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Lrsquoutilisation des technologies de lrsquoinformation et de lacommunication agrave lrsquohocircpital face au droit
Laora Tilman
To cite this versionLaora Tilman Lrsquoutilisation des technologies de lrsquoinformation et de la communication agrave lrsquohocircpital faceau droit Droit Universiteacute du Droit et de la Santeacute - Lille II 2017 Franccedilais NNT 2017LIL20008tel-01681272
ComUE Lille Nord de France
Thegravese deacutelivreacutee par
LrsquoUniversiteacute de Lille Droit et Santeacute
Ndeg attribueacute par la bibliothegraveque
__|__|__|__|__|__|__|__|__|__|
THEgraveSE
Pour obtenir le grade de Docteur en Droit public
Preacutesenteacutee et soutenue publiquement par
Laora TILMAN
Le 28 septembre 2017 agrave 14h30
Lrsquoutilisation des technologies de lrsquoinformation et de la communication agrave
lrsquohocircpital face au droit
JURY
Directeur de thegravese Madame Johanne SAISON-DEMARS Professeur des universiteacutes
Universiteacute Lille 2 Droit et Santeacute
Membres du jury Madame Ceacutecile MANAOUIL Professeur des universiteacutes Universiteacute
de Picardie Jules Verne Rapporteur
Monsieur Marcel MORITZ Maicirctre de confeacuterences des universiteacutes
Universiteacute Lille 2 Droit et Santeacute Suffragant
Monsieur Franccedilois VIALLA Professeur des universiteacutes Universiteacute
Montpellier 1 Rapporteur
Madame Caroline ZORN Docteur en droit priveacute
Suffragante
LrsquoUniversiteacute de Lille 2 nrsquoentend donner aucune approbation ni improbation
aux opinions eacutemises dans cette thegravese Elles doivent ecirctre consideacutereacutees comme propres agrave
leur auteur
Remerciements
Jrsquoadresse drsquoabord mes remerciements agrave Madame Johanne Saison- Demars qui mrsquoa
accordeacute sa confiance et a accepteacute de diriger mes travaux de recherche Son soutien sa
disponibiliteacute et ses conseils mrsquoont permis drsquoarriver au terme de cette thegravese
Je remercie les membres du jury qui mrsquoont accordeacute le privilegravege de leur preacutesence
Madame le Professeur Ceacutecile Manaouil Monsieur Marcel Moritz Monsieur le Professeur
Franccedilois Vialla et Madame Caroline Zorn
Je tiens agrave remercier lrsquoAssociation Nationale de la Recherche et de la Technologie
(ANRT) pour le soutien financier qursquoelle mrsquoa accordeacute Je remercie eacutegalement le CHRU de
Lille pour son accompagnement
Jrsquoexprime ma profonde gratitude agrave Monsieur Paul Barincou ancien Directeur des
Affaires Juridiques du CHRU de Lille qui mrsquoa permis de preacuteparer cette thegravese dans le cadre
drsquoune CIFRE Ces travaux nrsquoauraient pas vu le jour sans lrsquoopportuniteacute qursquoil mrsquoa accordeacutee Je
remercie eacutegalement Madame Marie-Charlotte Dalle Directrice des Affaires Juridiques du
CHRU de Lille pour son soutien et sa bienveillance au quotidien
Je tiens agrave exprimer ma reconnaissance agrave lrsquoeacutegard de mes proches mes parents qui
mrsquoont soutenue au long de mes eacutetudes de droit et ma sœur pour son eacutecoute sans faille Je
remercie sincegraverement mon conjoint pour sa preacutesence sa patience ses encouragements
La thegravese est un travail long et prenant Dans ce contexte lrsquoappui et le soutien de mes
amis a eacuteteacute une aide preacutecieuse Je leur en suis extrecircmement reconnaissante
Je tiens enfin agrave remercier mes relecteurs Alice dont les bons mots ont eacutegayeacute mes
corrections Elise qui mrsquoa accompagneacutee tout au long de ma thegravese Emmanuelle Franccedilois et
Marie qui ont pris le temps de mrsquoeacutepauler et de srsquointeacuteresser agrave mes travaux Heidi pour sa
rigueur et ses conseils aviseacutes Rodolphe qui a pris le temps de ponctuer sa relecture de
remarques preacutecieuses
1
Sommaire
PREMIERE PARTIE Le cadre juridique de lrsquoutilisation des TIC agrave lrsquohocircpital un cadre
incomplet
Titre 1TIC et informatisation des donneacutees de sante un cadre parfois inadapteacute
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des
informations relatives aux patients
Titre 2 TIC et prise en charge meacutedicale un cadre en eacutevolution
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
SECONDE PARTIE Les voies de seacutecurisation de lrsquoutilisation des TIC agrave lrsquohocircpital
Titre 1 Lrsquoimpulsion de la seacutecurisation au niveau national
Chapitre 1 Une gouvernance forte des systegravemes drsquoinformation en santeacute une
prioriteacute
Chapitre 2 La refonte du cadre juridique un effort neacutecessaire
Titre 2 Les eacutetablissements de santeacute acteurs cleacutes de la seacutecurisation de lrsquoutilisation des
TIC agrave lrsquohocircpital
Chapitre 1 Les eacutetablissements de santeacute au cœur de la seacutecurisation de leurs
pratiques
Chapitre 2 Un exemple de seacutecurisation reacuteussie le CHRU de Lille
3
Principales abreacuteviations
AJDA Actualiteacute Juridique Droit Administratif
AN Assembleacutee nationale
Ass Pleacuten Assembleacutee pleacuteniegravere
Bull crim Bulletin des arrecircts de la Cour de cassation chambre criminelle
CAA Cour administrative drsquoappel
CC Conseil constitutionnel
CE Conseil drsquoEtat
Cass civ Cour de cassation chambre civile
Cass crim Cour de cassation chambre criminelle
Cass soc Cour de cassation chambre sociale
Chron Chronique
CHU Centre hospitalier universitaire
CJUE Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne
Comm Commentaires
Concl Conclusions
CPOM Contrats pluriannuels drsquoobjectifs et de moyens
D Recueil Dalloz
DDS Droit deacuteontologie et soin
DGOS Direction geacuteneacuterale de lrsquooffre de soins
DMP Dossier meacutedical partageacute
eacuted Edition
Fasc Fascicule
Gaz Pal Gazette du palais
GHT Groupement hospitalier de territoire
Ibid Mecircme ouvrage agrave la mecircme page
Id Mecircme ouvrage
In Dans
INS Identifiant national de santeacute
Infra Ci-dessous
JCP Jurisclasseur peacuteriodique (La semaine juridique)
4
JORF Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise
LGDJ Librairie Geacuteneacuterale de Droit et de Jurisprudence
LPA Les petites affiches
ndeg Numeacutero
NIR Numeacutero drsquoinscription au reacutepertoire
Obs Observations
Op cit Opere citato (dans lrsquoouvrage preacuteciteacute)
PUF Presses universitaires de France
PUN Presses universitaires de Nancy
RDP Revue de droit public
RDC Revue de droit des contrats
RDS Revue Droit et santeacute
RDSS Revue de droit sanitaire et social
Rec Recueil Lebon
RF adm publ Revue franccedilaise drsquoadministration publique
RFDC Revue franccedilaise de droit constitutionnel
RGDM Revue geacuteneacuterale de droit meacutedical
RTD civ Revue trimestrielle de droit civil
s Suivant
S Recueil Sirey
Supra Ci-dessus
TA Tribunal administratif
TC Tribunal des conflits
TGI Tribunal de grande instance
TIC Technologies de lrsquoinformation et de la communication
V Voir
vol Volume
7
Introduction Geacuteneacuterale
laquo Dans le domaine de la santeacute le XIXegraveme siegravecle avait connu la reacutevolution pasteurienne le
XXegraveme celle entraicircneacutee par la deacutecouverte de la peacutenicilline il est probable que le XXIegraveme en
connaicirctra deux la geacuteneacutetique et linteacutegration agrave la meacutedecine des nouvelles technologies de
linformation qui vont bouleverser en profondeur lorganisation et la conception que nous
nous faisons de la meacutedecine raquo1
1 Lrsquointroduction reacuteussie des Technologies de lrsquoInformation et de la Communication
(TIC) dans la pratique meacutedicale repreacutesente un enjeu important dans la reacutenovation du systegraveme
de santeacute franccedilais Les TIC apparaissent en effet comme lrsquooutil ideacuteal permettant de reacutepondre
aux deacutefis majeurs que rencontre notre systegraveme de santeacute aujourdrsquohui Drsquoabord elles participent
agrave une meilleure coordination des soins en ameacuteliorant le recueil des informations relatives aux
patients et la communication de celles-ci entre les professionnels de santeacute Elles permettent
eacutegalement drsquoassurer un accegraves aux soins agrave certains patients situeacutes dans certaines zones du
territoire mal doteacutees en termes drsquooffre de soins Il srsquoagit en effet drsquooutils capables de
laquo reacutepondre aux situations drsquoisolement et drsquoeacuteloignement geacuteographique dues agrave la rareacutefaction
des meacutedecins geacuteneacuteralistes et speacutecialistes dans certaines reacutegions raquo mais permettant eacutegalement
drsquoatteacutenuer laquo les effets du cloisonnement et de la complexiteacute de lrsquoorganisation des soins et des
aides sociales notamment agrave la sortie de lrsquohocircpital lorsque lrsquoeacutetat du patient neacutecessite une
teacuteleacutesurveillance meacutedicale agrave domicile et des aides non meacutedicales raquo2 Ensuite leur utilisation est
source drsquoeacuteconomies non neacutegligeables en matiegravere de deacutepenses de santeacute Enfin les TIC en santeacute
garantissent un accegraves eacutelargi agrave lrsquoensemble du territoire aux expertises meacutedicales de pointe
2 Le dictionnaire Larousse deacutefinit les Technologies de lrsquoInformation et de la
Communication comme lrsquolaquo ensemble des techniques et des eacutequipements informatiques
permettant de communiquer agrave distance par voie eacutelectronique raquo Les TIC peuvent eacutegalement
1 DIONIS du SEJOUR Jean ETIENNE Jean-Claude laquo Les teacuteleacutecommunications agrave haut deacutebit au service du
systegraveme de santeacute raquo rapport de lrsquooffice parlementaire deacutevaluation des choix scientifiques et technologiques
2004 p 8 2 LABORDES Pierre laquo La teacuteleacutesanteacute un nouvel atout au service de notre bien-ecirctre raquo La Documentation
franccedilaise p 39
Introduction geacuteneacuterale
8
ecirctre deacutefinies comme les technologies qui laquo englobent toutes les technologies numeacuteriques
facilitant la saisie le traitement le stockage et lrsquoeacutechange eacutelectroniques drsquoinformations raquo3
Dans le domaine plus speacutecifique de la santeacute lrsquoutilisation des TIC est multiple Ces outils sont
utiliseacutes dans de nombreuses situations assez diverses et derriegravere lrsquoexpression de TIC en
santeacute nous retrouvons de nombreuses pratiques telle que la e-santeacute les activiteacutes de
teacuteleacutemeacutedecine (ou parfois appeleacutees plus largement teacuteleacutesanteacute) lrsquoinformatisation des donneacutees de
santeacute par le biais de la creacuteation de dossier meacutedicaux informatiseacutes mais eacutegalement le dispositif
SESAM-Vitale (dans le cadre de la mise en place de la teacuteleacutetransmission des feuilles de soins)
le deacuteveloppement des cartes puce (carte Vitale carte CPS) les sites drsquoinformation en santeacute
sur Internet ou encore plus reacutecemment le deacuteveloppement des objets connecteacutes en santeacute
3 Face agrave la multipliciteacute et agrave la complexiteacute du sujet nous avons fait le choix de concentrer
notre recherche plus speacutecifiquement sur lrsquoutilisation des TIC dans la pratique meacutedicale crsquoest-
agrave-dire lrsquoutilisation des TIC comme outils intervenant directement dans la prise en charge
meacutedicale drsquoun patient par les professionnels de santeacute et plus particuliegraverement dans le cadre
drsquoactes de soins de diagnostic ou de preacutevention
4 Lrsquohocircpital4 de par ses missions
5 et son organisation apparait alors comme eacutetant le
terrain ideacuteal de notre eacutetude Le systegraveme de santeacute franccedilais se caracteacuterise par la coexistence de
plusieurs types drsquoeacutetablissements de santeacute les eacutetablissements publics de santeacute drsquoune part et
les eacutetablissements priveacutes drsquoautre part Parmi ces derniers nous retrouvons les eacutetablissements
de santeacute drsquointeacuterecirct collectif (ESPIC) et les eacutetablissements poursuivant un but lucratif Les
3 GAGNON Marie-Pierre BRETON Erik laquo Lrsquoinfluence des technologies de lrsquoinformation et des
communications sur le maintien en poste des infirmiegraveres raquo Santeacute Publique 20133 (Vol 25) p 126 4 Le dictionnaire Larousse deacutefinit lrsquohocircpital comme eacutetant un laquo eacutetablissement public ou eacutetablissement priveacute ayant
passeacute certaines conventions avec lEacutetat et ougrave peuvent ecirctre admis tous les malades pour y ecirctre traiteacutes raquo 5 Lrsquoarticle L 6111-1 du Code de la santeacute publique preacutevoit que laquo les eacutetablissements de santeacute publics priveacutes
dinteacuterecirct collectif et priveacutes assurent dans les conditions preacutevues au preacutesent code en tenant compte de la
singulariteacute et des aspects psychologiques des personnes le diagnostic la surveillance et le traitement des
malades des blesseacutes et des femmes enceintes et megravenent des actions de preacutevention et deacuteducation agrave la santeacute Ils
deacutelivrent les soins le cas eacutecheacuteant palliatifs avec ou sans heacutebergement sous forme ambulatoire ou agrave domicile le
domicile pouvant sentendre du lieu de reacutesidence ou dun eacutetablissement avec heacutebergement relevant du code de
laction sociale et des familles Ils participent agrave la coordination des soins en relation avec les membres des
professions de santeacute exerccedilant en pratique de ville et les eacutetablissements et services meacutedico-sociaux dans le cadre
deacutefini par lagence reacutegionale de santeacute en concertation avec les conseils deacutepartementaux pour les compeacutetences
qui les concernent Ils participent agrave la mise en œuvre de la politique de santeacute et des dispositifs de vigilance
destineacutes agrave garantir la seacutecuriteacute sanitaire Ils megravenent en leur sein une reacuteflexion sur leacutethique lieacutee agrave laccueil et la
prise en charge meacutedicale Ils peuvent participer agrave la formation agrave lenseignement universitaire et post-
universitaire agrave la recherche et agrave linnovation en santeacute Ils peuvent eacutegalement participer au deacuteveloppement
professionnel continu des professionnels de santeacute et du personnel parameacutedical raquo
Introduction geacuteneacuterale
9
eacutetablissements publics de santeacute quant agrave eux sont des personnes morales de droit public
doteacutees drsquoune autonomie administrative et financiegravere6 Le secteur public se caracteacuterise par une
regraveglementation abondante et diversifieacutee portant sur lrsquoorganisation des eacutetablissements leur
fonctionnement ou encore la gestion de leur personnel Crsquoest notamment pour cette speacutecificiteacute
que nous avons fait le choix de concentrer nos recherches sur les eacutetablissements publics de
santeacute
5 Dans ce contexte lrsquointroduction des TIC a ouvert de nombreuses possibiliteacutes de prises
en charge innovantes (Paragraphe I) en permettant notamment le deacuteploiement de la
teacuteleacutemeacutedecine Neacuteanmoins lrsquoutilisation de ces nouveaux outils peut eacutegalement ecirctre source de
deacuterives et de nombreuses questions se posent quant agrave lrsquoencadrement de leur mise en place
(Paragraphe II) Le droit apparait alors comme un outil incontournable pour accompagner
lrsquoexpansion de lrsquoutilisation des TIC en santeacute Cependant il va eacutegalement se reacuteveacuteler ecirctre dans
certaines situations un frein au deacuteveloppement peacuterenne des TIC dans la pratique meacutedicale
soit par ses lacunes soit par son excegraves de rigueur et geacuteneacuteralement par son caractegravere inadapteacute
Notre eacutetude va ainsi srsquoattacher agrave preacutesenter le caractegravere lacunaire du cadre juridique de
lrsquoutilisation des TIC en santeacute avant de reacutefleacutechir aux pistes de seacutecurisation possibles
(Paragraphe III)
sect1 Les multiples possibiliteacutes offertes par lrsquointroduction des TIC dans la
pratique meacutedicale
laquo Lessentiel cest dabord cette conviction que nous partageons tous que la teacuteleacutesanteacute nest pas
un sujet comme un autre mais le systegraveme qui dans les anneacutees agrave venir va transformer les
pratiques meacutedicales voire la maniegravere mecircme dont nous concevons la santeacute raquo7
6 Qualifieacutee de laquo nouvelle reacutevolution meacutedicale raquo8 lrsquointroduction des TIC dans la pratique
meacutedicale repreacutesente le renouveau de lrsquoactiviteacute meacutedicale et le deacuteveloppement croissant de leur
utilisation ouvre de nouvelles possibiliteacutes dans la prise en charge et le suivi agrave distance des
6 Article L 6141-1 du Code de la santeacute publique
7 Deacuteclaration de Mme Roselyne Bachelot Ministre de la santeacute de la jeunesse des sports et de la vie associative
sur lutilisation des technologies de linformation et de la communication au service de la santeacute Paris le 4
novembre 2008 Disponible sur [httpdiscoursvie-publiquefr] 8 LABORDES Pierre laquo La teacuteleacutesanteacute un nouvel atout au service de notre bien-ecirctre raquo op cit p 39
Introduction geacuteneacuterale
10
patients Celles-ci sont nombreuses et certaines drsquoentre elles ont retenues plus
particuliegraverement notre attention Veacuteritable espoir pour les zones geacuteographiques mal
desservies mais eacutegalement pour les populations isoleacutees les TIC permettent lrsquoaccegraves agrave des
expertises de pointe (A) Par ailleurs lrsquoutilisation des TIC preacutesente eacutegalement un inteacuterecirct dans
la mise en œuvre de politiques de preacutevention au travers du deacuteveloppement des objets
connecteacutes (B) Deux possibiliteacutes qui meacuteritent que nous nous y attardions
A Les TIC nouvel espoir pour les prises en charges difficiles
7 La reacutepartition de lrsquooffre de santeacute sur le territoire franccedilais est ineacutegale A titre
drsquoexemple en 2015 alors que la reacutegion Ile-de-France comptait plus de 3000 cabinets
meacutedicaux la Picardie nrsquoen comptait qursquoentre 500 et 1000 et la Corse moins de 5009 Bien que
les effectifs de meacutedecin aient augmenteacute jusqursquoen 2008 lrsquoabaissement du numerus clausus
dans les anneacutees 90 a pour conseacutequence depuis 2009 une baisse du nombre de meacutedecins qui
devrait continuer jusqursquoen 2019 et qui sera accompagneacute agrave compter de 2025 drsquoun deacutepart
massif agrave la retraite de meacutedecins provoquant ainsi une baisse de 10 de leur nombre10
Ces
deacuteparts risquent de fragiliser grandement certains territoires deacutejagrave mal desservis Dans ce
contexte difficile la teacuteleacutemeacutedecine qui srsquoest deacuteveloppeacutee gracircce agrave lrsquointroduction des TIC dans la
pratique meacutedicale apparait comme un des outils agrave privileacutegier afin de maintenir un eacutegal accegraves
aux soins sur le territoire Drsquoailleurs le Ministegravere de la santeacute lors du lancement du pacte santeacute
territoire11
ndeg2 en 2015 a preacutevu au titre de ses dix nouvelles actions un investissement de
plus de 40 millions drsquoeuros pour deacutevelopper la teacuteleacutemeacutedecine en ville en particulier pour les
patients chroniques et les soins urgents
8 La teacuteleacutemeacutedecine preacutesente des avantages multiples elle facilite lrsquoaccegraves agrave des soins de
qualiteacute pour des personnes situeacutees dans des zones isoleacutees et contribue au maintien de lrsquooffre
de soins de proximiteacute tout en apportant une expertise de pointe accessible via les TIC Elle
permet eacutegalement le suivi agrave distance des populations fragiles ou chroniques limitant ainsi
9 DGOS laquo Les chiffres cleacutes de lrsquooffre de soin raquo eacutedition 2015 p 4 Disponible sur [httpwwwfnehadfr]
consulteacute le 2 mai 2017 10
LABORDES Pierre laquo La teacuteleacutesanteacute un atout au service de notre bien-ecirctre raquo op cit p 46 11
Lanceacute en 2012 et compleacuteteacute en 2015 le Pacte Santeacute Territoire a pour objectifs de lutter contre la deacutesertification
meacutedicale et drsquoassurer une meilleure reacutepartition des meacutedecins sur le territoire
Introduction geacuteneacuterale
11
leurs deacuteplacements et ameacuteliorant leur qualiteacute de vie Lrsquointroduction de la teacuteleacutemeacutedecine dans la
pratique des professionnels de santeacute va eacutegalement rendre le temps meacutedical plus efficient12
Enfin la prise en charge de certaines urgences vitales va ecirctre ameacutelioreacutee la teacuteleacutemeacutedecine
permettant aux services drsquourgence de recueillir plus facilement et plus rapidement des avis
speacutecialiseacutes neacutecessaires Crsquoest le cas par exemple de lrsquoaccident vasculaire ceacutereacutebral ischeacutemique
(AVC) pour lequel lrsquoavis drsquoun neuroradiologue est neacutecessaire Le recours agrave la teacuteleacuteexpertise
dans ce cas permet alors drsquoeacutetablir rapidement un diagnostic et drsquoenvisager la suite de la prise
en charge du patient en limitant ainsi toutes pertes de chance
9 Crsquoest pourquoi degraves 2011 la Direction Geacuteneacuterale de lrsquoOffre de Soins (DGOS) en
charge du pilotage de la strateacutegie nationale de deacuteploiement de la teacuteleacutemeacutedecine sur le territoire
avait identifieacute cinq theacutematiques consideacutereacutees comme prioritaires Il srsquoagissait de la permanence
des soins en imagerie meacutedicale de la prise en charge des accidents vasculaires ceacutereacutebraux
(AVC) de la santeacute des personnes deacutetenues de la prise en charge dune maladie chronique (et
notamment lrsquoinsuffisance reacutenale chronique lrsquoinsuffisance cardiaque diabegravete ) et des soins
en structure meacutedico-sociale ou en hospitalisation agrave domicile (HAD)
Ainsi plusieurs projets de teacuteleacutemeacutedecine ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes en France autour de ces
probleacutematiques LrsquoANAP dans un guide publieacute en mai 2012 avait drsquoailleurs dresseacute un
premier bilan de 25 projets srsquoinscrivant dans les cinq theacutematiques prioritaires et identifieacutes
comme suffisamment matures pour servir drsquoexemple aux acteurs souhaitant deacutevelopper un
projet de teacuteleacutemeacutedecine
10 Dans ce contexte les eacutetablissements publics de santeacute apparaissent ecirctre les acteurs
centraux de la majoriteacute des projets de teacuteleacutemeacutedecine actuellement recenseacutes13
De nombreux
exemples pourraient ecirctre citeacutes14
nous faisons le choix de nous attarder sur deux projets
speacutecifiques qui deacutemontrent bien agrave notre sens les enjeux de la teacuteleacutemeacutedecine
12 SIMON Pierre laquo Comment deacutevelopper la teacuteleacutemeacutedecine Ougrave raquo disponible sur
|httpesantegouvfractustelemedecine] Consulteacute le 15 mai 2017 13
laquo Le recensement des activiteacutes de teacuteleacutemeacutedecine raquo rapport de la DGOS deacutecembre 2012 14
V notamment en ce sens HERVIEU-BEGUE Marie GIROUD Maurice BEJOT Yannick laquoUn reacuteseau
de teacuteleacutemeacutedecine pour AVC raquo Soins Aides-Soignantes Volume 14 2017 p 13-14 Le BŒUF Dominique
laquo La teacuteleacutemeacutedecine en France du concept agrave la pratique raquo Soins Volume 61 2016 pp 28-30 PERRIER-
BONNET Sabine laquo Une consultation de teacuteleacutemeacutedecine dans le cadre drsquoun reacuteseau plaies et cicatrisation raquo La
Revue de lInfirmiegravere Volume 65 2016 pp 35-37
Introduction geacuteneacuterale
12
11 Le premier est un projet de teacuteleacutepsychiatrie deacuteveloppeacute par le centre hospitalier de
Rouvray degraves 200715
Cet eacutetablissement psychiatrique dispose drsquoun service de psychogeacuteriatrie
comprenant notamment une eacutequipe mobile intervenant au sein de diffeacuterents EHPAD Un
projet de teacuteleacutepsychiatrie pour les sujets acircgeacutes srsquoest deacuteveloppeacute initialement sur cinq sites (le
CHR de Rouvray 3 CMP un EHPAD et une uniteacute drsquoaccueil familial theacuterapeutique) Les
premiers retours de cette expeacuterimentation eacutetant positifs lrsquoactiviteacute de teacuteleacutepsychiatrie a eacuteteacute
maintenue et srsquoest accentueacutee Ainsi le nombre des teacuteleacuteconsultations assureacutees par les cinq
psychiatres deacutedieacutes agrave lrsquoactiviteacute ont augmenteacute passant de pregraves de 100 teacuteleacuteconsultations en 2012
agrave 462 en 2014 Pour les eacutequipes mobiles cet outil a permis drsquoeacutetendre leur couverture
territoriale et drsquoameacuteliorer leur reacuteactiviteacute diminuant ainsi le recours aux services drsquourgences
Cette expeacuterience qui srsquoinscrit dans le contexte particulier de la baisse de lrsquooffre de soins
psychiatriques dans certaines zones rurales et de la prise en charge de populations fragiles agrave
mobiliteacute reacuteduite (les personnes acircgeacutees) deacutemontre lrsquointeacuterecirct et la plus-value de la teacuteleacutemeacutedecine
dans ce type de prise en charge
12 Le second est un projet de teacuteleacuteexpertise pour les urgences neurochirurgicales
deacuteveloppeacute par le CHRU de Lille le reacuteseau TELURGE Ce dispositif est un pionnier en la
matiegravere puisque le reacuteseau composeacute de 22 centres hospitaliers a eacuteteacute creacuteeacute en 1996 Le principe
consiste en lrsquoobtention agrave distance pour les services drsquourgences des diffeacuterents centres
hospitaliers de lrsquoavis drsquoun neurochirurgien du CHRU de Lille ou depuis 2012 du Centre
hospitalier de Valenciennes Le neurochirurgien sur la base drsquoun dossier meacutedical et drsquoexamen
drsquoimagerie transmis agrave distance va formuler un avis veacuteritable aide agrave la deacutecision diagnostique
et theacuterapeutique pour lrsquoeacutequipe prenant en charge le patient Ce dispositif permet donc agrave vingt
et un centres hospitaliers de beacuteneacuteficier drsquoune expertise de pointe et drsquoassurer ainsi une prise
en charge optimale pour leurs patients arrivant parfois dans des situations critiques telles que
les heacutemorragies ceacutereacutebrales ou les traumatismes cracircniens Par ailleurs cette expertise permet
drsquoeacuteviter au patient un transfert inutile et de limiter toute perte de chance
13 Ces deux exemples16
permettent agrave notre sens de deacutemontrer que lrsquointroduction des
TIC dans la pratique meacutedicale au travers de la teacuteleacutemeacutedecine ameacuteliore de maniegravere
15 DESBORDES Marie laquo La teacuteleacutemeacutedecine en psychiatrie du sujet acircgeacute enjeux et perspectives
La teacuteleacutemeacutedecine en psychiatrie du sujet acircgeacute enjeux et perspectives raquo NPG Neurologie - Psychiatrie -
Geacuteriatrie Volume 15 2015 pp 270-273 16
Deacutefinition de la HAS Disponible sur [httpwwwhas-santefr] consulteacute le 15 mai 2017
Introduction geacuteneacuterale
13
consideacuterable lrsquooffre de soin existante Elle permet de reacutesoudre certaines difficulteacutes rencontreacutees
dans un contexte de diminution de lrsquooffre de santeacute en zone rurale et de vieillissement de la
population mais eacutegalement de faire beacuteneacuteficier aux patients des meilleurs soins et des
expertises les plus pointues et ce sans avoir agrave les deacuteplacer inutilement La teacuteleacutemeacutedecine
permet ainsi de gommer certaines ineacutegaliteacutes dans lrsquoaccegraves aux soins et agrave ce titre permet
drsquoassurer le droit agrave la protection de la santeacute tel que preacutevu par lrsquoalineacutea 11 du preacuteambule de la
Constitution de 1946
B Les TIC outil majeur dans la mise en place drsquoactions de preacutevention en
santeacute
14 Inscrite parmi les missions des eacutetablissements publics de santeacute17
la preacutevention en
santeacute repreacutesente un enjeu essentiel des politiques de santeacute en France Or comme le soulignait
lrsquoavis du conseil eacuteconomique social et environnemental la politique sanitaire actuelle est
encore trop centreacutee sur le curatif18
Selon la Haute Autoriteacute de Santeacute (HAS) la preacutevention
consiste agrave laquo eacuteviter lapparition le deacuteveloppement ou laggravation de maladies ou
dincapaciteacutes sont classiquement distingueacutees la preacutevention primaire qui agit en amont de la
maladie (ex vaccination et action sur les facteurs de risque) la preacutevention secondaire qui
agit agrave un stade preacutecoce de son eacutevolution (deacutepistages) et la preacutevention tertiaire qui agit sur les
complications et les risques de reacutecidive raquo19
15 Les actions de preacutevention pour ecirctre efficaces neacutecessitent une adheacutesion voire comme
le soulignait le conseil une appropriation de celles-ci par les patients en tant qursquoacteur de leur
santeacute Lrsquoutilisation des TIC au sein de projets de preacutevention en santeacute et plus particuliegraverement
des objets connecteacutes en santeacute devient alors un moyen efficace pour diffuser des politiques de
preacutevention en obtenant lrsquoadheacutesion des usagers Ces objets connecteacutes sont des objets mobiles et
communicants qui permettent par le biais drsquoune connexion Internet laquo drsquoidentifier capter et
17 Lrsquoarticle L 6111-1 dispose que laquo les eacutetablissements de santeacute publics priveacutes dinteacuterecirct collectif et priveacutes
assurent dans les conditions preacutevues au preacutesent code en tenant compte de la singulariteacute et des aspects
psychologiques des personnes le diagnostic la surveillance et le traitement des malades des blesseacutes et des
femmes enceintes et megravenent des actions de preacutevention et deacuteducation agrave la santeacute [] raquo 18
GROS Jeannette laquo Santeacute et nouvelles technologies de linformation raquo JORF avis et rapports du Conseil
eacuteconomique et social 2002 p 4 19
Deacutefinition de la HAS disponible sur [httpswwwhas-santefr] consulteacute le 25 mai 2017
Introduction geacuteneacuterale
14
transmettre des informations provoquer une interaction avec lrsquoenvironnement et alimenter
une application preacutesente sur une interface (par exemple un smartphone)raquo20
16 En la matiegravere les assureurs et les mutuelles font figure de pionniers A titre
drsquoexemple en 2013 la socieacuteteacute AXA en partenariat avec la socieacuteteacute WITHINGS proposait
drsquooffrir aux 1000 premiers souscripteurs drsquoune nouvelle compleacutementaire santeacute un objet
connecteacute permettant de tracer lrsquoactiviteacute physique mais eacutegalement le rythme cardiaque et la
qualiteacute de sommeil de son porteur Lrsquoassureur compleacutetait eacutegalement son offre en proposant un
chegraveque laquo meacutedecine douce raquo drsquoune valeur de 50 euros pour les clients reacutealisant plus de 7000
pas par jour Selon Dimitri CARBONNELLE21
laquo [les objets connecteacutes] sont une formidable
opportuniteacute pour les assureurs car cela leur permet de vendre de nouveaux services raquo
17 Les eacutetablissements de santeacute commencent eacutegalement agrave deacutevelopper des actions de
preacutevention en santeacute par le biais de lrsquoutilisation drsquoobjets connecteacutes en santeacute Ainsi un
Professeur des Universiteacutes Praticien Hospitalier (PU-PH) du CHRU de Lille a deacuteveloppeacute
avec lrsquoappui du Ministegravere de la santeacute le projet intituleacute laquo 10 000 pas le deacutefi pour la vie raquo Il
srsquoagit drsquoun programme de preacutevention de lrsquoactiviteacute physique piloteacute par le Professeur Philippe
AMOUYEL et ayant pour but de lutter contre la seacutedentariteacute afin de preacutevenir le
deacuteveloppement de maladies telles que le diabegravete les cancers ou encore les maladies
cardiovasculaires Ainsi afin drsquoaugmenter leur nombre de pas quotidiens un kit composeacute
drsquoun podomegravetre et drsquoune application smartphone a eacuteteacute distribueacute agrave certains agents du CHRU
de Lille volontaires pour srsquoinscrire dans la deacutemarche Le podomegravetre enregistre de maniegravere
quotidienne les performances de son porteur et celui-ci peut gracircce agrave lrsquoapplication smartphone
relieacutee et speacutecialement conccedilue pour ce programme se fixer des objectifs suivre son eacutevolution
et lancer des deacutefis aux autres participants du programme Des conseils dieacuteteacutetiques sont
eacutegalement dispenseacutes de maniegravere reacuteguliegravere Ce programme drsquoabord diffuseacute au niveau reacutegional
a pour but drsquoecirctre eacutetendu ensuite au niveau national
20 CAMBON Linda laquo Objets connecteacutes mobiles communicants en preacutevention deacutepasser lrsquooutil penser
lrsquointerventionhellip raquo Santeacute Publique vol 28 ndeg 1 2016 pp 5-6 21
CARBONELLE Dimitri laquo Les objets connecteacutes transforment le secteur de lrsquoassurance raquo Le monde eacuteconomie
15 juin 2015
Introduction geacuteneacuterale
15
18 Les TIC en santeacute ont donc un rocircle important agrave jouer dans la preacutevention en santeacute La
santeacute mobile (ou m-Health) qui repose sur des dispositifs mobiles se deacuteveloppe en effet de
maniegravere consideacuterable22
Le leacutegislateur srsquoest mecircme reacutecemment attacheacute agrave deacutefinir certaines
notions qui entourent la santeacute mobile Ainsi la notion drsquoautomesure connecteacutee est-elle
apparue au sein drsquoun avis de la commission drsquoenrichissement de la langue franccedilaise publieacute au
Journal Officiel du 4 mars 201723
Celle-ci est deacutefinie comme une laquo pratique consistant pour
une personne agrave mesurer elle-mecircme agrave laide dobjets connecteacutes des variables physiologiques
la concernant relatives notamment agrave sa nutrition agrave ses activiteacutes physiques ou agrave son
sommeil raquo
Les TIC en santeacute et notamment les objets connecteacutes vont donc ecirctre ameneacutes agrave jouer un
rocircle majeur dans la preacutevention en santeacute
sect2 Les TIC des outils sources de risques eacutethiques et juridiques majeurs
19 Bien que lrsquoutilisation accrue des TIC dans la pratique meacutedicale preacutesente de nombreux
inteacuterecircts indeacuteniables elle srsquoaccompagne eacutegalement de risques Leur deacuteveloppement doit se
faire dans le strict respect des regravegles juridiques et deacuteontologiques qui srsquoappliquent agrave lrsquoexercice
de la meacutedecine Or ces nouvelles pratiques vont srsquoaccompagner de lrsquoapparition de nouveaux
risques qui vont peser aussi bien sur les patients et plus particuliegraverement sur leurs donneacutees de
santeacute (A) que sur la pratique meacutedicale drsquoune maniegravere geacuteneacuterale (B)
A Les risques pesant sur la vie priveacutee du patient
20 Lrsquoutilisation des TIC dans la pratique meacutedicale va modifier les modaliteacutes de prise en
charge des patients Neacuteanmoins la distance et la deacutemateacuterialisation des eacutechanges fondements
mecircme de ces nouvelles pratiques meacutedicales ne doivent pas aller agrave lrsquoencontre des droits
fondamentaux des patients
22 DESMARAIS Pierre laquo Santeacute mobile - Quel reacutegime pour la m-Health raquo Communication Commerce
eacutelectronique ndeg 3 Mars 2013 eacutetude 5 23
Avis de la commission denrichissement de la langue franccedilaise vocabulaire de la santeacute JORF ndeg0054 du 4
mars 2017 texte ndeg 92
Introduction geacuteneacuterale
16
21 La loi du 4 mars 200224
dite loi Kouchner a consacreacute des droits individuels aux
patients tels que le droit au respect de la digniteacute le respect de la vie priveacutee et du secret des
informations le droit agrave la seacutecuriteacute des soins le droit agrave linformation le respect du
consentement ou le droit drsquoobtenir communication de son dossier meacutedical Ces droits sont
aujourdrsquohui bien ancreacutes dans les pratiques courantes et ne doivent pas ecirctre neacutegligeacutes au profit
du deacuteveloppement des TIC dans la prise en charge meacutedicale Or comme le souligne Merav
GRIGUER laquo si le secteur de la santeacute vit actuellement sa transformation digitale les
utilisateurs manifestent encore un certain scepticisme Parmi leurs principales
preacuteoccupations figurent le respect du secret meacutedical la protection de leurs donneacutees
personnelles et de leur vie priveacutee la seacutecurisation des donneacutees la transparence et le controcircle
de lutilisation de leurs donneacutees raquo25
22 Lrsquoutilisation des TIC en santeacute conduit de fait agrave un accroissement consideacuterable du
nombre de donneacutees personnelles deacutemateacuterialiseacutees Ces donneacutees sont ensuite partageacutees entre
professionnels par le biais des TIC et ce plus facilement et surtout plus rapidement
qursquoauparavant Cependant le secret professionnel et la protection des donneacutees personnelles du
patient essentiels au maintien de la relation de confiance entre un professionnel de santeacute et
son patient ne doivent pas ecirctre neacutegligeacutes au profit drsquoune technique certes efficace mais
neacuteanmoins risqueacutee En effet si la laquo multiplication exponentielle raquo des donneacutees de santeacute peut
offrir de reacuteelles opportuniteacutes elle repreacutesente aussi certains risques pour le respect de la vie
priveacutee et la confidentialiteacute de ces donneacutees raquo26
Leur protection est donc essentielle afin de
preacuteserver le respect de la vie priveacutee du patient et assurer le maintien du secret professionnel
Mais au-delagrave de la crainte drsquoune mauvaise protection des donneacutees subsiste la crainte drsquoun
meacutesusage des donneacutees collecteacutees Les TIC apparaissent ici comme un danger pour le respect
de la finaliteacute de ces donneacutees pouvant mener agrave une utilisation agrave mauvais escient voir pire une
marchandisation de celles-ci Il apparait alors eacutevident que lrsquoensemble des utilisations qui
pourraient aller agrave lrsquoencontre de lrsquointeacuterecirct du patient doivent alors ecirctre interdites27
Toutefois
ces interdictions doivent ecirctre mises en perspective avec lrsquointeacuterecirct que preacutesentent certaines
24 Loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute JORF du 5
mars 2002 p 4118 25
GRIGUER Merav laquo Quel cadre leacutegal pour lrsquoe-santeacute raquo Cahiers de droit de lentreprise ndeg 5 2016 prat 25 26
VAYR Jonathan laquo Les donneacutees de santeacute un enjeu pour le futur raquo LPA septembre 2016 ndeg 185-186 p 4 27
Ibidem
Introduction geacuteneacuterale
17
donneacutees Finalement toute la difficulteacute repose dans les finaliteacutes pour lesquelles ces donneacutees
deacutemateacuterialiseacutees vont ecirctre utiliseacutees
B Les risques laquo drsquoubeacuterisation raquo de la meacutedecine la nouvelle crainte
Lrsquointroduction des TIC en santeacute a eacuteteacute immeacutediatement accompagneacutee de multiples
craintes de la part des professionnels de santeacute et plus speacutecifiquement de la communauteacute
meacutedicale
23 Le Conseil National de lrsquoOrdre des Meacutedecins (CNOM) srsquoattache ainsi depuis
plusieurs anneacutees agrave suivre de pregraves lrsquoeacutevolution des TIC dans la pratique meacutedicale nrsquoheacutesitant
pas agrave reacutealiser de nombreuses eacutetudes et rapports sur le sujet Consideacuterant que laquo par son rocircle de
feacutedeacuterateur des meacutedecins de toutes disciplines et de tous secteurs reacuteunis autour des mecircmes
principes deacuteontologiques [il] a la responsabiliteacute de sengager dans les projets de systegraveme
dinformation de santeacute au nom de lavenir scientifique mais dans le respect absolu des
liberteacutes individuelles raquo28
mais eacutegalement que laquo le respect absolu de la vie priveacutee et des
liberteacutes individuelles est un impeacuteratif premier dans lexamen du deacuteveloppement utile des
moyens informatiques raquo29
lrsquoordre accompagne les eacutevolutions techniques qui viennent
bouleverser lrsquoexercice meacutedical
24 Lrsquointroduction des TIC dans la relation de soin a drsquoabord fait naitre chez les
meacutedecins la crainte drsquoune deacuteshumanisation de lrsquoacte meacutedical Les TIC apparaissaient aux
yeux des meacutedecins comme une barriegravere entre leurs patients et eux creacuteant de la distance et
pouvant ainsi deacuteteacuteriorer le colloque singulier neacutecessaire agrave la prise en charge du patient
Mais au-delagrave de ce risque lieacute au changement des pratiques professionnelles la communauteacute
meacutedicale au travers du CNOM a reacutecemment exprimeacute une crainte quant agrave laquo lrsquoubeacuterisation de la
santeacute raquo constatant laquo un risque de deacuterive vers du commerce eacutelectronique non reacuteguleacute qui
28 laquo Lrsquoinformatisation de la santeacute raquo Livre blanc du CNOM 2008 p 1
29 laquo Teacuteleacutematique de santeacute raquo CNOM 2006 Disponible sur [httpswwwconseil-nationalmedecinfr] p 1
consulteacute le 15 mai 2017
Introduction geacuteneacuterale
18
reacuteduirait la pratique meacutedicale agrave une simple prestation eacutelectronique moyennant reacutetribution
via des plateformes du secteur marchand raquo30
25 La notion drsquo ubeacuterisation est tregraves reacutecente et ne possegravede pas de reacuteelle deacutefinition Elle
peut ecirctre vue comme laquo une strateacutegie de contournement des regravegles par lutilisation optimale
des Technologies de lInformation et de la Communication et ce afin de fournir un accegraves
faciliteacute plus rapide et en principe moins coucircteux agrave un service raquo31
Dans le domaine de la
santeacute lrsquoubeacuterisation se reacutevegravele par lrsquoapparition au sein de lrsquooffre numeacuterique de services
meacutedicaux qui srsquoaffranchissent du cadre leacutegal actuellement en place (notamment en ce qui
concerne la teacuteleacutemeacutedecine) Parmi ces offres dires ubeacuteriseacutees nous trouvons principalement
des offres de teacuteleacuteconseil et de teacuteleacuteconsultation A titre drsquoexemple lrsquoassureur AXA propose
dans le cadre de ses contrats drsquoassurance santeacute compleacutementaire un service de
teacuteleacuteconsultation disponible 7 j7 et 24h24 permettant au patient de pallier lrsquoindisponibiliteacute
(aveacutereacutee ou supposeacutee) de son meacutedecin traitant Ces offres souvent agrave la limite de la leacutegaliteacute
viennent concurrencer lrsquooffre existante Par ailleurs ces offres contreviennent totalement agrave
certains principes deacuteontologiques fondamentaux qui srsquoimposent aux meacutedecins et notamment
lrsquointerdiction de pratiquer la meacutedecine comme un commerce32
26 A ce sujet le CNOM srsquoinquiegravete drsquoune tendance agrave lrsquoaugmentation des laquo offres en ligne
qui correspondent agrave du commerce eacutelectronique non reacuteguleacute et qui tendent agrave reacuteduire la pratique
meacutedicale agrave une simple prestation eacutelectronique moyennant reacutetribution via des plateformes du
secteur marchand raquo33
En effet certaines offres dites de teacuteleacuteconseils tendent agrave se deacutevelopper
Cette activiteacute laquo consiste agrave mettre en relation des internautes qui se connectent agrave un site avec
un meacutedecin qui leur fournit secondairement agrave lrsquooccasion drsquoun entretien teacuteleacutephonique des
informations personnaliseacuteesraquo34
Or le teacuteleacuteconseil ne fait pas partie des cinq actes de
teacuteleacutemeacutedecine aujourdrsquohui reconnus et encadreacutes par le deacutecret drsquooctobre 201035
Se pose alors la
question du cadre juridique deacuteontologique mais eacutegalement eacutethique dans lequel cette
30 CNOM laquo Teacuteleacutemeacutedecine et autres prestations meacutedicales eacutelectroniques raquo rapport de mission adopteacute lors de la
session du Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins de feacutevrier 2016 p 2 31
LEQUILLERIER Cleacutementine laquo Lrsquoubeacuterisation de la santeacute raquo Dalloz IPIT 2017 p 155 32
Article R 4127-19 du Code de la santeacute publique 33
CNOM laquo Teacuteleacutemeacutedecine et autres prestations meacutedicales eacutelectroniques raquo op cit p 4 34
Disponible sur [httpswwwconseil-nationalmedecinfrarticleteleconseil-personnalise-1155] Consulteacute le 15
mai 2017 35
Deacutecret ndeg 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif agrave la teacuteleacutemeacutedecine JORF ndeg0245 du 21 octobre 2010 texte ndeg
13
Introduction geacuteneacuterale
19
prestation pourrait srsquoinscrire Pour le CNOM le teacuteleacuteconseil reste quoi qursquoil en soit soumise
aux dispositions du Code de deacuteontologie meacutedicale en tant que prestation meacutedicale Il
considegravere cependant que laquo lrsquooffre marchande repose pour une large part sur la confusion
qursquoil est possible drsquoentretenir aupregraves du grand public entre la teacuteleacutemeacutedecine ndash notamment la
teacuteleacuteconsultation ndash deacutesormais deacutefinie par la loi et des activiteacutes qui srsquoen reacuteclament mais qui il
faut le souligner clairement nrsquoentrent pas dans le champ des nouveaux textes
reacuteglementaires raquo36
27 Face agrave ce pheacutenomegravene le CNOM tente drsquointerpeller les pouvoirs publics se
demandant agrave juste titre si lrsquoEtat pouvait laquo continuer de produire des textes reacuteglementaires
normatifs appliqueacutes agrave lrsquoexercice de la meacutedecine utilisant des moyens numeacuteriques et laisser
prospeacuterer des offres numeacuteriques non reacuteguleacutees sur le marcheacute de la e-santeacute raquo En effet
lrsquoordre demande depuis plusieurs anneacutees maintenant agrave ce que ce secteur soit reacuteguleacute afin
drsquoeacuteviter toutes deacuterives commerciales Le CNOM souhaite que laquo le flou juridique soit leveacute Il
considegravere que lrsquoexercice du teacuteleacuteconseil devrait donner lieu agrave une reacuteglementation sanitaire
speacutecifique et agrave des obligations contraignantes assurant la seacutecuriteacute des informations donneacutees agrave
lrsquointernaute la protection des donneacutees personnelles de santeacute et leur caractegravere non
marchandisable raquo37
Nous pouvons alors observer les premiegraveres limites du cadre juridique des TIC en santeacute la
laquo reacuteglementation trop stricte de cette pratique [ayant] nui agrave son deacuteveloppement et [ayant]
preacuteciseacutement favoriseacute leacutemergence doffres ubeacuteriseacuteesraquo38
28 Enfin le deacuteveloppement de cette offre ubeacuteriseacutee en plus drsquoaccentuer les risques deacutejagrave
existants pour la protection des donneacutees du patient (les prestataires srsquoaffranchissant des
contraintes mises en place dans le cadre de la teacuteleacutemeacutedecine) aura tendance agrave creacuteer une offre
de santeacute agrave deux vitesses renforccedilant les ineacutegaliteacutes existantes deacutejagrave en la matiegravere Or utiliseacutees agrave
bon escient les TIC peuvent au contraire reacuteduire ces ineacutegaliteacutes
36 laquo Deacuteontologie meacutedicale sur le web raquo Le Livre blanc du Conseil national de lrsquoOrdre des meacutedecins deacutecembre
2011 p 29 37
Idem p 30 38
LEQUILLERIER Cleacutementine laquo Lubeacuterisation de la santeacute raquo op cit
Introduction geacuteneacuterale
20
sect3 Probleacutematique de la thegravese
29 Notre probleacutematique est partie drsquoun constat celui des difficulteacutes pour les TIC en
santeacute de se deacutevelopper de maniegravere peacuterenne A titre drsquoexemple alors que laquo malgreacute les
ambitions et les incitations la geacuteneacuteralisation de la teacuteleacutemeacutedecine progresse lentement raquo39
le
Dossier Meacutedical Partageacute (DMP) projet phare des pouvoirs publics institueacute par la loi ndeg2004-
810 du 13 aoucirct 200440
peine agrave se deacutefaire de son eacutetiquette drsquoArleacutesienne
30 Se pose alors la question de savoir quels peuvent ecirctre les freins agrave ce deacuteveloppement
Au-delagrave des aspects purement eacuteconomiques de certains projets (les TIC coucirctent chers) et des
difficulteacutes agrave obtenir lrsquoadheacutesion des acteurs face agrave des changements de pratiques parfois tregraves
ancreacutees de nombreuses difficulteacutes juridiques jalonnent la voie du deacuteveloppement des TIC
dans la prise en charge meacutedicale En effet quand on en vient agrave reacutefleacutechir aux aspects juridiques
lieacutes agrave la mise en place des TIC dans la pratique meacutedicale nous ne pouvons que constater tregraves
rapidement que le droit occupe une place importante De nombreuses questions vont se poser
Celles-ci ont trait agrave la pratique elle-mecircme qui sous sa nouvelle forme deacutemateacuterialiseacutee va
poser des difficulteacutes en termes de responsabiliteacutes mais eacutegalement de droit des patients Mais
les questions concernent eacutegalement lrsquoencadrement de la mise en œuvre de ces pratiques quel
cadre applique-t-on agrave lrsquoutilisation de ces nouveaux outils Comment seacutecurise-on et encadre-t-
on ces pratiques Drsquoailleurs doit-on les encadrer Enfin lrsquointroduction des TIC dans la
pratique meacutedicale a des impacts juridiques Crsquoest notamment le cas de lrsquoinformatisation
massive des donneacutees de santeacute conseacutequence directe de lrsquoutilisation des TIC et dont la gestion
juridique sera neacutecessaire mais complexe
31 Finalement le Droit se dresse parfois devant ces nouvelles pratiques comme un
obstacle Les initiatives innovantes peuvent se trouver alors freineacutees par ce Droit complexe
rigide et parfois inadapteacute Pourtant celui-ci est loin drsquoecirctre insurmontable Des solutions
peuvent ecirctre apporteacutees afin de faire du Droit non plus le frein mais bien lrsquoaccompagnateur si
ce nrsquoest mecircme le moteur du deacuteveloppement de lrsquoutilisation des TIC dans la pratique meacutedicale
39 VIOUJAS Vincent laquo La teacuteleacutemeacutedecine entre expeacuterimentations reacuteussies et geacuteneacuteralisation au ralenti raquo RDSS
2015 p 681 40
Loi ndeg 2004-810 du 13 aoucirct 2004 relative agrave lassurance maladie JORF ndeg0190 du 17 aoucirct 2004 p 14598
Introduction geacuteneacuterale
21
32 Avec ces travaux nous tenterons drsquoeacutetablir que si le cadre juridique actuel nrsquoest pas
propice au deacuteveloppement serein et peacuterenne de lrsquoutilisation des TIC dans la pratique meacutedicale
des solutions existent afin de permettre aux eacutetablissements de santeacute de seacutecuriser leurs
pratiques Ainsi dans un premier temps nous eacutetudierons de maniegravere critique le cadre
juridique qui srsquoapplique aujourdrsquohui agrave lrsquoutilisation des TIC dans la pratique meacutedicale
(Premiegravere partie) avant drsquoenvisager les diffeacuterentes pistes de seacutecurisation de ces pratiques
permettant drsquoassurer leur deacuteveloppement dans un contexte propice (Seconde partie)
PREMIERE PARTIE
LE CADRE JURIDIQUE DE LrsquoUTILISATION
DES TIC A LrsquoHOcircPITAL UN CADRE
INCOMPLET
24
laquo [La] technique ne doit pas progresser plus vite que son controcircle raquo41
33 En posant ce principe de base simple et logique le deacuteputeacute M Jean FOYER mettait en
exergue ce qui est un des plus grands problegravemes lieacutes agrave lrsquoutilisation des technologies
drsquoinformation et de communication dans la pratique meacutedicale En effet aujourdrsquohui alors que
la technique se deacuteveloppe reacuteguliegraverement et que les socieacuteteacutes proposent des solutions toujours
plus innovantes le leacutegislateur se montre quant agrave lui peu reacuteactif et tarde agrave donner aux
Technologies de lrsquoInformation et de la Communication le cadre regraveglementaire neacutecessaire agrave
leur bon deacuteveloppement Car il est certain que lrsquoinformatisation croissante de la pratique
meacutedicale ne peut ecirctre que beacuteneacutefique pour la prise en charge du patient et les avanceacutees en la
matiegravere offrent de nouvelles possibiliteacutes chaque jour A titre drsquoexemple deacutesormais les
radiographies sont plus souvent numeacuteriseacutees et conserveacutees sur des logiciels speacutecialiseacutes De
mecircme les hocircpitaux investissent deacutesormais dans des logiciels de gestion informatiseacutee des
dossiers meacutedicaux et la prescription informatiseacutee se deacuteveloppe de plus en plus les Agences
Reacutegionales de Santeacute (ARS) incitant agrave leur utilisation par le biais des contrats de bon usage
notamment42
34 Toutefois force est de constater que le leacutegislateur nrsquoa pas su accompagner en temps et
en heure ce deacuteveloppement fulgurant Alors que la France se posait comme lrsquoun des
preacutecurseurs en la matiegravere en adoptant en 1978 une leacutegislation encadrant le traitement des
donneacutees agrave caractegravere personnel elle a ensuite perdu sa longueur drsquoavance tardant agrave transposer
la directive europeacuteenne de 199543
et proposant ensuite des cadres incomplets difficiles agrave
respecter voire mecircme pour certains totalement inapplicables
35 A lrsquoheure actuelle lrsquoencadrement leacutegislatif et regraveglementaire propre agrave lrsquoutilisation des
TIC dans la pratique meacutedicale preacutesente un visage flou et complexe En ce qui concerne la
41 FOYER Jean laquo Rapport au nom de la commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de
ladministration geacuteneacuterale de la reacutepublique sur le projet de loi (ndeg 2516) relatif agrave linformatique et aux liberteacutes la
proposition de loi (ndeg 1004) de Pierre-Bernard Cousteacute tendant agrave creacuteer une commission de controcircle des moyens
dinformatique afin dassurer la protection de la vie priveacutee et des liberteacutes individuelles des citoyens la
proposition de loi (ndeg 3092) de Franccedilois Villa et plusieurs de ses collegravegues sur les liberteacutes les fichiers et
linformatique raquo Assembleacutee Nationale t1 ndeg 3125 Paris 1977 p 13 42
Deacutecret ndeg 2015-355 du 27 mars 2015 relatif au contrat de bon usage des meacutedicaments et des produits et
prestations mentionneacute agrave larticle L 162-22-7 du code de la seacutecuriteacute sociale JORF du 29 mars 2015 p 5763 43
Directive 9546CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative agrave la protection des
personnes physiques agrave leacutegard du traitement des donneacutees agrave caractegravere personnel et agrave la libre circulation de ces
donneacutees JO ndeg L 281 du 23 novembre 1995 p 31
25
gestion globale et lrsquoutilisation des donneacutees du patient le cadre de leur traitement informatique
peut paraitre trop geacuteneacuteral et par conseacutequent inadapteacute (titre premier chapitre premier) tandis
que les regravegles relatives agrave leur heacutebergement et leur communication peuvent sembler illisibles et
parfois insuffisantes (titre premier chapitre second) Lrsquoutilisation des TIC dans le cadre de la
prise en charge des patients ne beacuteneacuteficie pas non plus drsquoun encadrement adeacutequat drsquoune part
le deacuteveloppement de la deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux montre les limites des regravegles
en place (titre second chapitre premier) drsquoautre part la reacutealisation drsquoactes de soins via les
TIC souffre drsquoun cadre incomplet quand il nrsquoest pas inexistant (titre second chapitre second)
TITRE 1
TIC ET INFORMATISATION DES DONNEES
DE SANTE UN CADRE PARFOIS
INADAPTE
28
36 Les donneacutees relatives au patient qursquoil srsquoagisse des donneacutees strictement administratives
telles que leur nom leur adresse ou encore leur numeacutero de seacutecuriteacute sociale ou des donneacutees
meacutedicales les concernant sont fondamentalement neacutecessaires agrave la bonne prise en charge de
celui-ci Elles doivent donc ecirctre recueillies ordonneacutees et conserveacutees Ces donneacutees sont un
bien preacutecieux pour les professionnels de santeacute agrave de nombreux eacutegards Elles leur permettent
drsquoapporter aux patients les meilleurs soins possibles seacutecuriser leur diagnostic et assurer la
bonne coordination des soins Les donneacutees constituent eacutegalement une source de matiegravere
premiegravere pour les recherches meacutedicales
37 Aujourdrsquohui lrsquointroduction des TIC dans la pratique meacutedicale va avoir pour
conseacutequence une informatisation massive de ces donneacutees qui vont ecirctre deacutemateacuterialiseacutees
enregistreacutees stockeacutees et partageacutees par le biais de systegravemes informatiques Cette
informatisation de donneacutees particuliegraverement sensibles doit ecirctre accompagneacutee drsquoun cadre
juridique adeacutequat afin drsquoassurer aux patients une protection efficace de leur vie priveacutee
38 Notre reacuteflexion va nous amener agrave nous pencher dans un premier temps sur
lrsquoencadrement juridique du traitement informatiseacute des donneacutees cadre de droit commun
parfois inadapteacute aux TIC en santeacute (chapitre 1) Puis dans un second temps nous nous
pencherons sur les modaliteacutes actuellement en place en matiegravere de conservation et de
communication des informations du patient (chapitre 2)
29
Chapitre 1
Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
39 Le traitement systeacutematique des donneacutees relatives au patient nrsquoest pas nouveau Les
toutes premiegraveres traces de dossier meacutedical datent du IXegraveme
siegravecle RHAZES meacutedecin arabe
avait lrsquohabitude de conserver les cas qursquoil estimait inteacuteressants dans un registre intituleacute
laquo observation de lrsquohocircpital raquo Lrsquoensemble a ensuite eacuteteacute publieacute dans lrsquoouvrage laquo continens raquo La
notion de dossier meacutedical pour chaque patient nrsquoapparaicirct qursquoagrave la fin du XVIIIegraveme
siegravecle mais
son contenu reste succinct Ce nrsquoest qursquoau XIXegraveme
siegravecle que le dossier meacutedical en tant que tel
apparaicirct il contient alors les donneacutees meacutedicales ainsi que les donneacutees administratives du
patient Les meacutedecins de ville vont eux aussi formaliser petit agrave petit des fiches drsquoinformation
relatives agrave leurs patients Aujourdrsquohui la tenue drsquoun dossier meacutedical est pour les
eacutetablissements de santeacute une obligation regraveglementaire codifieacutee agrave lrsquoarticle R 1112-2 du Code
de la santeacute publique44
Un dossier meacutedical doit ecirctre constitueacute pour chaque patient contenant a
minima certaines informations obligatoires (et notamment les motifs de lrsquohospitalisation les
conclusions de lrsquoeacutevaluation clinique initiale les reacutesultats des diffeacuterentes examens et analyses
le dossier de soins infirmiers) Ce dossier meacutedical doit drsquoailleurs ecirctre conserveacute pour une dureacutee
de 20 ans apregraves le dernier passage du patient agrave lrsquohocircpital
40 Depuis plusieurs anneacutees lrsquointroduction puis le deacuteveloppement massif des TIC agrave
lrsquohocircpital a transformeacute le traditionnel dossier papier en dossier informatiseacute Parfois craint
souvent appreacutehendeacute ce passage au tout informatique ne creacutee pas forceacutement de risques
nouveaux Toutefois une attention particuliegravere doit ecirctre porteacutee aux traitements des donneacutees du
patient Pour cela leur protection est un preacutealable neacutecessaire (section I) Celle-ci est assureacutee
par un corpus de textes eacutepars dont lrsquoefficaciteacute peut se reacuteveacuteler relative De mecircme leur partage
est soumis au respect de certaines conditions qui vont ecirctre diffeacuterentes selon le but rechercheacute
par leur utilisation (section II)
44 Lrsquoarticle R 1112-2 du Code de la santeacute publique preacutevoit qursquolaquo un dossier meacutedical est constitueacute pour chaque
patient hospitaliseacute dans un eacutetablissement de santeacute public ou priveacute raquo
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
30
Section 1 La protection des donneacutees du patient
41 En matiegravere de protection des donneacutees du patient il faut se reacutefeacuterer agrave la leacutegislation de
droit commun qui existe en la matiegravere agrave savoir la loi Informatique et Liberteacutes En effet les
principes geacuteneacuteraux eacutedicteacutes par cette loi trouveront agrave srsquoappliquer en matiegravere de donneacutees de
santeacute (paragraphe I) mecircme si celle-ci est compleacuteteacutee par quelques dispositions particuliegraveres
aux donneacutees de santeacute Toutefois cet eacutetat des lieux pointe les lacunes des protections mises en
place (paragraphe II)
sect1 La leacutegislation de droit commun agrave disposition du droit de la santeacute
42 La loi ndeg 78-16 du 6 janvier 1978 dite laquo loi Informatique et Liberteacutes raquo45
a eacuteteacute lrsquoune des
premiegraveres lois proteacutegeant les donneacutees agrave caractegravere personnel en encadrant leur traitement en
Europe Cette loi reacuteformeacutee en 200446
affiche une volonteacute drsquoapporter une protection forte (A)
En ce qui concerne les donneacutees de santeacute cette protection est toutefois compleacuteteacutee par des
dispositions speacutecifiques agrave ces donneacutees (B)
A La loi Informatique et Liberteacutes pilier de lrsquoencadrement
43 La France est une pionniegravere en matiegravere drsquoencadrement des traitements de donneacutees agrave
caractegravere personnel (1) et la loi Informatique et Liberteacutes marque la volonteacute du leacutegislateur
drsquoinstaurer une protection forte (2)
1) La France parmi les preacutecurseurs
44 Au cours des anneacutees 1970 lrsquoutilisation de lrsquoinformatique se deacuteveloppe notamment
dans les administrations publiques Toutefois lrsquoopinion publique craint une augmentation des
45 Loi ndeg 78-17 du 6 janvier 1978 relative agrave lrsquoinformatique aux fichiers et aux liberteacutes JORF du 7 janvier 1978
p 227 46
Loi ndeg 2004-801 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la protection des personnes physiques agrave leacutegard des traitements de
donneacutees agrave caractegravere personnel et modifiant la loi ndeg 78-17 du 6 janvier 1978 relative agrave linformatique aux
fichiers et aux liberteacutes JORF du 7 aoucirct 2004 p 14063
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
31
atteintes aux liberteacutes publiques ainsi qursquoune violation de la sphegravere priveacutee Cette crainte est
particuliegraverement bien exprimeacutee dans lrsquoarticle de Philippe BOUCHER intituleacute laquo SAFARI ou
la chasse aux franccedilais raquo47
Celui-ci expose au grand jour un projet deacutenommeacute Systegraveme
automatiseacute pour les fichiers administratifs et le reacutepertoire des individus (SAFARI) laquo qui
devait permettre agrave partir du reacutepertoire national drsquoidentification des personnes physiques de
faciliter les intercommunications entre les fichiers qui auraient recours au numeacutero national
drsquoidentiteacute soit comme base de classement soit comme eacuteleacutement de reacutefeacuterence raquo48
Or comme le
reacuteveacutelait lrsquoarticle de Pierre BOUCHER et contrairement aux recommandations eacutemises par le
Conseil drsquoEtat le Premier Ministre de lrsquoeacutepoque Pierre MESSMER avait eacutecarteacute tout projet de
deacutebat public sur les projets drsquoinformatisation du gouvernement Lrsquoopinion publique vivement
eacutemue amena le Premier Ministre agrave constituer une commission preacutesideacutee par le vice-preacutesident
du Conseil drsquoEtat Bernard CHENOT et chargeacutee de proposer des mesures permettant de
garantir que le deacuteveloppement de lrsquoinformatique dans les secteurs public semi-public et priveacute
se reacutealise dans le respect de la vie priveacutee des liberteacutes individuelles et des liberteacutes publiques
Le rapport49
de cette commission reacutedigeacute par Bernard TRICOT et le Professeur Pierre
CATALA fut remis le 27 juin 1975 Crsquoest sur la base de ce rapport que le projet de loi relatif
agrave lrsquoinformatique et aux liberteacutes fut reacutedigeacute
45 Pour autant la France bien qursquoen avance sur de nombreux pays nrsquoeacutetait pas le premier
agrave leacutegifeacuterer sur le sujet En effet avant cela lrsquoAllemagne avait adopteacute une loi relative au
traitement automatiseacute des informations nominatives en octobre 1970 Elle fut rapidement
suivie par la Suegravede qui adopta une loi sur le mecircme sujet en 1973 Hors Europe les Etats-Unis
adoptegraverent quant agrave eux un Privacy Act en 1974 dont lrsquoapplication est toutefois limiteacutee aux
fichiers deacutetenus par les administrations feacutedeacuterales
46 En France plusieurs propositions de loi relatives au sujet vont ecirctre deacuteposeacutees
successivement aupregraves de lrsquoAssembleacutee Nationale la premiegravere eacutemanant de Pierre-Bernard
47 BOUCHER Pierre laquo SAFARI ou la chasse aux franccedilais raquo Le Monde 21 mars 1974
48 FOYER Jean laquo Rapport au nom de la commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de
ladministration geacuteneacuterale de la reacutepublique sur le projet de loi (ndeg 2516) relatif agrave linformatique et aux liberteacutes la
proposition de loi (ndeg 1004) de Pierre-Bernard Cousteacute tendant agrave creacuteer une commission de controcircle des moyens
dinformatique afin dassurer la protection de la vie priveacutee et des liberteacutes individuelles des citoyens la
proposition de loi (ndeg 3092) de Franccedilois Villa et plusieurs de ses collegravegues sur les liberteacutes les fichiers et
linformatique raquo op cit 49
CATALA Pierre TRICOT Bernard laquo Rapport de la commission Informatique et Liberteacutes raquo La
Documentation franccedilaise Paris 1975
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
32
COUSTE et tendant agrave creacuteer une commission de controcircle des moyens informatiques afin
drsquoassurer la protection de la vie priveacutee et des liberteacutes individuelles des citoyens et une autre
eacutemanant de Franccedilois VILLA et plusieurs de ses collegravegues sur les liberteacutes les fichiers et
lrsquoinformatique De mecircme un projet de loi relatif agrave lrsquoInformatique et aux Liberteacutes va
eacutegalement ecirctre preacutesenteacute Ces trois textes feront lrsquoobjet drsquoun rapport commun de la commission
des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de lrsquoadministration geacuteneacuterale de la Reacutepublique50
47 La loi relative agrave lrsquoinformatique aux fichiers et aux liberteacutes va ecirctre adopteacutee le 6 janvier
1978 Elle comporte alors des dispositions organiques (creacuteation de la commission nationale de
lrsquoinformatique et des liberteacutes ndash CNIL) ainsi que des dispositions mateacuterielles51
Tregraves
symbolique lrsquoarticle premier de la loi dispose laquo lrsquoinformatique doit ecirctre au service de
chaque citoyen Son deacuteveloppement doit srsquoopeacuterer dans le cadre de la coopeacuteration
internationale Elle ne doit porter atteinte ni agrave lrsquoidentiteacute humaine ni aux droits de lrsquohomme
ni agrave la vie priveacutee ni aux liberteacutes publiques ou individuelles raquo
48 Au niveau international une crainte du deacuteveloppement de leacutegislations trop protectrices
est alors apparue Ainsi lrsquoOrganisation de Coopeacuteration et de Deacuteveloppement Economique
(OCDE) le 23 septembre 1980 arrecircta des lignes directrices reacutegissant la protection de la vie
priveacutee et les flux transfrontaliers de donneacutees agrave caractegravere personnel deacutenueacutees de force
obligatoire mais ayant pour ambition drsquoeacuteviter que la protection des donneacutees personnelles
nrsquoentrave la libre circulation de lrsquoinformation ainsi que le deacuteveloppement des relations
eacuteconomiques et sociales des pays membres Le Conseil de lrsquoEurope adopta quant agrave lui la
convention pour la protection des personnes agrave leacutegard du traitement automatiseacute des donneacutees agrave
caractegravere personnel dite laquo convention 108 raquo signeacutee le 28 janvier 1981 et ayant pour but de
concilier la protection de la vie priveacutee avec la libre circulation de lrsquoinformation entre les
peuples52
50 FOYER Jean laquo Rapport au nom de la commission des lois constitutionnelles de la leacutegislation et de
ladministration geacuteneacuterale de la reacutepublique sur le projet de loi (ndeg 2516) relatif agrave linformatique et aux liberteacutes la
proposition de loi (ndeg 1004) de Pierre-Bernard COUSTE tendant agrave creacuteer une commission de controcircle des moyens
dinformatique afin dassurer la protection de la vie priveacutee et des liberteacutes individuelles des citoyens la
proposition de loi (ndeg 3092) de Franccedilois Villa et plusieurs de ses collegravegues sur les liberteacutes les fichiers et
linformatique raquo op cit 51
V Infra ndeg 52 et s 52
Convention ndeg 108 du Conseil de lrsquoEurope pour la protection des personnes agrave leacutegard du traitement automatiseacute
des donneacutees agrave caractegravere personnel 28 janvier 1981 disponible sur [httpwwwcoeintfr] consulteacute le 15 mai
2017
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
33
49 En 1995 afin de reacuteduire les divergences qui peuvent exister entre les leacutegislations des
diffeacuterents Etats lrsquoUnion Europeacuteenne adopta la directive 9546CE relative agrave la protection des
donneacutees personnelles et agrave la libre circulation de ces donneacutees53
Lrsquoambition de cette directive
eacutetait de prendre en compte trois eacutevolutions majeures en matiegravere drsquoinformatisation des
donneacutees agrave savoir la marchandisation des donneacutees lrsquointernationalisation des flux et le
pheacutenomegravene de traccedilabiliteacute54
Les Etats membres avaient alors jusqursquoau 25 octobre 1998 date
drsquoentreacutee en vigueur de la directive pour la transposer
50 Toutefois en France la proceacutedure va srsquoaveacuterer tregraves longue Le 12 septembre 1997 le
Premier Ministre de lrsquoeacutepoque confie agrave Guy BRAIBANT un travail preacuteparatoire agrave lrsquoeacutelaboration
drsquoun avant-projet de loi en vue de la transposition de la directive de 1995 Le 3 mars 1998
Guy BRAIBANT remet son rapport55
dans lequel il expose notamment les enjeux de la
transposition mais formule eacutegalement plusieurs propositions afin de maintenir un haut niveau
de protection des liberteacutes Puis entre le 5 octobre et le 5 deacutecembre 1999 une consultation
publique est lanceacutee sur le futur projet de loi intituleacute laquo socieacuteteacute de lrsquoinformation raquo Le projet de
loi relatif agrave la protection des donneacutees agrave caractegravere personnel est preacutesenteacute agrave lrsquooccasion drsquoun
conseil des ministres le 18 juillet 2001 Toutefois suite aux diffeacuterents examens la loi
nrsquoentrera en vigueur que le 7 aoucirct 2004 et la France sera parmi lrsquoun des derniers pays agrave
transposer la directive Ainsi la loi ndeg 2004-801 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la protection des
personnes physiques agrave lrsquoeacutegard des traitements de donneacutees agrave caractegravere personnel remanie
profondeacutement la loi du 6 janvier 1978 De faccedilon tregraves symbolique lrsquoarticle premier de la loi a
eacuteteacute conserveacute
51 A lrsquoheure actuelle la protection des donneacutees personnelles reste un sujet tregraves important
en France et en Europe La CNIL a depuis plusieurs anneacutees fait connaicirctre sa volonteacute de
renforcer ce principe de protection des donneacutees personnelles en preacuteconisant notamment une
constitutionnalisation du principe Au niveau europeacuteen une reacutevision du cadre existant a par
ailleurs eacuteteacute initieacutee en 2012 avec une proposition de regraveglement europeacuteen reacuteformant le cadre de
53 Directive 9546CE du Parlement europeacuteen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative agrave la protection des
personnes physiques agrave leacutegard du traitement des donneacutees agrave caractegravere personnel et agrave la libre circulation de ces
donneacutees JOUE ndeg L 281 du 23 novembre 1995 p 31 54
DESGENS-PASANAU Guillaume laquo La protection des donneacutees agrave caractegravere personnel raquo Lexis-Nexis 2egraveme
eacutedition Paris 2016 p 5 55
BRAIBANT Guy laquo Donneacutees personnelles et socieacuteteacutes de lrsquoinformation Rapport au premier ministre raquo La
Documentation franccedilaise 1998
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
34
la protection des donneacutees agrave caractegravere personnel56
adopteacutee le 25 janvier 2012 par la
Commission Europeacuteenne Afin drsquoinstaurer une politique plus geacuteneacuterale et coheacuterente en matiegravere
de protection des donneacutees agrave caractegravere personnel le leacutegislateur europeacuteen a fait le choix
drsquoutiliser le regraveglement comme instrument juridique En effet lrsquoarticle 288 du traiteacute sur le
fonctionnement de lrsquoUnion Europeacuteenne preacutevoyant lrsquoapplicabiliteacute directe des regraveglements
lrsquoutilisation de cet outil permet drsquoeacuteviter les transpositions limiteacutees et surtout tregraves longues
comme ce fut le cas avec la directive de 1995 Les deacutebats ont tout de mecircme dureacute quatre ans
puisque ce nrsquoest qursquoen avril 2016 que ce texte a eacuteteacute deacutefinitivement adopteacute57
Nous ne nous attarderons pas ici sur les apports particuliers de cette proposition de
regraveglement en matiegravere de protection des donneacutees agrave caractegravere personnel ces eacuteleacutements eacutetant
abordeacutes tout au long de ces travaux Il est simplement neacutecessaire agrave ce stade de constater la
volonteacute au niveau europeacuteen drsquoinstaurer un cadre unifieacute et solide et ce dans un but double
proteacuteger les donneacutees agrave caractegravere personnel et favoriser lrsquoutilisation des Technologies de
lrsquoInformation et de la Communication
2) Une protection forte
52 La loi Informatique et Liberteacutes avait pour ambition drsquoapporter un cadre tregraves protecteur
au traitement des donneacutees agrave caractegravere personnel Les modifications subies par la loi initiale
suite agrave la transposition de la directive europeacuteenne 9546CE du 24 octobre 1995 vont
eacutegalement en ce sens Avec la loi ndeg 2004-801 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la protection des
personnes physiques agrave leacutegard des traitements de donneacutees agrave caractegravere personnel et modifiant la
loi ndeg 78-17 du 6 janvier 1978 relative agrave linformatique aux fichiers et aux liberteacutes le
leacutegislateur montre une reacuteelle volonteacute drsquoinstaurer une protection forte vis-agrave-vis de ce type de
donneacutees Pour ce faire il est preacutevu agrave la fois une protection a priori et une protection a
posteriori
56 Proposition de regraveglement du parlement europeacuteen et du conseil relatif agrave la protection des personnes physiques agrave
lrsquoeacutegard du traitement des donneacutees agrave caractegravere personnel et agrave la libre circulation de ces donneacutees ndeg20120011 25
janvier 2012 57
Regraveglement (UE) 2016679 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif agrave la protection des
personnes physiques agrave leacutegard du traitement des donneacutees agrave caractegravere personnel et agrave la libre circulation de ces
donneacutees et abrogeant la directive 9546CE (regraveglement geacuteneacuteral sur la protection des donneacutees) JOUE L 119 du 4
mai 2016 p 1
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
35
53 La protection a priori relegraveve agrave la fois de lrsquoencadrement mis en place par les textes
mais eacutegalement des formaliteacutes agrave accomplir preacutealablement agrave tout traitement de donneacutees agrave
caractegravere personnel Certaines conditions de liceacuteiteacute des traitements sont poseacutees degraves les
premiers articles de la loi Ainsi lrsquoarticle 6 dispose que laquo les donneacutees sont collecteacutees de
maniegravere loyale et licite [hellip] pour des finaliteacutes deacutetermineacutes explicites et leacutegitimes et ne sont pas
traiteacutees ulteacuterieurement de maniegravere incompatible avec ces finaliteacutes [hellip] elles sont adeacutequates
pertinentes et non excessives [hellip] elles sont exactes complegravetes et si neacutecessaire mises agrave
jour[hellip] elles sont conserveacutees sous une forme permettant lrsquoidentification des personnes
concerneacutees pendant une dureacutee qui nrsquoexcegravede pas la dureacutee neacutecessaire aux finaliteacutes pour
lesquelles elles sont collecteacutees et traiteacutees raquo
54 Nous pouvons constater que lrsquoaccent est mis ici sur le respect du principe de
proportionnaliteacute Ce principe bien qursquoil ne figure pas dans la Constitution est reacuteguliegraverement
invoqueacute par le Conseil constitutionnel dans ses deacutecisions Les donneacutees collecteacutees doivent
avant tout reacutepondre agrave une finaliteacute bien preacutecise et ne pas ecirctre disproportionneacutees par rapport au
but rechercheacute Le principe de proportionnaliteacute apparaicirct eacutegalement au travers de lrsquoobligation de
conserver ces donneacutees pour une dureacutee limiteacutee et adapteacutee aux besoins du traitement Les
donneacutees ne peuvent ecirctre conserveacutees que pour une dureacutee strictement deacutefinie La leacutegislation
consacre ici le principe de droit agrave lrsquooubli58
Ce principe de proportionnaliteacute permet drsquoassurer
un certain eacutequilibre entre droits des personnes concerneacutees par les donneacutees traiteacutees et inteacuterecircts
du responsable du traitement
55 La seconde exigence preacutealable agrave tout traitement est poseacutee agrave lrsquoarticle 7 de la loi
Informatique et Liberteacutes laquo un traitement de donneacutees agrave caractegravere personnel doit avoir reccedilu le
consentement de la personne concerneacutee raquo Cette exigence permet de srsquoassurer drsquoune part que
les personnes concerneacutees par les donneacutees sont au courant de lrsquoutilisation qui va en ecirctre faite et
drsquoautre part qursquoils en sont drsquoaccord Toutefois il est utile de preacuteciser que ce mecircme article qui
preacutevoit lrsquoobligation de consentement introduit immeacutediatement une liste drsquoexceptions Ainsi
le consentement de la personne concerneacutee par les donneacutees traiteacutees ne sera pas neacutecessaire si le
traitement satisfait agrave lrsquoune des conditions suivantes laquo le respect drsquoune obligation leacutegale
incombant au responsable du traitement la sauvegarde de la vie de la personne concerneacutee
58 DESGENS-PASANAU Guillaume laquo La protection des donneacutees agrave caractegravere personnel raquo op cit p 41
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
36
lrsquoexeacutecution drsquoune mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire
du traitement lrsquoexeacutecution soit drsquoun contrat auquel la personne concerneacutee est partie soit de
mesures contractuelles prises agrave la demande de celle-ci la reacutealisation de lrsquointeacuterecirct leacutegitime
poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire sous reacuteserve de ne pas
meacuteconnaitre lrsquointeacuterecirct ou les droits et liberteacutes fondamentaux de la personne concerneacutee raquo En
outre le responsable du traitement devra le deacuteclarer aupregraves de la CNIL Diffeacuterentes formes de
deacuteclarations existent et celle qui devra srsquoappliquer deacutependra de la finaliteacute poursuivie par le
traitement et non pas de lrsquoapplication utiliseacutee pour mettre en œuvre le traitement Ces
diffeacuterents reacutegimes sont traiteacutes au sein du chapitre IV de la loi Informatique et Liberteacutes intituleacute
laquo Formaliteacutes preacutealables agrave la mise en œuvre des traitements raquo Le reacutegime de droit commun est
celui de la deacuteclaration normale deacutecrite agrave lrsquoarticle 23 de la loi Informatique et Liberteacutes et
applicable agrave tous les traitements qui ne relegraveveraient pas drsquoune proceacutedure speacutecifique Il srsquoagit
en reacutealiteacute drsquoun engagement de la part du responsable du traitement qui certifie que son
traitement est conforme aux exigences de la CNIL
56 Afin de geacuterer au mieux les diffeacuterentes deacuteclarations mais eacutegalement de faciliter les
traitements de donneacutees dont la mise en œuvre nrsquoest pas susceptible de porter atteinte agrave la vie
priveacutee et aux liberteacutes il est eacutegalement preacutevu que la CNIL puisse eacutetablir des normes afin de
simplifier les obligations de deacuteclaration A titre drsquoexemple la norme simplifieacutee ndeg 50 relatif agrave
la gestion des cabinets meacutedicaux et parameacutedicaux59
permet aux professionnels de santeacute
libeacuteraux de deacuteposer une simple deacuteclaration de conformiteacute agrave cette norme afin drsquoecirctre en regravegle
avec la leacutegislation Cette norme srsquoapplique agrave la gestion courante des cabinets meacutedicaux qursquoil
srsquoagisse des dossiers meacutedicaux de la teacuteleacutetransmission des feuilles de soins ou encore de la
comptabiliteacute La CNIL peut eacutegalement en vertu des dispositions preacutevues agrave lrsquoarticle 24 de la
loi Informatique et Liberteacutes deacutecider que certaines cateacutegories courantes de traitements dont la
mise en œuvre nrsquoest pas susceptible de porter atteinte agrave la vie priveacutee ou aux liberteacutes compte
tenu de leur finaliteacute de leur destinataire des donneacutees agrave caractegravere personnel traiteacutees de leur
dureacutee de conservation et des cateacutegories de personnes concerneacutees peuvent ecirctre dispenseacutees de
deacuteclaration La liste de ces traitements est publieacutee au Journal Officiel Crsquoest le cas par
exemple de la dispense accordeacutee aux organismes publics pour la deacutemateacuterialisation des
59 Deacutelibeacuteration ndeg 2005-296 du 22 novembre 2005 portant adoption drsquoune norme simplifieacutee relative aux
traitements automatiseacutes de donneacutees agrave caractegravere personnel mis en œuvre par les membres des professions
meacutedicales et parameacutedicales exerccedilant agrave titre libeacuteral agrave des fins de gestion de leur cabinet JORF ndeg7 du 8 janvier
2006 texte ndeg 19
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
37
marcheacutes publics60
La CNIL peut eacutegalement dans le cas de traitement relevant drsquoun mecircme
organisme ou ayant des finaliteacutes identiques ou lieacutees entre elles autoriser les responsables du
traitement agrave proceacuteder agrave une deacuteclaration unique61
57 Pour les donneacutees consideacutereacutees comme eacutetant plus sensibles une autorisation preacutealable
de la CNIL sera neacutecessaire Ce reacutegime particulier srsquoapplique aux donneacutees sensibles citeacutees aux
III et IV lrsquoarticle 8 de la loi62
mais eacutegalement laquo aux traitements automatiseacutes portant sur des
donneacutees geacuteneacutetiques agrave lrsquoexception de ceux drsquoentre eux qui sont mis en œuvre par des meacutedecins
ou des biologistes et qui sont neacutecessaires aux fins de la meacutedecine preacuteventive des diagnostics
meacutedicaux ou de lrsquoadministration de soins ou de traitements aux traitements portant sur des
donneacutees relatives aux infractions condamnations ou mesures de sucircreteacute aux traitements
automatiseacutes susceptibles drsquoexclure des personnes du beacuteneacutefice drsquoun droit drsquoune prestation ou
drsquoun contrat en lrsquoabsence de toute disposition leacutegislative ou reacuteglementaire aux traitements
automatiseacutes ayant pour objet lrsquointerconnexion de fichiers relevant drsquoune ou de plusieurs
personnes morales geacuterant un service public et dont les finaliteacutes correspondent agrave des inteacuterecircts
publics diffeacuterents lrsquointerconnexion de fichiers relevant drsquoautres personnes et dont les finaliteacutes
principales sont diffeacuterentes les traitements portant sur des donneacutees parmi lesquelles figure le
numeacutero drsquoinscription des personnes au reacutepertoire national drsquoidentification des personnes
physiques et ceux qui requiegraverent une consultation de ce reacutepertoire sans inclure le numeacutero
drsquoinscription agrave celui-ci des personnes les traitements automatiseacutes de donneacutees comportant des
appreacuteciations sur les difficulteacutes sociales des personnes les traitements automatiseacutes
comportant des donneacutees biomeacutetriques neacutecessaires au controcircle de lrsquoidentiteacute des personnes raquo
58 Contrairement agrave la proceacutedure de deacuteclaration normale le traitement envisageacute va faire
lrsquoobjet drsquoun examen de la part de la CNIL qui dispose drsquoun deacutelai de deux mois renouvelable
une fois sur deacutecision motiveacutee de son preacutesident pour se prononcer et autoriser ou non la mise
en œuvre du traitement En lrsquoabsence de reacuteponse de la part de la CNIL dans le deacutelai imparti la
demande drsquoautorisation est reacuteputeacutee rejeteacutee et le responsable du traitement pourra engager un
recours en annulation aupregraves du Conseil drsquoEtat
60 Deacutelibeacuteration ndeg 2005-003 du 13 janvier 2005 deacutecidant la dispense de deacuteclaration des traitements mis en œuvre
par les organismes publics dans le cadre de la deacutemateacuterialisation des marcheacutes publics JORF ndeg 55 du 6 mars
2005 texte ndeg 32 61
Article 24 II de la loi Informatique et Liberteacutes 62
V Infra ndeg 63
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
38
59 La protection mise en place par la loi Informatique et Liberteacutes passe eacutegalement par la
conseacutecration de droits fondamentaux pour les personnes concerneacutees par les donneacutees traiteacutees
Ces droits exposeacutes au sein du chapitre V de la loi sont au nombre de quatre droit
drsquoinformation droit drsquoaccegraves droit de rectification et de radiation et le droit drsquoopposition Le
droit drsquoinformation preacutevu agrave lrsquoarticle 32 de la loi consiste pour la personne concerneacutee par les
donneacutees agrave ecirctre informeacutee drsquoune maniegravere geacuteneacuterale sur le traitement dont ses donneacutees vont faire
lrsquoobjet Elle doit notamment ecirctre informeacutee sur lrsquoidentiteacute du responsable du traitement de la
finaliteacute du traitement du ou des destinataires des donneacutees des droits qursquoil deacutetient en vertu de
la loi Informatique et Liberteacutes et le cas eacutecheacuteant du transfert des donneacutees au sein drsquoun eacutetat non
membre de lrsquoUnion Europeacuteenne Ce droit nous apparaicirct comme essentiel puisqursquoil va
permettre agrave la personne concerneacutee par le traitement drsquoune part de donner un consentement
eacuteclaireacute au traitement et drsquoautre part drsquoecirctre clairement informeacutee des autres droits qursquoelle
deacutetient agrave lrsquoeacutegard de ses donneacutees
La loi Informatique et Liberteacutes preacutevoit eacutegalement le droit pour toute personne
physique de srsquoopposer agrave ce que ses donneacutees fassent lrsquoobjet drsquoun traitement et ce agrave condition
drsquoavoir des raisons leacutegitimes Lrsquoopposition devra donc ecirctre motiveacutee et lrsquoappreacuteciation du
caractegravere leacutegitime ou non de lrsquoopposition reviendra donc au responsable du traitement Cette
notion de laquo motifs leacutegitimes raquo nrsquoest malheureusement pas deacutefinie dans les textes et ni la
CNIL ni le juge nrsquoont eu agrave se prononcer agrave ce sujet pour lrsquoinstant
Le droit drsquoaccegraves poseacute agrave lrsquoarticle 39 de la loi Informatique et Liberteacutes permet agrave toute
personne physique justifiant de son identiteacute drsquointerroger le responsable drsquoun traitement afin
drsquoobtenir confirmation que ses donneacutees font ou ne font pas lrsquoobjet drsquoun traitement
Enfin il est preacutevu que toute personne physique ait droit drsquoexiger que ses donneacutees
soient laquo rectifieacutees compleacuteteacutees mises agrave jour verrouilleacutees ou effaceacutees raquo Toutefois les
donneacutees concerneacutees doivent ecirctre inexactes incomplegravetes peacuterimeacutees ou encore eacutequivoques ou
tout simplement frappeacutees drsquoune interdiction de traitement
60 Avec la loi Informatique et Liberteacutes le leacutegislateur a donc essayeacute de mettre en place la
protection des donneacutees agrave caractegravere personnel la plus complegravete possible garantissant aux
personnes concerneacutees par un traitement de donneacutees des droits fondamentaux assurant un
