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MARIO GRANERI-CLAVÉ Vents du Sud LOUBATIÈRES III. une paix incertaine roman

Vents du Sud – tome III – Une paix incertaine

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Dans ce troisième et dernier volet de «Vents du Sud », les personnages de la fresque évoluent au cœur des deux décennies qui suivent la Première Guerre mondiale. La Gascogne n’échappe pas à la réorganisation du pays, le rôle des femmes s’affirme, les ouvriers agricoles s’unissent. La mécanisation attire et inquiète, l’espérance d’une vie meilleure grandit au long des années trente, mais la paix est incertaine.

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MARIO GRANERI-CLAVÉ

Vents du Sud

LOUBATIÈRES

III. une paix incertaine

roman

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ISBN 978-2-86266-615-X

© Nouvelles Éditions Loubatières, 2010 10bis, boulevard de l’Europe, BP 27

31122 Portet-sur-Garonne Cedexcontact@loubatieres. fr

www.loubatieres.fr

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MARIO GRANERI-CLAVÉ

Vents du Sudroman

Tome 1i1

Une paix incertaine

LOUBATIÈRES

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Septembre 1920

Le démon de minuit

« La garde-barrière a tout de suite compris qu’il s’agissaitd’une haute personnalité. Il avait les pieds propres ! »

À demi assoupi sur un transatlantique, au fond du jar-din, à l’ombre du platane qui a beaucoup grandi pendantla guerre, Joseph écoute distraitement les diatribes conve-nues que son père distribue à plaisir contre le régime, sesfaiblesses, ses combines, la médiocrité de ses dirigeants. Au-tour d’eux, l’automne aquitain n’en finit pas de s’épanouir.Le vin sera bon. Bien entendu, depuis trois mois, les mésa-ventures du nouveau président de la République, qui, aprèsêtre tombé d’un train en chemise de nuit, aurait été trou-vé un matin pataugeant au milieu d’un bassin du parc deRambouillet, ont relancé la polémique. On dit même quelors d’une visite à Bordeaux il aurait prononcé deux fois lemême discours.

« Le mois dernier, il paraît qu’il a signé un document of-ficiel… Vercingétorix ! Lui, un académicien français ! »

Mais les nains politiques ont chassé Clemenceau, le seulhomme d’État qui ait trouvé grâce aux yeux de Charles-Louis, pour avoir mené le pays à la Victoire. Ils sont rapi-dement retombés dans l’impuissance, la défiance à l’égardde la moindre réforme, la manipulation des modes de scru-tins, la suspicion maladive vis-à-vis de tout exécutif dési-

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reux d’un semblant d’autorité. La multiplication des« rouages inertes » condamne par avance toute tentative sé-rieuse d’évolution.

« Vous savez ce que dit le Tigre du président de la Ré-publique Deschanel ? Il a un bel avenir derrière lui !…»

Et le vicomte a connu aussi le bonheur, quelques moisauparavant, de « souffleter la République », comme il le diten savourant chaque terme. Georges Leygues, le maire deVilleneuve-sur-Lot, un temps président du Conseil, avaittenu à le remercier pour son action auprès des prisonniersde guerre et lui avait fait accorder la Légion d’honneur. Lors-qu’il a reçu la nouvelle, transmise par le préfet en personne,Charles-Louis a été saisi d’une furieuse envie d’accepter cehochet. Mais la lettre officielle était précédée, comme decoutume, de la devise républicaine : « Liberté, Égalité, Fra-ternité », formule depuis longtemps condamnée par l’Égli-se et que le vicomte considérait lui aussi comme inspirée parles forces sataniques. Après avoir consulté son confesseur, ets’être fait pardonner la fugace tentation de vanité qui l’avaiteffleuré, il se fendit d’une superbe lettre de refus, prétextantqu’il n’était pas digne de recevoir semblable décoration, quel’on aurait dû réserver strictement aux héros de la guerre,alors que lui-même n’avait fait que son devoir d’honnêtehomme, guidé par la seule charité chrétienne.

« J’appelle sur vous, monsieur le président du Conseildes ministres, ainsi que sur la France, la protection du DieuTout Puissant… »

Joseph se remet lentement du typhus contracté en Po-logne. Un professeur de Montpellier, qui fréquente chezson beau-père, lui a dit qu’il ne s’en était pas trop mal tiré.Mais il n’a pas revêtu l’uniforme depuis plus d’un an et sasituation administrative devient délicate, malgré la protec-

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tion encore efficace de l’ancien ministre de l’armement, enpartance prochaine vers Genève, dans les instances de lanouvelle Société des Nations. Il reçoit régulièrement desnouvelles de ses camarades de promotion, qui occupentpeu à peu tous les postes convoités, en Alsace-Lorraine,dans les provinces allemandes occupées, en Europe de l’Est,où l’Armée rouge se fait menaçante, dans les nouveaux ter-ritoires du Levant, qu’un mandat international vient deconfier à la France. Lui qui rêvait, tout jeune, des royaumesfabuleux de l’Orient et des contes des Mille et une Nuits,il se serait bien vu en tournée d’inspection du côté de Pal-myre ou d’Antioche ! Mais il se sent encore beaucoup tropfaible pour envisager quelque mission que ce soit.

