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Page 1: So What la magazine des cultures alternatives

NOUVEAU N°1

NajatBelkacem

« Lyon a montrél’exemple »

EN IMAGES

Reportagephotos aucoeur de la

Friche RVI

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Quels modèlespour les cultures alternatives ?

Reportage

EnquêteL’underground, entrelégalité et déviance

© Margaux Guignard

SO WHaT?LE MAGAZINE DES CULTURES ALTERNATIVES

DOSSIERUn vivier pour la

diversité ?Economie

GroundZéro, visite d’un lieuculte lyonnais

Page 2: So What la magazine des cultures alternatives

ÉDITO

ROMAIN MONNIER

Début des années 90. La techno music venue de Detroit déferle enmasse dans le sud de l'Angleterre. D'innombrables jeunes seréunissent dans des usines désaffectées pour célébrer cette nou-

velle alternative musicale. Parmi les DJs de l'époque, ily a Fatboy Slim ou les Chemical Brothers mais aussiProdigy, qui incarne l'énergie débordante de la« rave culture », ou d'autres styles plus alternatifsencore à l'instar des Spiral Tribe, pionniers d'une tech-no hardcore et lancinante. En 1992, le « sound sys-tem » participe au festival de Castlemorton qui attireenviron 30 000 personnes. À la fin du festival, lesmembres du « Spi » sont arrêtés et inculpés sous lacharge de « conspiration en vue de créer un troubleà l'ordre public ». Les Prodigy, malgré un style alter-natif et musclé emprunté au rock-punk comme auphénomène rave, prennent le parti de la légalité etdu succès à grande échelle, vendant quelques 16millions d'albums depuis la fondation du groupe en1990. Les Spiral Tribe quant à eux ont importé etpopularisé en France l'esprit des « free party ». Deux

parcours aux antipodes mais pour le moins alternatifs etsurtout transposables à toutes formes d'expression culturelle.

Alors que représentent ces cultures alternatives ? Volonté d'indépen-dance ? Rejet du capitalisme ? Anticonformisme ? Difficile de les décrirepuisque, par définition, elles s'inscrivent dans le présent autant qu'elles lefustigent, incarnant une volonté constante de se rapproprier et de remo-deler l'espace esthétique ou politique. Véritables miroirs de leur temps,elles s'éclipsent sitôt repérées pour ne pas être appréhendées et violées.Hakim Bey évoquait il y a une vingtaine d'années déjà les « zones auto-nomes temporaires » pour qualifier ces réactions artistiques qui ne sontpas des révolutions mais des révoltes. Fabrice Raffin, sociologue et spé-cialiste de la question, parle lui de « changement social immédiat ».

En fin de compte une culture sera alternative à partir du moment où sadémarche se nourrira d'innovation, d'expérimentation, et proposera uneautre voie aux phénomènes culturels aseptisés. Elle tentera de repousserles limites artistiques et technologiques, de provoquer voire de choquer.Régulièrement stigmatisées, les cultures alternatives sont des lignes defuite, des utopies créatrices éphémères sans cesse renouvelées.Fourmillement associatif. Mouvements culturels minoritaires. Micro-struc-tures autogérées. Elles sont, dans la musique, le cinéma ou le théâtre,une projection de la portion de liberté que chacun de nous, acteur ouspectateur, est prêt ou non à concéder aux sirènes de la standardisation.

SSo WWHHaTT?47, rue Segent-Berthet69009 Lyonwww.keskiscpass.com

DIRECTEUR DE PUBLICATION Isabelle Dumas DIRECTEUR DE LA RÉDACTIONAnne-Caroline Jambaud RÉDACTEUREN CHEF Romain Monnier SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Charlotte Rebet CHEF SERVICE WEBJulie Balestreri RÉDACTION Xavier Alloy, Julie Balestreri, DamienChédeville, Thomas Cisonni, MargauxGuignard, Maud Lépine, RaphaëlManceau, Isabelle Matera, RomainMonnier, Charlotte Rebet, GuillaumeRochon, Jennifer Simoes.

CRÉDITS PHOTOS Artistide Bruchon, Damien Chédeville,Margaux Guignard, Flickr.com,Raphaël Manceau, Romain Monnier,Mike Palace, Charlotte Rebet,Guillaume Rochon, le ThéâtreGrabuge, U-Gomina, la Caravane desdix mots, Emmanuelle Sauzedde.

REMERCIEMENTS Stan Audouin, Géraldine Bénichou,Anthony Berthet, Clément Boghossian,Catherine Bouvard, Jean-FrançoisBuiré, David Combe, Nicolas Courty,Josef Derens, Antoine Dole, SophieDoucet, Vincent Durlai, EstelleDusquesnois, Sébastien Escande,Clovis Ferré, Damien Grange, AnthonyGuzman, Fred Herzog, FrédérickHoudaer, Thomas Jégu, Jean-MarcLuquet, Fabrice Lextrait, MartineMeirieu, Julie Nicol, Fabrice Raffin,Thomas Riva, Omar Toujid, ÉmilieTournaire, Denis Trouxe, Ugo Ugolini,Najat Vallaud-Belkacem, MoncefZediri.

À LA MANIÈRE DU MAGAZINE MENSUEL SO JAZZ

Réalisé dans le cadre des intensives presse-écrite.

ISCPA - J3 2009/2010

Lignes de fuite

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Diversité culturelleLes phénomènesculturels alternatifsfavorisent-ilsl’intégration desminorités ? Réponse àtravers plusieursreportages et l’interviewde Najat Belkacem.

Tracks L’un des directeurs deprogrammation de l’émissionhebdomadaire Trackssur Arte revient sur laligne éditoriale dumagazine et dévoileles coulisses desreportages.

SOMMAIRE

5 Interview

8 En couverture

10 Enquête

16 Dossier

04 Panorama

06 Illégal ?07 Rave party

12 Nuits sonores

14 Médias

20 Les Beaux-artset l’underground22 Rencontre avec un graffeur23 Le statut d’associations24 GroundZéro25 Visite des plus alternatifs recoins lyonnais26 Théâtre

15 Interview

27 Zoom

13 Portrait

30 Nos critiquesRETROUVEZPHOTOS,

TEXTES, VIDÉOSkeskiscpass.com

Fabrice RaffinLe sociologuefrançais, spécialistedes mouvements alternatifs berlinois,nous livre son pointde vue sur un thèmedifficile à cerner.

Friche RVIPhoto-reportagepour une immersionau coeur du plus underground deslieux lyonnais, àquelques semainesde sa probabledisparition.

Modèles économiquesLes cultures alternatives ont toujours entretenudes rapports ambigusavec le capitalisme.Une philosophie quiimplique des modèles économiques inédits.

L’esprit duhip-hopLe Pockemon Crew,né en milieu alternatif estaujourd’huimondialement titré etreconnu. L’un desmembres revient surles débuts.

Fini les CNP ? Considérés pourbeaucoup commesupports de filmsalternatifs, lesCinémas nationauxpopulaires menacentde disparaître àLyon, la ville desfrères Lumière.

Dans les livres La littératurealternative : sesformes, ses écrivains.

28 Décryptage

Livres, musiques,expos... Nostrouvailles vues etinterprétées par larédaction.

Ces cultures quiprônentl’indépendancesont souventméfiantes à l’égarddes médias.

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L E S M O U V E M E N T S A LT E R N AT I F S N ’ O N T J A M A I S É T É A U P R E M I E R P L A N D A N S L A C U LT U R ELY O N N A I S E . V I L L E T R O P I N S T I T U T I O N N E L L E , T R O P T R A D I T I O N N E L L E , L A C A P I TA L E D E SG A U L E S N ’ A D A N S S O N H I S T O I R E L A I S S É Q U ’ U N E P L A C E I N F I M E À L ’ U N D E R G R O U N D . U NC H O I X Q U I A U J O U R D ’ H U I S E PA I E PA R L A D I S PA R I T I O N P R O G R E S S I V E D E C E S L I E U X D EC R É AT I O N .

L Y O N N ’ A P A SL A F I B R E

A L T E R N A T I V E

«L yon n’a jamais été une ville alternative ».Denis Trouxe, ancien adjoint munici-pal à la Culture de 1995 à 2001, est caté-

gorique : « Les cultures alternatives n’ont jamais étéd’actualité à Lyon. La ville n’a sans cesse fait que rat-traper son retard dans ce domaine ». Pour autant,il ne blâme pas Lyon. Pour lui cette mise à l’écartdes cultures alternatives est à mettre à l’actif de lasurvalorisation d’une culture plus institutionna-lisée, reconnue partout dans le monde : « C’est unequestion de budget. Lyon possède des équipements telsque l’Opéra ou des théâtres. Tout ça a un coût de fonc-tionnement, dès lors il n’y a plus assez d’argent pourd’autres formes de cultures moins institutionnelles »,explique Denis Trouxe. Bien sûr, depuis une quinzaine d’années, des lieuxexistent pour faire vivre cette culture « libre ». LesNouveaux territoires de l’art (NTA, voir enca-dré), un temps oubliés, ont ressurgi du passé audébut des années 2000. Marseille en a été la pion-nière, d’autres ont suivi par la suite. L’objectif deces lieux est simple : proposer une approche dif-férente de l’environnement urbain, avec une pri-se en main spontanée par des artistes de lieux lais-sés à l’abandon. À Lyon, le symbole de ces NTAse nomme la friche RVI (voir pages 8 & 9). Or cepoint d’ancrage des cultures alternatives lyonnai-ses, « squatté » par de nombreux artistes depuis 2002,est voué à disparaître en janvier prochain.

AUX OUBLIETTES. Avant cela, d’autres lieux sym-boles sont également tombés aux oubliettes, à l’i-mage des « premières » Subsistances créés en 1997,et du « Pez Ner » à Villeurbanne, un des emblè-mes en matière de musiques alternatives dans lecourant des années 1990 (qui a dû fermer ses por-tes en 2001). Le Café Musik, sur les pentes de laCroix-Rousse, a connu le même sort en 2003.

Une situation accablante qui n’est pourtant pas nou-velle. « Au début des années 50, il y a avait seule-ment le théâtre des Célestins. Un véritable désertculturel », lance Denis Trouxe, avant d’ajouter :« L’évolution dans le temps des cultures alternativesà Lyon est plate et linéaire. La ville a quelques foissauvé l’honneur par certaines initiatives, mais sansréelle conviction ».

DES RAISONS D’ESPÉRER. Et pour que les cul-tures alternatives (re)naîssent à Lyon, l’ancienadjoint ne voit qu’une solution : « Le changementne peut venir que des artistes eux-mêmes. Il fautqu’ils bousculent les lignes et la société, c’est commeça que les choses avancent. À Marseille, ce sont lesartistes qui ont pris possession de l’espace public, etpersonne ne les a délogés depuis. Et ce n’est pas unhasard si elle sera capitale européenne de la cultureen 2013 ». Une vision partagée par la rédactriceen chef du magazine No Dogs, Estelle Duquenois :« Sans lieux phares pour développer des mouvementsartistiques, j’ai un peu peur que les cultures alternativesne viennent à mourir. En tout cas, elle n’aurontjamais un véritable poids ici ». Pourtant, tout n’est pas noir dans le microcosmedes cultures alternatives lyonnaises. D’autres sec-teurs semblent s’en sortir même mieux qu’avant,à l’image de la littérature : « Il y a pas mal de mai-sons d’édition qui se créent et de festivals qui mar-chent. De ma petite fenêtre je trouve que ça fonctionnemieux qu’avant », tempère Nicolas Courty de la librai-rie Expérience (Lyon 2e). Certaines formes d’artdonnent donc des raisons d’espérer, même si avecla fermeture prochaine de la friche RVI, ajoutéeà celle programmée de GrrrndZéro (voir page 24)en juin prochain, Lyon ne prend pas la bonne voiepour que les phénomènes alternatifs soient connuset reconnus entre Rhône et Saône.

PANORAMA

PAR XAVIER ALLOY

DENIS TROUXEAdjoint à la Cultureet au Patrimoinede Lyon entre 1995et 2001 sous l’èreRaymond Barre, etactuel président del’Office du tourismeet des congrès du Grand Lyon.

©Ph

oto

DR

> Les NTA : Définition apparueen 2001 dans unrapportcommandé parMichel Duffour,alors secrétaired’État auPatrimoine et à laDécentralisationculturelle, à FabriceLextrait (voir page9). Les nouveauxterritoires de l’artenglobent lesfriches, lesfabriques et autressquats.

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« P O U R U N C H A N G E M E N T S O C I A L I M M É D I A T »

Qu'est-ce qui fait qu'une cultureest dite « alternative » ?Une culture est une action culturelle dontle registre principal est centré sur l'esthétique.C'est une action collective avec un ensem-ble de valeurs. Il y a des interactions avecd'autres registres : politiques, sociaux… Cequi caractérise les cultures alternatives c'estjustement une plus grande propension àinter-réagir avec le registre politique. L'alternatif est plus affirmé dans la finalité.Il s'applique à une société contemporaineavec une revendication politique : une dimen-sion de changement social immédiat, d'u-tilité sociale. Cela va de la posture révolu-tionnaire des années 70 à aujourd'hui uneposture modérée, citoyenne et participati-ve. La marginalité, l'absence de reconnais-sance ou de subvention ne sont qu'uneconséquence possible.Les cultures alternatives prennent-elles mieux en comptela diversité culturelle ?L'un des registres essentiels de la culture estl’identitaire. L'expressivité de la culture estpropre à un groupe social. Il n'y a pas d'œu-vre qui parle à l'humanité entière. L'alternatifn'échappe pas à ça. Ces mouvements prô-nent des valeurs d'ouverture, un discours detolérance. Mais dans les faits, il y a très peude diversité au sens ethnique et social. Laculture produit autant de lien social que deconflit social.Les cultures alternatives sont-ellesun laboratoire du monde culturel ?Un laboratoire, je n'irai pas jusque là. Maisc'est quand même le lieu où peuvent s'ex-

primer tous les écarts à la culture instituée,institutionnelle. Ces phénomènes multi-plient des registres de sens autour d'un enjeuesthétique. L'institutionnel a plutôt ten-dance à les réduire.Percevez-vous Lyon comme uneville « alternative » ou au contrai-re institutionnelle ?J'ai visité la Friche RVI, ce qui a été pourmoi l’une des expériences les plus intéres-santes et massives (en parlant de l'effectif ).À Lyon, comme dans toutes les grandesvilles de France, il y a de nombreux mou-vements alternatifs. Avec les années,les cultures alternatives ont perdude leur dynamisme. Mais je trouveque Lyon a plutôt échappé à cette ten-dance. Souvent, dans les villes qui laissentle moins de place au débat et à l'ex-pression des cultures alternatives,celles-ci auront plus tendance à se déve-lopper.Les cultures alternativesvous paraissent-ellesinventer de nouveauxmodèles économiques ?Peut-être pas des modèles mais des mar-chés. Prenez l'exemple de Berlin : les mou-vements alternatifs ont perdu au fur et à mesu-re les subventions. Ils se financent aujourd'huipar l'économie traditionnelle en ouvrantdes bars au profit de leur expression cultu-relle. À Berlin il y a un nombre incalcula-ble de bars pour cette raison ! Généralement, il y a aussi beaucoup debénévolat. Les gens fonctionnent sur un

mode passionné pour combler les manqueséconomiques. (Votre notre enquête pages 10& 11)

Vous avez travaillé sur la ville deBerlin que vous qualifiez de « capitale mondiale de la culture alternative ». Comment justifiez-vous ce terme ?C'est déjà une référence en nomb-re de mouvements. Ils sont quantifiablespuisqu'ils se traduisent dans l'économie

réelle. Ce « volume » crée l'am-biance alternative que l'onconnaît de la capitale alleman-

de. C'est aussi une référence dans les savoir-faire. Depuis des années, les Berlinois font preu-ve d'invention, de « bricolage » pour ce quiest de créer des lieux culturels. Enfin, au niveausymbolique, Berlin est considérée comme unrite initiatique. Des Français s’y rendentrégulièrement pour s'imprégner de l'alter-natif berlinois et pour demander conseils.Berlin est un modèle de durée.

