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Twilight Chapitre 2 - Tentation - Eklablogekladata.com/.../Twilight-Chapitre-2-Tentation.pdf · 2015. 9. 27. · encouragé ni aimé de façon aussi inconditionnelle que je l’ai

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  • STEPHENIEMEYER

    TENTATION

  • Traduitdel’anglais(États-Unis)

    parLucRigoureau

  • HachetteL’éditionoriginaledecetouvrageaparusous

    letitre:NEWMOON

    ©StephenieMeyer,2006.Thiseditionpublishedbyarrangementwith

    Little,BrownBooksforYoungReaders/Hachette

    BookGroupUSA,Inc.,NewYork,NewYork,USA.Allrights

    reserved.©HachetteLivre2009pourlaprésente

    édition.43quaideGrenelle,75015Paris.

  • Pour mon père, Stephen

    Morgan – Personne n’a été

  • encouragéniaimédefaçonaussiinconditionnellequejel’aiétépartoi.Moiaussijet’aime.

    Ces plaisirs violents ont desfins violentes ; Dans leurs excèsils meurent tels la poudre et lefeu,Queleurbaiserconsume.

    Roméo et Juliette, acte II,scène 3 (trad. Victor Bourgy, in WilliamShakespeare,Œuvrescomplètes,éd.bilingue,Tragédies1,RobertLaffont,Paris,1995)

  • Prologue

    On aurait dit que j’étais

    prise au piège d’un cauchemarterrifiant, un de ceux où l’on estforcédefuir,decourir jusqu’àceque les poumons donnentl’impression d’exploser, sans quel’on réussisse pourtant à bougerassez vite. Mes jambesparaissaients’engourdirau furetà mesure que je me frayais un

  • chemin parmi les badaudsinsoucieux,alorsquelesaiguillesde l’immense horloge, elles, neralentissaient pas leur course.Animées par une forceimplacable, elles tournaient,indifférentes, se rapprochantinexorablement de la fin – la findetout.

    Je n’étais pas en train derêver, cependant, et à ladifférenced’unmauvaissonge,jene cavalais pas pour sauver mapeau mais quelque chosed’infiniment plus précieux. Mapropre survie ne pesait rien dutoutàmesyeux,cejour-là.

  • Selon Alice, nous avionsl’une et l’autre de fortes chancesdemourir. Si elle n’avait pas étépiégée par le soleil éclatant, celase serait sans doute terminéautrement. Malheureusement,j’étaislaseuleàpouvoirtraversercette place bondée et baignéed’unelumièreaccablante.

    Or, j’étais incapabled’avancerplusvite.

    Voilà pourquoi ilm’importait peu que nousfussionscernéespardesennemissi extraordinairement dangereux.Lorsquelaclochesemitàsonnerl’heure, déclenchant des

  • vibrations sous la plante de mespieds maladroits, je compris quej’arrivais trop tard et je fussoulagée qu’un destin sanglantattendît dans la coulisse. Car enéchouant, je perdais tout désird’exister.

    Un deuxième coup retentit,marquant le zénith exact dusoleil.

  • 1

    UNEFÊTE

    J’étais sûre à quatre-vingt-

    dix-neufvirguleneufpourcentderêver.

    Les raisons de macertitude ? Premièrement, je me

  • tenais dans un rayon de soleiléclatant, le genre de lumièreaveuglantequeneconnaîtpasmaville d’adoption, l’humide Forks,dans l’État de Washington ;deuxièmement, je regardais magrand-mère,Marie. Vu que celle-ci était morte depuis six ans,l’irréalité de l’image était on nepeutplustangible.

    Grand-mère n’avait guèrechangé,etsonvisageressemblaità celui dont j’avais conservé lesouvenir. La peau en était douceet flétrie, plissée en dizaines definesridessouslesquellessaillaitl’ossature.Commeunabricotsec

  • surmontéd’une touffe vaporeusedebeauxcheveuxblancs.

    Nos lèvres – les siennes,étrécies par les ans – s’étirèrentsur le même demi-souriresurpris. Apparemment, elle nonplusnes’étaitpasattendueàmerencontrer. Je m’apprêtais àl’interroger (j’avais tant dequestions à lui poser : quefabriquait-elle dans mon rêve ?Qu’avait-ellefaitcessixdernièresannées ? Grand-père allait-ilbien ? S’étaient-ils retrouvés, làoù ilsétaientàprésent?),quandelleouvritlabouche.Jemeretinset la laissai parler. Nos traits

  • prirent simultanément uneexpressionunpeugênée.

    —Bella?Ce n’était pas elle qui avait

    prononcémonnom,etnousnoustournâmes pour dévisager lenouveau venu. Bien que jen’eussepasbesoindelevoirpourdeviner de qui il s’agissait.J’aurais reconnu cette voixn’importeoù ; j’aurais réponduàson appel, que je fusse éveillée,endormie... ou morte, j’imagine.Pourelle,j’auraismarchésurdestisonsardentsou,defaçonmoinsthéâtrale, j’aurais enduré chaquejour le froid et une pluie

  • incessante.Edward.Il avança vers nous dans la

    lumière étincelante et, malgrél’émotion,conscienteounon,quesaprésenceprovoquaitenmoi,endépit aussi de la quasi-certitudeque j’avais de rêver, je paniquai.Après tout, grand-mère – àl’instar de tout le monde –ignoraitquej’aimaisunvampire.Comment allais-je justifier quelesrayonsdesoleil,enentrantencontact avec sa peau, explosaienten milliers d’éclats arc-en-cielflamboyants,commes’ilavaitétécomposé de cristaux ou de

  • diamants?«Euh...tuaurassansdouteconstatéquemonpetitamiscintille, grand-mère. Net’inquiète pas, c’est juste lesoleil... » Que fichait-il ici ? Ilvivait à Forks, l’endroit le plusarrosé du monde, précisémentpour pouvoir sortir en plein joursans dévoiler le secret de safamille. Pourtant, il était là,s’approchait gracieusement demoi, son visage angéliquearborant un sourire des plusmagnifiques,àcroirequ’iln’avaitpas remarqué la présence degrand-mère.

    Pour le coup, je regrettai

  • d’être la seule à échapper à sondon mystérieux. D’ordinaire,j’appréciais qu’il ne sût lire dansmespenséesaussiclairementquesi je les avais formulées à voixhaute. À présent, j’aurais vouluqu’ilm’entendît,qu’ilperçûtlecrid’alerterésonnantdansmatête.

    Je jetai un coup d’œilangoissé à grand-mère etconstataiqu’ilétaittroptard.Elleme retourna un regard aussieffrayé que le mien. Sans sedépartir de son sourire (si beauque mon cœur parut enfler aupoint de vouloir exploser),Edward posa son bras sur mes

  • épaules et se tourna vers magrand-mère. La réaction de cettedernière me désarçonna. Au lieude sembler horrifiée, elle mecontempla avec une mouepenaude, l’air de s’attendre à cequejelagronde.Parailleurs,elleavait adopté une drôle deposition, le bras écartémaladroitement du corps, tenduetrecourbé,commesi,elleaussi,avait enlacéunepersonneque jene distinguais pas, un êtreinvisible.

    Cenefutqu’alorsquejeprisdu recul et remarquai le grandcadre doré qui entourait la

  • silhouette de ma grand-mère.Perplexe, je levai la main quin’enserrait pas la taille d’Edwardetl’effleurai.Elleimitamongesteà la perfection. Là où nos doigtsauraient dû se toucher, je nefrôlaiquelafroideurduverre...

    Dans un soubresautvertigineux, mon rêve devintcauchemar.

    Grand-mèren’existaitpas.C’était moi. Moi dans un

    miroir.Moi,vieille,ridéeetfanée.Àcôtéd’Edward.Laglacene

    renvoyaitpassonimage,etilétaitd’une beauté fracassante, figépour l’éternité dans ses dix-sept

  • ans.Ilposaseslèvresdegivreauxcontours irréprochables sur majouedétruite.

    — Bon anniversaire,chuchota-t-il.

    Haletante, je m’éveillai en

    sursaut, ouvrant les paupièresd’un seul coup. La triste lueurgrise et familière d’une matinéecouverte remplaça le soleilaveuglantdemonsonge.

    «Cen’étaitqu’unrêve, rienqu’un rêve », tentai-je de merassurer. Je respiraiprofondément puis tressaillisderechef quand la sonnerie de

  • mon réveille-matin se déclencha.Le petit calendrier encastré dansle coin du cadranm’informa quenousétionsletreizeseptembre.

    J’avais eu une visiononirique, mais pour le moinsprophétique. Aujourd’hui, c’étaitmon anniversaire. J’avaisofficiellement dix-huit ans.J’avais redouté cet instantpendant des mois. Maintenantqu’il était arrivé, il était encorepire que ce que j’avais craint.J’étaisplusvieille– je lesentais.J’avaisvieilliaujourlejour,saufque là, c’était différent,quantifiable,pire.J’avaisdix-huit

  • ans.Un âge qu’Edward

    n’atteindraitjamais.Lorsque j’allai me laver les

    dents,jefuspresqueétonnéequemon reflet dans le miroir n’eûtpas changé. Je m’examinai,cherchantd’imminentesridessurma peau ivoire. Je ne distinguaicependant que celles de monfront, et je savais que si jeparvenais à me détendre, elless’effaceraient. J’en fus incapable.Messourcilsrestèrentfroncésenunelignesoucieuse,au-dessusdemesprunellesanxieuses.

    «Cen’étaitqu’unrêve»,me

  • répétai-je. Juste un rêve... etpourtant, mon pire cauchemaraussi.

    Presséedequitterlamaison,jesautail’étapedupetitdéjeuner.Je ne réussis pas à éviter monpère, hélas, et fus contrainte dejouer la comédie du bonheurdurant quelques minutes. Jem’efforçai de sembler ravie parles cadeaux que je lui avaisdemandé de ne pas m’acheter,luttant néanmoins contre leslarmesàchacundemessourires.

    Sur le chemin du lycée, jetâchaidemeressaisir.L’imagedegrand-mère– car il était hors de

  • question que ce fût la mienne – m’obsédait, et c’est remplie dedésespoir que je me garai sur leparking et aperçus Edwardappuyé contre son étincelanteVolvo gris argent, immobile,hommage marmoréen rendu àquelque dieu païen de la beauté,désormais oublié. Mon songe nelui avait pas rendu justice. Et,comme chaque jour, ilm’attendait. Moi. Ma détresses’évapora un instant, remplacéepar de l’émerveillement. Nousavions beau sortir ensembledepuis six mois, je continuai denepascroireàmabonnefortune.

  • Sa sœur Alice était à soncôté, et elle aussi guettait mavenue.

    EdwardetAlicen’étaientpasréellement parents (l’histoireservie au bon peuple de Forksétait que la fratrie des Cullenavait été adoptée par le docteurCarlisle Cullen et sa femmeEsmé,tousdeuxbientropjeunespour avoir des enfantsadolescents),maisleurpeauavaitla même exacte pâleur, leursyeux– enfoncés dans des cernestels des hématomes – la mêmeétrange nuance dorée, et leursvisages une identique et

  • inhumainebeauté.Pourqui étaitdans le secret – moi, parexemple – ces similitudes lesidentifiaient pour ce qu’ilsétaient.

    Les prunelles fauve d’Aliceluisaientd’excitation;découvrantqu’elle tenait un petit paquetcarré enveloppé de papierd’argent, je plissai le front. Jel’avais pourtant avertie que je nesouhaitais rien pour monanniversaire. Rien du tout, niprésents ni marques d’attentionparticulières. Il était évident quemes vœux avaient étésuperbementignorés.

  • Je claquai la portière demacamionnette à plateau, uneChevrolet de 1953, déclenchantune averse de débris rouillés surle bitumehumide, etmedirigeailentement vers les Cullen. Alicevintàmoiensautillant,safacedelutin resplendissante sous sescheveuxnoirscoiffésenpointes.

