande lenumérode lachambredeBastien.Nousdéambulonsdanscecouloir,maisjeralentislepas.

–Qu’est-cequ’ilteprend?–Qu’est-cequejevaisluidire?

Sanssavoirpourquoi,unnœudseformeaucreuxdemonventre.J’étaisdéterminée,maisjen’avaispasdu tout pensé à cemoment. Je haisma timidité envers lesmecs pour ça. Il n’est qu’un client quim’asauvée, rien de plus. Je lui ai parlé hier, c’était bref,mais je n’ai pas eu de frayeur.Une fois devantl’entrée,Lisapressesespaumesdemainssurmesépaulespourmefaireavancer.Jesouffleunboncouppourmedonnerducourage.

–Luinonplusneteconnaissaitpas,pourtantiln’apaseupeurdesauter,murmure-t-elle.

Lisan’apastort.Aprèscequ’ilafaitpourmoi,jeluidoisunminimumenretour.Jecognedoucementlaportequis’ouvreàmoncontact.Jelapoussedélicatementpourledécouvrirassissurlelit.Jeluifaisunsourireminable,toutetendueetlèvrestordues.Unmélangedelafilleembêtéededérangeretd’unedinguequil’aretrouvé,outoutsimplement,désoléed’êtrelaraisondesaprésenceici.

–Salut!–Salut,répond-il.

JemetourneversLisa,maisellen’estpluslà.Lagarcem’alaisséeenplan.Ellevamelepayer.Jem’approche de lui, même si la sortie me fait de l’œil. Prendre mes jambes à mon cou est encoreenvisageable.

–Hier,touts’estpassésivitequejen’aipaseuletempsdevousremercier,maisjevousaitrouvé.–Cen’estrien.–Vousm’avezquandmêmesauvélavie,affirmé-je,étonnéedesaréponse.

Jeregardesonmolletplâtréetsonbrasenattelle.Ilalesourireetunebonneminemalgrétout.Pourtantçan’allègepasmaculpabilité.

–N’importequiaurait faitpareil.Etonpourraitpeut-êtrese tutoyer.Aprèscequ’onavécu,ceseraplussimple,propose-t-il.–D’accord.Tuasfaittombertontéléphoneettesclefshier.Tiens.–Mercibeaucoup,jen’avaispasconnaissanced’oùilssetrouvaient…J’aiaussimonPCaucafé.–Jesuisencongés,maisj’iraitelechercher.

Bastienmemontrelefauteuilàcôtédelui.Jem’assoisetremarquequemesmainstremblent.Jenesaisplustropquoiluidire,mêmes’ilestplusbavardqued’habitude,cen’estpasencoregagné.

–Onm’aexpliquéqueturentraisaujourd’hui,c’estbien.Quelqu’unvienttechercher?

–Oui,j’attendsjustelemédecin,ildoitsignerlespapiersdesortie.Jeferaiveniruntaxi.

Personnenevientpourlui?Sapetiteamie–enfin,jesupposequ’ilenaune–,doitsefairedusouci.Comment pourrait-il en être autrement ? Je n’avais jamais vraiment fait attention jusqu’à présent. Jepensaisqu’ilétaitcharmant,maislà,faceàmoi…Jesuisauborddel’évanouissement.

–Jepeuxteraccompagnersituveux,çameferaitplaisir.–Non,net’embêtepaspourmoi.–Jesuisenvacances,j’aidutempslibre.Situasbesoindecoursesouquoiquecesoitd’autren’hésite

pas!–Tun’aspasquelquechosedeplusintéressantàfairequedet’occuperd’uninfirme?rétorque-t-il.–Grâceà«l’infirme»commetudis,jesuisencoreenvie.Donc,jedevienstonchauffeurattitré!

Devantmontonunpeuplusferme,ilfinitparcéderetaccepte.

–J’ailedroitdeconnaîtrelenomdemonchauffeurtoutdemême?–Quellecruche…c’estJoss!–Enchanté,Joss.

Jeluiserrelamain.Quandnospeauxsetouchent,uncourantd’électricitémeparcourtledos.Commele+et–d’unebatterie,àl’approchedesdeuxceladevientexplosif.Jelelâcheparréflexeetm’enfoncedanslefauteuil,lesjouesrouges.Quelqu’untoqueàlaporte,lemédecinmedemandedesortirenpénétrantavecd’autrespersonnesenblouseblanche.Jem’exécute,çamepermettradeprendreunpeul’air.Dansquellegalèrejemesuisembarquée?Jeluidoisbiença,c’estlamoindredeschoses,maiss’ilavaitétémoinssexyceseraitplussimple.Ilmesuffitdeplongerdanslelagondesonregard,pourmedonnerenviedem’abandonnerverslesprofondeursdesonâme,sanspouvoirlecontrôler.

L’équipemédicales’éclipse,jerejoinsBastienlorsqu’ils’assoitdansunfauteuilroulant.

–Onyvachauffeur?lâche-t-ilavecunmagnifiquesourire.–Oh…oui,laisse-moitepousser.

Nous descendons aux bureaux des sorties pour qu’il règle la paperasse, puis je lemène jusqu’àmavoiture.Jeluiouvrelaportièreafinqu’ils’installecôtépassager.Jeréalisequejevaisdevoirmettresonfauteuildansmoncoffre.L’hôpitalluiprêtesousfraismédicaux,vuqu’ilnepeutpasutiliserdebéquilles.C’estsympa,maiscommentferme-t-oncetruc?Pirequ’uncasse-têtechinois,jem’énervedessuscequifaitglousserlehéros.

–Jet’entendsjetesignale,grommelé-je.–Approche-toi.

Jem’avanceverslui,ilm’expliqueoùtireretcommeparmagie,lefauteuilseplie.Jelerangedanslecoffredelavoiture,heureusementquejen’yaipasentassédubordel,sinonj’auraiseul’airmaligne.Jem’installederrièrelevolantetluidemandedem’informeroùilvit.Surlarouteaucundenousdeuxnepipemot,saufluipourm’indiquerlechemin.Bastienpianotesursontéléphone,sûrementàsachériepourla rassurer.Lorsquenousarrivonsdevantchez lui, je réalisequ’iln’habitequ’àquelques ruesdechezmoi.Jemefilelesquatresueurspourextirpersonfauteuil,maisilm’appelle.

–Neledépliepas,jevaisdevoirmonterlesescaliers.–QUOI?Tun’aspasd’ascenseur?Turésidesàquelétage?m’empressé-jededemander.–Ausecond.

Jefermelecoffreetl’aideàsortir.Laproximitédesoncorpsmepermetdehumersadélicieuseodeur.Commentaurait-ilfaitavecletaxi?Lechauffeurl’auraitpeut-êtresoulevé,çaauraitétéplussimple.

–Tuveuxquejeteporte?grimacé-je.

Bastiens’arrêteetmeregardeavecunairamusé.Ilsuffitdequelquessecondespourqu’ilsemetteàrire.

–Jenevoispascequ’ilyadedrôledansmaproposition…grogné-je.

Lemecsefoutdemagueule,alorsquej’essaied’êtresympa.Ilmériteraitquejelelâche,maisjeneleferaipas.Jenesuispasmauvaiseàcepoint.

–Jesuistroplourdpourtoi,maistum’aidesdéjàbeaucoup,merci.

Bastien sautille en direction des escaliers. Le bâtiment est assez récent et lesmarches régulières. Ilentame l’ascension et nous faisons quelques pauses. Ça doit être épuisant pour lui, surtout avec cettechaleur accablante. Moi-même je suis vidée rien qu’en attendant derrière lui qu’il gravisse les deuxétages. Je transpire encoreplusqu’à la sallede sport…Jenedois ressembler à rien.Nous atteignonsenfinsonpalier,etjel’entendssoupirerdesoulagement.Ilouvrelaported’entrée,etjemeprécipitepourpasser son bras par-dessus mon épaule pour lui servir d’appui, sauf que je sens qu’il n’ose pas metoucher.

–Non,maisvas-y!Jesuispetite,maispasensucre.–Turessembleraisàunroutier,çam’arrangeraitpourlesmuscles…déclare-t-ilessoufflé.

Jelèvelesyeuxversluisanstropsavoircommentjedoisencaissercetteremarque.Est-cequec’estàcausedemaridiculetaille?Ouparcequ’ilmetrouveàsongoût?Mapauvrefilletutefaisdesfilms,biensûrqu’ilteprendpourunhobbit.Jel’aideàs’installerdanssoncanapéenjetantunœilautourdemoi.Son

appartementestbeaucoupplusgrandquelemien,maissurtoutbiendécoré.Ilatoutcedontonrêvepoursonchezsoi,mêmedespetitsplusquifontquej’adoresesgoûtsenmatièrededécorationintérieure.Cen’est pas surchargé, assez ajouré et je peux également voir l’immense bibliothèque se trouvant dans lapiècedufond.

–Tudésiresboirequelquechose?Tupeuxteservirsituveux,propose-t-il.

Jeme tourne vers lui. Bizarrement, jeme sens de plus en plus à l’aise en sa compagnie. Son petitsourirequej’appréciefortement,mepousseàletaquiner.

–Tudisçaparcequet’assoifoujusteparcourtoisie?

Bastienéclatederire,maisbaisselesyeux,commeunenfantqu’onauraitprissurlefaitaccompli.

–Unpeudesdeuxenfait…avoue-t-il.

Jem’avanceverssacuisinetoutenluidemandantoùsetrouventlesverres,cequ’ilaenviedeboire…Unefoistoutpréparé,jedéposetoutsurlatablebasse,maisrestedebout,hésitante.

–Tupeuxt’asseoirsituveux.–Jesuisentraindemedirequej’aitonfauteuilàremonter…Etlemédecint’adonnéuneordonnance,

non?–C’estbonj’arriveraiàmedébrouiller.Jedemanderaiàmonfrèrepourlereste.–Jet’assurequeçamefaitplaisir,jetedoisbeaucoup.

Bastiensirotesoncocaetsoupireenbasculantsatêtesurlecanapé.

–Arrêteavecça,tunevaspasêtreredevabletoutetavienonplus.–Loindelà,maisaumoinsletempsquetusoissurpieds.

Jeremarquequeçal’agace.Alors,mêmesijerisqued’envenimerleschoses,j’oseprononcerlaphrasequimeturlupinedepuisdessemainesentières,afind’éclaircirlasituation.

–Àmoinsquetapetiteamiepuissevenir,jeneveuxpasquetuaiesdesennuisenplus.

Bastien fige ses magnifiques yeux bleus sur moi en répondant avec un sérieux qui rend mes mainsmoites.

–Jen’aipasdepetiteamie,maisjepensequetuasmieuxàfairependanttescongésquedet’occuperd’untypequetuneconnaispas.

–C’estvrai,maiscen’estpasparcequejevaisterendrequelquesservices,quejenepourraipasenprofiter.

Lacommissuredeseslèvressesoulèvelégèrement,puisilfinitsonverredesoda.

–Tuesdanslegenretêtuecommenana.–Eneffetquandj’aiuneidéedanslatête,jenel’aipasailleurs…

Nous sourionsmutuellement. Je lui demande son ordonnance avec sa carte vitale. En descendant, jerangemieux le fauteuil plié etme dirige vers la pharmacie dont il m’a indiqué l’adresse. Lorsque jereviens,j’embarquesonnouveaumodedetransportavecmoi.Jepeineàmontercesfichusescaliersavecles bras encombrés,mais j’y parviens avec quelques bleus en cadeau. Je chope également un coup dechaudetpasselamainsurmonfronthumide.Essouffléecommeunbœuf,jetapeetouvre.Jedépliesonnouveaumodedetransportoccasionneletposelesmédicamentssursonplandetravail.

–Voilà,jepensequetuastoutcequ’iltefaut.Tuasbesoindecoursespourdemain?–Tucomptesvraimentvenirtouslesjours?s’étonne-t-il.–Biensûr!

Bastiensortsontéléphonedesapocheetmeletend.

–Tiens,note-moitonnuméro!Justeaucasoùjebougerais.

Jenepeuxm’empêcherderiredeboncœur,c’estmesquin,maisjenecontrôlepas.Bastiencomprendlaraisonetm’imite.

–Tusaisquej’aidespersonnesautourdemoietquejepeuxmedéplacersanstoi.–Roh…Çava,allezdonne-moiça,balancé-jeenattrapantsonmobile.

Je composemon numéro, puis appuie sur la touche verte pour faire sonnermon téléphone. Bastieninclinelatêtelégèrementsedemandantcequejefais.

–Afinquej’aieletienaussi,expliqué-jeenpinçantleslèvresdansunepetitemoue.

Je lui rends son appareil, j’hésite à lui faire la bise pour lui dire au revoir. Je pourrais croire queBastienlitenmoi,carilsepenchedansmadirection.Monsoufflesefaitcourt,moncœurpalpitecommesimoncorpsétaitcouvertparunefourmilière.Nospommettessetouchentdélicatement,larepoussedesabarbemechatouilleaupassage.Jepeuxhumersadélicieuseodeurenvahissantmonespaceolfactif.Ilsentsibon…unmélangeboiséetdepomme.Lorsqu’ilseredresse,nosyeuxseconnectentetl’intensitéquejedécèle dans ses prunelles est troublante. Gênée, mes joues s’enflamment. Je me détourne subitement,

simulantlarecherchedemesclefsdevoituredansmonsacetenchaîne:

–Bon,tuasmonnuméro,doncsituasbesoindequoiquecesoit,tum’appelles.

Aumomentoùj’ouvrelaported’entrée,jejetteundernierregardverslesienquinem’atoujourspasquittée.

–Merci,Joss.–J’arrêtedeteremercier,situenfaisdemême.

Bastienlèvelesdeuxmainsenl’air,commes’ilrendaitlesarmes.

–Promisalors,j’arrête,annonce-t-ilensouriant.

Je rentrechezmoinepouvantpasallerà laplagevu lapluiediluviennequi s’abat surmoi. Jevaisprofiterdurestedemajournéepourbouquinerl’undemeslivres,pelotonnéesurmoncanapé.

Unliensetisse

Je sorsdu supermarché tout excitéepar la soiréequi seprofile.Déjàune semainemaintenantque jecôtoieBastienquotidiennement.Touslesjours,jesuispasséesanstropm’éterniser,jenesouhaitaispasledéranger. Nous nous sommes envoyés desmessages régulièrement, et cette fois-ci, il m’a proposé unesoirée télé. Bastien est plutôt sympa commemec,même si sa beauté et son charismeme déstabilisenttoujoursautant.Lisameditquejeluiplais,maisjen’yprêtepasattention.Àmonhumbleavis,c’estjusteunami,sinonilauraitdéjàtentéquelquechose.Quelquesfoismoncerveaumejouedestours,lorsquejelesurprendsàmeregarderintensémentoulorsquenousnousfrôlonsparhasard.Bastienn’aplusquesonpieddansleplâtre,ledéplacementenbéquilleestpluspratiquepourlui.J’aiapprisbeaucoupplusdechosesàsonsujet,carparmessagesc’esttoujoursplusfaciledecommuniquer.Samèreestdécédéeetsonpèreestunimportanthommed’affairesàParis.Cequiexpliquemieuxsonpetitconfortimmobilier.Ilaungrandfrère,Éric,quibossedansl’entreprisefamiliale.Quantàlui,ilbosseaveceuxsurcertainsdossiers,maisà distance. D’où son temps libre et l’absence d’arrêt de travail. Il a vingt-cinq ans, et n’est donc pasbeaucoupplusvieuxquemoi.

Une fois les courses chargées dans le coffre, je m’installe derrière le volant et m’engage dans ladirectiondudomiciledeBastienavecunpetitnœuddans leventre.Fautpas se leurrer, ce typenemelaissepasindifférente,maiscommentnepasl’être?Malgrétout,jedoisgarderlespiedssurTerreetnepaspermettreàmesfantasmesd’envahirmonesprit. J’aime l’amitiéquise tisseentrenousetceseraitpuérildetoutgâcher.Detoutefaçon,c’esttoujourslamêmechoseavecmoi.Jerencontreungarsavecquijeme sens bien, puisme lasse et le quitte car il n’y a pas le petit truc en plus. Jem’échappedemespenséesencoupantlemoteur,prendslesacavecmesDVDetlescourses,puismonteausecondétage.Jem’apprêteàfrapperlorsquelaportes’ouvre.Jetombesurunmecenchemiseplutôtcanon.

Cen’estpaspossible,unbusdebeauxgossesestarrivéenvilleouquoi?

Priseparsurprise,jerestemuetteetlesourirequisedessinesurseslèvresmerappellequelqu’un.

–Jesupposequetueslepetitbouchon.Joss,c’estça?menargue-t-il.–Lepetitbouchon?

Pourquiseprend-ilsérieux?Nousnenousconnaissonspasetcegarssepermetdesemoquerdemataille.

–Onnepeutpasdirequetusoisbiengrande,jeunefille.Yatapetiteamiefrangin!balance-t-ilenme

passantdevant.

Je n’ai pas le temps de répliquer quoi que ce soit, qu’il a déjà disparu dans la cage d’escalier. Jepénètredansl’appartementetlanceunregardpleindequestions.

–Jesuisvraimentdésolépourlaconneriedemonfrère.–Mouais…Etaussi,jepeuxsavoirpourquoiiladitquej’étaistapetiteamie?–C’estdecetteconneriedontjem’excusais,déclare-t-il,moqueur.

Jedéballelescourses,maisquandilbalancececommentaire,mabouchesetransformeen«O»etjeluijettelepaquetdepaindemie.Bastienéclatederireetsehissesursesbéquillespourmerejoindre.Quandilmefaitlabise,telleunedroguée,jehumesondélicieuxparfum.Jelefaisdiscrètement,maisjenepeuxpasm’enempêcher.

–Alorsprêtepournotrepremièresoirée?

Enréactionàsesmots,jemefige,dosàlui.Jefroncelégèrementlessourcils,carencoreunefois,ilbalancedesphrasesavecunedoublesignification.Maiscommentsavoirlaquelleestlabonne…Cen’estpasunpremierrencard,si?Non,ildoitjustedirepremièresoiréeensemble,maisentouteamitié.

–ÇavaJoss?J’aiditquelquechosequ’ilnefallaitpas?–Nont’inquiète,toutvabien.

Jecommenceàpréparerlespains,lescarrésdejambonetlestranchesdefromage.Pendantcetemps,luinousdécapsuledesbièresetallumelamusique.Jesorslagrilledufouretlefaispréchauffer.

–Tuveuxdel’aidepetitbouchon?metaquine-t-il.–Tunevaspast’ymettre,parcequeméfie-toiquelebouchonnetepètepasàlafigure!menacé-jede

moncouteau.

Bastienseraviseets’installesurletabouretprocheduplandetravail.

–Jen’aijamaismangédecroque-monsieur,avoue-t-il.–Petite,onfaisaitçapresquetouslesdimanchessoirschezmoi.

Une fois la grille remplie, je tartine légèrement le dessus avec du beurre pour dorer le pain, puisj’enfourneletout.Leminuteurenroute,jerangelerestependantqueBastienm’expliquelavisitedesonfrère.

–Éricvoulaitêtresûrquetoutallaitbienpourmoi,carilsaitquejen’aimepasêtreassisté…annonce-

t-ild’unairamusé.–Iln’apasétésurprisd’apprendrequejet’apportaismonaide?–Ilestpersuadéqu’onestensembleenfait,pourluic’estlaseuleraisonpourquetuviennestousles

jours.–Jecomprendsmieuxalorsle«petiteamie»detoutàl’heure,précisé-jeenmimantdesguillemets.

Nousnousinstallonsdanslecoinsalon,puisjeretiremesbasketspourmettrelespiedssurlecanapé.Étrangement,jesuiscomplètementàl’aisemaintenant.Commesij’étaisunpeuchezmoi.Onsesentbien,apaiséetserein.

–AllôlaLune,icilaTerre…

Jetournelatêteversluietplongedanslelagonbleudesesyeux,sienvoûtant.Ilsscintillentcommes’ilyavaitdesétoilesàl’intérieur.

–Excuse-moi,tudisais?–Tuessouventdanslesnuages.Qu’est-cequetuveuxqu’onmatecommefilm?–Oh…J’aiprislesmiens,maisengénéral,ilsnefontpasfureurchezleshommes.

Jemelèvepourallerleschercheretluicitechaqueboîtiersortidusac.

– Alors il y a,Orgueil et préjugés,Roméo et Juliette, P.S. I Love You, New York Melody, PearlHarbor…–Eneffet,tuasembarquétaboîtedemouchoirsavec?semoque-t-il.–Écoutesituasmieux,jesuispreneuse.Moi,j’adorelesromances.–Non,maisonvaensélectionnerun.PearlHarborouNewYorkMelody,meconviennent.

Ducoup,nousfaisonsplouf-ploufpourchoisirlequelseral’heureuxgagnant:PearlHarbor.Quandleminuteursonne,jevaism’occuperdudînerpendantqu’ilpréparelefilm.Certesc’estunfilmdeguerre,maisc’estsurtoutunehistoired’amour.Jeplacelescroque-monsieurdansuneassiette,puism’emparededeuxbièressupplémentaires.J’installe le toutsur la tablebasse,enprenantunrouleaud’essuie-toutaupassage.Bastienéteintlagrandelumièreetvients’asseoiràmescôtés.C’estplutôtintime,jenesaispassic’estunebonne idée finalement. Jem’appuiecontre l’accoudoirpouréviterde touchersoncorpsderêve,sinonjenevaispasmeconcentrersurlefilm.D’unautrecôté,jel’aivujenesaiscombiendefoisalorsquelui…Non!Ressaisis-toimavieilleetarrêtedefairedesplanssurlacomète,tuesicientantqu’amie.Jemepenchepourchoperuncroque-monsieur,ilenfaitdemêmeetnosmainss’effleurent.Cemêmecourantélectriquemetraverselecorps,doncjemeravise.

–Vas-y,serstoi!lancé-je.–Honneurauxdames,souligne-t-ild’unclind’œil.

J’attrapelecroque,maisj’aifinalementperdutoutappétit.Commentavoirfaimd’autrechosequedelui?Voilà,jeperdslaboule,c’estofficiel.Lefilmdébute,nousrestonssilencieux.Detoutefaçon,c’estunpeudevenuunehabitudeentrenous.Nousn’arrêtonspasdediscuterparmessages,maislorsquenoussommesensemble,c’estcommes’ilyavaitdelaretenue.

Engoncéedanslescoussins,jesuisfinalementàfonddanslefilm.Etsoudain,quandlehérosmeurt,jepleureàchaudeslarmes.Pourlecoup,lemanquedelumièrem’arrange.LesdoigtsdeBastienmetouchentl’épaule,jefaiscommesiderienn’était,jusqu’àqu’ilouvrelabouche.

–Tupleures?s’étonne-t-il.

Je frotte mon index sur mes joues pour tenter d’effacer toutes traces de mon côté fleur bleue. Ils’approche de moi, le poids de son corps au milieu du canapé me fait pencher vers lui. Son parfums’immiscedansmazoneolfactive,mesnarinespapillonnentpourenhumertoutel’odeurpossible.

–Tusaisquecen’estqu’unfilm,maistun’aspasàavoirhonted’êtresensible.–Jesais…Maisjemedisqueçapourraitêtrevrai.–Jedécouvreuncôtéromantiquecheztoi,déclare-t-il.

Jemetourneverslui;sonregardestattendri.Jefondscommeneigeausoleiletdéglutisavecdifficulté.Des frissons me parcourent jusqu’en haut du crâne. D’abord désagréable, je finis par apprécier cettesensation.Maislatensiondevientpalpable,jemelèveetluiproposeunebière,l’airderien.

–Jevaismettreunfilmunpeuplusgai.Tuaschoisilepremier,doncc’estàmontour.

J’ouvre laporteduréfrigérateuretprofitede lafraîcheurdecelui-cipouréteindre le feuquinaîtaufonddemoi.Àquoijem’attendais,sérieux?Cetypem’attiretellement…C’estbienlapremièrefoisquecelam’arrive.Maisilnefautpasquejem’emballetrop,carnousnejouonspasdanslamêmecatégorie.Luifaitpartiedesbeauxmecsinaccessiblesetmoi,jesuisunefillenormaledelacatégoriedes«sansplus».Jeretournem’asseoirensilence,maissonregardpèsesurmoi.Ilmefaitdel’effetsansmêmemetoucheroumeparler.C’estdingue!

–Qu’est-cequit’arrivepetitbouchon?provoque-t-il.–Arrêteaveccesurnompourri,grincé-je.–D’accord, jevais en trouverunautre…Euh…J’enaiunquimevient,mais jene saispas s’il te

plaira.–Crois-moi,tantquecen’estpaspetitbouchonçameva!

Bastien rigole en réduisant l’espace entre nous. Sa respiration se fait plus prononcée, sa chaleurfusionneaveclamiennesansquenoscorpssetouchent.Jegardelesyeuxbaissés,mesdoigtsjouentsur

l’étiquettedelacanettedebière.

–Petitcœur…susurre-t-il.

Jemeraidisàcesmots.L’a-t-ilréellementdit?Jenecomprendspas.Pourquoimedonnercepetitnom,alorsquenousnesommespasensemble?C’estlapremièrefoisqu’unhommem’appelleainsi.Etmêmesijesuisconfuse,j’aiadoréentendrecesmotsdesabouche.Soudain,Bastienglissesondoigtsousmonmenton,afindemefairereleverlatête.Nosyeuxsescrutentavecintensité,sûrementplusfortedemoncôté.

–Çateconvientmieuxalors?demande-t-il.

J’aienviedeluidirequeoui,denepass’arrêterdemelerépéter.Seulement,maboucheprononcetoutautrechose.

–C’estmieux,maisonn’estpasassezintimepourça.

Bastienseredresseenfaisantretombersamain.Ladistancenousséparantsefaitplusgrandelorsqu’ilsedécale.Ilal’airvexé,maisjenecomprendspaspourquoinonplus.Jen’aipastort.Cegenredepetitnom,tuledonnesà lapersonnequetuaimes,à tamoitiéetpasàuneamie.Àmoinsqu’ilaitenviedeplus?Là,jerêvetotalement.

–J’aiditquelquechosequinet’apasplu?–Non,çava!Regardonsl’autrefilm,enchaîne-t-il.

Jesuissurpriseparsaréactionquelquepeudéroutante.Bastienachoisiunecomédie,ilrigoleetcesonesttrèsagréableàentendre.Néanmoins,jenepeuxm’empêcherdepenseràsonattitude.Uncoup,ilmedonnel’impressionquejepourraisl’intéresser,pourfinalementchangerdutoutautout.Jem’installeplusconfortablement dans le canapé, enme servant d’un coussin pour poserma tête. Ce film est vraimentdébile,maisj’avouerireégalement.C’estbienaussidenepasavoiràréfléchir.

***

Unechaleurparfumée,enivrantemechatouillelenez.JepapillonnedesyeuxavecdifficultéetmerendscomptequejesuiscaléecontreleventredeBastien.Merde,nousnoussommesendormisdevantlatélé.Jene peux pasmanœuvrer, ses brasme ceinturent. Je fais attention de ne pas bouger d’un iota, désirantprofiterdecetinstant.Lorsqu’ilremue,jefeinsdepioncer.Bastienneditrienetn’essaiepasdesesauver.

Tutefaisdesfilms,ildorttoutsimplementmapauvre.

J’imitecellequicilleunpeudanssonsommeil,carj’ailebrasankylosé.Enletendant,jecaresseson

ventre au passage. Je peux deviner chaque muscle formant ses tablettes de chocolat. Oh mon Dieu !J’essaie de ne pas faire un seul bruit, mais sans broncher, Bastien coupe court à ce silence matinalagréable.

–Bonjourpetitc…Joss,sereprend-il.

Je tentedemerelever,maissonemprisesurmoinesedesserrepas.J’avouenepas trop insister.Jeprends conscience d’avoirma gueule du réveil. Dès qu’il va la voir, il partira en courant. Je lève lementonverslui,leregardepourluidirequelquechose.

–Bonjour…Désoléedem’êtreendormie.Jedevraisyaller.

Àpeinecesmotsprononcés,ilretireundesesbrasetjemeredresseenm’étirant.Unpetitcouinementaigum’échappe,jeplacemesmainssurmabouche,surpriseetquelquepeuhonteuse.

–Tufaisdejolispetitssonsauréveil…metaquine-t-il.–Çava,arrêtetonchar,tuveux.–Promis,maistudéjeunesavecmoiavantdepartir!

Jedébarrasselatablebasseenproposantdefairelecafé.Bastienfiledanslasalledebains.Jesuisimpatientequ’il sorte,carmavessievaexploser.Laportes’ouvre, je laisse le liquidecoulerdans lestasses. Je fonceenpassantdevant lui. Il rigoleenmevoyantmecontorsionner.Aprèsm’être lavée lesmains,j’arrangeunpeulesdégâtsdelanuit.Monmaquillageaunpeubavé,mescheveuxressemblentàunecoiffurepost-sexe,mêmesi…çafaitlongtempsquecen’estpasarrivé.J’ouvrelesplacardspourvoirunpeucequ’ils’ytrouve.Jesaisbienquetoutlemondefaitcegenredechoses.J’ydécouvrepleindeboîtesdemédicaments,maismesyeuxseposentsursabouteilledeparfum.Jelaporteàmonnezpoursentirsonodeur.Jeremetstoutenplace,puislerejoinsdanslacuisinel’airderien.Bastienasortitoutessortesdetrucsàmanger:biscuits,brioche,madeleines,pâteàtartineretdelaconfiture.Ilesttoutfierenfaisantdegrandsgestespourmeprésenterlepetit-déjeuner.

–Tun’étaispasobligédefairetoutça,précisé-jeenm’avançant.–Unesemaineapasséoùtut’occupesdemoi,alorslaisse-moienfairedemême.–Jenelefaisaispasdanscesens,maisd’accord!

Jem’installeetdévoreunrepasdignedecenom.Jeremarquequ’ilatendanceànepasseservirdesesbéquillesenposantsonpiedpar terre. Ilnedevraitpas,maisquisuis-jepour le luidire? Ilestassezgrandpourgérersadouleurtoutseul.Entredeuxbouchées,ilentamelaconversation.

–Ilfaitbeauaujourd’hui!Tuasprévuquelquechose?–Nonpasvraiment,jecomptaisoctroyeruncoucouàmesamisaucafé,pourquoi?

–J’aimeraistepermettrededécouvrirunedemespassions.–Euh…Avectajambec’estpossible?–Pourçaoui.–Alorsd’accord,maisd’abordjedoispassermechangerchezmoi.–Laisse-moiprendreunedoucheetonyva,maisonprendmavoiture,déclare-t-iltoutsourire.–Pourquoi?Lamienneesttrèsbien.–Jenedispaslecontraire,maislamiennememanque,précise-t-ilenmepinçantlajoue.

Je lui tape sur samain enmême tempsquenous rigolons.Pendantqu’il est sous l’eau, je finis demanger,puisdébarrassetout.Jerangeetfaislavaisselletranquillement.JerassemblemesaffairesainsiquemesDVD.Laportedelasalledebainss’ouvre,ilapparaîtdemanièreàmerendredingue.Justeune serviette autour des hanches, dévoilant son corps sexy… Je détaille chaque parcelle de peaudénudéesansaucuneretenue,nidiscrétion.Quelquesgouttesd’eauparcourentsontorsemusclé.Lefeumemonteauxjoues,jebaissemonregard,gênéeetfrotteleplandetravail.Ilestpropre,maisj’insistesurunetacheinexistante.

Reprends-toimavieille,tun’aurasjamaisunmecpareil.

–Voilà!J’avalemontraitementetonpeutyaller.

Je l’observe préparer chaque pilule. Dos à moi, je parviens à remarquer qu’il y a beaucoup decomprimés,plusquecequejeluiaiapporté.Celam’intrigue,macuriositéprendledessussurmaraison.

–C’estquoitouscescachets?–Ohcen’estrien,justequelquesvitaminesenplus.

Jen’insistepas,caraprèstout,çanemeregardepasvraiment.Nousdescendonsauparkingprivédesarésidenceetj’observelesdifférentesvoituresgarées.Alorsquemonsieurcherchesesclefsdanssapoche,jemedemandebienlaquelleestlasienne.

–Alors,dis-moiquelleesttaprécieuse!

Bastienm’offresonsibeausourire.J’aimedeplusenpluslevoir.Ilappuiesursaclef,etuneAudiTTS clignote au même moment. Mes yeux s’écarquillent, ce n’est pas possible ça doit être une purecoïncidence.Bastienmeprécèdeetsetourneversmoi,quandilconstatequejedemeureimmobile.

–Tuavancesoutucomptesresterlà?–C’estçatavoiture?Tutefousdemoi,jesuisridiculeavecmapetitePeugeot.–C’estuncadeaudemonpèrepourmonvingt-cinquièmeanniversaire.

– Jeme languis d’avoir vingt-cinq ans si c’est le cadeauque tous les parents font,m’exclamé-je ensouriant.

Bastien rigole et me lance ses clefs. Je m’installe derrière le volant, comme une vraie gaminesurexcitée.Jen’aijamaisconduitunebagnolepareille.L’intérieurcuirestuntrucdemalade,letableaudebordestsomptueux.Jelaissemesdoigtsexplorerchaquecommande,commesic’étaituntrésor.Iltapotesurmacuisse,cequimecoupedansmarêverie.

–Cen’estqu’unevoiture,allezdémarre.–Tutefousdemoi?C’estunvraibijoumaparole.Tun’aspaspeurquejel’abîme?–Jet’aivueconduiremiss!Etdetoutefaçon,jen’aipaslechoix.

Je mets le contact et le fin ronron que le moteur produit me rend folle. Je suis mordue de cettecaisse…Etdupropriétaireenpassant.STOP! Ilfautquej’arrête.Nousnousenfonçonssurlaroute,jesuis ravie de quitter le centre-ville pour pousser un peu cette merveille. De la musique envahitl’habitacle,jeneconnaispas,maisj’aimebienoualorsc’estlasituationquej’aime…Mebaladeraveclui.Jem’engagesuruneplaceenbasdechezmoi.

–Tun’habitespasloindechezmoienfait!Cool…

Qu’est-cequ’ilentendpar«cool»?Ohmavieillearrêted’éplucherchaqueparolequis’échappedesadivinebouche.

–Jen’enaipourpaslongtemps,tuveuxmonteroum’attendreici?–Çadépendsitonmecacceptequejemontecheztoi.

Jenepeuxm’empêcherderire,etlatêtequ’ilfaitenmeregardantaccentuelemoment.

–Jen’aipasdemec!gloussé-je.–Bonnenouvellealors…Ducoup,jeveuxbiendécouvrirl’universdupetitbouchon.

Jeluitapedansl’épaulequandilsortdelavoitureetilricanedesaconnerie.

–Jetesignalequetoutcequiestpetitestmignon,rétorqué-jeentirantlalangue.

Ilprendunairsérieuxetl’intensitédanssonregardsefaitplusforte.

–Surcepoint-là,jesuisentièrementd’accordavectoi…

Je rougis instantanément.Ai-je bien compris ?Ce n’est pas un sous-entendu cette fois !Alors il se

pourraitquejeluiplaise…Jeledoublepourouvrir,maistellementchambouléeparsesmots,jegalèreàtournerleverrou.Unefoisparvenue,jelelaissepasserdevantmoietposemesaffairessurleseuil.

–Faiscommecheztoi,saufpourfouillerdansmontiroirdepetitesculottes.–Ahmince…C’estlaseulechosequejevoulaisregarder.

Bastien ritdeboncœurdevantmamineétonnée. Je lève lesyeuxaucieletchoisisune tenueenmedirigeant versma salle de bains. Je faismonmaximumpour être rapide.Sauf que j’ai tellement envied’être joliesansenfaire trop,queçameprenduncertain temps.Je reviensdans lesalon, ledécouvreconfortablementinstallédansmoncanapé.

–Tuviensd’emménageroutuesfâchéeaveclemobilier?

–Nonçafaitunan,maisjetiensàtoutmepayertouteseule.Doncçaavanceendouceur,maispetitàpetit,ceseraparfait.

–C’esttoutàtonhonneur,tuaimeslire?demande-t-ilenindiquantmabibliothèque.

Jegrimace,carjesuisprisesurlefaitaccompli.Ilalocalisétoutesmesromances.Lesgensontsouventdespréjugésselonlesgoûtslittéraires.Enpassantmonsacsurl’épaule,jerépondsenramassantlesclefs.

–Oui…J’adoreça.Onyva?

Bastienselèveavecdifficultécarmondivanestplusbasquelesien.Nousretournonsàlavoiture,etmevoilàpartieàladécouvertedecettepassionqu’ilveutpartageravecmoi.Jemedemandebiencequeçapeutêtre!

Évasionméditerranéenne

NousarrivonsenborddemeràlaGrande-Motte.Jenedemanderiendutout,maismoncerveaului,estenmode inspecteur. Je ne comprends pas ce que l’on vient faire ici avec sa patte folle. Àmoins queBastiensouhaitequejepratiqueuneactivitésanslui?Ilenesthorsdequestion.Enplus,iln’apasprécisédeprendrequelquechoseenparticulier,alorsj’aifaitl’impassesurlemaillotdebain.Nousnousarrêtonssurunparkingprivédevantlecasino.Mesyeuxfixentlebâtiment.J’hallucine.Ilfallaitbienqu’ilyaitunefaille chez un mec aussi parfait, c’est un drogué du jeu. Comment lui dire que ce n’est pas le genred’activitésquej’apprécie?Limite,jedétesteça.Bastiensepencheàlaportièreenmefaisantsursauter.

–Tucomptessortirdelavoiture?–Euh…Oui,oui.

Jedétachelaceinturepourm’extirperdecepetitbijouquim’aprocuréunplaisirinimaginable.Surladeuxfoisdeuxvoies, j’aipousséunpeuavecl’autorisationdemonsieuretlevolantnetremblaitmêmepas.Avec la mienne, si je dépasse les cent kilomètres/heures, j’ai l’impression d’être atteinte de lamaladiedeParkinson.J’arrangematenueendéfroissantletissuetpresselebippourfermerlevéhicule.Jedoisêtrehonnêteaveclui,mêmesiçarisquedetoutgâcher.

–Bastien,attends.Çam’emballaitdeveniravectoi,maislescasinoscen’estpaspourmoi.Jen’aimepaslesjoueursaddictifs.

Ilseraclelagorgeetsouritenbaissantlatête.Qu’est-cequej’aiditdedrôlelà-dedans?

–C’estvraimentdommagealors…Commentonvafairemaintenantqu’onestlà?

Je ne m’attendais pas à ce genre de réponses, mais j’essaye de me dépêcher et d’enchaîner ladiscussion.

–Onpourraitboireuncoupenterrasse?–J’aiunemeilleureidée,suismoi!

Bastienpartàl’opposéducasino,versleport,oùsesituenttoutuntasderestaurantsetdebars.Sonallureestvivemalgrésesbéquilles,maisvulesbrasqu’ilsetape,c’estévident.Restantderrièrelui,jeprofitedelavuequim’estofferte.

Non,maistut’entendsparler,mapauvrevieille?Tudevienspirequelesgroslourdsquimatentlesnanas.

Bastiensefigeetdégainesonmagnifiquesourire.Jeleregardesanstropcomprendrecequ’ilattend.

–Tuveuxquel’ons’arrêteici?questionné-jeenmontrantlebar.–Nonplutôtici!précise-t-ilenm’indiquantunbateau.

Jefroncelégèrementlessourcils,quandunhommevenantdel’embarcations’avanceversnous.

–MonsieurMoretti,contentdevousvoir.–SalutWalter,toutestOK?

–Oui.Ilnevousresteplusqu’àembarquer.J’aifaittoutcequevousm’avezdemandé,leClaraestfinprêt.

Jesuissilencieusedevantlesdeuxbonhommes.CeWalterestungarsd’unecinquantained’années,vêtud’unbermudaenjeansetd’undébardeurblancdouteux.Unebarbeaussigrisonnantequesescheveux,unparfaitvieuxLoupdemer.Bastienmetendlamainetremarquemonhésitation.

–Veux-tumonteràborddemapassion,miss?–Cenesontpaslescasinos?Quellecruche…Tunepouvaispasmeledire?–C’étaitsimignonquetumecroiescapabled’aimercegenred’endroits,maisencoreplustapeurde

mefroisser.

Jeglissemapaumedanslasienneettraverselapasserelleenluitirantlalangueaupassage.LevieuxLoupdemerseprésente.

–Walter.Etmademoiselle?–Appelez-moiJoss.–D’accordJoss,enchanté.

Jemarchesurcebeauvoilier,etm’étonnededécouvrircettepassionchezBastien.Jen’enai jamaisfait,maislàtoutdesuite,jetrouveçasi…sexy.Arrête,fichucerveau,dememettredessaletésd’idéesentête.Walter s’empare des béquilles, Bastien saute à cloche-pied avec facilité. Il vient versmoi etmeprendlesmains.Diminuantladistancequinousséparait,jedevienstoutemolleetmoite,c’esthorrible.Jemefixeàsesyeuxbleussipénétrantsetdéstabilisants.

–Tun’aspaslemaldemerj’espère?

–Pasàmaconnaissance…–Alorsinstalle-toietmets-toiàl’aise.

Jem’exécuteenposantmonsacdansuncoin,puism’assoissurlabanquette.Cebateauestimmense,jevoyaisçabeaucouppluspetitouétroit,maislà,çadépassetoutcequej’avaispuimaginer.Bastienallumelemoteur,Walterrestesurleportendénouantlesnœuds.Unequestionmebrûleleslèvres.

–Ilnevientpasavecnous?C’esttoiquivaspiloter?

Bastienpouffederire,leventfaitdansersescheveux.

–Alorsnon,ilnevientpasetoui,c’estmoiquinavigueavecleClara…

Totalementeffaréeparceque jeviensd’entendre, je le toise.Sansmêmereleversa remarquesur lanavigation.Nousallonsnousretrouverseulsàdeskilomètresdelaterreferme.Non,net’angoissepas,ilparaîtàl’aise,etpuisj’adorelamer.Lebruitdesvagues,l’airiodéquiremplitmespoumons,lechantdesmouettes…Ouiseulementleurchant,carsiellesnousmitraillent,jenelesaimeraipasdutout.

Lebateausortduport. Jecontinuedecontempler l’horizon.Lesgenssur la jetéenousfontsigneetcommeunegamine,jelesimite.JelancequelquesregardsversBastienquinecessedemescruter.Jeretiremeschaussurespourmemettreàgenouxsurlabanquetteenm’appuyantsurunepartieducœurduvoilier.Lescheveuxdanslevent,lesoleilcaressemonvisage.Quellemerveilleuseidéeilaeudemefairedécouvrircettefacettedelui.Çanevapasm’aider,carilyadequoicraquerencorepluspourluimaintenant.Noussommesloindelacôteàprésent,nouscroisonsd’autresbateauxayantlarguerl’ancre.Nousnousarrêtonsquelquesmètresaprès,isolésdurestedumonde.Bastienlâcheàsontourl’énormemorceaudeferetlecliquetisdechaînemesurprend.Ilsetourneversmoi,lesyeuxpétillantdemalice.

–Viensavecmoi,jevaistefairevisiter.

Jeneréfléchispas,maisjemedemandecequ’ilyaencoreàdécouvrir,c’estdéjàtellementparfait.Àl’intérieur,setrouveuncoincuisineavecunetablerondeetsabanquette.Del’autrecôté,unsalonavecunsimple canapé et une télévision. J’hallucine en réalisant le grand standing que possède ce bateau. Del’extérieur,jenemeseraisjamaisimaginéeunaménagementdelasorte.Bastiensautilleavecsonpiedenl’airdansunpetitcouloiretouvrelaportesurunesalledebainsavectoilettes,essentielàconnaître.Jedécouvre qu’il y a deux chambres, elles ne sont pas immenses, mais contiennent chacune un lit deuxplaces.Jen’enrevienspasqu’unmecdesonâgeaitunenginpareil.

