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Volume 1 Document principal : résumé des échanges

Volume 1 Document principal : résumé des échangesetudes.uemoa.int/upload/actes_forum 25 ans_vol 1_document... · 2020-02-17 · 01, [email protected], +225 20 32 24 25, +225

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Volume 1

Document principal : résumé des échanges

UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE

COMMISSION DE L'UEMOA

ACTES DU FORUM DU 25ème

ANNIVERSAIRE DE

L’UEMOA

Thème

"UEMOA, 25 ANS: ENSEMBLE, RELEVONS LE DEFI DE LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ET DES BIENS DANS UN ESPACE

COMMUNAUTAIRE SECURISE"

Ouagadougou, Burkina Faso, les 07 et 08 octobre 2019

Volume 1

Document principal : résumé des échanges

i

Préface

Vingt-cinq ans ! C’est le temps écoulé depuis la signature, le 10 janvier 1994, du Traité qui a

porté sur les fonts baptismaux l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).

A l'échelle humaine, 25 ans constituent l'âge de la maturité. C’est aussi et surtout un tournant

qu’il importe de marquer d'une pierre blanche en s’arrêtant pour à la fois jeter un regard

rétrospectif sur le chemin parcouru et se projeter dans l’avenir.

Cet exercice est d’autant plus important que notre région s’est profondément transformée au

cours de ces 25 années passées. De nouvelles ambitions régionales s’expriment, comme

celle de la volonté de création d’une monnaie unique à l’échelle de la CEDEAO. De nouvelles

menaces sécuritaires ont surgi, mettant à mal le rêve fondateur de notre Union, celui d’un

espace au sein duquel les personnes et les biens circulent librement. Ce n’est donc pas un

hasard si le choix a été fait de porter la réflexion de ce 25ème anniversaire sur la thématique

"UEMOA, 25 ans : ensemble, relevons le défi de la libre circulation des personnes et

des biens dans un espace communautaire sécurisé".

C’est l’exercice auquel la Commission a convié l’ensemble de ses partenaires lors du Forum

tenu, à Ouagadougou, du 07 au 08 octobre 2019. A cette occasion, décideurs, experts,

chercheurs, professionnels, acteurs de la société civile, femmes et hommes des médias ont

croisé leur regard sur l’Union, ses succès et ses échecs en matière de liberté de circulation

des personnes et des biens.

Il m’est particulièrement agréable de remercier l’ensemble des participants pour leurs

interventions riches et pertinentes qui offrent à la Commission une solide base de

connaissances qu’elle exploitera pour nourrir sa propre réflexion.

Le présent document, condensé en deux volumes, contient l’ensemble de ces contributions.

L’ambition de la Commission est que celles-ci puissent servir l’ensemble des acteurs qui, à un

titre ou à un autre, souhaitent l’exploiter.

Au-delà des milieux scientifiques et techniques, ces actes promis à une large diffusion,

s'adressent également à l'ensemble des citoyens de l'Union, pour le bien-être desquels nous

œuvrons quotidiennement et auxquels, je dédie, tout naturellement cet ouvrage.

Abdallah BOUREIMA

Président de la Commission de l'UEMOA

ii

Mentions légales et techniques Les idées exprimées et la terminologie employée dans cet ouvrage n'engagent que leurs auteurs et ne reflètent

pas forcément la position de la Commission dont le rôle principal s’est limité à la simple consolidation des

communications à des fins de lecture.

La reproduction de cette publication dans un but non commercial, notamment éducatif, ne nécessite aucune

autorisation écrite préalable des détenteurs des droits d’auteur, à condition que la source soit dûment citée. En

revanche, toute reproduction à des fins commerciales est interdite, sauf autorisation écrite préalable des détenteurs

des droits d’auteur.

1 Chef de la Division de la Stratégie, des Etudes et de la Prospective (DSE/PCOM) 2 Directeur de la Stratégie et de l'Evaluation (DSE/PCOM) 3 Secrétaire Général de la Présidence de la Commission 4 Conseiller Technique du Président de la Commission 5 Chargé de mission à la Présidence de la Commission 6 Directeur du Secrétariat de la Commission, des Archives et de la Documentation (DSCAD/PCOM) 7 Chargée de la Gestion des connaissances (DSE/PCOM)

Publié par Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)

Droits d’auteur © 2020 UEMOA

Coordination Souleymane DIARRA1, Aly D. COULIBALY2

Comité de lecture Ahio Augustin NIANGO3, Koffi NGOYET4, Sékongo Clément OUOLLO5, Kadiatou TOURE6, Aly D. COULIBALY, Souleymane DIARRA, Fatimata DIALLO7

Mise en page Fatimata DIALLO Illustration de la

une de couverture Visuel du Forum des 25 ans de l'UEMOA

Citation de l'ouvrage

UEMOA (2020) UEMOA, 25 ans : ensemble, relevons le défi de la libre circulation des personnes et des biens dans un espace communautaire sécurisé. Actes du forum du 25ème anniversaire de l’UEMOA, Ouagadougou, Burkina Faso, les 07 et 08 octobre 2019 / Préf. de Abdallah BOUREIMA. -Vol. 1 : Document principal. Résumé des échanges -Vol. 2 : Annexes. Communications intégrales des panelistes

Disponibilité

Version électronique sur le site www.uemoa.int

Version papier auprès :

du siège de la Commission de l'UEMOA, 380, Avenue Professeur Joseph KI-ZERBO 01 BP 543 Ouagadougou, BURKINA FASO, [email protected], Tél. : +226 25 31 88 73 à 76, Fax : +226 25 31 88 72

des Bureaux de Représentation

- BENIN : Villa n° 13, Allée 4, Résidences CEN-SAD Fadoul BP 01 BP 521 Cotonou,

[email protected], +229 66 76 86 02 Direct Chef de Secrétariat, +229 21 06 01

80 Direct Chef de Secrétariat, +229 21 06 00 70 Direct RR +229 21 15 96 05 Direct

AAF, +229 21 06 01 80

- COTE D'IVOIRE : Abidjan Plateau, Avenue NOGUES – Immeuble LA

PREVOYANCE Bâtiment «B» 1er Etage - Bureaux 2101 et 2102 01 BP 4354 Abidjan

01, [email protected], +225 20 32 24 25, +225 20 32 24 31

- GUINEE BISSAU : Rue 15, Général Omar Torrijos BP 727 Bissau,

[email protected], +245 95 541 94 21,

- MALI : Hamdallaye, ACI 2000, 3ème étage de l’Immeuble Mgr Jean Marie CISSE

BP: 2365 Bamako, [email protected], +223 20 29 01 66, +223 44 90 18 29,

+223 20 29 01 67

- NIGER : Niamey N°1330 Bd de l’Indépendance (Quartier Yantala) BP 896 Niamey

[email protected], +227 20 35 04 85, +227 20 75 21 60

- SENEGAL : Dakar : 7 bis, Rue Jean Mermoz - 8ème étage BP 6650 Dakar Etoile,

[email protected], +221 33 889 09 70, +221 33 842 11 24

- TOGO : Cité OUA, au sein de l’Immeuble CICA-RE 05 BP 1009 Lomé,

[email protected], +228 22 26 56 11

- BELGIQUE : Boulevard Brand Whitlock, 79 1200 Bruxelles,

[email protected], +32 2 763 07 87, +32 2 772 07 03

- SUISSE : 23, Avenue de France - 1202 Genève, [email protected], +4122 734

37 60, +4122 734 37 61

iii

Remerciements

La célébration des 25 ans d'existence de l'UEMOA s'est matérialisée par différentes

manifestations tenues aussi bien au siège de notre institution commune, à

Ouagadougou, au Burkina Faso, que dans les pays membres. Le Forum dont les

résultats sont ici présentés a été un des temps forts de cette célébration.

Le Forum des 25 ans a été conduit à travers la tenue de sessions plénières

successives. Ces sessions ont été animées par des personnalités d’expérience

avérée. En prélude aux sessions, une conférence inaugurale a été donnée dans le

prolongement de la cérémonie solennelle d’ouverture.

Les présents actes du forum, recensent toutes les contributions des panélistes de

divers horizons, mobilisés à cette occasion.

L'ouvrage s'enrichit également des contributions de décideurs politiques, d’invités de

la société civile, de journalistes et d’étudiants.

Par ma voix, le Comité d’organisation des activités commémoratives des 25 ans de l’UEMOA exprime toute sa gratitude aux participants au forum pour leur travail remarquable et leur engagement qui ont contribué largement au succès de l’évènement.

Augustin Ahio NIANGO

Président du Comité d’organisation du

25ème anniversaire de l’UEMOA

Table des matières

PREFACE .................................................................................................................................................... I

MENTIONS LEGALES ET TECHNIQUES ........................................................................................................... II

REMERCIEMENTS ...................................................................................................................................... III

INTRODUCTION GENERALE .......................................................................................................................... 1

OUVERTURE DU FORUM .............................................................................................................................. 2

Allocution de bienvenue et d’ouverture du Forum .......................................................................... 2

Présentation de l’allocution d’ouverture ...................................................................................... 2

CONFERENCE INAUGURALE ........................................................................................................................ 3

Enjeux de l’intégration et perspectives de l’Afrique en général et de l’Afrique de l’ouest en

particulier ............................................................................................................................................. 3

Résumé de la conférence inaugurale ......................................................................................... 3

Réactions et débats sur la conférence inaugurale ...................................................................... 5

Réactions et débats des participants ...................................................................................... 5

Réponses du conférencier ...................................................................................................... 6

Synthèse de la séance inaugurale .............................................................................................. 6

THEME 1 : CONDITIONS POUR UNE LIBERTE EFFECTIVE DE CIRCULATION ET D’ETABLISSEMENT DES PERSONNES

DANS L’UEMOA ................................................................................................................................... 8

Panel 1 : Accélération des reformes communautaires portant sur la libre circulation des

personnes et le droit d’établissement dans l’UEMOA ..................................................................... 9

Synthèse des travaux du panel 1 ................................................................................................ 9

Intervention de Monsieur Tertius ZONGO .................................................................................10

Résumé de l’Intervention .......................................................................................................... 10

Intervention du Professeur Wautabouna OUATTARA .............................................................12

Résumé de l’Intervention .......................................................................................................... 12

Intervention du Docteur Cheikh Oumar BA ...............................................................................14

Résumé de l’Intervention .......................................................................................................... 14

Réactions et débats .................................................................................................................. 15

Réactions et débats des participants .................................................................................... 15

Réactions des panelistes ....................................................................................................... 17

Panel 2 : Actions novatrices pour une liberté effective de circulation des personnes ............18

Synthèse des travaux du panel 2 .............................................................................................. 18

Intervention du Professeur Alioune SALL .................................................................................19

Résumé de l’intervention ........................................................................................................... 19

Intervention de S.E. le Général Salou DJIBO ............................................................................21

Résumé de l’intervention ........................................................................................................... 21

Intervention de Monsieur Sékou TANGARA .............................................................................23

Thème : Plaidoyer de journaliste en faveur de la libre circulation des personnes et des

biens ...................................................................................................................................................23

Résumé de l’intervention ........................................................................................................... 23

Réactions et débats .................................................................................................................. 24

Réactions et débats des participants .................................................................................... 24

THEME 2 : LEVEE DES OBSTACLES A LA FLUIDITE DU COMMERCE INTRA REGIONAL DANS L’UEMOA ...........26

Panel 3 : Conditions de l’effectivité de la réglementation et des législations communautaires

en matière de commerce intra régional .........................................................................................27

Synthèse des travaux du panel 3 .............................................................................................. 27

Intervention de Madame Ayaba Claire HOUNGAN AYEMONNA .............................................28

Intervention du Docteur Ablassé OUEDRAOGO .......................................................................30

Intervention du Professeur Luc-Marius IBRIGA .......................................................................33

Résumé de l’intervention ........................................................................................................... 33

Intervention du Docteur Paul Koffi KOFFI .................................................................................38

Résumé de l’intervention ........................................................................................................... 38

Réactions et débats .................................................................................................................. 39

Réactions et débats des participants .................................................................................... 39

Réactions des panelistes ....................................................................................................... 42

Panel 4 : Nouvelles approches à préconiser pour accroître le niveau du commerce intra

régional ...............................................................................................................................................44

Synthèse des travaux du panel 4 .............................................................................................. 44

Intervention du Docteur Ayissi Jacques DEGBELO.................................................................46

Résumé de l’intervention ........................................................................................................... 46

Régime douanier de la libre pratique ................................................................................... 46

Implication de toutes les Parties Prenantes et des Médias dans les PCJ .............................. 46

Conclusions ............................................................................................................................... 47

Intervention du Docteur John O. IGUE ......................................................................................48

Résumé de l’intervention ........................................................................................................... 48

Intervention du Professeur Lambert N’galadjo BAMBA ..........................................................50

Comment expliquer la faiblesse du commerce intracommunautaire de l’espace UEMOA ? ....50

Résumé de l’intervention ........................................................................................................... 50

Intervention de Monsieur Tèi KONZI ..........................................................................................53

Résumé de l’intervention ........................................................................................................... 53

Réactions et débats .................................................................................................................. 53

Réactions et débats des participants .................................................................................... 53

Réactions des panélistes ....................................................................................................... 56

CONCLUSION GENERALE...........................................................................................................................59

1

Introduction générale

Les 7 et 8 octobre 2019 s’est tenu, à Ouagadougou, à l’hôtel LAICO, le forum intitulé

"UEMOA, 25 ans : ensemble relevons le défi de la libre circulation des personnes

et des biens dans un espace communautaire sécurisé".

Ce forum, qui s’inscrit dans le cadre des activités commémoratives du 25ème

anniversaire de la création de l’UEMOA, visait les trois objectifs suivants :

favoriser le dialogue entre les principaux acteurs de l’intégration régionale et

les mobiliser autour des défis majeurs actuels ;

recueillir les contributions sur la réalité de la libre circulation des personnes et

des biens, en lien avec l’évolution du contexte sécuritaire, et esquisser des

pistes d’amélioration ;

formuler, à l’attention des Hautes Autorités de l’Union, des recommandations

pertinentes pour faire de l’UEMOA un espace de prospérité, tel que défini par

le Traité.

Les travaux du forum portaient sur les deux grands thèmes suivants :

conditions pour une liberté effective de circulation et d’établissement des

personnes dans l’UEMOA, avec deux sous-thèmes relatifs l’un à

l’accélération des réformes communautaires portant sur la libre circulation des

personnes et le droit d’établissement dans l’UEMOA, l’autre aux actions

novatrices pour une liberté effective de circulation des personnes ;

levée des obstacles à la fluidité du commerce intra régional dans

l’UEMOA, avec également deux sous-thèmes, le premier portant sur les

conditions de l’effectivité de la réglementation et des législations

communautaires en matière de commerce intra régional, et le deuxième sur les

nouvelles approches à préconiser pour accroitre le niveau du commerce intra

régional.

A cet effet quatre (04) panels, à raison de deux panels par sous thème, ont été animés

par des personnalités, des praticiens de haut niveau et des universitaires de la sous-

région choisis comme panélistes.

Outre ces personnalités, praticiens de haut niveau et universitaires, le forum a connu

la participation de nombreuses personnalités issues d’Organisations et d’Institutions

partenaires de l’Union et des représentants des Institutions spécialisées de l’Union, de

personnalités politiques de la région, de représentants des acteurs de la sous-région

concernés par les différents thèmes du forum, de membres de la société civile, de

journalistes et d’étudiants des Etats membres de l’UEMOA résidant au Burkina Faso.

Le présent document, portant "actes du forum" expose, pour chaque session la

synthèse des travaux, le résumé des différentes communications faites par les

panélistes, le résumé des réactions des participants ainsi que les réponses des

intervenants.

2

Ouverture du Forum

Allocution de bienvenue et d’ouverture du Forum

M. Abdallah Boureima

Président de la Commission de l’UEMOA

Présentation de l’allocution d’ouverture

Dans son allocution d’ouverture et de bienvenue aux participants, le Président de la

Commission de l’UEMOA a situé le cadre de la rencontre et fait part des attentes des

Autorités de l’Union, notamment celle de disposer du produit des réflexions de

l’ensemble des parties prenantes à l’intégration régionale et de recueillir leurs

contributions pour des actions fortes destinées à assurer la mise en œuvre effective

des dispositions du Traité relatives à la libre circulation des biens et des personnes

dans un espace communautaire sécurisé.

Le Président de la Commission de l’UEMOA a rappelé les acquis et les avancées de l’Union. Il a ainsi fait mention du tarif extérieur commun, adopté depuis l’année 2000, des dispositions prises pour assurer la mobilité des étudiants dans l’espace communautaire, de l’ensemble des textes relatifs au libre établissement des professions libérales et à la reconnaissance mutuelle des visas délivrés par les Etats membres de l’Union.

Le Président de la Commission a cependant indiqué qu’en dépit de ces avancées les échanges communautaires restent encore en deçà des attentes, ne représentant que 11,6% des échanges totaux des Etats membres en 2017. Soulignant la persistance des tracasseries qui limitent la portée des mesures prises par l’Union pour faciliter la libre circulation et le droit d’établissement, le Président a reconnu la complexité de la situation du fait de l’insécurité multiforme et grandissante dans la sous-région.

Avant de clore son propos, le Président de la Commission a invité les participants au Forum à s’interroger sur les points suivants :

le faible niveau des échanges dans l’espace communautaire ;

la conciliation de la libre circulation des biens et services avec les questions de

sécurité ;

la conciliation de la liberté d’établissement avec les questions de sécurité.

Concluant son propos, le Président a exprimé sa confiance en la capacité de l’ensemble des participants au Forum de proposer des solutions pertinentes que la Commission entend soumettre au plus Hautes Autorités de l’Union.

3

Conférence inaugurale

Enjeux de l’intégration et perspectives de l’Afrique en général et de l’Afrique de l’ouest en particulier

Pr Alioune SALL

Directeur Exécutif de l’Institut des Futurs Africains

Résumé de la conférence inaugurale

Selon le Professeur SALL, les efforts d’intégration régionale dans le cadre de la

CEDEAO ou de l’UEMOA ont des racines lointaines. En effet, la mystique de

l’intégration est fort ancienne en Afrique. En témoignent les rêves d’une Afrique unie

des présidents Kwamé NKRUMAH, Modibo KEITA et Sékou TOURE dans les

premières années des indépendances, avec la mise en place en 1961 de "L’Union des

Etats Africains", ainsi que la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en

1963. Cette mystique de l’intégration trouve un regain d’intérêt significatif en 2018 avec

la signature de l’Accord sur la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf)

qui, ratifié à ce jour par 27 des 54 Etats signataires, est entré en vigueur le 30 mai

2019.

La ZLECAF est grosse de promesses, le processus d’intégration africaine, depuis la

création de l’OUA – transformée en Union Africaine en 2002 –, ayant jusqu’ici reposé

sur deux constantes majeures, à savoir :

le principe de la progressivité, soit une approche incrémentale ;

la centralité des Communautés Economiques Régionales (CER), dont celle qui

concerne les Etats de l’UEMOA est la CEDEAO qui comptait 380 millions

d’habitants en 2018, soit 40% de la population africaine à cette date.