controcircle a priori et a posteriori des traitements effectueacutes Ces garanties ont drsquoailleurs eacuteteacute
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
39
jugeacutees comme preacutesentant un caractegravere approprieacute par le Conseil drsquoEtat dans une deacutecision
rendue le 19 novembre 199263
B La protection speacutecifique des donneacutees de santeacute
61 Les donneacutees de santeacute sont des donneacutees agrave caractegravere personnel assez particuliegraveres En
effet elles touchent de tregraves pregraves agrave lrsquointimiteacute de la personne et leur communication rend la
personne qursquoelles concernent vulneacuterable Cette particulariteacute leur vaut drsquoappartenir agrave une
cateacutegorie speacutecifique de donneacutees puisqursquoelles sont consideacutereacutees par la loi Informatique et
Liberteacutes comme eacutetant des donneacutees sensibles (1) En compleacutement des protections instaureacutees
par la loi Informatique et Liberteacutes les donneacutees de santeacute beacuteneacuteficient ainsi de protections qui
leurs sont propres (2)
1) Les donneacutees de santeacute des donneacutees sensibles
62 Bien qursquoil soit depuis longtemps acquis que les donneacutees de santeacute sont des donneacutees
particuliegraverement sensibles la deacutefinition leacutegale de la notion de donneacutees de santeacute nrsquoest apparue
que tregraves reacutecemment
63 La loi Informatique et Liberteacutes deacutefinit clairement la notion de donneacutees agrave caractegravere
personnel comme eacutetant laquo toute information relative agrave une personne physique identifieacutee ou qui
peut ecirctre identifieacutee directement ou indirectement par reacutefeacuterence agrave un numeacutero drsquoidentification
ou agrave un ou plusieurs eacuteleacutements qui lui sont propres raquo Toutefois elle ne revient pas
preacuteciseacutement sur la notion de donneacutees de santeacute Elle se contente juste de preacuteciser dans son
article 8 qursquo laquo il est interdit de collecter ou de traiter des donneacutees agrave caractegravere personnel [hellip]
qui sont relatives agrave la santeacute raquo La directive europeacuteenne de 1995 nrsquoest pas beaucoup plus
preacutecise sur la notion de donneacutees de santeacute Crsquoest un arrecirct de la CJCE en date du 6 novembre
2003 qui a apporteacute les premiegraveres preacutecisions sur cette notion64
En lrsquoespegravece le Goumlta hovraumltt
(Suegravede) avait poseacute par ordonnance du 23 feacutevrier 2001 sept questions preacutejudicielles sur
lrsquointerpreacutetation de la directive 9546CE La quatriegraveme de ces questions demandait agrave la Cour
de preacuteciser si laquo lrsquoindication sur une page drsquoaccueil qursquoun collegravegue de travail mentionneacute par
63 CE 18 novembre 1992 LICRA ndeg 115367 Rec 1992 p 411 AJDA 1993 p 213
64 CJCE 6 novembre 2003 affndegC-10101 Suegravede c Lindqvist
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
40
son nom srsquoest blesseacute au pied et est en congeacute de maladie partiel est-elle une donneacutee agrave
caractegravere personnel relative agrave la santeacute qui aux termes de lrsquoarticle 8 paragraphe 1 ne peut
faire lrsquoobjet drsquoun traitement raquo Face agrave cette question la CJCE va apporter une reacuteponse
simple laquo Eu eacutegard agrave lrsquoobjet de cette directive il convient de donner agrave lrsquoexpression donneacutees
de santeacute employeacutee agrave son article 8 paragraphe 1 une interpreacutetation large de sorte qursquoelle
comprenne des informations concernant tous les aspects tant physiques que psychiques de la
santeacute drsquoune personne raquo La CJCE se montre par conseacutequent assez large sur la deacutefinition de la
notion de donneacutees de santeacute Et elle nrsquoest drsquoailleurs pas la seule dans ce cas
64 Dans sa transposition de la directive 9546CE le Grand-Ducheacute du Luxembourg
contrairement agrave la France a deacutefini les donneacutees relatives agrave la santeacute comme eacutetant laquo toute
information concernant lrsquoeacutetat physique et mental drsquoune personne concerneacutee y compris les
donneacutees geacuteneacutetiques raquo65
La deacutefinition est leacutegegraverement plus large en ce qursquoelle regroupe
expresseacutement les donneacutees geacuteneacutetiques Cette inteacutegration est compreacutehensible bien que les
donneacutees geacuteneacutetiques qui regroupent les caractegraveres heacutereacuteditaires drsquoun individu ne concernent
pas agrave proprement parleacute un aspect de la santeacute drsquoun individu mais touchent en revanche
indeacuteniablement agrave son intimiteacute
65 Le Groupe de lrsquoarticle 2966
se montre eacutegalement tregraves large dans la deacutefinition qursquoil
donne de la notion Ce groupe srsquoest pencheacute agrave plusieurs reprises sur la probleacutematique lieacutee agrave la
protection des donneacutees de santeacute Ainsi dans un document de travail sur le traitement des
donneacutees agrave caractegravere personnel relatives agrave la santeacute contenues dans les dossiers meacutedicaux
eacutelectroniques adopteacute le 15 feacutevrier 2007 le groupe de travail reprend la deacutefinition poseacutee par
lrsquoarrecirct Lindqvist et la complegravete en preacutecisant que laquo cette deacutefinition srsquoapplique eacutegalement aux
donneacutees agrave caractegravere personnel lorsqursquoelles preacutesentent un lien clair et eacutetroit avec la
description de lrsquoeacutetat de santeacute drsquoune personne les donneacutees sur la consommation de
65 Loi du 2 aoucirct 2002 relative agrave la protection des personnes agrave lrsquoeacutegard du traitement des donneacutees agrave caractegravere
personnel Art 2 g) du journal officiel du Grand-Ducheacute du Luxembourg laquo Recueil des leacutegislations raquo A ndeg 91
du 13 aoucirct 2002 66
Le groupe de lrsquoarticle 29 ou Article 29 data protection working party est un organe consultatif europeacuteen
indeacutependant sur la protection des donneacutees et de la vie priveacutee eacutetabli en vertu de lrsquoarticle 29 de la directive ndeg
9546CE Ce groupe consultatif et indeacutependant est composeacute de repreacutesentants des autoriteacutes nationales chargeacutees
de la protection des donneacutees agrave caractegravere personnel drsquoun repreacutesentant de lrsquoautoriteacute creacutee pourhellipet drsquoun
repreacutesentant de la commission europeacuteenne Ses missions sont deacutefinies agrave lrsquoarticle 30 de la directive Il srsquoagit
principalement de donneacutee des avis sur les questions relatives agrave la protection des donneacutees agrave caractegravere personnel
mais eacutegalement promouvoir et contribuer agrave une application uniforme de la directive
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
41
meacutedicaments drsquoalcool ou de drogue et les donneacutees geacuteneacutetiques sont incontestablement des
donneacutees agrave caractegravere personnel relatives agrave la santeacute [hellip] en outre toutes autres donneacutees ndash par
exemple des donneacutees administratives (numeacutero de seacutecuriteacute sociale date drsquoadmission agrave
lrsquohocircpital) ndash contenues dans les documents meacutedicaux relatifs au traitement drsquoun patient
doivent ecirctre consideacutereacutees comme sensibles raquo Le Groupe de lrsquoarticle 29 franchit un cap
suppleacutementaire en inteacutegrant les donneacutees administratives agrave la cateacutegorie des donneacutees de santeacute agrave
partir du moment ougrave celles-ci sont contenues dans les dossiers meacutedicaux Il justifie sa position
au regard de la pertinence preacutesumeacutee de ces donneacutees dans le cadre de la prise en charge du
patient Nous pouvons noter ici le lien entre la deacutefinition de la notion de donneacutees de santeacute que
tente drsquoesquisser le Groupe de lrsquoarticle 29 et le champ couvert par le secret professionnel En
effet lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute publique preacutevoit que le secret laquo couvre
lensemble des informations concernant la personne venues agrave la connaissance du
professionnel de santeacute raquo Il nous semble degraves lors raisonnable drsquoaffirmer si ces donneacutees sont
couvertes par le secret professionnel crsquoest bien du fait de leur caractegravere sensible Degraves lors la
deacutefinition des donneacutees de santeacute ne peut pas ecirctre moins vaste que cela A ce sujet drsquoailleurs le
Groupe Europeacuteen drsquoEthique dans une deacutecision rendue le 30 juillet 1999 avait deacutefini le
peacuterimegravetre des donneacutees de santeacute comme englobant laquo un large eacuteventail drsquoinformations qui
touchent agrave la vie priveacutee de la personne concerneacutee Elles incluent non seulement les donneacutees
meacutedicales de base [] mais aussi des donneacutees individuelles sensibles telles que celles
relatives agrave lrsquoeacutetat psychique de la personne agrave ses anteacuteceacutedents familiaux agrave ses habitudes de
vie y compris sa vie sexuelle agrave sa situation sociale et eacuteconomique ainsi que des donneacutees de
nature administrative raquo
66 Le regraveglement europeacuteen relatif agrave la protection des donneacutees personnelles67
adopteacute en
avril 2016 donne enfin une deacutefinition leacutegale agrave la notion de donneacutee de santeacute Ainsi selon les
dispositions de lrsquoarticle 4 de ce regraveglement les donneacutees concernant la santeacute sont deacutefinies
comme laquo les donneacutees agrave caractegravere personnel relatives agrave la santeacute physique ou mentale dune
personne physique y compris la prestation de services de soins de santeacute qui reacutevegravelent des
informations sur leacutetat de santeacute de cette personne raquo
67 Regraveglement 2016679 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif agrave la protection des
personnes physiques agrave leacutegard du traitement des donneacutees agrave caractegravere personnel et agrave la libre circulation de ces
donneacutees et abrogeant la directive 9546CE JOUE du 4 mai 2016
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
42
67 Cette deacutefinition tregraves succincte srsquoinscrit dans la ligneacutee de celles proposeacutees jusqursquoalors
dans le sens ougrave elle se veut le plus large possible Toutefois nous pensons qursquoil aurait eacuteteacute
preacutefeacuterable drsquoinclure de maniegravere explicite les donneacutees administratives comme crsquoeacutetait le cas
dans la deacutefinition avanceacutee par le Groupe de lrsquoarticle 29 ou encore par le Groupe Europeacuteen
drsquoEthique Toutes les donneacutees relatives au patient et servant de maniegravere directe ou non agrave sa
prise en charge devraient pouvoir beacuteneacuteficier de la mecircme protection renforceacutee du fait de leur
sensibiliteacute mais eacutegalement afin drsquoassurer une certaine coheacuterence
68 Le caractegravere particuliegraverement sensible de ces donneacutees a ameneacute le leacutegislateur agrave adopter
des dispositions speacutecifiques agrave celles-ci Ainsi le traitement de ces donneacutees est en principe
interdit laquo il est interdit de collecter ou de traiter des donneacutees agrave caractegravere personnel qui font
apparaicirctre directement ou indirectement les origines raciales ou ethniques les opinions
politiques philosophiques ou religieuses ou lrsquoappartenance syndicale des personnes ou qui
sont relatives agrave la santeacute ou agrave la vie sexuelle de celles-ciraquo68
69 Toutefois agrave chaque principe son exception et les dispositions de la loi Informatique et
Liberteacutes ne deacuterogent pas agrave la regravegle Cette exception est drsquoailleurs poseacutee tout de suite apregraves le
principe69
En effet le II de lrsquoarticle 8 de la loi Informatique et Liberteacutes dresse une liste de
68 Article 8 de la loi Informatique et Liberteacutes
69 Lrsquoarticle 8 II de la loi Informatique et Liberteacutes dispose laquo Dans la mesure ougrave la finaliteacute du traitement lrsquoexige
pour certaines cateacutegories de donneacutees ne sont pas soumis agrave lrsquointerdiction preacutevue au I
1deg Les traitements pour lesquels la personne concerneacutee a donneacute son consentement expregraves sauf dans le cas ougrave la
loi preacutevoit que lrsquointerdiction viseacutee au I ne peut ecirctre leveacutee par le consentement de la personne concerneacutee
2deg Les traitements neacutecessaires agrave la sauvegarde de la vie humaine mais auxquels la personne concerneacutee ne peut
donner son consentement par suite drsquoune incapaciteacute juridique ou drsquoune impossibiliteacute mateacuterielle
3deg Les traitements mis en œuvre par une association ou tout autre organisme agrave but non lucratif et agrave caractegravere
religieux philosophique politique ou syndical
- pour les seules donneacutees mentionneacutees au I correspondant agrave lrsquoobjet de ladite association ou dudit organisme
- sous reacuteserve qursquoils ne concernent que les membres de cette association ou de cet organisme et le cas eacutecheacuteant
les personnes qui entretiennent avec celui-ci des contacts reacuteguliers dans le cadre de son activiteacute
- et qursquoils ne portent que sur des donneacutees non communiqueacutees agrave des tiers agrave moins que les personnes concerneacutees
nrsquoy consentent expresseacutement
4deg Les traitements portant sur des donneacutees agrave caractegravere personnel rendues publiques par la personne concerneacutee
5deg Les traitements neacutecessaires agrave la constatation agrave lrsquoexercice ou agrave la deacutefense drsquoun droit en justice
6deg Les traitements neacutecessaires aux fins de la meacutedecine preacuteventive des diagnostics meacutedicaux de
lrsquoadministration de soins ou de traitements ou de la gestion de services de santeacute et mis en oeuvre par un
membre drsquoune profession de santeacute ou par une autre personne agrave laquelle srsquoimpose en raison de ses fonctions
lrsquoobligation de secret professionnel preacutevue par lrsquoarticle 226-13 du Code peacutenal
7deg Les traitements statistiques reacutealiseacutes par lrsquoInstitut national de la statistique et des eacutetudes eacuteconomiques ou lrsquoun
des services statistiques ministeacuteriels dans le respect de la loi ndeg 51-711 du 7 juin 1951 sur lrsquoobligation la
coordination et le secret en matiegravere de statistiques apregraves avis du Conseil national de lrsquoinformation statistique et
dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle 25 de la preacutesente loi
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
43
huit exceptions pour lesquelles le traitement drsquoune donneacutee a priori sensible peut toutefois ecirctre
autoriseacute Ainsi mecircme si les donneacutees sensibles sont frappeacutees drsquoune interdiction de traitement
comme nous pourrons le constater dans la suite de notre reacuteflexion ce sont bien les exceptions
qui trouveront agrave srsquoappliquer la majeure partie du temps
2) Des meacutecanismes de protection propres aux donneacutees de santeacute
70 La loi Informatique et Liberteacutes nrsquoest pas le seul texte organisant la protection des
donneacutees de santeacute et drsquoautres protections les concernant existent au sein du Code de la santeacute
publique Toutefois bien que preacutesentes au sein drsquoun mecircme code celles-ci sont eacuteparses et il
nrsquoexiste pas reacuteellement de coordination entre les diffeacuterents textes Nous ne nous attarderons
pas ici sur lrsquoencadrement speacutecifique qui existe en matiegravere drsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute
et de confidentialiteacute ces cas speacutecifiques faisant lrsquoobjet drsquoun deacuteveloppement ulteacuterieur70
et
preacutefeacuterons concentrer notre reacuteflexion sur les protections de droit commun relatives aux
donneacutees de santeacute
Deux dispositions doivent donc ecirctre eacutetudieacutees la protection des donneacutees assureacutee par le
secret professionnel et le rocircle joueacute par le meacutedecin responsable de lrsquoinformation meacutedicale
71 laquo Il nrsquoy a pas de soins sans confidences de confidences sans confiance de confiance
sans secret raquo71
Comme le rappelle Bernard HOERNI le secret meacutedical est le pilier de la
relation entre le meacutedecin et son patient car il permet de preacuteserver le colloque singulier
neacutecessaire agrave lrsquoinstauration drsquoune relation de confiance La jurisprudence a tregraves tocirct affirmeacute le
caractegravere absolu du secret meacutedical Dans une deacutecision rendue le 9 deacutecembre 1885 connue
sous le nom de lrsquoarrecirct WATELET la Cour de cassation avait deacutecideacute que lrsquoobligation de
secret professionnel srsquoimposait aux meacutedecins comme un devoir de leur eacutetat qualifiant cette
obligation de geacuteneacuterale et absolue personne ne pouvant les en affranchir72
Aujourdrsquohui
lrsquoobligation de secret meacutedical a eacuteteacute introduite au Code de la santeacute publique et elle srsquoimpose
8deg Les traitements neacutecessaires agrave la recherche dans le domaine de la santeacute selon les modaliteacutes preacutevues au
chapitre IX raquo 70
V Infra ndeg 155 et s 71
HOERNI Bernard laquo Ethique et deacuteontologie meacutedicale raquo 2egraveme
eacutedition Masson Juin 2000 72
Cass crim 19 deacutecembre 1885 Watelet Bull crindeg 363 et S V eacutegalement en ce sens Cass Crim 8 mai
1947 Decraene Bull Crim ndeg 124
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
44
aussi bien aux meacutedecins qursquoagrave toutes les personnes intervenant dans la prise en charge du
patient
72 Ainsi lrsquoarticle 4 du Code de deacuteontologie meacutedicale transposeacute agrave lrsquoarticle R 4127-4 du
Code de la santeacute publique preacutevoit laquo le secret professionnel institueacute dans linteacuterecirct des
patients simpose agrave tout meacutedecin dans les conditions eacutetablies par la loi Le secret couvre tout
ce qui est venu agrave la connaissance du meacutedecin dans lexercice de sa profession cest-agrave-dire
non seulement ce qui lui a eacuteteacute confieacute mais aussi ce quil a vu entendu ou comprisraquo La loi du
4 mars 2002 relative aux droits des malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute73
a renforceacute le
secret meacutedical et lrsquoa eacutetendu agrave toutes les personnes participant de maniegravere directe ou indirecte agrave
la prise en charge du patient Ainsi lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute publique preacutevoit
laquo toute personne prise en charge par un professionnel de santeacute un eacutetablissement ou service
un professionnel ou organisme concourant agrave la preacutevention ou aux soins dont les conditions
dexercice ou les activiteacutes sont reacutegies par le preacutesent code le service de santeacute des armeacutees un
professionnel du secteur meacutedico-social ou social ou un eacutetablissement ou service social et
meacutedico-social mentionneacute au I de larticle L 312-1 du Code de laction sociale et des familles
a droit au respect de sa vie priveacutee et du secret des informations le concernant Excepteacute dans
les cas de deacuterogation expresseacutement preacutevus par la loi ce secret couvre lensemble des
informations concernant la personne venues agrave la connaissance du professionnel de tout
membre du personnel de ces eacutetablissements services ou organismes et de toute autre
personne en relation de par ses activiteacutes avec ces eacutetablissements ou organismes Il simpose
agrave tous les professionnels intervenant dans le systegraveme de santeacute [hellip] raquo Ainsi du secret
meacutedical nous sommes passeacutes au secret professionnel dont la violation peut entrainer des
sanctions civiles disciplinaires et peacutenales A ce titre le Code peacutenal sanctionne la violation du
secret professionnel drsquoun an emprisonnement et de 15 000 Euros drsquoamende74
73 La protection apporteacutee par le secret meacutedical vient renforcer celle offerte par la loi
Informatique et Liberteacutes Il faut toutefois srsquoattarder sur la diffeacuterence qui existe entre la notion
drsquoinformation concernant la personne couverte par le secret professionnel selon les
dispositions de lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute publique et la notion de donneacutees agrave
73 Loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute JORF du 5
mars 2002 p 4118 74
Article 226-13 du Code peacutenal
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
45
caractegravere personnel relatives agrave la santeacute (ou donneacutees de santeacute) dont la protection est assureacutee par
la loi Informatique et Liberteacutes75
Il faut faire attention agrave ne pas aller trop vite et consideacuterer
comme reacutefeacuterant agrave la mecircme chose deux notions qui en reacutealiteacute ne se recoupent pas
totalement76
Une information peut ecirctre deacutefinie comme eacutetant toute laquo indication
renseignement preacutecision que lrsquoon donne ou que lrsquoon obtient sur quelqursquoun ou sur quelque
chose raquo77
tandis que la donneacutee est deacutefinie comme eacutetant une laquo repreacutesentation drsquoune
information sous forme conventionnelle destineacutee agrave faciliter son traitement raquo78
La donneacutee est
donc une information valoriseacutee qui possegravede une valeur ajouteacutee drsquoordre technologique79
Ainsi
alors que la simple information meacutedicale ne sera proteacutegeacutee que par le secret professionnel
(crsquoest le cas par exemple de lrsquoinformation orale donneacutee par le patient agrave son meacutedecin qui ne
serait pas retranscrite au dossier meacutedical) la donneacutee de santeacute se verra offrir une double
protection celle preacutevue par la loi Informatique et Liberteacutes drsquoune part et celle assureacutee par
lrsquoobligation de secret professionnel drsquoautre part Cette double protection veacuteritable garantie
pour le patient peut toutefois srsquoaveacuterer pesante pour le professionnel de santeacute qui devra
srsquoassurer que toutes les obligations vis-agrave-vis drsquoune seule et mecircme donneacutee soient remplies
sous peine de voir sa responsabiliteacute engageacutee
74 Lrsquoautre protection majeure garantie aux donneacutees de santeacute est celle assureacutee par le
meacutedecin responsable de lrsquoinformation meacutedicale Ce dispositif preacutevu au Code de la santeacute
publique srsquoinscrit dans un cadre particulier qui est celui de lrsquoutilisation des informations
meacutedicales dans un but drsquoanalyse de lrsquoactiviteacute le Programme de Meacutedicalisation des Systegravemes
drsquoInformation ou PMSI instaureacute par lrsquoordonnance du 24 avril 199680
75 Un laquo praticien responsable de lrsquoinformation meacutedicale raquo doit ecirctre deacutesigneacute dans tout
eacutetablissement de santeacute par le directeur geacuteneacuteral apregraves avis de la commission meacutedicale
drsquoeacutetablissement81
Les conditions exactes de sa deacutesignation et les modes drsquoorganisation de la
fonction auraient ducirc ecirctre fixeacutees par un deacutecret qui nrsquoa pas eacuteteacute publieacute Bien que ces modaliteacutes ne
75 LAUDE Anne TABUTEAU Didier laquo Droit de la santeacute raquo PUF 2007 p 321
76 DE LAMBERTERIE Isabelle LUCAS Henri-Jacques laquo Informatique liberteacutes et recherche meacutedicale raquo
CNRS eacuted 2001 p 68 77
Deacutefinition du dictionnaire Larousse 78
DE LAMBERTERIE Isabelle laquo Qursquoest-ce qursquoune donneacutee de santeacute raquo RGDM ndeg speacutecial 2004 p 12 79
Id p 13 80
Ordonnance ndeg 96-346 du 24 avril 1996 portant reacuteforme de lhospitalisation publique et priveacutee JORF ndeg98 du
25 avril 1996 p 6324 81
Article L 6113-7 du Code de la santeacute publique
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
46
nous semblent pas indispensables les dispositions du Code de la santeacute publique eacutetant
suffisamment claires pour que les eacutetablissements de santeacute puissent prendre leurs dispositions
quant agrave la nomination du praticien responsable de lrsquoinformation meacutedicale nous ne pouvons
que deacuteplorer encore une fois le manque de rigueur du leacutegislateur qui ne nous offre que des
dispositions partielles sur un sujet pourtant important qursquoest lrsquoencadrement de lrsquoinformation
meacutedicale
76 La mission principale du meacutedecin responsable de lrsquoinformation meacutedicale est de
collecter les informations puis de traiter les donneacutees neacutecessaires agrave lrsquoanalyse de lrsquoactiviteacute
meacutedicale et agrave sa facturation que doivent lui transmettre les praticiens hospitaliers Divers
textes preacutecisent les autres missions de ce praticien responsable de lrsquoinformation meacutedicale
conseiller les praticiens pour la production des donneacutees et veiller agrave la qualiteacute de ces donneacutees
en les confrontant si neacutecessaire avec les dossiers meacutedicaux et les fichiers administratifs82
assurer la sauvegarde et la copie des donneacutees puis leur conservation durant cinq ans83
diffuser
ces donneacutees aupregraves de la direction de lrsquoeacutetablissement du preacutesident de la Commission
meacutedicale drsquoeacutetablissement (CME) ou de la commission elle-mecircme selon des modaliteacutes
arrecircteacutees apregraves avis de la CME84
Le meacutedecin responsable de lrsquoinformation meacutedicale transmet agrave
la direction de lrsquoeacutetablissement ainsi qursquoau preacutesident de la CME les informations neacutecessaires agrave
lanalyse de lactiviteacute de leacutetablissement soit dans son ensemble soit pour chacune des
structures meacutedicales de maniegravere systeacutematique ou agrave leur demande mais toujours dans des
conditions garantissant la confidentialiteacute des donneacutees et lrsquoanonymat des patients Il peut aussi
transmettre ces informations aux praticiens ayant dispenseacutes des soins Le meacutedecin responsable
de lrsquoinformation meacutedicale doit ecirctre informeacute de lrsquoobjectif des traitements de lrsquoinformation qui
lui sont demandeacutes Il doit ensuite participer agrave lrsquointerpreacutetation de leurs reacutesultats
77 Dans le cadre des controcircles relatifs agrave la facturation les meacutedecins inspecteurs de santeacute
publique et les meacutedecins conseils des organismes drsquoassurance maladie ont accegraves aux fichiers
concernant les informations drsquoactiviteacute et de facturation par lrsquointermeacutediaire du praticien
82 Article R 6113-4 du Code de la santeacute publique
83 Arrecircteacute du 22 feacutevrier 2008 relatif au recueil et au traitement des donneacutees dactiviteacute meacutedicale et des donneacutees de
facturation correspondantes produites par les eacutetablissements de santeacute publics ou priveacutes ayant une activiteacute en
meacutedecine chirurgie obsteacutetrique et odontologie et agrave la transmission dinformations issues de ce traitement dans
les conditions deacutefinies agrave larticle L 6113-8 du Code de la santeacute publique JORF ndeg0051 du 29 feacutevrier 2008 p
3577 84
Article R 6113-8 du Code de la santeacute publique
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
47
responsable de lrsquoinformation meacutedicale Ce dernier doit dans le cadre drsquoun controcircle informer
les praticiens responsables des structures meacutedicales concerneacutees preacutealablement agrave toute
confrontation drsquoun enregistrement de fichier avec un dossier meacutedical Il appartient eacutegalement
au praticien responsable de lrsquoinformation meacutedicale de conseiller le directeur geacuteneacuteral en ce qui
concerne la dureacutee de conservation des dossiers85
Ainsi il doit ecirctre consulteacute par le directeur
geacuteneacuteral avant que ce dernier deacutecide drsquoeacuteliminer un dossier meacutedical dont le deacutelai de
conservation est deacutepasseacute Il lui appartient eacutegalement de donner son avis sur lrsquoopportuniteacute de
fixer des dureacutees de conservation exceacutedant vingt ans pour certaines cateacutegories de dossiers En
tant que garant de la protection des donneacutees nominatives il reccediloit les demandes des usagers
concernant leur droit drsquoaccegraves et de rectification preacutevu par la loi Informatique et Liberteacutes du 6
janvier 1978 et conseille le directeur geacuteneacuteral en ce qui concerne les droits drsquoaccegraves aux
donneacutees meacutedicales nominatives Il est eacutegalement consulteacute concernant les modaliteacutes
drsquoattribution et de controcircle des autorisations drsquoaccegraves
78 Force est de constater que ce meacutedecin responsable de lrsquoinformation meacutedicale beacuteneacuteficie
de nombreuses preacuterogatives afin de lui permettre de remplir au mieux son rocircle de garant de la
protection des donneacutees personnelles Toutefois cette fonction est souvent restreinte au sein
des eacutetablissements de santeacute aux simples missions relatives au PMSI Or lrsquoanalyse des textes
nous montre bien une volonteacute drsquoinstaurer un gardien de lrsquoinformation meacutedicale agrave la fois
garant de la bonne application des dispositions de la loi Informatique et Liberteacutes mais
eacutegalement du respect du secret professionnel
85 Article R 1112-7 du Code de la santeacute publique
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
48
sect2 Une protection agrave lrsquoefficaciteacute relative
79 La loi Informatique et Liberteacutes a doteacute la CNIL de nombreux pouvoirs afin que celle-ci
puisse mener agrave bien les missions de controcircle qui lui sont confieacutees Toutefois il convient de
srsquointerroger sur lrsquoefficaciteacute de ces pouvoirs (A) tout comme sur les limites de la protection
accordeacutee aux donneacutees de santeacute (B)
A Le controcircle et la sanction du non-respect de la loi Informatique et
Liberteacutes des mesures disproportionneacutees
80 La CNIL srsquoest vue doteacutee par le leacutegislateur drsquoun statut particulier accompagneacute des
pouvoirs qursquoil estimait neacutecessaire agrave la reacutealisation de ses missions (1) Il est eacutegalement preacutevu
que le non-respect des dispositions de la loi Informatique et Liberteacutes entraine la mise en
œuvre de sanctions qui nous semblent toutefois disproportionneacutees et donc difficiles
drsquoapplication (2)
1) La CNIL une autoriteacute administrative indeacutependante doteacutee drsquoun pouvoir de controcircle
neacutecessaire
81 Le chapitre III de la loi Informatique et Liberteacutes encadre le fonctionnement et
lrsquoorganisation de la Commission Nationale de lrsquoInformatique et des Liberteacutes Celle-ci fut la
premiegravere a beacuteneacuteficieacute du statut particulier drsquoAutoriteacute Administrative Indeacutependante (AAI) Lors
des deacutebats relatifs agrave la loi de 1978 srsquoeacutetait en effet poseacutee la question du statut agrave donner agrave ce qui
aller devenir la CNIL Initialement il avait eacuteteacute envisageacute de faire de la CNIL soit un
eacutetablissement public sur lequel nrsquoaurait peseacute qursquoune tutelle alleacutegeacutee soit un simple service du
Ministegravere de la justice Mais le contexte particulier86
dans lequel est neacutee la loi Informatique et
Liberteacutes et donc la CNIL a justifieacute la creacuteation drsquoune nouvelle structure les AAI Toutefois
ce nrsquoest que plus tard que cette deacutenomination speacutecifique est apparue Crsquoest le Conseil
constitutionnel dans une deacutecision en date du 26 juillet 198487
et relative agrave la haute autoriteacute
86 V Supra ndeg 44
87 Conseil constitutionnel deacutecision ndeg 84-173 DC du 26 juillet 1984 JORF du 28 juillet 1984 p 2496
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
49
audiovisuelle qui va pour la premiegravere fois mettre un nom sur le concept laquo la deacutesignation
drsquoune autoriteacute administrative indeacutependante du gouvernement pour exercer une attribution
aussi importante [hellip] constitue une garantie fondamentale pour lrsquoexercice drsquoune liberteacute
publique raquo La doctrine srsquoeacutetait cependant essayeacutee agrave la theacuteorisation du concept auparavant88
Les AAI ont eacuteteacute creacuteeacutees pour reacutepondre principalement agrave trois objectifs89
le premier est drsquooffrir
aux citoyens lrsquoassurance drsquoune certaine impartialiteacute en ce qui concerne les interventions de
lrsquoEtat En effet les AAI ont cette particulariteacute de sembler laquo pareacutees degraves leur naissance drsquoune
onction qui les ferait beacuteneacuteficier drsquoune irreacutefragable preacutesomption drsquoimpartialiteacute raquo90
Dans les
domaines touchant de pregraves aux droits et liberteacutes fondamentaux comme crsquoest le cas pour la
protection des donneacutees agrave caractegravere personnel lrsquoEtat peut ecirctre reacuteputeacute partial il lui appartient
alors de confier ses responsabiliteacutes en la matiegravere agrave des autoriteacutes exteacuterieures et indeacutependantes
dont les avis et deacutecisions ne seront pas remis en cause La deuxiegraveme justification tient agrave la
volonteacute drsquoassocier des professionnels agrave la mise en place des regravegles applicables dans des
domaines techniques Enfin la troisiegraveme justification avanceacutee est la meilleure efficaciteacute drsquoune
AAI notamment en matiegravere de sanction le juge pouvant sembler parfois plus lent agrave ce niveau
mais eacutegalement en matiegravere de prise de deacutecision le circuit eacutetant plus simple qursquoau sein drsquoune
administration classique
82 La volonteacute initiale du leacutegislateur en creacuteant la CNIL nrsquoeacutetait pas drsquoinstaurer une
nouvelle cateacutegorie juridique mais simplement de srsquoassurer que la commission qursquoil allait
creacuteer ne serait pas une eacuteniegraveme structure deacutenueacutee de tout pouvoir Selon les dispositions de la
loi Informatique et Liberteacutes la CNIL dispose de missions speacutecifiques qui pourront ecirctre
meneacutees agrave bien gracircce aux pouvoirs que lui accorde la loi lrsquoensemble eacutetant deacutefini au sein de
lrsquoarticle 11 de la loi
83 La CNIL est avant toute chose investie drsquoune mission drsquoinformation et de conseil
puisque qursquoelle doit informer les citoyens et les responsables de traitements de leurs droits et
obligations Au titre de sa mission de conseil elle doit eacutegalement eacutepauler les pouvoirs publics
et les juridictions en reacutepondant agrave leurs demandes drsquoavis Cette mission lrsquoamegravene par ailleurs agrave
88 V notamment en ce sens SABOURIN Pierre laquo Les autoriteacutes administratives indeacutependantes une cateacutegorie
nouvelle raquo AJDA 1983 pp 275-295 89
laquo Consideacuterations geacuteneacuterales les Autoriteacutes Administratives Indeacutependantesraquo Rapport public du Conseil drsquoEtat
2001 p 275 90
Ibid
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
50
donner un avis sur tout projet de loi ou de deacutecret portant sur la protection des personnes agrave
lrsquoeacutegard des traitements automatiseacutes Elle peut aussi collaborer avec drsquoautres AAI en matiegravere
de protection de donneacutees mais eacutegalement ecirctre associeacutee agrave la preacuteparation et agrave la deacutefinition de la
position franccedilaise en la matiegravere La CNIL constitue ainsi une reacuteelle cellule drsquoappui et de
conseil en matiegravere de protection des donneacutees
84 Sa deuxiegraveme mission consiste agrave assurer la protection des donneacutees agrave caractegravere
personnel Elle se doit donc de veiller agrave ce que les traitements de donneacutees soient mis en œuvre
de maniegravere conforme agrave la loi Pour mener agrave bien cette mission le leacutegislateur nrsquoa pas heacutesiteacute agrave
doter la commission drsquoun double pouvoir de controcircle controcircle a priori et controcircle a
posteriori Au titre de son pouvoir a priori elle doit instruire les deacuteclarations de traitement
ainsi que les demandes drsquoautorisation ou drsquoavis qui lui sont soumises Au titre de son pouvoir
de controcircle a posteriori elle est destinataire des reacuteclamations peacutetitions et plaintes relatives agrave
la mise en œuvre des traitements auxquelles elle deacutecide des suites agrave donner Elle dispose
eacutegalement drsquoun pouvoir drsquoenquecircte au sein des entreprises Elle peut agrave ce titre diligenter des
perquisitions Cela lui permet de recueillir tout renseignement utile ou drsquoobtenir la
communication de tout document qursquoelle estimera neacutecessaire agrave la reacutealisation de sa mission91
Elle possegravede un important pouvoir reacuteglementaire en vertu duquel elle est habiliteacutee agrave eacutelaborer
des normes simplifieacutees mais eacutegalement des regraveglements types et ce afin drsquoassurer la seacutecuriteacute
des systegravemes Toutefois la CNIL nrsquoa que tregraves peu utiliseacute ce pouvoir puisqursquoun seul regraveglement
de ce type a eacuteteacute eacutetabli jusqursquoagrave aujourdrsquohui92
Enfin elle beacuteneacuteficie drsquoun pouvoir de sanction agrave
lrsquoencontre des responsables de traitements93
85 La CNIL dispose bien entendu de moyens propres afin de mener agrave bien lrsquoensemble des
missions qui lui sont confieacutees son budget relevant du budget de lrsquoEtat Toutefois en 2008
face agrave la faiblesse de ses moyens la commission a reacutefleacutechi agrave la possibiliteacute drsquoinstaurer un autre
mode de financement La CNIL avait donc preacutesenteacute au Seacutenat en 2007 un projet de
diversification des sources de financement de la commission94
dans lequel il envisageait une
91 DESGENSPASANAU Guillaume laquo La protection des donneacutees agrave caractegravere personnel raquo op cit p 63
92 Deacutelibeacuteration CNIL ndeg81-094 du 21 juillet 1981 portant adoption drsquoune recommandation relative aux mesures
geacuteneacuterales de seacutecuriteacute des systegravemes informatiques 93
V Infra ndeg 86 et s 94
DEacuteTRAIGNE Yves ESCOFFIER Anne-Marie laquoLa vie priveacutee agrave lheure des meacutemoires numeacuteriques Pour une
confiance renforceacutee entre citoyens et socieacuteteacute de linformation raquo Rapport dinformation fait au nom de la
commission des lois ndeg 441 27 mai 2009
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
51
contribution de la part de chaque acteur geacuteneacuterant des traitements de donneacutees agrave caractegravere
personnel tout en excluant des contributeurs les particuliers et le petits organismes Toutefois
celui-ci nrsquoa agrave lrsquoheure actuelle pas abouti Nous estimons que cette mesure bien que
permettant de renforcer les moyens de la CNIL pourrait ecirctre agrave double tranchant drsquoun cocircteacute
certains organismes pourraient ecirctre tenteacutes de ne pas deacuteclarer leurs fichiers afin de ne pas avoir
agrave srsquoacquitter de la redevance mais drsquoun autre cocircteacute nous pourrions assister agrave une plus grande
implication des organismes contributeurs dans la protection des donneacutees Dans tous les cas il
est vrai que le manque de moyens de la CNIL face agrave lrsquoaugmentation constante du traitement
des donneacutees agrave caractegravere personnel et du deacuteveloppement de nouvelles situations agrave risque
(deacuteveloppement des proceacutedeacutes de biomeacutetrie notamment) pousse agrave reacutefleacutechir aux nouveaux
modes de financement de cette commission
Le pouvoir de controcircles accordeacute agrave la CNIL par la loi Informatique et Liberteacutes est
compleacuteteacute par un pouvoir de sanction qui preacutesente cependant quelques limites
2) La limite des sanctions preacutevues par les textes
86 Depuis la reacuteforme de la loi Informatique et Liberteacutes intervenue en 2004 la CNIL srsquoest
vue accorder un pouvoir de sanction administrative dispositif qui est venu compleacuteter les
sanctions peacutenales deacutejagrave en place
Lrsquoensemble des sanctions encourues en cas de non-respect de la loi Informatique et
Liberteacutes est deacutecrit au sein de chapitre VII et VIII de la loi traitant respectivement des
sanctions prononceacutees par la CNIL et des sanctions peacutenales Il existe une gradation dans les
sanctions pouvant ecirctre mises en œuvre par la CNIL Un premier niveau est preacutevu avec la
possibiliteacute de prononcer un avertissement ou une mise en demeure de faire cesser les
manquements agrave lrsquoencontre du responsable drsquoun traitement qui nrsquoaurait pas respecteacute les
obligations deacutecoulant de la loi Informatique et Liberteacutes Si le responsable ne se conforme pas
agrave la mise en demeure et apregraves la mise en œuvre drsquoune proceacutedure contradictoire la CNIL
pourra alors prononcer agrave lrsquoencontre du responsable du traitement deacutefaillant soit une sanction
peacutecuniaire (sauf srsquoil srsquoagit drsquoun traitement mis en œuvre par lrsquoEtat) soit une injonction de
cesser le traitement ou un retrait de lrsquoautorisation qui avait eacuteteacute deacutelivreacutee La loi preacutevoit
eacutegalement une proceacutedure drsquourgence qui permet agrave la CNIL apregraves une proceacutedure contradictoire
et dans lrsquohypothegravese ougrave le traitement porterait atteinte agrave lrsquoidentiteacute humaine aux droits de
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
52
lrsquohomme agrave la vie priveacutee ou encore aux liberteacutes individuelles ou publiques de deacutecider de
lrsquointerruption de la mise en œuvre du traitement pour une dureacutee maximum de trois mois (sauf
pour certains traitements speacutecifiques mis en œuvre par lrsquoEtat) deacutecider le verrouillage de
certaines donneacutees agrave caractegravere personnel pour une dureacutee maximale de trois mois (sauf pour les
traitements qui inteacuteressent la sucircreteacute de lrsquoEtat la deacutefense ou la seacutecuriteacute publique ou qui
concernent la preacutevention la recherche la constatation ou la poursuite drsquoinfractions peacutenales
dans ce cas la CNIL en informera le Premier Ministre qui prendra le cas eacutecheacuteant les mesures
neacutecessaires pour faire cesser la violation constateacutee) ou enfin en cas drsquoatteinte grave et
immeacutediate aux droits et liberteacutes le Preacutesident de la CNIL peut demander par le biais drsquoun
reacutefeacutereacute aupregraves de la juridiction compeacutetente drsquoordonner sous astreinte toutes les mesures de
seacutecuriteacute neacutecessaires agrave la sauvegarde de ces droits95
Ces deacutecisions doivent ecirctre motiveacutees et
notifieacutees au responsable du traitement Elles sont susceptibles de recours devant le Conseil
drsquoEtat Enfin la CNIL peut deacutecider de rendre publics ou non les avertissements qursquoelle
prononce ou en ce qui concerne les autres sanctions en cas de mauvaise foi du responsable
du traitement deacutecider de les faire publier au sein de journaux ou tout autre support de son
choix
87 Les sanctions peacutenales reacuteprimant les infractions aux dispositions de la loi Informatique
et Liberteacutes sont reacuteprimeacutees aux articles 226-16 agrave 226-24 du Code peacutenal96
Drsquoune maniegravere
geacuteneacuterale nous pouvons constater que toutes les infractions agrave la loi Informatique et Liberteacutes
sont punissables drsquoune peine de cinq ans drsquoemprisonnement et de 300 000 Euros drsquoamende et
dans tous les cas lrsquoeffacement des donneacutees agrave caractegravere personnel traiteacutees de maniegravere illeacutegales
peut ecirctre ordonneacute97
A noter que le fait drsquoentraver lrsquoaction de la CNIL est puni drsquoun an
drsquoemprisonnement et 15 000 euros drsquoamende98
88 Les sanctions administratives peacutecuniaires quant agrave elles doivent ecirctre proportionnelles
aux manquements constateacutes et prises en fonction de la graviteacute du manquement constateacute Elles
ne peuvent exceacuteder la somme de trois millions drsquoeuros99
95 Article 46 de la loi Informatique et Liberteacutes
96 Article 50 de la loi Informatique et Liberteacutes
97 Article 226-22-2 du Code Peacutenal
98 Article 51 de la loi Informatique et Liberteacutes
99 Il est inteacuteressant de preacuteciser que ce plafond a eacuteteacute introduit par lrsquoarticle 65 de la loi ndeg2016-1321 du 7 octobre
2016 pour une Reacutepublique numeacuterique Avant cela les sanctions administratives peacutecuniaires eacutetaient gradueacutees et
ne pouvaient deacutepasser la somme de 150 000 euros lors du premier manquement et 300 000 euros en cas de
manquement reacuteiteacutereacute
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
53
89 Ces sanctions preacutevues par la loi soulegravevent de nombreuses interrogations La premiegravere
est celle de savoir quelle peut ecirctre lrsquoarticulation entre sanctions peacutenales et sanctions
administratives prononceacutees par la CNIL En pratique rien dans le texte nrsquoempecircche une saisine
des deux juridictions de maniegravere simultaneacutee Le parallegravele ici peut ecirctre fait avec ce qui
srsquoapplique en matiegravere de responsabiliteacute meacutedicale la responsabiliteacute peacutenale du praticien peut
ecirctre mise en cause sans que cela nrsquoempecircche le Conseil de lrsquoOrdre de mettre en œuvre une
proceacutedure disciplinaire Un seul beacutemol est apporteacute par le Conseil constitutionnel100
agrave ce sujet
le cumul des sanctions prononceacutees ne peut pas deacutepasser le montant le plus eacuteleveacute drsquoune des
sanctions encourues De mecircme la loi Informatique et Liberteacutes elle-mecircme preacutevoit que
laquo lorsque la Commission Nationale de lrsquoInformatique et des Liberteacutes a prononceacute une
sanction peacutecuniaire devenue deacutefinitive avant que le juge peacutenal ait statueacute deacutefinitivement sur les
mecircmes faits ou sur des faits connexes celui-ci peut ordonner que la sanction peacutecuniaire
srsquoimpute sur lrsquoamende qursquoil prononce raquo
90 La deuxiegraveme reacuteflexion qursquoil est utile drsquoaborder agrave ce stade concerne lrsquoefficaciteacute reacuteelle
des sanctions preacutevues Pour cela nous devons deacutevelopper notre reacuteflexion en deux temps
drsquoabord se pencher sur les sanctions peacutenales et ensuite se focaliser sur le pouvoir de sanction
propre agrave la CNIL
91 Les sanctions peacutenales sont-elles efficaces Cela est fortement remis en question par la
doctrine101
En effet avant la reacuteforme intervenue en 2004 le contraste entre la seacuteveacuteriteacute des
textes et les condamnations prononceacutees eacutetaient frappant Ce constat avait drsquoailleurs eacuteteacute
effectueacute par Guy BRAIBANT dans son rapport remis au Premier Ministre en 1998 puisqursquoil y
preacutecisait que laquo le reacutegime reacutepressif franccedilais en matiegravere de fichiers informatiques ndash dont la
coheacuterence avec drsquoautres dispositions du Code Peacutenal comparables est sujette agrave caution ndash se
caracteacuterise par une grande seacuteveacuteriteacute dont le contraste avec une jurisprudence pusillanime est
frappant raquo102
La directive europeacuteenne de 1995 laissant carte blanche aux diffeacuterents Etats en
100 Deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 89-260DC du 25 juillet 1989 Rec p 59 V eacutegalement en ce
sens Deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 97-395DC du 30 deacutecembre 1997 Rec p 33 101
V en ce sens LEPAGE Agathe laquo Loi du 6 aoucirct 2004 Reacuteflexions de droit peacutenal sur la loi du 6 aoucirct 2004
relative agrave la protection des personnes agrave lrsquoeacutegard des traitements de donneacutees agrave caractegravere personnel raquo
Communication commerce eacutelectronique 2005 ndeg 2 eacutetude ndeg 9 102
BRAIBANT Guy laquo Donneacutees personnelles et socieacuteteacute de lrsquoinformation rapport au Premier ministre sur la
transposition en droit franccedilais de la directive numeacutero 95-46raquo La Documentation franccedilaise 1998 p 119
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
54
ce qui concerne les sanctions agrave mettre en œuvre103
le leacutegislateur aurait pu profiter de la
reacuteforme de 2004 pour refondre le reacutegime de sanction peacutenale Il aurait pu envisager par
exemple comme une partie de la doctrine pouvait lrsquoeacutevoquer une deacutepeacutenalisation104
les
sanctions peacutecuniaires prononceacutees par la CNIL se substituant aux sanctions peacutenales105
Le
leacutegislateur aurait eacutegalement pu suivre les preacuteconisations de Guy BRAIBANT Celui-ci
constatant lrsquoabsence drsquoune reacuteelle politique peacutenale dans un domaine laquo ougrave les moyens
drsquoinvestigation humain et mateacuteriels de la police judiciaire sont insuffisants et sous
dimensionneacutes eu eacutegard agrave lrsquoampleur de lrsquoactiviteacute eacuteconomique lieacutee agrave lrsquoinformatique raquo
proposait drsquoassouplir la reacutepression en distinguant les cas ougrave la violation des dispositions de la
loi Informatique et Liberteacutes eacutetait destineacutee agrave porter atteinte agrave la liberteacute des cas ougrave il nrsquoy avait
qursquoune violation des regravegles de forme Dans la premiegravere hypothegravese la sanction aurait eacuteteacute une
peine correctionnelle et dans la seconde une peine contraventionnelle Cette solution aurait
permis de rendre la loi et la reacutepression plus efficaces
92 Toutefois le leacutegislateur a choisi une autre direction lors de la reacuteforme de 2004 en
accordant il est vrai plus de pouvoirs agrave la CNIL mais en nrsquoapportant que peu de nouveauteacutes
en ce qui concerne les sanctions peacutenales La preuve en est le leacutegislateur se contente drsquoutiliser
la technique du renvoi agrave la loi de 1978 Or comme le souligne tregraves bien Caroline ZORN-
MACREZ laquo ce proceacutedeacute facteur drsquoinflation leacutegislative du fait de sa faciliteacute est eacutegalement
facteur drsquoinstabiliteacute juridique car il contribue agrave perdre dans ses meacuteandres le leacutegislateur
comme le citoyen raquo106
Loin de la simplification procircneacutee notamment par Guy BRAIBANT
certains auteurs y ont mecircme vu un renforcement de la peacutenalisation107
responsable drsquoune
inefficaciteacute des sanctions preacutevues du fait de leur disproportion Car force est de constater que
les peines actuellement preacutevues trop seacutevegraveres si ce nrsquoest mecircme disproportionneacutees perdent de
leur pouvoir dissuasif et donc de leur efficaciteacute A titre de comparaison il est inteacuteressant de
signaler qursquoalors que laquo le fait y compris par neacutegligence de proceacuteder ou de faire proceacuteder agrave
103 Directive ndeg9546CE du 24 octobre 1995 article 24 laquo Les Etats membres prennent les mesures approprieacutees
pour assurer la pleine application des dispositions de la preacutesente directive et deacuteterminent notamment les
sanctions agrave appliquer en cas de violation des dispositions prises en application de la preacutesente directive raquo 104
V notamment en ce sens FRANCILLON Jacques laquo Infractions relevant du droit de lrsquoinformation et de la
communication raquo revue de science criminelle et de droit peacutenal compareacute 1995 ndeg 1 105
BRAIBANT Guy laquo Donneacutees personnelles et socieacuteteacute de lrsquoinformation rapport au Premier ministre sur la
transposition en droit franccedilais de la directive numeacutero 95-46raquo op cit p 119 106
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo PUN 2010 p 214 107
BRAIBANT Guy laquo Donneacutees personnelles et socieacuteteacute de lrsquoinformation rapport au Premier ministre sur la
transposition en droit franccedilais de la directive numeacutero 95-46raquo op cit p 119
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
55
des traitements de donneacutees agrave caractegravere personnel sans quaient eacuteteacute respecteacutees les formaliteacutes
preacutealables agrave leur mise en œuvre preacutevues par la loi est puni de cinq ans demprisonnement et
de 300 000 euros damende raquo lrsquohomicide involontaire est quant agrave lui puni de trois ans
demprisonnement et de 45 000 euros damende108
Il est alors facilement compreacutehensible que
le juge peacutenal face agrave une infraction agrave la loi Informatique et Liberteacutes heacutesite agrave prononcer une
peine trop lourde alors que lrsquoatteinte causeacutee ne constitue ni une atteinte physique ni une
atteinte aux biens109
et que le veacuteritable preacutejudice subi par la victime sera difficile agrave chiffrer
93 Nous sommes ici face agrave ce que Caroline ZORN-MACREZ considegravere comme laquo un
droit non-reacutealiste raquo110
difficilement susceptible drsquoecirctre sanctionneacute Tout repose alors sur
lrsquoefficaciteacute de la CNIL et des sanctions qursquoelle prononce Le fait de disposer de pouvoirs de
sanction nrsquoest pas rare pour les autoriteacutes administratives de ce type Le Conseil constitutionnel
srsquoeacutetait drsquoailleurs deacutejagrave prononceacute sur la possibiliteacute qursquoune AAI puisse exercer un pouvoir de
sanction dans la mesure ougrave la sanction susceptible drsquoecirctre prononceacutee reste exclusive de toute
privation de liberteacute et que lrsquoexercice de ce pouvoir demeure assorti par la loi de mesures
destineacutees agrave sauvegarder les droits et liberteacutes constitutionnellement garantis111
Mais la CNIL a
ducirc attendre la reacuteforme de 2004 et le deacutecret drsquoapplication du 20 octobre 2005112
avant de
pouvoir disposer de telles preacuterogatives Et il a fallu attendre encore deux ans apregraves lrsquoadoption
de cette reacuteforme avant que la CNIL ne se deacutecide agrave faire usage de son nouveau pouvoir113
et
prononcer sa premiegravere sanction peacutecuniaire114
Depuis entre 2006 et 2015 la CNIL aura
prononceacute en tout 122 sanctions dont 58 sanctions peacutecuniaires115
Ce nombre qui peut nous
paraitre assez bas srsquoexplique par la proceacutedure drsquoeacutelaboration des sanctions elle-mecircme En effet
comme nous avons pu le constater preacuteceacutedemment ce nrsquoest que srsquoil ne se conforme pas agrave la
mise en demeure prononceacutee agrave son encontre et qursquoil maintient son deacutelit que le responsable
drsquoun traitement se verra sanctionneacute A titre drsquoexemple en 2011 65 mises en demeures ont eacuteteacute
108 Article 221-6 du Code Peacutenal
109 MATTATIA Franccedilois laquo CNIL et tribunaux concurrence ou compleacutementariteacute dans la reacutepression des
infractions agrave la loi Informatique et Liberteacutes raquo Revue de science criminelle 2009 p 317 110
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 216 111
Deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 89-260 DC du 28 juillet 1989 112
Deacutecret ndeg 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour lapplication de la loi ndeg 78-17 du 6 janvier 1978 relative agrave
linformatique aux fichiers et aux liberteacutes modifieacutee par la loi ndeg 2004-801 du 6 aoucirct 2004 JORF ndeg 247 du 22
octobre 2005 p 16769 113
FOREST David laquo Pouvoirs de la CNIL le reacuteveil soudain de la belle endormie raquo Recueil Dalloz 2007 p
94 114
Deacutelibeacuteration CNIL ndeg2006-173 du 28 juin 2006 115
Chiffres consulteacutes le 3 mai 2016 sur [httpwwwcnilfr]
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
56
adopteacutees par la CNIL contre seulement 19 sanctions prononceacutees116
Ainsi contrairement aux
cas dans lesquels le traitement litigieux serait ameneacute devant un tribunal le responsable du
traitement beacuteneacuteficie drsquoune possibiliteacute de reacutegulariser sa situation117
Le pouvoir de sanction
accordeacute agrave la CNIL nous apparaicirct donc ecirctre plus efficace et plus facilement applicable que
devant une juridiction de droit commun
En parallegravele de ce pouvoir de sanction la loi Informatique et Liberteacutes instaure comme
nous lrsquoavons vu une protection speacutecifique aux donneacutees de santeacute Cependant dans les faits
celle-ci preacutesente certaines limites
B La protection limiteacutee des donneacutees de santeacute
94 La loi Informatique et Liberteacutes se veut aux premiers abords protectrice des donneacutees
de santeacute reacuteputeacutees sensibles Toutefois celles-ci peuvent quand mecircme faire lrsquoobjet drsquoun
traitement automatiseacute (1) De mecircme le consentement de la personne concerneacutee par les
donneacutees nrsquoa pas lrsquoimportance ni le poids que lrsquoon pourrait attendre de lui (2)
1) Les limites de lrsquointerdiction de traitement des donneacutees sensibles
95 En transposant la directive europeacuteenne 9546CE le leacutegislateur a fait entrer les
donneacutees de santeacute dans la cateacutegorie des donneacutees sensibles cateacutegorie qui est par principe
frappeacutee drsquoune interdiction de traitement Toutefois agrave chaque principe son exception lrsquoarticle
8 II vient dresser une liste de plusieurs cas dans lesquels le traitement des donneacutees sensibles
va ecirctre autoriseacute Nos travaux portant plus particuliegraverement sur les donneacutees de santeacute nous ne
nous attarderons pas sur les dispositions qui ne srsquoappliquent pas agrave celles-ci
96 Pas moins de six exceptions trouvent agrave srsquoappliquer aux donneacutees de santeacute La premiegravere
est eacutenonceacutee au 1deg du II de lrsquoarticle 8 de la loi Informatique et Liberteacutes laquo les traitements pour
lesquels la personne concerneacutee a donneacute son consentement expregraves sauf dans le cas ougrave la loi
preacutevoit que lrsquointerdiction viseacutee au I ne peut ecirctre leveacutee par le consentement de la personne raquo
116 Rapport drsquoactiviteacute 2011 de la CNIL p 68
117 MATTATIA Fabrice laquo CNIL et tribunaux concurrence ou compleacutementariteacute dans la reacutepression des
infractions agrave la loi Informatique et Liberteacutes raquo Revue de science criminelle 2009 p 317
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
57
Cette premiegravere exception amegravene plusieurs reacuteflexions Drsquoabord la loi exige un consentement
expregraves de la part de la personne concerneacutee par les donneacutees Ainsi les consentements
preacutesumeacutes ne seront pas suffisants contrairement agrave certaines hypothegraveses ougrave seule la non
opposition suffit Concernant la forme la loi nrsquoimpose pas drsquoobligation de consentement eacutecrit
mais dans la pratique il sera plus prudent pour le responsable du traitement drsquoobtenir une
preuve du consentement de la personne concerneacutee par les donneacutees sous peine de se voir
sanctionneacute peacutenalement118
97 Le consentement ne sera pour autant pas toujours suffisant agrave lever lrsquointerdiction de
traitement des donneacutees sensibles puisque la loi laisse la possibiliteacute au leacutegislateur de preacutevoir
que le consentement de la personne concerneacutee par les donneacutees ne soit pas suffisant pour lever
lrsquointerdiction de traitement des donneacutees Cette possibiliteacute a eacuteteacute introduite par la directive
europeacuteenne 9546CE en son article 8 II point a laquo le paragraphe 1 ne sapplique pas
lorsque la personne concerneacutee a donneacute son consentement explicite agrave un tel traitement sauf
dans le cas ougrave la leacutegislation de lEacutetat membre preacutevoit que linterdiction viseacutee au paragraphe 1
ne peut ecirctre leveacutee par le consentement de la personne concerneacutee raquo Le leacutegislateur franccedilais a
repris cette disposition telle quelle Toutefois il nrsquoen nrsquoa pas fait application concernant les
donneacutees de santeacute Or cette interdiction de traiter des donneacutees sensibles malgreacute le
consentement de la personne concerneacutee aurait pu permettre drsquoinstaurer une protection
suppleacutementaire vis-agrave-vis de certaines situations susceptibles de repreacutesenter un risque pour la
personne sans que celle-ci ne puisse totalement srsquoen rendre compte Cela aurait constitueacute une
forme de garde-fou contre la personne elle-mecircme La CNIL quant agrave elle se montre reacuteticente
agrave lrsquoutilisation du consentement de la personne comme unique justification du traitement des
donneacutees consideacuterant que le consentement risque drsquoecirctre parfois forceacute et devenir en quelques
sortes une laquo solution de faciliteacute raquo pour le responsable du traitement119
Ainsi nous estimons
que cette possibiliteacute aurait pu ecirctre utiliseacutee notamment dans le cas des dossiers meacutedicaux
proposeacutes par certaines socieacuteteacutes120
En effet nous pensons que les personnes ne mesurent pas
toujours les conseacutequences du traitement de certaines de leurs donneacutees et qursquoelles doivent donc
beacuteneacuteficier drsquoune protection suppleacutementaire
118 JOB Jean-Marie laquo La loi Informatiques et liberteacutes et les donneacutees de santeacute raquo RLDI ndeg 34 2008 p 87
119 Ibid
120 ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo PUN 2010 p 230
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
58
98 La deuxiegraveme exception agrave lrsquointerdiction de traitement des donneacutees de santeacute est poseacutee au
2deg du II de lrsquoarticle 8 laquo les traitements neacutecessaires agrave la sauvegarde de la vie humaine mais
auxquels la personne concerneacutee ne peut donner son consentement par suite drsquoune incapaciteacute
juridique ou drsquoune impossibiliteacute mateacuterielleraquo Cette exception rejoint celle existant dans le
cadre des soins et instaureacutee par la loi Kouchner de 2002 (lrsquoarticle L 1111-4 du Code de la
santeacute publique preacutevoit que laquo aucun acte meacutedical ni aucun traitement ne peut ecirctre pratiqueacute
sans le consentement libre et eacuteclaireacute de la personne et ce consentement peut ecirctre retireacute agrave tout
moment Lorsque la personne est hors deacutetat dexprimer sa volonteacute aucune intervention ou
investigation ne peut ecirctre reacutealiseacutee sauf urgence ou impossibiliteacute raquo) La notion de sauvegarde
de la vie de la personne concerneacutee a eacuteteacute preacutefeacutereacutee agrave celle drsquointeacuterecirct vital qui eacutetait utiliseacutee dans
la directive europeacuteenne Comme le souligne agrave juste titre Alex TUumlRK dans son rapport121
la
notion drsquointeacuterecirct vital est la traduction litteacuterale de lrsquoexpression anglaise vital interest terme
ambigu en ce qursquoil peut deacutesigner eacutegalement un inteacuterecirct essentiel qui ne se rattache pas pour
autant agrave la survie de la personne Lrsquourgence dispense donc drsquoobtenir le consentement de la
personne dans lrsquohypothegravese ougrave le traitement serait neacutecessaire agrave la sauvegarde de la vie de la
personne concerneacutee par les donneacutees Cette exception est en reacutealiteacute double ce qui rend son
application tregraves limiteacutee122
De plus comme le souligne Jean-Marie JOB il srsquoagit de situations
qui sont deacutejagrave couvertes par la troisiegraveme deacuterogation beaucoup plus geacuteneacuterale123
99 La troisiegraveme exception concerne les laquo traitements neacutecessaires aux fins de la meacutedecine
preacuteventive des diagnostics meacutedicaux de lrsquoadministration de soins ou de traitements ou de la
gestion de services de santeacute et mis en œuvre par un membre drsquoune profession de santeacute ou par
une autre personne agrave laquelle srsquoimpose en raison de ses fonctions lrsquoobligation de secret
professionnel preacutevue par lrsquoarticle 226-13 du Code peacutenal raquo (article 8 II 6deg) Pour que cette
exception puisse srsquoappliquer deux conditions cumulatives doivent ecirctre respecteacutees le
traitement doit reacutepondre agrave une finaliteacute speacutecifique et ecirctre mis en œuvre par un professionnel de
santeacute ou tout autre professionnel tenu au secret professionnel Cette condition permet ainsi de
srsquoassurer que les donneacutees qui seront traiteacutees dans ce cadre seront soumises agrave une autre
121 TUumlRK Alex laquo Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles de leacutegislation du suffrage
universel du Regraveglement et drsquoadministration geacuteneacuterale sur le projet de loi adopteacute par lrsquoAssembleacutee Nationale
relatif agrave la protection des personnes physiques agrave lrsquoeacutegard des traitements de donneacutees agrave caractegravere personnel et
modifiant la loi ndeg 78-17 du 6 janvier 1978 relative agrave lrsquoinformatique aux fichiers et aux liberteacutes raquo Seacutenat 2003
p 57 122
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 236 123
JOB Jean-Marie laquo La loi Informatique et Liberteacutes et les donneacutees de santeacute raquo op cit p 87
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
59
protection celle du secret professionnel Cette exception renvoie agrave la relation patient
meacutedecin classique au cours de laquelle le patient communique un certain nombre
drsquoinformations agrave son meacutedecin neacutecessaires agrave sa prise en charge124
Comme le soulignait le
seacutenateur Alex TUumlRK cette exception permet de compenser le fait que les donneacutees de santeacute
soient de par leur qualification de donneacutees sensibles interdites de traitement tout en offrant
un cadre strict et seacutecuriseacute pour la personne concerneacutee par les donneacutees traiteacutees125
100 La quatriegraveme exception est beaucoup plus speacutecifique puisque le 8deg du II de lrsquoarticle 8
vise laquo les traitements neacutecessaires agrave la recherche dans le domaine de la santeacute selon les
modaliteacutes preacutevues au chapitre IX raquo Cette disposition concerne les traitements mis en œuvre
dans le cadre des recherches meacutedicales qui sont soumis agrave une proceacutedure particuliegravere deacutecrite
au sein du chapitre IX de la loi Informatique et Liberteacutes
101 La cinquiegraveme exception vise eacutegalement un cas tregraves speacutecifique puisque le III de
lrsquoarticle 8 de la loi dispose laquo si les donneacutees agrave caractegravere personnel viseacutees au I sont appeleacutees agrave
faire lrsquoobjet agrave bref deacutelai drsquoun proceacutedeacute drsquoanonymisation preacutealablement reconnu conforme aux
dispositions de la preacutesente loi par la Commission nationale de lrsquoinformatique et des liberteacutes
celle-ci peut autoriser compte tenu de leur finaliteacute certaines cateacutegories de traitement selon
les modaliteacutes preacutevues agrave lrsquoarticle 25 Les dispositions des chapitres IX et X ne sont pas
applicables raquo Les donneacutees doivent donc ecirctre anomymiseacutees crsquoest-agrave-dire transformeacutees afin
qursquoil ne soit plus possible de les relier mecircme indirectement agrave la personne concerneacutee126
on
parlera alors drsquoanonymisation irreacuteversible Celle-ci doit intervenir agrave bref deacutelai cette notion
nrsquoest pas deacutefinie par la loi Informatique et Liberteacutes et il appartiendra donc agrave la CNIL lors de
lrsquoeacutetude de la demande drsquoautorisation drsquoappreacutecier le deacutelai proposeacute par le responsable du
traitement Comme il est preacuteciseacute cette exception ne srsquoapplique pas dans le cadre de la
recherche meacutedicale mais trouvera agrave srsquoappliquer notamment dans le cadre de traitements mis
en œuvre par des entreprises priveacutees du secteur de la santeacute comme par exemple les
mutuelles
124 DE LAMBERTERIE Isabelle laquoLa place du consentement dans la collecte et le traitement des informations
sensibles La situation en France raquo RGDM ndeg 13 2004 p 62 125
TUumlRK Alex laquo Rapport fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles de leacutegislation du suffrage
universel du Regraveglement et drsquoadministration geacuteneacuterale sur le projet de loi adopteacute par lrsquoAssembleacutee Nationale
relatif agrave la protection des personnes physiques agrave lrsquoeacutegard des traitements de donneacutees agrave caractegravere personnel et
modifiant la loi ndeg 78-17 du 6 janvier 1978 relative agrave lrsquoinformatique aux fichiers et aux liberteacutes raquo op cit p 63 126
JOB Jean-Marie laquo La loi Informatique et Liberteacutes et les donneacutees de santeacute raquo op cit p 88
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
60
102 Enfin la loi Informatique et Liberteacutes dans son article 8 IV preacutevoit que les donneacutees
sensibles pourront faire lrsquoobjet drsquoun traitement si celui-ci est justifeacute par lrsquointeacuterecirct public et
apregraves autorisation de la CNIL127
Cette exception ouvre de nombreuses possibiliteacutes et trouve agrave
srsquoappliquer dans des situations diverses La loi ne deacutefinit pas preacuteciseacutement cette notion
drsquointeacuterecirct public Nous adheacuterons neacuteanmoins agrave la deacutefinition proposeacutee par Caroline ZORN-
MACREZ128
et agrave la deacutefinition du vocabulaire juridique de Geacuterard CORNU laquo ce qui est agrave
lrsquoavantage de tous raquo129
La directive europeacuteenne vient nous apporter quelques preacutecisions quant
aux situations pouvant beacuteneacuteficier de cette exception Ainsi elle cite les domaines de la santeacute
publique et de la protection sociale130
On peut penser par exemple agrave la teacuteleacutetransmission des
feuilles de soins preacutevue agrave lrsquoarticle L 161-29 du Code de la Seacutecuriteacute Sociale131
Ainsi les responsables de traitement disposent de plusieurs exceptions leur permettant
de mettre en œuvre un traitement portant sur des donneacutees de santeacute Au final ces exceptions
de par leur nombre et leur champ drsquoapplication font du principe drsquointerdiction la veacuteritable
exception
2) Le consentement mis agrave mal
103 La condition du consentement preacutealable au traitement des donneacutees est poseacutee agrave lrsquoarticle
7 de la loi Informatique et Liberteacutes Cette neacutecessiteacute nrsquoexistait pas dans la version anteacuterieure de
la loi En effet initialement elle ne preacutevoyait qursquoune possibiliteacute drsquoopposition de la personne
concerneacutee par les donneacutees132
La loi de 2004 modifiant la loi initiale fait deacutesormais du
consentement une des conditions permettant la mise en œuvre drsquoun traitement automatiseacute de
donneacutees personnelles Cependant le consentement nrsquoest envisageacute que comme une alternative
parmi drsquoautres agrave disposition du responsable du traitement pour leacutegitimer son traitement et non
127 Article 8 IV laquo ne sont pas soumis agrave lrsquointerdiction de traitement preacutevue au I les traitements automatiseacutes ou
non justifieacutes par lrsquointeacuterecirct public et autoriseacutes dans les conditions preacutevues au I de lrsquoarticle 25 ou au II de lrsquoarticle
26 raquo 128
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 238 129
CORNU Geacuterard laquo Vocabulaire juridique raquo PUF coll laquo Quadrige Dicos Poche raquo 8eacuteme eacuted 2007 130
La directive 9546CE preacutevoit en son consideacuterant 34 laquo Les Etats membres doivent eacutegalement ecirctre autoriseacutes
agrave deacuteroger agrave lrsquointerdiction de traiter les cateacutegories de donneacutees sensibles lorsqursquoun motif drsquointeacuterecirct public important
le justifie dans des domaines tels que la santeacute publique et la protection sociale raquo 131
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 239 132
Article 26 de la loi Informatique et Liberteacutes
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
61
pas une condition neacutecessaire133
(lrsquoarticle 7 preacutevoit laquo un traitement de donneacutees agrave caractegravere
personnel doit avoir reccedilu le consentement de la personne concerneacutee ou satisfaire agrave lrsquoune des
conditions suivantes [hellip] raquo) Ainsi nonobstant le consentement de la personne concerneacutee le
traitement pourra quand mecircme ecirctre licite srsquoil remplit une des autres conditions eacutenonceacutees agrave
lrsquoarticle 7
104 La qualiteacute et la forme du consentement ne sont quant agrave elles pas preacuteciseacutees
Contrairement agrave ce qui est preacutevu en matiegravere de donneacutees sensibles le leacutegislateur nrsquoexige pas de
consentement expregraves Ainsi il pourrait ecirctre possible de preacutesumer qursquoune simple non
opposition pourrait ecirctre suffisante Toutefois il ne nous semble pas que cela soit la volonteacute du
leacutegislateur Le Groupe de travail de lrsquoarticle 29 srsquoest pencheacute sur la question et a apporteacute
quelques pistes de reacuteflexions134
Ainsi le consentement de la personne concerneacutee par les
donneacutees doit ecirctre un consentement eacuteclaireacute et comme le preacutecise la directive europeacuteenne en son
article 2 il doit ecirctre une laquo manifestation de volonteacute libre speacutecifique et informeacutee raquo
105 Le consentement ne beacuteneacuteficie pas drsquoun poids important dans le traitement des donneacutees
agrave caractegravere personnel dans la mesure ougrave drsquoautres hypothegraveses vont venir leacutegitimer le traitement
des donneacutees sans que le consentement de la personne ne soit neacutecessaire Il srsquoagit du respect
drsquoune obligation leacutegale incombant au responsable du traitement (crsquoest le cas par exemple de
la mise en place drsquoun dossier meacutedical rendu obligatoire par lrsquoarticle R 1112-2 du Code de la
Santeacute Publique) de la sauvegarde de la vie de la personne concerneacutee de lrsquoexeacutecution drsquoune
mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement de
lrsquoexeacutecution soit drsquoun contrat auquel la personne concerneacutee est partie soit de mesures
preacutecontractuelles prises agrave la demande de celle-ci ou enfin de la reacutealisation de lrsquointeacuterecirct leacutegitime
poursuivi par le responsable du traitement ou son destinataire sous reacuteserve de ne pas
meacuteconnaicirctre lrsquointeacuterecirct ou les droits et liberteacutes fondamentaux de la personne concerneacutee
106 Il est inteacuteressant ici de srsquoarrecircter sur la derniegravere exception lrsquointeacuterecirct leacutegitime du
responsable du traitement Nous ne pouvons que deacuteplorer cette disposition qui nous apparaicirct
133 DE LAMBERTERIE Isabelle laquo La place du consentement dans la collecte et le traitement des informations
sensibles La situation en France raquo op cit p 61 134
Groupe de travail laquo article 29 raquo sur la protection des donneacutees laquo Document de travail sur le traitement des
donneacutees agrave caractegravere personnel relatives agrave la santeacute contenues dans les dossiers meacutedicaux eacutelectroniques (DME) raquo
Commission europeacuteenne 2007
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
62
trop large En effet la loi ne propose aucune deacutefinition de ce que pourrait ecirctre lrsquointeacuterecirct
leacutegitime Pour sa part la directive europeacuteenne se contente dans son consideacuterant 30 de donner
quelques exemples tels que la gestion courante des entreprises la prospection commerciale ou
encore la prospection par une association caritative Force est de constater que cette exception
donne au responsable du traitement une marge de manœuvre assez large avec pour seules
limites le respect de lrsquointeacuterecirct ou des droits de la personne concerneacutee Alex TUumlRK avait
deacuteploreacute dans son rapport le caractegravere tregraves geacuteneacuteral de cette deacuterogation laquo drsquoune porteacutee
exceptionnellement large raquo qui selon lui laquo fragilise substantiellement la porteacutee du principe du
consentement de la personne qui ne saurait donc ecirctre consideacutereacute comme constituant la regravegle
en matiegravere de traitement des donneacutees raquo Il appartient donc agrave la CNIL gracircce agrave ses pouvoirs de
controcircle de srsquoassurer que lrsquoeacutequilibre entre lrsquointeacuterecirct leacutegitime du responsable du traitement et le
respect des droits de la personne concerneacutee est eacutetabli
107 Ces exceptions et notamment la derniegravere fragilisent fortement le consentement de la
personne concerneacutee par les donneacutees et sa valeur srsquoen trouve amoindrie Dans les domaines
relatifs au traitement des donneacutees de santeacute rares seront les hypothegraveses ougrave le consentement du
patient sera neacutecessaire En effet agrave titre drsquoexemple la constitution drsquoun dossier meacutedical agrave
lrsquohocircpital reacutepond agrave une obligation leacutegale (exception ndeg 1) Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale les
traitements des donneacutees de santeacute par un eacutetablissement de santeacute deacutecoulent directement de sa
mission de service public qui est le soin (exception ndeg 3) mais permettent eacutegalement la
sauvegarde de la vie de la personne concerneacutee (exception ndeg 2)
De mecircme si nous poussons notre raisonnement les compagnies drsquoassurance
pourraient invoquer un inteacuterecirct leacutegitime agrave la collecte et au traitement de donneacutees de santeacute ce
qui pourrait srsquoaveacuterer reacuteellement preacutejudiciable pour le patient
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
63
Conclusion de la Section
108 La France srsquoest tregraves tocirct sentie concerneacutee par la probleacutematique du deacuteveloppement de
lrsquoinformatique et des traitements automatiseacutes des donneacutees agrave caractegravere personnel Sa leacutegislation
Informatique et Liberteacutes essaie drsquoinstaurer un cadre se voulant le plus protecteur possible pour
les donneacutees personnelles Les donneacutees de santeacute consideacutereacutees comme des donneacutees sensibles
beacuteneacuteficient en theacuteorie drsquoune protection renforceacutee au titre de la loi Informatique et Liberteacutes
mais eacutegalement au titre de dispositions du Code de la Santeacute Publique la plus importante
drsquoentre elles eacutetant bien entendu le secret professionnel
Toutefois une eacutetude approfondie des dispositions de la loi Informatique et Liberteacutes nous a
permis drsquoeacutetablir que le principe drsquointerdiction de traitement des donneacutees sensibles eacutetait
fortement fragiliseacute par les nombreuses exceptions qui y sont preacutevues De mecircme le
consentement de la personne concerneacutee par les donneacutees nrsquoa pas autant drsquoimportance qursquoon
aurait pu lrsquoespeacuterer
Ces donneacutees de santeacute faisant lrsquoobjet drsquoun traitement vont ensuite ecirctre partageacutees par les
diffeacuterents professionnels intervenant dans la prise en charge du patient Il est donc important
de srsquoarrecircter sur lrsquoencadrement reacuteserveacute au partage de ces donneacutees sensibles
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
64
Section 2 Les modaliteacutes de partage des donneacutees relatives au patient
109 Les donneacutees relatives agrave un patient qursquoil srsquoagisse de donneacutees de santeacute ou tout
simplement de donneacutees administratives sont neacutecessaires agrave sa bonne prise en charge que ce
soit pour la preacutevention le diagnostic le soin ou encore pour la recherche meacutedicale Ces
donneacutees sont donc comme nous lrsquoavons vu preacuteceacutedemment collecteacutees conserveacutees et ensuite
partageacutees entre les diffeacuterents professionnels qui en auraient besoin Lrsquoutilisation deacutesormais
quasi systeacutematique des technologies drsquoinformation et de communication ameacuteliore et facilite ce
partage En effet gracircce agrave lrsquoinformatisation des donneacutees le partage se fait plus rapidement et il
est plus complet La consultation des dossiers meacutedicaux dans leur version informatiseacutee est
eacutegalement plus simple Toutefois ces donneacutees sont des donneacutees sensibles et surtout
confidentielles Leur partage ne peut donc pas avoir lieu sans que certaines dispositions soient
prises notamment en ce qui concerne la seacutecuriteacute des donneacutees Force est de constater que les
regravegles existantes en la matiegravere sont des regravegles drsquoordre geacuteneacuteral qui ne srsquoadaptent pas toujours
correctement aux speacutecificiteacutes des technologies drsquoinformation et de communication
Lrsquoencadrement du partage des donneacutees du patient doit prendre en compte deux dimensions
la seacutecurisation physique des donneacutees et lrsquoencadrement du partage en tant que tel de maniegravere
agrave deacutelimiter quand avec qui et sous quelles conditions les donneacutees peuvent ecirctre partageacutees
Crsquoest bien cette derniegravere notion qui va particuliegraverement nous inteacuteresser ici En la matiegravere il
nrsquoexiste pas de regravegle speacutecifique reacutegissant lrsquoencadrement du partage des donneacutees de santeacute par
le biais des TIC Il faut donc se tourner une fois de plus vers les regravegles geacuteneacuterales applicables
en la matiegravere (paragraphe I) regravegles geacuteneacuterales qui peuvent se montrer parfois limiteacutees En
matiegravere de recherche meacutedicale toutefois un corpus de regravegles speacutecifiques agrave la matiegravere existe
(paragraphe II) qui demeure neacuteanmoins incomplet
sect1 Les regravegles geacuteneacuterales
110 Lrsquoencadrement du partage des donneacutees de santeacute nous pousse agrave nous demander quelles
donneacutees peuvent ecirctre partageacutees et avec qui Cette question nous oblige donc agrave reacutefleacutechir dans
un premier temps agrave la notion de proprieacuteteacute des donneacutees (A) On peut constater que mecircme srsquoil
nrsquoexiste pas aujourdrsquohui de reacuteponse claire et deacutefinitive sur la question plusieurs pistes de
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
65
reacuteflexion srsquooffrent agrave nous Or des droits attacheacutes aux donneacutees de santeacute et au dossier meacutedical
vont deacutecouler certaines regravegles relatives agrave leur partage (B)
A La deacutelicate question de la proprieacuteteacute des donneacutees de santeacute
111 Avant de savoir comment peuvent ecirctre utiliseacutees les donneacutees de santeacute et notamment les
conditions de leur partage il est inteacuteressant de chercher drsquoabord agrave savoir qui possegravede des
droits sur ces donneacutees En effet la question de la proprieacuteteacute des donneacutees meacutedicales se pose tregraves
souvent Les patients drsquoun cocircteacute estiment que les donneacutees les concernent et sont donc leur
proprieacuteteacute (1) Les professionnels de santeacute agrave lrsquoinverse pensent parfois qursquoils possegravedent un
droit sur ces donneacutees qursquoils ont recueillies formaliseacutees et conserveacutees (2)
1) La recherche drsquoune qualification du droit des individus sur leurs donneacutees
112 Afin de comprendre comment peuvent se partager les donneacutees de santeacute et notamment
qui peut deacutecider quelles donneacutees sont partageacutees avec quelles personnes il faut commencer par
rechercher quels droits possegravedent les individus sur leurs donneacutees Car il nrsquoest pas rare
drsquoentendre un patient reacuteclamer lrsquointeacutegraliteacute de son dossier meacutedical non pas parce que la loi lui
octroie un droit drsquoaccegraves135
mais surtout parce qursquoil considegravere son dossier meacutedical comme
eacutetant un bien dont il serait le proprieacutetaire
113 Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale la recherche de la qualification du droit que deacutetient lrsquoindividu
vis-agrave-vis de ses donneacutees fait lrsquoobjet drsquoun vieux deacutebat au sein de la doctrine En effet la
question qui nous inteacuteresse agrave savoir quels droits existent sur lrsquoinformation de santeacute srsquoinscrit
dans un deacutebat beaucoup plus large qui est celui du statut de lrsquoinformation136
Nous ne nous
attarderons toutefois pas ici sur le concept large drsquoinformation qui peut deacutesigner tout autant
les ideacutees drsquoune personne que les informations plus geacuteneacuterales sur un eacuteveacutenement Nous
135 Lrsquoarticle L 1111-7 Code de la santeacute Publique dispose laquo Toute personne a accegraves agrave lensemble des
informations concernant sa santeacute deacutetenues agrave quelque titre que ce soit par des professionnels et eacutetablissements
de santeacute qui sont formaliseacutees ou ont fait lobjet deacutechanges eacutecrits entre professionnels de santeacute notamment des
reacutesultats dexamen comptes rendus de consultation dintervention dexploration ou dhospitalisation des
protocoles et prescriptions theacuterapeutiques mis en oeuvre feuilles de surveillance correspondances entre
professionnels de santeacute agrave lexception des informations mentionnant quelles ont eacuteteacute recueillies aupregraves de tiers
nintervenant pas dans la prise en charge theacuterapeutique ou concernant un tel tiers raquo 136
MALLET-POUJOL Nathalie laquo Appropriation de lrsquoinformation lrsquoeacuteternelle chimegravere raquo Dalloz 1997
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
66
preacutefeacuterons nous concentrer sur lrsquoinformation personnelle en tant que donneacutee relative agrave la
personne
114 Face agrave un risque de marchandisation de lrsquoinformation personnelle notamment dans un
but de prospection certains auteurs ont souhaiteacute srsquoorienter vers le droit de proprieacuteteacute en
preacuteconisant une appropriation de lrsquoinformation personnelle137
Cette theacuteorie soutenue
notamment par LHUNTER et JRULE a eacuteteacute deacuteveloppeacutee afin que chaque individu puisse ecirctre
proprieacutetaire des droits drsquoexploitation commerciale des renseignements le concernant138
Elle
preacutesente lrsquoavantage drsquooffrir agrave la personne un droit de controcircle absolu sur ces donneacutees et sur
lrsquoutilisation qui peut en ecirctre faite Toutefois ce raisonnement semble pour certains auteurs
impossible agrave maintenir Ainsi Nathalie MALLET-POUJOL qualifie cette theacuteorie
drsquo laquo excessivement dangereuse raquo en ce qursquoelle instaure pour lrsquoindividu une possibiliteacute de
disposer de lrsquoinformation qui le concerne laquo quand seule la jouissance de cette information est
veacuteritablement en jeu raquo ce qui pour reprendre ses termes laquo hypothegraveque le principe de digniteacute
de la personne raquo139
Pour illustrer ses propos lrsquoauteur reprend agrave juste titre lrsquoexemple de
lrsquoinformation geacuteneacutetique et cite le raisonnement deacuteveloppeacute par Loiumlc CADIET140
agrave ce sujet
Pour lrsquoauteur lrsquoinformation geacuteneacutetique de par son caractegravere intrinsegravequement lieacute agrave la personne
doit ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant un eacuteleacutement du corps humain agrave part entiegravere Lrsquoinformation
geacuteneacutetique relegraveverait donc de la cateacutegorie des personnes et beacuteneacuteficierait agrave ce titre des mecircmes
droits Lrsquoinformation geacuteneacutetique au mecircme titre que le corps humain se verrait donc appliquer
le principe de non-patrimonialiteacute141
115 Cette proximiteacute des liens entre la personne et ses informations nrsquoest pas toujours aussi
trancheacutee que dans le cas des donneacutees geacuteneacutetiques Toutefois certaines informations peuvent
ecirctre facilement assimileacutees agrave la personne Crsquoest le cas du nom qui comme le dit si bien
CAPITANT est une eacutemanation de la personne142
Ainsi nous estimons qursquoil en va de mecircme
137 MALLET-POUJOL Nathalie laquo Droit agrave et droit sur lrsquoinformation de santeacute raquo RGDM 2007 pp 77-95
138 L HUNTER J RULE laquo Vers un droit de proprieacuteteacute des renseignements personnels raquo Communication au
congregraves de lrsquoassociation canadienne franccedilaise pour lrsquoavancement de la science Montreacuteal 1994 139
MALLET-POUJOL Nathalie laquo Appropriation de lrsquoinformation lrsquoeacuteternelle chimegravere raquo op cit 140
CADIET Loiumlc laquo La notion drsquoinformation geacuteneacutetique en droit franccedilais raquo in La geacuteneacutetique humaine de
lrsquoinformation agrave lrsquoinformatisation Ed TheacutemisLitec diffusion 1992 p52 Citeacute par MALLET-POUJOL Nathalie
laquo Appropriation de lrsquoinformation lrsquoeacuteternelle chimegravere raquo op cit 141
Article 16-1 du Code Civil 142
CAPITANT laquo Introduction agrave lrsquoeacutetude du droit raquo 3eacuteme Ed Paris 1902 p 97 citeacute par MALLET-POUJOL
Nathalie laquo Appropriation de lrsquoinformation lrsquoeacuteternelle chimegravere raquo op cit
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
67
pour les donneacutees de santeacute drsquoune personne qui comme nous avons pu le voir preacuteceacutedemment