–Jenesavaispasquetuavaisaussiunbateau,c’est…–Iln’estpasàmoi!Jen’enaipaslesmoyens,maismonpèreoui.Ill’avaitachetécommecadeaude

mariagepourmamère,c’estpourçaqu’ill’anomméleClara,explique-t-il.

Ladouleurvoile sesprunelles. Jene saispaspourquoi,mais avechésitation, je leprendsdansmesbras.Lui-mêmeestindécis,maissesmusclesseresserrentautourdemoncorps.Jefermelesyeuxpourmémorisercemomentdélicieux.Ilseraclelagorgeetmaladroitement,nousnousrelâchons.Aussigênéquemoi,ilsedirigedanslecoincuisine.

–Tuveuxboirequelquechose?–Oui,jeveuxbien!–Alors,ilyadesjusdefruits,dessodas,delabière…del’eau?

Jelèvemonpoignetpourregarderl’heure,l’apéroestproche.Vulachaleuretlecouragequ’ilvamefalloirpourcemoment,jeconnaismonchoix.

–Unebière,s’ilteplaît.–Pourcemidi,j’aidemandéàWalterdepréparerdequoimanger,c’étaitaucasoù.–Aucasoù?–Jen’étaispassûrquetuacceptesderesteravecmoi.

Nousremontonssurlepontetnousentrechoquonsnoscanettes,unefoisinstalléssurlabanquette.

–Àcettejournée,lance-t-il.

Jeluirépondsd’unsourireenn’arrêtantpasdepenseràsesbrasautourdemataille.Toutd’abordnousavonsdormil’uncontrel’autresurlecanapé,puisenbas…Qu’est-cequ’ilm’aprissérieux?Jel’aivusimalenparlantdesamère,jen’aipaspumecontrôler.

–Ducoup,tueffectuessouventdessortiesenmeravectespotesoutescopines?

Àsagrimace,jedevineencoreunefoisquej’auraismieuxfaitdemetaire.

–Tueslapremièrequejefaisvenir,sinonons’offredesjournéespêcheavecÉric,confie-t-ilenfixantl’horizon.–Vousêtesprochestouslesdeux.–J’aitoujourssuividescoursàdomicile,doncmonfrèreestaussimonmeilleurami…Leseul.–Çanet’apasmanquédenepasalleràl’école?–Quandonneconnaîtpas,çanepeutpasmanquer…

Jeperçoisqu’ilneveutpasendireplus,jerespecteça.Jeluiparledemesfrèresetsœurs.Ilestépatéparmonbesoindeliberté,devouloirvivremavieseule.Toutàcoup,Bastienselèveenmedemandantdenepasbouger.Jemedemandebienpourquoi.Ilrevientavecuneboîtenoirequisembleêtreuneenceinte

demini-chaînehi-fi.Ilprendsontéléphone,puisallumeletout.Lechoixdelamusiquesélectionnéenefait pas du tout partie demes registres.Une trompette claironne, la chanteuse a une voix jazz…C’estagréable,mêmesijesuisstupéfaitequ’ungarsdevingt-cinqansaimecegenredesonorités.

–Surpriseparmeschoixmusicaux?–Unpeu,cen’estpasdemonépoque.–Commejet’aidit,jen’allaispasàl’école.J’aitoujoursentendumamèreécouterdesmusiquesdans

cestyle.Jetrouvequ’ellesontbienplusd’âmequelesrécentes.–Maisdanslavoitureçapulsaitplus…–Mavoitureestrestéedanslecentreaprèsl’accident.C’estÉricquil’aramenée.–Oh…–Maisjeterassure,j’appréciequelqueschansonsdumomentquandmême,maisseulementsiellesont

untexteintéressant.–Dugenre?Carmoij’adorelamusiqueengénéral.–Plusdelapop,lerythmeestmoinsagressif.

Nous continuons d’échanger nos goûts différents pour des choses anodines comme le cinéma, lesbouquins…Nousmangeons les clubs sandwichs préparés parWalter. La trompette claironne à traversl’enceintemelaissantreconnaîtreunmorceauxtrèsconnuedelalanguefrançaiseversionsoul,LaVieenrose.Jesourismachinalementetfredonnedansmoncoinenbattantlamesureavecmesorteils.Bastienselèveenmetendantsamain.

–Danseavecmoi!–Tuplaisantes?demandé-je,rougepivoine.–Allezfais-moiplaisir,insiste-t-il.

J’accepte,maisgênéecommejamais.Bastienplacesamainaucreuxdemesreinspourmerapprocherdelui,sontorsecaressemapoitrine.Sonautremainsurmonomoplate,jeglissemonbrasautourdesoncou et l’autre sur son épaule. Nos visages côte à côte, son parfum envoûtant recouvre l’air iodé. Ilsusurre,sonsoufflesurmonoreilleressembleàdescoupsdejusd’électricité.

–Fermelesyeux,imprègne-toidelamusique.

Ilestmarrantlui,commentveut-ilquejemeconcentrecontresoncorpsd’apollon?Toutefois,jejouelejeuenmelaissanttransporterparlatrompette,ainsiquelavoixcasséedecethommechantantenanglais.Unereprise,maisparfaitementgérée.Jenepenseplusàrienàpartcemomentàdeux.Plusriennecompteàpartluietlamusique.Jelaissematêtes’appuyersursonépaule,sentirlaproximitédesapeauchaudecontre mon visage rend mes jambes cotonneuses. J’essaie de ne rien laisser paraître, mais c’est dur.Jamais un homme nem’a fait danser, jamais un homme nem’a emmenée sur un bateau…Bastien estdécidémentl’hommequetoutesfemmescherchent.Entempsnormaljesuissurmesgardes,maisj’ai la

sensationdenepasenavoirbesoinaveclui.

Lachansonsetermine;lasuivanteestplusrécente.Nousnousrasseyons,maisl’unàcôtédel’autre.Bastienm’indique le nom du groupe. J’en ai entendu parler,mais sans l’avoir déjà écouté. Chose quichangeraaprèscettemerveilleusejournée.Ilm’observesansretenue,maisjen’arrivepasàmaintenirleregardsansrougir.Jebaisselatêteensouriant,légèrementdéstabilisée.

–Pourquoibaisses-tuleregard?–Jenesaispas…Peut-êtreparcequetumeperturbes.

J’aioséluidire,sanssavoirpourquoinicomment.Bastienfaitglissersesdoigtssousmonmenton,afinquemesyeuxfusionnentaveclessiens.

–Ettoi?Pourquoimeregardes-tu?–J’essaiedecomprendrepourquoiunefillecommetoiestseule!–Çan’estpasdifficile…réponds-jeenmelevant.

Jeguettel’horizonpouressayerdenepasallerverscechemindangereuxoùilessaiedememener.Saufqu’ilselèveensetenantàlabarreets’agrippeàmoiparperted’équilibre.Jel’aideàseredresserengrimpant sur un tas de corde.Nous faisons lamême taille, et je relève la tête, toute fière d’être aussigrandequelui.Laproximitédenoscorpsestridicule.Nosmainsposéesl’unesurl’autrepoursesoutenirmutuellement.Sesyeuxm’épientlangoureusement.Jenebaissepasleregardcecoup-ci,commehappéeparlabeautédesestraits.Bastiendégageunemèchedecheveuxdemonvisage.Aucontactdesesdoigts,jecloslespaupièrespourl’apprécier.

–Tuesmagnifique,Joss.–Jecroisquel’airiodétemonteaucerveau.–Parcequejetetrouvebelle?Tuteregardesdansdesmiroirsparfois?

J’éclatederire,mais termineenricanantnerveusement.Commentréagirsi lemecleplusbeaude laTerrevousoffreuncomplimentauquelvousnecroyezpas?

–Justement,jemeregardetropsouventpoursavoirquetudisn’importequoi.Jesuispassable,maisdelààdire«belle»…Onnemel’avaitjamaisfaite,lâché-jeensouriant.–Alors tun’as connuquedesmecs stupides, pournepasvoir cequemoi jevois, affirme-t-il avec

aplomb.

J’arrêtederirequandilpressesesdoigtssurmachair.OhmonDieu,ilnevapasfairecequejecroisqu’il va faire ?Bastien se rapproche toutdoucement, sans interromprenotre contactvisuel.Unede sesmainsseplaceauniveaudemamâchoireetseslèvressepressentsurlesmiennes.J’aisoudainladouce

impressionqueletempssefige.Mesjambessontàdeuxdoigtsdem’abandonner.Mesmainss’agrippentàson corps par automatisme. Sa langue demande la permission de rencontrer la mienne. J’entrouvrelégèrementleslèvresetcebaiserdevientleplusbeaudetoutemavie.Encoreplusmagiquequedansmespensées.Quandsabouches’écarte,jeferaispresqueuncapricepourrecommencer.Bastienmegardedanssesbras,collantsonnezdansmoncou.

– Je ne sais pas ce que je fais, mais je ne pouvais pas tenir un instant de plus sans rien tenter…murmure-t-il.

Jenecomprendspastroppourquoiilditça,maisjenepréfèrepascoupercetinstant.Leventsefaitplusfrais,ilmeproposederentrer.Untendrebaisersurmamain,jem’assoisprèsdelui.Ilmeditquejepeuxmemettrederrièrelui, jenemefaispasprier.Jemelovecontresondosmusclé,puisplacemesmainssursontorseetsonventre.Jesenssesmusclessemouvoirquandilrigole.Entrelavisiondecematinetletouchésurcebateau…Jedoisrêver,cen’estpaspossible.

Nousatteignonsleport,etj’aperçoisdesgensnousphotographier.Jenecomprendspastroppourquoi.S’ilsnousprennentpourdesstars,ilsvontêtredéçusquandilsserendrontcomptequejenesuisqu’unepetiteserveuseetluiest…Jesaisqu’ilbossedansl’entreprisefamiliale,maisjeréalisequejeneluiaijamaisdemandédansquellebranche.Je ramassemesaffaireset remarqueunmessagedemameilleureamiesurmontéléphone.

Lisa[Depuiscetaccident,onnetevoitplus,c’estlebelinconnuquiteretientenotage…RACONTE-

MOITOUT!!Bisous,bisous,mapoulette.]

Jesourisinstantanémentmêmesiaufinal,iln’yapasgrand-choseàdire.Unpetitbaiserintensecertes,maisc’estleseul.JemechaussepourdescendrequandWalterrevient.

–Alorscettebaladevousaplu,Joss?–Ohoui,c’étaitsuperbeetmercipourlessandwiches.–Avecplaisir,missJoss.Monsieur,c’estbonpourvous?–Toutétaitparfait,mercibeaucoup.

IlssefontuneaccoladeetBastienrécupèresesbéquilles.Pendantquenousretournonsverssavoiture,j’enprofitepourrépondreàmameilleureamie.

Moi[CoucoumaZaza,eneffetbienoccupéepourlesvacances.Ons’estbaladésenvoilier…Jete

raconterai,maisjetepréviens,riendepalpitantàtongoût.Bisous.]

Jelaconnais,elletrouveraçatropenfantin.Maismoi, lagranderomantique,jetrouveçaparfait.Ça

change des mecs qui, à peine ont-ils touché tes lèvres, veulent enlever ta culotte. Lui au moins estrespectueux, peut-être beaucoup trop même, mais je préfère. Je bip la voiture et nous rejoignons nospénates.Durantletrajetnousrestonssilencieux.Jesuisfatiguéeaprèscettejournéeenmer.Nousn’avonsrienfaitd’épuisantpourtant,maisj’ail’impressiondesortird’uneséancedesport.

Il faudraitquenousparlionsdecebaiser,maisunepetitevoixmeditdeme taire.Unemusiquepopretentit, je l’adore. Comme quoi, nous avons quandmême certains goûts similaires en musique. Nousarrivonschezluiplusvitequecequejel’espérais.Bastiennem’apasmissamainsurlamienneousurlacuisse.Était-celepremierbaiserd’unelonguelignéeoujusteuneerreurdeparcours?Jedescendsetilenfaitdemême.

–Tiens!dis-jeenluirendantlesclefs.

Bastienfroncelégèrementlessourcils,maisavantd’êtredéçuejepréfèreenchaînerladiscussion.

–Mercibeaucouppourcettesuperbejournée,c’étaitmagnifiqueetunepremière.–Derien,c’étaitavecplaisir,répond-ilsoucieux.

Jememordslalèvrenesachantpasquoifaire.Nelevoyantpasbouger,jeluifaisunsignedelamain,malàl’aise.

–Àdemain,bonnesoirée.

Jefoncesansattendrequ’ilmeréponde,jemesensconneetunpeublessée.Jenesaispassid’autresontlamêmeréaction,maislorsqu’onm’embrassedecettemanière,çamefaitrêver…Peut-êtretrop!Aufinal,ilréagitcommesiderienn’était,presquefroid.

C’estbienfaitpourtagueule,mavieille!Laprochainefois,tunetelaisseraspasfaire.

Jemonteenvoitureetrentredirectementchezmoi.Paslegoûtd’allervoirquiquecesoit,justeenviedem’enfermeravecmatenuedeguerreetdusucré.Jeramassemoncourrierenarrivantàmonimmeubleet remarque les douloureuses qui arrivent : l’eau ainsi que l’électricité. Je vire mes pompes en medéshabillant,pour retirer touteodeurde lui. Je relèvemescheveuxdansunchignonspécialcocooning,monvieuxsarouelencotonpourtraîneretunebrassièrenoire.JeprendsmonpaquetKinderdélice,unverredelaitetmecaledevantunfilm.CeseraLoveActuallyavecunbonpetitcocktaild’acteursanglais.J’éclatederirelorsquearrivelepassageoùHughGrant,Premierministre,partdansunechorégraphielesoirpensantqu’ilestseul.Jemerevoislafaireàlafermetureducaféoupendantmonménage,commesij’étaisdansunclipvidéo.Soudain,mesriressontinterrompusparlasonnette.Jemedemandebienquiçapeutêtre.Jemetraînejusqu’àlaporteenfrottanttoutetracedechocolatetouvre.Mesyeuxs’écarquillentenlevoyantfaceàmoiavecsonplâtre,sanssesbéquillesetessoufflé.

–Qu’est-cequetufaisiciBastien?Ilyaunproblème?

Ilmeregardeavecsonairtaquinquejecommenceàbiendéceler.

–Sexytonpyjama…

Saufquelà,jen’aipasenviederiredutout.Bastienmesusurredejoliesphrases,m’embrasseetmelaissepartircommes’iln’enavaitrienàfoutre.Jemelancedansunmonologuesansrespirer.

– Tu te fous de moi ? Tu m’as laissé partir comme s’il ne s’était rien passé, alors que l’on s’estembrasséscetaprès-midi.Jenesaispastropcequetuveux,maismoijeneveuxpasêtreprisepouruneconne.Jecomprendsquepourtoic’étaituneerreur,nonmaisyaqu’ànousregarderpourvoirqu’onnejouepasdanslamêmecatégorie…

Bastienmeclouelebecenposantsabouchechaude,douceetentreprenantesurlamienne,gourmandedesesbaisers.C’estmoinstendrequecetaprès-midi,maisplusintense.Monbas-ventresecontracte,tantlapuissancedesalanguechamboulelamienne.Lorsqu’ils’arrête,Bastienmeregardetoutsourireenmecaressantlevisage.

–J’avaisoubliédefaireça,àdemain…Bonnenuit,petitcœur,murmure-t-ilavantdepartir.

Letempsquejemeremettedecebaisertorride,ilestdéjàloin.Jefermelaporteetmelaisseglisserausol,unsourirebéatsurleslèvres.Jelescaresseduboutdesdoigts,commesijepouvaisencoresentirsabouchedessus.Cemecestdéroutant,mais jeprendraicequ’ilaàm’offrir tantquec’estaussibon.Lecœurléger,jeretourneàmonfilmquinemeditplusrien,tantjesuissurmonpetitnuage.Cequ’iladitenpartant résonne encore dans ma tête : « petit cœur ». Je ne peux pas me remettre de cette attractionnaissante,siétrange,lorsquenoscorpssetouchent,commes’ilsnepouvaientplusselâcher.Àlafindufilm, j’éteins toutavantde filermecoucherdansmon lit.Çavame fairedubienunevraienuit surunmatelasconfortableenrêvantdelui…BastienMoretti,aliasMysteriousman.

Devenirun«nous»

Jem’étire,unsourireniaissurlevisage.J’aidormid’unetraitesanspouvoircesserderêverdubaiserfougueux d’hier soir. Un gloussement m’échappe en imaginant la galère que ça a dû être pour lui deconduire avec un plâtre. Je pousse le drap pour me lever en musique avec une petite chorégraphieridicule.Machineàcafélancée,avantunbrefpassageàlasalledebains.Enpleineforme,j’éprouvelebesoin deme défouler. Je déjeune à peine, car je vais courir un peu.Un legging de sport enfilé ainsiqu’unebrassière,j’embarquemacasquetteetmesécouteurs.J’adorecourirseule,maisimpossibledelefaireensilence.Selonmonétat,letempopeutmedonnerassezdehargnepourcontinuer.J’aibesoindemedéfouler.Çamerappellemonenfanceetmapassionpourladanseclassique.C’étaituneautreépoque.Uneautremoi.

Jeclaquemaporte,glisselaclefdansmabrassière.Lavienem’apasdonnéseulementunepetitetaille,mais aussi des seins loin d’être énormes. Pratique pour faire du sport, ils ne sont pas encombrants.Néanmoins,niveauséductionjesuisobligéedetricherunpeu.Seuleslespersonnesdansmoncaspeuventmecomprendretotalement…

L’avantagedevivredansunpetitvillage,c’esttouslesterrainsetcheminsauxabords.Jemelanceducôté des champsde lavande et reviendrai par les oliviers.C’est un sacré parcours,mais jem’en senscapable.Mes pieds arpentent le sol dans leur course,mon souffle se fait court,mais régulier. Tout sepassesuperbien,desflashsduvisagedeBastienrythmentmespas:sessourires,sabouche,soncorps,nosbaisers…Toutdéfilesanscesseavecenfond,cegroupepopquenousapprécions.

Unepetitebrisemecaresselevisage,accompagnéed’unedélicieuseodeurderoséematinale.Jefermelesyeuxuncourtinstantpourenhumerchaqueparticule,puislesrouvrepournepasavoirlepiedcoincédansuntrououunexcrémentdechien.Dansmaviec’estunclassique,siuneboulettedoitarriver,c’estbibi qu’elle vient voir en premier. Cela dit, depuis l’accident de voiture, il ne m’est rien arrivé demauvais.Aucontraire.DéjàdeuxsemainesqueBastienestentrédansmavie,mêmesij’ail’impressiondeleconnaîtredepuistoujours.

Soudain,jemerendscomptequ’ilnemerestequequinzejoursdevacancesetjegrimace.Desgensàvélocroisentmonchemin,maislesjeunessontraresàcetteheure-ci.Plusdesretraitésbeaucoupmoinssexyqu’ungarsdetrenteans.Jecoupeàtraversunchampdebléenregardantoùmespiedsseposent.Lesoleilestentièrementlevémaintenant, lachaleuraussid’ailleurs.Toutça,ajoutéàmoneffort,animelefeuàlasimplepenséedeBastien.Jesuecommeunbœuf,mescheveuxdoiventsûrementêtreentraindefrisotter.Danslesfilms,lesnanass’acharnentausport,maisrestentfraîchesetcanons.Enréalité,c’esttotalementdifférent…

J’aperçoisau loin lespommiers, jecirculeentredeux rangéeset reçoisquelquesperlesde roséeenfrôlant les branches. J’atteins l’autre côté de la route, essoufflée.Mesmains en appui sur les hanches,j’essaiede régulerma respiration. Jesalueunevieilledame toutemignonneetpleinedevie.Serais-jecommeelleplustard?Çanemedérangeraitpas.

Sur lechemindu retour, il faitunechaleurétouffante. Je regarde l’heuresur l’horlogede l’égliseenpassant,presqueonzeheuresdéjà.Jepénètrechezmoienmelibérantdematenuehumidedetranspiration,puism’endébarrassedans lamachineà laver.Jemeglissesousunedouchebienchaude,enprenant letempsdesavourerlesjets.

Jesorsdelacabineenm’enveloppantd’uneserviette.Devantmacommode,jechoisisdesdessousplussexyqued’habitude.Onnesaitjamaiscommentleschosespourraientévoluer.Lisa,mameilleureamie,meferaitunecrisesi j’osaismettremesculottesencotonpourconclure.Çacommenceà faireunpetitmomentquejen’aipaseuderelationssexuelles,lemanquecommenceàsefaireressentir.AvecBastien,vulapassiondenosbaisers,jen’imaginemêmepasle14juilletqu’ilvam’offrir.Çamelaisserêveuse.Toutefois,s’iln’entreprendrien,moijen’oseraipasprovoquerleschoses.Jen’aipasassezconfianceenmoipourça…

Passage bref dans la salle de bains pour terminer deme préparer, j’enfilemes colliers et braceletsfantaisie.DirectionMontpellier.

J’éprouve un réel besoin de voir mes amis, ça fait trop longtemps que nous ne nous sommes pasretrouvés.

Jemefaufiledanslegrandparkingentrouvantuneplacefacilement.Meslunettesdesoleilsurlenez,jemedirigedirectementverslecafé.Àpeinelesportespoussées,jesourisàquelqueshabituésenrentrant.

–Jen’ycroispas,elleestenvie!crieFlorent.

Jefaisletourducomptoirpourbousculersonépaule,avantdeleserrerdansmesbras.Lisasortdelaréserveenmesautantaucou.L’avantagelorsquenoussommesemployés,c’estquemêmeencongés,nouspouvonscirculerderrièrelecomptoir.

–Commentçavamachérie?Ledragont’alaisséet’échapperdelatour,metaquine-t-elle.

Jelapinceavantdem’installerderrièrelecomptoir.Pasbesoinderegarderlespanneauxpourpassercommande,jeréclameunBretzelNorvégienetunthéglacéfrappé.Flomeracontelesdernierspotinsdesessoirées,lesnanasettoutcequivaavec.J’éclatederirequandilm’expliques’êtrefaitdraguerparunhomme,surtoutenvoyantsatête.

–Tulesattires,queveux-tu?Peut-êtrequetutevoileslaface…répliqué-jepourletaquiner.

–J’aimebientroplesfemmes.–Aulieudetemoquer,raconte-nousunpeuMysteriousMan,carons’ennuiesansluimaintenant,ajoute

Lisa.

Jeleurexpliquetoutdanslesmoindresdétails.IlssontcaptivésmalgréquelquesremarquesdeFlorent.J’atteinslafindemesnouvelles,Lisaestappuyéesursesmains,commesi je luiracontaisunehistoiredigned’uncontedefées.

–Jesavaisqu’ilvenaitpourtoi,ajouteFloentredeuxclients.

Jecommandeunmilk-shakevanilleenguisededessert.Lisalèvelesyeuxauciel.

–Qu’est-cequ’ilya?–Çamedégoûte,quandjevoistoutcequetuingèressansgrossir…–J’aicourudeuxheurescematin,tun’asqu’àremuertonculetveniràlasalleavecmoi.

EllegrimaceetnousnousesclaffonsenchœuravecFlo.LisameracontesanuitdefolieavecsonbeauJérémy.

–C’estunstyledesporttoutaussiefficace.TudevraisessayeravecMysteriousMan…ajoute-t-elle.–Onn’enestpaslà,enfinjenesaispas.

Ma meilleure amie fait le tour et tire sur mon haut. Je tape sur sa main, mais elle est satisfaite.Heureusementquej’aimisunjoliensemble.

–Çavatun’aspasmisteshorreursdegrand-mère!–Arrêteavecça,j’enaidesmignonnes…

Letempsdéfile,ilestpresquedéjàquinzeheures.Montéléphonevibre.Monespoirvaversuneuniquepersonne…Bingo,c’estlui.

Bastien[Jepensaisqu’onseraitmalàl’aiseensevoyant,pasquetuneviendraispas…Dis-moiquel’on

vaserevoir.Bises.]

Jesouriscommeunegaminededouzeans.Ils’inquiètedemaréaction,maisveutmevoir.Lisametiredemesrêveries.

–Tuentendscequejetedis?Cesoironsefaitunkaraoké,tuviensavectonhéros?

–Jenesaispass’ilvoudraavecsonplâtre,maisjeluiposerailaquestion.–C’estlui?demande-t-elleenindiquantmontéléphone.–Oui…Ils’inquiètedemonsilence.–Neluirépondspasetvas-y!Aufait,tienslelivredontjeteparlais.

J’attrapelebouquinpourlerangerdansmonsac.Lisapartagemesgoûtspourlesromances.Vuleprixdeslivres,nousavonsétabliunelistepouracheterunbouquinpourdeux.Jefaisletourenlesembrassantchacun.Ensortant,mameilleureamiem’interpelle.

–Penseàmeprévenirpourcesoir.–Oui,net’inquiètepas,réponds-jeensaluantdelamain.

Je fonce versmon bolide laissé sur le parking. Çam’a fait du bien de les voir,mais je suis aussiheureusederetrouverBastien.

Jem’engagesurlanationaleenhésitantàleprévenirdemonarrivée.Lisaaraison,ilseraencorepluscontentdemevoirsijeluifaislasurprise.Lorsquej’atterrisdanssarue,jenetrouveaucuneplace.Jetourne autour du pâté demaison, par miracle une voiture s’en va. Je patiente le temps que la femmemanœuvre,maisuneautomecollederrière.J’enclencheleclignotantpoursignifierquej’attendslaplace.Mesyeuxattirésdansmonrétroviseurcentral,jereconnaisÉriclefrèredeBastien.Finalement,j’auraispeut-êtredûluitéléphonerpourleprévenirdemavenue.Jem’engagedanslaplaceprèsdutrottoir,Éricarrêtesavoitureprèsdelamienne.Ilbaisselavitre,alorsj’enfaisdemême.

–Salutpetitbouchon,dégaine-t-ilensouriant.

Jelèvelesyeuxauciel,agacéeparcesurnomstupide.Bastien,jeletaperai,maisluijeneleconnaispas.Jeluioffreunsourire,maislégèrementforcé,cequilefaitrire.

Quelsalop!

–Batouvaêtreauxangeslorsqu’ilteverra.Iltourneenrondcommeunlionencage…Prendssoindeluietbonnesoirée.–Merci,bonnesoirée,réponds-jeparpolitesse.

Jen’endispasplus,quelquepeugênéeparsafamiliaritéàmonégard.Nousnenousconnaissonspas,maisilmeparlecommesinousétionsdevieuxamis.Batou?Sûrementsonsurnomd’enfant,ilestplusmignon que le mien. Cacahuète… Mon père m’avait surnommée comme ça, car j’étais chétive à lanaissance.

J’arpenteletrottoirjusqu’àl’entréedesonimmeuble.Lesmotsd’Éricrésonnentdansmatête.Comme

unlionencage…Bastienestdoncpressédemevoir,c’estpositifpourmoi.Jegrimpelesescaliersettoqueàsaporte.

–Entreandouille,j’étaissûrquetuchangeraisd’avis,crie-t-il.

J’actionnelapoignéepourouvrirlaporteetnetrouvepersonnedanslapièceprincipale.J’entendsdevieillesmusiques,dujazzcommeilaimetantécouterdanslapiècedufond,làoùsetrouvelafameusebibliothèque.Jeposemonsac,puism’approcheenprononçantsonprénom.J’apparaisdansl’encadrementde la porte ; Bastien est assis studieusement à son bureau. Dieu qu’il est beau. Il porte un débardeurlaissantapparaîtresesbrasetsesépaulesmusclés.Jedéglutislentement,illèvelatêteversmoiaveclabouchelégèrementouverte.OhSeigneur…Unsourireseformesurcedélicieuxvisage.

–Jecroyaisquec’étaitmonfrère,approche.

Jemedirigeversluicommesisesyeuxm’hypnotisaient.Bastienmeprendlamainetmetiresursesgenoux. Il caresse mon visage timidement. Mon corps réagit à son toucher. Il sourit et m’embrassetendrement.

–Bonjour,petitcœur.–Bonjour.–J’aicruquetuneviendraisplus,confie-t-il.–Etratermachanced’avoirunbaiser,horsdequestion,échappé-jeendevenantcramoisie.

Bastien sourit enme serrant contre lui. Je l’entends inspirer par le nez dansmon cou.À sa tête, ilsembleunpeufatigué.Toutefois,dèsqu’ilsourit,c’estcommesisestraitsreprenaientvie.

–Qu’est-cequetufais?demandé-je.–Jetravaille,maisjepeuxm’octroyerunepause.–Jesaisquetubossesdansl’entreprisefamiliale,maisçaimpliquequelmétierenfindecompte?

Bastienpivoteunpeusonfauteuildebureaupouravoiraccèsàsonclavier, sasourisetune tablettenoire.Iltournel’écranversmoi,jenecomprendspastropcequejedécouvre.Àmagrimace,ilcomprendqu’ilvadevoirêtreplusclair.

–Monpère a unemaisond’édition réputée.Éric a suivi ses traces et il est devenu éditeur.Moi, jetoucheunpeuàtout,jesuisillustrateur,correcteurettraducteur.

J’écarquillelesyeux,nemerendantpascomptedemabouchegrandeouverte,maissesdoigtspoussentsurmonmentonpourlafermer.Jesuisstupéfaitedel’emploiqu’ilexerce,comparéàlapetiteserveuseducoin.

–JesuistoujourslemêmeJoss,cen’estqu’untravail.–Tuplaisantes,j’espère?C’estincroyablecommemétier.C’estpourçaquetuasautantdelivresen

fait,déclaré-jeenadmirantl’immensebibliothèque.–Cesontceuxsurlesquelsj’aitravailléetaussi,ceuxquimesontchers.

Jebondissurmesjambespourexplorersongenrelittéraire.Étonnée,jevoisqu’iladetrèsbonsgoûts.ÇavadeShakespeareàColleenHoover,j’aperçoisaussitouslesStephenKing.

–Alorstulisdesbouquinsdefilles?questionné-jeenprenantMaybeSomeday.–Iln’estécritnullepartquecen’estquepourvous.J’aimeleshistoiresd’amouretmêmel’érotisme

commelasagadeE.L.James.–C’estbienlapremièrefoisquejerencontrequelqu’uncommetoi,avoué-jeadmirative.–Dansquelsensdois-jeprendrecetteremarque?

Jemerapprochedeluiinstinctivementpourlerassurer,enplaçantmamainsurlarepoussedesabarbeappréciablesouslapulpedemesdoigts.

–Enbien,jetrouveçamerveilleuxunhommeaimantleshistoiresromantiques.

Jepressemeslèvressurlessiennes,salanguetimideeffleurelamienne.Jegrimpeàcalifourchonsurlui, faisant légèrementbasculer son fauteuil.Nosnez se frottent l’uncontre l’autre,nosyeux fusionnent.J’aimeraisfaireensortequecetinstantnes’interrompejamais.Sesbrass’enroulentautourdemoncorps,commedulierregrimpant.

–Dis-moiquejenerêvepasJoss,murmure-t-il.–Cen’estpasunrêve,sinonjefaislemêmequetoi.

Seslèvresemprisonnentlesmiennesavecuneintensitéparticulière,commesic’étaitnécessaireànosvies. Je libèremesmains du livre, puis les passe dans ses cheveux décoiffés.Mon excitation devientgrandissante,toutcommelasiennesousmesfesses.Jen’aijamaisfaitçasurunfauteuildebureauencuir,mais pour le coup, je suis partante.Avec lui, tout est si différent. Sansme reconnaître réellement, j’aienviedechosesqu’aucunhommen’aréussiàmeprocurer.

Bastieninterromptsonbaiser,larespirationsaccadée,lecœurpulsantcontremapoitrine.

–Tuveuxqu’onmangeensemblecesoir?

C’esttoiquej’aienviedemanger,maistun’aspasl’aird’avoirlemêmeappétit.

Quemeprend-ilde réagirde la sorte? Jenecouchepasauboutdespremièresvingt-quatreheures,maislui…Non,Joss!

–Onnousproposeunkaraoké.Partant?–Nous?demande-t-ilenhaussantunsourcil.

Quellegourde,nousn’avonspasvraimentdéfininotrerelationetmoi,jeparled’un«nous»commesiçafaisaitdesannéesquenousétionsensemble.

– Enfin… je… mes amis me l’ont proposé. Ils ont su que je te rendais visite et ont suggéré det’emmener,expliqué-jeenmelevant,totalementgênéeparmastupidité.

Je ramasse le livre, puis me retourne vers la bibliothèque pour le ranger sur l’étagère. Ses mainsviennententourermonventreetsabouchefrôlemonoreille.Unechaleurparcourtmoncorpsquandjesensseslèvresparcourirmoncou.

–Jenesaispascequetuendis,maisl’idéed’un«nous»,meconvient…Pourlekaraoképourquoipas,maisjenechantepas.Jen’aipasenviequetuprennestesjambesàtoncou.

Moncœurcognesi fort.Jemefousde lasoirée, toutcequicomptecesontsesmots.Un«nous»?J’aimel’entendredireavecsavoixdiablementsexy.Jemetourneverslui,lesyeuxsûrementpétillantsdejoieetl’embrasseentirantsursanuque.Nousperdonsunpeul’équilibre,mondosseplaquecontrelesétagères.C’estintense,sondésirestaussipalpablequelemien.Çanes’expliquepas,çaseressent.Nousnousregardonsensouriantmalgrénoslèvrespresséeslesunescontrelesautres.Bastienmesoulèvedusoldansunélandejoie.

–Alorstuesofficiellementmanana?–Jecroisbien,mêmesic’estlapremièrefoisquel’onm’appelledecettemanière.–Oh…échappe-t-ilenmelaissantglissersurmespieds.–Maisj’aime,d’autantplusquetusoislepremieràlefaire.

Son sourire réapparaît instantanément.Bastien a l’air d’un romantique commemoi,mais je constateclairement une crainte de mal faire les choses – commemoi… Il retourne s’asseoir à son bureau ensautillantunpeu.

–Jedoisfinirdebossersurcettemaquetteetjesuistoutàtoi.Petitcœur,accentue-t-il.–Prendstontemps,j’aiunbouquinpourpatienter.–Lis-leici,surlecanapé-lit,désigne-t-ildumenton.–J’ycomptaisbien,avoué-jeavecclind’œil.

Ilsourit.Jesuisprêteàluifairetouslesclinsd’œildelaterre,sic’estnécessaireàsabonnehumeur.QuandBastienprononce«petitcœur»,jefondscommeneigeausoleil.Jem’activeverslapièceàcôtéetenvoieunmessagepourcesoiràLisa.

Moi[Nousvenonscesoir,20hauBillardClub?Bisous.]

J’enclenchelesilencieuxdemacabinetéléphoniquepournepasledéranger.Jeretiremespompesenmedirigeantsurlecanapé.Bouquinàlamainetlunettesdevuesurlenez.Ellessontseulementderepos,maissontinévitablespournepasavoirdemigraine.

Unefoiscalée,jejetteunregardversluietilm’envoieunbaiser.Jecraque…

–Tulisquoi?–BlackSky,c’estmonamieLisaquil’achoisi.–Tumedirascequetuenpenses,jeneconnaispas.

Jecommenceà lire ledébut,maisfautêtrehonnête,c’estassezdifficileavecundieuvivantdanslamêmepièce.Cesoir,j’espèreréussiràchanterdevantlui.Cen’estpasgagné,maisjefaisconfianceàLisapourmesecouerlespuces.Masoiréenes’annoncepasdetoutrepos.

Passelanuitavecmoi

Unpeuplustard,toujoursdanslebureaudeBastien,jefermelelivreetmelaissealleràmacuriositépendant quemonsieur est sous la douche. J’ai l’impression de vivre un rêve éveillé. Il est si beau, sigentil,sitout…C’enseraitpresqueeffrayantvumesancienneshistoires.Jedevraism’eninquiéter.Monex,Oliver,avaittoutduparfaitpetitamienapparence,maisunefoisqu’ilaeucequ’ilvoulait,plusdenouvelles.Jelerecroisedetempsentemps,maisilprétendnepasmeconnaître.Cen’estpasqueçameblesse,maisOlivermerappellemanaïvetéetcelam’agace.Bastienal’airdifférent,jenepeuxpasdirepourquoi,maisjelesens.Peut-êtrequejeramasseraimesdentsunefoisdeplus…Ceseraladernière:jeprometsques’ilsejouedemoioumelarguecommeunevieillechaussette,lesmecsc’enserafinipourmoi.

La couverture sur laquelle Bastien travaille est très jolie. D’après lui, elle est loin d’être finie. Lerésumédécritunehistoirefantastique.Cen’estpastropmatassedethé.

–Jeprendsmesmédicamentsetonyva!lance-t-ildepuislacuisine.

L’odeur qui circule dans l’appartement est enivrante. Elle memène jusqu’à lui. Unmélange de geldouche, deparfumet de sonodeur bien à lui. Je lemate boire sonverre d’eau.Sabeauté est à peineentachéeparlescerclesfoncésautourdesesyeux.S’ilabossétoutelanuitsurl’ordinateur,cen’estpasétonnant.

–Situveux,onprendchacunsavoiture.Commeçatupeuxpartir,situesfatigué,proposé-je.

Bastiens’approchedemoi.Sapetitechemiseépouseparfaitementlesformesdesoncorps,sonpantalonlaissant deviner lamusculature de ses cuisses. Je fais abstraction du plâtre qui gâche un peu la vue…Bastiencaressemonvisageetdéposeunsimplebaisersurmeslèvres.Ilsuffitdepeupourmetransportersurunnuage.

–J’aimeraisquel’onrentreensemble…avoue-t-il,meserrantdanssesbras.

Àhauteurdesontorse,jepressematêtecontrecelui-ci.Sachaleurfusionneaveclamienne.

–Tuasl’airfatigué,jeneveuxpasteforceràsupportermesamis.

Bastienreculesuffisammentpourquejepuisseleverlesyeux,sanspourautantrelâchersonétreinte.

–Net’inquiètepas.Tantquetueslà,jesupporterain’importequi.

Jemehissesurlapointedespiedspouratteindresasavoureusebouche.Ladouceuretlesavoir-fairedeseslèvresrendentmesjambesflageolantes.Heureusement,sesbrasentourentmataille,m’empêchantdetomber.

Montéléphonevibresurleplandetravail.Jel’attrapepourlirelaconfirmationprovenantdeLisa.

–Onprendmavoiture?déclare-t-il,toutsouriant.

Lesmecsetleurjoujou…Jelèvelesyeuxauciel,puishochelatêtepoursignifiermonaccord.Jemechausseetramassemonpetitbordeléparpillédanssonbureau.

–Tupeuxleslaisser!–Non,maisjeneveuxpast’envahir…

Ilboiteversmoi,ens’appuyantsursonpiedblessé.Samainprendlamienneetl’autremedébarrassedetout.Sesyeuxscintillantspénètrentmonregard;lestraitsdesonvisagesedurcissent.

–Resteavecmoiici,cesoir.–Jenetesuispas.Tunesouhaitesplusqu’onrejoignemesamis?–Si,maisjeparled’après.Nerentrepascheztoi,reste,insiste-t-il.

Je suis unpeu surprise.Engénéral, les choses dérapent d’elles-mêmes.Pourquoi exprimer une telledemande ? Je fronce légèrement les sourcils en réfléchissant. Que lui répondre ? Bien sûr que jepréféreraisresterauprèsdelui.Horsdequestiondepasserpourunefillefacileouunecoincée.

–Jenetenterairien,promis.Jeveuxjustedormirenteserrantdansmesbras.

Lesyeuxlevésverslui,jesuisstupéfaite,maistouchéeparcetteproposition.M’endormirl’oreillesursontorse,àécouterchaquebattementdesoncœurmeberçant?Jesouris.

–D’accord…Maisjetepréviens,jegigoteunpeu.–Çanemedérangepas.

Ilembrasseleboutdemonnez,entrelacenosdoigtsetm’attireendirectiondelasortie.Aupassage,jeparviensàrécupérermonportableetmonsacàmain.

Devant le bolide,Bastienm’envoie ses clefs. Jeme glisse derrière le volant dumonstre. Lemoteur

ronronne.J’adorecebruitsiexcitant.Desimagesdenous,surlecapot,s’invitentdansmonesprit.J’essaiedefaire tairecespensées.C’est tellement inhabituel !Cemecmeperturbealorsque,contrairementauxautres, iln’aencorerien tenté…Cettenuitpourraitêtre labonne.Peut-êtrem’a-t-il rassuréealorsqu’ils’agissaitenréalitéd’unfinstratagème.

Arrête de psychoter, ma vieille. Ne dis rien à Lisa, tu verras bien. Au pire, tu pourras toujourspartir…

Durant le trajet, sesmusiqueshabituelles s’enchaînent. Je commence à apprécier le style soul.C’estreposant,remplid’émotionsetpresquepoignant.Sonpouce,surmacuisse,dessinedepetitscerclesnemelaissantpasinsensible.

Lorsquenousatteignonslazonecommercialeoùsetrouventlesclubs,jecoupelemoteursuruneplaceassezprochedel’entrée.

–Çavaallezoutuveuxdel’aide?–Pourquoituvasmeprendresurtondos?glousse-t-il.

Jeluidonneunpetitcoupdecoude;ilritdeplusbelle.Dieuqu’ilestbeau.Nousnousavançons,jeluitienslaported’entrée.

Noussommesaccueillisparuneserveuse.Reconnaissantmesamisaufonddelasalle, jeluisignifiequenoussommesattendus.Approchantdeleurtable,jerepèreLisaavecJérémy,puisFlorentquiaaussidelacompagnie.

–Vousvousêtesarrêtésencheminouquoi?taquineFlo.

Jeluifaislesgrosyeuxetçal’amuse.Ilveutlemettreenfuiteouquoi?

–Paspratique avec les béquilles,mais si ça avait été le cas, onne serait pas encore là… rétorqueBastien.

Tout lemonde ricane face à sa repartie pendant que jeme transforme en une énorme fraiseTagada.Jérémyluiserrelamainpourlesaluer.

–Moic’estJérémy,lecopaindeLisa.

Mesamisseprésententchacun leur touretnousnous installons.L’amiedeFlo,Aurélia,està l’écoled’infirmière. Cheveux aussi chocolat que ses yeux, elle semble sympathique au premier abord. Direqu’encore une fois, il ne rappellera pas la demoiselle. Nous trinquons, conversons de tout et de rien.Certains clients commencent à chanter, Lisa semoque parfois et je ne peuxm’empêcher de rire.Nous

mangeonstranquillement.LesdoigtsdeBastien,surmachutedereins,meprodiguentdescaressesquimecouperaientpresquel’appétittantellessontagréables.Heureusement,commenousnoussommesinstalléssurlabanquette,jepeuxmerapprocherdelui.

–Ons’estdéjà inscritsaukaraokéetonvousaajoutésaussi. Ilnevous resteplusqu’àchoisirvostitres,annonceLisa.

JetournelatêteversBastien,embêtéecarilm’avaitconfiénepasvouloirchanter.Jeluiadresseunemoue,mi-grimace,mi-sourirequiétireseslèvresdiscrètement.Jemepencheversluienchuchotantàsonoreille:

–Jesuisdésolée,riennet’yoblige.–Onverra,maispourlemoment,jenenoterien.