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A U J O U R D ’ H U I D I R E C T E U R D E « S O C I O L O G U E S E T E T H N O L O G U E S A S S O C I É S » À PA R I S , FA B R I C E R A F F I N E S T U N S P É C I A L I S T E D E SM O U V E M E N T S A LT E R N AT I F S B E R L I N O I S . I L A R É A L I S É E N1 9 9 5 U N E É T U D E P O U R L E M I N I S T È R E D E L A C U LT U R E .

INTERVIEW

« L E S P O S T U R E S S O N T A U J O U R D ’ H U IP L U S M O D É R É E S ,C I T O Y E N N E S E T

INTERVIEW PAR CHARLOTTE REBET

P A R T I C I P A T I V E S »

© Fabrice Raffin

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Q U A N D L ’ A L T E R N A T I FD É R A N G E

DÉCRYPTAGE

L U N D I 3 0 N O V E M B R E , D A M I E N G R A N G E , I N T E R M I T T E N T D U S P E C TA C L E , É TA I T J U G É E N A P P E L A UPA L A I S D E J U S T I C E D E LY O N P O U R « A F F I C H A G E S A U V A G E » .C O N D A M N É À 2 1 0 E U R O S D ’ A M E N D E E N P R E M I È R E I N S TA N C E ,I L D E M A N D A I T À Ê T R E R E L A X É . U N E X E M P L E Q U I I L L U S T R E L E SL I M I T E S A U X Q U E L L E S S ’ E X P O S E N T L E S C U LT U R E SA LT E R N AT I V E S FA C E A U X A U T O R I T É S .

© Romain Monnier

C ondamné à 210 euros pour avoir scotché trois affi-ches en mars 2007, Damien Grange demande larelaxe en appel. Ses amis, pour qui la peine est dispro-

portionnée, sont venus le soutenir. Ils se plaignent d’avoir àvenir au tribunal et d’être traités comme des voyous. « Ces affi-ches sont posées en vue de faire de petits concerts dans des cafés.Ça ne rapporte quasiment rien. Il n’y a plus aucune tolérance avecles squats notamment : la police vient tout le temps à GrrrndZéroparce que les voisins se plaignent. C’est blasant d’organiser deschoses en plein air pour tout le monde et que les voisins portentplainte ».Mais le plus frustrant pour eux, « c’est l’inégalité de traitementexercé par la Ville ». Mathieu, un musicien au RSA venu sou-tenir Damien Grange, est amer quand il évoque les Nuits sono-res ou la Fête des lumières pendant lesquelles « tout est permis ». Le moment où la Ville de Lyon décide de nettoyer ses murs,notamment ceux des pentes de la Croix-Rousse, correspondà la campagne pour l’élection présidentielle en 2007. La mai-rie crée les brigades de l’écologie urbaine. Et pendant six moiss’enchaînent amendes et condamnations. En échange, la Villes’engage à mettre à la disposition des associations des panneauxd’affichage, mais le projet a trainé en longueur. C’est pour-quoi Damien Grange affirme qu’ils n’avaient pas le droit d’at-taquer : ils n’étaient pas aux normes. En plus de ce manquede panneaux, le prévenu raille leur emplacement : « ils sont sou-vent excentrés, à Grange Blanche par exemple. Pour annoncerun concert sur les pentes ou au Sonic, ça fait loin ». La lutte cont-re l’affichage libre défavoriserait donc les cafés concerts, déjàmis à mal par les nombreuses plaintes pour nuisances sono-res. C’est le cas du bar Les Valseuses, sur les pentes. Ce caféconcert accueille ses clients avec un panneau les enjoignant àpenser aux voisins quand ils sortent fumer. « Je serai contre l’affichage sauvage le jour où il n’y aura plus d’af-fichage du tout », martèle Mathieu qui peste contre les gran-

des entreprises commerciales. Selon lui, elles occupent lespanneaux d’affichage libre en toute tranquillité. « On saitqu’il y a des arrangements avec la Ville même si tout est très opaque ».

LES AFFICHES EN EXPO. Selon Me Alain Couderc, l’avocatde Damien Grange, qui s’en réfère au Code de l’environne-ment, la publicité par principe est libre et la réglementation,l’exception. Il est seulement interdit de coller dans un périmètre de bâti-ments protégés ou sur des murs aveugles. Or, tous affirmentque dans la zone protégée par l’Unesco, il y a des panneauxDecaux. « Et pour les enlever ceux-là, il faut y aller au marteaupiqueur. Rien à voir avec nos petites affiches ». Damien Grange n’est pas le seul à être passé par la case tri-bunal. Il y a un an, son ami Sébastien Escande subissait le mêmesort. « Je suis passé le premier au tribunal, du coup ils ont vou-lu faire un exemple : de 650 euros, mon amende est passée à 1700 enappel ». Après cette condamnation, il a choisi la sublimation :les affiches, il ne les colle plus sur les murs mais les expose dansdes galeries. Son exposition rue des Tables Claudiennes se ter-minait au lendemain du procès de Damien Grange et sedéplace à Berlin en février. Il vient également de publier unlivre : « 300 images sauvages par Sébastien Escande ». Il a écritle livre pour mettre en valeur le côté esthétique mais aussi pourle symbole. « Je voulais représenter les graphistes et les histoiresde la scène locale, les bénévoles, les organisateurs ». Son œuvrerenferme cinq ans d’archives de la scène alternative à Lyon.Il voulait laisser une trace d’un mouvement parfois si under-ground qu’il est vite oublié. Damien Grange devra attendre jusqu’au 18 janvier pour savoirs’il sera ou non relaxé. Quant à Sébastien Escande, il a déci-dé d’aller en Cassation : « ça va prendre un an et si je gagne ilfaudra tout recommencer depuis le début ».

JENNIFER SIMOES

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PORTRAIT

La science des Raves

A nthony, 21 ans, est ce que l'on appelle cou-ramment un « teuffeur ». La tenue kaki, lechien et le camion en moins !

A l'âge de 15 ans il découvre le « mouvement », les logi-ciels de MAO (Musique Assistée par Ordinateur) telsque Reason ou Fruity Loop, les samplers et les boîtes àrythmes. À l'époque, les grands noms de cette technoalternative et virulente sont Vinka, Banditos, ChrystalDistortion ou encore FKY. Ce qui l'a attiré vers cet univers ? La liberté et la gra-tuité. « Tu pouvais faire danser les gens avec ta musiquesans forcément avoir de matériel sonore ni débourser quoique ce soit, confie-t-il. À certaines « teufs » tu peux appor-ter tes machines et jouer tes morceaux. La plupart dutemps j'y allais pour faire un liveset (concert en direct,ndlr)et c'est cet aspect musical qu'il faut retenir avant tout. Enfait c'est un moyen d'expression comme un autre ». Pas de prix d'entrée, pas de contrainte d'horaires, pasde videurs. La liberté totale dans des endroits insoliteset des paysages splendides. Pendant 5 ans, il sillonnechaque week-end la région avec son PC portable, sonsampler (sa boîte à rythme) et teste ses derniers mor-ceaux à l'épreuve du public. Sur son chemin il croiseKostik, un DJ français qui l'initie aux arrangements audioet aux distorsions. Il traverse les tendances musicalescomme le breakbeat, la drum n'bass, la psytrance oula tribe et enrichit son style. Aujourd'hui, il s'inspire de Daft Punk, Pendulum ouencore Prodigy et reconnaît avoir « changé d'état d'esprit ».Car les clichés sur les free party sont rarement contre-dits, surtout concernant l'usage de stupéfiants. « C'estvrai que le pourcentage de gens qui ne prennent pas de dro-gues dans ce milieu est assez faible, admet-t-il. Mais il fautsavoir regarder plus loin que le cliché du « teuffeur » sousacide plein de piercings, car souvent ce sont les gens les moinsintéressants. Tu prends juste le son, la déco, tes potes et tuoublies ceux qui viennent là juste pour faire leur marché ».Car il s'agit bien d'un marché comme un autre, dontle paroxysme est atteint lors du traditionnel et trèsmédiatisé Teknival du 1er mai. Une usine à drogues età décibels qui ternit un peu plus l'image de cet universlargement caricaturé. Mais tous les teuffeurs n'ont peut être pas la luciditéd'Anthony. La plupart contribuent à décrédibiliser unmouvement qui, comme pour l'émergence de n'importequel milieu alternatif, souffre d'un grave déficit decompréhension des espoirs et frustrations qu'il véhicule. À seulement 21 ans, c'est presque l'âge de raison pourAnthony. Aujourd'hui, il n'est plus seul à composer. Cellequi partage sa vie et sa passion partage aussi son nomde scène : Les Amalgames. Allusion à ceux que, plusque jamais, ils tentent de combattre à travers la musique.

ROMAIN MONNIER

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© Romain Monnier

ANTHONY BERTHET

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EN IMAGES

A U C O E U R D E

D ans ce coin de la rue Feuillat et de l'avenue Lacassagne (Lyon 3e),34 000 m2 de vieux hangars industriels ont été prêtés par la Ville de Lyonà des artistes courant 2004, après une occupation sauvage qui datait de

2002. Ici rien ne se perd, tout se façonne. Les installations se suivent et ne se ressem-blent pas. De la yourte au mini-van « graffité », en passant par des baignoirestransformées en potagers, flirtant avec un cheval de fer rachitique à la Giaconetti.Les locaux deviennent ce que les arrivants veulent en faire : un immense labora-toire artistique. Sous ces tôles il fait froid l’hiver et étouffant l’été. Pourtant les « doyens » du site,installés depuis plusieurs années, n’échangeraient leur place pour rien au monde.« La liberté de travail que l’on a ici est une chance. Et puis toutes les disciplines secroisent et se côtoient, les échanges humains et artistiques permettent une trans-mission de savoir sans égal » explique Omar Toujid, membre du bureau duCollectif friche autogérée (CFA RVI).La Friche RVI ne serait donc pas un lieu de perdition ? Si les lieux offrent une

multitude de possibilités et permettent à certainsartistes de démarrer, tous les occupants n’en sont pasau même point. Certains en sont plus au squat et àl’oisiveté, bouteille de bière à la main, qu’à la création.D’ailleurs la cohabitation n’est pas toujours facile. « On se méfie parfois de certaines personne qui fré-quentent le lieu, il faut savoir faire la différence entreceux qui sont là pour travailler et d’autres personnesplus en marge », confie discrètement un des artistes. Toujours est-il qu’en janvier 2010 s’arrêtera laconvention d’occupation de la Friche pour laisserplace à un grand pôle de formation. Et si les locatai-res dénoncent un manque de transparence de la partde la mairie, c’est bien parce que pour le moment per-sonne ne sait où la Friche trouvera son nouveau ter-rain de jeu.

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FRICHE RVI

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L A F R I C H E R V ITEXTE & PHOTOS MARGAUX GUIGNARD

Le point de vue deFABRICE LEXTRAIT

Connu pour le Rapport Lextrait surles friches industrielles en Francepour le ministère de la culture.Fondateur de la Friche « La bellede mai » à Marseille.

«L a friche est un mot« valise » qui a beaucoup de

sens. Dans ce cas, c’est un simpleendroit, une salle, un entrepôt,libre d’accès pour les pratiques

culturelles. Ils conviennent aux pratiques underground car cesont des espaces libres, souples, ouverts, sans connotation. Il n’ya pas de contrainte sur l’organisation. La friche permet des pro-jets à la recherche d’un autre apport au public, d’échange et depratique. C’est un « espace intermédiaire » pour reprendre lanotion de Peter Handke (auteur autrichien contemporain) oùtout peut s’infiltrer ». CC.. RR..

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C A P I T A L I S M E :J E T ’ A I M E ,

M O I N O N P L U S

ENQUÊTE

PAR THOMAS CISONNI

«L a musique, et l’art en général,ne peut pas être un business. Ce serait un sui-cide culturel ». Eric Boisteau met d’emblée

les choses au clair. Fondateur de l’association Underplay,une fédération de labels indépendants, voilà bientôt qua-tre ans qu’il côtoie des artistes de la région lyonnaiseet de tous les univers : metal, hip hop, drum and bass,rap, crust, grindcore… Underplay veut permettre la pro-motion de ces musiciens en proposant à la cinquan-taine de labels qu’il rassemble de mutualiser les moyenset les compétences de chacun pour développer unréseau de distribution alternatif. L’association dispose pour ce faire d’une plate-formenumérique dernier cri. « Rien à envier aux pros » résu-me-t-il. Pourtant, la comparaison avec « l’autre mon-de » s’arrête là. Car au moment d’évoquer le sujet dela trésorerie, le trentenaire se veut catégorique : il n’estpas question de profit. Pour lui, se revendiquer artis-te alternatif, c’est avant tout manifester une oppositionaux règles du marché, tant par le message délivré parl’œuvre que par son mode de diffusion. « Le seul objec-tif, c’est d’améliorer les conditions de vie des artistes et leurpermettre de vivre décemment de leur production ».