touchent de tregraves pregraves agrave son intimiteacute Degraves lors les informations personnelles doivent donc ecirctre
consideacutereacutees comme eacutetant des choses hors commerce En effet nous adheacuterons agrave la conception
de Nathalie MALLET-POUJOL qui considegravere qursquoun rapport proprieacutetaire objet de proprieacuteteacute
de la part drsquoun individu sur ses donneacutees personnelles est inenvisageable car cela reviendrait agrave
remettre en cause la digniteacute mecircme de la personne Le droit de lrsquoindividu sur ses donneacutees
personnelles entrerait donc dans la classification des droits de la personnaliteacute143
De fait la
question ici nrsquoest pas tant de proteacuteger les donneacutees personnelles que lrsquoindividu lui-mecircme
116 Quand on se penche sur la question du droit des personnes sur leurs donneacutees il est
eacutegalement inteacuteressant de srsquoarrecircter sur le principe drsquoautodeacutetermination informelle Ce concept
est neacute drsquoune deacutecision du tribunal feacutedeacuteral drsquoAllemagne qui en 1983144
est venu preacuteciser que
le traitement de donneacutees personnelles neacutecessitait une justification Le droit agrave
lrsquoautodeacutetermination informelle ou laquo Recht auf informationelle Selbstbestimmung raquo est apparu
avec cette deacutecision le tribunal feacutedeacuteral allemand en faisant un droit fondamental de la
personne humaine Le droit agrave lrsquoautodeacutetermination informelle peut ecirctre deacutefini comme eacutetant le
droit pour une personne de maicirctriser pleinement les informations la concernant en deacutecidant
notamment agrave qui ces informations pourront ecirctre transmises Il est eacutegalement deacutefini par
certains auteurs comme laquo le droit de tout individu agrave maicirctriser lrsquoimage qursquoil donne de lui-
mecircme dans la socieacuteteacute raquo145
Ce droit agrave lrsquoautodeacutetermination informelle se retrouve dans la loi
Informatique et Liberteacutes avec le principe poseacute agrave lrsquoarticle 7 selon lequel tout traitement de
donneacutees agrave caractegravere personnel doit avoir reccedilu le consentement preacutealable de la personne
concerneacutee Toutefois comme nous avons pu le voir preacuteceacutedemment cette regravegle connaicirct
quelques exceptions qui viennent fragiliser le poids du consentement et donc ce droit agrave
lrsquoautodeacutetermination informelle Il existe des cas dans lesquels lrsquoindividu verra ses donneacutees
faire lrsquoobjet drsquoun traitement sans qursquoil ne puisse en deacutecider autrement146
117 La theacuteorie de lrsquoautodeacutetermination informelle preacutesente lrsquoavantage comme le souligne
Caroline ZORN-MACREZ147
de rendre lrsquoindividu responsable des deacutecisions qursquoil prendra
143 MALLET-POUJOL Nathalie laquo Appropriation de lrsquoinformation lrsquoeacuteternelle chimegravere raquo op cit
144 Tribunal constitutionnel allemand 15 octobre 1983 citeacute par ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute
et secret partageacute raquo op cit p 231 note 2 145
POULLET Yves LEONARD Thierry laquo Les liberteacutes comme fondement de la protection des donneacutees
nominatives raquo in La vie priveacutee une liberteacute parmi les autres Larcier Bruxelles 1992 p 233 146
V Infra ndeg 230 147
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 233
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
68
concernant ses donneacutees celles-ci eacutetant totalement en sa maicirctrise Toutefois nous estimons
qursquoune application absolue de ce principe pourrait srsquoaveacuterer trop dangereuse notamment en ce
qui concerne des donneacutees sensibles telles que les donneacutees de santeacute les individus nrsquoayant pas
toujours conscience des conseacutequences du partage ou de la communication de leurs donneacutees
118 Nous estimons qursquoil est inconcevable drsquoenvisager les patients comme eacutetant
proprieacutetaires de leurs donneacutees meacutedicales Le droit de proprieacuteteacute ne peut srsquoappliquer agrave des
donneacutees aussi sensibles que les donneacutees de santeacute sans que cela ne porte atteinte agrave la digniteacute de
la personne concerneacutee Tout au plus disposent-ils drsquoune certaine maicirctrise sur leur utilisation
Cependant cette maicirctrise de lrsquoindividu sur lrsquoutilisation qui peut ecirctre faite de ses donneacutees de
santeacute est relative et le jeu des principes et des exceptions agrave lrsquointerdiction de traitement des
donneacutees de santeacute148
fait que les seuls cas dans lesquels lrsquoindividu pourra deacutecider srsquoil souhaite
ou non partager ses donneacutees seront des cas dans lesquels il aurait eacuteteacute preacutefeacuterable selon nous
que le leacutegislateur intervienne afin de rendre lrsquoautodeacutetermination informelle de lrsquoindividu
inapplicable149
2) Tentative de qualification du droit des professionnels de santeacute sur le dossier meacutedical
119 Si les patients ne disposent pas drsquoun droit de proprieacuteteacute sur leurs donneacutees meacutedicales
qursquoen est-il des professionnels de santeacute et des eacutetablissements de santeacute qui alimentent les
dossiers meacutedicaux A lrsquoorigine le dossier meacutedical nrsquoeacutetait constitueacute que de quelques notes sur
des fiches cartonneacutees que le meacutedecin de famille conservait preacutecieusement en son cabinet La
pratique a eacutevolueacute et la technique aussi Les eacutetablissements de santeacute ont eacuteteacute leacutegalement tenus
de constituer un dossier meacutedical150
Ainsi depuis quelques anneacutees les systegravemes drsquoinformation
hospitaliers se deacuteveloppent et avec eux les dossiers meacutedicaux informatiseacutes Des simples
fiches nous sommes passeacutes agrave des dossiers informatiseacutes et structureacutes contenant de nombreuses
informations sur le patient La question se pose alors de savoir si les professionnels de santeacute
qui alimentent les dossiers meacutedicaux ou les eacutetablissements de santeacute qui mettent en place et
conservent ces dossiers vont beacuteneacuteficier de droits particuliers sur ces derniers
148 V infra ndeg 95 agrave 102
149 Comme nous lrsquoavons vu preacuteceacutedemment la loi Informatique et Liberteacutes laisse au leacutegislateur la possibiliteacute de
preacutevoir des cas ougrave mecircme le consentement de la personne concerneacutee par les donneacutees ne pourra pas venir lever
lrsquointerdiction de traitement dont fait lrsquoobjet les donneacutees sensibles 150
Lrsquoarticle R 1112-2 du Code de la santeacute Publique dispose laquo un dossier meacutedical est constitueacute pour chaque
patient hospitaliseacute dans un eacutetablissement de santeacute public ou priveacute raquo
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
69
120 Le Code de la santeacute publique nrsquoapporte pas reacuteellement de preacutecisions agrave ce sujet (mis agrave
part lrsquoarticle R 4127-45 relatif au dossier professionnel ou fiche drsquoobservation tenu par le
meacutedecin)151
Il nous faut donc faire appel agrave une autre branche du droit en lrsquooccurrence le droit
de la proprieacuteteacute intellectuelle pour tenter de qualifier les droits des professionnels et des
eacutetablissements de santeacute sur les dossiers meacutedicaux
121 Le dossier meacutedical en tant que recueil formaliseacute drsquoun ensemble de donneacutees peut-il
ecirctre consideacutereacute comme une base de donneacutees et beacuteneacuteficier agrave ce titre de la protection speacutecifique
mise en place par le Code de la proprieacuteteacute intellectuelle Et si tel est le cas qui des praticiens
alimentant le dossier ou de lrsquoeacutetablissement serait gardien de la structure mecircme du dossier
La base de donneacutees est deacutefinie par le Code de la proprieacuteteacute intellectuelle comme laquo un recueil
drsquoœuvres de donneacutees ou drsquoautres eacuteleacutements indeacutependants disposeacutes de maniegravere systeacutematique
ou meacutethodique et individuellement accessibles par des moyens eacutelectroniques ou par drsquoautres
moyens raquo152
A ce titre il est donc possible drsquoenvisager le dossier meacutedical comme eacutetant une
base de donneacutees celui-ci eacutetant bien un recueil de donneacutees qui sont accessibles de maniegravere
individuelle Une nuance pourrait ecirctre apporteacutee sur la question de savoir si ces donneacutees sont
bien disposeacutees de maniegravere systeacutematique agrave savoir selon un ordre deacutetermineacute agrave lrsquoavance ou
encore de faccedilon meacutethodique crsquoest-agrave-dire selon un ensemble ordonneacute de maniegravere logique153
Le Code de la Santeacute Publique nrsquoimpose pas il est vrai de classification speacutecifique du dossier
meacutedical Toutefois lrsquoarticle R 1112-2 du mecircme code deacutetaille le contenu a minima du
dossier meacutedical et des recommandations de lrsquoAgence Nationale drsquoAccreacuteditation et
drsquoEvaluation en Santeacute (ANAES) relatives au contenu du dossier meacutedical ont eacuteteacute publieacutees154
Le dossier meacutedical nous semble donc correspondre suffisamment agrave la deacutefinition du Code de la
proprieacuteteacute intellectuelle pour ecirctre qualifieacute de base de donneacutees
151 Cet article preacutevoit laquo Indeacutependamment du dossier meacutedical preacutevu par la loi le meacutedecin tient pour chaque
patient une fiche drsquoobservations qui lui est personnelle [hellip] les notes personnelles du meacutedecin ne sont ni
transmissibles ni accessibles au patient et aux tiers raquo Toutefois cette disposition ne concerne que le cas
particulier des notes personnelles du meacutedecin et non lrsquoensemble du dossier meacutedical 152
Article L 112-3 Code de la proprieacuteteacute intellectuelle 153
Selon la deacutefinition du dictionnaire Larousse 154
Agence Nationale drsquoAccreacuteditation et drsquoEvaluation en Santeacute laquo Dossier du patient ameacutelioration de la qualiteacute
de la tenue et du contenu reacuteglementation et recommandations raquo juin 2003 disponible sur [httpwwwhas-
santefr] Consulteacute le 5 mai 2017
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
70
122 Les bases de donneacutees beacuteneacuteficient de la protection relative aux droits drsquoauteurs ainsi
que drsquoune protection sui generis poseacutee au titre IV du Code de la proprieacuteteacute intellectuelle et
relative aux droits des producteurs des bases de donneacutees Ce droit srsquoexerce drsquoailleurs
indeacutependamment des droits drsquoauteurs ou drsquoautres droits qui pourraient srsquoexercer sur la base de
donneacutees
123 Le droit drsquoauteur va proteacuteger plus particuliegraverement la structure de la base de donneacutees
et pour en beacuteneacuteficier celle-ci devra preacutesenter un critegravere drsquooriginaliteacute Il faut ainsi apporter la
preuve que la seule forme de la base de donneacutees est originale Par exemple il est neacutecessaire
de deacutemontrer que laquo le choix et la disposition sont originaux raquo155
Dans le cas des dossiers
meacutedicaux informatiseacutes la structure mecircme du dossier va deacutependre du logiciel de gestion utiliseacute
par lrsquoeacutetablissement de santeacute Or dans la majoriteacute des cas ce logiciel va ecirctre la proprieacuteteacute drsquoune
socieacuteteacute prestataire sauf agrave envisager que lrsquoeacutetablissement de santeacute ait creacuteeacute son propre logiciel
Cela nous paraicirct difficilement envisageable et il faut donc recentrer notre reacuteflexion sur
la protection sui generis des bases de donneacutees Celle-ci va beacuteneacuteficier au producteur de la base
de donneacutees qui est deacutefini agrave lrsquoarticle L 341-1 du Code de la Proprieacuteteacute Intellectuelle comme
eacutetant laquo la personne qui prend linitiative et le risque des investissements correspondants raquo Il
peut alors beacuteneacuteficier laquo dune protection du contenu de la base lorsque la constitution la
veacuterification ou la preacutesentation de celui-ci atteste dun investissement financier mateacuteriel ou
humain substantiel raquo Le producteur reconnu drsquoune base de donneacutees se verra ainsi donner la
possibiliteacute drsquointerdire laquo lextraction par transfert permanent ou temporaire de la totaliteacute ou
dune partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu dune base de
donneacutees sur un autre support par tout moyen et sous toute forme que ce soit la reacuteutilisation
par la mise agrave la disposition du public de la totaliteacute ou dune partie qualitativement ou
quantitativement substantielle du contenu de la base quelle quen soit la forme raquo156
Ainsi la question qui se pose agrave nous est celle de savoir qui agrave lrsquohocircpital prend
lrsquoinitiative et le risque des investissements correspondants agrave la creacuteation de la base de donneacutees
Une chose est certaine les professionnels de santeacute ne peuvent en aucun cas ecirctre consideacutereacutes
comme les producteurs de la base de donneacutees dans la mesure ougrave ce ne sont pas eux qui
155 TGI Paris 3
e ch 1eacutere sect 13 avril 2010 ndeg0903970 Steacute Optima on line JurisData ndeg 2010-010806
156 Article L 342-1 du Code de la proprieacuteteacute intellectuelle
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
71
pourront attester drsquoun investissement financier humain ou mateacuteriel157
Lrsquoeacutetablissement de
santeacute peut-il alors ecirctre consideacutereacute comme le producteur du dossier meacutedical base de donneacutees
Le Code de la proprieacuteteacute intellectuelle preacutecise que le producteur de la base prend lrsquoinitiative et
le risque des investissements Or la mise en place drsquoun dossier meacutedical pour chaque patient
eacutetant une obligation leacutegale peut-on reacuteellement parler drsquoinitiative agrave proprement parler De
mecircme que les investissements financiers mis en œuvre pour le deacuteveloppement des dossiers
meacutedicaux informatiseacutes ne se feront pas entiegraverement sur les deniers de lrsquoeacutetablissement celui-ci
beacuteneacuteficiant de fonds publics dispenseacutes dans le cadre de plans tels que le plan Hocircpital 2012 ou
encore le programme Hocircpital numeacuterique Degraves lors on ne peut pas consideacuterer que
lrsquoeacutetablissement de santeacute reacuteponde aux critegraveres du producteur de bases de donneacutees
124 Ni les eacutetablissements de santeacute ni les professionnels de santeacute ne disposent donc drsquoun
droit de proprieacuteteacute intellectuelle sur les dossiers meacutedicaux Toutefois les regravegles relatives aux
archives hospitaliegraveres nous apportent des preacutecisions quant aux droits que possegravedent les
eacutetablissements de santeacute sur les dossiers meacutedicaux
Lrsquoarrecircteacute du 11 mars 1968 portant regraveglement des archives hospitaliegraveres deacutefinit le
contenu des archives hospitaliegraveres comme eacutetant laquo lrsquoensemble des titres concernant les biens
droits et obligations des eacutetablissements publics hospitaliers [hellip] y compris les registres et
papiers eacutemanant de lrsquoadministration et des services meacutedicaux et chirurgicaux de ces divers
eacutetablissements raquo158
Ainsi selon les termes de cet arrecircteacute les dossiers meacutedicaux font partie
inteacutegrante des archives hospitaliegraveres Aucune disposition relative aux archives publiques ou
aux archives hospitaliegraveres ne vient preacuteciser que les eacutetablissements publics soient proprieacutetaires
de leurs archives Toutefois lrsquoarrecircteacute du 11 mars 1968 preacutecise en son article 3 que le directeur
de lrsquoeacutetablissement deacutetient la garde et la responsabiliteacute des archives hospitaliegraveres Degraves lors
lrsquoeacutetablissement de santeacute peut ecirctre consideacutereacute comme eacutetant responsable du dossier meacutedical
qursquoil se doit de conserver sous sa protection mais en aucun cas proprieacutetaire159
157 Nous tenons agrave rappeler ici que notre travail est accegraves sur lrsquoutilisation des TIC et non sur la creacuteation du dossier
meacutedical informatiseacute en eacutetablissements de santeacute Notre reacuteflexion diffeacutererait certainement dans le cas des dossiers
meacutedicaux en cabinet de ville 158
Arrecircteacute du 11 mars 1968 portant regraveglement des archives hospitaliegraveres JORF du 25 octobre 1968 p 10039
159 GENOT-POK Isabelle laquo Des archives publiques aux archives hospitaliegraveres points de droit raquo Actualiteacutes
JuriSanteacute ndeg 69 2010 p 6
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
72
B La difficile application des regravegles relatives au secret partageacute
125 Le partage des donneacutees du patient va ecirctre neacutecessaire dans lrsquointeacuterecirct du patient afin
drsquoassurer la continuiteacute des soins et la coordination de sa prisE en charge Pour cela le
leacutegislateur a ameacutenageacute des deacuterogations au secret professionnel (1) afin de permettre et
simplifier le partage des donneacutees entre professionnels Toutefois lrsquointeacutegration des TIC dans la
pratique courante vient compliquer lrsquoapplication concregravete des regravegles theacuteoriques (2)
1) Le secret partageacute une deacuterogation au secret professionnel strictement encadreacutee
126 La notion de secret partageacute nrsquoest pas une notion reacutecente Tregraves tocirct la jurisprudence a
deacuteveloppeacute ce concept neacutecessaire agrave la bonne prise en charge du patient Degraves 1953160
le Conseil
drsquoEtat reconnaissait la possibiliteacute du partage des donneacutees meacutedicales agrave condition que celui-ci
soit neacutecessaire agrave la continuiteacute de la prise en charge du patient161
Toutefois la jurisprudence
restait impreacutecise voire parfois eacutequivoque162
et le secret partageacute ne beacuteneacuteficiait pas de base
leacutegale suffisante agrave son bon deacuteveloppement La loi du 4 mars 2002 en introduisant lrsquoarticle L
1110-4 au Code de la santeacute publique preacutesente lrsquointeacuterecirct de remeacutedier agrave cette situation en
inscrivant dans un cadre preacutecis le partage de donneacutees au sein drsquoune eacutequipe de soins Cet
article modifieacute depuis disposait alors laquo Lorsque la personne est prise en charge par une
eacutequipe de soins dans un eacutetablissement de santeacute les informations la concernant sont reacuteputeacutees
confieacutees par le malade agrave lensemble de leacutequipe raquo Ce texte preacutesentait neacuteanmoins jusque tregraves
reacutecemment une lacune importante aucune deacutefinition preacutecise nrsquoeacutetait apporteacutee concernant la
notion drsquoeacutequipe de soins Certains auteurs consideacuteraient mecircme la notion comme eacutetant une
laquo coquille vide raquo163
qui ne renvoyait agrave rien de preacutecis la composition de chaque eacutequipe devant
ecirctre eacutetudieacutee au cas par cas afin de conserver une souplesse drsquoaction Drsquoautres consideacuteraient
que lrsquoeacutequipe de soins devait obligatoirement ecirctre composeacutee de professionnels effectuant des
actes de soins et donc de professionnels de santeacute ayant compeacutetence leacutegalement reconnue pour
effectuer ce type de soins164
Cette deacutefinition eacutetait selon nous trop reacuteductrice De fait il est
160 CE sect Soc 2 juin 1953 Bull ord Meacuted 1952-1954 p 194
161 ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 119
162 JONAS Carol laquo La loi du 4 mars 2002 et la pratique meacutedicale quotidienne apports et incertitudes raquo
Meacutedecine et droit ndeg 56 2002 163
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 119 164
BOILEAU Chrystelle laquo Lrsquoeacutequipe meacutedicale une existence eacutevidente pour le professionnel de santeacute mais
discutable pour le juriste raquo RGDM 2004 ndeg 14 p 34
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
73
important de ne pas restreindre la composition de lrsquoeacutequipe de soins aux seuls professionnels
de santeacute stricto sensu En effet certains professionnels de santeacute nrsquoeffectuent pas de soins
(comme les ambulanciers) et certains soins ne sont pas dispenseacutes par des professionnels de
santeacute165
Comme le souligne agrave juste titre Caroline ZORN-MACREZ166
il est plus important
de se concentrer sur le contenu des eacutechanges qui interviennent entre les diffeacuterents
professionnels plutocirct que sur la qualiteacute de ces derniers La notion drsquoeacutequipe de soins doit donc
srsquoentendre de maniegravere large et certains professionnels agrave lrsquoinstar des assistantes sociales
doivent pouvoir faire partie pleinement drsquoune eacutequipe de soins et donc partager les donneacutees de
santeacute drsquoun patient si la prise en charge de celui-ci le neacutecessite
127 Crsquoest ce que le leacutegislateur a entendu faire en deacutefinissant dans le cadre de la loi de
modernisation de notre systegraveme de santeacute167
la notion de lrsquoeacutequipe de soins
Deacutesormais lrsquoarticle L 1110-4 est modifieacute et preacutevoit en son point III laquo lorsque ces
professionnels appartiennent agrave la mecircme eacutequipe de soins au sens de larticle L 1110-12 ils
peuvent partager les informations concernant une mecircme personne qui sont strictement
neacutecessaires agrave la coordination ou agrave la continuiteacute des soins ou agrave son suivi meacutedico-social et
social Ces informations sont reacuteputeacutees confieacutees par la personne agrave lensemble de leacutequipe raquo
Lrsquoarticle L 1110-12 quant agrave lui dispose laquo pour lapplication du preacutesent titre leacutequipe de
soins est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit dun mecircme
patient agrave la reacutealisation dun acte diagnostique theacuterapeutique de compensation du handicap
de soulagement de la douleur ou de preacutevention de perte dautonomie ou aux actions
neacutecessaires agrave la coordination de plusieurs de ces actes et qui
1deg Soit exercent dans le mecircme eacutetablissement de santeacute au sein du service de santeacute des armeacutees
dans le mecircme eacutetablissement ou service social ou meacutedico-social mentionneacute au I de larticle L
312-1 du Code de laction sociale et des familles ou dans le cadre dune structure de
coopeacuteration dexercice partageacute ou de coordination sanitaire ou meacutedico-sociale figurant sur
une liste fixeacutee par deacutecret
165 ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 126
166 ZORN-MACREZ Caroline laquo Chronique martienne des donneacutees de santeacute numeacuteriseacutees Bregraveves observations
sur une reacuteglementation surreacutealiste raquo RDS ndeg 36 2010 p 336 167
Loi ndeg 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre systegraveme de santeacute JORF ndeg0022 du 27 janvier
2016
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
74
2deg Soit se sont vu reconnaicirctre la qualiteacute de membre de leacutequipe de soins par le patient qui
sadresse agrave eux pour la reacutealisation des consultations et des actes prescrits par un meacutedecin
auquel il a confieacute sa prise en charge
3deg Soit exercent dans un ensemble comprenant au moins un professionnel de santeacute
preacutesentant une organisation formaliseacutee et des pratiques conformes agrave un cahier des charges
fixeacute par un arrecircteacute du ministre chargeacute de la santeacute raquo
128 Preuve que cette notion est difficile agrave cerner le texte nous apparaicirct comme eacutetant reacutedigeacute
de maniegravere complexe proposant finalement plusieurs deacutefinitions dans la deacutefinition geacuteneacuterale
de lrsquoeacutequipe de soins Cependant cet article srsquoinscrit bien dans le sens preacutevu initialement par
les motifs de la loi agrave savoir la promotion drsquoune prise en charge deacutecloisonneacutee entre les
diffeacuterents acteurs intervenant dans la prise en charge drsquoun patient les professionnels des
secteurs sanitaire et meacutedico-social y eacutetant directement inteacutegreacutes Par ailleurs le partage des
donneacutees de santeacute en ville ou dans le cadre drsquoune collaboration ville hocircpital doit satisfaire agrave
drsquoautres conditions elles aussi exposeacutees au sein de lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute
publique laquo un professionnel peut eacutechanger avec un ou plusieurs professionnels identifieacutes des
informations relatives agrave une mecircme personne prise en charge agrave condition quils participent
tous agrave sa prise en charge et que ces informations soient strictement neacutecessaires agrave la
coordination ou agrave la continuiteacute des soins agrave la preacutevention ou agrave son suivi meacutedico-social et
social [hellip]Le partage entre des professionnels ne faisant pas partie de la mecircme eacutequipe de
soins dinformations neacutecessaires agrave la prise en charge dune personne requiert son
consentement preacutealable recueilli par tout moyen y compris de faccedilon deacutemateacuterialiseacutee dans
des conditions deacutefinies par deacutecret pris apregraves avis de la Commission nationale de
linformatique et des liberteacutes raquo Dans ce cas le consentement preacutealable du patient est
neacutecessaire avant tout partage drsquoinformations Nous sommes ici dans une hypothegravese ougrave
lrsquoinformation relative au patient va sortir du cadre strict et deacutelimiteacute de lrsquoeacutequipe de soins Les
donneacutees vont ecirctre communiqueacutees dans ce cas agrave un professionnel exteacuterieur agrave lrsquoeacutequipe voire agrave
lrsquoeacutetablissement Contrairement agrave lrsquoancienne reacutedaction de lrsquoarticle L 1110-4 qui jusqursquoen
janvier 2016 preacutevoyait une non opposition de la part des patients avant tout eacutechange de
donneacutees le concernant168
le Code de la santeacute publique preacutevoit deacutesormais la neacutecessiteacute drsquoun
consentement ducircment recueilli et donc formaliseacute Les professionnels prenant en charge le
168 BOSSI Jeanne laquo Le cadre juridique du partage drsquoinformation dans les domaines sanitaires et meacutedicosocial
Etat des lieux et perspectives raquo Meacutedecine et droit 2013 p 6
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
75
patient et souhaitant partager ses donneacutees avec un autre professionnel devront donc srsquoassurer
de dispenser une information claire au patient afin de lui laisser lrsquoopportuniteacute de consentir ou
non agrave cet eacutechange Bien que cette disposition aille dans le sens drsquoun renforcement du secret
professionnel il nous faut cependant deacuteplorer en pratique lrsquoaspect contraignant pour les
professionnels de la neacutecessiteacute de recueillir le consentement systeacutematique avant tout eacutechange
de donneacutees
2) Les limites de lrsquoapplication du secret partageacute aux TIC
129 Lrsquoapplication des regravegles relatives au secret partageacute ne pose pas reacuteellement problegraveme
quand il srsquoagit pour deux professionnels drsquoeacutechanger agrave lrsquooral Toutefois lrsquoexercice se
complique degraves lors que lrsquoutilisation des TIC entre en jeu En effet dans le cas du dossier
meacutedical informatiseacute par exemple il va falloir srsquoassurer que seule lrsquoeacutequipe de soins au sens de
lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute publique puisse acceacuteder aux donneacutees du patient Il va
donc ecirctre neacutecessaire que le professionnel srsquoidentifie dans un premier temps puis srsquoauthentifie
ensuite Il srsquoagit bien ici de deux actions diffeacuterentes une au cours de laquelle le professionnel
va deacutecliner son identiteacute et une autre qui va permettre au professionnel de prouver qursquoil est
bien celui qursquoil preacutetend ecirctre
130 Pour ce faire a eacuteteacute creacuteeacutee la Carte de Professionnel de Santeacute (CPS) Beaucoup plus
reacutepandue chez les professionnels libeacuteraux cette carte peine toutefois agrave se deacutevelopper dans le
secteur hospitalier La CPS qui contient les donneacutees drsquoidentification de son porteur ainsi que
ses conditions drsquoexercice permet agrave son deacutetenteur de srsquoauthentifier et de signer
eacutelectroniquement les diffeacuterentes opeacuterations qursquoil effectue (par exemple la reacutedaction drsquoun
compte rendu drsquohospitalisation) Initialement mise en place pour lrsquoauthentification des
professionnels de santeacute dans le cadre de la transmission deacutemateacuterialiseacutee des feuilles de soins169
son utilisation a ensuite eacuteteacute eacutelargie agrave toutes les transmissions de donneacutees de santeacute par voie
eacutelectronique Le deacutecret confidentialiteacute du 15 mai 2007170
ajoute donc au Code de la santeacute
169 Lrsquoarticle L 161-33 du Code de la Seacutecuriteacute Sociale dispose laquo Dans le cas de transmission eacutelectronique par les
professionnels organismes ou eacutetablissements dispensant des actes ou prestations remboursables par lassurance
maladie lidentification de leacutemetteur son authentification et la seacutecurisation des eacutechanges sont assureacutees par une
carte eacutelectronique individuelle appeleacutee carte de professionnel de santeacute raquo 170
Deacutecret ndeg 2007-960 du 15 mai 2007 relatif agrave la confidentialiteacute des informations meacutedicales conserveacutees sur
support informatique ou transmises par voie eacutelectronique et modifiant le Code de la santeacute publique JORF 113
du 17 mai 2007 p 9362
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
76
publique un article R 1110-3 qui preacutevoit qursquo laquo en cas daccegraves par des professionnels de santeacute
aux informations meacutedicales agrave caractegravere personnel conserveacutees sur support informatique ou de
leur transmission par voie eacutelectronique lutilisation de la carte de professionnel de santeacute
mentionneacutee au dernier alineacutea de larticle L 161-33 du Code de la seacutecuriteacute sociale est
obligatoire raquo Cette carte est actuellement distribueacutee par lrsquoAgence des Systegravemes
drsquoInformation Partageacutees en santeacute (ASIP santeacute)
131 Plusieurs beacutemols doivent ecirctre apporteacutes agrave ce systegraveme a priori seacutecuriseacute Le premier tient
agrave son manque de diffusion au sein des eacutetablissements de santeacute En effet agrave lrsquoheure actuelle
selon les chiffres de lrsquoASIP santeacute171
sur les 592 828 cartes CPS en circulation seulement
120 408 ont eacuteteacute distribueacutees au sein des eacutetablissements de santeacute Il devient alors compliqueacute
pour les professionnels de ces eacutetablissements de respecter les obligations instaureacutees par le
deacutecret confidentialiteacute dans le cas du partage de donneacutees de santeacute par voie eacutelectronique De
plus ces cartes sont uniquement agrave destination des professions regraveglementeacutees au titre du
chapitre IV du Code de la Santeacute Publique Or en eacutetablissement de santeacute le partage de
donneacutees nrsquoest pas restreint agrave ces professions172
Pour pallier ce problegraveme lrsquoASIP santeacute a mis
en place des cartes de la famille de la CPS On trouve ainsi la CDE (carte de directeur
drsquoeacutetablissement) destineacutee aux directeurs deacutetablissement de santeacute Le directeur peut
eacutegalement deacuteleacuteguer ces tacircches en deacutesignant des mandataires deacuteleacutegueacutes De mecircme a eacuteteacute creacuteeacutee
la CPE (carte de personnel drsquoeacutetablissement) destineacutee aux salarieacutes non professionnels de santeacute
des structures libeacuterales et des eacutetablissements de santeacute Lagrave encore ces cartes ne sont pas
encore suffisamment reacutepandues au sein des eacutetablissements de santeacute pour permettre drsquoassurer
la seacutecuriteacute preacutevue par les textes (sur les 497 590 cartes CPE 203 987 eacutetaient distribueacutees en
secteur hospitalier au 20 feacutevrier 2017)173
132 Les freins agrave lrsquoapplication des regravegles en matiegravere de partage des donneacutees de santeacute dans
le cadre de lrsquoutilisation des TIC sont ducircs principalement aux limites de la technologie actuelle
en matiegravere de traccedilabiliteacute des accegraves ou pour ecirctre plus preacutecis aux difficulteacutes pour les
eacutetablissements de disposer drsquoun systegraveme agrave la fois performant et en conformiteacute avec des textes
parfois utopistes A ce sujet nous pouvons reprendre une expression de Caroline ZORN-
171 Chiffres disponibles sur [httpesantegouvfr] Consulteacutes le 15 mai 2017
172 V Supra ndeg 127
173 Chiffres disponibles sur [httpesantegouvfr] Consulteacutes le 15 mai 2017
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
77
MACREZ qui illustre parfaitement le problegraveme actuel en parlant de laquo secret partageacute coinceacute
dans la bulle informatique raquo174
sect2 Le cas particulier de la recherche meacutedicale des regravegles de protection
speacutecifiques
133 La speacutecificiteacute de la recherche meacutedicale a ameneacute le leacutegislateur agrave inteacutegrer au sein de la
loi Informatique et Liberteacutes des dispositions propres au traitement de donneacutees agrave caractegravere
personnel dans le cadre de la recherche meacutedicale
Avant drsquoeacutetudier de maniegravere preacutecise ces dispositions (B) il est important de nous
arrecircter sur la particulariteacute de la recherche meacutedicale et du cadre qui lrsquoentoure cadre pouvant
parfois se montrer complexe agrave appreacutehender et ce malgreacute une reacuteforme reacutecente (A) Lrsquoeacutetude de
lrsquoensemble de ces dispositions nous permettra de nous interroger sur la force de la protection
accordeacutee aux donneacutees de santeacute issues de la recherche (C)
A Le cadre juridique des recherches impliquant la personne humaine
134 La difficulteacute principale rencontreacutee lors de lrsquoeacutetude et lrsquoapplication des regravegles en matiegravere
de partage des donneacutees dans le cadre de la recherche meacutedicale provient du manque de
lisibiliteacute des textes encadrant la recherche meacutedicale En effet la recherche meacutedicale est
strictement reacuteglementeacutee par diffeacuterentes lois codifieacutees au sein du Code de la santeacute publique
tandis que lrsquoencadrement des traitements de donneacutees dans ce cadre fait lrsquoobjet comme nous
venons de le voir de dispositions speacutecifiques au sein de la loi Informatique et Liberteacutes Pour
certains auteurs nous sommes ici confronteacutes agrave une dualiteacute de qualification175
et le responsable
drsquoun traitement va devoir commencer par qualifier juridiquement sa recherche avant de
pouvoir chercher agrave trouver quelles seront les deacutemarches agrave effectuer en vue drsquoencadrer son
traitement de donneacutees agrave caractegravere personnel
174 ZORN-MACREZ Caroline laquo Chronique martienne des donneacutees de santeacute numeacuteriseacutees Bregraveves observations
sur une reacuteglementation surreacutealiste raquo Revue droit et santeacute ndeg 36 2010 p 335 175
BAHR Anne BULACH Claudette FABER Steacutephanie laquo Comment appliquer la loi Informatique et Liberteacutes
agrave la recherche meacutedicale raquo op cit p 49
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
78
135 Cette deacutemarche constitue une premiegravere difficulteacute En effet les recherches meacutedicales
sont encadreacutees par diffeacuterents textes Jusque 2012 la recherche meacutedicale eacutetait encadreacutee pour
lrsquoessentiel par la loi ndeg 88-1138 du 20 deacutecembre 1988 relative agrave la protection des personnes
se precirctant agrave des recherches biomeacutedicales connue sous le nom de loi Huriet-Seacuterusclat176
Cette loi a deacutefini pour la premiegravere fois les recherches biomeacutedicales comme eacutetant des laquo essais
ou expeacuterimentations organiseacutes et pratiqueacutes sur lrsquoecirctre humain en vue du deacuteveloppement des
connaissances biologiques ou meacutedicales raquo Plusieurs modifications ont ensuite eacuteteacute apporteacutees
notamment par la loi ndeg 2004-806 du 9 aoucirct 2004 relative agrave la politique de santeacute publique177
qui a transposeacute les dispositions de la directive 200120CE du 4 avril 2001 relative agrave
lrsquoapplication de bonnes pratiques cliniques dans la conduite drsquoessais cliniques de
meacutedicaments agrave usage humain A ces dispositions srsquoajoutaient celles contenues au sein des lois
bioeacutethiques et notamment la loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique178
reacuteviseacutee
par la loi ndeg 2001-814 du 7 juillet 2011179
En effet ces lois dont le contenu a eacuteteacute codifieacute au
sein du Code de la santeacute publique encadrent les dons des eacuteleacutements et produits du corps
humain Ainsi dans le cadre drsquoune recherche non interventionnelle portant sur une collection
biologique drsquoeacutechantillons humains le promoteur de la recherche devait effectuer drsquoune part
les deacutemarches relatives agrave la mise en œuvre de la recherche en elle-mecircme et drsquoautre part
celles relatives agrave la mise en place de la collection drsquoeacutechantillons Or les diffeacuterents dispositifs
sont difficiles agrave mettre en œuvre car il nrsquoexiste pas de reacuteelle coordination et le chercheur se
retrouve alors face agrave laquo une multipliciteacute des guichets drsquoautorisation et drsquoenregistrement raquo180
136 Le manque de coheacuterence des diffeacuterents textes ainsi que leur caractegravere incomplet ont
eacuteteacute de nombreuses fois critiqueacutes par la doctrine181
et crsquoest pourquoi un travail de refonte de la
leacutegislation applicable avait eacuteteacute mis en œuvre celui-ci ayant abouti agrave lrsquoadoption de la loi ndeg
176 Loi ndeg88-1138 du 20 deacutecembre 1988 dite Huriet relative agrave la protection des personnes qui se precirctent agrave des
recherches biomeacutedicales JORF du 22 deacutecembre 1988 p 16032 177
Loi ndeg 2004-806 du 9 aoucirct 2004 relative agrave la politique de santeacute publique JORF ndeg185 du 11 aoucirct 2004 p
14277 178
Loi ndeg 2004-800 du 6 aoucirct 2004 relative agrave la bioeacutethique JORF ndeg182 du 7 aoucirct 2004 p 14040 179
Loi ndeg 2011-814 du 7 juillet 2011 relative agrave la bioeacutethique JORF ndeg0157 du 8 juillet 2011 p 11826 180
CHEMTOB-CONCE Marie-Christine CAILLEUX Anne laquo Lrsquoimpact des nouvelles dispositions de la loi
relative aux recherches impliquant la personne humaine raquo meacutedecine et droit 2013 pp 30-35 181
V notamment en ce sens BOYER-BEVIERE Beacuteneacutedicte laquo Les principales reacuteformes de la loi ndeg 2011-300 du
5 mars 2012 sur les recherches impliquant la personne humaine RGDM ndeg 44 2012 pp 225-238 LEMAIRE
Franccedilois laquo Pourquoi faut-il encore reacuteformer la leacutegislation de la recherche biomeacutedicale raquo Meacutedecine et droit
2011 LAIGNEAU Jean-Franccedilois laquo Seacutecuriteacute et deacuteveloppement des recherches de la loi Bertrand agrave la loi
Jardeacute raquo meacutedecine et droit 2012
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
79
2012-300 du 5 mars 2012 sur les recherches impliquant la personne humaine182
plus
communeacutement appeleacutee loi JARDE Cependant le deacutecret drsquoapplication de cette loi
longtemps attendu nrsquoa eacuteteacute publieacute qursquoen novembre 2016183
137 Cette loi a permis drsquounifier le cadre juridique applicable agrave la recherche meacutedicale et ce
notamment afin de simplifier les deacutemarches des chercheurs En effet face au laquo mille-feuille
leacutegislatif raquo184
que constituent les diffeacuterentes lois encadrant la recherche le leacutegislateur a
souhaiteacute offrir agrave la recherche meacutedicale un cadre juridique plus lisible et surtout plus eacutequilibreacute
Olivier JARDE avait notamment reprocheacute lrsquoexcegraves de reacuteglementation qui existait pour
certaines recherches tandis que drsquoautres eacutetaient meneacutees dans laquo quasi-vide juridique raquo185
La
refonte de la reacuteglementation a donc consisteacute en la mise en place de diffeacuterentes cateacutegories de
recherches disposant drsquoun cadre juridique commun Deacutesormais trois cateacutegories de recherches
cohabitent les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne
non justifieacutee par sa prise en charge habituelle les recherches interventionnelles qui ne portent
pas sur des meacutedicaments et qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes et
les recherches non interventionnelles dont tous les actes sont pratiqueacutes et les produits utiliseacutes
de maniegravere habituelle Pour ces trois types de recherches la loi propose un cadre juridique
minimum applicable dans tous les cas Ainsi toutes les recherches devront faire lrsquoobjet drsquoun
avis du comiteacute de protection des personnes Cela permettra notamment agrave certains chercheurs
de publier leurs reacutesultats plus facilement186
138 Toutefois ces nouvelles dispositions ne font pas lrsquounanimiteacute au sein de la doctrine Si
certains feacutelicitent le leacutegislateur pour les efforts de simplification accomplis par la loi JARDE
et soulignent lrsquoimpact positif que ces dispositifs pourraient avoir sur le deacuteveloppement de la
182 Loi ndeg 2012-300 du 5 mars 2012 sur les recherches impliquant la personne humaine JORF ndeg 0056 du 6 mars
2012 p 4138 texte ndeg 1 183
Deacutecret ndeg 2016-1537 relatif aux recherches impliquant la personne humaine JORF ndeg 0267 du 17 novembre
2016 184
JARDE Olivier laquo Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi
modifieacutee par le Seacutenat relative aux recherches cliniques ou non interventionnelles impliquant la personne
humaine raquo Assembleacutee Nationale 7 avril 2000 185
LAIGNEAU Jean-Franccedilois laquo Seacutecuriteacute et deacuteveloppement des recherches de la loi Bertrand agrave la loi Jardeacute raquo
op cit p 166 186
BOYER-BEVIERE Beacuteneacutedicte laquo Les principales reacuteformes de la loi ndeg 2012-300 du 5 mars 2012 sur les
recherches impliquant la personne humaine raquo RGDM 2012 ndeg 44
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
80
recherche187
drsquoautres au contraire nrsquoheacutesitent pas agrave critiquer avec veacuteheacutemence cette loi qui nrsquoest
laquo pas plus digeste et compreacutehensible raquo188
que les preacuteceacutedents textes deacutenonccedilant une
laquo patheacutetique obscuriteacute des textes raquo189
Au-delagrave du cadre organisant les modaliteacutes de mise en œuvre drsquoune recherche
impliquant la personne humaine la particuliegravere sensibiliteacute du sujet a ameneacute le leacutegislateur agrave
preacutevoir un cadre speacutecifique applicable aux donneacutees de santeacute faisant lrsquoobjet drsquoun traitement
automatiseacute dans ce contexte
B Lrsquoencadrement particulier des traitements des donneacutees de santeacute dans le
cadre de la recherche
139 Conscient du domaine deacutelicat de la recherche et de lrsquoimportance drsquoeacuteviter les deacuteviances
et les abus le leacutegislateur a tregraves tocirct encadreacute lrsquoutilisation et le partage des donneacutees de santeacute dans
le cadre de la recherche Ainsi la loi ndeg 94-548 du 1er
juillet 1994 relative au traitement de
donneacutees nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santeacute et modifiant la
loi ndeg 78-17 du 6 janvier 1978 relative agrave linformatique aux fichiers et aux liberteacutes190
est
venue compleacuteter la loi Informatique et Liberteacutes afin drsquoy inteacutegrer un chapitre consacreacute aux
traitements de donneacutees agrave caractegravere personnel dans le domaine de la recherche meacutedicale
Troisiegraveme volet du triptyque relatif agrave la bioeacutethique191
cette loi a fait lrsquoobjet drsquoune longue
maturation et eacutetait tregraves attendue des acteurs de la recherche meacutedicale192
140 Plus reacutecemment la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute a modifieacute le cadre
applicable aux traitements des donneacutees agrave caractegravere personnel ayant pour fin la recherche dans
le domaine de la santeacute refondant ainsi le chapitre IX de la loi Informatique et Liberteacutes qui
pose les principes applicables aux traitement de donneacutees agrave caractegravere personnel dans le cadre
187 V en ce sens Marie CHEMTOB-CONCE Marie-Christine CAILLEUX Anne laquo Lrsquoimpact des nouvelles
dispositions de la loi relative aux recherches impliquant la personne humaine raquo op cit p 30 188
LEROYER Anne-Marie laquo Loi ndeg 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne
humaine raquo RTD Civ 2012 p 384 189
Ibid 190
Loi ndeg 94-548 du 1er
juillet 1994 relative au traitement de donneacutees nominatives ayant pour fin la recherche
dans le domaine de la santeacute et modifiant la loi ndeg 78-17 du 6 janvier 1978 relative agrave linformatique aux fichiers et
aux liberteacutes JORF ndeg152 du 2 juillet 1994 p 9559 191
TUumlRK Alex laquo Rapport au nom de la Commission des lois raquo Seacutenat 19931994 p 87 192
MARLIAC-NEGRIER Claire laquo La protection des donneacutees nominatives informatiques en matiegravere de
recherche meacutedicale raquo Tome 1 Presses universitaires drsquoAix-Marseille 2001 p 106
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
81
de la recherche (1) Par ailleurs la CNIL a modifieacute sa meacutethodologie de reacutefeacuterence applicable
aux recherches biomeacutedicales (MR001) et en a adopteacute une nouvelle (MR003) (2) simplifiant
ainsi les deacutemarches pour les chercheurs souhaitant mettre en place un traitement de donneacutees
1) Les principes applicables aux traitements de donneacutees agrave caractegravere personnel dans le
cadre de la recherche meacutedicale
141 Par principe les traitements ayant une finaliteacute drsquointeacuterecirct public de recherche drsquoeacutetude ou
drsquoeacutevaluation dans le domaine de la santeacute doivent ecirctre autoriseacutes par la CNIL Lrsquoautoriteacute prend
sa deacutecision apregraves avoir recueilli drsquoune part lrsquoavis du Comiteacute de Protection des Personnes
(CPP) en ce qui concerne les recherches impliquant la personne humaine telles que deacutefinies agrave
lrsquoarticle L 1121-1 du Code de la santeacute publique ou du Comiteacute drsquoExpertise pour les
Recherches les Etudes et les Evaluations dans le domaine de la Santeacute (CEREES) pour les
demandes relatives agrave des recherches nrsquoimpliquant pas la personne humaine ou relatives agrave des
eacutetudes ou des eacutevaluations Ce comiteacute dont la composition exacte a eacuteteacute preacuteciseacutee par deacutecret193
doit rendre son avis dans un deacutelai drsquoun mois agrave compter de sa saisine deacutelai qui peut ecirctre
rameneacute agrave quinze jours en cas drsquourgence Cet avis portera sur laquo la meacutethodologie retenue sur la
neacutecessiteacute du recours agrave des donneacutees agrave caractegravere personnel sur la pertinence de celles-ci par
rapport agrave la finaliteacute du traitement et sil y a lieu sur la qualiteacute scientifique du projet raquo Le
comiteacute va apporter une caution eacutethique au projet de recherche
142 A noter que ce comiteacute vient remplacer lrsquoancien Comiteacute Consultatif sur le Traitement
de lrsquoInformation en matiegravere de Recherche dans le domaine de la Santeacute (CCTIRS) qui avec la
loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute disparaicirct Cette suppression du CCTIRS au
profit drsquoun comiteacute rebaptiseacute mais ayant les mecircmes missions peut intriguer Cependant le
deacutecret ndeg 2016-1872 du 26 deacutecembre 2016194
qui vient preacuteciser le fonctionnement du
CEREES tend agrave deacutemontrer que le leacutegislateur a souhaiteacute organiser celui-ci de maniegravere plus
preacutecise
193 Deacutecret ndeg 2016-1872 du 26 deacutecembre 2016 modifiant le deacutecret ndeg 2005-1309 du 20 octobre 2005 pris pour
lapplication de la loi ndeg 78-17 du 6 janvier 1978 relative agrave linformatique aux fichiers et aux liberteacutes JORF
ndeg0301 du 28 deacutecembre 2016 texte ndeg 34 194
Ibid
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
82
143 A ces formaliteacutes administratives le chapitre IX de la loi Informatique et Liberteacutes
ajoute drsquoautres obligations agrave la charge du responsable du traitement Ainsi une liste
drsquoinformations agrave fournir preacutealablement agrave la collecte des donneacutees et de maniegravere individuelle
aux personnes concerneacutees est dresseacutee agrave lrsquoarticle 57 de la loi Informatique et Liberteacutes195
Cette
obligation drsquoinformation nrsquoest pas absolue et deux exceptions sont preacutevues la premiegravere
concerne lrsquoimpossibiliteacute de retrouver le patient encas de recherche reacutetrospective la seconde
concerne lrsquohypothegravese dans laquelle le meacutedecin traitant estime pour des raisons leacutegitimes que
le patient doit ecirctre laisseacute dans lrsquoignorance du diagnostic
144 A ce sujet il est inteacuteressant de signaler que ces dispositions sont aujourdrsquohui en
contradiction avec la reacuteforme du Code de deacuteontologie intervenue le 7 mai 2012196
En effet le
Code de deacuteontologie preacutevoyait en son article 35 la possibiliteacute pour le meacutedecin de tenir un
patient dans lrsquoignorance drsquoun diagnostic ou drsquoun pronostic graves et ce pour des raisons
leacutegitimes qursquoil appreacuteciait en conscience En preacutevoyant une possibiliteacute de non divulgation de
lrsquoinformation par le praticien le Code de deacuteontologie eacutetait en opposition avec lrsquoarticle L
1111-2 du Code de la Santeacute Publique qui ne preacutevoit que trois exceptions agrave lrsquoobligation
drsquoinformation lrsquourgence lrsquoimpossibiliteacute drsquoinformer la volonteacute du patient drsquoecirctre tenu dans
lrsquoignorance Cette possibiliteacute est deacutesormais supprimeacutee et remplaceacutee par la disposition suivante
laquo toutefois lorsqursquoune personne demande agrave ecirctre tenue dans lrsquoignorance drsquoun diagnostic ou
pronostic sa volonteacute doit ecirctre respecteacutee sauf si des tiers sont exposeacutes agrave un risque de
contamination raquo Degraves lors il est leacutegitime de se demander quelles vont ecirctre les dispositions qui
preacutevalent
De notre point de vue le Code de deacuteontologie a eacuteteacute modifieacute afin drsquoecirctre mis en
conformiteacute avec les dispositions du Code de la santeacute publique et renforcer ainsi le droit agrave
lrsquoinformation des patients Dans cette optique cette possibiliteacute de tenir le patient dans
195 Cet article dispose laquo Les personnes aupregraves desquelles sont recueillies des donneacutees agrave caractegravere personnel ou
agrave propos desquelles de telles donneacutees sont transmises sont avant le deacutebut du traitement de ces donneacutees
individuellement informeacutees
1deg De la nature des informations transmises
2deg De la finaliteacute du traitement de donneacutees
3deg Des personnes physiques ou morales destinataires des donneacutees
4deg Du droit daccegraves et de rectification institueacute aux articles 39 et 40
5deg Du droit dopposition institueacute aux premier et troisiegraveme alineacuteas de larticle 56 ou dans le cas preacutevu au
deuxiegraveme alineacutea de cet article de lobligation de recueillir leur consentement raquo 196
Deacutecret ndeg 2012-694 du 7 mai 2012 portant modification du Code de deacuteontologie meacutedicale JORF ndeg0108 du 8
mai 2012 p 8479
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
83
lrsquoignorance drsquoun diagnostic ne devrait plus exister non plus dans le cadre de la recherche
meacutedicale sauf agrave admettre que la recherche puisse beacuteneacuteficier drsquoun cadre plus souple du fait des
buts poursuivis Or nous estimons que les donneacutees du patient et drsquoune maniegravere plus geacuteneacuterale
les droits du patients doivent ecirctre proteacutegeacutes de la mecircme maniegravere que le patient soit pris en
charge dans le cadre dlsquoune activiteacute de soins et de diagnostic ou dans le cadre drsquoune recherche
meacutedicale
145 Parmi les obligations incombant au responsable du traitement se trouve lrsquoobligation
drsquoanonymiser les donneacutees agrave caractegravere personnel obligation agrave laquelle il ne peut plus ecirctre
deacuterogeacute197
Enfin il faut souligner que la loi Informatique et Liberteacutes soumet toutes les
personnes ameneacutees agrave mettre en œuvre les traitements ou ayant accegraves aux donneacutees sur
lesquelles celui-ci porte au secret professionnel tel que deacutefini agrave lrsquoarticle 226-13 du Code
peacutenal Lrsquoensemble de ces deacutemarches constituent les formaliteacutes preacutealables agrave la mise en place
Cependant des formaliteacutes simplifieacutees existent par le biais des meacutethodologies de reacutefeacuterence
2) Les Meacutethodologies de Reacutefeacuterences MR001 et MR003
146 La version initiale de la loi du 1er
juillet 1994 preacutevoyait la possibiliteacute pour le Preacutesident
du CCTIRS de mettre en œuvre une proceacutedure simplifieacutee198
applicable aux traitements de
donneacutees agrave caractegravere personnel ayant pour finaliteacute la recherche en santeacute Toutefois ces
dispositions ne contenaient pas plus de preacutecisions quant aux recherches concerneacutees ou aux
modaliteacutes de mise en œuvre de cette proceacutedure simplifieacutee199
Neacuteanmoins la CNIL et le
CCTIRS avaient adopteacute un reacutegime simplifieacute de deacuteclaration des essais cliniques en 1998200
Cette proceacutedure simplifieacutee eacutetait applicable aux recherches entrant dans le champ drsquoapplication
197 Lrsquoarticle 55 de la loi Informatique et Liberteacutes dans sa version anteacuterieure au 26 janvier 2016 preacutevoyait
laquo lorsque ces donneacutees permettent lidentification des personnes elles doivent ecirctre codeacutees avant leur
transmission Toutefois il peut ecirctre deacuterogeacute agrave cette obligation lorsque le traitement de donneacutees est associeacute agrave des
eacutetudes de pharmacovigilance ou agrave des protocoles de recherche reacutealiseacutes dans le cadre deacutetudes coopeacuteratives
nationales ou internationales il peut eacutegalement y ecirctre deacuterogeacute si une particulariteacute de la recherche lexige La
demande dautorisation comporte la justification scientifique et technique de la deacuterogation et lindication de la
peacuteriode neacutecessaire agrave la recherche raquo Ces dispositions ont eacuteteacute supprimeacutees par la loi de modernisation de notre
systegraveme de santeacute 198
Lrsquoancienne version de lrsquoarticle 40-1 loi Informatique et Liberteacutes alineacutea 3 preacutevoyait la chose suivante laquo le
preacutesident du comiteacute consultatif peut mettre en œuvre une proceacutedure simplifieacutee raquo 199
PERRAY Romain laquo Traitement de donneacutees personnelles dans le cadre de recherches meacutedicales vers un
alleacutegement des formaliteacutes raquo Revue Lamy droit de lrsquoimmateacuteriel 2007 ndeg 24 pp 64-66 200
Proceacutedure simplifieacutee adopteacutee par le Comiteacute consultatif le 3 feacutevrier 1998 relative aux traitements
informatiques de donneacutees nominatives collecteacutees dans le cadre de recherches biomeacutedicales
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
84
de la loi du 20 deacutecembre 1988 modifieacutee sur la protection des personnes qui se precirctent agrave des
recherches biomeacutedicales
147 La loi du 6 aoucirct 2004 modifiant la loi Informatique et Liberteacutes initiale dans un premier
temps puis la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute plus reacutecemment ont preacuteciseacute
cette possibiliteacute drsquoinstaurer des proceacutedures simplifieacutees Lrsquoarticle 54 IV preacutecise deacutesormais
laquo pour les cateacutegories les plus usuelles de traitements automatiseacutes de donneacutees de santeacute agrave
caractegravere personnel agrave des fins de recherche deacutetude ou deacutevaluation dans le domaine de la
santeacute la Commission nationale de linformatique et des liberteacutes peut homologuer et publier
des meacutethodologies de reacutefeacuterence destineacutees agrave simplifier la proceacutedure dexamen Celles-ci sont
eacutetablies en concertation avec le comiteacute dexpertise et des organismes publics et priveacutes
repreacutesentatifs des acteurs concerneacutes raquo Ces proceacutedures vont permettre aux responsables de
traitement en souscrivant agrave un engagement de conformiteacute vis-agrave-vis drsquoune meacutethodologie de
reacutefeacuterence drsquoeacuteviter de formuler une demande drsquoautorisation aupregraves de la CNIL Dans ce cas
les traitements peuvent ecirctre mis en œuvre degraves lors qursquoils respectent les conditions fixeacutees par la
Meacutethodologie de Reacutefeacuterence (conditions en termes de seacutecuriteacute du traitement notamment mais
eacutegalement en termes de dureacutee de conservation des donneacutees)
148 Conformeacutement agrave ces dispositions la CNIL avait donc adopteacute en 2006 une
meacutethodologie de reacutefeacuterence applicable aux traitements de donneacutees personnelles mis en œuvre
dans le cadre des recherches biomeacutedicales201
Lrsquoadoption de cette meacutethodologie de reacutefeacuterence a
eacuteteacute justifieacutee par le fait que les recherches biomeacutedicales sont deacutejagrave encadreacutees de maniegravere stricte
et selon des meacutethodologies standardiseacutees La MR-001 qui a eacuteteacute reacutecemment modifieacutee par la
deacutelibeacuteration CNIL ndeg 2016-262 du 21 juillet 2016202
srsquoapplique aux essais cliniques de
meacutedicaments agrave lrsquoexception des essais cliniques dits par grappe203
aux recherches
biomeacutedicales aux recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la
201 Meacutethodologie de reacutefeacuterence MR-001 pour les traitements de donneacutees personnelles opeacutereacutees dans le cadre des
recherches biomeacutedicales 202
Deacutelibeacuteration ndeg 2016-262 du 21 juillet 2016 portant modification de la meacutethodologie de reacutefeacuterence pour les
traitements de donneacutees personnelles opeacutereacutes dans le cadre des recherches biomeacutedicales (MR-001) JORF ndeg0189
du 14 aoucirct 2016 texte ndeg 76 203
GIRAUDEAU Bruno laquoLrsquoessai clinique randomiseacute par grappes raquo disponible sur [httpipubli-
inserministfr] Consulteacute le 22 feacutevrier 2017 Pour lrsquoauteur laquo un essai clinique randomiseacute par grappes (cluster
randomization trial) est un essai dans lequel on ne randomise pas individuellement des sujets mais des groupes
de sujets qursquoon appelle des laquo grappes raquo (clusters) Ces uniteacutes de randomisation peuvent ecirctre des hocircpitaux des
meacutedecins des familles des villages des entreprises autant drsquouniteacutes sociales pour lesquelles les sujets qui
composent une uniteacute ne peuvent ecirctre consideacutereacutes comme indeacutependants les uns des autres raquo
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
85
personne non justifieacutee par sa prise en charge habituelle aux recherches interventionnelles qui
ne portent pas sur des meacutedicaments et qui ne comportent que des risques et des contraintes
minimes (la liste de ces recherche a eacuteteacute fixeacutee par un arrecircteacute en date du 3 mai 2017204
) et les
recherches neacutecessitant la reacutealisation drsquoun examen des caracteacuteristiques geacuteneacutetiques
La Meacutethodologie de Reacutefeacuterence ndeg3 (MR003) quant agrave elle a eacuteteacute adopteacutee avec la deacutelibeacuteration
CNIL du 21 juillet 2016 et publieacutee le 14 aoucirct 2016205
Elle srsquoapplique aux essais cliniques de
meacutedicaments dits par grappe les recherches visant agrave eacutevaluer les soins courants et les
recherches non interventionnelles
Le leacutegislateur a donc preacutevu plusieurs dispositions venant encadrer lrsquoutilisation des
donneacutees de santeacute dans le cadre de la recherche meacutedicale Cependant il apparait opportun de
srsquointerroger sur la force de cette protection
C Les donneacutees de santeacute utiliseacutees dans le cadre de la recherche des donneacutees
moins bien proteacutegeacutees
149 Les donneacutees de santeacute du fait de leur statut de donneacutees sensibles beacuteneacuteficient drsquoune
protection speacutecifique Ainsi les donneacutees utiliseacutees dans le cadre des recherches meacutedicales eacutetant
eacutegalement des donneacutees de santeacute au sens de la deacutefinition que nous avons pu eacutetudier
preacuteceacutedemment206
devraient beacuteneacuteficier du mecircme degreacute de protection Force est de constater
que cela nrsquoest toujours pas le cas En effet afin de faciliter le travail des chercheurs certaines
mesures deacuterogatoires ont eacuteteacute eacutetablies qui fragilisent la protection instaureacutee autour des
donneacutees de santeacute utiliseacutees dans le cadre de la recherche
150 La premiegravere protection eacutecorneacutee est celle relative au secret meacutedical Les regravegles de droit
commun applicables en matiegravere de secret partageacute ne permettent normalement pas aux
meacutedecins cliniciens de partager leurs donneacutees avec des meacutedecins chercheurs ceux-ci ne
204 Arrecircteacute du 3 mai 2017 fixant la liste des recherches mentionneacutees au 2deg de larticle L 1121-1 du Code de la
santeacute publique JORF ndeg0107 du 6 mai 2017 texte ndeg 30 205
Deacutelibeacuteration ndeg 2016-263 du 21 juillet 2016 portant homologation dune meacutethodologie de reacutefeacuterence relative
aux traitements de donneacutees agrave caractegravere personnel mis en œuvre dans le cadre des recherches dans le domaine de
la santeacute ne neacutecessitant pas le recueil du consentement expregraves ou eacutecrit de la personne concerneacutee (MR-003) JORF
ndeg 0189 du 14 aoucirct 2016 texte ndeg 77 206
V Supra ndeg 63 agrave 69
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
86
faisant pas partie de lrsquoeacutequipe de soins207
Lrsquoarticle 55 de la loi Informatique et Liberteacutes vient
donc instaurer une exception au secret professionnel preacutecisant que laquo nonobstant les regravegles
relatives au secret professionnel les membres des professions de santeacute peuvent transmettre
les donneacutees agrave caractegravere personnel quils deacutetiennent dans le cadre dun traitement de donneacutees
autoriseacute en application de larticle 53 raquo Il peut donc ecirctre deacuterogeacute au secret professionnel srsquoil
srsquoagit pour des professionnels de partager des donneacutees de santeacute initialement collecteacutees afin
drsquoassurer la prise en charge du patient mais dont les chercheurs pourraient avoir besoin dans
le cadre de recherches reacutetrospectives Il est utile de preacuteciser que cette utilisation secondaire
des donneacutees nrsquoest pas contraire dans ce cas au principe de finaliteacute poseacutee par lrsquoarticle 6 de la
loi puisque ce mecircme article preacutevoit qursquoun traitement ulteacuterieur agrave des fins de recherche
scientifique est possible si celui est reacutealiseacute dans le respect de certaines dispositions preacutevues
par la loi et notamment celles du chapitre IX relatif au traitement des donneacutees agrave caractegravere
personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santeacute
151 Lrsquoarticle 55 essaie toutefois de compenser cette deacuterogation au secret professionnel en
instaurant une anonymisation obligatoire de ces donneacutees laquo Lorsque ces donneacutees permettent
lidentification des personnes leur transmission doit ecirctre effectueacutee dans des conditions de
nature agrave garantir leur confidentialiteacuteraquo Cela permet de justifier lrsquoexception au secret
professionnel dans la mesure ougrave les donneacutees transmises ne seront plus des donneacutees
personnelles A noter que jusqursquoau 27 janvier 2016 date drsquoentreacutee en vigueur de la loi de
modernisation de notre systegraveme de santeacute lrsquoarticle 55 preacutevoyait deux exceptions agrave cette
obligation drsquoanonymisation lorsque le traitement de donneacutees eacutetait associeacute agrave des eacutetudes de
pharmacovigilance ou si une particulariteacute de la recherche lexigeait Avec la loi de
modernisation de notre systegraveme de santeacute ces deacuterogations ont disparu
152 Lrsquoautre protection importante dont les donneacutees de santeacute issues de la recherche ne
beacuteneacuteficient pas est celle relative agrave lrsquoheacutebergement agreacuteeacute En effet face agrave lrsquoaugmentation de la
deacutemateacuterialisation des donneacutees de santeacute les eacutetablissements de santeacute ainsi que les
professionnels de santeacute nrsquoont pas eu drsquoautre choix que drsquoexternaliser le stockage de ces
donneacutees Afin de seacutecuriser cette pratique la loi du 4 mars 2002 a donc instaureacute un cadre
speacutecifique relatif agrave lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute Ainsi lrsquoarticle L 1111-8 du Code de
207 V Supra ndeg 127
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
87
la santeacute publique dispose que laquo toute personne qui heacuteberge des donneacutees de santeacute agrave caractegravere
personnel recueillies agrave loccasion dactiviteacutes de preacutevention de diagnostic de soins ou de suivi
social et meacutedico-social pour le compte de personnes physiques ou morales agrave lorigine de la
production ou du recueil desdites donneacutees ou pour le compte du patient lui-mecircme doit ecirctre
agreacuteeacutee agrave cet effet Cet heacutebergement quel quen soit le support papier ou eacutelectronique est
reacutealiseacute apregraves que la personne prise en charge en a eacuteteacute ducircment informeacutee et sauf opposition
pour un motif leacutegitime raquo Nous nrsquoentrerons pas dans les deacutetails des questions que peut poser
lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute celles-ci faisant lrsquoobjet drsquoun deacuteveloppement ulteacuterieur
Nous preacutefeacuterons nous pencher ici sur la question des donneacutees viseacutees par ces dispositions
En effet lrsquoarticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique vise les donneacutees de santeacute
recueillies ou produites agrave lrsquooccasion des activiteacutes de preacutevention de diagnostic ou de soins
Ainsi les donneacutees collecteacutees dans le cadre de recherches biomeacutedicales ne sont pas
directement viseacutees par le texte Faut-il consideacuterer que celles-ci ne doivent pas ecirctre heacutebergeacutees
obligatoirement aupregraves drsquoun heacutebergeur agreacuteeacute Ougrave srsquoagit-il drsquoun oubli malheureux de la part
du leacutegislateur Les travaux parlementaires ne nous eacuteclairent pas agrave ce sujet Lrsquoapplication
stricto sensu de lrsquoarticle L 1111-8 du Code de la Santeacute Publique nous amegravenerait donc agrave
consideacuterer que les donneacutees collecteacutees dans le but drsquoeffectuer une recherche meacutedicale qui
nrsquoest ni un acte de preacutevention ni de diagnostic ni de soin nrsquoauraient pas agrave ecirctre heacutebergeacutees
chez un heacutebergeur agreacuteeacute Pour la CNIL cette position se justifie par le fait que ces donneacutees
auraient un caractegravere indirectement identifiant208
Toutefois comme nous venons de lrsquoeacutetablir
preacuteceacutedemment cela nrsquoest toujours pas le cas La secreacutetaire geacuteneacuterale de lrsquoASIP santeacute de
lrsquoeacutepoque Jeanne BOSSI a apporteacute une preacutecision lors drsquoune preacutesentation relative au deacutecret
heacutebergeur en expliquant que laquo le champ drsquoapplication de la proceacutedure drsquoagreacutement srsquoapplique
agrave toute base de donneacutees recueillies ou produites agrave lrsquooccasion des activiteacutes de preacutevention de
diagnostic ou de soins recherche secteur assurantiel raquo209
Mais contrairement agrave ce
qursquoavancent certains auteurs nous ne pensons pas que cette indication signifie que toutes les
donneacutees de santeacute quelles qursquoelles soient doivent ecirctre conserveacutees chez un heacutebergeur agreacuteeacute La
situation avanceacutee par Jeanne BOSSI fait uniquement reacutefeacuterence aux donneacutees qui auraient dans
un premier temps eacuteteacute recueillies pour des activiteacutes de soin de preacutevention ou de diagnostic
208 BRAC DE LA PERRIERE Marguerite FERRE Elise laquo Lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute des textes agrave la
pratique raquo Gaz Pal 2011 ndeg 204 p 21 209
Preacutesentation disponible sur [httpwwwsantegouvfr] Consulteacutee le 15 mai 2017
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
88
puis reacutecupeacutereacutees ensuite agrave des fins drsquoutilisation secondaires Cela reacutevegravele au contraire que selon
le type de recherche les donneacutees de santeacute seront soumises agrave une protection diffeacuterente les
donneacutees de santeacute utiliseacutees dans le cadre de recherches reacutetrospectives seront mieux proteacutegeacutees
car initialement collecteacutees dans le cadre viseacute agrave lrsquoarticle L 1111-8 que celles collecteacutees dans le
seul but drsquoeffectuer une recherche meacutedicale
Nous estimons qursquoil est dommage que les donneacutees issues de la recherche ne soient pas
concerneacutees par ces dispositions car elles ne sont en aucun cas moins sensibles que drsquoautres
Nous pensons donc qursquoune eacutevolution de la reacuteglementation en ce sens devrait avoir lieu
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
89
Conclusion de la section
153 Pour assurer la qualiteacute et la continuiteacute des soins de leurs patients les professionnels de
santeacute doivent reacuteguliegraverement partager les donneacutees de santeacute qui les concernent Ce partage ne
peut se faire dans nrsquoimporte quelles conditions et le leacutegislateur a entendu lrsquoencadrer
Dans le cadre du soin tout drsquoabord en introduisant notamment la notion de secret partageacute
mais en permettant eacutegalement aux professionnels de santeacute qui nrsquoappartiendraient pas agrave une
mecircme eacutequipe de soins de partager des donneacutees concernant leur patient sous certaines
conditions
Dans le cadre de la recherche meacutedicale ensuite pour lequel un corpus leacutegislatif et
regraveglementaire strict existe afin de permettre le partage et lrsquoutilisation de donneacutees de santeacute agrave
caractegravere personnel dans ce contexte particulier
Chapitre 1 Le traitement informatiseacute des donneacutees du patient
91
Conclusion du chapitre
154 Dans le cadre de lrsquointroduction des TIC dans la pratique meacutedicale les traitements
informatiseacutes des donneacutees de santeacute se sont consideacuterablement deacuteveloppeacutes Dans ce contexte
une protection toute particuliegravere doit ecirctre garantie agrave ces donneacutees consideacutereacutees comme sensibles
par la loi Informatique et Liberteacutes Crsquoest justement cette loi qui constitue le premier pilier de
cette protection De fait ce texte de droit commun consacre des dispositions speacutecifiques aux
traitements de donneacutees de santeacute qui devront ecirctre mis en place avant tout traitement
automatiseacute Toutefois cette protection peut apparaitre comme eacutetant limiteacutee les nombreuses
exceptions agrave lrsquointerdiction de traitement des donneacutees de santeacute fragilisant le dispositif en place
Par ailleurs le leacutegislateur a entendu encadrer strictement les modaliteacutes de partage de ces
donneacutees particuliegraveres Ainsi le secret professionnel obligation preacutevue par de nombreux
textes devient le second pilier de la protection offerte aux donneacutees de santeacute Cependant
lrsquoapplication de ces regravegles dans le cadre de lrsquoutilisation des TIC peut parfois srsquoaveacuterer
deacutelicate Enfin le cas particulier des donneacutees de santeacute utiliseacutees dans le cadre de la recherche
nrsquoa pas eacuteteacute oublieacute et fait lrsquoobjet de dispositions leacutegislatives speacutecifiques Cependant ces
donneacutees peuvent apparaitre parfois moins bien proteacutegeacutees que les donneacutees de santeacute recueillies
dans le cadre du soin
Une fois les donneacutees de santeacute ayant fait lrsquoobjet drsquoun traitement automatiseacute sur support
informatique celles-ci vont devoir ecirctre conserveacutees et eacuteventuellement partageacutees par le biais des
TIC Le leacutegislateur a souhaiteacute dans ce cadre mettre en place une reacuteglementation propre aux
TIC en santeacute
93
Chapitre 2
Les modaliteacutes de conservation et de communication
des informations relatives aux patients
laquo La notion mecircme drsquoeacutequipe suppose le partage de lrsquoinformation dans le respect des droits
des patients Crsquoest pourquoi le plus grand risque serait aujourdrsquohui de continuer agrave deacuteployer
des systegravemes drsquoinformation non communiquants raquo210
155 Comme le souligne judicieusement le Dr Jacques LUCAS211
en matiegravere de soins la
prise en charge en eacutequipe preacutevaut deacutesormais Celle-ci se deacuteveloppe notamment par le biais de
lrsquoutilisation des TIC dans la pratique quotidienne Le partage seacutecuriseacute des donneacutees de santeacute
informatiseacutees ainsi que leur conservation sont donc devenus un enjeu majeur
156 Bien que certains puissent voir dans le deacuteveloppement de lrsquoinformatisation en
meacutedecine un risque drsquoaller agrave lrsquoencontre de lrsquohumanisme qui caracteacuterise le meacutetier de
meacutedecin212
il nrsquoen reste pas moins une formidable avanceacutee pour les professionnels de santeacute
comme pour les patients Car force est de constater que lrsquointroduction des TIC dans la
pratique meacutedicale permet drsquoameacuteliorer la coordination des soins par le biais de la mise en place
drsquoune communication faciliteacutee des informations en santeacute
Tout comme il existe un cadre relatif agrave la collecte et au traitement informatiseacute des
donneacutees de santeacute leur archivage et leur communication par voie informatique sont eacutegalement
encadreacutes Or ce cadre est multiple En effet les donneacutees de santeacute produites par les
eacutetablissements publics de santeacute qursquoelles soient informatiseacutees ou non vont ecirctre consideacutereacutees
comme des archives publiques et agrave ce titre leur archivage sera soumis aux dispositions du
Code du patrimoine (Section I Cependant de par leur informatisation lrsquoheacutebergement et la
communication de ces donneacutees de santeacute archives publiques vont devoir ecirctre soumis au
210 Livre blanc de lrsquoAssociation franccedilaise des heacutebergeurs agreacuteeacutes de donneacutees de santeacute 2014 consultable sur
[httpwwwdsihfr] p 13 211
Le Docteur Jacques LUCAS est Vice-Preacutesident du Conseil National de lrsquoOrdre des Meacutedecins 212
FAROUDJA Jean-Marie laquo Questions sur lrsquoinformatisation des dossiers meacutedicaux le partage et
lrsquoheacutebergement des donneacutees raquo rapport de la commission nationale permanente adopteacute lors des assises du Conseil
National de lrsquoordre des meacutedecins du 18 juin 2005 p 3
94
respect de dispositions particuliegraveres Pourtant comme nous le verrons ces dispositions nous
apparaissent agrave lrsquoheure actuelle quelque peu limiteacutees (Section II)
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
95
Section 1 La conservation des donneacutees de santeacute en tant qursquoarchives
hospitaliegraveres
157 Les donneacutees de santeacute recueillies agrave lrsquooccasion drsquoun acte meacutedical vont ecirctre
preacutecieusement conserveacutees au sein de son dossier meacutedical afin notamment drsquoassurer la
continuiteacute des soins du patient A lrsquohocircpital la conservation des donneacutees de santeacute est soumise agrave
une reacuteglementation stricte et preacutecise qui peut parfois paraicirctre complexe agrave articuler En effet
les textes applicables en la matiegravere sont multiples et les obligations pesant sur les
eacutetablissements de santeacute tout aussi nombreuses
Les donneacutees de santeacute produites par les eacutetablissements publics de santeacute vont ecirctre
qualifieacutees drsquoarchives hospitaliegraveres et agrave ce titre ecirctre reacutegies par des dispositions du Code du
patrimoine (Paragraphe 1) Toutefois du fait de leur sensibiliteacute toute particuliegravere les donneacutees
de santeacute ne peuvent pas ecirctre conserveacutees et stockeacutees sans srsquoassurer au preacutealable de la mise en
place de dispositifs permettant de preacuteserver leur seacutecuriteacute et leur confidentialiteacute (Paragraphe 2)
sect1 Les regravegles speacutecifiques aux archives publiques
158 La loi ndeg 2008-696 du 15 juillet 2008213
modifie lrsquoencadrement relatif aux archives
publiques Cette loi qui srsquoinscrivait dans un mouvement de transparence engageacute par le
leacutegislateur franccedilais depuis plusieurs anneacutees214
avait pour but drsquoameacuteliorer la protection des
archives et drsquoen faciliter lrsquoaccegraves
Les dossiers meacutedicaux produits par les eacutetablissements publics de santeacute personnes
morales de droit public entrent dans la cateacutegorie des archives publiques Lrsquoensemble des
dispositions qui les concerne et notamment la loi de 2008 va donc trouver agrave srsquoappliquer agrave ces
dossiers (A)
213 Loi ndeg 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives JORF ndeg0164 du 16 juillet 2008 p 11322
214 GARREC Reneacute laquo Rapport sur le projet de loi relatif aux archives raquo rapport fait au nom de la commission
des lois Seacutenat ndeg 146 19 deacutecembre 2007
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
96
Les dossiers meacutedicaux restent cependant soumis agrave une reacuteglementation speacutecifique
preacutevue par le Code de la santeacute publique Cela a pour conseacutequence de provoquer des
oppositions entre les diffeacuterentes regravegles drsquoapplication mais eacutegalement des difficulteacutes
drsquointerpreacutetation (B)
A Les conseacutequences de la qualification drsquoarchives publiques
159 Le Code du patrimoine deacutefinit de maniegravere exhaustive quels sont les documents qui
relegravevent des archives publiques (1) Ces deacutefinitions emportent plusieurs conseacutequences
juridiques notamment en matiegravere de dureacutee de conservation et de modaliteacutes drsquoeacutelimination des
documents (2) mais eacutegalement en matiegravere drsquoarchivage eacutelectronique des donneacutees de santeacute (3)
1) Deacutefinitions leacutegales
160 Lrsquoarchivage peut ecirctre deacutefini comme laquo lrsquoaction de conserver et de classer des
documents ne preacutesentant plus un inteacuterecirct immeacutediat raquo215
Lrsquoheacutebergement quant agrave lui consiste
en informatique en lrsquoaction laquo drsquoaccueillir sur un serveur un service ou des pages Web pour
les rendre accessibles aux utilisateurs raquo216
En ce qui concerne plus speacutecifiquement
lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute cela consiste donc agrave leur fournir un site de sauvegarde
Notre exercice de deacutefinition doit ecirctre pousseacute un peu plus loin et il est neacutecessaire de se pencher
plus attentivement sur la notion drsquoarchive Crsquoest la loi du 3 janvier 1979 sur les archives217
qui
a donneacute pour la premiegravere fois dans son article initial une deacutefinition geacuteneacuterale de ce que sont
les archives Ainsi aux termes du Code du patrimoine laquo les archives sont lrsquoensemble des
documents quels que soient leur date leur forme et leur support mateacuteriel produits ou reccedilus
par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou priveacute
dans lrsquoexercice de leur activiteacuteraquo218
Comme le souligne Catherine MORIN-DESSAILLY ce
nrsquoest donc pas lrsquoancienneteacute du document qui fait de lui une archive219
215 Deacutefinition du dictionnaire Larousse
216 Ibid
217 Loi ndeg79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives JORF du 5 janvier 1979 p 43
218 Article L 211-1 du Code du patrimoine
219 MORIN-DESAILLY Catherine laquo Avis sur le projet de loi relatif aux archives raquo avis rendu au nom de la
commission des affaires culturelles Seacutenat ndeg 147 19 deacutecembre 2007 p 10
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
97
161 Le leacutegislateur distingue les archives publiques des archives priveacutees et les deacutefinit
comme laquo les documents qui procegravedent de lrsquoactiviteacute dans le cadre de leur mission de service
public de lrsquoEtat des collectiviteacutes territoriales des eacutetablissements publics et des autres
personnes morales de droit public ou des personnes de droit priveacute chargeacutees drsquoune telle
mission raquo220
Le leacutegislateur fait la distinction entre trois acircges des archives publiques221
lrsquoacircge
courant qui correspond agrave la peacuteriode pendant laquelle les donneacutees sont agrave la disposition des
personnes qui les ont collecteacutees lrsquoacircge intermeacutediaire qui correspond agrave la peacuteriode pendant
laquelle les donneacutees ne sont plus utiliseacutees mais sont toutefois conserveacutees par lrsquoadministration
notamment pour des raisons de preuve ou de suivi lrsquoacircge deacutefinitif qui concerne une petite
partie des archives publiques qui mecircme si elles ne preacutesentent plus drsquointeacuterecirct pour
lrsquoadministration qui les a produites conservent neacuteanmoins un inteacuterecirct historique scientifique
ou patrimonial222
Cette distinction est cruciale puisque de lrsquoacircge des archives vont deacutependre ensuite leur
modaliteacutes pratiques de conservation (notamment en termes de dureacutee) et de leur destruction
162 Il est important de souligner que le leacutegislateur a creacuteeacute des sous-cateacutegories drsquoarchives
publiques parmi lesquelles se trouvent les archives hospitaliegraveres Ces derniegraveres sont
reacuteglementeacutees par lrsquoarrecircteacute du 11 mars 1968223
qui preacutecise en son article 1 que laquo les archives
hospitaliegraveres consistent dans lrsquoensemble des titres concernant les biens droits et obligations
des eacutetablissements publics hospitaliers eacutenumeacutereacutes agrave lrsquoarticle 1er
du deacutecret ndeg 957 du 3 aoucirct
1959 des eacutetablissements de soins et des eacutetablissements de cure y compris les registres et
papiers eacutemanant de lrsquoadministration et des services meacutedicaux et chirurgicaux de ces divers
eacutetablissements raquo Degraves lors tout document reacutepondant agrave cette deacutefinition se verra appliquer les
regravegles prescrites par lrsquoarrecircteacute du 11 mars 1968 Traditionnellement une distinction est faite
220 Article L 211-4 du Code du patrimoine
221 Deacutecret ndeg 79-1037 du 3 deacutecembre 1979 relatif agrave la compeacutetence des services darchives publics et agrave la
coopeacuteration entre les administrations pour la collecte la conservation et la communication des archives
publiques JORF du 5 deacutecembre 1979 p 3056 et Deacutecret ndeg 2009-1124 du 17 septembre 2009 modifiant le deacutecret
ndeg 79-1037 du 3 deacutecembre 1979 relatif agrave la compeacutetence des services darchives publics et agrave la coopeacuteration entre
les administrations pour la collecte la conservation et la communication des archives publiques JORF ndeg0216
du 18 septembre 2009 p 15251 222
BANAT-BERGER Franccediloise laquo Archives et protection des donneacutees personnelles raquo RLDI 2013 ndeg95 p 93 223
Arrecircteacute du 11 mars 1968 JORF du 25 octobre 1968 p 10039
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
98
entre drsquoune part les archives hospitaliegraveres qualifieacutees drsquoadministratives et drsquoautre part celles
qualifieacutees drsquoarchives meacutedicales Enfin notre exercice de deacutefinition peut ecirctre conclu avec la
preacutecision suivante le leacutegislateur ne fait pas de diffeacuterence selon les supports retenus pour
lrsquoarchivage Ainsi les documents numeacuteriques audiovisuels les bases de donneacutees constituent
des archives au mecircme titre que les documents papiers
2) Conseacutequences juridiques
163 La qualification drsquoarchives publiques et plus particuliegraverement celle drsquoarchives
hospitaliegraveres va avoir des conseacutequences juridiques en matiegravere de dureacutee de conservation des
donneacutees (a) et en matiegravere drsquoeacutelimination des donneacutees (b)
a) Les conseacutequences relatives agrave la dureacutee de conservation des donneacutees
164 Les archives publiques sont comme nous lrsquoavons vu preacuteceacutedemment encadreacutees par des
textes preacutecis En ce qui concerne leur dureacutee de conservation le jeu de lrsquoapplication des
diffeacuterents textes de la loi agrave la simple circulaire peut paraicirctre un peu perturbant drsquoautant plus
que certains desdits textes sont anciens
165 La qualification drsquoarchives publiques entraicircne avant toute chose lrsquoobligation de
conserver ces donneacutees En effet lrsquoarticle L 211-2 du Code du patrimoine dispose que laquo la
conservation de ces documents est organiseacutee dans lrsquointeacuterecirct du public tant pour les besoins de
la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales publiques ou
priveacutees que pour la documentation historique de la recherche raquo En ce qui concerne plus
preacuteciseacutement les archives hospitaliegraveres les deacutelais de conservation vont reacutesulter agrave la fois des
textes relatifs aux archives publiques des textes relatifs agrave la conservation du dossier meacutedical
et de textes reacuteglementaires compleacutementaires intervenus pour fixer la dureacutee de conservation de
certaines cateacutegories de donneacutees de santeacute Lrsquoarrecircteacute du 11 mars 1968 classe dans son annexe
les archives hospitaliegraveres en diffeacuterentes cateacutegories auxquelles sont associeacutees des dureacutees de
conservation Ainsi agrave titre drsquoexemple dans la seacuterie Q qui concerne la population malades
hospitaliseacutes on trouve notamment les registres drsquoentreacutees et de sorties qui doivent ecirctre
conserveacutes indeacutefiniment tandis que dans la seacuterie K qui concerne le personnel on trouve les
mouvements du personnel administratif qui doivent ecirctre conserveacutes cinq ans Les archives
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
99
hospitaliegraveres dites administratives ont vu quant agrave elles leur dureacutee de conservation preacuteciseacutee
par plusieurs circulaires publieacutees entre 1993 et 1994224
166 Plus reacutecemment la loi du 4 mars 2002225
a introduit une dureacutee leacutegale de conservation
du dossier meacutedical226
Ces regravegles sont eacutedicteacutees agrave lrsquoarticle R 1112-7 du Code de la santeacute
publique Par principe le dossier meacutedical est conserveacute pendant une dureacutee de vingt ans agrave
compter de la date du dernier seacutejour de son titulaire dans leacutetablissement ou de la derniegravere
consultation externe en son sein Pour un patient mineur si la dureacutee de conservation dun
dossier sachegraveve avant le vingt-huitiegraveme anniversaire de son titulaire celle-ci est prorogeacutee
jusquagrave cette date Enfin pour les patients deacuteceacutedeacutes le dossier est conserveacute pendant une dureacutee
de dix ans agrave compter de la date du deacutecegraves
A noter que ces deacutelais sont suspendus par lintroduction de tout recours gracieux ou
contentieux tendant agrave mettre en cause la responsabiliteacute de leacutetablissement public de santeacute ou
de professionnels de santeacute en raison de leurs interventions au sein de leacutetablissement Enfin
certaines donneacutees de santeacute comme les donneacutees relatives aux transfusions sanguines ou les
donneacutees relatives agrave lrsquoaide meacutedicale agrave la procreacuteation auront une dureacutee de conservation
diffeacuterente de celles du dossier meacutedical traditionnel
167 Le but ici nrsquoest pas de dresser une liste exhaustive des deacutelais de conservation de
chaque type de donneacutees Nous souhaitions simplement souligner qursquoen tant qursquoarchives
publiques les archives hospitaliegraveres doivent reacutepondre agrave une obligation de conservation dont le
deacutelai deacutepend de la nature des informations archiveacutees Or en la matiegravere force est de constater
qursquoil existe presque autant de deacutelais diffeacuterents qursquoil y a de types de documents Une
