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Gordana Cvetkovi-Tomaševi
Étude comparative des cou-ches et vestiges de bâtiments
superposés à Heraklea Lynkestis, Ulpiana et SingidunumIn: Actes du XIe congrès international d'archéologie chrétienne. Lyon, Vienne, Grenoble, Genève, Aoste, 21-28
septembre 1986. Rome : École Française de Rome, 1989. pp. 2463-2478. (Publications de l'École française de
Rome, 123)
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Cvetković-Tomašević Gordana. Étude comparative des cou-ches et vestiges de bâtiments superposés à Heraklea Lynkestis,
Ulpiana et Singidunum. In: Actes du XIe congrès international d'archéologie chrétienne. Lyon, Vienne, Grenoble, Genève,
Aoste, 21-28 septembre 1986. Rome : École Française de Rome, 1989. pp. 2463-2478. (Publications de l'École française de
Rome, 123)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1989_act_123_1_3613
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GORDANA CVETKOVIC-TOMASEVIC
ETUDE COMPARATIVE DES COUCHES ET VESTIGES
DE BÂTIMENTS SUPERPOSÉS À HERAKLEA
LYNKESTIS, ULPÏANA ET SINGIDUNUM1
À PROPOS DE L ORIGINE, LA DATE ET LA TYPOLOGIEDES MAISONS EN TORCHIS*
Par l épaisseur et le nombre de ses couches, Héraklea dépasse lesdeux autres sites dont il sera question : à Héraclée il existe dix couches,
à Ulpiana on atteint huit et on n en connaît que sept à Singidunum
(fig. 1), mais il faut souligner que dans ce dernier cas, la fouille n a pas
atteint le fond : elle ne dépasse pas les pavements romains. Les « horizons» comportant des vestiges de bâtiments se trouvent le plus souvent
dans l intervalle de deux couches : il en existe six à Héraklea, cinq à
* Le texte français a été revu par la rédaction à la demande de l auteur (N.D.L.R.).
Sur les fouilles archéologiques qui ont été effectuées à Héraklea Lynkestis de 1959 à1974, cf. G. Cvetkovic Tomasevic, Portique romain avec des monuments honorifiques etvotifs. Architecture. Sculpture. Inscriptions. Question de localisation du forum romain,Héraklea (Bitola), II, 1965, p. 5-34, pi. I-XVIII; Ead., Héraklea Lynkestis, Bitola, 1973, p. 1-57; Ead., Revue des résultats des fouilles archéologiques. . . (en serbo-croate, rés. fr.), Mate-rijali, (Prilep), XV, 1976-1978, p. 31-46, pi. I-XVIII. La bibliographie des travaux sur lesmosaïques n est pas mentionnée ici. La publication complète, en retard pour des raisonsindépendantes de ma volonté, est en préparation.
Sur les fouilles archéologiques d Ulpiana en 1982, cf. G. Cvetkovic Tomasevic, Ulpiana, ouilles archéologiques au centre et dans la partie méridionale de la ville antique (enserbo-croate, rés. fr), Saopstenja (Beograd), XV, 1983, p. 66-94; Ead., Mosaïques de pavement découvertes en 1982 à Ulpiana, IV. Intern. Mosaikkolloquium, Trier 1984 (sous presse .
Sur les fouilles archéologiques de Singidunum Belgrade, rue Kosancicev venac n° 12-16, en 1983-1985 (des sondages avaient été effectuées en 1976 et 1978), cf. G. Cvetkovic-Tomasevic, Sondage archéologiques. . ., Saopstenja, XIII, 1981, p. 177-198; Ead., Fragmentsd une mosaïque romaine récement découverte à Beograd-Singidunum. . ., III. ColloquioIntern, sul mosaico antico, Ravenna 1980, Ravenna, 1984, p. 177-184; Ead., Sondagearchéol. en 1983, Istrazivanja, (Valjevo), II, 1985, p. 133-144.
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2464 GORDANA CVETKOVIC-TOMASEVIC
HERAKLfA
ULPIANA
SINOiDUNUM
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NOVOSELO
médiéval turc) |u haut moyen-â?e |de la mijritioti des peuple*
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Fig. 1 - Stratigraphie archéologique de Heraklea Lynkestis, Ulpiana et Singidunum.Maison balkanique, Novo Selo, Prokuplje, Serbie.
