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DE DROIT CIVIL INTRODUCTION GÉNÉRALE Traité de droit civil Jacques Ghestin 5 e édition Jacques Ghestin Hugo Barbier . Droit de la preuve . Abus de droit, fraude et apparence Tome 2 TRAITÉ

Tome 2 J.Ghestin Introduction générale

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Page 1: Tome 2 J.Ghestin Introduction générale

Cet ouvrage est le second tome de l’Introduction générale, refondueen deux tomes dans cette 5e édition par Jacques Ghestin, professeurémérite de l’Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne) et Hugo Barbier,professeur à l’Université d’Aix-Marseille.

La précédente édition, parue en 1994, avait été rédigée parJacques Ghestin et Gilles Goubeaux, avec le concours de MurielFabre-Magnan.

L’ouvrage expose, d’un point de vue théorique et pratique, lesnotions introductives essentielles à l’étude du droit civil tel qu’il estaujourd’hui. Il présente une analyse approfondie de la doctrineet du droit positif, notamment de la jurisprudence de la Cour decassation, du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, ainsique des principales juridictions européennes et internationales.Il s’adresse aux étudiants de licence et de master, aux universitaireset aux professionnels.

Le premier tome, rédigé avec le concours de Jean-Sylvestre Bergé,professeur à l’Université Côte d’Azur, comporte une première partiesur le droit objectif et les droits subjectifs et une seconde partie,relative aux sources du droit. Le second tome traite de la mise enœuvre des droits.

Le droit de la preuve, pierre angulaire de cette mise en œuvre, faitl’objet d’une étude développée. Celle-ci porte sur les principes dudroit de la preuve (fardeau de la preuve et administration judiciairede la preuve), ainsi que sur les modes de preuve (écrit, témoignageet expertise, présomption, aveu et serment). Enfin, l’étude comprendun troisième volet, novateur, intitulé Droit de la preuve appliqué,consacré à la mise en œuvre de ces principes dans le droit descontrats, du régime des obligations et de la responsabilité civile.

La mise en œuvre des droits devant, par ailleurs, s’opérer dans lerespect des finalités du système juridique, l’ouvrage comporteégalement l’étude approfondie des trois principaux mécanismesde contrôle que sont l’abus de droit, la fraude et l’apparence.

96 € Couv

ertu

re:

www.lgdj-editions.fr

ISBN 978.2.275.06460.4

Traité de droit civilIntroduction générale

DE DROITCIVIL

INTRODUCTIONGÉNÉRALE

Traité de droit civil Jacques Ghestin

5e éditionJacques GhestinHugo Barbier

. Droit de la preuve

. Abus de droit,fraude et apparence

Tome 2

TRAITÉ

TRAITÉ DE DRO

IT CIVIL

Introduction générale

Jacques Ghestin Hugo Barbier

Tome 2J.Ghestin

GHESTIN-BARBIER-BERGE-Introduction generale T2_GHESTIN-BARBIER-BERGE-Introduction generale T2 26/11/20 17:55 Page1

Page 2: Tome 2 J.Ghestin Introduction générale
Page 3: Tome 2 J.Ghestin Introduction générale

Traité deDroit civil

Sous la direction deJacques Ghestin

Introductiongénérale

Tome II

Droit de la preuveAbus de droit, fraude

et apparence

Jacques GhestinProfesseur émérite de l’Université Paris 1

Panthéon-Sorbonne

Hugo BarbierProfesseur à l’Université d’Aix-Marseille

5e édition

Page 4: Tome 2 J.Ghestin Introduction générale

TRAITÉ DE DROIT CIVIL

sous la direction de J. GHESTINIntroduction générale :par J. GHESTIN et G. GOUBEAUX, avec le concours de M. FABRE-MAGNAN, 4e éd., 1994.par J. GHESTIN et H. BARBIER, avec le concours de J.-S. BERGÉ, Tome I : Droit objectif et droits subjectifs – Sources du

droit, 5e éd., 2018.par J. GHESTIN et H. BARBIER, Tome II : Droit de la preuve – Abus de droit, fraude et apparence, 5e éd., 2020.