LABEL « ÉQUITABLE ». Là où les circuits de distribu-tion traditionnels ne laissent que la portion congrue

aux créateurs (entre 10 et15 % des recettes), Underplayvante les mérites d’un label « équitable », comme aimerappeler Eric Boisteau. Selon une logique fondée surla notion d’économie solidaire, l’association ne s’octroieque 20 % des tarifs pratiqués par les artistes, pour desalbums vendus moins de 12 euros. En 2008, ce sontprès de 4 200 euros qui ont été « réinjectés » dans l’as-sociation, afin d’améliorer peu à peu le projet. Créée en 2004 par sept structures fondatrices, CD1Dest une autre fédération lyonnaise de labels indépen-dants. Rassemblant 120 labels, pour un millier d’ar-tistes et 1900 disques, elle reverse 85 % du résultat deses ventes aux labels et aux artistes ; CD1D parvientà « réinjecter », en 2008, 11 200 euros dans l’associa-tion pour développer son matériel informatique et sacommunication. Revendiquant leur éloignement de la culture « business »,dans la lignée des purs et durs de l’underground, cescollectifs de toutes tailles, se rejoignent dans une obs-ession. Celle d’échapper au marché destructeur et à sesrègles nocives à la créativité, en prônant la philosophiedu DIY (« Do it yourself ») de l’autogestion et du béné-volat. « Chaque mouvement alternatif naît obligatoirement dela rencontre entre un mouvement contestataire du mon-de socio-économique et l’expression de créativité des indi-vidus » définit par exemple Stan Audouin, fondateurde l’association rennaise Street Trash, qui regroupe dif-férents acteurs de l’art de la rue. « Dès qu’un mouve-ment alternatif prend de l’ampleur, il a systématiquementété convoité par le système commercial. Des artistes au départcontestataires sont devenus des rois du système économiqueet médiatique. Ils ont été happés par le système qu’ils haïs-saient à l’origine ». Pour les puristes de l’underground, la trajectoire artis-tique se fonde autour des valeurs d’indépendance,

Thomas Cisonni ©

L E S D É F E N S E U R S D E L A P H I L O S O P H I E « U N D E R G R O U N D »S ’ O P P O S E N T A U X R È G L E S D U M A R C H É , P E R N I C I E U S E S E TN U I S I B L E S À L A C R É AT I V I T É . D ’ A U T R E S C R O I E N T E N L ’ É M E R G E N C ED ’ I N T E R N E T, Q U I B O U L E V E R S E L E S M O D È L E S É C O N O M I Q U E ST R A D I T I O N N E L S E T L E S M O D E S D ’ E X P R E S S I O N D E S A R T I S T E S . U NM O Y E N D E S ’ E X T I R P E R D U S TAT U T D ’ « A LT E R N AT I F » .

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ENQUÊTE

d’anticapitalisme et de lutte contre toutes formes de mani-pulations mentales. Ils renoncent du même coup à touteforme de publicité.

CRÉATIVITÉ DANS LES MODES DE COMMUNICATION.Mais de nombreux artistes considérés comme alternatifsuniquement par leur non-présence dans les circuits tra-ditionnels tiennent, eux, à se faire connaître et à émerger.Pour eux, le sort de l’alternatif, c’est justement d’en sor-tir un jour ou l’autre. Et l’artiste de devenir alternatif danssa façon de communiquer et de se faire connaître. Pourêtre vu, Internet et ses réseaux sociaux sont un formida-ble pied-de-nez aux modèles publicitaires traditionnels. « Lesréseaux sociaux permettent de s’appuyer sur le système impa-rable du bouche-à-oreille » explique Frédéric Herzog, mana-ger et batteur du groupe electro-jazz grenoblois Simply007. « Que les gens parlent de nous sur leur Facebook ou autre,cela revient à une publicité gratuite. Nous avons alors déci-dé d’offrir le téléchargement de l’album à ceux qui mettaientle lien de notre site sur leur profil » se souvient-il, trois ansaprès la mise en place du dispositif. À l’époque, le but estavant tout de diffuser les dates de concerts. Le trafic dusite, observé avec la plus grande attention chaque semai-ne, ne cesse d’augmenter, passant en six mois de 350 à 1 600visiteurs uniques mensuels.

MYSPACE REPREND « LA FÊTE DE LA MUSIQUE ». Surla Toile, chacun tâtonne dans l’espoir de découvrir ledispositif qui fera foi ; les artistes rivalisent d’imagination.Le téléchargement, affranchissant de la contrainte maté-

rielle du disque, ouvre d’innombrables perspectives. À chaque sortie sur scène, le groupe lyonnais Music is notfun délivre aux spectateurs un code leur permettant le télé-chargement du nouvel album en « avant-première mondiale »,comme s’en amuse un des membres sur le site du grou-pe. Surfant sur ses principes de découverte et de promotionde la musique indépendante, le site MySpace – qui comp-te 18 millions d’utilisateurs en France – décide en 2007de faire se rencontrer musiciens et auditeurs en créant unesérie de concerts dans chaque région. Le festival « Me, MySpaceand MyBand » a sélectionné les groupes « qui font le buzz ».En guise de récompense, pas de cachet, mais une campa-gne de promotion sur le site MySpace sous la forme d’unmillion d’affichages de bannières pour le groupe vain-queur, en haut des pages, pendant une semaine. « En 2009, tout le monde est sur MySpace ! regrette ThomasRiva, membre du groupe stéphanois Washington Lost. Alorson ne peut plus dire qu’il s’agit d’un mode de communica-tion alternatif. Son succès a tué son charme ». À l’image deMySpace, propriété du groupe du magnat des médiasRupert Murdoch, le credo de la découverte de nouveauxtalents et de l’illusion de donner libre cours à la créativi-té est exploité à outrance. Ce sont désormais ces « faux labels »comme celui lancé en 2005 par SFR (SFR Jeunes Talents)qui s’attirent les foudres des activistes de l’Underground.Et Stan Audouin de conclure : « Des grands groupes qui veu-lent faire du profit avec la mode de l’alternatif, cela revientà un mariage forcé ».

photo music-is-not-fun.com, libre de droit

Le groupe Music is not fun

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L es Nuits sonores, c’est d’abord une rencontre entrepassionnés de musiques électroniques, un projet quis’écrit petit à petit et met des mois à recevoir l’ap-

probation de la Ville de Lyon, puis de la Région Rhône-Alpes. Ils accorderont 278 000 euros de subventions lapremière année. Alors les mécénats privés y croient. Les

médias aussi. L’ascension est ful-gurante et la suite, on la connaît :16 000 personnes la première année,29 000 pour la deuxième édition,puis 35 000 en 2005… et jusqu’à70 000 spectateurs l’année derniè-re. Un succès dont le directeurVincent Carry (que nous n’avonspas pu joindre) n’avait pas prévu leseffets et les retombées économiques.Le cru 2003 a vu ainsi apparaîtreun projet qui a aujourd’hui défi-nitivement rendu cette musiqueinstitutionnelle.

L’ELECTRO, À LA MODE. Son nomest évocateur. Son concept innovant :« Investir des lieux défraîchis et inha-bituels » donne à ce festival un airde rave party légale. Et pourtant !Largement financé par des mécé-nats privés Ô combien influents, sup-porté par toute sorte de médias,choisi par la Ville comme vitrine pour

sa culture, ce festival a tout d’un grand. Des stars « ban-kables » aux artistes émergents, tout le monde prend sonpied et y trouve son compte. Il s’avère d’ailleurs qu’au-cun « sound system » n’a été contacté pour Les NuitsSonores : trop turbulents, ils auraient sans doute nuit à

l’image propre sur elle et « arty » bon chic bon genrede ce festival de salon. Quant aux visiteurs qui croientau coté alternatif, beaucoup déchantent au moment depasser à la caisse. Loin du tarif « free party », un « pass »peut vous coûter jusqu'à 80 euros. Sans compter lesconsommations et produits dérivés qui accompagne-ront vos après-midis, vos nuits, vos afters. Rentabilité obli-ge, le festival s’étale pendant quatre jours. Comptez uneheure d’attente pour accéder aux lieux « hype», commela célébrissime halle Tony Garnier, qui se loue très cher.Enfin espérez danser toute la nuit sur des hits electro aumilieu d’une foule qui pense accéder à une culture dif-férente, loin de la masse. Alternatif ? Pas vraiment.

LA VILLE S’EN MÊLE. D’autant plus que le projet éma-ne dès le départ d’un commun accord entre la Ville etses organisateurs. Un festival électronique comme vitri-ne d’une ville branchée, loin de son coté bourgeois etcoincé des années 90. Après la répression des raves par-ty qui a frappé à Lyon, le maire Gérard Collomb (PS) amisé sur les musiques électroniques pour faire de Lyonune capitale culturelle internationale. Il a aussi démontré, en injectant quatre fois plus d’ar-gent pour Les Nuits Sonores que pour le festival hip-hopl’Original (60 000 euros), qu’elle était un haut lieu del’engagement du politique en faveur des musiques électro-niques. Aux stars internationales, on offre la Halle TonyGarnier, aux autres des bars isolés. Un calcul qui n’a riend’étonnant. Mais rien d’alternatif non plus. Après tout,la culture, tout comme l’art, est une affaire d’argent etde communication politique. Seuls « les alternatifs »prétendent encore que l’on pourrait tout de même pen-ser ces secteurs d’activité sur des bases moins mercanti-les, plus démocratiques.

ISABELLE MATERA

LLYYOONN,, VVIILLLLEE «« EELLEECCTTRROO »»Faire émerger la musique électronique àLyon était un pari risqué et ambitieux. Cartrès vite « l’electro » est assimilé aux ravesparty. De Rennes à Carcassonne, les arrêtéspréfectoraux pour « troubles à l’ordrepublic » pleuvent dans toute la France. Lastigmatisation de la « techno » est enmarche. Lyon voit cette musique, encoreréservée aux initiés, débarqué sur ses ondesau début des années 90. Mais elle estencore méconnue des Lyonnais quil’assimilent à de la dance. Très vite,s’ouvrent les premières boîtes de nuit« techno ». En 1996, plus de 20 000festivaliers attendent des artistes commeProdigy ou Carl Cox à la soirée « Polaris »mais au dernier moment, la mairie annule.Lyon devient alors le symbole de larépression. Des associations commeTechnipol, organisateur de la technoparade, se créent. Et la Ville, consciente del’engouement populaire, décide d’encadrerces pratiques. Il faut attendre les années2000 pour voir quelques tentatives en lamatière. Vincent Carry et son collectif,Arty Farty, s’engouffrent dans la brèche.

POINT DE VUE

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© Romain Monnier

E S P È C E S S O N O R E S. . . E T T R É B U C H A N T E S

L A U R E N T G A R N I E R , A G O R I A O U E N C O R E C U T C H E M I S T. . . D E P U I S 2 0 0 3 , C E ST Ê T E S D ’ A F F I C H E S C O N T R I B U E N T À L A R E N O M M É E D U F E S T I V A L L E S N U I T SS O N O R E S . U N É V È N E M E N T T Y P I Q U E M E N T LY O N N A I S Q U I R É P O N D A U J O U R D ’ H U IA U X S T R AT É G I E S C O M M E R C I A L E S D E S E S O R G A N I S AT E U R S . M A I S PA SS E U L E M E N T…

LES NUITS SONORES

Page 13: So What la magazine des cultures alternatives

© Artistide Bruchon

« On n’est pas des vendus ! » PORTRAIT

HHiieerr àà PPaarriiss,, AAuujjoouurrdd’’hhuuii aauu JJaappoonn,, eett ddeemmaaiinn àà LLoonnddrreess.. MMoonncceeffZZeeddiirrii aa ppoouurrttaanntt ccoommmmeennccéé ddaannss lleess rruueess ddee LLyyoonn aavvaanntt ddee ddeevvee--nniirr aavveecc ssoonn ggrroouuppee,, llee bbrreeaakkeerr llee pplluuss ttiittrréé dduu mmoonnddee.. AAuurrééoolléé ddeettoouuss cceess ssuuccccèèss,, iill aassssuurree ppoouurrttaanntt nnee ppaass ttrraahhiirr ll’’eesspprriitt uunnddeerrggrroouunndddduu hhiipp--hhoopp..

A ujourd’hui encore, il continue à puiser son inspirationdans la rue. Celle qui l’a mené au succès. Pourtant, dèsl’âge de sept ans, Moncef Zediri rêve plutôt de terrain de

football. À cette époque, si le sport devient vite indispensable à cefils d’immigré né en Algérie, il ignore tout du hip-hop. Mais il voitapparaître cette discipline de rue que les quartiers s’approprient etqu’il fréquente depuis toujours. C’est le déclic. Comme une évi-dence, il comprend que les pavés de Bron ne lui offriront que peud’opportunités. Il décide, avec un voisin, de s’essayer au break sousles arcades de l’Opéra national de Lyon. Deux, puis six, puis huit. Le Baby Boom Crew se crée progressive-ment avant de devenir le Pockemon Crew en 2002. Rapidement, ilsforcent l’admiration par leurs prouesses techniques, présentent deschorégraphies construites et rigoureuses, mêlant hip-hop et influen-ces contemporaines. Oui mais problème. Le hip hop a du mal àtrouver sa place dans une culture de masse. Un seul moyen alors :remporter des titres, qui ont valeur de faire-valoir dans la discipline.

LE TOURNANT DE SA CARRIÈRE. 2003. Comme une date clédans la carrière de Moncef Zediri. Celle de son premier titre :champion de France. Très vite, il prend goût à l’adrénaline des com-pétitions, à la rigueur qu’elles suggèrent, et à l’argent qu’elles rap-portent. Mais une évidence s’impose à lui. La France ne lui offrequ’un statut d’intermittent. Les récompenses sont dérisoires et lareconnaissance peine à venir. C’est en devenant champion dumonde en Allemagne en octobre 2003, puis champion d’Europe en

juillet 2004 que Moncef Zediri comprend l’importance de séduireun public étranger. Les sponsors privés sont d’autant plus généreux.La notoriété explose lorsque Pockemon Crew devient le premiergroupe français à s'imposer en Corée du Sud à Séoul en septembre2007. D’un collectif autogéré, le groupe contribue à la création d’uneentreprise de danse reconnue et financée par la DRAC (Directionrégionale des affaires culturelles). Mais il insiste : « je n’ai pas pris lagrosse tête, on continue à danser dans la rue. Nous, on n’est pas des ven-dus ! ». D’après lui, les économies engendrées ne valent pas l’enri-chissement personnel qu’il a connu en multipliant les déplacementsà l’étranger. « Rien ne vaut l’ouverture d’esprit que m’ont apportée mesvoyages en Asie », confie-t-il. La simplicité, comme un maître-motqui raisonne dans la tête de ce danseur impressionnant par sa sou-plesse, sa technique et sa recherche artistique.

UNE PRIORITÉ : LA SOLIDARITÉ. Aucun n’est chorégraphe.Tous le sont un peu. Car dans la vie comme dans la danse, les neufgarçons poursuivent un idéal qui sonne comme un slogan : « unispour avancer ! ». Chacun d’entre eux est une source d’inspirationpour les autres. Et c’est pourquoi Moncef Zediri refuse l’idée mêmed’un parcours en solo. « La reconnaissance du groupe outre-Atlantiquesuffit a me rendre fier ».S’il refuse de parler de son salaire, cet artiste admet volontiers quela reconnaissance a été tardive, surtout quand la discipline est stig-matisée. Aujourd’hui encore, il se sent « à la traîne » par rapportaux compagnies contemporaines qui jouissent d’un effet de modesans précédent. Et pourtant. Du péristyle de l’Opéra à la Maison dela Danse , le parcours de Moncef Zediri et de sa troupe a toutd’une « success story » à l’européenne, multi financée et largementinstitutionnalisée.