    —Bonanniversaire,Bella!— Chut ! sifflai-je en

    regardant autour de nous pourm’assurerquepersonnenel’avaitentendue.

    La dernière chose que jedésirais, c’était que mescamarades de classe célèbrent ce

  • journoir.— Tu ouvres ton cadeau

    maintenant ou plus tard ?demanda-t-elle en faisant fi demaréaction.

    —J’avaisditpasdecadeaux,grommelai-je sur un tel tonqu’elle n’eut pas grand mérite àdevinermonhumeur.

    — Très bien... ça attendra,alors. As-tu aimé l’album photoque t’a envoyé ta mère ? Etl’appareildeCharlie?

    Je soupirai. Naturellement,elle était au courant. Edwardn’étaitpas le seulde sa familleàavoir des talents particuliers.

  • Alice avait sans doute « vu » ceque mes parents s’apprêtaient àm’offrir à l’instant même où ilsavaientarrêtéleurchoix.

    —Oui.C’estsuper.— Je trouve leur idée

    géniale. On n’est en Terminalequ’une seule fois. Autant enprofiter pour immortaliser lesmeilleurs moments de cetteannée.

    — Combien de Terminalesas-tueffectuées,toi?

    —Cen’estpaspareil.Nous étions arrivées près

    d’Edward. Il tendit la main, jem’en emparai avidement,

  • oubliant l’espaced’un instantmamorosité. Comme toujours, sapeau était lisse, dure et trèsfroide. Il serra doucement mapaume. Je plongeai dans ses iristopaze, etmon cœur se serra luiaussi, mais plus violemment.Percevant les bégaiements demon pouls, Edward sourit puissouleva sa main libre pourcaresser le dessin de mes lèvresd’undoigtfrais.

    —Sauferreurdemapart,etsi je me souviens bien d’unecertaine conversation, je ne suispas autorisé à te souhaiter unjoyeux anniversaire, susurra-t-il.

  • C’estbiença?—Eneffet.Son débit fluide et ses

    intonations soignées étaientinimitables,héritaged’unelanguequ’on avait parlé cent ans plustôt.

    —Jepréféraism’enassurer,badina-t-ilenpassantsesdoigtsàtravers le désordre de sachevelure cuivrée. Au cas où tuaurais changé d’avis. La plupartdes gens semblent heureux del’événement et des présents quil’accompagnent.

    Alice s’esclaffa, et son rire,carillon du vent, tinta comme de

  • l’argent.— Toi aussi, tu vas adorer,

    Bella ! me promit-elle.Aujourd’hui, tout le monde estcensé être aux petits soins pourtoietexaucertesmoindresdésirs.Que pourrait-il t’arriver depénible?

    —Devieillir.J’avais répliqué à cette

    question rhétorique d’une voixmoins assurée que je l’auraisvoulu. Le sourire d’Edward sefigea.

    —Dix-huit ans, ce n’est passi âgé, objecta sa sœur. Engénéral, les femmes attendent

  • d’avoir atteint la trentaine pourrefuserdefêterleuranniversaire,non?

    — C’est plus qu’Edward,bougonnai-je.

    L’intéressésoupira.— Techniquement, certes,

    admit Alice sans se départir deson entrain. Ça ne représentequ’une toute petite année,cependant.

    Forcem’étaitd’admettrequeoui,unanoudeuxdeplusoudemoins ne constituaient pas ungouffre en effet, à condition quejefussecertained’obtenirlefuturque je voulais, à savoir rester

  • pourtoujoursauxcôtésd’Edwardet des Cullen, et pas en tant quecroulante chenue si possible.Las ! Edward était fermementopposé à tout avenir impliquantma transformation. Il refusaitque je devinsse comme lui – immortelle. Il qualifiait notresituation d’impasse. Trèsfranchement, je ne comprenaispas son obstination. Qu’est-ceque l’état de mortel avait de siformidable ? En comparaison,une existence de vampire neparaissait pas si terrible, en toutcas pas quand on observait lesCullen.

  • — À quelle heure seras-tuchez nous ? poursuivit Alice enchangeantdesujet.

    Rienqu’à son expression, jedevinai qu’elle mijotaitprécisément ce à quoi j’avaisespérééchapper.

    — Parce que j’y suisattendue?Premièrenouvelle.

    — Oh, s’il te plaît, Bella, tune vas quand même pas gâchernotreplaisir,hein?

    —Jecroyaisqu’aujourd’hui,c’étaitmoiquidécidaisdecequejevoulaisoupas?

    — Je passerai la chercherchez Charlie après les cours,

  • intervint Edward comme si jen’existaispas.

    —Jebosse,protestai-je.— Non, non, non ! me

    détrompa Alice, très contented’elle. Je me suis arrangée avecMme Newton, et elle a acceptéd’échanger ses heures devendredi au magasin avec toi. Àpropos, elle te présente tous sesvœux.

    —Et puis, je... je n’ai pas letemps,bégayai-jeenmecreusantla tête pour trouver une excuse.Jen’aipasencoreregardéRoméoetJuliettepourlecoursd’anglais.

    — Tu connais la pièce par

  • cœur!rétorquaAlice.—Oui,maisM.Masonnous

    a conseillé d’en voir unereprésentation afin de l’apprécierpleinement. C’est ce que voulaitShakespeare.

    Edwardlevalesyeuxauciel.— Tu as déjà visionné des

    adaptations,insistasasœur.— Pas celle des années

    soixante.M.Mason soutient quec’estlameilleure.

    Alice finit par perdrepatience, sa mine satisfaites’effaça, et elle me toisa avecdureté.

    — Écoute, Bella, tu as le

  • choix entre deux solutions,maugréa-t-elle. La facile et ladifficile.Quoiquetu...

    — Du calme, l’interrompitEdward. Si Bella a envie deregarderunfilm,àsaguise.Aprèstout,c’estsonanniversaire.

    —Exactement!renchéris-je.—Je l’amèneraià lamaison

    vers dix-neuf heures, continua-t-il. Cela te laissera plus de tempspourlespréparatifs.

    Le rire argentin d’Alicerésonnaunenouvellefois.

    — Très bien, dit-elle. Tu n’yéchapperas pas, Bella ! Je tegarantisqu’onvas’amuser!

  • Elle m’adressa un sourireradieux qui dévoila sesadmirables dents luisantes, puism’embrassa sur la joue ets’éloigna en direction de sonpremier cours d’une démarchedansante.

    — Je t’en prie, Edward...,commençai-je.

    —Onendiscuteraplustard,me coupa-t-il en posant un doigtsur ma bouche. On va être enretard.

    C’est dans l’indifférencegénéralequenousnousassîmesànosplaceshabituelles,aufonddelaclasse.Noussortionsensemble

  • depuis trop longtemps pourcontinuer à susciter les ragots.Même Mike Newton avait cesséde m’accabler de ses regardslugubresqui,audébut,m’avaientquelque peu culpabilisée. Il mesourit, et je constatai avecplaisirqu’ilavaitl’aird’avoiracceptéquenos relations se limitent à del’amitié. Mike avait changé,durant l’été. Son visage avaitperdu ses rondeurs, rendant sespommettesplusproéminentes,etil arborait une nouvelle coiffure.Les cheveux courts et hérissésavaient laisséplaceàdesmèchesblondes plus longues et

  • artistiquement enduites de gelafindedonneruneimpressiondedésordredécontracté.Sisasourced’inspiration était évidente,l’allure d’Edward était toutefoisdecellesquel’onn’imitepas.

    Au fil des heures,j’échafaudaidifférentesstratégiespour éviter la soirée qui sepréparait chez les Cullen. Jen’étais pas d’humeur à faire lafête. Qui plus est, la surprisequ’on me réservait comprendraitforcément beaucoup d’attention.Or, les maladroits enclins auxcatastrophes (dont je suis)s’arrangent pour éviter d’être le

  • centre du monde. Qui apprécied’être sous les feux de la rampealorsque le ridicule (se casser lafigureparexemple)menace,telleune épée de Damoclès ? Il yaurait aussi des cadeaux, alorsque j’avais très spécifiquementdemandé – exigé, plutôt – qu’onles évitât cette année. J’avaisl’impressionqueCharlieetRenéen’étaient pas les seuls à avoirdécidéd’ignorermesordres.

    Je n’avais jamais roulé surl’or, ce qui m’indifférait. Renéem’avait élevée sur son salaired’institutrice en écolematernelle ; quant à Charlie, ce

  • n’étaitpassonboulot–chefdelapolice de la minuscule bourgadedeForks–quil’enrichissait.Mesuniques revenus personnels, jeles devais à mes trois jours detravail par semaine dans laboutique de sport des parents deMike. Je m’estimais d’ailleursheureused’avoirdécrochéun jobdans une ville aussi petite. Lemoindre centime de mon salaireallait grossir les économiesmicroscopiques destinées à mesétudes universitaires. La fac,c’étaitleplanB.Jem’acharnaisàcroireenlaréalisationduplanA,en dépit de l’entêtement

  • d’Edward à vouloir que je restehumaine.

    Lui avait énormément demoyens,ceàquoij’évitaisdetropréfléchir. L’argent ne signifiaitpresque rien pour les Cullen.C’était juste une chose qu’onaccumulait quand on disposaitd’untempsinfinietdequelqu’un(Alice) qui jouissait d’un talentsurprenant pour prédire lesfluctuations boursières. Edwardne saisissait pas pourquoi jem’opposaisàcequ’ilendépensâtpour moi, pourquoi j’étais mal àl’aise lorsqu’ilm’invitait dans unrestaurant cher de Seattle,

  • pourquoi il lui était interdit dem’acheter une voiture rapide oupourquoi je refusais qu’il paiemesfraisdescolarité(ildébordaitd’un enthousiasme ridicule pourle plan B). Selon lui, j’étaisinutilement chichiteuse. Maiscomment aurais-je pu l’autoriserà me donner quoi que ce soitquand je n’étais pas à même delui rendre la pareille ? Pourd’insondables raisons, il désiraitma compagnie, et c’était déjàtrop.Toutcequ’ilyajouteraitneferait que renforcer ledéséquilibrequinousséparait.

    La matinée passa ; ni

  • Edward ni Alice ne revenant surle sujet de mon anniversaire, jemedétendisunpeu.Àmidi,nousnous installâmes à notre tablehabituelle.Yrégnaitunstatuquoétrange. Edward, Alice et moinous asseyions à l’une de sesextrémités, cependant que mesautres amis,Mike et Jessica (quitraversaient une phase derelations gênées après avoirrompu), Angela et Ben (dont laliaisonavaitsurvécuàl’été),Eric,Conner, Tyler et Lauren (je mecontentais de tolérer cettedernière) en occupaient l’autrebout, comme séparés de nous

  • trois par une ligne invisible.Celle-ci se dissipait aisément lesjours de soleil, où les Cullenséchaient systématiquement lelycée,et j’étaisalors inclusedansles conversations sans que celaposâtlamoindredifficulté.

    Edward et Alices’accommodaient de cetostracisme mineur, alors que, àleur place, je l’aurais sans doutetrouvé bizarre et blessant. Euxs’en apercevaient à peine. Lesgensétaient toujoursmalà l’aiseencompagniedesCullen,commepris d’une frayeur qu’ils nes’expliquaient pas pour autant ;

  • j’étais la seule exception à larègle. Parfois, la décontractiondont je faisais preuve avec luiinquiétait Edward, qui se jugeaitdangereux pour moi – uneopinion que je réfutais avecvéhémencesitôtqu’ill’exprimait.

    L’après-midi défilarapidement, les courss’achevèrent, et Edward meraccompagnaàmacamionnette–laroutine.Saufque,cettefois, ilm’ouvrit la porte passager. Alicedevait avoir pris la Volvo, unefaçon de s’assurer que je ne medéfilerais pas ce soir-là. Je meplantaisouslapluieetcroisailes

  • bras.—C’estmonanniversaire,je

    conduis,décrétai-je.— Ah, mais je t’obéis et je

    me comporte comme s’ils’agissaitd’unjourordinaire.