Lorsqu’il ira vraiment mieux, il lui faudra sans doute ac-cepter de rejoindre un bureau d’importance subalterne rueSaint-Dominique ou un poste d’attente dans un état-majorde province.

À ses côtés le berceau du petit Charles-Auguste, sur le-quel veille, comme une lionne, la nouvelle grand-mère. Unenfant magnifique, tout le monde le dit. Il a un peu pleu-ré lorsque sa mère est partie, au début du mois, rejoindreun poste de chercheur au Collège de France, l’un des toutpremiers que l’on accordait à une femme et qu’elle ne pou-vait refuser. Isabelle, à la suite de sa thèse remarquée dansles revues internationales scientifiques, est devenue l’un desrares physiciens français capable d’avancer sur le terrain ou-vert par le professeur zurichois Einstein, dont les journauxdisent peu de chose, sauf qu’on voit en lui le prochain prixNobel et que l’Amérique envisage de lui offrir un posteprestigieux, à Harvard ou à Princeton.

À Paris, elle n’aurait pas eu le temps de s’occuper à lafois de son mari et de son fils, d’autant que son lait n’est

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pas assez riche pour satisfaire l’appétit de l’enfant. Il estdonc convenu que le père et le fils resteront à Villeneuve-sur-Lot jusqu’au mois d’octobre, peut-être même jusqu’àla Toussaint. Cela arrange tout le monde, et permet auxgrands-parents de conserver un niveau de vie décent pen-dant quelques semaines encore. On ne manquera de rien,alors que les prix ont décuplé depuis 1914. On disposeramême, chaque matin, du Figaro, du Temps et de La Dé-pêche de Toulouse. Quant à L’Action Française, dont les dia-tribes inlassables et les attaques antisémites représententpour Isabelle l’exemple même de la bassesse arrogante, levicomte la consultera au Cercle, où il se rend encore cer-tains jours, malgré les grands changements que la guerre ya opérés.

Charles-Louis, qui a accepté de recevoir une seule foisla famille de sa bru au cours de l’été, et pour une simple etrapide collation, s’est longuement penché sur le berceau dunourrisson, lors des premières semaines, pour tenter de dé-celer sur son visage des traces caractéristiques. Il n’a rien re-marqué. Certes, le poupon est brun, avec des cheveuxnaturellement bouclés, mais ses traits ne trahissent aucundes caractères que la rumeur publique prétend embléma-tiques des populations sémitiques. Au contraire même, ilressemble plutôt à sa tante Camille, avec cependant un vi-sage beaucoup moins anguleux. Le sang bleu l’aura sansdoute emporté sur le substrat oriental se dit Charles-Louis,qui s’est d’ailleurs habitué à Isabelle, plus aisément qu’il nel’eût cru. Il est vrai que la jeune femme, dans les relationspersonnelles et le comportement, oblige chacun à se teniren permanence sur les arêtes.

« Que voulez-vous ma bonne, c’est la rencontre de deuxgrandes intelligences. La nouvelle aristocratie du savoir. »

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Seule une tentative, timide, de sa bru pour se confor-mer aux nouvelles tendances de la mode, marquée notam-ment par un raccourcissement assez marqué de ses robes,lui a fait froncer le sourcil. Mais il n’avait pas été sans re-marquer, lors de ses promenades urbaines, le contraste dé-sormais éloquent, entre les dames d’âge mûr, encoreengoncées dans leurs tenues du début du siècle, serrées àétouffer dans des corsets étroits et plusieurs épaisseurs dejupons, et les jeunes femmes en corsages aérés, libres deleurs mouvements, jupes ou tailleurs droits, minuscules bé-rets ou petits chapeaux cloches bigarrés, comme si le retourà la paix signifiait aussi la fin des conventions et descontraintes. Son épouse en paraît encore plus décalée dansses tenues sombres, empesées comme des armures et pas-sablement fatiguées, qui semblent venir tout droit des ar-moires du Second Empire.