Les obligations :La formation du contrat, par J. GHESTIN, G. LOISEAU et Y.-M. SERINET, 4e éd., 2013.

Tome 1 : Le contrat – Le consentement.Tome 2 : L’objet et la cause – Les nullités.

Les effets du contrat, par J. GHESTIN, Ch. JAMIN et M. BILLIAU, 3e éd., 2001.Introduction à la responsabilité, par G. VINEY, 4e éd., 2019.Les conditions de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2013.Les effets de la responsabilité, par G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017.Le régime des créances et des dettes, par J. GHESTIN, M. BILLIAU et G. LOISEAU, 2005.Les régimes spéciaux et l’assurance de responsabilité, G. VINEY, P. JOURDAIN et S. CARVAL, 4e éd., 2017.

Les personnes :par G. GOUBEAUX, 1989.

La famille :1er volume : Fondation et vie de la famille, par J. HAUSER et D. HUET-WEILLER, 2e éd., 1993.2e volume : Dissolution de la famille, par J. HAUSER et D. HUET-WEILLER, 1991.

Les biens :par J.-L. BERGEL, S. CIMAMONTI, J.-M. ROUX et L. TRANCHANT, 3e éd., 2019.

Les principaux contrats spéciaux :par J. HUET, G. DECOCQ, C. GRIMALDI et H. LÉCUYER, avec la collaboration de J. MOREL-MAROGER, 3e éd., 2012.

La publicité foncière :par S. PIEDELIÈVRE, 2000.

Les sûretés personnelles :par A.S. BARTHEZ et D. HOUTCIEFF, 2010.

Les sûretés réelles :Droit spécial des sûretés réelles, par J. MESTRE, E. PUTMAN et M. BILLIAU, 1996.Droit commun des sûretés réelles, par J. MESTRE, E. PUTMAN et M. BILLIAU, 1996.

Les contrats de consommation. Règles communes :par N. SAUPHANOR-BROUILLAUD, C. AUBERT DE VINCELLES, G. BRUNAUX, L. USUNIER, 2e éd., 2018.

TRAITÉ DES CONTRATS

sous la direction de J. GHESTINLa vente :par J. GHESTIN et B. DESCHÉ, 1990.

Les contrats de la distribution :par M. BEHAR-TOUCHAIS et G. VIRASSAMY, 1999.

Les contrats de travail :par F. GAUDU et R. VATINET, 2001.

Les sociétés :par Y. GUYON, 5e éd., 2002.

La vente internationale de marchandises :par V. HEUZÉ, 2000.

Contrats et vivant :par F. BELLIVIER et C. NOIVILLE, 2006.

Le contrat d’entreprise :par F. LABARTHE et C. NOBLOT, 2008.

© 2020, LGDJ, Lextenso1, Parvis de La Défense92044 Paris La Défense Cedexwww.lgdj-editions.frISBN 978-2-275-06460-4

Page 5: Tome 2 J.Ghestin Introduction générale

SOMMAIRE

Liste des abréviations ........................................................................................................ 7

Introduction ............................................................................................................................ 9Première partieDroit de la preuve 11

Titre I. — Droit de la preuve en général...................................................................... 15

Chapitre 1. — Nature, sources et finalités du droit de la preuve ............. 17Chapitre 2. — Fardeau de la preuve ..................................................................... 53Chapitre 3. — Administration de la preuve ....................................................... 129

Titre II. — Droit des preuves ............................................................................................ 247

Chapitre 1. — L’écrit ................................................................................................... 249Chapitre 2. — Les témoignages et présomptions de fait ............................. 301Chapitre 3. — L’aveu et le serment ...................................................................... 331