harmonisation et surtout une mise agrave jour de lrsquoensemble de ces deacutelais serait souhaitable En
effet agrave lrsquoheure actuelle du fait de cette obligation de conservation mais eacutegalement du
224 Circulaire AD 93-4 du 14 mai1993 Archives des eacutetablissements publics drsquohospitalisation Circulaire AD 94-
2 du 18 janvier 1994 Tri et conservation des archives des eacutetablissements publics de santeacute documents produits
apregraves 1968 par les services administratifs chargeacutes de la gestion des hospitalisations et consultations Circulaire
AD 94-6 du 18 juillet 1994 Tri et conservation des archives des eacutetablissements publics de santeacute documents
produits apregraves 1968 par les services chargeacutes de la gestion du personnel et de la formation Circulaire AD 94-11
du 20 octobre 1994 Tri et conservation des documents produits apregraves 1968 par les eacutetablissements publics de
santeacute archives de lrsquoadministration geacuteneacuterale de lrsquoeacutetablissement (Seacuterie L de lrsquoinstruction annexeacutee agrave lrsquoarrecircteacute du 11
mars 1968) 225
Loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute JORF du
5 mars 2002 p 4118 226
Le dossier meacutedical est deacutefini agrave lrsquoarticle R 1112-2 du Code de la santeacute publique
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
100
passage parfois difficile227
du papier au numeacuterique les eacutetablissements publics de santeacute
doivent faire face agrave des difficulteacutes de stockage qursquoelles soient physiques ou techniques De
mecircme comme nous le verrons ulteacuterieurement les supports de conservation informatique
proposeacutes actuellement ne garantissent pas la peacuterenniteacute neacutecessaire pour reacutepondre aux deacutelais
leacutegaux de conservation Les eacutetablissements se trouvent donc reacuteguliegraverement dans lrsquoobligation
pour plus de seacutecuriteacute de conserver les versions papiers en plus des versions informatiques de
certains documents afin de satisfaire aux obligations leacutegales
En matiegravere drsquoarchivage des documents hospitaliers un travail relatif au cadre leacutegal
qui prendrait en compte les nouvelles contraintes techniques auxquelles doivent faire face les
eacutetablissements publics de santeacute devrait donc ecirctre initieacute par le leacutegislateur
b) Les conseacutequences relatives agrave la suppression des donneacutees
168 En matiegravere drsquoeacutelimination des archives hospitaliegraveres il nous plaicirct agrave emprunter
lrsquoexpression de Caroline ZORN-MACREZ qui nous parle de laquo paradoxe de la
suppression raquo228
En effet dans ce domaine plusieurs dispositions vont venir se superposer
voire srsquoopposer creacuteant alors de grandes difficulteacutes drsquointerpreacutetation des textes
169 Classiquement les archives publiques qui ont atteint le troisiegraveme acircge peuvent faire
lrsquoobjet drsquoune destruction sous reacuteserve du respect de certaines conditions strictes preacutevues au
Code du patrimoine Une destruction des archives en dehors de ces regravegles entraicircne la
responsabiliteacute de lrsquoeacutetablissement Crsquoest drsquoailleurs ce qursquoa rappeleacute la Cour administrative
drsquoappel de Marseille dans une deacutecision du 25 juin 2009229
En lrsquoespegravece un centre hospitalier
nrsquoeacutetait pas en mesure de communiquer agrave un usager et ce malgreacute un avis de la CADA en ce
sens les bandes drsquoenregistrement du SAMU celles-ci ayant eacuteteacute deacutetruites Le centre
hospitalier estimait qursquoaucune faute ne pouvait lui ecirctre reprocheacutee aucun texte leacutegislatif ou
reacuteglementaire nrsquoimposant la conservation de ces bandes
La Cour drsquoappel de Marseille a consideacutereacute que lrsquoenregistrement des eacutechanges
teacuteleacutephoniques entre le meacutedecin reacutegulateur du SAMU et ses interlocuteurs constituait un
227 V infra ndeg 191 et s
228 ZORN-MACREZ Caroline laquo Chroniques martiennes des donneacutees de santeacute numeacuteriseacutees raquo RDS ndeg 36 juillet
2010 p 340 229
CAA Marseille 25 juin 2009 ndeg 07MA02024
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
101
document produit par lrsquohocircpital dans lrsquoexercice de ses activiteacutes et reacutepondait donc agrave la deacutefinition
des archives publiques Degraves lors la destruction des enregistrements eacutetant intervenue en dehors
de prescriptions preacutevues au sein de lrsquoarticle 16 du deacutecret ndeg 79-1037 du 3 deacutecembre 1979 la
destruction devait ecirctre consideacutereacutee comme fautive peu importe si celle-ci preacutesentait un
caractegravere intentionnel ou non Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale comme le rappelle une instruction
ministeacuterielle du 14 aoucirct 2007230
lrsquoeacutelimination des archives publiques est subordonneacutee au visa
du directeur des archives deacutepartementales territorialement compeacutetent qui peut choisir drsquoen
conserver certaines de maniegravere deacutefinitive afin de documenter la rechercheToutefois
lrsquoeacutetablissement public de santeacute a toujours la possibiliteacute de choisir de conserver les archives
mecircme si la direction deacutepartementale des archives preacuteconise leur eacutelimination231
170 En ce qui concerne le cas plus speacutecifique des archives meacutedicales lrsquoarticle R 1112-7
du Code de la santeacute publique preacutevoit que laquo la deacutecision deacutelimination est prise par le
directeur de leacutetablissement apregraves avis du meacutedecin responsable de linformation meacutedicale
Dans les eacutetablissements publics de santeacute et les eacutetablissements de santeacute priveacutes participant agrave
lexeacutecution du service public hospitalier cette eacutelimination est en outre subordonneacutee au visa
de ladministration des archives qui deacutetermine ceux de ces dossiers dont elle entend assurer
la conservation indeacutefinie pour des raisons dinteacuterecirct scientifique statistique ou historique raquo
La question qui pourrait se poser ici et qui nrsquoest pas directement encadreacutee par les textes est
lrsquohypothegravese dans laquelle un patient en raison du droit agrave lrsquooubli dont il dispose demanderait
lrsquoeacutelimination de son dossier meacutedical et ce dans sa totaliteacute
171 A ce sujet il est avant tout neacutecessaire de tenter de deacutefinir ce qursquoest le droit agrave lrsquooubli
Actuellement il nrsquoen nrsquoexiste aucune deacutefinition Des infractions sont bien preacutevues par le Code
peacutenal en cas de conservation laquo des donneacutees agrave caractegravere personnel au-delagrave de la dureacutee preacutevue
par la loi ou le regraveglement par la demande drsquoautorisation ou drsquoavis ou par la deacuteclaration
preacutealable adresseacute agrave la CNIL raquo232
De mecircme lrsquoarticle 40 de la loi Informatique et Liberteacutes
preacutevoit bien pour toute personne concerneacutee par un traitement automatiseacute de donneacutees agrave
caractegravere personnel le droit drsquoobtenir que soient effaceacutees les donneacutees personnelles la
230 Instruction interministerielle NdegDHOSE1DAFDPACI 2007322 et NdegDAFDPACIRES2007014 du 14
aoucirct 2007 relative agrave la conservation du dossier meacutedical non parue au JORF 231
GARREC Reneacute laquo Rapport sur le projet de loi relatif aux archives raquo Rapport fait au nom de la commission
des lois Seacutenat op cit 232
Article 226-20 du Code peacutenal
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
102
concernant et qui seraient inexactes incomplegravetes eacutequivoques peacuterimeacutees ou dont la collecte
lrsquoutilisation la communication ou la conservation est interdite Enfin plus reacutecemment le
regraveglement europeacuteen a preacutevu dans son article 17 la possibiliteacute pour une personne dont les
donneacutees agrave caractegravere personnel feraient lrsquoobjet drsquoun traitement drsquoobtenir lrsquoeffacement de ces
donneacutees dans les meilleurs deacutelais mais dans la limite de certaines hypothegraveses strictement
preacutevues233
172 Toutefois il ne srsquoagit jamais drsquoune possibiliteacute pure et simple drsquoobtenir lrsquoeacutelimination
complegravete drsquoun traitement automatiseacute Au mieux le patient dispose-t-il drsquoun droit agrave
rectification au sujet de donneacutees erroneacutees Mais agrave qui appartient alors la possibiliteacute
drsquoappreacutecier si une donneacutee de santeacute est erroneacutee La loi Informatique et Liberteacutes reacutepond agrave cette
question puisque toujours dans son article 40 elle preacutecise qursquoil appartient au responsable de
traitement en cas de contestation de la demande de rectification ou de suppression de
donneacutees drsquoapporter la preuve que ces donneacutees ne sont pas fausses sauf srsquoil est eacutetabli que les
donneacutees ont eacuteteacute communiqueacutees par lrsquointeacuteresseacute ou avec son accord De plus la creacuteation drsquoun
dossier meacutedical eacutetant une obligation leacutegale pour lrsquoeacutetablissement et la loi speacuteciale deacuterogeant
au droit geacuteneacuteral une telle demande nous semble impossible agrave autoriser Pourtant la CNIL qui
a deacutejagrave eu agrave se prononcer sur une telle demande srsquoest montreacutee favorable agrave lrsquoapplication stricte
de lrsquoarticle 40 Ainsi elle a consideacutereacute comme eacutetant leacutegitime la demande drsquoun patient qui
exigeait que soit effaceacute lrsquoensemble des documents conserveacutes sur support informatique et
concernant ses diffeacuterentes hospitalisations Le patient invoquait le fait qursquoil eacutetait atteint drsquoune
affection qursquoil ne souhaitait pas reacuteveacuteler agrave sa famille et il craignait qursquoun membre de sa famille
233 Lrsquoarticle 17 du regraveglement europeacuteen preacutevoit laquo La personne concerneacutee a le droit dobtenir du responsable du
traitement leffacement dans les meilleurs deacutelais de donneacutees agrave caractegravere personnel la concernant et le
responsable du traitement a lobligation deffacer ces donneacutees agrave caractegravere personnel dans les meilleurs deacutelais
lorsque lun des motifs suivants sapplique
a) les donneacutees agrave caractegravere personnel ne sont plus neacutecessaires au regard des finaliteacutes pour lesquelles elles ont eacuteteacute
collecteacutees ou traiteacutees dune autre maniegravere
b) la personne concerneacutee retire le consentement sur lequel est fondeacute le traitement conformeacutement agrave larticle 6
paragraphe 1 point a) ou agrave larticle 9 paragraphe 2 point a) et il nexiste pas dautre fondement juridique au
traitement
c) la personne concerneacutee soppose au traitement en vertu de larticle 21 paragraphe 1 et il nexiste pas de motif
leacutegitime impeacuterieux pour le traitement ou la personne concerneacutee soppose au traitement en vertu de larticle 21
paragraphe 2
d) les donneacutees agrave caractegravere personnel ont fait lobjet dun traitement illicite
e) les donneacutees agrave caractegravere personnel doivent ecirctre effaceacutees pour respecter une obligation leacutegale qui est preacutevue
par le droit de lUnion ou par le droit de lEacutetat membre auquel le responsable du traitement est soumis
f) les donneacutees agrave caractegravere personnel ont eacuteteacute collecteacutees dans le cadre de loffre de services de la socieacuteteacute de
linformation viseacutee agrave larticle 8 paragraphe 1 raquo
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
103
meacutedecin dans lrsquohocircpital ougrave il eacutetait pris en charge consulte le systegraveme informatique et deacutecouvre
ainsi sa pathologie234
173 Bien qursquoil faille remarquer ici qursquoil ne srsquoagissait pas drsquoune demande drsquoeacutelimination
portant sur lrsquointeacutegraliteacute du dossier meacutedical lrsquoavis de la CNIL sur ce sujet nous paraicirct
neacuteanmoins dangereux agrave plusieurs titres Drsquoune part nous estimons que la CNIL remet en
question lrsquoefficaciteacute des regravegles relatives au secret professionnel En effet la deacutecision de
supprimer des donneacutees de santeacute par anticipation sur un eacuteventuel accegraves frauduleux agrave celles-ci
laisse agrave penser que la CNIL nrsquoa pas confiance dans les regravegles existantes en matiegravere de partage
de lrsquoinformation meacutedicale regravegles qui srsquoappliquent aux professionnels de santeacute La CNIL
semble oublier qursquoen matiegravere de secret professionnel les mecircme regravegles sont opposables qursquoil
soit question de donneacutees de santeacute papier ou informatiseacutees Drsquoautre part accepter la
suppression de donneacutees informatiseacutees au motif que lrsquoeacutetablissement public de santeacute possegravede
toujours la possibiliteacute de les conserver sur support papier va agrave lrsquoencontre du mouvement
actuel qui tend agrave une informatisation complegravete des dossiers meacutedicaux Ce genre de situation se
reacutevegravele donc tregraves bloquant pour les eacutetablissements publics de santeacute freinant consideacuterablement
le deacuteveloppement des TIC dans la pratique meacutedicale
Or de telles demandes ne peuvent que se multiplier dans les anneacutees agrave venir sous la
double pression de la peur de lrsquooutil informatique et de la crainte de lrsquoouverture agrave tous des
archives dont le deacutelai de conservation serait eacutecouleacute Nous pensons que la CNIL bien que
garante des droits des personnes dont les donneacutees font lrsquoobjet drsquoun traitement informatiseacute
devrait toutefois faciliter lrsquoinstauration drsquoun climat de confiance de lrsquooutil informatique
B Archives publiques archives hospitaliegraveres et secret meacutedical des regravegles
parfois en opposition
174 Suite agrave la loi du 15 juillet 2008235
reacuteformant les regravegles relatives aux archives des
interrogations quant agrave la communicabiliteacute des archives hospitaliegraveres et donc des dossiers
meacutedicaux ont vu le jour Ce questionnement fait suite agrave une disposition issue de cette loi et
234 Quinziegraveme rapport drsquoactiviteacute de la CNIL 1995 citeacute par SAMARCQ Nicolas BRIOIS Seacutebastien laquo Donneacutees
de santeacute agrave caractegravere personnel les enjeux de la diffusion des TIC raquo Expertises 2010 p 385 235
Loi ndeg 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives JORF ndeg0164 du 16 juillet 2008 p 11322
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
104
codifieacutee au Code du patrimoine agrave lrsquoarticle L 213-2 Ce texte dispose que laquo les archives
publiques sont communicables de plein droit agrave lrsquoexpiration drsquoun deacutelai de (hellip) vingt-cinq ans agrave
compter du deacutecegraves de lrsquointeacuteresseacute pour les documents dont la communication porte atteinte au
secret meacutedical raquo Le texte ajoute que laquo si la date du deacutecegraves nrsquoest pas connue le deacutelai est de
cent vingt ans agrave compter de la date de naissance de la personne en cause raquo Face agrave cette
disposition le directeur du centre hospitalier de Lorquin a saisi la CADA afin drsquoobtenir un
conseil concernant lrsquoapplication de ces dispositions aux dossiers meacutedicaux
175 Dans un conseil rendu le 16 avril 2009236
la CADA tient le raisonnement suivant en
application de lrsquoarticle L 211-4 du Code du patrimoine les documents des eacutetablissements
publics de santeacute sont des archives publiques archives qui au titre de lrsquoarticle L 213-2 du
mecircme code sont communicables de plein droit vingt-cinq ans agrave compter du deacutecegraves de
lrsquointeacuteresseacute pour les documents dont la communication porte atteinte au secret meacutedical ou cent
vingt ans agrave compter de la date de naissance de la personne en cause Elle poursuit son
raisonnement en preacutecisant que les dossiers meacutedicaux ayant le caractegravere drsquoarchives publiques
sont donc librement communicables dans les conditions preacutevues agrave lrsquoarticle L 212-2 du Code
du patrimoine La CADA ajoute enfin que le dernier alineacutea de lrsquoarticle L 1110-4 du Code de
la santeacute publique237
qui encadre les modaliteacutes de communications des informations drsquoune
personne deacuteceacutedeacutee agrave ses ayants droit nrsquoest alors plus applicable Selon la CADA les dossiers
meacutedicaux passeacute un certain deacutelai pourraient donc ecirctre librement communicables agrave nrsquoimporte
quelle personne qui en formulerait la demande Face agrave cet avis la DHOS a via une circulaire
du 21 aoucirct 2009238
rappeleacute lrsquoeacutetat du droit en matiegravere de communication des informations de
santeacute relatives agrave une personne deacuteceacutedeacutee ayant eacuteteacute hospitaliseacutee dans un eacutetablissement public de
santeacute ou un eacutetablissement priveacute chargeacute drsquoune mission de service public La DHOS preacuteconise
aux eacutetablissements de santeacute lrsquoorganisation de lrsquoeacutelimination des dossiers meacutedicaux et ce
laquo avec une particuliegravere attention raquo En effet par le truchement des articles du Code du
patrimoine preacuteciteacutes et des dispositions du Code de la santeacute publique relatives agrave la dureacutee de
236 CADA conseil ndeg 20091205 seacuteance du 16 avril 2009
237 Cet alineacutea dispose laquo le secret meacutedical ne fait pas obstacle agrave ce que les informations concernant une
personne deacuteceacutedeacutee soient deacutelivreacutees agrave ses ayants droit dans la mesure ougrave elles leur sont neacutecessaires pour leur
permettre de connaicirctre les causes de la mort de deacutefendre la meacutemoire du deacutefunt ou de faire valoir leurs droits
sauf volonteacute contraire exprimeacutee par la personne avant son deacutecegraves raquo 238
Circulaire ndeg DHOSE12009271 du 21 aoucirct 2009 relative agrave la communicabiliteacute des informations de santeacute
concernant une personne deacuteceacutedeacutee ayant eacuteteacute hospitaliseacutee dans un eacutetablissement public de santeacute ou un
eacutetablissement de santeacute priveacute chargeacute drsquoune mission de service public non publieacutee au JORF
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
105
conservation des dossiers meacutedicaux la DHOS estime que lrsquoeacutelimination systeacutematique des
dossiers meacutedicaux eacutevitera leur communication au public
176 Comme une partie de la doctrine nous pensons que cette nouvelle disposition
introduite par la loi de 2008 relative aux archives ne srsquoapplique pas aux dossiers meacutedicaux
De fait bien qursquoil soit exact que les dossiers meacutedicaux soient des archives publiques au sens
de lrsquoarticle L 213-4 du Code du patrimoine ce sont eacutegalement et avant tout des documents
administratifs au sens de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures dameacutelioration des
relations entre ladministration et le public et diverses dispositions dordre administratif social
et fiscal239
aujourdrsquohui codifieacute au Code des relations entre le public et les administrations
Ainsi la lecture attentive des articles L 311-5 agrave L 311-8 de ce code nous permet de tenir une
position diffeacuterente de celle de la CADA et la DHOS Ces articles distinguent trois cateacutegories
de documents administratifs les documents non communicables les documents
communicables uniquement agrave lrsquointeacuteresseacute et enfin les documents non communicables qui
peuvent neacuteanmoins lrsquoecirctre agrave titre drsquoexception et notamment dans les conditions et deacutelais
preacutevus aux articles L 213-1 et L 213-2 du Code du patrimoine Ainsi une interpreacutetation
stricte de ces dispositions240
nous permet drsquoaffirmer que seuls les documents dont la liste est
dresseacutee agrave lrsquoarticle L 311-5 du Code des relations entre le public et les administrations seraient
exceptionnellement communicables dans les deacutelais et conditions preacutevus agrave lrsquoarticle L 213-2 du
Code du patrimoine Or les dossiers meacutedicaux sont consideacutereacutes aux termes de lrsquoarticle L 311-
6 du Code des relations entre le public et les administrations comme uniquement
communicables aux personnes inteacuteresseacutees Ceci est drsquoailleurs en adeacutequation avec les
dispositions de lrsquoarticle L 1111-7 du Code de la santeacute publique relatives agrave lrsquoaccegraves agrave son
dossier meacutedical par lrsquousager article drsquoailleurs expresseacutement citeacute par les dispositions de la loi
Dans cette hypothegravese les documents laquo dont la communication porte atteinte au secret
meacutedical raquo seraient tous ceux deacutetenus par lrsquoeacutetablissement de santeacute mais non preacutesents au dossier
meacutedical A titre drsquoexemple il est possible de citer les documents de facturation ou encore les
carnets de rendez-vous
239 Loi ndeg 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures dameacutelioration des relations entre ladministration et
le public et diverses dispositions dordre administratif social et fiscal JORF du 18 juillet 1978 p 2851 240
BEAUJEAN Isabelle laquo Lrsquoinquieacutetant devenir des dossiers patients conserveacutes par les eacutetablissements publics de
santeacute au-delagrave de 25 ansraquo RDS ndeg 45 2012 p 236
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
106
177 Cette circulaire eacutetonnante en plusieurs points nrsquoa toutefois susciteacute que peu de
commentaires au sein de la doctrine Ceux qui existent sont assez trancheacutes Certains estiment
que cette circulaire relegraveve laquo drsquoun emballement rocambolesque raquo critiquent le raisonnement de
la DHOS et estiment qursquoil y a laquo urgence agrave ne pas appliquer cette recommandation raquo241
Drsquoautres affirment tout simplement que laquo la position de la CADA et de la DHOS semble
critiquable raquo preacutecisant qursquoen tout eacutetat de cause lrsquoavis de la CADA et la circulaire
interpreacutetative de la DHOS ne revecirctent aucunement un caractegravere obligatoire242
Au-delagrave des regravegles applicables aux archives publiques lrsquoutilisation des TIC en matiegravere de
conservation des donneacutees de santeacute a ameneacute le leacutegislateur agrave creacuteer un cadre speacutecifique relatif agrave
lrsquoheacutebergement de ces donneacutees sensibles
sect2 La conservation agrave lrsquoegravere des TIC le cadre de lrsquoheacutebergement des
donneacutees de santeacute
178 La conservation des donneacutees de santeacute sur support informatique doit respecter un cadre
reacuteglementaire preacutecis instaureacute par le leacutegislateur dans un souci de proteacuteger agrave la fois la
confidentialiteacute et la seacutecuriteacute de ces donneacutees Ainsi lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute et
notamment lrsquoheacutebergement externaliseacute aupregraves de tiers reacutepond agrave un cadre strict (A) instaureacute
depuis plusieurs anneacutees et reacutecemment reacutenoveacute
Toutefois la probleacutematique majeure aujourdrsquohui reste lrsquoopposition de la technique et
de son eacutevolution aux regravegles juridiques (B)
A Lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute de lrsquoagreacutement agrave la certification
179 Lrsquoactiviteacute drsquoheacutebergement de donneacutees de santeacute est strictement encadreacutee depuis
plusieurs anneacutees Les regravegles instaureacutees ont toutefois mis du temps avant drsquoecirctre pleinement
applicables (1) et lrsquoagreacutement dont la proceacutedure est vite apparue comme lourde (2) a eacuteteacute
241 ZORN-MACREZ Caroline laquo Les dossiers meacutedicaux des deacutefunts des archives publiques non
communicables raquo RLDI ndeg 56 2010 p 63 242
BEAUJEAN Isabelle laquo Lrsquoinquieacutetant devenir des dossiers des patients conserveacutes par les eacutetablissements
publics de santeacute au-delagrave du deacutelai de 25 ans raquo op cit p 36
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
107
remplaceacute par une certification instaureacutee par la loi de modernisation de notre systegraveme de
santeacute243
et compleacuteteacutee par une ordonnance de janvier 2017244
(3)
1) Des regravegles agrave la mise en place laborieuse
180 La possibiliteacute pour un eacutetablissement ou un professionnel de santeacute drsquoexternaliser
lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute informatiseacutees aupregraves drsquoun tiers agreacuteeacute a eacuteteacute instaureacutee par
la loi du 4 mars 2002245
Celle-ci a inseacutereacute au Code de la santeacute publique un article L 1111-8
qui preacutevoit246
les dispositions suivantes laquo toute personne qui heacuteberge des donneacutees de santeacute agrave
caractegravere personnel recueillies agrave loccasion dactiviteacutes de preacutevention de diagnostic de soins
ou de suivi social et meacutedico-social pour le compte de personnes physiques ou morales agrave
lorigine de la production ou du recueil desdites donneacutees ou pour le compte du patient lui-
mecircme doit ecirctre agreacuteeacutee agrave cet effet Cet heacutebergement quel quen soit le support papier ou
eacutelectronique est reacutealiseacute apregraves que la personne prise en charge en a eacuteteacute ducircment informeacutee et
sauf opposition pour un motif leacutegitime raquo Il est inteacuteressant de preacuteciser que jusque tregraves
reacutecemment le texte visait expresseacutement les eacutetablissements de santeacute et les professionnels de
santeacute ou la personne concerneacutee par les donneacutees comme deacutebiteurs de cette obligation
drsquoheacuteberger les donneacutees aupregraves drsquoun tiers agreacuteeacute Depuis la loi de modernisation de notre santeacute
cette obligation incombe aux laquo personnes physiques ou morales agrave lrsquoorigine de la production
ou du recueil desdites donneacutees raquo et porte sur les donneacutees de santeacute ainsi que sur les donneacutees
relatives au suivi social ou meacutedico-social drsquoune personne La formulation finalement retenue
est donc plus vaste
181 Cette disposition du Code de la santeacute publique qui a fait lrsquoobjet de sept modifications
successives entre 2002 et 2016 est compleacuteteacutee par le deacutecret du 4 janvier 2006247
Celui-ci
preacutecise les modaliteacutes propres au dossier de demande drsquoagreacutement au comiteacute drsquoagreacutement ainsi
qursquoau modegravele du contrat qui doit ecirctre signeacute entre lrsquoheacutebergeur et lrsquoeacutetablissement de santeacute ou le
243 Loi ndeg 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre systegraveme de santeacute JORF ndeg0022 du 27 janvier
2016 texte 1 244
Ordonnance ndeg 2017-27 du 12 janvier 2017 relative agrave lheacutebergement de donneacutees de santeacute agrave caractegravere
personnel JORF ndeg0011 du 13 janvier 2017 texte ndeg 17 245
Loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute JORF du
5 mars 2002 p 4118 246
Lrsquoarticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique a eacuteteacute modifieacute par lrsquoarticle 96 de la loi ndeg 2016-41 du 26
janvier 2016 de modernisation de notre systegraveme de santeacute 247
Deacutecret ndeg2006-6 du 4 janvier 2006 relatif agrave lheacutebergement de donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel et
modifiant le Code de la santeacute publique JORF ndeg4 du 5 janvier 2006 p 174
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
108
professionnel de santeacute qui externalise les donneacutees de santeacute recueillies Or la mise en place de
ces dispositions nrsquoa pas eacuteteacute simple En effet le deacutecret preacutevoyait initialement une mise en
œuvre des modaliteacutes pratiques drsquoagreacutement des heacutebergeurs au 1er
janvier 2007 Toutefois la loi
du 30 janvier 2007248
suspend la proceacutedure drsquoagreacutement des heacutebergeurs et ce pour une peacuteriode
de 2 ans agrave compter du 2 feacutevrier 2007 En effet lrsquoarticle 25 IV de la loi preacutevoyait laquo sauf
lorsquelle sapplique agrave des demandes dagreacutement portant sur lheacutebergement des dossiers
meacutedicaux personnels preacutevus agrave larticle L 161-36-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale la
proceacutedure dagreacutement preacutevue agrave larticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique est suspendue
pendant une peacuteriode de deux ans agrave compter de la publication de la preacutesente loi raquo La raison
principale de cette suspension eacutetait la neacutecessiteacute pour assurer une bonne mise en œuvre de ces
dispositions drsquoadopter au preacutealable des reacutefeacuterentiels de seacutecuriteacute et drsquointeropeacuterabiliteacute la
proceacutedure drsquoagreacutement eacutetant difficile agrave mettre en œuvre tant que ces reacutefeacuterentiels permettant
aux candidats drsquoobtenir une certification aupregraves drsquoorganismes accreacutediteacutes nrsquoeacutetaient pas
adopteacutes249
Lagrave encore le leacutegislateur a montreacute son incapaciteacute agrave reacuteagir suffisamment rapidement
face au deacuteveloppement des technologies et le deacutecalage entre technologie et encadrement
juridique a conduit pendant deux anneacutees agrave un flou regraveglementaire dangereux pour les donneacutees
sensibles que sont les donneacutees santeacute A noter que durant cette peacuteriode de suspension les
heacutebergeurs eacutetaient tenus de satisfaire aux dispositions de la loi Informatique et Liberteacute et agrave ce
titre obtenir un avis favorable de la CNIL250
182 Crsquoest le GIP-DMP251
qui a eacuteteacute chargeacute pendant cette peacuteriode de deacutefinir le reacutefeacuterentiel
de constitution des dossiers de demande drsquoagreacutement Cette eacutelaboration a eacuteteacute effectueacutee en
concertation avec les opeacuterateurs les industriels et les maicirctrises drsquoouvrages reacutegionales du
secteur de la santeacute Lrsquoobjectif afficheacute de ce reacutefeacuterentiel eacutetait drsquoassurer aux candidats agrave
lrsquoheacutebergement laquo un traitement eacutequitable et efficace lors de leurs candidatures raquo252
mais
eacutegalement laquo de traduire de faccedilon concregravete les exigences drsquoun texte reacuteglementaire long et
248 Loi ndeg 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant lordonnance ndeg 2005-1040 du 26 aoucirct 2005 relative agrave
lorganisation de certaines professions de santeacute et agrave la reacutepression de lusurpation de titres et de lexercice illeacutegal
de ces professions et modifiant le Code de la santeacute publique JORF ndeg27 du 1 feacutevrier 2007 p 1937 249
BALLET Philippe laquo Ougrave en est la proceacutedure drsquoagreacutement des heacutebergeurs de donneacutees de santeacute agrave caractegravere
personnel raquo Gaz Pal ndeg 109 2007 p 20 250
Loi ndeg 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant lordonnance ndeg 2005-1040 du 26 aoucirct 2005 relative agrave
lorganisation de certaines professions de santeacute et agrave la reacutepression de lusurpation de titres et de lexercice illeacutegal
de ces professions et modifiant le Code de la santeacute publique JORF ndeg27 du 1 feacutevrier 2007 p 1937 texte ndeg 1 251
Aujourdrsquohui devenu lrsquoAgence des Systegravemes drsquoInformation Partageacutee en santeacute (ASIP Santeacute) 252
BOSSI Jeanne laquo Le rocircle de lrsquoAgence des systegravemes drsquoinformation partageacutes de santeacute dans la proceacutedure
drsquoagreacutement raquo Actualiteacutes Jurisanteacute ndeg 74 juillet 2011 p 9
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
109
compliqueacute raquo253
A la reprise de la proceacutedure drsquoagreacutement les heacutebergeurs ont eacuteteacute tenus de
deacuteposer un dossier de demande drsquoagreacutement et drsquoobtenir celui-ci afin de pouvoir maintenir
leur activiteacute A lrsquoheure actuelle254
une centaine drsquoagreacutements ont eacuteteacute deacutelivreacutes par le comiteacute
Ceux-ci concernent parfois une mecircme socieacuteteacute qui propose plusieurs types drsquoactiviteacute
drsquoheacutebergement diffeacuterents Lrsquoactiviteacute du comiteacute est neacuteanmoins ameneacutee agrave disparaitre puisque
lrsquoordonnance du 12 janvier 2017255
substitue agrave la proceacutedure drsquoagreacutement une proceacutedure de
certification
2) Lrsquoagreacutement des heacutebergeurs une proceacutedure critiqueacutee
La proceacutedure drsquoagreacutement des heacutebergeurs est deacutecrite tregraves preacuteciseacutement au sein du deacutecret
dit heacutebergeur (a) Celle-ci preacutesente un certain nombre de lacunes (b) sources de critiques
reacuteguliegraveres
a) Points essentiels de la proceacutedure
183 Le but principal de la proceacutedure instaureacutee par le deacutecret du 4 janvier 2006 est
drsquoorganiser et drsquoencadrer le deacutepocirct la conservation et la restitution des donneacutees de santeacute agrave
caractegravere personnel et ce dans des conditions qui vont permettre de garantir la confidentialiteacute
et la seacutecuriteacute des donneacutees De ce fait le deacutecret heacutebergeur a mis en place une proceacutedure stricte
et formaliseacutee applicable agrave toute personne ou entreprise degraves lors qursquoelle conserve des donneacutees
de santeacute de personnes pour lesquelles elles nrsquointerviennent pas dans la prise en charge
meacutedicale La proceacutedure se deacuteroule en plusieurs temps Le dossier de demande drsquoagreacutement
formaliseacute selon le reacutefeacuterentiel de constitution des dossiers mis en place par lrsquoASIP santeacute sera
drsquoabord soumis agrave la CNIL qui dispose drsquoun deacutelai de deux mois renouvelable une fois afin
drsquoappreacutecier laquo les garanties preacutesenteacutees par le candidat en matiegravere de protection des personnes
agrave lrsquoeacutegard des traitements de donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel et de seacutecuriteacute de ces
donneacutees raquo256
La demande est ensuite transmise avec lrsquoavis de la CNIL le cas eacutecheacuteant au
comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs257
qui dispose drsquoun deacutelai drsquoun mois renouvelable une fois
253 Ibid
254 Chiffres en date du 25 novembre 2016 veacuterifieacutes sur le site de lrsquoASIP santeacute
[httpesantegouvfrservicesreferentielssecuritehebergeurs-agrees] 255
Article 1er
de lrsquoordonnance ndeg 2017-27 du 12 janvier 2017 relative agrave lheacutebergement de donneacutees de santeacute agrave
caractegravere personnel JORF ndeg0011 du 13 janvier 2017 texte ndeg 17 256
Article R 1111-10 du Code de la santeacute publique 257
Ce comiteacute placeacute aupregraves du ministre chargeacute de la santeacute a eacuteteacute creacuteeacute par le deacutecret de janvier 2006 Ces membres
qui sont nommeacutes pour 5 ans par arrecircteacute du ministre en charge de la santeacute sont les suivants un membre de
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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pour rendre un avis sur le dossier de candidature agrave lrsquoagreacutement Sur demande du secreacutetaire
geacuteneacuteral du Ministegravere chargeacute des Affaires Sociale lrsquoASIP Santeacute a eacuteteacute chargeacutee drsquoinstruire
preacutealablement les dossiers de demandes drsquoagreacutement afin de faciliter le travail du Comiteacute
Ainsi un comiteacute drsquoinstruction interne agrave lrsquoASIP Santeacute a eacuteteacute mis en place en 2009 ayant pour
mission de reacutediger un rapport ainsi que des recommandations globales qui sont transmis
ensuite au comiteacute drsquoagreacutement Enfin une fois lrsquoavis du comiteacute rendu le ministre chargeacute de la
santeacute dispose drsquoun deacutelai de deux mois pour prendre sa deacutecision Passeacute ce deacutelai la demande est
reacuteputeacutee rejeteacutee
184 Une fois agreacuteeacutes les heacutebergeurs srsquoengagent agrave rendre chaque anneacutee un rapport drsquoauto-
eacutevaluation Cette proceacutedure qui repose principalement sur une relation de confiance est
toutefois compleacuteteacutee par de possibles controcircles de la CNIL A titre drsquoexemple en 2011 la
CNIL a prononceacute un avertissement agrave lencontre dun heacutebergeur de donneacutees de santeacute suite agrave
une deacuteclaration mensongegravere contenue dans son dossier de demande dagreacutement En lrsquoespegravece
la socieacuteteacute preacutetendait chiffrer les donneacutees meacutedicales heacutebergeacutees par le biais drsquoun proceacutedeacute de
chiffrage fort258
ce qui nrsquoeacutetait pas le cas Lors drsquoun controcircle sur place reacutealiseacute en 2011 la
CNIL a constateacute que les donneacutees nrsquoeacutetaient pas chiffreacutees et qursquoelles eacutetaient de plus accessibles
aux administrateurs informatiques de la socieacuteteacute Dans lrsquoavis rendu par la CNIL celle-ci srsquoest
prononceacutee sur les garanties preacutesenteacutees par le candidat en matiegravere de seacutecuriteacute des donneacutees de
santeacute faisant lrsquoobjet drsquoun traitement informatiseacute et avait estimeacute que lrsquoheacutebergeur ne respectait
pas lrsquoobligation poseacutee agrave lrsquoarticle 6-1 de la loi Informatique et Liberteacute agrave savoir traiter les
donneacutees de maniegravere licite
b) Une proceacutedure remise en cause
La proceacutedure drsquoagreacutement des heacutebergeurs de donneacutees de santeacute a fait lrsquoobjet de plusieurs
critiques
lrsquoinspection des affaires sociales de repreacutesentant des associations compeacutetentes en matiegravere de santeacute 2
repreacutesentants des professionnels de santeacute et de 3 personnaliteacutes qualifieacutees dans les domaines de lrsquoeacutethique et du
droit de la seacutecuriteacute des systegravemes drsquoinformation et dans le domaine eacuteconomique et financier 258
Le chiffrement est une des quatre fonctions assureacutees par la cryptologie Le chiffrement de donneacutees consiste agrave
rendre illisibles et inaccessibles ces donneacutees Seules les personnes deacutetenant une cleacute speacutecifique pourront alors
acceacuteder aux donneacutees Il existe plusieurs techniques de chiffrement le chiffrement symeacutetrique et le chiffrement
asymeacutetrique
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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185 La premiegravere concerne bien eacutevidemment les deacutelais de proceacutedure Ceux-ci peuvent en
effet sembler assez longs la proceacutedure officielle pouvant durer entre cinq et huit mois sans
compter la proceacutedure drsquoinstruction preacutealable des dossiers par le comiteacute drsquoinstruction de
lrsquoASIP Santeacute En aoucirct 2011 le comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs a rendu son premier rapport
drsquoactiviteacute couvrant les anneacutees 2006 agrave 2011 Apregraves avoir rappeleacute le cadre et le deacuteroulement de
la proceacutedure le comiteacute dresse un bilan de son activiteacute Il en ressort que cet encadrement et la
deacutemarche drsquoagreacutement sont globalement perccedilus de maniegravere positive par les professionnels du
secteur Toutefois le comiteacute drsquoagreacutement pointe du doigt le fait que les expertises meneacutees par
lrsquoASIP Santeacute drsquoune part et par la CNIL drsquoautre part portent en partie sur des points
identiques Cela geacutenegravere des coucircts importants en termes de ressources humaines et financiegraveres
Le comiteacute drsquoagreacutement souligne eacutegalement que les heacutebergeurs doivent faire face agrave une
contrainte pratique suppleacutementaire qui est celle des dates de reacuteunion du comiteacute drsquoagreacutement et
des seacuteances de la CNIL Cette volonteacute drsquoalleacuteger la proceacutedure afin de la rendre plus fluide
nous paraicirct ecirctre effectivement une solution pragmatique agrave adopter rapidement Enfin le
comiteacute drsquoagreacutement srsquointerroge agrave juste titre sur laquo le type drsquoeacutecosystegraveme qui va se mettre en
place si les proceacutedures drsquoagreacutement se complexifient raquo259
preacutecisant que lrsquoactiviteacute
drsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute pourrait alors ecirctre de fait reacuteserveacutee aux socieacuteteacutes
industrielles de grande taille eacuteloigneacutees du patient et de ses probleacutematiques
186 Lrsquoautre critique qui peut ecirctre formuleacutee agrave lrsquoencontre du deacutecret heacutebergeur concerne
lrsquoabsence drsquoadeacutequation entre les textes juridiques et les aspects techniques drsquoaujourdrsquohui En
effet comme le souligne la secreacutetaire geacuteneacuterale de lrsquoASIP Santeacute260
les modegraveles pris par le
leacutegislateur dans le deacutecret de 2006 ne reflegravetent pas la reacutealiteacute concregravete et opeacuterationnelle des
offres actuelles sur le marcheacute et certaines exigences juridiques sont de fait inadapteacutees aux
caracteacuteristiques des technologies actuelles Le risque principal de cette inadeacutequation serait
selon lrsquoauteur drsquoamener lrsquoASIP Santeacute agrave eacutetudier des demandes drsquoagreacutement portant sur une
application meacutetier speacutecifique qui manipule des donneacutees de santeacute alors que seul lrsquoheacutebergement
de ces donneacutees est soumis agrave agreacutement De mecircme les documents qui selon le deacutecret doivent
accompagner le dossier drsquoagreacutement ne sont pas toujours pertinents A titre drsquoexemple la
nature des documents reacuteclameacutes afin de veacuterifier la capaciteacute financiegravere de lrsquoheacutebergeur ne permet
259 Premier rapport drsquoactiviteacute du comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs 2006-2011 p 27
260 BOSSI Jeanne laquo Le rocircle de lrsquoAgence des systegravemes drsquoinformation partageacutes en santeacute dans la proceacutedure
drsquoagreacutement raquo op cit p 13
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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pas toujours selon Jeanne BOSSI drsquoavoir une vision preacutecise et nette de la veacuteritable situation
financiegravere du candidat Le deacutecret dispose en effet que le candidat agrave un agreacutement fournisse
laquo un document preacutesentant les comptes preacutevisionnels de lactiviteacute dheacutebergement et
eacuteventuellement les trois derniers bilans et la composition de lactionnariat du demandeur
ainsi que dans le cas dune demande de renouvellement les comptes de reacutesultat et bilans lieacutes
agrave cette activiteacute dheacutebergement depuis le dernier agreacutement raquo261
187 Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale nous adheacuterons agrave la vision pragmatique de la secreacutetaire
geacuteneacuterale de lrsquoASIP Santeacute alors que le deacutecret heacutebergeur expose les objectifs agrave atteindre par
les heacutebergeurs il appartient aux reacutefeacuterentiels drsquoexposer les moyens agrave mettre en œuvre pour les
atteindre Crsquoest pourquoi Jeanne BOSSI avait proposeacute de revoir le deacutecret heacutebergeur en
preacutevoyant notamment un renvoi systeacutematique aux reacutefeacuterentiels afin que le texte ne devienne
pas rapidement obsolegravete Une des solutions avanceacutee agrave la fois par le comiteacute drsquoagreacutement des
heacutebergeurs dans son premier rapport drsquoactiviteacute et rappeleacutee dans le second262
mais eacutegalement
par la secreacutetaire geacuteneacuterale de lrsquoASIP Santeacute eacutetait de srsquoorienter vers une proceacutedure de
certification meneacutee par des organismes accreacutediteacutes en srsquoinspirant notamment de ce qui peut
exister dans le domaine bancaire Crsquoest drsquoailleurs dans cette direction que srsquoest orienteacute le
leacutegislateur avec la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute et lrsquoordonnance ndeg2017-27
du 12 janvier 2017 relative agrave lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel263
c) Lrsquoadoption deacutefinitive drsquoune proceacutedure de certification
188 Lrsquoarticle 204 de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit que dans les
12 mois suivant la promulgation de la loi le gouvernement est autoriseacute agrave prendre par voie
drsquoordonnance plusieurs mesures visant entre autres agrave laquo remplacer lagreacutement preacutevu au
mecircme article L 1111-8 par une eacutevaluation de conformiteacute technique reacutealiseacutee par un
organisme certificateur accreacutediteacute par linstance nationale daccreacuteditation mentionneacutee agrave
larticle 137 de la loi ndeg 2008-776 du 4 aoucirct 2008 de modernisation de leacuteconomie ou par
lorganisme compeacutetent dun autre Etat membre de lUnion europeacuteenne Cette certification de
conformiteacute porte notamment sur le controcircle des proceacutedures de lorganisation et des moyens
261 Ibid
262 Rapport drsquoactiviteacute 2013-2013 du Comiteacute drsquoAgreacutement des Heacutebergeurs consultable en ligne sur
[httpesantegouvfr] Consulteacute le 15 mai 2017 263
Ordonnance ndeg 2017-27 du 12 janvier 2017 relative agrave lheacutebergement de donneacutees de santeacute agrave caractegravere
personnel JORF ndeg0011 du 13 janvier 2017 texte ndeg 17
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mateacuteriels et humains ainsi que sur les modaliteacutes de qualification des applications
heacutebergeacutees raquo
189 Lrsquoordonnance du 12 janvier 2017 a instaureacute cette proceacutedure de certification en
remplacement de la proceacutedure drsquoagreacutement telle qursquoelle existait Deacutesormais les prestataires de
service drsquoheacutebergement externaliseacute de donneacutees de santeacute devront ecirctre certifieacutes par des
organismes de certification accreacutediteacutes par lrsquoinstance franccedilaise drsquoaccreacuteditation ou lrsquoinstance
nationale drsquoaccreacuteditation drsquoun autre Etat de lrsquoUnion europeacuteenne Un deacutecret pris en Conseil
drsquoEtat doit encore venir preacuteciser les conditions dans lesquelles seront deacutelivreacutes ces certificats
Cependant lrsquoordonnance nrsquoest pas applicable immeacutediatement En effet le leacutegislateur a preacutevu
un temps de transition pendant lequel la proceacutedure drsquoagreacutement reste applicable Ainsi par
principe lrsquoordonnance entrera en vigueur agrave une date fixeacutee par deacutecret et au plus tard au 1er
janvier 2019 Dans lrsquointervalle les demandes drsquoagreacutement ou de renouvellement drsquoagreacutement
deacuteposeacutees avant lrsquoentreacutee en vigueur de lrsquoordonnance continuent drsquoecirctre eacutetudieacutees au titre de
lrsquoagreacutement Par ailleurs les organismes agreacuteeacutes conservent le beacuteneacutefice de leur agreacutement
jusqursquoagrave leur terme Si celui-ci arrive agrave eacutecheacuteance dans les douze mois suivant lrsquoentreacutee en
vigueur de lrsquoordonnance ils disposeront drsquoun certain deacutelai fixeacute par deacutecret pour se mettre en
conformiteacute et obtenir une certification
190 Cette nouvelle proceacutedure devra permettre laquo daccroicirctre la seacutecuriteacute des donneacutees de santeacute
heacutebergeacutees en compleacutetant les audits documentaires par des audits sur site de reacuteduire les deacutelais
dinstruction des demandes des heacutebergeurs aujourdhui trop importants et de faire beacuteneacuteficier
les acteurs concerneacutes de la visibiliteacute du dispositif agrave linternational par une reacutefeacuterence agrave des
certifications ISO largement reacutepandues agrave leacutechelle europeacuteenne et mondiale raquo264
B La reprise de lrsquoexistant lrsquoeacuteventualiteacute de la numeacuterisation des dossiers
papier
191 La numeacuterisation eacuteventuelle des anciens dossiers papier est une hypothegravese qui illustre
bien lrsquoopposition qui peut exister entre les contraintes techniques et les contraintes juridiques
Ainsi cette hypothegravese ne pourra ecirctre envisageacutee qursquoagrave certaines conditions strictes (1) et
264 Rapport au Preacutesident de la Reacutepublique relatif agrave lordonnance ndeg 2017-27 du 12 janvier 2017 relative agrave
lheacutebergement de donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel JORF ndeg 0011 du 13 janvier 2017 texte ndeg 16
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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soulegravevera en tout eacutetat de cause la question du devenir des dossiers papiers (2) dont la porteacutee
nrsquoest pas neacutegligeable
1) Les conditions de la numeacuterisation des dossiers existants
192 Face au deacuteveloppement massif des dossiers meacutedicaux informatiseacutes une question
majeure se pose que va-t-il advenir du dossier papier Comme nous lrsquoavons vu la
conservation des dossiers meacutedicaux qursquoils soient papiers ou eacutelectroniques est soumise agrave des
conditions de deacutelais strictes Ainsi pour que les dossiers soient parfaitement complets et les
regravegles respecteacutees deux choix srsquooffrent agrave lrsquoeacutetablissement public de santeacute soit conserver en
parallegravele un dossier papier et un dossier informatiseacute soit numeacuteriser lrsquoensemble des dossiers
papier afin de les inteacutegrer au dossier informatique
193 La premiegravere solution est dans les faits la plus simple mais neacuteanmoins la plus
encombrante pour les eacutetablissements de santeacute De plus elle ne se reacutevegravele pas la plus pratique
pour les professionnels de santeacute obligeacutes de consulter les deux dossiers meacutedicaux afin
drsquoobtenir tous les eacuteleacutements relatifs au patient Enfin cette solution est contraire agrave la logique
actuelle qui tend agrave une informatisation complegravete des archives hospitaliegraveres de tout type pour
des raisons pratiques mais eacutegalement de deacuteveloppement durable La seconde solution
permettrait un passage deacutefinitif au dossier informatiseacute Toutefois cette reprise de lrsquoexistant
via une numeacuterisation de lrsquoensemble des dossiers papier preacutesente des difficulteacutes agrave la fois
techniques et juridiques
194 Du point de vue technique il faut reconnaicirctre que cette opeacuteration va se reacuteveacuteler
fastidieuse voire irreacutealisable dans certains eacutetablissements publics de santeacute au vu de la
quantiteacute de documents que repreacutesentent les dossiers meacutedicaux De plus il va ecirctre neacutecessaire
de stocker tous ces documents numeacuteriseacutes sur des serveurs ce qui induit une capaciteacute de
stockage en interne ou externaliseacutee conseacutequente et donc un coucirct suppleacutementaire Drsquoun point
de vue juridique une question inteacuteressante doit ecirctre souleveacutee quelle sera la valeur de ce
document numeacuteriseacute Pendant longtemps la reacuteponse agrave cette question eacutetait quelque peu
incertaine et il eacutetait neacutecessaire de se tourner vers les regravegles de droit commun pour tenter drsquoy
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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reacutepondre (a) Mais reacutecemment lrsquoordonnance ndeg2017-29 du 12 janvier 2017265
prise en
application de lrsquoarticle 204 de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute266
est venue
y apporter une reacuteponse preacutecise (b)
a) Les regravegles applicables en droit commun
195 Pour reacutepondre agrave cette interrogation il nous faut drsquoabord nous tourner vers les textes
applicables en matiegravere de droit de la preuve dans la mesure ougrave lrsquoeacutecrit eacutelectronique nrsquoest
envisageacute par le leacutegislateur que sous lrsquoangle probatoire La validiteacute comme preuve juridique
drsquoun document numeacuterique est reconnue depuis 2000 Crsquoest la loi ndeg 2000-230267
qui est venue
modifier le Code civil Celui-ci preacutevoit deacutesormais que laquo leacutecrit eacutelectronique a la mecircme force
probante que leacutecrit sur support papier sous reacuteserve que puisse ecirctre ducircment identifieacutee la
personne dont il eacutemane et quil soit eacutetabli et conserveacute dans des conditions de nature agrave en
garantir linteacutegriteacute raquo268
Deux conditions cumulatives sont poseacutees par le leacutegislateur Dans un
premier temps la personne de qui eacutemane le document doit pouvoir ecirctre identifieacutee Pour cela
la personne a la possibiliteacute de signer eacutelectroniquement le document La signature eacutelectronique
est preacutevue agrave lrsquoarticle 1367 du Code civil laquo la signature neacutecessaire agrave la perfection dun acte
juridique identifie son auteur Elle manifeste son consentement aux obligations qui deacutecoulent
de cet acte Quand elle est apposeacutee par un officier public elle confegravere lauthenticiteacute agrave lacte
Lorsquelle est eacutelectronique elle consiste en lusage dun proceacutedeacute fiable didentification
garantissant son lien avec lacte auquel elle sattache La fiabiliteacute de ce proceacutedeacute est preacutesumeacutee
jusquagrave preuve contraire lorsque la signature eacutelectronique est creacuteeacutee lidentiteacute du signataire
assureacutee et linteacutegriteacute de lacte garantie dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil
dEtat raquo Il srsquoagit en pratique drsquoun proceacutedeacute retenu pour garantir lrsquoauthenticiteacute des documents
numeacuteriques et reposant sur un proceacutedeacute cryptographique269
En matiegravere de donneacutees de santeacute
cette signature est apposeacutee par le biais de la Carte de Professionnel de Santeacute (CPS) deacutelivreacutee
265 Ordonnance ndeg 2017-29 du 12 janvier 2017 relative aux conditions de reconnaissance de la force probante des
documents comportant des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel creacuteeacutes ou reproduits sous forme numeacuterique et
de destruction des documents conserveacutes sous une autre forme que numeacuterique JORF ndeg 0011 13 janvier 2017
texte ndeg 21 266
Loi ndeg 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre systegraveme de santeacute JORF ndeg 0022 27 janvier
2016 texte ndeg 1 267
Loi ndeg 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de linformation
et relative agrave la signature eacutelectronique JORF ndeg 62 du 14 mars 2000 p 3968 268
Article 1366 du Code civil 269
Pour plus de deacutetails sur la signature eacutelectronique voir le Meacutemento eacutediteacute par le bureau conseil de la Direction
Centrale de la Seacutecuriteacute des Systegravemes drsquoInformation et consultable en ligne sur [httpwwwssigouvfr]
Consulteacute le 15 mai 2017
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par lrsquoASIP Santeacute270
La carte CPS est une carte qui contient les donneacutees drsquoidentification du
professionnel qui en est le porteur (identiteacute numeacutero RPPS modaliteacutes drsquoexercice) Cette carte
permet aux professionnels de santeacute entres autres drsquoapposer leur signature eacutelectronique sur les
documents qursquoils produisent
196 La seconde condition poseacutee agrave lrsquoarticle 1366 du Code civil est celle de lrsquointeacutegriteacute du
document Cette notion qui nrsquoest pas deacutefinie par la loi meacuterite que nous la preacutecisions Garantir
lrsquointeacutegriteacute drsquoun document consiste agrave srsquoassurer qursquoil ne soit pas alteacutereacute271
que ce soit par le biais
drsquoune manipulation ulteacuterieure ou par une deacutegradation de son support de conservation et donc
de sa lisibiliteacute Lrsquoinformation doit ecirctre maintenue dans son inteacutegraliteacute De mecircme le support
de conservation doit apporter les garanties neacutecessaires en termes de peacuterenniteacute lrsquoinformation
ne doit pas ecirctre modifieacutee ou pire disparaicirctre Finalement lrsquointeacutegriteacute drsquoun document deacutepend
beaucoup de la qualiteacute de son archivage Il est donc neacutecessaire de mettre en place un
processus fiable de gestion du cycle de vie du document272
197 Toutefois ces conditions de validiteacute ne srsquoappliquent qursquoaux documents creacuteeacutes
eacutelectroniquement et non pas aux documents papier originaux dont une copie serait ensuite
conserveacutee sur informatique par le biais de la numeacuterisation Qursquoen est-il de ces documents
En matiegravere de force probante drsquoune copie lrsquoarticle 1379 dispose que laquo la copie fiable a la
mecircme force probante que loriginal La fiabiliteacute est laisseacutee agrave lappreacuteciation du juge
Neacuteanmoins est reacuteputeacutee fiable la copie exeacutecutoire ou authentique dun eacutecrit authentique Est
preacutesumeacutee fiable jusquagrave preuve du contraire toute copie reacutesultant dune reproduction agrave
lidentique de la forme et du contenu de lacte et dont linteacutegriteacute est garantie dans le temps
par un proceacutedeacute conforme agrave des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEacutetat Si loriginal
subsiste sa preacutesentation peut toujours ecirctre exigeacutee raquo
198 En ce qui concerne plus particuliegraverement les copies numeacuteriseacutees la Cour de cassation
avait deacutejagrave en 2008 apporteacute un eacuteclairage sur le sujet Dans un arrecirct en date du 4 deacutecembre
2008273
la Haute juridiction preacutecisait la chose suivante laquo lorsqursquoune partie nrsquoa pas conserveacute
270 V Infra ndeg 244
271 RAYNOUARD Arnaud laquo Le droit de lrsquoeacutecrit eacutelectronique raquo LPA 2001 ndeg 65 p 15
272 RENARD Isabelle laquo Preuve informatique ndash valeur juridique du document numeacuterique raquo Expertises 2010 p
215 273
Cass 2egraveme
civ 4 deacutecembre 2008 ndeg 07-17622
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lrsquooriginal drsquoun document la preuve de son existence peut-ecirctre rapporteacutee par la preacutesentation
drsquoune copie qui doit en ecirctre la reproduction non seulement fidegravele mais durable [hellip] Lrsquoeacutecrit
sous forme eacutelectronique ne vaut preuve qursquoagrave condition que son auteur puisse ecirctre ducircment
identifieacute et qursquoil soit eacutetabli et conserveacute dans des conditions de nature agrave en garantir lrsquointeacutegriteacute
raquo En lrsquoespegravece la CPAM de la Marne avait pour apporter la preuve de la deacutelivrance drsquoune
information produit ce qursquoelle preacutesentait comme eacutetant la copie informatique drsquoun courrier La
Cour de Cassation a casseacute la deacutecision drsquoappel rappelant alors les critegraveres permettant
drsquoaccepter une copie eacutelectronique comme eacuteleacutement de preuve Les premiers critegraveres poseacutes par
la Cour avait trait agrave la copie en elle-mecircme qui se devait drsquoecirctre la reproduction fidegravele et
durable de lrsquooriginal Rien drsquoexceptionnel dans ces critegraveres qui sont ceux opposables agrave
nrsquoimporte quelle copie qursquoelle soit papier ou eacutelectronique Nous rappellerons simplement
qursquoune copie fidegravele signifie que celle-ci doit ecirctre lrsquoexacte reproduction de lrsquooriginal (par
exemple si le document original eacutetait signeacute manuellement cette signature doit apparaitre sur
la copie) En ce sens la numeacuterisation drsquoun document papier permettait de remplir ce critegravere
de copie fidegravele Les seconds critegraveres concernaient plus particuliegraverement quant agrave eux la copie
sous forme eacutelectronique Celle-ci doit permettre drsquoidentifier son auteur et doit ecirctre conserveacutee
dans des conditions permettant de garantir son inteacutegriteacute Concernant lrsquoindentification de
lrsquoauteur du document ce qui importait eacutetait finalement de savoir agrave qui il pouvait ecirctre
imputable Se posait alors la question de savoir si cela impliquait que le document soit
forceacutement signeacute Pour certains auteurs ce nrsquoeacutetait pas le cas un simple papier agrave en-tecircte ou
logo distinctif permettant de savoir de qui eacutemane le document274
199 Cependant ce raisonnement montrait vite ses limites selon nous En effet il est
aujourdrsquohui tregraves simple de falsifier un logo ou un papier agrave en-tecircte surtout quand il srsquoagit drsquoun
document eacutelectronique Le deacutecret ndeg 2016-1673 du 5 deacutecembre 2016275
relatif agrave la fiabiliteacute des
copies et pris pour lapplication de larticle 1379 du Code civil pose de maniegravere preacutecise et
deacutefinitive les critegraveres que doivent remplir les copies numeacuteriques pour ecirctre consideacutereacutees comme
fiables Ainsi selon les dispositions de lrsquoarticle 1er
du deacutecret laquo est preacutesumeacutee fiable au sens
du deuxiegraveme alineacutea de larticle 1379 du Code civil la copie reacutesultant
274 RENARD Isabelle laquo Preuve informatique ndash valeur juridique du document numeacuterique raquo op cit p 215
275 Deacutecret ndeg 2016-1673 du 5 deacutecembre 2016 relatif agrave la fiabiliteacute des copies et pris pour lapplication de larticle
1379 du Code civil JORF ndeg0283 du 6 deacutecembre 2016 texte ndeg 61
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- soit dun proceacutedeacute de reproduction qui entraicircne une modification irreacuteversible du support de
la copie
- soit en cas de reproduction par voie eacutelectronique dun proceacutedeacute qui reacutepond aux conditions
preacutevues aux articles 2 agrave 6 du preacutesent deacutecret raquo
200 Les articles 2 agrave 6 du deacutecret fixent des conditions tregraves strictes Le texte exige que le
proceacutedeacute de reproduction par voie eacutelectronique permette drsquoapporter des informations lieacutees agrave la
copie afin de lrsquoidentifier Le contexte de numeacuterisation et la date de creacuteation de la copie
doivent ecirctre preacuteciseacutes Par ailleurs lrsquointeacutegriteacute de la copie doit ecirctre attesteacutee laquo par une empreinte
digitale qui garantit que toute modification ulteacuterieure de la copie agrave laquelle elle est attacheacutee
est deacutetectable raquo Pour ce faire le texte exige que les eacutetablissements de santeacute fassent le choix
entre un systegraveme drsquohorodatage qualifieacute drsquoun cachet eacutelectronique qualifieacute ou drsquoune signature
eacutelectronique tel que preacutevu par le regraveglement (UE) ndeg 9102014 du Parlement Europeacuteen et du
Conseil du 23 juillet 2014 sur lidentification eacutelectronique et les services de confiance pour
les transactions eacutelectroniques au sein du marcheacute inteacuterieur Enfin laquo la copie eacutelectronique est
conserveacutee dans des conditions propres agrave eacuteviter toute alteacuteration de sa forme ou de son
contenu Les opeacuterations requises pour assurer la lisibiliteacute de la copie eacutelectronique dans le
temps ne constituent pas une alteacuteration de son contenu ou de sa forme degraves lors quelles sont
traceacutees et donnent lieu agrave la geacuteneacuteration dune nouvelle empreinte eacutelectronique de la copie raquo
Cette derniegravere disposition preacutesente lrsquointeacuterecirct drsquoecirctre selon nous parfaitement adapteacutee aux
contraintes des techniques informatiques actuelles En effet aujourdrsquohui peu de techniques
sont suffisamment fiables pour permettre de garantir une conservation integravegre et durable des
documents eacutelectroniques276
Ainsi en preacutecisant que les opeacuterations laquo requises pour assurer la
lisibiliteacute de la copie eacutelectronique dans le temps raquo nrsquoaltegraverent pas la fiabiliteacute de la copie le
leacutegislateur permet drsquoenvisager la mise en place des opeacuterations de conversion des formats
informatiques au greacute des eacutevolutions techniques sans que cela nrsquoentache la valeur probante de
la copie
201 La numeacuterisation de lrsquoensemble des dossiers meacutedicaux papier afin de les inteacutegrer aux
dossiers informatiseacutes serait donc juridiquement possible sous reacuteserve de se plier agrave un certain
276 En pratique il est conseilleacute drsquoutiliser des disques WORM (Write Once Read Many) qui sont reacuteinscriptibles
Crsquoest le cas par exemple des disques optiques numeacuteriseacutes Il faut eacutegalement privileacutegier des formats eacutelectroniques
standardiseacutes du type XLM PDF ou TIFF
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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nombre de contraintes strictes Toutefois en pratique il srsquoagit drsquoun chantier tregraves important
pour les eacutetablissements publics de santeacute qui induit un coucirct financier et humain non
neacutegligeable A noter qursquoune ordonnance de janvier 2017277
prise en application de lrsquoarticle
204 de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute a deacutefinitivement acteacute au sein du
Code de la santeacute publique la possibiliteacute pour des documents contenant des donneacutees de santeacute
drsquoecirctre numeacuteriseacutes tout en conservant une force probante278
Cependant le leacutegislateur ne fait
que rappeler au sein du Code de la santeacute publique les dispositions du Code civil Aucune
nouveauteacute ni simplification donc mais la preacutecision que ces dispositions du droit commun
srsquoappliquent bel et bien aux documents comportant des donneacutees de santeacute
2) Le devenir des dossiers papier numeacuteriseacutes
202 Une fois les dossiers meacutedicaux papier numeacuteriseacutes ceux-ci deviennent redondants avec
le dossier informatiseacute Une suppression de ceux-ci est-elle pour autant envisageable Cette
question qui est commune agrave de nombreuses administrations a eacuteteacute freacutequemment poseacutee aux
Archives deacutepartementales Les Archives de France avaient ainsi dans un premier temps poseacute
un cadre de commun agrave lrsquoeacutelimination anticipeacutee drsquoarchives publiques papier qui auraient eacuteteacute
numeacuteriseacutees (a) Cependant face aux nombreuses demandes des eacutetablissements de santeacute en
faveur notamment drsquoun cadre plus adapteacute le leacutegislateur srsquoest empareacute du sujet (b)
a) La reacuteponse des Archives de France
203 Crsquoest par le biais drsquoune instruction de 2005279
relative aux modaliteacutes de deacutelivrance du
visa drsquoeacutelimination des documents papiers transfeacutereacutes sur support numeacuterique ou micrographique
que les Archives de France ont apporteacute une premiegravere reacuteponse agrave la question du devenir du
papier numeacuteriseacute Cette instruction rappelait la neacutecessiteacute pour lrsquoadministration qui souhaitait
deacutetruire ses archives papiers avant la fin de leur dureacutee de conservation drsquoobtenir une
autorisation drsquoeacutelimination de la part de la direction deacutepartementale des archives et ce mecircme
277 Ordonnance ndeg 2017-29 du 12 janvier 2017 relative aux conditions de reconnaissance de la force probante des
documents comportant des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel creacuteeacutes ou reproduits sous forme numeacuterique et
de destruction des documents conserveacutes sous une autre forme que numeacuterique JORF ndeg0011 du 13 janvier 2017
texte ndeg 21 278
Le nouvel article L 1111-26 du Code de la santeacute publique preacutevoit que laquo la copie numeacuterique drsquoun document
mentionneacute agrave lrsquoarticle L 1111-25 remplissant les conditions de fiabiliteacute preacutevues par le deuxiegraveme alineacutea de
lrsquoarticle 1379 du Code civil a la mecircme force probante que le document original sur support papier raquo 279
Instruction DITNDPACIRES2005001 du 14 janvier 2005 sur les modaliteacutes de deacutelivrance du visa
deacutelimination des documents papiers transfeacutereacutes sur support numeacuterique ou micrographique Archives de France
non publieacutee au JORF
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
120
si une copie a eacuteteacute reacutealiseacutee sur un autre support Cette instruction preacutecisait les cas (au nombre
de trois) dans lesquels cette autorisation pouvait ecirctre deacutelivreacutee Le premier cas concernait les
documents qui sont normalement eacuteliminables au terme de leur dureacutee drsquoutiliteacute administrative
Dans ce cas un visa drsquoeacutelimination anticipeacute pouvait ecirctre accordeacute Le deuxiegraveme cas concernait
les documents qui devaient ecirctre conserveacutes en totaliteacute et de maniegravere deacutefinitive au terme de
leur dureacutee drsquoutiliteacute administrative pour ces documents les documents papier une fois
numeacuteriseacutes pouvaient ecirctre verseacutes aux archives deacutepartementales de maniegravere anticipeacutee si leur
conservation posait laquo des problegravemes particuliegraverement aigus raquo agrave lrsquoadministration concerneacutee
Enfin si les documents concerneacutes eacutetaient normalement soumis au tri par eacutechantillonnage une
combinaison des deux preacuteceacutedentes regravegles devait alors srsquoappliquer une autorisation
drsquoeacutelimination anticipeacutee pouvait ecirctre deacutelivreacutee pour les documents normalement eacuteliminables agrave
terme tandis que lrsquoeacutechantillon retenu eacutetait conserveacute en version papier et pouvait ecirctre deacuteposeacute
aux archives deacutepartementales au besoin
204 Dans tous les cas lrsquoautorisation drsquoeacutelimination anticipeacutee devait ecirctre assortie de
recommandations Il eacutetait notamment recommandeacute agrave lrsquoadministration de reacutealiser avant
drsquoenvisager la destruction des archives papier une analyse juridique Celle-ci avait pour but
de deacuteterminer les potentiels besoins en matiegravere de preuve les risques de contentieux et donc
chercher agrave savoir si les copies numeacuteriseacutees qursquoelle souhaitait reacutealiser respectaient les critegraveres
neacutecessaires afin de conserver une valeur probante suffisante Les Archives de France
preacutecisaient que pour assurer une meilleure seacutecuriteacute juridique il pouvait eacuteventuellement ecirctre
neacutecessaire de conserver certaines archives papiers et ce jusqursquoagrave la fin de leur dureacutee drsquoutiliteacute
administrative Les Archives de France conseillaient enfin aux administrations qui
srsquoorientaient vers une numeacuterisation de lrsquoensemble de leurs archives papier de suivre une
proceacutedure rigoureuse garantissant la qualiteacute de leur deacutemarche
205 Plusieurs possibiliteacutes srsquooffraient alors aux administrations Celles-ci pouvaient
appliquer les principes poseacutes par Dominique PONSOT dans son rapport intituleacute laquo Valeur
juridique des documents conserveacutes sur support photographique ou numeacuterique raquo280
opeacuterer
dans un cadre systeacutematique crsquoest-agrave-dire traiter de la mecircme faccedilon tous les documents
appartenant agrave la mecircme cateacutegorie etou remplissant la mecircme fonction probatoire dater la copie
280 PONSOT Dominique laquo Valeur juridique des documents conserveacutes sur support photographique ou
numeacuterique raquo Rapport de septembre 1995 La Documentation franccedilaise p 37
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
121
srsquoassurer drsquoeffectuer une copie reproduisant le plus grand nombre de caracteacuteristiques
physiques du document (par exemple les annotations manuscrites) et enfin dans le but de se
preacute-constituer une preuve de lrsquoopeacuteration reacutealiseacutee preacutesenter de maniegravere preacutecise le processus de
numeacuterisation mis en place Les administrations pouvaient aussi srsquoinspirer de normes
existantes En la matiegravere on trouvait par exemple la norme AFNOR NF Z 42-013 intituleacutee laquo
recommandations relatives agrave la conception et agrave lrsquoexploitation de systegravemes informatiques en
vue drsquoassurer la conservation et lrsquointeacutegriteacute des documents stockeacutes dans ces systegravemes raquo
La suppression des archives papier qui auraient eacuteteacute numeacuteriseacutees eacutetait donc possible
Cependant les eacutetablissements publics de santeacute devaient rester prudents et reacutealistes face aux
exigences poseacutees par les Archives de France La loi de modernisation de notre systegraveme de
santeacute srsquoest depuis pencheacutee sur le sujet
b) Les apports de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute
206 Lrsquoarticle 204 de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoyait la
possibiliteacute pour le gouvernement de leacutegifeacuterer par voie drsquoordonnance afin drsquo laquo encadrer les
conditions de destruction des dossiers meacutedicaux conserveacutes sous une autre forme que
numeacuterique quand ils ont fait lrsquoobjet drsquoune numeacuterisation et preacuteciser les conditions permettant
de garantir une valeur probante aux donneacutees et documents de santeacute constitueacutes sous forme
numeacuterique raquo Lrsquoordonnance en question a eacuteteacute adopteacutee en janvier 2017281
et vient ainsi
encadrer la destruction des documents papiers numeacuteriseacutes Ce texte insegravere au sein du Code de
la santeacute publique une nouvelle section intituleacutee laquo conditions de reconnaissance de force
probante des documents comportant des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnes creacuteeacutes ou
reproduits sous forme numeacuterique et de destruction des documents conserveacutes sous une autre
forme que numeacuterique raquo Ainsi il est deacutesormais possible laquo lorsqursquoune copie fiable a eacuteteacute
reacutealiseacutee raquo282
de deacutetruire un document original avant la fin de sa dureacutee leacutegale de conservation
A noter toutefois que pour les documents qui relegravevent du champ des archives publiques
lrsquoautorisation de destruction sera toujours soumise au visa de lrsquoadministration des archives
281 Ordonnance ndeg 2017-29 du 12 janvier 2017 relative aux conditions de reconnaissance de la force probante des
documents comportant des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel creacuteeacutes ou reproduits sous forme numeacuterique et
de destruction des documents conserveacutes sous une autre forme que numeacuterique JORF ndeg0011 du 13 janvier 2017
texte ndeg 21 282
Article L 1111-26 du Code de la santeacute publique
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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Conclusion de la section
207 Mecircme informatiseacutees les donneacutees de santeacute conservent le statut drsquoarchives hospitaliegraveres
et agrave ce titre leur archivage doit respecter la reacuteglementation en la matiegravere et notamment les
dispositions du Code du patrimoine Ces regravegles ont des conseacutequences agrave la fois sur la gestion
de la vie courante des archives numeacuteriques mais eacutegalement en ce qui concerne leur eacuteventuelle
eacutelimination Nous pouvons par ailleurs regretter les difficulteacutes drsquointerpreacutetation de certaines
de ces regravegles qui sont parfois contradictoires avec les regravegles classiques relatives agrave la gestion
des donneacutees de santeacute telles que celles qui ont trait au secret meacutedical fragilisant ainsi la
seacutecuriteacute et la confidentialiteacute des donneacutees de santeacute
208 La conservation des donneacutees de santeacute informatiseacutees a fait quant agrave elle lrsquoobjet drsquoune
reacuteelle reacuteflexion de la part du leacutegislateur conscient des enjeux qui entourent la seacutecuriteacute et la
confidentialiteacute de ces donneacutees Cela a abouti aux diffeacuterents textes et reacutefeacuterentiels qui encadrent
et organisent aujourdrsquohui lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute Ce cadre nrsquoest toutefois pas
parfait et certains ajustements permettraient drsquoen ameacuteliorer lrsquoefficaciteacute A lrsquoheure actuelle un
des enjeux essentiels de la conservation informatiseacutee des donneacutees de santeacute reste lrsquoadeacutequation
entre le deacuteveloppement de la technique et lrsquoencadrement juridique mis en place
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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Section 2 Heacutebergement et communication des donneacutees un cadre
limiteacute
209 Lrsquoanalyse des textes actuels encadrant lrsquoheacutebergement et la communication
eacutelectronique des donneacutees de santeacute nous amegravene agrave conclure que malheureusement ceux-ci se
montrent trop limiteacutes Drsquoune part le choix drsquoun heacutebergement externaliseacute des donneacutees de
santeacute amegravene les eacutetablissements agrave se poser plusieurs questions juridiques pas toutes reacutesolues
par le corpus de textes relatif agrave lrsquoheacutebergement agreacuteeacute (Paragraphe 1) Drsquoautre part
lrsquoencadrement actuel de la communication par voie eacutelectronique des donneacutees de santeacute nrsquoest
que partiellement en place et donc difficilement applicable (Paragraphe 2)
sect1 Lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute un cadre incomplet
210 Lrsquoarticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique compleacuteteacute par le deacutecret dit
heacutebergeur instaure un cadre strict relatif agrave lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute Toutefois
la creacuteation et le deacuteveloppement de cette nouvelle activiteacute posent en pratique de nombreuses
questions qui ne sont pas directement reacutesolues par ces textes Ainsi le choix de lrsquoheacutebergeur
soulegraveve des probleacutematiques concregravetes qui ne peuvent ecirctre reacutesolues qursquoen faisant appel agrave
drsquoautres regravegles de droit (A) De mecircme agrave la lecture des textes encadrant lrsquoheacutebergement des
donneacutees de santeacute il est leacutegitime de se poser la question de la reacuteelle place accordeacutee au patient
et agrave ses droits (B)
A Choix de lrsquoheacutebergeur et questions en suspens
211 Aujourdrsquohui les eacutetablissements de santeacute peuvent faire le choix drsquoecirctre leur propre
heacutebergeur de donneacutees de santeacute ou de confier cette charge agrave un tiers Cependant les choses se
compliquent quand ce tiers est un autre eacutetablissement de santeacute (1) Par ailleurs si
lrsquoeacutetablissement fait le choix de confier ses donneacutees agrave un tiers il devra alors se soumettre agrave
drsquoautres regravegles en plus de celles strictement applicables agrave lrsquoheacutebergement externaliseacute des
donneacutees de santeacute (2)
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
124
1) Lrsquohypothegravese drsquoun eacutetablissement de santeacute heacutebergeur de donneacutees
212 Un eacutetablissement de santeacute qui choisirait drsquoecirctre son propre heacutebergeur de donneacutees nrsquoa
pas agrave obtenir drsquoagreacutement En effet lrsquoarticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique est tregraves
clair agrave ce sujet et le peacuterimegravetre de lrsquoagreacutement (et agrave compter du 1er
janvier 2019 de la
certification) ne concerne que les cas dans lesquels les donneacutees ont eacuteteacute deacuteposeacutees aupregraves de
personnes tiers Mais quid dans le cas ougrave un eacutetablissement de santeacute heacutebergerait les donneacutees
drsquoun autre eacutetablissement ou un autre professionnel Cette hypothegravese existe par exemple dans
le cas de mise en place de reacuteseaux de teacuteleacutemeacutedecine En toute logique lrsquoeacutetablissement
devenant un tiers heacutebergeur devra donc reacutepondre aux obligations poseacutees par lrsquoarticle L 1111-
8 du Code de la santeacute publique ainsi que celles du deacutecret heacutebergeur Cependant une autre
question se pose alors celle de la possibiliteacute juridique pour un eacutetablissement de santeacute
drsquoassurer des missions de tiers heacutebergeur de donneacutees de santeacute En effet les eacutetablissements
publics de santeacute sont soumis au principe de speacutecialiteacute et sont donc tenus de limiter leurs
activiteacutes aux missions qui leur ont eacuteteacute fixeacutees par la loi Il ne leur est donc pas possible en
theacuteorie de sortir du champ de compeacutetence qui leur a eacuteteacute attribueacute Lrsquoheacutebergement de donneacutees
de santeacute drsquoautres eacutetablissements pourrait-il entrer dans les compeacutetences drsquoun eacutetablissement
public de santeacute
213 Les missions des eacutetablissements de santeacute sont preacutevues agrave lrsquoarticle L 6111-1 du Code de
la santeacute publique283
et lrsquoheacutebergement de donneacutees de santeacute pour le compte drsquoun autre
eacutetablissement public ou priveacute de santeacute ne fait pas partie de la liste exhaustive dresseacutee par
lrsquoarticle Toutefois lrsquoarticle L 6145-7 du Code de la santeacute publique preacutevoit quant agrave lui la
possibiliteacute pour un eacutetablissement public de santeacute sans porter atteinte au principe de speacutecialiteacute
drsquoeffectuer des prestations de service agrave titre subsidiaire Reste agrave savoir ce que recouvre cette
notion de prestation reacutealiseacute agrave titre subsidiaire
283 laquo Les eacutetablissements de santeacute publics priveacutes et priveacutes dinteacuterecirct collectif assurent dans les conditions preacutevues
par le preacutesent Code le diagnostic la surveillance et le traitement des malades des blesseacutes et des femmes
enceintes Ils deacutelivrent les soins avec heacutebergement sous forme ambulatoire ou agrave domicile le domicile pouvant
sentendre du lieu de reacutesidence ou dun eacutetablissement avec heacutebergement relevant du Code de laction sociale et
des familles Ils participent agrave la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santeacute
exerccedilant en pratique de ville et les eacutetablissements et services meacutedico-sociaux dans le cadre deacutefini par lAgence
Reacutegionale de Santeacute en concertation avec les conseils geacuteneacuteraux pour les compeacutetences qui les concernent Ils
participent agrave la mise en œuvre de la politique de santeacute publique et des dispositifs de vigilance destineacutes agrave garantir
la seacutecuriteacute sanitaire Ils megravenent en leur sein une reacuteflexion sur leacutethique lieacutee agrave laccueil et la prise en charge
meacutedicale raquo
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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214 Le juge administratif est venu apporter quelques preacutecisions agrave ce sujet Dans une
deacutecision du 29 mars 2000 la Cour administrative drsquoappel de Nantes284
a consideacutereacute qursquoune
prestation de blanchisserie assureacutee par un eacutetablissement public de santeacute au profit drsquoune
clinique priveacutee nrsquoentrait pas dans les critegraveres de lrsquoarticle L 6145-7 du Code de la santeacute
publique degraves lors que lrsquoactiviteacute concerneacutee est sans rapport avec les missions deacutevolues aux
eacutetablissements de santeacute Pour le juge administratif une activiteacute exerceacutee agrave titre subsidiaire doit
donc obligatoirement constituer le prolongement drsquoune activiteacute principale drsquoun eacutetablissement
public de santeacute Certains auteurs voient dans cette jurisprudence lrsquoaffirmation selon laquelle
un eacutetablissement public de santeacute ne pourrait pas ecirctre heacutebergeur de donneacutees de santeacute
consideacuterant que lrsquoarticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique laquo nrsquoavait pas pour but
drsquoouvrir un potentiel drsquoactiviteacute commercial aux eacutetablissements publics eux-mecircmes raquo285
215 Pourtant aujourdrsquohui plusieurs eacutetablissements de santeacute sont devenus heacutebergeurs
agreacuteeacutes de donneacutees de santeacute Crsquoest le cas par exemple du Centre Hospitalier Universitaire de
Nice qui a reccedilu trois agreacutements diffeacuterents pour lrsquoheacutebergement de donneacutees de santeacute Deux
drsquoentre eux concernent lrsquoutilisation drsquoune application informatique speacutecifique (les applications
e-nadis et Calliope) et le troisiegraveme concerne lrsquoexploitation et la gestion par le CHU drsquoune
plateforme technique sur laquelle sont heacutebergeacutees des applications de ses partenaires Les
Hospices Civils de Lyon sont eacutegalement agreacuteeacutes pour lrsquoheacutebergement drsquoapplications geacuterant des
donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel tout comme lrsquoAssistance Publique des Hocircpitaux de
Paris et lrsquoAssistance Publique des Hocircpitaux de Marseille Enfin le CHU de Nantes a quant agrave
lui reccedilu un agreacutement pour une activiteacute drsquoheacutebergement assez large puisqursquoil est agreacuteeacute pour
laquo une prestation drsquoheacutebergement drsquoapplications fournies par les clients et geacuterant des donneacutees
de santeacute agrave caractegravere personnel ainsi que pour une prestation drsquoheacutebergement de serveurs
contenant des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel raquo286
Les eacutetablissements publics de
santeacute sont donc en train de deacutevelopper une reacuteelle activiteacute drsquoheacutebergement de donneacutees de santeacute
216 De notre point de vue il semble raisonnable drsquoenvisager la possibiliteacute pour les
eacutetablissements publics de santeacute de deacutevelopper ce type drsquoactiviteacute En effet ce sont bien les
eacutetablissements de santeacute qui sont les plus agrave mecircme de prendre en compte agrave la fois les
284 CAA Nantes 29 mars 2000 Centre Hospitalier de Morlaix ndeg 97NT00451
285 MARZOUG Sanaa laquo Lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel des eacutetablissements de
santeacute quelques repegraveres juridiques raquo Actualiteacutes JuriSanteacute ndeg 74 2011 p 5 286
Description disponible sur le site de lrsquoASIP santeacute [httpesantegouvfr] consulteacute le 2 mars 2017
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
126
contraintes techniques et juridiques qui les entourent mais eacutegalement de concilier les besoins
des professionnels de santeacute avec la confidentialiteacute et la seacutecuriteacute dus aux donneacutees de santeacute des
patients De plus une interpreacutetation plus souple de lrsquoarticle L 6111-1 du Code de la santeacute
publique permet drsquoenvisager lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute comme eacutetant le
prolongement direct de la mission principale des eacutetablissements publics de santeacute qursquoest le
diagnostic la surveillance et le traitement des malades des blesseacutes et des femmes enceintes
Les eacutetablissements de santeacute ne peuvent pas ou ne souhaitent pas heacuteberger de donneacutees
de santeacute disposent drsquoautres solutions soumises au respect preacutealable de certaines conditions
2) Quelles conditions pour le choix du tiers heacutebergeur
217 Si un eacutetablissement de santeacute fait le choix de confier ses donneacutees de santeacute agrave un tiers
heacutebergeur il devra alors respecter les regravegles du droit des marcheacutes publics (a) Lrsquoeacutetablissement
de santeacute doit eacutegalement savoir qursquoil lui sera possible de coopeacuterer avec drsquoautres eacutetablissements
dans ce cadre (b)
a) Lrsquoobligation drsquoun marcheacute public
218 Lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute constitue une prestation de service reacutealiseacutee agrave titre
oneacutereux soumise agrave la conclusion drsquoun contrat entre lrsquoeacutetablissement ou le professionnel de
santeacute et lrsquoheacutebergeur de donneacutees Degraves lors dans le cas drsquoun contrat conclu entre un prestataire
heacutebergeur de donneacutees de santeacute et un eacutetablissement public de santeacute la prestation tombe sous le
coup des marcheacutes publics287
Ainsi en la matiegravere ce sont les dispositions de lrsquoordonnance ndeg
2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marcheacutes publics288
et du deacutecret ndeg 2016-360 du 25
mars 2016 relatif aux marcheacutes publics qui vont trouver agrave srsquoappliquer289
Contrairement agrave
certains auteurs290
nous consideacuterons que la prestation drsquoheacutebergement de donneacutees de santeacute doit
ecirctre vue comme une prestation de service informatique A ce titre plusieurs solutions vont
alors srsquooffrir aux eacutetablissements de santeacute Soit le marcheacute porte sur une somme en-deccedilagrave des
seuils europeacuteens fixeacutes par le regraveglement ndeg 20152170 et 20152171 du 24 novembre 2015 de
287 Articles 4 et 5 de lrsquoordonnance ndeg 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marcheacutes publics JORF ndeg0169 du
24 juillet 2015 p 12602 (Anciens articles 1 et 2 du Code des marcheacutes publics abrogeacute au 1er
avril 2016) 288
Ordonnance ndeg 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marcheacutes publics JORF ndeg0169 du 24 juillet 2015 p