À la messe du dimanche, il y a désormais un côté noiret quelques bancs de tenues plus colorées, de petits bibisaux teintes pastel, de carrés de soie multicolores. Le vicom-te ne peut s’empêcher de se réjouir l’œil de temps à autreà la vue de tant de fraîcheur, mais il considère que la tenuesévère des hommes, pratiquement inchangée depuis undemi-siècle, est plus en conformité avec la solennité deslieux. Ces changements aussi rapides dans la silhouette desfemmes soulignent à ses yeux la frivolité du sexe et le dan-ger pour les sociétés civilisées d’accorder la plénitude desdroits du citoyen à des créatures aussi sensibles à la futilitédes modes.

Elles sont d’ailleurs très peu nombreuses à réclamer ledroit de vote. Mais Isabelle est de celles-ci et Charles-Louisreconnaît, au fond de lui-même, que quelques dérogationspourraient être accordées pour des sujets d’exception.

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Durant tout l’été le vicomte et sa bru ont évité touteconfrontation directe sur les grands sujets de société. Dèsque la conversation paraissait dériver vers des thèmes po-lémiques, l’un ou l’autre avait la sagesse de se retirer duchamp, avec une pirouette plaisante ou un prétexte bientourné. Ils s’en amusaient tous deux, comme s’il s’était agid’un challenge. Mais le vicomte s’est rendu compte aussique sa bru, dans un domaine où il se croyait bien au-des-sus du plus grand nombre, celui de la situation internatio-nale, possédait des ressources inattendues. Aussi, s’étant faitremettre gentiment à sa place, à plusieurs reprises, sur desapproximations mal vérifiées, auxquelles il n’attachait plusd’importance, les ayant depuis toujours intégrées à son dis-cours, il prenait désormais grand soin de ses interventionset adoptait souvent des prudences de diplomate persan.

« J’ai lu que nous nous étions fait rouler, une fois enco-re, lors des travaux préparatoires du nouveau traité avec laTurquie. Il semble que l’Angleterre se soit saisi du lot leplus intéressant au Proche-Orient et nous ait laissé ce dontpersonne ne voulait… le désert syrien.

– Il est certain que les ressources en pétrole, comme l’ondit aujourd’hui, nous auraient été fort utiles, mais la tradi-tion de défense des minorités chrétiennes du Levant, quenotre pays assume depuis des siècles, l’a emporté. Vous de-vriez vous en réjouir ! »

Chacun d’eux conserve cependant, au fond de lui-même,un argumentaire plus incisif, que l’on n’hésiterait sans doutepas à mettre en avant en cas de conflit ouvert ; le vicomtese souvenant que le vicaire de Jésus-Christ n’a jamais cesséde demander aux catholiques, de la manière la plus formel-le, de combattre les « lois scélérates » de la République, no-tamment la laïcité de l’école et la déclaration des Droits de

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l’homme ; sa bru connaissant par cœur les termes d’unelettre de Benoît XV au président Wilson pour le persuader,l’année même de Verdun, de ne pas entrer en guerre auxcôtés des Alliés.

Mais pour aller dans le sens de l’apaisement, Isabelle aaccepté d’assister deux ou trois fois à la messe, aux côtés deson mari. Elle a ainsi pu être présentée, sur le parvis del’église, à la société de la ville. Quelques invitations en ontrésulté. L’une des plus goûtées fut celle du député-maire,président du Conseil des ministres depuis le mois de mai.Ayant appris que l’épouse de l’un de ses concitoyens allaitoccuper un poste prestigieux au Collège de France, GeorgesLeygues lui demande de prendre contact avec lui à Paris. Ils’engage à trouver à la famille un logement plus convenable,à faire nommer son mari au ministère, dès que son état desanté le permettra. Il lui faut d’ailleurs un spécialiste pourpréparer un texte sur le service militaire, après cette longuepériode de guerre. Il compte le présenter en décembre de-vant l’Assemblée nationale.

« Il faut remettre le pays au travail, après toutes ces an-nées de sacrifices. Réduire la durée du service est devenuune nécessité. »

Le président du Conseil penche sa belle tête vers son in-terlocutrice. Malgré ses cheveux teints et sa moustacheconquérante, elle le trouve terriblement vieilli, par rapportaux photographies de presse. Il n’a que soixante-trois anset en paraît dix de plus. Georges Leygues est inquiet. La re-conversion des industries de guerre se fait mal. Ici même,dans sa ville, les patrons des petites unités vont devoir dé-baucher. Certains massivement. Surtout de la main-d’œuvreféminine. On s’est trop bien habitué à gagner beaucoupd’argent avec les commandes de la Défense nationale et il

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va falloir revenir à la routine et à la paisible médiocrité desannées neutres. Beaucoup croient que les boches vont rem-bourser toutes les dépenses de la guerre, mais le ministresait bien que cela ne se fera pas tout seul. Ils ont proposé90 milliards lors de la dernière entrevue, là où les Alliés endemandaient au moins 275 !