L’auditoire a été invité à faire un bilan de la marche vers l’intégration économique

africaine à trois niveaux :

en dépit de tous les efforts, l’intégration n’est pas au rendez-vous, le commerce

intra-africain ne représentant en 2018 que 16% du total des échanges de

l’Afrique, à comparer avec des chiffres de 68% pour l’Europe et d’environ 55%

pour l’Asie ;

selon un rapport conjoint de la CEA et de la BAD, seuls 3 des 8 CER ont atteint

en 2018 le stade de Zone de Libre Echange et d’Union Douanière, l’UEMOA

pouvant ici s’enorgueillir d’être une Union Douanière depuis l’an 2000, avec des

progrès également pour la CEDEAO en 2015 ;

le degré d’intégration régionale, selon l’indicateur d’intégration régionale de la

Commission de l’Union Africaine et de la BAD, montre que les scores les plus

faibles de cet indicateur composite sont observés sur la dimension "intégration

financière" et sur la dimension "intégration macroéconomique".

4

Au total, la zone CEDEAO-UEMOA se caractérise par la multiplicité des protocoles

relatifs à la fois à la libre circulation des personnes, des biens et services et à la liberté

d’établissement. Si ces textes ont permis d’importants progrès, les indicateurs

démontrent que l’on est encore loin du compte, avec un commerce intra-CEDEAO

représentant entre 10% et 11% des échanges totaux, à comparer aux 20% que réalise

la Communauté des Etats d'Afrique de l’Est (CEA).

Certes, ces statistiques n’intègrent pas les données relatives aux échanges informels,

qui sont significatifs dans la zone et font l’objet de travaux de recherche tant au niveau

de la CEDEAO qu’à celui de l’UEMOA. L’origine des faiblesses des indicateurs officiels

est à rechercher dans les entraves de toutes natures à la libre circulation. Il s’agit de

savoir quelles sont les causes de ces entraves.

Dans l’ensemble, la zone CEDEAO enregistre d’importantes réalisations, car toutes

les institutions prévues pour son fonctionnement ont été mises en place. L’Union

Douanière a été réalisée en 2000 en ce qui concerne l’UEMOA et en 2015 pour la

CEDEAO, malgré quelques réserves liées à l’observance de délais d’adaptation, des

politiques communes ont été adoptées dans divers secteurs – agriculture, transport,

énergie, etc. – et le taux de croissance économique est appréciable avec une

moyenne de 6,3% entre 2012 et 2017.

Cependant les défis qui demeurent sont énormes et concernent notamment :

la gouvernance sécuritaire ;

la gouvernance politique, avec pour signe la contestation de la quasi-totalité

des résultats des processus électoraux ;

le développement des ressources humaines, avec des taux d’analphabétisme

au-dessus de la moyenne subsaharienne et des taux d’accès aux différents

niveaux d’enseignement en-dessous des moyennes de l’Afrique au Sud du

Sahara ;

les infrastructures, qui ne répondent pas au souci réel de facilitation des

échanges des pays enclavés de la sous-région ;

l’intégration monétaire dans la zone Eco qui aura un impact important sur la

zone UEMOA habituée au franc CFA et à la gestion centralisée de cette

monnaie par la BCEAO, avec les incertitudes que cela comporte.

La réflexion globale devra se faire de concert avec la CEDEAO, sous un angle

prospectif, avec le souci pour l’UEMOA de collaborer avec la CEDEAO sans se

saborder, sans renier ses acquis, ce qui est possible si l’on y met de la volonté

politique.

5

Réactions et débats sur la conférence inaugurale

Réactions et débats des participants

Les participants ont indiqué avoir bien apprécié le rappel des initiatives de la longue

marche vers l’intégration et des piliers de cette intégration à l’échelle africaine que sont

les Communautés Economiques.

L’exposé inaugural a eu le mérite d’avoir dressé l’état d’un développement de

l’intégration mitigé selon les Communautés régionale, tout en soulignant la situation

relativement confortable de la CEDEAO qui est dans le trio de tête.

Le conférencier a bien identifié un certain nombre de défis et perspectives. Le premier

de ces défis est celui d’une réflexion prospective, exploratoire, pour identifier les

conditions cadres nécessaires à la réalisation des objectifs fixés et le cheminement

pour parvenir à l’intégration continentale.

Quant aux défis et aux perspectives spécifiques à l’UEMOA, malgré les importantes

réalisations qui ont été rappelées dans divers domaines et secteurs, l’UEMOA reste

encore, sur le chemin de l’intégration régionale, confrontée à de multiples crises dont

celles sécuritaire et institutionnelle.

A ces défis de gouvernance s’ajoutent le défi du développement des ressources

humaines nécessaires à la réussite de l’intégration régionale, le défi du

développement des infrastructures de transport pour faciliter les échanges de

marchandises, mais également celui d e l’avènement de la monnaie unique CEDEAO.

En ce qui concerne les relations entre l’UEMOA et la CEDEAO, les participants ont

tenu à souligner que la CEDEAO a bénéficié, de par le passé, des inputs de l’UEMOA,

notamment sur le TEC de la CEDEAO. Sur la plupart des projets, y compris celui de

la monnaie unique, les deux Commissions travaillent de concert, conscientes que c’est

ensemble qu’elles vont réussir.

Pour ce qui concerne la monnaie unique, il a été décidé lors de la 55ème session

ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat de retenir un régime de change flexible,

un cadre de politique monétaire axé sur le ciblage de l’inflation, le nom de la monnaie

unique étant également retenu, l’Eco, de même qu’une date d’entrée en vigueur de

cette monnaie.

Ce qu’il faut également retenir c’est que l’accès à cette monnaie est lié au respect de

critères de convergence. Et quand on voit le profil de convergence qui se dessine

aujourd’hui, les pays membres de l’UEMOA sont les plus proches pour atteindre les

cibles à cet horizon de convergence, probablement à la fin de l’exercice 2019.

Concernant la centralité des comités d’intégration régionale comme piliers de

l’intégration, pour impulser l’intégration régionale, il ressort qu’on est loin du compte.

D’où la nécessité d’opérer un certain nombre de réformes à l’intérieur même des

structures d’intégration pour qu’elles soient des forces de proposition.

S’agissant de la crise sécuritaire, il est nécessaire de produire des connaissances

autonomes sur nos sociétés de manière à en permettre la résolution.

6

Enfin, l’UEMOA doit se pencher sur la question démographique, dans l’optique

d’améliorer la qualité des ressources humaines, de sorte qu’à l’instar des pays

asiatiques nous puissions en faire des leviers de développement durable.

Réponses du conférencier

Il faut distinguer, dans la question démographique, la notion de transition

démographique de celle de dividende démographique. La transition démographique

est largement entamée dans nos pays, mais elle ne suffit pas pour engendrer le

dividende démographique qui, lui, se rattache aux politiques publiques permettant

d’accélérer la croissance économique et de générer le bien-être à la faveur des

changements dans la structure de la population.

S’agissant des paradigmes et des approches que nous avons des problèmes de

développement, de la lecture que nous faisons de nos sociétés, il faut se départir du

fondamentalisme du marché, tout comme de l’idée qu’il n’y a pas d’alternative à la

trajectoire qui a été suivie par certains pays, car cette idée est antithétique avec la

notion de développement comprise comme processus pour se libérer des carcans, y

compris des carcans de type idéologique. Il faut rejeter l’idée qu’il y a un modèle à

suivre parce que l'admettre c’est accepter que le passé des autres doit être notre

futur. Nous devons faire en sorte que, dès aujourd’hui, les mesures soient prises pour

construire l’avenir que le continent souhaite pour lui-même, que nous souhaitons pour

nous-mêmes et pour nos enfants.

Dans le même esprit, le Professeur Joseph KI-ZERBO disait "il n’existe pas de

développement clé en main mais plutôt clé en tête". Les think tanks de l’UEMOA

devraient contribuer à ce que l’on s’interroge sur les théories canoniques, notamment

en matière de relations économiques internationales.

Le "développement clé en main" n’existe pas. Le développement est d’abord

une affaire d’état d’esprit et d’abord une affaire de réflexion sur soi, sur les

autres. On ne se développera pas tant qu’on ne répondra pas à la question de

savoir "qui et quels nous sommes" comme disait Aimé Césaire.

Les Etats devraient respecter scrupuleusement leurs propres décisions, participer de

manière conséquente aux négociations internationales sur le commerce et respecter

les règles de l’OMC auxquelles ils ont souscrit.

A l’heure où le multilatéralisme et les différents accords de libre-échange sont remis

en cause, il faudrait s’interroger sur l’avenir des organisations d’intégration régionale

et sous-régionale, y compris sur la viabilité de l’accord sur la ZLECAf.

Synthèse de la séance inaugurale

A travers cette conférence inaugurale, le débat a été campé, les problématiques

identifiées et les perspectives ont été esquissées. Ces problématiques et ces

perspectives seront approfondies à travers les travaux du forum. Une note

d’orientation sera élaborée sur cette base et soumise aux plus hautes autorités de

l’Union. Sa mise en œuvre incombera naturellement à tous les acteurs responsables.

Au sortir de cette session, il importe de retenir un certain nombre de défis identifiés :

7

d’abord, un défi immédiat qui consiste à réfléchir sur comment entrer dans

l’Eco, tout en gardant les acquis de l’UEMOA ;

le défi du rattrapage du gap infrastructurel afin de relever le niveau du

commerce intra régional ;

le défi de la mise en place de politiques idoines pour développer les ressources

humaines ;

le grand défi démographique, qui est qu’il nous faut absolument assurer notre

transition démographique avant de penser à profiter du dividende

démographique ;

le défi d’élever la productivité de nos économies, afin de permettre l’insertion

dans le commerce international, de sorte que l’on ne soit pas simplement des

déversoirs de produits finis mais qu’on puisse jouer un rôle actif dans les

échanges ;

le défi de devoir juguler la crise sécuritaire qui impacte fortement une grande

partie de nos économies, notamment les pays qui sont sur la ligne de front et

dont une bonne part du PIB est orientée sur ces dépenses sécuritaires - 2,4%

du PIB pour certains pays, sur fond d’une baisse de 4 points de la pression

fiscale dans certains pays de la ligne. Ce défi est d’une importance capitale ;

dernier défi à relever c’est de mener des réflexions dans le cadre d’une étude

prospective, exploratoire, pour identifier les cadres nécessaires à l’atteinte des

objectifs susmentionnés.

8

Thème 1 : Conditions pour une liberté effective de circulation et d’établissement des personnes dans l’UEMOA

Panel 1 : Accélération des réformes communautaires portant sur la libre circulation des personnes et le droit d’établissement dans l’UEMOA

Panel 2 : Actions novatrices pour une liberté effective de circulation des personnes

9

Panel 1 : Accélération des reformes communautaires portant sur la libre circulation des personnes et le droit d’établissement dans

l’UEMOA

Modérateur des séances du panel 1 : Mme Fily BOUARE SISSOKO

Commissaire de l’UEMOA, chargée du Département du Développement de l’Entreprise, des Mines et de l’Economie Numérique (DEMEN)

Panélistes : Dr Cheikh Oumar BA, Directeur Exécutif l'Initiative Prospective Agricole

et Rurale (IPAR) Président du Comité Exécutif du Réseau des Think Tank UEMOA

Pr Wautabouna OUATTARA Directeur Général de l’Intégration Africaine de la Côte d’ivoire

M. Tertius ZONGO Président Chaire Sahel, Ancien Premier ministre du Burkina

Synthèse des travaux du panel 1

Les travaux au sein du panel 1 ont fait ressortir un certain nombre d’avancées en

matière de libre circulation des personnes. Ainsi, la modératrice du panel, face aux

interrogations relatives aux pesanteurs dans le respect de la libre circulation tant au

niveau de l’UEMOA que de la CEDEAO, avec la réticence de certaines autorités

nationales à reconnaître le passeport CEDEAO, indiquera que la libre circulation entre

les Etats membres de la CEDEAO connaîtra un renforcement avec la mise en œuvre

de l’ECOVISA, le futur visa commun dont la mise en œuvre a été réaffirmée par les

chefs d’Etat lors de la 55ème session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de

Gouvernement, le 29 juin dernier à Abuja. Une recommandation a été faite pour une

accélération de son opérationnalisation.

En matière de double dédouanement, le panel a relevé que le système de partage des

recettes douanières demande à être amélioré.

Concernant les difficultés de transcription liées à l’hétérogénéité des types de textes

communautaires – le Règlement qui est d’application directe et la Directive qui requiert

une transcription préalable dans la législation nationale –, un texte communautaire

sera pris pour résoudre définitivement cette question.

De plus, le panel a insisté sur la formation et la sensibilisation des acteurs ainsi que

sur la nécessité de la mise en place d’un système de veille et d’alerte aux frontières.

La modératrice a indiqué, sur ce point, que le Comité consultatif dont la mise en place

est prévue palliera la faiblesse des alertes et qu’un partage d’information entre police

et autres dispositifs de sécurité est envisagé. La saisine de la Cour de Justice

communautaire devrait par ailleurs être envisagée afin que tout citoyen puisse faire

valoir ses droits au regard des textes communautaires, dans le strict respect des

missions assignées à la Commission et à la Cour de justice de l’UEMOA, d’une part,

et aux Cours de justice nationales, d’autre part, en matière d’application du droit

communautaire.

10

Intervention de Monsieur Tertius ZONGO Directeur de la Chaire Sahel de la Fondation pour les Etudes et Recherches sur le Développement International (FERDI)

Résumé de l’Intervention

L’intervention du paneliste s’est focalisée sur des points relatifs à la sécurité, car

pense-t-il, investir dans la sécurité, « c’est construire sur le long terme ». Comment

arriver, dans les zones délaissées aujourd’hui, à faire en sorte qu’on puisse définir des

méthodes d’intervention efficaces ? Face à cette question Monsieur ZONGO estime

que. L’UEMOA peut aider i) à faire en sorte que les procédures soient allégées, ii) que

les indicateurs de mesure d’impact puissent être modifiés parce qu’on n’est plus dans

des situations normales en ce qui concerne les zones d’insécurité.

Il a indiqué que les trois pays membres de l’UEMOA qui sont sur la ligne de front, à

savoir le Burkina, le Mali et le Niger, en termes de surface occupent près de 79% de

la superficie de l’Union. En termes de population ces trois pays représentent autour

de 50% de la population de l’UEMOA. Dans un tel contexte, parler de libre circulation

des personnes et des biens nous interpelle tous.

Dans ces pays, les dépenses de sécurité sont en passe d’évincer fortement les

dépenses sociales, menaçant de faire le lit du terrorisme qui, en suppléant les

carences de l’Etat en matière de couverture des besoins de base des populations,

trouve un terreau favorable à des recrutements de nouveaux exécutants.

Ces pays ont besoin d’un soutien de la part de la Commission de l’UEMOA pour mener

à bien leurs dialogues de politiques nationales avec la Banque mondiale et le Fonds

monétaire.

Il faut qu’au niveau de l’Union les acteurs – Etats membres, Organes de l’Union – interviennent de façon ordonnée et coordonnée. Pour ce faire, la Commission de l’UEMOA doit engager tous les acteurs dans une réflexion inclusive visant à identifier la meilleure approche pour continuer d’apporter l’appui aux populations dans un cadre concerté et adapté à la situation sécuritaire.

Au total, estime le paneliste, nous devons agir ensemble et maintenant sur les

facteurs de la crise, la sortie durable de la crise exigeant de s’attaquer aux facteurs

sous-jacents, dont le principal est la pauvreté au sens large, en portant l’accent sur les

considérations suivantes :

le sahel, en tant qu’espace partagé requiert des solutions partagées et, en

tant qu’espace de mobilité, ne peut être régi que par une coopération

régionale ;

le poids croissant des dépenses de sécurité créant une éviction des

dépenses sociales déjà insuffisantes qui suscite une réticence des

principaux partenaires techniques et financiers, la Commission de l’UEMOA

doit développer des capacités à s’impliquer davantage dans le dialogue sur

les politiques entre les états membres et ces partenaires et conduire le

plaidoyer pour le compte des Etats ;

11

l’UEMOA doit ancrer dans les habitudes des décideurs la production de

connaissances basée sur des enquêtes de terrain, des analyses

sociologiques et des expérimentations en tant que condition nécessaire pour

s’attaquer aux vrais défis des pays membres ;

l’UEMOA doit s’investir davantage dans la mise en place de processus et de

mécanismes continentaux et régionaux qui contribuent à la résolution des

conflits et pallient les fragilités des Etats ;

l’insécurité ne pouvant être un prétexte à l’inaction, l’UEMOA doit réfléchir

aux voies et moyens pour renforcer les capacités des organisations locales

intervenant sur le terrain, dans les zones d’insécurité et mener le plaidoyer

avec les partenaires financiers pour plus de flexibilité dans les modalités de

gestion de l’aide ;

une attention particulière doit être portée sur le développement des

économies des zones frontalières dans le but de briser les antagonismes

entre les populations et les éduquer non seulement à saisir de plus grandes

opportunités, mais aussi à comprendre les exigences de l’interdépendance ;

la Commission doit jouer un rôle catalyseur dans la promotion de la jeunesse,

afin d’éviter que l’inquiétude, la tristesse et la déception, les sentiments

d’impuissance, d’injustice et de frustration profonde soient ressentis par elle

comme une exclusion face à un ordre établi qui lui est défavorable et ne la

conduisent à remettre en cause la paix sociale à travers divers actes de

violence ;

les femmes disposant d’énormes potentiels à exercer une influence positive

sur les processus politiques et économiques ainsi que sur les processus de

paix, il convient de favoriser leur implication effective dans les négociations

formelles ou informelles pour la prévention et la résolution des conflits en vue

d’une sortie durable de crise et pour leur contribution permanente au

maintien de la paix.

12

Intervention du Professeur Wautabouna OUATTARA Directeur Général de l’Intégration Africaine Ministère de l’Intégration Africaine et des ivoiriens de l’Extérieur

Résumé de l’Intervention

L’exposé s’est articulé autour des cinq (5) points suivants : i) le contexte, ii) les

dispositifs juridiques, iii) ce qu’on en fait, iv) des recommandations et v) une conclusion

Ainsi, dès l’entame de son propos, le paneliste a indiqué que pour l’approfondissement

de l’intégration, les efforts doivent porter sur les points suivants :

une meilleure communication, une meilleure sensibilisation ;

une meilleure connaissance des textes autant par les usagers que par les

praticiens de la mise en œuvre des réformes.

En termes de progrès, on note que l’UEMOA a franchi les étapes de mise en place

d’une zone de libre échange ainsi que d’une union douanière et se dirige vers la

constitution d’un marché commun.

L’étape de la constitution d’une union douanière a été franchie en l’an 2000, avec

l’adoption du Tarif Extérieur Commun (TEC).

La particularité de l’UEMOA c’est que l’étape de la monnaie commune a précédé celle

de l’intégration économique.

Les réformes préconisées par l’Union comportent :

des dispositions générales ;

des dispositions spécifiques.

S’agissant par exemple de l’application de la disposition générale du traitement égal

des étudiants ressortissants de l’Union par la Côte d’Ivoire, le droit d’inscription à

l’Université est de 100.000 F CFA pour tous, mais, pour les étudiants ivoiriens, l’Etat

prend 70% à sa charge, par suite des doléances des parents d’étudiants, si bien que

les étudiants ivoiriens ne paient que 30.000 F CFA, alors que les autres ressortissants

de l’UEMOA paient 100.000 F CFA. Concernant la mise en œuvre du LMD, il est

question de l’allongement du cycle.

En ce qui concerne la libre circulation des personnes, si l’on examine les flux

migratoires, 77,3% sont des migrations intra-UEMOA. Il y a empiriquement une

préférence communautaire pour les migrants.

Concernant la mise en œuvre des textes, le Bénin et le Burkina Faso sont les

champions en matière de transposition des textes.