ISABELLE MATERA

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POCKEMON CREW

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«V endre son intelligence ? Sa créativité ? Sa force ? Etdisparaître sans avoir vécu ! », écrit l’auteur alter-natif Louis Mandler dans son livre L’Humanité sans

sépulture. Aujourd’hui, pour réussir à vendre dans le monde cul-turel, la clé est de passer par les médias et y faire sa publicité.« Certains ont la chance de pouvoir présenter leurs œuvres sono-res sur des émissions culturelles de grandes radios comme Sous lesétoiles exactement, sur France Inter. Cette émission, diffusée troisjours par semaine, donne carte blanche aux alternatifs », expliqueVincent Durlai, qui a créé, il y a quelques années, un groupede rock alternatif, loin des standards surmédiatisés. En 2005,plusieurs antennes généralistes ou libres lui proposent de par-ticiper à plusieurs émissions, mais il refuse d’y venir.

LES ALTERNATIFS À L’ANTENNE. Aujourd’hui, Vincent Durlaia quitté son groupe et travaille pour Radio Canut. Il est char-gé de trouver des artistes alternatifs, principalement dans le milieumusical. « À la différence d’autres grandes villes, Lyon possède quelquesradios alternatives, libertaires. Cela plaît aux artistes undergroundcar ils s’identifient plus facilement à ce type de média. RadioCanut, Radio Nova ou Radio Libertaire par exemple. Ils vien-nent plus facilement présenter leurs œuvres sur nos ondes ». VincentDurlai remarque que « de plus en plus d’artistes sont obligés defaire une entorse à un de leurs « mots d’ordre», le boycott des médias,en faisant de la publicité. Ils doivent se faire connaître pour conti-nuer leur art ou pour s’en sortir, surtout dans la conjoncture actuel-le, et parfois malgré une certaine méfiance ». Le média qui se consacre le plus à ce type d’artistes est doncla radio, qu’elle soit libre ou bien conventionnelle. FranceInter en tête, puis quelques radios privées comme RTL etEurope 1 s’intéressent à des sonorités encore jamais entenduessur les ondes. Ces émissions sont en majorité diffusées tard dans

la nuit, à des heures de faible écoute. En revanche, dans la pro-grammation de Radio Canut, elles représentent environ 30 %du temps d’antenne. Régulièrement sur Radio Libertaire, desanimateurs organisent des tables rondes enregistrées autour duthème des cultures alternatives en présence d’artistes et de spé-cialistes pour débattre.

RELATIONS HOSTILES. Du côté des artistes, ce n’est pas le mêmediscours. Certains se refusent à communiquer avec les médiastraditionnels. Ils affectionnent davantage les nouvelles technologiesavec Internet, les réseaux sociaux, les blogs pour faire passerleur message ou bien des médias très spécialisés. « C’est une ques-tion de choix », pour les artistes underground. « On a peur d’ê-tre considérés comme des produits commerciaux. Aujourd’hui, onrejette les médias de masse » ajoute Vincent Durlai. Ils accep-tent seulement les interviews dans des magazines très spécia-lisés. Même commentaire pour Vincent Durlai : « Certainsrefusent de participer à des émissions sur France Inter et autres gran-des antennes, parce qu’ils redoutent de tomber dans l’institution-nel ». Autre raison qui explique cette moindre présence dans lesmédias : 53 % des Français ne font pas confiance aux journa-listes. Une méfiance que l’on ressent encore plus dans lesmilieux underground. « J’ai eu droit à plusieurs refus, parce queselon eux, les journalistes et les animateurs trafiquent les proposdes artistes, les déforment ou les sortent de leur contexte ».Médias et artistes alternatifs, deux mondes entre lesquels lespasserelles sont rares et éphémères ; deux mondes qui s’oppo-sent, se repoussent tout en ayant conscience qu’ils doiventcohabiter. Comme des voisins qui s’épient et qui ne se saluentpas quand ils se croisent.

GUILLAUME ROCHON

M É D I A S :R E G A R D S E N C H I E N SD E F A Ï E N C E

DÉCRYPTAGE

UUNN MMÉÉDDIIAA AALLTTEERRNNAATTIIFF LLYYOONNNNAAIISS No Dogs est un « magazine urbain gratuitd’expression libre ». Créé et dirigé par EstelleDusquesnois, il propose aux Lyonnais de publier desarticles, des billets d’humeur, de la poésie. Chaquepage est réalisée par un unique rédacteur et par unseul graphiste. Le thème de No Dogs change àchaque fois et tourne autour d’un seul mot, choisiau hasard dans le dictionnaire. Pour le 7e numéro, leterme désigné était « gourbi ». Cette pressealternative fonctionne grâce à des aides régionales.No Dogs est imprimé à 10 000 exemplaires et la datede publication est très aléatoire.

EN LIGNE www.no-dogs.fr.

A C C U S É S D ’ Ê T R E À L A S O L D E D ’ U N S Y S T È M E D O M I N É PA R L E S L O I S D U

M A R C H É , L E S M É D I A S S U S C I T E N T L A M É F I A N C E D E S M I L I E U X

U N D E R G R O U N D . C E S D E U X M O N D E S S O N T P O U R TA N T C O N D A M N É S À

C O E X I S T E R .

© Photo DR

La rédaction de Radio Canut.

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« P A S D ’ A U T O- C E N S U R E »

INTERVIEW JULIE BALESTRERI

Comment définiriez-vous la ligne éditoriale de Tracks ?L'émission essaie avant tout de surprendre le téléspectateur, delui faire découvrir des choses, pour lesquelles il n'était pas pré-paré. Nous tentons de le déboussoler, de l'amener dans des uni-vers qu'il ne maîtrise pas, hors de son champ de connaissance.Côté journalistique, nous cherchons à raconter une histoire. Onparle d'une vie, pas d'une cause. Nous nous positionnons en tantque narrateur et non comme critique. Dans chacun de nos sujets,nous ne prenons pas en compte nos goûts ou nos opinions per-

sonnelles. Nous restons le plus objectif possible, afin de parlerde l'air du temps, de notre époque, de nos sociétés qui bougentcontinuellement. Nous cherchons les précurseurs, les pionniersqui ne sont pas représentées dans les médias de masse. À quel public vous adressez-vous ?Nous faisons en sorte de parler à tout le monde et de toucher lepublic le plus large possible. Évidemment, nous savons que nosimages peuvent être dures. L'émission n'est pas conseillée pourles moins de 16 ans, je pense, car il faut pouvoir saisir le poidsdes images, comprendre le message que ces personnes font pas-ser. Il faut avoir une certaine connaissance du monde et pouvoirprendre du recul, pour appréhender un autre point de vue quele sien. C'est pourquoi, en tant que journalistes, nous devons êtretransparents, nous contenter de raconter et d'expliquer.

Comment déterminez-vous les limitesdans le choix de vos reportages ? J'incite mes journalistes à ne pas s'autocensurer, je veux qu'ils fas-sent le reportage tel qu'ils le conçoivent, sans se donner de fron-tières. Notre limite, c'est les actes gratuits, ceux qu'on ne peutpas déchiffrer. La violence gratuite ne nous intéresse pas, elle estdénuée de sens. Même si nos reportages peuvent choquer, il y atoujours des éléments pour les comprendre. Il y a une différen-ce entre de la pure provocation et un point de vue décalé sur lemonde. Lorsqu'on se censure, on émet un jugement personnelet c'est ce que nous voulons éviter. Arte, notre diffuseur, est leseul à pouvoir décider si nous sommes allés trop loin.Selon vous, quel est le point commun dessujets que vous traitez ?Nous nous définissons comme le magazine des culturesémergentes et hyperactives. Que ce soit des reportages sur lamusique (rock, hip-hop, electro), sur des performances artis-tiques ou sur des sports extrêmes, leurs points communs c'est qu'ilssont représentatifs de notre époque, sans pour autant être des cou-rants majeurs. Nous voulons désorienter le téléspectateur et atti-ser sa curiosité. Nous espérons qu'il aura envie de chercherencore plus loin.Vous considérez-vous comme le magazine deréférence des cultures alternatives ?À vrai dire, pour moi les cultures alternatives, les contre-cultu-res (...) n'existent pas. Ce ne sont que des terminologies pour nepas les classer dans la « culture » au sens courant. C'est différent,donc on donne un nouveau nom. Qu'on soit noir ou blanc, onreste des êtres humains, non ? Pour moi, c'est de la culture,point. Dans le système humain, ce qui est différent, soit on l'in-tègre, soit on le tue. Dans notre société, où le moteur est l'argent, soit on interdit, soiton se rend compte que ça peut être rentable et on en fait un « mainstream » (courant majeur, ndlr). Le pionnier, le visionnaire pas-se sa vie devant un château fort, à essayer de défoncer le pont-levis. Il frappe, il s'acharne et quand il a enfin réussi à ouvrir unebrèche, une armée d'opportunistes passe avant lui et le piétine !Dans Tracks, nous voulons connaître l'histoire de ce type, avantqu'il ne se fasse écraser. L'alternatif ou la marginalité, ce n'est qu'unpoint de vue, qui dépend de l'endroit où l'on se place.

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INTERVIEW

Vitrine d'agités, d'innovateurs, de marginaux. Tracks, d'après sa

terminologie anglaise, est un sentier peu emprunté, une route

mineure. Des chemins sur lesquels l'émission s'aventure, à la

rencontre de ceux qui les ont initialement débroussaillés. Tracks les

traque, les suit comme un observateur. Un curieux, qui pense qu'en

retraçant leurs parcours, il pourra les comprendre et représenter le

plus fidèlement possible, la diversité d'une époque. Rencontre avec

David Combe, l'un des deux rédacteurs en chef du programme.

DAVID COMBE

David Combe

PROGRAMMATION L’émission Tracks est produite par Program 33, diffuséechaque vendredi à 23h10 sur Arte. www.arte.tv

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LE DOSSIER

Q u’ils soient « beurs », han-dicapés, ou noirs, les artis-tes issus de la diversité reven-diquent une plus grandevisibilité. D’ailleurs le cons-

tat est accablant. La parité homme-femme dansle spectacle vivant est loin d’être acquise. Àtitre d’exemple : 89 % des institutions musi-cales sont dirigées par des hommes (voir page18). En ce qui concerne la diversité « ethnique »,en 2005 seuls 10 % des salariés de l’Etat étaientissus de l’immigration. Néanmoins, les insti-tutions font de plus en plus d’efforts pour met-tre en avant la diversité, notamment depuisla charte de l’Unesco signée en 2005. Cettedernière promeut la diversité, affirmant que« la diversité culturelle est une caractéristiqueinhérente à l’humanité ». Pourtant, certains acteursse demandent encore si tous ces efforts ne sontpas plus une question de « quotas » que d’a-vancées sociales. Dès lors, la diversité est-elle plus facilementmise en valeur dans le milieu alternatif ?Difficile de répondre à cette question lorsqu’iln’y a aucun chiffre sur lequel s’appuyer. PourJohann, ancien étudiant des Beaux-arts, l’al-

ternatif n’offre pas plus de possibilités : « Lemilieu underground est une sorte de « fourre-tout ». On y trouve des gens brillants, maisaussi des marginaux, qui se retrouvent là carils n’ont pas percé dans le milieu institutionnel.Même si le milieu alternatif est moins élitiste,quand on a du talent, qu’on soit une femme,un immigré ou autre, on trouve sa place dansle milieu institutionnel ». Nos rencontres surle terrain alternatif ne nous ont effective-ment pas montré une plus grande ouvertu-re. Pour quelles raisons ? D’une part nous cons-tatons que pour vivre, le milieu alternatif abesoin du soutien de l’institutionnel. Lescontraintes seraient alors les mêmes dans lesdeux milieux. Ensuite, comme le dit FabriceRaffin (voir interview page 5), le milieu alter-natif est un milieu tout autant identitairequ’un autre et la place laissée aux personnesissues de la diversité n’est pas plus grande. Celarenvoie au constat de nombreux sociologues,démontrant qu’une certaine forme de hié-rarchisation, à l’image du monde institu-tionnalisé, est reproduite dans les communautésen marge pour leur bon fonctionnement.

MARGAUX GUIGNARD

U N V I V I E RP O U R L A

D I V E R S I T É ?DOSSIER MAUD LÉPINE & MARGAUX GUIGNARD

DIVERSITÉ CULTURELLE

© Jean-Marie Refflé

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« T O U T S A U F B O U R G E O I S E TR É A C T I O N N A I R E »

Comment la diversité est-elle prise en comptedans la politique culturelle de la Ville de Lyon ?Lyon a mené une action pionnière en faisant preuve d'ambi-tion dans ce domaine, mais rien n'est jamais acquis. Nous tra-vaillons au quotidien pour que cette question soit prise encompte dans toutes nos politiques publiques. La métropolelyonnaise s'est ainsi engagée à développer une politique de ladiversité dans le cadre d'un Contrat urbain de cohésion socia-le (CUCS) négocié avec les collectivités territoriales et l'Etat. Nous avons par exemple obtenu que la culture soit prise encompte dans cette contractualisation, ce qui est unique enFrance. Mais ça passe aussi par une forme de sensibilité et deconviction qu'aucun texte ne pourra jamais suppléer : de cepoint de vue, il existe un vrai consensus parmi les élus lyon-nais en responsabilité.La charte de l'UNESCO sur la diversité culturelleexiste mais quels types de charte y a-t-il entrela ville et les associations pour promouvoir cettediversité ?Encore une fois, Lyon a montré l'exemple en instaurant unecharte de coopération culturelle qui incite les grandes institu-tions, notamment municipales, à s'impliquer dans les actionsmenées par les associations et les habitants des quartiers prio-ritaires. Mais c'est vrai que nous travaillons en ce moment à larédaction d'une charte spécifique sur la diversité culturelle.Comment les associations permettent-elles devaloriser les cultures des quartiers et les culturesalternatives ?C'est toute la vertu du monde associatif que de refléter toutela diversité d'une ville. On peut citer l'exemple du festivalL'Original Hip-hop qui, depuis six ans prend toujours plusd'ampleur en ouvrant les cultures urbaines à un public sanscesse plus large. D'autres associations, telle que le Centre desmusiques traditionnelles Rhône-Alpes, travaillent sur le ter-rain pour repérer et valoriser toutes les formes musicales de ladiversité culturelle.

Le CUCS promeut la diversité dans les quartiers.Mais ce printemps trois associations favorisantles langues étrangères ont perdu leurs subven-tions. Qu'en pensez-vous ?Je crois vraiment que les cultures, que l'on accuse parfois unpeu trop rapidement d'être communautaires, doivent êtrevécues comme étant des sas d'intégration, pour des popula-tions que l'on ne touche pas facilement par ailleurs. Soit ondécide alors de ne pas les toucher du tout, soit on réfléchit àce qui peut être prioritaire. Pour moi ce qui est prioritaire,c'est de garder lecontact avec elles,pour les inciter dansun second temps às'ouvrir aux autres. Ilfaut donc inscrire ladiversité dans notrepolitique culturelle :c'est pour cela que j'aipar exemple invitél'une de ces associations (berbère) à organiser le bal du 14juillet.