    — Dans ce cas, je n’irai pascheztoitoutàl’heure.

    — Tu veux jouer à ce petitjeu?s’amusa-t-il.Trèsbien.

    Surce, ilm’entraînaducôtéconducteur.

    — Bon anniversaire !claironna-t-il.

    —Chut!Bon gré mal gré, je

    m’installai derrière le volant,

  • regrettant déjà qu’il n’eût paschoisil’autresolution.

    — Cet appareil est nul, seplaignit-il en tripotant la radiotandisquejequittaisleparking.

    Jefronçailessourcils,vexéequ’il s’en prît à ma vieilleChevrolet. Pour moi, elle étaitgéniale. Elle avait de lapersonnalité.

    — Si tu veux de la bonnemusique,tun’asqu’àteservirdetavoiture,ripostai-je.

    J’étais si nerveuse à laperspective de ce qu’Alice meconcoctaitquejememontraiplussèche que je n’en avais eu

  • l’intention. D’ordinaire, laprésence d’Edward me rendaitd’humeur égale et sereine. Ilréprimaunsourire.

    Lorsque je me garai devantchezCharlie,lesmainsd’Edward,tendres et prudentes,enveloppèrentmonvisage.Seullebout des doigts exerçait unelégère pression sur mes tempes,mes pommettes, ma mâchoire,comme si j’étais d’une fragilitéparticulière. Ce qui était le cas,comparéàluidumoins.

    —Tu devrais être heureuse,aujourd’hui plus que jamais,murmura-t-il, et son haleine

  • doucemechatouillalesnarines.—Etsijen’enaipasenvie?

    répondis-je,lesoufflecourt.— Alors, c’est vraiment

    dommage,dit-ilenmevrillantdesesirisdorésetincandescents.

    Lorsqu’il se pencha et collases lèvres de glace aux miennes,j’avais déjà la tête qui tournait.Tombant dans le piège qu’ilm’avait délibérément tendu,j’oubliai mes angoisses et meconcentraipournepasoublierderespirer. Sa bouche s’attarda surla mienne, froide et lisse etdélicate, jusqu’à ce que j’enroulemes bras autour de sa nuque et

  • lui rende son baiser avec unepassion un peu trop débordante.Je le sentis sourire, puis il merelâcha et déverrouilla monétreinte.

    Edward avait posé denombreuses limites à notrerelation physique, dans l’uniquebut de me garder vivante. Si, engénéral, j’observais la règleexigeant que je maintienne mapeau à une saine distance de sesdentsaiguiséescommedeslamesde rasoir et enduites de venin,j’avais tendance à négliger cesdétails triviaux lorsqu’ilm’embrassait.

  • —Soissage,chuchota-t-il.Il déposa un ultime baiser

    sur ma bouche, puis s’écarta enprenant soin de croisermes brassur mon ventre. Les battementsde mon cœur m’assourdissaient.Jeportaiunemainàmapoitrine,sentis la chamade sous mapaume.

    —Crois-tuquej’arriveraiunjouràmemaîtriser?demandai-jeà voix haute, plus pour moi quepour lui, d’ailleurs. Que monpouls cessera de s’emballerchaquefoisquetumetouches?

    — J’espère bien que non,plastronna-t-il.

  • —Bon,allonsvoircommentles Montaigus et les Capuletss’exterminent, décidai-je en luilançantuncoupd’œilirrité.

    — Vos désirs sont desordres,mademoiselle.

    Edward se vautra sur lecanapé, cependant que jechargeais la vidéo et faisaisdéfiler le générique en modeaccéléré.Lorsquejemeperchaiàl’extrémité du divan, il enserrama taille et m’attira contre sontorse. Celui-ci n’était pas aussiconfortable qu’un coussin, vu sadureté, sa froideur, sa perfectionstatuaire, mais je le préférais de

  • loin. Attrapant le vieux plaid quidissimulait le dossier du sofa, ilm’enveloppa dedans pour éviterquejegèleàsoncontact.

    —Roméom’a toujours tapésur les nerfs, m’annonça-t-ild’emblée.

    — Que lui reproches-tu ?répliquai-je,quelquepeuoffenséecarc’étaitundemespersonnagespréférés. (Jusqu’à ce que jerencontre Edward, j’avais eu unesortedebéguinpourlui.)

    —Ehbien,pourcommencer,il est amoureux fou de Rosaline,ce qui ne l’empêche pas des’entichertrèsvitedeJuliette.Tu

  • ne trouves pas que ça lui donnedes airs d’inconstant ? Ensuite,quelques minutes à peine aprèssonmariageavecJuliette,iltuelecousindecelle-ci.Pastrèsmalin.Ilaccumuleleserreurs,cetype.Ilauraitvouludétruiresonbonheurtout seul qu’il ne s’y serait pasprisautrement.

    — Tu préfères que je leregardeseule?soupirai-je.

    — Non, répondit-il enpromenant ses doigts sur monbras, déclenchant mes frissons.De toute façon, c’est toi quim’intéresses, pas le film. Tu vaspleurer?

  • — Si je suis attentive,sûrement,admis-je.

    — Alors, je ne te distrairaipas.

    Malgré cette promesse, ileffleura mes cheveux de seslèvres, geste qui ne pouvaitm’inciter à rester appliquée.L’œuvre finit néanmoins par mecaptiver, d’autant qu’Edwardmurmurait les vers de Roméo àmonoreille–encomparaisondeson irrésistible ténor, la voix del’acteur paraissait faiblarde etgrossière. À son grandamusement, je fondis en larmesquand, à son réveil, Juliette

  • découvresonépouxtrépasséàsespieds.

    — J’avoue que je l’envie unpeu, ce Roméo, commentaEdward en séchant mes larmesavecunedemesmèches.

    —Julietteesttrèsjolie.— Pas à cause d’elle, se

    récria-t-il, vaguement dégoûté. Àcause de la simplicité de sonsuicide.Vousavezvraimentde lachance, vous les humains ! Ilvous suffit deboired’un trait unpetit mélange d’extraits deplantes,ethop...

    —Pardon?— Bah, c’est juste qu’il m’a

  • fallu un jour considérer cettesolution. Connaissantl’expérience de Carlisle en lamatière,jesavaisqueceneseraitpas simple. Jene suismêmepascertain de connaître le nombreexact de fois où il a tenté d’enfinir, lorsque... Après qu’il eutcompriscequ’ilétaitdevenu...Or,ilesttoujoursenexcellentesanté,ajouta-t-il, sur un ton plusdésinvolte.

    — Mais qu’est-ce que turacontes ? m’indignai-je en medévissant le cou pour le toiser.Qu’est-ceque ça signifie« ilm’afalluconsidérercettesolution»?

  • — C’était au printempsdernier, quand tu as... failli êtretuée...

    Il s’interrompit, respiraprofondément et s’efforça dereprendreuntonbadin.

    —Biensûr,maprioritéétaitde te retrouver vivante. Pourautant, j’ai dû envisager d’autreséventualités. Et, je te l’ai dit, cen’estpasaussiaisépourmoiquepourunhumain.

    Un instant, le souvenir demonderniervoyageàPhœnixmesubmergea avec une telle forcequej’eneuslevertige.Lesimagesétaientd’uneclartéeffarante–le

  • soleil aveuglant, les vagues detouffeurmontant du sol bétonnétandisque jemeprécipitaisdanslespattesduvampiresadiquequiavait l’intention de me torturerjusqu’à ce que mort s’ensuive ;James, à l’affût dans la salle auxmiroirs, tenant ma mère enotage – du moins, c’est ce quej’avais cru alors, n’ayant pasdevinéqu’il s’agissait d’une ruse.Mais, de son côté, James n’avaitpas pressenti qu’Edward se ruaità mon secours. Il était pourtantarrivéàtemps,mêmesijel’avaiséchappé belle. Inconsciemment,mesdoigtscaressèrentlacicatrice

  • en forme de lune sur ma main,toujours plus froide que le restede ma peau. Je secouai la têtepour me débarrasser de cesdésagréables réminiscences et, lecœur au bord des lèvres, revinsauximplicationsdecequ’Edwardavaitsous-entendu.

    — D’autres éventualités ?répétai-je.

    —Enfin,voyons!s’exclama-t-il, abasourdi par ma naïveté. Ilétait évident que je ne comptaispas vivre sans toi ! Mon seulproblème, c’était la façon dontj’allais m’y prendre. Inutiled’espérer l’aide d’Emmett ou de

  • Jasper. Alors, j’ai songé à merendre en Italie pour provoquerlesVolturi.

    Il plaisantait ! Pourtant, sesprunelles dorées étaient graves,concentrées sur un lointain quineluiparlaitquedesaproprefin.Toutàcoup,jecédaiàlacolère.

    — C’est qui, ces Volturi ?aboyai-je.

    — Une famille, répondit-ild’une voix absente. Un clan trèsancien et très puissant de notreespèce. Ce qui, pour nous, serapprocherait le plus d’unefamille royale, j’imagine. À sesdébuts, Carlisle a brièvement

  • vécu avec eux.Avant qu’il décidede gagner l’Amérique. Tu terappelles?

    —Oui.Jen’étaispasprêted’oublier

    lapremièrefoisoùj’avaismislespieds chez les Cullen, uneimmense villa blanche isoléedanslaforêt,prèsdelarivière.Nila pièce où Carlisle, le vrai pèred’Edward à plus d’un titre, avaitaménagétoutunmurdetableauxqui racontaient son histoirepersonnelle. La toile la plusremarquable, aux couleurs lesplus vives, la plus grande aussi,représentait la période italienne

  • de sa vie. Je revoyais sans peineles quatre personnages auxvisages séraphiques installés surunbalcon,observateursduchaosbigarré qui régnait sous eux. Endépit des siècles, Carlisle, l’angeblond, n’avait pas changé. Jemesouvenais également des troisautres, lespremièresrelationsdecelui qui deviendrait par la suiteledocteurCullen.Edwardn’avaitjamaisemployélenomdeVolturipour désigner le triomagnifique,unhommeauxcheveuxblancsetses amis bruns. Il les avaitappelésAro,MarcusetCaïus, lesténébreuxprotecteursdesarts...

  • — Bref, on n’irrite pas lesVolturi, reprit Edward,interrompant ma rêverie. Sauf àsouhaitermourir... ou,dumoins,à subir le sort qui nous estréservé,ànousautresvampires.

    Ma fureur tourna à l’effroi.Prenant son visage marmoréenentremesmains, je le serrai trèsfort.

    — Je t’interdis d’avoirpareilles idées à l’avenir ! Quoiqu’ilpuissem’arriver,jet’interdisdetedétruire.

    — Je n’ai pas l’intention det’exposer àdenouveauxdangers,alorslesujetestclos.

  • — M’exposer ? Je croyaisque nous étions d’accord là-dessus – la malchance qui mepoursuit relève de ma seulefaute ! Que tu oses penserdifféremmentestintolérable!

    J’étais de plus en plusfurieuse.L’idéequ’Edwardcessâtd’exister m’étaitinsupportablement douloureuse,quand bien même aurais-je étémorte.

    — Comment réagirais-tu àmaplace?

    —Cen’estpaspareil.Ilricana.—Sic’étaitàtoiqu’ilarrivait

  • quelque chose ? suggérai-je enblêmissant à cette perspective,voudrais-tuquejemesuicide?

    Une vague de tristessetraversasestraits.

    — Je comprends ton pointde vue... un peu, avoua-t-il.Maisqueferais-je,sanstoi?

    — Ce que tu faisais avantque je débarquedans ta vie et tecompliqueleschoses.

    — Ainsi formulé, ça paraîttellementsimple,soupira-t-il.

    — Ça l’est. Je ne suis pastrèsintéressante,tusais.

    Ilfaillitprotester,renonça.— Ce sujet-là est clos lui

  • aussi,conclut-il.Brusquement, il seredressa,

    adoptaunepositionplusformelleetm’écartadefaçonàneplusmetoucher.