Georges Leygues propose à Isabelle d’entrer dans uneœuvre que vient de fonder sa femme, la Ligue nationalecontre le taudis. L’interminable conflit, en tuant ou muti-lant beaucoup de pères, a désagrégé les familles modestes,précipité les plus pauvres dans une misère inconcevablepour un grand pays moderne. Uniquement dans l’agglo-mération parisienne, on dénombre 200000 enfants en gran-de difficulté.

« Poulbot a dessiné quatre ou cinq modèles de cartespostales. Elles ont été tirées en plusieurs centaines de mil-liers d’exemplaires. Mon épouse cherche des personnes re-lais de qualité dans tous les milieux. »

On lui donne une adresse, rue du Laos, dans le xe. Ellepromet de s’y rendre dès son retour à Paris.

En attendant la fin des vacances, elle doit ruser pour serendre de temps à autre dans la villa de ses parents, sur larive gauche du Lot. Elle y va le plus souvent seule, car l’en-fant a été accaparé par sa grand-mère paternelle, qui veillesur le futur vicomte comme une louve. Elle n’est pas loinde penser que Dieu lui a confié la mission de protéger unhéritier de sang royal, telle la Médicis au chevet de LouisDieudonné. Les parents Hagenlauer, malgré leur patience,commencent à trouver la situation « un peu fort de café ! ».Il arrive à Joseph de louer un tilbury, pour l’après-midi, afinde passer quelques heures en compagnie du professeur, dontil apprécie plus que jamais les aptitudes supérieures.

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Ces jours-là, qui se compteront au mois d’août sur lesdoigts d’une seule main, le petit Charles-Auguste changede rive. Après le goûter de milliassou et de sorbets, on nemanque pas de risquer quelques conseils qui viennent encontradiction flagrante avec les habitudes de la maison d’enface. On n’emmaillote plus un nourrisson de manière aussiserrée, c’est antihygiénique, et il faut absolument résister àla tentation de la nourrice de campagne, dans un pays oùles gens se lavent si peu et mangent n’importe quoi. Isabel-le sourit. Joseph se repose. La grand-mère maternelle pro-mène l’enfant dans les allées et chasse doucement lesmouches avec un mouchoir en dentelles.

« Il ne faudrait pas que le petit soit trop souvent encontact avec la bonne, chez tes beaux-parents ! Je la trouvebien négligée. »

Joseph a acheté une voiture d’enfant moderne, chez Las-saverie, rue Notre-Dame. Elle est venue de Bordeaux, aprèsquinze jours d’attente. Avec sa toile bleu marine, ses énormesroues chromées, sa vaste caisse blanche, elle fait cossue etl’on prend plaisir à pousser ce bel objet dans les rues de laville. L’enfant est bien protégé par des paravents de caout-chouc, mais il commence déjà à se relever pour suivre lamarche et il faut veiller à ce qu’il ne prenne pas froid. Levicomte croit savoir qu’elle vaut plus de deux cent cinquan-te francs, l’équivalent d’un mois de nourriture.

Il accompagnerait bien son épouse dans ses promenades,jusqu’au bord de la rivière, par le boulevard, afin de ren-contrer son peuple et de lui présenter le fils de son fils, maisil la trouve tellement mal fagotée, tellement vieillie, qu’ilne peut plus se faire à l’idée de l’avoir tout naturellementà ses côtés et il réagit parfois comme si une génération lesséparait. Marie-Adelaïde, qui a partagé avec Isabelle, au

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cours de l’été, le plaisir de ces sorties, retrouve en ce débutd’automne le bonheur de marcher librement où bon luisemble, d’échanger des sourires, de saluer d’anciennesconnaissances, de bavarder au coin d’une rue. On ne faitplus attention à elle, mais on se penche sur le nourrisson.Elle revit.

Charles-Louis reçoit cependant, en tant que grand-père,des compliments flatteurs, au Cercle, où la guerre a creuséde profonds sillons, aux terrasses des cafés où les habituésont délaissé la traditionnelle manille pour des jeux impor-tés d’Amérique, sur le boulevard où il rencontre des sous-directeurs en chapeau melon et costume trois pièces, quisortent des banques et prennent un air important.

« J’ai appris la bonne nouvelle ! Toutes mes félicitations !On me dit qu’il est superbe. Certains savants prétendentque rien ne vaut l’abandon de l’endogamie pour assurer lerenouvellement des générations. »

Il apprend que certaines familles nobles des environsparlent ouvertement de mésalliance, de mariage d’argentavec une « marrane ». Voilà qui ne va pas faciliter son re-tour en grâce auprès des gens des châteaux, qui avaient ce-pendant apprécié son rôle auprès des prisonniers au coursde la guerre et s’apprêtaient à le réintégrer dans le circuitdes invitations croisées. Il se console en se persuadant queparmi eux figure une majorité de calvinistes, des schisma-tiques en état permanent de péché mortel.