Les lieux dédiés aux cultures alternatives fer-ment petit à petit à Lyon. Y’a-t-il une volonté defaire disparaître cette culture au profit de la cul-ture institutionnalisée ?Certainement pas. D'abord, il y a une part de fantasme à idéa-liser ainsi le passé. Je suis sûre qu'il se passe bien plus de cho-ses aujourd'hui à Lyon qu'il y a 20 ou 30 ans. Mais la vraie dif-férence est peut-être dans les institutions culturelles qui sesont ouvertes à ces cultures qui auparavant étaient marginali-sées. Pour ne citer qu'un exemple, les Pockemon Crew sontpassés du parvis à la grande salle de l'Opéra en quelquesannées seulement, et la programmation des Célestins commecelle des Subsistances sont tout sauf bourgeoises et réaction-naires.

N A J AT V A L L A U D - B E L K A C E M , C O N S E I L L È R E G É N É R A L E ( P S ) , E S T D E P U I S M A R S2 0 0 8 6 e A D J O I N T E A U M A I R E D E LY O N E N C H A R G E D E S G R A N D S É V È N E M E N T S ,D E L A V I E A S S O C I AT I V E E T D E L A J E U N E S S E . E L L E E S T É G A L E M E N T P O R T E - PA R O L E D E S É G O L È N E R O YA L D E P U I S M A R S 2 0 0 9 . I N T E R V I E W.

INTERVIEW

© Photo DR

Najat Vallaud-Belkacem

1177

« U N E C H A R T E S P É C I F I Q U E S U RL A D I V E R S I T ÉC U L T U R E L L E »

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«S i nous n’avons ni règles, ni partenaires, il nousest impossible de mettre en place des ateliersartistiques avec des handicapés et des personnes

en difficulté », explique Martine Meirieu comédiennedans l’association Eolo. « Nous ne pouvons pas vivre dansle chaos. Le but est de partager notre savoir avec des gens quin’ont pas accès à la culture institutionnelle ». Difficile donc. Et pourtant de nombreuses associations àLyon et en Rhône-Alpes œuvrent auprès de ces publics.Parmi elles on retrouve Eolo, la compagnie Parc, leThéâtre du Grabuge ou encore la Caravane des dix mots. Travaillant avec des danseurs handicapés depuis environdeux ans, Emilie Tournaire, danseuse professionnelle, estcoutumière de ces difficultés. « Le plus dur est de trouverune salle de représentation lorsqu’on monte un spectacle avecdes personnes handicapées. Les institutions ne font pas enco-re assez d’efforts ». Il lui aura fallu un an de travail pour mettre en scène leprojet « Re : Semble / En : Semble » avec Naoule, Florence,Guillaume, Séverine, Pinar, Suzanne, Gaspard, Angela etLydia. Leur point commun : leur handicap, et une expé-rience artistique insolite et unique.

« J’avance très facilement avec eux car ils sont dans l’imagi-nation. Or en danse contemporaine, lorsqu’on comprend l’i-magination on comprend tout », indique ÉmilieTournaire.Le résultat, c’est 35 minutes de danse sur le thème de larencontre. Sur fond de musique, les corps se déplacent,s’approchent et entrent en contact. Les mouvements debras, de mains et de jambes prennent possession del’espace. Les regards s’opposent, s’évitent et se croisentpour ne plus se lâcher.La danse est un moyen d’expression, mais pour MartineMeirieu, il est important de ne pas se cloisonner à un seulart. « Si on utilise uniquement la parole, il est impossible decréer. Certaines personnes sont muettes, d’autres sourdes etcertaines ont une parole amputée. C’est pour cela qu’à Eolonous réunissons notamment la parole et le geste ».Le but n’est pas de produire mais de mener des pratiquesartistiques. Toutes les associations s’accordent sur lemême point : il est impératif de ne pas imposer ces idées.Les participants, quelque soit leur handicap, doivents’emparer de leur environnement pour créer l’impossible.

MAUD LÉPINE

PPAARRIITTÉÉ :: Qui dirige les institutions ?CCee ssoonntt ddeess hhoommmmeess qquuii ddiirriiggeenntt ::92 % des théâtres consacrés à la création drama-tique.89 % des institutions musicales.71 % des centres de ressources.59 % des centres chorégraphiques nationaux.QQuuii aa llaa mmaaîîttrriissee ddee llaa rreepprréésseennttaattiioonn ??97 % des musiques que nous entendons dans nosinstitutions ont été composées par des hommes.94 % des orchestres programmés sont dirigés par deshommes.85 % des textes que nous entendons ont été écritspar des hommes.

78 % des spectacles que nous voyons ont été mis enscène par des hommes.En 2003, la moyenne des subventions attribuées auxscènes nationales par l’ensemble de leurs partenairesétait de 2 096 319 euros. Quand elles étaient diri-gées par un homme, cette moyenne s’élevait à2 347 488 euros.Quand elles étaient dirigées par une femme, lamoyenne des subventions perçues était de 1 764 349euros (soit -30 % environ). > Source : Rapport de Reine Prat au minisyère de la Culture« Pour l’égal accès des femmes et des hommes aux postes de respon-sabilité, aux lieux de décision, à la maîtrise de la représentation »,mai 2006 (données 2003-2004).

REPORTAGE

T O U S E N S E M B L E S U R S C È N E

s

L A C U LT U R E A LT E R N AT I V E E S T S Y N O N Y M E A U J O U R D ’ H U I D E D I A L O G U E , D E C O L L A B O R AT I O N AV E C D E S

P O P U L AT I O N S E N M A R G E D E L A C U LT U R E I N S T I T U T I O N N E L L E . U N E D É M A R C H E Q U I P E R M E T À L A

D I V E R S I T É D E T R O U V E R S A P L A C E D A N S C E M I L I E U A LT E R N AT I F. M A I S I L E S T I M P O S S I B L E P O U R D E S

A S S O C I AT I O N S D E T R AV A I L L E R AV E C D E S P E R S O N N E S H A N D I C A P É E S , D E S C E N T R E S S O C I A U X O U D E S

P R I S O N S S A N S S U B V E N T I O N .

LLAA DDIIVVEERRSSIITTÉÉ PPAARR LLEESS MMOOTTSS Depuis huit ans en Rhône-Alpes, la Caravanedes dix mots permet à des personnes de toushorizons, francophones ou non, l’accès àl’expression. La Caravane va « à la pêche ausens des mots » pour révéler la richesse et ladiversité que chaque être humain a en lui.Des artistes mènent des ateliers artistiquesautour de la langue française où chaqueparticipant devient acteur du projet. L’association a ccompagné la création descaravanes dans une trentaine de pays dumonde.

EN LIGNE www.caravanedesdixmots.com

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I l est 14h30, au centre social Grand Vire à Vaulx-en-Velin. La trentainede femmes présentes ont les yeux rivés sur les cinq artistes du théâtredu Grabuge. Ils prennent contact avec des femmes pour former le

choeur de leur prochain spéctacle « Pose ta valise ». Une démarche consi-dérée comme alternative dans la mesure où la parole est donnée à desminorités peu écoutées. Les premiers chants kabyles (une communauté algérienne, ndlr) remplis-sent la pièce d’un rythme enjoué et entraînant. Rapidement, des larmescoulent sur leurs joues. Les femmes ont du mal à intérioriser leurs émo-tions. Tant de souvenirs d’Algérie, de leur village natal et de leur famille.L’émotion monte encore d’un cran à la lecture d’un témoignage poignant écrit par Alexiana, une Algérienne exilée. « En arrivanten France, j’ai entendu toutes sortes de réflexion. Je n’avais pas de papier, pas de travail. Je ne parlais pas français. Les insultes quand tune peux pas répondre, ça fait mal. Ce sont les collègues de travail qui m’ont appris à parler le français ». La musique algérienne reprend ses droits. Les sourires et les applaudissements remplacent les larmes et les mouchoirs. Les derniè-res notes de musiques s’échappent du violon et les remerciements affluent des quatre coins de la salle. « C’était bien, merciMonsieur ! », lance une Algérienne d’une cinquantaine d’années. « C’est très touchant. Même si on ne parle pas la langue, on comp-rend le message », confie une de ses voisines.Et c’est le but de cette rencontre. Trente minutes de conte et de musique kabyle sur l’exil pour attirer les femmes. « Nous voulonsformer un chœur avec vous », explique Géraldine Bénichou, metteuse en scène. « Le plus important est d’avoir des femmes de toutes lesorigines racontant leur expérience ». Les questions fusent. « Mais je ne suis pas née en Algérie ? ». « Nous prenons autant de femmes quiviennent de loin que de femmes nées en France », répond Géraldine Bénichou. À peine la réponse donnée, qu’une autre femme s’in-terroge. « Comment faire lorsqu’on ne parle pas kabyle ? », lance-t-elle. Cette fois c’est Borys, l’un des deux chanteurs de la troupe quiprend la parole. « Vous n’avez pas besoin de parler kabyle ou arabe pour chanter. Je suis ukrainien et j’écris simplement à ma manière lessons pour bien les prononcer ». Des ateliers de chant et d’écriture sont prévus pour préparer le spectacle, le 16 février 2010.

MAUD LÉPINE

À la rencontre des femmes

© Margaux Guignard

À VOIR « Pose ta valise », le 16 février à 20h30, aauu cceennttrree ccuullttuurreell ccoommmmuunnaall CChhaarrlliiee CChhaapplliinn àà VVaauullxx--eenn--VVeelliinn, le 6 mars à 15h et 19h, au Nouveauthéâtre du 8ème à Lyon et aux Fêtes Escales à Vénissieux 2010

© Théâtre du Grabuge

Le projet « Re : Semble / En : Semble » à Saint-Etienne le 25 novembre 2009

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L a culture underground, pardéfinition, dépasse les codes.Elle n'obéit à aucune règle,

sinon les siennes. L'institution,elle, répond à une dynamique, unfonctionnement défini, inscrit. Etpourtant, certains artistes ouapprentis artistes tentent de fairecoïncider les deux.Alors est-il vraiment possible dedévelopper une démarche alternati-ve dans un cadre institutionnel ?C'est en tout cas l'avis de CatherineBouvard, directrice déléguée desSubsistances (Laboratoire interna-tional de création artistique àLyon). Pour elle, « l'institution c'est juste-ment ce qui permet de défendre laliberté de l'artiste ». Un postulat quipeut paraître délirant. Surtoutlorsque l'on écoute Claudio, 24ans. Etudiant en 4e année à l'ENBA(Ecole nationale des Beaux-arts deLyon), il considère au contraire

qu'un artiste dit alternatif, « sedéveloppe lui-même avec son mode dediffusion et son mode de finance-ment ». Et si ce raisonnement sem-ble coller davantage au « label »underground, tout n'est pas si sim-ple. Car aujourd'hui, en dehorsd’Internet, il est difficile d'exister etd'être reconnu pour son travail sansavoir recours à des fonds privés ouautres subventions publiques. Lesmodes de financement alternatifssont limités. C'est pour cela entreautres, que les écoles d'arts offrentaux artistes en herbe, la possibilitéde faire éclore des univers under-ground ou non dans leur structure.

VIVRE ALTERNATIF. À l'ENBA,après un cursus plutôt généralisteen licence, les deux années de mas-ter permettent d'élaborer des pro-jets personnels avec les moyensdéployés par l'école. Mais là enco-re, le cadre dépasse l'expérimenta-

C U LT U R E SA LT E R N AT I V E S E TI N S T I T U T I O N S F O N T-E L L E S B O N M É N A G E ?D A N S U N M I L I E U D EL ' A R T É M I N E M M E N TC O N V E N T I O N N É , I L E S TD I F F I C I L E D ED É V E L O P P E R U N ED É M A R C H EA LT E R N AT I V E .S U R T O U T L O R S Q U EL ' O N É V O L U E A U S E I ND ' U N E É C O L E . F O C U SS U R L E S B E A U X - A R T SD E LY O N E T L E U RR A P P O R T ÀL ' U N D E R G R O U N D .

L E S B E A U X - A R T S

ENQUÊTE

PAR DAMIEN CHÉDEVILLE

E T L ' U N D E R G R O U N D© Damien Chédeville

ÉCOLES D’ART

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tion. Les règles priment, et ce n'est pasThierry, 26 ans, qui dira le contraire.Étudiant en 5e année, il a été confron-té au refus de la direction concernantun de ses projets. Son souhait : jouerde la guitare monocorde (fabriquée debrics et de brocs) dans un tuyau d'aé-ration d'1,20 m de hauteur, six piedssous terre, dans les entrailles del'ENBA. Malheureusement, ce site classé n'offrepas de possibilités extrêmes. Il est donctrès difficile pour cette minorité d'ar-tistes de développer ce genre de pro-ductions alternatives, que CatherineBouvard définit comme « de l'ordre dela performance ». Pourtant, cette der-nière défend la théorie de la cohabita-tion, en prenant l'exemple de StevenCohen. Artiste contestataire et performeur, ilest soutenu et présenté par lesSubsistances. Pour expliquer ce para-doxe, Catherine Bouvard avance l'ar-gument selon lequel « toute culture netrouve pas son mode de diffusion ». Etd'ajouter « qu'il y a les alternatifs quichoisissent la culture undergroundcomme système politique et se refusent àêtre aidés (compagnie de SylvainCreuseveau, collectif d’art, ndlr), etceux qui rentrent volontairement dansl'institution (Steven Cohen) ».

SURVIVRE ALTERNATIF. Dans tous lescas, il paraît difficile pour ces artistesde s'ancrer dans un mode de produc-tion alternatif. Il n'existe pas en effetde système alternatif assez viable pourpermettre à n'importe quel étudiant enfin de cursus de pouvoir s'établir à soncompte. C'est pourquoi certaines galeries sefont la vitrine de ces artistes en devenir.Parmi elles, le Néon, dirigée par JulieRodriguez-Malti. « Nous exposons régu-lièrement des artistes qui sont sur la scènedepuis peu. Cet appui me sembleincontournable pour mettre en avant lespurs produits de l'art contemporain ouunderground ». Malgré tout, selonClaudio, pour être exposé en galerie,« il faut répondre à certaines normes

notamment en terme de sécurité ».Compliqué donc de pouvoir exposerdes oeuvres qui représentent ne serait-ce qu'un risque minime pour le public,quand on est en partenariat avec leministère de la Culture, comme l'est leNéon. En tout état de cause, les rela-tions entre institutions et cultures alter-natives sont complexes dans des casprécis. D'autant plus dans le cadred'une formation scolaire. L'ENBA enest, sans aucun doute, l'exemple type.

DAMIEN CHÉDEVILLE

UUNN AARRTTIISSTTEE NNOONN IIDDEENNTTIIFFIIÉÉ

Inconditionnel de metal (musique) et de métal industriel,Thierry, jeune artiste de 26 ans considère sa démarchecomme alternative. Son leitmotiv ? La spatialisation du sondans l'art. Il propose ainsi sur son myspace, de découvrirson univers qui gravite entre musiques expérimentales etpolyrythmies. Conscient qu'il est un artiste non identifiésur la planète Beaux-arts, il se trouve coincé, « le cul entredeux chaises » selon ses mots. Car loin d'être dans un tripanarcho-altermondialiste, il est conscient que la structuredans laquelle il évolue à deux particularités. D'une part, ellelui permet de pouvoir développer ses projets personnels.Mais d'autre part, elle restreint son champ d'expérimenta-tion aux règles de son établissement, qui plus est classé. Sonobjectif est donc simple. Trouver une alternative aux deuxunivers que sont l'institution et l'underground.