    —Charlie?devinai-je.Il sourit. Quelques instants

    plus tard, j’entendis lavoituredepatrouillecrissersurlegravierdel’allée. Je pris la main d’Edwarddans la mienne et m’y agrippaifermement. Mon père étaitcapabledesupporteraumoinsça.Charlieentra,chargéd’unepizza.

    — Bonjour, les enfants !noussalua-t-il.Jemesuisditquetu apprécierais être débarrassée

  • de la cuisine et de la vaisselle lejourde ton anniversaire, précisa-t-il à mon intention. Vous avezfaim?

    —Biensûr.Merci,papa.Charlie ne fit aucun

    commentaire sur le manqued’appétit de mon compagnon. Ilavaitl’habitude.

    — Puis-je vous emprunterBella pour quelques heures ?demanda Edward, le dînerterminé.

    Jeguettailaréactiondemonpère avec anxiété, ignorant s’ilétaitdeceuxquiconsidèrentquelesanniversairessontuneaffaire

  • strictement familiale. C’était lepremier que je fêtais à Forks, oùje m’étais installée après leremariage de ma mère Renée etsondéménagementenFloride.

    — Pas de problème,répondit-il,mecondamnantainsià la soirée chez lesCullen. Il y a

    unmatchMariners-Sox[1], je ne

    serai pas de très bonnecompagnie... Tiens, n’oublie pasça.

    Etilmelançal’appareilqu’ilm’avait offert sur les conseils deRenée,histoiredejustifierl’achatdel’album,j’imagine.

    Il aurait dû se rappeler que,

  • question coordination, j’aitoujours été handicapée. L’objeteffleura le bout de mes doigtspuis tomba, et seule lapromptitude d’Edward empêchaqu’ils’écraseausol.

    — Bien joué, commentaCharlie. Tu connais ta mère,Bella,elletrépigneàl’idéedevoirtesphotos.

    — Bonne idée, renchéritEdwardenmetendantl’engin.

    Je cadrai son visage etréalisaimonpremiercliché.

    —Ilfonctionne.—Super!Bon,amusez-vous

    bien,lesenfants.

  • Voilà qui était une façonclaireetnettedenouscongédier.D’ailleurs, Charlie avait déjàgagnélesalonetlatélé.

    Devant ma camionnette,Edward m’invita de nouveau àm’installer côté passager. Cettefois, je ne protestai pas. Dansl’obscurité, j’avais toujours dumal à ne pas rater le cheminconduisant chez lui. Il prit ladirection du nord, et noustraversâmes Forks. Monchauffeur était visiblement irritépar la vitesse réduite que luiimposait ma Chevroletpréhistorique. Le moteur gronda

  • encore plus fort que d’ordinairequandildépassalesquatre-vingtskilomètres-heure.

    —Doucement,l’avertis-je.— Tu sais ce qui te plairait

    vraiment ? Un joli petit coupéAudi.Puissantettrèssilencieux.

    — Ma voiture me convientparfaitement. Et à propos dedépenses inutiles, si tu tiens à lavie,tuasintérêtànerienm’avoirachetépourmonanniversaire.

    — Je n’ai pas déboursé unsou ! me jura-t-il, la vertuincarnée.

    —Bien.—Tumerendraisservice?

  • —Çadépend.—Bella,soupira-t-il,soudain

    sérieux, le dernier vraianniversaire que nous avonscélébré a été celui d’Emmett, en1935. Alors, je t’en prie, laisse-nous un peu de mou et fais uneffort. La famille est super-enthousiaste.

    Les réflexions de ce genreme désarçonnaient toujours unpeu.

    —Jevaisessayer,promis-je.— Il faut aussi que je te

    prévienne.—Oui?— Tout le monde est à la

  • maison.— Pardon ? m’étranglai-je.

    Emmett et Rosalie sont revenusd’Afrique?

    LapopulationdeForks,elle,croyait les aînés des Cullen àl’universitédeDartmouth.

    — Emmett souhaitait êtreprésent.

    —Et...Rosalie?— Ne t’inquiète pas, elle

    saurasetenir.Je ne relevai pas. À quoi

    bon ? L’appréhension était là etne me quitterait pas.Contrairement à Alice l’autre« sœur » d’Edward, l’exquise et

  • blonde Rosalie, ne m’appréciaitguère.Unelitote.Pourelle,j’étaisune intruse dans le secret desCullen,et jemesentais coupabledel’absenceprolongéeducouple.Emmett, plaisantin aux alluresd’ours,memanquait.Debiendesmanières,ilévoquaitlefrèreaînéque je n’avais jamais eu... enbeaucoup, beaucoup plusterrifiant,certes.

    — Si je n’ai pas le droit det’offrir l’Audi, reprit Edward enchangeant de sujet, n’y a-t-ild’autre cadeau que tuaccepterais?

    —Est-ilnécessaireque je te

  • répète ce que j’attends de toi ?contrai-jeàvoixbasse.

    Il fronça aussitôt lessourcils,regrettantdenepass’enêtre tenu aux difficultés quesoulevaitRosalie.

    — Pas ce soir, s’il te plaît,Bella.

    La dispute n’était pasnouvelle.

    — Tant pis. Alice sera peut-êtred’accord,elle.

    Un grondement sourd etmenaçant s’échappa de la gorged’Edward.

    —Ne rêve pas ! riposta-t-il.Ceci ne sera pas ton dernier

  • anniversaire!—C’estinjuste!Il serra les mâchoires, et

    j’entendis presque grincer sesdents. Nous arrivions chez lui.Toutes les fenêtres du rez-de-chaussée et du premier étageétaient illuminées. Une longueguirlandedelanternesjaponaisesétait suspendue à l’avant-toit duporche, éclairant d’une lumièredouce les immenses cèdres quientouraient la maison. Degrandes vasques de roses étaientalignéesdechaquecôtédeslargesmarches menant à la ported’entrée.Jegémis.

  • —C’estunefête,merappelaEdward après avoir soufflé unbon coup pour se calmer. Tâchedejouerlejeu.

    — Compte sur moi,marmonnai-je.

    Il fit le tour de lacamionnetteetm’offritsonbras.

    —J’aiunequestion.Ilseraidit,surlequi-vive.— Si je donne la pellicule à

    développer,apparaîtras-tusur lesphotos ? demandai-je en agitantl’appareil.

    Il s’esclaffa, m’aida àdescendre de voiture etm’entraînavers leperron. Il riait

  • encore quand il ouvrit le battantets’effaçadevantmoi.

    Tous les Cullen étaientréunis dans l’immense salonblanc, et c’est un chœur defélicitations bruyantes quim’accueillit. Embarrassée, jebaissai les yeux. Alice – quid’autre ? – avait couvert chaquesurface disponible de bougies etde vases en cristal remplis decentainesderoses.Prèsdupianoàqueued’Edward,surunegrandetable nappée de blanc, il y avaitun vaste gâteau au glaçage rose,d’autres fleurs, une piled’assiettesenverreetunpetittas

  • de cadeaux enveloppés de papierd’argent.C’étaitcentfoispirequece que j’avais imaginé. Devinantma détresse, Edward enlaça mataille et déposa un baiserencourageant sur le sommet demoncrâne.

    Ses parents, plus jeunes etplus beaux que jamais, étaienttout près de l’entrée. Esmé meserra prudemment contre elle, etses cheveux soyeux couleurcaramel effleurèrent ma jouequand elle embrassa mon front.Carlislemepritparlesépaules.

    — Désolé, Bella, mechuchota-t-il en aparté. Nous

  • n’avons pas réussi à réfréner lesardeursd’Alice.

    DerrièrevenaientEmmettetRosalie. Cette dernière avait levisagefermé,maisellen’étaitpashostile. Emmett, lui, arborait ungrand sourire. Ne les ayant pasvus depuis des mois, j’avaisoublié la beauté de Rosalie, siextravagante qu’il était presquedouloureuxde laregarder.Quantà son compagnon, avait-iltoujoursétéaussi...imposant?

    — Tu n’as pas changé, semoqua-t-il, faussement déçu.J’espérais une différenceperceptible, mais tu rougis

  • toujoursautant.—Mercibeaucoup,dis-jeen

    m’empourprantencoreplus.Ilpouffa.— Je dois m’absenter une

    minute, ajouta-t-il avec un clind’œilostentatoireàsaplus jeunesœur. Attendez-moi pourcommenceràvousamuser.

    Abandonnant la main deJasper, Alice, aux anges,s’approcha de sa démarchesautillante. Son compagnonmince etblond souriait lui aussi,mais il gardait ses distances,appuyé au pilier soutenant larampedel’escalierquiconduisait

  • aux étages. Durant les jours quenous avions passés ensemble,enfermés dans un hôtel dePhœnix, j’avais cru qu’il avaitsurmonté sa répulsion à monégard. Cependant, sitôt libéré del’obligation de me protéger, ilavait renoué avec son ancienneattitude, qui consistait àm’éviterle plus possible. Sachant que çan’avait rien de personnel, qu’ils’agissait juste d’une mesure deprécaution, je m’efforçais de nepasyaccorder tropd’importance.Jasper avait plus de mal que lesautres à respecter la diète desCullen ; il lui était bien plus

  • difficile de résister à l’odeur dusang humain, dans lamesure oùil était le plus jeune de leurespèce.

    —C’estl’heuredescadeaux!décrétaAlice.

    Me prenant par le coude,ellemeconduisitàlatable.

    — Alice, marmottai-je avecdes airs demartyre, je t’avais ditquejenevoulaisrien...

    — Et je ne t’ai pas écoutée,me coupa-t-elle, ravie d’elle-même. Déballe celui-là,m’ordonna-t-elle ensuite en medébarrassant de l’appareil photoet en fourrant un paquet carré

  • dansmesmains.L’objet était si léger qu’il

    paraissait vide. L’étiquetteannonçait qu’il venait d’Emmett,deRosalieetdeJasper.Gênée,jedéfis le papier argenté etcontemplai le carton. Il s’agissaitd’unmachinélectroniquedont lenom comportait des tas denombres. J’ouvris la boîte,espérantun indicesusceptibledeme renseigner sur la nature duprésent... elle était effectivementvide.

    —Euh...merci.Jasper éclata de rire, et

    même Rosalie se fendit d’un

  • rictusamusé.— C’est une stéréo pour ta

    camionnette, m’expliqua Jasper.Emmettestentraindel’installer.Comme ça, tu ne pourras pas larefuser.

    Décidément, Alice savaittoujoursprécédermesréactions.

    — Merci, Jasper, Rosalie,lançai-je.

    Je me souvins des plaintesd’Edward à propos de ma radio,dans l’après-midi. Apparemment,c’étaituncoupmonté.

    — Merci, Emmett ! ajoutai-je,plusfort.

    Son rire explosif et

  • communicatif me parvint del’extérieur.

    —Ànotre tour,àEdwardetàmoi,mepressaAliced’unevoixaiguë en me tendant un petitrectangleplat.

    Je me tournai vers Edwardpourlefusillerduregard.

    —Tuavaispromis!Avant qu’il ait eu le temps

    derépondre,Emmettbonditdansl’entrée.

    —Tip top aubonmoment !brailla-t-il.

    Il alla se poster derrièreJasper qui, une fois n’est pascoutume, s’était rapproché pour

  • mieuxvoir.— Je n’ai pas dépensé un

    sou,m’assuraEdward.Il écarta unemèche demes

    cheveux, et je frissonnai à soncontact.

    —Trèsbien,cédai-je.Emmett rigola, amusé. Je

    m’emparai du cadeau et,adressant unemimique agacée àEdward, glissai mon doigt sousl’emballagepourdécollercelui-ci.

    — Zut ! ronchonnai-je,lorsque l’arête du papier entamamapeau.

    Je retirai mon doigt pourinspecter les dégâts. Une unique

  • goutte de sang perlait d’uneminusculecoupure.Soudain,toutsepassatrèsvite.