J’aimonidéeentête.Jegriffonnelestitresdésirés,ainsiqueceux,plushabituels,dontjenemelassepas.Laserveusenousportenosdesserts.Bastiens’entendbienavecmesamis,maisparticulièrementavecJérémy.Ilsaimentlesporttouslesdeux.Monnoms’affichesurl’écranavecceluideLisa.Jelaregarde.

–Cen’estpasparcequ’ilyatonchériqu’onnelaferapas!déclare-t-elleenmetirantparlamain.

Je lance un regard rempli de tendresse vers Bastien. Lui a plutôt l’air amusé de la situation. Il seredresse sur la banquette afin d’admirer pleinement notre duo de choc. Les garçons sifflent, certainsapplaudissent.Jen’aimepasquandilsenfontdestonnes.Jefixel’écranquandlamusiquedémarrepouroublierlesregardsrivéssurmoi.Mameilleureamieetmoinoustenonslamain,histoiredenousdonnerducourage…enfin,surtoutmoi.Nousvoilàen traindechanterMaphilosophied’AmelBent,commeàchaquefois.Jemelâche,nousnouséclatons.Quelquesfois,jejetteunregardversmonnouveaucopainetjemesurelachancequelaviem’adonnéeenlemettantsurmonchemin.

Lamusiquesetermine,onnousapplaudit.Lisafaitsarévérencequimefaitpouffer,alorsquejedétalevitefait.Ilfauttoujoursqu’elleenfassetrop,maisc’estaussipoursoncôtéfofollequejel’adore.C’estau tour de Florent. Un silence se fait dans le club pour écouter admirativement son interprétation.UnregardencoinàAuréliacharmée,jedonneuncoupdepiedsouslatableàLisa.Nousnousfaisonsunclind’œil complice et nous pouffons, grillées par nos hommes. La soirée se poursuit, la clientèle chante,parfoisnouslesaccompagnonsenchœursurlestubes.

Bastienpassesonbraspar-dessusmonépaule.Jemeblottiscontrelui.Vientmontourànouveau.J’ailesmainsmoites.Jechantepourlui.J’espèrequelemessagepassera.Aprèsunbrefbaiser,jemedirigeverslascène.Letempocommenceetj’enchaîne.Monregardplongedanslesien.Traducteurdemétier,Bastiendevrait comprendre le texte.Sesyeuxneme lâchentpas etquand il sourit, je comprendsqu’ilécouteattentivement.J’aimebiencegroupe,SnowPatrol.Bastienneleconnaîtsûrementpas,maisilaimeles chansons à textes.ChasingCars est l’une que je porte le plus dansmon estime. Je termine toutetremblante.Bastienselèveetvientàmarencontre.Ilm’embrassedevanttoutlemonde:lessifflements

fusentautourdenous.

–Tuasunetrèsjolievoixpetitcœur,jeneconnaissaispascegroupe,maisàpartirdecesoir,ilseraundemesfavoris.

Touteremuée,lesjouesprêtentàs’enflammer,jemeblottiscontrelui.Nousretournonsnousasseoiretlasoiréesepoursuit.Çafait longtempsquejenemesuispassentieaussibien.Jepeuxêtremoi-mêmedevantunhommesansavoirpeurdenepasluiplaire.FloetAuréliaselèventpourallerfumer.Jenepeuxrésisteràl’envied’allerleurchiperquelqueslattes.Jem’excuseetfoncedehors.

–Tienslagratteuseprofessionnelle…s’esclaffeFlo.

Jeluitirelalangueetluipiquesacigarette.Auréliasemetàrire.

–Avouequejetemanqueauboulot!–C’estclair,mêmeMysteriousMan,maisavecLisaonenatrouvéunnouveau.–Sérieusement?–Boniln’apaslagueuledutien,maisencemomentilrevientsouvent.

Enretournantàl’intérieur,j’arrangeunpeumatenueainsiquemacoiffure.Latêteailleurs,jeneprêteaucuneattentionetpercutequelqu’un.

–Oh,excusez-moi…

Mavoix déraille dès que je croise le regard d’Oliver.Cemec est la pire des raclures. Son souriresatisfaitmedonneenviedeluicracheràlafigure.

–BonsoirJoss,tuvasbien?–Tunem’asplusjamaisparlé,jenevoispascequeçapeuttefoutre.–Rangetesgriffes,majolie…Tunem’asjamaisrienchanté,j’aimeraisbiensavoircequetuluioffres,

àcelui-là…

Jelèvemamainpourlegifler,maisOlivermesaisitlepoignetfortement.Jegrimace.Lisaselèveetlesgarçonsenfontdemême,venantàmonsecours.

–Lâche-moi,tumeblesses!–Raconte-moicequetuluifais,susurre-t-ild’untonrépugnant.–Tout!craché-jeaussifortquepossible.

Jenesaispaspourquoijeluiaisorticemensonge,maisilm’énervetellement…!Bastienarrivesanssesbéquillesetluifaitlâcherprise.Sepositionnantdevantmoi,ilnebaissepasleregard.

–Legentilgarçonvienttesauver,sicen’estpasmignon…fredonneOliver.–Tracetaroutemongarsetlaisse-latranquille,grondeBastien.

Oliversemetàrired’unefaçongrave.Lorsqu’ilserapprochedemonsauveur,jemeraidisparpeurdelatournurequepourraitprendrelesévénements.Bastienadéjàunejambecasséeparmafaute,j’aimeraisquel’onarrêtelesdégâts.

–Sinonquoi,l’estropié?–Pasdesinon,justecasse-toietvafairechierquelqu’und’autre.

Bastiennedesserrepaslamâchoire.JérémyetFlorentseplacentàsescôtés.Lisametireparlamainaucasoùlabagarreéclaterait.Jefoncerassemblernosaffairesetlaissedel’argentàLisapourlanote.Ilfautquej’interceptemonapollonpourquenousnousenallions.Olivercontinuedeproférerdesmenacesen s’éloignant.Ça se calme,mais je devine qu’il n’en a pas fini avec lui. J’ai honte d’avoir gâché lasoirée.Bastienrevientversmoipourcaressermajoue.Jeluitendssesbéquilles,alorsilcomprendmondésirdequitterleslieux.Unbrefaurevoiretmesamiscomprennentlasituation.

Letrajetsedérouledanslesilence.Jefixelarouteennecessantdemerépéterquej’accepteraiqu’ilneveuilleplusmevoiraprèsça.Pourquoitombersurluicesoir?Olivernem’apasparlédepuisdesmois.Jemesurprendsàfrotterlepoignetqu’ilaserré.Jesensencoresesdoigts.J’accèdeauparkingsouterrainenvoiture.Silencieuse,jeredoutelemomentoùBastienvamerejeter.Encontournantlevéhicule,jeluitendssesclefs,lesyeuxbaissés.

–Écoute,jenesaispasquiestcetypeetjem’enfous,maiscesilencepesantm’angoisseJoss.

Jeplongemonregarddanslesien,sanscomprendre.Pourquois’angoisserait-il?C’estmoiquiaipeur.

–Jenesuispasunmecviolent!Quandjel’aivutesecouer,çam’arendufou.Jesuisdésolé,souffle-t-il.–C’est àmoi dem’excuser… J’ai gâché la soirée, tu as dû encoreme sauver et presque te battre,

murmuré-je.

Bastienlâchesesbéquillesetmeserredanssesbras.Çamefaitunbienfou,commes’ilétaitl’antidotedemesmaux.Jeplissemespaupièresetrespireàpleinspoumonssonodeur.Jecroisquejenevaispluspouvoirm’enpasser.Ilappuiesatêtesurlamienneaprèsavoirembrassélehautdemoncrâne.

–Lasoiréeétaitparfaite,c’estluiquiatoutfoutuenl’air.Etpuis,j’aimedevoirtesauver.Viens,onmonte.

Jel’aideàramasserlesobjetsfacilitantsesdéplacementsetnousgrimponsàsonappartement.Jeposemes affaires sur le plan de travail et le regarde partir dans une pièce encore inconnue, sûrement sachambre.Bastienrevientavecuntee-shirtàmonattention.

–Tuserasplusàl’aisepourdormir.–Merci.

Jemechangedanslasalledebains.Lehauts’arrêtesousmesfesses.Pourunefoisquemapetitetailleestarrangeante!Jerelèvemescheveuxdansunchignonbrouillon.Dudentifricesurl’indexenguisedebrosseàdents…cen’estpasefficace,mais l’haleineseraplusfraîche.J’arrangeunpeu lesdégâtssurmonmaquillage.Jesors,toutestéteintsaufcettefameusepièceverslaquellejem’avance.Bastienestenshort,torsenu.C’estofficiel,ilveutmamort.Sesyeuxmedéshabillent,metransformantencoquelicot.Jereste immobile, plantéedans l’encadrement de la porte. Il tire unbout dudrap et je fonceme réfugierdessous.Deuxcouillonsdansunlit,àmoitiénusetraidescommedespiquets…c’estnousàcetinstant.Bastiensetourneversmoiens’accoudantsurl’oreiller,toutsourire.

–Jesuisjaloux!–Ahbon?Pourquoi?demandé-jeenpivotantfaceàlui.–Mestee-shirtstevontmieuxqu’àmoi.

Jenepeuxmeretenirdepouffer.Ilserapproche;jemefige.Saboucheenvoieuneinvitationquejenepeuxpasrefuser.Noslèvressetrouvent.Mesmains,surlapeaunuedesontorse,mefontautantvibrerquelui.Bastienappuiesonfrontcontrematêteetrivesonregardaumien.

–Jesuisheureuxquetusoislà.–Etmoidem’ytrouver.

Nousnousembrassons tendrement.Unbras tendu,au-dessusdemoi,éteint lapetite lampedechevet.Bastien parcourt la peau demon cou. Je suis chamboulée. Je frissonne.Mon cœur effectue un loopingjusquedansmaculotte.Sondésirpressecontrema jambe.Mesmainsexplorent sondosmuscléet sesfesses par-dessus le tissu du short. Seigneur. J’ai envie de m’abandonner à lui. Je me fous de mesprincipes.Sescaressessurmonventre,meshanches,mesfessessontdivines.Jeledomine,poursuivantnosbaisersvoluptueux.Sentirsonérection,entremesjambes,medéstabilise.Cemecmerendfolle,folledelui.Saufquandilmebasculesurleflanc,complètementessoufflé,touttremblantetqu’ilmeplaquedoscontre son torse. Je peux sentir une envie égale à la mienne grandir contre mes fesses. Ses brasm’enveloppent.Unemainglisseentremesseins.Bastienembrassemanuqueenmechuchotant:

–Bonnenuit,petitcœur.

J’aienviedecrier,maisjemereprendsenmedisantqu’ilmerespecte.C’estsiprévenantetrare,mais

surtoutfrustrantbonsang!

–Bonnenuit,réponds-jeenembrassantsamain,prèsdemoncœur.

Jeme sens bien, contre lui, comme si rien ne pouvaitm’arriver ici. Je gesticule un peu, ce qui luiarracheungrognement.

–Jet’aiprévenu.J’ailabougeotte.–Alorsattends,onchangedeposition,sinonçanevapasm’aider,avectesjoliespetitesfesses…

Jerougis,maisilnelevoitpas.Parcontre,ilpeutentendremonpetitgloussement.Bastienroulesurledos,jemeblottiscontrelui.Monoreilleprèsdesoncœurquibatfort, jecomprendsqu’ilfaituneffortsurhumainennetentantrien.Çametouche…

Lamusiquede ses pulsations cardiaques se fait plusdouce ; il dort. Je ferme les yeux et essaie del’imiter,cequis’avèremoinsdifficilequeprévu.

Unchamboulement

Unechansoncaressemesoreilles.Jebatslamesuredupied,sousledrap.Enm’étirant,jem’aperçoisquejesuisseuledanscegrandlit.Jesaisisl’oreillerdeBastien,puisleplaquecontremapoitrineenyenfouissantmonnez. Jeme shoote à sadélicieuseodeurquimemet dubaumeau cœur. Je ne sais pasquelleheureilest,nicequeBastienestentraindefaire,maisjem’enmoque.Toutcequicomptec’estcettemusiqueagréableetlamerveilleusenuitpasséeauprèsdemonhomme.Sentirlachaleurdesoncorps,sescaressesincontrôléesdanssonsommeil…J’aidormid’unetraite.

Je l’entendsfredonner.L’oreille tenduepourmieuxpercevoirsavoix, je traverse lematelasàquatrepattes.Horsdulit,jetiresurmapetiteculottecoincée…Monnezpointéàtraverslaporte,j’aperçoiscedieu sexy de dos en train de cuisiner. Sur la pointe des pieds, jem’avance vers lui, mais Bastien seretourne.Prisesurlefait,jesourisetilsedirigeversmoi.Ilmeserredanssesbrasetmefaitdanser.Jenesuispasàl’aiseavecça,maisjecommenceàyprendregoût.C’estunbondanseur,mêmes’ilestlimitéavec sa patte folle. Je virevolte,m’en fichant s’il entrevoitmes fesses. Sa bonne humeurmatinale estcontagieuse.Ilmepressecontresontorsenu.Bastienmurmurelesparoles;jesuiscaptivée.Monsouriresincèresefige,jeneparvienspasàm’endéfaire.Macaresse,sursajoue,clôtsesyeux.Jemehissesurlapointe des pieds pour atteindre cette bouche gourmande de mes baisers. Bastien me soulève, alorsj’entouresatailledemesjambes.Sonvisagesenichedansmoncou.Ildéposeunefarandoledebaisersquimeréveillentmerveilleusement.

–Bonjourpetitcœur,biendormi?–Ilyabienlongtempsquejen’avaispaspasséunenuitpareille.

Bastien baisemon front enme faisant descendre. Il retourne s’affairer en cuisine. J’en profite pourm’échapperdans lasalledebains.Matêtenefaitpas troppeur.Je tentedem’apprêteravecceque jetrouveetarrangema tignassebrune.Assisesur lesWC, je fixe lapoubelle faceàmoi.Des flaconsdepilules y gisent, sûrement ses vitamines…Mains lavées, je le rejoins directement. Jeme hisse sur untabourethautetmonsieurmesertuncafé.Ilapréparéunpetit-déjeunerdignedecenom:brioche,painperduetdesaccompagnementsalléchants.J’étale,surunetranchedebrioche,delapâteàtartiner.Bastienmefaitgoûterdesonpainperdu:succulent.

–Tufaisquoidebeauaujourd’hui?–Jevaissaluermesparents.–Tuenaspourtoutelajournée?

–Jen’aipasd’heure.Ilssontpropriétairesd’unmagasin,doncjepassequandjeveux.Ettoi?–Jedoispeaufinerunemaquetteetj’airendez-vouschezlemédecin.

Àl’annoncedesajournée,jem’inquièteenrepensantàcesfichuespilules.Jedoisfroncerlessourcils,carilpassesondoigtsurmaridedulion.

–Pourquoiundocteur?

Il sourit et lève la jambe enmemontrant son plâtre. Bravo,maintenant, j’ai l’impression d’être unecruchedanstoutesasplendeur.

–Pourluimontrermajambe,carl’œdèmes’estréduitetleplâtrebouge.–Tuveuxquejet’accompagne?–T’esmignonne,maisçavaaller.Jeveuxbienterejoindreaprès,silecœurt’endit?

Jepassemamainsursabarbenaissante,effleurantseslèvresaveclapulpedemesdoigts.L’enviedejouermegagne.

–Jenesaispas,tuesinsupportableettubougestellementendormant…taquiné-je.

Bastien me tire vers lui, me soulevant pour me chatouiller. Mais il perd l’équilibre et nous nousretrouvonslesquatrefersenl’air.Jeris,maislui,plusdutout.Monhommeselèverapidement:ilsaigneunpeuauniveaudel’avant-bras.

–Décidément,tun’aspasdechance,avecmoi.Jen’arrêtepasdeteblesser,tenté-jeafind’allégerlasituation.

Bastiennerépondpas,tenducommesic’étaitdramatique.Nousn’allonspasfairetoutunfromaged’unepetiteéraflure.Jem’approchepourluiapportermonaide.

–Çasaignetantqueça?Montre-moi.–NON!TudevraispartirJoss,s’exclame-t-ilsèchementenmerepoussant.

J’auraispréférérecevoiruncoupdemassue.Jeresteimmobile,sanstropsavoirs’ilestsérieux.Direqu’iln’yamêmepasdeuxminutestoutallaitparfaitemententrenous…Qu’ai-jedoncfait?

–JesuisdésoléeBast…–C’estbon,rentrecheztoi!

Son regard est à la fois froid et triste. Je foncedans la salle de bains enfilermes vêtements etmeschaussuressansquittersontee-shirt.Jerécupèrelereste,unpeuénervée,maissurtoutblessée.Qu’ai-jedit pour que son humeur change ? Je n’ai pas fait exprès de tomber. En plus, j’aurais pume blesserégalement.

Bastien s’enferme dans sa chambre en claquant la porte. Je quitte les lieux sans me retourner. Jedescendslesmarchessanstropsavoircommentréagir.Pleureràcausedelafaçonblessantedontilm’aparlé ? Crier car sa réaction est incompréhensible ? Je saute à bord dema voiture, file sur la route,musiqueàfond,complètementchamboulée.Enouvrantlesyeux,jem’imaginaisunetoutautrejournéequecellequiseprofile.

Je laissema 206 en bas demon immeuble etmonte chezmoi. Une bonne doucheme fera du bien.J’allume la stéréo à en faire trembler les murs pour m’éviter de gamberger, je pince mes lèvrestremblantes.Jesautesous les jetschaudsenchantantfortcommepourextériorisermonmal-être.Jemerouletelleunsushidanslaservietteetchangedepiècepourrangerenremuantdesfesses.Jemerepasseenboucleleréveilpouressayerdedénouercettesituation.C’estàn’yriencomprendrefranchement.Jem’habilleetfinisdemepréparer.Danslesalon,montéléphones’allume.Vulevolumeassourdissantdesenceintes, je ne risquaispasde l’entendre.Deuxappels en absencedeBastien.Histoired’embrouillerencorepluslecerveau,aprèsm’avoirenvoyéebouler…Jenerappelleraipas,jeverraiplustard.

Jerassembletoutcedontj’aibesoinavantdepartirvoirmesparents.Surletrajet,jeconstatelabaissedetouristessurlesroutes.Vidées,ellessontplussupportables.Jedépasselepanneaudelavilleoùj’aigrandi.Elleestbiendifférentedel’époquedemonenfance,maisc’estreposantderevenirdetempsentemps.Jemegaresurleparkingdumagasinetpénètreleslieuxensaluanttousceuxquejeconnais.Mamèresortdugrandbureaupourm’accueillir.

–Commentvamacacahuètechérie?lance-t-elleenmeserrantdanssesbras.–Maman…Jevaisbienettoi?

Ellemeregardeenpenchantlatêteetplisselesyeuxcommesielleessayaitdelirecequin’allaitpas.

–Onn’apprendpasauvieuxsingeàfairelagrimace,mafille.–Çava,cen’estrien,réponds-jeensoupirant.–Tun’aspasdesproblèmesd’argent?s’inquiète-t-elleaussitôt.

Je lève lesyeuxauciel,car saquestionest stupide.Elle sait trèsbienque je suisprévoyante.Nousrejoignonslebureaudeladirection,oùsetrouvemonpère,sûrementdépassécommeàsonhabitude.

–Cacahuète,çavamachérie?–OuiettoimonPapounet?–Fatiguéetdébordé,maisonnevapasseplaindrequandlesaffairesroulent,acquiesce-t-il.

Letéléphonesonne.Ilmesignalequ’ildoitrépondre.Mamèremeproposedeprendreuncafédanslagaleriemarchande.Nousl’indiquonsàpapa:illèvelepoucepournousconfirmer.

En marchant, je sens mon portable vibrer dans mon sac. Je ne sais pas quoi lui dire après soncomportementdecematin.Jecommandeuneboissonetmamèreenprofitepourgrignoterunmorceau.Jepicoreunpeucequ’elleacommandé,maisl’appétitn’yestpas.J’aibiendéjeunéplustôt,mêmesilesprécédentsévénementsontbouleverséladigestion.Mamanfaitunemouequejeconnaisbien.Jelavoisvenir…

–Allez,confietoutàtamère.Comments’appelle-t-il?

Jemanqued’avalerdetraversmagorgéedecaféine.

–Joss,jeteconnaisettuespleinedeviesaufquandilyaunproblèmeavecungarçon.–Bastien…avoué-je.

Aprèstout,quiestlapersonneenquijepeuxavoirleplusconfiance,sicen’estmamère?

–Vas-y,jet’écoute!

Jemeracleunpeulagorgeetréfléchisàoùcommencerpourquecesoitclair.Jeluiracontequec’estlefameuxMysteriousMandontjeluiavaisdéjàparlé.Toutypasse:l’accident,lesservicesrendus,lerapprochement,notrenuit chastemais incroyable, le réveildansant, les fous rires…Puis la chuteet laréactiondéconcertante.

–Etiltel’abalancécommeça?–Oui,jepensaisqu’ilplaisantait,maisnon,confié-jeenhaussantlesépaules.–Tu saismachérie, leshommes sontdes chochottes.Peut-êtreque lavuedu sang lui fait peur, il a

stresséetaprèstondépart,adûregretter.

Montéléphonevibreànouveau,faisant trembler lacuillèresur la table.Sonnoms’affiche :c’estunSMS.Mamanpointel’écrandudoigtetenchaîne:

–Onpariecombienquecesontdesexcuses,danscemessage?–Jepenseaussi,maissaréactionm’aunpeurefroidie.Jenemesentaispaslebesoind’enfairedes

caissesaveclui,j’étaisnaturelle.–Qu’est-cequit’empêchedeneplusl’être?–Jevaiscraindrequ’ilrecommence,devoirmarchersurdesœufsaucasoù…

Ellemeprendlamainetsonregardremplidedouceurmefaitsouriremalgrélaconversation.

–Ma chérie, rien ne doit te priver d’être toi, même pas cet homme. Vous devez apprendre à vousdécouvriretaccepterlesdéfautsdechacun.

Jesoupire,maisdesoulagement.Ellearaison,aprèstout.NousnenousconnaissonspasetBastienasûrementjusteflippé.Jesaisismonmobileetlisletexto.

Bastien[S’il teplaît,pardonne-moi. Jepeux tout t’expliquer. Je te ledois,même.Ondoitparler Joss,

aprèstudécideras.Bisou.BastienM.]

Jemontre l’écranàmamèrequi sourit, fièredeconnaître leshommesplusque sa fille.Celadit, lamanièredontlemessageesttournésoulèvequelquesquestions.Ilmeledoit?Jedéciderai,maisdequoi?Jeprendsletempsdeluirépondre,avantqu’ilexplosemonjournald’appelsenabsence.

Moi[Commejetel’aiditplustôt,jesuischezmesparents.Rendez-vouschezmoidansdeuxheures.

Bisous.]

Nousrevenonsdanslemagasinetmamèremedonnedescourses,commeàchaquefois.Elleapeurquejenemenourrissepasassez.Unechansonpassedansleshaut-parleursdumagasin,mevolantunsourire.

–Qu’est-cequ’ilya?Netemoquepasdetapauvremère…–Non.Quichante?–LouisArmstrong,pourquoi?–Bastienadoreécoutercegenredemusique.–Cegarçonabongoûtetjeneparlepasquedetoiendisantça.

Mesjouesprennent la teinted’unetomatecerise.Jeserremamèredansmesbras.C’est toutcedontj’avaisbesoinaprèscettematinéehorrible:delabonnehumeuretdesconseilsmaternels.Jevaisdevoirdécamper. Je monte embrasser mon père qui râle de ne pas avoir pu profiter de moi. Maman meraccompagnejusqu’àmonvéhiculesurleparking.

–Dimanchetutesouviensqu’ilyalaferradedumagasin?–J’avaisoublié…grincé-je.–C’estàneufheures,àlamanadeGrejean.Tun’asqu’àveniraveclui!–Onn’enestpaslàmaman,iln’yaurapeut-êtreplusde«lui».–Maissi,tuverrasmacacahuète.

Jel’embrasseetlaremerciepourtout.Jemonte,allumelemoteurenagitantmamain,puisjem’engagesurlecheminduretour.Moncerveau,enmode«psychotage»,imaginetoutessortesdescénarios.Cettefois,c’estsûr,jeneresteraipasmuette.Jesuiscommejesuisetsiçaneconvientpasàmonsieur,ilpeuttrèsbienpartir.J’aitoujourstoutfaitpouressayerdeplaire,aufinal,jesuiscélibataire.Marrededevoirfournirdesefforts.Jesuisnaïve,c’estvrai,maisjenesuispasunepauvreconne.Jelanguisdeconnaîtrelaraisondesaréaction,pourjugerdecequisuivra.

Jetrouveuneplaceauboutdemarueetm’emparedescoursesquipèsentunânemort.Jerangetoutdans le frigo, ainsi que dans les placards. Jeme change pour être plus à l’aise : un short et un petitdébardeur.Ilnerestequequelquesminutesavantqu’iln’arrive.Jem’apprêteàprendrelebouquindansmon sac,Black Sky.Merde. Je l’ai oublié chez lui dans son bureau avecmes lunettes de vue.Quellegourde,maparole.

Quelqu’un frappe à la porte : je sais que c’est lui. Je pousse un long soupir. Une brève dernièreinspectiondemonétatetj’ouvrelaporte.Bastienn’estvisiblementpasfier.Jem’apprêteàsouriredevantsabeauté,maisjemeravise.Jel’inviteàrentrer,remarquantqu’ilboite,maisqu’ilasesdeuxbaskets.Jefermelaporteavantdelesuivre.

–Tuveuxboirequelquechose?–Oui,untrucfrais,s’ilteplaît.–Oùesttonplâtre?questionné-jeensortantdujusd’ananas.–Lemédecinmel’aretiréetaplacéuneattelle.

Je lui donne sonverre. J’essaie de ne pas croiser le regard quime ferait flancher à tous les coups.Commentrésisteràunêtresisexyquiembrassecommeundieu?

Jem’assoisdel’autrecôtéducanapéluifaisantface,yeuxrivéssurmesdoigtstenantmonverre.

–Joss,jesuisdésolédemoncomportementdecematin.Jen’auraisjamaisdûteparlersurceton,nitechasser.

J’entends, mais ne réponds toujours rien. Bastien est gêné. Il tremble même. Son corps me faitcomprendre qu’il s’en veut réellement. Je lève les yeux vers lui discrètement. Il offre l’apparence dequelqu’unquiveutsedonnerducourage.

–Eneffettun’auraispasdû,confirmé-jeplusfroidementquejelepensais.

Jene saispaspourquoi je t’aiparlé surce ton,nipourquoi j’aidit ça.La Jossd’avant s’excuseraitpresqued’avoirétéhonnêtealorsquenon,cen’estenrienmafaute.C’estluilefautif,dansl’histoire.

–Jen’aipasétéhonnêteavectoi.Jem’enveux,bonsang.Éricm’aengueulédenepast’avoirmiseaucourant…

Bastiensouffle,sontonemplidetristesse.Ilestmal.Vraiment.J’éprouveuneréelleenviedeleprendredansmesbras.Jelutte,carjeveuxsavoir.Macuriosité,plusfortequemacompassion,m’aideànepasbougerd’uniota.

Bruitétouffé.Jerelèvelégèrementmonregardetdécouvreunelarmesursajoue.Ilpleure?

–Tuvois,danslavie,ilyaceuxquiviventlebonheuretceuxquienrêvent.Jefaispartiedeceuxquienrêvait,jusqu’àcequejerencontrecetteincroyablenanaquim’adonnéespoir.Jesavaisquec’étaitégoïstedemapart,alorsjemesuisempêchédeluiparlerpendantplusieurssemaines.Laregardermecomblaitd’uneextaseinconnuepourmoi.Admirersonsourire,entendresondélicieuxrireoumêmelavoirrougirlorsquenosregardssecroisaient.

Je l’écouteconter.Bastienparledemoi.Florentavait raison.Depuis ledébut, ilvenaitaucafépourmoi.J’analysechacunedesesparoles.

–Depuismanaissance, jen’ai vécuqu’avecÉric,mon frère. J’ai bien rencontréune fille, une fois.Nousnoussommesfréquentéspendantunan,maisiln’yavaitpascepetittrucenplus,cejenesaisquoiquitefaitcomprendrequec’estLApersonne.Jesavaisnepasavoirdroitàunavenir,maisquandjet’aivuecoincéeparcecontainer…Jen’aipasréfléchietj’aisautéenmedisantquelavieenavaitpeut-êtredécidéautrement.C’étaitmerveilleuxdevouloirvivrecommetoutlemonde,sanschichi.Maislaréalitém’afrappéenpleinvisagecematin…Jenepeuxpascontinuersansquetuaiestouteslesdonnées.–Bastientucommencesàmefairepeur,déclaré-jetoutbasenposantmonverre.

Ilboitlesienetleposeégalement.Ils’approchedemoiethésiteàmeprendrelamain.Alors,jelaluitends.

–Jepeuxt’embrasserunedernièrefoispetitcœur,justeaucasoù?supplie-t-ildansunsoupir.

Sademanderemplied’espoirmetoucheauplusprofond,ainsiquecettedéclarationdignedegrandeshistoiresd’amour.Jepressemeslèvressurlessiennes,salées,lessavourantavecdouleuretangoisse.Ilcaressemonvisagedesesprunellespleinesdesouffrance.

–Jevaiscommencerparledébut,lorsquemamèreestdécédée…

S’excuser

Jeplacemesdoigtssursabouchepourqu’ilsetaise.Jesuisinquiètedecequ’ilvam’annonceretleslarmes,menaçantdesortirdesesbeauxyeuxbleus,n’arrangentrien.

–Viensonvamarcherettumeparleras,maispasici,paschezmoi.–D’accord.

Jeprendsdeuxminutespourenfilerunbasdejogging,toutetremblanted’angoisse.Quepourrait-ilmedirepour semettredanscetétat? J’emportemaclef, laissant le reste :pasbesoindemonsacetmontéléphonepourparler.Ilsmedérangeraientplusqu’autrechose.Noussortonsdemonimmeubleetallonsausquareduboutdelarue.Jeserrefortletrousseaudemaisonattachéàceluidema206.Parchanceiln’yapersonneàcetteheure-ci.Jem’installesurunebalançoire,maisBastienrestedroitcommeunpiquet.

–Assieds-tois’ilteplaît,tumedonnesletournis.

Ilseplacesurcelleàmadroiteetfixel’horizon.Latensionestpalpable.Lesilences’imposeetdevientpesant.Mesyeuxsontrivéssurlesableduparcoùmespiedsnecessentdepousserpourmebalancer.

–Mamèreétaitinfirmièreauxurgences,c’étaitunefemmemerveilleused’aprèsÉric.Monpèren’aimepas en parler, ça lui rappelle de mauvais souvenirs. Un jour, pendant son service, elle plaçait uneperfusionàunhommequiétaitagité,maisils’estemparédel’aiguilleetl’apiquéeavec.Ilsontfaitlenécessaire,carcethommeétaitmalade,très…

Sesjouessonthumidesetsesphalangesblanchissenttantilserreleschaînesdelabalançoire.

– Joss… Je…Ma mère est morte d’une grave maladie, car elle n’a pas voulu se soigner. Elle adécouvertqu’elleétaitenceintedemoietpourmeprotéger,ellearefusétouttraitementquiauraitpuluiaméliorerlavie.

JecommenceàcomprendrequeBastiendoitaussiêtremalade.Quelvirus?Ilyenatellementdanslemonde.Jecomprendsmieux.Lessouvenirsdesjourspasséss’assemblent,telleslespiècesd’unpuzzle.

–Ilyavaitdeschancesquejen’aierienentantquefœtus,carcen’estpassystématique.Lavieena

décidéautrement,carjesuisnéavec.Mamèreestmortequelquetempsaprès,carilétaittroptardpourqueletraitementsoitefficace.Depuistoutpetit,j’aipasséplusdeséjoursàl’hôpitalquen’importequi.Jen’aipasétéà l’école,carmonpèreenadécidéautrement.Selon lui, lesenfantschahutent, jouentsansfaireattention.D’oùmonmanquedeviesociale.Seulmonfrèrejouaitpendantdesheuresavecmoi.Onallaitaucinémaensemble,aubowling…Enfin,toutcequetuasfaitavectesamis,moijel’aifaitavecmonuniqueetseulami,Éric.–Bastien,jenetesuispastroplà…Jecomprendsquetusoismalade,maistuasquoi?–Avant tout, jeveuxquetusachesquej’aiétéprudentavectoi.Jamaisdemavie jenet’aimiseen

danger,maisÉricaraison.Tuasledroitdesavoir,mêmemonmédecinpensequec’estplusjustedeteledire.Aprèsmarévélation,jecomprendraiquetuneveuillesplusmevoir,petitcœur…souffle-t-ilavecunevoixrauque.–ArrêteBastiencen’estpassigrave,jevoisquetuvasbien…–Enapparence,Joss!m’interrompt-il.

Jeposemonpiedausolpourstoppermonmouvement.Jemefigesoussontonsec.Jemetourneverslui.Bastienmecontempleavecdétresse.Monestomacseserre.L’enviedevomirmeguette.Jedéglutis,observeceluiqui faitchavirermoncœurcommejamaispersonnen’aréussià le faire.Comment laviepeut-ellelemettresurmonchemin,sijenepeuxpasenprofiterpleinement?Cen’estpaspossible,cenedoitpasêtresigrave.Jemelèveetmeplantefacelui.L’angoisseprendpossessiondemoncorpsquandilsemetàsanglotersilencieusement.Bastienapeurtoutautantquemoietpourtant,ilnem’atoujoursriendit.Illèvesesyeuxrougisversmoi.Lesperlessaléessefraientuncheminsurcedélicieuxvisage.Messourcilssefroncent:jehochelatêtepourluidonnerlecouragedepoursuivre.

–Je…jesuis…séropositif,Joss…murmure-t-il.

J’ailasensationquelemondes’écroule.

Je comprendspourquoi il n’apas essayéde coucher avecmoi ; pourquoi ilm’aparlé sur ce ton cematin,alorsqu’ilsaignait.Toutdéfileenboucledansma têtequiestprêteàexploser.NON…Untroppleindelarmesm’échappe.Moi,jenebougeplus.Bastiens’approchedemoi,maisparréflexe,jereculed’unpas. Il auraitdûme ledireavant.Son frèreavait raisonde l’engueuler.Onnecachepasquelquechosedesigraveàlafemmequel’onfréquente.J’auraispul’avoiràmontour,etjenepeuxm’empêcherdepenserqu’ilaagitelunégoïste.

–Joss,disquelquechose,s’ilteplaît…supplie-t-il.

J’aienviede leprendredansmesbras,mais lapeurm’enempêche.J’avaisbeaucoupd’espoirdansnotre histoire naissante,mais tout vient de s’écrouler comme un château de cartes.Bastien appuie sonvisagesursamainsansbaisserleregard.Ilhoquette,sentantqu’ilmeperd.

–Jesuisdésolé…Va-t’en,maintenant!gronde-t-il.

Moncorps resteancrédans le sol.Lanouvelleest tombée,ellepèse si lourdqu’elleaenfoncémespiedsdanslesable.Muette,nesachantquerépondreàça,j’essaiedemeraisonner,deluidirequelquechose,maisjeluienveuxaussi.Ilnem’ariendit,m’amiseendangerfaceàcevirusfoudroyant.

Cen’estpasdesafaute,nicelledesamère,maisdecethommequil’apiquéeavecl’aiguille.Jerevoistouteslespilulesqu’ilingère,ses«vitamines»…

Quelleconne,pourquoin’ai-jepasfaitlerapprochementquiétaitpourtantclaircommel’eauderoche?Bastienlèvesesyeuxruisselantsdedouleursversmoi.Jesuismalpourlui,maisj’aipeur.Jereculed’unpasensecouantlatête:pourquoifaut-ilqueçaluiarriveàlui?Àmoi?Bastienselève,sonregardsechargedecolère.Ilm’aboiedessuscommeunchienenragéleferaitpourmefairefuir.

J’essuiemesjouesinondées,j’aimeraismieuxréagir,maiscommentdois-jem’yprendre?

–VA-T’EN!Quitte-moi,oublie-moi,laisse-moi…hurle-t-il.

Bastienretombesurlabalançoire,complètementabattu,etjefuis.Jeparsencourant,maisjeneveuxpas rentrer chez moi. Je fonce à ma voiture et accélère comme une malade. J’ai besoin d’air, j’ail’impressiondesuffoquer.Jepensaisavoirtrouvéunhommeparfaitementparfait,àtouslesniveaux.Jeremerciaislavied’avoirmissurmoncheminquelqu’unquiconvenaitàl’êtredemesrêves.Néanmoinsdansmaviesentimentale,ilyatoujoursun«mais»…Jem’engagesurlaroutedesplagesetappuiesurlechampignon. Les cheveux au vent, lamusique agressantmes oreilles, l’air iodé envahitmes poumons.Cetteodeurmerappellenotrepremierbaiser,lasensationquej’éprouvedèsqu’ilmetouche,m’embrasse,meregarde…Toutestdevenudifférentquandils’estconfié.Toutçaàcausedecettepeurquineveutpasmequitter.Jenemesenspaslaforced’assumerunetellerelation.Maisjesaisdéjàqu’ilvamemanqueretpourtantnousnousconnaissonsàpeine.

J’atteinslaplageoùjelaissemavoituresurleparking.Jemarcheversladigueetenjambelesrocherspour rejoindre la pointe. Personne n’y va car c’est dangereux, mais je m’avance prudemment pourm’asseoirsurlapierre.Jefixel’horizon.Unfilmsedérouledansmatêtecommeunmontageavecfondsonore. La première fois au café, le bleu de ses yeux timides qui nem’a pas laissée indifférente. Sessourires ravageurs, sa manière de passer sa main dans ses cheveux. Bastien est si beau. Ses motsrésonnentencoreenmoi,jamaisl’onnem’afaitdedéclarationsimilaireàlasienne.

J’aperçoisuncouplemarchantsurlaplage.Ilssemblentheureux.Deslarmess’imposentànouveau,carjenepourraijamaisvivreçaaveclui.Ilm’aditavoirfaitattentionavecmoi.Jedoisfairedesrecherches,liredestémoignagesdepersonnesconnaissantunepersonneséropositive.Jeretourneverslaplagepourgagnerleparking,quandquelqu’unm’interpelle.

–Petitbouchon?

Jen’aipasbesoindemeretournerpoursavoirdequiils’agit.Éric.Jepassemesdoigtssousmesyeux

pourenlever les tracesdemascara.Nousnesommespasdansunfilmd’horreuret jenepeuxluioffrirl’opportunitédemetrouverunautresurnomdébile.Jemeretourne.Sonsourires’effaceet jepeuxliredanssesyeuxlemêmemal-êtrequesonfrère.

–Jesupposequ’ilt’atoutexpliqué…exclame-t-ilensegrattantlatête.

JehochelatêteetÉrics’approchedemoi.Ilmeprendparlebraspourmeforceràmarcher.

–Vuquetun’espasaveclui,c’estquetuasprispeur.Jevaisenprofiterpourtepayeruncoupàboire.

J’extirpemon bras de son emprise et le fusille du regard. Il croit que comme je suis partie, il peutprofiterdelasituation.

–Tuessacrémentgonflé!–Non,cen’estpasdutoutcequetut’imagines,petitbouchon…Jeveuxjusterépondreàdesquestions

quetudoisteposer,précise-t-ilenlevantlesmains.

Méfiante,jecontinuenotreavancéeverslecafédonnantsurlajetée.Nousnousinstallonsenterrasseetjedemandeuncocktailàbasederhum.Besoindequelquechosedefort.Ilestdix-huitheurespassées.Sonregardpèsesurmoi,maisjen’arrêtepasdefixerlamer.

–Tiens-turéellementàmonpetitfrère?

Jemetourneverslui,unpeudécontenancée.Jenem’attendaispasàcegenredequestion.Jetireunemoueboudeuseetneluioffrepasleplaisird’uneréponse.Ilsemetàricanerens’accoudantàlatable.Leserveurapportenoscommandes.

–Écoute,monpetitfrèrec’esttoutemavie,alorssitunetesenspascapabledelecomblerdebonheur,tuasraisondefuir.–Tucroisquejejouaisaveclui?craché-je.–Jenesaispascequetuveux,tun’espastropbavardeenfait.Jepeuxtedirequejen’aijamaisvu

monfrèreêtreenvoûtéparunenana.Sonangoissefaceàsamaladiel’enatoujoursempêché.Bastiens’estprivédetropdechoses.Jusqu’àtoi…

JelèvelesyeuxversÉric,touchéeparletonsecqu’ilprendpourm’annoncerlarévélation.Ilboitunegorgéedesapression,j’enfaisdemêmeenaspirantmapaille.

–Quandils’estmisàmeparlerdetoitoutletemps,jel’aipousséàvenirtevoir.Bastiennes’autorisepaslebonheur.Iln’aconnuqu’uneseulefille,Bianca…Bref,ilabeaucoupsouffertetilaacceptédenejamaisconnaîtrel’amour,levrai.

–SaufaveccetteBianca?–Cen’étaitpasvraimentdel’amour,maisilstenaientbeaucoupl’unàl’autre.

Finalement,lefrèreaînéserapeut-êtremieuxqueGooglepourrépondreàmesquestions.Ilcôtoiesonfrangindepuislanaissanceetilsagissenttouslesdeuxcommesitoutétaitnormal.Jedécroisemesjambesetremarqueunpaquetdecigarettesdanssapoche.

–Tupeuxm’endonnerune,s’ilteplaît?–Tiensdonc,lepetitbouchonfume?s’étonne-t-ilenmetendantlefeu.–Encasd’extrêmebesoin…Merci.

Je tire sur cette clope et apprécie chaque bouffée envahissantmes poumons. Le tabac soulagemonangoisse.

–Commentfais-tupournepasavoirpeurdel’attraper?–Tusais,iln’apaslagrippeoulagastro,s’esclaffe-t-il.–Jeveuxbientolérertonsurnomdébile,maissionestlàpourquetuenrajoutescen’estpaslapeine.–IlaleVIH,çasetransmetparlesangouparactesexuel.–Commentavoirunehistoired’amoursanssexe?

–Riennet’enempêche,ilyalescapotestusais?Aprèslerisquezéron’existepas,maisBastienvientd’apprendrequelevirusétaitàmoinsde49copiesparmillilitredesang.Cequiestunebonnenouvelle.Letraitementneleguéritpas,maisatténuelesdégâts.Cequiveutdirequelevirusestindétectable.Biensûr, ça va remonter de temps en temps car c’est un virus quimute, alors il faudra encore changer detraitement.Bastienasubitoutessortesdeséjoursàl’hôpitaldepuisqu’ilestné.

–Indétectable?Iln’estpluslà?–Malheureusementsi…Maisilpeutvivrenormalementetça,c’estformidable.–Donc on peut avoir une relation tout à fait normale, juste en prenant de plus grandes précautions

niveau…Enfintuvois,déclaré-jeenrougissant.–C’est normal que tu aies peur. Si ce n’était pas le cas, c’estmoi qui serais inquiet. Si tu te sens

d’affrontercettepeuretdevivrequelquechoseaveclui,fonce.Jevoiscommetesyeuxpétillentquandtuparlesdelui,commequandluiparledetoi.

Jebaisseleregard,gênéeparcedétailremarqué.

Jesuissoulagéed’avoirentenduÉricm’expliquerquetoutpeutsepassernormalement.Ilsuffitdesemontrerattentifetnepasfairen’importequoi.

–Tusais,Bastienprétendqu’ilnepeutpasoffrird’aveniretilpensequepersonnenevoudravivreunehistoired’amouraveclui.Monpère,ledocteuretmoiluiavonsassurélecontraire.Ilpeutmêmeavoirdesenfants.