Titre III. — Droit de la preuve appliqué ...................................................................... 347

Chapitre 1. — La preuve dans le contrat et le régime généralde l’obligation ............................................................................................................ 349

Chapitre 2. — La preuve dans la responsabilité civile ................................. 431

Deuxième partieRespect des finalités du système juridique :

abus de droit, fraude et apparence 459

Titre I. — L’abus de droit ................................................................................................... 461

Chapitre 1. — Domaine de l’abus de droit ........................................................ 465Chapitre 2. — Critères de l’abus de droit .......................................................... 489Chapitre 3. — Les sanctions de l’abus de droit ............................................... 537

Titre II. — La fraude ............................................................................................................ 541

Chapitre 1. — Analyse de la fraude ..................................................................... 545Chapitre 2. — Sanction de la fraude .................................................................... 563Chapitre 3. — Place de la théorie de la fraude parmi d’autres moyensde contrôle des agissements blâmables ........................................................... 575

Titre III. — L’apparence ..................................................................................................... 585

Chapitre 1. — Notion d’apparence ........................................................................ 587Chapitre 2. — Mise en œuvre de la théorie de l’apparence ....................... 603

Index ........................................................................................................................................... 625

Page 6: Tome 2 J.Ghestin Introduction générale
Page 7: Tome 2 J.Ghestin Introduction générale

LISTE DES ABRÉVIATIONS

AJDA Actualité juridique droit administratifAPD Archives de philosophie du droitBJB Bulletin Joly BourseBJS Bulletin Joly SociétésBull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambre civileC. civ. Code civilC. com. Code de commerceC. consom. Code de la consommationCass. 1re civ. Cour de cassation, première chambre civileCass. 2e civ. Cour de cassation, deuxième chambre civileCass. 3e civ. Cour de cassation, troisième chambre civileCass. com. Cour de cassation, chambre commercialeCass. crim. Cour de cassation, chambre criminelleCass. soc. Cour de cassation, chambre socialeCE Conseil d’ÉtatCEDH Cour européenne des droits de l’hommeCJCE Cour de justice des Communautés européennesCJUE Cour de justice de l’Union européenneCons. const. Conseil constitutionnelD. Recueil DallozDH Dalloz hebdomadaireGaz. Pal. Gazette du PalaisJCP La Semaine juridiqueJCP G La Semaine juridique, édition généraleJCP S La Semaine juridique, édition SocialeJDI Journal de droit internationalJO Journal officielLPA Les Petites AffichesRCADI Recueil des cours de l’Académie de droit international

de La HayeRDC Revue de droit des contratsRDI Revue de droit immobilierRDSS Revue de droit sanitaire et socialRec. Cons. const. Recueil des décisions du Conseil constitutionnelRép. civ. Dalloz Répertoire civil DallozRev. dr. local Revue de droit localRev. dr. trav. Revue de droit du travailRev. jur. env. Revue juridique de l’environnementRev. législ. Revue législative

Page 8: Tome 2 J.Ghestin Introduction générale

Rev. loyers Revue des loyersRFDA Revue française de droit administratifRGCT Revue générale des collectivités territorialesRGDIP Revue générale de droit international publicRIDC Revue internationale de droit comparéRRJ Revue de la recherche juridiqueRTD civ. Revue trimestrielle de droit civilRTD com. Revue trimestrielle de droit commercialRTD eur. Revue trimestrielle de droit européenS. SireySSL Semaine sociale Lamy

8 INTRODUCTION GÉNÉRALE

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INTRODUCTION

1. Le second tome de cette Introduction générale est tourné vers l’étude de laréalisation des droits, c’est-à-dire celle des différents mécanismes juridiques des-tinés tout autant à permettre aux justiciables de faire advenir de façon concrèteleurs droits subjectifs (et plus largement la règle de droit dont ils entendent béné-ficier), qu’à encadrer l’utilisation des droits subjectifs (et du droit objectif) par lesjusticiables afin qu’elle ne dégénère pas en une instrumentalisation.