    —Non!rugitEdward.Il se jeta sur moi, me

    précipitant en traversde la table,qui s’écroula, envoyant au diablegâteau, présents, fleurs etassiettes. Je tombai dans unéparpillement de cristal brisé.Jasper heurta Edward avec unbruit sourd qui évoquait unéboulement de rochers. Ungrondement sinistremontade sapoitrine, et il tenta de repousserson aîné. Ses dents claquèrent àquelques centimètres du visage

  • d’Edward. Aussitôt, Emmettl’attrapa par-derrière etl’immobilisa dans l’étau de sesbras impressionnants. Jasper sedébattit, un éclat sauvageallumantsesirisfixéssurmoi.

    Après le choc initial vint ladouleur. Je m’étais affalée prèsdu piano et, d’instinct, avaistendulesmainspouramortirmachute. De ce fait, elles avaientplongé droit dans les débris deverre. Tout à coup, je sentis unesouffrance irradiant mon avant-bras,dupoignetaucoude.

    Désorientée, ahurie, je medétournai du sang rouge vif qui

  • dégoulinait. Je découvris alors leregard fiévreux de six vampiresbrusquementassoiffés.

  • 2

    QUELQUESPOINTSDESUTURE

    Carlisle fut le seul à garder

    son calme ; sa voix posée etautoritaire trahissait des siècles

  • d’expérienceauxurgences.— Emmett, Rose, faites

    sortirJasper.Pour une fois sérieux,

    Emmettacquiesça.— Viens, dit-il à son jeune

    frère.Ce dernier, qui essayait

    toujours de se libérer, tordit letorse et attaqua, toutes dentsdehors. Son regard n’exprimaitplus que folie. Pâle comme unlinge, Edward s’accroupit devantmoi pour me protéger. De seslèvres serrées s’échappa ungrognement d’avertissement. Ilne respiraitplus.Rosalie,dont le

  • visage magnifique arborait uneexpression d’étrange satisfaction,sepostadevantJasperet,prenantsoin de s’écarter de samâchoire,aida Emmett à l’entraîner par labaie vitrée qu’Esmé avait tirée,unemainsurlaboucheetlenez.

    — Je suis vraiment navrée,Bella, me lança-t-elle, gênée, ensuivant vivement les autres àl’extérieur.

    — Laisse-moi approcher,Edward,murmuraCarlisle.

    Une seconde s’écoula, puisson fils hocha lentement lementon et se détendit. Son pères’agenouilla pour examiner mon

  • bras.Devinantquejedevaisavoirl’air ahuri, je tentai de meressaisir.

    —Tiens,ditAliceentendantuneservietteàCarlisle.

    Il la refusa en secouant latête.

    —Ilyatropd’éclatsdeverredanslablessure,constata-t-il.

    Déchirantune longuebandeétroite dans la nappe blanche, ilimprovisaungarrotau-dessusdemon coude. L’odeur du sang metournait le cœur, et j’avais levertige.

    —Veux-tu que je t’emmèneà l’hôpital, Bella ? me demanda

  • Carlisle d’une voix douce. Oupréfères-tuquejem’occupedetoiici?

    — Ici, s’il vous plaît,chuchotai-je.

    Un transport aux urgences,et Charlie serait au courant del’incident.

    — Je vais chercher tasacoche,annonçaAlice.

    — Installons-nous dans lacuisine,décrétaCarlisle.

    Edward me souleva sanseffort, tandis que son pèremaintenait la pression sur monbras.

    — Comment te sens-tu,

  • Bella?s’enquit-il.— Ça va, répondis-je sur un

    ton raisonnablement assuré quimefitplaisir.

    Edward avait un visage depierre.

    Alice était déjà sur place, lagrosse trousse noire de Carlisleposée sur la table.Une lampedebureau, petite mais puissante,avait été branchée au mur.Edward m’assit doucement surune chaise, cependant queCarlisle en rapprochait une pourlui-même. Il se mit au travailsanstarder.Edwardsetenaitprèsdemoi,surlequi-vive.

  • — Je t’en prie, va-t’en,soupirai-je.

    — Je suis capable de mecontenir,protesta-t-il.

    Pourtant, il serrait lesmâchoires, et ses prunellesbrûlaient sous l’intensité de lasoif qui le dévorait. Jereprésentais une tentation bienplus forte pour lui que pour lesautresCullen...Jasperexcepté.

    —Inutiledejouerleshéros,répliquai-je. Carlisle n’a pasbesoin de ton aide. Va respirerl’airfrais.

    Les doigts du médecin surma plaie m’arrachèrent une

  • grimacededouleur.— Mieux vaudrait que tu

    rejoignes Jasper avant qu’ildépasse les bornes, intervintCarlisle.Jesuissûrqu’ils’enveutterriblement. Toi seul pourras lecalmer.

    — Oui, renchéris-je, varetrouvertonfrère.

    — Comme ça, tu serviras àquelquechose,ajoutaAlice.

    Guère ravi par ce complot,Edward plissa le front. Pourtant,il finit par obtempérer et fila parlaportedelacuisine.J’étaisàpeuprèscertainequ’ilavaitretenusarespiration depuis que jem’étais

  • coupée.Une sensation

    d’engourdissement se répanditdans mon bras, et lesélancements s’apaisèrent. Pouréviter de penser à la blessure etaux soinsqu’on luiprodiguait, jeme concentrai sur Carlisle. Ilavait penché la tête, et sachevelure dorée resplendissaitsous la lumière. Malgré lesspasmes qui secouaient monestomac – rien que de trèshabituel –, j’étais déterminée àne pasme laisser submerger parma sensiblerie. Je n’avais plusmal, à présent, n’éprouvai plus

  • quedefaiblestiraillementsquejetâchai d’ignorer. Il était hors dequestionquejem’évanouisse.

    Si elle ne s’était pas tenuedans mon champ de vision, jen’aurais pas remarqué qu’Alicefinissaitparcraqueretquittait lapièce à son tour. Un pauvresourire contrit aux lèvres, elles’éclipsa.

    — Et voilà, soupirai-je, toutle monde est parti. Je suisdrôlement douée pour faire levideautourdemoi.

    — Ce n’est pas ta faute,meréconforta Carlisle en riantdoucement.Çaauraitpuarriverà

  • n’importequi.— En effet, sauf que j’ai

    quand même une fâcheusetendance à provoquer de tellessituations.

    Il rit derechef. Sa sérénitéétaitd’autantplussurprenanteauregarddelaréactiondesautres.Iln’y avait aucune trace d’anxiétésur son visage. Il s’affairait,rapide et sûr de lui. Seuls lestintements des bouts de cristalqui tombaient l’un après l’autresur la table rompaient le soufflemesurédenosrespirations.

    —Commentyarrivez-vous?demandai-je. Même Alice et

  • Esmé...Je m’interrompis. Bien que

    toute la famille,prenantexemplesur lui, eût renoncé autraditionnel régime alimentairedes vampires, il était le seul àrésister sans mal à l’odeurtentatrice demon sang. L’exploitétait sans doute beaucoup plusdifficileàaccomplirquecequesadécontractionlaissaitdeviner.

    — Les années de pratique,répondit-il. Je ne sens presqueplusrien,maintenant.

    —Serait-ce plus dur si vouscessiez de fréquenter l’hôpitalpendantlongtemps?

  • Il haussa les épaules,indécis.

    — Peut-être. Je n’ai jamaiseubesoindevacancesprolongées.J’aimetroptravailler.

    Gling ! gling ! gling ! Lenombredemorceauxdeverrequis’étaient logés dans ma chairm’étonnait, et je fus tentée dejeteruncoupd’œilsurlapilequis’entassait, histoire d’en vérifierl’importance, mais je savais quecela ne m’aiderait en rien dansmastratégieantivomitive.

    — Qu’est-ce qui vous plaîttant,danscemétier?repris-je.

    J’étais en effet curieuse de

  • l’apprendre,carlasignificationdeses années de lutte et de dénim’échappait. Par ailleurs, laconversation me permettraitd’oubliermesnausées.

    — Hum, répondit-il, leregard calme et songeur. Ce quej’apprécie par-dessus tout, c’estquand mes capacités...supérieures, disons, mepermettentdesauveruneviequi,sinon,auraitétéperdue.J’aimeàsavoirque,grâceàmoi,certainesgens guérissent. Parfois, mêmemon odorat surdéveloppé est unoutildediagnosticbienpratique.

    Il afficha un demi-sourire.

  • Je réfléchis à cela pendant qu’ilfouillaitlablessurepours’assurerqu’il en avait ôté tous les débris.Lorsqu’il attrapa de nouveauxinstruments dans son sac, jem’interdisd’imagineruneaiguilleet du fil. Des tiraillements d’unautre genre chatouillèrent lesbordsdelaplaie.

    —Vousvousdonnezbiendumalpourexpierunétatdontvousn’êtespasresponsable,continuai-je. Après tout, vous n’avez pasdemandéàdevenirceluiquevousêtes.Vousn’avezpaschoisi cetteexistence et, pourtant, j’ail’impression que vous vous

  • sentezobligédetrimercommeunesclave afin de prouver que vousêtesbon.

    —Jenecroispasessayerderéparer quoi que ce soit, mecontredit-il sur un ton léger.Comme tout un chacun, j’aisimplement dû opérer des choixde vie en fonction de ce que lanaturem’adonné.

    — Cette explication meparaîtunpeufacile.

    — Ça y est, éluda-t-il en sepenchant sur mon bras puis encoupantunfil,c’estfini.

    Il balaya largement le sitedes opérations à l’aide d’un

  • coton-tige démesuré qu’il avaittrempé dans un liquide auxcouleurs de sirop qui déteignitsur ma peau. L’arôme en étaitbizarre, et la tête me tourna.Carlisle colla une grande bandedegazesurlablessureetlafixaàl’aidedesparadrap.

    —Maisaudébut, insistai-je,comment avez-vous eu l’idée devous détourner de la voieévidente qui s’ouvrait devantvous?

    Un sourire énigmatiqueétiraseslèvres.

    — Edward ne t’a donc pasracontél’histoire?

  • — Si. J’essaie juste de memettreàvotreplace...

    Soudain, il redevint sérieux,et je me demandai si sesréflexions l’avaient conduit à lamême interrogation que moi – comment réagirais-je quand (jerefusais de penser si) ce seraitmon tour ? Il s’affairaànettoyerla table avec soin, la frottantplusieurs fois de suite avec ducoton imprégné d’alcool dontl’odeurmechatouillalesnarines.

    —Tusaisquemonpèreétaitpasteur,expliqua-t-il.Ilavaituneconception du monde plutôtabrupte,et j’avaiscommencéà la

  • remettreenquestionavantmêmedemetransformer.

    Il déposa la gaze et lescotons souillés ainsi que leséclatsdeverredansunecoupeencristal. Je ne saisis lamanœuvrequelorsqu’ilgrattauneallumetteet la jeta sur les fibres imbibéesd’alcool. Le tout s’embrasa, et jesursautai.

    —Désolé,s’excusa-t-il.C’estun peu obligé... Bref, j’étais endésaccord avec cette foi siintransigeante. Pourtant, depuispresque quatre cents ans que jesuis né, rien, pas même monreflet dans un miroir, ne m’a

  • incité à douter de l’existence deDieu,quelsquesoientlenomoulaformequ’onluiattribue.

    Je fismine d’inspectermonpansementafindedissimulermasurprise devant le tour qu’avaitpris la discussion. Tout bienconsidéré, la religion était ledernier sujet auquel je m’étaisattendue. Ma propre vie étaitpassablement dépourvue decroyances. Charlie se considéraitcomme luthérien parce qu’ilsuivait l’exemple de ses parents,mais, ledimanche,c’étaitprèsdela rivière et une canne à pêche àla main qu’il pratiquait. Quant à

  • Renée, elle testait de temps àautre telle ou telle obédience ; àl’instar de ses brèves passionspour le tennis, lapoterie, le yogaet le français, elle en changeaitavantmême que je fusse avertiedesadernièrelubie.