Jelâchemapaillestupéfaiteparcetteannonce.Commentest-cepossibleavecunecapote?

–Jeveuxbienêtrenovicesurlesujet,maisj’aioubliéd’êtreconneÉric.Cen’estpasplausible…–Pasnaturellement,maisilslaventsesvainqueursetlesimplantent.C’estpossiblequ’ilparvienneà

avoirungossedelui,mêmedeux,explique-t-ilavecunclind’œil.–J’aireculé…–Quoi?–Aprèssonaveu,ilavoulumetoucher,maisj’aireculé.Ildoitmevoircommeunmonstre…

Éricposesamainsurlamienne,maisjesensquecen’estpasdéplacé.

–Tuastoutfaux,illecomprend.Àsesyeux,c’estluilemonstre.–J’avaisenviedeleprendredansmesbras,maislapeurétaitplusgrande.–C’estuneréactiontoutàfaitnormale.Regardequandtuasunsimplerhume,lesgenstefuient,alorsle

sida…Ilstapentunsprintaveclefeuaucul,pouffe-t-il.

Jenepeuxm’empêcherdelesuivreàcausedecetteimage.Jemesensbeaucoupmieux.J’aienviederetrouverBastien.Jenedispasque jevais luisauterdessus,maisdéjà luimontrerque jeveuxêtre làpourlui.Éricsembleprendreçaàlalégère,sevoulantrassurant.IlavécuavecBastien,ilsaitquec’estpossible.

–Ilauntraitementàprendrematin,midietsoir?–Sesvitamines…Illesappellecommeçadepuisqu’ilasixans,pourdédramatiserlachose.

Ilnem’apasmenti.Jesuisvraimentignoble,dumoinsc’estlesentimentquej’aiàl’instant.

–Jel’aitrouvéfatiguécesderniersjours,yaunrapport?–Ilyadeseffetssecondairesautraitement.Mêmesisoncorpsesthabitué,iln’ycoupepas.

Jefinismoncocktailetletéléphoned’Éricn’arrêtepasdesonner.

–Tunerépondspas?–C’estmonpetitfrère,jeveuxsavoircequejedoisluidire?demande-t-ilenhaussantunsourcil.

Jemordsma lèvrenerveusement, j’ai enviede levoir,mais j’aipeurdemalagir etde leblesserà

nouveau.Érictapotelatabledesdoigtsattendantquejemedécideàrépondre.Unemusiquesoulpasseenfonddanslebar.Jesouris:c’estpeut-êtreunsigne.

–Demande-luidevenirchezmoi,jeneprometspasd’êtrelaparfaitepetiteamie,maisjeveuxlevoir.–Tufaislebonchoix,Joss.Merci.

Ai-jebienentendu?M’aurait-ilappeléeparmonprénometpascestupidesurnomqu’ils’amuseàmedonner?Éricrépondens’éloignantunpeu.Jel’observe.JeretrouvebeaucoupdeBastienenlui,mêmes’iln’apaslamêmecouleurd’iris,quesestraitssontplusmarquésparsonâgeetqu’ilestunpeuplusgrand.Çapourraitêtreuntrèsbelhommes’iln’étaitpassiagaçant.Éricrevientversmoi,unsourireunpeucrispéauxlèvres.OhmonDieu,sonfrèreneveutplusmevoir.Lefaitd’avoirfuiauratoutgâché.Quelleandouille jesuis, jen’auraispasdûpartircommeilmel’aditet resterpour luiprouverque jeserailàpourlui.

–Ilesttoujoursdansleparcoùtul’aslaissé.–Quoi?Maisçafaitplusieursheures,maintenant.–Ilnevoulaitpasrentrerchezlui.–Tuluiasracontéqu’onavaitparléetquejevoulaislevoir?–Ilt’attendradevanttaporte.–MerciÉric,exclamé-jeenmelevant.–Quandçaconcernemonpetitfrère,c’estnormal,alorsnemeremerciepasettiensbon,précise-t-ilen

metendantunecarte.

Jeregardelepetitcartonblanc.Unecartedevisite.

–Jouretnuit,s’ilyaquoiquecesoit,petitbouchon.

Lorsqu’ilm’adresseunclind’œil,jenepeuxm’empêcherdeluitirerlalangue.Çal’amuse.Sonfrèreetluiontaussilemêmesourire.J’arrivedevantmavoiture.Éricmelance:

–Aufaitpetitbouchon,lesfellationsaussisefontavecdespréservatifs!ricane-t-il.

Jem’empourpre,regardantautourdenous.Heureusementpersonnen’estlà,sinonbonjourlahonte!Jegrimpe dans mon véhicule et souffle un grand coup. J’ai le béguin pour un homme séropositif, maisfabuleux. Jene saispasdansquoi jem’engage, il va falloirquenousparlionsde certainspoints.Si jel’inviteàlamaison,c’estparcequejemesentiraiplusàl’aise.Jel’imagineenpleurs,seulfaceàmonrejetquin’enétaitpasvraimentun.J’avaispeur.J’aipeur,maisc’estluiquim’achassée.Quedois-jefaireunefoisdevantlui?Jeleprendsdansmesbras?Jesourissimplement?

Pff…Arrêtederéfléchir,mavieille.Fonceettuverrassurplace.

J’allumelemoteur.Àlaradio,unemusiquetrèstriste:Apologize…J’écouteattentivementlesparolesdressantmespoils.Jem’engagesurlaroutedansl’espoirderetrouverl’hommequifaitbattremoncœur.

Aimeouquitte-moi

Complètement perturbée, je m’engage dansma rue. Bastien est à quelques mètres. J’ai envie de leretrouver,delechoyer,del’embrasser.Pourtant,unevoixnecessedemerépéterdefuir,decourir,demecacher.

Jem’extirpeduvéhiculeenprenantmoncourageàdeuxmains.Jepousselaportedemonbâtiment,puisme dirige versma porte d’entrée, toute tremblante. Jeme liquéfie à chaque pas supplémentaire ;mesmainssontmoitesetlasensationd’êtrefiévreusemegagne.Jenesuispasfièredemaprécédenteréaction.JedoutequeBastiensoitcompréhensif.Maisilestsibon,doux,prévenant,sexy…Parfaitquoi!Cen’estpasunfichuvirusmortelquivam’empêcherdeprofiterdelui,mêmesicen’estpasanodinnonplus.

JedécouvreBastienassisparterresurmonpalier.Mapoitrineseserre.Jemefigeenlâchantmesclefsparinadvertance.Nosregardssecroisent.Ilalesyeuxrougis,maissonairabattuaraisondemoi.Jesuisl’unique responsable. Il se lève, complètementvoûté,ouvre labouche,puis la fermeaussitôt.Toujoursraide,jen’aipasbougéd’uniota.

–Écoute,monfrèreprétendquetudésiresmevoir,maissicen’estpasvrai…jepeuxpartir,Joss.

J’aienviedecrieraprèslavie;aprèsn’importequi.Pourquoiavoirfaitdesonexistenceunenfer?Bastiensoupirefaceàmonmutismeetsedétourne.Ilvapartir.Jen’enaiaucuneenvie.

–Bastien!

Sesyeuxbleushypnotiquesmetoisent.Unelueurd’espoirmedonnelaforced’avancer.Jenemetspasle turbo, mais un pas après l’autre, nous nous rapprochons peu à peu. La distance s’amenuise, mepermettantdelaissermoncœurétouffercettevoixsinéfastequim’inciteàfairedemi-tour.Jeluioffreunsouriresincère.Bastienpousseunlongsoupirdesoulagement.Nousrestonsl’unfaceàl’autresansavoirbesoindeparler.Nosregardslefontpournous.Lesiens’embut,alorsjenepeuxempêchermamaindeseposersursajoue.Ilpresselespaupièreslaissantdeuxlarmess’échapper.Demonpouce,j’enattrapeuneetpressesonvisagecontremapaume.

–Leslarmes,çanecraintpas?murmuré-jetoutbas.

Bastiensecouelatêteensouriantlégèrement.J’ouvrelaportedemonappartement,puislelaisseentrer.

Jesorsunebouteilledetequiladuplacardetdeuxverres.Nousenavonsgrandementbesoin.Jem’assoissurlecanapéetilm’imiteensilence.Jeversel’alcooletluitendsunverre.

–Jenepeuxpasboired’alcool.–Pourtanttuasbudeuxbières,l’autresoir.–Cen’estpasdel’alcoolfort,jemelepermetsdetempsentemps,explique-t-il.–Oh…pardon.

Jevidelesdeuxverresd’untrait,grimaçantensentantlabrûlureduliquide.Çaluivoleunsourire.Jepréfèrelevoircommeça.Sijepeuxêtrelapersonnequilefaitsourire,j’enseraihonorée.Jemelèvepourluiprendredusodaaufrigo.Assiseentailleuraprèsm’êtredéchaussée,jemesersuneautretequilapourmedonnerducourage. J’ingurgite rarementde l’alcool,donc l’effetestassez rapide. Jepivote lebusteverslui,sanspourautantleverlesyeux.

–Joss,netesensforcéederien,jeneveuxsurtoutpasdepitié.–Tucroisquec’estparcharité?–Tuaspeurquejetetouche…

Bastienparlesibas…Jenehaussepasleton,mêmesicen’estpasl’enviequimanque.

–J’aieupeur,c’estvrai.Jetementiraissijetedisaisquecen’estpluslecas.–Onfaitquoimaintenant?–Commentça?–Resteavecmoiouquitte-moi,Joss…Mêmesijeconnaisd’avancetonchoix.

Ladouleurrevient.Mesnarinessedilatent;lespleursmeguettent.Alorsjememontrehonnête.

–Jenepeuxpastequitter…

Je lève lesyeuxvers lui auboutdedeux longuesminutes, cequimeparaîtuneéternité.Bastienmescrute,lesyeuxécarquillés,commesijeluiavaisprononcédesmotsdifficilesàcroire.

–Jenesaispascommentçavasepasser,maisjesuisbienavectoiBastien.Jenepeuxpasmerésoudreàresterloindetoi,mêmesij’ailapeurauventre.–Net’inquiètepas,oniraàtonrythme.

Son regard pétille à nouveau, comme j’aime. Impossible de retenir mes lèvres, elles s’étirentsincèrement.Ilouvresesbraspourquejem’yréfugie.

–Aucunproblème,petitcœur.

Jem’avancetoutdoucement,melovantcontresontorseàpeinea-t-ilarticulécesurnom,monsurnom.Sonodeur,sachaleursontdeschosessimplesquimefontpresqueoubliersamaladie.Presque.Jefermelesyeuxpoursavourercemomentexquis.Unréconfortdontnousavonsgrandementbesoin.

–Tonfrèrem’aexpliquéquenouspouvionsavoirunerelationnormale.–Enprenantgarde,oui.–Biensûr,maisqu’est-cequ’onnepeutpasfaire?–Tuparlesauniveausexuel?–Oui…avoué-je,visagecachédanssoncou.

Bastiensoulèvemonmentondesonindex,pourmeregarderdanslesyeux.Sesdoigtscaressentmajoue,m’arrachantunfrisson.J’adorecettesensation.C’estlàquejesuissûredemonchoix.C’estlui.

–Nesoispastimideavecmoi,ondoitpouvoirparlerdetout.–Jenesuispashabituéeàavoircegenredediscussionouverte.Engénéralçasefait,c’esttout.–Avecmoi,c’estdifférent.

Ilapprocheseslèvresdesmiennes.Jemefige,maisnereculepas.Ilsouritetsamaincaressemondospourmedétendre.

–Lesbaisersnesontpasinterdits,saufsil’undenousauneplaiebuccale.Tun’enaspas?

Jesecouela têteenfermant lesyeux.Lorsquel’humiditéchaudedesabouchemetouche,meslèvrescommencentà semouvoirdansunbaiser timideaudébut,puisplus intenseensuite.Bastienpresse sonfrontcontrelemien.

–Merci.–Pourquoimeremercies-tu?–Pournepasjeteràlapoubellelapossibilitéd’unehistoired’amouravecmoi.–Queveux-tu?Jesuisuneéternelleromantique,minaudé-jeavechumour.

Bastienme serre contre lui enm’expliquant quelques effets non désirables de son traitement. Ilmeprévientquec’estpourm’éviterd’angoissers’ilsesentmal.Cesontdessymptômesqu’ilaapprisàgéreravecletemps.

Bastien retireseschaussureset s’installeplusconfortablement. Jemeglisseentreses jambes,assisedoscontresontorse.Unsujetmetaraude.Jenesaispascommentaborderladiscussion,maisj’aibesoin

deconnaîtresonhistoire.Jenepeuxm’empêcherdegigoter.Bastiengrognedansmoncou.

–Nebougepascommeçapetitcœur,saufsituasfinideparler.

Mesjouesrosissent,encorepluslorsquesonérectiongranditcontremoi.Celadit,jenecilleplus.Jenecherchepasàl’exciter,maisjenem’écartepaspourautant.

–Parle-moideBianca,échappé-je.

Il se crispe. Jemedouteque le sujet estmal choisi,mais j’aibesoindeconnaîtrequi elle est et cequ’ellereprésentepourlui.

–C’estmonex,laseulemême.–Tuveuxdirequ’àpartelle,tun’aseuaucuneautrehistoired’amour?–Jen’aieuqueBiancadansmavie,confie-t-il.

Je réalise quemalgré son côté parfait et romantique, il n’a pas plus d’expérience quemoi. Je doispresqueenavoirplus.Bastienseraclelagorgeavantdeselancer.

–Jel’avaisrencontréeàl’hôpital,elleaussiétaitséropositive.Sonexl’avaittrompéeetilnes’étaitpasprotégé.Elleétaitàunstadeavancéparrapportàmoi.Maladestouslesdeux,ons’entendaitbienetcequidevaitarriver,arriva.–Tuétaisamoureuxd’elle?–Jelepensais,maisnon.

Jepivotelégèrementlatêteverslui,lessourcilsfroncés.

–Nemeregardepascommeça,tuaschamboulémavie,Joss.Cequej’airessentipourtoiavantmêmequetumeparles,estplusfortquecequej’aipuressentirpourBianca.–Waouh…–Neprendspaspeursurtout,ajoute-t-il.–Àceniveau-là,ilenfaudraitpluspourmefairepeurmaintenant.Continue.–Onestsortisensemblecommeuncouplenormal,maislevirusamuté.Ensuite,toutestallétrèsvite,

jesuisrestéàsonchevetjusqu’àlafin.

Savoixdéraille.Jedevinequ’ellen’estplusdecemonde.Magorgeseserre.Jecomprendsmieuxsapeurdel’amour.Laseulepersonnequ’ilalaissérentrerdanssavieestmortedelamêmemaladiequelui.

–Jesuisvraimentnavrée,çaadûêtredur.

–Ouietnon,àlafinc’étaitpresqueunsoulagement.Ellesouffraittant.

Pourlecoup,jemeraidisenimaginantcequeçapourraitêtresijeleperdaisdansquelquesannées.Lachairdepouleenvahitchaqueparcelledemapeau.Monhommes’enrendcompteetresserresonétreinte.

–Jenevaispasmourir,Joss.Enfin,cen’estpasprévupourtoutdesuite.Levirusestindétectable,doncjepeuxvivrenormalement.Jeterépètequesituveuxarrêter,fais-lemaintenant.Après,jen’ysurvivraipas.

Jepassemesmainspar-dessussesbrasetbasculematêtesursonépaule.

–Jepensequej’auraitoujourslacraintedeteperdreunjour.–Commen’importequi.Toutlemondemeurtunjourtusais,maladieoupas.

Bastienaraison,onypasse tousunjouroul’autre.Alorsautantvivre l’instantprésentetprofiterdechaquemomentquelavienousoffre.

–Tuveuxmangerunbout?–Net’embêtepasàcuisiner.–Pourêtrehonnête,j’aiunpetitcreux,confié-je.

Jeme lève pour rejoindre le frigo. J’analyse tout ce que les étagères contiennent. Je sursaute quandBastienposesonmentonsurmonépaule.

–N’aiepaspeur,cen’estquemoi.Jepeuxteprendredel’eaupourmesvitamines?

J’attrapelabouteillepourluidonner.Jem’emparedesteakshachésetdefritesminuteaucongélateur.Jepréparelerepasleplusrapideàfaire.Nousnousinstallonssurlatablebasseenallumantlatélévisionsurlachaînedesclipspourfondsonore.Nousdiscutonsetrigolons,maisBastienmanquedes’étouffer.Jemelève,paniquée,ettapedanssondosenmode«stresstotal».

–Merci,maisrestezentuveux,jevaisbien.Rienn’achangé.–Tuessûr?Règlenuméroun,nepasparlerenmangeant.–Avantdesavoirquej’étaismalade,aurais-turéagicommeça?

Je baisse la tête. En effet, je n’aurais jamais flippé de la sorte. Bastienme tire par la nuque pourm’embrasser afin de ne pas entendre mes excuses. Je souris, puis nous reprenons le repas. Une foisterminé,ilselèveetregardeautourdelui.

–Tun’aspasdetourBluetooth?

–Euh…non.J’aidesCD.

Bastien éclate de rire et me regarde effaré. Même si ça m’interloque comme réaction, le voir siinsouciantmeréchauffelecœur.

– Qui écoute encore des CD de nos jours ? Tout le monde branche son téléphone pour lancer uneplaylist.–D’une,monmobilenefaitpasdeplaylist,dedeux,necritiquepasmonniveauentechnologie.–Tuasuneprisedoubleprisejack?–Jenesaispas…attends.

J’ouvreuneboîteoù tousmesvieuxchargeursde téléphone s’empilent, ainsiqued’autres filsquineservirontsûrementjamais.Bastienattrapeuncâbleavecdeuxsortiessimilaires,etbranchesonsmartphoneàmonhomecinéma.Unemusiqueselance.Iléteintlagrandelumièrepourlaisserlespetitestamiserlapièce.Ils’approchedemoiensouriant,lamaintendue.

–Danseavecmoi,mademoiselle…Jemerendscomptequejeneconnaismêmepastonnomdefamille.–JossTullypourvousservir…déclaré-jeenmelevant.

Ilglissesamainaucreuxdemesreinsetnousnousmouvonsenrythme.Enfermantlesyeux,jepourraisimaginerfacilementunfilmd’époque.J’appréciedeplusenpluscestylesoul,c’estreposantetagréable.Sonparfumetsachaleurm’enveloppent.Jeneveuxplusjamaissortirdemabulle.

–Quichante?–BillieHoliday,I’maFooltoWantYou.Tuaimes?–Ilyadeuxsemaines,jet’auraispeut-êtreditnon,maisjecommencevraimentàaimer.–Alorstucommencesàavoirdugoût.

Nous restonsdans les bras l’unde l’autre.Ses doigts font des va-et-vient dansmondosou surmesflancs.Jepasseunemainderrièresanuqueetvibrelorsqueseslèvressepressentsurlachairdemoncou.La musique enchaîne sur un titre que j’adore. Je suis bluffée qu’il le connaisse. J’avais le disque àl’époque,maisils’estcassédansledéménagement.

Je l’embrasse tendrement,mais bientôt, nous lâchons prise. J’aimerais que cette soirée ne se finissejamais.Jemesenssibien.Sa langueprendpossessionde lamienne. Ilestunpeuhésitant,commes’ilattendait mon autorisation. Mes doigts tirent sur ses cheveux lui faisant échapper un grognement quiéchauffe ma culotte déjà humide. Nous avons chaud, nous avons envie l’un de l’autre. Son érectiongrandissante est peu discrète. Nous nous sourions entre deux baisers. Comme si la machine étaitenclenchée, nous poursuivons sur un fond de musique. Ses mains descendent sur mes fesses en lesmalaxantavec intensité. Jepassemesmains sous son tee-shirtpourcaresser sondos.Bastiensentmes

ongles,maisilseraidit.

–Pasdegriffure,pasdemorsurepetitcœur,explique-t-ilessoufflécontremonoreille.

Jefrissonneetm’excuse.Ilvafalloirquejem’habitueàcesnouvellesrègles.Jebaisesoncou.L’enviedelemordreestlà,maisjem’abstiens,lepinçantsimplementavecmeslèvres.

–Joss…

L’entendreprononcermonnomdecettemanièreaccentuemonenviepressantede lui. Jeneveuxpasqu’ilparte.

–Resteavecmoicettenuit…susurré-jeeneffleurantsonlobe.–Amenez-moidansvotrechambre,mademoiselleTully.

Jesourisetletireparlamain.Àpeineavons-nouspénétrédansmonantrequ’ilricanedansmondos.

–Oùesttonlit?–Laliteriecoûtecher,alorsj’aiachetélematelasenpremier.–C’estlabase,confirme-t-ild’unclind’œil.

Je pousse mon ordinateur de la couette. Nous nous observons comme deux gosses excités prêts àcommettreunebêtise.

–Tusaisquel’onpeutattendre,ilyapleindeterrainàexploreravantdefairelegrandsaut,tente-t-ildemerassurer.–Aurais-tupeur?

Bastien retient un sourire,mais je l’embrasse pour lui retirer cettemoue.Cela dit, je comprends sacrainteetjeveuxlerassurercommelui-mêmetentedelefaire.Jeretiresontee-shirtenadmirantlabeautédesontorsemusclé.Jemedressesurlapointedespiedspourl’atteindreengrimaçant.

–Toutcequiestpetitestvraimentmignon…–Cequiestgrandestplusquecharmant,enchaîné-jeensouriant.

Bastienm’embrasseavectendresseetinsistepourquenousnesautionspaslepascesoir.Ilretireseschaussettesetmelaissem’installersurlelit.Jelelorgnelorsquesonpantalonglisseàseschevilles.Mesyeuxsontàdeuxdoigtsd’exploserdevanttantdebeauté.Bastienposeungenousurlematelas,appuieunemainsurmadroiteetm’embrasseennousfaisantbasculer.

–TuesvraimentmagnifiqueJoss.

Ilm’aideàretirermonhautadmirantmapoitrinecommesic’étaitlaseptièmemerveilledumonde.Saboucheexplorechacundemesseins,qu’ilprendsoindelibérerpouraspirerleurpointe.Jebasculelatêteenarrière,l’entraînantversmoi.Ilremonteversmabouchequ’ildévoreavecprécaution.

–Tumefaisconfiance,Joss?

Je hoche la tête, alors il se hisse sur les genoux pour retirer le reste demes vêtements. Sa languenaviguesurmonventre.Jemetortilledeplaisir.Ungémissementm’échappequandilaspirelapeaudemonaine.Sonsouffle,prèsdemonintimité,mefaittournermatête.Unevaguedeplaisirm’emporteavantmêmequ’iln’aitfaitquoiquecesoit.Jamaisjen’airessentidesensationssifortes.Jeglissemesmainsdanssachevelure.J’adoreentortillerdesmèchesautourdemesdoigts.Mesphalangessecrispentquandsalangues’immiscele longmafentedéjàruisselante.Jegémisauxpetitsmouvementssurmonclitoris.Quelquechosedenouveauseproduitenbasdemonventre:jeneveuxpasqueças’arrêtesanssavoircequ’ilsetrame.

–Bastien…

Ilpoursuitsonascension.Cettesensationdevientdeplusenpluspuissante,voire incontrôlable.Mescuisses tremblent, c’est à la fois bizarre,mais exquis.Coldplay en fond,ASky full of Stars, donne lerythme à ce qu’il est en train deme faire.Mon souffle devient court, comme si j’avais couru un centmètres.Moncœurs’affole;jenecontrôleplusrien.Bastienaspireceboutdechair,lemalmèneetjoueavec délicieusement. Je relâche sa chevelure pourm’agripper aux draps et crier son prénomdans unedélivranceincroyable.

–Oui,Bastien…

Ilparsèmelacourbedemahanchedepetitsbaisersavantdemedominer.Sourireauxlèvres, jesuiseuphorique.Jeplanealorsquejen’aiprisaucunedrogue.Moncorpsreprendpeuàpeulecontrôledelui-même.

–Qu’est-cequetum’asfait?parviens-jeàarticuler,complètementretournée.–Tun’enavaisjamaiseuunavant?s’étonne-t-il.

Dequoiveut-ilparler?Avouonsquejenesuispasenétatderéfléchiraprèslestorturesexquisesqu’ilvientdem’infliger.

–Unorgasme,petitcœur,précise-t-il.

Jelefixe,complètementàlaramasse.Biensûrquejeconnais,enfinjecrois…Riendecomparableàce

qu’ilvientdem’arrivercependant.Jeprendsconsciencequ’enréalité,jen’enaipeut-êtrejamaiseu.

–Ohmerde…

Voilàleseulmotquej’arriveàsortirenréalisantqueBastienvientdemecontenterdesalangue.Ilrit,m’admireensemettantsurleflancpourcaressermoncorpsentièrementnucontrelui.

–Àcepoint?Jecroisquec’estlapremièrefoisquetubalancesuntrucdanslegenre,déclare-t-il.

Jem’empourpre,mêmesimes jouesdoiventdéjàêtreà leur summumde la rougeur. Il acepetit airsatisfaitquej’aimetant,celuiquiclame«moi,j’ysuisarrivé».Jel’embrasseenmeblottissantcontresontorse.Jeréalisealorsqueluin’arieneu.C’estégoïstedemapart.

–Ettoi?–Tonplaisirfaitlemien,petitcœur.

Ilm’embrassefurtivementetmepressecontrelui.Jesuisvidéedetouteénergie.Jemelaissebercer,dansunétatsecond,combléeparsachaleur.Jelesenstirerledrapsurnous,maissesbrasnemequittentpas.

Unejournéeaveclui

Leslueursdusoleilmechatouillentleboutdunez.LachaleurdeBastienm’enveloppe,jenevaispasm’enplaindre.Jesuisnuecommeunvercontresapeaudéjàbrûlante.Jebougelégèrementlatêtepourl’admirerentraindedormir.Ilsemblesipaisibleetserein.Jeprendsletempsdedétaillerchaquepartiedesonvisage,sessourcilsparfaitementdessinés,sonnezfin.Sabarbenaissantequisuitdélicieusementlalignede samâchoire carrée.Cethommes’offre àmoi surunplateaud’argent. Jene saispasvraimentjusqu’oùnousironsmaindanslamain,maisjesuisprêteàfairecetteaventure.Commentpourrait-ilenêtreautrement?

Sarespirationforteindiqueunsommeilprofond.Emprisonnéeparlachaîneforméeparsesbras,jenesouhaite jamais en être libérée. Je veux vivre avec lui chaque instant que la vie peut nous offrir. Lamaladienem’effraieplusautant,bizarrement.Toutestsirapide.Laraisonvoudraitquejem’ensoucie,maismoncœur,confiant,medictedemefieràlui.

Lamusiqueprouvequenousnoussommesendormissansêtrealléséteindrequoiquecesoit.Cequ’ilm’afaitavecsalanguehiersoirmelaissesongeusequantàl’avenir.Jecomprendsmieuxlesfemmesquisedisentaccroausexe.AvecunpartenairecommeBastien,tunepeuxquedevenirmordue.Jedésiremoiaussiluiprocurerduplaisiravecmabouche;qu’ilpuisseatteindrecenuagesurlequelilm’aemmenéecette nuit. Je veux l’entendre prononcer mon nom lorsque l’orgasme l’emportera. Le faire avec unpréservatifestlasolutionparfaite.Jetoussoteàpeine,maislesmouvementsdemacagethoraciquelefontbouger–sansqu’ilretiretoutefoissesbras.Jemordsmalèvre,maisiln’ouvrepaslesyeux.

–Cen’estpaspuniparlaloid’espionnerquelqu’un?lâcheBastiend’unevoixensommeillée.

Je sursaute, nem’y attendant pas. Il sourit et étire ses longsmembres quime tenaient encore il y aquelquessecondes.Sonregardbleuocéanmefixe.Jenepeuxm’empêcherdebaisserlesyeux.

–Jenevoulaispasteréveiller.–Tuauraisdû…grogne-t-ilenmeserrantcontrelui.

Seslèvresdésireusesseposentsurlesmiennes.J’adoredéjàcepetitrituelmatinal.

–Bonjour,petitcœur.–Bonjour,Batou,taquiné-je.

Ilmeregarde,arquantunsourcilamusé,surprisparlesurnomquejeluiaidonné.

–Jecroisquemonfrèreparletrop.–Çaluiaéchappé.–C’estmamèrequim’appelaitcommeçaetc’estresté.–Alorsjedoisentrouverunpersonnel.

Bastienm’embrasse le bout du nez avant de se lever en grimaçant dès qu’il aperçoit l’heure. Je necomprendspascequ’ilsepasse.Jemeredressedanslelitetleregardesortirdemachambre.J’avoueadorerlavue–musclesetboxerquim’excitenttant–,maissonabandonsoudainm’inquiète.Jemelèveenattrapantsontee-shirtetunshortavantdelesuivre.

–Pourquoitut’eslevée?–Jenesaispas,tuespartialorsquejepensaisqu’onétaitbien,murmuré-je.–J’aimontraitementàprendreàheuresfixes.–Oh…

J’en profite pour prendre une petite douche. Il va falloirm’habituer à ce rituel quotidien et arrêterd’avoirpeur.Bastiennemequitterapas,enfinriennemontrequ’ilenaenvie.

Lamousse aux senteurs vanillées envahit la cabine, jeme rince etm’enroule dans une serviette. Enouvrantmonmeublepourprendremondéodorant, je tombesuruneboîtedepréservatifs : iln’en restequ’un.Jedoisalleràlapharmaciepourenacheteretenmettrepartoutaucasoù.Jenesaispasquandlemomentpropiceviendra,maisjenedésirepaspasseràcôtéparmanquedeprévoyance.

Lorsque je reviens dans la cuisine, Bastien en lâche le paquet de gâteaux. Je me transforme encoquelicot,maisjenebaissepasleregardpourautant.

–Tuessibelle…Vacouvrircepetitcorpssexyavantquejeperdemonsang-froid.

Jemordsmalèvrepour luifairecomprendrequec’estpeut-êtreceque jeveux,mais ilsecache lesyeuxenmarchantcommeunaveugle. Je ris en fonçantvers lui.Sur lapointedespieds, jedéguste seslèvresavantdem’éclipserendirectiondelachambre.Dansl’encadrement,jeretirelaserviettepourlaluilancer.Legrognementqu’ilpousseenm’imaginanttoutenuemefaitgloussercommeunecollégienne.Jedécidedemettreunerobe,commeilfaitbeau.Maisquandjereviens,Bastienestdéjàsurledépart.J’espéraisvraimentpouvoirdéjeunerentêteàtête.Illeremarqueàmamoueboudeuse.

–J’aiuntrucàfaireaujourd’huipetitcœuretjedoisencorepasserchezmoimechanger.–Jecomprends.

Bastienvientversmoiettientmonmentonpourmefaireredresserlatête.

–Tuavaisprévuquelquechose?–Jepensaisqu’onallaitresterensemble,maisj’oubliequejesuislaseuleenvacances.

Bastienréfléchitenfrottantsesdoigtsdanssabarbedetroisjours.Sabouchesetord,puisilmesourit.

–Tuveuxveniravecmoi?Çameferaitplaisirquetudécouvresunautredemespasse-temps,c’estlemeilleur.–Alorsc’estoui.–Onpasseraaucaféprendrequelquechose,commeçatuverrastesamis.–Tun’enaspasmarred’êtresiparfait?–Tantquejelesuisàtesyeux,çameva.

Nousquittonsmonappartementetnousprenonssavoiture.Cettefois-ci,Bastienconduitcarsajambenelefaitpassouffrir.Ilmeditdepatienterdansl’Audi,m’embrassantbrièvementavantdemonteràsonappartement.Nerésistantpas, jeprofitepourécrireunSMSàmameilleureamieafinde l’informerdenotrearrivée.

Moi[Coucoumachérie,prépareuncaféfrappéetunLatteMacchiatoavecsupplémentcarameld’ici

unedemi-heure.Onnes’attarderapas,maisj’aienviedevousfaireunbisou.]

Jerangemontéléphoneetzappelesdifférenteschansonssursonposteradiopourpasserletemps.Àmongrandétonnement,Bastienaaussiénormémentdemusiquepop.Jebloquesurunmorceaudontjenesaisis pas toutes les paroles,mais j’adore la voix dumec et la rythmique. J’augmente le volume, puisferme les yeux. Il a l’air de parler d’amour, deux personnes incomplètes qui se suffisent. Ça nouscorrespondtoutàfait.Jesursauteaumomentoùlaportières’ouvre.

–Cettechansonmefaitpenseràtoi,déclare-t-ilens’installant.

J’admire lagrâcedesesgestes lorsqu’ilattachesaceintureetmetses lunettesdesoleilsursonnez.Bastiensentdiablementbon.Ilestsublime.Jenepeuxm’empêcherdesourireniaisement,effleurantcettebarbequilevieillit.

–J’écoutaiscequetuavaisetcelle-cim’aattirée.

Bastiensepenchepourm’embrassertoutenfaisantronronnerlebolide.Ilm’expliquelesparolesdelachansonenlarepassant.Jeboissesmots,ensorcelée.

La voiture arrêtée à la place minute, nous descendons rapidement. Il y a du monde ce matin. Lisam’offreunclind’œilenmêmetempsqu’elles’occuped’unclient.Maindanslamain,nousnousdirigeonsverslecomptoir.Jerepèremacommandeetm’emparedenosgobelets.Jelestendsàmonsieur,surpris.

–Mais…commentas-tusucequejevoulais?–Soitc’estl’un,soitc’estl’autreetmoi,jemedrogueàlamêmecame,réponds-jefièrement.

Bastien embrasse mon front. Les mains chargées, il ne peut pas régler la note, alors je profite del’occasion.

–Tuveuxunmuffinouautrechose?–Choisispourmoi.

Florentvientmeclaquerunebiseets’occupedefinalisernotrecommande.Jecraquepourdeuxgâteauxàlamyrtille.Bastienenprendsouvent.Jevalidetotalement,ilssontdélicieux.JepaiequandLisaparvientà se libérer pour nous saluer.Lemeilleur pour la fin.Ellem’emprisonnedans ses bras et approche sabouchedemonoreille.

–Jenesaispascequ’ilt’afait,maistuesrayonnantemachérie.

Ellemefrappelesfessesenpartant,cequiamuseBastien.Nouslessaluonsdelamainetsortons.Jepicoremonmuffintoutenregardantletrajetquenousempruntons.Aprèslevoilier,jemedemandebienoùil vam’emmener. Sorti du centre-ville deMontpellier, je remarque que nous approchons du CHU deLapeyronie. Je suppose silencieusementquec’estunepurecoïncidencedepasserpar làpour sortirdel’agglomération.

–C’estparticulier,maismaintenantquetusaistout,jesuisplussereindet’yamener.

Bastienrouleendirectiondel’hôpital.Jemecrispesurlesiègeenretirantmamaindesajambe.Maréaction ne passe pas inaperçue. Il s’engage du côté d’Arnaud deVilleneuve. C’est lamaternité, àmaconnaissance. Il a gagné : je suis totalement paumée. Son petit sourire satisfait ne fait qu’accentuermacuriosité.Toutcequej’espèrec’estquenousn’allonspasvoirunmédecinpoursamaladie.Jesouhaitepasserunemerveilleuse journéesansenajouteràcetteépéedeDamoclèsau-dessusdesa tête.Bastienarrêtelevéhicule,puissetourneversmoi.Sesdoigtsdégagentmescheveuxdemonépaule.Quandsapeaurentreencontactaveclamienne,jefrissonne.

–Lorsque j’étaisgosse, jen’avaisquemon frèrepour jouer avecmoi.Alorsmaintenantque je suisadulte, j’aimevenirdistrairedespetitsmaladespourégayerleurjournée.Biensouvent, ilssontloindeceuxqu’ilsaiment.

J’aiunpincementaucœur.Cethommeestunangedéchu,çanepeutenêtreautrement.Malgrésapropremaladie,ilprendletempsdevenirs’occuperdegamins.Jedétachemaceinturepourluisauteraucouetpressermoncorpscontrelesien.

–Tuasuncœurpur,jesuissifièrequ’ils’ouvrepourmoi.–Ilfaitencoremieux,Joss…Ilbatpourtoi.

Bastienmepoussepourm’embrasserlangoureusement.Nousinterromponscemomentdélicieuxavantqueçadérapesurlabanquettearrière.

Gardonscetteidéepouruneprochainefoisceladit.

Non,maisécoute-toi!

Jevaisdeveniruneobsédéeàcausedelui…

Quand nous émergeons de l’habitacle, Bastien récupère quelque chose. Un grand cahier avec unecouvertureencuiretunepetitetrousse.Nousaccédonsaubâtiment,maindanslamain.C’estimmenseetsiBastienme lâchait, jemeperdrais à coup sûr.Les plafonds sont hauts et d’unblanc immaculé.Unepetitecafétériasetrouveaucentreduhalld’entréeavecunkiosqueàjournaux.Nousnousdirigeonsverslesascenseurs.Jenemesenspashyperàl’aise,contrairementàlui.Peut-êtrevenait-ilici,enfant,d’oùsonattitude.OnpourraitfacilementlecompareràungosselaveilledeNoël.

–Jevaisteprésentermonfilleul.–OhmonDieu!Tonneveuestmalade,lepauvre…chuchoté-je.–Non,Joss.Jesuissonparraindecœur.Quandongrandit,onpeuts’engageràfairesonmaximumpour

fairesourireunenfant.Moi,c’estMilo.Luiaussiestséropositif.–Oh…J’adoreleconcept,c’estsuperpoureux.

Jesuistenduecommelacorded’unarc.Jen’arrêtepasdemerépéterquejeneluiplairaipeut-êtrepas.Peut-êtren’acceptera-t-ilpasdepartagersonparrain.

Lesportesdel’ascenseurs’ouvrentsurleservice.Jesuisétonnéeparlagaietédeslieux.Rienàvoiravecunhôpital traditionnel.Ilyadelacouleursurlesmurs,desdessinsd’enfantspartout.Desphotosavecpleind’enfants,aussi.Jecomprendsquecesontdespatients,pourtantlapremièrechosequisauteauxyeux,cenesontpaslestuyauxreliésauxmachines,maisleursourire.JemefigeenlâchantlamaindeBastien,remarquantqu’ilyenavraimentdestousjeunes.Jesuisremuée,sûrementmoncôtésensiblequiaugmentemarageaprèslavieàcemomentprécis.Bastiensepostederrièremoienplaçantsamainsurmahanche.

–Çava,petitcœur?

–Ilssontsipetits,simignons…bégayé-je.

Bastienmetourneverslui,replaceunemèchedecheveuxderrièremonoreille.

–Joss,nelesregardepascommedesmalades,maiscommedesenfants.Ilsontassezdechosesicipourleurrappelerleurcombatquotidien.Nous,nousvenonspourleurfairepasserunbonmoment.–D’accord,maissijeflanche,nem’enveuxpas.

Il sourit englissant samainchaudedans lamienne.Nousarrivonsaumilieuducouloir. Il salueunefemmeentenue.IlsparlentunpeuetBastienmeprésente.Apparemment,Bastienavaitdéjàparlédemoidansleservicepoursignalermaprésencedetempsàautre.L’infirmières’appelleDorine.Sescheveuxrouxsontremontésenchignonetsesstylos,danssapoche,sontmaintenusparuneespècedebadgerigolo.

–Çafaitplaisirdetecroiser.Milovaêtregagaentevoyant,déclare-t-elle.

Nous continuons de nous enfoncer dans le service aux couleurs de l’arc-en-ciel. Le personnel ne seprend pas au sérieux, certaines ont des serre-têtes excentriques oumême un nez rouge.Bastien stoppedevantunechambreettoque.Ilpousselaporteetj’entendsunepetitevoixcrier:

–Bastien!

–Hey,monpote!

Unadorablepetitgarçon,pasplusde sixouseptans,bonditd’émerveillement. Il est toutbeauet jefondslittéralementlorsqu’ilcâlinemonhomme.Sescheveuxcouleurcaramelassortisàsesyeuxchocolatnesontpasaltérésparsonteintpâleetlescerclesviolacésentourantsonregardpétillantdemalice.

–J’aiquelqu’unàteprésenterMilo.VoiciJoss.

Jem’accroupissansavoirletempsdedirequoiquecesoit.Miloapprochepourembrassermajoue.

–EnchantéJoss,j’espèrequetueslafilleducafé,lâche-t-ilenretournantsursonlit.

Jesouris,nepouvantm’empêcherdejeterunregardencoinàmonMysteriousMan.Jedécouvreunevraiechambredegarçonavecdespeluches,uneconsolede jeux,despostersdesuper-héros…Malgrétoutcequiestmédical,onsesentplutôtbien.Jem’assoissurunechaiseetlesobserverireensemble.Ilyauneréellecomplicitéentreeux,c’estplaisantàobserver.Bastiens’installecontrelatêtedelit,ouvreson fameuxcahierencuiret s’empared’uncrayongris. Il commenceàparlerdecequ’ilvasepasseraujourd’hui.Miloremarqueàmatêtemonincompréhensiontotalefaceàcequ’ilssontentraindefaire.Ildescenddesonlitpourmetireravecsapetitemenotte.

–Tuvasnousaider,viens!

Jem’assoisàcôtédeBastien,touchédemesavoiràl’aiseaveccepetitboutsiimportantàsesyeux.Milogrimpe surmesgenouxet je l’enlace.Sentir sonpetit corps contre lemien, sa têteposée surmapoitrine,estunechoseincroyablementagréable.

–Monpote,ilfautd’abordluiexpliquer.– Tu ne lui as pas raconté ? Faut vraiment tout faire, peste-t-il.Avec Bastien on a créé une bande

dessinée…

Milo part dans un longmonologue.Mon homme, étant illustrateur, a créé une histoire avec tous lesenfants du service. Les petits sont des super héros en camouflage et dans chaque histoire, ils doiventcombattre leméchant. Lesmonstres ont des noms inventés à partir de ceux desmaladies.Nous avonsCancerox, Sidalius, Leucemilias… Ils me montrent tous deux le dernier scénario qu’ils ont établi. Jetrouveça…Jenesaispassiunseulmotpeutêtreassezpuissantpourdéfinirmonressenti.Formidable?Merveilleux?Fantasmagorique?Jenesaispas,maisjerestesubjuguéeparl’hommedevantmoi.Jenepeuxpasm’empêcherdepleurer. Je reculedoucement et poseMilo àmaplace, puism’échappede lachambrepourmeressaisir.Jen’aipasledroitdecraquerdevantcepetitsicourageux…

–Excusez-moi,jereviens,bégayé-je,toutechamboulée.

Unefoisdanslecouloir,contrelemurcoloré,jecraque.CepetitestmaladecommeBastien,maismonapollonluidonnelesourireavecceprojetincroyable.Jesuissûrequeçaferaituntabac,ilsontvraimentréaliséuntravailexceptionnel.

Quelqu’untiresurmarobe.

–Joss,çava?

JebaisselesyeuxversMilo.Sonadorablesourireadisparuparmafaute.Jem’accroupispourleserrerdansmesbras.

–Oui,c’estjusteuntroppleind’amourquiavaitbesoindes’échapper.

Ilessuiemesjouesavecsespetitsdoigtsencorepotelésetsepelotonnecontremoi.

–Lorsquejesuistriste,mamanmefaitungroscâlinetçavabeaucoupmieuxaprès.–MerciMilo,grâceàtespouvoirsmagiques,jemesensnettementplusforte.

Milosemetàglousserentapantsapaumesursonfront,commesij’avaisditunesottise.

–Joss,c’estqu’unebandedessinée…jesuisunvraipetitgarçon,pasunsuperhéros,ricane-t-il.

J’adoreentendreunsonsipursortirdecetêtresifragile.Jeposemamainsursapoitrine.