Ulpiana et cinq à Singidunum. Ils fournissent un appui sûr pour la
chronologie relative.Les différentes cultures, à partir de la préhistoire jusqu à nos
jours, se succèdent sur ces sites. Leur comparaison révèle non seul
ement des ressemblances et des différences entre les cultures contempor
ainesans ces trois régions, mais aussi de nouveaux phénomènes
affectant ces cultures et de nouveaux rapports entre eux.
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À PROPOS DES MAISONS EN TORCHIS 2465
Heraklea
Les coupes d Heraklea (fig. 1) ont été effectuées à trois endroits :
dans le triclinium du «monastère», dans la nef centrale de la grande
basilique et dans le portique romain (fig. 2)2.Sur la coupe du triclinium, la couche inférieure - la dixième
depuis le haut - est préhistorique, la neuvième appartient déjà à la villehellénistique des grandes pierres non taillées, ressemblant à un pavement (kaldrma), supportent des murs faits de pierres et de boue, lesgrands pithoi enfouis dans ce «pavement» contenaient des monnaies et
de la céramique hellénistiques, qu on a trouvées aussi dans la coucheau-dessus, la huitième. Sur ce mur, un autre mur se dresse, également
fait de pierres et boue. Le pavement correspondant, en terre brûlée,
sépare la huitième de la septième couche, mais, de ce pavement il nereste que des morceaux dans la couche au-dessus. Une fondation, faitede pierre brisée et de mortier rougeâtre, passe à travers la sixième cou
che datant des Ier-IIe siècles, si on en juge d après la céramique et lesmonnaies de Trajan qu elle renferme; cette fondation appartiendraitalors à l édifice romain tardif, probablement du IIIe siècle. Ensuite ontrouve de nouveau un mur de pierres et de boue; le pavement correspondant en mortier coupe la sixième couche, qui est pleine de pierresprovenant de ces murs écroulés, ainsi que de la céramique de l Antiquit ardive. Toutes ces couches - de la dixième à la cinquième - consti
tuent un ensemble fermé, car elles sont situées au-dessous d un pavement en mosaïque du VIe siècle. Cette mosaïque sépare la cinquième de
la quatrième couche. La quatrième, qui se trouve immédiatement sur lamosaïque, contient des ruines paléobyzantines et des fragments de
sculptures architecturales en marbre. La troisième couche, mince etdiscontinue, serait de l époque avaro-slave d après la céramique. La
deuxième couche contient de nouveau des murs de pierre et de boue
(fig. 3); enfin, on trouve en superficie l humus actuel.
Dans les deux autres endroits, on a fouillé seulement jusqu auxpavements romains au dessous de la sixième couche. Sous la nef centrale de la grande basilique (cf. fig. I), on trouve le stylobate en marbre
2 Sur le plan (fig. 2) le monastère est indiqué comme « Episkopski dvor » (Résidence
episcopale).
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Fg 2 HerkeLynkespandapredbayéd1
1
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À PROPOS DES MAISONS EN TORCHIS 2467
Fig. 3 - Heraklea. Monastère ou palais episcopal. A gauche, le mur de pierre et de bouebâti au-dessus du pavement paléobyzantin, à droite, le triclinium (vu du Sud).
et les grandes bases cubiques déplacées d un édifice romain qui est probablement la basilique civile des Ier-IIe siècles, formant la sixième cou
che et une multitude de murs de pierre et de boue dans la cinquième
couche (fig. 4). Le pavement en mosaïque de la nef centrale de la gran
deasilique (du début du Ve siècle) sépare la cinquième de la quatrièm ouche et scelle tout ce qui se trouve au-dessous. La quatrième cou
che contient des fragments de marbre provenant de la basilique paléochrétienne; dans la troisième couche on a recueilli des indices avaro-
slaves, fin du VIe-début du VIIe siècles; dans la deuxième couche, ontrouve de nouveau des murs rustiques bâtis en pierres liées avec de la
boue : ils reposent par endroits sur le pavement en mosaïque, commec était le cas dans la nef nord de la même basilique.
Dans la troisième coupe stratigraphique à Heraklea, le stylobate de
la colonnade et les autres restes du portique romain (cf. fig. 6) se trou-
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Fig. 4 - Heraklea. Les murs de pierres et de boue découverts sous le pavement en mosaïqueans la nef centrale de la grande basilique; à gauche, les bases romaines déplacées
(vue de l Est).
vent dans la sixième couche3. Les deux statues et leurs bases, portantdes dédicaces à la déesse Némésis et au prêtre païen Titus Flavius Orest
es nt été encastrées dans les murs de pierres et de boue de la cinquiè-
3 Fin du Ier-début du IIe siècle (cf. G. Cvetkovic-Tomasevic, Portique. . ., p. Π 29).
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À PROPOS DES MAISONS EN TORCHIS 2469
■>*
Fig. 5 - Heraklea. Portique romain : la statue de Titus Flavius Orestes encastrée dans lemur de pierres et de boue.
mecouche (fig.