    — J’ai conscience que celaparaîtunpeubizarre,venantd’unvampire, reprit Carlisle ensouriant (il savait que l’emploidécontracté de ce terme nemanquaitjamaisdemechoquer),celanem’empêchecependantpasde chercher un sens à la vie, ycompris lanôtre.Noschancesderédemption sont certes infimes,

  • ajouta-t-il d’une voix désinvolte,et selon toute probabilité, noussommes damnés. Néanmoins, jecompte, sottement peut-être,qu’avoiressayéseraportéànotrebénéfice.

    — Je ne vois rien de sot là-dedans.

    Je n’imaginais pas en effetque quiconque, y comprisd’essence divine, ne pût êtreimpressionné par Carlisle. Etpuis,àmesyeux,unparadissansEdwardn’étaitpasleParadis.

    — Tu es bien la première àêtred’accordavecmoi.

    — Les autres membres du

  • clan ne partagent pas votre foi ?m’étonnai-je.

    Je songeai, bien sûr, à unepersonne en particulier et, làencore,Carlislenes’ytrompapas.

    — Edward me suit jusqu’àuncertainpoint.Pourlui,Dieu,leciel existent... l’enfer aussi. Maisil doute de l’existence d’un au-delàpournotreespèce.

    Son ton était devenu trèsdoux,etilcontemplaitl’obscurité,de l’autre côté de la grandefenêtrequisurplombaitl’évier.

    — Il est persuadé que nousavons perdu notre âme, ajouta-t-il.

  • Je me rappelai aussitôt lesparoles qu’Edward avaientprononcées cet après-midi-là.« Sauf à souhaiter mourir... ou,dumoins,àsubirlesortquinousest réservé, à nous autresvampires. » Brusquement, uneampoule s’éclaira au-dessus dematête.

    — C’est tout le problème,n’est-ce pas ? commentai-je. Çaexplique ses réticences à metransformer.

    —Lorsque je regarde...monfils... quand je vois sa force, sabonté, son éclat, je suis d’autantplus certain de la légitimité de

  • mes espérances. Commentadmettre qu’un être tel Edwardneméritepasplus?(J’acquiesçaiavec ferveur.) Toutefois, si jepensaiscomme lui...ouplutôt, sitoi, tupartageais ses convictions,serais-tu capablede lui voler sonâme?

    Ses prunelles insondablesme dévisageaient. Posée en cestermes, la question medésarçonna. M’eût-il demandé sij’étais prête à sacrifier mon âmepourEdward,maréponseeûtétéévidente.Quantàinfligerunsortidentiqueàceluiquej’aimais...Jefis la grimace. Ces arguties

  • étaientinjustes.— Tu mesures l’ampleur de

    ladifficulté,repritCarlisle.Je secouai le menton,

    consciente de me comportercomme une enfant têtue. Ilsoupira.

    —C’estmon choix,objectai-je.

    — Le sien également,répliqua-t-il en levant la mainpour arrêter mes protestations.C’est lui qui endossera ou noncetteresponsabilité.

    — Il n’est pas le seul àpouvoirprocéder.

    — Je t’arrête tout de suite !

  • s’écria-t-il, en partant d’un rirequiallégeasoudainl’atmosphère.C’est avec lui que tu devrasabordercesujet.Mais,précisa-t-ilaussitôt, de nouveau grave, j’aiété confronté à la situation et jetegarantisqu’onnesedébarrassejamais du doute. La plupart dutemps, je pense avoir agi aumieux. Et pourtant, ai-je euraison de condamner mescompagnonsàcetteexistence?Jen’ai pas de réponse tranchée àcettequestion.

    Je gardai le silence. Ensongeant à l’influence que celaaurait eu sur ma propre vie si

  • Carlisle avait supporté sasolitude,jefrissonnai.

    — C’est la mère d’Edwardqui m’a décidé, chuchota-t-il, leregardperduauloin.

    —Ahbon?Chaque fois que j’avais

    interrogéEdwardsursesparents,ils’étaitbornéàdirequ’ilsétaientmorts depuis longtemps, et queses souvenirs étaient confus.Ceux de Carlisle en revanche,malgrélabrièvetédesescontactsaveceux,nes’effaceraientjamais.

    — Oui. Elle s’appelaitElizabeth. Elizabeth Masen. Lepère, Edward Senior, n’a pas

  • repris connaissance. Il a étévictime de la toute premièrevague de grippe espagnole.Elizabeth, elle, est restée alertequasimentjusqu’aubout.Edwardluiressemblebeaucoup.Elleavaitles mêmes étranges cheveuxbronze,etleursyeuxétaientd’unvertabsolumentidentique.

    — Verts ? murmurai-je enessayant de me le représenterainsi.

    Ceux de Carlisle, ocre,étaient maintenant à unecentained’annéesdelà.

    — Oui... Elle s’inquiétaitpour son fils de manière

  • obsessive. Elle a gâché seschances de guérir en voulant lesoigner, alors qu’elle était déjàatteinte. Il allait tellement plusmal qu’elle que je m’attendais àcequ’ildisparûtlepremier.Safinà elle a été très rapide. Ça s’estpassé juste après le coucher dusoleil, je venais d’arriver pourrelever les médecins de jour.L’époque ne se prêtait pas auxfaux-semblants, il y avait tropdetravail. Je n’avais pas besoin demereposer, et jedétestaisdevoirrentrer chezmoi pourme cacherdans lenoiret fairecroireque jedormais, alors que tant de

  • malheureuxmouraient.« Je me suis tout de suite

    renduauchevetd’Elizabethetdeson fils.Jem’étaisattachéàeux,ce qui est toujours dangereuxquand on connaît la fragilitéinnée des humains. J’aiimmédiatement compris que sonétat avait gravement empiré. Latempérature qui s’était emparéed’elle ne retombait pas, et ellen’avait plus la force physique dese battre. Pourtant, elle n’avaitpas l’air faible lorsqu’elle m’atoisédesonlit.“Sauvez-le!”m’a-t-elleordonnéd’unevoixrauque,laseulequesagorgeréussissaità

  • émettre désormais. “Je m’yefforcerai”, ai-je promis en luiprenant lamain. La fièvre qui ladévorait était si brûlante qu’ellene s’est sans doute pas renducompte à quel point ma proprepeau était anormalement glacée.Pour elle, tout devait paraîtrefroid. “Je l’exige”, a-t-elle insistéen serrant mes doigts avec unetelle force que je me suisdemandé si elle n’allait pas,finalement, surmonter la crise.Ses iris étaient durs comme despierres–deux émeraudes. “Vousdevez faire tout ce qui est envotre pouvoir. Vous devez faire

  • pour mon Edward ce que lesautres sont incapables de faire.”J’aieupeur.Ellemescrutaitd’unregard perçant et, l’espace d’uninstant,j’aieulacertitudequ’elleavait deviné mon secret. Puis latempératureaeuraisond’elle,etelle a sombré dans un comairréversible. Elle est mortequelques heures après avoirexprimésonsouhait.

    « J’avais passé desdécenniesàenvisagerdemecréerun compagnon. Rien qu’unedeuxième créature qui serait àmêmedemeconnaîtrevraiment,au-delàdel’imagequejedonnais

  • demoi.Cependant,ilmesemblaitinjustifiable d’infliger à autrui cedont j’avais été victime moi-même.Edwardétaità l’agonie. Ilétait évident qu’il n’en avait plusquepourquelquesheures.Àcôtéde lui gisait sa mère ;étrangement, la mort n’avait pasapaisésestraits.»

    Carlislerevivaitlascène–lesiècle écoulé entre-temps n’avaitpas brouillé sa mémoire. Et moiaussi, je voyais tout ce que sesparoles évoquaient : le désespoirplanant sur l’hôpital, la présenceoppressante de la mort, Edwarden proie à la fièvre, et que la vie

  • fuyaitàchaquenouvelleminute...Je tressaillis et m’obligeai àchassercesimagesdemonesprit.

    — Les mots d’Elizabethrésonnaient en moi. Commentavait-elle deviné ce dont j’étaiscapable ? Comment pouvait-elledésireruntelsortpoursonfils?J’ai contemplé Edward. Lamaladie n’avait rien enlevé à sabeauté,niàlapuretéetàlabontéqu’exprimaient ses traits. Il avaitle visage que j’aurais souhaité àmonenfant...

    « Après tant d’annéesd’indécision, j’ai suivi uneimpulsion, tout bêtement. J’ai

  • d’abord emmené sa mère à lamorgue, puis suis revenu lechercher. Personnen’a remarquéqu’il respirait encore. Il n’y avaitpas assez de mains ni assezd’yeuxpoursatisfaireauxbesoinsde la moitié des patients. Lamorgueétaitvide–devivantsentout cas. J’ai volé Edward et mesuis sauvé par la porte dederrière, empruntant les toitspour regagner ma maison.J’ignoraiscommentprocéder.J’aichoisi d’administrer les mêmesblessures que celles dont j’avaissouffert,dessièclesauparavant,àLondres. Plus tard, je m’en suis

  • voulu. Cela a été bien plusdouloureux et long quenécessaire. Mais je n’ai pasregrettémongeste.Jen’aijamaisdéploréd’avoirsauvéEdward.»

    Carlislesecoualatête,revintautempsprésent.

    — Je vais te ramener cheztoi,conclut-ilenmesouriant.

    — Jem’en occupe, intervintEdward qui surgit du salonobscur.

    Par rapport à d’habitude, ilmarchait lentement. Son visagelisse n’exprimait rien, même sises prunelles trahissaient unesorte de malaise qu’il s’efforçait

  • decacher.Jefrémis.— J’aime autant que ce soit

    Carlisle,objectai-je.Je baissai les yeux sur ma

    chemise; lecotonbleuclairétaithumide et taché de sang. Uneépaisse croûte rosâtre recouvraitmonépauledroite.

    — Je vais bien, affirmaEdward d’une voix dénuéed’émotion. Il faut que tu techanges. Charlie risque d’avoirune crise cardiaque s’il te voitdanscetétat.JepréviensAlice.

    Ilressortitdelacuisine.— Il est bouleversé,

    remarquai-je en regardant

  • Carlisleavecanxiété.—Oui.Ils’estproduitcesoir

    exactement ce qu’il craignait leplus.Tuascouruundangerréel.Àcausedecequenoussommes.

    —Iln’yestpourrien.—Toinonplus.Je me détournai de ses

    beaux yeux pleins de sagesse. Jenepouvaisêtred’accordavecluiàce sujet. M’offrant sa main, ilm’aida àme lever, et je le suivisdans le salon. Esmé y étaitrevenue et lavait le plancher àl’endroit où j’étais tombée – àgrands renforts d’eau de Javelpure,àenjugerparl’odeur.

  • — Laissez-moi faire, Esmé,proposai-jeenrougissant.

    —J’aiterminé,répondit-elleavec un sourire. Comment tesens-tu?

    — Ça va. Carlisle coud plusvitequesonombre.

    Le couple rigola. À cetinstant, Edward et Alicefranchirent la baie vitrée. Elle seprécipita versmoi,mais lui restaen retrait, son expressiontoujoursaussiénigmatique.

    — Viens, me lança Alice, jevais te trouver une tenue moinsmacabre.

    Elle dénicha une chemise

  • appartenant à Esmé dont lacouleurétaitprochedelamienne.Charlie ne s’apercevrait de rien,j’en étais sûre. Le pansementblanc sur mon bras parut moinssérieuxaprèsunetoiletterapide.

    — Alice ? chuchotai-je alorsque celle-ci se dirigeait vers laporte.

    —Oui?Elle prenait soin elle aussi

    de parler à voix basse et mecontemplaaveccuriosité.

    —C’estgrave?Je ne savais pas trop si nos

    murmures étaient peine perdue.Bienquenous fussions à l’étage,

  • Edwardnousentendaitpeut-être.— Je n’en ai aucune idée

    pourlemoment,répondit-elle.— Dans quel état est

    Jasper?—Il se sent super-coupable,

    soupira-t-elle.Celareprésenteuntel défi pour lui. Il détestemontrersesfaiblesses.

    — Il n’est pas responsable.Dis-luique jene luienveuxpas.Pasdutout.D’accord?