12602 289
Deacutecret ndeg 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marcheacutes publics JORF ndeg0074 du 27 mars 2016 texte ndeg 28 290
MARZOUG Sanaa laquo Lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel des eacutetablissements de
santeacute quelques repegraveres juridiques raquo op cit p 5
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
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la commission modifiant respectivement les directives 201424UE et 201425UE du 26
feacutevrier 2014291
dans ce cas il est possible pour lrsquoeacutetablissement de recourir agrave une proceacutedure
adapteacutee deacutecrite lrsquoarticle 42 3deg de lrsquoordonnance de 2015 relative aux marcheacutes publics et agrave
lrsquoarticle 27 du deacutecret de 2016 relatif aux marcheacutes publics Au-delagrave de ce seuil il sera
neacutecessaire pour lrsquoeacutetablissement de recourir agrave une proceacutedure formaliseacutee parmi les proceacutedures
suivantes la proceacutedure dappel doffres292
la proceacutedure concurrentielle avec neacutegociation293
la
proceacutedure neacutegocieacutee avec mise en concurrence preacutealable294
et la proceacutedure de dialogue
compeacutetitif295
219 A titre drsquoexemple lrsquoavis public drsquoappel agrave la concurrence lanceacute par lrsquoASIP santeacute au
sujet de lrsquoheacutebergement du DMP en 2009 avait respecteacute la proceacutedure de lrsquoappel drsquooffre
europeacuteen et avait fait lrsquoobjet drsquoune publication au Bulletin Officiel des Annonces des
Marcheacutes Publics (BOAMP)296
et au Journal officiel de lrsquoUnion Europeacuteenne (JOUE)297
Une
hypothegravese existe toutefois dans laquelle un eacutetablissement public nrsquoaura pas agrave se soumettre aux
regravegles des marcheacutes publics celle drsquoune coopeacuteration avec drsquoautres eacutetablissements sur le sujet
b) Les possibiliteacutes de coopeacuteration
220 Lrsquoheacutebergement de ses donneacutees de santeacute repreacutesente pour un eacutetablissement de santeacute un
coucirct non neacutegligeable Une solution qui leur est ouverte est alors de coopeacuterer sur ce sujet avec
drsquoautres eacutetablissements afin de mutualiser les coucircts et les risques Drsquoailleurs lrsquoinformatique
est depuis longtemps une source de coopeacuterations fructueuses entre les eacutetablissements de
santeacute Il nous faut envisager drsquoabord les formes que pourrait prendre une telle coopeacuteration
avant drsquoeacutetudier ensuite les conseacutequences en termes drsquoobligations juridiques notamment pour
ces coopeacuterations Les eacutetablissements publics de santeacute qui souhaiteraient coopeacuterer dans le
cadre de lrsquoheacutebergement de leurs donneacutees de santeacute auront le choix drsquoune coopeacuteration
291 Ces seuils applicables depuis le 1er janvier 2016 sont fixeacutes agrave 209 000 euros hors taxes pour les marcheacutes de
fournitures courantes et services des eacutetablissements publics de santeacute 292
Proceacutedure par laquelle leacutetablissement va choisir loffre eacuteconomiquement la plus avantageuse sans
neacutegociation sur la base de critegraveres objectifs preacutealablement porteacutes agrave la connaissance des candidats 293
Proceacutedure par laquelle lrsquoeacutetablissement va neacutegocier les conditions du marcheacute public avec un ou plusieurs
opeacuterateurs eacuteconomiques 294
Proceacutedure par laquelle lrsquoeacutetablissement va neacutegocier les conditions du marcheacute public avec un ou plusieurs
opeacuterateurs eacuteconomiques 295
Proceacutedure dans laquelle lrsquoeacutetablissement va ecirctre ameneacute agrave dialoguer avec les candidats admis agrave participer agrave la
proceacutedure en vue de deacutefinir ou deacutevelopper les solutions de nature agrave reacutepondre agrave ses besoins et sur la base
desquelles ces candidats sont inviteacutes agrave remettre une offre 296
Reacutefeacuterence 09-219810 BOAMP ndeg198B Annonce ndeg 573 297
JOUE 2009S 198-28 5000
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
128
conventionnelle ou drsquoune coopeacuteration organique La solution de la coopeacuteration
conventionnelle doit ecirctre rapidement mise de cocircteacute pour des raisons qui ont trait agrave la fois au
principe de speacutecialiteacute298
et aux regravegles applicables en matiegravere de marcheacutes publics299
En effet
un contrat de coopeacuteration agrave titre oneacutereux passeacute entre deux ou plusieurs eacutetablissements publics
de santeacute risquerait drsquoecirctre requalifieacute en contrat de prestation300
ce qui serait alors en
opposition avec le principe de speacutecialiteacute auquel doivent obeacuteir les eacutetablissements publics de
santeacute De mecircme une coopeacuteration conventionnelle agrave titre oneacutereux entre un eacutetablissement
public de santeacute et un eacutetablissement priveacute de santeacute au sein de laquelle lrsquoeacutetablissement priveacute
heacutebergerait les donneacutees de santeacute de lrsquoeacutetablissement public pourrait ecirctre requalifieacutee en contrat
de prestation Il serait alors reprocheacute agrave lrsquoeacutetablissement public de santeacute de ne pas srsquoecirctre soumis
aux regravegles du Code des marcheacutes publics pour choisir son prestataire
221 La coopeacuteration organique semble donc ecirctre la solution la plus adapteacutee Srsquoouvre alors
pour les eacutetablissements publics de santeacute une large palette de structures agrave sa disposition Pour
notre eacutetude nous choisirons de nous concentrer sur trois structures qui nous semblent les plus
pertinentes au vue de leur objet potentiel
222 Les eacutetablissements vont pouvoir srsquoorienter drsquoabord vers le Groupement de
Coopeacuteration Sanitaire (GCS) de moyens Cet outil de coopeacuteration particuliegraverement appreacutecieacute
des eacutetablissements preacutesente lrsquoavantage de pouvoir faire coopeacuterer des eacutetablissements publics
priveacutes et mecircme des professionnels de santeacute Selon le Code de la santeacute publique301
le GCS de
moyens a pour objet de faciliter de deacutevelopper ou dameacuteliorer lactiviteacute de ses membres et
peut ecirctre constitueacute pour laquo organiser ou geacuterer des activiteacutes administratives logistiques
techniques meacutedico-techniques denseignement ou de recherche reacutealiser ou geacuterer des
eacutequipements dinteacuterecirct commun il peut le cas eacutecheacuteant ecirctre titulaire agrave ce titre de
lautorisation dinstallation deacutequipements mateacuteriels lourds mentionneacutee agrave larticle L 6122-1
permettre les interventions communes de professionnels meacutedicaux et non meacutedicaux exerccedilant
dans les eacutetablissements ou centres de santeacute membres du groupement ainsi que des
298 V Supra ndeg 212 agrave 216
299 V Supra ndeg 218 agrave 219
300 DE LARD Brigitte laquo Heacutebergement de donneacutees et coopeacuteration raquo Actualiteacutes JuriSanteacute ndeg 74 2011 p 7
301 Article L6133-1 du Code de la santeacute publique
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
129
professionnels libeacuteraux membres du groupement raquo La mutualisation de lrsquoheacutebergement de
donneacutees de santeacute semble donc ecirctre une activiteacute pouvant ecirctre porteacutee par un GCS de moyens
223 Le Groupement drsquoInteacuterecirct Public (GIP) est eacutegalement une solution de coopeacuteration
organique pour les eacutetablissements Il srsquoagit drsquoune personne morale de droit public reacutegie par le
chapitre II de la loi ndeg011-525 du 17 mai 2011 de simplification et drsquoameacutelioration de la
qualiteacute du droit302
Un GIP peut ecirctre constitueacute entre plusieurs personnes morales publiques ou
entre des personnes morales publiques et des personnes morales priveacutees Il a pour objet
drsquoexercer des activiteacutes dinteacuterecirct geacuteneacuteral agrave but non lucratif les membres du GIP mettant en
commun les moyens neacutecessaires agrave leur exercice Initialement conccedilu pour une dureacutee limiteacutee la
loi de 2011 est venue modifier cette particulariteacute Deacutesormais le GIP peut ecirctre agrave dureacutee
deacutetermineacutee ou indeacutetermineacute La dureacutee doit ecirctre preacuteciseacutee au sein de la convention constitutive
Le GIP semble ecirctre un outil adapteacute agrave la coopeacuteration entre eacutetablissements de santeacute dans le but
drsquoheacuteberger des donneacutees de santeacute
224 Enfin le Groupement drsquoInteacuterecirct Economique (GIE) est eacutegalement une solution de
coopeacuteration envisageable celui-ci pouvant ecirctre creacuteeacute entre des personnes morales de droit
priveacute et public Lrsquoobjet principal drsquoun GIE est de faciliter ou de deacutevelopper lrsquoactiviteacute
eacuteconomique de ses membres Son but nrsquoest toutefois pas de reacutealiser des beacuteneacutefices pour lui-
mecircme Dans le domaine sanitaire le GIE a principalement pour objet drsquoacqueacuterir ou de geacuterer
des eacutequipements drsquointeacuterecirct commun (bloc opeacuteratoire scanner) de mutualiser des moyens
humains locaux mateacuteriels ou de fournir aux eacutetablissements des prestations ou services
auxiliaires agrave leurs activiteacutes respectives Comme le GIP le GIE a en theacuteorie une dureacutee de vie
limiteacutee il faudra donc que les eacutetablissements qui choisissent cette forme de coopeacuteration y
soient vigilants
Une fois la structure de coopeacuteration creacuteeacutee celle-ci devra bien eacutevidemment se plier aux
exigences du deacutecret heacutebergeur et donc obtenir un agreacutement A lrsquoheure actuelle huit agreacutements
302 Loi ndeg 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et dameacutelioration de la qualiteacute du droit JORF ndeg 0115 du
18 mai 2011 p 8537
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
130
ont eacuteteacute deacutelivreacutes agrave six structures diffeacuterentes de coopeacuterations (un GIE deux GCS un GIP et
deux SIH303
)
B Quelle place laisseacutee au respect du droit des patients
225 Lrsquointeacuterecirct principal des textes encadrant lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute par des
tiers est bien entendu de proteacuteger la seacutecuriteacute et la confidentialiteacute de ces donneacutees et donc par
la mecircme occasion les inteacuterecircts des patients concerneacutes par ces donneacutees Toutefois une lecture
preacutecise des textes nous permet de constater que le droit des patients et notamment son droit
au consentement (1) nrsquoest pas particuliegraverement proteacutegeacute Le rocircle de meacutedecin de lrsquoheacutebergeur
reste cependant un rempart contre les atteintes agrave la confidentialiteacute des donneacutees (2)
1) La disparition progressive du consentement
226 Le consentement du patient eacutetait initialement un eacuteleacutement obligatoire en amont de tout
heacutebergement aupregraves drsquoun tiers (a) Mais les diffeacuterentes modifications de lrsquoarticle L 1111-8 du
Code de la santeacute publique ont transformeacute ce principe en exception (b) avant de le faire
totalement disparaitre (c)
a) Le consentement eacuteleacutement initialement essentiel agrave lrsquoheacutebergement
227 En matiegravere de soins le consentement du patient est un eacuteleacutement fondamental Le Code
de deacuteontologie meacutedicale rappelle drsquoailleurs ce principe304
et la loi du 4 mars 2002 lrsquoa eacuterigeacute en
droit essentiel du patient305
En matiegravere de protection des donneacutees personnelles faisant lrsquoobjet
drsquoun traitement automatiseacute et plus particuliegraverement dans le cas des donneacutees de santeacute la loi
Informatique et Liberteacutes a fait du consentement de la personne concerneacutee par les donneacutees une
condition sine qua non du traitement Nous avons toutefois pu constater que ce principe
comporte de nombreuses exceptions sur lesquelles nous ne reviendrons pas306
303 Les Syndicats Inter-Hospitalier sont des structures de coopeacuterations qui ont eacuteteacute supprimeacutees par la loi HPST
Les coopeacuterations qui prenaient cette forme doivent deacutesormais eacutevoluer vers une autre forme juridique 304
Article R4127-36 du Code de la santeacute publique
305 Article L 1111-4 du Code de la santeacute publique
306 V Supra ndeg 230
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
131
228 Quand il a introduit en 2002 la possibiliteacute pour un eacutetablissement ou un professionnel
de santeacute drsquoheacuteberger les donneacutees de santeacute qursquoil collecte aupregraves drsquoun tiers agreacuteeacute le leacutegislateur
nrsquoa pas oublieacute la notion de consentement du patient En effet lrsquoarticle L 1111-8 du Code de
la santeacute publique preacutevoyait la neacutecessiteacute drsquoobtenir preacutealablement agrave lrsquoexternalisation de
lrsquoheacutebergement le consentement expregraves du patient Drsquoailleurs dans les premiegraveres versions de
lrsquoarticle ce critegravere strict ne souffrait drsquoaucune exception307
On devine ici une reacuteelle volonteacute
de la part du leacutegislateur de srsquoassurer que le patient reste bien informeacute des conditions de
conservation des donneacutees de santeacute le concernant A ce titre le leacutegislateur nrsquoexigeait pas un
consentement tacite de la part du patient mais bien un consentement expregraves Cela impliquait
donc un veacuteritable travail drsquoinformation et de recueil du consentement de la part de
lrsquoeacutetablissement ou du professionnel de santeacute En pratique le respect de cette obligation
pouvait ecirctre assureacute soit par lrsquoheacutebergeur lui-mecircme soit par lrsquoeacutetablissement ou le professionnel
de santeacute qui choisissait de deacuteposer ses donneacutees par le biais drsquoun report contractuel de
lrsquoobligation Cependant ce principe a vite souffert drsquoexceptions avant de totalement
disparaicirctre
b) Le consentement du principe agrave lrsquoexception
229 La loi ndeg2007-127 du 30 janvier 2007308
en son article 25 III eacutetait venue introduire
une exception agrave cette obligation stricte du consentement expregraves en ajoutant agrave lrsquoarticle L
1111-8 du Code de la santeacute publique la mention suivante laquo les professionnels et
eacutetablissements de santeacute peuvent par deacuterogation aux dispositions de la derniegravere phrase des
deux premiers alineacuteas du preacutesent article utiliser leurs propres systegravemes ou des systegravemes
appartenant agrave des heacutebergeurs agreacuteeacutes sans le consentement expregraves de la personnes concerneacutee
degraves lors que lrsquoaccegraves deacutetenu est limiteacute au professionnel de santeacute ou agrave lrsquoeacutetablissement de santeacute
qui les a deacuteposeacutes ainsi qursquoagrave la personne concerneacutee dans les conditions preacutevues par lrsquoarticle
L 1111-7 raquo
230 Le leacutegislateur avait ainsi dans un premier temps restreint lrsquoobligation de
consentement aux seuls cas dans lesquels les donneacutees collecteacutees seraient ameneacutees agrave ecirctre
partageacutees entre plusieurs eacutetablissements ou professionnels de santeacute Cette disposition
307 Ceci nrsquoest plus le cas aujourdrsquohui V Infra ndeg 232
308 Loi ndeg 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant lordonnance ndeg 2005-1040 du 26 aoucirct 2005 relative agrave
lorganisation de certaines professions de santeacute et agrave la reacutepression de lusurpation de titres et de lexercice illeacutegal
de ces professions et modifiant le Code de la santeacute publique JORF ndeg27 du 1 feacutevrier 2007 p 1937
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
132
deacuterogatoire a constitueacute une veacuteritable remise en question de lrsquoimportance accordeacutee au
consentement du patient puisque dans les faits elle est devenue la regravegle applicable En effet
lrsquoexception preacutevue par le leacutegislateur recouvrait la majoriteacute des cas drsquoheacutebergements des
donneacutees de santeacute A titre drsquoexemple le dossier meacutedical drsquoun eacutetablissement public de santeacute
nrsquoa pas pour vocation agrave ecirctre partageacute agrave lrsquoexteacuterieur Degraves lors on pouvait consideacuterer que lrsquoaccegraves
aux donneacutees de santeacute eacutetait bien limiteacute agrave lrsquoeacutetablissement de santeacute qui les avait deacuteposeacutees et le
consentement des patients preacutealable agrave lrsquoheacutebergement aupregraves drsquoun tiers nrsquoeacutetait donc pas
neacutecessaire
Comme si cette disposition nrsquoeacutetait pas suffisante le leacutegislateur est venu en 2011
amoindrir de nouveau la porteacutee du consentement du patient dans ce contexte En effet une
disposition de la loi Fourcade modifiant la loi HPST309
eacutetait venue preacuteciser que les
eacutetablissements de santeacute qui souhaitaient confier lrsquoheacutebergement de leurs donneacutees de santeacute sur
support papier agrave des tiers agreacuteeacutes pouvaient se dispenser du consentement expregraves preacutealable si
ces donneacutees avaient eacuteteacute collecteacutees avant le 10 aoucirct 2011 date de la promulgation de la loi Le
leacutegislateur avait introduit ici une sorte de dispense geacuteneacuterale de consentement qui touchait en
pratique des quantiteacutes extrecircmement importantes de donneacutees personnelles de santeacute Au final
laquo la valeur du consentement de la personne agrave lrsquoheacutebergement de ses donneacutees fait deacutefaut
comme eacutemousseacutee au fur et agrave mesure des textes raquo310
231 Il nous semble que le leacutegislateur avait souhaiteacute simplifier pour les eacutetablissements de
santeacute et les professionnels une proceacutedure qui srsquoinscrivait deacutejagrave dans un environnement
technique et juridique complexe Drsquoailleurs le fait que cette disposition soit apparue cinq ans
apregraves la disposition relative agrave lrsquoheacutebergement agreacuteeacute des donneacutee de santeacute montrait bien que le
leacutegislateur nrsquoavait pas dans un premier temps mesureacute totalement lrsquoimpact drsquoune telle
exigence Certains auteurs ont critiqueacute cette quasi-neacutegation du consentement du patient en
contradiction avec les principes fondateurs de la loi Informatique et Liberteacutes Pourtant
lrsquoeacutevolution reacutecente de lrsquoarticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique a fait disparaitre le
consentement du patient
c) La disparition du consentement au profit de la non opposition
309 Loi ndeg 2009-879 du 21 juillet 2009 portant reacuteforme de lhocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux
territoires JORF ndeg 0167 du 22 juillet 2009 p 12184 310
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo PUN 2010 p 299
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
133
232 Le comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs dans son second rapport drsquoactiviteacute311
publieacute en
septembre 2014 srsquoeacutetait interrogeacute sur lrsquointeacuterecirct du recueil preacutealable du consentement du patient
avant la mise en place drsquoun heacutebergement externaliseacute Pour le comiteacute il eacutetait leacutegitime de poser
la question de la neacutecessite de laquo solenniser lrsquoaccord du patient pour lrsquoheacutebergement de ses
donneacutees alors que le leacutegislateur a mis en place au moyen de la proceacutedure drsquoagreacutement des
garanties fortes de seacutecuriteacute et de confidentialiteacute raquo312
Il preacuteconisait ainsi dans son rapport une
eacutevolution des textes sur ce point le recueil du consentement du patient eacutetant en pratique
difficile agrave respecter La loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute a dans son article 96
fait disparaitre de maniegravere deacutefinitive cette exigence au profit drsquoune non opposition
Deacutesormais lrsquoheacutebergement est reacutealiseacute laquo apregraves que la personne prise en charge en a eacuteteacute ducircment
informeacutee et sauf opposition de sa part pour un motif leacutegitime raquo Le leacutegislateur va donc ici
assez loin car le patient dont le consentement nrsquoest plus rechercheacute ne pourra de fait srsquoopposer
agrave lrsquoheacutebergement externaliseacute de ses donneacutees qursquoen avanccedilant un motif leacutegitime non deacutefini par
le texte
2) Le meacutedecin de lrsquoheacutebergeur garant du respect de la confidentialiteacute des donneacutees
233 Le deacutecret heacutebergeur vient introduire une nouvelle fonction celle du meacutedecin de
lrsquoheacutebergeur Selon lrsquoarticle R 1111-9 du Code de la santeacute publique ce meacutedecin est une des
personnes laquo en charge de lrsquoactiviteacute drsquoheacutebergement raquo Cette notion reste toutefois assez floue
et le leacutegislateur nrsquoapporte aucun renseignement sur les missions qui lui seraient deacutevolues
Drsquoailleurs dans son second rapport drsquoactiviteacute le Comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs preacuteconise
une intervention du leacutegislateur afin de deacutefinir clairement le rocircle du meacutedecin de lrsquoheacutebergeur
mais eacutegalement fournir un cadre reacuteglementaire preacutecis agrave lrsquoaccegraves aux donneacutees de santeacute
heacutebergeacutees par ce meacutedecin313
234 laquo Rouage important de la politique de confidentialiteacute de lrsquoheacutebergeur raquo314
il apparait
clairement que le rocircle principal du meacutedecin de lrsquoheacutebergeur consiste agrave srsquoassurer drsquoune part du
respect de la confidentialiteacute des donneacutees et drsquoautre part du droit des personnes concerneacutees
311 Rapport drsquoactiviteacute 2012-2013 du comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs disponible sur [httpesantegouvfr]
Consulteacute le 15 mai 2017 312
Rapport drsquoactiviteacute 2012-2013 du comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs disponible sur [httpesantegouvfr]
Consulteacute le 15 mai 2017 p 20 313
Id p 23 314
Livre blanc de lrsquoassociation franccedilaise des heacutebergeurs agreacuteeacutes de donneacutees de santeacute 2014 p 27
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
134
par les donneacutees qursquoelle deacutetiennent aux termes de la loi Informatique et Liberteacutes Selon
Philippe BICLET le Preacutesident du Comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs cette fonction a
eacutegalement eacuteteacute mise en place afin que laquo le secret professionnel soit proteacutegeacute lorsqursquoune
intervention humaine est neacutecessaire agrave lrsquooccasion du traitement des donneacutees ce qui est par
exemple le cas en cas drsquoincident informatique ou agrave lrsquooccasion de la restitution des donneacutees agrave
un patient ou agrave ses ayants-droits raquo315
Le Comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs a eacutegalement
preacuteciseacute les missions de ce meacutedecin de lrsquoheacutebergeur Ainsi dans son rapport drsquoactiviteacute 2006-
2011316
on apprend qursquoil peut eacutegalement ecirctre saisi afin de proceacuteder agrave certaines veacuterifications
de coheacuterence dans lrsquohypothegravese drsquoune suspicion de collision ou de doublon dans les dossiers
meacutedicaux Selon lrsquoassociation franccedilaise des heacutebergeurs agreacuteeacutes des donneacutees de santeacute ce
meacutedecin est eacutegalement tenu drsquoinsuffler une culture de la seacutecuriteacute et de la protection des
donneacutees au sein de lrsquoentreprise
235 Le meacutedecin devra bien eacutevidemment signer un contrat avec lrsquoheacutebergeur afin drsquoencadrer
son intervention Lrsquoembauche agrave temps complet drsquoun meacutedecin semble difficilement
envisageable317
et lrsquoheacutebergeur optera plutocirct pour un contrat du type prestation de service de
vacation ou encore de mise agrave disposition Dans tous les cas il est neacutecessaire de veiller agrave ce
que le meacutedecin conserve son indeacutependance deacuteontologique vis-agrave-vis de lrsquoheacutebergeur Le
Conseil National de lrsquoOrdre des Meacutedecins (CNOM) a eacutelaboreacute un modegravele de contrat type qursquoil
met agrave disposition sur son site Internet318
Lrsquointeacuterecirct principal de ce modegravele reacuteside dans la
preacutecision qui est faite des missions deacutevolues au meacutedecin de lrsquoheacutebergeur De mecircme son
indeacutependance professionnelle est rappeleacutee Il est eacutegalement preacutevu une clause afin drsquoeacuteviter
drsquoeacuteventuels conflits drsquointeacuterecircts Ainsi le meacutedecin de lrsquoheacutebergeur ne pourra ecirctre salarieacute ou
exeacutecuter des prestations de service pour le compte de personnes agrave lrsquoorigine des donneacutees de
santeacute heacutebergeacutees ou pour le compte des personnes concerneacutees par ces donneacutees Cette clause
permet drsquoeacuteviter par exemple qursquoun praticien hospitalier ait accegraves agrave lrsquoensemble des donneacutees
que son eacutetablissement fait heacuteberger de par son rocircle de meacutedecin heacutebergeur accegraves qursquoil nrsquoaurait
pas eu dans le cadre de son activiteacute normale et en application des regravegles en matiegravere de secret
partageacute Enfin il est preacutevu la communication du contrat au Conseil de lrsquoordre des meacutedecins
315 BICLET Philippe laquo Heacutebergement et eacutechange des donneacutees de santeacute raquo meacutedecine et droit 2010 pp 159-160
316 Rapport drsquoactiviteacute 2006-2011 du comiteacute drsquoagreacutement des heacutebergeurs p 19
317 ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 297
318 Modegravele disponible sur [httpswwwconseil-nationalmedecinfr] Consulteacute le 4 mai 2017
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
135
Le Comiteacute drsquoAgreacutement des Heacutebergeurs dans son premier rapport drsquoactiviteacute a regretteacute
lrsquoabsence dans ce contrat type drsquoobligation drsquoalerte aupregraves drsquoorganismes externes en cas de
deacutecouverte drsquoun manquement agrave la confidentialiteacute ceci ayant pu constituer une garantie
suppleacutementaire
sect2 La construction laborieuse du cadre relatif agrave la communication des
donneacutees de santeacute
236 La communication des donneacutees de santeacute par voie eacutelectronique reacutepond agrave des regravegles
strictes eacutedicteacutees par diffeacuterents textes successifs Cependant ce cadre preacutesente plusieurs
lacunes qui rendent son application difficile (A) Par ailleurs certaines exigences poseacutees par
la reacuteglementation applicable semblent contestables (B)
A La communication des donneacutees de santeacute des prescriptions difficilement
applicables en lrsquoeacutetat
237 Les dispositions reacutegissant les modaliteacutes de communication par voie eacutelectronique des
donneacutees de santeacute restent muettes sur certains points pourtant essentiels (1) En outre agrave lrsquoheure
actuelle des reacutefeacuterentiels neacutecessaires agrave la bonne application de ce cadre ne sont toujours pas
parus (2)
1) Des questions en suspens
238 Lrsquoarticle L 1110-4-1 du Code de la santeacute publique introduit par la loi de
modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoit qursquo laquo afin de garantir la qualiteacute et la
confidentialiteacute des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel et leur protection les
professionnels de santeacute les eacutetablissements et services de santeacute les heacutebergeurs de donneacutees de
santeacute agrave caractegravere personnel et tout autre organisme participant agrave la preacutevention aux soins ou
au suivi meacutedico-social et social utilisent pour leur traitement leur conservation sur support
informatique et leur transmission par voie eacutelectronique des systegravemes dinformation
conformes aux reacutefeacuterentiels dinteropeacuterabiliteacute et de seacutecuriteacute eacutelaboreacutes par le groupement
dinteacuterecirct public mentionneacute agrave larticle L 1111-24 Ces reacutefeacuterentiels sont approuveacutes par arrecircteacute
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
136
du ministre chargeacute de la santeacute pris apregraves avis de la Commission nationale de linformatique
et des liberteacutes raquo
239 Toutefois le texte ne preacutecise pas si ces dispositions srsquoappliquent seulement aux
eacutechanges entre professionnels de santeacute ou eacutegalement aux eacuteventuels envois de documents
meacutedicaux entre professionnels de santeacute et patients Or il est neacutecessaire de se poser la
question En effet les patients disposent drsquoun droit agrave la communication de leur dossier
meacutedical Actuellement cette communication se fait par le biais de copies du dossier papier ou
drsquoune copie sur CD du dossier informatiseacute Toutefois la question srsquoest poseacutee reacutecemment de
savoir srsquoil eacutetait possible de communiquer un dossier meacutedical informatiseacute au patient par
courrier eacutelectronique Cette question a fait lrsquoobjet drsquoun avis de la Commission drsquoAccegraves aux
Documents Administratifs (CADA) qui selon nous preacutesente quelques limites
240 En lrsquoespegravece un patient avait demandeacute au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) que
certains eacuteleacutements de son dossier meacutedical lui soient communiqueacutes et ce par courrier
eacutelectronique Le Directeur Geacuteneacuteral du CHU lui avait reacutepondu qursquoil eacutetait disposeacute agrave lui
communiquer ces eacuteleacutements sous toute autre forme Pour justifier sa reacuteponse le Directeur
Geacuteneacuteral soulignait que la deacutelibeacuteration CNIL ndeg 97-008 du 4 feacutevrier 1997319
preacuteconisait que
seules les messageries seacutecuriseacutees et recourant au chiffrement des donneacutees puissent ecirctre
utiliseacutees pour transfeacuterer des donneacutees meacutedicales nominatives En conseacutequence le Directeur
Geacuteneacuteral de lrsquoeacutetablissement qui nrsquoeacutetait pas assureacute que la messagerie du patient eacutetait
suffisamment seacutecuriseacutee avait estimeacute dans une optique de protection de la seacutecuriteacute et de la
confidentialiteacute des donneacutees que la communication du dossier ne pouvait avoir lieu par ce
biais Le patient a donc saisi la CADA drsquoune demande drsquoavis La Commission dans un avis
rendu le 25 juillet 2013320
a pour sa part consideacutereacute que cette deacutelibeacuteration de la CNIL eacutetait
reacutedigeacutee dans des termes non impeacuteratifs et concernait les transferts de donneacutees meacutedicales entre
professionnels de santeacute Elle ne pouvait donc pas ecirctre invoqueacutee pour faire obstacle agrave la
communication drsquoun dossier meacutedical agrave un patient par courrier eacutelectronique Elle a cependant
estimeacute qursquoil eacutetait neacutecessaire pour lrsquoeacutetablissement de santeacute drsquoavertir le patient des risques que
preacutesente cette modaliteacute de communication De mecircme elle a consideacutereacute que lrsquoeacutetablissement
319 Deacutelibeacuteration portant adoption dune recommandation sur le traitement des donneacutees de santeacute agrave caractegravere
personnel ndeg 97-008 du 04 feacutevrier 1997 320
Avis de la CADA ndeg 20131540 du 25 juillet 2013
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
137
pouvait tout agrave fait chiffrer les donneacutees qursquoil serait ameneacute agrave communiquer par ce biais si ses
possibiliteacutes techniques le lui permettent
241 Cet avis est agrave notre sens critiquable En effet nous ne comprenons pas ce qui
justifierait de faire une diffeacuterence entre donneacutees transmises aux professionnels de santeacute ou
donneacutees transmises aux patients Dans lrsquoabsolu les donneacutees de santeacute doivent ecirctre proteacutegeacutees le
plus strictement possible et en toutes circonstances Degraves lors il nous parait difficile
drsquoenvisager un encadrement de la communication par voie informatique des donneacutees de santeacute
qui serait diffeacuterent selon la personne agrave qui les donneacutees sont transmises Face aux risques
existants en cas drsquoutilisation drsquoune messagerie non crypteacutee nous estimons qursquoun simple
rappel aux patients des risques encourus nrsquoest pas suffisant Avant drsquoaccorder une telle
possibiliteacute il est donc neacutecessaire qursquoune technologie suffisamment seacutecuriseacutee et notamment les
messageries crypteacutees se deacuteveloppent
2) Des reacutefeacuterentiels non parus
242 Jusqursquoagrave lrsquoadoption de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute crsquoest le deacutecret
du 15 mai 2007 dit deacutecret confidentialiteacute321
qui imposait pour tout professionnel
eacutetablissement ou reacuteseau de santeacute le respect de reacutefeacuterentiels deacutefinis par arrecircteacute et pris apregraves avis
de la CNIL dans lrsquohypothegravese drsquoune conservation ou de la transmission par voie eacutelectronique
de donneacutees de santeacute De mecircme depuis les modifications apporteacutees par la loi de modernisation
de notre systegraveme de santeacute lrsquoarticle L 1110-4-1 du Code de la santeacute publique nouvellement
creacuteeacute preacutevoit lui aussi la neacutecessiteacute pour les professionnels de santeacute et eacutetablissements qui
souhaiteraient eacutechanger des donneacutees de santeacute par voie eacutelectronique de respecter certains
reacutefeacuterentiels de seacutecuriteacute publieacutes par arrecircteacute322
Cependant agrave lrsquoheure actuelle aucun reacutefeacuterentiel
nrsquoa eacuteteacute publieacute Certains reacutefeacuterentiels agrave la porteacutee plus geacuteneacuterale ont bien eacuteteacute adopteacutes par le
leacutegislateur Ainsi le Reacutefeacuterentiel Geacuteneacuteral de Seacutecuriteacute (RGS) a eacuteteacute creacuteeacute par lrsquoarticle 9 de
321 Deacutecret ndeg 2007-960 du 15 mai 2007 relatif agrave la confidentialiteacute des informations meacutedicales conserveacutees sur
support informatique ou transmises par voie eacutelectronique et modifiant le Code de la santeacute publique (dispositions
reacuteglementaires) JORF ndeg113 du 16 mai 2007 p 9362 322
Lrsquoarticle L 1110-4-1 du Code de la santeacute publique preacutevoit laquo afin de garantir la qualiteacute et la confidentialiteacute
des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel et leur protection les professionnels de santeacute les eacutetablissements et
services de santeacute les heacutebergeurs de donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel et tout autre organisme participant
agrave la preacutevention aux soins ou au suivi meacutedico-social et social utilisent pour leur traitement leur conservation
sur support informatique et leur transmission par voie eacutelectronique des systegravemes dinformation conformes aux
reacutefeacuterentiels dinteropeacuterabiliteacute et de seacutecuriteacute eacutelaboreacutes par le groupement dinteacuterecirct public mentionneacute agrave larticle L
1111-24 Ces reacutefeacuterentiels sont approuveacutes par arrecircteacute du ministre chargeacute de la santeacute pris apregraves avis de la
Commission nationale de linformatique et des liberteacutes raquo
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
138
lrsquoordonnance ndeg 2005-1516 du 8 deacutecembre 2005 relative aux eacutechanges eacutelectroniques entre les
usagers et les autoriteacutes administratives323
La version initiale du RGS (v10) a eacuteteacute rendue
officielle par arrecircteacute du Premier Ministre en date du 6 mai 2010 Une version 20 a eacuteteacute publieacutee
par arrecircteacute du Premier Ministre du 13 juin 2014 applicable depuis le 1er
juillet 2014 Selon
lrsquoAgence Nationale de Seacutecuriteacute de Systegravemes drsquoInformation (ANSSI) ce reacutefeacuterentiel permet
pour une autoriteacute administrative laquo de garantir aux citoyens et aux autres administrations que
le niveau de seacutecuriteacute de ses systegravemes drsquoinformation est bien adapteacute aux enjeux et aux risques
et qursquoil est harmoniseacute avec ceux de ses partenaires raquo Toutefois il nous semble que le
leacutegislateur dans sa reacutedaction du deacutecret confidentialiteacute entendait faire adopter des reacutefeacuterentiels
speacutecifiques aux eacutechanges de donneacutees de santeacute En effet le texte preacutecise bien qursquoil doit srsquoagir
de reacutefeacuterentiels laquo eacutelaboreacutes par le groupement dinteacuterecirct public mentionneacute agrave larticle L 1111-
24 raquo agrave savoir lrsquoASIP santeacute Le RGS bien qursquoeacutetant une possibiliteacute drsquoorientation pour les
eacutetablissements publics ne constitue donc pas le reacutefeacuterentiel de seacutecuriteacute tel que deacutefini par le
deacutecret confidentialiteacute
243 LrsquoASIP santeacute pour sa part srsquoest attacheacutee agrave reacutediger un reacutefeacuterentiel drsquointeropeacuterabiliteacute324
des systegravemes drsquoinformation en santeacute Celui-ci est disponible sur son site Internet au sein drsquoun
espace de publication appeleacute Reacutepertoire National des Reacutefeacuterentiels (RNR) Au sein de ce
reacutepertoire les eacutetablissements de santeacute peuvent consulter le Cadre drsquoInteropeacuterabiliteacute des
Systegravemes drsquoInformation de Santeacute (CI-SIS) Ce reacutefeacuterentiel a pour ambition afficheacutee de creacuteer
laquo les conditions drsquoune interopeacuterabiliteacute reproductible et efficiente entre SI de santeacute dans le
respect des exigences de seacutecuriteacute et de confidentialiteacute des donneacutees personnelles de santeacute raquo325
Le CI-SIS speacutecifie les standards qursquoil est preacutefeacuterable drsquoutiliser dans le cadre drsquoeacutechanges et de
partages de donneacutees de santeacute entre systegravemes drsquoinformations de santeacute LrsquoASIP Santeacute propose
ainsi tout un eacuteventail de documentation agrave ce sujet adapteacute aux speacutecificiteacutes de certaines
activiteacutes Toutefois ces reacutefeacuterentiels nrsquoont pas eacuteteacute publieacutes de maniegravere officielle et srsquoils restent
des documents de reacutefeacuterences pour les eacutetablissements et professionnels de santeacute ils ne leur
323 Ordonnance ndeg 2005-1516 du 8 deacutecembre 2005 relative aux eacutechanges eacutelectroniques entre les usagers et les
autoriteacutes administratives et entre les autoriteacutes administratives JORF ndeg 286 du 9 deacutecembre 2005 p 18986 324
Lrsquointeropeacuterabiliteacute des systegravemes de dossiers informatiseacutes est deacutefinie par la commission europeacuteenne comme
laquo la capaciteacute de plusieurs systegravemes de dossiers informatiseacutes de santeacute drsquoeacutechanger aussi bien des donneacutees
exploitables par un ordinateur que des informations et des connaissances demandant une intervention
humaine raquo Recommandation ndeg 2008594CE de la commission europeacuteenne du 2 juillet 2008 sur
lrsquointeropeacuterabiliteacute transfrontaliegravere des systegravemes de dossiers informatiseacutes de santeacute JOUE L 190 du 18 juillet 2008 325
Disponible sur [httpesantegouvfr] Consulteacute le 2 mai 2017
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
139
sont pas opposables juridiquement326
Mecircme srsquoil est vrai que ces reacutefeacuterentiels doivent ecirctre
constitueacutes par les acteurs compeacutetents agrave savoir lrsquoASIP Santeacute en lien avec les partenaires
industriels il est neacutecessaire de donner une force juridique agrave ces documents afin drsquoencadrer et
de seacutecuriser les pratiques des eacutetablissements et des professionnels de santeacute
B Lrsquoutilisation systeacutematique de la carte de professionnel de santeacute une
utopie abandonneacutee
244 Lapplication des regravegles relatives au partage des donneacutees ne pose pas reacuteellement de
problegraveme quand il sagit pour deux professionnels deacutechanger oralement Lexercice se
complique degraves lors que lutilisation des TIC entre en jeu En effet il va ecirctre neacutecessaire de
srsquoassurer que la personne qui cherche agrave acceacuteder agrave des donneacutees en a le droit Le professionnel
de santeacute va donc devoir srsquoidentifier puis srsquoauthentifier Il sagit ici de deux actions diffeacuterentes
une premiegravere au cours de laquelle le professionnel va deacutecliner son identiteacute et une autre qui va
permettre au professionnel de laquo prouver raquo quil est bien celui quil preacutetend ecirctre Afin de
reacutealiser ces deux actions le leacutegislateur a preacutevu dans un premier lrsquoutilisation obligatoire et
systeacutematique de la Carte de Professionnel de santeacute (CPS)327
ou drsquoun dispositif dit
eacutequivalent328
Drsquoabord mise en place pour lauthentification des professionnels de santeacute dans
le cadre de la transmission deacutemateacuterialiseacutee des feuilles de soin son utilisation a donc eacuteteacute
eacutelargie329
agrave toutes les transmissions de donneacutees de santeacute par voie eacutelectronique Il srsquoagit en
326 Ces reacutefeacuterentiels sont disponibles en ligne sur le site Internet de lrsquoASIP santeacute [httpesantegouvfr]
327 Article R 1110-3 du Code de la santeacute publique laquo en cas daccegraves par des professionnels de santeacute aux
informations meacutedicales agrave caractegravere personnel conserveacutees sur support informatique ou de leur transmission par
voie eacutelectronique lutilisation de la carte de professionnel de santeacute mentionneacutee au dernier alineacutea de larticle L
161-33 du Code de la seacutecuriteacute sociale est obligatoire raquo 328
Lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute publique dans sa reacutedaction applicable jusqursquoau 28 janvier 2016
preacutevoyait qursquo laquo afin de garantir la confidentialiteacute des informations meacutedicales mentionneacutees aux alineacuteas
preacuteceacutedents leur conservation sur support informatique comme leur transmission par voie eacutelectronique entre
professionnels sont soumises agrave des regravegles deacutefinies par deacutecret en Conseil dEtat pris apregraves avis public et motiveacute
de la Commission nationale de linformatique et des liberteacutes Ce deacutecret deacutetermine les cas ougrave lutilisation de la
carte de professionnel de santeacute mentionneacutee au dernier alineacutea de larticle L 161-33 du Code de la seacutecuriteacute
sociale ou un dispositif eacutequivalent agreacuteeacute par lorganisme chargeacute deacutemettre la carte de professionnel de santeacute est
obligatoire La carte de professionnel de santeacute et les dispositifs eacutequivalents agreacuteeacutes sont utiliseacutes par les
professionnels de santeacute les eacutetablissements de santeacute les reacuteseaux de santeacute ou tout autre organisme participant agrave
la preacutevention et aux soins raquo 329
Article L 161-33 al3 du Code de la seacutecuriteacute sociale laquo dans le cas de transmission eacutelectronique par les
professionnels organismes ou eacutetablissements dispensant des actes ou prestations remboursables par lassurance
maladie lidentification de leacutemetteur son authentification et la seacutecurisation des eacutechanges sont assureacutees par une
carte eacutelectronique individuelle appeleacutee carte de professionnel de santeacute Le contenu les modaliteacutes de deacutelivrance
et dutilisation de cette carte sont fixeacutes par deacutecret en Conseil dEtat apregraves avis de la Commission nationale
informatique et liberteacutes raquo
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
140
pratique drsquoune carte contenant les donneacutees didentification de son porteur ainsi que ses
conditions dexercice et lui permettant ainsi de sauthentifier et de signer eacutelectroniquement les
diffeacuterentes opeacuterations quil effectue (par exemple la reacutedaction dun compte rendu
dhospitalisation) Drsquoabord geacutereacutee par le GIP-CPS cette carte est actuellement distribueacutee par
lAgence des Systegravemes dInformation Partageacutees en santeacute (ASIP santeacute)330
Ce dispositif permet
indeacuteniablement drsquoassurer la seacutecuriteacute neacutecessaire aux donneacutees de santeacute Cependant plusieurs
beacutemols peuvent ecirctre apporteacutes agrave son utilisation obligatoire
245 Drsquoabord drsquoun point de vue pratique selon les chiffres de lASIP Santeacute sur les 1 178
271 cartes actives de la famille des cartes de professionnels (CPS et autres cartes eacutequivalents
diffuseacutees par lrsquoASIP santeacute) seulement 325 789 ont eacuteteacute distribueacutees au sein des eacutetablissements
de santeacute331
Cette diffeacuterence srsquoexplique notamment gracircce agrave lrsquohistorique de cette carte En effet
au vu de son objet initial cette carte est peu connue du monde hospitalier et son
deacuteveloppement au sein des eacutetablissements de santeacute est aujourdrsquohui difficile pour des raisons agrave
la fois techniques mais eacutegalement drsquohabitude En eacutetablissement de santeacute cette obligation
drsquoutiliser de maniegravere systeacutematique une carte de professionnel de santeacute ou dispositif
eacutequivalent est donc compliqueacute Par ailleurs en instaurant lrsquoutilisation obligatoire de la CPS
pour la transmission de donneacutees de santeacute par voie eacutelectronique par des professionnels de
santeacute le deacutecret confidentialiteacute a en reacutealiteacute eacutelargi le champ drsquoapplication initial de lrsquoarticle L
161-33 du Code de la seacutecuriteacute sociale qui ne preacutevoyait lrsquoutilisation de cette carte que dans les
cas de la transmission eacutelectronique des feuilles de soins deacutemateacuterialiseacutees agrave lrsquoassurance maladie
246 Le deacutecret confidentialiteacute acte reacuteglementaire a donc eacutelargi le champ drsquoutilisation de la
CPS initialement preacutevu par la loi332
Or un deacutecret ne doit pas venir modifier le champ
drsquoapplication de la loi mais simplement en deacutefinir les modaliteacutes drsquoapplication Nous sommes
donc ici face agrave un deacutecret qui eacutetait en reacutealiteacute contraire agrave la loi Ceci relegraveve comme le souligne agrave
juste titre Caroline ZORN-MACREZ drsquoune pratique contra legem333
En cela les obligations
du deacutecret eacutetaient donc inapplicables
330Arrecircteacute du 12 octobre 2009 portant approbation de la modification de la convention constitutive du
Groupement drsquoInteacuterecirct Public laquo Carte de Professionnel de Santeacute raquo JORF du 17 octobre 2009 A compter de
novembre 2009 le GIP-CPS a inteacutegreacute lrsquoASIP santeacute 331
Chiffres disponibles sur [httpesantegouvfr] consulteacutes le 1er mars 2017 332
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 269 333
Id p 269 laquo cette situation illustre parfaitement les deacutebordements drsquoune pratique reacuteglementaire ultra legem
laquelle dissimule une pratique veacuteritablement contra legem raquo
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
141
247 Ces difficulteacutes ont eacuteteacute reacutegleacutees par lrsquoarticle 96 de la loi de modernisation de notre
systegraveme de santeacute qui supprime purement et simplement lrsquoexigence de lrsquoutilisation de la CPS
ou drsquoun dispositif eacutequivalent pour la transmission de donneacutees de santeacute par voie eacutelectronique
Cette mention a donc disparu de lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute publique qui preacutevoit
deacutesormais qursquolaquo afin de garantir la qualiteacute et la confidentialiteacute des donneacutees de santeacute agrave
caractegravere personnel et leur protection les professionnels de santeacute les eacutetablissements et
services de santeacute les heacutebergeurs de donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel et tout autre
organisme participant agrave la preacutevention aux soins ou au suivi meacutedico-social et social utilisent
pour leur traitement leur conservation sur support informatique et leur transmission par voie
eacutelectronique des systegravemes dinformation conformes aux reacutefeacuterentiels dinteropeacuterabiliteacute et de
seacutecuriteacute eacutelaboreacutes par le groupement dinteacuterecirct public mentionneacute agrave larticle L 1111-24 Ces
reacutefeacuterentiels sont approuveacutes par arrecircteacute du ministre chargeacute de la santeacute pris apregraves avis de la
Commission nationale de linformatique et des liberteacutes raquo
248 Or agrave ce jour et comme nous avons pu le constater preacuteceacutedemment ces reacutefeacuterentiels
nrsquoont toujours pas eacuteteacute publieacutes et les dispositions du deacutecret confidentialiteacute applicables
preacuteceacutedemment et codifieacutes aux article R 1110-1 agrave R 1110-4 du Code de la santeacute publique ont
eacuteteacute remplaceacutes par des dispositions inteacutegreacutees par le deacutecret du 20 juillet 2016 relatif aux
conditions drsquoeacutechange et de partage drsquoinformations entre professionnels de santeacute et autres
professionnels des champs social et meacutedico-social et agrave laccegraves aux informations de santeacute agrave
caractegravere personnel334
Lrsquoencadrement de la transmission par voie informatique des donneacutees
de santeacute demeure donc aujourdrsquohui inabouti
334 Deacutecret ndeg 2016-994 du 20 juillet 2016 relatif aux conditions deacutechange et de partage dinformations entre
professionnels de santeacute et autres professionnels des champs social et meacutedico-social et agrave laccegraves aux informations
de santeacute agrave caractegravere personnel JORF ndeg0169 du 22 juillet 2016 texte ndeg 21
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
142
Conclusion de la section
249 Bien que preacutesentant certaines lacunes le deacutecret heacutebergeur et lrsquoensemble de
lrsquoencadrement et des proceacutedures relatives agrave lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute aupregraves drsquoun
tiers permettent drsquoassurer la seacutecuriteacute neacutecessaire agrave ces donneacutees Par ailleurs la reacutecente
reacutenovation du cadre de lrsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute permet de simplifier les
deacutemarches preacutealables qui srsquoimposent aux heacutebergeurs leur apportant plus de souplesse et de
reacuteactiviteacute
250 En ce qui concerne la communication des donneacutees de santeacute en revanche bien que le
leacutegislateur ait tenteacute drsquoencadrer strictement la communication par voie eacutelectronique des
donneacutees de santeacute force est de constater qursquoil a malheureusement eacutechoueacute Car mecircme si lrsquoideacutee
initiale eacutetait tregraves inteacuteressante lrsquoapplication nrsquoa pas suivi De plus lrsquoobligation drsquoutiliser de
maniegravere systeacutematique la carte de professionnel de santeacute a eacuteteacute abandonneacutee reacutecemment par le
leacutegislateur mais aucune alternative nrsquoa eacuteteacute proposeacutee
Chapitre 2 Les modaliteacutes de conservation et de communication des informations relatives aux patients
143
Conclusion du chapitre
251 Les donneacutees de santeacute dont la collecte la conservation et la communication sont
essentielles agrave la bonne prise en charge des patients se doivent drsquoecirctre suffisamment proteacutegeacutees
Leur vie de lrsquoarchivage agrave la destruction en passant par la communication est en theacuteorie
strictement encadreacutee par un ensemble de regravegles juridiques eacutepars Les donneacutees de santeacute
produites par les eacutetablissements publics de santeacute ont le statut drsquoarchives publiques De ce fait
le Code du patrimoine reacutegit leur conservation ainsi que leur destruction Mais la particulariteacute
de ces donneacutees font qursquoelles sont eacutegalement soumises agrave drsquoautres regravegles plus preacutecises
notamment en matiegravere de secret meacutedical Et crsquoest lagrave qursquoapparaissent les premiegraveres lacunes des
textes qui vont parfois entrer en contradiction Lrsquointroduction des TIC dans la pratique
meacutedicale implique une difficulteacute suppleacutementaire puisqursquoil faut deacutesormais conserver et
archiver des donneacutees de santeacute informatiseacutees
252 Malheureusement le leacutegislateur en deacutepit de ses efforts nrsquoa pas reacuteellement su faire
face agrave lrsquoarriveacutee massive des TIC et agrave lrsquoinformatisation croissante des donneacutees de santeacute Bien
que leur heacutebergement aupregraves drsquoun tiers soit correctement encadreacute le deacutecret confidentialiteacute
censeacute reacuteglementer la communication eacutelectronique des donneacutees a failli agrave sa mission et est
resteacute inapplicable Aujourdrsquohui le leacutegislateur au travers de la loi de modernisation de notre
systegraveme de santeacute et de ses textes drsquoapplication a supprimeacute les dispositions du deacutecret
confidentialiteacute Cependant agrave lrsquoheure actuelle aucune disposition ne les remplace et la
communication des donneacutees de santeacute est soumise au respect de reacutefeacuterentiels qui nrsquoont toujours
pas eacuteteacute agrave ce jour publieacutes
145
Conclusion du titre
253 Lrsquoeacutetude des modaliteacutes juridiques de lrsquoinformatisation des donneacutees de santeacute agrave lrsquohocircpital
nous a conduit agrave constater que le cadre juridique applicable se reacutevegravele complexe agrave appreacutehender
Regravegles de droit commun regravegles speacutecifiques et exceptions aux regravegles se superposent et ce
cadre peut parfois devenir illisible Il faut dire que le leacutegislateur a la lourde tacircche de proteacuteger
ces donneacutees particuliegraverement sensibles tout en permettant aux eacutetablissements et aux
professionnels de santeacute de mener agrave bien leurs missions Un juste eacutequilibre doit donc ecirctre
trouveacute A lrsquoheure actuelle lrsquoencadrement juridique de la naissance la communication la
conservation et la destruction des donneacutees de santeacute informatiseacutees fait lrsquoobjet de textes eacutepars
Certains drsquoentre eux ont montreacute leurs limites et le leacutegislateur srsquoemploie agrave moderniser un cadre
parfois trop rigide
Lrsquoinformatisation des donneacutees de santeacute nrsquoest qursquoune partie du rocircle joueacute par les TIC
dans la pratique meacutedicale et leur utilisation dans la prise en charge du patient a pris une place
importante Il nous apparait alors neacutecessaire de srsquoarrecircter sur le cadre juridique qui permet
aujourdrsquohui une telle utilisation
TITRE 2
TIC ET PRISE EN CHARGE MEDICALE UN
CADRE EN EVOLUTION
148
laquo Favoriser la coordination des professionnels de santeacute et leur coopeacuteration eacutetroite pour
ameacuteliorer la prise en charge des malades tel est le but de lrsquoutilisation des TIC [hellip] raquo335
254 Lrsquoutilisation des TIC dans la pratique meacutedicale ne se limite pas agrave lrsquoinformatisation des
donneacutees de santeacute Au contraire celle-ci nrsquoest qursquoune eacutetape permettant le deacuteveloppement de la
deacutemateacuterialisation de la prise en charge du patient et en la matiegravere les possibiliteacutes techniques
sont nombreuses Ces derniegraveres anneacutees ont vu se deacutevelopper de nombreuses initiatives en ce
sens Cependant une fois encore les possibiliteacutes techniques doivent ecirctre mises au regard de
lrsquointeacuterecirct du patient et la protection de ses droits et un juste eacutequilibre doit ecirctre trouveacute
255 Dans le but drsquoameacuteliorer la coordination et la qualiteacute des soins et dans la suite logique
de lrsquoinformatisation des donneacutees de santeacute les dossiers meacutedicaux deacutemateacuterialiseacutes et partageacutes se
sont deacuteveloppeacutes Si la plupart drsquoentre eux relegravevent du reacutegime de droit commun le leacutegislateur
a creacuteeacute un laquo reacutegime speacutecifique exorbitant de droit commun raquo336
au Dossier Meacutedical Partageacute
(DMP) Le deacuteveloppement de ce type de dossier repreacutesente une premiegravere eacutetape dans la
deacutemateacuterialisation de la prise en charge du patient (Chapitre premier) sur laquelle il nous faut
nous attarder Mais les TIC permettent eacutegalement drsquoenvisager une prise en charge agrave distance
des patients bousculant ainsi les codes et les regravegles en place depuis de nombreuses anneacutees en
la matiegravere Une eacutetude du cadre juridique naissant de cette pratique nous apparait alors
neacutecessaire (chapitre second)
335 FIESCHI Marius laquo Les donneacutees du patient partageacutees la culture du partage et de la qualiteacute des informations
pour ameacuteliorer la qualiteacute des soins raquo rapport au ministre de la santeacute de la famille et des personnes handicapeacutees
janvier 2003 p 8 336
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo PUN p 305
149
Chapitre 1
La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux
lrsquoexemple du DMP
256 Depuis plusieurs anneacutees maintenant les rapports officiels se multiplient au sujet de
lrsquoutilisation des TIC dans le domaine de la santeacute et plus speacutecifiquement dans le cadre de la
mise en place de dossiers informatiseacutes Le but ultime est bien entendu la creacuteation drsquoun
dossier informatiseacute partageacute un outil permettant de favoriser une meilleure coordination des
professionnels une ameacutelioration de la qualiteacute de la prise en charge et donc un meilleur eacutetat de
santeacute global
257 Les eacutetablissements de santeacute ont deacutejagrave depuis plusieurs dizaines drsquoanneacutees commenceacute
lrsquoinformatisation de leur dossier meacutedical Celle-ci se fait de maniegravere progressive et les
eacutetablissements de santeacute ne sont pas tous agrave lrsquoheure actuelle au mecircme stade de deacuteveloppement
Lrsquoinformatisation complegravete drsquoun dossier meacutedical demande en effet du temps mais eacutegalement
des moyens agrave la fois financiers et humains Lrsquoeacutevolution technologique doit par ailleurs ecirctre
accompagneacutee par une bonne gestion manageacuteriale de la conduite du changement
258 Il apparait eacutevident que les enjeux de lrsquoinformatisation du dossier meacutedical sont
importants (ameacutelioration de la prise en charge du patient meilleure coordination outil plus
facile drsquoaccegraves hellip) et ceux-ci deacutepassent les portes de lrsquohocircpital Le recueil la conservation et le
partage de donneacutees issues du soin agrave un niveau reacutegional voire national font partie des
preacuteoccupations des pouvoirs publics depuis plus de dix ans Ainsi face aux succegraves de certains
de nos voisins europeacuteens et deacutecideacute agrave mettre en place un dossier partageacute unique le leacutegislateur
est venu creacuteer en 2004 le Dossier Meacutedical Partageacute (DMP) (Section I) Depuis ce dossier et
surtout son encadrement juridique nrsquoont cesseacute drsquoeacutevoluer pour tenter de faire face aux eacutechecs
et aux critiques que le projet subi (Section II)
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
150
Section 1 Le DMP un Dossier meacutedical eacutelectronique institutionnel
259 Alors que les projets drsquoinformatisation des dossiers meacutedicaux se deacuteveloppent au sein
des eacutetablissements de santeacute et ce de faccedilon plutocirct disparate chaque eacutetablissement eacutetant libre de
choisir comment il va organiser du point de vue pratique et technique lrsquoinformatisation de son
dossier meacutedical le leacutegislateur a fait le pari en 2004 de lancer un dossier informatiseacute partageacute
entre tous les professionnels de santeacute ameneacutes agrave prendre en charge un mecircme patient
Lrsquooriginaliteacute du projet reacuteside dans le fait que ce dossier peut eacutegalement ecirctre consulteacute
directement par le patient
260 Toutefois perdu dans la masse de lrsquoensemble des dossiers meacutedicaux eacutelectroniques
qui se deacuteveloppent il est parfois difficile drsquoenvisager quelle est la place du DMP (Paragraphe
1) Drsquoailleurs cela nrsquoest pas eacutetranger au fait que depuis sa creacuteation son cadre juridique eacutevolue
de maniegravere heacutesitante (Paragraphe 2)
sect1 La place incertaine du DMP dans le champ des dossiers meacutedicaux
261 DME DMI DMP DP Les acronymes sont aujourdrsquohui nombreux et il devient
difficile de se retrouver dans le champ des diffeacuterentes acceptions du dossier meacutedical Et il est
tout autant difficile de reacuteussir agrave deacutelimiter la place et le rocircle deacutedieacutes au DMP dans cet ensemble
disparate
Pour reacuteussir cet exercice il est neacutecessaire de srsquoessayer dans un premier temps agrave
deacutelimiter les contours et le cadre juridique qui serait applicable aux dossiers meacutedicaux
eacutelectroniques terme finalement le plus geacuteneacuteral et le plus englobant qui reacuteunit lrsquoensemble des
diffeacuterents dossiers informatiseacutes (A) Cet exercice termineacute il nous sera neacutecessaire de tenter
drsquoarticuler les diffeacuterents dossiers entre eux afin de chercher agrave savoir dans quelle mesure ils se
complegravetent etou sont redondants (B) Cela aura pour but principal bien sucircr de chercher agrave
savoir ougrave se situe le DMP dans le paysage des dossiers meacutedicaux
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
151
A Tentative de deacutelimitation du cadre juridique des DME
262 Terme couramment utiliseacute notamment par les professionnels des systegravemes
drsquoinformation hospitaliers le Dossier Meacutedical Electronique (DME) nrsquoest pourtant pas
juridiquement deacutefini de maniegravere claire Or il est facile de se perdre dans les meacuteandres des
deacutenominations diverses qui existent actuellement pour deacutesigner le dossier meacutedical Ainsi
pour nous eacuteclairer agrave ce sujet il est neacutecessaire de tenter de deacutelimiter les contours du DME (2) agrave
la lumiegravere des diffeacuterentes formes que peut prendre le dossier meacutedical (1)
1) Le dossier meacutedical un dossier aux formes multiples
263 Bien que le dossier meacutedical soit un outil deacutesormais solidement ancreacute dans les pratiques
des professionnels de santeacute celui-ci ne dispose pas de reacuteelle deacutefinition juridique En effet il
nrsquoest finalement deacutefini que par le biais de son contenu ou de ses modes drsquoaccegraves et de
communication337
Or il existe agrave lrsquoheure actuelle un nombre important de dossiers diffeacuterents
qui contiennent des donneacutees meacutedicales de patients et qui sont utiliseacutes pour leur suivi Pour
reprendre les propos de Philippe BICLET laquo derriegravere le terme geacuteneacuterique de dossier meacutedical
se cachent des reacutealiteacutes bien diffeacuterentes raquo338
264 Dossier de suivi meacutedical dossier hospitalier dossier patient dossier meacutedical
informatiseacute dossier meacutedical personnel dossier pharmaceutique dossier de reacuteseau les
deacutenominations sont aujourdrsquohui nombreuses et il est parfois difficile de clairement identifier
de quel outil il srsquoagit Or pour mieux appreacutehender le DME et le DMP il nous semble
important de deacutelimiter drsquoabord les contours de ces diffeacuterents dossiers Pour ce faire nous
faisons le choix de concentrer nos travaux sur les seuls dossiers ayant un encadrement
juridique preacutecis En effet comme nous le verrons plusieurs deacutenominations regroupent en
reacutealiteacute la mecircme chose
265 Drsquoun point de vue strictement juridique quatre types de dossiers existent reacuteellement
Le plus connu ou tout du moins le mieux identifieacute en pratique est le dossier meacutedical dont le
337 GIOCANTI Dominique laquo Les diffeacuterentes acceptions des termes dossier meacutedical et dans ce contexte
situation du dossier hospitalier raquo RGDM ndeg 37 2010 p 164 338
BICLET Philippe laquo Le dossier meacutedical dans tous ses eacutetats raquo Meacutedecine et droit 2006 p 174
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
152
contenu est deacutefini agrave lrsquoarticle R 1112-2 du Code de la santeacute publique339
et obligatoirement
preacutesent dans les eacutetablissements de santeacute publics ou priveacutes Ce dossier est couramment appeleacute
dossier hospitalier340
En reacutealiteacute il nrsquoexiste pas de texte qui le deacutefinisse juridiquement
Toutefois par le jeu des diffeacuterents articles deacutefinissant agrave la fois son contenu a minima (article
R 1112-2 du Code de la santeacute publique) ou les moyens de sa communication au patient
(article L 1111-7 du Code de la santeacute publique) il nous est possible drsquoen dresser les contours
Il apparait ainsi que ce dossier a eacuteteacute conccedilu par le leacutegislateur pour ecirctre le plus large possible et
contenir lrsquoensemble des informations meacutedicales drsquoun patient qui ont pu ecirctre collecteacutees agrave
lrsquooccasion de son seacutejour en eacutetablissement de santeacute Drsquoailleurs les autres dossiers de
professionnels se doivent drsquoecirctre regroupeacutes en son sein (crsquoest le cas par exemple du dossier
drsquoanestheacutesie ou encore du dossier de soins infirmiers) A noter que lrsquoarticle R 1112-2 preacutevoit
que le contenu eacutenonceacute est un contenu a minima Ainsi les eacutetablissements restent libres
drsquoajouter drsquoautres eacuteleacutements typiques de leur organisation interne par exemple pour compleacuteter
ce dossier Cela explique la diversiteacute actuelle qui existe en matiegravere drsquoorganisation des dossiers
meacutedicaux
266 Lrsquoarticle 45 du Code de deacuteontologie meacutedicale codifieacute agrave lrsquoarticle R 4127-45 du Code
de la santeacute publique vient pour sa part imposer agrave chaque meacutedecin la tenue drsquoune fiche
drsquoobservation pour chaque patient Celle-ci est strictement personnelle au meacutedecin et doit
ecirctre reacutedigeacutee indeacutependamment du laquo dossier de suivi meacutedical preacutevu par la loi raquo Il srsquoagit en
reacutealiteacute drsquoun dossier de suivi qui avait eacuteteacute instaureacute par la Convention Nationale des meacutedecins
suite agrave la loi du 18 janvier 1994341
Toutefois agrave lrsquoheure actuelle ceci nrsquoest plus une
obligation342
Aucun formalisme nrsquoest preacutevu par la loi concernant ces notes et il nrsquoest pas
rare encore aujourdrsquohui que celles-ci soient tenues par les meacutedecins sur de simples fiches
cartonneacutees sans reacuteelle organisation Comme le souligne agrave juste titre le Professeur Marius
FIESCHI dans son rapport343
ce type de dossier meacutedical prend plutocirct la forme drsquoun dossier
339 Article R 1112-2 du Code de la santeacute publique laquo un dossier meacutedical est constitueacute pour chaque patient
hospitaliseacute dans un eacutetablissement de santeacute public ou priveacute raquo 340
V en ce sens GIOCANTI Dominique laquo Les diffeacuterentes acceptions des termes laquo dossier meacutedical raquo et dans ce
contexte situation du dossier hospitalier raquo op cit VEILLEROT Guy laquo Le dossier hospitalier raquo RGDM ndeg37
2010 pp 177-183 341
Loi ndeg 94-43 du 18 janvier 1994 relative agrave la santeacute publique et agrave la protection sociale JORF ndeg15 du 19
janvier 1994 p 960 342
BICLET Philippe laquo Le dossier meacutedical dans tous ses eacutetats raquo op cit p 174 343
FIESCHI Marius laquo Les donneacutees du patient partageacutees la culture du partage et de la qualiteacute des informations
pour ameacuteliorer la qualiteacute des soins raquo Rapport au ministre de la santeacute de la famille et des personnes handicapeacutees
op cit
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
153
drsquoarchives et ne correspond pas agrave un dossier partageacute qui serait un outil de coordination pour
les professionnels de santeacute
Toutefois ces derniegraveres anneacutees le leacutegislateur dans la suite des preacuteconisations du
rapport FIESCHI notamment qui procircnait la mise en place drsquoun dossier patient partageacute est
venu creacuteer deux dossiers informatiseacutes et partageacutes
267 Le premier et celui qui agrave lrsquoheure actuelle a rencontreacute le plus franc succegraves est le
dossier pharmaceutique (ou DP) introduit au Code de la seacutecuriteacute sociale par la loi du 30
janvier 2007344
Il srsquoagit drsquoun dossier destineacute exclusivement aux pharmaciens et qui permet
par le biais de la carte vitale du patient de consulter lrsquoensemble des meacutedicaments deacutelivreacutes au
cours des quatre derniers mois Initialement conccedilu comme un outil au service du DMP afin
drsquoalimenter le volet meacutedicaments de celui-ci le DP a veacutecu une premiegravere phase
drsquoexpeacuterimentation entre 2007 et deacutecembre 2008 phase deacuteveloppeacutee agrave lrsquoinitiative du Conseil
National de lrsquoOrdre des Pharmaciens Le deacutecret ndeg 2008-1326 du 15 deacutecembre 2008 relatif au
dossier pharmaceutique345
a geacuteneacuteraliseacute ce processus lrsquoensemble des pharmacies drsquoofficines
eacutetant appeleacutees agrave se doter de lrsquooutil Puis la loi HPST346
a introduit lrsquoarticle L 1111-23 au
Code de la santeacute publique qui preacutevoit lrsquoouverture pour chaque beacuteneacuteficiaire de lrsquoassurance
maladie et avec son consentement drsquoun dossier pharmaceutique dont le but afficheacute est de
favoriser la coordination la qualiteacute la continuiteacute des soins et la seacutecuriteacute de la dispensation des
meacutedicaments347
Cet article preacutevoit eacutegalement que la mise en œuvre du DP est assureacutee par le
Conseil National de lrsquoOrdre des pharmaciens En pratique seul un pharmacien drsquooffice ou
344 Loi ndeg 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant lordonnance ndeg 2005-1040 du 26 aoucirct 2005 relative agrave
lorganisation de certaines professions de santeacute et agrave la reacutepression de lusurpation de titres et de lexercice illeacutegal
de ces professions et modifiant le Code de la santeacute publique JORF ndeg27 du 1 feacutevrier 2007 p 1937 345
Deacutecret ndeg 2008-1326 du 15 deacutecembre 2008 relatif au dossier pharmaceutique JORF ndeg0293 du 17 deacutecembre
2008 p 19237 346
Loi ndeg 2009-879 du 21 juillet 2009 portant reacuteforme de lhocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux
territoires JORF ndeg0167 du 22 juillet 2009 p 12184 347
Article L 1111-23 du Code de la santeacute publique laquo afin de favoriser la coordination la qualiteacute la continuiteacute
des soins et la seacutecuriteacute de la dispensation des meacutedicaments produits et objets deacutefinis agrave larticle L 4211-1 il est
creacuteeacute pour chaque beacuteneacuteficiaire de lassurance maladie avec son consentement un dossier pharmaceutique Sauf
opposition du patient quant agrave laccegraves du pharmacien agrave son dossier pharmaceutique et agrave lalimentation de celui-
ci tout pharmacien dofficine est tenu dalimenter le dossier pharmaceutique agrave loccasion de la dispensation
Dans les mecircmes conditions les pharmaciens exerccedilant dans une pharmacie agrave usage inteacuterieur peuvent consulter et
alimenter ce dossier Les informations de ce dossier utiles agrave la coordination des soins sont reporteacutees dans le
dossier meacutedical personnel dans les conditions preacutevues agrave larticle L 1111-15 La mise en œuvre du dossier
pharmaceutique est assureacutee par le Conseil national de lordre des pharmaciens mentionneacute agrave larticle L 4231-2
Un deacutecret en Conseil dEtat pris apregraves avis de la Commission nationale de linformatique et des liberteacutes et du
Conseil national de lordre des pharmaciens fixe les conditions dapplication du preacutesent article raquo
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
154
exerccedilant au sein des pharmacies agrave usage interne (PUI) peut consulter et alimenter ce dossier
Toutefois il est preacutevu agrave terme que le DP soit inteacutegreacute au DMP tout du moins en partie et soit
donc de ce fait consultable par les autres professionnels de santeacute
268 Enfin le dossier meacutedical partageacute (DMP) qui fait lrsquoobjet drsquoune eacutetude pousseacutee tout au
long de notre chapitre est le projet de dossier meacutedical partageacute le plus complet tout du moins
en theacuteorie reflet de la volonteacute du leacutegislateur drsquoinstaurer un dossier partageacute par tous les
professionnels de santeacute intervenant dans la prise en charge drsquoun patient
Il est utile de signaler que des dispositifs alternatifs au dossier meacutedical existent
eacutegalement Citons plus particuliegraverement en ce sens le carnet de santeacute creacuteeacute par les articles R
162-1 agrave R 162-1-6 du Code de seacutecuriteacute sociale qui quant agrave lui visait plutocirct agrave permettre une
continuiteacute et une coordination des soins plus qursquoun archivage des informations meacutedicales
2) Deacutelimitation des contours du DME
Couramment les termes Dossier Meacutedical Electronique (DME) et de Dossier Meacutedical
Informatiseacute (DMI) sont utiliseacutes de maniegravere indiffeacuterente Nous choisirons ici de suivre ce
courant et de ne pas distinguer lrsquoun et lrsquoautre
269 Le dossier meacutedical eacutelectronique (DME) nrsquoest pas reacuteellement un dossier agrave part entiegravere
clairement deacutefini par les textes Il srsquoagit plutocirct drsquoun concept drsquoune terminologie geacuteneacuterale
employeacutee pour deacutesigner finalement lrsquoensemble des dossiers patients conserveacutes sur support
informatique Selon Bruno ROUSSEL le DME laquo est le mot utiliseacute par les professionnels de
lrsquoinformatique meacutedicale pour deacutesigner les dossiers patients informatiseacutes dans le milieu
hospitalier Par extension le DME deacutesigne les systegravemes informatiques permettant de deacuteployer
ces dossiers patients eacutelectroniques raquo348
Face agrave cette observation il est neacutecessaire de se
demander si les DME seraient des outils reacuteserveacutes au milieu hospitalier comme lrsquoaffirme
lrsquoauteur Nous pensons au contraire qursquoil faut plutocirct le consideacuterer de maniegravere globale et
inteacutegrer dans cette notion lrsquoensemble des dossiers informatiseacutes peu importe que leur
utilisateur soit un centre hospitalier un professionnel de santeacute libeacuteral ou le patient lui-mecircme
348 ROUSSEL Bruno laquo Informatisation des dossiers meacutedicaux en milieu hospitalier inteacutegriteacute et opposabiliteacute
des donneacutees numeacuteriques raquo Communication Commerce Electronique 2009 eacutetude 15 p 15
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
155
dans le cadre du DMP Le DME serait alors le terme geacuteneacuteral pour deacutesigner tous les dossiers
meacutedicaux se preacutesentant sous une forme eacutelectronique et se deacuteploierait alors en diffeacuterentes sous
cateacutegories
270 Toutefois comme le souligne agrave juste titre Bruno ROUSSEL laquo il semble leacutegitime de
replacer lrsquooutil technique DME dans le contexte juridique du DMP raquo349
Autrement dit le
DME nrsquoest qursquoun outil un support technique et le DMP en serait sa deacuteclinaison concregravete
ayant une reacuteelle existence juridique En lrsquoabsence drsquoune deacutefinition strictement juridique du
DME il est inteacuteressant de se tourner vers les diffeacuterents rapports qui ont eacuteteacute produits ces
derniegraveres anneacutees au sujet de lrsquoinformatisation des donneacutees de santeacute et des dossiers meacutedicaux
et ce afin de tenter drsquoen deacutefinir les contours
271 Dans le rapport du Professeur Marius FIESCHI350
le terme de DME nrsquoapparait agrave
aucun moment Lrsquoauteur preacutefegravere utiliser le terme de dossier patient partageacute eacutetant entendu que
ce dossier simple projet agrave lrsquoeacutepoque de la reacutedaction du rapport est forceacutement un dossier
informatiseacute
Dans son rapport drsquoinformation de 2008351
consacreacute au dossier meacutedical personnel le
deacuteputeacute Jean-Pierre DOOR considegravere le DME comme eacutetant un dossier meacutedical personnel et
partageacute Il nrsquoutilise toutefois que tregraves peu de fois ce terme et ne prend donc pas la peine de le
deacutefinir Drsquoailleurs il utilise indiffeacuteremment les termes DME DMP dossier patient
eacutelectronique ou encore de dossier meacutedical informatiseacute Pour le deacuteputeacute le DMP est un DME
parmi drsquoautres
Michel GAGNEUX dans son rapport portant sur le dossier patient virtuel et partageacute
reacutedigeacute dans le cadre de la mission de relance du projet de DMP352
consacre une section agrave la
deacutefinition des diffeacuterents concepts existant en la matiegravere Ceux-ci restent cependant assez
flous mecircme pour lrsquoauteur Le terme de DME nrsquoest que peu utiliseacute dans ce rapport puisque
lrsquoauteur lui preacutefegravere lrsquoexpression de Dossier meacutedical eacutelectronique partageacute (parfois remplaceacute
349 Ibid
350 FIESCHI Marius laquo Les donneacutees du patient partageacutees la culture du partage et de la qualiteacute des informations
pour ameacuteliorer la qualiteacute des soins raquo op cit 351
Rapport drsquoinformation deacuteposeacute par la commission des affaires culturelles familiales et sociales sur le dossier
meacutedical personnel 29 janvier 2008 352
GAGNEUX Michel COMBLE Pierre-Henri De KERGOMMEAUX Loiumlc laquo Pour un dossier patient virtuel
et partageacute et une strateacutegie nationale des systegravemes drsquoinformation de santeacute raquo Recommandations agrave la ministre de la
santeacute de la jeunesse des sports et de la vie associative Avril 2008
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
156
par dossier eacutelectronique partageacute) Ainsi nous comprenons que le dossier eacutelectronique tel
que lrsquoauteur lrsquoenvisage est forceacutement partageacute Drsquoailleurs au sein drsquoun mecircme paragraphe il
utilise indiffeacuteremment les termes de dossier meacutedical eacutelectronique de dossier partageacute et de
DMP et ce pour deacutesigner un seul et mecircme outil Cela reacutevegravele selon nous le flou qui entoure
toutes ces nouvelles notions qui se deacuteveloppement autour du dossier meacutedical Lrsquoauteur tout
de mecircme de donner une deacutefinition du DME preacutecisant que celui-ci se preacutesente laquo non comme
un produit fini mais comme une dynamique de construction que lrsquoeacutevolution des usages et des
technologies faccedilonnera raquo353
Il est inteacuteressant de relever que Michel GAGNEUX diffeacuterencie
de maniegravere tregraves claire le DMP de lrsquoensemble des dossiers partageacutes Le DMP serait ainsi pour
reprendre son expression une vue particuliegravere du dossier partageacute354
tout dossier partageacute nrsquoest
pas forceacutement personnel355
et donc accessible aux patients Finalement le rapport introduit un
concept parallegravele agrave celui de DME le dossier virtuel qui se deacutefinirait comme laquo le dossier
patient unique que les technologies de lrsquoinformation permettent de preacutesenter aux utilisateurs
professionnels de santeacute ou patients sous une forme adapteacutee agrave leur contexte drsquousage agrave partir
de multiples dossiers physiquement distincts et reacutepartis raquo356
Une sorte de dossier cameacuteleacuteon
qui srsquoadapterait aux besoins drsquoinformation de chacun de ses utilisateurs
Face agrave ce flou de deacutefinitions de notions et drsquoexpressions nous prenons le parti de
tenter une deacutefinition du DME Celle-ci se doit selon nous de rester simple et la plus large
possible
272 Finalement les dossiers meacutedicaux eacutelectroniques regroupent toutes sortes de dossier
meacutedical agrave partir du moment ougrave il sera informatiseacute Il pourra eacuteventuellement ecirctre partageacute
entre professionnels de santeacute il pourra ecirctre accessible au patient comme dans le cas du DMP
ou ecirctre simplement le dossier hospitalier tel que deacutefini agrave lrsquoarticle R 1112-2 du Code de la
santeacute publique mais se preacutesentant sous une forme informatiseacutee Finalement la deacutefinition de
Bruno ROUSSEL reste selon nous la plus proche et la plus adapteacutee de la reacutealiteacute actuelle
353 Id p 28
354 Id p 30
355 Rappelons qursquoagrave la date agrave laquelle ce rapport a eacuteteacute publieacute le DMP eacutetait lrsquoacronyme de Dossier Meacutedical
Personnel Ce nrsquoest que depuis la publication de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute que le DMP
est devenue Dossier Meacutedical Partageacute 356
GAGNEUX Michel COMBLE Pierre-Henri De KERGOMMEAUX Loiumlc laquo Pour un dossier patient virtuel
et partageacute et une strateacutegie nationale des systegravemes drsquoinformation de santeacute raquo op cit p 31
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
157
Cet exercice de deacutefinition termineacute il nous est neacutecessaire de reacutefleacutechir sur la mise en œuvre
lrsquointeacuterecirct et lrsquoarticulation de lrsquoensemble de ces dossiers entre eux
B DMP DME et autres dossiers meacutedicaux une articulation indispensable
273 Le DMP eacutetait agrave lrsquoeacutepoque de sa creacuteation un projet fondamentalement novateur dans le
cadre des politiques de santeacute (1) Ce dossier atypique agrave plusieurs points de vue doit
aujourdrsquohui srsquoarticuler avec les autres dossiers meacutedicaux qui peuvent exister (2)
1) Le DMP un projet novateur
Bien que lrsquoideacutee drsquoun DMP ne soit pas nouvelle le projet dans son ensemble est dans
les faits original et innovant il constitue un veacuteritable laquo projet de socieacuteteacute qui bouleverse les
habitudes et les mentaliteacutes raquo357
274 Le projet est original car il srsquoagit du premier dossier meacutedical dont le patient est
titulaire358
En effet jusque-lagrave bien qursquoils deacutetiennent un droit drsquoaccegraves agrave leur dossier
meacutedical359
les patients nrsquoavaient pas un dossier qui leur eacutetait directement accessible drsquoune
part et clairement identifieacute comme leur appartenant drsquoautre part Car crsquoest bien lagrave lrsquooriginaliteacute
du DMP le leacutegislateur affiche degraves le deacutepart son ambition de faire du DMP le dossier du
patient Degraves les travaux parlementaires de la loi du 13 aoucirct 2004360
il est rappeleacute que laquo le
choix du gouvernement drsquoutiliser lrsquoexpression dossier meacutedical personnel plutocirct que
dossier meacutedical partageacute vise agrave souligner qursquoil srsquoagit avant tout du dossier patient raquo361
Le
nom a peut-ecirctre aujourdrsquohui changeacute le DMP eacutetant redevenu partageacute avec la loi de
modernisation de notre systegraveme de santeacute362
le principe afficheacute reste pour autant le mecircme Le
patient beacuteneacuteficie drsquoun veacuteritable controcircle sur lrsquoensemble de son dossier il controcircle son
ouverture qui est conditionneacutee agrave son consentement expregraves et eacuteclaireacute il controcircle eacutegalement sa
357 MONNIER Anne laquo Le dossier meacutedical personnel histoire encadrement juridique et perspectives raquo RDSS
2009 p 625 358
Lrsquoarticle R 1111-26 du Code de la santeacute publique dispose laquo Une fois son dossier creacuteeacute le beacuteneacuteficiaire de
lrsquoassurance maladie en devient le titulaire raquo 359
Article L 1111-7 du Code de la santeacute publique 360
Loi ndeg 2004-810 du 13 aoucirct 2004 relative agrave lassurance maladie JORF ndeg0190 du 17 aoucirct 2004 p 14598 361
VASSELLE Alain laquo Projet de loi relatif agrave lassurance maladie rapport fait au nom de la commission des
affaires sociales raquo Seacutenat ndeg 424 tome I 2004 362
Loi ndeg 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre systegraveme de santeacute JORF ndeg0022 du 27 janvier
2016 texte ndeg 1
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
158
clocircture et il deacutecide dans une certaine mesure des professionnels qui pourront y avoir accegraves
ainsi que les informations que ces professionnels pourront consulter Enfin et crsquoest lagrave un des
dispositifs les plus originaux et parfois controverseacute du DMP le patient beacuteneacuteficie drsquoun droit
de masquage sur son dossier
275 En effet cette possibiliteacute a eacuteteacute introduite par la loi de financement de la seacutecuriteacute
sociale du 19 deacutecembre 2007 pour 2008363
qui preacutevoyait que selon certaines modaliteacutes qui
devaient ecirctre fixeacutees par un deacutecret pris en Conseil drsquoEtat les informations contenues dans le
DMP pouvaient ecirctre rendues inaccessibles par le titulaire du DMP ou son repreacutesentant leacutegal
Quand lrsquoensemble des dispositions relatives au DMP ont eacuteteacute introduites dans le Code de la
santeacute publique par la loi HPST cette mesure est resteacutee Ce deacutecret nrsquoa jamais eacuteteacute adopteacute et
cette possibiliteacute est resteacutee longtemps inactive les preacutecisions regraveglementaires et pratiques
neacutecessaires agrave sa mise en œuvre nrsquoayant pas eacuteteacute adopteacutees Puis avec lrsquoultime relance du DMP
amorceacutee par la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute cette possibiliteacute a finalement
eacuteteacute confirmeacutee Le deacutecret ndeg 2016-914 du 4 juillet 2016 relatif au dossier meacutedical partageacute364
est
venu inseacuterer au sein du Code de la santeacute publique lrsquoarticle R 1111-38 qui preacutevoit que laquo le
titulaire peut deacutecider que des informations le concernant contenues dans son dossier meacutedical
partageacute ne soient pas accessibles aux professionnels de santeacute autoriseacutes agrave acceacuteder agrave son
dossier raquo
276 Le droit de masquage est donc deacutefinitivement consacreacute Le support du DMP peut lui
eacutegalement ecirctre consideacutereacute comme innovant En effet mecircme si au moment de la creacuteation du
DMP lrsquoinformation des systegravemes drsquoinformation hospitaliers avait commenceacute depuis plusieurs
anneacutees et si des dossiers meacutedicaux eacutelectroniques se deacuteveloppent lrsquoideacutee drsquoun dossier
totalement deacutemateacuterialiseacute et deacuteposeacute chez un heacutebergeur agreacuteeacute est pour sa part nouvelle Dans
un premier temps le leacutegislateur avait envisageacute la possibiliteacute de faire appel agrave plusieurs
heacutebergeurs de donneacutees diffeacuterents chaque deacutetenteur drsquoun DMP eacutetant libre de choisir
lrsquoheacutebergeur de son choix et drsquoen changer srsquoil le souhaite Toutefois cette solution lors des
premiegraveres expeacuterimentations de 2006 preacutesente vite ses limites tous les heacutebergeurs ne
proposant pas le mecircme niveau de seacutecuriteacute malgreacute les obligations auxquelles ils sont
363 Loi ndeg 2007-1786 du 19 deacutecembre 2007 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2008 JORF ndeg0296 du 21
deacutecembre 2007 p 20603 364
Deacutecret ndeg 2016-914 du 4 juillet 2016 relatif au dossier meacutedical partageacute JORF ndeg0155 du 5 juillet 2016 texte
ndeg 20
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
159
soumis365
Enfin apregraves avoir songeacute pendant un temps agrave la mise en place drsquoun heacutebergeur de
reacutefeacuterence et avoir classeacute sans suite lrsquoappel drsquooffres qui avait eacuteteacute lanceacute pour le seacutelectionner le
leacutegislateur a adopteacute366
ce qui fait aujourdrsquohui du DMP un dossier unique en son genre le
portail drsquoaccegraves unique
277 En parallegravele la politique en matiegravere drsquoheacutebergement du DMP a eacuteteacute repenseacutee et le
leacutegislateur a fait le choix drsquoun heacutebergeur unique un seul accegraves un seul heacutebergeur pour
arriver agrave un mecircme dossier pour tous les assureacutes sociaux Suite agrave un appel drsquooffre la
commission des marcheacutes de lrsquoASIP Santeacute a retenu agrave lrsquounanimiteacute de ses membres le
consortium industriel meneacute par les groupes ATOS Origin et LA POSTE et constitueacute des
socieacuteteacutes ATOS wordline SAS SANTEOS SA EXTELIA SAS HSC SOFTWAY
Medical Services EVALAB
2) Le DMP compleacutement ou concurrent des autres dossiers
laquo La multipliciteacute des informations conduit naturellement agrave celle des dossiers et cette
multipliciteacute est bien naturelle chaque professionnel de santeacute a vocation agrave avoir son dossier
sur ses patients raquo367
278 En creacuteant le DMP le leacutegislateur a souhaiteacute proposer un outil accessible agrave tous les