5)4.La couche
suivante,la quatrième,
ne contientqu un
peu de matériel paléobyzantin5. La troisième est une couche mincecontenant de la céramique slave, tandis que la deuxième est une couche
4 Sur la fig. 6 on voit la colonnade restituée et les statues redressées.A cet endroit, il n y a pas d édifices paléobyzantins. La petite basilique se trouve de
l autre côté de la rue longeant le portique romain. Ses pavements, en mosaïque dansl exonarthex et en opus sedile dans le naos, correspondent par leurs niveaux à la ligne dedémarcation entre la cinquième et la quatrième couche dans la stratigraphie du portique.
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Fig. 6 - Heraklea. Le portique romain : la colonnade reconstituée avec les statuesredressées.
plus épaisse avec de nouveau des murs rustiques faits de pierres et de
boue. On retrouve enfin l humus actuel.
Ulpiana
Nous allons étudier les coupes effectuées également à trois n
droits deux au centre et une dans la partie méridionale de la ville anti
que (fig. 7).Au centre de la ville antique, la couche inférieure, la huitième, est
aussi préhistorique, correspondant à une nécropole hallstatienne de la
civilisation des champs d urnes, proche de la culture protovillanovien-
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À PROPOS DES MAISONS EN TORCHIS 2471
Fig. 7 - Ulpiana. Plan de la ville antique : les emplacements des fouilles sont indiqués
dans le centreet
dans la partie septentrionale.
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ne et une habitation avec des parois de roseaux tressés. Les trois couches suivantes - de la septième à la cinquième - appartiennent toutesles trois à villa romaine. Une fondation de moellons et de mortier rou-geâtre qui se trouve enfouie dans la sixième couche ne peut être que
celle d une maison romaine tardive, car son pavement sépare la sixièmede la cinquième couche. Des murs faits de pierre liée à la boue se trouvent dans la cinquième couche; ensuite des murs de pierres liées au
mortier blanchâtre appartiendraient à une maison qu on suppose pa
léobyzan tin e (ou de l Antique Tardive : IVe siècle?) car son pavement
sépare la cinquième de la quatrième couche; celle-ci est formée des ruines de la maison précédente et est recouverte par la troisième couche,
qui serait de la période avaro-slave (fin du VIe-début du VIIe siècle).
Dans la deuxième couche, on trouve de nouveau des murs de pierres
liées avec de la boue, recouverts par l humus de la première couche.Dans la partie méridionale de la ville antique, un édifice avec pave
ment en mosaïque (fig. 8) se situe au-dessous de la quatrième couche
comme l édifice présumé paléobyzantin mis au jour au centre de la ville. Puisque l un et l autre appartiennent à la même couche et que tousles deux ont été bâtis avec les mêmes matériaux - moellons et mortierblanchâtre - et de la même manière, nous pouvons les considérer com
me peu près contemporains, ce qui signifie que l édifice à mosaïquesest également paléobyzantin, ou de l Antiquité Tardive (IVe siècle?).
SlNGIDUNUM
La coupe de Singidunum a été obtenue dans les sondages et fouil
lese la rue Kosancicev venac à Belgrade (cf. fig. 1) : ici, sept couches
archéologiques et cinq «horizons» d édifices se superposent. La septièmeouche est préhistorique aussi, mais elle n a pas été encore explorée, ar elle n est pas pour le moment accessible puisqu elle est recou
verte par des pavements romains. La sixième couche comprend un édifice romain (fig. 9) dont les briques portent une estampille, datable de
la fin du Ier et du début du IIe siècles, mais qui a été refait plusieurs
fois; la cinquième couche est avaro-slave, avec des tombes reposant surdes pavements romains. Les murs de pierres et de boue trouvés dans la
quatrième couche appartiennent à une habitation du Haut Moyen Age(IXe-Xe siècles) si on juge d après une boucle d oreille en S qui y a ététrouvée encastrée dans le mortier du pavement. La troisième couche,
mince et discontinue, est médiévale. Au-dessus d elle, on trouve un
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Fig. 8 - Ulpiana L édifice à mosaïque (dans la partie méridionale). Fouille inachevée.