–Certainsontdespouvoirsdansleurcœurettuenfaispartie.–CommeBastienalors,rétorque-t-ilenregardantderrièremonépaule.

Je pivote vers mon Adonis en lui offrant un sourire chaleureux. Je repose mes yeux sur le petitcourageux,encomprenantmieuxcetteforcequenousdevonstransmettreentrecesmurs.

–OuiMilo,commeBastien,confirmé-je.–Allezcrapaudrevienst’asseoir,onaduboulot.

MilofoncesursonlitetBastienm’interceptedansl’embrasuredelaporte.

–Situveuxqu’onparte,tun’hésitessurtoutpasàledire.–Çava,c’estjustedevoirtoutcequetufaispoureuxquim’abouleversée.Tuesvraimentquelqu’un

debon,BastienMoretti.

Ilpresseseslèvressurlesmiennes,maislescrisécœurésdeMilonousinterrompent.Unriremutueletamusénousgagne.Nousretournonsnous installer tous les troissur le litet jemerégalede lesécouterconter leur histoire. Je me prends parfois au jeu, trouvant même quelques idées. Pas trop néanmoins,d’aprèsMilo,çafait«tropfille»…Nouspassonspresquetoutelajournéedanslachambre.J’admirelesdeuxgarçonsquiontconquismoncœuraujourd’hui,chacunàsamanière.Jesuissouslecharme.

Divinement

Bastienestdanssonbureauentraindedessinersursatablettegraphique.Ilveutàtoutprixmettreauproprel’histoirequ’ilsontfinieavecMilo.Cepetitgarçon,malade,paraîtplusfortquen’importequeladulte.

Jepassemesdoigtssur les trente-trois toursreposantsur l’étagère.Bastienosesemoquerdemoi,carjen’aipasuntéléphonederniercriouunetourBluetooth,alorsqueluiadorelesvieuxdisques.Jetire sur plusieurs d’entre eux pour découvrir ces trésors. Mon œil est attiré par celui d’Al Green.J’ouvreletourne-disqueavantdel’allumer.Lamusiqueenvahitlapièceetunedouceambianceprendpossessiondelapièce.Jeluiaiditvouloircuisiner,ducoupnoussommesallésausupermarchéetj’enaiprofitépourpasserparlapharmacie.Bastiens’estmoquédemoiquandjesuissortieavecplusieursboîtesdepréservatifs.J’enaimisdanssaboîteàgantsenmeremémorantcebaiserintensequ’ilm’adonné devant l’hôpital. Je souris stupidement à ce souvenir en fixant le sac plastique près de mesaffaires.

Cesoir, j’aiprévuunpouletrôtiaccompagnédeharicotsvertsetdepommesdeterre.HeureusementqueBastienm’asortilesustensilesnécessairespourcuisiner,sinonjeseraisencoreentraindechercher.Jen’aipasledroitdevoirsesdessinstantqu’iln’apasfini.Ilprétendquejeleperturbe.J’aimeassezça.Ducoupjem’affaireàconcocterlerepasétapeparétape.

Jem’installesurlecanapéaprèsavoirnettoyéleplandetravailetjetélesdéchets.Latélécommandeenmainpourregarderlatélévision,jezappesouventcarrienn’estcaptivant.J’optepourunDVD.Àgenouxfaceàsavidéothèque,mesyeuxprennentletempsdelirechaquetitresurlestranchesdejaquettes.Monattentionestdirigéeversunfilm,P.S.ILoveYou.Jeleconnaisparcœuretc’estpourçaquejelerange.Je n’ai pas envie de pleurer comme une madeleine. Surtout que je me projetterais trop en l’héroïne,maintenantqueBastienestentrédansmavie.Jeretournesurledivanenpréférantlaisserlamusique.Surl’accoudoirsetrouveunpullàlui,jelecollecontremoipourenhumerl’odeurenivrante.Monange…J’adorecettesenteur,unmélangedesonparfumetde lui.Ledisquetoucheàsafinetcontrairementauposte CD, il n’y a pas de moderepeat. Je me lève pour le changer, j’écarte les multiples vinyles etsoudain, jeme fige. Il amon favori, celui que j’ai brisé lors demon déménagement. Comment est-cepossible?Jeneréfléchismêmepas,mesdoigtsl’ontdéjàsortidelapochettecartonnéepourl’écouter.QuandlavoixdeMickaëlJacksonenfantrésonne,jefermelesyeuxetcommenceàfredonner.LesJacksonFiveontbercémonenfance,d’abordavecmonpère,puismonfrères’yétaitmisaussi.

–Who’sLovingYoudesJacksonfive!Unclassique,jesavaisquetufiniraisparletrouver,annonce-t-il

ensecollantàmondos.

Nousnousbalançonsdedroiteàgaucheenrythmeetjeremueleslèvresenchuchotantlesparoles.

–C’esttoutemonenfancecetitre.–Çaferauneexcusealors,pourquetuviennesiciaussisouventquetusouhaitesl’entendre.

Jepivoteversluietpassemesbrasautourdesoncou.Sonregards’assombritd’excitation.

–Tuesdeloin,lameilleureexcusedemaprésenceici,monange…–Monange?–Oui,jetrouvequec’estcequitedécritlemieuxàmesyeux.

Bastiensepenchepouratteindremeslèvresavidesdelui.Salanguetaquinelamienne;notreétreintes’intensifie.Unevaguedechaleurparcourttoutmonêtre.Mesmainsplongentdanssacheveluresoyeuseet les siennesmalaxentmes fesses.Mon cœur s’emballe tout comme le sien. Je peux le sentir cognercontremapoitrine.Sabouchelongemamâchoireetdévieversmoncou.Ungémissementm’échappe,lefaisant grogner près de mon oreille. Le minuteur du four se met à sonner. Totalement essoufflés parl’excitation,nousgrimaçons.

–Sauvésparlegong…–Peut-êtren’est-cepasmonenvie,minaudé-jeenm’éloignant.

Tandis que jem’affaire, Bastien s’accoude au plan de travail, encore tout remué de notre succulentdérapage.

–TuenasvraimentenvieJoss?sesoucie-t-il.–Pastoi?réponds-je,inquiète,enm’acculantcontrel’évier.–Biensûrquesi,j’aitoutletempsenviedetoi,avoue-t-ilens’avançantversmoi.

Ilme soulève par les hanches pourm’asseoir sur le rebord du plan de travail et se cale entremesjambes.

–Alorsqu’est-cequit’enempêche?J’enaienvieettoiaussi,lançons-nous.–Jeneveuxpasquetuleregrettespetitcœur,jenesupporteraispasdetevoirpartirànouveau.

J’emprisonnesonsomptueuxvisagedemesmainspourleforceràmeregarderdanslesyeux.

–Arrêtededouter.JesuissûredemoiBastien,jeteveuxtoietnousseronsplusfortsquetout.

Jedécèlel’inquiétudedanssesprunelles.Sonregardestremplid’émotions.Ildéposeunbaiserchastesurmes lèvresetmeserredanssesbras. Jenesaispaspourquoi ilapeur, jenepartirainullepartcecoup-ci.J’aifaitmonchoix.

–Tunemeperdrasjamaismonange,saufsitufautesgravement.–Joss…–Nonnedisrien!l’interromps-je,crispée.

Jesaisparfaitementcequ’ils’apprêtaitàsortir:qu’ilneserapaséternel.L’espoirfaitvivreetjeveuxêtreprèsdelui,enespérantquelavienousoctroieraleplusdetempspossible.

Je descendsdumeuble.Bastienmeproposequelque chose à boire.Nous essayons tous les deuxdechangerdesujetdediscussion,commesiderienn’était.J’imaginesapeurdelamort,plusgrandequelamienne.Elleestlà,au-dessusdelui,depuissavenueaumonde.

Le disque change de chanson pour I Found that Girl. Je me retourne vers Bastien qui se met àchantonner. Il s’approche de moi en boitillant légèrement et récitant les paroles par cœur. Ce petitcachottieràunjolitimbredevoix.Àlafoisgrave,maisaussisuaveàvousfairefrémirdespiedsàlatête.Sans en connaître la raison, je suis prise d’une émotion soudaine et je nepeux empêchermesyeuxdes’embuer.Lemorceauparled’ungarsquiraconteàsamèrequ’ilatrouvéLAfille.Jepensequecequimefend le cœur, c’est qu’il n’aura jamais la chance de vivre ça avec à la sienne. Bastien s’arrête enembrassantmonfront.Jeneretienspasmesmots:

–Jesuisdésolée.–Pourquoiça?–Tamaman.

Bastienappuiesondoigtsurmeslèvres,puiscaressemonvisageensondantmonregard.

–Elle a toujours été là et je suis presque sûreque c’est unpeugrâce à elle que tu es prèsdemoi,explique-t-ilenposantsamainsursoncœur.

Commentpeut-ilêtreaussiserein?C’estàmoidelerassureretnonpasl’inverse.Jesuistoutletempsen train dememettre à chialer,mais je suis en colère après la vie. Pourquoi vouloir nous priver depersonnesaussimerveilleusesqueluioumêmeMilo?Ilsn’ontrienfait, ilsn’ontriendemandéetsontdéjàcondamnés.

Monangemet la table. J’ai l’impressionquenous formonsunparfaitpetit coupleet cettevisionmeplaît.

Tuveuxlefairefuirouquoi?Çafaitseulementunesemainequenoussommesensembleetdeuxquenousnousconnaissons.

Je repousse toutes ces idées de mon esprit et sers le dîner. Nous mangeons tranquillement. Je luidemande s’il a bientôt fini l’histoire supplémentaire pour la bande dessinée. Il prend le temps dem’expliquer, mais m’annonce qu’il s’y applique tant que quelques heures ne suffiront pas à terminer.Bastienmeproposeundessert,maisjen’aiplusfaim.Jel’aideàdébarrassertandisqueluimeparled’unrêvedegosse:ilveutêtrepropriétairedesonproprebateau.Çafaitdesannéesqu’iléconomise.Jesuisétonnéequesonpèreneluiaitpaspayéunepluspetitevoiturepourparticiperàl’achatdesonjoujou.

–Pourquoinedemandes-tupasàtonpère?–Ilmel’aproposéplusieursfois,maisjeveuxavoirlafiertédemel’offrirseul,déclare-t-ilavecun

clind’œil.

Encoreunpointencommun.Ilpeutavoirtoutcequ’ildésireenunclaquementdedoigts,maispréfèreéconomiserlui-même.

Ilesttard.Jemeredresseetdéfroissesongeusementmarobe.

–Jepensequejevaisyaller,annoncé-jeàcontrecœur.

Bastienseretourneetlâcheletorchonsurleplandetravail.Jedonneraistoutpourqu’ilm’implorederester.

–Tuveuxpartiroùaujuste?–Chezmoi,ris-jeàcettequestionstupide.

Il fonce droit sur moi comme si sa vie en dépendait. Bastien saisit mon visage et ses yeux medéstabilisenttotalement.

–Neparspas,dorsavecmoiencorecettenuit.–Jeneveuxpasm’imposertouslessoirs,onsevoitdemainsituveux.–Sijem’écoutais,jetedemanderaisderestertouslesjoursici.Jouretnuit…

Waouh!Jenesaisquerépondreàça.Jevoulaisletitillerunpeupourqu’ilmesuppliederester,maispaslerestedemavie…Jepassemamainsursonvisageauxtraitscrispés,monsourireaccompagnemongeste.

–OKpourcesoir,maispouraprès,tumepermetsd’yréfléchir?–Jesaisquec’estsoudainpourtoi.Certainsdiraientquetoutvatropvite,maisjen’auraipeut-êtrepas

delendemain…

Bastiens’aperçoitdelacruautédesesmots.Ilmeprendcontrelui.Jeglissemesmainsdanssondos,tétaniséeparlavéritéassommante.

–Jesaisque tun’aimespasenparlerJoss,mais ilne fautpasse leurrernonplus.Laréalitéest là,mêmesielleesteffrayante.Lestraitementssont topmaintenant,maissiunautremicrobem’affaiblit, leviruspeutmuter.–Jeneveuxpasl’entendre,carçarendleschosestropréellesBastien.–Regarde-moi!Jevaismourir,maispastoutdesuite.Unjour.–Jesais…capitulé-je,foncièrementpeinée.

Bastienannuleladistancequiséparenoslèvresenunfragmentdeseconde,nemelaissantpasletempsdecogitersurquoiquecesoitd’autre.Mesveinespulsentfort.Jedeviensgourmande.Ilmesoulèveetmeplaquecontrelemur.Jecroisemesjambesderrièresatailleenengouffrantmesdoigtsdanssatignasse.Jedevinecequ’ilsepasseetmoncerveauenaautantenviequemoncorps.C’endevientvital,jeveuxquenousnefassionsqu’un.Entredeuxbaisers,jeparviensàbredouillerunephraselefaisantrirecontremeslèvres.

–Finalement…jeveuxbien…undessert.–Jecroisbienquemoiaussi,acquiesce-t-il.

Bastienavancesansmelâcher,mêmes’ilgrimace.Sajamben’estpastotalementremise.C’estlafindelajournéeetilabeaucoupforcé,aujourd’hui.

–J’aibesoindetoienentiermonange,lâche-moi.

Jeretrouvelesol.Alors,ilmetirejusqu’àsachambre.Nousnousétreignonsprèsdulit.LesdoigtsdeBastienremontentlelongdemarobepourm’endébarrasser.

–Putain,Joss,tuestellementmagnifique.

Mesmainssefaufilentsoussontee-shirt.Illèvelesbras,m’aidantpourretirersonhaut.Meslèvresseposent sur son torsemusclé,ma langue glisse vers la pointe de ses tétons. Je prends garde de ne pasmordiller,mêmesic’estquelquechosequej’adorefaire.J’abandonnemeschaussuresavecempressement.Bastienmelaissetombersursonlit.J’aichaud,maisjemesensdéjàtoutehumidealorsqu’ilmerestemessous-vêtements.Ildéboutonnesonjeans.Desflammesdansentaufonddesesyeux.Ellespourraientfairefondreuniceberg.J’ondulepourleprovoquer,passemalanguesurmalèvreenfinissantparlapincer.Songenou s’enfonce sur lematelas,Bastienme fait face en caressantmonvisage sensuellement.Sonpoucetaquinemacommissureetdescendsurmoncoupourserpenterentremesseins.Jeplacemespaumessurson torsemuscléquimonte et descenden relâchantun soufflegrave.Sabouche savouremachair,mon

bassin se frotte contre son érection gonflée. Ses doigts glissent dans la cambrure de mon dos, puisremontentetdégrafentmonsoutien-gorgeenunclaquementdedoigts.Jeremuedesépaulespourmelibérerdel’entravedemesbretelles.Salanguechaudeethumideaspirelapointed’unsein.Mesyeuxsefermentetserévulsenttantc’estdivin.Ohoui,sibon.Bastienalterne,contentantl’unpuisl’autre,puislèvesurmoil’océandesonregard.Fiévreuse,jel’embrassevoracement.Sanslesdents…Nousroulonssurlecôté.Samain caressema cuisse en la remontant sur sa hanche. Ses doigts palpent la chair demes fesses pourpressersonsexecontremonintimité.Àboutdesouffle,Bastienmefixeenfronçantlessourcils.

– Je veux te faire l’amour JossTully. Je veux t’entendre prononcermonnomde toutes lesmanièrespossibles.–J’aienviedetoi,maintenant…réponds-jeàsesattentes.

Bastienmebasculeetdévoremonventreavecsaretenuebienàluiquimefaitperdrepied.Salanguesebaladeverslechemindemonplaisir.Monhommeseredresseenpassantsesdoigtssousladentelledemaculotte.Enappuisurmestalons,jel’aideàmedébarrasserdecemorceaudetissuquifaitobstacle.Mêmenuedevantlui,jenesensaucunegêne.Bastienm’admirecommesij’étaisimportante.Monangeplongeentremescuissessanssefairedésirer.Salanguelapemafentehumide.Elleremontesurtoutelalongueur,titillantmonclitoris.Monbas-ventresecrispe.J’enfoncematêtedansl’oreillerengémissant.Mevoilàen train d’embarquer sur le nuage orgasmique Moretti, une destination où j’adore déjà voyager. Jemaltraitesesépis.Lefeuembrasemoncorps.Jesensquec’estproche.Jeneveuxpasqu’ils’arrête!

–Oui…Encore…

Sonindexplongeenmoiavecdouceur,suffisammentpourmefairebasculerducôtéobscur.Àl’instantoùmondoss’arc-boute,jemelibèredansuncri.

–Bastien,oui!

Mevoilàtelledelabarbeàpapa,complètementcotonneuse.Ilvientpresserseslèvresaugoûtsalésurlesmiennes.Bastiensepenchesurlatabledechevet.Uneboîtedepréservatifsneuveapparaît.Jenepeuxm’empêcherdesourire.

–Tun’espaslaseuleàavoirprévu,petitcœur.–Cequiestbien,c’estqu’onvadevoirtouteslesutiliser,minaudé-jeavecunregardcoquin.

Jemesens tellementdifférenteà sescôtés, tellementmoi. Je suis lananaque j’ai toujours rêvéêtreavecunhomme.J’aitrouvélaformulemagiquepouraccéderaubonheur…lui.

Bastien retire son boxer, délivrant cette érection bien plus impressionnante que ce que je m’étaisimaginé.Jerougislorsqu’ilmesurprendentraindeloucherdessus.Ildéroulelepréservatifavechabileté,maisjem’agenouilleet lebasculeenarrière.Jeveuxtenterquelquechosequejen’aifaitqu’uneseulefoisdansmavie.Jeveuxlegoûter,découvrircettepartiedesoncorpsquej’adoredéjà.

–Joss,tu…

Jeposemondoigtsursabouche.Jeveuxqu’ilsedétendeenm’offrantsaconfiance,commeluis’yestprisavecmoi.

–Laisse-moifaire,s’ilteplaît.

Jeposemamaindessus.MonDieuqu’ellesembleridiculeàcôtédecetteérectiondroiteetfièred’êtreéveillée.Jemepencheenavant,faisantglissermesdoigtsdehautenbas.

–Putain…grince-t-il,lesdentsserrées.

Satisfaite de l’effet qu’une simple caresse peut lui procurer, je descends à sa rencontre et passemalanguedessus.Cegoûtdecaoutchoucestbizarre,maisjem’yfaispeuàpeu.Jelaprendsenbouche.Lachaleurdesonmembreenvahitmeslèvres.Jejouedemalanguetoutencontinuantàmemouvoirdansunrythme régulier. Plus il se raidit ou grommelle toutes sortes demots inintelligibles, plus j’ai envie depoursuivrecettedélicieusetorture.Bastiencaressemesfesses.

–ArrêteJoss,jeneveuxpasfinircommeça.Paslapremièrefois…

Je me redresse en passant mon pouce à la commissure de mes lèvres. Je le chevauche, ondule enguettantchacunedesesréactions.Impatient,Bastienpasseau-dessusdemoi.

–Regarde-moidanslesyeux,petitcœur.

Ilmepénètreavecprécautionetdouceur.Jemecrispequelquesinstantsavantdemedétendre.

–Çava?–Bastien…C’estbon,acquiescé-jeenpressantmestalonssursonculferme.

Bastiencommenceàbouger.C’estcommesiunepluied’étoilesfilantess’abattaitautourdenous.Mesmains,danssondos, s’abstiennentde legriffer.Sescoupsde reinsse fontplusprononcés,mecoupantpresquelarespiration.C’estdivin.J’enveuxplusetplusfort.

–Encore…Oui…

Silesmotsm’échappent,ilssontmoinsexpressifsquemonregard.Bastienaccélèreetj’ail’impressionde ne plus toucher terre. Comme s’il attendait mon feu vert, il me pilonne bientôt avec ferveur. Il necontrôleplusrien.Noscorpsagissentsansquenoscerveauxdictentquoiquecesoit.

Lemomentpropiceapproche:soncorpsentiervibre.Sesgrognementssemélangentauxmiensetsonregardm’indiquequ’ilest toutaussiproche.Jecoupelecontactvisuel lorsquej’explosetoutautourdelui.Ilselibèreenmoienpoussantuncriétouffé.Bastienécraseseslèvressurlesmiennes,tremblantdetout son être. Nous nous regardons tendrement, notre lien s’amplifiant. Je pourrais facilement tomberamoureuse de cet homme. Il n’y a plus aucun doute, il est celui que j’attendais depuis si longtemps.Bastien se retire avec précaution, sautillant jusqu’à la salle de bains. Je remonte le drap surmoi, auParadis grâce àmon ange.Bastien revient se coller àmoi après avoir remis son caleçon. Jeme lovecontre son torse, aussi brûlant etmoitequemapeau. Je l’embrasse avec toute la tendressequ’ilm’estpossiblededonner.

–C’étaitmagique.Tufaisdemoil’hommeleplusheureux.–Çanepeutqu’êtremagiqueavecunensorceleurcommetoi.

Jemepressecontresoncorps,entremêlantnos jambes.Sesbrass’enroulentautourdemoi.Nousnepiponsmots,nousnebougeonsplusetnoussavouronscetteapothéose.Monespritvagabonde.Jesuis,etpourlapremièrefoisdemavie,incontestablementheureuse.

Laferrade

CesdernierstempspassésauxcôtésdeBastienressemblentàunrêveéveillé.IlestformidablechaquejourqueDieufait.Ilamêmeacceptédem’accompagneràlaferrade1quemesparentsorganisentchaqueannée pour leurs employés. D’un côté, je suis tout excitée, mais de l’autre un peu anxieuse. C’est lapremière fois qu’un homme est présenté àmes parents –mis à part Florent,mais lui compte pour dubeurre.Pourlemoment,j’aidécidédeneriendireàmonentourageausujetdelamaladiedeBastien.Jepréfère qu’ils prennent le temps de découvrir l’homme qu’il est, avant de juger quoi que ce soithâtivement.CommeÉricme l’aexpliqué,dès lemomentoùquelqu’un saitque tuesmalade,on te fuitcomme si tu avais la peste.Alors je n’ai aucunement envie d’entendre que je suis inconsciente ou unjugement stupide sur mon ange. Lorsqu’un cœur choisi de battre pour quelqu’un, il ne regarde ni lephysique,nilareligion,nilacouleurdepeau,nil’étatdesanté.Jenedispasquejel’aime,maisjesaisquecejourviendrad’icipeu.

Hier,Bastienn’apastropbougé,carilétaittrèsfatigué.Jesuisrestéeprèsdeluiàlecâlinerpendantqu’il dormait profondément. Avoir le sentiment d’être vital pour quelqu’un est quelque chose departiculier,maisagréable!Jemesuissauvéequelquesheurespourpasserchezmoirécupérerdesaffairesderechange.J’enaiprofitépourallervoirmameilleureamiedeservice.Elleaprissapausepourmefaire subir un interrogatoire digne de la C.I.A. Je meurs d’envie de lui confier la séropositivité deBastien;habituellementjeneluicachepratiquementrien.Jenesaispassielleparviendraàcomprendremonchoix.Celadit,Lisaatoutdemêmeremarquéunchangement,elleditquemesyeuxressemblentàdescierges magiques. Je lui ai raconté notre premier câlin, elle buvait mes paroles comme devant uneromancetélévisée.

Cematin,jesuispartiecourirpendantqu’ildormaitpaisiblement.J’appréhendesaformedujour,mamèresefaitunejoiedelerencontrer,monpèreestunpeuplussceptique.Jesuissapetitedernière,sacacahuèteetc’estlepremierhommequ’ilverraàmescôtés.J’aitoujoursrefusédeleurprésenterquiquecesoit,jevoulaisattendrelebon.Jenesaispassic’estl’hommedemaviecarnousn’ensommespaslà,mais il sera mon premier amour. Le prince idéalisé durant mon enfance, celui qui hantait mes rêvesd’adolescentedevantlesfilmsd’amour.

Jepousselaported’entréedesonappartementetletrouveencaleçondevantlamachineàcafé.Jenemelassepasdecaressersesjoliesfessesetsondosmuscléduregard.Bastienlèvelesyeuxversmoi.Sescheveuxenbatailleetsonsouriresontàvousfairetomberraidemorte.

–Salutlasportive,çava?–Ettoi?rebondis-je,soucieuse.

Bastien sourit en se dirigeant dans ma direction. Sa jambe va de mieux en mieux. En fait, il m’aexpliquéquel’osétaitfaiblementcassé.D’oùlaconsolidationplusrapide.Ilsepermetdemarchersansattellechezlui.Samainmetireversluipourmecolleràsoncorpschaud.J’essaiedem’extirper.

–Jesuisenpleineforme…ronronne-t-il.–Attends,jesuistoutedégoulinante.Jefilemedoucher.–J’aienviedet’accompagner.Enfin,siçatedit?–Biensûr,vuquetuviensàlaferradeavecmoi,réponds-jeenm’éloignant.

J’ai trèsbiencompris lesujetdesaproposition,maisvuqu’ilparaîtêtreenforme,moncôtécoquinprendledessus.Jem’épatetouteseule,jen’aijamaisétécommeçaavecunhomme.J’ouvrelesrobinetset me déshabille le temps que l’eau chaude arrive. Je tire le tiroir de son meuble, là où se trouventquelquespréservatifsetenplaceunsurleborddelapetiteétagèredanslacabinededouche.Aucasoù.Jelâchemachevelureavantd’ouvrir laportedelasalledebains.Sesyeuxmedévorentdelatêteauxpiedsdansl’embrasuredelaporte.

–Benalors?Tuneveuxpasmerejoindresousladouche?taquiné-jeeneffleurantmapoitrine.

Bastien éteint tout : gazinière, cafetière. Il fonce dansma direction, comme un félin bondirait sur saproie.JemeglissesouslesjetschaudsettelFlashGordon,ilsecolleàmondos.Desamain,ilécartemescheveuxpourexplorermanuqueduboutdeslèvres.Unfrissondescendlelongdemondos,gagnantmesreinsenfeu.Jepressemesfessescontresonérectiongrandissante.Jegémislorsquesesdoigtspincentlebout de mes seins. Un jour sans sexe avec lui m’a paru une éternité.Mon corps se réveille sous sescaressesdivines.Monbas-ventresecontracteausouvenirdesaprésenceenmoi.Sesdoigtsglissententremescuissespouratteindremonclitorisgorgéd’excitation.

–Hum…–Tuaimesquandjetetouchelà?susurre-t-ilàmonoreille.–Oui…

J’adorequand ilmeparle.Bastiena conservécecôté romantiquede lapremière fois,maisquelquechoses’estajoutéàça.Plusnousfaisonsl’amour,plusils’exprime.

Il joueavecsesdoigts,provoquantdesdéchargesélectriques.Jene tiensplus ; je leveux.Jepivotepourl’embrassersauvagement.Sesdoigtss’enfoncentdanslachairdemesfesses,faisantattentiondenepasfrottersonsexecontre lemien.Jesavourechacunedeses lèvres.Sa languedomine lamienne.Mamainagrippesonépaulependantquel’autrejoueavecsescheveux.

–J’aienviedetoiJoss,jeveuxtesentir…–Alors,prends-moi.

Bastien s’apprête à m’abandonner pour sortir chercher un préservatif. Je le retiens et l’embrasselangoureusement.Monapollonnecomprendpascequ’ilmeprend,maisjeluiprésenteceluiquej’avaisprécieusementpréparé.Nousn’avonsjamaispratiquédansladouche,maisjecomptebiententertouteslesnouvellesexpériencesaveclui.Jem’accroupisenlaissantglisserl’anneaudeprotectionjusqu’àlabasedesonérection.J’embrassel’objetdemonplaisir,faisantgrognermonhomme.Bastienmetireversluienmesoulevantavecunefacilitébluffante.J’aimelesexesauvageaveclui.Soncorpsmeplaquecontrelafaïence. Il me pénètre en douceur. Je presse ses fesses fermes de mes talons pour lui montrer monimpatience.

–Regarde-moi,petitcœur.

C’est si bon,mais j’en désire plus. Je tire sur ses cheveux ; lui s’enfonce enmoi. Son grognementrésonne dans la cabine. Ses coups de reins se font plus brusques. Bastien, conscient de mon plaisir,m’adresseunsouriredévastateur.

–TuveuxjouirJoss?

Jesuisauborddugouffre.L’orgasmeestproche.Muette,jehochelatête.

–Dis-le-moipetitcœur,jeveuxt’entendre.

Bastien, tremblant, est tout aussi perduquemoi.Son souffle se fait plus chaud.Nos cœurs battent àl’unisson,neformantqu’unemélodie.

–Oui…

Bastienmepilonneavecardeur.Ilenfouitsonvisagedansmoncouetjeperdspiedaussitôt.Mevoilàpropulséesurlaplanètebarbapapa.Heureusement,mondieugrecmemaintient,carj’explosedansunfeud’artificeorgasmique.

–Putain,oui!

Ilne s’arrêtepas,prolongeant ce succulentmoment.Le souffle court, jem’accrochecomme jepeux,mais il s’écartedemoien laissantmesépaulesenappuicontre lemur.Sonpouce taquinemonclitorissensible, prêt à se gorger à nouveau de plaisir. C’est presque douloureux tant c’est bon. La vague dechaleurmereprend,alorsquelaprécédenten’apastotalementdisparu.

–Ohoui…C’estça.

Jemordsmalèvresentantl’orgasmeprêtàmefoudroyersurplace.Matêterencontrelemurcarrelé.

–JeviensJoss,grince-t-il.

Monsexeemprisonnelesien,luiarrachantunorgasme.Bastienentourantmoncorpsdesesdeuxbras,comme s’il avait peur de tomber et j’en fais demême.Accrochée à lui tel un ouistiti, il ne peut pasbougertantquejenemedétendspas.Nosrespirationssontcomplètementaffolées,noscœurseuxsontprêts àbondirhorsdenospoitrines. Je saisqu’ildoit se retirer rapidement,mais j’enprofiteunpeupourmedélecterdeseslèvres.

–Tum’asachevé.Sousladouche,jevalide,souligne-t-il.–Jesensqu’avectoi,peuimportelelieu…onvalidera.

Jeposeunpied tremblant à terre.Bastien se retire et se rince immédiatement.Lesvapeurspoivréesémanantdesongeldoucheflattentmonodorat.Dèsqu’ilglissesouslesjetspourserincer,jel’attrapeparlataille.

–ÇapourraitêtreçatouslesjourssiturestaisiciJoss.–Jet’aiditquej’allaisyréfléchir,nousavonsdéjàdécidédedormirtouteslesnuitsensemble.Rienne

m’empêchedecontinuercommeça.–C’esttoiquichoisis,jeneteforcepas.

Ilm’embrassetendrement,m’offrantleplusbeaudessourires.

–Onvaêtreenretard,dépêche-toi,ajoute-t-ilenmeclaquantunefesseaupassage.

Unpetitcrim’échappe,lefaisantricanercommeungosse.L’eaueffacetoutestracesdemoussesurmoncorps et je sorsme sécher. Je relèvemes cheveux grossièrement, le temps d’allerm’habiller dans lachambre.J’optepourunshortblanc,ainsiqu’undébardeurorangeunpeuample.Jechoisismescolliersfétichesainsiquemesbracelets.J’adoretouslesaccessoiresunpeufantaisie.Jemetsdepetitesbasketspourlamanade,c’estplusjudicieuxquedessandales.Danslacuisine,jeretrouveMonsieurSexyapprêté.Bastienvaenfairebaverquelques-unesaujourd’hui.Jenesuispasdenaturejalouse,maisvuqu’avecluijenesuispluslamême…Çarisquedenepasêtretriste.

–Jet’aifaittoncafé,mehèle-t-il.–Merci,tuesunamour.Jevaismecoifferd’abord.

Aprèsunrapidepassagedans lasalledebains, jesavourematassefumanteenm’appuyantentre les

jambes deBastien, assis sur le tabouret de bar. Il lit le journal sur sa tablette. J’apprécie lamusiquechoisieenfond.Jeremueàpeinelesfessesenrythme,maisBastienbloquemeshanches.

–Situveuxsortirdecetappartement,jetedéconseilledecontinuer.

Je souris en me figeant. Pourtant, sa menace me semble alléchante. Je remue un peu contre sonentrejambeetilgrogne.Jepouffederireenmeretournantpourposermonmug.

–C’estbon,j’arrête!

Jepassemesbrasautourdesatailleenpressantmajouecontresontorseduretchaud.

–Tuaspristesvitamines?–Oui,dèsquejemesuislevé.–Tuessûrqueçava,tun’espasfatigué?–Jet’aiparufaiblesousladouche?demande-t-il.

Jel’étreinsplusfortenrougissant.C’estcommesijepouvaisencorelesentirenmoi.Mescuissesseserrentautomatiquementàcebonsouvenir.

–Non,maisjeveuxêtresûrequeçava.–Arrêtedet’inquiéter,jevaisbien.

Nousdevons y aller.Nous prenonsma206 aujourd’hui, elle auramoinsmal que son bolide sur leschemins de terre.Bastien insiste pour conduire,mais je le préviens qu’il sera déçu par rapport à sonengin.Durantletrajet,lavoixd’AliciaKeysenvahitl’habitacle.Fenêtresouvertes,lunettesdesoleilsurlenez,musique…Undimanchecommejelesaime.

J’indique la route à Bastien et nous atteignonsAigues-Mortes. Cette ville est magnifique. Elle estentourée de marais remplis de flamants roses, de chevaux blancs de Camargue ou même parfois detaureaux.Lecentre-villeestconstruitàl’intérieurdevieuxrempartsrénovés,etunejolievuedupaysagenousestoffertelorsqu’ongrimpeenhaut.

JefaistournerBastiensurladroitepouremprunteruncheminlongeantlecanal.Ilcaressemacuisseetjenepeuxm’empêcherdetouchersamain.Jesuisheureuse,jemesensvraimentbien,ettoutçagrâceàuneseulepersonne…Lui.Nousnousapprochons,jemeredressecarjeloupetoujourslechemincamoufléparlesroseaux.Jeluiindiquedes’engageràdroite.Nousnousengouffronssurunlongsentierombragépard’immensesplatanesnousmenantauMas.J’adorevenirici, loindelaviecitadine,delapollution,pourêtreplusprochedelanature.Nousgaronslevéhiculeauparkingquin’estenfaitqu’ungrandterraindeterre.Ilyadéjàdumonde,maisjerepèresurtoutlepick-updemonpaternel.NousdescendonsetjeprendsaussitôtlamaindeBastien.

Ilentrelacenosdoigtsetnousrejoignionstoutlemonde.Jesaluelepersonnelquejeconnaisetprésentemoncopain.Jesuisridicule,tellementjesuisfièrededirehautetfortqu’ilestàmoi.Surtoutquandjerepèredesyeuxlouchersursonpassage.

–Cacahuète,tueslà!s’époumonemonpère.

Etmerde,j’avaisoubliécedétail…Prévenirmesparentsdenesurtoutpasm’appelercommeçadevantlui.Jerougisdehonte,maisembrassemonvieuxpèrequejemaudisdanslaseconde.

–Salutpapa,jeteprésenteBastienMoretti.–Enchanté,monsieurTully!–Alorsmongarçon,quelssonttesprojetsenversmafille?–PAPA!–Jedéconne,maisjevoudrailesavoirunjouroul’autre.

J’aienviedeletuer,cen’estpassongenreenplusdejouerlespèressévères.Ilestlimitepluscoolquemamanpourça.Bastienprisaudépourvu,çam’embarrassed’autantplus.

–Laisse-leetnerépondspas,préviens-jeBastienpourlerassurer.–Biensûrquejevaisrépondre.Monsieurjecomptebientomberamoureuxdevotrefilleetneplusla

lâcherparlasuite.

Avecmonpère,nouslefixons,stupéfaitsparsaréponse.Jenem’attendaispasàcequ’ilbalanceçaavecautantd’aplomb.Papadevaitpenserqu’ilsedéfilerait,maisilluienabouchéuncoin.

–J’espèrebienquetuneveuxpaslâchernotrecacahuète…ajoutemamèreenserapprochant.

Bastiensourit.Jesaisd’avancequejevaisavoirdroitàtouteslesmoqueriesdelaTerreàcausedecesurnomdébilequimecolleàlapeaudepuismanaissance.

–Maman,dois-jevousrappelerquevousm’avezbaptiséeJoss…déclaré-jeenl’embrassant.–Machérie,tunedoisavoirhontederien.Tuescommetues.

Seigneur!Jeluidécrocheunsourireforcé,lasuppliantdesetaireenagrandissantmesyeuxaulieudem’enfoncerunpeuplus.

–Tamamanaraisoncacahuète,souligneBastien.

Jeluilanceunregardnoiretiléclatederire.Mesparentss’avancentverslaferradeetj’enprofitepourlepincer.Bastienbaise franchement lehautdemoncrâne.Toujoursenriant,nousrejoignons legroupepouradmirerlespectacle.Jesuisfoutue,mercilesparents…Nousnousinstallonsderrièrelaclôture,surunevieillecharretteenbois.Lemanadieràchevalexpliquecequ’estuneferrade:ilsvontchercherunjeunetaureaudanslepays,quisenommeengénéral«lesprés».Lecavalierlesélectionne,carilenfautun qui ne soit pasmarqué.Dans un baril en fer, des hommes ont allumé un feu pourmettre les fers àchaufferàl’intérieur.Ilslefontcourirjusqu’icietlefontbasculerd’uncoupdetrident.Onremarquequec’est quelque chose d’habituel chez eux. Ceux à pieds attrapent le veau et le maintiennent au sol. Lemanadierprendleferrougiparlesflammesetmarquelabêteenpressantsurlehautdelacuisse.Leveaumeugle,ilsarrêtent.Lesmarquessontlàpourlesdifférencierd’uneautremanade.Chacuneaunemblèmespécifique, aucun ne se ressemble. Ils marquent trois veaux au total, puis finissent par uneAbrivado.Abrivadoestunmotprovençalsignifiant«élan,hâte»quidésignaitjadislaconduitedestaureauxdepuislespâturagesjusqu’auxarènessouslasurveillancedegardiens.Bastienestcomplètementcaptivéparlespectacle.

–Tuconnaissaisquandmême?–J’avaisdéjàvulestaureauxpendantlesfêtesvotivesauvillage,maisjamaisonnem’avaitaussibien

expliquélestenantsetlesaboutissants.

Ladémonstration terminée,nous rejoignons tous lecomptoir. Jediscuteunpeuavecdeshôtessesdecaissesaumagasinparental,certainessaliventpresquedevantmonhomme.JerepèreClaricequitravailledepuislongtempspourmesparents.Grandebrune,bienenchair, toujoursradieuse–legenredefemmequipeutéclairerunepiècerienqu’avecsonsourire.Bastienbavardeavecmonpère.Jelepréviensquejevaisdirebonjour.Jem’avanceàlarencontredeClarice,quim’offreuneaccolade.

–AlorsJoss,commentvas-tudepuistoutcetemps?–Laroutine,jetravailletoujoursaucaféetmonappartementprendformepetitàpetit.–EttuasunmecquinedéplaîtpasàDavina,ajoute-t-elleenhaussantlementon.

JepivoteversBastien, je l’aperçoiséchangeraveclaplusgarcedumagasin.Ellegloussecommeundindon,sanspouvoirs’empêcherdeluicaresserlebras.Quellepétasse!

–J’aiconfianceenlui,ils’enfoutd’elle.–Àtaplacemabelle,jemontreraisquec’estchassegardéeavecunapollonpareil.–Commentça?

–Ont’atoujoursvueseule,Joss.Là,tuviensavectonpetitami.Pasbesoind’êtremédiumpourdevinerqu’ilcomptepourtoi.Jeseraisàtaplace,jeferaistoutmonpossibleafinqu’iln’enregardepasuneautre.

Coupd’œilencoinverseuxderrièreleverrefumédemeslunettes.Bastiennemecalculepas.

Nel’écoutepas,Bastiens’entape.

Davinaestcequ’elleest,maisellefaitpartiedesbellesplantes.Grandeblondevoluptueuse,lapeaudoréeetdesjambesquin’enfinissentpas…Sapetitejupemoulanteenjeans,enparfaitaccordavecsonbustier, laisse découvrir un corps parfait. Je la déteste !Maintenant, grâce àClarice, j’ai envie de luienfoncerlatêtedanslefumierfraisdujour.Celle-cimepousseparl’épaule…Jel’observe,tirailléeentremonenviedemarquermonterritoireetcelledefaireconfianceàmonbelange.Luineferariendemal,maisDavina,elle,estcapabledetout.

–Tuasraison,jeretourneauprèsdelui.–N’oubliepastaplusbellerisettedefauxculpourelle,ajouteClarice.

Jedégainemonsourire enpapillonnantdespaupières.Elle rit. Je retourneversBastien,qui se renduniquementcomptedemaprésencelorsquejeletouche.

–Tiens,lafilledupatron,çava?déclaremacibleblonde.–Tiens,lapoissonnièredumagasin,çavaettoi?

Jem’avancequandmêmepourluifaireunebise,mêmesi l’enviedecreversesbeauxyeuxvertsmeguette.Lapolitesseavanttout…

–Jedisaisàtonpoteque…

Jen’écoutemêmepascequ’elleénonce, lemot«pote»a faitguisedebouton«pause»dansmoncerveau.Bastienperçoitunetensionpalpableinhabituellechezmoi.Ilentrelacesesdoigtsauxmiens,mecollantàlui.

–Tutetrompes,jenesuispasunpote.Jesuisbeaucoupplusqueça.Hein,petitcœur?déclare-t-ilensouriant.

Jesuisrassurée.Moncerveauestànouveauirriguénormalement.JehochelatêteetexhibeleplusbeausouriredefauxculqueClaricem’aitappris.

–Oh…Jenesavaispas.Jossn’ajamaisétéavecunmec.Toutlemondepensemêmequ’elleestdel’autrebord,pouffe-t-elle.

Garce!C’estcequ’imaginentlesgensdumagasin?Etpuismêmesiçaavaitétélecas,qu’est-cequeçapeutleurfaire?

–Jepeuxt’assurerquenon,rétorque-t-ild’unaircoquinbienappuyé.

Cettefois,c’estàmontourd’avoirenviederire,maisjemecontiens.Jen’éprouveaucunegênealorsque Bastien vient ouvertement de vanter notre intimité. La belle plante change d’expression : elle acomprisqu’iln’enavaitrienàfaired’elle.Bonsang,Dieuseulsaitladansedelajoiequej’exécutedansma tête.Davina nous offre un dernier sourire contrit et s’en va. Bastienme garde dans ses bras pourm’embrasserduboutdeslèvres.

–J’aicruquetun’allaisjamaisvenirmesauver,susurre-t-il.–Jepensaisquetuappréciaissaprésence,quetum’avaisoubliée.

J’enfouismonvisage dans le creuxde ses bras, avouant quelque part un peuma jalousie.C’est unepremièrepourmoi.

–J’avaisespoirquesijenetelançaisaucunregard,çat’alerterait.Ettevoilà!–Jenetelaisseplus,yatropdeDavinadanslecoin.Mêmesicelle-làestlareinedel’essaim.

Lerestedelajournéesedérouleassezbien.Bastienn’aaucunegêneàmetoucherouàm’embrasserdevantmesparents.Jesuispresqueplusréservéequelui.Detoutefaçon,impossibledeluirésister.Ceserait pécher. Mes parents font plus ample connaissance avec Bastien. Ils ont vraiment l’air del’apprécier.Dèsqu’ilsontdécouvertquesa familleétaitàParis, ilsn’ontpasarrêtédeparlerdemonfrèreaîné.

Leclind’œildemamèremeconfirmequ’elleappréciebeaucoupmonbelange.Moncœurbonditdejoie.Moiseuledécidequiaimer,maisquandl’éluplaîtàceuxquenousaimons,noussommesplusserein.J’annonceraiàmesparentssamaladie lorsquenousneseronsque tous les trois. JeneveuxpasmettreBastienmalàl’aise.