Quant aux règles de droit tournées vers la concrétisation des droits subjectifset plus globalement de la règle de droit, ce sont celles relatives à la preuve(partie 1) qui doivent concentrer l’attention (1), dans la mesure où chacun saitqu’elles sont la pierre angulaire de l’effectivité du droit objectif et des droitssubjectifs.

En ce qui concerne les règles destinées à encadrer cette utilisation du droitobjectif et des droits subjectifs par les sujets de droit, elles sont vouées au respectdes finalités du système juridique (partie 2), en ce sens qu’elles visent à corrigerles écueils, de diverses sortes, auxquels pourrait conduire une application méca-nique du droit objectif et des droits subjectifs. Les trois principaux mécanismesremplissant cette fonction sont l’abus de droit, la fraude, et l’apparence.

1. Les règles de droit qui organisent le procès civil, lieu essentiel de réalisation du droit objectif et des droitssubjectifs, font l’objet du droit de la procédure civile, étudié dans des ouvrages spéciaux.

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PREMIÈRE PARTIE

DROIT DE LA PREUVE

2. Cette cinquième édition de l’Introduction générale aborde, en ce secondtome, le droit de la preuve (1) au moyen d’un plan d’étude remanié. Celui-cireprend le plan initial de la première édition en ses deux premiers titres, tournésvers l’énoncé des principes du droit de la preuve en général et du droit des preu-ves. S’y ajoute désormais un troisième, traitant du droit de la preuve appliqué,c’est-à-dire consacré à la mise en œuvre de ces principes, principalement dansle droit des contrats, le régime des obligations et la responsabilité civile.

3. Droit de la preuve en général et droit des preuves. Ainsi, la preuve doitêtre, avant toute chose, étudiée comme un tout, c’est-à-dire en tant qu’objet juri-dique régi par un ensemble de règles liées par une nature, des sources et finalitéscommunes, visant à attribuer le fardeau de la preuve ainsi qu’à administrer lapreuve durant le procès. C’est ce que l’on peut nommer le droit de la preuve engénéral (titre 1). Ensuite, chaque mode de preuve doit être envisagé en lui-même,ce qu’on peut appeler le droit des preuves (titre 2). MM. Ghestin et Goubeauxavaient déjà ainsi structuré leurs développements sur la preuve dans la premièreédition de cet ouvrage datant de 1977 en indiquant que « nous envisageronsd’abord le mécanisme dans son ensemble. C’est ce qu’on peut appeler le droitde la preuve en général. Nous étudierons ensuite les règles particulières à chacundes procédés de conviction proposés au juge, qui constituent le droit spécial despreuves ». Dans leur ouvrage paru en 2015, M. Vergès, Mme Vial et M. Leclerc,ont parfaitement justifié tout l’intérêt d’adopter une telle approche pour bâtir un

1. Outre les ouvrages généraux, V. BENTHAM, Traité des preuves judiciaires, extrait des manuscrits de Ben-tham, par DUMONT, 2 vol., 1823 – BONNIER, Traité des preuves en droit civil et en droit criminel, 5e éd. par LAR-