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Fig. 9 - Singidunum (Belgrade, rue Kosancicev venae 14), partie des thermes romainsdéblayée en 1985.
pavement de briques romaines remployées (époque turque). Un murrustique de pierres liées avec de la boue dans la deuxième couche seraitégalement de l époque turque (XVIIe siècle) car une monnaie de 1686,trouvée au-dessous du mur, fournit un terminus post quern. Le remblai
de la ville actuelle représente la première couche.
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À PROPOS DES MAISONS EN TORCHIS 2475
** *
Des murs bâtis en pierres liées avec de la boue ont été découverts
partout dans la région de la Méditerrané orientale, y compris dans l Est
des Balkans. Le plus souvent, on les considère comme paléobyzantins
ou slaves. Dans ces trois sites cependant, de tels murs se retrouventdans des couches et à des niveaux différents, mais aucun d eux n est nipaléobyzantin, ni slave. À Heraklea, les murs de pierres et de boue setrouvent dans quatre couches différentes - dans la neuvième, la septième,a cinquième et la deuxième -, à Ulpiana dans la cinquième et ladeuxième, et à Singidunum dans les quatrième et deuxième couches (cf.fig. D.
À quelle époque et à quelle culture ces murs appartiennent-ils? Quiles avait bâtis et que représentent-ils réellement? Voilà les questions
auxquelles nous avons essayé de répondre.A Heraklea, nous avons daté les murs de pierres et de boue découv
erts dans les deux couches inférieures de la période hellénistique,
mais avec une continuité allant jusqu à la fin de la première villeromaine d époque républicaine. A Ulpiana et Singidunum, qui n ont pas
été touchées par l hellénisme, il n existe pas de tels murs dans les couches qui précèdent les couches romaines.
Ensuite, nous avons constaté que les murs de pierres et de boue seretrouvent entre le pavement romain et le pavement paléobyzantin (ce
dernier en mosaïque). Par conséquent, ces murs ont comme terminuspost quem l édifice romain du IIIe siècle et comme terminus ante quem
l édifice paléobyzantin du commencement du Ve siècle. La période
allant de la fin du troisième jusqu au milieu du quatrième siècle est lapériode des invasions gothiques, mais aussi d une véritable guerre civile
entre le paganisme et le christianisme, dont celui-ci sortit vainqueur.Le mur de pierres et de boue dans le portique romain, où la statue
de Titus Flavius Orestes, prêtre païen, a été englobée, appartient également à cette période. Chose curieuse, c est justement grâce à cettesituation que la statue a été sauvée, sinon, elle aurait été certainement
détruite à l époque paléochrétienne, comme tant d autres œuvres païen
nes.En outre, il existe des murs de pierres et de boue dans les couches
au-dessus des mosaïques paléobyzantines, de même qu au-dessus des
couches avaro-slaves. Ceux de Singidunum sont du Haut Moyen Age. Il
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n est pas exclu que les murs analogues de la deuxième couche à Hera-klea et Ulpiana soient aussi du Haut Moyen Âge.
Enfin, les murs de pierre et de boue les plus récents se trouventdans la deuxième couche à Singidunum (XVIIe siècle), à l époque tur
que.Il en ressort que les maisons rustiques, avec les murs faits de pier
res t de boue, ont une pérennité de deux mille ans - depuis le quatrième/troisième siècle av. J.-C. jusqu au dix-septième siècle de notre ère - .
Ces maisons rustiques disparaissent temporairement du milieu urbain,sous l action de civilisations comme le paganisme romain et le christianisme aléobyzantin. En effet, ces maisons rustiques se trouvent dans
la couche intermédiaire entre les édifices monumentaux romains etpaléobyzantins; par conséquent, elles alternent avec eux; on les trouve
soit au-dessous, soit au-dessus de mosaïques paléobyzantines; c est-à-dire qu elles les précèdent ou leur succèdent, mais ne sont pointcontemporaines. Il en est de même avec des couches slaves.
Puisque leur existence est archéologiquement prouvée jusqu au
XVIIe siècle, elles ne pouvaient pas, à ce moment-là, disparaître com
plètement et tout d un coup. Elles devaient exister encore et se retrouverci, dans les Balkans, autour de nous.