Dèsdemainjereprendsle travail.Çaserabizarred’êtreséparéedeluipendanthuitheurespar jour.J’espèrequ’ilviendramevoirdetempsentemps,commeavant.Toutefois,luiaussin’apastropbosséencettefind’été.D’abordl’accident,puisnous…Nousavonstoutletempsenviel’undel’autre.

Cesoir,jedorschezmoi,carc’estplussimplepourallerautravail.Jecroisejustelesdoigtspourqu’ilme rejoigne. Je rêve de pouvoir dormir contre lui avant la reprise, afin de me donner le couragenécessaire.

Lareprise

Cematinest leplusdurde toutemavie.DevoirquitterBastien,alorsqu’ilestsicraquantenrouléàmoitié nudans ses draps…Jeme suis surprise en train de sirotermon café, dans l’encadrement de laporte,pourlereluquersansgêne.Seulelalumièreprovenantdelacuisineéclairaitsondosmuscléetsesbiceps serrant l’oreiller. Je mourrais d’envie d’embrasser chaque parcelle de peau dévoilée de monadonis.

Auvolantdemavoiture,jemeremémorelasoiréeentêteàtêtequinousapermisdetesterlacuisine.Lorsquenousdînerons,jeneverraipluslatabledelamêmemanière…C’étaitsauvageetprécipité.Ilfautavouerquejel’aiallumétoutlelongdutrajetduretour.Jel’aicaressé,j’aipalpésonérectionbientropàl’étroitdanssonbermudapourtantlarge.Malanguejouaitavecsonoreille,mesdentsseretenaientdenepas croquer son lobe. Je voulais tant que nous nous arrêtions sur un chemin bordant la manade, maisBastiencraignaitquel’onnoussurprenne.Jenesaispascequ’ilm’apris.Levoirbiens’entendreavecmon entourage, passer une journéedes plus normale à ses côtés,m’adonné envie de n’en faire qu’unebouchée.Commentrésisterà l’appeldesoncorpsdedieugrec?J’aimelafemmequejedeviensàsoncontact,pluscoquineetconfiante.Lorsquejeregardaisdesfilmsd’amouroùlananaassumaittoutessesenvies,sesgestes,jerêvaisdepouvoiryparvenirunjour.

AvecBastien, jesuis l’unedeceshéroïnes.J’ai tout le tempsenviede lui, il suffitd’unregard,d’unsourireoud’uncontactetmoncorpss’embrase.Impossibledemerassasier,plusjegoûteàlaluxureetplusj’endemande.Paslapeinedesimulerunmaldetête,ceseraituncrimedeserefuseràlui.

Àpeineavons-nouspassé laported’entrée,qu’ilm’asoulevéedusol,m’embrassantpassionnément.Tousmesmusclesréagissaientàsesassauts,surtoutlorsquesalangueexploraitmafentetrempéededésir.J’étaisàsamerci;çameconvenaitparfaitement.Nousavonsatteintlesummumdunuagedebarbeàpapa.Bastien a repris ses esprits en pressant son visage surmon ventre, y semant une farandole de baiserstendres.

Jereviensdanslemonderéelenatteignantlegrandparkingpratiquementvidevul’heurematinale.Jem’extraisduvéhiculeetmarcherapidementjusqu’aucafé.Cematin,jesuisd’ouvertureavecLisa.C’estlemomentidéalpourluiconfierlegrandsecretausujetdelasantédemonhomme.Jecroiselesdoigts,ainsiquetoutcequ’ilm’estpossibledecroiser,afinqu’ellecomprenne…etsurtoutqu’ellenejugepas.Commed’habitude,c’estmoi lapremièrearrivée.Lisaadûprendre le tempsderéveillerJérémypourcommencerunejournéedignedecenom.J’exécutelerituelmatinalhabituel.Jerechargelesbacsquandlaportes’ouvre.Jelèvelesyeuxsurl’horloge:mademoiselleapratiquementunquartd’heurederetard.

–Jesuislà,désoléemabelle,s’empresse-t-ellededéclarer,lesjouesrosies.–Dixminutes,rienqueça,taquiné-je.

Jel’embrasse.Ellepartdanslesexplicationsdesonréveilcoquin.Apparemment,aujourd’huiétaitunmatinspécialselonelle.J’adorel’écouterparleretobserversesmimiques.

–Tufaislecoupàchaquefois,oncommenceàêtrehabituéedansl’équipe.–JetejureJossquec’étaitvraimentquelquechosed’unique,insiste-t-elle.

Nous continuons de tout installer en papotant. Lisa est un vraimoulin à parole, surtout lematin. Jecomprendsmieux,maintenant.Jeconnaisl’adrénalinequel’onpeutressentiraprèsunorgasme.Audébut,tuestoutcotonneux,ensuiteçatefilelapatateàendéplacerdesmontagnes.

Noussommesplutôtenavance,carFlorentaassuréhiersoirennousavançantletaf.Unevraiepetiteperlelorsqu’illeveut.Nousprofitonspournousprépareruneboissonchaudeavantl’ouverture.C’estàcetinstantquejerepèreunpaquetdecigarettesdécoréd’unpost-itdansmoncasier.

«Quatrepourt’empêcherdetueruneclientecasse-couille».

Paslapeinedesignaturepourdevinerquienestl’auteur.Jem’empared’uneclopeavantdesortirparlaréservepourfumerderrière.

Cecoup-ci, faisons les choses correctement, et évitonsdeprovoquerunaccident comme ladernièrefois.J’ail’impressionden’êtrejamaispartieenvacances,lesgestesroutiniersnes’oublientpas.

–Machérie,j’aiquelquechoseàtedire,cartun’esapparemmentpasaussicurieusequemoi…boudeLisa.

Mameilleureamieaquelquechoseàm’annoncer.Ellenetientpasenplaceetsonregardnecessedecrépiter.

–C’estdifficiled’égalertondiplômedefouinasse,riposté-je.

Ellemedonneun coupdehanche enme tirant la langue.Notre complicitém’avaitmanqué.RiendecomparableaveclesmomentspartagésavecBastien,maistoutdemême.

–Toutàl’heurejet’aiexpliquéquecematinétaitunique;pascommelesautres…répète-t-elle.

–Jesupposequejedoistedemanderpourquoi?

–Tuenasmisdutempspourmeposercettefichuequestion…Attention,prévient-elled’untontraînant.

Aprèsquelques secondesde suspens,Lisabrandit samaingauche.L’informationgagnemoncerveaulorsquemesyeuxseposentsurlabague.Jepousseuncriensaisissantsesdoigts.Jen’enrevienspasdusomptueuxsolitaireornantsonannulaire.

–C’estcequejecrois?–Jérémym’afaitsademandehiersoiretj’aiditouiii!déclare-t-elleenmodehystérique.

Nous nous sautons dans les bras, en enchaînant sur une danse de la joie devant les poubelles. Je lafélicite,moncœursegonfledejoie.Lisalemériteaprèss’êtrechargéedelamoitiédesconnardsduSuddelaFrance–l’autremoitié,c’estbibiquilesaeus.

–Jesaisqueçanefaitpasdesannéesquenoussommesensemble,maislemariageseradansdeuxans.Pournouspermettred’économiser.–Vousvousenfoutezdeslanguesdevipères.Vivezvotrehistoirecommebonvoussemble.–Onvafaireunepetitesoiréepourfêterçaet tenuecorrecteexigée, impose-t-elleendurcissantson

regard.

J’attrapeànouveausamainpouradmirercettepierreétincelante,chargéed’unesignificationforte.Moncœursepince:jenepourraipeut-êtrejamaisvivreçaavecmonbelange.Lemomentestparfaitpourmeconfieràmontour.Ilnousrestevingtminutesavantl’ouvertureducafé.

–J’aiaussiquelquechoseàteconfier.

Lisafixemesmainsendevenantaussiblanchequ’uneAllemandeenvacances.

–Non,pasça.Toutd’abord,tuappréciesbeaucoupBastien,n’est-cepas?–Tuastrouvétaperlemachérie,cemecestparfaitpourtoi,acquiesce-t-elle.–Jenet’aipasparlédecetteinfo.Jepréféraisquetutefassestapropreopinionsurlui,afindenepas

lejugertropvite.–Nemedispasqu’ilestmariéouqu’ilaungosse?angoisse-t-elle.

Je ne peux retenir un gloussement en voyant son air stressé. Mais je suis nerveuse également, carj’appréhendesaréaction.

–Non,riendetoutça.Enréalité,Bastienestmalade.–Genrelagrippeouuntrucdanslegenre?–Genreincurableetmortel,poursuivis-je.

Lisa s’appuie contre le mur, main sur la poitrine comme si je venais de lui foncer dessus avec uncamion.Remarquantqu’ellenepipemot,jedécidedepoursuivresurmalancée.

–Samèreaétécontaminéealorsqu’elleétaitenceintedelui…–QuellemaladieJoss?panique-t-elle.–LeVIH…Bastienestséropositif.

Lisamefixe,stupéfaite. Jenepeux imaginer toutcequidoitdéfilerdanssa tête.Après tout, j’aiétédanscettemêmeposition.Mêmesilarévélational’effetd’unebombe,çam’apaised’enparler.

–Ettuascouchéaveclui?MaistuesinconscienteJoss!grince-t-elle.–NousnesommespasstupidesLisa,nousnousprotégeonsetBastienfaittrèsattention.–Lerisquezéron’existepas,unecapoteçapète!–C’est vrai,maisdans ce cas, je devrais foncer à l’hôpital, pour recevoir un traitement afindeme

préserver.Enplus,sonvirusestindétectablemaintenant,donclerisqueestmoinsgrand.–OhmonDieu…échappe-t-elledansunsouffle,têtebaissée.

J’imagineparfaitementcequ’elledoitréaliser.Elles’aperçoitqu’ellea touchéBastien, l’aservi.Jepréfèreréagiravantqu’ellenepèteunedurite.Jesaisissesmainsenl’attendrissantd’unregard.

–RespireLisa,çanes’attrapepasenunclaquementdedoigts.Bastiennel’apaschoisi,ilestnéavecetaapprisàlegérerparfaitement.–Doncilvamourir…conclut-elle.

Cemot, jenesouhaitepas l’entendre.Jepersisteà l’occulter.Mapoitrineseserreàm’encouper larespiration.Jetentedeprendresurmoipourcontinuerl’explication.

–Ilpeutvivrecommetoietmoi,tantquelevirusnemutepas.Sontraitementrepousselaprogression.–Tudoisvraimentl’aimerpourrestermacaille,cen’estpasrien.Unehistoired’amourestdéjàassez

compliquée,maisaveccebagagesilourdenplus…–Le bon côté des choses entre lui etmoi, c’est que rien n’est compliqué.Mis à part cette épée de

Damoclèssurlatête,jepartageavecluiquelquechosed’unique.

Lisameserredanssesbrasetn’arrêtepasdemerépéterdesmotsgentilspourmeréconforter.Nousretournonsàl’intérieurpourouvrirlesportes.Avantqu’elletourneleverrou,jeprécise:

–Nechangepasvis-à-visdelui.Restetoi-mêmecommesitoutallaitbien.

Mameilleure amieme sourit enguisede réponse.Mademande est difficile,mais simoi j’y arrive,

pourquoipaselle?

Lespremiersclientssebousculent,nousenchaînonslescommandestellesdesrobots.Enfindematinée,nousallonsêtredébordéesdemonde:c’estl’heuredepointe.Jegèregraveetn’aiaucunementletempsdepenseràmonhommetantc’estdelafolie.Matêtefumeautantquemesdoigtstapentsurl’écrantactilepourenregistrerlescommandes.

–Salutmajolie!

Jelèvelatêteversleclientettombenezànezavecceluiquejeneveuxplusvoir:Oliver.

–Bonjour,ceseraquoipourvous?

Comme si je ne le connaissais pas, je débute les formules habituelles. Lisa reste sur le qui-vive enrechargeantlesbacs.J’agitediscrètementlamainversmameilleureamiepourluisignifierquejegère.

–Uncaramelglacéavecdelachantilly.

J’enregistreetmedétournepourluipréparer.J’aienviedecracherdanssongobeletaprèssonattitudede l’autre soir, mais mon côté professionnel m’en empêche. Je suis rassurée qu’il n’y ait presquepersonne,jeneveuxpasd’histoiresurmonlieudetravail.Jedéposesongobelet,maisOliverfaitexprèsd’effleurermamain.Jelaretireaussitôt,écœurée.J’encaisse,luirendantlamonnaiesurlecomptoirpourévitertoutcontactphysique.

–Tuestoujoursavectabaltringue,majolie?susurre-t-ilvicieusement.

Jenerépondspasetl’ignore,vidantlespoubellesavantqu’ellesdébordent.Jenouelesansesdessacsetpassepar-derrièrepourlesjeter.Dehors,lachaleurestétouffante,maisl’airfrais,loindemonex,meprocuredubien-être.Pourquoiresurgit-ildansmaviemaintenant?Ilm’asnobéeaprèsavoircouchéavecmoi,commesij’étaisunvulgairedéchet.

–Pourquoitecaches-tu,Joss?

Jerecule,luilanceunregardlourddereproches.Duhautdesonmètrequatre-vingt,jesuisobligéederedresserlatêtepourlefusillersilencieusement.

–Necommencepass’ilteplaît,jetravaille.–Commentpeux-tupasserdemoiàunmecquinetedéfend,mêmepas?L’autresoir,jet’aicherchée

pourteprouverquetunetrouveraspasmieuxquemoi.Jamais.

Jenepeuxretenirunriresincèrelorsqu’ildéclarecettehorreur.Ilplaisantej’espère!Ilesttotalement

imbudesapersonne.Bastienesttellementplusgentil.Iln’yapasphoto.

–Tut’essaiesàl’humourmaintenant?JefaiscequejeveuxOliveretavecquijel’entends,réponds-je.–Jen’aipaseudetesnouvellesetaprèsjetetrouveaveclui…Jedoisprendreçacomment?poursuit-

ilenapprochant.–Ça fait deuxmois qu’onne s’est pas vus.Tu as eu ce que tu voulais et tu t’es barré,Oliver !Tu

t’attendaisàquoi?Maintenant,jesuispasséeàautrechose,alorsfais-endemême.

Ilm’empêchederetourneràmonposte,bloquantlaportedesonpied.Jepousseunsoupirexaspéréparsaréactionpuérile.Oliverselancedansunmonologuesentimental,commequoijeluimanqueetpatatietpatata. Pitié, j’ai envie de vomir. J’en écoute lamoitié : jeme fous royalement de ses excuses aussifaussesquelui.Olivers’arrêteauboutdedixminutesquim’ontparuuneéternité.

–Maisqu’est-cequ’iltedonnedeplusquemoi?Queluifais-tuquejen’aipaseu?insiste-t-il.

Uneribambelled’orgasmesetunpiedd’enfer!Voilàcequejemeursd’enviedeluicracherauvisage,maisçaneleregardepas.

–Riendetoutcelaneteconcerne,maintenantlaisse-moiretourneràmonpostes’ilteplaît,persisté-je.

Oliverjettesongobeletavecfracasets’avanceencoreplusversmoi.Ilempoignemesavant-brasavecforce,m’obligeant àme coller à lui. J’essaie demedébattre,mais avec les petites tagliatelles quimeserventdebras,c’estpeineperdue.

– Embrasse-moi Joss, une dernière fois et on n’en parle plus, susurre-t-il si près que son soufflem’atteint.–Tun’espasbienmaparole!VatefairesoignerOliver,jenet’embrasseraipas.Tuasperducedroit

lejouroùtut’esbarré,geins-jeenessayantdem’échapper.

Ilmecoincecontre lemurd’en faceavecplusdeviolence, relevantmespoignets tenusd’une seulemain.L’autresaisitmonmentonpourapprocherseslèvresdesmiennes.Jecrie«non»plusieursfois,envain.Quoique…Quelqu’unl’envoievalserenarrièreavecforce.Olivertitubeettombeàterre.Jefrottemonvisageetlèvelesyeuxverslapersonnequim’aaidée:Éric.Jen’auraisjamaiscrudireça,maisjesuistrèsheureusedelevoir.

–Ilmesemblequelademoisellet’aditnon,ducon!gronde-t-il.–Dequoitutemêlesenfoiré?rétorqueOliverenserelevant.

Je reste spectatrice, ne bougeant pas d’un iota tant je suis encore sous le choc. Oliver continued’insulterÉricetmoiavec.Tantqu’àfaire…

–Tulabaisestoiaussi?Leculserrédelafrigidequetuétaisavantmoiabienchangé,apparemment.T’esunebellesalopemaintenant…–Çac’estlemotdetrop!grondeÉricensoupirant.

Illuidécocheunedroitedanslamâchoire,lerenversant.Oliverestsonné.Éricsepencheau-dessusdelui,letenantparlecol.Ilvaletueretjen’aipasenviequelefrèredeBastienaitdesproblèmesparmafaute.

–Laisse-le,ilneméritemêmepastantd’attention,interviens-je.–Situl’approchesencoreouquetul’emmerdes,jeteretrouverai,mec!

Éric laisse Oliver au sol et passe un bras protecteur par-dessus mon épaule pour que nous nouséloignions.

–Çava,petitbouchon?déclare-t-ilcommesiderienn’était.–Maintenant,oui…MerciÉric,maiscommentas-tusuquejemetrouvaisici?–Batoum’adonnérendez-vous,maisquandjesuisarrivédanslecafé,tusortaispar-derrière.J’aivu

l’autreconsortir,toitunerevenaispas…Moninstinctm’apousséàvenirjeterunœilaucasoù.

Pourlecoup,jesuissoulagéeetjenerâlepas.Éricpeutmedonnerdu«petitbouchon»autantdefoisqu’illedésireàprésent.Samainm’ouvrelaporteavantdemepousseràl’intérieur.

–Retournebosser,onseverraaucomptoir.

J’attrapesamainetmehissesurlapointedespiedspourl’embrassersurlajoue.

–Merci,Éric.–Onnetouchepasàmonpetitfrère,niàcellequ’ilaime,sedéfend-ilavecunclind’œil.

Ils’éloigne.Je reste figéeencomprenantcequ’ilvientdebalancer.Cellequ’ilaime?Éricdivaguecomplet,Bastiennepeutpasêtreamoureuxdemoi.Pasencore.Iladûsortirçacommeça.

Je rejoinsLisa en lui expliquant en vitesse ce qu’il vient de se produire.Horrifiée et énervée, ellecommenceàjurercommeuncharretiermalgrélaclientèle.Qu’est-cequ’ellepeutêtrevulgaire!

–Jevaismelefairelaprochainefois…–Éricc’enestchargémabelle,net’inquiètepas.Jepensequ’onneleverrapasdesitôt.–C’estquicelui-là,Éric?

Jeme tournepourpointerdudoigt le frèredemonange. Ilestpenchésurson téléphonedans la filed’attente.

–C’estlefrèredeBastien,expliqué-je.–Hum…J’enferaisbienmongoûter!IlssonttouscommeçadanslafamilledeMysteriousMan?

Jefrappesonépauleetluirappellequ’ellevientdesefianceràJérémy.

–Ilnepouvaitpasapparaîtrehier,sérieux…bougonne-t-elle.–OhmonDieu,tueshorrible!

Nousgloussonsjusqu’àcequelaclochettedelaporteretentisse.Uneilluminationapparaît:monchéri.Jequittemonposteetfoncel’embrasser.Sonodeurm’amanqué,toutcommesachaleuretsavoix.Mesjournéesmeparaissentsilonguesloindelui…Vivementquejefinissemonservice.

–Çavapetitcœur?Qu’est-cequetuasfaitàtonbras?s’inquiète-t-il.

Bastienl’attrapeavecdouceur:ungroshématomecommenceàpoindre,ainsiqued’autres,pluspetits.

–Jevaismieuxmaintenantquetueslà,Éricteracontera.Jeteprépareunlatte?–Tuesparfaite!

Jeluivoleunbaiseretretournem’affairerderrièrelecomptoir.Bastienvas’énerveraprèsOliver,maisjepensequ’onnelereverraplusàprésent.Monhomme,récupérantsongobelet,sepenchepar-dessuslecomptoir.

–Tuessûrequeçava?Jevaisletuercetenfoiré,confirme-t-ilencaressantmonvisage.–Jevaisbienetjepensequeladroitedetonfrèrel’empêcheraderevenir.

Bastien embrasse la paume demamain et rejoint Éric à sa table. Plus qu’une heure et nous auronsterminé.J’espèrequeFlorentn’estpassortihieretqu’ilarriveraàl’heurepourlarelève.AvecLisa,nousrangeonsunpeu,nettoyonset remplissons les tiroirspour l’équipedecetaprès-midi.MarievientnousremplaceretFloarriveaussi,pasvraimentfrais.

–J’enconnaisunpourquiçavaêtreéprouvantaujourd’hui,taquiné-je.–Nem’enparlepas,putain.J’espèrequ’ilsvonttoussebarreràlaplage.

Jem’approchepourdéposerungrosbisousursajoueencoremarquéeparunoreiller.

–C’estenquelhonneur?–Pourlepost-itdansmoncasier,chuchoté-je.

Flosouritpendantquejefilemechanger.Majournéeestfinie,jevaispouvoirprofiterdemonhomme.Lisa insiste pour que je lui présenteÉric.Elle est irrécupérable… Je remarque son regard peiné versBastien.

–C’estbon,mademoiselle?Onpeutyaller?mequestionneBastien.–Oui,j’aifini,réponds-jeenmeblottissantdanssesbras.

Noussortonsducaféetj’enprofitepourembrassermonchériquim’aénormémentmanqué.

Jesuisàtoi,tuesàmoi

Lessemainesseressemblent;notrecoupleserenforcedejourenjour.Bastienm’adonnéuneclefdesonappartementilyadeuxjours,avantdefaireunaller-retouràParispours’entreteniravecsonpère.Noussommesvendredi,monserviceestterminé.Surletrajetduretour,jefoncedirectementchezlui,carcesoirmonhommerentreenfin.Lisaetmoiavonsfaitdespetitesemplettescoquineslorsd’uneséanceshopping.Demain nous fêtons ses fiançailles avec Jérémy. J’ai acheté une robe de cocktail sexy pourl’occasion.Monangen’apasencorevumesachats, jeveuxlesurprendre.Ilesthabituéàmesdessoussimplesetmestenuessobresduquotidien.J’espèrequ’enmevoyant,ilmeferal’amourcommejamais!

Jedénicheuneplaceenfacedesonimmeuble.Jem’arrêteetmonteavecmonsacdefortune.J’aiprévuassezderechangespourleweek-end,celam’éviteradefairelanavettetouslesjours.Jeneluiaitoujourspas dit oui pour emménager avec lui, pourtantBastien ne cesse d’en faire la demande…Çam’effraied’accepteretde lâchermonappartement. Jemesuis tantbattuepour l’avoir.Si jamaisçanecollepasentrenous,jemeretrouveàlarue,sansrienetjenepeuxdécidémentpaspayerdeuxloyers.

J’aifaitledoubledemaclefpourluiendonnerune.Mesparentssontaucourantpoursamaladie,c’estluiquiainsistépourleurenparler.Audébut,monpèreavaitpeurpourmoi,maisBastien,patient,aprisle tempsderépondreàchacunedesesquestions. Ilsenontdiscutéavecnotremédecindefamille : luiaussilesarassurés.

J’ouvre laported’entréeetemprunte le téléphonequ’ilm’adonné,mêmesicen’estqu’unprêtpourmoi.Bastienm’a installéuneplaylistdechansons lui faisantpenserànotrehistoire.J’adoremettre lesécouteurspourlafairetournerenboucle.Çapeutallerdesanciennes,auxplusrécentes.J’enaitoutdemêmeajoutéquelques-unesquimetiennentparticulièrementàcœur,dontlesJackson5.

Jeposemesaffairesdanssachambre.Sadélicieuseodeurestpartout.Unepartdeluiresteentrecesmurs.J’enlèvemeschaussuresetfileprendreunedoucherapidehistoiredemerafraîchir.J’espèreavoirletempsd’exécuterleplanétabliavecmameilleureamie.Jen’aijamaisfaitquelquechosedesimilaire,maiselle,c’estuneproenlamatière.J’aiconfianceenLisa,etellem’ajuréuneffetgaranti.Jem’enrouledansuneservietteetarrangemescheveux.Jeleslaissedétachés:Bastienadorevoirtombermacascadebrunedansmondosousurmesseins.

Lesécouteursgreffés àmesoreilles,HymnForTheWeekenddeColdplayen lecture, jemedandinejusqu’àlachambre.Jem’emparedel’ensemblenoirtransparentpourl’enfiler.Jesaisisleporte-jarretelleassorti, le remonte sur mes hanches. Je stresse à mort. Je n’ai pas l’impression de ressembler au

mannequindelaboutique,maisLisaainsistéaveclavendeuseenmejurantqu’ilépousaitparfaitementmesformes.Jen’aipaslemêmedécolleténonplus,maiscepush-upfaitdesmiracles.Jedéroulelesbas,delapointedemesorteils,enremontantlelongdemajambe.Legestepourraitsemblersexy,maisvumaposition,c’est tout l’opposé.Jemeredressepour lesfixer,mecontorsionnantpourclipser lesattaches.Dire que des nanas mettent ça tous les jours ! Elles sont malades. Je comprends mieux pourquoi leshommesrâlentquenoussoyonslonguesànouspréparer.Maisj’aimeraisbienlesvoirenfilercegenredetruc.

Aprèsavoirbienperdumontemps,jechaussemestalons.Lefaitdemebaladerdanssonappartementàmoitiénuem’émoustilleunpeu.J’allumelesquelquesbougiesqueLisam’aprêtéesetjesorslesverresàvin. Jeplace l’iPhonesur sa tourBluetoothpour fairechanter laplaylistenmoderepeat. Jemesersàboireaprèsm’êtrehisséesurleplandetravailsetrouvantpileenfacedel’entrée.Jemedélectedecetteboissonfruitéeet fraîcheglissant le longdemagorge.Merde.Jedescendset fonceà lasalledebainspourmeparfumerunpeu:quellecruche!J’essaiedecourir,maisavecmesescarpins,jedoisressemblerà tout sauf une nana sensuelle. Je suis essoufflée commeun bœuf et toutemoite.C’est sûrement dû austress et à l’excitation de le retrouver. Cematin, Bastien portait un costume deux pièces avec grandeclasse.Quelfantasme!C’estlapremièrefoisquej’aieul’honneurdel’admirerentenue,maisd’aprèslui, son père est intransigeant sur l’apparence vestimentaire au travail. Je ne suis pas pressée de lerencontrer,sinonilmecompareraàunehippie.

J’entends lebruitdes clefsdans la serrure. Je croise les jambesenessayantdeprendreuneposturesexy.Lorsquemonhommeentre, samallette tombe–commemonsourire. Jem’empourpre,anxieuseethonteuse.Iln’estpasseul…

–Waouh…Petitbouchon,tuesdiablementsexy,déclareÉric.

Sonregardseperdsurmescourbes. Jeprendspleinementconsciencedema tenue.Quelle idiote. Jebondissurmeséchassesetcoursm’enfermerdanslachambreenévitantdem’étalersouslesriresamusésdufrèredemonhomme.Bastienmedévoraitdesyeux,bienquegênéquesonfranginassisteauspectacle.Jem’apprêteàenvoyervalsermesescarpinslorsquelaportes’ouvredansmondos.Jebondisdepeur,cherchantàmecacher,maisBastienm’assureêtreseul.Ilaenviederire,maisilsecontient.

–Petitcœur,tues…Waouh!–Profitebien,c’estladernièrefois.Jesavaisquec’étaitunemauvaiseidée.Non,maisquellehonte,

grommelé-jeenessayantdemedébarrasserdecedéguisementridicule.

Bastiens’approchetelunfélinrepérantsaproie.Iln’entendpasunseuldemesmotstantilestcaptivé.Jerougisinstantanément.Jefrappesamaineffleurantmacuisse.

–Arrêtejesuissérieuse,précisé-jesansvraimentl’êtrepourautant.

Bastienmeloveauxcreuxdesesbras,pressesesdélicieuseslèvressurlesmiennes.Bonsang,ilm’a

tantmanqué.Ungémissementm’échappetellementc’estbon.

–Mercipourlasurprise,murmure-t-ild’untonrauque.–Cen’estpasréellementcequej’avaisentête…

Jecommenceàretirermestalons,luidénouesacravate.Sesyeuxbleuslancentpresquedesflammes.

–Laisse,jeremetsmonbonvieuxpyjamaenpiloupilou!

Ilrit,m’attiredenouveaucontresoncorpsbrûlant.Jehausselementonpouradmirerlabeautédesestraits.Ilsnesontpastroptirés,çamerassure.

–Jesuisd’accordpourquetutecouvres,maisjetesuppliedegarderçadessous.Jeveuxprendreletempsdetoutt’enlevermoi-même,commesijedéballaisuncadeau,susurre-t-il.–Jenesorspasdelachambre,jenepeuxplusregardertonfrèredanslesyeux.J’aivraimenthonte!

bégayé-jetantlasituationnepeutêtreplusridicule.

Bastiensemarreàgorgedéployée.Cedélicieuxsonrésonnedanslapièce.Ilmepressecontreluiencaressantmondos,puismesreins…Puis,soudain,ilredevientsérieux.

–Stop!Éricestlà.Laprochainefois,tupréviendrassitunerentrespasseul.–J’aimequandtulâchestescheveuxcommeça,tuparaisplus…sauvage,précise-t-il,empoignantune

mèche.–CalmetesardeursMoretti,tuasuninvité,rappelé-jeenserrantmescuissessousl’excitation.

J’adorelorsqu’ilsembleneplusriencontrôler,maissonfrèreestàquelquesmètresetniveaugêne,j’aiassezdonné.Jenecessedetapotersesmainsbaladeuses,pendantquej’enfileunetenueplusadéquate.Bastien dépose un baiser surmon front avant de retourner au salon. Jeme laisse tomber sur le lit enpassantlesmainssurmonvisage.Uneenviederiremeprend.Est-cenerveux?Jeneparvienspasàmecalmer,maisçaapaisemonhumiliation.Soudain,j’imaginesiçaavaitétésonpèreetlà,monrirepartenéclatsincontrôlables.J’enpleuretellementj’enaimalauventre.Jecolleuncoussinsurmabouchepourétoufferlebruit,mêmes’ilsontdûm’entendre.LorsqueLisavamedemandercommentças’estpassé,jen’arriveraipasàluiexpliquersansmemarrer.Iln’yaqu’àmoiqueçaarrivecegenredetrucs.Jepasseundébardeuretungiletavantderejoindrelesgarçonsdanslapièceàcôté.

–Jepeuxtefairelabise?Maintenantjesaisquelepetitbouchonestunefemmefatale…metaquineÉric.–Fous-luilapaix,tuveux!rétorqueBastien.

Éricesttoutsourire,lesyeuxpétillantdemalice.Jeluibousculel’épauleavantdelesaluer.Jesouffle

lesbougiespendantquemonsieurcontinuedeme titillersur l’humiliationdusiècle.Jemehissesuruntabouretetsirotemonverre.

–Làducoup,c’estbeaucoupmoinstorride.C’estquoicepantalonàcarreauxécossaishorrible?–Ilesttrèsbienmonpyjama!–Çaexpliquemieuxsonempressementpourrentreraubercail.

Mon ange se colle contremoi. Il a retiré sa veste. Sa chemise, ouverte, laisse apparaître son torsemusclé.Ôappel à la luxure…Une idée explose soudain sousmoncrâne : je pivoteversÉric, unpeuangoissée.

–Tuasprévudedormiricicettenuit?

LesdeuxMorettisourient.Maquestionestlourdedesous-entendus.

–Nontuvaspouvoirjoueràlatentatrice,unecopinem’attendcesoir,répond-ilavecunclind’œil.

Jecachemonvisagecoquelicotcontreletorsedemonhomme.Éricmesorttoutletempsdestrucsdanslegenre. Jedevraism’yhabituer,mais rienn’y fait. Il finit sabièreetBastienenprofitepouraller sechanger.Érics’approchedemoi,plussérieuxqued’habitude.

–L’autreenfoirén’estpasrevenutefairechier?–Non,jepensequetuluiasvraimentfaitpeur.–Tantmieux,maistum’appelless’ilyaquoiquecesoit.Jeneveuxpasquemonfrèresebagarre.–Net’inquiètepas.Oliverneferaplusrien.

Éricpresseseslèvressurmajoue,enappuyantsamainentremesomoplates.Jemelaisseglisserdutabouretpourleraccompagneràlaporte.

–Jemecassefrangin!–J’arrive,attends.

Il ramassesesaffaireset laisse laporteentrouverte.Bastiens’empressede lesaluer. Ils seprennentdanslesbras.Leurcomplicitéestbelleàregarder.Éricrepasselatêteparlaporteenregardantdansmadirection:

–Laprochainefois,metsdurougepetitbouchon,j’ensuisfriand,ajoute-t-il.

JeluitirelalangueetBastienpressesamainsursafigurepourledégagerenriant.Monangefermeàclef,puiss’adossecontrelaporte.Latensionestdéjàpalpable.Mêmesisonregardestnavré,jepeuxy

décelerlesflammesdesondésirnaissant.

–Jesuisvraimentdésolépetitcœur,sij’avaissu…–C’étaitunesurprise,çam’apprendra,l’interromps-jeenhaussantlesépaules.

Bastien,contremoi,prometdorénavantdetéléphonerpourprévenirs’ilnerentrepasseul.

–Tuasfaim,peut-être?demandé-je.–Oui,detoi…lâche-t-ilenrelevantmonhaut.

Jemelaissefaireenappréciantlesbaisersmouillésaccompagnantladescentedemonbas.Jem’extirpedemonpantalon,Bastienme soulèvepar l’arrièredes cuissespourmeposer sur leplande travail. Ilrepèrelesdeuxverresàpiedetmefixe,intrigué.

–Tusaisquejeneboispasd’alcool…?–Jet’avaisachetédujusderaisinpourquetuaiesl’impressiondeboireduvinavecmoi,avoué-je,

boudeuse.

Ilm’embrasse,collemeshanchesauxsiennes.Mesdoigtscaressentsespectoraux,puissuiventlalignedesesabdominauxjusqu’àeffleurerl’élastiquedesonpantalon.

–Merci…Petitcœur,tuestrès,trèssexy.Çametoucheceteffort.–Tufaisdemoicettefemmeprêteàtoutpoursonhomme.

Jem’agrippe à ses épaulespour l’embrasser.Nos langues se calent sur le rythmedeThePowerofLove, deGabrielleAlpin. Sesmains naviguent surmon corps transi de plaisir. Sa boucheparcourt lacourbedemoncou,puissuitmonépaulealorsquesesdoigtslibèrentmesseinslourdsdedésirettenduspourlui.Ilaspireunepointe,alternantaveclaseconde.Jeremontemespiedssursonpantalonpourlefairedescendre,maisBastienseredresse.

–Attends,jet’aiditquej’avaisfaimdetoi…précise-t-ilentapotantsabouchedudoigt.

Monbasventresecrispe.Jemordillemalèvreensouvenirdesprouessesdesalangue.Ilmebasculesur lemarbreet retiremonstringendouceur,embrassant lapeaudemescuisses.Par réflexe, j’écartelégèrement les jambes pour l’accueillir. Ses lèvres remontent, faisant glisser ses dents sur ma chairenflammée. Un gémissement m’échappe. J’ondule ; j’ai chaud. Son nez longe ma fente ruisselanted’excitation.Lapointede sa langue trouvemonclitoris.Ma têtebouillonne. Il l’aspire et dessinedescerclesautour.Mesmusclesvibrentd’impatience.Lecontactfroiddumeublesurmapeauincandescenteest incroyablement bon. Sa bouche attaque avec ferveur et le nuage de barbe à papa débarque pourm’envoyer au monde des Twinynours. Je ne peux m’empêcher d’empoigner ses cheveux en jouissantintensément. Mon ange réapparaît, satisfait. Ses yeux pétillent d’envie. Bastien frotte son érection à

traversletissudesonpantalon.Jemeredressepourl’embrasseravecenvie,medélectantdugoûtsaléétalésurseslèvres.Malangue,désireusedeplus,estavidedelasienne.

–Jeveuxplongerentoi…susurre-t-ilensoupirant.

Jesavouresesbaisersintensesetpressesesfessespourfrottersonérectioncontremonsexe.Bastiengrogneencherchantàatteindrelevaseau-dessusdufrigo.Nousyavonscachédespréservatifsaucasoù.Bastien se plante devantmoi. Nos regards sont fiévreux et nos respirations, saccadées. Je baisse sonpantalonpourdélivrerl’objetdemesdésirs.Jemenoiedansl’océandesonregard.Bastienapproche.Jeveuxquenousneformionsqu’un.C’estinsoutenablesacapacitéàprolongerl’attente.Jetirefortsurmalèvreetlesupplie.

–Fais-moil’amour,Bastien.–Putain,j’aimet’entendredireça,petitcœur.

Ilmepénètre.Nouspoussonsunsoupirdesoulagement.J’aimemesentircomblée,etpourrais resterainsitoutemavie.Bastiendébuteundélicieuxsuppliceenentrant,puissortant.Ilrecommence,encoreetencore.Sesmainsmaintiennentmeshanchespourplongerleplusloinpossible.Unséismesepropage:jem’agripped’unemainaumarbreparpeurdetomber.Monsangcognedansmestempesaurythmedesescoupsdereins.Ilmepilonnefougueusement.JebasculemajambesursonépauleetBastiens’emparedelasecondepourenfairedemême.Sesmainsentourentmescuisses,enfonçantleursdoigtsdansmachair.Ilpousseunfeulementgrave,m’envoyantdansunmondecotonneux.

Ungrognementm’annoncequ’ilvamerejoindrelàoùnousadoronsêtre:latêtedanslesnuages.Bastiensecontracte,monnomprononcételleuneprière.Ilrelâchemesjambes,àboutdeforce,pournichersatêtesurmonventrerecouvertd’unefinepelliculedesueur.Seslèvresbrûlantesbaisentmapeau,tatouantmonâmedebaisers. Ilseretiredélicatement,mevolantungémissementsourd.Jefixe leplafond, totalementchamboulée,puis l’admireremontersoncaleçon. Ilmesoulèvedanssesbraspourchangerdepièce.Jem’accroche, épuisée, enfouissant mon visage dans son cou pour humer son parfum et l’odeur du sexe.Bastienmedéposesurlelitenprenantsoinderetirermeschaussures,mesbas.Sesbrass’enroulentautourdemoncorpscommedelavignevierge.Jepivoteverslui,frottemonnezausienavecdouceur.

–Tum’avaismanqué…–Tun’espartiquecematin.

Luiaussim’alaisséunterriblevide,commesijen’avaispaseumadosequotidienne.

–Tumepossèdestotalement,Joss.

Jeguidemonregardverssonvisageéclairéparlalune.Jesuistouchéeparsaconfession.Ilglisseunemèchedemescheveuxderrièremonoreille,m’embrassetendrementduboutdeslèvres.

–NemelaissepasBastien,j’aitropbesoindetoi,avoué-jeàmontour.

Ilmebascule,m’enfonçantdanslematelas.Ilsavouremeslèvresenmaintenantmonvisageencoupe.

–Jesuisàtoi,jet’appartiensetjeveuxteposséderautantquetumepossèdes,Joss.

Jel’enlaceavectendresse.Nousroulonssurnosflancs,parfaitementemboîtésl’undansl’autre.Doucebulledebonheur…Lesyeuxfermés,jemelaissevoguerversdenouvellescontréesdanslesbrasdemonhommeadoré.

Fiançailles

–Hum…

Sefaireréveillerpardepetitsbaisershumidesdansledos,esttoutsimplementindescriptible.Jem’étireenmeretournantpourfairefaceàl’instigateurdemonextase.Jelecondamneànejamaisarrêterdemecombler.Seslèvressavourentmapeau,puisremontentverslegalbedemesseins.Chaquedéchargeagitemoncorps.Jeplongemesdoigtsdanssatignasseenpétard,sidoucemalgrélegeldelaveille.Uneodeurdecaféachèvemonsentimentdebien-êtrematinal.J’attireBastienpouratteindresabouchegourmande.Iljouedesa languesur lapointedresséedemontéton,puis ladégusteenmevolantungémissement.Sonsoufflechaudm’embrase.Jeluisautedessus,l’embrassantavecenvie.Unjeusauvages’instaureentrenoslangues avides l’une de l’autre. Je grimpe à califourchon sur lui, ses doigts empoignent mes fessesrebondies.Sonérection,déjàbienprésente,sepressecontremonintimité.Mesbrass’enroulentautourdesesépaules.Jelecolleàmapoitrinenue.Jeledésire,j’aibesoindelesentirenmoi.Sonsourires’étirecontremabouche,alorsjemeredresse,étonnée.

–Tunedésirespasapprofondircetête-à-tête?–Biensûrquesipetitcœur,j’aitoutletempsenviedetoi.–Alorsquetrouves-tuhilarant?–Jenepensaispasqu’enteréveillantdecettemanière,turéagiraiscommejelevoulais…–Moiaussi j’ai toujoursenviedetoi.Unregardsuffitpourquejenousimaginedéjàfairevolernos

fringues,avoué-je.–Tum’obsèdeschaqueminuteJoss,jevoudraisnejamaissortirdecettechambre.–Mais…?–Maiscesoir,noussommesinvitésàdesfiançailles.Dois-jetelerappeler?–Lisapeutcomprendrequec’estuncasdeforcemajeur,marmonné-jeensouriant.

Bastienrépondàmonsourireetpartàl’assautdelapeaudemaclavicule,moncou…

–Onadéjàlajournéeàcombler,gémis-je.–J’aidéjàmapetiteidée…

Nosregardsexcitéssecroisent.Ilgrogneenpressantsapaumesurmesreinspourfrottermonintimité.

Jebaisselespaupières,satisfaite.Planersurunnuageorgasmiqueesttellementplaisant…Aucunechancedeme lasser de nosmoments intimes.Bastien s’apprête àmebasculer en arrière,mais je le bloque àl’aidedemescuisses.

–Non!–Maistuviensdedireque…plaide-t-il.

Jeplacemonindexsursajoliebouchepourlefairetaire,alorsquemoncerveauprévoitdeluiinfligeruntasdesupplices.

–Prends-moicommeçaBastien.–J’adorelorsquetuenfaislademande.–Fais-moil’amour,monange…insisté-je.

Jemepenchepourm’emparerd’unpréservatif dans le tiroir de la tabledenuit. Je recule afinde ledébarrasserdesonboxer.Labêtelibérée,jel’observeavecenvieenmepourléchantleslèvres.Bastienmechipelacapotedesmainsengrognant.Iladorelorsquemalanguecaressemeslèvres.Vive,jedominemonhomme.Maisilm’interromptavantquejem’asseyesurseshanches.

–Regarde-moidanslesyeux,Joss.

Sonregardestfiévreux.Jem’empaleendouceur,prêteàmenoyerdansl’océandesesprunelles.Tousdeux échappons un gémissement, nos bustes collés l’un à l’autre. J’ondule. Il épingle ses doigts àmeshanchespourmenerlacadence.Jeveuxquecesoitfougueux.Jemeursd’enviequenoscorpsclaquentl’uncontre l’autre. Je m’accroupis sur lui. Il gronde ; mes gémissements s’intensifient. Bastien presse mesfessespourmecomblerplusfortement.Uncris’évadedemagorgeasséchéeparleplaisir.