NAUDE, 1888 – LESSONA, Traité des preuves, 3e éd., 1922 – DECUGIS, L’évolution des preuves en droit comparé,Bull. soc. législ. comp., 1939, 77 et s. – LEGEAIS, Les règles de preuve en droit civil, permanences et transfor-mations, thèse Poitiers, 1954, LGDJ, 1955, préf. R. SAVATIER – HAMEL, HOUIN, R. SAVATIER, Études sur les pro-grès de la science et le droit de la preuve, Trav. Assoc. H. Capitant, t. 7, 1956, p. 515, 556, 607 – CHEVALLIER,Cours de doctorat Paris 1958-1959 – SICARD, La preuve en justice après la réforme judiciaire, 1960 – Lapreuve, Rec. soc. Jean Bodin, t. 19, 1963 – H. LÉVY-BRUHL, La preuve judiciaire, étude de sociologie juridique,1964 – CHAMOUX, La preuve dans les affaires, de l’écrit au microfilm, 1979 – DAIGRE, La production forcée despreuves dans le procès civil, 1979, préf. LOMBOIS – DEVÈZE, Contribution à l’étude de la charge de la preuve enmatière civile, thèse Toulouse, 1980 – PERELMAN et FORIERS, La preuve en droit, Travaux du Centre national derecherches de Logique, Bruxelles, 1981 – X. LAGARDE, Réflexion critique sur le droit de la preuve, thèse Paris I,1992, LGDJ 1994, préf. J. GHESTIN – J.-F. CESARO, Le doute en droit privé, préf. B. TEYSSIÉ, Éd. Panthéon-Assas,2003 – N. HOFFSCHIR, La charge de la preuve en droit civil, préf. S. AMRANI-MEKKI, Dalloz, 2016.

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droit de la preuve satisfaisant en structurant leur ouvrage autour d’une théoriegénérale de la preuve, doublée d’un droit des preuves spéciales (2).

Ce n’est sans doute pas là la vision la plus proche des textes. Nous rejoignonsainsi Étienne Vergès lorsqu’il énonce que « contrairement à ce qui est affirmédans le rapport, le Code civil ne contient pas de théorie de la preuve, pas plusqu’il n’observe la summa divisio entre la théorie générale de la preuve – quiénonce des principes transversaux – et le droit des preuves spéciales – qui définitle régime propre à chaque mode de preuve » (3). Pourquoi alors persister dansl’approche retenue à l’origine par le présent traité, et ne pas s’adapter à la struc-ture du Code civil dans la forme qu’il prend depuis la réforme du 10 février2016 ? Tout simplement parce que le législateur s’en est tenu à une structurequi n’est guère convaincante, selon nous, abordant dans un premier chapitre« les dispositions générales », puis dans un deuxième, « l’admissibilité de lapreuve », et enfin dans un troisième « les différents modes de preuve ». Il nenous semble guère opportun de ne pas intégrer l’admissibilité de la preuve dansles dispositions générales, car la question de l’admissibilité d’une preuvedemeure commune à tout mode de preuve. Les nouveaux textes contribuentainsi à masquer l’unité du droit de la preuve, lequel est bien porteur de règlesgénérales couvrant non seulement l’objet et la charge de la preuve (qu’on peutréunir sous la bannière du fardeau de la preuve) mais aussi les modes de preuve(qu’on peut encore nommer l’administration de la preuve). Chaque mode depreuve s’inscrit dans ces règles générales et fait l’objet de précisions propres àsa spécificité.

S’il faut maintenant en passer par la distinction entre droit commun et droitspécial, voilà ce qu’il faut en dire. L’ensemble que représente le droit de la preuveen général et le droit des preuves constitue un droit commun de la preuve auquelles droits spéciaux (droit du travail, droit commercial, etc.) peuvent déroger.Encore faut-il remarquer que certains auteurs ont brillamment mis en doutel’existence d’un droit commun de la preuve (4), principalement en raison de l’ab-sence d’un ensemble de règles applicables à toutes les branches du droit (civil,pénal, administratif, etc.) qui aborderaient la question de la preuve (5). On peutbien sûr rejoindre ce constat si l’on donne à la notion de droit commun unedimension particulièrement vaste, englobant l’ensemble des branches du droit.Il nous semble néanmoins que mérite le titre de droit commun un corpus derègles bien moins ambitieux que cela et énoncé dans le Code civil, pour la simple

2. E. VERGES, G. VIAL, O. LECLERC, Droit de la preuve, PUF, 2015, nº 41 et s.3. E. VERGÈS, « Réforme du droit de la preuve civile. Quelle perspective après l’échec de l’ordonnance du