professionnels intervenant lors de la prise en charge drsquoun patient donneacute Toutefois comme le
souligne Franccedilois VIALLA chaque professionnel selon sa speacutecialiteacute va produire des
informations de types et formes diffeacuterentes (imagerie compte rendu reacutesultats de laboratoire
hellip) De mecircme chaque professionnel dans son exercice va tenir son propre dossier Or face agrave
la deacutemultiplication des dossiers se pose la question de savoir comment ceux-ci srsquoarticulent
entre eux Est-ce qursquoils se complegravetent Srsquoalimentent entre eux Ou alors sont-ils redondants
auquel cas certains drsquoentre eux seraient ameneacutes agrave disparaitre Finalement la question
principale qui se pose ici est de savoir si le DMP de par ses particulariteacutes est un concurrent
ou un reacuteel compleacutement aux autres dossiers
365 V Supra ndeg 179 et s
366 Loi ndeg 2007-1786 du 19 deacutecembre 2007 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2008 JORF ndeg0296 du 21
deacutecembre 2007 p 20603 367
VIALLA Franccedilois laquo Dossier patient DMP quelles frontiegraveres raquo RGDM ndeg 20 2006 p 135
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
160
279 Selon lrsquoavis du Comiteacute Consultatif National drsquoEthique (CCNE) relatif au Dossier
meacutedical Personnel et agrave lrsquoinformatisation des donneacutees368
laquo aux yeux drsquoun certain nombre
drsquoacteurs de soin la notion de dossier meacutedical personnel recouvre celle de dossier meacutedical
partageacute entre les professionnels de santeacute Les membres du corps meacutedical sont enclins agrave y voir
un outil de travail agrave usage professionnel Ils y trouvent un inteacuterecirct dans la mesure ougrave toutes les
informations utiles sont accessibles aux soignants qui en ont besoin [hellip] Ils proposent qursquoune
partie du contenu de ce dossier meacutedical partageacute puisse eacuteventuellement constituer le dossier
meacutedical personnel raquo Toutefois la fusion des deux types de dossiers est preacutesenteacutee comme
peacuterilleuse et ingeacuterable et il est fait une distinction nette entre le dossier meacutedical outil
professionnel et le DMP outil certes utile aux professionnels mais principalement agrave
destination du patient Toujours en ce sens le bilan de la mission meneacutee par Jean-Pierre
DOOR tend agrave montrer qursquoune pluraliteacute de DME nrsquoest pas agrave exclure et que les DME deacutejagrave
existants et opeacuterationnels poursuivent de toute maniegravere des objectifs plus compleacutementaires
que concurrents au DMP Ainsi le DMP serait bien un compleacutement des autres dossiers
meacutedicaux existants qursquoils soient partageacutes ou non
280 Dans le rapport consacreacute agrave la relance du DMP369
Michel GAGNEUX rappelle que le
DMP est avant tout un dossier patient plus qursquoun veacuteritable dossier meacutedical Degraves lors il nrsquoest
donc pas envisageable qursquoil vienne se substituer aux dossiers meacutedicaux tenus par les
professionnels laquo mecircme srsquoil contribue agrave les faire eacutevoluer raquo370
Lagrave encore le rocircle
compleacutementaire du DMP par rapport aux autres dossiers meacutedicaux est mis en valeur
Toutefois cette vision nrsquoest pas partageacutee par tous les auteurs Ainsi Olivier SAUTEL
considegravere que laquo le DMP viendra drsquoabord en concurrence avec le dossier papier Puis il aura
vocation agrave srsquoy substituer totalement Le dossier papier est donc voueacute agrave la disparition Crsquoest la
logique implacable de la reacuteforme DMP raquo371
281 Plusieurs critiques peuvent toutefois ecirctre eacutemises Drsquoune part lrsquoauteur confond dossier
meacutedical eacutelectronique et DMP certes lrsquoinformatisation grandissante conduira certainement agrave
368 Avis du Comiteacute National Consultatif ndeg 104 laquo le Dossier meacutedical personnel et lrsquoinformatisation des donneacutees
de santeacute raquo juin 2008 p 5 369
GAGNEUX Michel COMBLE Pierre-Henri De KERGOMMEAUX Loiumlc laquo Pour un dossier patient virtuel
et partageacute et une strateacutegie nationale des systegravemes drsquoinformation de santeacute raquo recommandations agrave la ministre de la
santeacute de la jeunesse des sports et de la vie associative avril 2008 370
Id p 27 371
SAUTEL Olivier laquo Le dossier meacutedical personnel raquo Journal de meacutedecine leacutegale 2007 p 6
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
161
lrsquoavenir la disparition des dossiers meacutedicaux papiers Mais ce sont bien diffeacuterents DME
propres agrave chaque eacutetablissement de santeacute ou professionnel de santeacute qui le remplaceront Nous
partageons ici le point de vue de Ceacutecile MANAOUIL372
et estimons que cette affirmation
relegraveve drsquoune confusion entre informatisation des dossiers meacutedicaux et instauration du DMP Il
nrsquoest pas envisageable de notre point de vue qursquoun dossier dont le patient est titulaire
vienne remplacer les dossiers professionnels que ceux-ci soient partageacutes ou non Cette
affirmation deacutenote une mauvaise compreacutehension des ambitions du DMP mais eacutegalement du
fonctionnement du systegraveme de santeacute et de lrsquoorganisation des professionnels de santeacute dans leur
pratique
282 Finalement le DMP est une vision globale de lrsquoeacutetat de santeacute du patient en cela il
permet de compleacuteter les informations que chaque professionnel de santeacute possegravede deacutejagrave
Toutefois il nous semble qursquoun professionnel de santeacute ne pourra pas deacutecemment supprimer le
propre dossier meacutedical qursquoil tient certainement plus preacutecis dans sa speacutecialiteacute que ne le sera le
DMP Le DMP ne doit pas ecirctre consideacutereacute comme concurrent ou redondant avec drsquoautres
dossiers Ce point a drsquoailleurs eacuteteacute eacuteclairci par le leacutegislateur en juillet dernier373
puisque
lrsquoarticle R 1111-28 du Code de la santeacute publique preacutevoit deacutesormais que laquo le dossier meacutedical
partageacute ne se substitue pas au dossier que tient chaque eacutetablissement de santeacute [hellip] raquo
372 MANAOUIL Ceacutecile laquo Le dossier meacutedical personnel (DMP) autopsie drsquoun projet ambitieux raquo Meacutedecine
et droit 2009 p 26 373
Deacutecret ndeg 2016-914 du 4 juillet 2016 relatif au dossier meacutedical partageacute JORF ndeg0155 du 5 juillet 2016 texte
ndeg 20
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
162
sect2 Le DMP un encadrement juridique eacutevoluant avec difficulteacutes
283 Projet en route depuis plus de dix ans le DMP rencontre de nombreuses difficulteacutes agrave
se deacutevelopper et agrave trouver sa place Drsquoailleurs la preacutecipitation et les premiegraveres orientations
balbutiantes du DMP (A) ont conduit le leacutegislateur a rapidement repenser son projet et
engager plusieurs relances devenues neacutecessaires (B)
A Les premiers pas du DMP des orientations incertaines
Le DMP est en reacutealiteacute le fruit drsquoune longue reacuteflexion relative agrave lrsquoinformatisation des
donneacutees et les principes fondamentaux qui le reacutegissent sont finalement assez classiques (1)
Toutefois au fur et agrave mesure des nombreuses critiques du projet celui-ci a ducirc srsquoadapter au
greacute notamment des diffeacuterentes lois de financement de seacutecuriteacute sociale (2)
1) Origines et principes fondamentaux du DMP
284 Lrsquoideacutee drsquoun dossier reprenant lrsquoensemble des eacuteleacutements relatifs agrave un patient et partageacute
dans un objectif de meilleure coordination entre plusieurs professionnels de santeacute diffeacuterents
nrsquoest pas nouvelle Avec lrsquointroduction et le deacuteveloppement des TIC dans la pratique
meacutedicale facilitant le partage et la diffusion de lrsquoinformation meacutedicale cette ideacutee srsquoest faite
de plus en plus preacutesente
285 Le rapport de Marius FIESCHI374
rendu en 2003 faisait drsquoailleurs eacutetat de cette
tentative depuis de nombreuses anneacutees de mettre en place un dossier partageacute Il soulignait
lrsquoeacutechec du projet de Dossier Minimum Commun (DMC) Il rappelait eacutegalement lrsquointeacuterecirct de
mettre en place un dossier visant agrave rassembler toutes les informations meacutedicales concernant
un patient modegravele correspondant alors mieux agrave la reacutealiteacute de lrsquoeacutetat de santeacute du patient car non
centreacute sur une seule pathologie Il avanccedilait alors le nom de Dossier Patient Partageacute (DPP)
374 FIESCHI Marius laquo Les donneacutees du patient partageacutees la culture du partage et de la qualiteacute des informations
pour ameacuteliorer la qualiteacute des soins raquo op cit
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
163
Se basant sur ce rapport le ministre de la santeacute de lrsquoeacutepoque M Philippe DOUSTE-
BLAZY a alors deacutecideacute drsquoen faire un projet national phare Crsquoest la loi du 13 aoucirct 2004
relative agrave lrsquoassurance maladie375
qui a creacuteeacute en son article 3 le dossier meacutedical personnel376
Les dispositions relatives au DMP ne sont alors pas nombreuses mais elles sont tregraves denses377
et inseacutereacutees aux articles L 162-36-1 agrave L 162-36-4 du Code de la seacutecuriteacute sociale Comme le
soulignait agrave juste titre Didier TRUCHET378
cette consideacuteration nrsquoest pas anecdotique
puisqursquoelle deacutetermine le champ drsquoapplication de la loi tous les beacuteneacuteficiaires de lrsquoassurance
maladie pourront ouvrir un DMP et non pas tous les patients De plus le fait que le DMP soit
creacuteeacute par une loi relative agrave lrsquoassurance maladie et ses dispositions preacutesentes dans le Code de la
seacutecuriteacute sociale marque bien lrsquoobjectif premier confieacute au DMP la reacutealisation drsquoeacuteconomies en
termes de deacutepenses de santeacute Cet objectif nrsquoa jamais eacuteteacute clairement afficheacute par le leacutegislateur
Lrsquoarticle L 161-36-1 du Code de la seacutecuriteacute sociale preacutevoyait la creacuteation du DMP
laquo afin de favoriser la coordination la qualiteacute et la continuiteacute des soins gages drsquoun bon
niveau de santeacute raquo Toutefois en preacutevoyant ce dispositif au sein drsquoune loi consacreacutee agrave
lrsquoassurance maladie et en inseacuterant son encadrement au sein du Code de la seacutecuriteacute sociale le
leacutegislateur faisait de fait du DMP un outil au service de lrsquoassurance maladie Drsquoailleurs dans
le rapport relatif au DMP de 2007 la plus grande maicirctrise des deacutepenses drsquoassurance maladie
via la diminution des actes redondants inutiles ou iatrogegravenes fait partie des quatre objectifs
initiaux constateacutes du DMP379
Lrsquoarticle 3 de la loi du 4 aoucirct 2004 a ainsi poseacute les bases
juridiques du DMP laissant agrave un deacutecret pris en Conseil drsquoEtat le soin drsquoapporter lrsquoensemble
des preacutecisions pratiques qui seront neacutecessaires agrave la bonne mise en œuvre de lrsquooutil
Cependant ce deacutecret nrsquoa jamais vu le jour
286 A lrsquoorigine les principes qui reacutegissaient le DMP sont les suivants en tant que dossier
personnel380
le DMP eacutetait placeacute sous le controcircle381
du patient celui-ci accordant ou non son
375 Loi ndeg 2004-810 du 13 aoucirct 2004 relative agrave lassurance maladie JORF ndeg0190 du 17 aoucirct 2004 p 14598
376 Alors que lrsquoarticle 3 de la loi du 4 aoucirct 2004 est venue creacuteer le Dossier Meacutedical Personnel la reacutedaction
actuelle de lrsquoarticle L 1111-5 du Code de la santeacute publique issue de la loi de modernisation de notre systegraveme de
santeacute dispose que laquo dans le respect des regravegles deacuteontologiques qui lui sont applicables ainsi que des articles L
1110-4 L 1110-4-1 et L 1111-2 chaque professionnel de santeacute quels que soient son mode et son lieu
dexercice reporte dans le dossier meacutedical partageacute [hellip] raquo 377
TRUCHET Didier laquo Que dit la loi raquo RGDM Ndeg20 2006 p 67 378
Ibid 379
Rapport sur le Dossier meacutedical personnaliseacute Inspection geacuteneacuterale des finances Inspection geacuteneacuterale des
Affaires sociales Conseil geacuteneacuterale des Technologies de lrsquoInformation novembre 2007 p 1 380
Rappelons qursquoinitialement le DMP eacutetait lrsquoacronyme de laquo dossier meacutedical personnel raquo
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
164
consentement agrave lrsquoouverture du dossier et deacutesignant les professionnels pouvant y acceacuteder Les
professionnels et les eacutetablissements de santeacute avaient quant agrave eux pour obligation drsquoalimenter
ce dossier En effet lrsquoadheacutesion et le maintien aux conventions nationales signeacutees entre
professionnels de santeacute et lrsquoassurance maladie eacutetait soumis agrave la consultation et agrave la mise agrave jour
du DMP par les professionnels En contrepartie il eacutetait eacutegalement preacutevu que le niveau de
prise en charge des actes et prestations soit subordonneacutee agrave lrsquoautorisation donneacutee par le patient
au professionnel de consulter son DMP
287 Lors de la publication de la loi cette derniegravere mesure avait eacuteteacute vivement critiqueacutee et le
Conseil Constitutionnel avait eacuteteacute saisi au motif notamment que cette disposition portait
atteinte au droit agrave la protection sociale garanti au titre du preacuteambule de la Constitution de
1946 Le Conseil Constitutionnel a toutefois consideacutereacute que laquo eu eacutegard aux finaliteacutes des
dispositions contesteacutees qui sont dune part dameacuteliorer la qualiteacute des soins dautre part de
reacuteduire le deacuteseacutequilibre financier de lassurance maladie et compte tenu de lensemble des
garanties qui viennent decirctre rappeleacutees le leacutegislateur a opeacutereacute entre les exigences
constitutionnelles en cause une conciliation qui napparaicirct pas manifestement deacuteseacutequilibreacutee
que degraves lors les griefs invoqueacutes doivent ecirctre rejeteacutes raquo382
Ainsi pour les sages du Conseil le
droit agrave la santeacute neacutecessite un systegraveme de protection sociale qui se doit drsquoecirctre en eacutequilibre
financier et par conseacutequent des concessions doivent eacutegalement ecirctre opeacutereacutees de la part des
beacuteneacuteficiaires de ce systegraveme383
Pour reprendre les mots de Franccedilois VIALLA le patient
laquo srsquoest vu reconnaitre des droits il commence agrave en deacutecouvrir les contreparties raquo384
288 La loi de 2004 soucieuse de preacuteserver le secret professionnel malgreacute la mise en place
drsquoun outil destineacute agrave ecirctre partageacute avec un grand nombre de professionnels preacutevoyait des
garanties en ce sens puisque le DMP devait ecirctre mis en place dans le respect du secret
meacutedical (article L 161-36-1) et heacutebergeacute aupregraves drsquoun heacutebergeur agreacutee la consultation se
faisant dans le respect des regravegles deacuteontologiques applicables au professionnel ainsi que dans
le respect des articles L 1110-4 et L 1111-2 du Code de la santeacute publique Enfin il eacutetait
eacutegalement preacutevu lrsquointerdiction de consulter le DMP dans certaines situations telle que lors de
381 V Supra ndeg112 agrave 119
382 Deacutecision du Conseil Constitutionnel ndeg 2004-504 du 12 aoucirct 2004 JORF ndeg190 du 17 aoucirct 2004 p 14657
383 VIALLA Franccedilois laquo Secret et DMP raquo RDS 2005 pp 42-44
384 Id p 42
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
165
la conclusion drsquoun contrat drsquoassurance par exemple ou de tout autre contrat qui neacutecessiterait
lrsquoeacutevaluation de la santeacute drsquoune personne
Cette premiegravere version du DMP a toutefois rapidement fait lrsquoobjet de critiques et
certaines eacutevolutions ont eacuteteacute instaureacutees au fil des anneacutees
2) Des eacutevolutions au greacute des critiques
289 La loi du 13 aoucirct 2004 preacutevoyait que lrsquoensemble des preacutecisions utiles agrave la mise en
place du DMP seraient apporteacutees dans un deacutecret pris en Conseil drsquoEtat Cependant bien qursquoun
projet ait eacuteteacute soumis agrave concertation publique ce deacutecret nrsquoa jamais vu le jour Certaines
preacutecisions ou modifications ont toutefois eacuteteacute apporteacutees au projet initial certaines reacutesultants
parfois des critiques eacutemises agrave lrsquoencontre du projet Ces compleacutements sont de deux ordres
Drsquoune part des eacuteleacutements pratiques ont eacuteteacute mis en place (a) et drsquoautre part des preacutecisions sur
le fonctionnement du DMP ont eacuteteacute apporteacutees (b)
a) Les apports pratiques
290 Afin de lancer la mise en œuvre pratique du DMP un GIP de preacutefiguration le GIP
DMP a eacuteteacute creacuteeacute et sa convention constitutive approuveacutee par un arrecircteacute en date du 11 avril
2005385
Il eacutetait composeacute de lEtat de la Caisse nationale dassurance maladie des travailleurs
salarieacutes et de la Caisse des deacutepocircts et consignations Son objet consistait agrave preacuteparer les
dispositions juridiques organisationnelles financiegraveres et logistiques du futur organisme
gestionnaire du dossier meacutedical personnel et den assurer les premiegraveres reacutealisations Ce
groupement devait permettre au futur organisme gestionnaire du dossier meacutedical personnel
decirctre immeacutediatement opeacuterationnel dans la perspective de la publication du deacutecret
dapplication de la loi relative agrave lassurance maladie Le GIP-DMP eacutetait donc une structure
temporaire censeacutee faciliter lrsquoexpeacuterimentation puis la mise en place du DMP ameneacutee agrave
disparaitre degraves que lrsquoorganisme gestionnaire du DMP aurait eacuteteacute mis en place et apte agrave
effectuer ses missions Cependant le leacutegislateur srsquoest reacuteveacuteleacute quelque peu preacutesomptueux sur le
calendrier de reacutealisation de ce projet bien que le groupement dinteacuterecirct public groupement de
preacutefiguration du dossier meacutedical personnel eacutetait initialement creacuteeacute pour une dureacutee de vie
385 Arrecircteacute ministeacuteriel du 11 avril 2005 portant approbation de la convention constitutive dun groupement
dinteacuterecirct public
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
166
limiteacutee puisqursquoil devait prendre fin le 31 deacutecembre 2005 celui-ci sera maintenu jusqursquoen
2009 anneacutee de mise en œuvre du programme relance du DMP
291 De maniegravere pratique une phase drsquoexpeacuterimentation autoriseacute par une deacutelibeacuteration CNIL
en date du 30 mai 2006386
a deacutebuteacute le 1er
juin de la mecircme anneacutee Le Cadre de cette
expeacuterimentation ainsi que les perspectives de geacuteneacuteralisation du DMP ont par ailleurs eacuteteacute
preacuteciseacutes par la circulaire du 28 juin 2006 relative agrave la mise en œuvre du DMP par les
eacutetablissements de santeacute387
Cette circulaire dressait eacutegalement un calendrier de deacuteploiement
particuliegraverement ambitieux puisque la phase de geacuteneacuteralisation eacutetait censeacutee deacutebuter au premier
semestre 2007
b) Les apports sur le fond
292 La loi de 2004 instaurant le DMP eacutetait loin drsquoecirctre complegravete et certaines preacutecisions ont
eacuteteacute apporteacutees par la suite Nous traiterons ici de lrsquoensemble des modifications qui ont eu lieu
sur le projet initial et non pas des modifications apparues apregraves 2009 lors des phases de
relance du DMP
293 La plupart des ajouts ont eacuteteacute apporteacutes par la loi de financement de seacutecuriteacute sociale pour
2008388
Ainsi ce texte est drsquoabord venu combler une lacune en matiegravere drsquoaccegraves au DMP par
les ayants droit En effet en cas de deacutecegraves du patient deacutetenteur drsquoun DMP rien nrsquoeacutetait preacutevu
dans la loi initiale La LFSS pour 2008 a donc appliqueacute au DMP les dispositions existantes en
matiegravere de communication du dossier meacutedical aux ayants droit drsquoun patient deacuteceacutedeacute389
Toutefois aucune preacutecision nrsquoa eacuteteacute apporteacutee au sujet des modaliteacutes pratiques drsquoaccegraves cet
accegraves doit-il se faire par le biais drsquoun professionnel de santeacute Du meacutedecin traitant Ou
encore par le concours du meacutedecin de lrsquoheacutebergeur Rien nrsquoeacutetait preacuteciseacute par cette loi et
aujourdrsquohui encore malgreacute diffeacuterentes reacuteformes390
le doute subsiste Pour notre part il nous
386 Deacutelibeacuteration CNIL ndeg2006-151 du 30 mai 2006 portant autorisation de mise en œuvre des applications
informatiques neacutecessaires agrave lexpeacuterimentation du dossier meacutedical personnel 387
Circulaire DHOSE3 ndeg 2006-281 du 28 juin 2006 relative agrave la mise en œuvre du dossier meacutedical personnel
(DMP) par les eacutetablissements de santeacute BO ndeg 20067 388
Loi ndeg 2007-1786 du 19 deacutecembre 2007 de financement de la seacutecuriteacute sociale pour 2008 JORF ndeg0296 du 21
deacutecembre 2007 p 20603 389
Lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute publique preacutevoit que laquo Le secret meacutedical ne fait pas obstacle agrave ce que
les informations concernant une personne deacuteceacutedeacutee soient deacutelivreacutees agrave ses ayants droit dans la mesure ougrave elles
leur sont neacutecessaires pour leur permettre de connaicirctre les causes de la mort de deacutefendre la meacutemoire du deacutefunt
ou de faire valoir leurs droits sauf volonteacute contraire exprimeacutee par la personne avant son deacutecegraves raquo 390
V Infra ndeg 306 agrave 309
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
167
semble que le meacutedecin traitant serait lrsquointerlocuteur le plus agrave mecircme de seacutelectionner les
documents agrave transmettre aux ayants-droits
294 La LFSS pour 2008 a eacutegalement apporteacute une modification tregraves importante dans le
fonctionnement du DMP puisqursquoelle a introduit le tregraves largement deacutebattu droit au masquage
Pas de maniegravere tregraves preacutecise il est vrai puisque le texte se bornait agrave preacutevoir qursquo laquo un deacutecret en
Conseil drsquoEtat fixe les conditions dans lesquelles certaines peuvent ecirctre rendues inaccessibles
par le titulaire du DMP ou son repreacutesentant leacutegal ainsi que les modaliteacutes selon lesquelles le
professionnel de santeacute acceacutedant au DMP a connaissance de lrsquoinscription au dossier
drsquoinformations rendues inaccessibles par son titulaire ou son repreacutesentant leacutegalraquo
Par ailleurs la LFSS pour 2008 a creacuteeacute le portail drsquoaccegraves unique au DMP qui permet
au patient de geacuterer son DMP et notamment les droits drsquoaccegraves y affeacuterant Cette disposition a
ainsi permis drsquoassurer une harmonisation en matiegravere drsquoaccegraves et drsquoutilisation de son DMP par
le patient La LFSS pour 2008 a eacutegalement eacuteteacute lrsquooccasion de supprimer une disposition
contraire au respect de certains droits fondamentaux et introduite par la loi du 5 mars 2007
instituant le droit au logement opposable391
Celle-ci permettait lrsquoaccegraves par un bailleur au
DMP drsquoun candidat agrave un logement adapteacute ou speacutecifique392
295 Enfin la loi du 30 janvier 2007393
a instaureacute non sans mal le dispositif du bris de
glace qui permet un accegraves au DMP dans les cas drsquourgences Deacutesormais dans ces situations
le consentement preacutealable du patient pour acceacuteder agrave son dossier nrsquoest plus neacutecessaire Il est
inteacuteressant de noter que cette disposition eacutetait initialement preacutevue dans la LFSS pour 2007
mais avait eacuteteacute deacuteclareacutee non conforme agrave la Constitution par une deacutecision du Conseil
constitutionnel394
391 Loi ndeg 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en
faveur de la coheacutesion sociale JORF ndeg55 du 6 mars 2007 p 4190 392
MANAOUIL Ceacutecile laquo Le dossier meacutedical personnel (DMP) autopsie drsquoun projet ambitieux raquo op cit p
29 393
Loi ndeg 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant lordonnance ndeg 2005-1040 du 26 aoucirct 2005 relative agrave
lorganisation de certaines professions de santeacute et agrave la reacutepression de lusurpation de titres et de lexercice illeacutegal
de ces professions et modifiant le Code de la santeacute publique JORF ndeg27 du 1 feacutevrier 2007 p 1937 394
Deacutecision du Conseil Constitutionnel ndeg 2004-504 du 12 aoucirct 2004 JORF ndeg190 du 17 aoucirct 2004 p14657
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
168
B Une rapide remise en question du projet initial
296 Degraves 2007 soit agrave peine trois ans apregraves la promulgation de la loi relative agrave lrsquoassurance
maladie creacuteant le DMP les premiers bilans relatifs agrave la mise en œuvre de ce dossier ont eacuteteacute
effectueacutes et leur reacutesultat a eacuteteacute neacutegatif (1) Le ministegravere a alors souhaiteacute reprendre les choses en
main et mettre en place une relance du projet (2) Celle-ci dont les reacutesultats ont eacuteteacute mitigeacutes a
donc eacuteteacute suivie drsquoune deuxiegraveme relance (3) engageacutee par le biais de la loi de modernisation de
notre systegraveme de santeacute
1) Un premier bilan neacutegatif
297 Face aux ambitions deacutemesureacutees de la loi du 13 aoucirct 2004 aux difficulteacutes agrave faire
avancer correctement le projet et agrave toutes les critiques relatives au DMP lrsquoexeacutecutif a ordonneacute
une mission interministeacuterielle de revue de projet sur le DMP afin de laquo reacutealiser un point
deacutetailleacute sur lrsquoeacutetat drsquoavancement et le pilotage de ce projet ainsi que sur sa capaciteacute de
reacutepondre aux objectifs initiaux raquo395
Cette mission a eacuteteacute confieacutee agrave lrsquoInspection geacuteneacuterale des
finances agrave lrsquoInspection geacuteneacuterale des Affaires Sociales et au Conseil geacuteneacuteral des Technologies
de lrsquoInformation Lrsquoensemble de la mission a eacuteteacute conduite par Michel GAGNEUX et un
rapport a eacuteteacute rendu en novembre 2007 (a) En parallegravele la CNIL a elle aussi rendu un
rapport portant pour sa part sur le bilan des premiegraveres expeacuterimentations du DMP (b)
a) Le rapport GAGNEUX
Ce rapport visant agrave effectuer lrsquoaudit du projet DMP sur la peacuteriode 20052007 dresse un
bilan plus que neacutegatif des premiegraveres tentatives de mise en œuvre du DMP
298 La principale critique porte sur les objectifs initiaux du leacutegislateur en matiegravere de mise
en œuvre du DMP hors drsquoatteintes A la fois les deacutelais (tout assureacute pourrait avoir un DMP
ouvert au 1er juillet 2007) le coucirct et le modegravele eacuteconomique du projet ne permettaient pas le
succegraves pourtant annonceacute de celui-ci En effet nous pensons que le leacutegislateur au lieu de
choisir la preacutecipitation aurait ducirc prendre le temps drsquoeacutetudier lrsquoorganisation deacuteployeacutee dans les
pays voisins dans le cadre de projets similaires et srsquoen inspirer directement Lrsquoeacutetude de ces
395 Lettre de mission relative agrave la mission interministeacuterielle de revue de projet sur le dossier meacutedical personnel
(DMP) rapport sur le dossier meacutedical personnel op cit
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
169
projets aurait permis selon nous de mettre en eacutevidence le caractegravere utopiste de la
meacutethodologie initiale choisie par notre leacutegislateur notamment en termes de calendrier Degraves
lors il ne peut que ressortir de ce rapport le manque de creacutedibiliteacute et de lisibiliteacute du projet du
fait des trop nombreuses zones de risques et drsquoincertitudes dans la strateacutegie mise en œuvre
Nous ne pouvons qursquoecirctre drsquoaccord avec les conclusions de ce rapport qui montrent que la
preacutecipitation a guideacute lrsquoensemble des actions mises en œuvre ce qui a joueacute en deacutefaveur du
DMP Alors mecircme que le concept et la finaliteacute du DMP nrsquoeacutetaient pas clairement preacuteciseacutes
seule la mise en œuvre technique faisait lrsquoobjet de toutes les attentions
299 La mission interministeacuterielle de revue du projet a abouti agrave sept recommandations
deacuteclarer sans suite la consultation agrave lrsquoeacutepoque en cours pour la deacutesignation de lrsquoheacutebergeur de
reacutefeacuterence sauvegarder les acquis restaurer la confiance dans le projet relancer la dynamique
du projet reacutesoudre parallegravelement les questions majeures notamment juridiques en suspens
attribuer au DMP un budget de programme et refonder la gouvernance des systegravemes
drsquoinformation dans le domaine de la santeacute Dans la fouleacutee de cet audit Michel GAGNEUX a
ensuite reacutedigeacute et preacutesenteacute un rapport en 2008 consacreacute agrave la relance du DMP396
Reprenant
pour partie les recommandations eacutenonceacutees dans son preacuteceacutedent rapport lrsquoauteur dresse les
contours de ce qui sera en 2009 avec la loi HPST les bases de la relance du DMP
b) Le bilan de la CNIL
300 Suite aux premiegraveres expeacuterimentations qui se sont deacuterouleacutees drsquoavril agrave deacutecembre 2006
la CNIL qui srsquoeacutetait prononceacutee sur les dossiers drsquoagreacutement des heacutebergeurs de donneacutees de santeacute
seacutelectionneacutes pour la phase drsquoexpeacuterimentation a controcircleacute sur site les principaux acteurs Le but
de la CNIL nrsquoeacutetait pas tant de reacutealiser un controcircle exhaustif des diffeacuterentes pratiques mais
plutocirct drsquoappreacutecier la reacutealiteacute des engagements pris par les heacutebergeurs dans le dossier
drsquoagreacutement Le bilan qui a reacutesulteacute de ces controcircles srsquoest montreacute seacutevegravere
301 Bien entendu la courte dureacutee de cette expeacuterimentation qui a reacutesulteacute drsquoun changement
de strateacutegie en cours de route nrsquoa pas permis agrave la CNIL de mesurer de maniegravere efficace le
fonctionnement des diffeacuterents acteurs Il est cependant ressorti un manque de seacutecuriteacute et une
deacutefaillance de certains heacutebergeurs de santeacute Certaines pratiques relatives agrave la communication
396 GAGNEUX Michel COMBLE Pierre-Henri FOLLIET Alain DE KERGOMMEAUX Loiumlc
LIVARTOWSKI Alain LOTH Andreacute RICHARD Denis SAURET Jacques laquo Pour un dossier patient virtuel
et partageacute et une strateacutegie nationale des systegravemes drsquoinformation de santeacute raquo rapport de la mission de relance du
DMP 23 avril 2008
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
170
au patient de son numeacutero identifiant santeacute (INS) et de son Adresse Qualiteacute Santeacute (AQS) ont
eacuteteacute pointeacutees comme de nature agrave compromettre la confidentialiteacute des informations Du cocircteacute de
lrsquoalimentation des dossiers le constat effectueacute eacutetait le mecircme les proceacutedures drsquoidentification
et drsquoauthentification des personnels ne permettaient pas de maintenir un niveau de seacutecuriteacute
suffisant
302 Lrsquoaccegraves en mode bris de glace est une autre des difficulteacutes que le controcircle de la
CNIL a mis en valeur La CNIL a pointeacute ici et agrave juste titre le caractegravere contradictoire de
certaines situations par rapport agrave la finaliteacute mecircme du mode drsquoaccegraves A titre drsquoexemple
lrsquoidentifiant du patient (AQS) devait ecirctre entreacute pour acceacuteder au DMP en mode bris de glace
Or la finaliteacute premiegravere de ce type drsquoaccegraves eacutetait pourtant drsquoaccegraveder aux donneacutees drsquoun patient
dans des cas drsquourgences notamment si celui-ci est inconscient et donc inapte agrave renseigner ce
type drsquoinformations
303 La CNIL avait aussi souleveacute lrsquoabsence de la traccedilabiliteacute des accegraves en mode bris de glace
au beacuteneacutefice du meacutedecin de lrsquoheacutebergeur dont la mission principale consistait pourtant agrave veiller
agrave la confidentialiteacute des donneacutees Le Meacutedecin de lrsquoheacutebergeur est donc bien le seul leacutegitime et
potentiellement capable drsquoalerter en cas drsquoutilisation frauduleuse ou trop importante de ce
genre drsquoaccegraves
304 Enfin et crsquoest peut-ecirctre lagrave une des probleacutematique ayant conduit agrave lrsquoeacutechec de cette
expeacuterimentation la CNIL lors de ces controcircles a constateacute que certains heacutebergeurs nrsquoavaient
pas mis en place lrsquointeacutegraliteacute de leur architecture technique preacutefeacuterant attendre la phase de
geacuteneacuteralisation avant drsquoengager les investissements neacutecessaires Or il nous semble que ce type
de comportement en plus drsquoecirctre reacuteveacutelateur drsquoune certaine meacutefiance vis-agrave-vis du projet a
conduit la phase drsquoexpeacuterimentation agrave ne pas ecirctre exeacutecuteacutee correctement ce qui a ameneacute agrave des
conclusions fausseacutees Bien entendu drsquoautres problegravemes techniques et juridiques ont eacuteteacute
releveacutes mais lrsquoimplication partielle de certains acteurs nrsquoa pas permis selon nous de soutenir
correctement le projet
305 En conclusion de ses controcircles la CNIL a rappeleacute aux heacutebergeurs de santeacute mais
eacutegalement au GIP-DMP ainsi qursquoau Ministegravere de la santeacute qursquoune authentification forte un
chiffrement complet et une information claire et complegravete des patients eacutetaient les conditions
neacutecessaires agrave remplir
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
171
En 2009 suite aux diffeacuterents rapports ayant eacutemis de nombreuses preacuteconisations sur la
reacuteforme de lrsquooutil la Ministre de la santeacute de lrsquoeacutepoque a annonceacute la mise en œuvre drsquoun plan
de relance du DMP
2) Une premiegravere relance mitigeacutee
306 Lors de son discours397
agrave lrsquooccasion drsquoun colloque consacreacute agrave la relance du DMP la
Ministre de la santeacute Madame Roselyne Bachelot avait preacutesenteacute la nouvelle feuille de route
du projet Reprenant largement les preacuteconisations deacuteveloppeacutees dans les diffeacuterents rapports
consacreacutes au sujet la Ministre avait alors annonceacute que la nature du DMP serait clarifieacutee le
dossier repositionneacute comme eacutetant un outil au service du patient et des professionnels et non
pas un outil purement technique eacuteloigneacute des reacutealiteacutes pratiques et enfin que la prioriteacute serait
donneacute aux expeacuterimentations au plus pregraves des pratiques afin drsquoadapter lrsquooutil aux mieux aux
besoins De mecircme la volonteacute de rupture vis-agrave-vis de lrsquoancien projet a eacuteteacute marqueacutee par le
changement de la gouvernance du projet lrsquoASIP santeacute a ainsi reacutecupeacutereacute la gestion du projet
Le ministegravere a essayeacute de se montrer plus prudent et raisonnable dans la mise en œuvre du
DMP Ainsi une phase drsquoexpeacuterimentation agrave lrsquoeacutechelle reacutegionale et non plus nationale a eacuteteacute
mise en œuvre en 2009 afin de pouvoir ensuite deacuteployer progressivement une premiegravere
version nationale Ces expeacuterimentations ont permis de choisir parmi les solutions les plus
efficaces deacuteveloppeacutees en reacutegion pour les deacutevelopper au niveau supeacuterieur
307 En parallegravele de cette annonce la loi HPST398
a transposeacute les dispositions relatives au
DMP qui se trouvaient au sein du Code de seacutecuriteacute sociale au sein du Code de la santeacute
publique Ce passage drsquoun code agrave lrsquoautre preacutesente une porteacutee hautement symbolique le but
premier du DMP nrsquoest plus la maicirctrise des deacutepenses de santeacute mais lrsquoameacutelioration et la
coordination des soins Avec la reacuteforme introduite par Mme BACHELOT le DMP nrsquoest plus
un outil de seacutecuriteacute sociale mais bien un outil de santeacute publique
308 Le DMP nrsquoest plus obligatoire et le patient devient degraves lors veacuteritable maicirctre de son
dossier pouvant choisir de lrsquoouvrir ou non De mecircme la sanction financiegravere en cas de refus
397 Discours prononceacute agrave lrsquooccasion du colloque consacreacute agrave la relance du DMP 9 avril 2009 disponible sur
[httpsantegouvfr] Consulteacute le 15 mai 2017 398
Loi ndeg 2009-879 du 21 juillet 2009 portant reacuteforme de lhocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux
territoires JORF ndeg0167 du 22 juillet 2009 p 12184
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
172
drsquoaccegraves par certains meacutedecins disparait Lagrave encore cette disposition nous apparait comme
reacuteveacutelatrice de la volonteacute du leacutegislateur de marquer le changement drsquoorientation et la prioriteacute
donneacutee agrave lrsquoameacutelioration de la coordination de soins theacutematique plus attractive que celle de la
maicirctrise des deacutepenses de santeacute
Reacuteveacutelateur de la prudence nouvelle du leacutegislateur aucune date preacutecise de deacuteploiement
nrsquoest acteacutee dans les textes ceux-ci se contentant deacutesormais de preacutevoir une mise en œuvre laquodegraves
que lutilisation du dossier meacutedical personnel est possible sur lensemble des territoires
auxquels sapplique la preacutesente section raquo399
Toutefois lors de son discours drsquoavril 2009 la
ministre de la santeacute avait eacutevoqueacute le possible deacuteploiement national degraves 2010 Or en pratique
bien que la geacuteneacuteralisation sur le territoire soit instaureacutee en avril 2011 le DMP va pacirctir de la
suppression en novembre 2011 de son budget de deacuteploiement par la CNAMTS Ainsi en
deacutecembre 2011 seuls 56 000 patients disposaient de leur DMP sans pour autant savoir
combien drsquoentre eux eacutetaient reacuteellement actifs crsquoest-agrave-dire alimenteacutes et consulteacutes Malgreacute un
projet laquo techniquement precirct raquo selon les termes du directeur de lrsquoASIP de lrsquoeacutepoque Jean-Yves
ROBIN seuls 90 000 dossiers eacutetaient creacuteeacutes en mars 2012 le projet eacutetant figeacute dans sa phase
de test
309 En deacutepit drsquoune relance coheacuterente et mieux preacutepareacutee force est de constater que le
DMP lors de sa premiegravere relance a pacircti en plus de probleacutematiques financiegraveres de
consideacuterations politiques qui ont malheureusement pris le dessus sur les consideacuterations de
santeacute publique Il est en effet utile de rappeler que lrsquoanneacutee 2012 a eacuteteacute une anneacutee drsquoeacutelections
Le projet a ainsi subi un retard lieacute agrave la mise en œuvre drsquoun nouveau gouvernement
3) La loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute un nouveau souffle pour le DMP
310 Dans lrsquooptique drsquoamorcer une ultime relance du DMP Marisol TOURAINE Ministre
de la santeacute avait annonceacute degraves novembre 2012 la mise ne place drsquoun DMP 2 Toutefois
aucune reacuteelle preacutecision au sujet de ce dossier nrsquoavait eacuteteacute apporteacutee jusqursquoagrave la preacutesentation du
projet de loi de santeacute en juin 2014400
Crsquoest ainsi que lrsquoarticle 96 de la loi de modernisation de
399 Article L 1111-14 du Code de la santeacute publique
400 Projet de loi relatif agrave la santeacute disponible sur [httpswwwlegifrancegouvfr] Consulteacute le 11 mai 2017
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
173
notre systegraveme de santeacute compleacuteteacute par le deacutecret ndeg 2016-1545 du 16 novembre 2016401
sont
venus refondre une nouvelle fois le dispositif de DMP
311 Lrsquoexposeacute des motifs de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute srsquoappuie sur
le caractegravere essentiel du DMP dans la coordination des prises en charge et tente de deacutemontrer
que le leacutegislateur a appris de ses erreurs passeacutees laquo le nouveau dispositif tire les leccedilons des
eacutechecs successifs des diffeacuterents modegraveles de deacuteveloppement du DMP souffrant depuis le deacutebut
dune confusion dobjectifs Assumer les difficulteacutes rencontreacutees conduit agrave proposer un DMP
pluriel adapteacute aux besoins de chacune des parties prenantes et notamment des
professionnels de santeacute Lenjeu du DMP 2 est de deacutefinir le socle dinformations qui doit y
figurer La creacutedibiliteacute de loutil et sa pleine appropriation par les usagers et les
professionnels deacutepend de la rapiditeacute de son implantation de sa capaciteacute agrave devenir un outil
efficace de coordination du rocircle que le meacutedecin traitant sy voit confeacuterer et enfin des
garanties sans faille quil apporte dans la deacutefense des inteacuterecircts et des droits des usagers raquo402
Lrsquoambition du leacutegislateur avec cette ultime relance est de faire du DMP lrsquooutil de reacutefeacuterence
comme support de la prise en charge coordonneacutee des patients notamment dans le cas des
malades atteints de pathologies chroniques
312 La gestion de ce nouveau DMP et de son deacuteploiement est confieacutee agrave la Caisse Nationale
drsquoAssurance Maladie des Travailleurs Salarieacutes (CNAMTS) consideacutereacutee comme plus agrave mecircme
que lrsquoASIP santeacute drsquoassurer le deacuteploiement effectif de lrsquooutil Afin de ne pas reproduire
certaines erreurs effectueacutees dans la gestion passeacutee le leacutegislateur a adopteacute dans la fouleacutee le
deacutecret drsquoapplication des dispositions issues de la loi de modernisation de notre systegraveme de
santeacute
313 Le DMP est deacutesormais deacutefini comme un laquo dossier numeacuterique destineacute agrave favoriser la
preacutevention la qualiteacute la continuiteacute et la prise en charge coordonneacutee des soins du patient raquo403
Le patient reste le titulaire du dossier mecircme si celui-ci nrsquoest plus personnel mais deacutesormais
partageacute Cette nouvelle deacutenomination a le meacuterite de marquer le but premier de ce dossier
401 Deacutecret ndeg 2016-1545 du 16 novembre 2016 autorisant la creacuteation dun traitement de donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutenommeacute laquo dossier meacutedical partageacute raquo JORF ndeg0268 du 18 novembre 2016 texte ndeg 14 402
Loi ndeg 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre systegraveme de santeacute exposeacute des motifs disponible
sur [httpswwwlegifrancegouvfr] Consulteacute le 11 mars 2017 403
Article R 1111-26 du Code de la santeacute publique
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
174
partager lrsquoinformation meacutedicale le plus largement possible afin drsquoameacuteliorer le fonctionnement
du systegraveme de santeacute404
314 Cette ultime relance srsquoaccompagne drsquoun plan drsquoaction de la CNAMTS ambitieux afin
de faire du DMP un outil incontournable ouvert pour chaque assureacute social Sa creacuteation sera
simplifieacutee puisqursquoil la possibiliteacute drsquoune creacuteation directe par le patient depuis le site de
lrsquoassurance maladie est envisageacutee405
La CNAMTS a fait le choix drsquoune strateacutegie progressive puisque dans un premier
temps le deacuteploiement nrsquoest envisageacute que dans neufs deacutepartements pilotesEnfin afin drsquoinciter
les patients agrave srsquointeacuteresser au DMP et donc agrave creacuteer le leur la CNAMTS envisage la creacuteation
drsquoune application mobile sur laquelle pourra ecirctre consulteacute le DMP406
404 Etude drsquoimpact du projet de loi relatif agrave la santeacute octobre 2014 p 99
405 laquo Relance du DMP une creacuteation automatique dici fin 2016 et un inteacuteressement agrave lalimentation pour les
meacutedecins (Cnamts) raquo Deacutepecircche TIC santeacute 21 septembre 2015 disponible sur [httpwwwticsantecom]
Consulteacutee le 8 mars 2017 406
laquo DMP une application mobile attendue au printemps 2017 (Nicolas Revel) raquo Deacutepecircche TIC santeacute 10
novembre 2016 disponible sur [httpwwwticsantecom] Consulteacutee le 8 mars 2017
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
175
Conclusion de la section
315 Le DMP dossier meacutedical informatiseacute partageacute entre les diffeacuterents professionnels de
santeacute et accessible directement par le patient est un projet qui peut ecirctre qualifieacute drsquooriginal et
ambitieux Original de par son format et ambitieux de par les objectifs qursquoil devait atteindre
Toutefois degraves le deacutepart le leacutegislateur avait afficheacute un calendrier de mise en œuvre du DMP
beaucoup trop ambitieux En effet lagrave ougrave les pays voisins ont mis une dizaine drsquoanneacutee agrave
deacutevelopper et faire entrer dans les pratiques des dossiers partageacutes informatiseacutes le leacutegislateur
dans la loi de 2004 annonccedilait une entreacutee en vigueur deacutefinitive des dispositions au 1er
juillet
2007 Or tregraves rapidement le projet a fait lrsquoobjet de vives critiques ce qui a ameneacute le
leacutegislateur agrave mettre en œuvre diffeacuterentes relances du projet
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
176
Section 2 Le DMP les limites drsquoun projet ambitieux
laquo Le DMP est un projet de socieacuteteacute qui bouleverse les habitudes et les mentaliteacutes Il constitue
un facteur drsquoeacutevolution des pratiques meacutedicales et des relations entre patients et
professionnels de santeacute [hellip] raquo407
316 Projet titanesque agrave envergure nationale annonceacute comme un outil unique en son genre
le DMP devait remplir des objectifs aux enjeux strateacutegiques Toutefois les diffeacuterents
responsables du projet se sont montreacutes trop ambitieux et parfois mecircme trop confiants dans la
reacutealisation et la mise en place de ce projet Les ambitions du DMP eacutetaient certes louables
mais peut-ecirctre deacutemesureacutees face aux moyens et surtout au temps accordeacute pour sa mise en place
(Paragraphe 1) Aujourdrsquohui apregraves plus de dix ans de tentatives de mise en place et drsquoeacutechecs
successifs lrsquoavenir de cet outil prometteur se reacutevegravele finalement incertain (Paragraphe 2)
sect1 Des ambitions louables mais deacutemesureacutees
317 Nous ne pouvons que rappeler et souligner une fois de plus les ambitions louables du
leacutegislateur quand il a souhaiteacute mettre en place le DMP Degraves son lancement lrsquooutil se reacuteveacutelait
plein de promesses tant sur le fond que sur la forme (A) Toutefois de nombreuses lacunes
notamment en termes drsquoencadrement juridique sont apparues degraves le lancement du projet Cela
srsquoest alors reacuteveacuteleacute facirccheux dans la conduite et le deacuteveloppement du projet (B)
A Un outil plein de promesses
318 Lrsquoobjectif initial du DMP eacutetait drsquoinstaurer une meilleure coordination des soins afin
drsquoen ameacuteliorer la qualiteacute et la continuiteacute De cela aurait alors reacutesulteacute une meilleure maicirctrise
des deacutepenses de lrsquoAssurance maladie
En permettant de reacuteduire les interactions meacutedicamenteuses et les actes redondants mais
en facilitant eacutegalement les eacutechanges entre professionnels de santeacute le DMP devait relever le
407 MONNIER Anne laquo Le Dossier meacutedical personnel histoire encadrement juridique et perspectives raquo RDSS
2009 p 625
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
177
deacutefi drsquoameacuteliorer la coordination et la qualiteacute des soins (1) Toutefois en pratique lrsquoaccent et
la prioriteacute ont eacuteteacute axeacutes sur les aspects techniques de lrsquooutil et notamment la seacutecurisation des
donneacutees (2)
1) Lrsquoameacutelioration et la coordination des soins un enjeu majeur
laquo Dans quelques mois donc les premiers DMP seront ouverts Si le DMP a pu ecirctre preacutesenteacute
comme un outil de maicirctrise des deacutepenses il ne doit y avoir aucune ambiguiumlteacute sur la nature
reacuteelle du DMP le DMP est drsquoabord et avant tout un grand projet de santeacute publique au
service de la santeacute de nos concitoyens raquo408
319 Comme lrsquoavait rappeleacute la Ministre de la santeacute de lrsquoeacutepoque Roselyne BACHELOT
lors de son discours consacreacute agrave la relance du projet DMP lrsquoameacutelioration et la coordination des
soins eacutetaient les enjeux prioritaires de la mise en place du DMP
Ces objectifs clairement afficheacutes dans les textes fondateurs du DMP sont finalement
classiques pour ce type de dossier partageacute Si nous prenons lrsquoexemple du dossier
communiquant en canceacuterologie lrsquoobjectif est bien drsquoameacuteliorer la prise en charge globale des
patients atteints de cancer De mecircme le Dossier Pharmaceutique a bien pour enjeu de mieux
coordonner les prescriptions afin drsquoeacuteviter les interactions meacutedicamenteuses Toutefois la
particulariteacute du DMP tient agrave sa volonteacute de couvrir lrsquoensemble de la prise en charge du patient
peu importe les speacutecialiteacutes concerneacutees Crsquoest bien lagrave que reacuteside le caractegravere agrave la fois innovant
et ambitieux de cet outil Comme le soulignait agrave juste titre Caroline ZORN-MACREZ laquo il y
a lagrave un nouveau scheacutema de rationalisation du systegraveme de soins par le partage de donneacutees de
santeacute gracircce agrave des dossiers utiles aux soins raquo409
320 Au-delagrave de cet objectif se dessine la volonteacute de faire coopeacuterer lrsquoensemble des acteurs
de la prise en charge drsquoun patient Car crsquoest bien par cette coopeacuteration que passe la
coordination et donc lrsquoameacutelioration des soins Le DMP en eacutetant preacutesenteacute comme source drsquoune
information diversifieacutee complegravete et partageacutee est positionneacute comme lrsquooutil neacutecessaire agrave la
408 Discours prononceacute agrave lrsquooccasion du colloque consacreacute agrave la relance du DMP 9 avril 2009 disponible sur
[httpsantegouvfr] Consulteacute le 15 janvier 2015 409
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo op cit p 306
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
178
bonne coopeacuteration des professionnels de santeacute peu importe leur speacutecialiteacute ou leur lieu de
travail
321 Neacuteanmoins il est rapidement apparu que ce sont moins les difficulteacutes techniques ou
budgeacutetaires qui ont poseacute le plus de problegravemes au deacuteveloppement du projet que la barriegravere de
la culture meacutedicale qui nrsquoest pas forceacutement celle du partage de lrsquoinformation En effet le
positionnement des professionnels de santeacute face au DMP est original contrairement aux
dossiers meacutedicaux traditionnels que le professionnel va creacuteer alimenter et conserver le DMP
est conccedilu pour le patient et non pour le professionnel qui sera principalement ameneacute agrave
lrsquoalimenter Il srsquoagit ici drsquoun bouleversement des pratiques habituelles des professionnels
Dans le milieu hospitalier ce choc des cultures est drsquoautant plus flagrant De fait les
eacutetablissements de santeacute ont la particulariteacute du fait des activiteacutes varieacutees de produire un
nombre consideacuterable de donneacutees de santeacute diverses et varieacutees Ainsi afin de donner vie le plus
rapidement possible au DMP lors du programme de relance de 2009 il avait eacuteteacute deacutecideacute de
mettre lrsquoaccent sur lrsquoalimentation des dossiers par les professionnels du secteur hospitalier
ceux-ci ont alors pu ecirctre frustreacutes par cette vision restrictive du rocircle qui leur eacutetait accordeacute
322 Nous pensons que cet eacutetat drsquoesprit illustre bien les attentes peut-ecirctre trop eacuteleveacutees du
leacutegislateur vis-agrave-vis du DMP En effet il nous semble qursquoil aurait peut-ecirctre eacuteteacute plus opportun
de laisser au DMP la vocation premiegravere de tout dossier meacutedical agrave savoir ecirctre un outil
professionnel Bien que les professionnels de santeacute ne soient pas contre lrsquoideacutee drsquoecirctre
transparent vis-agrave-vis de leurs patients il nous semble qursquoil ne faut pas confondre outil de
travail et outil drsquoinformation En laissant une part tregraves importante au patient dans le DMP les
professionnels ont pu se sentir deacuteposseacutedeacutes de ce qui aurait pu ecirctre un outil de travail consacreacute
au partage de lrsquoinformation et agrave la coordination des soins
2) La seacutecuriteacute de lrsquooutil une prioriteacute
Degraves le lancement du projet la seacutecuriteacute de lrsquooutil a eacuteteacute une des prioriteacutes afficheacutee afin
drsquoune part de srsquoassurer que lrsquointeacutegriteacute et la confidentialiteacute des donneacutees soient conserveacutees et
drsquoautre part que les utilisateurs aient une pleine confiance dans lrsquooutil
323 En ce qui concerne lrsquoheacutebergement du DMP apregraves quelques tacirctonnements crsquoest la piste
de lrsquoheacutebergeur unique qui a eacuteteacute finalement retenue Cet heacutebergeur en reacutealiteacute consortium de
plusieurs entreprises a eacuteteacute agreacuteeacute selon les modaliteacutes exigeacutees par lrsquoarticle L 1111-8 du Code
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
179
de la santeacute publique et du deacutecret heacutebergeur De mecircme lrsquoaccent a eacuteteacute mis sur la traccedilabiliteacute au
sein du DMP Ainsi tous les accegraves sont traceacutes qursquoil srsquoagisse de la consultation drsquoun
document ou de son ajout Le patient va ainsi pouvoir identifier quel professionnel a eu accegraves
agrave quel document La date et lrsquoheure sont eacutegalement traceacutees Par ailleurs selon les dispositions
de lrsquoarticle R 1111-31 du Code de la santeacute publique le patient titulaire du dossier mais
eacutegalement son meacutedecin traitant les professionnels de santeacute auxquels le patient aurait confieacute
les mecircmes droits que le meacutedecin traitant et les professionnels auteur des informations faisant
lrsquoobjet des traces peuvent y acceacuteder
324 Le DMP a surtout permis de donner une impulsion agrave la mise en place de lrsquoIdentifiant
National de Santeacute (INS) En effet lrsquoarticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique preacutevoyait
les dispositions suivantes laquo un identifiant de santeacute des beacuteneacuteficiaires de lassurance maladie
pris en charge par un professionnel de santeacute ou un eacutetablissement de santeacute ou dans le cadre
dun reacuteseau de santeacute deacutefini agrave larticle L 6321-1 est utiliseacute dans linteacuterecirct des personnes
concerneacutees et agrave des fins de coordination et de qualiteacute des soins pour la conservation
lheacutebergement et la transmission des informations de santeacute Il est eacutegalement utiliseacute pour
louverture et la tenue du dossier meacutedical personnel institueacute par larticle L 161-36-1 du Code
de la seacutecuriteacute sociale et du dossier pharmaceutique institueacute par larticle L 161-36-4-2 du
mecircme Code Un deacutecret pris apregraves avis de la Commission nationale de linformatique et des
liberteacutes fixe le choix de cet identifiant ainsi que ses modaliteacutes dutilisation raquo
Cet identifiant censeacute regrouper lrsquoensemble des identifiants qui existent au sein des
diffeacuterents systegravemes drsquoinformation de santeacute a eacuteteacute instaureacute par la loi du 30 janvier 2007
Consideacutereacute par certains auteurs410
comme eacutetant une donneacutee de santeacute agrave part entiegravere et donc agrave ce
titre devant beacuteneacuteficier des protections mises en place par la loi Informatique et Liberteacute lrsquoINS
a donneacute lieu agrave de nombreux deacutebats concernant sa composition La question srsquoest drsquoabord
poseacutee de savoir si lrsquoINS pouvait ecirctre le Numeacutero drsquoInscription au Reacutepertoire de lrsquoINSEE (NIR
ndash couramment appeleacute numeacutero de seacutecuriteacute sociale) En effet plutocirct que de creacuteer de toute piegravece
un nouveau numeacutero ce qui en plus de repreacutesenter un coucirct financier et humain non
neacutegligeable pouvait preacutesenter des failles en termes de seacutecuriteacute les maicirctres drsquoœuvre du projet
410 V notamment en ce sens HEBERT Sophie laquo Lrsquoidentiteacute sanitaire raquo RGDM 2007 ndeg 24 pp 121-138
ZORN-MACREZ Caroline laquo Donneacutees de santeacute et secret partageacute raquo PUN 2010 p 271 En lrsquoespegravece lrsquoauteur se
base sur les reacuteflexions meneacutees par le groupe de lrsquoarticle 29 sur la nature des donneacutees contenues au sein des DME
pour arriver agrave la conclusion que lrsquoINS est une donneacutee sensible au sens de la loi Informatique et Liberteacutes
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
180
(agrave lrsquoeacutepoque le GIP-DMP) ont alors avanceacute lrsquoideacutee drsquoutiliser le numeacutero de seacutecuriteacute sociale
Toutefois cette ideacutee a subi de vives critiques de la part notamment des associations de
deacutefenses des consommateurs
La CNIL quant agrave elle avait eacutecarteacute une telle possibiliteacute dans sa deacutelibeacuteration du 20
feacutevrier 2007411
estimant que cette utilisation serait de nature agrave laquo alteacuterer les liens de confiance
entre les professionnels de santeacute et les patients ceux-ci pouvant leacutegitimement srsquointerroger sur
les risques drsquoaccegraves non controcircleacutes agrave leur dossier meacutedical par cet identifiant largement
connu raquo
325 Toutefois la CNIL consciente des deacutesagreacutements et de la lourdeur induite par la
creacuteation drsquoun nouvel identifiant avait suggeacutereacute dans cette mecircme deacutelibeacuteration la possibiliteacute pour
creacuteer lrsquoINS de partir du numeacutero NIR mais transcodeacute selon des techniques connues
drsquoanonymisation Cela aboutissant agrave un numeacutero non signifiant LrsquoASIP santeacute chargeacute de
reprendre les activiteacutes du GIP-DMP et notamment la mise en place de lrsquoINS a suivi cette voie
dans la conception de lrsquoINS Le leacutegislateur constatant que laquo lrsquoadoption drsquoun dispositif unique
et commun drsquoidentification des patients est une condition neacutecessaire de lrsquointeropeacuterabiliteacute des
systegravemes drsquoinformation des professionnels et eacutetablissements de santeacute et donc de leur capaciteacute
agrave eacutechanger et partager facilement et de faccedilon seacutecuriseacutee (absence drsquoerreur sur le patient) les
donneacutees meacutedicales neacutecessaires agrave la prise en charge des patient raquo412
a deacutefinitivement reacutegleacute le
problegraveme en faisant du NIR le seul identifiant de santeacute utilisable413
En effet pour le
leacutegislateur le NIR preacutesente le double lrsquointeacuterecirct drsquoecirctre robuste et de permettre une
geacuteneacuteralisation rapide
326 Deacutesormais laquo lidentifiant du dossier meacutedical partageacute est lidentifiant national de
santeacute mentionneacute agrave larticle L 1111-8-1 raquo414
Par ailleurs les conditions drsquoutilisation du NIR
en tant qursquoidentifiant national de santeacute ont eacuteteacute preacuteciseacutees par le deacutecret ndeg 2017-412 du 27 mars
411 Deacutelibeacuteration CNIL ndeg 2007-036 du 20 feacutevrier 2007 portant avis sur deux projets drsquoarrecircteacutes relatifs drsquoune part
aux speacutecifications physiques et logiques de la carte drsquoassurance maladie et aux donneacutees y eacutetant contenues et
drsquoautre part aux conditions drsquoeacutemission et de gestion des cartes drsquoassurance maladie 412
Etude drsquoimpact du projet de loi relatif agrave la santeacute p 187 413
Lrsquoarticle 193 de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute vient creacuteer un article L 1111-8-1 au Code
de la santeacute publique qui preacutevoit laquo le numeacutero dinscription au reacutepertoire national didentification des personnes
physiques est utiliseacute comme identifiant de santeacute des personnes pour leur prise en charge agrave des fins sanitaires et
meacutedico-sociales dans les conditions preacutevues agrave larticle L 1110-4 raquo 414
Article R 1111-33 du Code de la santeacute publique
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
181
2017 relatif agrave lrsquoutilisation du numeacutero drsquoinscription au reacutepertoire national drsquoidentification des
personnes physiques comme identifiant national de santeacute415
B Des lacunes certaines
327 Malgreacute les reacuteformes et relances entourant le projet de nombreuses inconnues
subsistent aujourdrsquohui encore faisant du DMP un outil mouvant et parfois flou (1) Quant aux
droits des patients ceux-ci sont incertains malgreacute lrsquoaffichage positif que le leacutegislateur a
souhaiteacute donner (2)
1) Le DMP un outil agrave geacuteomeacutetrie variable
328 La question du contenu du DMP a longtemps poseacute problegraveme Lors de la creacuteation de
lrsquooutil en 2004 le Code de la seacutecuriteacute sociale preacutevoyait les dispositions suivantes laquo chaque
beacuteneacuteficiaire de lrsquoassurance maladie [hellip] dispose drsquoun dossier meacutedical personnel constitueacute de
lrsquoensemble des donneacutees mentionneacutees agrave lrsquoarticle L 1111-8 du mecircme Code raquo Ainsi le
leacutegislateur renvoyait aux donneacutees viseacutees agrave lrsquoarticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique agrave
savoir les laquo donneacutees de santeacute recueillies agrave lrsquooccasion drsquoactes de soins de preacutevention ou de
diagnostic raquo Or cette reacutefeacuterence eacutetait maladroite En effet comme nous avons pu le voir
longuement lors drsquoun preacuteceacutedent paragraphe la notion de donneacutees de santeacute nrsquoa fait pendant
longtemps lrsquoobjet drsquoaucune deacutefinition juridique Celle finalement adopteacute par le Regraveglement
Europeacuteen se montre quant agrave elle tregraves large Pourtant il semble difficilement envisageable que
le DMP puisse ecirctre un dossier fourre-tout veacuteritable recueil exhaustif des donneacutees et
informations relatives directement ou indirectement agrave la santeacute du patient En effet rappelons
que le but initial du DMP eacutetait bien drsquoameacuteliorer la coordination des soins Degraves lors seuls les
eacuteleacutements permettant drsquoatteindre ce but devraient figurer en son sein ni plus ni moins Face agrave
un dossier surchargeacute les professionnels ne seraient plus en capaciteacute de retrouver les eacuteleacutements
utiles au suivi de leur patient
415 Deacutecret ndeg 2017-412 du 27 mars 2017 relatif agrave lrsquoutilisation du numeacutero drsquoinscription au reacutepertoire national
drsquoidentification des personnes physiques comme identifiant national de santeacute JORF ndeg0075 du 29 mars 2017
texte ndeg 23
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
182
329 Le rapport sur le Dossier meacutedical personnel de 2007416
relatif au bilan du DMP
soulignait que lrsquoabsence drsquoeacutetude approfondie du contenu du DMP en amont de la creacuteation de
lrsquooutil a eacuteteacute une des erreurs majeures lors de la creacuteation du DMP Mecircme la note relative aux
propositions de contenu remise au ministre de la santeacute par le Docteur Jean-Marie PICARD417
nrsquoenvisageait finalement que succinctement ce contenu Lrsquoerreur serait drsquoenvisager le DMP
comme un dossier se voulant exhaustif veacuteritable laquo reacuteplique eacutelectronique drsquoune armoire de
rangement raquo418
Or il est pourtant eacutevident que ce dossier ne doit pas et ne pourra pas ecirctre
exhaustif ne doit pas pour les raisons exposeacutees preacuteceacutedemment et ne pourra pas pour une
raison tregraves pratique le contenu du DMP deacutepend de la capaciteacute mais aussi de la volonteacute des
professionnels agrave lrsquoalimenter
330 Alors que la loi HPST initiatrice de la premiegravere relance du DMP nrsquoa apporteacute que peu
drsquoeacuteleacutements nouveaux quant au contenu du DMP le deacutecret du 4 juillet 2016419
tente de reacutegler
cette difficulteacute en creacuteant au sein du Code de la santeacute publique une sous-section consacreacutee au
contenu du DMP Un contenu a minima du dossier est deacutesormais preacutevu par lrsquoarticle R 1111-
30 du Code de la santeacute publique permettant drsquoassurer un socle de documents commun agrave tous
les DMP ceux-ci ne risquant plus deacutesormais drsquoecirctre alimenteacutes de maniegravere disparate selon le
bon vouloir des professionnels de santeacute
2) Les droits et devoirs des patients un manque de clarteacute
331 Une des questions qui a eacuteteacute et qui reste encore aujourdrsquohui reacuteguliegraverement souleveacutee est
celle de la protection du secret meacutedical dans le cadre de la mise en place drsquoun outil partageacute
avec un grand nombre de personnes et accessible via Internet Degraves lrsquoorigine du projet le
leacutegislateur avait bien preacutevu que le DMP soit instaureacute dans le respect du secret meacutedical420
Dans lrsquoabsolu le fonctionnement du DMP ne change rien aux regravegles relatives au secret
meacutedical Drsquoailleurs nous nrsquoadheacuterons pas agrave lrsquoaffirmation de Marie-Catherine CHEMTOB-
CONCE qui considegravere que laquo la mise en œuvre du DMP [hellip] permet de mieux proteacuteger le
416 Rapport sur le dossier meacutedical personnaliseacute Inspection geacuteneacuterale des finances Inspection geacuteneacuterale des
Affaires sociales Conseil geacuteneacuterale des Technologies de lrsquoInformation novembre 2007 417
PICARD Jean-Marie laquo Dossier Meacutedical Personnel proposition de contenu raquo enquecircte qualitative meneacutee
aupregraves de professionnels sous lrsquoeacutegide de la CNAMTS 418
Rapport sur le Dossier meacutedical personnaliseacute Inspection geacuteneacuterale des finances Inspection geacuteneacuterale des
Affaires sociales Conseil geacuteneacuterale des Technologies de lrsquoInformation novembre 2007 p 25 419
Deacutecret ndeg 2016-914 du 4 juillet 2016 relatif au dossier meacutedical partageacute op cit 420
Article L 161-36-1 alineacutea 1 du Code de la seacutecuriteacute sociale
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
183
secret meacutedical le secret professionnel raquo421
Au mieux le DMP ne met pas plus en danger le
secret professionnel qursquoun autre dossier informatiseacute mais en aucun cas il nrsquoest possible
drsquoenvisager qursquoun dossier meacutedical informatiseacute pouvant ecirctre accessible par un nombre
important de professionnels de santeacute diffeacuterents sera plus protecteur du secret meacutedical De
plus lrsquooutil en lui-mecircme comme tout dossier informatiseacute est forceacutement vecteur de risques
accrus en termes de seacutecuriteacute et de violation de la confidentialiteacute des donneacutees
332 Neacuteanmoins en ce qui concerne la seacutecurisation technique du DMP lrsquoheacutebergeur du
DMP offre drsquoimportantes garanties exigeacutees degraves le lancement de lrsquoappel drsquooffre et confirmeacutee
suite agrave lrsquoobtention de lrsquoagreacutement heacutebergeur A lrsquoheure actuelle aucune autre garantie
technique suppleacutementaire ne pourrait ecirctre apporteacutee et en cela nous pouvons affirmer que le
DMP apporte une forte protection du secret professionnel Cependant il ne faut pas oublier
que le DMP creacuteeacute une nouvelle forme de partage des donneacutees de santeacute Dans les faits force est
de constater que de nombreux professionnels auront avec cet outil potentiellement accegraves agrave de
nombreux documents issus de la prise en charge du patient Il est donc neacutecessaire de se
preacuteoccuper de la protection reacuteserveacutee agrave la confidentialiteacute des donneacutees
333 Un autre problegraveme intimement lieacute agrave la probleacutematique relative au secret professionnel
avait eacuteteacute souleveacute lors de la saisine du Conseil constitutionnel drsquoun recours contre la loi
relative agrave lassurance maladie pour les auteurs de la saisine les dispositions relatives au
DMP meacuteconnaissaient le droit au respect de la vie priveacutee Le Conseil Constitutionnel dans sa
deacutecision ndeg 2004-504 du 12 aoucirct 2004422
avait toutefois deacuteclareacute les dispositions conformes agrave
la constitution estimant que les garanties preacutesenteacutees par le leacutegislateur afin drsquoassurer le respect
du secret professionnel et de la confidentialiteacute des donneacutees eacutetaient des garanties suffisantes
pour preacuteserver le droit au respect agrave la vie priveacutee
421 CHEMTOB-CONCE Marie-Catherine laquo Dossier Meacutedical Personnel et Dossier Pharmaceutique raquo Gazette
du palais 2007 pp 2-5 422
laquo Consideacuterant en second lieu que le dossier meacutedical personnel sera eacutelaboreacute laquo dans le respect du secret
meacutedical raquo quil reacutesulte du renvoi agrave larticle L 1111-8 du Code de la santeacute publique que lheacutebergement des
donneacutees et la possibiliteacute dy acceacuteder seront subordonneacutes au consentement de la personne concerneacutee que le
traitement des donneacutees sera soumis au respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 susviseacutee que
lheacutebergeur devra faire lobjet dun agreacutement que laccegraves au dossier par un professionnel de santeacute sera soumis
agrave lobservation des regravegles deacuteontologiques ainsi que des dispositions des articles L 1110-4 et L 1111-2 du Code
de la santeacute publique qui imposent notamment le respect de la vie priveacutee et du secret des informations
concernant le patient que laccegraves au dossier meacutedical en dehors des cas preacutevus par la loi sera puni des peines
preacutevues agrave larticle 226-13 du Code peacutenal que ces sanctions sappliqueront sans preacutejudice des dispositions du
Code peacutenal relatives aux laquo atteintes aux droits de la personne reacutesultant des fichiers ou des traitements
informatiques raquo
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
184
334 Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale un tel dossier ouvre le deacutebat sur la place accordeacutee aux droits
fondamentaux face aux enjeux politiques sanitaires et eacuteconomiques que sont la coordination
des soins et la maicirctrise des deacutepenses de santeacute Bien qursquoabandonneacutee lrsquoideacutee drsquoune sanction
financiegravere sous la forme drsquoun non remboursement en cas de refus drsquoaccegraves agrave sa DMP avait eacuteteacute
pourtant valideacutee par le Conseil constitutionnel celui-ci reconnaissant la supeacuterioriteacute de la
maicirctrise des deacutepenses de santeacute sur finalement le respect agrave la vie priveacutee
335 Lrsquoautre question relative aux droits des patients dans le cadre du DMP concerne la
place accordeacutee agrave son consentement En effet dans le cadre du DMP le consentement du
patient peut ecirctre multiple le patient va devoir consentir agrave lrsquoouverture de son DMP puis il va
devoir habiliter les professionnels qui auront accegraves agrave ce dossier il doit donc consentir agrave
partager ses donneacutees de santeacute avec ces professionnels En ce qui concerne le consentement agrave
la mise en place de son DMP cela ne pose pas de problegraveme particulier Lrsquoarticle L 1111-14
du Code de la santeacute publique preacutevoit en effet les dispositions suivantes laquo le dossier meacutedical
partageacute est creacuteeacute sous reacuteserve du consentement expregraves de la personne ou de son repreacutesentant
leacutegal raquo Cette formulation issue de la refonte du DMP introduite par la loi de modernisation
de notre systegraveme de santeacute a le meacuterite drsquoecirctre beaucoup plus claire qursquoauparavant En effet
dans sa reacutedaction anteacuterieure lrsquoarticle L 1111-14 du Code de la santeacute publique ne preacutevoyait
pas le consentement preacutealable du patient agrave la creacuteation de son DMP Toutefois les dispositifs
techniques mis en place pour permettre la creacuteation du DMP permettent de srsquoassurer du
consentement preacutealable du patient celui-ci devant remettre sa carte vitale au professionnel qui
se chargera de creacuteer son DMP
336 Concernant lrsquohabilitation des patients et donc lrsquoautorisation drsquoaccegraves au DMP plusieurs
exceptions vont venir affaiblir le principe du consentement preacutealable du patient Par principe
laquo laccegraves au dossier meacutedical personnel des professionnels mentionneacutes au premier alineacutea est
subordonneacute agrave lautorisation que donne le patient dacceacuteder agrave son dossier raquo423
Il existe
cependant des hypothegraveses dans lesquelles le consentement du patient ne sera pas neacutecessaire
pour acceacuteder agrave son DMP en cas de risque immeacutediat pour une personne hors drsquoeacutetat
drsquoexprimer sa volonteacute et en cas drsquoappel drsquourgence (appels au centre 15) Toutefois ces deux
423 Article L 1111-15 du Code de la santeacute publique
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
185
hypothegraveses qui reprennent finalement la classique exception de lrsquourgence vitale sont dans le
cas du DMP assez bien verrouilleacutees Introduites par la loi de 2007424
ces dispositions
preacutevoient une exception agrave lrsquoexception En effet un meacutedecin peut acceacuteder au DMP sans que le
patient ne lrsquoai autoriseacute et ce en cas de risque immeacutediat ou en cas drsquoappel aux services
drsquourgences sauf si cette personne avait auparavant manifesteacute son opposition expresse agrave ce
que son dossier soit consulteacute ou alimenteacute dans une telle situation Ainsi une opposition
expresse rendra le DMP inaccessible peu importe les circonstances
337 Nous estimons que ces dispositions certes soucieuses de garantir la seacutecuriteacute des
donneacutees et le respect du droit des patients ne sont toutefois pas forceacutement dans lrsquointeacuterecirct de ce
dernier Il nous semble en effet que le principe de sauvegarde de la vie humaine doit rester
une prioriteacute par rapport agrave drsquoautres droits fondamentaux et nous deacuteplorons qursquoune opposition
expresse puisse verrouiller totalement lrsquoaccegraves au DMP accegraves qui dans certaines situations
pourrait ecirctre la seule source drsquoinformations
338 Enfin le DMP introduit la possibiliteacute pour un professionnel qui aurait eacuteteacute habiliteacute par
un patient de recueillir son consentement afin qursquoun autre professionnel agrave qui il pourrait ecirctre
opportun de confier une partie de la prise en charge puisse acceacuteder eacutegalement au DMP
Finalement rien de tregraves original dans cette mesure qui est directement inspireacutee des modaliteacutes
de partage drsquoinformations entre professionnels de santeacute preacutevues au sein de lrsquoarticle L 1110-4
du Code de la santeacute publique425
sect2 Un outil agrave lrsquoavenir incertain
339 A lrsquoheure actuelle le bilan des dix premiegraveres anneacutees du DMP est plus que mitigeacute Degraves
lors lrsquoavenir de cet outil ambitieux se preacutesente assez mal En effet le DMP est victime de ses
premiers eacutechecs et de ce fait est mal perccedilu par ses utilisateurs quels qursquoils soient (A)
424 Loi ndeg 2007-127 du 30 janvier 2007 ratifiant lordonnance ndeg 2005-1040 du 26 aoucirct 2005 relative agrave
lorganisation de certaines professions de santeacute et agrave la reacutepression de lusurpation de titres et de lexercice illeacutegal
de ces professions et modifiant le Code de la santeacute publique JORF ndeg27 du 1 feacutevrier 2007 p 1937 425
Lrsquoarticle L 1110-4 preacutevoit les dispositions suivantes laquo le partage entre des professionnels ne faisant pas
partie de la mecircme eacutequipe de soins dinformations neacutecessaires agrave la prise en charge dune personne requiert son
consentement preacutealable recueilli par tout moyen y compris de faccedilon deacutemateacuterialiseacutee dans des conditions
deacutefinies par deacutecret pris apregraves avis de la Commission nationale de linformatique et des liberteacutes raquo
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
186
Finalement malgreacute les relances diverses depuis sa creacuteation le DMP peine agrave trouver sa place
et il est leacutegitime de se demander si cet outil nrsquoest finalement pas voueacute agrave lrsquoeacutechec (B)
A Un outil mal perccedilu
340 Lrsquoensemble des rapports qui ont pu ecirctre reacutedigeacutes au sujet du DMP pointent la mecircme
faille le manque de confiance et drsquoadheacutesion agrave lrsquooutil que cela soit de la part des
professionnels ou des patients Les professionnels de santeacute et plus particuliegraverement les
professionnels du milieu hospitalier ne cachent pas leurs doutes et leur hostiliteacute face agrave ce
projet leurs craintes sont nombreuses et portent tant sur la charge de travail induite par ce
nouvel outil que sur les conseacutequences qursquoil aura sur leur pratique quotidienne et leur
responsabiliteacute Nous pouvons en effet constater que lrsquointroduction du DMP dans la pratique
meacutedicale ne se fera pas sans conseacutequence sur la responsabiliteacute des professionnels de santeacute (1)
Mais la fonctionnaliteacute qui reste la plus appreacutehendeacutee et donc source de doute est le droit de
masquage des donneacutees (2) accordeacute au patient
1) DMP et responsabiliteacute
Plusieurs questions se sont poseacutees avec lrsquointroduction du DMP quant agrave la responsabiliteacute
des praticiens
341 La premiegravere concerne les nouvelles responsabiliteacutes pesant deacutesormais sur les
professionnels du fait de leurs obligations en lien avec lrsquoouverture drsquoun DMP En effet les
dispositions du Code de la santeacute publique preacutevoient que lrsquousager doit donner un consentement
expregraves agrave lrsquoouverture de son DMP Ainsi cela induit en toute logique pour le professionnel de
santeacute qui sera ameneacute agrave accompagner le patient dans lrsquoouverture de son dossier de lui diffuser
une information claire agrave ce sujet dans un premier temps puis recueillir son consentement dans
un second temps Face agrave ces nouvelles obligations lrsquoASIP santeacute a toutefois creacuteeacute des brochures
drsquoinformation deacutelivrables aux patients afin de faciliter la tacircche des professionnels De mecircme
lrsquooutil informatique support du DMP preacutevoit une case qui doit ecirctre cocheacutee par le
professionnel afin de valider virtuellement le consentement du patient Enfin lrsquooutil
informatique stocke et conserve la trace et la date drsquoobtention du consentement Ainsi dans
lrsquohypothegravese drsquoun contentieux au cours duquel un patient preacutetendrait ne pas avoir consenti agrave
lrsquoouverture de son DMP le professionnel pourrait se deacutefendre en utilisant un faisceau
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
187
drsquoindices composeacute de lrsquoensemble de ces outils Bien qursquoen theacuteorie possible ce genre de
contentieux nrsquoest donc pas drsquoapregraves nous agrave craindre de la part du professionnel
342 La deuxiegraveme reacuteflexion agrave avoir en termes de responsabiliteacute concerne lrsquoobligation
drsquoinformation classique dont tout professionnel est redevable vis-agrave-vis de son patient
En effet le DMP permettrait-il drsquoalleacuteger lrsquoobligation drsquoinformation qui pegravese sur les
professionnels de santeacute Cette theacuteorie est celle soutenue par certains auteurs pour qui le
DMP en diffusant une meilleure information au patient permettra drsquoeacuteviter les
incompreacutehensions autour desquelles se cristallisent parfois les contentieux Crsquoest la theacuteorie
avanceacutee notamment par Jeacuterocircme CAYOL426
Mais peut-on reacuteellement consideacuterer que
lrsquoobligation drsquoinformation du patient sera correctement remplie une fois le DMP compleacuteteacute
Nous pensons que ce nrsquoest pas le cas et qursquoil serait mecircme dangereux drsquoaccepter une telle
possibiliteacute En effet comme lrsquoexige le Code de la santeacute publique et comme le rappelle
reacuteguliegraverement la jurisprudence lrsquoinformation dispenseacutee se doit drsquoecirctre claire loyale et surtout
compreacutehensible Or mecircme si lrsquoinformation contenue au DMP peut remplir les deux premiers
critegraveres seule une discussion entre le professionnel et son patient permettra de srsquoassurer que
lrsquoinformation dispenseacutee a eacuteteacute adapteacutee au degreacute de compreacutehension du patient et a bien eacuteteacute
acquise
343 Par ailleurs comme cela est reacuteguliegraverement souligneacute par les professionnels le patient
ne sera pas toujours capable de geacuterer lrsquoabondance de ces informations et surtout la reacutealiteacute
parfois tregraves dure de certaines drsquoentre elles Il nous semble donc que lrsquoobligation restera la
mecircme Peut-ecirctre sera t-elle-mecircme renforceacutee car le professionnel devra eacutegalement srsquoassurer
que le patient a compris et inteacutegreacute drsquoune part les informations reccedilues mais eacutegalement les
informations preacutesentes sur son dossier
344 Enfin des questions quant aux responsabiliteacutes pesant sur les professionnels au sujet de
la tenue et de la consultation du DMP se posent Concernant la tenue du DMP drsquoabord nous
le savons les professionnels de santeacute ont pour rocircle de lrsquoalimenter Mais quelles seraient les
conseacutequences srsquoils ne le font pas ou le font mal Se pose eacutegalement la question de la qualiteacute
de lrsquoinformation deacuteposeacutee au sein du DMP et des reacutepercussions en termes de responsabiliteacute
Nous retrouvons finalement ici le raisonnement relatif au contenu du dossier enregistrer
426 CAYOL Jeacuterocircme laquo Reacuteflexions sur la responsabiliteacute meacutedicale agrave la suite de lrsquointroduction du dossier meacutedical
personnel raquo Meacutedecine et droit 2006 pp 85-87
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
188
lrsquointeacutegraliteacute des informations de santeacute drsquoun patient au sein du DMP risquerait de faire se
perdre lrsquoinformation utile et neacutecessaire dans une masse de donneacutees insignifiantes Cela
pourrait alors entrainer un deacutefaut ou un retard dans la prise en charge du patient qui lui serait
preacutejudiciable Qui serait alors responsable La mecircme question peut ecirctre poseacutee au sujet de la
qualiteacute de lrsquoinformation Comme le soulignait agrave juste titre Gilles LUCAZEAUX procureur
geacuteneacuteral pregraves la Cour drsquoAppel de Nancy laquoqursquoen est-il du jour ougrave lrsquoon srsquointerrogera sur la
qualiteacute du dossier tenu Srsquoil nrsquoest pas de bonne qualiteacute ne va-t-on pas ouvrir la boite de
Pandore crsquoest-agrave-dire drsquoeacuteventuelles responsabiliteacutes raquo427
Dans lrsquohypothegravese drsquoun dossier mal geacutereacute finalement le droit commun trouverait agrave
srsquoappliquer pour que la responsabiliteacute peacutenale du praticien soit retenue il serait neacutecessaire
drsquoapporter la preuve drsquoune faute caracteacuteriseacutee crsquoest-agrave-dire une faute dont le meacutedecin ne
pouvait pas ignorer les conseacutequences et leurs risques et drsquoun preacutejudice du fait de la mauvaise
tenue
345 Une meilleure connaissance du patient par le meacutedecin de fait de lrsquoaccessibiliteacute agrave
certaines donneacutees qui lui auraient eacuteteacute cacheacutees auparavant entrainerait-il une responsabiliteacute
accrue des praticiens Certes cela est parfaitement envisageable Toutefois cela induit-il une
obligation de consultation du DMP Un professionnel pourrait-il ecirctre fautif du fait de la non
consultation du DMP alors qursquoil y avait accegraves Nous pensons en effet que comme dans
lrsquohypothegravese de la non consultation drsquoun dossier meacutedical par un praticien ou en cas
drsquointerrogatoire incomplet le praticien qui ne consulterait pas le DMP auquel il aurait accegraves
faillirait agrave son obligation de moyens Ainsi la responsabiliteacute civile de lrsquoeacutetablissement de santeacute
ou celle du meacutedecin pourrait ecirctre engageacutee Toutefois il est certain qursquoen ce qui concerne la
mise en œuvre de la responsabiliteacute meacutedicale responsabiliteacute pour faute les regravegles restent
inchangeacutees Tout au plus le DMP permettra au patient drsquoeacutetablir plus facilement le lien de
causaliteacute entre le preacutejudice subi et la faute du professionnel
346 Plusieurs obligations nouvelles vont peser sur le professionnel obligation leacutegale
drsquoinformer le patient au sujet du DMP et drsquoobtenir son consentement pour la creacuteation du
dossier Comme le rappelle lrsquoASIP santeacute agrave juste titre crsquoest au patient qui invoquerait un
427 LUCAZEAUX Gilles laquo La justice peacutenale et les informations meacutedicalesraquo RGDM ndeg 20 2006 pp 189-194
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
189
manquement drsquoapporter la preuve Le leacutegislateur a par ailleurs preacutevu une traccedilabiliteacute de
lrsquoensemble des actions effectueacutees sur le DMP accessibles par le patient Lrsquoarticulation des
regravegles concernant le consentement drsquoacceacuteder agrave son dossier donneacute par un patient agrave un
professionnel avec les regravegles relatives au secret partageacute doivent ecirctre mises agrave plat Cette
articulation nrsquoest pas si simple qursquoil y parait et contrairement agrave une partie de la doctrine
comme Marie-Catherine CHEMTOB-CONCE par exemple qui considegravere que laquo le DMP ne
creacutee aucun changement quant au secret meacutedical raquo et que laquo la mise en œuvre du DMP ne
change pas en soi la responsabiliteacute meacutedicale des professionnels de santeacute et des eacutetablissements
de soin mais permet de mieux proteacuteger le secret meacutedical le secret professionnel et la vie
priveacutee du patient raquo nous consideacuterons au contraire que le DMP ouvre de nouvelles
possibiliteacutes drsquoaccegraves aux donneacutees de santeacute et fragilise ainsi la protection de celles-ci
347 Finalement la doctrine srsquoaccorde en grande majoriteacute pour souligner que le DMP ne
changera strictement rien aux regravegles de responsabiliteacutes applicables428
Les regravegles ordinaires
srsquoappliquent et le DMP ne sera finalement qursquoun outil de plus dans la preuve de la
responsabiliteacute Mais il faut toutefois souligner qursquoil est aussi un outil en plus donc une source
suppleacutementaire de mise en œuvre de la responsabiliteacute des professionnels et ce pour toutes les
raisons eacutevoqueacutees preacuteceacutedemment
2) La theacuteorie du masquage
348 Depuis lrsquointroduction de la possibiliteacute pour le patient de masquer certaines
informations vis-agrave-vis de certains professionnels ceux-ci ont pu faire part de leurs craintes
vis-agrave-vis du dispositif Cette possibiliteacute est preacutevue agrave lrsquoarticle R 1111-38 du Code de la santeacute
publique qui preacutevoit que laquo le titulaire peut deacutecider que des informations le concernant
contenues dans son dossier meacutedical partageacute ne soient pas accessibles aux professionnels de
santeacute autoriseacutes agrave acceacuteder agrave son dossier Ces informations restent cependant accessibles au
professionnel de santeacute qui les a deacuteposeacutees dans le dossier meacutedical partageacute et aux
professionnels de santeacute viseacutes agrave larticle R 1111-43 Cette deacutecision est modifiable agrave tout
moment par le titulaire raquo
428 V en ce sens PY Bruno laquo Conclusions sur les aspects juridiques raquo RGDM ndeg 20 2006 p 239
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
190
349 Le deacutecret du 4 juillet 2016429
a acteacute de maniegravere deacutefinitive cette possibiliteacute sans
apporter pour autant beaucoup de preacutecisions agrave ce sujet Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale cette notion
de masquage de certaines donneacutees a eacuteteacute longuement deacutebattue avec lrsquoensemble des acteurs du
DMP En pratique le masquage terme fortement connoteacute il nous semble nrsquoest que la
traduction informatique du colloque singulier qui existe entre le patient et un professionnel de
santeacute En effet lors drsquoune consultation le patient est libre de choisir de cacher des
informations agrave son praticien Or ce dernier en a parfaitement conscience et ne se contente pas