S’agissant des restrictions à la libre circulation des personnes, les Etats peuvent

invoquer des raisons de sécurité publique, comme prévu par les textes

communautaires.

Il y a lieu d’adapter et de compléter le dispositif juridique. Un appui technique et

financier de la Commission de l’UEMOA aux Etats est requis pour la bonne

13

transcription des textes communautaires dans les législations nationales. Il faut

également que les Etats et les différents acteurs puissent disposer d’une information

de qualité, et pour cela, la Commission doit créer ou renforcer le plateau technique en

matière d’échange d’informations.

Les défis importants de la réalisation du Marché commun (prochaine étape de

l’intégration régionale après l’Union douanière) de l’UEMOA restent la mise en œuvre

et l’accélération des réformes, à travers leur intégration dans l’architecture juridique

de chacun des Etats membres et leur application effective. Plusieurs axes de

recommandations pourraient être identifiés.

Une des recommandations fortes serait d’adapter et compléter l’architecture juridique

déjà existante. Il faudrait, de façon spécifique, susciter la révision des textes dont la

transposition et l’application semblent être délicates.

La Commission devrait proposer au Conseil des Ministres et à la Conférence des

Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA, la création d’un Observatoire régional

sur la libre circulation. Véritable Centre d’alerte et de réponse, l’Observatoire régional

pourrait travailler, en totalement synergie, avec les différents observatoires nationaux,

afin de coordonner les informations, stratégies et actions pour une plus grande mobilité

des personnes et une meilleure effectivité du droit d’établissement.

La Commission devrait inscrire et appuyer, dans ses différentes actions ou

programmes économiques régionaux, des projets visant à stimuler et garantir la libre

circulation.

En s’inspirant de l’Union Africaine, l’UEMOA pourrait imaginer différents paliers de

sanctions suffisamment dissuasifs, au regard de la non application des textes et

normes communautaires. En effet, concernant les cotisations et contributions

annuelles, la Conférence de l’Union Africaine, tenue en février 2019 à Addis-Abeba

(Ethiopie), a adopté de nouveaux régimes de sanctions allant de la privation de la prise

de parole à la non-participation aux réunions des instances statutaires, en passant par

l’interdiction aux Etats membres concernés de présenter des candidats à certains

postes électifs.

Au terme des 25 ans d’existence, le bilan des actions et initiatives de l’UEMOA est

globalement positif. Tous les indicateurs de performances économiques et de

gouvernance sont au vert et très encourageants. En comparaison à d’autres

organisations régionales, l’UEMOA est une Institution qui se porte bien et les efforts

de consolidation des acquis devraient se poursuivre. Toutefois, au-delà de ces

remarquables résultats, des insuffisances demeurent dans la mise en œuvre des

réformes. L’analyse des réformes effectuées jusqu’ici met en lumière des limites

d’ordre juridique, technico administrative et politique. L’accélération des réformes

implique donc une série d’initiatives innovantes pour une meilleure effectivité dans la

transposition et la mise en œuvre des textes communautaires.

14

Intervention du Docteur Cheikh Oumar BA Directeur Exécutif l'IPAR Président du Comité Exécutif du Réseau Think Tank UEMOA

Résumé de l’Intervention

L’objectif principal assigné au réseau des think tanks, qui a été créé par l’UEMOA et

regroupe environ 30 think tanks, est de favoriser la collaboration, l’échange entre les

institutions de recherche de l’espace UEMOA, la production et la mise en commun de

connaissances sur des problématiques communautaires afin d’aider la Commission à

la prise de décision. De façon spécifique, il s’agit de créer un lien entre les institutions

de recherche de l’espace UEMOA par leur mise en réseau, de renforcer leurs

capacités afin de les rendre plus compétitives et de contribuer à l’atteinte des objectifs

communautaires.

Les thématiques abordées par le réseau sont relatives à (i) l’Emploi des jeunes et

des femmes ; (ii) la sécurité alimentaire ; (iii) la paix et la sécurité ; (iv) les

infrastructures économiques ; (v) le financement des économies de l’UEMOA et

(vi) la monnaie CFA.

Le Docteur Cheikh Oumar BA a affirmé que le réseau des think tanks constitue un

centre indépendant de recherche sur les politiques et que la mise en place de plusieurs

centres de réflexion qui réfléchissent autrement et qui permettent d’instaurer un

dialogue entre les acteurs serait souhaitable. Il y a des pays qui ont 3 centres de

réflexion – laboratoires universitaires ou autres – qui acceptent que l’on ne doit pas

faire que des articles scientifiques. Des pays ont travaillé sur les migrations. Pour 100

millions de francs CFA, on fait appel à un cabinet étranger pour définir une stratégie

sur les migrations, alors que 70% des migrations sont intra-UEMOA. Il y a donc la

nécessité d’une réflexion endogène sur certaines questions telles que les migrations.

Le rôle des think tanks est ici primordial et des formations conjointes seraient

souhaitables.

Pour le panéliste, il faut insister sur le défi de la transition démographique. Concernant

la question du défi démographique, de 2014 à 2025 les Etats de l’Union devront

intégrer 33 millions de jeunes arrivant sur le marché de l’emploi. Le Sénégal, par

exemple devra faire face à la nécessité d’intégrer 5 millions de jeunes. Or, les

questions de sécurité résultent de la non-résolution de cette question. La question de

l’emploi des jeunes et des femmes est devenue préoccupante. L’analyse montre que

c’est souvent au sein de la jeunesse qu’on recrute et forme des terroristes.

Deux autres défis importants identifiés par le réseau concernent i) le retour à la

sécurité et à la paix avec une gouvernance répondant aux aspirations des peuples et

ii) l’adoption de la monnaie unique CEDEAO sans troubles socioéconomiques et en

prenant les mesures nécessaires pour la stabilité du secteur monétaire et financier

des pays membres de l’UEMOA.

En ce qui concerne les blocages dans l’application des textes sur la libre circulation

des personnes, quand on regarde les motifs des rackets, qui frappent 36% des

personnes selon les réponses au questionnaire d’une étude que nous avons faite, on

15

se rend compte que ceux-ci n’étaient basés sur aucune raison valable. Par ailleurs,

les acteurs économiques de la sous-région ignorent souvent les textes

communautaires et cela peut influer sur leur perception des blocages à la libre

circulation. Certaines études que nous avons faites montrent que 70% des gens ne

connaissent pas les textes.

Réactions et débats

Réactions et débats des participants

Par rapport au cadre règlementaire et dans le souci de mieux encadrer les discussions

à venir, il a été rappelé que le cadre référentiel des débats sera le Traité modifié,

articles 76 à 100, l’Acte additionnel du 1er juillet 2014 portant modification de l’alinéa 8

de l’article 1, des alinéas 1 et 2 de l’article 3 et des alinéas 1 et 2 de l’article 5 du

protocole sur la libre circulation, le droit de résidence et d’établissement, ainsi que les

documents de voyage et l’Acte additionnel de mai 1979 sur le Protocole sur la libre

circulation et le droit de résidence. Pour la libre circulation, on est passé d’un taux de

mise en œuvre de 23% en 2017 à 40% en 2018, ce qui veut dire qu’il y a de l’espoir

et que chacun est quelque part conscient des enjeux que cela comporte.

Au niveau de l’UEMOA, il est important de dire que le Comité consultatif de l’Union

douanière et de la libre circulation a été mis en place par Règlement du Conseil des

Ministres en mars 2019. Ce Comité constitue un cadre de référence qui va beaucoup

aider dans les recours des uns et des autres, usagers et praticiens, par rapport aux

délits et aux problèmes de déni de droit que l’on constate parfois en la matière. Le

guide de transposition, quant à lui, est terminé et il reste juste le processus d’adoption

qui est en cours. Ce guide sera très utile pour harmoniser la façon dont les uns et les

autres voient les choses.

L’UEMOA avait laissé, jusqu’à un passé récent, les questions de sécurité à la

CEDEAO, à l’ANAD, etc. La situation a évolué depuis 2010. A propos de l’absence de

l’UEMOA dans le dialogue de politique publique, Depuis 2013 l’UEMOA participe aux

négociations des pays avec les partenaires techniques et financiers. Par ailleurs, le

Comité consultatif de l’Union douanière et de la libre circulation mis en place en mars

2019 devrait permettre d’améliorer le système de veille et d’alerte aux frontières. Par

conséquent, on peut dire qu’on évolue lentement mais sûrement.

Ce n’est pas en multipliant les textes et les dispositifs que l’on résoudra les problèmes.

Ce qui manque c’est l’implication des juges communautaires. Le droit communautaire

n’est pas connu. Même certains jugent ignorent comment appliquer le droit

communautaire. Il faut, pour rendre effective la justice communautaire, recourir à la

presse.

La mobilité des personnes exerçant des professions libérales est régie par des textes

qui sont de portées différentes. Par exemple, concernant les avocats c’est un

Règlement, alors que pour les médecins ce sont des Directives. Un alignement serait

bénéfique à ce niveau.

16

En raison de l’imbrication géographique des deux Communautés (CEDEAO, UEMOA)

la situation des Etats est telle que certaines politiques ne peuvent être efficaces si elles

doivent être menées au plan sous-régional. L’exemple le plus édifiant c’est le cas des

migrations, où les migrants peuvent traverser des Etats non-UEMOA avant d’atteindre

d’autres pays UEMOA.

Actuellement il y a une rupture de confiance entre la population et les acteurs

politiques, les gouvernants en particulier. La population estime que les gouvernants

vivent dans l’opulence et même les forces de défense et de sécurité se demandent à

quoi bon se battre pour ces dirigeants-là.

Même au sein des Etats on ne peut circuler librement. Les barrages sont multiples,

avec les rackets qui en résultent. L’UEMOA a pressé les Etats pour qu’ils réduisent

les barrages de contrôle. Les Etats l’ont fait, mais ont créé des barrages de sécurité à

côté. Le comble c’est qu’au niveau de ces barrages dits de sécurité, même si vous

transportez des armes, il suffit de donner de l’argent pour passer.

S’agissant du droit d’établissement, certains participants trouvent que les populations

sont déjà en difficulté. Cela complique, disent-ils, l’acceptation de l’autre dans son

secteur d’activité. Selon eux, les ressortissants d’un pays, étant eux-mêmes

confrontés à des difficultés, seront nécessairement réticents à permettre à des

ressortissants d’autres Etats de s’installer dans leurs aires d’activité.

Si l’on se dotait de points focaux regroupant des jeunes et des acteurs de la société

civile, on pourrait progresser en matière de libre circulation des personnes et des

biens. Les radios publiques que l’on mobilise ne disent pas la vérité. Les médias

publics sont à la solde des Etats et on ne peut les mettre à profit. Il faut donc impliquer

les médias indépendants.

Le nexus libre circulation et sécurité doit être une préoccupation effective de la

Commission. Les menaces ont pris une nouvelle forme, avec des assaillants

puissamment armés. L’UEMOA doit mettre tous les moyens nécessaires pour garantir

la libre circulation des personnes et des biens, en relation avec la sécurité, c’est-à-dire

sécuriser les corridors. Certes, l’Union aujourd’hui n’a pas assez de moyens mais il

faut faire avec ce que l’on a, amener les gens à comprendre que « qui sert la nation

se sert ». Il faut faire de la communication le cheval de bataille de l’Union. Il faut faire

en sorte aussi que la société civile soit impliquée dans la vulgarisation de toutes les

directives et faire en sorte que les Chefs d’Etat, qui signent les traités et autres, se

donnent les moyens, une fois arrivés dans leurs pays, d’en faire la vulgarisation parce

que peu de gens connaissent la plupart des directives. Plus de 70% ne les connaissent

pas, selon certaines enquêtes des think tanks.

Dans certains pays, par exemple pour acquérir un terrain et y bâtir sa résidence, il faut

une autorisation et parfois, il y a des restrictions importantes. Donc, pour cette

autorisation-là, même si vous êtes citoyen de l’UEMOA, vous n’avez pas

systématiquement ce droit d’acquérir une terre pour construire votre résidence.

Certains participants ont demandé à savoir simplement si le principe du droit à la

liberté de circuler et de s’établir emporte le droit de pouvoir acquérir un terrain et d’avoir

un domicile ?

17

Quel rôle joue la Commission pour régler les problèmes entre pays membres de

l’UEMOA et d’autres voisins qui ne sont pas membres. Comme exemple palpable, qui

connaît le Bénin sait que sur plus de 700 km ce pays fait frontière avec le Nigeria. Et

depuis le 20 août le Nigeria a fermé ses frontières au Bénin. Quel rôle a joué ou peut

jouer l’UEMOA au sein de la CEDEAO pour résoudre un tant soit peu ce problème ?

Les membres de la Commission sont placés par les décideurs sans être nantis des

pouvoirs de décision qui leur sont nécessaires pour se faire respecter. Aujourd’hui,

normalement, quand un membre de la Commission convoque un Etat membre, ses

représentants devraient trembler avant de se présenter. Mais ils n’en ont cure. C’est

pourquoi on peut penser que les décideurs qui nomment les membres de la

Commission mettent ceux-ci en avant pour couvrir leur manque de volonté politique.

Réactions des panelistes

A propos du nexus sécurité - développement, on ne peut séparer les deux. On ne peut

avoir une structure qui réfléchit développement et une autre qui réfléchit sécurité, sans

interaction entre elles.

Qu’est-ce que la sécurité ? Quand on parle de sécurité les gens voient généralement

des hommes en armes et tout ce qui s’ensuit. L’action militaire n’est pas à elle seule

garante de la sécurité. Personne n’irait demander à la CEDEAO ou à l’UEMOA de

réfléchir à la mise en place d’une force militaire.

Il y a des questions importantes qui, si elles ne sont pas traitées, sont à la base d’une

insécurité qui peut aller très loin : les questions (i) démographiques et de qualité des

ressources humaines, les problèmes de l’économie du crime qui prend appui sur

l’étendue de l’espace communautaire pour prospérer, (ii) de rupture de confiance entre

les populations et l’Etat et, enfin, (iii) de la production d’un savoir partagé permettant

de traiter efficacement le problème de l’insécurité.

Concernant la faiblesse de la communication et la méconnaissance des textes, il faut

sensibiliser tout le monde : les religieux, les journalistes, les forces de l’ordre, etc.

Sur le traitement égal des étudiants en Côte d’Ivoire – où l’on note une subvention des

droits d’inscription des étudiants ivoiriens tandis que ceux des autres pays payent plein

tarif -, au regard de la Directive sur les étudiants, il faut analyser le contexte. Le pays

était dans une situation de crise qui exigeait un accompagnement de l’Etat.

Enfin, il faut souligner que les directives ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre.

Par exemple, les périodes d’examen uniformes. Il y a des grèves et diverses difficultés

que les Etats peuvent connaître et qui peuvent empêcher l’application de ces

Directives.

18

Panel 2 : Actions novatrices pour une liberté effective de circulation des personnes

Modérateur des séances du panel 2 : Pr Filiga Michel SAWADOGO

Commissaire de l’UEMOA, en charge du Département du Développement Humain (DDH)

Panélistes : Pr Alioune SALL

Directeur Exécutif Institut des Futurs Africains S.E. Salou DJIBO

Président de la Task Force sur le Schéma de Libéralisation de la CEDEAO

M. Sékou TANGARA Directeur de publication Africable télévisions

Synthèse des travaux du panel 2

Lors des échanges du panel 2, traitant des actions novatrices pour une liberté effective

de circulation des personnes et d’établissement, il a été préconisé la rationalisation

des contrôles sur les corridors, notamment à travers une meilleure connaissance des

différents acteurs y intervenant ainsi que les stratégies et dynamiques entretenues

entre ces acteurs, le développement de stratégies de communication et de

sensibilisation adéquates sur les textes communautaires notamment dans les langues

nationales. Il a été également proposé un meilleur usage des TIC, allant jusqu’à la

dématérialisation des moyens de paiement, l’utilisation de GPS dans les camions pour

un suivi à distance par exemple, la containerisation des marchandises, la constitution

de brigades mixtes pour les contrôles, et le développement du transport par voie

ferroviaire qui permettra d’éliminer ou de réduire les tracas observés.

Ce panel a également émis le vœu de revisiter le concept de frontière tel que défini

aujourd’hui, dans le but de faciliter l’intégration dans un monde globalisant, et a

recommandé le déploiement de la carte d’identité biométrique dans tous les pays afin

de faciliter la reconnaissance des ressortissants de l’Union.

Le panel 2 a par ailleurs recommandé de développer des synergies avec les autorités

nationales de lutte contre la corruption, d’instaurer un mécanisme de suivi des plaintes

des citoyens, de réunir les agents des pays pour un seul et unique contrôle au niveau

des postes de contrôle juxtaposés, de bien identifier et distinguer les postes

d’information des postes de sécurité sur les différents corridors, aucun document ne

devant être demandé par ces derniers, et de mettre les autorités politiques devant

leurs responsabilités en matière de promotion de l’intégration.

19

Intervention du Professeur Alioune SALL

Résumé de l’intervention

Tout le dispositif institutionnel, juridique et opérationnel pour soutenir les objectifs de

l’UEMOA que sont le renforcement de la compétitivité des économies de la zone, un

environnement juridique harmonisé, la convergence des performances macro-

économiques et la création d’un marché commun basé sur la libre circulation des

personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement a été mis

en place.

Au plan institutionnel, tous les organes prévus par le Traité de janvier 1994 sont

opérationnels : la Commission et la cour de justice depuis janvier 1995 ; le Comité

interparlementaire depuis mars 1998 ; la Chambre consulaire régionale depuis 1998. Les

institutions spécialisées autonomes que sont la BCEAO et la BOAD existaient déjà dans

le cadre de l’Union monétaire ouest africaine (UMOA).

Dans le domaine de l’harmonisation des législations, l’on peut citer notamment, celles

du cadre juridique, comptable et statistique des finances publiques et celles des

fiscalités.

Au niveau de la fiscalité indirecte, l’on peut noter l’harmonisation des impôts sur la

TVA, les droits d’accises et les prélèvements sur les produits pétroliers et au niveau

de la fiscalité directe, l’impôt sur les bénéfices des personnes morales et l’impôt sur le

revenu des valeurs mobilières.

Au titre de la réalisation du marché commun, un régime tarifaire préférentiel a été mis en

place dès juillet 1996, le Tarif extérieur commun (TEC) en janvier 2000. Depuis janvier

2017, l’UEMOA applique le TEC de la CEDEAO.

Au plan des politiques, l’UEMOA a mis en œuvre des politiques sectorielles communes.

Au plan du marché financier régional, un Conseil régional de l’épargne publique et des

marchés financiers (CREPMF) a été créé en juillet 1996 et une Bourse régionale des

valeurs mobilières (BRVM) mise en place à Abidjan est opérationnelle depuis septembre

1998.

Au niveau macro-économique, la zone a réalisé un taux de croissance réel moyen

annuel de 6,5% par an sur la période 2014-2017, supérieur à celui de l’Afrique

subsaharienne dans son ensemble (3,2%) et à celui de la CEMAC (1,5%)1.