10 février 2016 ? », JCP G 2017, p. 875, nº 5.4. S. DEPELLEY, P.-Y. VERKINDT, « Les dérogations au droit commun de la preuve dans le droit du contrat de

travail », Droit social 2017, p. 705.5. S. DEPELLEY, P.-Y. VERKINDT, Ibid. « L’absence d’une “théorie générale” de la preuve qui engloberait la

preuve en justice et la preuve lato sensu, entendue comme tout moyen tendant à établir soit la vérité soit laréalité de quelque chose, rend illusoire la recherche des ressources d’un “droit commun” que viendrait contre-dire un “droit spécial” de la preuve applicable au droit du contrat de travail ». Adde E. VERGÈS, G. VIAL etO. LECLERC, Droit de la preuve, préc., nº 1 : « il n’existe pas en France, d’école du droit de la preuve, pas deloi ou de code qui rassemblerait les principales règles de la matière, et pas de manuel ou de traité consacré à laquestion dans toutes ses dimensions, et dans les différentes branches du droit ».

12 INTRODUCTION GÉNÉRALE

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raison que le droit civil est en général perçu en tant que droit commun (6). Sinon,il faudrait aussi considérer que le droit des contrats contenu dans le Code civiln’est pas un droit commun des contrats. Par conséquent, il nous semble que ledroit de la preuve énoncé par le Code civil est bien un droit commun de lapreuve. Qu’il ne porte à première vue, au regard de sa source, que sur la matièrecivile ne lui ôte en rien cette dimension. Nous en voulons pour preuve la force derayonnement des articles majeurs du titre IV bis du Code civil relatif à la preuvedes obligations, qui inspirent directement le droit de la preuve dans toutes lesbranches du droit (7), ainsi que le traitement jurisprudentiel de ces mêmes règles,bel et bien vues par la jurisprudence comme un droit commun auquel les droitsspéciaux peuvent déroger, qu’il s’agisse d’autres dispositions du Code civil oud’autres lois (8).

4. Le droit de la preuve appliqué. Pour cette nouvelle édition, le parti a étépris de ne pas s’en tenir à l’étude des règles et principes gouvernant le droit de lapreuve en général et le droit des preuves, mais d’analyser la manière dont ils sontmis en œuvre, c’est-à-dire appliqués à telle ou telle problématique spécifique. Cechoix se justifie par une observation très simple : il n’est en rien évident de mettreen application les principes énoncés – par exemple, celui selon lequel la chargede la preuve pèse sur celui qui se prévaut d’une obligation – en raison de la diver-sité des situations contentieuses et des problématiques de fond traitées. Un passupplémentaire aidant le juriste à se repérer, qu’on peut caractériser commel’étude du droit de la preuve en action, ou encore le droit de la preuve appliqué(titre 3), nous a semblé opportun. La limite de cet exercice tient naturellementdans la grande variété des branches du droit, que l’on ne saurait couvrir danscet ouvrage. Il a fallu faire un choix, inspiré à la fois par l’angle général du traité,concentré sur le droit civil, et par l’importance des matières communes que sontle droit des contrats, le régime général des obligations, et le droit de la responsa-bilité. C’est dans ces trois domaines que seront mises en application et approfon-dies les règles de preuve, dans l’espoir que les droits spéciaux, nécessairementrattachés à ce droit commun, soient indirectement éclairés par de tels développe-ments.

6. V. sur l’aptitude du droit civil à être un droit commun : Introduction générale, t. 1, nº 1.7. Pour ne prendre qu’un seul exemple, c’est bien à partir de l’ancien article 1315 du Code civil, devenu

1353 du même Code depuis 2016, que la charge de la preuve a été pensée dans toutes les branches du droitfrançais.