des informations que le patient sera enclin agrave lui donner Il eacutetait donc normal drsquoaccorder cette
mecircme faculteacute au patient au sein de son DMP A ce sujet le rapport FAGNIEZ430
soulignait le
risque drsquoaffaiblissement du colloque singulier du fait de la consultation du DMP le
professionnel se basant uniquement sur les informations contenues et ne cherchant plus agrave
interroger le patient en cela le masquage de certaines donneacutees va preacuteserver ce dialogue
preacutecieux De plus au titre de lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute publique le patient a le
droit de srsquoopposer agrave ce que deux professionnels eacutechangent des donneacutees le concernant cette
possibiliteacute lui est donneacutee au sein du DMP agrave travers le masquage
350 Pour notre part nous pensons que le masquage est simplement la traduction
informatique de la liberteacute accordeacutee au patient de cacher des choses au professionnel qui le
prend en charge Toutefois bien que cette fonctionnaliteacute soit tregraves respectueuse des droits des
patients il nous semble qursquoelle aille finalement agrave lrsquoencontre de lrsquoenjeu premier du DMP qui
est le partage drsquoinformations pour une meilleure coordination des soins En effet dans
lrsquoabsolu un patient pourrait choisir de ne donner accegraves qursquoaux documents que le
professionnel a deacuteposeacute au sein du DMP lui masquant lrsquointeacutegraliteacute des autres donneacutees Or ceci
diminuerait clairement lrsquointeacuterecirct du DMP
351 Nous pensons qursquoil aurait peut-ecirctre eacuteteacute plus efficace drsquoabandonner cette fonctionnaliteacute
de masquage au profit drsquoune validation de la part du patient des documents que le
professionnel peut partager au sein du DMP Une autre solution et crsquoest une des propositions
formuleacutees au sein du rapport FAGNIEZ aurait eacuteteacute de tenter drsquoeacuteviter le masquage laquo solitaire raquo
et drsquoinciter les patients agrave se faire accompagner par un professionnel de confiance par exemple
429 Deacutecret ndeg 2016-914 du 4 juillet 2016 relatif au dossier meacutedical partageacute JORF ndeg0155 du 5 juillet 2016 texte
ndeg 20 430
FAGNIEZ Pierre-Louis laquo Le masquage drsquoinformations par le patient dans son DMP raquo rapport au ministre
de la santeacute et des solidariteacutes 30 janvier 2007
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
191
leur meacutedecin traitant dans le choix des documents qursquoils souhaitent masquer une sorte
laquo drsquoomission partageacutee raquo431
B Un projet voueacute agrave lrsquoeacutechec
352 A lrsquoheure actuelle le projet DMP nrsquoaffiche pas un bilan positif Le dernier rapport sur
le sujet a eacuteteacute reacutedigeacute par la Cour des comptes en juillet 2012 et le bilan financier qursquoelle y
dresse reacutevegravele la situation critique du projet (1) Toutefois le leacutegislateur a tenu agrave lrsquooccasion
drsquoune ultime refonte agrave relancer le projet sous lrsquoeacutegide cette fois-ci de la CNAMTS (2)
1) Le coucirct important du DMP
353 Preacutesenteacute lors de son lancement comme un outil censeacute diminuer les coucircts de santeacute et
donc favoriser des eacuteconomies pour lrsquoassurance maladie le DMP est bien loin drsquoavoir les
effets escompteacutes agrave ce niveau Pire encore il est accuseacute de coucircter beaucoup plus drsquoargent que
ce qursquoil nrsquoa pour lrsquoinstant ou mecircme ne pourra agrave terme amener comme eacuteconomies preacutesentant
pour certains laquo un coucirct excessif pour un succegraves mitigeacute raquo432
354 En juillet 2012 la Cour des comptes saisie par le preacutesident de la commission des
finances de lrsquoAssembleacutee Nationale drsquoune demande drsquoenquecircte sur laquo le coucirct du dossier meacutedical
personnel depuis sa mise en place raquo a rendu un rapport dressant un bilan neacutegatif agrave ce sujet433
Le chiffre avanceacute par la Cour des comptes dans son rapport srsquoeacutelegraveve agrave 210 millions drsquoeuros
deacutepenseacutes entre 2004 et fin 2011 dont un quart en expeacuterimentation Toutefois la Cour des
comptes apporte rapidement un beacutemol important agrave ce chiffre qui ne tient pas compte de
lrsquoensemble des coucircts induits par le projet Plusieurs deacutefaillances lieacutees de maniegravere plus ou
moins directe aux aspects financiers du projet sont pointeacutees par le rapport Lrsquoabsence
drsquoeacutevaluation meacutedico-eacuteconomique ainsi que lrsquoabsence de deacutefinition drsquoune strateacutegie nationale
en termes de systegravemes drsquoinformation de santeacute sont preacutesenteacutees comme des lacunes et donc de
grosses erreurs strateacutegiques de la part des pouvoirs publics De mecircme lrsquoabsence flagrante de
suivi des coucircts du projet ainsi que lrsquoignorance des coucircts induits sont autant de risques lourds
431 FAGNIEZ Pierre-Louis laquo Le masquage drsquoinformations par le patient dans son DMP raquo op cit p 12
432 Article paru sur laquo Le Monde santeacute raquo disponible sur [httpwwwlemondefr] Consulteacute le 10 feacutevrier 2015
433 Cour des comptes laquo Le coucirct du dossier meacutedical personnel depuis sa mise en place raquo communication agrave la
commission des finances de lrsquoAssembleacutee Nationale Juillet 2012
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
192
selon la Cour pour le bon aboutissement du projet Finalement nous partageons pleinement
lrsquoavis de la Cour des comptes qui considegravere que laquo ces deacutefaillances attestent [hellip] drsquoune
absence particuliegraverement anormale et preacutejudiciable de strateacutegie et drsquoun grave deacutefaut de
continuiteacute de meacutethode dans la mise en œuvre drsquoun outil annonceacute comme essentiel agrave la reacuteussite
de profondes reacuteformes structurelles raquo434
355 Depuis ce rapport les deacutetracteurs du projet nrsquoen finissent pas drsquoinvoquer des chiffres
beaucoup plus importants Ainsi en janvier 2014 la somme de 500 millions drsquoeuros a eacuteteacute
avanceacutee dans un article publieacute au sein du journal le Parisien435
Cette somme serait issue drsquoun
document interne du Conseil national de la qualiteacute et de la coordination des soins LrsquoASIP
santeacute alors encore en charge de la gestion du DMP agrave lrsquoeacutepoque avait souhaiteacute rectifier ces
diffeacuterentes informations qursquoelle qualifie drsquoerroneacutees Ainsi dans un document disponible sur
leur site Internet436
le groupement se basant sur des donneacutees qursquoelle qualifie drsquoexactes
documenteacutees et veacuterifieacutees avance des sommes tregraves diffeacuterentes Tout drsquoabord en ce qui
concerne la phase initiale de recherche et de deacuteveloppement (phase drsquoexpeacuterimentation allant
de 2005 agrave 2008) lrsquoassurance maladie aurait verseacute au groupement en charge du projet (agrave
lrsquoeacutepoque le GIP DMP) la somme totale de 92 millions drsquoeuros via le fonds drsquoaide agrave la qualiteacute
des soins de ville (FAQSV) jusqursquoen 2007 le fonds drsquointervention de la qualiteacute et de la
coordination des soins (FIQCS) agrave partir de 2008 et le fonds national de gestion administrative
(FNG) de la Caisse nationale drsquoassurance maladie des travailleurs salarieacutes (CNAMTS) eacutetant
entendu que 90 millions drsquoeuros ont eacuteteacute affecteacute agrave la preacuteparation de la conception Toutefois
ces chiffres ne concordent pas avec ceux avanceacutes par la Cour des comptes dans son rapport de
2012 qui pour sa part avanccedilait la somme drsquoenviron 70 millions drsquoeuros
En ce qui concerne la phase qualifieacutee de phase de construction et drsquoamorccedilage par
lrsquoASIP celle-ci se rapporte aux chiffres de la Cour des comptes entre 2010 et 2013 97
millions drsquoeuros auraient servis agrave financer le DMP (sur les 152 millions drsquoeuros verseacutes agrave
lrsquoASIP) Cette information nous amegravene agrave formuler deux remarques La premiegravere concerne
lrsquoanneacutee 2009 passeacutee sous silence par lrsquoASIP santeacute Bien qursquoentre 2008 et 2009 le projet a
434 Id p 11
435 laquo Dossier meacutedical personnel un demi-milliard pour rien raquo le Parisien 4 janvier 2014 disponible sur
[httpwwwleparisienfr] Consulteacute le 6 feacutevrier 2017 436
Chiffres disponibles sur [httpesantegouvfr] Consulteacutes le 10 feacutevrier 2015
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
193
pris un nouveau tournant437
les financements nrsquoont pas eacuteteacute stoppeacutes pour autant La Cour des
comptes annonce pour cette anneacutee-lagrave la somme de 24 millions drsquoeuros verseacutes dont 20 millions
alloueacutes au DMP
356 Notre seconde reacuteflexion concerne la justification de ces chiffres LrsquoASIP les preacutesente
comme eacutetant ceux de la Cour des comptes Or dans son rapport la Cour preacutecise que les
sommes annonceacutees comme eacutetant affecteacutees au DMP sur le total verseacute par lrsquoassurance maladie
sont les sommes preacutesenteacutees comme tel par lrsquoASIP LrsquoASIP tente habilement de justifier les
chiffres qursquoelle avance et de leur fournir un caractegravere officiel qui nrsquoexiste pas reacuteellement
Alors que la Cour des comptes annonccedilait la somme de 210 millions drsquoeuros agrave fin 2011
lrsquoASIP estime que seuls 187 millions ont eacuteteacute reacuteellement alloueacutes au projet au 31 deacutecembre
2013 Cette diffeacuterence srsquoexplique par la meacutethode retenue par lrsquoASIP santeacute En effet celle-ci a
fait le choix ne pas associer au coucirct du DMP des coucircts drsquoactions conduites au niveau reacutegional
alors que la Cour les considegravere justement comme eacutetant agrave comptabiliser
357 Finalement comme la Cour des comptes le soulignait agrave juste titre un veacuteritable
chiffrage du coucirct du DMP se reacutevegravele quasiment impossible Il semble en effet difficile de
savoir ce que lrsquoon considegravere comme entrant dans le champ du coucirct imputable au DMP agrave ce
sujet les diffeacuterents acteurs ne sont clairement pas drsquoaccord Par ailleurs le manque total de
suivi et de management du projet en termes de finances ne permet pas une transparence
suffisante et pourtant neacutecessaire pour dresser ce type de bilan Ainsi lagrave ougrave les deacutetracteurs du
projet annoncent des coucircts colossaux qursquoil est neacutecessaire de stopper les fervents deacutefenseurs
du projet tentent de minimiser le coucirct reacuteel Dans tous les cas nous estimons deacuteplorable que le
montant total des fonds publics consacreacutes agrave un projet national aussi conseacutequent ne puisse ecirctre
eacutetabli Cela reacutevegravele une deacutefaillance importante et preacutejudiciable dans la gestion des fonds
publics
2) Les beacutemols face agrave la relance de la loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute
358 Face agrave lrsquoimpossibiliteacute de geacuteneacuteraliser le deacuteveloppement du DMP le leacutegislateur srsquoest
pencheacute degraves 2011 sur les possibiliteacutes drsquoeacutevolution envisageables pour ce dossier Ainsi un
437 V Supra ndeg 306 agrave 309
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
194
projet alternatif a drsquoabord eacuteteacute envisageacute par la loi Fourcade438
le dossier meacutedical implanteacute sur
support portable numeacuterique seacutecuriseacute Une expeacuterimentation qui visait speacutecifiquement un
eacutechantillon drsquoassureacutes souffrant drsquoune affection de longue dureacutee devait ecirctre meneacutee selon les
termes de la loi avant le 31 deacutecembre 2013 Toutefois ce projet srsquoest conclu par un eacutechec En
effet degraves 2012 la CNIL avait eacutemis des doutes importants quant agrave la seacutecuriteacute qui pouvait
assurer un tel dispositif Les limites techniques que pouvait preacutesenter un tel support
notamment en termes drsquointeacutegriteacute et de disponibiliteacute des donneacutees mais aussi en termes de
seacutecuriteacute (possibiliteacute de virus notamment) avaient eacuteteacute pointeacutees
359 LAssociation pour la promotion de linformatique et de la communication en
meacutedecine (Apicem) avait toutefois tenteacute fin 2012 de lancer une expeacuterimentation du dossier sur
clef USB sans reacuteussir pour autant agrave tenir lrsquoeacutecheacuteance leacutegale fixeacutee au 31 deacutecembre 2013 et la
Ministre de la santeacute Marisol TOURAINE a refuseacute de prolonger ce deacutelai Elle avait drsquoailleurs
rappeleacute ecirctre deacutefavorable agrave la prolongation de ce type drsquoexpeacuterimentation439
preacutecisant
neacuteanmoins srsquoengager agrave ce qursquoun programme permettant drsquoaboutir au DMP 2 soit rapidement
mis en place
360 La refonte du DMP nrsquoa finalement eu lieu qursquoen 2016 avec la loi de modernisation de
notre systegraveme de santeacute Le leacutegislateur a opeacutereacute un virage majeur qui sur certains points peut
ecirctre consideacutereacute comme un retour en arriegravere le Dossier Meacutedical Personnel devient dans sa
version 20 Partageacute Changement de formulation lourde de sens puisque lrsquooutil au service du
patient devient deacutesormais un service pour les professionnels de santeacute le patient qui en reste
titulaire conservant le consentement agrave son ouverture et lrsquoaccegraves direct
361 Autre retour en arriegravere lrsquoenjeu de ce dossier serait une nouvelle fois recentreacute sur la
maicirctrise des deacutepenses de santeacute En effet bien que la loi de modernisation de notre systegraveme de
santeacute ne le preacutesente pas de maniegravere claire en preacutevoyant un controcircle du projet par la CNAMTS
et non plus par lrsquoASIP santeacute le leacutegislateur affiche clairement la prioriteacute donneacutee agrave lrsquooutil
Drsquoailleurs le contenu du DMP preacutevu par lrsquoarticle R 1111-30 du Code de la santeacute publique
438Loi ndeg 2011-940 du 10 aoucirct 2011 modifiant certaines dispositions de la loi ndeg 2009-879 du 21 juillet 2009
portant reacuteforme de lhocircpital et relative aux patients agrave la santeacute et aux territoires JORF ndeg0185 du 11 aoucirct 2011 p
13754 439
Question eacutecrite ndeg 48488 publieacutee au JO le 4 feacutevrier 2014 p 934 reacuteponse apporteacutee et publieacutee au JO le 17 juin
2014 p 49223
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
195
integravegre les donneacutees de remboursement de lrsquoassurance maladie consideacutereacutees comme
eacutetant neacutecessaires agrave la coordination des soins Ce controcircle est critiquable agrave plusieurs niveaux
Drsquoune part nous pouvons leacutegitimement nous poser la question de la possibiliteacute pour
lrsquoassurance maladie de concilier ses missions propres avec la gestion et la mise en place drsquoun
dossier partageacute dont le contenu sera plus que sensible Drsquoautre part et comme nous lrsquoavons
deacutejagrave souligneacute il srsquoagit ici drsquoun revirement agrave la symbolique forte le DMP nrsquoest plus un outil
de santeacute publique et les prioriteacutes ne sont plus les mecircmes Toutefois face aux nombreuses
critiques qursquoa pu essuyer le projet que ce soit en termes de gestion ou de financement nous
estimons que la deacutecision de confier la conduite du projet agrave lrsquoorganisme qui en sera le principal
financeur relegraveve du bon sens et permettra certainement de mener agrave bien le projet plus
facilement mecircme si celui-ci srsquoeacuteloignera de son essence initiale
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
196
Conclusion de la section
362 Outil plein de promesses le DMP nrsquoa toutefois pas reacuteussi agrave ce jour agrave atteindre les
objectifs qui lui avaient eacuteteacute fixeacutes A sa deacutecharge nous ne pouvons que constater lrsquoambition
deacutemesureacutee du leacutegislateur degraves le deacutebut du projet Bien que les enjeux soient louables les
moyens qui lui ont eacuteteacute accordeacutes (juridiques financiers ou humains) nrsquoeacutetaient pas adapteacutes agrave
lrsquoampleur de la tacircche A sa deacutecharge le DMP nrsquoa pas rencontreacute le succegraves escompteacute aupregraves des
professionnels de santeacute et agrave deacutefaut drsquoalimentation il a peu agrave peu perdu de son inteacuterecirct Face
aux critiques qui ne cessent de se deacutevelopper notamment sur le coucirct aujourdrsquohui encore
obscur du DMP depuis 2004 le leacutegislateur a souhaiteacute lui donner une derniegravere chance Avec la
loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute il tente donc le tout pour le tout en confiant agrave
la CNAMTS le soin de relancer de maniegravere efficace ce dossier qui se fait attendre
Chapitre 1 La deacutemateacuterialisation des dossiers meacutedicaux lrsquoexemple du DMP
197
Conclusion du chapitre
363 Depuis plusieurs anneacutees le deacuteveloppement des TIC en santeacute a ameneacute les
professionnels de santeacute et les eacutetablissements de santeacute agrave se doter de dossiers meacutedicaux
eacutelectroniques
364 Face au deacuteveloppement de lrsquoinformatisation mais eacutegalement aux neacutecessiteacutes accrues de
partage de lrsquoinformation entre les professionnels de santeacute et inspireacute des expeacuteriences reacuteussies
de nos pays voisins le leacutegislateur a souhaiteacute en 2004 mettre en place un dossier informatiseacute
partageacute national le Dossier Meacutedical Personnel eacutetait neacute Preacutesenteacute comme un compleacutement des
autres dossiers et se deacutemarquant par plusieurs originaliteacutes et innovations (portail drsquoaccegraves
unique accessibiliteacute et controcircle de son dossier par le patienthellip) le DMP avait des ambitions
louables Toutefois tregraves rapidement cette ambition du leacutegislateur srsquoest retourneacutee contre le
projet qui pacircti depuis dix ans drsquoun manque drsquoencadrement juridique et manageacuterial Au fil
des anneacutees les acteurs ont alors perdu confiance dans lrsquooutil jusqursquoagrave reacutecemment deacutenoncer son
coucirct exorbitant Le DMP est aujourdrsquohui consideacutereacute par certains comme un eacutechec
365 La loi de modernisation de notre systegraveme de santeacute preacutevoyant une ultime relance du
projet sera peut-ecirctre la boueacutee de sauvetage du Dossier Meacutedical devenu Partageacute En modeacuterant
ses ambitions et en confiant la gouvernance du projet agrave un acteur qui a deacutejagrave participeacute agrave un
projet drsquoinformatisation des donneacutees de santeacute meneacute agrave bien440
le leacutegislateur accorde au DMP
toutes les chances dont il a besoin pour fonctionner
440La CNAMTS fait partie du GIE SESAM-VITALE en charge notamment de la mise en place et du
deacuteploiement de la carte vitale
199
Chapitre 2
Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du
patient
366 Les Technologies drsquoInformation et de la Communication ont apporteacute de nouvelles
possibiliteacutes de prise en charge du patient Avec elles se sont donc deacuteveloppeacutees de nouvelles
pratiques meacutedicales agrave distance permettant notamment de reacuteduire les ineacutegaliteacutes drsquoaccegraves aux
soins pour certaines populations en difficulteacute soit de par leur situation personnelle (par
exemple les deacutetenus ou les personnes acircgeacutees) soit de par leur situation geacuteographique
Ces pratiques maintenant ancreacutees pour certaines drsquoentre elles depuis une vingtaine
drsquoanneacutees se sont reacutecemment vues encadreacutees par le leacutegislateur (Section I) soucieux agrave la fois
de preacuteserver les droits des patients mais eacutegalement drsquoeacuteviter certaines deacuteviances Le
deacuteveloppement de lrsquoutilisation des TIC dans le cadre de la prise en charge du patient a
cependant rendu plus complexes les regravegles applicables en matiegravere de responsabiliteacute meacutedicale
En effet ces pratiques induisent de nouveaux risques et font intervenir de nouveaux acteurs
rendant ainsi neacutecessaire la clarification des regravegles applicables en matiegravere de responsabiliteacute
(Section II)
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
200
Section 1 La prise en charge agrave distance un cadre naissant
367 La pratique de la meacutedecine agrave distance nrsquoest pas nouvelle En effet certains reacuteseaux de
teacuteleacutemeacutedecine existent et fonctionnent depuis pregraves de vingt ans Ces pratiques ont drsquoabord
consisteacute en du conseil teacuteleacutephonique ou des visioconfeacuterences avant de se structurer
conduisant agrave la naissance de veacuteritables reacuteseaux de reacutefeacuterence441
Pourtant la notion de
teacuteleacutemeacutedecine a longtemps eacuteteacute deacutepourvue de deacutefinition juridique la pratique nrsquoeacutetant
absolument pas appreacutehendeacutee par le droit Ce nrsquoest que reacutecemment que le leacutegislateur srsquoest
pencheacute sur cette pratique pour lrsquoencadrer (Paragraphe 1)
En revanche il srsquoest inteacuteresseacute bien plus tocirct agrave la question de prescriptions meacutedicales
informatiseacutees (Paragraphe2) souhaitant seacutecuriser la prise en charge meacutedicamenteuse des
patients
sect1 La teacuteleacutemeacutedecine une pratique ancienne reacutecemment consacreacutee par
le leacutegislateur
368 Le leacutegislateur est reacutecemment venu srsquointeacuteresser agrave une pratique qui pourtant se
deacuteveloppait depuis plus de vingt ans442
Ainsi lrsquoarticle 78 de la loi HPST compleacuteteacute par le
deacutecret du 9 octobre 2010443
ont poseacute les regravegles applicables aux activiteacutes de teacuteleacutemeacutedecine
Toutefois ce cadre deacutefini de maniegravere stricte et circonscrite (A) srsquoajoute au cadre geacuteneacuteral
relatif aux droits des patients et agrave la protection de leurs donneacutees de santeacute rendant la pratique
de la teacuteleacutemeacutedecine lourde agrave mettre en place (B)
441 V notamment en ce sens TIERS Gonzague CAPON Catherine CLEMENTE Heacutelegravene laquo Teacuteleacutemeacutedecine en
reacutegion Nord-Pas de Calais raquo ITBM-RBM 2000 271-4 au sujet du reacuteseau de teacuteleacutemeacutedecine TELURGE
opeacuterationnel depuis mai 1996 442
Ibid 443
Deacutecret ndeg 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif agrave la teacuteleacutemeacutedecine JORF ndeg 0245 du 21 octobre 2010 texte ndeg
13
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
201
A Un cadre speacutecifique strictement deacutefini par la loi HPST
369 Lrsquoarticle 78 de la loi HPST fixe le cadre actuel de la teacuteleacutemeacutedecine Cet article et son
deacutecret drsquoapplication viennent seacutecuriser la pratique de la teacuteleacutemeacutedecine Ce cadre instituant une
proceacutedure preacutealable au deacuteveloppement de toute activiteacute de teacuteleacutemeacutedecine (2) preacutesente
eacutegalement lrsquointeacuterecirct de venir deacutefinir leacutegalement la teacuteleacutemeacutedecine (1)
1) La teacuteleacutemeacutedecine seule pratique agrave distance leacutegalement deacutefinie
a) Deacutefinition des diffeacuterentes pratiques
370 Avec le deacuteveloppement de lrsquoutilisation de TIC dans la pratique meacutedicale srsquoest
eacutegalement deacuteveloppeacute un champ lexical relatif agrave lrsquoexercice agrave distance de la meacutedecine Ainsi il
nous parait indispensable de deacutefinir certains termes afin de les exclure de notre reacuteflexion En
effet il est reacuteguliegraverement fait usage et parfois de maniegravere indiffeacuterencieacutee des termes teacuteleacutesanteacute
e-santeacute m-health ou encore e-health
371 Degraves 1998 lrsquoOrganisation Mondiale de la Santeacute affirmait la neacutecessiteacute de distinguer la
teacuteleacutesanteacute de la teacuteleacutemeacutedecine ce dernier terme devant ecirctre reacuteserveacute aux seules actions cliniques
et curatives de la meacutedecine utilisant les TIC444
Comme le soulignait agrave juste titre Pierre
LABORDES dans son rapport relatif agrave la teacuteleacutesanteacute445
ce terme reste une notion impreacutecise
Pour lui laquo son champ drsquoapplication est plus vaste que celui de la teacuteleacutemeacutedecine par sa
vocation agrave couvrir outre le domaine meacutedical au sens strict le domaine tregraves large et divers du
meacutedico-social raquo446
Drsquoune maniegravere plus preacutecise Pierre LABORDES tente de deacutefinir
diffeacuterentes pratiques qursquoil considegravere comme appartenant au domaine de la teacuteleacutesanteacute Pour le
deacuteputeacute peuvent donc relever de la teacuteleacutesanteacute des activiteacutes telles que la teacuteleacuteinformation la
teacuteleacutevigilance le teacuteleacutemonitoring la teacuteleacutecollaboration la teacuteleacuteprescription447
Ainsi la
teacuteleacutesanteacute se distinguerait assez clairement de la teacuteleacutemeacutedecine
444 HAS laquo Efficience de la teacuteleacutemeacutedecine eacutetat des lieux de la litteacuterature internationale et cadre drsquoeacutevolution raquo
juillet 2013 p 11 disponible sur [httpwwwhas-santefr] Consulteacute le 15 mai 2017 445
LABORDES Pierre laquo La teacuteleacutesanteacute un nouvel atout au service de notre bien-ecirctre raquo La Documentation
franccedilaise octobre 2009 446
Id p 36 447
LABORDES Pierre laquo La teacuteleacutesanteacute un nouvel atout au service de notre bien-ecirctre raquo op cit p 37
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
202
Lrsquoexercice de deacutefinition se complique toutefois quand on en vient agrave deacutefinir les notions
drsquoe-santeacute et de m-health Cette difficulteacute provient essentiellement de confusions dans la
traduction faite de ces notions Ainsi il nrsquoest pas rare que le terme e-santeacute soit utiliseacute pour
faire reacutefeacuterence agrave lrsquoactiviteacute de teacuteleacutesanteacute Crsquoest le cas par exemple de Pierre SIMON et
Dominique ACKER qui dans leur rapport relatif agrave la teacuteleacutemeacutedecine emploient ces deux
termes de maniegravere indistincte laquo les technologies du numeacuterique appliqueacutees agrave la santeacute
couvrent le champ de la e-santeacute ou teacuteleacutesanteacute [hellip] raquo448
Or initialement le terme de e-health
qui pourrait ecirctre traduit litteacuteralement par e-santeacute a eacuteteacute utiliseacute par lrsquoOMS pour faire reacutefeacuterence
aux laquo activiteacutes services et systegravemes lieacutes agrave la santeacute pratiqueacutes agrave distance au moyen des TIC
pour les besoins planeacutetaires de promotion de la santeacute des soins et du controcircle des eacutepideacutemies
de lrsquoeacutepideacutemiologie de la gestion et de la recherche appliqueacutees agrave la santeacute raquo Cette deacutefinition
est donc bien plus large que celle donneacutee pour la teacuteleacutesanteacute
Dans ses travaux consacreacutes agrave lrsquoencadrement juridique de la gestion eacutelectronique des
donneacutees meacutedicales NrsquoDa Brigitte ETIEN-GNOAN449
srsquoappuie sur la deacutefinition proposeacutee par
Gunther EYSENBACH pour deacutelimiter les contours de lrsquoe-santeacute Ainsi elle en deacuteduit que laquo la
e-santeacute ne srsquoinscrit pas dans une logique personnaliseacutee de diagnostic ou de theacuterapie alors que
la teacuteleacutesanteacute mecircme si elle consiste quelque fois en des transmissions drsquoinformations ou de
formation elle est plus marqueacutee par des actes ou services adresseacutes agrave des personnes de
maniegravere personnelle raquo450
La notion de e-santeacute serait donc un terme permettant de deacutesigner
des pratiques plus geacuteneacuteriques et moins personnaliseacutees que sont la teacuteleacutesanteacute ou la
teacuteleacutemeacutedecine
Enfin le terme m-health deacutesigne la mobile-health ou santeacute-mobile Il srsquoagit des
services drsquoinformations mais eacutegalement de recueil drsquoinformations de santeacute via des objets
connecteacutes afin de dispenser des conseils santeacute personnaliseacutes Cette pratique en plein essor ne
fera pourtant pas lrsquoobjet de notre eacutetude ici et nous ne pousserons donc pas plus loin lrsquoexercice
de deacutefinition En effet il srsquoagit drsquoune pratique qui ne touche aujourdrsquohui que de tregraves loin les
448 SIMON Pierre ACKER Dominique laquoLa place de la teacuteleacutemeacutedecine dans lrsquoorganisation des soins raquo novembre
2008 p 8 449
ETIEN-GNOAN NDa Brigitte laquo Lrsquoencadrement juridique de la gestion eacutelectronique des donneacutees
meacutedicales raquo deacutecembre 2014 thegravese pour obtenir le grade de docteur en droit disponible sur [httppepite-
depotuniv-lille2fr] Consulteacute le 15 mai 2017 450
Id p 224
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
203
eacutetablissements publics de santeacute et crsquoest pourquoi nous preacutefeacuterons lrsquoexclure de notre champ
drsquoeacutetude
372 Cet exercice termineacute nous pouvons nous concentrer sur la notion de teacuteleacutemeacutedecine
seule notion dans le domaine ayant une reacuteelle existence et deacutefinition leacutegale
Lrsquoarticle 78 de la loi HPST vient creacuteer au sein du titre premier du livre troisiegraveme de la
sixiegraveme partie du Code de la santeacute publique451
un chapitre six intituleacute laquo Teacuteleacutemeacutedecine raquo
Celle-ci est deacutefinie comme laquo une forme de pratique meacutedicale agrave distance utilisant les
Technologies de lrsquoInformation et de la Communication Elle met en rapport entre eux ou
avec un patient un ou plusieurs professionnels de santeacute parmi lesquels figure neacutecessairement
un professionnel meacutedical et le cas eacutecheacuteant drsquoautres professionnels apportant leurs soins au
patient raquo Toujours selon lrsquoarticle L 6316-1 du Code de la santeacute publique la teacuteleacutemeacutedecine
laquo permet drsquoeacutetablir un diagnostic drsquoassurer pour un patient agrave risque un suivi agrave viseacutee
preacuteventive ou un suivi post-theacuterapeutique de requeacuterir un avis speacutecialiseacute de preacuteparer une
deacutecision theacuterapeutique de prescrire des produits de prescrire ou de reacutealiser des prestations
ou des actes ou drsquoeffectuer une surveillance de lrsquoeacutetat des patients raquo Avec cette deacutefinition le
leacutegislateur fait donc de la teacuteleacutemeacutedecine un acte meacutedical agrave part entiegravere clairement deacutefini drsquoune
part et juridiquement consacreacute drsquoautre part
b) Les cinq actes de teacuteleacutemeacutedecine
373 Le deacutecret du 9 octobre 2010 deacutefinit cinq actes relevant de la teacuteleacutemeacutedecine Degraves lors
seules les pratiques correspondant agrave une de ces cinq deacutefinitions seront consideacutereacutees comme des
actes de teacuteleacutemeacutedecine entrant dans le cadre leacutegal (sous reacuteserve bien entendu de reacutepondre
eacutegalement aux autres contraintes du deacutecret452
) La liste de ces actes a eacuteteacute codifieacutee au sein de
lrsquoarticle R 6316-1 du Code de la santeacute publique
374 Le premier acte de teacuteleacutemeacutedecine est la teacuteleacuteconsultation acte ayant pour objet de
permettre agrave un professionnel meacutedical de donner une consultation agrave distance agrave un patient Un
professionnel de santeacute peut ecirctre preacutesent pregraves du patient et le cas eacutecheacuteant assister le
professionnel meacutedical au cours de la consultation Le texte preacutecise eacutegalement que les
psychologues peuvent eacutegalement ecirctre preacutesents aupregraves du patient
451 laquo Etablissements et services de santeacute raquo
452 V Infra ndeg 377 agrave 381
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
204
375 Le deuxiegraveme acte de teacuteleacutemeacutedecine est la teacuteleacuteexpertise Celle-ci a pour but de permettre
agrave un professionnel meacutedical de solliciter agrave distance lrsquoavis drsquoun ou plusieurs professionnels
meacutedicaux en raison de leurs formations ou de leurs compeacutetences particuliegraveres sur la base des
informations meacutedicales lieacutees agrave la prise en charge drsquoun patient Cette pratique est finalement
lrsquoapplication aux TIC de la possibiliteacute dont dispose le professionnel de pouvoir solliciter un
confregravere dans certains cas
376 Le troisiegraveme acte viseacute par le deacutecret du 9 octobre 2010 est la teacuteleacutesurveillance meacutedicale
Cette pratique a pour objet de permettre agrave un professionnel meacutedical drsquointerpreacuteter agrave distance les
donneacutees neacutecessaires au suivi meacutedical drsquoun patient et le cas eacutecheacuteant de prendre des deacutecisions
relatives agrave la prise en charge de ce patient Lrsquoenregistrement et la transmission des donneacutees
peuvent ecirctre automatiseacutes ou reacutealiseacutes par le patient lui-mecircme ou par un professionnel de santeacute
La quatriegraveme pratique est la teacuteleacuteassistance meacutedicale permettant agrave un professionnel meacutedical
drsquoassister agrave distance un autre professionnel de santeacute au cours de la reacutealisation drsquoun acte
Enfin le leacutegislateur a eacutegalement inscrit parmi les actes de teacuteleacutemeacutedecine la reacuteponse
meacutedicale apporteacutee dans le cadre de la reacutegulation meacutedicale
Seules ces cinq pratiques sont constitutives drsquoun acte de teacuteleacutemeacutedecine
2) Une proceacutedure preacutealable stricte
377 Le deacutecret du 9 octobre 2010 ne srsquoest pas contenteacute drsquoapporter des deacutefinitions il a
eacutegalement instaureacute le cadre leacutegal conventionnel et financier dans lequel doit srsquoinscrire lrsquoacte
de teacuteleacutemeacutedecine Plusieurs exigences preacutealables au deacuteveloppement drsquoun projet de
teacuteleacutemeacutedecine doivent donc drsquoecirctre respecteacutees Nous ne nous attarderons pas ici sur les regravegles de
droit commun applicables agrave lrsquoexercice de la meacutedecine drsquoune maniegravere geacuteneacuterale qui vont
srsquoopposer eacutegalement agrave lrsquoactiviteacute de teacuteleacutemeacutedecine ces eacuteleacutements eacutetant deacuteveloppeacutes
ulteacuterieurement453
Nous preacutefeacuterons nous concentrer sur les regravegles propres agrave lrsquoactiviteacute de
teacuteleacutemeacutedecine eacutedicteacutees par le deacutecret de 2010
453 V Infra ndeg 425 et s
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
205
378 Celles-ci sont de trois ordres Drsquoabord lrsquoactiviteacute de teacuteleacutemeacutedecine ne peut pas ecirctre mise
en place si elle ne srsquoinscrit pas au choix dans un programme national dans un contrat
pluriannuel drsquoobjectifs et de moyens454
(CPOM) ou dans un contrat particulier signeacute avec le
Directeur Geacuteneacuteral (DG) de lrsquoARS Le deacutecret preacutecise eacutegalement que le CPOM ou le contrat
particulier signeacute avec le DG ARS devra respecter par ailleurs les prescriptions du programme
relatif au deacuteveloppement de la teacuteleacutemeacutedecine lui-mecircme inclus dans le projet reacutegional de
santeacute455
On peut noter ici une volonteacute de la part du leacutegislateur de srsquoassurer que les projets de
teacuteleacutemeacutedecine se deacuteveloppent en lien avec les ARS et dans le respect des besoins de santeacute des
populations De ce fait elles jouent un rocircle important puisqursquoelles garantissent la coheacuterence
des activiteacutes deacuteveloppeacutees avec les besoins du territoire Il srsquoagit eacutegalement drsquoun moyen utile
pour orienter le deacuteveloppement de projets sur des theacutematiques ou des speacutecialiteacutes consideacutereacutees
comme prioritaires Il est important de preacuteciser que suite au deacutecret dit Teacuteleacutemeacutedecine la
Direction Geacuteneacuterale de lrsquoOffre de Soins (DGOS) a souhaiteacute mettre en place une strateacutegie
nationale de deacuteploiement de la teacuteleacutemeacutedecine Celle-ci a consisteacute en la mise en place drsquoun
comiteacute de pilotage national456
en charge de coordonner les initiatives des diffeacuterents acteurs de
la teacuteleacutemeacutedecine En 2011 ce comiteacute de pilotage national a identifieacute cinq theacutematiques
consideacutereacutees comme eacutetant des prioriteacutes nationales de deacuteploiement de la teacuteleacutemeacutedecine Il srsquoagit
de la permanence des soins en imagerie de la prise en charge de lrsquoAVC de la santeacute des
personnes deacutetenues de la prise en charge des maladies chroniques et des soins en structures
meacutedico-sociale ou HAD Ces theacutematiques sont agrave lrsquoheure actuelle prioriseacutees dans les
programmes reacutegionaux de deacuteveloppement de la teacuteleacutemeacutedecine
454 Article L 6114-1 du Code de la santeacute publique laquo lagence reacutegionale de santeacute conclut avec chaque
eacutetablissement de santeacute ou titulaire de lautorisation preacutevue agrave larticle L 6122-1 un contrat pluriannuel
dobjectifs et de moyens dune dureacutee maximale de cinq ans Lorsquil comporte des clauses relatives agrave lexeacutecution
dune mission de service public le contrat est signeacute pour une dureacutee de cinq ans raquo 455
Article L 1434-2 du Code de la santeacute publique laquo le projet reacutegional de santeacute est constitueacute
1deg Dun plan strateacutegique reacutegional de santeacute qui fixe les orientations et objectifs de santeacute pour la reacutegion
2deg De scheacutemas reacutegionaux de mise en œuvre en matiegravere de preacutevention dorganisation de soins et dorganisation
meacutedico-sociale
3deg De programmes deacuteclinant les modaliteacutes speacutecifiques dapplication de ces scheacutemas dont un programme relatif
agrave laccegraves agrave la preacutevention et aux soins des personnes les plus deacutemunies et un programme relatif au deacuteveloppement
de la teacuteleacutemeacutedecine La programmation peut prendre la forme de programmes territoriaux de santeacute pouvant
donner lieu agrave des contrats locaux de santeacute tels que deacutefinis agrave larticle L 1434-17
Le plan strateacutegique reacutegional de santeacute preacutevoit des articulations avec la santeacute au travail la santeacute en milieu
scolaire et la santeacute des personnes en situation de preacutecariteacute et dexclusion raquo 456
Ce comiteacute de pilotage est animeacute et coordonneacute par la DGOS en lien avec drsquoautres partenaires institutionnels
tels que la DSSIS lrsquoASIP Santeacute la DSS la CNAM-TS lrsquoANAP la HAS la DATAR la DGCIS et les
repreacutesentants des usagers
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
206
379 Les eacutetablissements organismes etou professionnels de santeacute qui participent agrave une
activiteacute de teacuteleacutemeacutedecine vont eacutegalement devoir conclure entre eux une convention afin de
reacutegir leurs relations et les conditions drsquoorganisation de cette activiteacute A ce sujet la CNIL
recommande que les engagements et les responsabiliteacutes des acteurs soient rappeleacutes dans ces
conventions Celles-ci devront eacutegalement en pratique comprendre les mentions relatives agrave
lrsquoorganisation de lrsquoactiviteacute agrave lrsquoheacutebergement agrave la seacutecuriteacute et la confidentialiteacute des donneacutees
mais eacutegalement celles relatives agrave la proceacutedure deacutegradeacutee agrave organiser dans lrsquohypothegravese drsquoune
deacutefaillance de la solution technique initiale
380 Enfin les organismes eacutetablissements ou professionnels de santeacute qui mettent en place
une activiteacute de teacuteleacutemeacutedecine doivent srsquoassurer agrave la fois de la formation mais aussi des
compeacutetences techniques des professionnels qui prennent part agrave lrsquoactiviteacute Toutefois notons
que le deacutecret reste muet en ce qui concerne les moyens de controcircle de la bonne formation des
professionnels En cas de contentieux il reviendrait alors agrave lrsquoeacutetablissement de santeacute drsquoapporter
la preuve qursquoil a bien formeacute ses professionnels agrave lrsquoutilisation de la solution technique qursquoil
aurait mis agrave disposition de ceux-ci
381 Le cadre de la mise en place drsquoune activiteacute de teacuteleacutemeacutedecine ne srsquoarrecircte pas agrave ces
proceacutedures preacutealables Drsquoautres proceacutedures administratives vont devoir ecirctre respecteacutees
impliquant plusieurs acteurs Cet ensemble forme alors un cadre assez pesant pour les
responsables de projets de teacuteleacutemeacutedecine susceptibles de les freiner
B Un cadre lourd frein au deacuteveloppement de lrsquoactiviteacute
382 Certains acteurs de la teacuteleacutemeacutedecine considegraverent aujourdrsquohui que le cadre leacutegal bien
que seacutecurisant peut constituer un frein au deacuteveloppement rapide de la teacuteleacutemeacutedecine
Effectivement force est de constater que les projets aboutis ne sont pas aujourdrsquohui aussi
nombreux que les professionnels du secteur auraient pu lrsquoespeacuterer (1) Ce constat reacutesulte
principalement des lourdeurs administratives qui entourent la mise en place drsquoune activiteacute de
teacuteleacutemeacutedecine qursquoelles soient preacutevues par les textes ou induites par la nature mecircme de
lrsquoexercice (2) Des pistes drsquoameacutelioration sont actuellement eacutetudieacutees afin drsquoencourager le
deacuteveloppement de la teacuteleacutemeacutedecine (3)
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
207
1) Etat des lieux de lrsquoactiviteacute en France
383 La DGOS suite agrave un premier eacutetat des lieux des projets de teacuteleacutemeacutedecine existant en
France reacutealiseacute agrave la fin de lrsquoanneacutee 2011 a proceacutedeacute agrave un nouveau recensement au 31 deacutecembre
2012457
Cette seconde eacutetude a permis drsquoeacutetablir un bilan plus complet et mettre en valeur
lrsquoeacutevolution des projets Alors que 256 dispositifs de teacuteleacutemeacutedecine eacutetaient recenseacutes pour 2011
lrsquoenquecircte meneacutee en 2012 a reacuteveacuteleacute lrsquoexistence de 331 dispositifs soit une augmentation de pregraves
de 50 en un an Les actes de teacuteleacuteconsultation et de teacuteleacuteexpertise sont largement majoritaires
puisqursquoils repreacutesentent 78 des projets Sur lrsquoensemble de ces projets 169 sont opeacuterationnels
et prennent en charge des patients (contre 161 encore agrave lrsquoeacutetat de conception au moment du
recensement) 53 de ces projets concernent de maniegravere exclusive le secteur hospitalier et 30
impliquent le secteur ambulatoire A ce sujet il est utile de preacuteciser qursquoil srsquoagit ici drsquoune
augmentation de 179 par rapport agrave 2011 Cependant ces chiffres soulignent une
preacutedominance du secteur hospitalier dans le cadre de lrsquoactiviteacute de teacuteleacutemeacutedecine
384 En adeacutequation avec les prioriteacutes deacutefinies au niveau national 25 reacutegions comptent au
moins un dispositif de teacuteleacutemeacutedecine ayant pour objectif la prise en charge drsquoune maladie
chronique De mecircme drsquoune maniegravere globale 30 dispositifs de teacuteleacutemeacutedecine concernent la
prise en charge de lrsquoaccident vasculaire ceacutereacutebral (AVC) 30 projets lrsquoinsuffisance reacutenale et 24
projets lrsquoinsuffisance cardiaque
385 Ces chiffres drsquoordre geacuteneacuteral sur lrsquoeacutevolution de la teacuteleacutemeacutedecine eacutetant exposeacutes il est
inteacuteressant de srsquoattarder sur un point mis en valeur dans ce rapport de la DGOS lrsquoeacutetat des
lieux de la contractualisation et du conventionnement
En ce qui concerne le conventionnement avec lrsquoARS la DGOS affirme que sur les 169
projets opeacuterationnels seuls 24 ont fait lrsquoobjet drsquoune contractualisation avec lrsquoARS (soit
environ 41 projets) Aucun chiffre nrsquoest mentionneacute quant aux projets en cours drsquoeacutelaboration
Pour autant 81 des 331 dispositifs de teacuteleacutemeacutedecine srsquoinscrivent dans les prioriteacutes du
programme reacutegional de teacuteleacutemeacutedecine de leur reacutegion
457 laquo La preuve par 10 Principaux enseignements du bilan PRT et du recensement des projets teacuteleacutemeacutedecine
2013 raquo Direction Geacuteneacuterale de lrsquoOffre de Soins A noter qursquoagrave lrsquoheure actuelle ce bilan est le seul bilan officiel
qui existe concernant lrsquoeacutetat des lieux de lrsquooffre de teacuteleacutemeacutedecine en France
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
208
Le conventionnement entre les acteurs drsquoun dispositif de teacuteleacutemeacutedecine nrsquoa pas plus de
succegraves puisque seulement 51 des projets opeacuterationnels (donc 86 projets) ont donneacute lieu agrave un
conventionnement entre les acteurs La DGOS preacutecise que ce conventionnement recenseacute peut
ecirctre total ou partiel sans pour autant preacuteciser ce qursquoelle entend par conventionnement partiel
Or cette situation va non seulement agrave lrsquoencontre des dispositions du deacutecret de 2010 qui
impose la signature drsquoune convention mais eacutegalement agrave lrsquoencontre de la plupart des
recommandations eacutemises agrave ce sujet
386 Alors que la DGOS semble se feacuteliciter de ce deacuteveloppement qursquoelle considegravere comme
remarquable nous ne pouvons que constater que le nombre limiteacute de projets officiels de
teacuteleacutemeacutedecine pour une activiteacute qui dispose drsquoune existence leacutegale depuis peu de temps mais
se deacuteveloppe toutefois depuis presque 20 ans Pour nous cet eacutetat de fait tend agrave montrer qursquoil
existe encore aujourdrsquohui des freins au deacuteveloppement des activiteacutes de teacuteleacutemeacutedecine freins
qui ne sont pas drsquoordre technique
2) Le poids des proceacutedures preacutealables
387 La mise en œuvre drsquoun projet de teacuteleacutemeacutedecine sous-entend pour son initiateur de
traiter avec une diversiteacute drsquointerlocuteurs administratifs ou meacutedicaux afin soit drsquoobtenir les
autorisations neacutecessaires agrave lrsquoactiviteacute soit de contractualiser Cette proceacutedure preacutealable est en
partie preacutevue par le deacutecret de 2010 crsquoest le cas de la contractualisation preacutealable obligatoire
avec lrsquoARS ou entre les acteurs drsquoun mecircme projet (a) mais elle peut eacutegalement ecirctre en partie
induite par la nature mecircme de la teacuteleacutemeacutedecine activiteacute neacutecessitant une collecte un traitement
et un archivage de donneacutees informatiseacutees (b)
a) La contractualisation avec les acteurs
388 Comme nous avons pu le voir preacuteceacutedemment si lrsquoactiviteacute de teacuteleacutemeacutedecine ne srsquoinscrit
pas dans le cadre drsquoun programme national deacutefini par arrecircteacute pris par le ministre en charge de
la santeacute ou si elle nrsquoest pas inscrite au sein drsquoun CPOM quand il srsquoagit drsquoune activiteacute meneacutee
par un eacutetablissement de santeacute elle doit faire lrsquoobjet drsquoun contrat signeacute avec lrsquoARS Or agrave
lrsquoheure actuelle lrsquoorientation prise par le Ministegravere de la santeacute est bien de confier
lrsquoorganisation des activiteacutes de teacuteleacutemeacutedecine aux ARS Il nrsquoexiste donc pas agrave ce jour de
programme national de teacuteleacutemeacutedecine
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
209
389 Pour permettre drsquoaccompagner les diffeacuterents acteurs dans cette deacutemarche de
contractualisation la DGOS a publieacute en 2012 un guide meacutethodologique458
Ce guide
considegravere la contractualisation avec lrsquoARS comme un levier permettant drsquoassurer une
meilleure visibiliteacute aux porteurs des projets de teacuteleacutemeacutedecine tout en assurant la qualiteacute des
activiteacutes mises en place En lrsquoabsence de preacutecisions dans le deacutecret le guide meacutethodologique
preacutesente lrsquointeacuterecirct de preacuteconiser une dureacutee et un peacuterimegravetre pour les contrats ceux-ci doivent
donc selon le Ministegravere avoir une dureacutee caleacutee sur celle du programme reacutegional de
teacuteleacutemeacutedecine et ecirctre signeacutes une fois la phase de conception termineacutee mais avant la prise en
charge effective des patients Enfin le guide propose un contrat-type
390 Les porteurs drsquoun projet de teacuteleacutemeacutedecine doivent eacutegalement preacutevoir une convention
entre eux Celle-ci a notamment pour but de preacutevoir les modaliteacutes pratiques de lrsquoorganisation
de lrsquoactiviteacute (en termes de solution technique choisie par exemple) mais rappelle eacutegalement
les obligations de chacun en matiegravere de droit des patients ainsi qursquoen termes de reacutepartition des
responsabiliteacutes Ainsi dans le cadre de la mise en place drsquoun projet de teacuteleacutemeacutedecine le deacutecret
de 2010 exige a minima la mise en place de deux conventions diffeacuterentes Cette proceacutedure
bien qursquoutile en plusieurs points reste lourde pour les diffeacuterents acteurs Elle implique une
charge administrative suppleacutementaire qui pourra srsquoaveacuterer chronophage surtout lorsque le
nombre drsquoacteurs concerneacutes par lrsquoactiviteacute sera important Or il ne faut pas oublier que le but
premier drsquoun projet de teacuteleacutemeacutedecine est lrsquoameacutelioration de la prise en charge des patients
Pourtant cette charge administrative est souvent une cause de retard dans le lancement des
activiteacutes de teacuteleacutemeacutedecine
b) Les proceacutedures induites par lrsquoactiviteacute
La proceacutedure preacutealable aupregraves de la CNIL
391 Initialement la CNIL exigeait que lrsquoactiviteacute de teacuteleacutemeacutedecine soit preacutealablement
soumise agrave une demande drsquoautorisation459
Cependant la CNIL dans une deacutemarche de
simplification des formaliteacutes preacutealables a deacutecideacute de soumettre au reacutegime de la deacuteclaration les
traitements de donneacutees de santeacute qui relegravevent des exceptions preacutevues agrave lrsquoarticle 8 II de la loi
Informatique et Liberteacutes Cette deacutemarche de la CNIL srsquoinscrit dans la continuiteacute de la
458 Circulaire DGOSPF3 ndeg2012-114 du 13 mars 2012 relative au guide meacutethodologique pour lrsquoeacutelaboration des
contrats et des conventions en teacuteleacutemeacutedecine non publieacutee au JORF 459
Disponible sur [httpwwwsantegouvfr] Consulteacute le 15 mai 2017
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
210
philosophie impulseacutee par le regraveglement europeacuteen sur la protection des donneacutees fondeacute en
grande partie sur la responsabilisation des responsables de traitement460
392 Cette deacutemarche aurait pu en reacutealiteacute ecirctre mise en place bien avant lrsquoadoption du
regraveglement europeacuteen Une lecture croiseacutee de lrsquoarticle 8 et de lrsquoarticle 25-I-1 de la loi
Informatique et Liberteacutes permet de consideacuterer que les traitements de donneacutees de santeacute mis en
place dans le cadre drsquoune activiteacute de teacuteleacutemeacutedecine permet drsquoaffirmer que ceux-ci nrsquoeacutetaient
pas soumis agrave la proceacutedure drsquoautorisation mais simplement agrave la proceacutedure de deacuteclaration En
effet lrsquoarticle 25-I-1 de la loi Informatique et Liberteacutes preacutevoit que laquo sont mis en œuvre apregraves
autorisation de la Commission nationale de linformatique et des liberteacutes [hellip] les traitements
automatiseacutes ou non mentionneacutes au 7deg du II au III et au IV de larticle 8 raquo Or les traitements
mis en œuvre dans le cadre drsquoune activiteacute de teacuteleacutemeacutedecine relegravevent selon nous des 1deg et 2deg
du II de lrsquoarticle 8461
Lrsquoheacutebergement agreacuteeacute des donneacutees
393 Comme le preacutevoit lrsquoarticle R 6316-10 du Code de la santeacute publique laquo les organismes
et les professionnels de santeacute utilisateurs des Technologies de lInformation et de la
Communication pour la pratique dactes de teacuteleacutemeacutedecine sassurent que lusage de ces
technologies est conforme aux dispositions preacutevues au quatriegraveme alineacutea de larticle L 1111-8
du Code de la santeacute publique relatif aux modaliteacutes dheacutebergement des donneacutees de santeacute agrave
caractegravere personnel raquo
Les acteurs impliqueacutes dans une activiteacute de teacuteleacutemeacutedecine vont devoir reacutefleacutechir aux
modaliteacutes drsquoheacutebergement des donneacutees de santeacute recueillies dans ce cadre Un des risques dans
lrsquohypothegravese drsquoune activiteacute qui regroupe plusieurs eacutetablissements ou professionnels de santeacute
est que lrsquoun drsquoentre eux conserve lrsquoensemble des donneacutees de santeacute sur son systegraveme
drsquoinformation La question peut se poser de savoir srsquoil devra agrave son tour ecirctre heacutebergeur agreacuteeacute
460 V en ce sens la position de la CNIL sur sa deacutemarche de simplification des formaliteacutes disponible sur
[httpswwwcnilfr] 461
Les 1deg et 2deg du II de lrsquoarticle 8 visent laquo les traitements pour lesquels la personne concerneacutee a donneacute son
consentement expregraves sauf dans le cas ougrave la loi preacutevoit que linterdiction viseacutee au I ne peut ecirctre leveacutee par le
consentement de la personne concerneacutee raquo et les laquo traitements neacutecessaires agrave la sauvegarde de la vie humaine
mais auxquels la personne concerneacutee ne peut donner son consentement par suite dune incapaciteacute juridique ou
dune impossibiliteacute mateacuterielle raquo
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
211
Tant qursquoil ne conserve que les donneacutees de patient qursquoil a pris en charge la reacuteponse est non
Toutefois dans le cadre drsquoun reacuteseau de teacuteleacutemeacutedecine la reacuteponse peut ecirctre plus nuanceacutee Par
exemple dans lrsquohypothegravese ougrave un eacutetablissement centralise et conserve lrsquoensemble des donneacutees
mais ne participe pas agrave toutes les prises en charge par le reacuteseau il en viendra agrave ecirctre heacutebergeur
de donneacutees de santeacute et devra donc disposer drsquoun agreacutement agrave ce titre Cette situation doit donc
ecirctre penseacutee en amont de la mise en place de lrsquoactiviteacute par lrsquoensemble des acteurs En effet
comme nous lrsquoavons vu preacuteceacutedemment la proceacutedure drsquoheacutebergement est longue Le plus
simple pour lrsquoensemble des acteurs est donc de solliciter un heacutebergeur agreacuteeacute
La convention de coopeacuteration entre professionnels
394 Dans certains cas lrsquoactiviteacute de teacuteleacutemeacutedecine va faire appel agrave une eacutequipe
pluridisciplinaire Drsquoailleurs certains actes habituellement reacuteserveacutes aux meacutedecins par
exemple vont dans le contexte de la teacuteleacutemeacutedecine ecirctre reporteacutes sur le personnel parameacutedical
tels que les infirmiers Dans ce cas le projet de teacuteleacutemeacutedecine devra en plus des diffeacuterentes
conventions citeacutees preacuteceacutedemment mettre en place le protocole de coopeacuteration preacutevu par
lrsquoarticle L 4011-1462
du Code de la santeacute publique Cette possibiliteacute drsquoencadrer leacutegalement ce
qui est ni plus ni moins qursquoun transfert de tacircches a eacuteteacute introduite par lrsquoarticle 51 de la loi
HPST Cet article permet agrave un professionnel dans le cadre drsquoun protocole preacutecis de reacutealiser
des actes qui ne relegravevent pas drsquoun point de vue strictement reacuteglementaire de sa compeacutetence
En pratique il appartient aux professionnels drsquoecirctre les initiateurs de cette deacutemarche Le
protocole mis en place entre les professionnels souhaitant srsquoinscrire dans une deacutemarche de
coopeacuteration est soumis agrave validation de lrsquoARS Celle-ci veacuterifie dans un premier temps si le
protocole correspond bien agrave un besoin reacuteel de santeacute constateacute au sein de la reacutegion Puis le
protocole est soumis agrave lrsquoavis de la Haute autoriteacute de Santeacute (HAS) Le Directeur de lrsquoARS
autorise ensuite la mise en œuvre de ce protocole par voie drsquoarrecircteacute
462 Cet article preacutevoit laquo Par deacuterogation aux articles L 1132-1 L 4111-1 L 4161-1 L 4161-3 L 4161-5 L
4221-1 L 4311-1 L 4321-1 L 4322-1 L 4331-1 L 4332-1 L 4341-1 L 4342-1 L 4351-1 L 4361-1 L
4362-1 L 4364-1 et L 4371-1 les professionnels de santeacute peuvent sengager agrave leur initiative dans une
deacutemarche de coopeacuteration ayant pour objet dopeacuterer entre eux des transferts dactiviteacutes ou dactes de soins ou de
reacuteorganiser leurs modes dintervention aupregraves du patient Ils interviennent dans les limites de leurs
connaissances et de leur expeacuterience ainsi que dans le cadre des protocoles deacutefinis aux articles L 4011-2 et L
4011-3[hellip] raquo
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
212
395 Cependant ce dispositif nrsquoa pas reccedilu le succegraves escompteacute Dans son rapport drsquoactiviteacute
de 2013463
consacreacute au sujet la HAS donnait les chiffres suivants laquo au 31 deacutecembre 2013
les ARS ont transmis 71 protocoles agrave la HAS correspondant aux protocoles reccedilus depuis 2
ans [hellip] Mais du fait de double saisine pour le mecircme dossier ou de retrait de dossiers par les
promoteurs la HAS a donneacute un avis sur 38 dossiers et 19 dossiers sont en instruction fin
2013 30 ont reccedilu un avis favorable avec reacuteserves Ces reacuteserves portent freacutequemment sur les
indicateurs proposeacutes (fiches incomplegravetes ou manquantes) sur les formations neacutecessaires agrave
lrsquoacquisition de compeacutetences ou sur lrsquoinformation donneacutee aux patients raquo
396 En ce qui concerne plus particuliegraverement la teacuteleacutemeacutedecine seuls trois protocoles de
coopeacuteration avaient eacuteteacute mis en place en deacutecembre 2013 le premier concernant une
consultation de mesure de lrsquoacuiteacute visuelle et de la reacutefraction (dans ce cas un ophtalmologiste
deacutelegravegue ses compeacutetences agrave un orthoptiste ou un infirmier diplocircmeacute drsquoeacutetat) le deuxiegraveme
concernant le suivi de patients diabeacutetiques traiteacutes par insuline (dans ce cas la prescription des
soins est effectueacute par lrsquoinfirmier agrave la place du meacutedecin) et le dernier concernant le suivi des
plaies complexes etou agrave retard de cicatrisation (dans ce cas le meacutedecin ou le chirurgien
deacutelegravegue ses compeacutetences agrave un infirmier)
397 Nous ne pouvons que nous eacutetonner du faible nombre de protocoles de coopeacuteration mis
en place Cependant nous ne sommes pas en mesure de dire faute de recensement preacutecis de
lrsquoensemble des projets de teacuteleacutemeacutedecine existant464
si ce faible chiffre est ducirc agrave lrsquoabsence reacuteelle
de transfert de compeacutetences dans les activiteacutes de teacuteleacutemeacutedecine ou srsquoil srsquoagit drsquoune lacune dans
la reacutealisation des deacutemarches par les responsables de projet La lourdeur drsquoune part et le
manque drsquoadheacutesion au dispositif drsquoautre part sont certainement les causes de ce faible
nombre
463 HAS laquo les protocoles de coopeacuteration article 51 de la loi HPST raquo rapport drsquoactiviteacute 2013 disponible sur
[httpwwwhas-santefr] Consulteacute le 3 mars 2017 464
Le recensement des projets effectueacutes par la DGOS reste global et ne preacutesente pas de maniegravere individuelle
lrsquoensemble des projets existants
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
213
3) Pistes drsquoeacutevolution
En mai 2015 le groupe de travail GT33 CSIS-CSF465
a publieacute un rapport466
dans lequel
il identifie les freins au deacuteveloppement pour ensuite cibler des actions susceptibles
drsquoameacuteliorer le deacuteveloppement de la teacuteleacutemeacutedecine
398 La premiegravere action tregraves concregravete consiste en une aide agrave la qualification drsquoun projet de
teacuteleacutemeacutedecine Pour cela le groupe a reacutealiseacute un kit de deacutemarrage composeacute de cinq fiches
pratiques permettant drsquoidentifier de maniegravere claire le projet et de prendre en consideacuteration
toutes les implications juridiques de celui-ci
399 La deuxiegraveme action proposeacutee est une aide agrave lrsquoeacutevaluation a priori drsquoun projet Cette
aide inteacutegrerait un dialogue en amont entre les porteurs de projets et lrsquoHAS et la CNAMTS
notamment afin de srsquoassurer de lrsquoefficience du projet et drsquoaborder eacuteventuellement la prise en
charge par lrsquoAssurance Maladie des futurs actes de teacuteleacutemeacutedecine
400 La troisiegraveme proposition revient sur le processus de contractualisation actuellement
preacutevu par le deacutecret drsquooctobre 2010 Pour le GT 33 une des pistes serait eacuteventuellement de ne
rendre la contractualisation obligatoire que pour les projets expeacuterimentaux financeacutes A ce
sujet la DGOS a mis en place un groupe de travail auquel les industriels ont eacuteteacute associeacutes degraves
la fin de lrsquoanneacutee 2014 et un deacutecret refondu et simplifieacute eacutetait annonceacute pour la fin du 1er
semestre 2015 Toutefois ce deacutecret a pris du retard et nrsquoest agrave lrsquoheure actuelle toujours pas
publieacute
401 La quatriegraveme proposition srsquoinscrit dans la mecircme dynamique que la preacuteceacutedente
puisqursquoelle consiste en une simplification de lrsquoinstruction des protocoles de coopeacuteration Cette
deacutemarche serait accompagneacutee drsquoune communication aupregraves des porteurs de projets sur
lrsquoexistence drsquoun site deacutedieacute agrave la deacutemateacuterialisation des demandes de validation de protocole
465 Ce groupe de travail associe les repreacutesentants des pouvoirs publics (DGOS DSSIS DGE DGRI ASIP Santeacute
ANAP HAS CNAMTS ANSM) et des syndicats industriels (SNITEM Syntec Numeacuterique) et a pour objectif
de permettre lrsquoeacutemergence drsquoune strateacutegie industrielle en matiegravere de e-santeacute (projet nommeacute laquo mesure 33 raquo) 466
laquo GT33CSIS‐CSF Permettre lrsquoeacutemergence drsquoune strateacutegie industrielle en matiegravere de e-santeacute en soutien de la
politique de santeacute publique en associant les industriels Lever les freins au deacuteploiement de la teacuteleacutemeacutedecine raquo
Rapport eacutelaboreacute par le groupe de travail sur la teacuteleacutemeacutedecine reacuteuni dans le cadre du Comiteacute Strateacutegique de Filiegravere
Santeacute Mai 2015 Disponible sur [httpwwwsocial-santegouvfr]
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
214
402 Le groupe de travail propose en cinquiegraveme intention de simplifier lrsquoensemble des
deacutemarches administratives obligatoires au niveau reacutegional Partant du constat que les
interlocuteurs des responsables de projets teacuteleacutemeacutedecine sont agrave la fois nombreux et mal
identifieacutes il est preacuteconiseacute la clarification du parcours administratif qui pourrait passer par
lrsquoinstauration drsquoun guichet unique aupregraves de lrsquoARS Enfin les aspects techniques et
notamment les systegravemes drsquoauthentification doivent ecirctre clarifieacutes et la teacuteleacutemeacutedecine promue
notamment en lrsquointeacutegrant dans les parcours de soins
403 Ces propositions si elles eacutetaient mises en œuvre permettraient effectivement selon
nous drsquoaugmenter le deacuteveloppement de projets de teacuteleacutemeacutedecine Le chantier principal serait
alors lrsquoensemble des simplifications neacutecessaires en termes de deacutemarches administratives
celles-ci repreacutesentant un poids consideacuterable et chronophage pour les porteurs de projets
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
215
sect2 Lrsquoinformatisation des prescriptions meacutedicales un cadre en
construction
404 Le deacuteveloppement des TIC dans la pratique meacutedicale couvre tous les actes meacutedicaux
y compris la prescription meacutedicale Cela implique deux principes diffeacuterents sur lesquelles il
est inteacuteressant que nous nous attardions Drsquoune part la possibiliteacute drsquoutiliser lrsquoe-mail pour
transmettre une prescription meacutedicale (A) et drsquoautre part lrsquoinformatisation de lrsquoacte en tant
que tel et donc de toutes les eacutetapes preacutevues dans le circuit du meacutedicament (B)
A La prescription par voie eacutelectronique une possibiliteacute encore limiteacutee
405 Bien avant lrsquoencadrement de la teacuteleacutemeacutedecine le leacutegislateur srsquoest pencheacute sur la
possibiliteacute de transmettre une prescription meacutedicale par courrier eacutelectronique Elle existe donc
depuis 2004 (1) mais elle meacuteriterait aujourdrsquohui drsquoecirctre exploiteacutee et deacuteveloppeacutee (2)
1) La prescription par e-mail une possibiliteacute leacutegalement encadreacutee
406 Crsquoest la loi du 3 aoucirct 2004 relative agrave lrsquoassurance maladie467
qui dans son article 34 a
introduit la possibiliteacute de reacutediger puis transmettre une ordonnance par courriel Cependant
cette possibiliteacute est tregraves encadreacutee afin drsquoen limiter lrsquoutilisation agrave certaines situations Lrsquoarticle
34 de la loi preacuteciteacutee dispose en effet qursquo laquo une ordonnance comportant les prescriptions de
soins ou de meacutedicaments peut ecirctre formuleacutee par courriel degraves lors que son auteur peut ecirctre
ducircment identifieacute qursquoelle a eacuteteacute eacutetablie transmise et conserveacutee dans des conditions propres agrave
garantir son inteacutegriteacute et sa confidentialiteacute et agrave condition qursquoun examen clinique du patient ait
eacuteteacute reacutealiseacute preacutealablement sauf agrave titre exceptionnel en cas drsquourgence raquo
407 Plusieurs conditions sont donc poseacutees afin de permettre agrave un meacutedecin drsquoenvoyer une
prescription meacutedicale agrave un patient sous forme de courrier eacutelectronique Les premiegraveres
conditions ont trait au document envoyeacute par voie eacutelectronique En effet celui-ci pour ecirctre
467 Loi ndeg 2004-810 du 13 aoucirct 2004 relative agrave lassurance maladie JORF ndeg190 17 aoucirct 2004 p 14598
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
216
valable va devoir respecter plusieurs regravegles permettant drsquoassurer notamment la seacutecuriteacute du
document Ainsi lrsquoauteur de la prescription doit ecirctre laquo ducircment identifieacute raquo Cette identification
pourra passer par lrsquoapposition drsquoune signature eacutelectronique ou par lrsquoutilisation de la carte de
professionnel de Santeacute (CPS) La prescription doit ensuite ecirctre eacutetablie transmise et archiveacutee
dans des conditions permettant drsquoassurer son inteacutegriteacute (le document ne doit pas ecirctre
modifiable) et sa confidentialiteacute Finalement ces conditions ne sont pas nouvelles puisque ce
sont celles que nous retrouvons en matiegravere de conservation et de transmission de donneacutees
meacutedicales sur support eacutelectronique
La derniegravere condition essentielle agrave lrsquoenvoi drsquoune prescription eacutelectronique est la
reacutealisation preacutealable drsquoun examen clinique du patient Cette preacutecision est importante et non
sans conseacutequences En effet cela implique qursquoaucune prescription par courriel ne pourra ecirctre
transmise agrave lrsquoissue drsquoun acte de teacuteleacutemeacutedecine au cours duquel aucun examen clinique ne
pourrait ecirctre reacutealiseacute Lrsquoenvoi par e-mail drsquoune prescription meacutedicale pourrait cependant ecirctre
envisageable dans le cas drsquoune teacuteleacuteconsultation au cours de laquelle le meacutedecin serait assisteacute
par un professionnel de santeacute preacutesent aux cocircteacutes du patient et dont le rocircle serait de reacutealiser
lrsquoexamen clinique preacutealable Dans cette hypothegravese le meacutedecin pourrait alors ensuite reacutediger et
envoyer par courriel la prescription meacutedicale Cette organisation serait bien entendu
encadreacutee par un protocole de coopeacuteration
De mecircme bien que le deacutecret encadrant la teacuteleacutemeacutedecine nrsquoait pas consacreacute la
teacuteleacuteprescription parmi les actes de teacuteleacutemeacutedecine alors mecircme que lrsquoarticle L 6316-1 du Code
de la santeacute publique preacutevoit que la teacuteleacutemeacutedecine permet notamment de laquo prescrire des
produits raquo nous pouvons parfaitement envisager la possibiliteacute de recourir agrave la
teacuteleacuteprescription agrave lrsquoissue drsquoun acte de teacuteleacuteconsultation au cours duquel lrsquoexamen clinique du
patient aura eacuteteacute reacutealiseacute468
Sous reacuteserve du respect de lrsquoensemble de ces dispositions lrsquoenvoi drsquoune ordonnance
par courrier eacutelectronique est donc envisageable et juridiquement encadreacute Il nous faut
cependant revenir sur une autre voie possible de transmission drsquoune ordonnance qui pose
reacuteguliegraverement difficulteacutes lrsquoordonnance faxeacutee
468 DESMARAIS Pierre laquo La teacuteleacutemeacutedecine source de nouveaux cas de responsabiliteacute raquo Communication
Commerce eacutelectronique septembre 2011 eacutetude ndeg 16
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
217
408 Lordonnance faxeacutee neacutetant mentionneacutee dans aucun texte reacuteglementaire elle nest ni
interdite ni expresseacutement autoriseacutee Il est eacutevident qursquoune ordonnance envoyeacutee par courriel ne
peut pas ecirctre assimileacutee agrave une ordonnance faxeacutee les deux outils utiliseacutes ne preacutesentant pas les
mecircmes conditions de seacutecuriteacute ou de confidentialiteacute Les modaliteacutes preacutevues agrave lrsquoarticle 34 de la
loi de 2004 ne peuvent donc pas srsquoappliquer agrave la teacuteleacutecopie Toutefois cette pratique peut
srsquoenvisager agrave condition qursquoelle srsquoinscrive dans le cadre leacutegal de toute prescription meacutedicale
drsquoune part et que le recours agrave cette pratique soit pleinement justifieacute drsquoautre part
Comme le preacutevoit lrsquoarticle R 5132-3469
du Code de la santeacute publique lrsquoexamen
clinique du patient est le preacutealable obligatoire agrave toute ordonnance meacutedicale Le recours agrave la
teacuteleacutecopie devra donc srsquoinscrire dans ce cadre strict Toutefois le respect de cette seule
condition nrsquoapparait pas suffisant Comme lrsquoa souligneacute la HAS dans ses recommandations
relatives aux prescriptions meacutedicamenteuses par teacuteleacutephone470
laquo un envoi par fax ne peut
garantir une complegravete confidentialiteacute il est donc recommandeacute de preacutefeacuterer un envoi par
courriel chaque fois que cela est possibleraquo Ainsi lrsquoenvoi par fax devrait donc rester une
exception utiliseacutee dans des cas drsquourgence La reacutegulation meacutedicale acte de meacutedecine agrave part
entiegravere est donc un cadre speacutecifique dans lequel une ordonnance envoyeacutee par teacuteleacutecopie au
pharmacien va pouvoir ecirctre accepteacutee Drsquoailleurs le Conseil National de lrsquoOrdre des Meacutedecins
a tregraves tocirct preacuteciseacute les regravegles dans lesquelles devaient srsquoinscrire ces pratiques Ainsi les
diffeacuterents intervenants doivent ecirctre ducircment enregistreacutes et les eacutechanges meacutemoriseacutes afin de
pouvoir ecirctre consulteacutes dans lrsquohypothegravese drsquoun preacutejudice ou drsquoun litige ulteacuterieur
En tout eacutetat de cause il apparait donc que lrsquoordonnance faxeacutee si elle peut ecirctre
envisageacutee doit rester une situation exceptionnelle ou transitoire Le meacutedecin pourra lrsquoutiliser
pour reacutegler des situations drsquourgence et non par faciliteacute voire mecircme par complaisance
Cependant il reste preacutefeacuterable de privileacutegier lrsquoenvoi par courriel parfaitement encadreacute
Aujourdrsquohui il serait souhaitable pour certains que cette possibiliteacute de transmission par
courriel drsquoordonnances soit utiliseacutee pour servir de base agrave une autre pratique la e-prescription
469 laquo La prescription de meacutedicaments ou produits destineacutes agrave la meacutedecine humaine mentionneacutes agrave la preacutesente
section est reacutedigeacutee apregraves examen du malade [hellip] raquo 470
Prescription meacutedicamenteuse par teacuteleacutephone (ou teacuteleacuteprescription) dans le cadre de la reacutegulation meacutedicale p 4
disponible sur [httpwwwhas-santefr] Consulteacute le 3 mars 2017
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
218
2) Les voies de deacuteploiement de la e-prescription
409 La notion de e-prescription deacutesigne une pratique qui recouvre une reacutealiteacute bien plus
large que le simple envoi par courriel des ordonnances Elle consiste notamment agrave regrouper
lrsquoensemble des ordonnance eacutelectroniques drsquoun patient afin de constituer une base geacuteneacuterale de
donneacutees le concernant et regroupant lrsquoensemble des prescriptions meacutedicales qui lui ont eacuteteacute
deacutelivreacutees qursquoil srsquoagisse de prescriptions de meacutedicaments de dispositifs meacutedicaux ou encore
drsquoexamens de biologie En France crsquoest le Comiteacute de Liaison des Institutions Ordinales
(CLIO santeacute)471
qui srsquoest engageacute depuis quelques anneacutees dans cette deacutemarche (a) Mais cette
ideacutee est eacutegalement preacutegnante et bien avanceacutee au niveau europeacuteen (b)
a) La note drsquoorientation du CLIO santeacute
410 Depuis la loi de 2004 aucun texte nrsquoest venu preacuteciser le cadre du deacuteveloppement de
lrsquoe-prescription Ainsi contrairement agrave la teacuteleacutemeacutedecine ou au DMP la e-prescription nrsquoexiste
pas encore leacutegalement bien qursquoelle faisait partie du plan de deacuteveloppement du DMP
Voulant srsquoinscrire dans une deacutemarche drsquoincitation au deacuteploiement de lrsquoe-prescription
le CLIO santeacute a reacutedigeacute et publieacute en janvier 2012 une note drsquoorientation preacutesentant les enjeux
de la prescription eacutelectronique et formulant des propositions pour la deacuteployer
Dans cette proposition valideacutee par ailleurs par sept ordres professionnels le groupe de
travail part de la possibiliteacute depuis 2004 drsquoeacutetablir une ordonnance par voie eacutelectronique pour
proposer ensuite de deacutevelopper un systegraveme de e-prescription qui reposerait sur des
prescriptions reacutedigeacutees de maniegravere informatique puis deacuteposeacutees dans une base de donneacutees des
prescriptions Bien que preacutesentant un projet inteacuteressant et certainement utile pour
lrsquoameacutelioration de la prise en charge du patient et la diminution des risques de contre-
indication entre diffeacuterentes prescriptions il nrsquoapporte aucune reacuteelle proposition en termes de
gouvernance et de structuration juridique de ce projet La note drsquoorientation rappelle juste que
la CNIL devra ecirctre consulteacutee sur ce sujet et preacuteconise de choisir le NIR comme identifiant
patient plus sucircr et plus large que lrsquoINS-C Cependant le CLIO santeacute srsquoen remet agrave lrsquoASIP
santeacute pour mettre en place des phases pilotes en lien avec les ordres professionnels Rien
471 Le Comiteacute de liaison des Institutions Ordinales est un comiteacute qui reacuteunit les institutions franccedilaises auxquelles
sont obligatoirement inscrits les membres de professions reacuteglementeacutees
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
219
drsquoinnovant donc en ce qui concerne la gouvernance de ce genre de projets Ceci explique
peut-ecirctre pourquoi cette note semble ecirctre resteacutee lettre morte En effet depuis sa publication en
janvier 2012 aucune action nrsquoa eacuteteacute mise en œuvre sur cette base
b) Le projet europeacuteen EPSOS
411 Une autre voie de deacuteveloppement a eacutegalement eacuteteacute envisageacutee au niveau europeacuteen au
travers du projet EPSOS Acronyme de Smart Open Services for European patients le
projet EPSOS a deacutemarreacute en 2008 Regroupant initialement 12 pays de lrsquoUnion Europeacuteenne
11 autres se sont ajouteacutes en 2011 lors du lancement de la phase pilote
Il srsquoagissait drsquoun projet cofinanceacute par lrsquoUnion Europeacuteenne comportant deux objectifs
principaux Drsquoune part la mise en place drsquoun service de e-prescription (service qui comprend
la creacuteation drsquoune prescription de meacutedicaments et sa transmission eacutelectronique agrave un
pharmacien) et drsquoun servie de patient summary (service qui reprend lrsquoensemble des donneacutees
essentielles et pertinentes pour assurer la continuiteacute de la prise en charge drsquoun patient drsquoun
pays agrave un autre) Drsquoautre part une analyse agrave la fois de lrsquointeacuterecirct et de lrsquoimpact sur les pratiques
de ces services
Le but de la phase pilote meneacutee entre 2011 et 2014 a eacuteteacute de tester lrsquoeacutechange de
donneacutees entre pays de lrsquoUnion Europeacuteenne dans ce contexte en se basant uniquement sur les
cadres reacuteglementaires existant dans chaque pays membre sans en creacuteer de nouveau En
France une opeacuteration pilote avait eacuteteacute mise en place entre 2012 et 2013 srsquoappuyant sur le
programme europeacuteen drsquoeacutechange eacutetudiant ERASMUS et visant agrave mettre en place le service
laquo Patient SUMMARY raquo
Le projet qui a pris fin en juin 2014 preacutesente un bilan positif Il a notamment permis
de deacutefinir les bases en termes de gouvernance de ce type de service mais eacutegalement en termes
de contenu neacutecessaire des dossiers partageacutes De plus bien que la mise en œuvre de services de
santeacute transfrontaliers srsquoappuyant sur les TIC relegraveve des preacuterogatives nationales le projet
EPSOS a permis drsquoinstaurer une dynamique efficace en la matiegravere et plusieurs projets
europeacuteens portant sur lrsquointeropeacuterabiliteacute en e-santeacute ont eacuteteacute lanceacutes depuis472 Le projet EPSOS
472 eHealth Network
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
220
est donc un exemple reacuteussi de projet de partage de donneacutees et de prise en charge informatiseacutee
agrave grande eacutechelle
Cette dynamique drsquoinformatisation de la prescription ne se cantonne pas agrave lrsquoenvoi de
celle-ci Depuis plusieurs anneacutees on observe au sein des eacutetablissements de santeacute une
eacutevolution tendant agrave lrsquoinformatisation de lrsquoensemble du circuit du meacutedicament Cette impulsion
reacutesulte principalement des orientations voulues par les pouvoirs publics
B La prescription informatiseacutee une pratique encourageacutee par les pouvoirs
publics
412 Par le biais de plusieurs dispositifs reacuteglementaires pour la majoriteacute relatifs agrave la qualiteacute
et agrave la seacutecuriteacute des soins le Ministegravere de la santeacute incite les eacutetablissements agrave informatiser leur
circuit du meacutedicament (1) En parallegravele le leacutegislateur montre sa volonteacute de ne pas laisser cette
informatisation sans cadre et a obligeacute les eacutediteurs de solutions logicielles agrave srsquoengager dans une
deacutemarche de certification obligatoire garante de la seacutecuriteacute du circuit du meacutedicament (2)
1) Lrsquoincitation agrave lrsquoinformatisation du circuit du meacutedicament
413 Le circuit du meacutedicament qui peut ecirctre deacutefini de maniegravere simplifieacute comme eacutetant le
chemin parcouru par le meacutedicament (prescription meacutedicale dispensation puis administration)
est pour les eacutetablissements de santeacute encadreacutes par plusieurs textes diffeacuterents
414 Lrsquoinformatisation du circuit du meacutedicament nrsquoest pas une ideacutee reacutecente Dans lrsquooptique
drsquoassurer aux patients la seacutecuriteacute et la qualiteacute de leur prise en charge meacutedicamenteuse le
Ministegravere de la santeacute a tregraves vite mis en avant le beacuteneacutefice apporteacute par une informatisation
complegravete de lrsquoensemble du circuit du meacutedicament permettant non seulement une meilleure
traccedilabiliteacute mais eacutegalement un renforcement indeacuteniable de la seacutecuriteacute du patient en eacutevitant la
survenance drsquoeacuteveacutenements indeacutesirables Le premier texte agrave aborder ce sujet est une circulaire
du 2 janvier 1985473
relative agrave lrsquoinformatisation des systegravemes de dispensation des
meacutedicaments Plusieurs autres textes vont suivre mais le texte majeur en la matiegravere est lrsquoarrecircteacute
du 31 mars 1999 relatif agrave la prescription la dispensation et agrave lrsquoadministration des
473 Circulaire ndeg 658DPhM du 2 janvier 1985 relative agrave lrsquoinformatisation des systegravemes de dispensation non
publieacutee au JORF
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
221
meacutedicaments soumis agrave la reacuteglementation des substances veacuteneacuteneuses dans les eacutetablissements
de santeacute474
Ce texte preacutevoit notamment la possibiliteacute pour une prescription drsquoecirctre reacutedigeacutee
conserveacutee et transmise de maniegravere informatiseacutee sous reacuteserve drsquoune part de pouvoir identifier
son auteur et drsquoautre part de pouvoir lrsquoeacutediter sur support papier si neacutecessaire
Lrsquoinformatisation du circuit du meacutedicament continue alors sa progression
Cependant lrsquoensemble des textes publieacutes agrave ce sujet entre 1985 et 1999 sont des
circulaires nrsquoayant aucune incidence juridique en tant que telle ou des arrecircteacutes pris par le
ministre ou le secreacutetaire drsquoEtat deacutedieacute agrave la santeacute Le cadre mis en place nrsquoavait donc pas ou peu
de force contraignante vis-agrave-vis des responsables du circuit du meacutedicament
415 Le deacutecret ndeg 2005-1023 du 24 aoucirct 2005 relatif au contrat de bon usage des
meacutedicaments et des produits et prestations mentionneacute agrave larticle L 162-22-7 du Code de la
seacutecuriteacute sociale475
va venir changer ce paysage normatif En effet lrsquoarticle 4 de ce texte
preacutevoit que les eacutetablissements de santeacute doivent souscrire agrave des engagements relatifs aux
meacutedicaments ou aux produits et prestations sous la forme dun programme pluriannuel
dactions celui-ci devant porter a minima sur un certain nombre de points dont
lrsquoinformatisation du circuit du meacutedicament fait partie Ainsi crsquoest deacutesormais dans le cadre du
contrat de bon usage476
signeacute avec lrsquoARS que les eacutetablissements de santeacute vont organiser
lrsquoinformatisation de la prescription meacutedicale
416 La loi HPST va eacutegalement ecirctre agrave lrsquoorigine drsquoune impulsion en ce sens En effet en
faisant de la qualiteacute et de la seacutecuriteacute des soins une prioriteacute de la loi le leacutegislateur de maniegravere
indirecte incite les eacutetablissements de santeacute agrave continuer lrsquoinformatisation de leur circuit du
meacutedicament Drsquoautres textes vont suivre et integravegrent la qualiteacute de la prise en charge
meacutedicamenteuse du patient dans la gestion globale des risques agrave lrsquohocircpital Crsquoest le cas
474 Arrecircteacute du 31 mars 1999 relatif agrave la prescription agrave la dispensation et agrave ladministration des meacutedicaments
soumis agrave la reacuteglementation des substances veacuteneacuteneuses dans les eacutetablissements de santeacute les syndicats
interhospitaliers et les eacutetablissements meacutedico-sociaux disposant dune pharmacie agrave usage inteacuterieur mentionneacutes agrave
larticle L 595-1 du Code de la santeacute publique JORF ndeg77 1er
avril 1999 p 4854 475
Deacutecret ndeg 2005-1023 du 24 aoucirct 2005 relatif au contrat de bon usage des meacutedicaments et des produits et
prestations mentionneacute agrave larticle L 162-22-7 du Code de la seacutecuriteacute sociale JORF ndeg198 26 aoucirct 2005 p
13526 476
Le CBU est un contrat conclu entre lrsquoARS et un eacutetablissement de santeacute pour une dureacutee de trois agrave cinq ans Il a
pour but principal de seacutecuriser le circuit du meacutedicament En cas de respect de ses engagements lrsquoeacutetablissement
de santeacute se voit assureacute un taux de remboursement de 100 par lrsquoassurance maladie pour les speacutecialiteacutes
pharmaceutiques et les produits et prestations mentionneacutes agrave larticle L 162-22-72 du Code de la seacutecuriteacute sociale
Dans le cas contraire le taux de remboursement peut ecirctre reacuteduit agrave 70
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
222
notamment le deacutecret du 12 novembre 2010477
relatif agrave la lutte contre les eacuteveacutenements
indeacutesirables associeacutes aux soins ou encore de lrsquoarrecircteacute du 6 avril 2011478
relatif au management
de la qualiteacute de la prise en charge meacutedicamenteuse qui preacutesente lrsquoinformatisation comme un
gage drsquoameacutelioration de la seacutecuriteacute de la prise en charge meacutedicamenteuse Cet arrecircteacute est
drsquoailleurs inteacuteressant et meacuterite que nous nous y attardions Il preacutecise dans son article 3 que
laquo linformatisation des processus de prise en charge meacutedicamenteuse est une des condition
essentielle de sa seacutecurisation raquo Pour le leacutegislateur il est donc clair que la qualiteacute et la seacutecuriteacute
de la prise en charge meacutedicamenteuse du patient passent par lrsquoinformatisation du circuit du
meacutedicament Sans ecirctre pour autant une obligation leacutegale opposable aux eacutetablissements la
formule permet au leacutegislateur drsquoorienter fortement les eacutetablissements de santeacute vers une
informatisation Pour compleacuteter ces textes et accompagner au mieux les eacutetablissements dans
cette deacutemarche de seacutecurisation la DGOS a publieacute un guide intituleacute Qualiteacute de la prise en
charge meacutedicamenteuse - outils pour les eacutetablissements de santeacute479
Celui-ci rappelle
eacutegalement agrave plusieurs occasions la neacutecessiteacute de lrsquoinformatisation du circuit du meacutedicament Il
preacutecise notamment que le programme hocircpital numeacuterique dans sa feuille de route 2012-2016
pour les systegravemes drsquoinformation hospitaliers laquo incite lrsquoensemble des eacutetablissements de santeacute agrave
atteindre un socle minimal de maturiteacute sur 5 domaines prioritaires dont la prescription
eacutelectronique raquo480
417 Ainsi pour les pouvoirs publics lrsquoinformatisation nrsquoest pas une fin en soi mais un
outil que les eacutetablissements de santeacute se devront drsquoutiliser srsquoils souhaitent respecter leurs
obligations leacutegales en matiegravere de qualiteacute et de seacutecuriteacute de la prise en charge meacutedicamenteuse
Cependant cette informatisation ne doit pas reposer sur nrsquoimporte quelle solution technique si
lrsquoon souhaite qursquoelle atteigne son but Crsquoest pourquoi deacutesormais les eacutediteurs de logiciels de
prescription meacutedicale doivent ecirctre certifieacutes
477 Deacutecret ndeg 2010-1408 du 12 novembre 2010 relatif agrave la lutte contre les eacuteveacutenements indeacutesirables associeacutes aux
soins dans les eacutetablissements de santeacute JORF ndeg0265 16 novembre 2010 p 20428 478
Arrecircteacute du 6 avril 2011 relatif au management de la qualiteacute de la prise en charge meacutedicamenteuse et aux
meacutedicaments dans les eacutetablissements de santeacute JORF ndeg0090 16 avril 2011 p 6687 479
DGOS laquo Qualiteacute de la prise en charge meacutedicamenteuse - outils pour les eacutetablissements de santeacute raquo feacutevrier
2012 disponible sur [httpwwwsantegouvfr] Consulteacute le 3 mars 2017 480
Id p 12
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
223
2) La certification obligatoire des logiciels de prescription meacutedicale
418 La loi ndeg 2011-2012 du 29 deacutecembre 2011 relative au renforcement de la seacutecuriteacute
sanitaire du meacutedicament et des produits de santeacute481
a rendu obligatoire la certification des
logiciels drsquoaide agrave la prescription Ainsi deacutesormais laquo ces certifications sont rendues
obligatoires pour tout logiciel dont au moins une des fonctionnaliteacutes est de proposer une aide