    —Comptesurmoi.Edward m’attendait devant

    l’entrée. Dès qu’il me vit au basde l’escalier, il ouvrit le battantsansunmot.

  • —N’oubliepas tesaffaires !s’exclama Alice alors que jem’approchais avec précaution desonfrère.

    Elle récupéra les paquets,dontl’unàmoitiéouvert,etmonappareilphotosouslepianoetlesfourradansmesmains.

    —Tunous remercierasplustard, quand tu auras fini de ledéballer.

    Esmé et Carlisle mesaluèrent,etjenemanquaipasdenoter que, comme moi, ilsjetaient des coups d’œil furtifs àleurfilstropimpassible.

    Je fus soulagée de me

  • retrouver dehors et dépassairapidement les roses et leslanternes qui, à présent,n’évoquaientplusquedemauvaissouvenirs. Edwardme suivait ensilence. Il m’ouvrit la portièrepassager, et je grimpai dans lacamionnettesansprotester.

    Un gros ruban rouge étaitcollé au tableaude bord, près dunouvelauto-radio.Jel’arrachai,lejetaiparterreetleglissaidupiedsous mon siège pendantqu’Edward contournait levéhicule. Il s’installa derrière levolantsansmeregardernonplusquel’appareil.Ni luinimoinele

  • mîmes en marche, et le soudaingrondement du moteur renforçalesilence.Nousnouséloignâmes,trop vite, sur le chemin sinueuxet sombre. Ce mutisme ne tardapasàmerendrefolle.

    —Disquelquechose,finis-jepar lancer lorsqu’il bifurqua surlagranderoute.

    — Que veux-tu que je tedise?répliqua-t-il,lointain.

    — Que tu me pardonnes,murmurai-je, refroidie par ladistance qu’il maintenait entrenous.

    Ma réflexion eut le dond’animer ses traits. Un éclat de

  • colèrelestraversa.—Tepardonner?Àtoi?De

    quoi?— Si j’avais été plus

    prudente, rien de tout cela ne seseraitpassé.

    —Bella!Tut’escoupéeavecunboutdepapier.Tuneméritespasd’êtrefusilléepourça!

    — N’empêche, c’est mafaute.

    Ces mots ouvrirent lesvannes.

    — Ta faute ? Si tu t’étaisblessée chez Mike Newton, enprésence de Jessica, d’Angela etde tes autres amis normaux,

  • qu’aurait-il pu arriver de grave ?Qu’ils soient à court depansements?Situavaistrébuchésurunepiled’assiettes,etcesansque personne ne t’y précipite,aurait-ceétéundrame?Aupire,tu aurais mis du sang sur labanquette de la voiture pendantqu’ils t’emmenaient auxurgences. Mike Newton t’auraittenu la main pendant qu’on terecousait, et il n’aurait pas eubesoinde lutter contre l’enviedete tuer pendant les soins. Net’accuse pas, Bella. Cela ne sertqu’à augmenter le dégoût quej’éprouveàmonencontre.

  • —Veux-tu bienm’expliquerpourquoi nous en sommes àévoquer Mike Newton ?m’emportai-je.

    — Parce qu’il seraitbeaucoupplussainpourtoidelefréquenter.

    — Plutôt mourir ! Toi seulcomptes.

    — Inutile d’être aussithéâtrale.

    —Inutiled’êtreaussibête.Ilnerelevapas,fixalepare-

    brise d’un air renfrogné. Je mecreusai lesméningespour tâcherde trouver une façon de sauvercette soirée, mais lorsque nous

  • nous garâmes devant chez moi,rien ne m’était encore venu àl’esprit. Il coupa le contact sanspour autant ôter ses mainscrispéesduvolant.

    — Tu restes, cette nuit ?demandai-je.

    — Mieux vaudrait que jerentre.

    Si je le laissais faire, ilallaitsecomplairedansleremords.Pasquestion.

    — C’est mon anniversaire,tentai-jed’arguer.

    — N’espère pas jouer surtouslestableaux,riposta-t-il.Soittu acceptes qu’on te le souhaite,

  • soit tu refuses. Pas les deux enfonctiondetessautesd’humeur.

    Son ton était sec, pas aussigrave qu’avant, cependant.J’étouffai un petit soupir desoulagement.

    — Alors, va pour lescélébrations!Onsevoitlà-haut.

    Je sautai au bas de laChevrolet, tendis le bras pourm’emparerdescadeaux.

    —Tun’espasobligéede lesaccepter,souligna-t-il,lessourcilsfroncés.

    —J’ytiens.— Je te signale que Carlisle

    etEsméontdépensédel’argent.

  • —Jem’enremettrai.Coinçant maladroitement

    lespaquetssousmonbrasvalide,jeclaquailaportière.Ilfutàmoncôtéenmoinsd’uneseconde.

    —Laisse-moi lesporter,dit-il en me les retirant. Je teretrouvedanstachambre.

    Jesouris.—Merci.—Bonanniversaire,souffla-

    t-il.Il se pencha, et ses lèvres

    effleurèrent les miennes.Lorsqu’il recula, jeme hissai surla pointe des pieds pour que lebaiser dure plus longtemps. Il

  • m’adressa sa moue la pluscraquante et disparut dans lenoir.

    Le match n’était pasterminé. Sitôt passé le seuil,j’entendis le commentateur quis’égosillait au-dessus des cris delafoule.

    —Bella?mehélaCharlie.—Salut,papa.J’entrai dans le salon en

    prenantsoindeplaquermonbrascontre mon corps. Cette légèrepression suffit àme brûler, et jeplissai le nez. Les effets desanesthésiantscommençaientàsedissiper,apparemment.

  • — Comment c’était ?s’enquit Charlie, affalé sur lecanapé, ses pieds nus pendantpar-dessus l’accoudoir, les rarescheveux qui lui restaient aplatissurlecôtédesoncrâne.

    — Alice a exagéré. Fleurs,gâteau,bougies,cadeaux–toutletoutim.

    —Quet’ont-ilsoffert?— Une stéréo pour ma

    camionnette.Et divers objets encore

    inconnus.—Super!— Oui. Bon, je monte me

    coucher.

  • —Àdemain.—C’estça.Etj’agitailamain.— Qu’est-il arrivé à ton

    bras?Je m’empourprai, jurai en

    silence.— J’ai trébuché. Rien de

    grave.— Bella, soupira-t-il en

    secouant le menton d’un airrésigné.

    —Bonnenuit,papa.Jemedépêchaidemonterà

    lasalledebains,oùjegardaisunpyjama pour les nuits commecelle-ci. Je me glissai dans le

  • pantalon et le débardeur assortisqui avaient remplacé lesurvêtementtrouéd’autrefois.Cefaisant, les points de suture serappelèrent à mon bon souveniretm’arrachèrentune grimace. Jeme lavai le visage et me brossailes dents, puis gagnai machambred’unbond.

    Assis au milieu de mon lit,Edward jouait avec l’un despaquetsargentés.

    —Salut!Sa voix était triste. Comme

    prévu, il se vautrait dans leremords. Je m’approchai,repoussai les cadeaux et

  • m’installaisursesgenoux.— Salut ! murmurai-je en

    meblottissantcontresontorsedepierre. Puis-je ouvrir mesprésents,maintenant?

    — D’où te vient ce brusqueenthousiasme?

    —Tuaséveillémacuriosité.Je me saisis du long

    rectangle plat qui devaitreprésenter la participation deCarlisleetd’Esméauxfestivités.

    — Si tu permets, suggéraEdward.

    Il me le prit, déchiral’emballage argenté en quelquesgestes fluides et me rendit une

  • boîteblanche.— Tu me crois capable

    d’ouvrirlecouvercle?bougonnai-je.

    Il ignora le sarcasme. Àl’intérieur, je découvris un boutde papier cartonné surchargé depetites inscriptions. Il me fallutunmomentpoursaisir.

    — Nous allons àJacksonville?

    Malgré moi, j’étais ravie.Deuxbilletsd’avion,unpour lui,unpourmoi.

    —C’estl’idée.—Jen’enrevienspas.Renée

    nevaplussetenir.Tuessûrque

  • çane t’embêtepas? Il faitgrandsoleil, là-bas, tu devras rester àl’intérieurtoutelajournée.

    — Ne t’inquiète pas, j’yarriverai. Si j’avais deviné que turéagirais aussi bien, je t’auraisobligée à l’ouvrir devant Carlisleet Esmé. J’avais peur que tuprotestes.

    — Naturellement, c’estbeaucoup trop. Mais comme tuserasavecmoi...

    —Tumedonnesdesregretsdenepasavoirdépenséd’argent.Jenesavaispasqu’ilt’arrivaitdetemontrerraisonnable.

    Écartantlesbillets,jevoulus

  • m’emparer de son présent,soudain très désireuse de voir cequ’il m’avait offert. Une foisencore, il le déballa à ma place,puis me passa un boîtier enplastique transparent quicontenait un disque dénué detitre.

    — Qu’est-ce que c’est ?demandai-je,perplexe.

    Sansrépondre,ilsortitleCDet le glissa dans l’appareil posésurlatabledenuit.Ilappuyasurla touche Play, et nousattendîmes en silence que lamusique commence. Éberluée,j’entendis résonner les premiers

  • accords.Luiguettaitmaréaction.J’étaisbouchebée.Leslarmesmemontèrent aux yeux, et je lesessuyaiavantqu’ellesdébordent.

    — Tu as mal au bras ?s’inquiéta-t-il.

    — Non, ce n’est pas ça. Oh,Edward,c’estsibeau!Tun’auraispu trouver mieux. C’estmerveilleux.

    Je me tus pour jouir de lamélodie. La sienne. Celle qu’ilavaitcomposée.Maberceuse.

    — Je me suis dit que tun’accepterais pas que j’achète unpiano pour te la jouer ici,expliqua-t-il.

  • —Ettuaseuraison.— Comment te sens-tu ?

    ajouta-t-il en désignant lepansement.

    —Trèsbien.En vérité, la blessure

    commençait à me brûlerférocement.Delaglaceauraitétéidéale.J’auraisbienposé lamaind’Edward dessus, mais je meseraistrahie.

    — Je vais te chercher uncalmant,annonça-t-il.

    — Je n’ai besoin de rien,protestai-je.

    Il m’avait cependantdéposée sur le lit et se dirigeait

  • déjàverslaporte.—Charlie!soufflai-je.Mon père n’était pas

    exactement au courantqu’Edward restait souvent, lanuit. L’aurait-il su, qu’il auraitsuccombé à une attaque. Certes,je n’avais pas trop de vergogne àlui mentir. Après tout, ce n’étaitpas comme si nous nousadonnions à des pratiquesrépréhensibles. Vu les règles quem’imposaitEdward...

    — Il ne m’entendra pas,promit ce dernier endisparaissant sans bruit dans lecouloir.

  • Il revint aussitôt, avantmêmequelaporteaiteuletempsdeserefermer.Iltenaitleverreàdents et un flacon de cachets.J’avalai ceux-ci sans objecter – àquoi bon ? j’étais sûre de perdrecette bataille. De plus, j’avaisvraimentmal,maintenant.

    À l’arrière-plan, la berceusese poursuivait, tendre,somptueuse.

    — Il est tard, soulignaEdward.

    Ilmesoulevad’unbrastoutentirant lacouverturede l’autre,puis il me borda. Ensuite, ils’allongea près de moi, sur la

  • couette, de façon à ce que je negèle pas, et m’enlaça. J’appuyaima tête contre son épaule etlâchai un soupir decontentement.

    —Merci encore, murmurai-je.

    —Derien.Un long moment, j’écoutai

    monmorceau sans rien dire. Undeuxième le remplaça, et jereconnus la musique préféréed’Esmé.

    — À quoi penses-tu ?chuchotai-je.

    — Au bien et au mal,répondit-il après une brève

  • hésitation.Jemeraidis.— Tu te souviens que je

    t’avais ordonné d’oublier monanniversaire ?m’empressai-je delancer, en espérant que matentative de diversion ne seraitpastropévidente.