On le presse d’entrer dans une ligue civique qui vientde se constituer, à l’image de ce qui se fait dans les grandesvilles. Il assiste à une réunion. Quelques braillards échauf-fés s’agitent sur une estrade. Ils évoquent la crise en Italieet en Allemagne, les grèves insurrectionnelles, les drapeauxrouges, la paralysie des services publics, gangrenés par des

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agitateurs maximalistes. Les « hommes au couteau entre lesdents ». Et l’apparition d’une poignée de leaders énergiques,qui veulent conduire les peuples vers un avenir d’ordre etde paix, en protégeant les industries nationales, en fermantles frontières, en luttant contre le communisme sauvage,qui est en train de l’emporter dans l’Est de l’Europe.

« Nous n’allons pas attendre tranquillement que ces co-chons-là viennent faire la loi chez nous ! Déjà le mois der-nier les cheminots et les postiers se sont mis en grève ! Àqui le tour en octobre ? »

Le vicomte leur trouve les idées courtes et les joues malrasées. Ce qu’ils appellent de leurs vœux, ce n’est pas le ré-tablissement du régime ancien, mais un ordre nouveau, laprépondérance d’un État fort, très centralisé, une volontécommune exacerbée, une obéissance et une discipline dephalange antique. Il a comme une répulsion instinctive. Lesang bleu peut-il se mêler à cette populace aveugle, crédu-le, inculte ? Ça sent le petit peuple affairé, le mauvais vin,la démagogie, les ambitions ratées. C’est à l’opposé du com-munisme, mais cela relève des mêmes procédés. Les res-ponsables sont déçus. Ils comptaient sur un nom connupour faire passer le message, car ils ne s’entendent pas trèsbien entre eux.

« Je vais y réfléchir ! Croyez bien que vous me trouvereztoujours à vos côtés en cas de dérive vers le collectivisme.Mais je suis déjà âgé, mon épouse davantage encore. Il fautvous trouver un chef de quarante ans ! »

Ces gens-là se plaignent aussi des débuts de l’immigra-tion italienne dans le département. Des communautés en-tières vont se déplacer depuis le fond de la Vénétie et duTrentin, pour remplacer les milliers de jeunes gens qui nesont pas revenus des champs de bataille du nord et de l’est.

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Les premiers monuments aux morts, que l’on est en traind’implanter dans les villages, mettent en évidence l’ampleurdu désastre. On n’en finit pas d’aligner des noms sur lesplaques de marbre noir. Plusieurs dizaines à Sainte-Livra-de, à Penne, à Pujols, plusieurs centaines à Villeneuve et àAgen. Toute une génération. Et parfois deux, voire mêmetrois morts, dans une même famille. Son métayer de Cor-conat a disparu lui aussi, en 1916. Il ne trouve personnepour le remplacer. On manque partout de bras.

Charles-Louis se refuse à croire, comme il l’entend mur-murer dans certains cercles, que l’on a délibérément sacri-fié les paysans, et notamment ceux du Sud-Ouest, afin deprotéger les ouvriers qualifiés des grandes villes, seuls ca-pables d’assurer une production régulière dans les indus-tries de guerre et dont on avait le plus urgent besoin, pourfabriquer des obus et des canons.

« Il faut vous inscrire à la sous-préfecture si vous voulezbénéficier du prochain convoi. Il y aura aussi des femmespour le ménage. »

Ce serait bien l’occasion de renvoyer la bonne. Cette évi-dence saute aux yeux du vicomte. Il a d’autant moins descrupules, qu’elle a envisagé de les quitter, en pleine guer-re, pour gagner davantage chez un petit industriel de laconserve. Il avait fallu augmenter ses gages, dans une pé-riode où seuls les envois de leur fils auprès de Camille leurpermettaient de survivre. Il se dit qu’on lui trouvera bienun point de chute, dans une communauté religieuse ou unhospice. À l’hôpital peut-être, grâce à sa fille. Avec tous cesmorts de jeunes gens, il n’est malheureusement plus ques-tion de mariage, sinon avec un estropié ou un ancien gazé.Il faut qu’il en parle au curé, qui suit l’affaire de près carces Italiens-là sont des croyants, des catholiques, des vaillants

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aussi dit-on. Et puis, pour la plupart, grands, blonds, par-fois même avec les yeux bleus. Pour une fois, la France atapé dans le mille. À première vue, ils valent bien mieuxque les Espagnols, des miséreux, des farouches, des peauxbrûlées par le soleil, qui restent entre eux et sortent leurcouteau à la moindre querelle. Ils ne songent qu’à revenirmourir dans leur village, après avoir racheté la masure fa-miliale et ils économisent sur tout.