© Damien Chédeville

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Un graphiste qui ne lâche pasPORTRAIT

© Clément Boghossian

la culture urbaineTENAS

E n quelques années, Clément Boghossian a su se faire uneplace de choix dans le monde de la création graphique.Sous le pseudonyme de Tenas, ce Lyonnais de 28 ans respec-

te la règle d’or des cultures alternatives qui l’ont vu naître : cel-le de ne pas suivre les critères conventionnels.L’empreinte artistique de Clément Boghossian trouve son ori-gine au début des années 90, alors qu’il grandit à Vénissieux.« Tout a commencé avec les films Menace II Society et Boyz’n theHood » avoue-t-il. Les deux longs métrages, relatant la vie dejeunes afro-américains dans les ghettos de Los Angeles, repré-sentent ses premiers coups de cœur. Mais au-delà du domai-ne cinématographique, les bandes-sons hip-hop retiennenttoute son attention. La curiosité du jeune adolescent lui faitalors ouvrir les portes de la culture urbaine, dans toute sadiversité. Des portes qu’il n’a aujourd’hui toujours pas refer-mées.

DE LA GALÈRE… Son initiation dans le domaine de la créa-tion débute par les graffitis qu’il pose dans les rues de l’agglo-mération lyonnaise. Un loisir dans lequel il fait preuve d’assi-duité, contrairement aux bancs de l’école qu’il fréquente sansconviction. Son parcours scolaire le fait aujourd’hui sourire,voyant le chemin effectué depuis. « Certains professeurs sedemandaient ce qu’ils allaient faire de moi. Ils étaient dépités »,se remémore-t-il, un rictus au coin des lèvres. En 2001, ClémentBoghossian échoue aux épreuves du bac Littéraire mais réus-sit néanmoins le concours d’entrée à l’école d’art de Condé.Ses projets, imprégnés de culture urbaine, font mouche.Toutefois, la case BTS Communication visuelle n’est guère plussatisfaisante. « Je suis alors parti à Paris, mon carton à dessins sousle bras, pour aller frapper aux portes ». C’est le temps de la galè-re, durant lequel il vit de petits boulots. Mais il ne lâche pasprise et sa ténacité finit par payer. Il apprend alors le métier degraphiste sur le tas, en autodidacte, et entre de plain pied dansle monde de la création graphique.

…À LA RECONNAISSANCE. Les travaux de ClémentBoghossian sont vite remarqués et les demandes de collabora-tions affluent. Son univers visuel, au style caractéristique,regorge de références et joue sur la mémoire collective. Un sty-le qu’il adapte aux différents supports sur lesquels il s’exprime :affiches, pochettes d’album, animations visuelles… De maniè-re plus personnelle, il se consacre également au painting. Cequi lui vaut l’exposition de certaines de ses créations au Palaisde Tokyo, à Paris. Toujours plus ambitieux, il crée son proprestudio au cours de l’année 2005. Objectif : gagner en indépendanceet pouvoir diriger l’ensemble de la chaîne de création, de l’i-dée de départ à la finalisation. Une plus grande liberté qu’il metaussi bien à profit pour de grandes enseignes que pour des struc-tures plus modestes, à l’image du label Decon ou du festival alter-natif québécois Underpressure. Sa rencontre avec l’artiste WaxTailor en 2007 finit de lui apporter la notoriété. De l’artworkdu musicien, il passe à la réalisation de trois de ses clips et desvisuels de sa tournée actuelle. La reconnaissance de ClémentBoghossian dépasse aujourd’hui les frontières de l’Hexagone,sans pour autant trahir la culture urbaine qui l’a révélé.

RAPHAËL MANCEAU

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A nthony Guzman et Josef Derens partagentla même doctrine : « l'art, c'est ce qui rendla vie plus intéressante ». En janvier der-

nier ils ont fondé leur association Los plumbe-ros ambulantes, à Annecy en Haute-Savoie. Ilsse définissent comme des « soudeurs d'idées », desouvriers manuels et itinérants au service de l'art.« Mais, de l'art populaire » soulignent-ils. Ils ontvoulu créer un lieu qui appartienne à la com-munauté, où chacun est libre de s'exprimer.« Notre local est un endroit d'échange et de ren-contre, ouvert à tous. On peut se qualifier d'alternatif,car nous voulons prôner la décroissance et la soli-darité au même titre que l'expression artistique ».

ÊTRE ACTEUR DE SA VIE. Leur atelier, situé dansune zone artisanale à Cran-Gevrier (près d’Annecy),leur coûte 670 euros par mois. Ils y organisentdes expositions de peintures, de photos, desspectacles de cirque, des concerts... « Pour l'ins-tant, on ne touche aucune subvention, mais on espè-re bientôt une aide pour le loyer, qu'on paye de not-re poche » explique Josef Derens. Les plumberosambulantes comptent à ce jour une cinquantained'adhérents. « Depuis qu'on a monté l'association,je réfléchis différemment. Je me suis rendu comp-te que tu peux être acteur et moteur de ta vie, quetu peux donner envie aux gens de faire la mêmechose » avoue Anthony Guzman. « Avec la crise,il y a tellement de locaux désertés que l'on pour-rait récupérer et faire revivre ! ». Avec des fondements internationaux commeles TAZ (Zones autonomes temporaires) deHakim Bey, ou le principe du « Do It Yourself »prôné par Jello Biafra, le chanteur des DeadKennedys, les cultures alternatives en France, pas-sent par l'association. Grâce à un régime très libre, les associationspeuvent exprimer, diffuser et promouvoir des idées

ou des œuvres « dans un but autre que de parta-ger des bénéfices » comme le stipule la loi. Le cad-re idéal pour des cultures qui rejettent le systè-me capitaliste, le monde du profit, ou lacommunication de masse ?« Le but de notre association est de promouvoir lescultures alternatives, c'est-à-dire sous représentéesdans les systèmes commerciaux et médiatiques clas-siques. Mais nous souhaitons surtout promouvoirleur sens, leur rôle social, l'esprit non-conformisteet créatif qu'elles véhiculent » explique l'associa-tion Subsociety, membre du collectif anarchis-te They lie we die, situé à Rennes. Le mode asso-ciatif permet l'autogestion, l'indépendance et laréappropriation d'un mode de vie, aliéné par lemodèle capitaliste. L'« utopie pirate » paraîtpresque réalisable.

ASSOCIATION & CIE. L'association Hautepression sonore, créée en avril 2009, se chargede promouvoir la musique électronique enrégion lyonnaise. Elle organise des événements,recherche des artistes et fait de la prestationtechnique. Liée à la culture, elle a néanmoinsune démarche commerciale. « Le statut d'asso-ciation peut être assez paradoxal. Certaines peu-vent clairement s'apparenter à des entreprises »explique Clovis Ferré, un des membres. « Mêmesi nous faisons de l'accompagnement artistique, cen'est ni plus ni moins un business ». Pour ClovisFerré, l'alternative à cette ambiguïté reste lemodèle adopté par Jarring Effects. Le label lyon-nais, fort de la réussite de ses artistes (Hightone,Ez3kiel, Mei Tei Sho) a opté pour la SCOP(Société coopérative de production).Mais le milieu associatif reste essentiel en France.Sans lui, la diversité culturelle ne serait pas aus-si riche et productive.

JULIE BALESTRERI

T O I M Ê M E !FOCUS

B É N É V O L E S O U S A L A R I É S , S U B V E N T I O N N É S O U N O N , L E S A C T E U R S D E SC U LT U R E S D I T E S U N D E R G R O U N D E N F R A N C E , S E R E G R O U P E N TM A J O R I TA I R E M E N T E N A S S O C I AT I O N S , S E L O N L A L O I D E 1 9 0 1 .L ' A S S O C I AT I O N PA R A Î T Ê T R E L E M O D È L E I D É A L P O U R L E S D É V E L O P P E R E TL E S P R O M O U V O I R . S I M P L E À C R É E R E T P E R M E T TA N T U N E G R A N D E L I B E R T É ,E L L E R E F L È T E L A P H I L O S O P H I E D U « D O I T Y O U R S E L F » H E X A G O N A L E .

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ASSOCIATIONSF A I S - L E

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IMMERSION

L 'histoire de « Ground » commence il y a 5 ans. À l'époque,il s'agissait d'un squat illégal sans aucune négociation avecle propriétaire, en l'occurrence la Ville de Lyon. Les pre-

miers membres occupent un bâtiment abandonné rue Clément-Marot (7e), puis font se produire des groupes locaux avant d'ê-tre délogés par les CRS un an plus tard. Forts des 90 concertsqu'ils ont organisés en un an, les membres de GrrrndZéro ontinterpellé les responsables locaux pour leur prouver l’existen-ce d’une réelle demande pour ces types de culture. Ils souhaitaientobtenir un lieu pour les développer. Au même moment, l'en-treprise Brossette, spécialisée dans la vente de salles de bains,décide de quitter ses quartiers rue Pré-Gaudry pour emmé-nager quelques dizaines de mètres plus loin. Le Secours popu-laire, qui vient de récupérer 3000 m² de locaux, décide de lespartager avec GrrrndZéro qui, à l'heure d'aujourd'hui, les occu-pe toujours.

CENTRE NÉVRALGIQUE. « L'idée c'est un peu de décloisonnerles cultures underground, résume Thomas Jégu, membre de Grrrnd-Zéro. La plupart des gens en dehors du circuit undergroundnous considèrent comme des snobs parce qu'on fait passer des grou-pes de musique spécialisés alors que justement on a envie de vul-gariser des styles de musique un peu déjantés. On n’a pas du toutune vision élitiste de la musique même si on écoute des trucs quise vendent à 30 exemplaires, de la folk de Bisounours jusqu'à destrucs noise complètement barrés ! ». Maël, également membrede GrrrndZéro, constate que « les cultures alternatives et under-ground sont mises à la marge au profit d’une industrie de l’évé-nementiel et du divertissement ayant un tout autre impact surl’image de la ville à l’international ».En réalité, GrrrndZéro intervient peu en tant qu'acteur musi-

cal mais sert de centre névralgique, de support à l'expressionde cultures musicales alternatives. C'est dans le bâtiment dela rue Pré-Gaudry, près du métro Jean-Jaurès, que GrrrndZéromais aussi nombre d'associations, groupes de musique, labelsindépendants, collectifs de photographes ou d'art contemporainsont domiciliés. Tout ce petit monde dispose d'une salle de concert, de plu-sieurs locaux de répétition, de nombreux bureaux, de cham-bres et d'un studio d'enregistrement. Le « noyau dur » de l'as-sociation est composé de sept membres autour desquels se succèdentdes bénévoles ponctuels, depuis la formation de GrrrndZéroen 2004.

DISPARITION ANNONCÉE ? GrrrndZéro ne bénéficie d'au-cune subvention de la part de la mairie. Les seules rentréesd'argent se font grâce aux cotisations des associations quipayent 60 euros par personne et par an pour profiter deslocaux, des studios de répétition et d'enregistrement. L'associationloue aux groupes la salle de concert pour la somme dérisoirede 30 euros par soir ainsi que des chambres pour les groupesqui jouent sur place ou dans le coin (2 euros par nuit et parpersonne). Un système de cartes de membres, dont le prix est fixé à uneuro par an et par personne, a également été mis en place cet-te année. Le tout servant uniquement à payer les frais defonctionnement (eau, électricité et Internet) et la réparationdu matériel de sonorisation. Mais « Ground », comme l'ap-pellent ses bénévoles, n'emploie aucun salarié et, en tantqu'association, ne réalise aucun bénéfice. « Il y a quand même un petit côté politique à tout ça. On veutmontrer aux gens qu'avec trois fois rien il est possible d'organi-ser des concerts et de faire bouger les choses à son niveau » conclutThomas. Un horizon tout de même limité car les locaux doi-vent officiellement être détruits en juin prochain pour y cons-truire des logements... et pousser GrrrndZéro vers d’autres occu-pations.

M U S I Q U E , A R T C O N T E M P O R A I N , P H O T O G R A P H I E ,A U D I O V I S U E L , V I E A S S O C I AT I V E . G R R R N D Z É R O ( C ’ E S TL ’ O R T H O G R A P H E O F F I C I E L L E ) E S T L ' U N D E S R A R E S L I E U XLY O N N A I S P R O P I C E À U N E L I B R E E X P R E S S I O N D E SC U LT U R E S A LT E R N AT I V E S . P O U R TA N T S O N E X I S T E N C EE S T A U J O U R D ' H U I M E N A C É E . F O C U S S U R U N I M P O R TA N TV I V I E R A R T I S T I Q U E E T C U LT U R E L .