Le droit d’établissement est déjà applicable à sept (7) professions libérales (médecins,

chirurgiens-dentistes, architectes, pharmaciens, vétérinaires, experts comptables et

avocats)

Toutefois, à l’aune de la mesure du commerce intracommunautaire qui constitue

un indicateur pertinent de l’intégration régionale, les résultats sont bien en deçà

des objectifs visés. Les échanges intracommunautaires ont entre 2012 et 2016,

1 Source : Rapport 2017 de la surveillance commerciale dans l’espace UEMOA

20

plafonné autour de 11% 2 du total des échanges commerciaux de la zone. Les

principales raisons de cette faiblesse sont, comme l’a souligné le Président de la

conférence des chefs d’État et de gouvernement, Alassane Ouattara, lors de son

allocution à l’occasion du 25ème anniversaire de l’UEMOA, à rechercher, outre la

structure du commerce marquée par une homogénéité des biens et services

échangés, dans :

"les nombreux contrôles sur les corridors, les prélèvements illicites et autres

faux frais et les longs délais pour le transport des marchandises, et ;

les distorsions en matière de concurrence et, en particulier, des difficultés pour

certaines entreprises à avoir accès aux marchés, notamment publics, de

certains pays de l’Union".

Autour de ce questionnement, six pistes de réponses, dont une pour le moyen-long

terme, devront être explorées :

une bonne connaissance du rôle des acteurs et de leurs stratégies (Etats, corps

habillés, transporteurs, populations) ;

une stratégie d’information, de formation et de sensibilisation ;

l’utilisation des technologies de communication pour réduire les entraves à la

libre circulation des biens et des personnes (GPS dans les camions pour tracer

leurs parcours, dématérialisation des paiements) ;

la containerisation des marchandises ;

l’implication de nouveaux acteurs (société civile, transporteurs, etc.) ;

l’investissement sur le moyen terme dans les chemins de fer.

2 Source : Idem

21

Intervention de S.E. le Général Salou DJIBO Président de la Task Force sur le Schéma de Libéralisation de la CEDEAO

Résumé de l’intervention

La Task Force sur la libre circulation des personnes et des biens a travaillé sur les

questions de libre circulation des personnes et des biens et a réalisé des missions de

plaidoyer dans les quinze (15) Etats membres de la CEDEAO. A l’issue de ces

missions, elle a fait plusieurs constats qui ont été portés à la connaissance des

autorités compétentes.

Il s’agit notamment :

des barrières tarifaires notées dans quatre (4) Etats Membres comme le

Burkina Faso, le Bénin, le Ghana et le Togo et des barrières non-tarifaires dans

trois (3) Etats Membres que sont la Gambie, le Ghana et le Nigeria;

la persistance de pratiques anormales dans tous les Etats Membres, à

l’exception du Cap Vert, avec des spécificités dans quatre (4) Etats Membres

que sont le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria.

Les quatre (4) pistes de solution suivantes sont proposées :

revisiter le concept même de frontière à l’ère de l’accélération de notre

intégration régionale, car ce concept forgé pour les Etats européens au 17ème

siècle n’est plus adapté à un monde ouvert ;

améliorer la gestion des flux aux frontières, pour une performance accrue,

à travers deux initiatives complémentaires :

o dresser une feuille de route aux responsables des points de passage avec des normes et des seuils de performances clairs ;

o former les agents en général et les responsables des points de passage en gestion de projet.

instaurer et combiner plusieurs systèmes d’évaluation et de contrôle :

o un système indépendant d’évaluation des performances qui pourrait être confiée à un service d’inspection inter États compétent ou à des firmes d’audit spécialisées et cela, à des périodes régulières ;

o un recours à la technologie pour que les performances soient suivies au quotidien.

Les personnes traversant les frontières étant les premières concernées par les

entraves à la libre circulation, leur concours est essentiel. C’est pourquoi l’information

sur le fonctionnement des points de passage doit venir des usagers. Cela peut se faire

par l’introduction d’une ligne verte, la multiplication des points de plainte, la facilitation

de l’accès à ces points et l’introduction d’un système de récompense des actions

positives, que ce soit du côté des usagers ou, surtout, des agents des points de

passage.

22

Dans la même optique, il est nécessaire d’entreprendre des campagnes élargies de

sensibilisation à l'endroit des populations sur tous les aspects liés aux droits des

citoyens contenus dans le Protocole de la Libre Circulation.

S’agissant du droit d’établissement, il convient de rappeler que le protocole de 1990

relatif au droit d’établissement contient plusieurs dispositions dont deux se situent

particulièrement au cœur de nos discussions et nécessitent qu’on s’y penche :

le protocole stipule en son article 4, que "En ce qui concerne le régime

applicable en matière d'établissement et de services, chacun des Etats

Membres s'impose d'accorder sur son territoire un traitement non

discriminatoire aux ressortissants et sociétés des autres Etats Membres ;

ensuite, le protocole stipule en son article 9, que "Les Etats membres,

reconnaissent la nécessité de promouvoir et de protéger les

investissements de chaque Etat Membre sur leurs territoires respectifs,

s'engagent, dans leurs intérêts mutuels à harmoniser leurs dispositions

législatives, réglementaires et administratives nationales relatives à la

promotion et à la protection des investissements afin d'en faire la base de

système communautaire d'assurance et de garantie".

Le problème du droit d’établissement tient en partie à la non-application de ces

dispositions cruciales. Pour y remédier, les trois pistes suivantes devraient être

explorées :

faire en sorte que les citoyens de notre espace qui désirent s’établir dans

un pays autre que le leur soient mieux informés sur le droit

communautaire ;

veiller à ce que les États d’origine aient une meilleure connaissance des

flux et se dotent d’une véritable politique au profit de leurs ressortissants

qui s’expatrient, notamment en installant des points de service aussi bien dans

les pays qu’aux postes de passage et dans les services consulaires de chaque

pays pour mieux informer les citoyens en séjour dans un pays autre que le leur ;

mener des campagnes de sensibilisation dans chaque pays pour éviter

toute discrimination envers les expatriés communautaires et garantir leur

sécurité et celle de leurs biens.

Concernant la question sécuritaire, deux pistes de réflexion sont proposées ici :

veiller à ce que les initiatives mentionnées précédemment comportent

chacune un volet sécurité, le regroupement des forces de sécurité dispersées

en groupes d’intervention pré-positionnés non loin des points de passage

névralgiques étant à envisager dans ce cadre ;

élargir les questions de sécurité du G5 Sahel à un nombre plus large de

pays.

23

Intervention de Monsieur Sékou TANGARA Directeur de publication Africable télévisions

Thème : Plaidoyer de journaliste en faveur de la libre circulation des personnes et des biens

Résumé de l’intervention

Des acquis, il y’en a eu et il y’en aura certainement d’autres pour l’UEMOA. Mais il

faut à présent s’appesantir sur un certain nombre de défis qui, non relevés, pourraient

saper l’ensemble des progrès réalisés par la Commission de l’UEMOA. L’une de ces

équations reste les nombreuses tracasseries sur les corridors routiers inter-états.

Les rackets, chantages et autres intimidations le long des axes routiers

communautaires tranchent avec les engagements maintes fois renouvelés des Chefs

d’Etat membres de l’Union, de leurs Gouvernements, des Commissaires ainsi que du

personnel aussi bien des représentations nationales que du siège de la Commission.

Leur discours semble ne plus porter, du moins pour le citoyen lambda, celui qui passe

le plus clair de son temps sur les routes transfrontalières, excédé à force de subir les

multiples prélèvements pour contenter une entreprise illégale qui, en plus de piétiner

les directives des états-membres leur fait une concurrence déloyale.

De Bissau à Dakar, de Dakar à Bamako, Niamey, Cotonou, Lomé, Ouagadougou et

Abidjan, trois entraves majeures retiennent l’attention sur nos corridors routiers :

1. le nombre de contrôles ;

2. les perceptions illicites ;

3. les retards engendrés par le temps des contrôles.

Selon le dernier rapport de l’Observatoire des Pratiques Anormales (OPA) de la

Commission de l’UEMOA couvrant la période allant du 1er Janvier au 31 Mars 2018,

sur les neuf évalués par l’OPA, aucun ne respecte la norme communautaire de trois

postes de contrôle au départ, au passage des frontières et à destination.

Quant aux perceptions illicites, les montants demeurent importants sur l’ensemble des

corridors. Sur les axes routiers Abidjan-Bamako, Abidjan-Ouagadougou, Bamako-

Dakar via Diboli, Bamako-Ouaga via Koury les tendances sont à la hausse. Les

montants de perception illicites les plus importants sont enregistrés sur le corridor

Bamako-Dakar via Diboli soit 87.347 FCFA par voyage. C’est aussi sur ce corridor

qu’il est noté le plus fort taux d’augmentation, soit 98% par rapport au dernier rapport

publié en 2017.Une hausse qui ne représentait pas grand-chose face aux 200.000

FCFA par voyage perçus sur le corridor Dakar-Bissau dans les années 2015-2016.

Quant à la durée des contrôles, les transporteurs ont passé beaucoup de temps dans

les postes de contrôle aussi bien sur les routes qu’aux frontières. Le temps perdu est

le plus important sur le corridor Bamako-Dakar via Diboli, soit plus de 14 heures. Aux

passages des frontières l’accomplissement des formalités et le contrôle ont duré en

moyenne 109 minutes par voyage sur l’ensemble de l’espace UEMOA. En définitive,

et pour remettre le curseur sur cette équation majeure pour la Commission de

24

l’UEMOA, il convient de souligner qu’en moyenne au cours d’un voyage sur un corridor

de l’espace UEMOA, un transporteur est contrôlé 20 fois, il lui est prélevé illicitement

1853 FCFA par poste et il y perd 15 minutes.

Les entraves au système de transports qui se caractérisent essentiellement par la

multiplication des contrôles, la complexité des procédures et des documents, les

longues attentes aux frontières, les pertes de temps au cours des contrôles et les frais

occultes élevés, ont pour conséquence un coût généralisé des opérations de transport

et la perte de compétitivité des économies des états de la nation.

Pourtant, les solutions sont à portée de main et consistent en un strict respect des

textes que nos états, eux-mêmes, ont librement et solennellement adoptés à travers

notamment i) la Directive N°08/2005/Conseil des Ministres de l’UEMOA relative à la

réduction des points de contrôle routiers inter-états de l’Union et ii) la Décision

N°15/2005/Conseil des Ministres de l’UEMOA portant modalités pratiques

d’application du plan régional de contrôle sur les axes routiers inter-états de l’Union.

Ces deux textes s’appuient sur les trois principales conventions adoptées par les états-

membres de la CEDEAO afin de garantir et de faciliter la libre circulation des

personnes et de leurs biens.

Pour conclure, les tracasseries le long des corridors routiers communautaires ne sont

pas une fatalité. La réponse est dans le respect et l’application des textes librement et

solennellement signés par nos autorités elles-mêmes.

Réactions et débats

Réactions et débats des participants

Sur les corridors routiers de l’espace UEMOA les rackets, les tracasseries et les

chantages tranchent avec les engagements pris par les Chefs d’Etat. Les données de

l’OPA sur les barrières constatées sur la période du 1er au 30 juin 2018 sont édifiantes

à cet égard. Il faut cependant saluer l’engagement de certains Chefs d’Etat comme

ceux du Bénin ou du Niger dans la lutte contre ces barrières qui entraînent des coûts

élevés des transports et nuisent à la compétitivité de nos économies.

Les tracasseries font partie d’un mal plus général qui est la corruption. Une volonté

politique ferme doit être exprimée en ce qui concerne la lutte contre ce fléau. Dans le

cadre de cette corruption, il y a lieu de signaler les mauvaises pratiques des chauffeurs

qui, faute de disposer des documents de transport exigés, se livrent à des actes de

corruption des agents pour éviter les sanctions qui devraient leur être infligées.

Avec les problèmes sécuritaires, aux postes de contrôle habituels se sont ajoutés des

postes dits documentaires et des postes de sécurité, alors que les derniers cités

avaient disparu entre temps. Il faudrait identifier les postes sécuritaires par un signe

reconnaissable, afin que le conducteur ne présente pas de documents à ces postes.

N’ayant pas les documents en leur possession, les agents ne pourront pas inquiéter

le conducteur.

A noter également qu’il conviendrait que les contrôles aux Postes de Contrôles

Juxtaposés (PCJ) soient effectués concomitamment par les services des différents

25

pays, au lieu que chaque pays fasse son contrôle aux PCJ, occasionnant une perte

de temps pour les transporteurs.

Le renforcement du dispositif d’alerte, de prévention et de lutte aux postes de

contrôle pourrait être obtenu à travers des missions d’observation directe et des

missions de dénonciation et de dédommagement des victimes.

S’agissant de la containerisation comme solution aux contrôles intempestifs et aux

rackets, il faut en souligner les limites qui résulteraient du fait que des quotas soient

établis et généralisés, comme l’enseigne la pratique actuelle, et que les responsables

chargés de la gestion de ces quotas se livrent à d’autres prélèvements illicites sous

divers prétextes tels que la nécessité de réservation de containeurs moyennant une

caution de réservation coûteuse.

Il conviendrait de développer des synergies entre la Commission de l’UEMOA, à

travers l’OPA, et les autorités de lutte contre la corruption. Un cadre institutionnel de

suivi pour recevoir les plaintes et dénonciations, faisant interagir la Cour de Justice,

les Gendarmeries nationales et autres forces de sécurité, devrait également être

envisagé. Les juges nationaux, qui sont aussi des juges communautaires, seraient

chargés d’appliquer la loi, étant donné qu’ils ont l’obligation de faire respecter le droit

communautaire. La Cour de justice ne serait saisie que pour les cas non tranchés au

niveau national. Un colloque sur l’effectivité de la Cour de justice pourrait être envisagé

à l’appui de ces mesures.

L’information, l’éducation des agents et des communautés de base demeurent la clé

de l’effectivité de toutes les mesures envisagées. Dans ce cadre, il conviendrait

d’instaurer une émission à la télé pour dénoncer les malversations.

Enfin, la Commission devrait prendre des dispositions pour relever les capacités

d’intervention de ses Représentations résidentes dans les pays, afin qu’elles puissent

être saisies directement des questions de manquement à la libre circulation au lieu

que l’on soit toujours obligé d’en référer au siège de la Commission de l’UEMOA.

I.1.1 Réactions des panelistes

De toutes les manifestations de l’UEMOA, le présent forum est la seule où l’on sent

une réelle volonté d’inclusion de la société civile et des journalistes. Il est à espérer

que cela se poursuive, par exemple à travers des fora dans les villes frontalières.

Les usagers des corridors doivent refuser de payer et éviter de se mettre en position

de corrupteurs, en se convaincant qu’ils ont le droit de porter plainte en cas d’abus de

la part des agents de contrôle aux frontières.

Comme solutions simples et peu coûteuses, des émissions télé en langues nationales,

et autres formes de sensibilisation similaires sont à envisager, afin que chaque citoyen

connaisse ses droits et devoirs en matière de libre circulation.

26

Thème 2 : Levée des obstacles à la fluidité du commerce intra régional dans l’UEMOA

Panel 3 : Conditions de l’effectivité de la réglementation et des législations communautaires en matière de commerce intra régional

Panel 4 : Nouvelles approches à préconiser pour accroitre le niveau du commerce intra régional

27

Panel 3 : Conditions de l’effectivité de la réglementation et des législations communautaires en matière de

commerce intra régional

Modérateur des séances du panel 3 : M. Daniel Amagoin TESSOUGUE

Président de la Cour de justice de l’UEMOA

Panélistes : Dr Ablassé OUEDRAOGO

Administrateur Général de Zoodo International Mme Claire Houngan AYEMONNA

Magistrat, ancien Ministre de la famille, de la protection sociale et de la solidarité du Bénin

Pr Luc Marius IBRIGA, Professeur à l’Université de Ouagadougou Dr Paul Koffi

Commissaire de l’UEMOA en charge du Département de l'Aménagement du Territoire Communautaire et des Transports (DATC)

Synthèse des travaux du panel 3

Des exposés et débats du panel 3, consacré à l’examen des conditions de l’effectivité

de la réglementation et des législations communautaires en matière de commerce

intra régional, on retiendra que la réduction des points de contrôle a fait l’objet d’une

Directive, avec des mesures d’accompagnement telles que l’usage de macarons sur

les véhicules, les dispositions du Règlement n°14/2005/CM/UEMOA relatif à

l’harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids, et de

la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les Etats

membres de l’UEMOA - communément nommé R14.

Par ailleurs, les représentants des transporteurs routiers présents lors des travaux de

ce panel ont tenu à nuancer les statistiques des échanges intracommunautaires, en

faisant remarquer que dans leur profession on transporte beaucoup de choses non

déclarées.

Un représentant des forces de l’ordre et de sécurité a fait remarquer que depuis le

début du Forum on évoque beaucoup la levée des barrières et l’on discute de thèmes

divers en occultant la question de la sécurité qui est aujourd’hui capitale pour nombre

d’Etats membres.

Il indiquera également qu’en matière de prélèvements indus aux postes de contrôle –

les « rackets » - il conviendrait, à l’instar de ce qui se fait dans certains Etats membres,

d’envisager des sanctions sévères pouvant aller jusqu’à la radiation des agents

indélicats, tout en aidant à bien identifier les postes de contrôle de sécurité afin que

ceux-ci ne se transforment en de nouvelles sources de rackets et de tracasseries aux

transporteurs.

28

Intervention de Madame Ayaba Claire HOUNGAN AYEMONNA Magistrat Ancienne Ministre de la Famille, de la Protection Sociale et de la solidarité

Résumé de l’intervention

La composition de la règlementation de l’UEMOA comporte :

- les Actes additionnels de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement

(CCEG), Organe délibérant. Ces Actes additionnels sont généralement

annexés au Traité ;

- les Règlements et Directives qui sont du ressort du Conseil des Ministres (CM) ;

- les Décisions qui sont du ressort du Président de la Commission.

Le pouvoir législatif et règlementaire de l’UEMOA se trouve exercé par la CCEG et le

CM qui concentrent également en leurs mains le pouvoir exécutif au niveau de chacun

des Etats. Dès lors, on comprend qu’il peut y avoir des difficultés quand on a les

mêmes organes qui concentrent et le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Le pouvoir d’exécution des Actes est expressément délégué à la Commission de

l’UEMOA qui agit sous le contrôle du CM.

Mais il faut dire qu’au niveau de l’Union européenne il en est de même et donc,

l’Afrique ou l’UEMOA ne présente pas une particularité sur ce plan.

Il existe bien un Parlement de l’UEMOA mais celui-ci n’est pas en réalité un organe

législatif. Son rôle se limite au contrôle démocratique des organes de l’Union, à

l’examen du rapport général sur le fonctionnement et l’évolution de l’Union, et à

émettre des avis qui transitent par le Président de l’Union. Mais même si les

parlementaires de l’UEMOA ne constituent pas un organe législatif au niveau de

l’UEMOA, à l’intérieur de leurs pays, ils peuvent jouer un rôle important quant à la mise

en œuvre de la règlementation de l’UEMOA.

Le pouvoir législatif au niveau interne a la possibilité d’interpeler le gouvernement sur

la mise en œuvre de telle ou telle règlementation. Donc, c’est un rôle que les

parlementaires de l’UEMOA peuvent jouer au niveau interne quand il y a des

difficultés. Ils peuvent à un moment donné interpeler le gouvernement pour dire « vous

avez signé tel Acte au niveau communautaire, qu’est-ce qui fait que nous constatons

dans la mise en œuvre que ça ne bouge pas ? »

Les Actes additionnels sont également relatifs à l’institution d’une politique commune

dans le domaine de la circulation et du séjour des personnes non ressortissantes de

l’Union. Il y a eu la définition et l’adoption de plusieurs politiques sectorielles

communes, notamment dans les domaines minier, agricole, industriel, énergétique,

d'aménagement du territoire communautaire, artisanal.