Joseph est d’accord pour un essai. Il lui est difficile desupporter plus longtemps la sottise et le négligé de la bonneactuelle. Elle est le symbole même de ce qu’il ne faut plusfaire. Une certaine Catérina se présente, envoyée par le sa-cristain de Saint-Étienne. Une grande belle fille avec desjoues rondes, des yeux clairs, d’une taille aussi élevée quela plupart des hommes. Des seins, des fesses, une montagnede chairs. Marie-Adelaïde hésite un peu. Mais son fils luidit en confidence qu’il l’aidera en cas de besoin. Et puis lesprétentions de cette Italienne ne doivent pas être très éle-vées. Par contre, elle doit avoir un bel appétit. Mais cesgens-là se nourrissent de pâtes et de polenta, avec quelquesboulettes les jours de fête.

« Elle va faire entrer un peu de soleil dans la maison etelle fait propre. C’est important pour le bébé.

– Mais elle ne dit que quelques mots en français ! Com-ment lui faire comprendre ce qu’il faut faire ? »

Lorsqu’il rentre du cercle, où il a tonné contre la cano-nisation de la pucelle d’Orléans, Charles-Louis est saisi parla vitalité de cette beauté animale. Catérina n’a pas trenteans et elle regarde les hommes en face. Il fait l’aimable,mais la surprend le lendemain, en ouvrant une porte, entrain de nettoyer un coin de la salle à manger, accroupie,les fesses en pointe, le cul proéminent, rebondi, magni-

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fique. Un cul à prendre à pleines mains. Elle se relève d’uncoup de rein et lui sourit aimablement. Il ne sait que dire.Il va rougir comme un collégien et il lui revient brusque-ment à l’esprit les notes scabreuses que Victor Hugo sep-tuagénaire prenait sur les petites bonnes qui se succédaientà Guernesey. S’était-il assez moqué des tourments et desobsessions de ce vieux bouc républicain ! Et voici que leDiable vient lui jouer un tour de la même inspiration, alorsqu’il sent comme une vitalité nouvelle et impérieuse sou-lever la flanelle de son caleçon long, un peu trop serré sansdoute.

Il va passer plusieurs jours à éviter soigneusement la jeunefemme. Il faudra qu’il en parle à son confesseur. Mais n’au-ra-t-il pas l’air trop ridicule ? Il imagine déjà le sourire nar-quois qui effleurera les lèvres de l’abbé dans le confessionnal.Dieu lui envoie une nouvelle épreuve. Ne saura-t-il pas re-lever seul le gant ? D’autant que la nouvelle bonne est entrain de changer l’atmosphère de la maison. Elle ouvre engrand les fenêtres, passe le balai et le chiffon partout, dé-croche les rideaux et les tentures, fait la poussière des livres,pénètre dans des appentis, au fond du jardin, où l’on en-tasse depuis des décennies, dans le plus grand désordre, lesobjets les plus hétéroclites. On la croirait infatigable. Ellelave, repasse, ravaude, comme s’il s’agissait de tâches toutesnaturelles. Et puis, elle est gaie, chantonne des airs de sonpays, sourit à tout le monde. Malgré son accent et ses hé-sitations en français, les gens du quartier, les commerçantsl’apprécient. Elle apprend très vite. Elle devient populaireen quelques semaines. On lui confie des courses toujoursplus éloignées, plus délicates. Joseph n’hésite plus à plai-santer aimablement avec elle et à lui faire porter des lettresà l’attention de sa belle-famille.

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Mais ce n’est pas une cuisinière. Elle est malhabile dansla cuisson des volailles, médiocre dans l’apprêt des légumes,dont elle découvre manifestement la variété, désemparéeen ce qui concerne les produits du terroir. Sa bonne volon-té est manifeste, mais mère et fille vont être obligées de dé-voiler leur savoir-faire, pour assurer un service minimum.Leur science se révélera assez courte.

« Je crois mon ami que, mise à part la cuisine, nous avonstrouvé une perle ! Je le dis avec d’autant plus de liberté quej’ai eu quelque hésitation au début. »

Marie-Adelaïde n’avouera jamais qu’elle a eu peur de lais-ser pénétrer chez elle cette belle santé paysanne, qui repré-sente si bien la vitalité, le dynamisme et la beauté rustique,et qui contraste de manière si évidente avec la parcimoniemesquine et silencieuse de la maison. C’est d’abord à sonfils qu’elle a songé. Elle ne veut pas que se produisent chezelle, ces scènes inconvenantes entre jeunes maîtres et do-mestiques, que certaines de ses amies du mardi lui décri-vent, avec force détails, et qui sont paraît-il si fréquentesdans les châteaux et les grosses fermes des alentours. Aussisurveille-t-elle tout particulièrement les débuts d’après-midi,où l’on se laisse aller à un peu de langueur, les siestes de Jo-seph sur la chaise longue, derrière un bosquet du jardin, lesheures de solitude qu’il se ménage dans sa chambre.