G R O U N D Z É R OO U L A M U T U A L I S A T I O N

D E S F O R C E S PAR ROMAIN MONNIER© Romain Monnier

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Page 25: So What la magazine des cultures alternatives

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GLANDEUR NATURE GALERIE

Underground, c'est le mot. Galerie résolument« jeun's », Glandeur Nature fait figure de vitrinepour les artistes urbains. Peintres, photographeset autres graffeurs exposent dans cet antre del'art contemporain, volontairementdésordonnée. On peut notamment y découvrirautour d'un café, l'univers dénonciateur del'artiste citadin lyonnais, Antonin Rêveur. Un lieude découverte de l'art de rue qui fait office dejeune premier dans un quartier où les galeriessont davantage conventionnelles. Comme unpied-de-nez au système très institutionnalisé del’art. Quand alternatif rime avec contestataire.(Glandeur Nature est ouvert depuis novembre).> 30 Montée Saint-Sébastien, Lyon 1er

LES VALSEUSES BAR

Depuis le mois d’avril, le café concert LesValseuses remplace le Bistroy sur les pentes dela Croix-Rousse. Rien de bien différent : ce barest toujours consacré à la découverte degroupes alternatifs aux influences très diverses.En témoigne la taille de la scène qui remplit untiers de la salle. Peu de place donc et il vautmieux arriver tôt pour pouvoir occuper l’unedes rares tables et chaises en fer. Cettepromiscuité provoque néanmoins uneatmosphère amicale, entretenue parl’enthousiasme des anciens serveurs du Bistroy.Mais l’alternatif a ses limites : les boissons etcocktails sont aussi chers que dans n’importequel bar en Presqu’île. > 1 rue Chappet, Lyon 1er

LE SONIC PÉNICHE

Sur son MySpace le Sonic se définit comme un« club dédié aux cultures underground ». Ouvertdepuis 2006, il se veut une alternative aux autrespéniches lyonnaises comme la Marquise ou laPlateforme. La plupart des groupes qui seproduisent sont indépendants, à l'écart descircuits commerciaux classiques. Electro, rock,folk... La programmation est éclectique,pointue et le contact avec le public plutôtdirect si l'on en juge par la taille de la salle !Depuis que le Sonic existe, carte blanche a étélaissée à une centaine d'associations pourorganiser des soirées à thème ou des concertset faire connaître ceux qui ne sont pasforcément dans la lumière. > 4 Quai des Etroits, Lyon 5e

DE L’AUTRE CÔTÉ DU PONT BAR

L’Autre Côté du Pont, c’est une brasserie, unbar, un restaurant, une salle de concert… Il estle seul à Lyon à ne pas servir de verre du pluscélèbre des sodas. Projections de films,spectacles de marionnettistes interprétant lemythe de Fantômas ou alors un slam bienengagé. Côté musique, il y a de tout avec durock, du rap, du populaire, de l’electro... Unsacré choix pour se déhancher. Et un bonmoyen de couper avec le monde extérieur. Lelieu se veut lui aussi très attrayant, mais pas tropchatoyant avec des murs en pierre quiintensifient les murmures. C’est un lieu derencontres. Amateurs de littérature,altermondialistes et artistes alternatifs vousinviteront sûrement à leur table pour discuter del’avenir du monde, autour d’un bon repasfermier. > 25 cours Gambetta, Lyon 7e

LA GRYFFE LIBRAIRIE

Cette librairie libertaire est uniquementassociative, dirigée par un groupe d’unetrentaine de bénévoles depuis 1978. Unevéritable mine d’or pour ceux qui sont à larecherche de livres anarchistes, écologiques,féministes, philosophiques ou encore politiques. Une brochette de revues alternatives estégalement proposée ainsi que des disques, desCD, des K7 audio et vidéo. La Gryffe se ditpartie prenante de la lutte des classes, pour lecombat contre toutes les formes de pouvoir etle capitalisme. Mais c’est également un lieu deréflexion. Des débats autour de thèmespolitiques et d’actualité comme l’identitésécuritaire, des expositions et des soirées vidéosont régulièrement organisés. > 5 rue Sébastien-Gryphe, Lyon 7e

LE CROISEUR THÉÂTRE

Ce conservatoire d’expression populaire,soutenu par la ville dans le cadre du « projetémergence », est désormais conventionné pourla danse par la Ville de Lyon et la DRAC Rhône-Alpes. Mais le Croiseur promet de continuer àfavoriser et encourager l’expérimentationartistique comme il le fait depuis 12 ans. Rendez-vous les 15 et 16 décembre où se jouera« Phèdre et Hippolyte » d’Antoine Descanvelleet Mélanie Bozon, et en ce moment pour « Entredeux » présentés par la compagnie Stylistik. Loinde la « starification » des comédiens de théâtreet du coté tape-à-l’œil que proposent lescompagnies de danse actuelles, le Croiseurcontribue définitivement à développer lesmouvements underground à Lyon en faisantémerger des artistes autodidactes .> 4 rue Croix-Barret, Lyon 7e

À LYON

PAR DAMIEN CHÉDEVILLE, MAUD LÉPINE, ISABELLE MATERA, ROMAIN MONNIER, GUILLAUME ROCHON & JENNIFER SIMOES

© Romain Monnier

Page 26: So What la magazine des cultures alternatives

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«J e suis pour un théâtre ludique », explique UgoUgolini, co-fondateur de la compagnielyonnaise U-Gomina. Installée sur les pen-

tes de la Croix-Rousse, la compagnie existe depuis 25ans. Au programme : orgue de barbarie pour entraî-ner les chants de la rue, aventures et passions humai-nes. Huit comédiens s’efforcent de monter des spec-tacles à mi-chemin entre la comédie musicale et le théâtre.Pas question pour eux de jouer des pièces de Molièreou de Shakespeare. « Nous faisons du théâtre social pouraller à la rencontre du public, avec le désir d’amener laculture là où elle n’est pas présente ». C’est pour cette raison que U-Gomina se produitdans des lieux relativement insolites. Parmi eux, l’hô-pital psychiatrique du Vinatier ou des villages qui nedisposent pas de structures adaptées pour un contactquotidien avec la scène. « La manière dont les specta-teurs reçoivent nos réalisations est incroyable » enchéritUgo Ugolini. La compagnie U-Gomina participe éga-lement à de petits festivals en France et en Europe.L’objectif n’est pas d’être reconnu mais de pouvoir pra-tiquer une passion et de favoriser les échanges avec despublics d’horizons différents. Un choix qui ne va passans difficultés économiques. « On pratique l’autoges-tion. Chacun donne ce qu’il peut pour alimenter les cais-ses de la compagnie ». Ugo Ugolini n’a jamais deman-dé de subventions, estimant que les démarches sonttrop longues et complexes. De plus, le système de

méritocratie appliqué à l’attribution des subventionsne lui convient pas. Il regrette ainsi la main mise desgestionnaires sur la scène théâtrale. « Je ne veux pas entre-tenir les administrations et jouer seulement pour unpublic d’abonnés, dans lequel se retrouve toujours lesmêmes personnes. Car Lyon est un paradoxe : d’un côté,la culture subventionnée fonctionne bien grâce aux pro-grammes d’abonnement mis en place par les grands théâ-tres. De l’autre, la culture de proximité est dans un étatlamentable » déplore-t-il. Même galère économique, mais un discours quelquepeu différent chez le duo de la compagnie PrincesseClub. « La capitale des Gaules est un lieu réceptif à l’al-ternatif », selon Julie Nicol, auteur et comédienne.Née il y a 2 ans, la compagnie a imaginé ses deux pre-miers spectacles comme des épisodes de série télévi-sée. Un concept original qui intègre la vidéo et per-met ainsi de réunir deux passions. « On ne touche pasencore de salaire. On touche uniquement le RSA. Notrecompagnie s’autogère, mais nous espérons obtenir des sub-ventions auprès de la Ville. Nous avions fait une deman-de l’année dernière, mais elle a été rejetée ». En atten-dant, la compagnie Princesse Club en est déjà à sa troisièmeproduction mais a du mal à présenter ses œuvres.« L’accès aux scènes lyonnaises est très dur ». En atten-dant, le duo Julie Nicol et Maximilien Dumesnil sevoient ouvrir les portes de musées et de galeries d’art.

RAPHAËL MANCEAU

« U N G H E T T O C U L T U R E L »

EN SCÈNE

E N M A R G E D E S O R G A N I S M E S S U B V E N T I O N N É S , L E S C O M PA G N I E S D E T H É ÂT R E D E

R U E T E N T E N T D E S U R V I V R E D A N S L ’ U N I V E R S I M P I T O YA B L E D E L A S C È N E

C U LT U R E L L E . M Ê M E C O N S TAT C H E Z L E S N O U V E A U X A R R I V A N T S . M A I S S I L E

R E C O U R S A U F I N A N C E M E N T D I V I S E , L A G A L È R E E S T PA R TA G É E …

© Photo DR

Page 27: So What la magazine des cultures alternatives

2277

C R I S E D A N S L E S C N P LY O N N A I S . L E P D G G A L E S H K A M O R AV I O F F M E N A C E

D E F E R M E R C E S S I T E S C H A R G É S D ’ H I S T O I R E C I N É M AT O G R A P H I Q U E ,

M É L A N G E A N T G R A N D S N O M S E T C I N É A S T E S I N C O N N U S , F I L M S

O S C A R I S É S E T F I L M S D ’ A R T E T D ’ E S S A I D ’ U N N O U V E A U G E N R E …

C I E L O B S C U R P O U R L E C I N É M AA L T E R N A T I F

ZOOM

«C haque année, 100 à 150 films sont proje-tés uniquement aux CNP (Cinémas natio-naux populaires) », explique Jean-François

Buiré, président de l’association Les Inattendus. Cetteassociation essaie, avec d’autres collectifs cinéphiles, demaintenir un réseau de salles de cinéma alternatif àLyon. En août 2009, le cinéma Odéon ferme ses portes. Etfin septembre, plusieurs contrôleurs, agents d’entretienet trois responsables de la direction sont licenciés. Puisle 26 octobre, catastrophe pour les salariés. Le directeuret programmateur des CNP depuis 22 ans, Marc Artigauest licencié après ses propos et ses accusations faitescontre Galeshka Moravioff. « S’ils ferment, ce sera uneperte considérable pour tous les amateurs de films dits d’artet d’essai, mais aussi pour la ville de Lyon, berceau recon-nu de la culture cinématographique ». Chaque semaine, une dizaine de films sont projetésdans les sept salles des CNP Bellecour et Terreaux.Indiens, chinois, japonais, mais aussi européens. Ilsracontent tous une histoire, avec une écriture et des ima-ges différentes des grands standards. C’est à travers cesméthodes nouvelles que le cinéma alternatif retrouve saplace.

ALMODOVAR, HANEKE ET DARDENNE AUX CNP.Exemple actuel : la diffusion d’Eyes Wide Open, sélec-tionné dans la catégorie « Un certain regard », au der-nier festival de Cannes. Le film, réalisé par le cinéasteisraélien Haim Tabakman, raconte une histoire d’a-mour entre deux hommes au cœur du quartier juiforthodoxe de Jérusalem. On retrouve aussi des films d’art et d’essai ayant acquisune certaine notoriété, à l’image du Ruban Blanc, filmréalisé par Michael Haneke et récompensé par unePalme d’Or. « C’est ce qui permet aux CNP de survivre,mais ça ne dure pas. Sans les subventions, les CNP ferme-

ront », constate le président de l’association Les Inattendus.« N’oublions pas que dans les années 80, les CNP étaientles seuls à Lyon et dans la région à proposer des films decinéastes inconnus à l’époque, qui connaissent aujourd’huile succès ». C’est en effet là, dans cessalles, que les débuts du réalisateurespagnol Pedro Almodovar ou biendes frères Dardenne ont été présentésau public lyonnais.

UNE LUEUR D’ESPOIR. Depuis la miseà pied de Marc Artigau, la nouvelle pro-grammation relève de GaleshkaMoravioff. Désormais, les CNP sedotent de films plus commerciaux,tout en restant respectueux de cette tra-dition d’art et d’essai. Mais cela est sanseffet sur la fréquentation des specta-teurs. Depuis la bonne affluence réalisée en2007, les salles se remplissent de moinsen moins aux CNP de la Presqu’île.Leur avenir s’annonce donc aussi obs-cur que leurs salles. Une situation quin’est pas sans rappeler l’ex-CNPl’Odéon. Ou presque… Après sa fer-meture que l’on croyait définitive cetété, deux repreneurs locaux ont l’in-tention de préserver les salles del’Odéon. Ils n’en sont pas à leur pre-mier coup d’essai puisqu’ils ont sau-vé le Comoedia en 2006, après que sonancien propriétaire, l’UGC, l’a condam-né. Une lueur d’espoir pour les cinéphiles qui redou-tent qu’un clap de fin ne retentisse dans les CNP, der-niers garants du cinéma alternatif à Lyon.

GUILLAUME ROCHON

LLEESS CCNNPP EENN PPAANNNNEE

DD’’AALLTTEERRNNAATTIIVVEESS……

Les discussions entre les salariéset le directeur des CNP sontactuellement au point mort. Àla mi-novembre, GaleshkaMoravioff a envoyé un courrierà la Ville de Lyon et au Conseilrégional de Rhône-Alpes. Ilréclame des subventions àhauteur de 200 000 euros paran afin de « maintenir lesactivités des CNP et terminer lestravaux de rénovation ». Si sesexigences n’étaient pasrespectées, il a indiqué qu’ilferait fermer les CNP deBellecour et des Terreaux d’ici lami-décembre. Fin novembre, lesélus municipaux et régionauxdélégués à la culture ont donnérendez-vous au propriétaire desCNP pour s’expliquer, Maiscelui-ci a décliné le jour même.L’avenir des CNP est donctoujours indécis…

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Page 28: So What la magazine des cultures alternatives

SPÉCIALISATION Il y a cinq ans, Terre des Livres ne vendait que desouvrages ayant trait aux cultures africaines et ara-bes. Si la librairie est devenue généraliste, elle a conser-vé cette spécificité. « Les gens qui recherchent deslectures approfondies sur ces thèmes viennent direc-tement ici ; ils savent qu’on pourra les conseiller » expliqueSophie Doucet.

OPINION En entrant, les lecteurs remarquent tout de suiteque les rayons « féminisme » et « conflits sociaux »sont plus développés que dans d’autres librairies.D’après Sophie Doucet, il s’agit d’une réelle volon-té de proposer un autre genre de lecture, quelquechose de plus critique et qui sorte de la « littéra-ture de consommation ». Pourtant, il est possible d’ytrouver le dernier Guillaume Mussot ou AnnaGavalda. « Chacun doit pouvoir trouver son bonheur,il ne faut pas mépriser les auteurs populaires » au risquede faire fuir de nombreux clients.

GÉOSTRATÉGIE Lovée dans une petite rue du 7e arrondissement,la librairie ne semble pas des mieux situées pourse faire connaître. Erreur ! « On a la chance d’a-voir plusieurs universités et l’Institut d’études poli-

tiques à côté ». Un potentiel de clientèle plutôt enphase avec les lectures proposées…

TEMPS Pour Sophie Doucet, cela signifie donner sa chan-ce à un produit qui a besoin de temps. « À la Fnacou à Decitre, ils renvoient chez l’éditeur au bout d’unmois si le livre ne se vend pas. Ici, on attend un an ».Ce qui donne le temps de connaître les ouvrageset permet de ne pas les voir passer comme une chaî-ne d’usine. « On essaie de faire passer les livres avantl’argent » ajoute-t-elle.

ÉCONOMIE « Terre des livres a besoin d’économiser sur tout », admet-tent les libraires. Mais pas sur le stock ! Ils n’ontpas de système informatique, recyclent le papieret construisent eux-mêmes les étagères. Et un petitplus qui aide : le patron est propriétaire des murs.

DÉVELOPPEMENT DURABLE Les libraires se rendent eux-mêmes au dépôt deleurs éditeurs deux fois par semaine. « Cela fait tra-vailler les dépôts régionaux et puis cela évite que lescamions viennent jusqu’ici ». Et cela raccourcit lesdélais ; ce qui, entre nous, intéresse beaucoup plusles clients.

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PAR JENNIFER SIMOES

BONNES ADRESSES

LIBRAIRIE TERRE DESLIVRES, 86, rue deMarseille, 69007Lyon. Terre.des.livres.free.fr LA PLUME NOIRE, spécialisée enconflits sociaux etanarchisme. 19 ruePierre-Blanc, 69001Lyon.laplumenoire.org LE GRAND GUIGNOL,91, montée de laGrande-côte, 69001Lyon. Librairie-grandguignol.blogspot.comÀ PLUS D’UN TITRE, 4, Quai de lapêcherie, 69001Lyon

À LA PAGE

L A L I T T É R AT U R E A LT E R N AT I V E S E R A I T- E L L E E N D A N G E R À LY O N ? A P R È S L A F E R M E T U R E D EN O M B R E U X C A F É S L E C T U R E S , C ’ E S T A U T O U R D E S L I B R A I R I E S I N D É P E N D A N T E S D E C O N N A Î T R ED E S D I F F I C U LT É S À L ’ I M A G E D U G R A N D G U I G N O L S U R L E S P E N T E S D E L A C R O I X - R O U S S E . P O U R TA N T, S O P H I E D O U C E T, L I B R A I R E À T E R R E S D E S L I V R E S R E S T E O P T I M I S T E E T N O U S L I V R EL E S C L É S D E L A B O N N E S A N T É É C O N O M I Q U E D E S A L I B R A I R I E .