–NomdeDieu,Joss…Tuvasmerendrefou.–Bastien…Oui…

Mes jambes lâchent. Je crie, jouis en enfonçantmes doigts dans la chair ferme de son dos.Bastienm’entoured’unbraspourmesouleverlégèrement.Jesuisdansunétatsecond.Ilmepilonneardemment,mordillemonépaulelorsqu’ilsedéverseenmoi.

–JOSS…

Toujours l’un contre l’autre, nous recouvrons peu à peu nos esprits. Je l’embrasse tendrement, unsourire de béatitude greffé surmon visage. Il se retire pendant que jeme remets demes émotions enroulantsurleventre.Lesfessesàl’air,jemecambreetçal’amuse.Ilmordilleunefesseenrevenant,mevolantuncridesurprise.Cettejournéevameplaire.Justeluietmoi,déconnectésdumondeextérieur…

Jel’entendstrafiquerdanslacuisine.Jemelèveetrepèresachemisedelaveille,abandonnéeausol.Commedanslesfilms,jel’enfilesansriendessous.Petiteapparitiondanslapièceàvivre.JeretrouveBastienderrièreleplandetravailentraindecuisiner.Jelèvelesyeuxversl’horloge,découvrequ’ilestonzeheurespassées.Çasentdivinementbon.Jemefaufiledanssondospourenveloppersataille.

–Tuconcoctesquoidebon?–Desgambasflambéesaupastisavecdurizcamarguais.Tuaimes?–Miam!J’ailetempsdeboireunpetitcafé?–Oui,détends-toi,c’estunplatquipeutêtreréchauffé…explique-t-ilavecunclind’œil.

Jecapteaussitôtsonmessagesubliminal,cequimeconvienttoutàfait.J’embrassesonomoplate.

–JeprendsnotemonsieurMoretti,minaudé-jeenpalpantsesfesses.

Jeme tournepourmeservirune tasse fumante. Jeparsm’installeravecunbouquinsur lecanapé. Jecommenceàliretranquillement,maisleregarddemonhommepèsesurmoi.Jepincemeslèvrespournepassourire,faisantcommesijeneremarquaisrien.Jetournelespages,happéeparl’histoire.Surtoutlepassagedulavageautomatique.C’estbestial.Jemetortillesurplace,humide,puisterminemonchapitre.Je l’abandonnesur la tablebasseavantdem’éclipser.J’enprofitepourarrangerunpeumacoiffurequin’enestplusvraimentune.Unepetiteidéeéclot.Jeglisseunpréservatifdanslapochedelachemiseetlâche mes cheveux. J’ouvre la porte et me dirige vers la tour Bluetooth pour lancer l’album de TheWeeknd.J’aimebienlestyle,maissurtoutlavoix.JecommenceàbougerleshanchessurAcquainted,dosàBastien.Ils’approchederrièremoi,sachaleuretsonodeurcapturantmessens.

–Tourne-toi!

Savoix,plusgrave,enflammemalibidopuissancemille.Jem’exécute,yeuxrivéssursontorsemusclé.Mesdoigtsgambadent sur samusculature, effleurent sonérectiondéjàgonflée sous son survêtement encoton.Bastienvibresousmescaressesetronronnetelunfélin.Ilrelèvemonmentonàl’aidedesondoigtpourplongerdansmonregard.Jedoutequelamusiquesoitlaraisondesonexcitation.J’ondule,fléchismesjambesenlaissantmabouchecaressersapeau.

–Tuesunevraiediablesse.–Seulementpourtoimonange,souligné-jeenempoignantsonsexeau-dessusdutissu.

Samoueme donne envie de sourire.Bastienme fait reculer jusqu’à ce quemes jambes touchent lecanapé.Jem’yassoisetilprendappuisurledossierpoursuivrelemouvement.Noscorpssontproches.Il laisseunemainremonterdemacuisseàmahanche. Il se figeetposeungenouentremes jambesensoulevantsachemisepourconfirmersasuspicion.

–Tun’aspasmisdeculotte?grogne-t-il.

Jemordsma lèvre faceà sonair agréablement surpris et sesdeuxbrasiersbleutés fixés surmoi. Jehausselesépaulesavecunregardencoinprovocateur.Bastienglisseentremesjambes.Affaléedansledivan,jambesécartées,jesuiscomplètementàsamercietj’aimeça.Unouragandechaleursepropageenmoi, ses lèvres naviguent surmes hanches. De temps en temps, sa langue exerce de petites pressionsdivines.Monhommes’approchedu fruitdemonplaisir.Son regardestplus lubriqueetgourmandquejamais.

–J’aimetonodeur,ellemerendfou…

Jen’aipasletempsdedireoufairequoiquecesoit.Ilprendmonsexed’assautetlelapeavecferveur.Ma tête tourne.Mesdoigtss’enfoncentdans lecuir ; jegémis.Sondoigts’immiscedoucementenmoi.J’ouvrelespaupièrespourlevoirentraind’admirermonétatcommedevantunchefd’œuvre.Auborddelafalaiseduplaisirultime,jenesuispasgênéeparsonaudace.Aucontrairemême,çam’excited’autantplus.

–Bougetonbassin,Joss…

Il immobilise son index, me forçant à me masturber seule. C’est une torture, mais j’y prends goût.J’ondule.Sesphalangesentrentetsortent ; jem’embrase.Mesincisivestirentsurmalèvre,Bastienmedévore des yeux. Jemaintiens le contact visuel quand l’orgasmem’emporte.Avant qu’il ouvre le petittiroirdelatablebassepourchoperunpréservatif,jemeredresse.Jesaisissonpoignetetsucesondoigt.Malanguejoue,luivolantquelquesgrognements.Bastienposeseslèvressurlesmiennes,partageantlegoût salédemonmiel.Enmême temps, jem’emparede lacapote soigneusementpréparée.Mesmainsdescendent son pantalon. Je glisse à terre pour recouvrir son sexe, diablement beau et imposant. Malangue, désireuse de tout son corps, parcourt son torse pendant que mes doigts agiles caressent sonérection.Jedévoresoncouetsesbrass’emparentdemoi.Maboucheatteintsonoreille.Jetaquinesonlobe,lefaisantgémir.

–Prends-moicommeçaBastien…quémandé-je,accentuantle«ça».

Jemecambre.Jen’enrevienspasdemonculot,maisc’estcommesij’étaisplusaffirméeàsoncontact.Bastienembrasselerebondidemacroupe,puislongemafenteruisselantedesonmembre.Ils’enfonceenmoi,avant-brastendupourempoignermachevelureettirerdessus.Matêtebasculeenarrière.Unpuissantcoupde reinsme compresse les poumons. Ilmaintient le rythme surNothingwithout you.Onpourraitcroirequeletempoaétéécritpourcettescène.Mesgémissementssemélangentàsesgrondements.

–T’aimescommeça?–Oui…Encore…

Noscorpss’entrechoquent.Jenepeuxm’empêcherd’échapperdepetitscristellementc’estbon.Son

plaisirgrossittantjesuiscrispée.Bastienpassesesmainssurmesseins,meforçantàmeredresserpourplaquermesépaulescontre son torse.Macolonnevertébrale ressembleàunecorded’arc tendue.Mesfessessonttoujoursàsamerci.Monhommedévoremoncoutoutenmemartelantavecdévotion,mainsurmagorge. Jenegèrepas l’orgasmequiexplose subitementenmoi,maismaintenuparmonange, jenebougepasd’uniota.Sonsoufflechaudcontremapeauetsesgrognementsmerendentfolle.Pasletempsdedescendre demonnuage :Bastienmepilonne ardemment. Ses doigts s’enfoncent dansma chair. Jedevinequ’ilestprochedejouir.L’apothéoseestproche.

–C’estça,petitcœur…nomde…grommelle-t-ilentresesdents.

Uneviolentedécharges’emparedelui.C’estpuissant.C’estmagique.

–Putain,OUI…

Noscorps,incontrôlables,continuentdesemouvoiraveclenteur.Meschairsseserrentautourdelui,c’enestdouloureuxtellementc’estdivin.Matêtebasculesursonépaule.Ilbaisematempeetjetournelatêtepouraccueillirseslèvres.

–Joss…C’était…–Unegrandepremièrefantasmagorique,terminé-jeendéglutissant.–J’aimecemot,ilestparfait,jecrois.

J’ail’impressionquec’estpirequemesséancesàlasalledesport.Jemelaisseretomberenappuyantmatêtesurl’assisedudivan.J’aijustelaforced’admirersoncorpsnu,medélectantdecettevisionquimebrûleraitpresquelesyeux.Bastienmefaitdel’effet,maisjen’aiplusdeforce.Untrucdedingue.Ilenfile sonsurvêtementetm’aideàme relever. Je suisencore toute remuée.Plusonpratiqueetplusçadure,mais làc’était…Jene trouvepas lesmots justespourdécriremonressenti.C’est indescriptible.Touslessynonymesdumot«parfait»nesuffisentpas.

–Ilfautquetureprennesdesforcespetitcœur,sinoncesoirtunetiendraspaslongtemps.–Jepensequ’unepetitesiestes’imposeaprèsavoirsavourélerepasquetuaspréparé.

Bastiensouritenm’aidantàm’installersur le tabouret,cequimevoleunegrimace.Lisadiraitqu’ilm’adéfoncée…Rienqued’ypenser,jepinceleslèvrespournepasrire.Monbelamantmedonnemonassietteenfronçantlessourcils.

–Partagecequitedonneenviederire.

Jem’empourpre,nepouvantpasluirévélermespenséesdedépravée.Ilmeprendraitpourunefolle.

–Jepenseauxfiancésdecesoir,çavaêtresuper,mens-jehonteusement.

Je dévore mon plat, m’apercevant que je mourrais de faim. Cet homme est parfait à tous niveaux.Chaquebouchée,succulente,m’extirpedepetitsbruitsapprobateurs.

–Nem’allumepas,laisse-moimereposeravant…commente-t-il.

Jeplacemamaindevantmes lèvrespournepas éclater de rire.Une fois quenous avons fini, nouslaissonstoutenplanpournousallongerdanslachambre.Jemeblottiscontresontorseetnedemandepasmonrestepoursombrer.

***

J’ouvreunœildifficilement.Monadonisdortencore.Dix-huitheurespassées.Merde.Jebondisdulitenpensantàtoutcequecomprendmapréparation.Bastienseréveille,unpeuperdudemevoiraffolée.

–Qu’est-cequ’ilsepasse?parvient-ilàbougonner.–Jedoisprendremadouche,mecoiffer,memaquilleretencoreunemultituded’autreschoses…–ÇavaallerJoss,zen.–Sionestenretard,onvarecevoirlesfoudresdelafuturemariée.

Bastienéclatederiremevoyantflipper,maisjecourssouslesjetsd’eauenn’écoutantpassaréponse.Bastien me rejoint et embrasse mon épaule, me faisant frissonner. Je tapote ses mains baladeuses etm’échappedelacabineavantdecéderàlatentation.Jemesèchesansprendreletempsdequoiquecesoit.LamusiquedeBennyHillenfondseraitparfaite…Matignassecoincéedansunturbanéponge, jefoncem’habiller.Marobepatientedansunehousse,Bastiennel’apasencorevue.Elleestcrèmeavecuncolfantaisiemepermettantdenepasporterdecollier.Dosnu,ellem’arrivemi-cuisse.J’espèrequ’elleluiplaira.J’enfileseulementunstringsanscouturesapparentes,pourladiscrétion.Monhommeneprêtepasattentionlorsquenousnouscroisonsdansl’encadrementdelaporte,carlaserviettedansmamainmecache.Un coup de séchoir domptantma tignasse, un léger coup de fer suffira pour ne pas cassermesondulationsnaturelles.Pasletempsdemefaireunchignontravaillé.Jememaquilleplusqued’habitudedanslestonsmarronsetnoirsmettantenvaleurmonregard.Unpeudeparfumachèveletout.Jeretournedans lachambreet remarquequeBastienestencostume.OhmonDieu…Les fiançaillesneserontpaslongues;ilestsitorrideaveccettecravate.Jechaussemestalons,histoiredenepasfairetropnaineàsescôtés.Jepréparemonsacàmainquandj’entendssifflerdansmondos.

–Direquecettemerveilleusefemmeest«ma»petiteamie.–Vraiment,tuaimes?–Tuesparfaiteetlumineuse.Tuvasfairedel’ombreàlastardelasoirée,petitcœur.–Tun’espasmalnonplus,MonsieurMoretti,complimenté-jeentirantsursacravate.

Noslèvressepressentetcommencentàsesavourerendouceur.Bastiencollesonfrontaumien.

–Onpeutfairecroirequejenemesenspasbiensituveux,murmure-t-ilensouriant.

Jeluifrappelebras,lefaisantrire,etilmeserredanssesbras.

–C’estmameilleureamieBastien,c’estungrandmomentpourelle.–Alorsonfaitactedeprésence,maisc’estsûrquejevaisavoirenviedet’enlevercetterobetoutela

soirée.–Etmoicecostume…surenchéris-je.

Ilmeclaqueunefesseetattrapelevaseau-dessusdufrigopours’emparerd’unpréservatif.Lespoingssurleshanches,j’arqueunsourcil.

–Quoi?Onnesaitjamais,peut-êtrequependantlasoiréeonn’atteindrapaslavoiture,sedéfend-il.

Jelepousseverslaportesanspourautantcontenirmonsourire.J’aimêmeenviederire,carj’avaisprévud’enprendreunedelaboîteàgants.Nousavonssouventlesmêmespensées,c’estcequ’ilmeplaîtdansnotrerelation.Noussommesenparfaitesymbiose.

Durantletrajet,nouséchangeonsregardsetcaresses.Jesuisbienaveccethomme,jeneveuxpasquelavieinterrompetoutçaetmeprivedelui.Jenelesupporteraispas.

Nousarrivonsaurestaurantréservéparnosamispourlasoirée.JedescendsetBastiens’empressedemetendresonbraspouravancer.Nousentronsetremarquonsunbuffetdînatoire,ainsiqu’unDJ.Aucentredelasallesetrouveunepistededansevidepourlemoment.LisaetJérémyviennentànotrerencontre.Jeprendsmameilleureamiedanslesbras–elleestmagnifiquecesoir–pendantquenoshommessesaluent.

–Jesuiscontentequevoussoyezenfinlà.Tuesparfaitemachérie,n’est-cepasBastien?–Elleesttouslesjoursépoustouflante,répond-il,samainsurmesreins.

Nousnousavançons.Jeprésentemonpetitamiauxpersonnesquejeconnais.Unserveurapportedesflûtes de champagne, mais je demande une boisson sans alcool pour Bastien. La soirée se passemerveilleusementbien.Certainssemettentàdanser.Nousnousséparonspendantuninstant,carLisaveutmeprésenterquelqu’un.Jenepeuxm’empêcherdelancerdesregardsàBastien,dansunjeudeséduction.IlparleavecFlorent,maism’allumeouvertementàdistance.Lasoirées’annonceprometteuse…

Cen’estqu’unaurevoir

Jesuisréveilléeparladouceodeurducafé.Unepetitemusiquerésonnedansl’appartement.Jem’étiretelunfélin,mesmusclescourbaturésparnosébatspassionnés.JedeviensinsatiabledeBastien,desesbaisers,desessourires…J’aimecethomme,maisjepréfèreattendrelebonmomentpourleluidéclarer.Onnenousdonnepasunmoded’emploiàlanaissancenousexpliquantlamanièredontilfautgérernossentiments. Une seule fois çam’est arrivé deme déclarer, jem’en suismordu les doigtsmême si cen’avaitriendecomparable.AvecBastien,j’aienviequecesoitparfait,mémorable.

Jem’extirpedelacouetteenm’emparantdequelquechosepourm’habiller.Monangeouvrelaporteetmebonditdessus.Nousbasculonssurlematelasenriant.

–Oùcomptais-tuallercommeça?–Toutsimplementrejoindremonpetitamidanslacuisine.–C’estunimbéciledet’avoirlaisséeteréveillerseule.–Jenetepermetspasdelecritiquer,ilestparfait.

Seslèvresprennentpossessiondesmiennes,nouslesremuonsdansunedansematinalegourmande.Sesmainsexpertesparcourentlesformesvoluptueusesdemoncorpsàmoitiénu.Nouspivotonssurlelitpourmeretrouversoussoncorpsimposant.J’écartelesjambespouraccueillir lafrictiondesonbassin.Nosbaiserssauvagesetintensess’accentuentdansuneambianceérotique.

–Tumerendsfou,missTully.

Sonsoufflechaudmechamboule.Seslèvresexplorentlescourbesdemesseins,fermesettendus.Mamainempoignesescheveux,alorsquel’autrenaviguesursondos.Chacundesesmusclesondulesouslapulpedemesdoigts.Bastiensavouremestétonsérigés.Despicotementsintensesfoudroientmesreins.Jeme cambre. Mais la sonnerie de son téléphone n’arrête pas de nous déranger. Si Bastien parvient àl’ignorer,moipas.

–Tudevraispeut-êtrerépondre…haleté-je.

Bastienseredressepourattrapersonsmartphonesurlatabledechevet.Dèsquesesyeuxlouchentsurl’écran,ilbondithorsdulit.

–Allô?Oui…Cen’estpasvrai?Vousêtessûre?Hum…

Sonvisage rayonnedebonheur. Il est tel ungosse s’adressant aupèreNoël.Sesyeuxpétillent et jedevinequecetappelétaitattendu.Bastienmefaitsignequ’ilrevient.Ils’éloigne, toutencontinuantdediscuter.

–Vousnepouvezpasimagineràquelpoint…Mercibeaucoup!

Pasbesoindegrandesétudespourcomprendrequeceseraunmatinsanscâlin…Cedevraitêtrepuniparlaloid’interrompreuncoupledansunmomentpareil.Quellefrustration!

Jeme lève, attrapant un short et un débardeur. Bastien n’arrête pas d’effectuer les cent pas dans lesalon. Jedécouvrequ’il a toutpréparépourunpetit-déjeunerdecompétition. Jemesersuncaféen leregardant se diriger vers son bureau, l’air totalement sérieux. Quelle idée j’ai eu de lui dire dedécrocher?C’estbienfaitpourmoi,laprochainefoisjelaisseraisonner.Mesfessesfrustréesseposentsurletabouretetjesavoureunegaufrepréparéeparmonchéri.

–Youhou!crie-t-il.

Jesursaute.Bastienrevientencourantversmoi.Ilm’embrasseavecfougueetmefixetoutsourire.

–Dis-moiquetunetravaillespasdanslesprochainsjours,demande-t-ilavecempressement.–Euh…Si,jebossedemainetlesautresjours,monange,pourquoi?

Satêteretombecontremonfront.Soupir.Jeprendsletempsdefinirdemâcher,puisjefrottemesmainsavantdelesplacersursonventre.

–Qu’est-cequ’ilsepasse,Bastien?–Tunepeuxpastefaireremplacerouposerdesvacances?–Çanesepassepascommeça,tusais,jerentretoutjustedecongés.Explique-moipourquoi?–Jenet’enavaispasparlécarletypehésitaitencore,maisj’aitrouvéunvoilier,déclare-t-il,presque

hystérique.–Oh,maisc’estsuper!

Je lui saute au cou tant je suis contente pour lui.Un de ses rêves va prendre vie. Je l’embrasse enenroulantmesjambesautourdesataillepourlecolleràmoi.

–C’estvraimenténorme,jesuisraviepourtoi,.monange.–IlestenEspagneetsijeneveuxpaslouperl’affaire,jedoisallerlechercheraujourd’hui…

Monravissementretombedanslaseconde.Ilpassesamainsurmonvisage.

–Jeseraisrevenutoutauplusdanstroisjours.Iln’apasbesoind’êtreretapé,justelenomàmodifier.–Çavaêtrelong,maisc’estpourlabonnecause,réponds-jeenforçantunsourire.

Je leserredansmesbrasethumesonodeur,prenantunedosepourcomblersonabsence.Çavameparaîtreuneéternité.Monsieurgrondecontremapeauetmesoulèvedutabouret.

–Qu’est-cequetufais?–Onvaprendreunedouche,petitcœur…

Jerisdesonentrain.Bastiennousglissesouslesjetspasencorechauds,mevolantuncriqu’ilétouffeavecseslèvres.

–Jeveuxfinircequ’onacommencé…

Nosvêtementstrempésvolent.Saboucheexploremoncorpsetjefermelesyeuxpourapprécierchaqueeffleurement.Undoigtlongemafentepuiss’immiscedansmonfourreau.Jebaiselapeaudesoncou.

–Tuesincroyable,Joss.

Bastienlèchesondoigt.Sonérectionpressemonclitorisprêtàexploser.Jeleveuxenmoi.L’attenteesttropdouloureuse.Jetendsmonbraspourchoperunpréservatif,pendantqu’ilserpenteversmonoreille.

–Tuyarrivesoùonappellelespompiers?metaquine-t-il.

Jelefrappeenmeremettantsurmespieds.J’inondelecarrelagedelasalledebains,maishonnêtementons’enfout,çanenousfreinerapas.Jepoussemesfringuesgorgéesd’eausurlepassage,monangeenprofitepourlibérersadélicieusehampe.Accroupie,jetiresurl’emballageetplacelelatexsursongland.Je déroule vite, l’envie est trop pressante. Bastien m’embrasse en même temps qu’il me pénètre. Laviolencedesescoupsdereinsapaiseladouleursciantmonbas-ventre.Jem’agrippeàluietmedélectedesesbaisersentrecoupésdegrognements.L’explosionseprépare;nosregardssefigent.

–Joss…

Bastienintensifielerythmeenmepilonnantavecferveur.Marespirationsebloqueetj’exploseautourdelui.Ilnes’immobilisepaspourautant.Unsecondorgasmem’emporte.

–NomdeDieu…

Je ne comprends plus rien, ma tête tourne et des points blancs envahissent ma vision telles desconstellations.Mon sexe se refermeautourde lui, j’enfoncemesdoigts dans sa chair et explose enunmilliondeparticules.

–OUI!–Bonsang…

Bastienseraiditengrommelantdesjurons.Ilreprendunlentva-et-vientenm’embrassant.Jel’admire,fiévreuse.

–Jet’aime,Joss,depuislepremierjour…murmure-t-il.

Les larmesmemontent aux yeux. Impossible de lui avouer àmon tour, j’enmeurs d’envie pourtant.Même si je m’en doutais, l’entendre prend une tout autre dimension et me la coupe. Je l’embrassepassionnémentpourluifaireressentirtoutmonamour.

–Pourquoipleures-tu,petitcœur,jet’aiblessée?–Non,jesuisjustecombléedebonheur.Plusquetoutesleshéroïnesderomand’amour.

Bastienm’emprisonnedesesbras,nousrestonsunlongmomentenlacés.Soudain,l’angoisseemportemonpetitami.

–Putain,non,Joss…Non,non,NON!

Bastienseretireetpanique.Jenesaisispastoutdesuitecequ’ilsetrame,encoresousl’emprisedesorgasmesdévastateurs.Toutefois,jedécèleladétressedanssonregardetcomprendsquec’estgrave.

–Lave-toivite!Onvaàl’hôpital!crie-t-il.–Qu’est-ceque…Tu…bégayé-jedepeur.–Lacapoteacraqué,bordel!crache-t-il.

Cesmotsontl’effetd’unebombe.Lespleurssemélangentauxjetsd’eau.Nousfaisonstoutletempsattention,alorspourquoi?Comment?Bastiens’apprêteàm’aider,maisjel’envoiebouler.Jesuisaussifautivequelui,noussavionsqueçapouvaitarriver.

–Tun’espasobligatoirementcontaminée,onvafairelenécessaire,promet-ilpourmerassurer.–Excuse-moimonange,jene…Désolée,balbutié-jeenleserrantcontremoi.

Pourlemomentjenedoispasstresser,nousallonsréagirraisonnablement.Jesorsdelacabinepourme

sécherrapidement.Bastientéléphoneàsonmédecinpendantquej’enfilemonsurvêtementàlahâte.

Nousnousempressonsdefileràl’hôpital,tendusetdansunsilencedeplomb.Maindanslamain,noustraversons le bâtimentmédical pour atteindre l’ascenseur. Le professionnel en charge deBastien nousaccueille.Malgrénotreangoisseapparente,ilsourit.

–Alors,expliquez-moicequiestarrivé?questionne-t-ildétendu.–René,lepréservatifacraqué!grinceBastien.

Je reste coite, comme en état de choc, ne réalisant pas. Vais-je tombermalade ? Le côté serein dudocteuraunje-ne-sais-quoid’apaisant.

– Bastien, ça arrive et tu suis correctement ton traitement, donc il est peu probable qu’elle soitcontaminée.Enplus,jenet’apprendsrien,levirusnesetrouvepasdanstoutesleséjaculations.–Jesais,mais…–Mademoiselle,jevaisvousdonneruntraitementpréventif,maisilfaudrarevenirfaireuneprisede

sangdansquelquesmois…l’interrompt-il.

Renépoursuitsonexplication,jenefaisquehocherlatête.Aprèsunepiqûre,jesourisàBastienafindelerassurer.J’espèrequeçanefreineraenriennotrepassionl’unenversl’autre,cetincidentnedoitpass’immiscer dans notre intimité. Le professeur nous rappelle d’attendre trois mois pour découvrirréellement si je suis infectée ou pas.Nous remercions lemédecin en quittant les lieux. Le silence estpesantentrenous.Jeremarquequel’éclatmalicieuxdesyeuxdeBastien,quej’aimetant,adisparu.Jem’arrête,leretenantparlamainpourqu’ilmeregarde.

–Qu’est-cequ’ilya,petitcœur?m’interroge-t-ilavecuneinquiétudeflagrante.–C’estmoiquidevraisteledemander,Bastien…

Glissantunemaindanslescheveux,ilsoupireens’approchantdemoi.Jemecolleàsoncorps,lefixantpourtenterdelireaufonddesonâme.

–Jem’enveuxdet’avoirmiseendanger,je…–Tun’aspasàtesentircoupabledequoiquecesoit!Cesontdeschosesquiarrivent,jeconnaissais

lesrisqueslorsquemoncœurt’achoisi,coupé-je.

Sesbrasm’entourent. Jeblottismonvisagecontre son torse chaud. Jebrûle auplusprofonddemoid’exprimermessentiments.

–Jet’aime,BastienMoretti,etriennepourraempêchercetamourirrépressibleàtonégard.

Ilm’observe,yeuxembués,etcaptureleslarmesquiglissentsurmesjoues.Seslèvressepressentsurlesmiennesetmesmainsremontentsursanuque.Nousnouseffondronsdanslesbrasl’undel’autre.Jeprendsconscienced’avoirfaitunedéclarationd’amourdevantunhôpital.Ungloussementm’échappe.

–Tupassesdespleursaurire?–Jemedisqueniveauromantisme,ondoits’améliorer,expliqué-jeensouriant.

Bastienétireseslèvrespulpeuses,laissantapparaîtresesmagnifiquesdentsblanchesetilm’embrasselefront.Nousnousdirigeonsverssavoiturepourretourneràsonappartement.

***

Nouspassonslaported’entrée,unpoidsenmoinssurlesépaules.Monsieurs’affaireencuisinepourlaranger.Bastiendevraits’occuperdesonbagage,maisiln’enestrien.Jeneveuxpasqu’iloubliesonrêveàportéedemainsàcausedemoi.Jemerendsdanssachambrepoursortirunsacafindeluiporter.Jeledéposesurleplandetravailavantdecroiserlesbrassurmapoitrine.

–Tudoispréparertondépart,monange.–Ilenesthorsdequestion!Jenetelaissepasseule…lesvoiliers,yenaurad’autres.–JedoispasserlajournéeavecLisaetsasœur,donctupeuxallerlechercher.

Bastien,enappuisurleplandetravail,fixelevide.Jemefaufileentrelemeubleetsontorsepourleforceràmeregarder.

–Écoute,faisonscommesiriennec’étaitpassé.Lemédecinestplutôtpositif,alorssoyonspareils,s’ilteplaît,supplié-je.–Turesteschezmoialors!–Non,jepeuxrentreràmonappartement,jereviendraiàtaréapparition.–Fais-lepourmoi,resteicijusqu’àmonretour.–D’accord,maisjedevraisallermeprendredequoimechanger,capitulé-je.

Aprèsunbaiserduboutdeslèvres,ils’éloignepréparersonattirail.Ilmedonnequelquesindicationspendantcetemps,commequoijedoisfairecommechezmoioumêmeutilisersavoiture.J’éviteraideleconfieràZaza,sinonellevoudraquenouslaprenionspourselaraconter.

Jem’allongesurlelitpourl’observer.Sabeauté,sonrire,sesbaisers…Toutvamemanquerpendanttroisjours.Cen’estrien,dansunevie,maisceseradur.Jesuisnéanmoinsheureusepourlui,ilvaavoirsonproprebateauet,leplusgratifiant,c’estqu’illepaieavecseséconomies.

–Arrêtedemefixer,petitcœur,oùjen’arriveraipasàpartir…grogne-t-il.

–Tun’asqu’àêtremoinsbeau,aussi!

Bastiengrimpeau-dessusdemoi.Jecaressesabarbenaissante.

–Tuvasmemanquer,Joss.–Çavaêtrelong,monange,maisc’estpourlabonnecause.

Nouséchangeonsunbaiserremplid’angoisse,maisaussid’amour.J’aiespoirenlavie.Ellen’apasmisBastiensurmoncheminpourrien.Notrehistoireetnossentimentssontplusfortsquelamaladie.Sonérectiongonflecontremahanche.Jesourisetbaisselesyeux.

–Bonjour,Monsieurbarbeàpapa.

Bastiensecouelatête,amusé,etseplacesurlecôté.Ilhausseunsourcilenmeregardantcurieusement.

–C’estcommeçaquetul’appelles?–Oui…J’aimebien,c’estgourmand.–Onsetéléphonera,hein?Justepouravoirl’impressionquetuesavecmoi,s’inquiète-t-il.

Jebasculesurluienmefrottantcontresonsexedurcommedel’acier.Mesmainstrouventsontorse,côtécœur.

–Unepartiedemoiseratoujourslà.

Samaincaressemonseingauche.Monangemefaitfondre.

–Etmoiici…

Jemepenchepoursavourersaboucheunedernièrefois.Malanguesefraieunpassage,pouremporterlasiennedansunslowtorride.Sonmembreselogecontremonintimité.Malgrélabarrièredetissu, jesuisexcitéedelesentir.Sesmainsimmobilisentmonbassin.Jemeredresseenfronçantlessourcils.

–Qu’est-cequ’ilteprend?–Joss…Onadéjàfaituneconnerie,chuchote-t-ilenbaissantlesyeux.–Regarde-moi,Bastien!

Jecoincesonmentonentremesdoigtsetrépètesuruntonplusferme:

–Regarde-moi!OnaeuUNaccidentenpresquetroismois,cen’estpasundrameetpeut-êtrequetout

vabien.Tuparspendantplusieursjours, jen’aiaucuneenviedetequittersurcetépisode,expliqué-je,bouleversée.

Malèvre tremble,mélangede frustrationetd’inquiétude.Jeneveuxpasêtreséparéede lui.BastiencaressemonarcdeCupidonetmefixedesesintensesirisbleus.

–Vienspar-là,petitcœur…Onnesequittepas,jeseraisvitederetouretnouspourronsprofiterl’undel’autreautantquetuledésires.

Jemeblottisdanslachaleurdesesbras,inspiresonodeurquanduneidéemevient.Jefileàlasalledebainspouraspergerletissudemonparfum.LorsquejerejoinsBastien,ils’apprêteàfermersonsacdanslachambre.

–Attends,prends-leavectoi,demandé-jeenluitendantmonhaut.

Bastienl’attrapepourleporteràsonnez.Ilm’embrasseetj’entouresataille.C’estl’heuredudépart.Mon homme récupère son traitement et je lui prépare un sandwich pour accompagner ses vitamines.J’observechacundesesmouvementspourmelesremémorer.Heureusement,ilrevientvite.

–TumedéposesàFréjorgues?–Biensûr!Avectavoiturejesuppose?

Bastiensouritencointoutenmeprésentantsesclefs.J’attrapemonsacetmontéléphone.

–Ilfaudraitquetudemandesunepucepourutiliserl’iPhone,petitcœur.–Onnevapasrecommencer,jet’aiditnon,Moretti.–Qu’est-cequetupeuxêtretêtue…bougonne-t-il.

Jepasselaportedel’appartement,maisBastienmedemandedel’attendrecinqminutes.Qu’est-cequ’ila bien pu oublier ? Il va rater son vol. Lorsque nous arrivons à l’aéroport, Bastien ne prend pas ladirectionduparking.

–Petitcœur,vul’heure,jevaisembarquerdirect,explique-t-ilenvoyantmatête.–Oh…

Mapoitrines’oppresse.C’estl’heuredes«aurevoir».Nerienlaisserparaîtreestplusdifficilequejepensais.J’essaiedesourire,maisjedoisplusressembleràungosseprivédedoudou…

–Allez,vienspar-là.

Il écarte les bras et je me blottis contre lui. J’inspire son parfum à pleins poumons et nous nousembrassonslangoureusement.Uncoupdeklaxonnousinterrompt.

–Jet’appelleraiàmonarrivée.Tuviendrasmechercherauportavecle«Joss»…–LeJoss?demandé-je,surprise.–Tuesmonpremieramour,jeveuxquetusoisleseuletl’unique,murmure-t-ilencaressantmajoue.–Jesuisvraimenttouchée,Bastien.

Jefondssurseslèvres,leslarmesauxyeux.Monhommeramassesonattirail,embrassemonfront.Ils’éloignepuisseretourne,toutsourire.

–Jet’aime…articule-t-il.–Moi,plusquetoi,réponds-je.

Lesportesdel’aéroportserefermentderrièreluietlavoiture,derrièresonAudi,klaxonneànouveau.Çam’énerve,jenecontrôleplusmesmots.

–Tuesunrageuxdel’amourouquoi,bordel?hurlé-jeenmontantàbord.

Jedémarreenlaissantunepartiedemoncœurdanscetaéroport.Jemelanguisdéjàdeleretrouver.Jedoistravailler,çam’occupera,etnousnoustéléphonerons.Ilvanommersonbateaucommemoi,sacréepreuved’amour.C’estunhonneur.J’aimecethommeplusquemaproprevie.

Malgréladistance,c’estàtoiquejepense

Vingt-quatre heures que Bastien est parti, enfin pas tout à fait, soit une éternité pour mon cœur. JesavouremoncaféenlisantleMMSreçuàl’instant.UnselfiedeBastiendevantle«Joss».Hiersoir,ilm’atéléphonépourmedirebonnenuitetjemesuisemmitoufléedanssonsweatparfumé.Enrentrant,laveille,j’aidécouvertcequ’iltrafiquaitjusteavantsondépart.Bastiensouhaitaitmelaisserunsouvenir.

Auréveil,jeportetoujourssonsweatetdéambuledanssongrandappartementvidedeprésence,maisremplidesouvenirs.Installéeàsonbureau,jen’aiqu’àfermerlesyeuxpourressentirsacompagnie.Lemélangedesonodeuraveclaciredeboisfusionneaveclefumetdelacaféine.C’estdélicieux.Lamétéoannoncedelapluie,aujourd’hui.Notreviréeshoppingtombedoncàl’eau,c’estlecasdeledire,maisLisavienticietnouspartironsautravailensemblecesoir.Exceptionnellement,Gérard,monpatron,m’atéléphoné. Je bosse de dix-neuf à vingt-deux heures.Ça neme dérange pas, l’absence demon hommetombeàpic.Arméed’unbonbouquin,LaChute,jemepelotedansleplaidsurlecanapé.Montéléphonesonne:levisagedemamèreapparaît.

–Oui,maman,tuvasbien?–Superettoi,macacahuète?–Çava,Bastienaquittéleportd’Espagneetilm’apromisdemecontacterenmer.–Machérie,jesuisfièredetoi,c’estbiendelelaisserréalisersesrêves.Etsasanté?–Ilvatrèsbientantqu’ilsuitcorrectementsontraitement.–Jenet’aijamaisvucommeça,cejeunehommeterendheureuse.–C’estvrai,jel’aimevraiment,maman.–Avectonpèreonl’avaitdevinémachérie.D’ailleurs,tasœurdoitvenirleweek-endprochain.Vous

vousjoignezànous?–Oui,pourquoipas?Tuneluiasriendit,maman…demandé-jesoucieuse.–Cacahuète,cen’estpasuneaffaired’État.Enfamille,ondoittoutpartager.

Lasonnetteretentit,cequisonneleglasdenotreconversation.Jemelèvepourouvriràmameilleureamie.

Lisaposesesaffairesenmeclaquantunegrossebise.Ellefaitletourdupropriétairesansaucunegêne.

–Waouh,Mysteriousmanm’épatedejourenjour.Ilabeaucoupdegoûtetjeneparlepasquedetoi,

précise-t-ellelatêtepasséeparlaportedubureau.–Tuveuxuncaféaulieudefairetafouine?–Oui,avecdeuxsucres,s’ilteplaît.

Jenoussersdeuxtassesetporteletoutsurlatablebasse.Jem’installesurlecanapéenattendantquemonamiemerejoi-gne.

–Quandest-cequetuviensvivreici?–Bastient’ademandédemeconvaincre?soupçonné-je.

Sesgrandsyeuxnoisetteauxéclatsd’ors’agrandissentetsaboucheformeungrand«O».

–C’estpasvrai,iltel’ademandé?–Oui,maisjeveuxgardermonappartement.Parcontre,ondorttouslessoirsensemble.–Nonmais,macaille,vafalloirquetuarrêtestoutcemerdier.Faisauplussimple,posetesvalises.

Jefixemoncaféentournantlacuillèrepourdissoudrelesucre.Ellearaison,çafaitunpetitmomentquenoussommesensemble.Jepassetoutmontempsici.

–Joss,regarde-moi.Vousêtesfouamoureuxl’undel’autreetilestmalade.Certes,çanesevoitpas,maistunesaispasdequoidemainserafait.Tunepeuxpasrepousserleschoses,visl’instantprésent.

L’entendreévoquerlapotentiellemortdeBastienm’oppresse.Impossibledel’envisager,plusjel’aimeetmoinsjeveuxleperdre.Enplus,peut-êtrequejesuiségalementcontaminée.Jedevraisfaireattention.Lisameserrecontreelle,lesyeuxhumides.

–Jesuisdésolée,mabelle,maistudoispouvoirenparler,ajoute-t-elle.–Jesais,maisilparaîttellementenformequemoncœurespèrelegarderindéfiniment.

Ellem’embrasselehautducrâneetbonditsursespieds.Jel’observesetournerversmoi,lespoingssurleshanches.

–Tunedevaispasallercheztoi?–Si,maisj’aifaitunemachine,doncçanepressepas.–Onabesoindebouger,viens,ordonne-t-elleentirantmamain.

Jefileenfilermeschaussures.Jeretireàcontrecœurlesweatdemonange.Mesaffairesrassemblées,nousquittonsl’appartement.Devantma206,jemerendscomptequej’aiprislesclefsdel’Audi.Merde.

–Nemedispasqu’ilt’alaissésacaisse?s’égosille-t-elle.–Nonc’est…Jemesuistrompée,réponds-jeexpressément.

Lisameleschopedesmainsetsedandinejusqu’auparkingsouterrain.Quoiquejediseouquoiquejefasse, jen’arriveraipasà laraisonner.Lecielestnoir, l’oragegronde.Undélugevabientôts’abattre.DansleSud,ilnepleutpasbeaucoup,maisquandçaarrive,nousenchaînonslesinondations.J’accélèrelepas.

–Laisse-moilaconduire…S’IL-TE-PLAÎT!supplie-t-elle.

Lisametiresamouedepetitefille,maisjem’emparedutrousseauetmontecôtéconducteur.

–Ilesthorsdequestionquejeteconfiesonbolide.–Qu’est-cequetupeuxêtrerabat-joie,desfois…râle-t-elle.

Bien entendu, comme toutes nanas qui se respectent, nous ne pouvons nous empêcher de mettre lamusiqueàfondetdechanterenchœur.Nousferonspeut-êtrevenirlapluieavantl’heure,maisnousnousenmoquonsroyalement.Durantletrajet,Lisaestintenable.Auxfeusrouges,ellesaluetouslesmecsquenouscroisons.

–Disdonc,dois-jeterappelerquetuvastemarier?–Iln’estpasinterditdes’amuserlorsqu’onsemarie,souligne-t-elleentirantlalangue.

Jem’engagesurlanationalemenantàmonvillage.Dansmarue,uneplaceenfacedemarésidenceselibère.Jem’yfaufileetmameilleureamieapplaudit.

–Toiquin’étaispaslareineducréneau,yaunenetteamélioration.–Peaudevachedéfraîchie.

Ellemepince,maisnousnepouvonsnousempêcherderire.Noustraversonspourrejoindrel’entréedemonimmeuble.Lorsquenousarrivonsdevantmonpalier,nousremarquonsquemaporteaétéfracturée.Jem’apprêteàentrer,maisLisameretientparlebras.

–Attends,ondevraittéléphonerauxgendarmes,imagines’ilyaencorequelqu’un!–Appelle-les,maismoijerentre.

Jepousselaportetoutdoucementetdécouvremonpetitcoconcomplètementravagé.Unebouledanslapoitrinem’oppresse:quelqu’unaviolémonintimité.Toutestrenversé,lescadressontbrisésetmêmematélévisionestexplosée.J’observemonpetitnidmisàmal.

–MonDieu,Joss…Lesforcesdel’ordrearrivent.

Mameilleureamieest aussi choquéequemoi. Jenepeux retenirmes larmes.Ellem’entourede sesbras.Mesyeuxmebrûlent,commesidel’acideensortait.

–Ilsontditdenerientoucher…

–Pourquoi les gens font ça ?Encore, ils auraient prisma télé ou autre je comprendrais,mais justevandaliser…

Maindanslamain,nousavançonsprudemmentverslesautrespièces.Aucunen’aétéépargnée.

Onaagressécequim’appartient.Mesvêtements,mesaffaires…Jefrissonnededégoût.

Onfrappeàl’entrée.

–Gendarmerienationale,ya-t-ilquelqu’un?

Plusrassurées,nousrejoignonslesalonpourlesretrouver.Ilscommencentàinspecterleslieuxpendantqu’uncollèguemeposedesquestions.

–Avez-vousremarqués’ilvousmanquequelquechose?–Pasavectoutcefoutoir.–Étiez-vouslà,hiersoir?–Non,j’étaischezmonpetitamidepuisdeuxjours.–Connaissez-vousquelqu’unquipourraitvousenvouloir?–Euh…Non,jen’aid’histoireavecpersonne.–Oliver!intervientLisa.–Non,ilnepourraitpasfaireça.–AprèslaracléequeluiamiseÉric?Ilenseraitcapable,crois-moi.

Jebaisselesyeux,maislegendarmeattendunpeuplusd’informationàcesujet.

–QuiestcetOliver?–Monancienpetitami,ilm’aembêtéeunsoiràmontravailetunamiadûlecorriger.–Avez-vousportéplainte?–Non…avoué-jeenmerendantcomptedemonerreur.–Destémoins?

–Éric!

Jememordillelalèvrequelquepeuennuyée,jenesuispashabituéeàdéballermavieàunétranger.

–Moiaussi!ajouteLisa.–Quoi?

–Ilacommencéàt’ennuyerl’autresoirauboulot.Jen’aipasvuquandilaétéviolent,maisjepeuxtémoigner.

Nouscontinuonsderépondreauxquestionsdel’agent.Lisavadevoirfairesadéposition.JedoisporterplaintecontreX,carnousnepouvonspasaccuserunepersonnesanspreuve.Jen’enrevienspas.Sic’estvraimentOliver,ilaperdularaison.

–MademoiselleTully?