Elle n’a pas pensé à son mari.Le vicomte souffre les tourments de la passion. Et de la

passion charnelle. Satan habite en lui. Il rêve de pénétra-tion dans des profondeurs callipyges, de caresses interdites,de frôlements voluptueux. Le démon de minuit. À qui pour-rait-il se confier ? Il entre à l’improviste dans une pièce, Ca-térina est montée sur un escabeau pour nettoyer le hautd’un meuble. On voit ses cuisses bien fermes, presque jus-

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qu’aux fesses. Il referme la porte vivement. Mais l’imagedemeure. C’est un choc, une commotion. Charles-Louisse sent en état de péché mortel. Comment pourrait-il dé-sormais approcher de la sainte table, à la messe du dimanche,alors qu’il est d’habitude celui qui donne le signal aux foulesqui viennent s’agenouiller devant l’autel et entrouvrent déjàles lèvres pour recevoir l’hostie ?

Se peut-il qu’à son âge il soit encore aussi sensible à detelles tentations et qu’il en reste comme pétrifié ? Il se re-garde attentivement dans une glace. Cela ne lui est pas ar-rivé depuis des années. Il se trouve beaucoup plus vieux quece que son être en atteste au quotidien. Cette constatationl’étonne et l’effraie. De vilaines taches brunes, un peu par-tout sur le front, et ces cheveux, ébouriffés, trop longs,presque tous blancs, mais d’un blanc sale et terne. Ils vontdans tous les sens et lui font une tête extravagante. Il fau-drait sans doute aller chez le coiffeur plus de quatre fois paran. Mais comment choisir, dans sa position, quelqu’und’autre que le meilleur barbier de la place, qui vous prendcent sous avec un air protecteur, trois fois plus qu’avant-guerre, et attend que vous donniez quelques piécettes augarçon qui vous a traité ? On rencontre chez lui tout ce quicompte dans la ville. C’est un prolongement du cercle. Etle vicomte a conservé le privilège de disposer dans ce salonde sa propre serviette, marquée à ses armes, rangée dans uncasier, comme le sont celles des habitués qui viennent tousles jours, se faire raser et tailler la barbe. Mais Charles-Louisne peut consacrer à cette cérémonie sociale plus de cinqfrancs par trimestre, et encore doit-il pour cela se priverd’une semaine de cigares.

En s’observant attentivement, il rencontre un visage hé-rissé de poils disgracieux. C’est qu’il utilise un antique

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coupe-choux, au manche de corne, qui lui vient de songrand-père. Usé jusqu’à l’âme. Quant au savon à barbe, ill’économise autant qu’il le peut, grattant souvent la peau àvif, ce qui lui laisse sur le cou et les joues des estafilades duplus vilain effet. Lui qui se croit toujours grand air, qui nesupporte pas qu’un bouton de sa redingote soit décousu ouque son chapeau n’ait pas été soigneusement brossé avantchaque sortie, se découvre des traits trop fortement accen-tués, une tête sans majesté, un visage peu soigné, indignedu noble chevalier dont il veut donner chaque jour l’ima-ge et l’exemple aux foules. On doit se gausser dans son dos.C’est une constatation amère. Comment une jeune femme,même du commun, pourrait-elle porter sur lui un regardautre que celui qui prête spontanément à l’ironie et au sar-casme ?

« Ma bonne… La prochaine fois que vous sortirez enville pour promener l’enfant, vous m’achèterez s’il vous plaîtun rouleau de crème à raser et un flacon d’eau de Cologne.Je n’en ai plus. »

Marie-Adelaïde ne se souvient pas qu’il ait usé, depuisde nombreuses années, de quelque parfum que ce soit. Maiscela relève certainement d’une lubie de vieillard et elle nefait aucun rapprochement avec la présence de la nouvelledomestique. D’ailleurs, son attention entière se porte surson petit-fils, avec qui elle retrouve les gestes maternels etles bonheurs d’autrefois. Rien ne la saurait distraire de cettetâche. Elle se réjouit de la situation présente et échafaudeles hypothèses les plus baroques pour tenter de conserverle bébé sous son toit.