Il y a eu également l’institution des règles d’origine des produits de l’UEMOA, d’un

régime paritaire préférentiel, la création d’une chambre consulaire, du Conseil du

travail et du dialogue social, et l’adoption du Pacte de convergence, de stabilité, de

croissance et de solidarité entre les Etats membres.

29

De plus, des Actes additionnels ont consacré l’institution de deux fonds : le Fonds

d’Appui à l’Intégration Régionale (FAIR) et le Fonds régional de Développement

Agricole (FRDA).

Le Conseil des Ministres a aussi édicté divers Règlements.

Quels sont les obstacles ? Ceux-ci consistent essentiellement en diverses entraves,

que l’on peut classer en 3 catégories : i) les barrières tarifaires, ii) les barrières non

tarifaires qui comprennent aussi les barrières dites physiques ainsi que iii) la non

ratification des accords signés. Au titre de la troisième catégorie d’entraves, la non-

ratification, on citera l’exemple de l’accord sur la facilitation des échanges. La Guinée-

Bissau ne l’a pas ratifié, le Bénin l’a ratifié mais n’a pas déposé les instruments de

ratification, tandis que le Niger et le Togo l’ont ratifié, ont déposé les instruments de

ratification mais n’ont notifié aucune mesure prise. La Commission de l’UEMOA doit

jouer un rôle de rappel à ce niveau pour que les pays indiquent régulièrement les

dispositions prises dans le cadre de la ratification d’un accord communautaire.

30

Intervention du Docteur Ablassé OUEDRAOGO Ancien Directeur Général Adjoint, Organisation Mondiale du Commerce OMC Administrateur Agence Conseil ZOODO International

Résumé de l’intervention

"Les Massaï, comme leurs animaux, ça ne connaît pas de frontière, ça ne connaît pas

de papier" disait le Président Julius NYERERE, pour expliquer la liberté de circulation

dont jouissait ce peuple d’éleveurs dans les vastes prairies de Tanzanie et du Kenya.

Pour rappel, à sa création en janvier 1994 par les sept pays d’Afrique de l’Ouest ayant

en partage le Franc CFA, l'UEMOA avait pour objectif d’édifier en Afrique de l’Ouest

un espace intégré et harmonisé, selon les termes de son Traité ratifié le 1er août 1994.

Les sept Etats fondateurs ont été rejoints en 1997 par la Guinée-Bissau.

L’essentiel des fondements de l’UEMOA se trouvent dans l’article 4 de son Traité qui

stipule, notamment, de créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la

libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit

d'établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi

que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune.

Le Docteur Ablassé OUEDRAOGO a structuré sa présentation autour des trois points

suivants :

1. les acquis de l’UEMOA dans le processus de construction du marché commun de l’Afrique de l’Ouest ;

2. les insuffisances et les difficultés dans le processus de construction du marché commun de l’Afrique de l’Ouest ;

3. les recommandations et propositions en vue de parachever le processus de construction du marché commun de l’Afrique de l’Ouest.

D’entrée de jeu, il a indiqué que la construction d’un Marché Commun n’est pas une

tâche que l’on peut prendre à la légère. Tout le monde doit être impliqué et il existe

beaucoup d’obstacles sur la voie. Ces obstacles ne sont pas insurmontables.

Il faut faire face au défi relatif à la méconnaissance des textes par les usagers et par

certains agents affectés aux frontières, méconnaissance, voire ignorance qui explique

la non-application des textes communautaires alors que ce sont ces textes qui sont

appelés à faciliter la libre circulation des personnes et des biens dans l’espace

communautaire.

La faiblesse des organes communautaires, le refus d’appliquer les textes par certaines

Autorités nationales constituent d’autres défis largement évoqués. On ne saurait

comprendre ce refus au niveau national, car il faut savoir ce que l’on veut. On ne peut

vouloir à moitié.

Le défi sécuritaire a également été largement mentionné. Mais ce défi est devenu un

alibi pour l’augmentation des barrières de contrôle indues, avec des « rackets » et

diverses formes de corruption.

31

Les Communautés économiques régionales, en l’occurrence la CEDEAO et l’UEMOA,

doivent mobiliser tous les instruments juridiques, diplomatiques et politiques possibles

pour impulser l’intégration économique sous-régionale.

Nous devons rompre avec la situation où ce sont les mêmes communiqués qui sortent,

les mêmes difficultés qui sont évoquées, en allant vers une démarche participative où

les Etats membres, le secteur privé et les populations conjuguent leurs efforts pour

faire aboutir l’intégration. Les Chefs d’Etat ne doivent plus s’abriter derrière les

drapeaux nationaux, ils doivent répondre aux besoins des peuples, qui demandent la

satisfaction de leurs besoins de base – besoins alimentaires, d’éducation, de santé,

etc.

Dans cette optique, il faudra développer la coopération entre la CEDEAO et l’UEMOA.

Cette dernière a enregistré beaucoup d’acquis, mais de l’autre côté il n’y en a pas. Si

l’on n’y prend garde, ces acquis risquent d’être perdus. Dans la nouvelle dynamique

de coopération CEDEAO - UEMOA, l’UEMOA doit, dès à présent, utiliser l’anglais,

traduire ses textes règlementaires et ses autres documents en anglais.

Enfin, pour avoir une véritable Union douanière et entrer dans une phase d’édification

d’un Marché commun, la libre pratique doit être instaurée.

Les suggestions formulées par le panéliste sont les suivantes :

1. sensibiliser, former les agents affectés aux frontières, à travers des séances spécifiques de formation, des séminaires, etc., ce qui permettra de renforcer les capacités de ces agents, de pair avec la sensibilisation des opérateurs économiques sur leurs droits et devoirs, l’interconnexion des systèmes douaniers, etc. ;

2. multiplier les contrôles inopinés sur les corridors routiers ;

3. accélérer la mise en place du visa unique pour les personnes non ressortissantes, de sorte que tous ceux qui sont admis sur l’espace communautaire, tout comme les ressortissants de l’Union puissent circuler selon l’image que donnait le Président NYERERE des Massaï et de leurs animaux ;

4. harmoniser la classification des prestations de services afin de faciliter la libre circulation des services entre les Etats membres ;

5. instaurer des systèmes d’alerte sur les manquements aux textes communautaires, afin de faciliter le travail de la Cour de Justice de l’UEMOA.

L’UEMOA constitue le deuxième grand marché dans espace CEDEAO. Les

responsables, qui ont déjà manifesté leur engagement pour l’édification de l’Union

doivent aider les Organes - la Commission, la Cour de Justice notamment – dans leur

tâche d’impulsion de la mise en œuvre des dispositions communautaires.

Il conviendra également de poursuivre les réformes, car elles sont indispensables. En

effet, à l’UEMOA on a besoin de réformer, de manière à faire évoluer le cadre juridique

de l’intégration.

De plus, Si nous acceptons de respecter nos engagements vis-à-vis des institutions

qui se situent à un niveau supérieur, comme l’OMC, la ZLECAf, la CEDEAO, l’Union

32

européenne par le truchement de l’Accord de partenariat économique (APE), nous

devons nous doter de ressources humaines compétentes, de manière à utiliser le

commerce à bon escient, c’est-à-dire en faveur du développement durable. Il faut

libéraliser au maximum le commerce et en faire un véritable levier de développement,

en améliorant la compétitivité de nos économies, car la libéralisation commerciale,

bien menée, est un levier de développement pour tous les Etats membres.

Enfin, il faut aller vers une ouverture du recours en manquement aux citoyens, étant

entendu que la Cour de Justice dispose de magistrats compétents et indépendants.

33

Intervention du Professeur Luc-Marius IBRIGA Professeur à l’Université de Ouagadougou Contrôleur Général d’Etat - ASCE-LC

Résumé de l’intervention

Le paneliste IBRIGA a indiqué d’entrée de jeu que dans son intervention la question

de l’effectivité de la réglementation et des législations communautaires en matière de

commerce intra régional sera analysée sous l’angle du droit.

Pour traiter cette question, le Professeur Luc-Marius IBRIGA a fait une présentation

subdivisée en deux parties : d’abord pour montrer que la libéralisation actuellement

est une libéralisation en trompe-l’œil ; puis pour analyser les voies et moyens

permettant d’avoir une libéralisation non seulement effective mais bénéfique.

Pour le panéliste, la question fondamentale qui se pose est celle de savoir si

l’UEMOA est une réalité bénéfique pour les populations ou uniquement une très

belle architecture qui ne produit pas les résultats escomptés.

Pour lui, quand on pose la question de l’effectivité, cela renvoie à la question des

garanties coercitives à mettre en œuvre pour que les règles adoptées soient

appliquées. Et dans la garantie coercitive, il y a deux aspects : la garantie

normative et la garantie institutionnelle.

La garantie normative, quant à elle, est très riche à l’UEMOA. Beaucoup de textes

ont été adoptés et si on s’en tenait à la garantie normative l’UEMOA serait aujourd’hui

une Union douanière allant vers la réalisation d’un Marché commun.

Malheureusement pour que la garantie normative soit efficace, il faut que la garantie

institutionnelle soit réelle. Et c’est sur ce point que la question nous interpelle parce

qu’il manque la garantie administrative et juridictionnelle à la mise en œuvre des

règles communautaires.

Le premier aspect est de réfléchir sur les causes, faire un diagnostic de la question.

La réalité de l’UEMOA aujourd’hui c’est une libéralisation en trompe-l’œil, parce que,

premièrement, il y a une absence de pratique institutionnelle. La pratique

institutionnelle commande que lorsqu’on prend des textes, on s’y tient et on les

applique, que ce soit au niveau communautaire ou au niveau des Etats. Or, la réalité

à l’UEMOA c’est une absence de pratique institutionnelle, que ce soit au niveau de

l’UEMOA – et l’exemple le plus patent est « l’affaire YAYI » – ou que ce soit au niveau

des Etats qui n’appliquent pas les textes et qui continuent d’avoir des mesures

tarifaires ou non tarifaires qui empêchent le commerce.

Deuxième faiblesse institutionnelle, c’est la faible appropriation du droit

communautaire par nos administrations. Nos administrations n’ont pas la capacité

de gérer le processus d’intégration. Beaucoup mêmes ignorent le processus

d’intégration. Vous avez des textes qui sont pris au niveau de l’UEMOA, des

dispositions qui sont d’applicabilité directe et d’immédiateté et vous allez dans un

service on vous dit que l’on n’est pas au courant de ces textes et qu’ils ne sauraient

donc s’appliquer au niveau dudit service. Ledit service vous rétorquera, par exemple,

34

que les textes qu’il applique sont ceux de la CEDEAO et non ceux de l’UEMOA

auxquels vous faites allusion.

Troisièmement, il y a l’absence d’une vie juridique et judiciaire. Déjà dans nos pays

il y a la faiblesse du contentieux, or en ce qui concerne l’UEMOA, nous avons un

système qui est complexe, et qui fait qu’il y a une communautarisation de la fonction

du juge national, qui est à la fois juge national et juge communautaire. Le problème ici

est que, concernant la libre circulation des personnes, lorsqu’on vous refuse l’accès

du territoire d’un Etat, ce n’est pas devant votre juge que vous devez ester mais c’est

devant le juge de l’Etat qui vous a refusé l’accès. Et cela pose des problèmes d’accès

au juge puisqu’il faut avoir un avocat, etc.

De la même manière, lorsqu’on vous applique une règlementation qui ne devrait pas

l’être, c’est devant le juge de ce pays que vous devez le faire et là aussi se posent un

certain nombre de problèmes. Donc, les procédures ne sont pas appliquées, et les

Etats eux-mêmes n’appliquent pas les voies de recours qui sont ouvertes par le Traité

aux Etats. Le recours en manquement existe, mais, selon le paneliste, il y avait un ou

deux recours en manquement qui avaient été faits et qui n’avaient même pas été

traités parce que l’Etat concerné n’avait pas attendu le bon moment.

Il y a en plus des faiblesses institutionnelles, des faiblesses structurelles.

L’UEMOA a été créée en prenant conscience que la construction d’une Union

douanière sera difficile pour les Etats en développement. L’expérience avait déjà été

corrigée avec la CEAO et l’UEMOA en a tenu compte en pensant d’abord à créer une

zone d’échanges organisés avant d’aller vers l’Union économique et monétaire, parce

que les recettes de porte ont une importance fondamentales pour les budgets, or si

vous dites libéralisation vous dites de supprimer des recettes pour certains Etats et,

en cas de difficulté, il y a des risques que les Etas reviennent à des perceptions qui ne

sont pas régulières. Deuxièmement il y a les conséquences sociales des plans

d’ajustement structurel qui ont conduit à la paupérisation de bon nombre de personnes

et à la création, par la multiplication des contrôles, de niches de corruption. Le racket

est venu, soit disant, au départ, pour « améliorer la sauce », et depuis, même quand

« la sauce a été améliorée », le racket continue. Troisièmement, nous avons

aujourd’hui des Etats défaillants, il faut le dire, défaillants parce que fragilisés par des

crises multiformes. Il n’y a pas un Etat de l'UEMOA qui ne soit frappé par une crise

politique, sociale, sécuritaire, et cela a une incidence sur les Etats qui n'ont plus

véritablement en main leur impérium. Cela conduit à une faiblesse sur l’emprise du

territoire national. Il y a des zones que les Etats ne maîtrisent plus, et on l’a bien montré

hier ici, cela se traduit par le fléchissement des recettes fiscales dû au fait que les

Etats ne peuvent plus les percevoir. Enfin, et c’est un point qu’il faut prendre en

compte, c’est la nature du type de commerce dans notre zone, qui n’est pas un

commerce favorable à la libéralisation. Nous sommes dans l’import-export, à savoir

qu’on va acheter en Chine, en d’autres pays d’Asie, etc., on revient, on vend et donc,

c’est une libéralisation qui profite à des produits étrangers et non pas à des

produits nationaux.

35

Donc, compte tenu de ce diagnostic - faiblesse institutionnelle, faiblesse structurelle –

que faire pour que les normes communautaires soient effectives.

Pour cela, nous devons implémenter un certain nombre de mécanismes mais aussi

réorienter la perspective de l’intégration. Sur le premier point, concernant

l’implémentation de mécanismes, le premier concerne le renforcement des

capacités institutionnelles, cela par la création de structures-relais pour l’UEMOA.

L’UEMOA a développé des représentations dans les Etats mais en plus il faut qu’il y

ait des structures-relais dans les administrations nationales pour permettre une

connaissance et une application des dispositions du Traité. Deuxièmement, il faut que

les Etats fassent une saine application du principe d’autonomie institutionnelle et

du principe de loyauté. Principe d’autonomie institutionnelle qui veut que les Etats

sont ceux-là qui mettent en œuvre les normes communautaires. Or, la réalité c’est que

les Etats prennent cela comme une expression de leur souveraineté pour donner des

interprétations différenciés des normes communautaires. Troisièmement, il faut la

création de capacités administratives et techniques et sur ce plan, la proposition

est la mise en place entre l’UEMOA et les Universités de nos pays de formations

spécialisées pour les cadres des différentes administrations en ce qui concerne le droit

communautaire. C’est un projet que depuis plus de dix ans nous proposons à

l’UEMOA mais qui, jusqu’à présent n’a pas trouvé preneur.

Enfin, il y a la consécration du principe de confiance mutuelle – parce que les Etats

refusent certains produits en disant que ce n’est pas fabriqué comme chez eux. Alors

que, si on veut construire une zone de libre-échange, il faut que l’on considère que

quand un produit a été accepté dans un Etat ce produit peut circuler sans avoir

forcément à respecter les normes d’un autre Etat.

Donc le rôle de la Commission est important dans le cadre de la confiance mutuelle,

et la Cour de Justice doit jouer ce rôle-là comme ce qui a été fait dans l’Union

européenne en faisant en sorte que sa jurisprudence pose et consacre le principe de

confiance mutuelle.

Il faut baliser le principe d’autonomie institutionnelle par la Cour parce que la Cour doit

montrer que le droit communautaire doit primer sur les droits nationaux. On voit

aujourd’hui des velléités de remise en cause de la suprématie du droit communautaire

UEMOA ou CEDEAO parce que la dernière décision de la Cour constitutionnelle du

Bénin est une remise en cause de cette suprématie, même si certaines arguties

juridiques tendent à dire que c’est pour faire avancer les libertés. Donc la Cour de

justice a un rôle à jouer pour permettre au droit de régner dans les Etats.

Autre élément, c’est l’ouverture d’une voie directe de saisine du juge communautaire.

Le paneliste déclare qu’il n’y est pas favorable, mais pense que, dans la situation

actuelle, il y a peut-être lieu d’une ouverture pour que le juge joue son rôle de garant

du droit communautaire, parce que normalement le juge national doit jouer ce rôle et

saisir au besoin le juge communautaire en cas de difficulté d’interprétation. Mais nous

savons tous que déjà dans nos pays, il y a une difficulté pour les uns et les autres

d’aller vers le juge, si nous voulons qu’ils connaissent l’ensemble de cette procédure

cela est difficile. Il serait bon, pour que les Etats ne fassent pas une interprétation

36

erronée du droit communautaire que le juge communautaire soit responsabilisé pour

donner l’orientation en ce qui concerne le droit communautaire et son application. Mais

au-delà de ce que le paneliste dit considérer comme une simple ingénierie

institutionnelle, il y a une réorientation du processus d’intégration à faire. Réorientation

parce que la question de l’élimination des entraves ne pourra être possible que si

véritablement on résout les problèmes fondamentaux. Premier problème, comme

signalé ci-dessus, c’est l’importance des droits de douane dans la composition des

budgets. Ensuite, c’est la place du droit dans les Etats. Quand vous n’avez pas

l’habitude de respecter le droit chez vous, il devient difficile de respecter le droit, soit-

il supranational. Donc l’Etat de droit, la constitution de l’Etat de droit est un élément

fondamental si on veut que les normes communautaires soient effectives. Enfin, il y a

cette question du protectionnisme minimal qui semble être un fétichisme pour

l’UEMOA et qui doit être abandonné. Parce que le constat aujourd’hui qu’est-ce qu’il

est ? C’est un marché régional qui est inondé par des produits étrangers, des produits

tiers, avec une transformation de nos habitudes alimentaires, ce qui fait qu’aujourd’hui

nous ne faisons que faire sortir des devises pour acheter des pâtes alimentaires, ou

du riz, etc., alors que la production nationale, les bas-fonds qui sont aménagés,

produisent du riz qui n’est pas consommé par nos populations. Sur ce plan, le

paneliste pense que M. M. Kahn, un responsable des employeurs sénégalais, avait

bien vu en tirant la sonnette d’alarme et en disant de veiller à ce que l’ouverture sur

l’extérieur n’annihile les efforts de l’ouverture interne parce que cela risque de créer

une pression concurrentielle insoutenable pour les pays. Il y a un désintérêt pour

l’investissement étranger de la zone. Il y a un désintérêt pour l’investissement productif

local, et le plus grand danger, c’est la déstructuration du système productif non

compétitif et donc, à court terme, quand on regarde cela on se félicite en se disant que

le citoyen lambda peut acheter trois pagnes à 5000 F ou à 2500 F, mais à long terme,

c’est l’ensemble de notre tissu industriel très fragile que l’on met en cause. Voilà

pourquoi nous devons nous poser la question de savoir pour qui et pourquoi libéraliser.