8. V. par ex. Cass. 1re civ., 14 nov. 2012, nº 11-24320, affirmant que les « dispositions de l’article 1924 duCode civil (droit spécial du dépôt, nous ajoutons) [sont] exclusives de celles de l’article 1348 du même code(ancien article relatif à l’impossibilité de se procurer un écrit ou de le conserver, devenu l’article 1360, nousajoutons) ».

DROIT DE LA PREUVE 13

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TITRE I

DROIT DE LA PREUVE EN GÉNÉRAL

5. Après avoir envisagé dans un premier chapitre la toile de fond du droit dela preuve, réunissant sa nature, ses sources et finalité, seront étudiés, d’abord, lefardeau de la preuve, à savoir les règles d’attribution et de transfert de ce fardeausur l’une des parties au procès, ensuite l’administration de la preuve, c’est-à-direles règles d’admissibilité, de production et d’appréciation de la preuve présentéeen justice.

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CHAPITRE 1

NATURE, SOURCES ET FINALITÉSDU DROIT DE LA PREUVE

6. La preuve en matière juridique est une preuve judiciaire, ce quioriente sa nature, ses sources et finalités. Prouver, au sens courant du terme,est faire apparaître ou reconnaître quelque chose comme vrai, réel, certain ; lapreuve est donc ce qui sert à établir qu’une chose est vraie. Il n’en est pas autre-ment en matière juridique. La preuve sert alors à étayer une prétention fondée surl’invocation d’une règle de droit. Encore faut-il préciser que c’est le juge qu’ils’agit de convaincre de la vérité d’une allégation : la preuve juridique est unepreuve judiciaire. Sans doute, une question de preuve peut-elle être examinéeen dehors de tout procès. Mais elle s’apprécie alors en fonction de ce que déci-derait le juge si un litige était formé.

Cette liaison avec le procès fait l’originalité de la matière par rapport auxquestions de preuve se posant en d’autres domaines, notamment dans les domai-nes scientifiques ou historiques (1). Certes, la démarche intellectuelle tendant àétablir la véracité d’une proposition est toujours de même nature. Mais le cadredu procès civil dans lequel se règle la contestation ne laisse pas les mêmes liber-tés d’investigation qu’en d’autres secteurs. Surtout, la nécessité de trancher lelitige ne permet ni de laisser la question en suspens faute d’aboutir à une véritablecertitude, ni de remettre en cause la force des preuves accueillies par une décisionrevêtue de l’autorité de la chose jugée. Si toute preuve tend à établir la vérité, enmatière juridique, c’est la vérité judiciaire, à la fois relative et irrévocable, àlaquelle conduit la preuve (2). Cette limitation des ambitions révèle que la recher-che de la vérité n’est pas l’unique objectif de la preuve produite en justice (3). Il

1. V. not. E. TRUILHÉ-MARENGO, Preuve scientifique, preuve juridique, Larcier, 2011 – P. GORDON, « Preuvescientifique et preuve juridique : y a-t-il un “paradoxe” de l’expert », Gaz. Pal., 23 juill. 1999, nº 204, p. 13 –

B. DEFOORT, « Incertitude scientifique et causalité : la preuve par présomption. Le traitement juridictionnel dudoute et l’exigence de précautions dans son application », RFDA 2008, p. 549.

2. BEUDANT et LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, t. 9, par PERROT, nº 1138 – PLANIOL et RIPERT, t. 7, par GABOLDE,nº 1407 – AUBRY et RAU, t. 12, 6e éd. par ESMEIN, § 749, p. 52, note 3 – MARTY et RAYNAUD, nº 210 – CHEVALLIER,Cours préc., p. 8 et s. – FORIERS, « Considérations sur la preuve judiciaire », La preuve en droit, études publiéespar PERELMAN et FORIERS, préc., p. 315 et s. – V. tout particulièrement sur la preuve du lien de causalité entredeux événements, V. Ph. BRUN, « Causalité juridique et causalité scientifique », in Les distorsions du lien decausalité, Actes du colloque de Rennes, RLDC 2007, suppl. au nº 40, p. 15 – Ch. RADÉ, « Causalité juridiqueet causalité scientifique : de la distinction à la dialectique », D. 2012, p. 112.