Effectivement, dans l architecture populaire dite balkanique, qui
subsiste encore comme héritage du passé, notamment comme les mai
sons en «bondrouk» (torchis), la base est faite de pierres et de boue etidentique aux murs de pierres et de boue mis au jour dans les couches
archéologiques décrites (cf. fig. 1) : II s agit donc aussi des fondations
et socles des maisons de «bondrouk». Ce socle sert comme support à
une armature construite en bois et remplie avec de la boue mêlée de
paille6. Évidemment, ce ne sont que les parties de ces maisons faites de
pierres et de boue qui subsistent, tandis que les parties de bois ontpourri; le remplissage s est écroulé et forme une couche analogue à unsol.
Après avoir constaté la ressemblance technique et de matériau
6 Pour ces renseignements, je remercie vivement ma collègue et amie ethnologue,M. Nadezda Pesic Maksimovic, de même que pour le renvoi aux oeuvres suivantes A. Bu-garski, Système de construction au squelette dans l architecture rurale en Bosnie et Herzégovine, Glasnik Zemaljskog muzeja B.i.H., n.s., fase. XXIX, Etnologija, Sarajevo, 1974,p. 123-191; A. Deroko, Narodno neimarstvo I, Spomenik SANU (Beograd), CXVIII, 1968,p. 30 K. Tomovski, Za konstrukciite vo narodnata architektura vo Makedonija, GodisenZbornik na Tehnickiot fakultet (Skopje), IV, 1959-61, p. 11.
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À PROPOS DES MAISONS EN TORCHIS 2477
entre les murs découverts dans les fouilles et les socles des maisons bal
kaniques nous allons jeter un coup d œil sur l aspect, la disposition de
l espace et la décoration de ces maisons. Le «trem» (portique en bois) etle « doksat » (galerie en bois) sont les deux éléments les plus caractéristi
qu se la maison balkanique. Leur pendant et prototype serait le portique et la loggia en marbre dans la maison hellénistique et romaine.
Pour la maison privée de la Grèce classique, on sait seulement que, à la
différence des édifices publics, elle était modeste tant par ses dimen-
--^. .
Fig. 10 - Maison balkanique.
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2478 GORDANA CVETKOVIC-TOMASEVIC
sions que par le matériel employé, mais non par l harmonie obtenue
entre son fonctionnalisme et sa décoration, ce qui sont justement aussi
les caractéristiques de la maison balkanique, qu on a tellement admir
ée.
Ne peut-on alors supposer que cette maison balkanique maintientl aspect et la construction de la maison privée dans la Grèce classique
et hellénistique, aujourd hui perdue? Bien que construite en matériau
qui n est pas durable, cette maison dure deux-mille-cinq-cents ans grâce une tradition ininterrompue, explicable par un remplacement permanent des maisons tombant en ruines par de nouvelles, mais identi
quesdans leur conception et leur exécution (fig. IO)7.C est l archéologie qui nous a offert les preuves de l origine hellé
nistique des maisons balkaniques8. Ces preuves ressortent surtout des
données stratigraphiques. En ce cas précis, les données stratigraphi-ques sont incontestables, puisqu elles sont scellées par des construct
ions.
Gordana Cvetkovic-Tomasevic
7 Les exemples de la façon de bâtir la maison balkanique, de même que leurs illustrationseproduites ici, m ont été aimablement fournis par M. Nadezda Pesic Maksimovic,et je lui réitère mes remerciements.
8 C est ainsi que nous avons prouvé ce que R. Staudinger, architecte autrichien quivivait alors à Belgrade, avait supposé un demi-siècle auparavant, dans son travail Maisondu type gréco-oriental dans la région de Morava et de Vardar, Glasnik Geografskog drustva,(Beograd), XVIII, 1932, p. 6-56 (malheureusement, j ai connu ce travail trop tard, aprèsque le mien fût déjà achevé, et c est pourquoi il manquera ici une analyse plus détaillée).R. Staudinger a appuyé ses thèses sur la ressemblance qu il trouve entre les plans et typesdes maisons gréco-orientales de l époque préhellénistique - megaron, péristyle - et ceuxdes maisons balkaniques d aujourd hui. Il voit aussi une continuité dans les mœurs etoutils en usage jusqu à nos jours. En un mot, R. Staudinger y reconnaît l appartenance aumême cercle culturel. Bien que partant de prémisses trop larges et imprécises, il est arrivé ependant à des conclusions justes. Je remercie mon collègue B. Krstanovic qui m asignalé cette œuvre de R. Staudinger.