Cette question est importante parce que nous n’avons pas encore mobilisé les

préalables du développement. Produire pour exporter parce que le marché mondial

suppose que vous produisiez pour pouvoir exporter. Or ces préalables que sont les

voies de communication, l’énergie, l’eau, le savoir ne sont pas mobilisés. L’UEMOA

doit travailler dans ce sens et laisser de côté toute cette règlementation théorique sur

le libre-échange.

Ensuite, le processus d’intégration pour être réajusté doit créer une dynamique

intrinsèque et pour cela il nous faut des Etats efficaces. Il faut que l’on comprenne que

l’intégration ne peut pas se faire si les Etats continuent d’être des Etats défaillants. Et

pour cela, le paneliste propose que l’intégration soit réorientée en tenant compte de

trois idées fondamentales :

il faut que ce soit une intégration de solidarité, à savoir que les Etats doivent

travailler à la correction des inégalités qui existent. Si ces inégalités augmentent

il n’y aura pas d’intégration ;

37

il faut que ce soit une intégration de réalisation. L’UEMOA et la CEDEAO

doivent se manifester par la construction de routes, de chemins de fer,

d’école, etc., de centres de recherche communs. C’est ça qui est son travail.

Ce n’est pas de faire des consultations et de donner des rapports à longueur

de journée, etc. ;

troisièmement, il faut une intégration de proximité, chemin dans lequel

l’UEMOA est déjà engagé avec l’insertion des acteurs locaux, mais il faut

aller plus en avant et c’est ça qui va permettre que les normes UEMOA soient

effectives parce qu’on va faire l’intégration avec les populations et non

simplement pour les populations.

En conclusion, le développement des capacités institutionnelles est la tâche

fondamentale qui attend l’UEMOA. C’est une tâche qui est très grande et qui s’inscrit

dans le long terme, mais c’est une entreprise qui est vitale surtout que nous savons

que la suppression des entraves aux échanges est importante car ces entraves

constituent un frein majeur à l’approfondissement de l’intégration et à la lutte contre la

pauvreté. Mais nous avons un avantage c’est que cette suppression est l’une des rares

mesures qui ne demande pas de l’argent. Ce qu’elle demande c’est une volonté

politique et il faut que nous nous en souvenions.

38

Intervention du Docteur Paul Koffi KOFFI Commissaire Chargé du Département de l’Aménagement du Territoire Communautaire et des Transports (DATC)

Résumé de l’intervention

La présente communication s’appesantit sur les infrastructures de transport destinées

à rendre fluide la circulation des personnes, des biens et services.

Elle part d’un premier constat qui est que les échanges commerciaux dans la zone

Afrique de l’Ouest sont structurés en cinq grand pôles, lesquels vont également

déterminer les grands corridors routiers mis ou à mettre en place.

Il s’agit des zones dénommées sous-espace Ouest, sous-espace Centre, sous-

espace Est, zone de conurbation méridionale et bande sahélienne, dont on trouvera

le descriptif exhaustif dans le corps de la communication.

Malgré les efforts déployés et les politiques commerciales mises en œuvre, les

échanges intra-régionaux dans l’espace UEMOA demeurent faibles et enregistrent

une tendance baissière. De 16,8% en moyenne entre 2000 et 2006, ils sont passés à

16,0% entre 2007 et 2013, notamment en raison de l’orientation des exportations

commercialisées vers les marchés hors de l’Union et des barrières physiques,

tarifaires et non tarifaires mises en place par les Etats.

Plusieurs réformes ont été adoptées pour rendre effective la libre circulation des

personnes, des biens et des services, touchant tous les secteurs du transport -

terrestre, aérien et maritime. Il convient de noter que le secteur terrestre assure plus

de 90% des échanges intra-communautaires.

La gouvernance des transports est assurée au niveau de la Commission de

l’UEMOA à travers un système de gestion des corridors routiers inter-Etat dirigés par

des Comités de Gestion composés de tous les acteurs aussi bien du public que du

privé, l’adoption d’un programme de construction de postes de contrôles aux frontières

entres les Etats membres – postes de contrôles juxtaposés (PCJ) - pour améliorer les

procédures de passage des frontières, le tout accompagné par le processus

d’interconnexion des systèmes informatiques douaniers et la surveillance de la

performance des corridors à travers l’Observatoire des Pratiques Anormales (OPA)

qui collecte des informations sur les nombres de postes de contrôles, les prélèvements

illicites et les temps de contrôle.

En ce qui concerne la maintenance de l’état des infrastructures un Règlement

communautaire – le Règlement 14/2005/CM/UEMOA connu de tous les transporteurs

sous l’appellation familière « R14 » -, destiné à la préservation du patrimoine routier

par la lutte contre les surcharges qui accélèrent la dégradation des chaussées, a été

édicté. Parallèlement, la Commission a adopté et mis en œuvre plusieurs programmes

routiers qui visent à connecter tout le réseau routier communautaire et améliorer l’état

de praticabilité des routes.

L’adoption de ces réformes et programmes ont permis d’enregistrer quelques

avancées et d’entrevoir l’avenir avec optimisme, mais les résultats obtenus jusqu’ici

39

ne sont pas encore à la hauteur des attentes. Divers retards sont accusés dans la

mise en œuvre des programmes infrastructurels, des lenteurs sont observées dans la

mise en œuvre des règlementations et certains chantiers, tels que la création d’une

compagnie aérienne communautaire et le développement du transport maritime,

souffrent d’une insuffisance de ressources. Les lenteurs dans la construction et la mise

en service des certaines infrastructures, tels les PCJ, sont liées au climat d’insécurité

dans certaines parties de l’espace communautaire.

Pour l’avenir, l’UEMOA et la CEDEAO s’attèlent à renforcer la gouvernance des

transports, avec la mise en service des Postes de Contrôles Juxtaposés (PCJ), la

poursuite de l’installation des Comités de Gestion des Corridors, l’installation d’outils

de facilitation des échanges - interconnexion des systèmes informatiques douaniers,

création d’un portail commercial, modernisation des opérations de transit à travers le

guichet unique régional notamment -, l’amélioration de la surveillance de la

performance des corridors grâce à l’opérationnalisation de l’Observatoire Régional

des Transports (ORT), le développement et la modernisation des infrastructures

routières du réseau communautaire, la prise de mesures fortes envisagées par les

Etats pour relever le défi sécuritaire, la création de l’URSAC qui contribuera à renforcer

la sureté et la sécurité de l’aviation civile dans la région et qui offre un cadre approprié

pour les réflexions en vue de la création d’une compagnie aérienne régionale, une des

priorités des plus hautes autorités de l’UEMOA.

Le déploiement de synergies avec la CEDEAO et l’Union Africaine dans le cadre de

l’opérationnalisation de la ZLECAf promettent d’insuffler un nouveau dynamisme aux

actions en matière de soutien du commerce par les transports.

Réactions et débats

Réactions et débats des participants

A l’ère du numérique, une Union douanière est inconcevable sans l’informatisation et

l’interconnexion intégrale des systèmes douaniers. Le cas de double dédouanement

de marchandises signalé au cours du présent forum n’existerait pas si l’on avait un

système de libre pratique, et la libre pratique exige aujourd’hui l’informatisation et

l’interconnexion des systèmes douaniers.

S’agissant de la réduction des points de contrôle, cette question a fait l’objet d’une

Directive, avec des mesures d’accompagnement, comme les macarons à identification

par radio fréquence sur les véhicules, le Règlement concernant le transport routier

inter Etats de l’UEMOA (TRIE), connu sous l’appellation R14, ayant été capitalisé dans

ladite Directive. Il faut que l’on dresse une feuille de route pour la mise en œuvre de

cette Directive au sortir de ce Forum. La Commission de l’UEMOA a un rôle

d’impulsion, de leadership et, dans ce type de situation, c’est à elle de prendre les

dispositions pour que les mesures d’accompagnement de la Directive soient prises et

appliquées.

Concernant la corruption, certes il faut la stigmatiser, mais Il faut affronter cette

corruption de manière structurelle. Il s’agit d’un système où beaucoup d’acteurs

entrent en jeu.

40

Lorsqu’on dit que les échanges intracommunautaires ne représentent que 11,6% des

échanges de l’UEMOA, les transporteurs se montrent sceptiques car ils témoignent

du fait qu’ils transportent beaucoup de choses non déclarées. Les produits non

correctement dédouanés échappent ainsi aux statistiques.

A propos des comportements de corrupteur des transporteurs, ceux-ci évoquent le fait

qu’ils se voient contraints d’effectuer les paiements indus lorsqu’ils transportent des

produits périssables qui ne peuvent souffrir des temps de bocage aux frontières qui

leur seraient imposés en cas de non-paiement. De même, lorsque l’on transporte des

passagers, le refus de payer occasionne une immobilisation de véhicule par les

agents, ce qui entraîne le mécontentement des passagers et un risque de perte de

clientèle.

S’agissant de l’application du R14, qui prévoit le contrôle de la charge à l’essieu

véhicule chargé, l’absence de pèse-essieu dans tous les points où cela est requis pose

un problème, les transporteurs pouvant, après chargement et indépendamment de

leur volonté, se retrouver en situation de contravention lorsqu’ils atteignent des points

de contrôle dûment équipés.

La structure de l’économie de l’espace UEMOA et celle du commerce régional sont

caractérisées par l’ampleur des importations de produits venant d’ailleurs et qui sont

souvent écoulés entre les différents pays. L’UEMOA devrait encourager la

compétitivité des entreprises à l’échelle des différents pays pour résoudre ce

problème. Par ailleurs, chaque pays peut, en lui-même, être un pôle économique et il

conviendrait de renforcer les différents pôles et d’assurer une complémentarité entre

eux, ce qui pourrait réduire la dépendance vis-à-vis de l’extérieur pour certains

produits de consommation courante tels que le riz et les produits de l’élevage.

S’agissant des freins à la libre circulation des personnes, dans un environnement

d’insécurité, il faut revenir sur l’identification de nos populations et procéder à la

numérisation et à l’interconnexion des postes de contrôle, de sorte qu’un individu

donné ait la même identité à tous les postes de contrôle.

Concernant les sanctions contre les rackets, les pays devraient recourir davantage

aux dénonciations et appliquer des sanctions en cas de manquement.

Dans le domaine du transport ferroviaire, on observe que dans le cadre du projet de

boucle ferroviaire le groupe Bolloré s’est installé à Niamey et facture très cher aux

transporteurs, alors qu’il n’a pas réalisé grand-chose. Les transporteurs doivent payer

de 250 000 à 300 0000 francs CFA. La Commission devrait examiner cette question.

Concernant la fermeture de la frontière entre le Nigeria et le Bénin, il faut noter que

cette frontière est également fermée vers le Niger. Il faut que l’UEMOA examine cette

situation et voit ce qui peut être fait pour soulager les transporteurs et les

commerçants.

Sur l’application des textes en matière de commerce (Directives), soit il n’y a pas de

transposition, soit on a parfois la transposition mais celle-ci est faite de la mauvaise

façon comme c’est le cas pour la TVA où les exonérations ne sont pas respectées,

chaque pays exonérant à sa guise.

41

S’agissant de la non-application des Règlements ou des Directives, cela peut provenir

aussi d’une formulation mal faite ou difficile à comprendre parce que pleine

d’ambigüité. C’est le cas pour le Règlement portant procédure devant la Cour de

justice de l’UEMOA. En ce qui concerne les cas pouvant justifier les restrictions à la

libre circulation des personnes, il faudrait que la Commission précise ce qu’elle entend

par « moralité publique », « santé publique », « sécurité publique », afin que les Etats

n’en fassent pas une utilisation à géométrie variable.

Sur l’effectivité des garanties coercitives pour l’application des textes

communautaires, les deux Organes que sont la Cour de justice et la commission de

l’UEMOA ne devraient pas être logés à la même enseigne en ce qui concerne la

garantie de l’effectivité des normes communautaires. La Cour de justice n’ayant

qu’une compétence d’attribution, ne peut pas s’autosaisir et est donc limitée dans son

action, ce qui n’est pas le cas pour la Commission qui, en tant que « gardienne des

Traités », est garante de l’effectivité. C’est pourquoi elle est, aux côtés des Etats, l’une

des entités à pouvoir poursuivre les Etats pour manquement.

Concernant l’absence ou la rareté des recours en manquement qui a été soulignée, il

est assez curieux qu’à ce jour aucune affaire en manquement n’a été portée devant la

Cour de justice. On pourrait se demander si cela ne traduit pas un certain malaise dû

au fait que les Etats ont des réticences à se traduire mutuellement en justice devant

la Cour de justice de l’UEMOA. La Commission qui, elle, en a la capacité devrait veiller

à faire mieux sanctionner les manquements.

En ce qui concerne les rapports et recommandations périodiques de l’Observatoire

des pratiques anormales (OPA), la Commission devrait abandonner sa démarche

diplomatique pour exiger des pays l’application stricte du droit communautaire.

A propos du problème qui se pose quant à la liberté d’établissement des avocats dans

l’espace UEMOA, la Cour constitutionnelle béninoise a rendu récemment une décision

qui menace la primauté du droit communautaire sur les droits nationaux, alors qu’elle

devait en principe surseoir à statuer et poser une question préjudicielle à la Cour de

justice, chose qu’elle n’a pas faite. Il y a là matière pour la Commission d’activer l’article

14 du protocole additionnel N° 1 et demander une interprétation claire et commune,

une bonne fois pour toutes, sur cette question de liberté des avocats au sein de

l’UEMOA.

Il convient de nuancer les propos tendant à dire qu’il n’y a pas de sanction au sein de

l’UEMOA, car il y en a aux termes du Traité modifié qui prévoit par exemple la

restriction d’accès aux ressources financières de la BOAD et même la perte de la

qualité de membre de l’UEMOA (art 74 d, 113 et suivants).

Le Commissaire Paul KOFFI KOFFI a parlé du développement des moyens de

communication, mais rien n’a été dit sur le transport aérien. Celui-ci a beaucoup

contribué au développement au niveau de l’Union européenne. Or, quand on prend la

sous-région UEMOA, le transport aérien coûte très cher. Que peut faire la Commission

pour développer le transport aérien, sachant que les Etats n’auront même pas à

investir puisque les particuliers viendraient avec leurs avions ?

42

Réactions des panelistes

Un intervenant a dit de "ne pas faire des réformes sur des réformes" mais d’appliquer

correctement celles qui existent. Sur ce point, il faudrait dire qu’une réforme qui n’est

pas appliquée doit dans certains cas être remplacée parce qu’elle n’est pas efficace.

Sur le R14, il y a 10 jours, les ministres des transports et des infrastructures de la

sous-région, se sont retrouvés à Dakar pour faire l’évaluation de sa mise en œuvre et

voir les perspectives.

Concernant les pèse-essieu, il y a encore des ports qui ne les utilisent pas.

Naturellement, quand les marchandises sont chargées, le transporteur ne sait pas

quelle est sa situation et quand il arrive à la frontière ou au prochain poste de pesage

avec pèse-essieux, il peut constater amèrement qu’il a dépassé la référence en

essieu. Nous avons demandé aux Etats concernés de remédier à cette situation.

Concernant le transport aérien, le Commissaire chargé du DATC s’excuse de n’en

avoir pas parlé dans sa présentation alors que cela figure dans le texte de sa

communication.

Sur le ferroviaire, les Chefs d’Etat ont demandé à ce qu’on revoie le projet de la boucle.

A la fin octobre 2019, une réunion est prévue avec l’ensemble des Etats pour revoir le

dispositif. Parce qu’effectivement, il y a des partenaires qui se sont montrés défaillants.

Il faut trouver des moyens alternatifs.

Sur les barrages et la sécurité, il y a lieu de noter que les attaques répétées ont lieu

essentiellement en bordure des frontières. Les attaques telles que celles de

Ouagadougou ou Bassam constituent des exceptions, avec d’autres objectifs.

Sur les échanges, seuls ceux enregistrés sont pris en compte dans les statistiques,

même s’il y a des retraitements pour tenir compte, non seulement des échanges

informels, mais aussi de ceux qui, tout en étant formels, donnent lieu à des

manipulations en douane.

La libéralisation des échanges reste un objectif. On ne peut jamais arriver à faire de la

libéralisation intégrale. C’est pour cela que dans les politiques économiques et de

développement de nos pays, il est toléré une dose de protectionnisme pour permettre

à nos industries naissantes de pouvoir grandir. C’est pour cela que dans les accords

APE qui étaient en négociation, ce point a été un point d’achoppement. On ne peut

pas aller à la libéralisation à outrance sans avoir quelque chose à échanger. Il faut s’y

préparer. Et se préparer c’est aller à la transformation de nos produits.

Il faut souligner le point sur la redevabilité des Organes de l’Union. Depuis longtemps,

il y a un aspect qui pèse beaucoup sur l’effectivité des normes communautaires, c’est

le fait qu’au niveau du Traité de l’UEMOA, qui a été révisé, il n’y a pas de recours en

carence. S’il y avait un recours en carence, la Commission s’activerait pour poursuivre

les Etats en manquement. Il y a des mesures qui sont prises, avec des dates fixées

pour leur mise en œuvre, mais elles ne sont pas respectées et personne ne peut

attaquer la Commission. Ce faisant, la Commission aussi est mal placée pour attaquer

des Etats dans la mesure où elle-même n’a pas exécuté la mission que les Chefs

d’Etat lui ont donnée.

43

Il est très important de soulever la question de la construction de l’Etat, d’un véritable

Etat. Aujourd’hui, ce que l’on constate au niveau de la région, c’est la perte totale du

sens de l’Etat. Nous sommes partout dans une culture de prédation. Chacun essaie

de tirer son épingle du jeu. L’idée de la communauté ou du groupe n’est plus un

élément important. Et cela affaiblit nos Etats et fait en sorte que les ressources qu'il

doit avoir pour pouvoir impulser les politiques publiques qui arrangent et qui permettent

aux populations d’avoir de meilleures conditions de vie ne peuvent pas exister. Et c’est

pour cela que l’on constate aujourd’hui, dans tous nos pays, un front social qui est très

agité parce que tout le monde veut tout, ici et maintenant, alors que l’Etat est à court

de moyens. On a montré ici que quand on regarde les ressources que nous récoltons,

celles-ci servent aujourd’hui à payer des salaires et il n’y a pas d’investissement. Quel

avenir pouvons-nous avoir et qu’est-ce que nous allons faire au niveau

communautaire ? Voilà pourquoi le niveau communautaire devrait venir, dans le cadre

de la subsidiarité, permettre aux Etats de souffler pour avoir des investissements dans

des domaines très importants.

Il y a lieu d’insister sur la question du savoir parce que si les Etats ont des difficultés à

disposer de centres de recherche performants, l’UEMOA devrait regarder dans son

rétroviseur pour voir ce que la CEAO avait prévu – l’ESSITEX, le centre d’énergie

solaire, etc. –, soit des projets qui, s’ils avaient été mené à leur terme, nous auraient

permis de gagner du temps.

En matière de libre circulation des personnes, il faudrait également lever les contrôles

des services d’hygiène dans les aéroports, là où ils existent encore, car ils entravent

la libre circulation des personnes. Il n’en existe plus au Bénin.

Concernant la conformité du transport aérien dans la région, sur les mesures de

transport aérien, nous en respectons 62%, ce qui est équivalent et même meilleur à

ce qu’on a en Afrique. En Afrique, on est à 50% en termes de sûreté et de sécurité.

C’est un gros effort. Depuis l’accident qui s’est produit ici au Burkina Faso, les Etats

ont fait beaucoup d’efforts. Par ailleurs, 5 aéroports internationaux ont été certifiés sur

les 8 principaux dans la sous-région. Il en reste donc 3 à certifier. Ensuite, nous avons

mis en place une unité régionale qui doit superviser cette dimension sûreté et sécurité.