© Flickr.com

E N T E R R EO P T I M I S T E

LITTÉRATURE

Page 29: So What la magazine des cultures alternatives

A ntoine Dole, 28 ans, dirige la revue litté-raire « En attendant l’or » depuis septem-bre 2006. Un concept qui mêle les nou-

velles technologies à un format plus traditionnel :les auteurs de slam, poèmes, nouvelles et chansonssont repérés par appel sur le net. L’objectif ? Faireconnaître de jeunes talents qui se distinguent parun style peu académique, autrement dit, alterna-tif. Comment vous est venue l’idée de mêler revue littéraire et blogs ? Pendant plusieurs années, j’ai tenu un blog et je mesuis rendu compte que pas mal de gens lisaient ceque je faisais. Surtout, je me suis aperçu que beau-coup de bloggeurs écrivaient des textes intéres-sants mais n’avaient aucune visibilité. Alors j’aidécidé de les regrouper dans un fanzine que j’im-primais chez moi avec ma petite imprimante (rires).Très vite, des éditeurs m’ont sollicité parce qu’ilsétaient intéressés par mes contacts dans le milieualternatif. Quelle est votre définition de la littérature alternative ? Je préfère parler de scène alternative. Internet a démo-cratisé l’écriture. Il y a cinq ans, les seules person-nes qui avaient accès à la publication étaient issuesde cercles privés. Le net a fait bouger les lignes. Puisil y a eu des auteurs comme Virginie Despentes quiont bousculé les codes. Pour moi, la littérature, àplus forte raison alternative, doit être fondée surl’école de la vie et pas sur une formation universi-taire. N’avez-vous jamais eu peur d’enfermer ce côté alternatif dans unerevue littéraire ? Non. On peut tenir de nombreux discours sur lesystème mais il faut être intelligent et savoir l’uti-liser. C’est l’histoire du grain de sable : tu entresdans le système pour mieux le détraquer. Je nesigne jamais pour plus de deux numéros chez le mêmeéditeur. C’est un projet libre. Il faut qu’il bouge,qu’il voit des gens. Et je travaille bénévolement. Lesauteurs ne sont pas payés eux non plus. Enfin, jechoisis des éditeurs indépendants qui ne sont sousla direction d’aucun groupe.

Pour les auteurs, le bénéfice résidedonc dans la visibilité. Certains ont-ilsété contactés par des éditeurs ? Oui, sur les deux premiers numéros, plus d’une dizai-ne ont signé chez des éditeurs et publié des romansou des recueils de nouvelles. Qu’est-ce qu’un bon texte pour vous ? J’aime les lectures qui ne me laissent pas indem-ne, qui me dérangent. Il faut que je sente une cer-taine utilité. Si c’est juste pour me détendre, jepréfère encore voir un bon film.

«« SSII LLEESS SSUURRRRÉÉAALLIISSTTEESS AAVVAAIIEENNTT EEUU LL’’OOUUTTIILLIINNTTEERRNNEETT,, IILLSS SS’’EENN SSEERRAAIIEENNTT SSEERRVVII !! »»

C’est ce que pense Frederick Houdaer, écrivain etcollaborateur du blog des « H » auteurs. Ce blog,créé par des écrivains lyonnais, est avant tout une« formidable aventure humaine » où chaque auteurpeut s’exprimer quand il le souhaite, comme il lesouhaite.La Toile est, pour Frederick Houdaer, un formidableespace de liberté à l’heure où la place accordée par lapresse à la littérature se réduit comme peau de cha-grin. Le blog permettrait donc à l‘écriture de revenir sur ledevant de la scène, à une époque où le livre n’est plusau centre de tout. Pourtant, il pose des problèmesd’écriture. « Le texte ne peut pas être trop long car lalecture serait pénible à l’écran. Il faut donc aller vers desformes de poésies ou de courtes nouvelles », prévientFréderick Houdaer. Le fait de pouvoir diffuserinstantanément et gratuitement son travail est aussiun frein à l’élaboration du texte et « l’écriture bruten’est pas toujours intéressante ». Cela n’en reste pasmoins un réel moyen alternatif de se faire connaître.Mais comment rester visible quand le nombre deblogs littéraires ne cesse d’augmenter ? « Grâce auxliens ! », avoue Frederick Houdaer « Je suis tombé unefois sur le blog d’une étudiante qui avait mis un extraitd’un de mes poèmes. Ça m’a vraiment touché ».

PPOOUURR UUNNEEAAUUTTRREE ÉÉDDIITTIIOONN

La librairie lyonnaise À plusd’un titre édite et publieessais, romans, poésiesdepuis maintenant deuxans. Avec six collections etplusieurs dizaines de livresédités, elle représente unedeuxième chance pour lesauteurs qui n’arrivent pas àpercer dans les grossesmaisons. « En France, unepersonne sur trois écrit. Il y adonc énormément de gens quienvoient des manuscrits chezles éditeurs les plus connus.Malheureusement, beaucouppassent à la trappe »,explique Jean-Marc Luquet,responsable de la collectionLigne d’horizon (essais).Et représenter unealternative à l’éditionde masse ne veut pasdire accepter tous lesécrits n’ayant pas étéretenus chez d’autreséditeurs. On ne peut doncpas parler d’une qualitémoindre, ce qui peut être lecas lors de l’auto-édition.« Le choix est très subjectifmais on est tous d’accord pourdire que le style aénormément d’importance.Le contenu aussi : unclassique ne paraîtra jamaisdans notre collection deromans car ce n’est pas lecréneau », avertit Jean-MarcLuquet. Le contenu aussisemble très important.Edition alternative oblige,les essais parus chez Ligned’horizon sont souvent descritiques de la globalisationet du capitalisme sauvage. Malgré les difficultés dues àla diffusion et à ladistribution, la petiteédition lancée par cettelibrairie se développe. Jean-Marc Luquet assurerecevoir des manuscritstoujours plus nombreux :« le responsable des romans litau minimum sept manuscritspar mois ».

2299

« L E N E T F A I TB O U G E R L E SL I G N E S »

EN LIGNE www.myspace.com/enattendantlor

EN LIGNE LLeess «« HH »» aauutteeuurrss, www.lahorsde.com/hauteursEN LIGNE FFrreeddeerriicckk HHoouuddaaeerr, frederickhoudaer.free.fr

RENCONTRES

© Photo DR

Page 30: So What la magazine des cultures alternatives

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«N i trop long, ni trop court ». Le Projet Bermuda, c’est l’histoire de 42 auteurs, tous lyonnais, réunis au sein d’unrecueil de bandes dessinées édité par la librairie Expérience. Une histoire née il y a plus de deux ans de larencontre nocturne de dessinateurs locaux et d’éditeurs : « Tout est parti des soirées « saucisson/vin rouge » que nous

organisons à la librairie chaque 3e jeudi du mois. L’objectif premier était de faire se rencontrer auteurs lyonnais et éditeurs pourdénicher des talents. Et c’est de cette rencontre qu’est née l’idée d’un recueil de BD », explique Nicolas Courty, l’un des concepteursdu projet. Et l’idée a fait son chemin depuis la première édition du livre en juin 2007. Deux ans plus tard, voilà l’arrivée dusecond tome, le Projet Bermuda 2 : soit 384 pages d’histoires plus ou moins courtes… Originales, drôles, sérieuses parfois,

décalées souvent, toutes se succèdent avec desthèmes et des regards différents à chaque fois.Entre les anecdotes personnelles, les souvenirsde cours d’école, les brèves de sciences fictionset les saynettes loufoques comme celle d’unelocataire mangeuse d’enfants, le lecteur n’a pasle temps de s’ennuyer. Le pavé en vient même

à se dévorer bien trop rapidement… Dequoi attendre avec impatience la sortiedu prochain opus, en juin 2011. PPrroojjeett BBeerrmmuuddaa 22,, 2277 eeuurrooss

LLiibbrraaiirriiee EExxppéérriieennccee,, 55,, ppllaaccee AAnnttoonniinn--PPoonncceett,, 6699000022 LLyyoonn 0044 7722 4411 8844 1144

T rois ans après un premier opus « Surfing the Volcano » salué par la critique,Presidentchirac reprend du service auprès du label indépendant Platinum.Le duo caennais a enregistré ce nouvel album dans sa maison de campagne

avec ses vieux synthés pour organiser un joyeux fouillis d’arrangements. Dupremier au dernier des douze titres de « Yes Future », on se laisse tantôt griser parles accents pop ; pour ensuite céder aux torpilles électro acidulée ; et enfin ons’invite aux ballades mélancoliques avec « En 1996 ». Une régalade de déchargesacidulées dans la pure lignée du groupe rémois ALB. >> «« YYeess FFuuttuurree »»,, PPrreessiiddeennttcchhiirraacc,, 1122 eeuurrooss,, hhttttpp::////wwwwww..mmyyssppaaccee..ccoomm//pprreessiiddeenntt--cchhiirraaccmmuussiicc Z

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Les auteurs lyonnaisfont leur BD

© Xavier Alloy

Presidentchirac :« Mangez du

TROUVAILLES

pop »

© Présidentchirac, libre de droit

Page 31: So What la magazine des cultures alternatives

Artiste suisse aux influences germaniques, Markus Müller orne la galerieLe Néon de ses sculptures au physique improbable et non moinsautoritaire. L'austérité nordique transpire de ses oeuvres en contre-

plaqué, carton gris et autre polystyrène pour un résultat qui laisse pantois. Quepenser d'une équerre posée sur un morceau de mur-panneau nuageux (RightAngle) ? Tout simplement le résultat de la complexité de l'univers scientifico-philosophique de cet artiste né à l'aube des années 70. Il est en tout cassurprenant de découvrir à quel point il utilise l'illusion, notamment pour la piècecentrale de son exposition. Horoscope est « un dessin de bois massif en troisdimensions » à la taille et au volume imposants. Inutile de préciser que si vousn'habitez pas un triplex place Bellecour, vous n'aurez pas la chance d'habiller lemur de votre séjour avec cette pièce « anthropomorphique », selon les mots de ladirectrice d'expo, Julie Rodriguez-Malti. Bienvenue sur la planète Müller, entrespatialité et géométrie. Obscurantistes s'abstenir ! >> RRuuee BBuurrddeeaauu,, LLyyoonn 11eerr.. EExxppoossiittiioonn jjuussqquu’’aauu 1166 jjaannvviieerr,, eennttrrééee lliibbrree..

V ous en avez assez des plate-formes de téléchargementlégal traditionnelles et de leur catalogue restreint auxtitres produits par les majors ? CD1D.com se présente

comme l’alternative aux « supermarchés culturels ». Fondée en2004 par sept labels indépendants français - Aïlissam, CrashDisques, Facto Records, Foutadawa, Irfan , Jarring Effects etVicious Circle – le site pratique la vente équitable en reversant85 % de son chiffre d'affaires aux labels et aux artistes, sansréaliser de profit (voir notre enquête pages 10 & 11). Del’electro au folk, en passant par le rock indé, le funk ou lehardcore, CD1D dispose d’un large catalogue de 1020 artisteset d’une web-radio. L’interface claire et attractive permet desurfer entre les albums vendus entre 4 et 23 euros, etdisponibles dans tous les formats possibles et imaginables(CD, Flac, MP3, K7, vinyle…) L’omniprésence d’un jargonde spécialistes et l’impossibilité de consulter les avis desprécédents acheteurs pourront toutefois rebuter les novices. >> wwwwww..ccdd11dd..ccoomm

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L es éditions Denoël et D'ailleurs sont spécialisées dans la littérature étrangère. « L'art moderne et l'invention de soi », « pour une esthétiquede la globalisation » sont le genre de thèmes abordés dans leurs parutions. Un créneau si ce n'est alternatif, au moins spécialisé. Et avecO révolutions ils éditent là un ouvrage d'une grande singularité.

Un beau livre au sens premier du terme. Sobre. Esthétique. Un style calligraphique assez fin où seuls les « o » sont en couleurs tout au longde ce voyage littéraire ambivalent. Un vocabulaire généreux et souvent inventé ou emprunté, un texte comme codé et saccadé. Mark Z.Danielewski, également auteur de La Maison des Feuilles et connu pour son goût de l'expérimentation, retrace là l'histoire d'Hailey et Sam,deux garçons aux parcours intemporels et universels. Un Ovni littéraire captivant et déroutant, riche et complexe. D'abord par la mise enpage et le style de lecture qu'elle impose. Chaque page est divisée en deux moitiés inversées ce qui oblige à constamment retourner le livrepour suivre les histoires parallèles et saisir toute leur intensité. Les bords de page sont composés de manchettes semblables à des colonnes debrèves faisant référence à des évènements historiques allant du 22 novembre 1963 au 19 janvier 2063. Complexe aussi car O Révolutions,c'est 360 pages entre proses poétiques, énumérations et dialogues crus, délirants, alambiqués et impromptus. Un journal historique hallucinéponctué d'innombrables noms d'arbres ou de fleurs enchâssés au coeur du récit, rappelant les cut-up de William Burroughs ou les jeux deJorge Luis Borges. Un bouquin largement salué par la critique pour son audace mais aussi pour son extraordinaire poésie. L'oeuvre densed'un auteur iconoclaste mais pas forcément accessible.>> OO rréévvoolluuttiioonnss,, MMaarrkk ZZ.. DDaanniieelleewwsskkii,, 2255 eeuurrooss aauuxx ééddiittiioonnss DDeennooëëll eett DD’’aaiilllleeuurrss..

LE lieu de téléchargement

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Objet littéraire non identifié

de musique alternative

TROUVAILLESQuand l'extravagance helvèterencontre la sobriété germanique

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© Damien Chédeville

© Romain Monnier

Page 32: So What la magazine des cultures alternatives

Musique, electro, graff, diversité, Tracks,Friche RVI, CNP, GrrrndZéro, rave party,associations, Hip-hop, EXPÉRIMENTATION,Les Subsistances, Najat Vallaud-Belkacem,Fabrice Raffin, théâtre, Pockemon Crew,Myspace, U-Gomina, À plus d’un titre.

DO IT YOURSELFauto-édition, cinéma, Radio Canut, No dogs,CD1D, Music is not fun, Barbe à pop,affichage sauvage, Fabrice Lextrait, leSonic, Berlin, les Nuits Sonores, Glandeurnature, Le Croiseur, Les Valseuses, Princessclub, Les inattendus, underground.

KKKK eeee ssss kkkk iiii ssss cccc pppp aaaa ssss ssss .... cccc oooo mmmm


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