Je pivote vers un autre agent qui demande de le rejoindre. Jem’avance, découvrant lemur dans lachambre.Auxcôtésdephotosd’OliveretmoisetrouveunclichédéchirédeBastien.Letoutaccrochéaumuravecdesfléchettes,moncœurseserre.

–C’estluiOliver?intervientlepolicierdansmondos.–Oui.–Maintenant,nousavonslemobilepourleconvoquer.

Je donne tous les renseignements que j’ai sur lui.Les gendarmesmedemandent si j’ai un endroit oùdormir.Ilsmelaissentprendrequelquesaffairesmetenantàcœuravantdeposerlesscellés.Lisam’aideàfairedeuxoutroiscartonsrapides.Jenetiensplusàvivreici,jevaisemménagerchezBastienenattendantde trouvermieux.Nous chargeons le tout dans le coffre, puis nous filons à la gendarmerie. Je déposeplaintecontreOliverpourl’autresoir,ainsiquemonappartement.Lisafaitsadéclarationaussi.JedoistéléphoneràÉricpourqu’ilseprésenteàsontouràMontpellier.

–Allô?–Éric?C’estJoss.–Petitbouchon,qu’est-cequisepasse?C’estBatou?–Non, non… J’ai besoin de toi,Oliver a encore frappé en saccageantmon appartement. J’ai porté

plainte,maistudoisvenirdéclarerpourl’altercation.–Quelfilsdeputecelui-là!Sijel’attrape…–Nontunefaisriendutout,lagendarmeries’enoccupe.–Jedoisarriverendébutdesoirée,tubosses?

–Cesoiroui,avecLisa,jusqu’àvingt-deuxheures.–Àcesoiralors,petitbouchon,nerestepasseule.–Àcesoir,merci.

Je raccroche et nous partons, direction l’appartement de Bastien. Durant le trajet, je suis toujoursangoisséeetcomplètementdévastéeparlesévénements.Jen’arrêtepasdepenseràmonange,j’aimeraistantqu’ilsoitlà.J’aibesoindesonodeur,desesbras,desesmots…Delui.Nouslaissonslavoitureausouterrainetmontonslesboîtes.Lisacommenceàdéfaireuncarton,maisjeposemamainsursonavant-bras.

–Laisse,jen’emménagepasici.–NemedispasquetuvasprendreunnouveaulogementalorsqueBastient’aproposéderester?–Jeneveuxpasm’installeravecluicommeça,maisplutôtparcequej’ailechoix.–Tuesd’uncompliquéquandtut’ymets,grommelle-t-elleenselaissanttombersurlecanapé.

Jelarejoinsetnousdécidonsdenousfairelivrerunepizzapourmidi.J’aiunefaimdeloup,lespetits-déjeunersdignesdecenommemanquent.Jeréceptionnelaquatrefromagesetnousnouscalonsànotreaisedevantunfilm.Lapluies’écraseviolemmentsurlesvitres,c’estladébandade!Nousregardonsuneromance.Laboîtedemouchoiret lepotdeglaceenguisededessert sontde rigueurs.Uneaprès-midientreamies,commeaubonvieuxtemps…

***

Jetapedupiedàl’entréeattendantqueZazaseremuelepopotin.Nousallonsêtreàlabourreetceseradesafaute.Encore.Cettefois,jen’aipasoubliémesclefsetj’aidûcachercellesdel’Audiavantquemameilleureamiemelespique.Nousvoilàpartiespourletravail.J’angoisseencoreausujetd’Oliver.Laséance romance et sucrerie m’a apporté beaucoup de réconfort, mais elle n’a en rien effacé desévénementsrécents.

–Net’enfaispas,Joss,ilsvontlecoincer.–Cequimeturlupineleplus,c’estpourquoi?–Peut-êtreest-iljaloux…–Jedoisterappelerquec’estluiquim’asnobée?–Non,maispeut-êtrequedetevoiravecunautre,luiaouvertlesyeux.–Jenepensepas.

Jefixemesdoigtssur levolantenm’engageantsur leparking.Nous traversons lagaleriemarchandepourrejoindrelecaféencourant.Unepluiediluviennes’abatsurnous.Florental’airépuisé,lepauvre,maisquandilnousvoit,sonvisages’illumine.

–Ohputain,jevousaimelesfilles.

Nouspouffonsenpassantderrièrelecomptoirpournoushabiller.Ilnousexpliquelajournéededinguequ’ils ont eu malgré le temps maussade. Flo me propose de fumer une cigarette pour profiter del’accalmie.Jenemefaispasprier.

–Tuasunemineaffreuse,MysteriousMantefaitdesmisères?suggère-t-ilentendantlebriquet.–Nonetarrêtezaveccesurnom…Oliverasaccagémonappart!

J’aspireunepremièreboufféedenicotine.Jeluiexpliquetoutel’histoire,mecollantàluipournepasêtretrempée.Ilcommenceàfairefroidetcettehumiditén’aidepas.Florentesténervéquandjeluiracontetoutetmeprometdecracherdanssongobeletlaprochainefoisqu’ilviendra.Ilarriveàmefairesourireavec ses exploits nocturnes de la veille. Notre addiction cancéreuse terminée, je rejoins Lisa qui acommencéleservice.FlonoussalueenquittantleslieuxenmêmetempsqueMarie,sonbinômedujour.Malgré l’ouverture tardive, ilyadumonde.Lesgensnesontpasnormaux,avecunemétéopareille jeresterai au chaud avec un bon cappuccino et un bouquin. Nous enchaînons les commandes parautomatisme, Lisame fait quelques commentaires sur une cliente bizarre. Je ne peux pasm’empêcherd’observerladitepersonne.C’estunefemmeauxcheveuxbleus,aveclespointesrosefuchsia.Satenueestdigne d’Arlequin. Il manque plus qu’on lui colle des grelots aux chaussures et elle pourrait faire lebouffonduroidestempsmodernes.

Nousnoustrémoussonsennettoyant.Bientôtlafinduservice.Touts’estbienpassé.Finalement,venirbossertroisheuresenétantpayéepluschermeconvienttoutàfait.

Lorsquelaclochedelaporteretentit,Lisamefrappeavecuntorchonpourquejemetourne.

–Ohputain,Joss…Yalebeaugosse.

J’aperçoisÉric.Jeposelegrospaquetdecaféetcontourneleguichetpourlesaluer.

–Jepensaisquejeneteverraisplus,vul’heureetletempssurtout,déclaré-jeensouriant.

JeretourneremplirlestiroirsetLisalesalueenluiproposantuncafé.

–Nonmerci.Joss…

Lefaitqu’ilprononcemonprénommechoque.Jepivoteverslui,percevanttoutel’inquiétudedumondedanssesprunelles.Jem’approchedeluienm’accoudantaucomptoirsceptique.

–Pasde«petitbouchon»?Quet’arrive-t-il?taquiné-je.

J’essaiedeluisoutirerunsourire,maisenvain.Éricmefixeetposesamainsurlamienne.

–Joss,lesgarde-côtesontappelémonpère.Ilyaeuungrosoragesurlamer,unetempête…

Malavettes’écraseausoletmonangoissegrandit.

–IlsontretrouvélebateaudeBastien,enfin,lesmorceauxquirestent.–Etlui?Commentva-t-il?rétorqué-je.–Ilsnel’ontpastrouvé.Monpèreademandéàcequ’ilspoursuiventlesrecherches.–Non!Non…–Joss…jesuisdésolée,annonceLisaens’approchant.

Jelarepousseetcontinuedesecouerlatêteenpsalmodiantuneribambellede«non».Çanepeutêtrevrai,jemepincelebrasàm’enfairemalpourmeréveilleretmerendscomptequec’estbienlaréalité.

–Ilsnel’ontpastrouvé!Jesuissûrequ’ilvabien,jelesens!éclaté-je.

Éric se lèvepour tenterdecalmermonhystérie. Jem’énerve,crieet tapedespoingscontre lesbrasmusclésmeceinturant.Éricmepressecontrelui.Jelâchepriseetm’écrouleenlarmesdanssesbras.

–Dis-moiqu’ilvabien,qu’onvaleretrouver!–Chut…

Unedouleurinimaginablemefoudroiesurplace.Celleàlaquellejen’étaispaspréparéeestentraindemedévasterdel’intérieur.LisafermelecaféetÉricmeraccompagnechezsonfrère.Jerestemuette,jenevois plus rien. J’avance comme un robot,me déchausse et fonce dans la chambre. Jem’enveloppe dusweatparfumédeBastien,collemonvisagetrempésurl’oreillerquej’inondeenpeudetemps.Tousnossouvenirsdéfilentdansmatête,leplusbeaufilmquej’aiepuvoirdetoutemavie.Éricvientmeparler,mais je ne réagis pas, comme coincée dans une bulle avec le fantôme demon ange. Son sourire, sescaresses,sonregard,sonrire,ses«jet’aime»…Non.

Siquelqu’unentendmaprière…Nemeprivezpasdugrandamourdemavie,s’ilvousplaît.Pasdecettemanière,pasmaintenant…Sanslui,mavienemériteplusd’êtrevécue.Sanslui,jenesuisplusrien.

Jem’agrippe à son oreiller, le serrant comme un doudou. Je ferme les paupières pour fuir dans unmondeoùBastiensetrouve.Unmondeoùjepeuxl’embrasser,meblottircontreluietprofiterentièrementdetoutsonêtre.

Tun’avaispasledroitdemequitterdelasorte…Pasencore,c’esttroptôt.Jet’aimetrop,monange.

Prends-moiavectoi,afinquenousnenousquittionsjamaisici-basetversl’au-delà.

Auboutdemavie

Lamusiquetourneenboucle.JesuisrecroquevilléesurlelitdeBastien.Commesiunepartiedemoiétaitmorte,jen’aiplusaucuneréaction.Dumondedéfiledansl’appartement,c’estÉricquiaccueille.Ilnem’apaslâchée,depuislesoiroùilm’aannoncélapirechosequejepouvaisentendre.Lesjournéesseressemblent,jenevaispastravailler.René,lemédecindeBastien,quin’estautrequesonparrain,m’amise en arrêtmaladie. Ilm’a prescrit un traitement pour dormir et cesser de pleurer. J’ai eu quelquescrisesd’angoissesetdenerfs.LapremièreafaitpeuràÉric.IlluiatéléphonéetmemaintenaitpendantqueReném’administraitunepiqûre.

J’entendslaportedelachambres’ouvrir.Lematelass’affaissesouslepoidsd’Éric.

–Petitbouchon,viensaumoinsmangertasoupe.Tudoisprendretontraitement.–Jen’aipasfaim,rétorqué-jed’unevoixrocailleuse.–Écoute,jetejurequej’appelletesparentsetquel’ontemetsousperfusion,situnetenourrispas.–Jenebougepasd’ici,jesuisfatiguée.

Éricselèveettourneenrond.Ilcommenceàperdrepatience.Lorsquejeluiproposedes’enaller,ilrefuse.Toutcequejeveuxc’estBastien,monamour,mavie…Plusaucunelarmenes’échappedemesyeux. J’ai sûrementvidé les réserves.Mon traitementme shooteaussi. J’évoluedansundemi-sommeilconstant.

–Nemelaissepasdînerseul,s’ilteplaît,supplie-t-ilavantdesoupirer.

Jelèvelesyeuxverslui,surpriseparcethommequej’apprendsàdécouvrir.Ilestbienloindecequejem’imaginais.Jepensaisquec’étaitunenfoirédepremière,dugenreàprendrelesgensdehaut.Ilmetapaitsurlesystème,àlalongue,aveccesurnomdébile.Aujourd’hui,j’apprécielorsqu’illeprononce.Ilmefallaitjusteuntempsd’adaptation.Avecmoi,ilestgentil,doux,prévenant…Jeretrouvebeaucoupdemonangeenlui.

Je débranche mon nouveau téléphone, puis me hisse hors du lit. Je m’habille uniquement avec lesaffairesparfuméesdeBastien.Lisaaessayédemeprendrelesweatpourlelaver,cequiadéclenchélafameuse crise d’angoisse.Du coup, Éric a trouvé la solution. Jeme change le temps de les passer enmachine,maisvaporisesafragrancepartout.

–Tuesvraimentobligéedetebaladeraveclechargeurbranchéàtontéléphone?Tabatteriepeuttenirunejournéecomplète,tusais.–Lâche-moi…Jeneveuxpasraterunseulappel.

Jem’assoissuruntabouretetbranchemoniPhoneauplandetravail.J’avaisditnepasenvouloir,maisj’aiexplosélemiencontrelemur.Oliveraétéarrêté,maisjerecevaisdesappelsanonymes,j’aidoncaussichangédenuméro.Enfin,Érics’estoccupédetout.

–Jossmangeuntoutpetitpeu,jenetedemandepasdefestoyer.Justequelquescuillères…

Jefixeleboldesoupeàcôtédemescomprimés.J’attrapeunverredesodaetavalemonbonheurengélule.Sijenem’exécutepas,Éricnecesserademepersécuter.Leveloutémedonneplusenviedevomirqu’autrechose.Jegrimace,Éricexulte.

–Tunesaispasàquelpointtumefaisplaisir.

Jeretournedanslachambre.Montéléphonesonne.Jemejettesurl’écran,maisenvoyantlatêtedemamère, je refuse l’appel. Elle le sait, pourtant, ma ligne doit être libre au cas où l’on nous donne desnouvelles.

PapaMorettiestvenu.Jenem’attendaispasàlerencontrer.Nousavonstrèspeuparlé,maisilm’aprislonguementdanssesbras.Ilremuecieletterrepourretrouverl’amourdemavie.

Jem’allongesurlelit,àsaplacedevenuelamiennedepuistroissemaines.Troissemaines…JeglisselesécouteursdansmesoreillesetécouteleschansonsqueBastienavaitchoisiespourmoi.Jefaisdéfilerlesphotosquenousavons faitesquelques joursavant sondépart.Les larmesnoientmesyeux,maisnecoulentpas.Éricvients’asseoiràmescôtésetmepiqueuneoreillette.Nousavonsprisl’habitudedelefaireensemble.Jemeblottiscontresontorseetfermelespaupières.

***

Unemain caressemes cheveux. J’ouvre les yeux difficilement et aperçois Zaza. Elle vient tous lesjours.J’aiessayédel’envoyerbouler,maisellem’aaboyédessusetçaafinienpleurs.Jen’aipluslaforcedemebattrecontrequiquecesoit.

–Bonjour,laBelleauboisdormant.–Hey…–Tuviensàcôtématerunfilm?–Pourquoifaire?–Euh…Laisse-moiréfléchir:pourquetulèvestonculdecelit.Sérieux,tuneveuxmêmepasquel’on

changelesdrapsdulitdeBastien.

Jeroulesurlecôté.Jen’aipasbesoind’entendrecegenrederemarque.Ellenepeutpascomprendre.Jérémyestenbonnesanté,envie,etilsvontsemarier.

–Excuse-moi, Joss, je pensais qu’avec des choses banales, tu iraismieux. Je ne sais plus commentt’aider…

Jesaisquejeluifaisdumal,notreamitiéenprenduncoupetj’enaiconscience.Bastienobsèdemespensées,mesrêves.Parfoisilssontsiréels…Leseulmomentderépitquejetrouve,c’estendormant.Jedécidedeme leverpour lui faireplaisir. Jedébranche lechargeuren fonçantm’asseoir sur lecanapé,emmitoufléedansunpulletdanslebasdesurvêtementdemonange.Jebranchemonmobileenlegardantprèsdemoi.IlyadelalumièredanslebureaudeBastien:jebondisvoircequetrafiqueÉric.Ilestassisderrièrel’ordinateuret,d’uncoup,jepenseautravaildemonhomme.

–Qu’est-cequetufiches?–N’étantpasàParis,jedoistoutdemêmetravailler,petitbouchon.–TudoisfaireattentionauxdonnéesdeBastien,ilytient.Tunedevraispasytoucher.–Dois-jeterappelerquecen’estpaslapremièrefois,mademoiselle?–Jeneplaisantepas,situeffacessansfaireexprèssabandedessinée…Ilserafou,enrentrant,ajouté-

je,soucieuse.

Jecommenceàessayerdeletirerparlebras,maisilm’échappe.

–T’esmignonnemalgré ton airmaigrichondumoment,maisneme fais pas chier, bordel !Puis, dequellebandedessinéetuparles?–MaisretourneàParis,jeneteretienspas,monsieurMoretti.–Tuesdure,Joss,grince-t-il.–Jem’enfous,Éric,detoutefaçontunepeuxpascomprendre…

Jetournelestalonsettombesurmameilleureamie.Jemesouviensqu’ellesouhaitematerlatélévision.Unemainmeretourneassezvivement.Lesyeuxd’Éric,habituellementdoux,sontsombresetcernés.

–Qu’est-ceque jenepeuxpascomprendre?Yenamarre,Joss.Bastiennesupporteraitpas tevoircommeça,ilvoudraitquetuvivestavie.–Jet’interdisdemeparlerdelui!–Non,onvaenparler,carjen’enpeuxplus.Tut’esvue?Tufaispeur!Tun’espaslaseuleàavoir

perduquelqu’un,onestdanslamêmegalère!

Je le foudroie du regard en sentant le liquide brûlant envahir mes joues.Ma rage ensommeillée se

ravive.

–Tuasdéjàperdul’amourdetavie?Jenecroispas,alorsneprétendspasqu’onestdanslemêmepanier.–NON,MAISJ’AIPERDUMONMEILLEURAMI,MONPETITFRÈRE!hurle-t-il.

Leslarmesapparaissentpourlasecondefoissursonvisage.Moncœursedéchireunpeuplusencore.Je craque à nouveau, m’apprêtant à décamper, mais Éric me coince dans ses bras. Les vannes sontouvertes,impossibledem’arrêter.

–Moiaussiilmemanque,maisjemebatspoursamémoire.Batounes’estjamaislaisséabattre,soisfortecommelui.–C’étaitlui,maforce!Jenesuisplusriensans…Çafaitsimal…

Mesjambesmelâchent,sûrementparfaiblesse.Nousnousretrouvonsàgenouxausol.Lisasegreffeànous.Éricpasseunbrassousmesjambesetl’autrederrièremesreinspourmesoulever.

–C’esteffrayantcommetueslégère,petitbouchon.Vavraimentfalloirquej’appelleRené.–Non…

Éricmedéposesurlelit,nemelaissantpaslechoix.Ilappelleledocteur.Lisamefaitprendreunautremédicament,utileencasdecraquage.Jevideleverred’eau,certesl’appétitn’estpaslà,maislasoifoui.J’enfoncematêtedansl’oreillerenmetournant.J’essuielesquelqueslarmespassantlebarragedemescils.Lisasecalederrièremoi.J’entendsqu’ellediscuteavecÉric,maisjenesaisisaucunmot.Sonbrasestloind’êtreaussimuscléqueceuxdesfrèresMoretti,maisilestagréable.Ellemeconsoleetjefermelesyeux.

Tumemanques,monamour,cevidequetulaissesm’estinsupportable.Silavieneveutpasdetoiici,pourquoidevrais-jemebattre?Terejoindreseraitlameilleuredessolutions.Jenedeviendraispluscefardeau,donttoutlemondesesentobligédesurveiller.Oùes-tu,monange?

Lespiresimagesarriventquandmêmeàs’immiscerdansmatête.Ilestpeut-êtreseulquelquepart.Oualors,scénarioquinemeplaîtpasdutout:ilestmort.Jeveuxgarderespoir,mêmesichacunnecessederépéterqu’après troissemainessansboire,sansmangeretsanssontraitement…Jefatigue,sûrement lagélule.Jebaissemespaupièrestroplourdes.

***

J’entendsparleretgesticulerautourdemoi.Unemain touchemonbras.J’ouvre lesyeux, légèrementpaniquée,ettombenezànezaveclemédecin.Manquaitplusquelui.Renédemandeàtoutlemondedenouslaisserseuls.

–Joss,huitdetensioncen’estpasbondutout.Éricm’aexpliquéquevousnemangiezpas.–Jen’aipasd’appétit,quandj’essaiej’ailecœurauborddeslèvres.–Ilvafalloirquejevoushospitalise,çanepeutplusdurer.Nousplaceronsunesondegastrique,sinon.–Non,jedoisêtreicisilesgardes-côtestéléphonent.Ilesthorsdequestiondememettreuntubedans

leventre,murmuré-je.–Alorsceseradesperfusions,mais jedois faireensorteque toutaillebien.Après l’incidentde la

dernièrefois,commentvoulez-vousquevotrecorpslutte?

Jepousseunlongsoupir.Jeneveuxpasquel’onmettequiquecesoitaucourant.Lesrésultatsfinauxserontdansdeuxmois.Nousenavonsdéjàparlé,maissiRenéremetçasurletapis…Çanemerassurepas.

–Vousfaitescequevousvoulez,maisjenebougepasdesonappartement,etvousm’aviezpromisdeneriendire.–Secretprofessionnel,Joss…grommelle-t-il.

Ilsepenchepoursortirlematérieldesamalletteencuir.Enfait,ilavaittoutprévu.Jem’enfoncedanslelitenfixantunpointdanslevide.Jelesensprendremonbraspourpiquer.Jenegrimacemêmepaslorsque le cathéter pénètre au niveau du poignet. Rien n’est comparable à la douleur nichée de cesdernièressemaines–uneéternité.

–Uneinfirmièrelibéraleviendraaumoinsunefoisparjour.Joss,monfilleulétaitpleindeviemalgrélamaladie.Vousdevriezvousbattrepourhonorersonsouvenir.

Jenerépondspas,unnœuddansmagorgem’enempêche.Jeneveuxpaspleurer,pasencore.J’aimal,lafissureapparuedansmapoitrinelesoirdesadisparitions’agranditchaquejourunpeuplus.PluslesheuresloindeBastiens’écoulent,plusletroubéantsepropagejusqu’àmoncœur.Jenesuisplusquedescendres froidesaprès lebrasierqueBastiena suallumer.Unephotodenous se trouve sur la tabledechevet.Jelafixe,mesouvenantdecejour.Unejournéebanale,pourtantplusquemerveilleuseàmesyeux.Jeneluiaijamaisavoué,maisc’estcejour-làquej’aisuquejel’aimais.Depuis,messentimentsn’ontfaitquegrandir, commeunebouledeneigedevenantuneavalanche.Le liquidegagnemesveines.Mesyeuxsetournentverslapetitefiole,observentchaquegouttequitombe.Lapochetransparenteesténorme,onvamemettretoutçadanslecorps?Jem’emparedesécouteursetlaissechanterlegroupequenousaimionstant,TheFray.LachansonOurLastDaysdécritleplusnotrehistoire,puisBestillmeparlantdemonsentimentdu jour…Mavisionestunpeuembuée,mais jemecontiens.Extérieurement, je sembleinerte. Intérieurement, leschutesduNiagarasembleraient ridiculescomparéesauxflotsdévastateursdemadouleur.

Je découvre une playlist en fouinant.Bastien a dû la rajouter sur le smartphone. Je prends plaisir àl’écouterenfermantlesyeux,commesic’estluiquiprenaitl’initiativedelamettredansmesoreilles.Jenecomprendspastouteslesparoles,carmonanglaisniveauscolairen’estpastop.Grâceàcemobileje

peuxchercherlatraductionsiunboutdeparolemeplaît,pourconfirmercequejedevine.Monangeavaitraisonquandilme l’adonné,c’est tellementmieuxquemacabine téléphonique. Ila falluque jeperdemonamourpourm’enservir,peut-êtrequesij’avaisditoui…Jedeviensfolle,cen’estpaspourautantqueBastienauraitsurvécuàcettefichuetempête.Etsic’étaitlecas?Peut-êtreest-cemapunitionpournepas l’avoiraccompagné…Jeneméritaispasunamouraussipurque le sien. J’ai toujoursété têtueet,faisantcequebonmesemblait.Sij’avaissu,j’auraisagidifféremment.Poursuivremesétudes,acceptersonsmartphoneetaussil’accompagnerenEspagne…Sij’avaisétéàlafac,jenel’auraispeut-êtrepasconnu?Moncerveaufume,essayantdetrouveruneraisonàmapeine.Dèsquejem’extirpedemesrêvesparfaits,lamachineinfernaledelaréalités’enclenche.

Mavessievaexploser.Jeme lève,débranchantmon téléphone,etm’encombredecebrasenferquisoutientlapocheàperfusion.Jemarchefaiblemententraînantdespiedsetfoncedanslasalledebains.

–Tuveuxdel’aide,petitbouchon?

JelèvelesyeuxversÉricentraindediscuteravecmameilleureamieetFlorent.Jenesavaismêmepasqu’ilétaitlà.Monamiselèveetvientm’embrasserlajoue.Flom’entouredesesbras,mepressantcontrelui.C’est apaisant d’avoir le soutien de ceux qu’on aime,mais uniquement s’ils restent silencieux. Ilsessayentdesemettreàmaplace,maispersonnenepeutcomprendreceparquoijepasse.MisàpartÉric,maiscen’estpascomparable,c’estsonpetitfrère.

–Jeveuxjusteallerauxtoilettes.

Jelâcheunsimplemurmure,maisilsm’entendentetFlomelaissepasser.Unefoisseuledanslasalledebains,jebloquesurmonreflet.Unfrissonparcourtmonéchine.Jenemereconnaispasmoi-même.Mesjoueshabituellementrebondiessontcreuséesetj’aideuxcoquardsautourdesyeux.Mescheveuxpartentdanstouslessens.JeposemesfessessurlesW.-C.,mesmainsparcourantmescuissesplusfines.Jemerelève,etsanssavoircomment,jesenslecathéterbougerdansmaveine.Jemelavelesmainsetchopeunélastiquepourremontermatignassedefolieenquelquechosedemoinsencombrant.Lorsquejeréapparaisdanslesalon,lestroispairesd’yeuxmefixent.Çafaitmalaucœur.Ilssonttouslàpourmoi,jedevraisaumoins rester avec euxmême sima compagnie n’est pas des plus agréable. Jem’installe sur le canapésilencieusement, ilsme rejoignent dans laminute.Lisa àma droite, Flo àma gauche etÉric, avec sonregardperçant,faceàmoi.Jepeuxydécelersadouleur,cellequenouspartageonstousdeux.Cemanquequi prend possession de nous, comme des drogués en cure de désintoxication. Je ne pipe mots enl’observantsansrelâche,luiquiestlàdepuisqueBastienn’yestplus.Luiquis’occupedemoi,depuisquesonfrèren’estpluslàpourlefaire.Jeluidoisbeaucoup,jelesens,jelesaisetunjourpeut-être,jeluirendrai lapareille.Devenirsonamie, luiapportermonaidequand j’enaurai la force.Néanmoins,àcejour,cetempsmeparaîtbienlointain.Florentcommeàsonhabitude,nousracontesesaventuresavecsadernièreconquêtenocturne.J’appuiematêtesurl’épauledeZazaetmeconcentrepourl’écouter.

–OnestalléàlaDuneavecdeuxoutroiscopains,enmodechasseurs.J’aivucettebruneauteintetaucorpsparfait.Tellementquej’enperdaismesmots.–Toi,restermuetfaceàunenana,impossible,taquineLisa.

–Jetejurequesi.Onsejetaitdesregardstoutelasoirée,trucdefou.J’enchaînaislesverresdewhiskypourmedonnerducourage.–Nemedispasquetuluiasvomidessus?demandeÉric.–Nonquandmêmepas.Quandj’aienfineulecouraged’allerluiparler.Ellem’aditqu’elles’appelait

Roby,jetrouvaisçasympacommeprénom.

Flocommencedéjààrireensecouantlatête.Noussommestouscaptivésparsonhistoire,mêmemoi,etçafaitdubien.

–Enfait,j’aidécouvertunefoisquej’aimismalanguedanssabouche,queRobyétaitlediminutifdeRobert…

Leséclatsderirefusentdansl’appartement.C’estcommesiunregaind’énergieenvahissaitlapièce.Jen’arrivequ’àesquisserunsourireencoin. Iln’yaqu’àFloqu’ilarrivedeshistoiressemblables.Érics’esclaffedeboncœuretgrimaceenmêmetemps.Lasonneriedesontéléphoneinterromptcemomentderépit,nousramenantàladureréalité.Ilselève,dosànous.Lisameprendlamainquandjemeraidis.

–Allô?Oui…Oh…Bien,jec…Merci.

Sesépauless’affaissentetmêmesijenedistinguepassonvisage,jepeuxressentirtoutesapeine.Leslarmessenichentdéjàdansmesprunelles.

–Éric…chuchoté-je.

Ilsetourneversmoietsemetàpleurersilencieusement.Jesecouelatêtefaiblement,toutmoncorpssemetàtrembler.Éricsemetàgenoux,faceàmoi.Sesmainsrejoignentlesmiennes.Jecomprendsquec’estfini.Unelueurd’espoirnecessedemerépéterque,tantqu’ilnedirarien,toutrestepossible.Quandilpressesatêtesurmescuisses,jeplacemesmainsfébrilesdanssatignasseetaccompagnesespleurs.

–Dis-le…suffoqué-je.

Marespirationsebloque,mepréparantàl’annoncequejeredoutetantdepuisplusieurssemaines.

–Ilsarrêtentlesrecherches,lessecoursdisentqueçanesertplusàrien,maintenant.Seloneux,Bastiennepeutêtrequem…Monpetitfrèreestmort…craque-t-il.

Sa voix se casse sur sa dernière phrase, commemon cœur volant en éclats dansma poitrine. Touts’écroule autourdemoi,mavienedevient que ruine.Les larmes envahissentmonvisage, j’arrache laperfusiondemamainetbondit.Éricessaiedemeraisonner,maisjenesuisquecrietdouleur.Monangeestmort?Non.Toutesmescraintesseconfirmentetjenel’acceptepas.JetombeparmanquedeforceetÉricvient jusqu’àmoi.Jelefrappeautorseaveclepeud’énergiequ’ilmereste.Ilentouremoncorps

chétifdesesbrasmusclés.Jemaudislavie,jemaudisl’amour,jemaudislamort…Toutcequejeveuxc’estlerejoindre,retrouvermonuniqueetgrandamourdetoujours.Éricessaiedemecalmer,maisrienn’est efficace. Le seul antidote à mon malheur est mort, son corps au fond de l’eau, dévoré par lespoissons.Ilapeut-êtresouffertous’estvupartir.Moncorpsconvulsededouleur,matêteenfouiecontreletorsed’Éricmerappellequandc’étaitceluideBastien.Jenepourraiplusvoirsessourires,nisentirsescaresses,nigoûtersesbaisers,nientendresondélicieuxrire…Àquoiboncontinuersanslui?Jen’yarriveraipas.Ilétaittoutpourmoi,sansluijenesuisrien.

JenesaiscombiendetempsjerestesurleparquetdanslesbrasdeceluiquiestlàdepuisqueBastienn’yestplus.Leslarmescontinuentd’envahirmesjoues,maisjeneréagisplus,mêmemespaupièresneclignentpresqueplus.J’ail’impressiond’êtredanssesbrasàlui,deplongerdansl’océandesesyeux.JelèvelamainverssonvisageetÉricmesouritmalgrélasouffrance.Underniersoupirsortdemabouchepourlui.Seulementlui.

–Jet’aime,Bastien…

delasaison1

Retrouvezlasaison2dèsle2juin!

Quelquesextraits

Surtonchemin

MikkySophie

Jade, jeuneétudianteenmédecine,n’aqu’unseulobjectif : rendre fiers sesparents.Léo,baroudeursansattache,n’aaucunobjectifsicen’estdenejamaiss’enfixer.

Laroutine:selever,prendreunedouche,sedoperàlacaféine.

L’imprévisible : se lever sans savoir où on est, ni avec qui.Mais lorsque les chemins de ces deuxindividussecroisent,lescertitudess’effondrent.

LafoliemystérieusedeLéosera-t-elletropexcentriquepourlasérieuseetprévisibleJade?Rienn’estmoinssûr!Méfiez-vousdesapparences!

ParMikkySophie

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Extrait

Radioréveil.Ilestcinqheures.Laziza,Laziza,jeteveuxsituveuxdem…Mamaininterrompt,d’uneviolentegiflesurl’interrupteur,lavoixenchanteressedeDanielBalavoine.

J’aibesoindequelquesminutesdesommeilsupplémentairespouractivermesneurones.Encoreuneminute.Si,si,jevaismelever.Danscinqpetitessecondes.5,4,4,4,4.Le souffle chaud de Vitamine, assise au pied de mon lit, caresse mon visage. J’entends ses

gémissements.Jeluitourneledospoursombrerquelquesminutesdeplusdanslesommeil.Déterminéeàleversamaîtresse,ellejappeàmonoreille.Touslesmatins,machiennem’apportemes

pantoufles.Elleestbiendressée.Mespaupièressesoulèventavecdifficulté.Sesoreillespendantesserelèventetsatruffehumideetglacéemechatouillelajoue.Jegrattesonmuseaupourluisignalerqu’ellen’estpaspasséeinaperçue.Lapetitequeuefrétillantedemoncockerirlandaiss’agitedebonheurlorsquejemelèveenfin.L’air

frais qui s’infiltre sous mon pyjama molletonné me fait frissonner. Je regrette aussitôt ma couettevolumineuseetglissemespiedsau fonddemeschaussonshumides. J’auraismieux faitdedressermachienneànepasbaver.Jemetraîneavecpeudemotivationjusqu’àlasalledebains.Lalumièreblanchem’éblouit.Jecligne

plusieursfoisdespaupièrespouradaptermavueàlacruautédesréveilsaprèsunecourtenuit.Jenemecouche jamais tard, en tempsnormal. J’appréciemeshuit heuresde sommeil obligatoires.

Elles sont nécessaires à l’organisme pour se ressourcer efficacement et assurer une longue vie. Lesrevuesmédicales le préconisent régulièrement et je suis bien placée pour le savoir.Mes parents sontmédecinstouslesdeux.Mamèreestpédiatre,monpèreestradiologue.Loindeladérivedemonfrère,ergothérapeute, je fais la fierté de mes parents en poursuivant des études de médecine. Je suis enquatrièmeannéeetj’aimeraismespécialiserencardiologie.J’allumelaradiopourcouvrirlesilenceassourdissantdel’aube.Parlafenêtreembuée,j’aperçoisla

brumeblanchequiopacifiel’oréedubois.Desfrissonstraversentmoncorps.Jenemesuispasencorehabituéeàhabiteraussiloindelaville.MatanteJuliaestunebaroudeuseassoifféedevoyage.Elleestrarementlà.Voilàdeuxsemainesqu’elleestpartiefaireletourdel’Europecentrale.Samaison,prochedel’universitérenomméedanslaquellejevoulaisétudier,étaitlasolutionlamoins

onéreuse. Mes parents auraient tout aussi bien pu me payer la location d’une chambre en résidenceestudiantine,maisjen’auraispaspuprendreVitamineavecmoi.Assiseàmespieds,ellelèvelapattedansmadirection.

–Jesais,mafille,tuveuxsortir?Le mot magique prononcé, Vitamine court vers la porte d’entrée. « Sortir » dans le jargon canin

pourraitsecomparerà«argent»pourl’espècehumaine,à«électrocardiogramme»pourmoi.–Laisse-moimepréparer,bêtasse!Jemets lacafetièreen routeavantde filer sous ladouche.L’eauchaude ruisselle surmapeauavec

délice.Jemerincelongtemps,àlalimiteduraisonnable.Danslemiroir,jeconstatequemapeaupâlearougisurmescuissesetdansmoncou,oùj’ailaissélejetbouillants’attarder.Jemesècheenvitesseetretournedansmachambrecachermanudité.Dans l’armoire en chêne, je choisis un jeans classique et un pull à col rond vert bouteille pour

camouflerma poitrine opulente. J’étale ensuite de la crème hydratante surmon visage et un baume àlèvresaubeurredekarité.Lescheveuxtirésenqueuedecheval,jesuisprête.Enarrivantdanslacuisine,l’odeurducaféinfiltremesnarines.Quelmerveilleuxparfum!J’avalemadosedecaféineprestement,enfilemesbottesencaoutchoucetmonciréjauneavantdesortir.Il fait frais, cematin, et le jour se lève à peine. Je longe l’allée quimène à la forêt de Salvagny,

Vitaminesurmestalons.Ellesautilled’arbreenarbreenreniflantchaquetroncetchaquetaluscommeunefragrancerareetenvoûtante.J’enfouismesmainsdansmespochesetmatêtedanslesépaules.Attentiveauxbruitsqu’offrelanature,jenesuispasrassurée.Lescraquementsdesbranches,levent

qui siffle, le cri de quelques oiseaux étranges me glacent le sang. Habituellement, je suis dans monélémentici,maisàcausedureportagequim’atenuenéveiltardhiersoir,jefabuleàlamoindresonorité.Jedevraism’abstenirdevisionnerdes filmsd’horreurouFaitesentrer l’accusé,Crimes et Enquêtescriminellestantquejesuisseuledanslamaison.Touscesfaitsrelatésetsordidesneréussissentqu’àmefairecraindrequ’un tueurensériemesauteà lagorgeetm’enterreau fin fondde la forêt.Moncorpsseraitmangépardescoyotesaffamésetdesvautourscharognardsavantquelapolicenemeretrouve.Lespreuvesseraienteffacéesetletueurresteraitenliberté,àl’affûtd’unefutureproiefragileetinnocente.Vitamineaboiepourmesortirdemesrêveriesmorbides.Jen’avaispas réaliséquemesfabulations

avaient pris le contrôle, non seulement dema tête,mais aussi demes jambes. Immobile aumilieu duchemin,jeréaliselatournuredisproportionnéequ’ontprisemespensées.Jericane.LeboisdeSalvagnyest loin de ressembler à la forêt de Sherwood et la seule fois où j’ai croisé une bête féroce ici, ilressemblaitàunepeluche.Lelapindévoreurdechairhumainen’ayantpasencoreétérépertoriécommenouvelleespèce…Pour ce qui est des êtres humains j’ai beau remonter loin dansmamémoire, je n’ai jamais croisé

quelqu’un sur ces chemins à des heures aussi matinales. Il n’y a ici que des sentiers de randonnéespédestresempruntésquelquefoisledimanchepardesfamillesenquêted’airpur.LamaisondematanteestassezisoléedesautreshabitationsetlesseulesdemeuresquilongentlesboisducôtéOuestsontlouésàdes étudiants en colocation.Laplupart sont aussi à la facultédemédecine.S’ilsn’ontpasnezdansleursrévisions,ilsévacuentlapressiondansdesfêtesmémorables.Enfin,c’estcequej’aientendudire.Lespromenadesnefontdoncpaspartiesdeleurshobbies.

Betrayed

SophieAuger

Avantdeseréfugierdansledomained’unevieilledame,enpleinmilieudesvignesduBeaujolais,lavie de la jeune Lily a toujours été rythmée par son métier. Dans les cuisines du London Palace, latalentueusesous-chefdirigeaitd’unemaindemaître l’undesrestaurants lesplusréputésde lacapitalebritannique.Siseulementellen’étaitpastombéesouslecharmedecedragon…Trahie,Lilytenterapartouslesmoyensdesereconstruireavecl’aidedesesamis.MaisVictorrestera-

t-ilàjamaismaîtredesoncœur?

ParSophieAuger.

Participezàl’aventureNishaEditionssurFacebook:NishaEditions;suivezlaviedelarédactionsurTwitter@NishaEditionsetdécouvreznotrecataloguesurnotresiteinternetwww.nishaeditions.com

Extrait

–Tum’asmenti?Tum’asmentipendantdessemaines!

Jesuisfaceàl’hommepourquij’aitoutsacrifié,celuipourquij’aitoutoublié–jusqu’àmoi-même…Jesensqu’ilestsurlepointdecraquer,maisjeresteinsensible,impassible.Seslèvressontpincéespourretenirlalonguecomplaintequimenacedeluiéchapper.Ilestaffolé,apeuré,parchacunedemesréactions.

–Lily…murmure-t-ilfinalementententantdem’attraperlebras.–Nemetouchepas!Jetel’interdis!Tum’entends?Jeneveuxplusquetum’approches!

Cethommeaperdutoussesdroitssurnotreavenir.

–Mais,Lily…Jet’aime…

J’explosealorsderire.Unrirenoiretsombre.Sansjoie.Unemélodiequiseveuttragiqueàsesoreilles.Ildoitsubirlesconséquencesdesatrahison.

Jenesouhaitepasentendrecesmots.Jenepeuxpasentendrecesmots.Ilssontfaux,empoisonnésparl’êtrequioselesprononcer.

–Tum’aimes?J’espèrequetuplaisantes!raillé-je.Onnefaitpasçaauxgensqu’onaime!Onneleurmentpas,onnejouepasundoublejeu!Onfaitdeschoix,onesthonnête!Onneleurcachepasdeschoses.Surtoutpascegenredechoses!ajouté-je,prêteàexploser.–Lily,s’ilteplaît…lâche-t-il,lespoingsserréspournepascraquer.

Iltenteencoreunefoisdemeretenir,maisjelerepoussesanslemoindreremord,enignorantcequemedictemoncœurenmiettes.

–C’estfini!Tuentends?FINI!Jeneveuxplusjamaisterevoir!Plusjamais!hurlé-je.

Collection«Nisha’sSecret»

Obsessionsinsoumises,Mael–AngelArekin

Obsessionsinsoumises,Rory&Max–AngelArekin

Obsessionsinsoumises,Yano–AngelArekin

Jeuvespéral–AngelArekin

Àpleinesmains,Elsa–EvadeKerlan

Dévorerduregard,Milia–EvadeKerlan

Irrésistible,Natalia–EvadeKerlan

Semettreauparfum,Josh–EvadeKerlan

Frissonsdenuit–CindyLucas

Joueaveclefeu–CindyLucas

Pactesensuel–CindyLucas

Ungoûtd’interdit–CindyLucas

Déclencheurdeplaisir–TwinyB.

L’artiste–TwinyB.

Orgasmesnocturnes–TwinyB.

Plaisirsmasqués–TwinyB.

Pariàtrois–OlyTL

SoumiseAïko–OlyTL

Soumissionaquatique–OlyTL

Yoga&supplices–OlyTL

ZeusDating–EvadeKerlan

Songed’unenuittorride–JoyMaguene

Lilas–OlyTL

Collection«DiamantNoir»

LaChute,saisons1et2–TwinyB.

BlackSky–TwinyB.

OurLastDays,saison1–TwinyB.

Nerougispas,saisons1,2et3–Lanabellia

Nefermepastaporte,saison1–Lanabellia

Play&Burn–FannyCooper

NoControl–FannyCooper

Alia,lesvoleursdel’ombre–SophieAuger

Betrayed–SophieAuger

Him–SophieAuger

Dimitri–SophieAuger

NightofSecrets–SophieAuger

Journald’ungentleman,saisons1et2– EvadeKerlan

LoveonProcess– Rachel

GetHigh,saison1–AvrilSinner

LoveBusiness–AngelArekin

Gabriel–AngelArekin

Surtonchemin–MikkySophie

SexAttraction–AurélieColeen

Collection«FeelGood»

HollywoodenIrlande–ElisiaBlade

Séduire&Conquérir–ElisiaBlade

LeGoûtduthé,celuiduvent–EveBorelli

Aprèsl’obscurité–EveBorelli

L’Étreintedesvagues–OliviaBillington

JudithSardisassureaussibienenbikiniqu’engrenouillère–AmiraEdich

Collection«Nisha’sDream»

Olympe–CindyLucas

Auteure:TwinyB.

Suiviéditorial:MarieGallet

NishaEditions

21,ruedestanneries

87000Limoges

N°Siret82113207300015

N°ISSN2491-8660

Notes[←1]

.Opérationconsistantàmarquerlestaureauxouleschevauxauferrouge.FêtecélébréeàcetteoccasionenCamargue.

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