Nous déplorons, comme tous les autres participants au Forum, les tarifs exorbitants

qui sont dus au fait qu’à un moment donné, après la disparition d’Air Afrique, l’UEMOA

avait été invitée à travailler sur la création d’une compagnie sous-régionale, mais avant

que les résultats n’apparaissent, chaque pays avait créé sa compagnie et, comme

chacun veut voir son drapeau sous sa compagnie, cela a créé des problèmes. Il a été

demandé à l’UEMOA d’améliorer cette étude, de la mettre à jour et de voir si, à défaut

d’une compagnie unique sous-régionale créée ex-nihilo, on ne pourrait pas organiser

une forme de coopération entre les compagnies existantes. Il faut savoir que c’est le

marché qui crée l’offre ici. A titre d’exemple, la Thaïlande enregistre, au seul aéroport

de Bangkok, 70 millions de passagers par an alors que tout le sous espace UEMOA

en enregistre à peine 3 millions par an. Et pourtant la Thaïlande est un pays qui est

parti sur les mêmes bases que nous, donc nous avons de gros efforts à faire sur cette

question.

44

Panel 4 : Nouvelles approches à préconiser pour accroître le niveau du commerce intra régional

Modérateur des séances du panel 4 : M. Tertius ZONGO

Directeur de la Chaire Sahel du FERDI, Ancien Premier ministre du Burkina

Panélistes : Dr Jacques DEGBELO

Responsable de l’Examen des Politiques Commerciales à l’OMC Pr N'Galadjo Lambert BAMBA

Coordinateur du Projet d’Appui à la Gestion Economique et Financière (PAGEF), Côte d’Ivoire

Pr John IGUE Professeur Emérite, Université d’Abomey-Calavi, Directeur Scientifique du LARES

M. Tèi KONZI Commissaire de la CEDEAO en charge du Département Commerce, Douanes et Libre Circulation

Synthèse des travaux du panel 4

Au terme des exposés et des débats du panel 4, portant sur les nouvelles approches

à préconiser pour accroitre le niveau du commerce intra régional, les participants ont

indiqué qu’il était nécessaire de revoir les critères d’appréciation des politiques

sectorielles communes, au regard des problèmes constatés dans leur mise en œuvre.

Par ailleurs, ils ont estimé qu’en principe, au bout d’un certain temps, avec les

modifications intervenues dans la structure des économies, il faudrait revoir la

structure du TEC.

S’agissant des politiques sectorielles de l’UEMOA, les participants ont relevé que ce

que le Pr. IGUE a dit sur le caractère arriéré de nos économies est tout à fait exact,

en pointant du doigt le cas du coton qui est peu transformé dans la sous-région alors

que les besoins en fil pour la filature sur place, par exemple, sont importants et non

satisfaits. Ils ont également préconisé des réformes visant à assurer la pleine

exploitation des potentialités des économies et une complémentarité entre elles.

Par ailleurs, les participants ont indiqué que des réformes sont aujourd’hui nécessaires

dans les Organisations d’intégration - CEDEAO, UEMOA -, avec la nécessité

d’approches nouvelles. Ainsi, le schéma d’intégration initial préconisé dans le cadre

de la CEDEAO, qui était davantage axé sur le commerce, devrait être réexaminé au

regard de l’extraversion de notre économie. Certes, le TEC et le schéma sont bien

conçus, mais les participants émettent des craintes en ce qui concerne son niveau de

d’application.

Dans la même optique, la CEDEAO et l’UEMOA devraient examiner l’introduction de

mesures de protection non tarifaires, dont les OTC (obstacles techniques au

45

commerce)/SPS (mesures sanitaires et phytosanitaires), qui constituent des

«substituts» aux mesures protectionnistes traditionnelles et revisiter le régime des

règles d’origine au sein de l’UEMOA à des fins d’industrialisation et de promotion de

chaînes de valeur sous-régionales.

Comme les autres panels, le panel 4 a fait ressortir les défis à relever en matière

d’information des acteurs sur les textes qui les concernent, la nécessité de traduire

ces textes dans les langues nationales, tout en insistant sur l’impératif de la lutte contre

la corruption et l’obligation de reddition de comptes.

L’utilisation des TIC, outre son avantage en matière de renforcement de la

surveillance, permettra, selon le panel 4, de fournir du travail aux jeunes.

Il a été relevé également que, dans certains cas, la fiscalité constitue un blocage au

libre échange des biens et que certaines règles édictées par l’UEMOA sont

paradoxales. Sur ce dernier point, il a été indiqué, à titre d’exemple, qu’une entité

possédant un compte au Trésor n’a pas la possibilité de faire de la compensation avec

cette institution au moment de payer ses impôts, obligé qu’il est de payer en espèces,

et cela en raison de règles émanant de l’UEMOA.

Le panel est également revenu sur le constat selon lequel ce que nous connaissons

des échanges à travers les données statistiques n’est pas conforme à la réalité. Il

faudrait alors mettre en place un dispositif dédié permettant de corriger les statistiques

du commerce en tenant compte des échanges informels.

Enfin, le panel 4 a indiqué que nos organisations doivent mener des réflexions plus

tournées vers l’action, par exemple la stratégie de conquête de marchés. Les

Organisations devraient se doter d’une vision stratégique et non consacrer l’essentiel

de leurs efforts à lutter pour faire respecter des règles.

46

Intervention du Docteur Ayissi Jacques DEGBELO Chef Région Afrique et Conseiller Administratif DEPC/OMC

Résumé de l’intervention

Les pays africains, y compris les membres de l’UEMOA/CEDEAO, disposent de

multiples atouts (similitudes et proximité sur plusieurs points) pour réussir leur

intégration. Cependant, les résultats demeurent en-deçà des attentes : ainsi dans

l’UEMOA, après 25 ans, les échanges intracommunautaires atteignent

difficilement 12%.

Les raisons à la base d’une aussi faible performance sont en partie bien connues et

documentées et ne feront plus ici l’objet d’une nouvelle évaluation. L’accent sera mis

ici surtout sur quelques nouvelles approches pouvant permettre d’accroître le

commerce intra régional et de gérer, au niveau communautaire, l’entrée en vigueur de

l’APEi pour la Côte-d’Ivoire.

Les grandes lignes du régime douanier de la libre pratique seront présentées ici et des

idées seront avancées sur l’opérationnalisation et la mise en service des PCJ.

Des pistes additionnelles aux quatre points suggérés par la Note conceptuelle du

Forum et non moins pertinentes pour le sujet seront évoquées en conclusion.

Régime douanier de la libre pratique

la nécessité de la libre pratique (entrée unique) pour une union douanière n’est

plus à démontrer ;

les défis de son instauration dans l’UEMOA vont de la collecte et la gestion des

recettes à leur redistribution/rétrocession ;

les défis sont aggravés par la trop grande importance des recettes douanières

pour les pays concernés et les approches à préconiser doivent en tenir compte ;

dans leur situation actuelle, des trois régimes de libre pratique courants, celui

de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU) semble plus appropriée pour

l’UEMOA ;

par contre, un régime douanier similaire au Mécanisme de Contrôle et de

Surveillance de Marché entre la Suisse et le Liechtenstein pourrait aider à gérer

l’entrée en vigueur de l’APEi pour la Côte-d’Ivoire tout en assurant, dans la

mesure du possible, sa participation à l’UEMOA ;

par ailleurs, si les pays de l’Union réussissaient leur transition fiscale en cours

et dépendaient moins des recettes de porte, un régime douanier de libre

pratique similaire à celui de l’Union européenne serait une bonne alternative.

Implication de toutes les Parties Prenantes et des Médias dans les PCJ

• les postes de contrôle juxtaposés (PCJ) constituent une bonne initiative et une étape importante dans la facilitation des échanges au sein de l’UEMOA, et il

47

faudra d’abord en faire prendre conscience aux différents groupes concernés à travers une forte médiatisation des effets attendus ;

• à cet effet, il faudra fortement médiatiser les lacunes censées être corrigées par l’avènement de ces PCJ et de l’OPA, une vulgarisation des rapports de l’Observatoire des Pratiques Anormales (OPA) étant à encourager, y compris à travers des ateliers nationaux bien couverts par la presse ;

• la rationalisation (simplification et réduction) et l’harmonisation des procédures et de la documentation commerciales, surtout douanières ; l’amélioration de l’informatisation et de l’interconnexion entre les Etats concernés ; la coordination des opérations entre les administrations concernées ; et l’amélioration du cadre juridique y afférent s’avèrent nécessaires.

Conclusions

Les approches ainsi abordées concernent essentiellement la facilitation des

échanges, un domaine très vaste dont d’autres aspects ne sont pas moins pertinents

pour le sujet.

Au nombre des autres questions qui mériteraient également d’être abordées

comprennent :

les OTC/SPS dont la plupart des pays membres de l’UEMOA sont aujourd’hui

convaincus du «substitut» qu’ils constituent aux mesures protectionnistes

traditionnelles et qu’ils utilisent de plus en plus (y compris contre les

importations d’origine communautaire) ;

les règles d’origine dont le régime au sein de l’UEMOA pourrait être utilement

revisité à des fins d’industrialisation et de promotion de chaîne de valeur sous-

régionale - elles ont été très utiles à la mise en place de l’Union mais leur

pertinence au stade actuel pourrait être reconsidérée ;

les mesures commerciales de circonstance (de défense commerciale) et le

régime communautaire de la concurrence et ;

enfin le système de taxation de porte, avec l’avènement du TEC de la CEDEAO

et ses mesures d’accompagnement - mesures temporaires en place en principe

pour 5ans jusqu’en 2020, complémentaires, facultatives et d’application

nationale -, mériterait d’être revisité au regard de son impact sur les échanges

intracommunautaires.

48

Intervention du Docteur John O. IGUE Professeur de Géographie à la retraite Directeur Scientifique du Laboratoire d’Analyse Régionale et d’Expertise Sociale (Lares).

Résumé de l’intervention

Malgré les réformes engagées1, le volume du commerce régional reste toujours faible,

de l’ordre de 13 à 14% dans l’espace UEMOA et de 10 à 11% dans la zone CEDEAO.

Seuls les échanges entre pays sahéliens et côtiers sont relativement importants - de

l’ordre de 20 à 30% - en raison de la dépendance de ces pays de leurs voisins côtiers

pour l’accès au marché international. Cependant, les échanges avec le reste du

monde2 restent dynamiques, avec d’importants excédents de l’ordre de 568,3 milliards

en 2018. Les performances économiques des Etats sont relativement bonnes, avec

une croissance moyenne de 6% depuis 20123.

La stagnation des échanges régionaux enregistrés est donc surprenante. L’une des

explications de cette situation est sans nul doute l’importance croissante du secteur

informel qui profite des faiblesses des politiques menées et du protectionnisme affiché

par certains pays. Le caractère dualiste des économies ouest-africaines expliquerait

donc le faible volume des échanges régionaux formels.

Au niveau formel, la circulation des biens est le fait d’opérateurs privés locaux et

étrangers, notamment les multinationales engagées dans la transformation des

produits alimentaires comme Nestlé. Les produits «échangés dans la région sont peu

nombreux et peu diversifiés. Par ordre d’importance, arrivent les hydrocarbures, le

bétail sur pied, quelques biens produits dans les industries régionales largement

dominées par les tissus textiles, les boissons, quelques denrées alimentaires

auxquelles s’ajoutent les matériaux de construction tel le ciment.

Le volume des échanges régionaux informels est trois fois supérieur à celui du

commerce officiel4 en raison de la souplesse de leur organisation assise sur des

acteurs transfrontaliers expérimentés, bien organisés et dynamiques issus des vieux

réseaux commerciaux précoloniaux qui se sont adaptés à toutes les contraintes et

réformes imposées par les Etats modernes.

Ce commerce informel est une activité de proximité transfrontalière structurée autour

de quatre principaux pôles qualifiés de sous-espaces par les experts du Club du Sahel

et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE. C’est à partir de ces quatre sous-espaces, qui

constituent de nouveaux segments aux espaces d’intégration régionale, que se

structure et se renforce le commerce informel dans la région :

la Sénégambie (sous-espace ouest) ;

1 Rapport UEMOA 2018 2 Rapport UEMOA 2018 3 Rapport UEMOA 2018 4 Cf. travaux du Club du Sahel de l’Afrique de l’Ouest sur le sujet

49

le couloir central d’Afrique de l’Ouest (sous-espace centre) ;

la zone d’emprise du Nigeria (sous-espace est) ;

la région côtière du Golfe de Guinée (sous-espace côtier).

Les difficultés de faire progresser les échanges régionaux au niveau formel

proviennent, entre autres, de trois obstacles majeurs :

la nature des activités économiques en vigueur dans la région ;

les difficultés de paiements des échanges ;

la nature des consommations urbaines.

Il existe plusieurs approches de solutions pour l’amélioration du commerce intra

régional. Toutes les réformes en matière douanière - TEC-UEMOA-CEDEAO - et les

nouvelles lois sur la réglementation commerciale en Afrique de l’Ouest concourent à

cela. L’inconvénient de ces réformes réside dans leur orientation trop juridique. Du

coup, elles ne sont pas suffisantes pour atteindre les objectifs qu’elles visent, d’où la

nécessité de nouvelles approches de solution plus pratiques. Celles qui seront

suggérées ici ne sont pas si nouvelles que cela. Néanmoins, elles ont l’avantage de

ne pas être juridiques et d’être plutôt plus adaptables aux réalités du terrain. Ces

nouvelles approches, au nombre de cinq, s’articulent autour des nécessités

suivantes :

changer la nature des économies nationales,

mettre en place une nouvelle politique industrielle,

lever les barrières protectionnistes entre les Etats,

régler la question monétaire,

se protéger quelque peu contre le marché international.

50

Intervention du Professeur Lambert N’galadjo BAMBA1

Comment expliquer la faiblesse du commerce intracommunautaire de l’espace UEMOA ?

Résumé de l’intervention

Le commerce intra régional est faible, selon les chiffres officiels, mais ces chiffres

nous disent-ils la vérité ? Une chose parait évidente, c’est qu’il y a une bonne part du

commerce intra régional que nous n’arrivons pas à relever. Par rapport à cela, l’une

des recommandations c’est de dire que nos institutions régionales - commission de la

CEDEAO, commission de l’UEMOA – devraient s’efforcer de mettre en place des

dispositifs, ne serait-ce qu’expérimentaux, de recensement aux frontières du vrai flux

commercial qui puisse nous révéler l’écart entre ce que nous avons d’officiel et ce qui

est effectivement fait.

La deuxième chose à indiquer comme piste de réflexion est que les règles et les

politiques élaborées jusque-là sont un costume dans lequel nous voulons que notre

économie rentre. Au lieu de prendre la mesure de notre économie régionale et de

tailler des règles, de lui coudre l’habit qui lui va, au contraire nous avons une vision

préconçue de notre économie, et si elle n’arrive pas à entrer dans l’habit, nous disons

que l’habit est mal cousu.

Par rapport à cette question, il faut bien reconnaître que le modèle d’intégration que

nous avons ne s’inscrit pas dans une vision stratégique. C’est plutôt une vision

« conjoncturaliste ». Nous voulons résoudre des problèmes de court terme avec

quelque chose qui devrait nous aider à résoudre des problèmes de long terme. Et cela

fait naturellement que les décisions qui sont prises cherchent à régler des problèmes

de court terme. On ne se projette pas dans le long terme. Le paneliste confie qu’il se

réfère ici à une expérience vécue au contact de hauts dirigeants de la Chine à

l’occasion d’un forum Chine – CEDEAO et des enseignements qu’il a pu tirer du forum

annuel qu’organisent les Chinois avec leurs entreprises opérant en Afrique à l’effet de

planifier et de piloter leurs interventions.

A propos de politiques publiques, des politiques sectorielles, il faut savoir qu’aucune

de ces politiques prônées par les différentes Organisations – OMC et autres –, telles

que les mesures de libéralisation, n’est neutre. En plus, toutes ces règles

commerciales mises en place par l’OMC profitent à ceux qui savent les violer.

Ce sont les pays qui ne respectent pas les règles qui gagnent dans le commerce

international. C’est pourquoi les mesures non tarifaires sont devenues plus

importantes que les droits de douane. Ces mesures permettent de contourner les

règles générales.

1 Enseignant-Chercheur à l’UFR des Sciences Economiques et de Gestion, et chercheur au Centre Ivoirien de Recherches Economiques et Sociales (CIRES) de l’Université Félix Houphouët Boigny de Cocody, ex-Commissaire à la CEDEAO chargé des Politiques Macroéconomiques et du Secteur Privé de 2007 à 2011, et actuellement Conseiller Technique du Ministre de l’Economie et des Finances de Côte d’Ivoire.

51

Si nous continuons à édicter des règles sans vision stratégique, tout opérateur aura

intérêt à les contourner pour obtenir plus que ses concurrents. C’est une logique. Les

règles sont faites pour être violées dans les relations économiques internationales.

C’est pourquoi il faut simplifier ces règles le plus possible. C’est ce qui va permettre

aux acteurs de les respecter. Mais tant qu’elles sont détaillées, les acteurs chercheront

à les contourner et l’on mettra toute son énergie à essayer de les mettre à l’intérieur

de ces règles, et pendant ce temps ils feront autre chose. On ne les rattrapera jamais.

La question des statistiques est fondamentale. Il faut que nos institutions essaient

d’accompagner les chercheurs, d’accompagner les gens et même puissent mettre en

place, susciter le fait qu’on puisse mettre en place un recensement du commerce

intracommunautaire. Parce que lorsque nos dirigeants en prendront conscience et

qu’ils se rendront compte que c’est ce commerce qui est le plus important, cela va les

inciter à faire évoluer la chaîne de valeur vers des transformations locales pour que

nos économies servent à nourrir les populations locales, à créer et retenir la richesse

nationale plutôt que de penser que c’est par l’exportation que l’on parviendra à faire

évoluer véritablement notre développement. Les autres préfèrent que nous vendions

nos produits moins chers, donc le moins transformé possible.

Même quand on parle de transfert de technologie, si une technologie permet de fonder

votre fortune, vous n’avez aucun intérêt à la transférer à autrui. C’est ce qui explique

d’ailleurs que même la Chine, pour acquérir la technologie a dû, dans un premier

temps, la prendre aux pays plus avancés à leur insu. Elle est restée en dehors de

l’OMC jusqu’à ce qu’elle maîtrise au maximum les technologies. C’est cela la réalité

dans les relations économiques internationales.

Ensuite, la deuxième chose qui surprend c’est l’absence d’une revue scientifique que

l’UEMOA soutient et qui permet de diffuser la pensée des chercheurs de la zone

UEMOA sur le processus d’intégration. Or nous pouvons créer une revue de l’UEMOA,

amener les chercheurs à proposer des idées novatrices, quitte à ce que cela n’entre

pas dans les canons traditionnels de réflexion des autres. Et tant que nous n’aurons

pas cela, il n’y aura pas de changement. Nous continuerons à répéter ce que d’autres

veulent que nous répétions. On continuera de nous dire de nous spécialiser selon le

critère de l’avantage comparatif. Or, à quoi sert cette théorie de l’avantage comparatif.