    —Oui,admit-il,circonspect.—Ehbien,j’aichangéd’avis

    et je crois que, vu l’occasion,j’aimeraisquetum’embrassesdenouveau.

    — Tu es bien exigeante, cesoir.

    —C’estvrai.Maisbon,neteforcesurtoutpas.

  • Ils’esclaffa.— Dieume garde de jamais

    rien faire contre mon gré,marmonna-t-il sur un tonétrangementdésespéré.

    Sur ce, il me prit par lementon et attira mon visagecontre lesien.Lebaiserdébutaàpeu près comme d’ordinaire – Edward toujours aussi prudent,etmoncœurs’emballant,commed’habitude. Puis quelque chosechangea.Brusquement,seslèvressefirentpluspressantes,samainlibrefourrageadansmachevelureen maintenant ma têtefermement en place. Et, alors

  • que, de mon côté, j’ébouriffaiségalement ses cheveux etfranchissaissansdouteaucunleslimites imposées par la sagesse,pourunefois,ilnem’enempêchapas. Son corps avait beau êtreglacé, je me pressais contre luiavecavidité.

    Lorsqu’il interrompit lebaiser, ce fut abrupt. Il merepoussa, doucement maisfermement. Je retombai surl’oreiller, haletante, en proie auvertige.Quelquechosetitillaitmamémoire,fugitif,flou.

    — Désolé, murmura-t-il,hors d’haleine lui aussi. C’était

  • déraisonnable.— Ça m’est complètement

    égal!affirmai-je,essoufflée.—Tâchededormir,Bella.— Non, je veux que tu

    m’embrassesencore.— Tu surestimes mes

    capacitésàmecontrôler.— Qu’est-ce qui t’attire le

    plus,monsangoumoncorps?ledéfiai-je.

    — C’est du pareil aumême,répondit-ilensouriantmalgrélui.Et maintenant, ajouta-t-il enredevenant sérieux, si tu cessaisde jouer avec le feu et dormais,hein?

  • — D’accord, cédai-je en menichantprèsdelui.

    J’étais épuisée. De bien desfaçons, la journée avait étélongue. Pourtant, je n’étaisnullement soulagée qu’elle seterminât. Presque comme si jepressentais que le lendemainseraitpire,prémonitionidiote–ilne pouvait y avoir plus horribleque les heures qui venaient des’écouler. Ce devait juste être lecontrecoup des événements,songeai-je.

    Minede rien, je glissaimonbras blessé contre son épaule,comptant que sa peau fraîche

  • apaiserait la brûlure de lamienne. J’en fus tout de suitesoulagée.

    Je sommeillais à moitiélorsque le souvenir que le baiseravait éveillé s’imposa à moi : auprintemps dernier, lorsqu’ilm’avait laissée pour tenterd’arrêter James, Edward m’avaitquittéeenm’embrassant,niluinimoinesachantquandousinousnous reverrions. Ce baiser avaiteu la même saveur, presquedouloureuse, que celui que nousvenions d’échanger. C’est engrelottant que je perdisconscience, comme si, déjà, je

  • sombraisdansuncauchemar.

  • 3

    LAFIN

    Le lendemain matin, je me

    sentaishideuse.J’avaispasséunemauvaise nuit, mon bras étaitdouloureux,etj’avaislamigraine.L’impassibilitéetladistancedont

  • fit preuve Edward enm’embrassant rapidement sur lefrontavantde filerpar la fenêtren’arrangèrent pas ma morosité.J’avaispeurdecequiavaitpuseproduire durant mon sommeil ;peur qu’il eût repensé au bien etau mal en me regardant dormir.L’angoisse semblait augmenterd’autant les élancements qui mevrillaientlecrâne.

    Comme d’ordinaire, Edwardm’attendait sur le parking dulycée. L’expression qu’il affichaitne me rassura pas. Ses irisdissimulaient une chose surlaquellejen’arrivaispasàmettre

  • le doigt et qui m’effrayait. Je netenaispastellementàreparlerdel’incidentde laveille,bienque jene fusse pas sûre que l’ignorervalûtmieux.Ilmetendit lamainpour m’aider à descendre devoiture.

    —Commentvas-tu?— Bien, prétendis-je, tandis

    que la portière qui claquaitdéclenchait une vibration atrocedansmatête.

    Nous avançâmes en silence,luiveillantànepasmedistancer.Destasdequestionsmebrûlaientles lèvres – elles devraientattendre que je retrouve Alice.

  • DansquelétatétaitJasper?Ques’étaient-ils dit, moi partie ?Comment, notamment, avaitréagi Rosalie ? Par-dessus tout,qu’est-ce que les visions d’Alice,étranges et imprécises,promettaient comme avenir ?Avait-elle deviné les réflexionsd’Edward et les raisons de samauvaisehumeur?Mescraintesinstinctives, ténues et pourtantobsédantes, étaient-elleslégitimes?

    La matinée s’écoulalentement. Il me tardait de voirAlice, même si je risquais de nepas réussir à lui parler en

  • présence d’Edward. Ce dernierrestait distant ; de temps entemps,ilprenaitdesnouvellesdemon bras, et je lui mentais.D’habitude,Alicenousprécédaitàla cantine – aucune traînardedans mon genre ne l’empêchaitdemarcheràsonrythme,elle.Cejour-làcependant,ànotrearrivée,ellen’étaitpasinstalléedevantunplateau de nourriture qu’elle nemangerait pas. Edward ne fitaucun commentaire sur sonabsence. Sondernierprof avait-ilpris du retard ? Mais j’aperçusConner etBen, qui suivaient soncoursdefrançais.

  • — Où est ta sœur ? finis-jeparm’inquiéterauprèsd’Edward.

    — Avec Jasper, répondit-ilen contemplant la barre decéréales qu’il émiettait entre sesdoigts.

    —Ilvabien?— Il a préféré s’éloigner

    quelquetemps.—Quoi?Oùça?— Il n’a pas arrêté de

    destinationparticulière.—EtAlicel’aaccompagné.Évidemment.Dèsqu’il avait

    eubesoind’elle,Alicen’avaitpashésité. Le désespoir mesubmergea.

  • —Oui. Elle sera absente unmoment. Elle voulait leconvaincred’alleràDenali.

    La ville où habitait l’autreclandecesvampiressispéciaux– des gentils, comme les Cullen.J’avais parfois entendu parler deTanyaetdessiens.Edwards’étaitenfui là-bas l’hiver précédent,quandmaprésenceàForks avaitcompliqué son existence.Laurent, le plus civilisé desmembres ayant constitué lameutedeJames,avaitpréférés’yrendre aussi, plutôt que s’allieravec son chef contre les Cullen.Qu’Alice encourageât son

  • compagnon à partir pour Denaliétaitcompréhensible.

    Je tentai d’avaler la boulequi, soudain, obstruaitma gorge.Accablée de culpabilité, je metassai sur ma chaise, tête basse.J’avais forcé Jasper et Alice às’exiler. À l’instar d’Emmett etRosalie.J’étaisunfléau.

    — Tu as mal au bras ?s’enquitEdwardavecsollicitude.

    — Oublie cet imbécile debras cinq minutes, veux-tu ? lerembarrai-je, dégoûtée de moi-même.

    À la findescours, le silencequi s’était instauré entre nous

  • frôlaitleridicule.J’auraispréféréqu’il le rompe, lui, mais il étaitclair que si je nem’en chargeaispas, je risquaisdeneplus jamaisentendrelesondesavoix.

    — Tu passes, ce soir ?l’interrogeai-je tandis qu’il meraccompagnait– sansmotdire– à ma voiture. Pas trop tôt,précisai-je.

    Il ne manquait jamais cesvisitesquotidiennes.

    — En quel honneur, cedélai?

    Sasurprisemeréjouit.— Je travaille. J’ai échangé

    ma journée d’hier avec Mme

  • Newton.—Ah,c’estvrai.— Mais tu me rejoins dès

    quejesuisàlamaison,hein?Il m’était soudain

    insupportable de ne plus en êtrecertaine.

    —Situveux.— Tu sais bien que oui !

    m’écriai-jeavecuntoutpetitpeuplus d’enthousiasme que nel’exigeait le ton de cetteconversation.

    Jem’attendais à ce qu’il rît,sourît,réagît.Rien.

    — À tout à l’heure alors, seborna-t-ilàrépondre,indifférent.

  • De nouveau, il se limita àmon front quand il m’embrassa,puis se dirigea d’une démarcheélégante vers sa voiture. Jeparvinsàmecontrôler jusqu’àcequejesorteduparking,maisc’estdans un état d’affolement totalquejegagnailemagasin.

    Ilavaitseulementbesoindetemps,me serinais-je. Ça n’allaitpas durer. Il était juste triste devoir sa famille se déliter. MaisAlice et Jasper reviendraientbientôt.EmmettetRosalieaussi.Si ça pouvait aider, je resterais àl’écart de la grande maisonblanche près de la rivière. Je n’y

  • remettrais plus jamais les pieds.Aucune importance. JecontinueraisàfréquenterAliceaulycée. Parce qu’il faudrait bienqu’elle reprenne les cours, non ?QuantàCarlisle,aucundoutequej’auraisdenombreusesoccasionsdelecroiserauxurgences.

    Finalement, il ne s’était paspassé grand-chose, la veille ausoir. Il ne s’était rien passé,même. D’accord, j’étais tombée ;sauf que ça m’arrivait tout letemps. Une broutille, comparéaux événements de Phœnix.James m’avait bien amochée, etj’avais failli mourir après avoir

  • perdu tout ce sang ; pourtant,Edward avait supporté mesinterminables semaines deconvalescence à l’hôpitalbeaucoupplusfacilementquelessoins d’hier. Était-ce parce que,cette fois, il n’avait pas dû medéfendre contre un ennemimaiscontresonfrère?

    Il valait peut-être mieuxqu’il m’emmène loin plutôt queles siens se séparent. Laperspective d’être seule avec luimeragaillarditunpeu.SiEdwardtenait jusqu’à la fin de l’annéescolaire, Charlie ne pourrait s’yopposer. Nous partirions pour

  • l’université ou ferions comme si.Edward devait être capabled’attendre un an. Qu’est-ce quec’était,unan,pourunimmortel?Même àmoi, ça ne semblait passilong.

    Ces réflexions merassérénèrentsuffisammentpourdescendre de ma Chevrolet etentrer dans la boutique. Ce jour-là,MikeNewtonétaitarrivéavantmoi et, lorsque j’entrai, il mesalua de la main en souriant. Jehochaivaguement la tête toutenattrapantmablouse,encoredansles limbes de mon imaginationdébridée qui me voyait m’enfuir

  • en compagnie d’Edward pourdiversescontréesexotiques.Mikeinterrompitmesfantasmes.

    — Comment c’était, tonanniversaire?

    — Beurk ! Je suis contentequeçasoitfini.

    Il me jeta un coup d’œilsurpris,commesij’étaisfolle.

    Le travail me pesa. J’avaishâtederetrouverEdward,toutenpriant pour que la crise fûtpassée.Cen’étaitrien,necessais-je de me répéter. Tout allaitrentrerdansl’ordre.

    Le soulagement quis’empara de moi quand je

  • bifurquaidansmarueetaperçussa voiture argentée garée devantla maison fut énorme,vertigineux. Ce quime contraria.Jemeprécipitaiàl’intérieur.

    — Papa ? Edward ? appelai-jeavantmêmed’avoirrefermé laporte.

    Je reconnus le génériquemusicaldelachaînesportive.

    —Onestici!lançaCharlie.Je suspendis mon

    imperméable dans le couloir etm’élançai dans le salon. Edwardétait assis dans le fauteuil, monpère sur le canapé. Tous deuxavaient le regard rivé sur la

  • télévision. Ce qui était normalpour l’un, beaucoup moins pourl’autre.

    — Bonsoir ! murmurai-je,douchée.

    — Salut, Bella, réponditCharlie sans quitter le poste desy