Le vicomte, lui, se fait tout un roman. Comme il se refu-se à imaginer qu’il pourrait, dans sa propre maison, pousserun jour la belle italienne, à la peau de lait, dans le coin d’une

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pièce pour profiter de sa surprise, au risque de voir quelqu’unentrer, il imagine des rendez-vous compliqués, des chambresd’hôtel impossibles, des promenades nocturnes au bord dela rivière, en amont du barrage. Comment s’y prennent-ilsdonc tous ces hommes à bonnes fortunes qui se vantent par-fois devant lui de leurs conquêtes ? Certes ils ont de l’argent,ou passent pour en avoir. Et ils savent opportunément fairebriller quelque bijou, offrir un bouquet, débiter d’aimablesfadaises. Charles-Louis serait pitoyable dans ce rôle ; il en estpersuadé. Et puis, dans le cas, bien improbable, où la filledeviendrait complice, serait-il à la hauteur de ce qu’elle at-tendrait de lui ? Se voir faillir dans une telle passe d’armes estle pire qui puisse arriver à un gentilhomme.

Combien de lances pourrait-il aujourd’hui rompre,comme l’on disait au temps de Rabelais et de Brantôme ?

Il se sent à nouveau en état de péché mortel. Il en a plei-nement conscience. Il devrait soumettre ce corps qui veutse sentir exister, une dernière fois, comme un convalescentqui sort à peine d’une longue souffrance et aspire l’air, ledéguste, le savoure, alors qu’il était promis à la déchéanceet à une disparition prochaine. Mais une force vitale, élec-trique, s’est emparée de lui. Une force à laquelle il n’a pasvraiment envie de résister.

Le lendemain, il rencontre Catérina au milieu de l’esca-lier, alors qu’il descend et qu’elle grimpe. Elle lui sourit ai-mablement et il a la tête à quelques centimètres de ses seins.Elle lui parle doucement. Il en reste pétrifié. Il ne sait oùse mettre.

« Jé voudrais demi-journée. Aller bureaux. Des papierspour me marier. Avec mon fiancé Giuseppe. »

Le vicomte s’entend répondre qu’il lui accorde tout cequ’elle veut et elle lui embrasse les mains. Pour un peu elle

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le prendrait dans ses bras. Il se retrouve au bas des marcheset se traite d’imbécile. Décidément, même le péché lui estinterdit. Là où ses ancêtres auraient exercé un droit de vi-rilité, joyeuse et triomphante, il reste les bras ballants, avecses remords mesquins et le repli sur une attitude d’orgueilthéâtral et désuet.

Il partira demain pour la métairie, à pied, l’aller et le re-tour, de Villeneuve à Corconat. Et tant pis s’il pleut, celaajoutera à la repentance. Avec seulement un quignon depain. Il a besoin d’un pèlerinage physique, d’un acte decontrition à grande échelle. Il espère laisser sur le cheminles miasmes de cette aventure avortée, pitoyable, une deplus. Mais il n’en parlera à personne, surtout pas à sonconfesseur. Et il continuera à communier à la messe du di-manche, comme si rien ne s’était passé.

Dieu le punira, il en est sûr. Mais pour le moment, il apitié de lui. Il rencontre sur la route un brave homme quile hisse sur sa charrette, dans la côte de La Sauvetat, voyantqu’il n’en pouvait plus et il prend le train du soir, celui de17 h 48, pour le retour, en s’endormant sur la banquette.Fernand le reconnaît et le réveille doucement à l’arrivée.

« J’ai rencontré dans le train ce vieux noble. Tu sais…ce… de… quelque chose… qui s’occupait des prisonnierspendant la guerre. Il a l’air de filer un mauvais coton. »

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Illustration de couverture : Jean Abadie, Automne en Agenais,

huile sur toile (80 x 80 cm).

ISBN 978-2-86266-615-X

17,80 €

MARIO GRANERI-CLAVÉ

Vents du SudIII. une paix incertaine

Dans ce troisième et dernier volet de «Vents du Sud»,

les personnages de la fresque évoluent au cœur des

deux décennies qui suivent la Première Guerre mon-

diale. La Gascogne n’échappe pas à la réorganisation

du pays, le rôle des femmes s’affirme, les ouvriers

agricoles s’unissent. La mécanisation attire et inquiète,

l’espérance d’une vie meilleure grandit au long des

années trente, mais la paix est incertaine.

Mario Graneri-Clavé, ancien professeur de lettres, puis inspecteur de l’Édu-cation nationale, s’est beaucoup investi dans la formation des adultes et lesuivi des futurs enseignants. Il est auteur de romans : Burdigala, chroniquedes années de rupture et Mauvaises Passes ; il a dirigé le Dictionnaire de Bordeaux.Il réside en Gironde et dans sa maison familiale du Lot-et-Garonne.