Ces entités extérieures raisonnent en termes d’avantage concurrentiel et quand elles

raisonnent ainsi, elles adoptent une autre logique. Même si nous prenons la question

de la complémentarité des économies, par exemple la France vend du vin à

l’Allemagne et l’Allemagne vend également du vin à la France, et cela n’a jamais posé

de problème là-bas. On ne pose pas la question en termes de complémentarité. Pour

les véhicules il en va de même. Quand on raisonne en termes d’économies

concurrentielles, tout le monde sait qu’une voiture Mercedes n’est pas une voiture

Peugeot. Elles deviennent automatiquement des produits différents et des produits

complémentaires. Mais dans le cas de notre sous-région c’est le coton du Mali ou le

coton de Côte d’Ivoire, que l’on n’arrive pas à transformer en produits

complémentaires parce qu’on n’a ajouté aucune valeur là-dessus. Tout se passe

comme si l’on avait des produits de la cueillette. Voilà les vrais problèmes. Quand on

raisonne en termes d’économie concurrentielle, la logique change et le type de

52

politique économique que l’on préconisera sera différent. Donc il nous faut faire une

relecture de ces théories du commerce international qui nous viennent de l’extérieur.

Nous avons des jeunes qui sont capables de le faire, qui sont brillants et qui peuvent

faire ces travaux-là, sans être obligés de faire des papiers d’intellectuels perroquets

dans le seul souci de publier facilement dans une revue.

53

Intervention de Monsieur Tèi KONZI Commissaire en charge du Département Commerce, Douanes et Libre Circulation Commission de la CEDEAO

Résumé de l’intervention

L’intégration par les marchés en Afrique de l’Ouest est l’objectif principal sous-tendant

la création des organisations régionales comme la Communauté Economique de

l’Afrique de l’Ouest (CEAO) en 1973, la Communauté Economique des Etats de

l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) en 1975, l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique

de l’Ouest (UEMOA) en 1994. Divers instruments ont été mis en place principalement

par la CEDEAO et l’UEMOA pour ce faire, mais le niveau du commerce formellement

enregistré entre les Etats les l’Afrique de l’Ouest est toujours très faible.

Les freins structurels au développement des échanges intra-communautaires

consistent en une complémentarité limitée dans les échanges entre Etats et la

survivance des barrières au commerce.

En guise d’approches nouvelles pour développer davantage ces échanges il

conviendrait de mener les actions suivantes :

améliorer la mise en œuvre des instruments de promotion du commerce inter-

régional ;

renforcer les secteurs servant de logistique pour l’intégration régionale ;

améliorer la mise en œuvre des textes communautaires sur la libre circulation

des personnes, les droits de résidence et d’établissement ;

moderniser les structures intervenant dans la chaîne du commerce intra

régional ;

améliorer les interactions au sein du secteur privé régional ;

faciliter les activités transfrontalières des femmes commerçantes ;

promouvoir la consommation des produits "made in West Africa" ;

étendre la compétence de la Cour de justice de la Communauté aux différends

commerciaux.

Réactions et débats

Réactions et débats des participants

Les participants approuvent l’idée de revisiter la règlementation communautaire pour

tenir compte de l’environnement actuel, s’adapter aux besoins des populations et

prendre en compte l’existence de la ZLECAf.

De même, il est judicieux de développer la stratégie de l’UEMOA, avec une vision

réaliste, adaptée à préoccupations de développement, en prenant soin d’éviter d’être

perméable aux forces extérieures, aux forces du capital, aux diktats cachés.

54

Les Organes de contrôle – Cour de Justice, Parlement – devraient être mis à

contribution pour mieux défendre le commerce intra régional.

Tous les accords et toutes les conventions internationales, notamment dans le cadre

de l’OMC, sont négociés et librement signés par les parties prenantes. Les Etats

signataires doivent donc les respecter scrupuleusement. Dans le cas des pays

africains, il faut regretter le fait que les représentants des Etats africains font signer à

leurs Autorités des accords dans le cadre de l’OMC alors qu’ils ont à peine participé

aux réunions du Conseil général et ne peuvent en expliquer les fondements lors des

ratifications à l’Assemblée nationale.

Qu’il s’agisse de la libre circulation des personnes ou de celle des biens et services, il

y a beaucoup de défis à relever : 1) il faut faire en sorte que les populations pour

lesquelles ces textes ont été conçus comprennent de quoi il est question – y compris

en les traduisant dans les langues nationales -, 2) mener la lutte contre la corruption,

3) faire les suivi des conventions signées et 4) veiller au respect de l’obligation de

reddition de comptes.

Nos économies sont basées sur le prélèvement et la pratique du racket est répandue.

On pourrait suggérer à l’UEMOA de créer un ticket de traversée des frontières que les

transporteurs seraient disposés à payer et dont le produit serait distribué entre agents

chargés de contrôle dans les Etats traversés, ce qui réduirait le nombre de contrôles

sans priver ces agents des ressources qu’ils ont pris l’habitude d’exiger indûment des

transporteurs.

Compte tenu de la corruption au plus haut niveau de l’Etat et des multiples problèmes

que cela engendre dans nos Etats, il faudrait aller vers une économie de

complémentarité dans la sous-région qui ne soit pas à la merci du FMI et de l’Union

européenne. La question est de savoir si ceux-ci permettront à nos Etats de prendre

une telle orientation.

Concernant l’accroissement du commerce intra-communautaire, il faut revoir le vide

juridique en matière de commerce intra-communautaire souvent justifié par des

mesures d’ordre public et d’intérêt général prises par les Etats, en définissant une liste

exhaustive des cas visés par les textes.

Il faudrait également créer une chaîne de valeur à partir des chaînes de valeur

existantes, car il y a un manque d’innovation et de création au niveau du commerce

intra-communautaire.

Dans ce cadre, il faut également veiller à la disponibilité d’espaces cultivables sur le

long terme, au regard du mouvement actuel de vente des terres qui créera un véritable

problème à terme.

Il faut souvent renforcer les structures plutôt que d’en créer de nouvelles, et pour cela

il faut accepter de se regarder en face, de cibler les véritables problèmes et leur trouver

des solutions adaptées à nos réalités socioéconomiques. C’est le cas du secteur

informel, qui pourrait même représenter plus de 80% de notre économie. Aujourd’hui

même notre grand-mère, si elle veut se rendre aux Etats Unis, est obligée de remplir

le formulaire de visa en ligne, quitte à déclarer qui l’a aidée à le remplir. Donc, si nous

55

utilisons les TIC nous pouvons améliorer nos performances opérationnelles dans le

domaine de la surveillance, avec des emplois bien adaptés aux jeunes.

Quelle stratégie efficiente de développement et quelle organisation adoptons-nous

pour les 25 prochaines années. Souvent, nous faisons du recopiage de ce qui est écrit

en Europe. Nous ne semblons pas avoir des idées directrices pour le développement

du secteur privé, étant donné que nous notons qu’il n’y a aucun budget adossé au

secteur privé. Que réservons-nous aux jeunes qui constituent une bombe

dormante ?

Concernant les statistiques, la BCEAO signale que les statistiques intra-régionales

sont disponibles tant pour les biens que les investissements et le tourisme. Elles sont

publiées chaque année sur le site de la BCEAO. Chaque mois de septembre de

l’année la BCEAO tient une réunion avec les Instituts nationaux de la statistique (INS),

la douane, le Ministère du commerce, la Commission de l’UEMOA, pour faire les

arbitrages au sein de l’Union pour les échanges intra-communautaires. Quand on

intègre les données issues de ces arbitrages dans les statistiques communautaires,

nous sommes à 15% d’échanges intracommunautaires en 2017 et autour de 16% en

2018, avec une valeur de 2500 milliards de francs CFA.

Le potentiel d’échanges de produits industriels est assez faible, car la plupart des

produits industriels sont déjà intégrés dans les échanges intracommunautaires. Il faut

donc augmenter la capacité de production si l’on veut accroître ces échanges. On

retrouve ici la question de la complémentarité ou de la diversification des produits

qu’on pourrait échanger au niveau intracommunautaire. Sinon on pourrait échanger

longuement, mais le potentiel, en termes de poids relatif, restera faible car l’importance

des produits actuellement échangés, même si leurs échanges dans la sous-région

croissent, diminuera avec le report d’attention sur les produits miniers (pétrole, or, etc.)

dans l’ensemble de nos échanges.

Concernant les textes non appliqués en matière de liberté dans la zone, il y en a

quatre. On a évoqué les mouvements des personnes, des biens, des services, mais

on n’a pas parlé des mouvements de capitaux qui exigent, pour leur fluidité et leur

fiabilité, un dispositif de communication vis-à-vis des acteurs chargés d’exécuter ces

transferts, un dispositif de contrôle et de sanction.

Sur la question des publications et de revue scientifique, dans le cadre de l’UEMOA,

les institutions ont toujours le souci de rationalisation. Dès qu’une chose existe à la

Commission ou à la BOAD ou à la BCEAO, on évite de créer une structure

supplémentaire parce qu’il y a des coûts derrière. Et aujourd’hui la BCEAO a une revue

scientifique qui est reconnue par l’ensemble des Professeurs du CAMES, qui permet

d’avoir des grades jusqu’au titre de Professeur. C’est la seule revue aujourd’hui qui

est fonctionnelle à ce titre. Il y a des prix qui sont attribués chaque année, à hauteur

de dix (10) millions de francs CFA, pour encourager la promotion de la recherche dans

l’Union. Et cette revue est axée sur les problèmes d’intégration. Si c’est nécessaire,

demain, peut-être que l’on pourra diversifier.

56

Réactions des panélistes

Sur l’affirmation selon laquelle nous n’avons pas les mains libres pour restructurer

notre économie, face aux institutions internationales, cela est vrai en partie, mais

l’expérience prouve que si un pays possède une capacité de propositions alternatives

à celles des institutions internationales (FMI, Banque mondiale, Union européenne),

celles-ci ne vont pas refuser de faire ce que veut ce pays. Notre problème c’est que

face à l’argent, nous oublions notre capacité de proposition. C’est le problème que

nous trainons depuis l’indépendance. Jusqu’aujourd’hui, quand beaucoup de

représentants des pays se rendent à Washington pour négocier avec les institutions

internationales, c’est pour négocier l’enveloppe qu’ils peuvent obtenir pays par pays,

ce n’est pas pour négocier les solutions alternatives. Il faut changer cela.

C’est pour cela que l’idée du Professeur BAMBA sur les réflexions stratégiques est à

soutenir. La CEDEAO s’est dotée d’une cellule de réflexion stratégique. Cette cellule

a été mise en place après le Panel de Haut Niveau que la Commission de l’UEMOA a

organisé ici une année. Cette structure existe, a produit un premier rapport qui est

perfectible. Ce qu’il faut faire aujourd’hui c’est, à la suite du présent forum, au cours

duquel beaucoup de problèmes ont été soulevés, mener une réflexion prospective de

long terme, autonome, afin que les solutions proposées ici puissent être appliquées

correctement.

A propos des questions de production locale, il faut se souvenir que vers les années

45, ici, tout ce qui venait du Japon était appelé "japan", pour signifier camelote. Mais

de producteur de camelote, le japon est devenu aujourd’hui une grande puissance. Il

en est de même de la Chine dont les produits étaient peu consommés à l’extérieur

vers les années 70. Aujourd’hui, c’est par la production locale que nous allons acquérir

des technologies adaptées à l’avenir de notre société. Il ne faut pas avoir peur de faire

des produits camelotes. Si on ne forge pas, on ne deviendra jamais forgeron. Et c’est

pour cela qu’il faut un minimum de protectionnisme. Si nous ne protégeons pas notre

économie, nous sommes trop fragiles pour pouvoir nous en sortir. D’abord à cause

des prix. Le différentiel de prix a fait que le tissu asiatique a tué nos industries textiles

locales. Il faut résister à cela. Nous avons besoin d’être présent sur l’échiquier mondial

et, sans un minimum de précaution, nous n’irons nulle part. Nous serons transformés

en poubelle.

En matière de protection, nous avons actuellement un engouement pour les taxes et

les tarifs. L’utilisation des taxes aujourd’hui est dépassée. Les pays plus avancés

utilisent bien autre chose, des mesures non tarifaires difficiles à contourner. Certains

utilisent les mesures SPS et autres. Nous devons aller dans ce sens, avec intelligence

et non comme certains Etats tentent imprudemment de le faire. La Commission a un

rôle à jouer à ce niveau.

Concernant les statistiques élaborées sous les auspices la BCEAO, celles-ci sont

largement utilisées par les chercheurs de la sous-région et bien au-delà. Cependant,

il ne faut pas avoir de si grands a priori. On peut penser qu’il existe un bon potentiel

de commerce qui n’est pas saisi. La raison est simple et c’est ce qu’un certain nombre

de transporteurs nous ont indiqué ici. Il y a des produits du cru que l’on n’enregistre

57

pas au passage en douane. Même quand on sait que la personne au passage n’a rien

à payer sur lesdits produits, on est obligé de déplacer cela sous forme de contrebande

parce que l’application des règles par les procédures administratives sont telles que

les autorités administratives elles-mêmes incitent à cacher lesdits produits. Elles

incitent à faire en sorte que ce soit du commerce informe. Il ne faut pas minimiser cela.

Par ailleurs, quand on regarde le mouvement des populations dans notre zone, la

migration intra régionale est six fois plus élevée qu’au niveau de l’Europe, ce qui

signifie que nous sommes beaucoup plus intégrés, en tant qu’humains, que les

Européens. Si ceux-ci parviennent à avoir un commerce intracommunautaire

beaucoup plus élevé, et en suivant la logique selon laquelle le mouvement des biens

accompagne aussi celui des personnes, il ne faut pas s’imaginer que nôtre commerce

intracommunautaire est aussi faible que cela. Il y a un travail sérieux à faire. C’est vrai

qu’aujourd’hui la méthodologie que nous avons pour établir les balances

commerciales et les balances des paiements nous impose un certain nombre de

règles, mais il y a beaucoup d’informations qui en réalité ne sont pas prises en compte.

Et quand on regarde de près les choses, vis-à-vis des pays tiers, non membres, nous

avons la chance d’avoir les statistiques miroirs qui nous permettent d’apprécier les

échanges, mais au niveau du commerce intra régional, si vous n’avez même pas ces

statistiques miroirs pour pouvoir faire le correctif, il est raisonnable de penser qu’il ne

faut pas minimiser a priori le commerce intra régional. Essayons de l’évaluer. S’il est

négligeable, nous allons abandonner. Mais essayons de le faire une bonne fois.

Toujours à propos des statistiques, il faut savoir que la Commission de la CEDEAO,

en collaboration avec le CILSS, et avec l’appui d’autres partenaires, a ouvert une

étude à l’effet de capter les données sur les produits agro-sylvo-pastoraux qui

alimentent le gros des échanges intracommunautaires. Et, comme la plupart sont des

produits du cru, la CEDEAO n’avait pas exigé des certificats d’origine et, du coup, les

gens qui les importent se sont libérés aussi des déclarations parce qu’ils ne voulait

pas d’une déclaration de douane, même si c’est "RAP" (rien à payer), sachant que la

quittance informatique qui est imprimée donne lieu à une redevance de 1000 francs

ou même 5000 francs. Rien qu’à cause de cette redevance pour enregistrement

informatique de produits sur lesquels on n’a rien à payer comme droit de douane, les

gens ne font pas de déclaration.

Donc le gros volume des échanges de fruits, de légumes, de tubercules, de poisson

de nos rivières, etc., n’est pas capté officiellement ou très peu. Mais, quoi qu’on fasse,

la valeur des biens d’équipement importés est telle que, tant que nous n’allons pas

fabriquer ces biens, nos échanges intracommunautaires plafonneront à 22%, peut-

être 25%, pas plus.

Sur la question de la revue, celle de la BCEAO est bien connue. La ligne éditoriale de

cette revue n’est pas neutre. Aujourd’hui, pour y faire publier un papier, en économie

notamment, tant que vous ne faites pas une analyse quantitative votre papier ne sera

pas publié. Aucun papier purement littéraire, où il n’y a pas d’analyse quantitative, ne

peut être publié dans ladite revue. Cependant, des penseurs tels que Ricardo, qui

servent souvent de référence, ont produit des ouvrages où l’on ne trouve aucune

régression statistique. Donc il faut que l’on puisse avoir le véhicule d’une revue laissant

58

la possibilité à d’autres hommes et à d’autres disciplines scientifiques de nous éclairer

sur notre propre développement. Tant que nous nous contenterons de voir le monde

à travers les lunettes des autres, il y a beaucoup de choses que nous n’allons pas faire

évoluer dans notre région.

En ce qui concerne les procédés de vulgarisation des textes, il faudrait trouver des

mécanismes autres que les traductions dans les langues nationales. Ces traductions

ne sont possibles que si l’on trouve des traducteurs pour le faire, ce qui n’est pas

toujours aisé, et quand elles sont effectuées elles ne sont pas lues.

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Conclusion générale

Dans l’ensemble, la zone CEDEAO -UEMOA enregistre d’importantes réalisations, car

toutes les institutions prévues pour son fonctionnement ont été mises en place.

L’Union Douanière a été réalisée en 2000 en ce qui concerne l’UEMOA et en 2015

pour la CEDEAO. Des politiques communes ont été adoptées dans divers secteurs –

agriculture, transport, énergie, etc. – et le taux de croissance économique est

appréciable depuis 2012.

Cependant, le commerce intra-africain demeure insignifiant comparé à d’autres zones

telles que l’Europe et l’Asie.

Ces résultats insatisfaisants découlent de grandes faiblesses dans les domaines de la

gouvernance sécuritaire, et politique, du développement des ressources humaines,

des infrastructures, de la monnaie et de la structure de l’appareil productif.

Face à ces lacunes, le Forum recommande de faire reposer les différentes stratégies

de développement économique et social sur une réflexion prospective globale qui

devra permettre de rendre plus effective la garantie administrative et juridictionnelle

nécessaire à la mise en œuvre des règles communautaires, à travers un engagement

plus ferme des Gouvernants de l’Union, un exercice plus ferme des prérogatives des

Organes d’intégration économique que sont les Cours de Justice et les Commissions

de la CEDEAO et de l’UEMOA, un renforcement des capacités d’administration de

l’intégration dans les Etats membres ainsi qu’une mutualisation des capacités de

recherche économique et sociale.

Ces stratégies de développement devront permettre de réexaminer le schéma

d’intégration initial préconisé qui était davantage axé sur le commerce, au regard de

l’extraversion de notre économie, pour s’orienter résolument vers la pleine exploitation

des potentialités des économies et une complémentarité entre elles, de manière à

favoriser l’industrialisation et la promotion de chaînes de valeur sous-régionales, en

veillant à protéger les appareils productifs de la zone par des mesures de protection

non tarifaires bien étudiées.

Le Forum a effectué un large inventaire et une analyse approfondie des

dysfonctionnements actuels qui entravent le développement des échanges

intracommunautaires, notamment les entraves à la libre circulation des personnes,

des biens et services ainsi qu’à la liberté d’établissement des ressortissants des Etats

membres dans les pays de l’espace CEDEAO-UEMOA. Il recommande, en

conséquence, diverses mesures techniques qui devront compléter celles de nature

plus politique visant à assurer le respect des textes communautaires en la matière,

tout en insistant sur la nécessité de mieux appréhender la réalité des échanges

intracommunautaires à travers des efforts d’amélioration des statistiques du

commerce, notamment par une meilleure perception des échanges non déclarés.

Les participants au Forum ont salué cette initiative de l’UEMOA et, en exprimant leur

satisfaction du caractère ouvert et participatif des débats, ont souhaité que de telles

opportunités d’échange puissent être plus souvent offertes aux populations de l’Union.