agrave lrsquoeacutedition des prescriptions meacutedicales ou une aide agrave la dispensation des meacutedicaments dans
des conditions preacutevues par deacutecret en Conseil drsquoEtat et au plus tard le 1er janvier 2015 raquo482
Ce texte a eacuteteacute compleacuteteacute par le deacutecret ndeg 2014-1359 du 14 novembre 2014483
qui preacutecise
lrsquoeacutetendue de cette obligation Il est inteacuteressant de noter que la certification ne concerne que la
fonctionnaliteacute drsquoaide agrave la prescription Un logiciel comportant drsquoautres fonctionnaliteacutes ne
devra donc ecirctre certifieacute que pour la partie aide agrave la prescription La proceacutedure de certification
est eacutetablie par la HAS qui a la charge drsquoeacutelaborer les reacutefeacuterentiels
419 A ce sujet484
la certification de ces logiciels reacutepond agrave un objectif triple garantir la
conformiteacute des logiciels agrave certaines exigences en termes de seacutecuriteacute de conformiteacute et
drsquoefficience Dans le respect du souci de transparence qui guide lrsquoensemble de la loi de 2011
les certifications ne sont pas reacutealiseacutees par la HAS mais par des organismes certificateurs
devant eux-mecircmes faire lrsquoobjet drsquoune accreacuteditation preacutealable485
La responsabiliteacute de la
reacutealisation de cette certification incombe bien entendu aux eacutediteurs des logiciels De leur
cocircteacute les eacutetablissements nrsquoont pas drsquoobligation leacutegale de faire appel agrave un eacutediteur certifieacute
Toutefois il nous semble que cette solution est bien eacutevidemment celle agrave privileacutegier par les
eacutetablissements De plus de par la forte obligation de seacutecuriteacute et de qualiteacute de la prise en
charge meacutedicamenteuse qui pegravese sur les eacutetablissements le fait de choisir une solution non
certifieacutee pourrait engager leur responsabiliteacute en cas de preacutejudice
481 Loi ndeg 2011-2012 du 29 deacutecembre 2011 relative au renforcement de la seacutecuriteacute sanitaire du meacutedicament et des
produits de santeacute JORF ndeg0302 30 deacutecembre 2011 p 22667 482
Article L 161-38 du Code de seacutecuriteacute sociale 483
Deacutecret ndeg 2014-1359 du 14 novembre 2014 relatif agrave lobligation de certification des logiciels daide agrave la
prescription meacutedicale et des logiciels daide agrave la dispensation preacutevue agrave larticle L 161-38 du Code de la seacutecuriteacute
sociale JORF ndeg0264 15 novembre 2014 p 19255 484
V en ce sens la foire aux questions de la HAS portant sur les LAP Disponible sur [httpwwwhas-santefr]
Consulteacute le 3 mars 2017 485
Cette accreacuteditation est quant agrave elle reacutealiseacutee par le comiteacute franccedilais drsquoaccreacuteditation (COFRAC)
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
224
420 Cependant comme le reconnait la HAS cette certification preacutesente certaines limites
Ainsi elle nrsquoaborde pas la probleacutematique de lrsquointeacutegration des Logiciels drsquoAide agrave la
Prescription (LAP) dans les Systegravemes drsquoInformation Hospitaliers Les LAP sont donc certifieacutes
individuellement mais leur qualiteacute seacutecuriteacute ne sont plus assureacutees une fois inteacutegreacute au sein du
SIH drsquoun eacutetablissement Cela srsquoexplique notamment par le fait que les normes
drsquointeropeacuterabiliteacute entre logiciels ne sont pas agrave lrsquoheure actuelle arrecircteacutees Par ailleurs la
certification mecircme si elle peut constituer pour les pharmaciens un levier en termes de respect
de la reacuteglementation applicable en matiegravere de meacutedicament ne doit pas ecirctre le seul outil utiliseacute
En effet lrsquointeacutegration de lrsquoensemble des contraintes juridiques existantes en la matiegravere au
sein du logiciel ne laisserait plus aucune place aux initiatives parfois neacutecessaires notamment
en cas drsquourgence Un tel logiciel geacuteneacutererait donc plus de risques ce qui nrsquoest pas souhaitable
La certification ne peut donc pas conduire agrave elle seule au respect de lrsquoensemble des
contraintes juridiques actuelles pesant sur le circuit du meacutedicament sous peine drsquoavoir lrsquoeffet
inverse
421 Toutefois les logiciels drsquoaide agrave la prescription sont reacuteguliegraverement pointeacutes du doigt
Ainsi le quotidien Le Parisien486
a fait part en 2013 des deacutefaillances drsquoun LAP preacutesumeacute
responsable du deacutecegraves drsquoune patiente au centre hospitalier de Versailles en 2011 Les
conclusions de cet article reposaient sur un rapport rendu le 4 mars 2013 par la Commission
Reacutegionale de Conciliation et drsquoIndemnisation drsquoIle de France dans le cadre drsquoune proceacutedure
engageacutee suite au deacutecegraves drsquoune patiente en novembre 2011 au centre hospitalier de Versailles
La patiente serait deacuteceacutedeacutee selon la famille suite agrave une prescription drsquoamoxicilline
antibiotique auquel elle eacutetait allergique mention par ailleurs preacuteciseacutee au sein du dossier
meacutedical de la patiente Or pour les experts de la CRCI cette mention nrsquoaurait pas eacuteteacute
reacutepercuteacutee dans le systegraveme informatique de prescription de meacutedicaments Cette erreur aurait
entraineacute selon la Commission une perte de chance de survie de la patiente de 80 Toujours
selon ce rapport les LAP mecircme srsquoils permettent une clarification des prescriptions
nrsquoassurent pas une seacutecuriteacute suffisamment fine en matiegravere drsquoallergies notamment
A lrsquoheure actuelle ces outils ne peuvent donc pas ecirctre consideacutereacutes comme totalement
fiables et le controcircle manuel par les professionnels de santeacute reste neacutecessaire
486 V en ce sens deacutepecircche TIC santeacute du 12 juillet 2013 laquo Poleacutemique sur les logiciels daide agrave la prescription
hospitaliers suite agrave un deacutecegraves raquo disponible sur [httpwwwticsantecom] Consulteacute le 3 mars 2017
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
225
Conclusion de section
422 Les TIC occupent aujourdrsquohui une part majeure dans la prise en charge des patients
Leur utilisation permet lrsquoameacutelioration de la qualiteacute des soins dispenseacutes aux patients et ce agrave
plusieurs titres Drsquoun cocircteacute les soins et techniques de pointe deviennent plus accessibles pour
certains patients isoleacutes geacuteographiquement ou dont la condition (personne acircgeacutee handicapeacutee
voire mecircme personne deacutetenue) ne leur permet pas drsquoacceacuteder aux eacutetablissements de santeacute
beacuteneacuteficiant de ces techniques Drsquoun autre cocircteacute les eacutetablissements de santeacute seacutecurisent gracircce agrave
lrsquoinformatique leur circuit du meacutedicament afin drsquoeacuteviter les eacuteveacutenements indeacutesirables
423 Cependant lrsquointervention du leacutegislateur dans ces pratiques bien que neacutecessaire ne
doit pas ecirctre trop stricte En effet le droit ne peut pas devenir bloquant au risque de
provoquer les effets inverses de ceux souhaiteacutes Il faut donc trouver le juste milieu entre
inteacutegration des progregraves techniques et encadrement juridique de ceux-ci ce qui peut srsquoaveacuterer
parfois deacutelicat pour le leacutegislateur
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
226
Section 2 Prise en charge meacutedicale et TIC des regravegles de responsabiliteacute
bousculeacutees
424 Le deacuteveloppement de nouvelles pratiques meacutedicales induites par lrsquointroduction des
TIC dans la prise en charge des patients va venir bousculer les regravegles de responsabiliteacute
eacutetablies jusqursquoalors En effet mecircme si les principes fondamentaux qui dirigent le droit de la
responsabiliteacute meacutedicale vont demeurer inchangeacutes ces regravegles classiques vont toutefois devoir
ecirctre adapteacutees aux speacutecificiteacutes lieacutees aux TIC (Paragraphe 1) Par ailleurs lrsquointroduction des
TIC va induire lrsquoentreacutee en jeu de regravegles speacutecifiques et celles-ci vont devoir ecirctre prises en
compte et articuleacutees avec les regravegles classiques (Paragraphe 2)
sect1 Droit des usagers et responsabiliteacute meacutedicale lrsquoadaptation du droit
commun
425 Par principe les patients beacuteneacuteficient tous des mecircmes droits fondamentaux eacutetablis par
la loi Kouchner et ce peu importe la faccedilon dont ils vont ecirctre pris en charge Cependant du
fait de lrsquointroduction des TIC dans la prise en charge les obligations agrave la charge des
professionnels de santeacute vont ecirctre renforceacutees (A) Par ailleurs bien que les regravegles de
responsabiliteacute applicables vont rester les mecircmes les risques drsquoapplication vont ecirctre multiplieacutes
(B)
A Information et consentement du patient une obligation maintenue et
renforceacutee
426 Lrsquointroduction des TIC modifie les modaliteacutes drsquoexercice de la meacutedecine Pour autant
les finaliteacutes drsquoun acte meacutedical mecircme exerceacute agrave distance restent les mecircmes
Ainsi la teacuteleacutemeacutedecine eacutetant juridiquement deacutefinie comme eacutetant un acte meacutedical le
droit commun srsquoappliquant agrave lrsquoexercice meacutedical va trouver agrave srsquoappliquer agrave cette activiteacute Le
patient beacuteneacuteficie des droits classiques deacutefinis au sein de la loi Kouchner et notamment le droit
drsquoecirctre informeacute sur les soins qursquoil va recevoir et drsquoy consentir de maniegravere libre et eacuteclaireacute
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
227
Toutefois lrsquoutilisation des TIC va neacutecessiter une information du patient renforceacutee et
speacutecifique agrave ce sujet Ainsi il apparait que le patient pris en charge dans le cadre drsquoune
activiteacute meacutedicale exerceacutee par le biais des TIC va ecirctre en reacutealiteacute destinataire drsquoune double
information une information relative agrave lrsquoacte meacutedical en lui-mecircme et une information
relative agrave lrsquoacte de teacuteleacutemeacutedecine en tant que pratique deacutemateacuterialiseacutee (1) Cependant se pose la
question de la mise en œuvre de ces droits quand la prise en charge implique les TIC (2)
1) Lrsquoobligation classique eacutetendue aux speacutecificiteacutes des TIC
427 Devant les particulariteacutes propres agrave la teacuteleacutemeacutedecine il est logique de srsquointerroger sur le
maintien des obligations classiques des professionnels de santeacute en matiegravere drsquoinformation du
patient et de recueil de son consentement Cette interrogation nrsquoest pas reacutecente et en 2009 la
HAS487
dans ses recommandations relatives aux prescriptions meacutedicamenteuses par
teacuteleacutephone avait apporteacute quelques preacutecisions agrave ce sujet Ainsi elle avait indiqueacute que les
speacutecificiteacutes de la reacutegulation meacutedicale devaient ecirctre prises en compte afin drsquoalleacuteger lrsquoobligation
drsquoinformation du professionnel intervenant agrave distance Toutefois agrave lrsquoeacutepoque crsquoeacutetait bien la
situation dlsquourgence plus que la deacutemateacuterialisation de lrsquoacte qui justifiait cette souplesse488
Depuis le leacutegislateur est intervenu et bien que le deacutecret teacuteleacutemeacutedecine ne comporte que peu de
dispositions relatives agrave lrsquoinformation et au consentement du patient ces dispositions ont le
meacuterite drsquoecirctre assez claires Ainsi comme le rappelle lrsquoarticle R 6316-2 du Code de la santeacute
publique laquo les actes de teacuteleacutemeacutedecine sont reacutealiseacutes avec le consentement libre et eacuteclaireacute de la
personne en application notamment des dispositions des articles L 1111-2 et L 1111-4 raquo
Le texte vise expresseacutement lrsquoarticle L 1111-2489
du Code de la santeacute publique relatif agrave
487 HAS laquo Recommandations professionnelles Prescription meacutedicamenteuse par teacuteleacutephone (ou teacuteleacuteprescription)
dans le cadre de la reacutegulation meacutedicale raquo feacutevrier 2009 disponible sur [httpwwwhas-santefr] Consulteacute le 3
mars 2017 488
BOURDAIRE-MIGNOT Camille laquo Teacuteleacuteconsultation quelles exigences Quelles pratiques raquo RDS 2011
pp 1003-1013 489
Cet article dispose que laquo toute personne a le droit decirctre informeacutee sur son eacutetat de santeacute Cette information
porte sur les diffeacuterentes investigations traitements ou actions de preacutevention qui sont proposeacutes leur utiliteacute leur
urgence eacuteventuelle leurs conseacutequences les risques freacutequents ou graves normalement preacutevisibles quils
comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conseacutequences preacutevisibles en cas de refus
Lorsque posteacuterieurement agrave lexeacutecution des investigations traitements ou actions de preacutevention des risques
nouveaux sont identifieacutes la personne concerneacutee doit en ecirctre informeacutee sauf en cas dimpossibiliteacute de la retrouver
Cette information incombe agrave tout professionnel de santeacute dans le cadre de ses compeacutetences et dans le respect des
regravegles professionnelles qui lui sont applicables Seules lurgence ou limpossibiliteacute dinformer peuvent len
dispenser raquo
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
228
lrsquoobligation drsquoinformation du professionnel de santeacute ainsi que lrsquoarticle L 1111-4490
relatif agrave la
co-deacutecision491
et donc au consentement aux soins Il ne fait degraves lors aucun doute que le
leacutegislateur a voulu srsquoassurer de lrsquoapplication des dispositions relatives agrave lrsquoinformation et au
consentement du patient aux actes de teacuteleacutemeacutedecine Drsquoailleurs comme le souligne agrave juste titre
Pierre DESMARAIS492
crsquoest bien cette obligation de consentement preacutealable agrave lrsquoexercice de
la teacuteleacutemeacutedecine qui distingue cette pratique meacutedicale nouvellement reconnue du simple avis
recueilli par un professionnel aupregraves drsquoun confregravere493
Ainsi les regravegles classiques applicables
agrave lrsquoexercice meacutedical vont trouver agrave srsquoappliquer agrave la teacuteleacutemeacutedecine le deacutecret ne modifiant pas le
droit commun de lrsquoexercice meacutedical Le patient pris en charge dans le cadre drsquoun acte de
teacuteleacutemeacutedecine devra donc recevoir laquo une information loyale claire et approprieacutee portant sur
les diffeacuterentes investigations traitements ou actions de preacutevention proposeacutes leur utiliteacute leur
urgence eacuteventuelle leurs conseacutequences les risques freacutequents ou graves normalement
preacutevisibles qursquoils comportent les autres solutions possibles ainsi que les conseacutequences
possibles en cas de refus raquo De mecircme le patient devra ecirctre informeacute des nouveaux risques
identifieacutes posteacuterieurement aux actes reacutealiseacutes
428 Cependant la particulariteacute de la teacuteleacutemeacutedecine tient principalement agrave la
deacutemateacuterialisation des eacutechanges par le biais de lrsquoutilisation des TIC Dans ce contexte le
patient va devoir ecirctre non seulement informeacute sur sa prise en charge par le biais drsquoun dispositif
de teacuteleacutemeacutedecine mais eacutegalement sur le traitement informatiseacute de ses donneacutees de santeacute et leur
partage entre plusieurs professionnels de santeacute
Le traitement des donneacutees de santeacute agrave caractegravere personnel est encadreacute par les
dispositions de la loi Informatique et Liberteacutes Les donneacutees de santeacute sont consideacutereacutees par ce
texte comme eacutetant des donneacutees sensibles beacuteneacuteficiant agrave ce titre drsquoun encadrement speacutecifique
Toutefois ce sont bien les dispositions geacuteneacuterales de la loi qui vont imposer une information
du professionnel de santeacute au patient
490 Cet article preacutevoit que laquo toute personne prend avec le professionnel de santeacute et compte tenu des informations
et des preacuteconisations quil lui fournit les deacutecisions concernant sa santeacute raquo 491
Sur lrsquoimportance de la co-deacutecision en matiegravere de teacuteleacutemeacutedecine V notamment BOURDAIRE-MIGNOT
Camille laquo Teacuteleacuteconsultation quelles exigences Quelles pratiques raquo RDS 2011 op cit 492
DESMARAIS Pierre laquo laquo La teacuteleacutemeacutedecine source de nouveaux cas de responsabiliteacute raquo Communication
commerce eacutelectronique ndeg 9 septembre 2011 eacutetude ndeg 16 493
Article R 4127-32 du Code de la santeacute publique
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
229
Ainsi lrsquoarticle 32 de la loi Informatique et Liberteacutes preacutevoit que la personne concerneacutee
par les donneacutees traiteacutees (dans notre cas le patient) doit recevoir une information preacutecise agrave ce
sujet et notamment lrsquoidentiteacute du responsable du traitement sa finaliteacute les diffeacuterents
destinataires des donneacutees ainsi que les droits dont il dispose aux termes de la loi Informatique
et Liberteacutes Il srsquoagit donc drsquoun droit essentiel pour le patient puisque crsquoest celui qui
conditionne non seulement son accegraves aux autres droits dont il dispose (notamment droit
drsquoaccegraves aux donneacutees et de rectification) mais eacutegalement celui qui comme pour lrsquoacte
meacutedical va lui permettre de consentir ou non au traitement de ses donneacutees et ce de maniegravere
eacuteclaireacutee Un beacutemol toutefois doit ecirctre apporteacute agrave ce sujet En effet la loi Informatique et
Liberteacutes preacutevoit certains cas dans lesquels le consentement de la personne concerneacutee ne sera
pas neacutecessaire Il srsquoagit notamment du cas du traitement mis en place pour reacutepondre agrave une
obligation leacutegale (crsquoest le cas par exemple de la mise en place drsquoun dossier meacutedical rendu
obligatoire par lrsquoarticle R 1112-2 du Code de la santeacute publique)
429 Certains professionnels de santeacute craignent cette information suppleacutementaire qui devra
ecirctre donneacutee au patient celle-ci pouvant se montrer difficile du fait de la techniciteacute de la
matiegravere mais eacutegalement chronophage494
De plus il leur est neacutecessaire de diffuser une
information claire en deux temps drsquoabord celle relative agrave lrsquoacte de soins puis celle relative agrave
lrsquoutilisation du proceacutedeacute de teacuteleacutemeacutedecine
430 En ce qui concerne le partage des donneacutees du patient le deacutecret preacutevoit que laquo les
professionnels participant agrave un acte de teacuteleacutemeacutedecine peuvent sauf opposition de la personne
ducircment informeacutee eacutechanger des informations relatives agrave cette personne notamment par le
biais des TIC raquo Rien de reacuteellement nouveau dans cette disposition puisqursquoil srsquoagit ici drsquoune
application du secret partageacute tel que deacutefini agrave lrsquoarticle L 1110-4 du Code de la santeacute publique
Le patient devra donc ecirctre informeacute du partage de ces informations par le bais des TIC mais
eacutegalement des personnes avec lesquelles elles seront partageacutees afin de pouvoir srsquoy opposer srsquoil
le souhaite Lrsquoinformation due au patient en matiegravere de teacuteleacutemeacutedecine est donc renforceacutee
puisqursquoagrave lrsquoinformation classique relative agrave lrsquoacte meacutedical en lui-mecircme et agrave ses conseacutequences
srsquoajoute lrsquoinformation relative agrave lrsquoacte de teacuteleacutemeacutedecine en tant que pratique faisant appel aux
TIC
494 MORLET-HAIumlDARA Lydia RAHAL-LOumlFSKOG Deacutelia laquo La teacuteleacutemeacutedecine et la protection des donneacutees de
santeacute par la loi Informatique et Liberteacutes raquo RGDM ndeg 44 2012 p 341
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
230
431 Enfin en ce qui concerne plus particuliegraverement le consentement du patient la question
de la possibiliteacute pour celui-ci de choisir ou non son teacuteleacutemeacutedecin pourrait ecirctre souleveacutee
Toutefois il y a lieu de vite eacuteluder cette question En effet comme le souligne agrave juste titre
Caroline LE GOFFIC495
dans son eacutetude sur le sujet un meacutedecin a la possibiliteacute de recourir agrave
un tiers compeacutetent afin que le patient reccediloive les soins les plus adapteacutes et fondeacutes sur les
notions acquises de la science496
Degraves lors le meacutedecin requeacuterant doit il est vrai recueillir le
consentement du patient au sujet de la pratique de la teacuteleacutemeacutedecine mais il nrsquoaura pas agrave obtenir
son consentement quant au choix du meacutedecin requis
2) La mise en œuvre des droits des patients
a) La question de la forme de lrsquoinformation
432 La question qui se pose agrave nous ici est de savoir comment la teacuteleacutemeacutedecine va pouvoir
srsquoacquitter de son devoir drsquoinformation dans le cadre drsquoune relation totalement deacutemateacuterialiseacutee
Selon les dispositions de lrsquoarticle L 1111-2 du Code de la santeacute publique lrsquoinformation laquo est
dispenseacutee au cours drsquoun entretien individuel raquo A cela srsquoajoutent les dispositions du Code de
deacuteontologie meacutedicale qui preacutecisent que lrsquoinformation dispenseacutee doit ecirctre claire loyale et
approprieacutee497
Enfin la charte du patient hospitaliseacute preacutevoit quant agrave elle que lrsquoinformation se
doit drsquoecirctre laquo simple accessible intelligible et loyale raquo
433 Ces dispositions peuvent au premier abord poser problegraveme En effet la teacuteleacutemeacutedecine
preacutesente la particulariteacute dans certains cas de deacutemateacuterialiser la relation existant entre le
professionnel et son patient ceux-ci nrsquoont plus reacuteellement de lien direct et srsquoadressent lrsquoun agrave
lrsquoautre par le biais des outils informatiques Comment dans ce cas le respect drsquoun entretien
individuel loyal et intelligible va-t-il ecirctre possible De mecircme comment srsquoassurer que le
patient a bien reccedilu une information adapteacutee agrave la fois agrave sa situation mais aussi agrave ses capaciteacutes
de compreacutehension Pour certains auteurs lrsquoobligation de deacutelivrer lrsquoinformation au cours drsquoun
495 LE GOFFIC Caroline laquo Consentement et confidentialiteacute agrave lrsquoeacutepreuve de la teacuteleacutemeacutedecine raquo RDSS 2011 pp
987- 995 496
Lrsquoarticle R 4127-32 du Code de la santeacute publique dispose laquo degraves lors quil a accepteacute de reacutepondre agrave une
demande le meacutedecin sengage agrave assurer personnellement au patient des soins consciencieux deacutevoueacutes et fondeacutes
sur les donneacutees acquises de la science en faisant appel sil y a lieu agrave laide de tiers compeacutetents raquo 497
Lrsquoarticle 35 du code de deacuteontologie meacutedicale preacutevoit que laquo le meacutedecin doit agrave la personne quil examine quil
soigne ou quil conseille une information loyale claire et approprieacutee sur son eacutetat les investigations et les soins
quil lui propose Tout au long de la maladie il tient compte de la personnaliteacute du patient dans ses explications
et veille agrave leur compreacutehension raquo
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
231
entretien individuel ne pose pas de reacuteel problegraveme la notion drsquoentretien devant srsquoentendre
selon eux de maniegravere large pour y inclure les formes eacutelectroniques de communication498
Il
est en reacutealiteacute neacutecessaire de revenir sur chacune des activiteacutes de teacuteleacutemeacutedecine preacutevues par le
deacutecret drsquooctobre 2010 afin de tenter drsquoeacuteclaircir ce point
434 Pour la teacuteleacuteexpertise la question ne pose pas reacuteellement de problegraveme Cette activiteacute
srsquoapparente en reacutealiteacute agrave la possibiliteacute pour le professionnel de santeacute de faire appel agrave un autre
professionnel plus speacutecialiseacute si la prise en charge le neacutecessite Il srsquoagit drsquoune regravegle preacutevue au
Code de deacuteontologie meacutedicale qui srsquoimpose au meacutedecin499
Dans ce cas le patient nrsquoest pas
pris en charge par le biais drsquoun acte totalement deacutemateacuterialiseacute puisque la relation agrave distance nrsquoa
lieu qursquoentre deux professionnels de santeacute Il pourra donc recevoir lrsquoinformation qui lui est
due dans les conditions classiques et exprimer le consentement relatif agrave sa prise en charge
aupregraves du meacutedecin requeacuterant Il en va de mecircme pour la teacuteleacuteassistance dans ce cas le patient
nrsquoest pas pris en charge agrave distance mais crsquoest bien le professionnel qui est assisteacute par un autre
professionnel de faccedilon deacutemateacuterialiseacutee
435 Dans le cadre de la reacuteponse en matiegravere de reacutegulation meacutedicale la particulariteacute de la
situation agrave savoir lrsquourgence fait que cette question ne se pose pas reacuteellement le professionnel
se trouvant alors dans une des situations exceptionnelles lui permettant de ne pas remplir son
obligation drsquoinformation ni de recueillir le consentement preacutealable du patient
Dans le cas de la teacuteleacutesurveillance la question peut ecirctre tregraves rapidement reacutegleacutee En effet ce
genre drsquoactiviteacute supposera a minima une consultation preacutealable avec le patient au cours de
laquelle le professionnel pourra donc lrsquoinformer sur lrsquoacte le dispositif de teacuteleacutemeacutedecine le
traitement de ses informations personnelles mais eacutegalement comme le dispose le deacutecret le
former si neacutecessaire aux outils et au recueil de ses donneacutees En effet il est preacutevu lorsque la
situation lrsquoimpose que le patient soit formeacute ou preacutepareacute agrave lrsquoutilisation du dispositif de
teacuteleacutemeacutedecine
436 Enfin la teacuteleacuteconsultation reste la pratique qui pose en reacutealiteacute le plus de problegravemes agrave ce
sujet En ce qui concerne lrsquoentretien individuel il est vrai qursquoil pourra toujours avoir lieu
498 V notamment en ce sens LE GOFFIC Caroline laquo Consentement et confidentialiteacute agrave lrsquoeacutepreuve de la
teacuteleacutemeacutedecine raquo Revue de droit sanitaire et social 2011 op cit 499
Article R 4127-32 du Code de la santeacute publique
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
232
mecircme si crsquoest par le biais drsquoune webcam Toutefois la deacutemateacuterialisation des relations entre le
patient et son meacutedecin ne doit pas pour autant conduire celui-ci agrave prendre une trop grande
distance avec son patient Il devra donc srsquoassurer qursquoil a bien deacutelivreacute une information
reacutepondant aux obligations leacutegales Certains auteurs parlent en effet de risque de laquo
standardisation de lrsquoinformation raquo du fait de la deacutemateacuterialisation des eacutechanges Crsquoest cet
eacutecueil qursquoil faudra veiller agrave eacuteviter500
En tout eacutetat de cause la preuve de lrsquoinformation sera
drsquoautant plus importante qursquoil nrsquoy a pas eu de rencontre formelle entre patient et meacutedecin
b) La preuve de lrsquoinformation et du recueil du consentement
437 Dans le cadre de la teacuteleacutemeacutedecine la question de la preuve que ce soit de la deacutelivrance
de lrsquoinformation ou de lrsquoobtention du consentement peut poser certaines difficulteacutes Le
problegraveme ne reacuteside pas vraiment dans les modaliteacutes de preuve de lrsquoinformation qui en reacutealiteacute
ne vont pas diffeacuterer que lrsquoon soit dans le cadre drsquoun acte de teacuteleacutemeacutedecine ou un acte meacutedical
plus classique En effet la charge de la preuve en la matiegravere repose sur le professionnel de
santeacute qui devra conserver la trace de la deacutelivrance de son information A ce sujet la loi501
comme la jurisprudence502
ont poseacute le principe de la preuve de lrsquoinformation par tous
moyens Ainsi les eacutecrits peuvent constituer un deacutebut de preuve et les eacutechanges de courriels
pourront lrsquoecirctre eacutegalement Le problegraveme reacuteside ici dans les nouveaux modes de preuves induits
par lrsquoutilisation des TIC
438 La premiegravere question qui se pose est celle de lrsquoenregistrement de la teacuteleacuteconsultation en
elle-mecircme Certains auteurs avancent cette possibiliteacute sous reacuteserve de respecter certaines
obligations preacutealables Il nous semble toutefois que cette possibiliteacute doive ecirctre eacutecarteacutee pour
des raisons agrave la fois leacutegales et eacutethiques En effet drsquoun point de vue strictement leacutegal les
dispositions de la loi Informatique et Liberteacutes et notamment le respect du principe de
proportionnaliteacute entre le traitement et le but rechercheacute ne nous semblent pas autoriser un tel
enregistrement De mecircme drsquoun point de vue eacutethique on comprend tregraves vite qursquoun tel
enregistrement va fragiliser le colloque singulier et la relation de confiance qui doit exister
entre meacutedecin et patient En revanche une trace informatique de la consultation pourra ecirctre
conserveacutee sous reacuteserve de respecter les diffeacuterentes obligations de deacuteclarations aupregraves de la
500 BOURDAIRE-MIGNOT Camille laquo Teacuteleacuteconsultation quelles exigences Quelles pratiques raquo op cit p
1005 501
Article L 1111-2 du Code de santeacute publique 502
Cass 1egravere
civ 25 feacutevrier 1997 ndeg 94-19685 Defreacutenois 1997 p 751 note JL AUBERT
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
233
CNIL Cette trace pourra donc constituer un deacutebut de preuve en permettant par exemple de
deacutemontrer la dureacutee de la consultation Le meacutedecin devra donc continuer de preacuteciser au sein
du dossier meacutedical le contenu de lrsquoinformation qursquoil a deacutelivreacutee et eacuteventuellement la
compleacuteter par un document eacutecrit transmis par e-mail Dans le cadre drsquoune activiteacute de
teacuteleacutemeacutedecine il appartient selon nous au meacutedecin drsquoecirctre vigilant et de constituer tout au
long de la prise en charge agrave distance de son patient un faisceau drsquoindices qui permettra
drsquoapporter la preuve de lrsquoinformation dans lrsquohypothegravese drsquoun contentieux
439 Le professionnel devra ecirctre drsquoautant plus attentif agrave la deacutelivrance de ces informations
que la jurisprudence se montre de plus en plus stricte agrave ce sujet la Cour de Cassation ayant
fait du deacutefaut drsquoinformation un preacutejudice autonome et le Conseil drsquoEtat ayant deacuteveloppeacute la
notion de preacutejudice drsquoimpreacuteparation
En effet dans une deacutecision en date du 3 juin 2010503
la Cour de cassation a consacreacute
lrsquoautonomie du preacutejudice reacutesultant du deacutefaut drsquoinformation Deacutesormais lrsquoabsence
drsquoinformation claire et loyale du patient preacutealablement agrave lrsquoexeacutecution drsquoun acte meacutedical
constitue un preacutejudice agrave part entiegravere qui comme le preacutecisait la Haute juridiction ne peut rester
sans reacuteparation Le Conseil drsquoEtat est quant agrave lui venu consacrer dans une deacutecision du 10
octobre 2012504
la notion de preacutejudice drsquoimpreacuteparation laquo consideacuterant qursquoindeacutependamment
de la perte de chance de refuser lrsquointervention le manquement des meacutedecins agrave leur obligation
drsquoinformer le patient des risques encourus ouvre pour lrsquointeacuteresseacute lorsque ces risque se
reacutealisent le droit drsquoobtenir reacuteparation des troubles qursquoil a pu subir du fait qursquoil nrsquoa pas pu se
preacuteparer agrave cette eacuteventualiteacute notamment en prenant certaines dispositions personnelle [hellip] raquo
Pour la Haute juridiction administrative le deacutefaut drsquoinformation constitue une perte de chance
de se preacuteparer aux risques possibles lieacutes agrave lrsquointervention et doit donc ecirctre reacutepareacute agrave ce titre Les
droits des patients pris en charge par un dispositif agrave distance telle que la teacuteleacutemeacutedecine restent
les mecircmes et sont mecircme renforceacutes sur certains aspects Crsquoest la mecircme logique qui va trouver agrave
srsquoappliquer en ce qui concerne les regravegles existantes en matiegravere de responsabiliteacute
503 Cass 1egravere civ 3 juin 2010 ndeg 09-13591 A LEGOUX Gaz Pal 2010 pp 9-13 P SARGOS laquo Deux
arrecircts historiques en matiegravere de responsabiliteacute meacutedicale geacuteneacuterale et de responsabiliteacute particuliegravere lieacutee au
manquement dun meacutedecin agrave son devoir dinformation raquo D 2010 pp 1522-1526 504
CE 10 octobre 2012 Michel C ndeg350426 F VIALLA JCP G 2012 p 1252 C LANTERO AJDA 2012
p 2231
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
234
B Responsabiliteacute meacutedicale des regravegles classiques aux risques drsquoapplication
multiplieacutes
440 Les actes meacutedicaux pratiqueacutes par le biais des TIC qursquoil srsquoagisse de la teacuteleacutemeacutedecine ou
de la prescription informatiseacutee restent des actes meacutedicaux agrave part entiegravere et juridiquement
reconnus comme tels De ce fait il est logique que les regravegles relatives agrave la mise en cause de la
responsabiliteacute des professionnels et eacutetablissements de santeacute soient les mecircmes que celles
applicables aux actes meacutedicaux non deacutemateacuterialiseacutes (1) Toutefois les speacutecificiteacutes de la
teacuteleacutemeacutedecine notamment le deacuteveloppement de pratiques pluridisciplinaires amegravenent agrave
srsquointerroger sur la reacutepartition des responsabiliteacutes entre les diffeacuterents acteurs (2) qursquoils
srsquoagissent des meacutedecins des personnels parameacutedicaux ou mecircme des patients
1) La responsabiliteacute meacutedicale une responsabiliteacute pour faute
441 laquo Il nrsquoy a pas lieu de creacuteer un reacutegime de responsabiliteacute speacutecifique autour de la
teacuteleacutemeacutedecine raquo505
Pour la DGOS il ne fait aucun doute que le reacutegime de droit commun
applicable en matiegravere de responsabiliteacute meacutedicale va trouver agrave srsquoappliquer agrave la teacuteleacutemeacutedecine
sans qursquoil y ait lieu de clarifier voire mecircme creacuteer de nouvelles regravegles
442 Tregraves tocirct la jurisprudence judiciaire a consideacutereacute qursquoun meacutedecin eacutetait responsable des
dommages causeacutes agrave un patient et ce sur le fondement des articles 1240506
et 1241507
du Code
civil Le dommage causeacute par le meacutedecin agrave son patient eacutetait donc reacuteparable sur le terrain de la
responsabiliteacute deacutelictuelle Cette position a eacuteteacute modifieacutee par le tregraves ceacutelegravebre arrecirct Mercier du 20
mai 1936508
par lequel la Haute juridiction est venue affirmer que la relation qui srsquoeacutetablissait
entre un meacutedecin et un patient eacutetait une relation contractuelle Ainsi le non-respect par le
meacutedecin drsquoune de ses obligations engageait alors sa responsabiliteacute contractuelle Cette
position a ensuite eacuteteacute confirmeacutee par plusieurs arrecircts rappelant que les meacutedecins nrsquoengageaient
leur responsabiliteacute contractuelle qursquoen cas de faute Ce contrat eacutetait un contrat
505 laquo La teacuteleacutemeacutedecine nrsquoa pas besoin drsquoun reacutegime de responsabiliteacute professionnelle speacutecifique selon la DGOS raquo
deacutepecircche Tic-santeacute 15 mai 2012 disponible sur [httpwwwticsantecom] Consulteacute le 3 mars 2017 506
laquo Tout fait quelconque de lhomme qui cause agrave autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est
arriveacute agrave le reacuteparer raquo 507
laquo Chacun est responsable du dommage quil a causeacute non seulement par son fait mais encore par sa
neacutegligence ou par son imprudence raquo 508
Cass 1egravere
civ 20 mai 1936 Mercier JCP 1936 1079
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
235
synallagmatique de droit priveacute Ainsi il pesait des obligations sur chacune des parties
Toutefois ce contrat nrsquoeacutetait valable que pour les soins dispenseacutes par un meacutedecin libeacuteral ou par
un meacutedecin exerccedilant en eacutetablissement priveacute Dans le cas drsquoun meacutedecin hospitalier exerccedilant en
eacutetablissement public de santeacute on consideacuterait le patient comme eacutetant un usager du service
public et degraves lors il relevait drsquoune situation statutaire509
Crsquoest drsquoailleurs toujours le cas
aujourdrsquohui La responsabiliteacute contractuelle du meacutedecin a toutefois continueacute de coexister avec
la possibiliteacute de mettre en œuvre sa responsabiliteacute deacutelictuelle dans certains cas Ainsi en cas
drsquoabsence de contrat meacutedical ab initio510
ou dans lrsquohypothegravese de son annulation511
le patient
pouvait tout de mecircme mettre en cause la responsabiliteacute deacutelictuelle du meacutedecin
443 Le Conseil drsquoEtat pour sa part a longtemps reconnu la responsabiliteacute pour faute du
service public hospitalier distinguant toutefois les fautes simples512
des fautes lourdes513
Cependant avec lrsquoarrecirct BIANCHI514
la Haute juridiction a admis une possibiliteacute de
responsabiliteacute sans faute du service public hospitalier quand lrsquoexeacutecution de lrsquoacte meacutedical
neacutecessaire au diagnostic ou au traitement du patient preacutesentait un risque certes connu mais
dont la reacutealisation eacutetait exceptionnelle
444 La loi du 4 mars 2002515
unifie le reacutegime de responsabiliteacute meacutedicale en instaurant un
principe de responsabiliteacute pour faute et ce peu importe que la prise en charge se fasse dans un
cadre priveacute ou public Crsquoest le principe poseacute agrave lrsquoarticle L 1142-1 du Code de la santeacute publique
selon lequel laquo hors le cas ougrave leur responsabiliteacute est encourue en raison dun deacutefaut dun
produit de santeacute les professionnels de santeacute mentionneacutes agrave la quatriegraveme partie du preacutesent
Code ainsi que tout eacutetablissement service ou organisme dans lesquels sont reacutealiseacutes des actes
individuels de preacutevention de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conseacutequences
dommageables dactes de preacutevention de diagnostic ou de soins quen cas de faute raquo Il
509 CE 11 janvier 1991Mme Biancale ndeg 93348 AJDA 1991 p 479
510 Cass 1
egravere civ 20 feacutevrier 1979 D 1980 p 171 obs PENNEAU
511 TGI Paris 3 juin 1979 D 1980 p 136
512 A titre drsquoexemple un deacutefaut dans lrsquoorganisation du service eacutetait consideacutereacute comme une faute simple que
lrsquoeacutetablissement public de santeacute se devait de reacuteparer (CE 26 juin 1959 Rouzet Rec 1959 p 305) 513
Faute reacuteserveacutee aux actes techniques (CE 8 novembre 1935 veuve Loiseau Rec 1935 p1019) 514
CE Ass 9 avril 1993 Bianchi ndeg69336 RFDA 1993 p 573 concl S DAEumlL RDP 1993 p 1099 note
M PAILLET Rev Adm 1993 p 561 note P FRAISSEX 515
Loi ndeg 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et agrave la qualiteacute du systegraveme de santeacute JORF du
5 mars 2002 p 4118
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
236
appartiendra alors au patient qui srsquoestime victime drsquoun dommage drsquoapporter la preuve drsquoune
faute et ce par tous moyens
En termes de fautes celles-ci peuvent ecirctre tregraves diverses et porter tant sur la reacutealisation
du soin que sur le deacutefaut dans lrsquoinformation preacutealable du patient Les fautes peuvent
eacutegalement ecirctre strictement meacutedicales ou parfois reacutesulter drsquoun dysfonctionnement dans
lrsquoorganisation du service Dans le cas particulier de la prise en charge drsquoun patient en
eacutetablissement public de santeacute par principe lrsquoeacutetablissement devra reacuteparer la faute commise par
ses preacuteposeacutes sauf en cas de faute deacutetachable du service516
2) La reacutepartition de la responsabiliteacute entre les diffeacuterents acteurs de la teacuteleacutemeacutedecine
445 Lors drsquoun acte de teacuteleacutemeacutedecine plusieurs sceacutenarios peuvent se mettre en place
impliquant dans la prise en charge du patient des meacutedecins des professionnels de santeacute et
parfois mecircme le patient lui-mecircme La reacuteparation des responsabiliteacutes sera diffeacuterente selon
lrsquoacte reacutealiseacute (teacuteleacuteexpertise ou teacuteleacuteconsultation par exemple) ou les professionnels impliqueacutes
La doctrine a beaucoup eacutecrit agrave ce sujet517
et plusieurs hypothegraveses de reacutepartition des
responsabiliteacutes se sont deacuteveloppeacutees Celles-ci sont drsquoailleurs parfois assez diffeacuterentes que
lrsquoon se situe du cocircteacute du droit priveacute ou du droit public
446 Dans le cadre de la pratique de la teacuteleacutemeacutedecine et plus speacutecifiquement dans le cas
drsquoactes de teacuteleacuteexpertise ou de teacuteleacuteassistance il est possible de faire un parallegravele avec la
situation dans laquelle un meacutedecin demande lrsquoavis drsquoun confregravere Drsquoune maniegravere geacuteneacuterale
516 La faute deacutetachable a eacuteteacute deacutefinie par une deacutecision Tribunal des conflits (Arrecirct Pelletier 3 juillet 1873) qui
preacutevoit que la faute deacutetachable est une laquo faute meacutedicale plus que lourde drsquoune graviteacute exceptionnelle et
inexcusable ou nrsquoayant aucun rapport avec lrsquoactiviteacute meacutedicale raquo A titre drsquoexemple le Conseil drsquoEtat dans sa
deacutecision ndeg213931 du 28 deacutecembre 2001 a reconnu la qualification de faute personnelle deacutetachable du service
pour un meacutedecin chef de service de radiologie qui avait tardeacute deacutelibeacutereacutement agrave reacuteveacuteler une erreur meacutedicale
commise dans son service Sur la faute deacutetachable du service V notamment LEFEVRE Valeacuterie laquo La faute
deacutetachable du service et la critique dun meacutedecin sur le travail de lun de ses confregraveres dans un eacutetablissement de
santeacute Note sous Cour de cassation premiegravere Chambre civile 20 feacutevrier 2008 Monsieur X contre Mesdames Y
Z et A et Monsieur B pourvoi numeacutero 06-21980 raquo Gaz Pal ndeg 282-283 2008 pp 40-41 KLEITZ-
BACHELET Cleacutementine laquo Meacutedecin hospitalier et faute deacutetachable du service raquo RLDC ndeg 48 2008 p 27 517
V notamment en ce sens CORGAS-BERNARD Cristina laquo Responsabiliteacute civile meacutedicale et nouvelles
pratiques numeacuteriques lexemple de la teacuteleacutemeacutedecine raquo LPA ndeg 162 2014 pp 27-30 FRAYSSINET Marie-
Heacutelegravene laquo La faute dans lorganisation et le fonctionnement du service agrave leacutepreuve de la teacuteleacutesanteacute raquo RGDM ndeg
44 2012 pp 313-331 GRYNBAUM Luc laquo La responsabiliteacute des acteurs de teacuteleacutemeacutedecine raquo RDSS ndeg 6
2011 pp 996-1002 FORGERON Jean-Franccedilois laquo Les applications de teacuteleacutemeacutedecine des responsabiliteacutes
meacutedicales traditionnelles aux responsabiliteacutes techniques nouvelles raquo Gaz Pal ndeg 287 2001 pp 20-22
ROUSSEL Bruno laquo Les applications de teacuteleacutemeacutedecine des responsabiliteacutes meacutedicales traditionnelles aux
responsabiliteacutes techniques nouvelles raquo Communication commerce eacutelectronique ndeg 1 2011 p 2
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
237
une majoriteacute des auteurs considegraverent qursquoil existe une responsabiliteacute du meacutedecin qui se trouve
aupregraves du patient du fait du meacutedecin qui exerce agrave distance518
La teacuteleacuteexpertise est alors
consideacutereacutee comme une aide agrave la deacutecision meacutedicale519
et lrsquoacte reste sous la responsabiliteacute du
meacutedecin qui a pris en charge le patient ce qui implique donc une responsabiliteacute exclusive de
ce dernier Finalement il srsquoagit ici de lrsquoapplication des dispositions de lrsquoarticle R 4127-69 du
Code de la santeacute publique qui preacutevoit que laquo lrsquoexercice de la meacutedecine est personnel chaque
meacutedecin est responsable de ses deacutecisions et ses actes raquo Effectivement dans le cas speacutecifique
de la teacuteleacuteexpertise crsquoest bien au meacutedecin demandeur qui se trouve agrave proximiteacute du patient et
qui prend en charge ce dernier qursquoil reviendra de prendre la deacutecision meacutedicale en se basant
sur les preacuteconisations du meacutedecin teacuteleacuteexpert
447 Toutefois il faut souligner que lrsquoarticle R 4127-64 du Code de la santeacute publique
preacutecise quant agrave lui que laquo lorsque plusieurs meacutedecins collaborent agrave lrsquoexamen ou au traitement
drsquoun malade ils doivent se tenir mutuellement informeacutes chacun des praticiens assume ses
responsabiliteacutes personnelles et veille agrave lrsquoinformation du malade raquo A la lumiegravere de cette autre
disposition du Code de la santeacute publique il apparait que meacutedecin requeacuterant et meacutedecin requis
devraient naturellement voir leurs responsabiliteacutes partageacutees en cas de dommage subi par le
patient A noter que classiquement la jurisprudence retient la responsabiliteacute solidaire des
intervenants quand un meacutedecin deacutecide de prendre un avis aupregraves drsquoun confregravere speacutecialiste
dans son domaine520
448 Crsquoest drsquoailleurs agrave ce jour la solution retenue par les juges administratifs en ce qui
concerne la pratique de la teacuteleacutemeacutedecine et plus speacutecifiquement la pratique de la
teacuteleacuteexpertise521
En lrsquoespegravece il srsquoagissait drsquoun patient hospitaliseacute au sein drsquoun centre
hospitalier suite agrave un traumatisme cracircnien puis autoriseacute agrave sortir le scanner ne reacuteveacutelant aucun
traumatisme Il est hospitaliseacute de nouveau un mois plus tard agrave la suite de ceacutephaleacutees
inhabituelles et de vomissements Un nouveau scanner est reacutealiseacute et un avis demandeacute au
service de neurochirurgie du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Grenoble par le biais
518 CONTIS Mailen CROEL Jean-Marc laquo Le droit des obligations agrave lrsquoeacutepreuve de la teacuteleacutemeacutedecine raquo PUAM
2006 V eacutegalement en ce sens PIDOUX Estelle laquo La responsabiliteacute meacutedicale au regard de la teacuteleacutetransmission
et de la teacuteleacutemeacutedecine raquo LPA ndeg 149 2000 pp 5-11 519
V notamment en ce sens FLAVIN Patrick laquo De la responsabiliteacute encourue dans le cadre de la
teacuteleacutemeacutedecine raquo Revue hospitaliegravere de France ndeg 537 2010 p 56-57 520
CAA Bordeaux 10 octobre 1998 ndeg 97BX01978 521
TA Grenoble 21 mai 2010 ndeg0600648
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
238
drsquoune videacuteotransmission des images Le CHU de Grenoble informe le centre hospitalier qursquoil
ne dispose pas de place pour accueillir le patient mais que lrsquoeacutetat de celui-ci permettait
drsquoattendre pour reacutealiser lrsquoopeacuteration de drainage de lrsquoheacutematome deacutecouvert Lrsquoeacutetat du patient se
deacutegrade le jour suivant mais le CHU maintient son avis initial Le patient tombe dans le coma
Il est ensuite transfeacutereacute dans un autre eacutetablissement dans lequel il deacutecegravede En se basant sur les
expertises meacutedicales reacutealiseacutees le TA de Grenoble retient une erreur de diagnostic dans
lrsquointerpreacutetation du scanner lors de la reacuteadmission du patient Alors que le CHU invoque un
doute sur la reacuteception de deux planches drsquoimages par son service de neurochirurgie et fait part
de son interrogation sur la qualiteacute de celles-ci le TA pointe le fait qursquoaucun eacuteleacutement du
dossier ne permet drsquoeacutetablir que les meacutedecins qui les ont reccedilues et interpreacuteteacutees ont eacutemis agrave un
moment de la prise en charge des doutes quant agrave leur caractegravere complet et preacutecis Pour les
juges du fond lrsquoerreur de diagnostic est constitutive drsquoune faute commune aux deux
eacutetablissements et engage donc leur responsabiliteacute solidaire Le TA a eacutegalement ducirc statuer sur
lrsquoappel en garantie formeacute par le CH de Sallanches contre le CHU de Grenoble Les juges du
fond rappellent agrave cette occasion que les centres hospitaliers geacuteneacuteraux ne sont pas doteacutes de
moyens speacutecialiseacutes en neurochirurgie et sont donc ameneacutes agrave demander lrsquoavis de services
speacutecialiseacutes Le TA relegraveve ensuite que les teacuteleacutetransmissions drsquoimages nrsquoont pas donneacute lieu agrave
des comptes rendus eacutecrits et qursquoagrave aucun moment les meacutedecins qui ont reccedilu et interpreacuteteacute les
images nrsquoont eacutemis de doute sur leur qualiteacute Degraves lors pour le tribunal le CHU a commis une
faute vis-agrave-vis du CH et doit le garantir de lrsquoensemble de la condamnation prononceacutee agrave son
encontre
449 Il srsquoagit selon la doctrine drsquoune deacutecision522
qui preacutefigure la maniegravere dont la
responsabiliteacute des diffeacuterents intervenants dans le cadre drsquoune activiteacute de teacuteleacutemeacutedecine pourrait
ecirctre appreacutecieacutee par les juges Avec cette deacutecision les juges srsquoorientent vers une responsabiliteacute
solidaire des deux meacutedecins intervenant dans la prise en charge du patient Drsquoailleurs il faut
noter que la responsabiliteacute solidaire des intervenants dans le cas drsquoun meacutedecin prenant un
avis aupregraves drsquoun speacutecialiste avait deacutejagrave eacuteteacute retenue auparavant523
522 FLAVIN Patrick laquo De la responsabiliteacute encourue dans le cadre de la teacuteleacutemeacutedecine raquo op cit
523 CAA Bordeaux op cit
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
239
Toutefois il nous faut souligner ici la seacuteveacuteriteacute de cette deacutecision524
En effet les juges
ne se contentent pas de retenir une responsabiliteacute solidaire mais estiment que le CHU de par
sa position drsquoexpert en la matiegravere se doit de garantir la condamnation du CH Il appartiendrait
donc au teacuteleacuteexpert de srsquoassurer de la qualiteacute des donneacutees qursquoil reccediloit avant de dispenser son
avis Il doit prendre en compte les limites inheacuterentes agrave la pratique et solliciter les informations
compleacutementaires en cas de doute sous peine de voir sa responsabiliteacute pleinement engageacutee en
cas de preacutejudice
450 Une derniegravere question relative agrave la responsabiliteacute du meacutedecin dans le cadre de la
teacuteleacutemeacutedecine doit encore ecirctre souleveacutee celle de lrsquoexistence eacuteventuelle drsquoune obligation
meacutedicale drsquoutiliser la teacuteleacutemeacutedecine En effet lrsquoarticle R 4127-32 du Code de la santeacute
publique fait peser sur le meacutedecin lrsquoobligation de moyens suivante laquo degraves lors quil a accepteacute
de reacutepondre agrave une demande le meacutedecin sengage agrave assurer personnellement au patient des
soins consciencieux deacutevoueacutes et fondeacutes sur les donneacutees acquises de la science en faisant
appel sil y a lieu agrave laide de tiers compeacutetents raquo Il srsquoagit ici de lrsquoobligation leacutegale et
deacuteontologique pesant sur tout meacutedecin de faire appel agrave des tiers compeacutetents Avec le
deacuteveloppement de la teacuteleacutemeacutedecine et plus particuliegraverement de la teacuteleacuteexpertise il serait
possible drsquoenvisager que cette obligation soit eacutetendue agrave lrsquoutilisation des TIC et notamment de
la teacuteleacutemeacutedecine Un meacutedecin pourrait donc voir sa responsabiliteacute engageacutee srsquoil est eacutetabli qursquoil
avait la possibiliteacute drsquoavoir recours agrave la teacuteleacutemeacutedecine et qursquoil ne lrsquoa pas fait Toutefois agrave
lrsquoheure actuelle et au vu du deacuteveloppement de la pratique il nous semble compliqueacute de faire
peser sur un meacutedecin une telle obligation de moyens
sect2 Teacuteleacutemeacutedecine et responsabiliteacute des regravegles speacutecifiques agrave prendre en
consideacuteration
451 Lrsquointroduction des TIC dans la prise en charge des patients nous amegravene agrave reacutefleacutechir sur
la nouvelle reacutepartition des responsabiliteacutes En effet les logiciels vont devenir un outil de la
prise en charge meacutedicale agrave part entiegravere et ses eacuteventuelles deacutefaillances ne vont pas ecirctre sans
524 V eacutegalement en ce sens FLAVIN Patrick laquo De la responsabiliteacute encourue dans le cadre de la teacuteleacutemeacutedecine raquo
op cit p 57
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
240
conseacutequence (A) Par ailleurs il nous faut eacutegalement nous pencher sur la responsabiliteacute drsquoun
nouvel acteur entrant dans la prise en charge du patient le tiers technologique (B)
A Deacutefaillance des logiciels et responsabiliteacutes
452 Dans le cadre de lrsquoinformatisation constante de la prise en charge meacutedicale les
logiciels informatiques sont devenus un des outils principaux des eacutetablissements de santeacute
Toutefois cela nrsquoest pas sans conseacutequence sur les regravegles applicables en matiegravere de
responsabiliteacute meacutedicale En effet en introduisant ce nouvel outil les eacutetablissements
augmentent les risques de dommage en cas de deacutefaillance de celui-ci Il leur est donc
neacutecessaire de se pencher sur la question de la reacuteparation des responsabiliteacutes Pour cela il nous
faut nous tourner vers le reacutegime de responsabiliteacute applicable en matiegravere de produits
deacutefectueux (2) apregraves avoir pris le soin de se pencher plus speacutecifiquement sur la qualification
juridique des logiciels utiliseacutes (1)
1) Qualification juridique des logiciels
453 Avant 2010 et la transposition en droit franccedilais des dispositions issues de la directive
europeacuteenne 200747CE525
seuls les logiciels neacutecessaires au bon fonctionnement drsquoun
dispositif meacutedical eacutetaient consideacutereacutes comme eacutetant des dispositifs meacutedicaux Lrsquoarticle L 5211-
1 du Code de la santeacute publique preacutevoyait alors laquo on entend par dispositif meacutedical tout
instrument appareil eacutequipement matiegravere produit agrave lexception des produits dorigine
humaine ou autre article utiliseacute seul ou en association y compris les accessoires et logiciels
intervenant dans son fonctionnement destineacute par le fabricant agrave ecirctre utiliseacute chez lhomme agrave
des fins meacutedicales et dont laction principale voulue nest pas obtenue par des moyens
pharmacologiques ou immunologiques ni par meacutetabolisme mais dont la fonction peut ecirctre
assisteacutee par de tels moyens raquo A lrsquoeacutepoque un logiciel ne pouvait obtenir cette qualification
que par association agrave un dispositif meacutedical
525 Directive 200747CE du parlement europeacuteen et du conseil du 5 septembre 2007 modifiant la directive
90385CEE du Conseil concernant le rapprochement des leacutegislations des Eacutetats membres relatives aux dispositifs
meacutedicaux implantables actifs la directive 9342CEE du Conseil relative aux dispositifs meacutedicaux et la directive
988CE concernant la mise sur le marcheacute des produits biocides JOUE L24721 21 septembre 2007
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
241
454 Lrsquoordonnance ndeg 2010-250 du 11 mars 2010526
relative aux dispositifs meacutedicaux et
transposant les dispositions de droit europeacuteen en droit franccedilais a eacutelargi le champ des logiciels
pouvant ecirctre consideacutereacutes comme eacutetant des dispositifs meacutedicaux Deacutesormais selon les
dispositions de lrsquoarticle L 5211-1 du Code de la santeacute publique sont des dispositifs
meacutedicaux laquo tout instrument appareil eacutequipement matiegravere produit agrave lexception des
produits dorigine humaine ou autre article utiliseacute seul ou en association y compris les
accessoires et logiciels neacutecessaires au bon fonctionnement de celui-ci destineacute par le fabricant
agrave ecirctre utiliseacute chez lhomme agrave des fins meacutedicales et dont laction principale voulue nest pas
obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par meacutetabolisme mais
dont la fonction peut ecirctre assisteacutee par de tels moyens Constitue eacutegalement un dispositif
meacutedical le logiciel destineacute par le fabricant agrave ecirctre utiliseacute speacutecifiquement agrave des fins
diagnostiques ou theacuterapeutiques raquo
Ainsi un logiciel seul ayant une finaliteacute theacuterapeutique ou diagnostique pourra ecirctre
qualifieacute de dispositif meacutedical et se voir ainsi appliquer les dispositions relatives agrave
lrsquoencadrement des dispositifs meacutedicaux que ce soit en matiegravere de seacutecuriteacute de controcircle ou de
responsabiliteacute Par ailleurs comme nous avons pu le voir preacuteceacutedemment cela permettra de
deacuteterminer quel reacutegime de responsabiliteacute sera applicable Cette classification est donc
importante
455 Toutefois lrsquoidentification va devoir se faire au cas par cas Ainsi un simple logiciel de
gestion du dossier patient ne pourra pas ecirctre consideacutereacute comme un dispositif meacutedical tandis
qursquoun logiciel drsquoaide agrave la prescription effectuant un calcul de dose de meacutedicament agrave partir
drsquoune base de donneacutees propre au patient pourra ecirctre qualifieacute de dispositif meacutedical
En ce qui concerne plus speacutecifiquement la teacuteleacutemeacutedecine il nous faut diffeacuterencier les logiciels
neacutecessaires agrave la communication agrave distance qui ne pourront pas ecirctre consideacutereacutes comme eacutetant
des dispositifs meacutedicaux et les applications ayant pour finaliteacute de piloter des dispositifs
meacutedicaux agrave distance (dans le cadre de la teacuteleacutesurveillance notamment)
526 Ordonnance ndeg 2010-250 du 11 mars 2010 relative aux dispositifs meacutedicaux JORF ndeg0060 du 12 mars 2010
p 4870
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
242
456 LrsquoAgence Nationale de Seacutecuriteacute du Meacutedicament (ANSM)527
chargeacutee notamment de
garantir la seacutecuriteacute des produits de santeacute a apporteacute dans une deacutecision rendue le 12 avril
2015528
quelques preacutecisions quant agrave la qualification de dispositif meacutedical pour un logiciel En
effet lrsquoANSM a suspendu la mise sur le marcheacute drsquoun logiciel qui nrsquoeacutetait pas revecirctu du
marquage CE obligation agrave laquelle doivent reacutepondre les dispositifs meacutedicaux Il srsquoagissait
drsquoun logiciel drsquoenregistrement et de stockage de donneacutees issues drsquoexamens meacutedicaux du
patient accompagneacute drsquoun module de compression et drsquoenregistrement drsquoimages meacutedicales au
format waaves Crsquoest ce module speacutecifique qui a poseacute problegraveme agrave lrsquoANSM celle-ci
consideacuterant que ce module aidant le meacutedecin qui devait proceacuteder agrave un examen tombait sous
le coup de la deacutefinition des dispositifs meacutedicaux de classe 2 et devait de ce fait en respecter
les exigences
2) Responsabiliteacute du fait des produits deacutefectueux
457 Dans le cadre de lrsquoutilisation de logiciels dispositifs meacutedicaux par des eacutetablissements
de santeacute ceux-ci peuvent ecirctre ameneacutes agrave endosser le rocircle de prestataire de service vis-agrave-vis du
patient Or en la matiegravere les regravegles de reacutepartition des responsabiliteacutes entre fournisseur et
producteur nrsquoont pas toujours eacuteteacute tregraves claires
458 Lrsquoarticulation des regravegles applicables du fait de la deacutefaillance des produits de santeacute a
longtemps eacuteteacute difficile agrave appreacutehender Drsquoun cocircteacute le reacutegime europeacuteen impose de rechercher de
maniegravere prioritaire la responsabiliteacute du producteur du produit deacutefectueux et drsquoun autre cocircteacute le
reacutegime franccedilais issu drsquoune construction jurisprudentielle preacutevoit la responsabiliteacute sans faute
de lrsquoeacutetablissement de santeacute en tant que prestataire du produit deacutefectueux Il apparait donc
difficile drsquoarticuler les deux reacutegimes applicables
527 LrsquoAgence nationale de seacutecuriteacute du meacutedicament et des produits de santeacute (ANSM) a eacuteteacute creacuteeacutee par la loi du 29
deacutecembre 2011 relative au renforcement de la seacutecuriteacute sanitaire des meacutedicaments et des produits de santeacute Elle
srsquoest substitueacutee agrave lrsquoAgence franccedilaise de seacutecuriteacute sanitaire du meacutedicament et des produits de santeacute (Afssaps) dont
elle a repris les missions droits et obligations Il srsquoagit drsquoun eacutetablissement public placeacute sous la tutelle du
Ministegravere chargeacute de la santeacute 528
Deacutecision du 12 janvier 2015 portant suspension de mise sur le marcheacute de mise en service drsquoexportation et de
distribution du produit Infocament inteacutegrant un module de compression drsquoimages au format Waaves fabriqueacute et
mis sur le marcheacute par la socieacuteteacute CIRA
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
243
459 En effet la directive europeacuteenne 85374529
transposeacutee par la loi ndeg 98-389 du 19 mai
1998 a creacuteeacute un reacutegime speacutecial de responsabiliteacute sans faute du fait des produits deacutefectueux
Ainsi lrsquoarticle 1245 du Code civil preacutevoit que laquo Le producteur est responsable du dommage
causeacute par un deacutefaut de son produit quil soit ou non lieacute par un contrat avec la victime raquo
Degraves lors en vertu de cette directive le producteur est responsable de la deacutefectuositeacute
drsquoun produit mecircme en lrsquoabsence de faute Le fournisseur peut quant agrave lui voir sa
responsabiliteacute rechercheacutee soit sur le fondement de la responsabiliteacute sans faute agrave condition
que le producteur ne soit pas connu soit sur le fondement de la responsabiliteacute contractuelle ou
deacutelictuelle Cette directive nrsquoeacutecarte toutefois pas la possibiliteacute pour ce reacutegime de coexister
avec des reacutegimes de responsabiliteacute speacuteciaux qui pourraient exister en droit interne agrave condition
que ce reacutegime existe au moment de la notification de la directive530
460 Par ailleurs en droit franccedilais le Conseil drsquoEtat a instaureacute une responsabiliteacute du service
public hospitalier du fait de la deacutefaillance des produits et appareils de santeacute531
Classiquement
avant cette deacutecision la jurisprudence distinguait la mauvaise utilisation drsquoun produit de santeacute
de sa deacutefaillance Ainsi si aucune erreur drsquoutilisation nrsquoeacutetait imputable agrave lrsquoeacutequipe meacutedicale le
juge consideacuterait qursquoil nrsquoeacutetait pas possible de retenir une faute dans lrsquoorganisation du
service532
Puis la jurisprudence est devenue plus favorable aux patients et les juges533
ont eu
tendance agrave srsquoorienter vers un reacutegime de preacutesomption de la faute534
Enfin avec son arrecirct en
date du 9 juillet 2003 la Haute juridiction administrative a instaureacute un veacuteritable reacutegime de
responsabiliteacute sans faute du fait de la deacutefaillance des produits de santeacute Deacutesormais le service
public hospitalier est responsable des conseacutequences dommageables pour les usagers drsquoune
deacutefaillance drsquoun produit ou appareil de santeacute qursquoil utilise mecircme en lrsquoabsence de faute de sa
part et ce sans preacutejudice de son recours en garantie agrave lrsquoencontre du producteur Pour
reprendre les termes de Jeacuterocircme PEIGNE laquo lrsquoeacutetablissement de santeacute nrsquointervient plus comme
529 Directive 85374CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions leacutegislatives
reacuteglementaires et administratives des Eacutetats membres en matiegravere de responsabiliteacute du fait des produits deacutefectueux
JOUE ndeg L 210 du 7 aoucirct 1985 pp 29 ndash 33 530
Article 1 de la directive 85374CEE 531
CE 9 juillet 2003 APHP c Marzouk ndeg220437 Rec 2003 p 338 Droit Administratif ndeg 11 novembre
2003 comm 226 532
CE 14 deacutecembre 1984 Centre Hospitalier de Melun ndeg 37563 533
V notamment en ce sens CAA Bordeaux 9 mai 1989 Centre Hospitalier de Castelnaudary ndeg 89 BX00002
CAA paris 11 feacutevrier 1992 Administration geacuteneacuterale de lrsquoAssistance publique agrave Paris ndeg 90PA00256 534
PEIGNE Jeacuterocircme laquo Les tribulations de la responsabiliteacute hospitaliegravere du fait des produits de santeacute
deacutefectueux raquo RDSS 2011 pp 95-104
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
244
lrsquoauteur drsquoun diagnostic ou le dispensateur drsquoun traitement mais comme le fournisseur au
patient drsquoun produit dont il doit reacutepondre raquo535
461 Toutefois la Cour administrative drsquoappel de Lyon536
a eacuteteacute ameneacutee agrave se poser la
question de la compatibiliteacute de la directive europeacuteenne avec la jurisprudence du Conseil
drsquoEtat Degraves lors laquo dans lrsquohypothegravese de lrsquoincompatibiliteacute entre les deux reacutegimes de
responsabiliteacute La Cour Administrative drsquoappel de Lyon devait se demander si le reacutegime
jurisprudentiel deacutefini par le Conseil drsquoEtat pouvait ecirctre consideacutereacute comme un reacutegime speacutecial
preacuteexistant au sens de lrsquoarticle 1 preacuteciteacute de la directive de sorte que les deux reacutegimes
pourraient coexister de sorte que la victime pourrait selon ce qui lui est plus favorable
opter pour lrsquoun ou lrsquoautre raquo537
Ainsi dans sa deacutecision du 23 mars 2010 la Cour
Administrative drsquoAppel de Lyon rappelle drsquoabord que lorsqursquoun centre hospitalier fournit un
produit deacutefectueux agrave un patient mais que son producteur est connu seul ce dernier est
responsable des dommages causeacutes par le produit deacutefectueux Elle considegravere alors que le
reacutegime instaureacute par le Conseil drsquoEtat ne peut pas ecirctre consideacutereacute comme eacutetant un reacutegime
speacutecial de responsabiliteacute au sens de lrsquoarticle 13 de la directive et eacutecarte alors lrsquoapplication de
la jurisprudence MARZOUK au cas qui lui eacutetait soumis Puis dans une deacutecision du 4 octobre
2010538
le Conseil drsquoEtat qui eacutetait confronteacute agrave un problegraveme similaire a deacutecideacute de surseoir agrave
statuer jusqursquoagrave ce que la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne se prononce sur la question
suivante laquo compte tenu des dispositions de son article 13 la directive 85374CEE du 25
juillet 1985 permet-elle la mise en œuvre drsquoun reacutegime de responsabiliteacute fondeacute sur la situation
particuliegravere des patients des eacutetablissements publics de santeacute en tant qursquoil leur reconnait
notamment le droit drsquoobtenir de ces eacutetablissements en lrsquoabsence mecircme de faute de ceux-ci la
reacuteparation des dommages causeacutes par la deacutefaillance des produits et appareils qursquoils utilisent
sans preacutejudice de la possibiliteacute pour lrsquoeacutetablissement drsquoexercer un recours en garantie contre
le producteur raquo
535 PEIGNE Jeacuterocircme laquo Les tribulations de la responsabiliteacute hospitaliegravere du fait des produits de santeacute
deacutefectueux raquo op cit p 96 536
CAA Lyon 23 mars 2010 MF c CHU de Chambeacutery ndeg 06LY01195 537
VINET Camille laquo Responsabiliteacute de lrsquohocircpital du fait des produits deacutefectueux raquo AJDA 2010 p 1485-1487 538
CE 4 octobre 2010 Centre hospitalier universitaire de Besanccedilon ndeg 327449
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
245
462 Dans une deacutecision en date du 21 deacutecembre 2011539
la CJUE en clarifiant le champ
drsquoapplication de la directive 85374 du 25051985 relative agrave la responsabiliteacute du fait des
produits deacutefectueux apporte des preacutecisions quant agrave la responsabiliteacute des eacutetablissements
publics de santeacute en tant que prestataires de service
Le litige opposait le CHU de Besanccedilon agrave un patient au sujet de lrsquoindemnisation de
brucirclures qui lui avait eacuteteacute causeacute par un matelas chauffant dont le systegraveme de reacutegulation de
tempeacuterature eacutetait deacutefectueux Par jugement du 27 mars 2007 le CHU avait eacuteteacute condamneacute par
le TA de Besanccedilon agrave reacuteparer le dommage causeacute au patient en lui versant la somme de 9000
Euros (ainsi que 597499 Euros agrave la CPAM du Jura) Lrsquoappel que le CHU avait formeacute agrave
lrsquoencontre de cette deacutecision ayant eacuteteacute rejeteacute il srsquoeacutetait donc pourvu en cassation et le CE avait
deacutecideacute de surseoir agrave statuer La CJUE a consideacutereacute que laquo la responsabiliteacute drsquoun prestataire de
service qui utilise dans le cadre drsquoune prestation de services telles que des soins dispenseacutes au
milieu hospitalier des appareils ou des produits deacutefectueux dont il nrsquoest pas le producteur au
sens de la directive 85374 et cause de ce fait des dommages au beacuteneacuteficiaire de la prestation
ne relegraveve pas du champ drsquoapplication de cette directive Cette derniegravere ne srsquooppose degraves lors
pas agrave ce qursquoun Etat membre institue un tel reacutegime tel que celui en cause au principal
preacutevoyant la responsabiliteacute drsquoun tel prestataire agrave lrsquoeacutegard des dommages ainsi occasionneacutes
mecircme en lrsquoabsence de toute faute imputable agrave celui-ci agrave condition toutefois que soit
preacuteserveacutee la faculteacute pour la victime etou ledit prestataire de mettre en cause la responsabiliteacute
du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions
preacutevues par celle-ci raquo
463 Ainsi la juridiction europeacuteenne renforce ici les droits des usagers puisque ceux-ci
auront la possibiliteacute de mettre en cause agrave la fois la responsabiliteacute de lrsquoeacutetablissement de santeacute
en sa qualiteacute de prestataire de service sur le fondement de la responsabiliteacute du service public
hospitalier du fait de la deacutefaillance des produits et appareils de santeacute mais eacutegalement la
responsabiliteacute du producteur du produit de lrsquoappareil deacutefaillant sur le fondement de lrsquoarticle
1245 du Code civil Dans lrsquohypothegravese drsquoun logiciel qualifieacute de dispositif meacutedical qui se
reacuteveacutelerait deacutefectueux ce sont donc ces dispositions qui trouveraient agrave srsquoappliquer
539 CJUE arrecirct de la Cour (grande chambre) du 21 deacutecembre 2011 Centre hospitalier universitaire de Besanccedilon
contre Thomas Dutrueux et Caisse primaire dassurance maladie du Jura Demande de deacutecision preacutejudicielle
Conseil dEacutetat - France Affaire C-49510
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
246
Mais lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge meacutedicale nrsquoinduit pas seulement
lrsquoutilisation de nouveaux outils Elle est eacutegalement synonyme de lrsquoarriveacutee de nouveaux
acteurs
B Nouveaux acteurs et nouvelles responsabiliteacutes
laquo Le CNOM attire donc lrsquoattention sur le fait que les prestataires techniques susceptibles
dintervenir dans une application de teacuteleacutemeacutedecine sont nombreux fabricants de mateacuteriels
mais aussi fournisseurs de solutions logicielles opeacuterateurs de teacuteleacutecommunications socieacuteteacutes
de maintenance Chacun drsquoeux porte la responsabiliteacute correspondant agrave sa prestationraquo540
464 Comme lrsquoindique agrave juste titre le CNOM dans son livre blanc sur la teacuteleacutemeacutedecine la
teacuteleacutemeacutedecine et mecircme plus geacuteneacuteralement lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du
patient a pour conseacutequence de faire intervenir plusieurs prestataires techniques dans la mise
en place lrsquoorganisation et la reacutealisation de lrsquoacte meacutedical Ainsi deacutesormais un nouvel acteur
intervient susceptible lui aussi drsquoengager sa responsabiliteacute en cas de dommage le tiers
technologique Cette notion bien que couramment utiliseacutee nrsquoa pas de reacuteelle deacutefinition leacutegale
Drsquoailleurs le deacutecret teacuteleacutemeacutedecine drsquooctobre 2010 reste muet agrave son sujet Il faut donc une fois
de plus nous tourner vers les regravegles de droit commun afin de tenter de deacutelimiter les
responsabiliteacutes de ce tiers technologique dans lrsquohypothegravese ougrave un patient subirait un preacutejudice
imputable agrave une deacutefaillance du mateacuteriel ou agrave lrsquoinstallation informatique utiliseacutee
465 Un logiciel drsquoaide agrave la prescription ou un dispositif de teacuteleacutemeacutedecine perdent leur
inteacuterecirct et peuvent mecircme devenir dangereux srsquoils sont mal utiliseacutes par les professionnels de
santeacute Nous ne nous attarderons pas ici sur les hypothegraveses drsquoutilisation inadeacutequate (ignorance
des dispositifs de seacutecuriteacute par exemple) ou neacutegligente (absence de controcircle de la prescription
du LAP par le professionnel de santeacute) qui entraineraient la mise en cause de sa responsabiliteacute
par les juges Nous preacutefeacuterons eacutetudier ici lrsquohypothegravese drsquoune mauvaise utilisation lieacutee agrave un
deacutefaut drsquoinformation ou de formation de la part du tiers technologique
540 Livre blanc du CNOM sur la teacuteleacutemeacutedecine 2009 p 12 disponible sur [httpwwwconseil-
nationalmedecinfr] Consulteacute le 15 mai 2017
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
247
466 En ce qui concerne la responsabiliteacute meacutedicale du tiers technologique certains auteurs
ont tregraves tocirct imagineacute de soumettre le fournisseur de mateacuteriel agrave lrsquoobligation de conseil
renforceacute541
En effet le caractegravere innovant des solutions et applications proposeacutees par ces
prestataires ainsi que le caractegravere profane des professionnels de santeacute comme des
eacutetablissements de santeacute en la matiegravere renforce selon la doctrine lrsquoobligation de conseil pesant
sur le tiers technologique
Cette theacuteorie nous semble au premier abord tregraves logique Elle est finalement
lrsquoapplication aux TIC en santeacute des regravegles classiques applicables en droit de la
consommation542
et deacuteveloppeacutees depuis longtemps par la jurisprudence Tout comme le
meacutedecin est redevable drsquoune obligation drsquoinformation vis-agrave-vis de son patient le tiers
technologique serait quant agrave lui redevable drsquoune obligation de conseil et drsquoinformation vis-agrave-
vis du meacutedecin Cette obligation drsquoinformation va mecircme plus loin puisque son respect passe
eacutegalement par lrsquoobligation pour le vendeur de se renseigner En effet celui-ci se doit
srsquoinformer au sujet de lrsquousage que lrsquoacheteur entend faire du produit destineacute agrave la vente543
A
charge pour lrsquoacheteur drsquoinformer le vendeur drsquoun eacuteventuel usage inhabituel de la chose
vendue qursquoil envisagerait drsquoeffectuer544
Ce devoir drsquoinformation est mecircme pour les juges de
la Haute juridiction un devoir de conseil le vendeur ne doit pas se contenter de renseigner
lrsquoacheteur sur le produit il doit eacutegalement accompagner cette information de conseils
notamment au sujet du caractegravere adapteacute du bien par rapport aux besoins de lrsquoacheteur
541 FORGERON Jean-Franccedilois BELAY Nathalie laquo Les applications de la teacuteleacutemeacutedecine des responsabiliteacutes
meacutedicales traditionnelles aux responsabiliteacutes techniques nouvelles raquo Gaz Pal 16 octobre 2001 ndeg 289 p 20 542
Lrsquoarticle L 111-1 du Code de la consommation preacutevoit que laquo avant que le consommateur ne soit lieacute par un
contrat de vente de biens ou de fourniture de services le professionnel communique au consommateur de
maniegravere lisible et compreacutehensible les informations suivantes
1deg Les caracteacuteristiques essentielles du bien ou du service compte tenu du support de communication utiliseacute et du
bien ou service concerneacute
2deg Le prix du bien ou du service en application des articles L 113-3 et L 113-3-1
3deg En labsence dexeacutecution immeacutediate du contrat la date ou le deacutelai auquel le professionnel sengage agrave livrer le
bien ou agrave exeacutecuter le service
4deg Les informations relatives agrave son identiteacute agrave ses coordonneacutees postales teacuteleacutephoniques et eacutelectroniques et agrave ses
activiteacutes pour autant quelles ne ressortent pas du contexte ainsi que sil y a lieu celles relatives aux garanties
leacutegales aux fonctionnaliteacutes du contenu numeacuterique et le cas eacutecheacuteant agrave son interopeacuterabiliteacute agrave lexistence et aux
modaliteacutes de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles La liste et le contenu preacutecis de
ces informations sont fixeacutes par deacutecret en Conseil dEtat raquo 543
Cass com 1er
deacutecembre 1992 ndeg 90-18238 laquo tout vendeur dun mateacuteriel doit afin que la vente soit conclue
en connaissance de cause sinformer des besoins de son acheteur et informer ensuite celui-ci des contraintes
techniques de la chose vendue et de son aptitude agrave atteindre le but rechercheacute raquo 544
Cass 1egravere
civ 20 juin 1995 ndeg 93-15801
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
248
Cependant ce raisonnement repose en partie sur le faible niveau drsquoexpeacuterience des
professionnels en la matiegravere Or avec le deacuteveloppement rapide de ces solutions ainsi que leur
utilisation croissante il nous faut nous poser la question de la relativiteacute du caractegravere profane
des professionnels en la matiegravere En effet aujourdrsquohui certains eacutetablissements en lien direct
avec les meacutedecins sont agrave lrsquoorigine de la conception de solutions innovantes degraves lors est-il
toujours leacutegitime drsquoenvisager une obligation de conseil renforceacutee Quand Jean-Franccedilois
FORGERON et Nathalie BELAY ont deacuteveloppeacute leur raisonnement en 2001 il reposait
notamment sur le postulat suivant laquo le faible deacuteveloppement sur le marcheacute des solutions de
teacuteleacutemeacutedecine induit un faible niveau dexpeacuterience des professionnels de santeacute inteacuteresseacutes et
accroicirct correacutelativement le peacuterimegravetre de lobligation de conseil des prestataires raquo Or ce nrsquoest
clairement plus le cas aujourdrsquohui Degraves lors peut-on toujours consideacuterer aujourdrsquohui les
professionnels de santeacute et surtout les eacutetablissements de santeacute comme des profanes crsquoest-agrave-
dire comme de simples consommateurs en matiegravere de TIC en santeacute
467 Jusqursquoagrave la loi du 17 mars 2014 dite loi HAMON545
il nrsquoexistait pas de deacutefinition
leacutegale de la notion de consommateur Cette loi a introduit au Code de la consommation un
article preacuteliminaire qui preacutevoit que laquo au sens du preacutesent code est consideacutereacutee comme un
consommateur toute personne physique qui agit agrave des fins qui nentrent pas dans le cadre de
son activiteacute commerciale industrielle artisanale ou libeacuterale raquo Cependant cette deacutefinition ne
concerne que les personnes physiques et non les personnes morales Quid de celles-ci Pour
reacutepondre agrave cette question il nous faut nous tourner vers la jurisprudence Ainsi la Haute
juridiction civile en srsquoappuyant sur la notion de laquo non-professionnel raquo que lrsquoon peut retrouver
au sein du Code de la consommation546
a reconnu dans un arrecirct du 15 mars 2005547
que les
personnes morales nrsquoeacutetaient pas exclues du dispositif leacutegal de protection contre les clauses
abusives Pour la jurisprudence une personne morale peut donc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant
un non-professionnel notion toutefois distincte de celle de consommateur mais pouvant
beacuteneacuteficier agrave ce titre de certaines protections preacutevues par le Code de la consommation Le
critegravere retenu pour qualifier une personne morale drsquoacheteur professionnel ou non
professionnel est celui du lien de lrsquoachat avec lrsquoactiviteacute exerceacutee La personne morale qui pour
545 Loi ndeg 2014-344 du 17 mars 2014 relative agrave la consommation JORF ndeg0065 du 18 mars 2014 p 5400
546 Article L 132-1 du Code de la consommation
547 Cass 1
egravere civ 15 mars 2005 ndeg 02-13285 D 2005 AJ p 887 obs RONDEY Ceacuteline
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
249
les besoins de son activiteacute conclurait un contrat dont lrsquoobjet ne relegraveve pas de lrsquoactiviteacute qursquoelle
exerce est donc consideacutereacutee comme non professionnelle
Dans notre cas un eacutetablissement de santeacute qui pour la prise en charge de ses patients
conclut un contrat avec un prestataire informatique pourrait donc ecirctre consideacutereacute comme non
professionnel et agrave ce titre beacuteneacuteficier de la protection contre les clauses abusives
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
250
Conclusion de section
468 La prise en charge agrave distance des patients par le biais des TIC nrsquoinduit pas lrsquoexistence
de nouveaux droits et crsquoest bien le droit commun applicable agrave tout acte meacutedical qui va trouver
agrave srsquoappliquer aux activiteacutes telles que la teacuteleacutemeacutedecine ou la prescription informatiseacutee Les
regravegles de responsabiliteacute meacutedicale restent eacutegalement inchangeacutees Neacuteanmoins lrsquointroduction
des TIC induit lrsquointervention au sein de la pratique meacutedicale de nouveaux outils mais
eacutegalement de nouveaux acteurs qui doivent ecirctre pris en compte De ce fait les regravegles de
responsabiliteacute applicables peuvent srsquoen trouver bousculeacutees notamment dans leur reacutepartition
entre les diffeacuterents acteurs
La difficulteacute pour les eacutetablissements de santeacute va reacutesider dans lrsquoidentification des
diffeacuterentes regravegles applicables qui comme nous lrsquoavons vu sont nombreuses et dont
lrsquoarticulation nrsquoest pas toujours aiseacutee agrave appreacutehender
Chapitre 2 Lrsquoutilisation des TIC dans la prise en charge du patient
251
Conclusion du chapitre
469 Les TIC servent aujourdrsquohui agrave la prise en charge agrave distance des patients et les actes
reacutealiseacutes dans ce cadre beacuteneacuteficient drsquoune veacuteritable et solide reconnaissance juridique
Cependant le droit peine parfois agrave trouver sa place dans cette organisation En effet il ne peut
pas devancer la technique au risque de la freiner Mais il ne peut pas trop tarder non plus agrave
venir poser un cadre neacutecessaire au bon deacuteveloppement de ces pratiques Dans le cas de la
teacuteleacutemeacutedecine le leacutegislateur a tenteacute drsquoecirctre le plus concis et preacutecis agrave la fois certainement pour
ne pas alourdir une pratique deacutejagrave bien en place depuis une vingtaine drsquoanneacutees Cependant la
proceacutedure institutionnelle mise en place nrsquoa pas lrsquoeffet escompteacute eacutetant semeacutee de lourdeurs
administratives La simplification des deacutemarches mais eacutegalement la clarification du cadre
financier de lrsquoactiviteacute sont deux pistes agrave explorer afin que la teacuteleacutemeacutedecine puisse srsquoeacutepanouir
comme il se doit
470 Les eacutetablissements de santeacute sont eacutegalement fortement inciteacutes agrave srsquoattaquer agrave un autre
chantier important celui de lrsquoinformatisation du circuit du meacutedicament Mais les
eacutetablissements de santeacute et les professionnels de santeacute ne doivent pas oublier qursquoils disposent
depuis plus de dix ans maintenant de la possibiliteacute de deacutemateacuterialiser leurs prescriptions
meacutedicales Cette possibiliteacute est malheureusement trop peu exploiteacutee agrave ce jour Du point de vue
de la responsabiliteacute meacutedicale ces pratiques ne changent rien aux fondamentaux applicables en
droit de la santeacute Cependant il faut aujourdrsquohui prendre en compte les nouveaux outils agrave
disposition des professionnels de santeacute que sont les logiciels meacutedicaux ainsi que les
nouveaux acteurs que sont les tiers technologiques dans lrsquoapplication des regravegles de
responsabiliteacute
253
Conclusion du titre
471 Lrsquoutilisation des TIC dans la pratique meacutedicale permet la deacutemateacuterialisation des
eacutechanges avec le patient Les eacutetablissements de santeacute deacuteveloppent ainsi leurs DME
permettant le partage des donneacutees informatiseacutees du patient Dans ce contexte un seul DME
beacuteneacuteficie drsquoun cadre juridique qui lui est propre le DMP Fruit de la volonteacute du leacutegislateur de
mettre en place un dossier meacutedical partageacute au niveau national dont le patient serait titulaire
ce projet ambitieux nrsquoa cependant pas reacuteussi agrave trouver sa place apregraves plus de dix ans
drsquoexistences et plusieurs relances
472 La deacutemateacuterialisation de la prise en charge du patient conduit eacutegalement au
deacuteveloppement de pratiques meacutedicales agrave distance comme la teacuteleacutemeacutedecine Ces pratiques
eacutevoluent drsquoailleurs dans un cadre juridique assez clair Cependant mecircme si les regravegles en
matiegravere de droit du patient et de responsabiliteacute meacutedicale restent inchangeacutees leur application
peut se trouver quant agrave elle modifier de nouveaux outils et de nouveaux acteurs entrant en
jeu Les eacutetablissements de santeacute doivent donc appreacutehender ces nouvelles activiteacutes dans leur
globaliteacute afin de comprendre lrsquoensemble des conseacutequences juridiques qursquoelles peuvent
impliquer
255
Conclusion de la premiegravere partie
laquo Le droit nrsquoest pas perplexe ni deacutesarccedilonneacute devant lrsquoinnovation il la reacuteduit au deacutejagrave
connu raquo548
473 Les TIC outils en constantes eacutevolutions induisent de nombreux avantages qualitatifs
et financiers en terme de prise en charge meacutedicale ceci nrsquoest plus agrave deacutemontrer Mais ils
induisent eacutegalement des risques (notamment en ce qui concerne la confidentialiteacute des donneacutees
et la protection de la vie priveacutee du patient) et sont agrave lrsquoeacutevidence sources de grands
bouleversements pour la pratique meacutedicale Dans ce contexte le deacuteveloppement croissant de
la deacutemateacuterialisation de la prise en charge du patient a conduit le leacutegislateur agrave se pencher sur
ces pratiques Exercice difficile pour ce dernier qui doit se soucier de creacuteer un cadre propice
au deacuteveloppement de ces pratiques tout en veillant agrave proteacuteger les droits fondamentaux des
patients et agrave assurer aux eacutetablissements et aux professionnels de santeacute la seacutecurisation de leurs
activiteacutes Or agrave lrsquoheure actuelle le cadre juridique applicable agrave lrsquoutilisation des TIC dans la
pratique meacutedicale ne permet pas drsquoassurer cet eacutequilibre deacutelicat Les eacutetablissements de santeacute
peuvent rapidement se perdre dans les meacuteandres des diffeacuterentes regravegles de droit geacuteneacuteral et de
droit speacutecial qui trouvent agrave srsquoappliquer et certains projets se trouvent freineacutes ou restreints
474 Bien que nous ne consideacuterions pas qursquoil soit neacutecessaire de creacuteer un cadre juridique
speacutecifique agrave lrsquoutilisation des TIC en santeacute une reacutenovation du cadre juridique pourrait ecirctre
entreprise Cependant les voies de seacutecurisation des pratiques en la matiegravere sont multiples et
lrsquoensemble doit ecirctre repenseacute dans sa globaliteacute
548 LYON-CAEN Geacuterard laquo Deacutebat autour de lrsquoarrecirct Nikon France raquo Semaine Sociale Lamy nordm 1046 15 octobre
2001 Disponible sur [httplamylinelamyfr] Consulteacute le 16 janvier 2017
SECONDE PARTIE
LES VOIES DE SECURISATION DE
LrsquoUTILISATION DES TIC A LrsquoHOPITAL