3. Xavier Lagarde formule même l’hypothèse selon laquelle « un droit de la preuve, qui est autre chosequ’une simple branche du droit processuel, se construit nécessairement en polémique avec l’idée de vérité. De

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faut au moins tenir compte de l’impératif de sécurité juridique (4). Sans doute ya-t-il lieu de considérer aussi la fonction de « légitimation » des décisions judi-ciaires que remplit la preuve : justifiée par la mise en œuvre des règles de preuve,la décision échappe au reproche d’arbitraire et devient acceptable par la partie quisuccombe (5).

Ainsi, au service des règles du fond mais d’essence judiciaire, tournée seule-ment partiellement vers la vérité, la preuve peine à être définie dans sa naturesubstantielle ou procédurale (section 1), repose sur des sources conjuguant règlesde fond et de procédure (section 2) et répond à des finalités complexes, mêlantprotection des droits subjectifs et respect des grands principes procéduraux (sec-tion 3).

Section 1

Nature du droit de la preuve

7. La preuve se situe à un carrefour des règles de fond et des règles deprocédure. S’agissant de preuve judiciaire, les règles qui la gouvernent touchentétroitement au rôle du juge et au déroulement du procès. Il peut dès lors paraîtrelogique, à l’instar de certains droits étrangers, de confier la réglementation de lapreuve aux textes régissant la procédure. Mais un lien étroit existe entre le sys-tème probatoire et le fond du droit. En effet, la sanction judiciaire d’un droitcontesté ne pourra être obtenue que si la preuve de l’acte juridique ou du faitqui lui a donné naissance est rapportée. L’importance de la preuve à cet égardest telle qu’un adage venu de l’Ancien Droit énonce qu’il y a équivalence entrel’absence de droit et l’absence de preuve : « idem est non esse et non probari ».

Certes, la formule ne doit pas être prise à la lettre. Un droit existe indépen-damment de sa preuve. Ainsi, lorsqu’un acte juridique a été passé, ses effetsremontent au jour de sa conclusion, même si un écrit destiné à faire la preuvede son existence n’a été dressé que postérieurement ; si un droit n’est pascontesté, il peut être ramené à exécution bien que sa preuve ne soit pasrapportée... Il faut donc distinguer les règles de preuve et les conditions d’exis-tence du droit. En particulier, lorsqu’un texte impose la rédaction d’un écrit, ilfaut déterminer s’il pose une règle de preuve ou une règle de forme : lorsquel’écrit est exigé à titre de preuve (ad probationem), son défaut ou sa nullité n’af-fecte pas le droit lui-même ; lorsque l’écrit est érigé en condition de forme (ad

cette dernière, le droit ne sait rien ; s’il s’y intéresse, ce n’est donc pas pour en permettre la manifestation, maisbien plutôt pour l’encadrer, et, au besoin, interdire d’y accéder » : X. LAGARDE, « Finalités et principes du droitde la preuve », JCP G 2005, I, 133, note 14, nº 2.

4. V. Ph. THÉRY, « Les finalités du droit de la preuve en droit privé », Droits, 1996, p. 41 et s. – X. LAGARDE,Finalités et principes du droit de la preuve, préc. – Adde J.-F. CESARO, Le doute en droit privé, préf. B. TEYSSIÉ,Ed. Panthéon-Assas, 2003.

5. X. LAGARDE, op. cit. L’auteur mène sa réflexion critique entièrement à partir de ce point de vue, sans avoirrecours aux idées de vérité ou de sécurité.

18 INTRODUCTION GÉNÉRALE

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solemnitatem), sa validité conditionne l’existence du droit (6). Mais il demeurevrai qu’en pratique si le titulaire d’un droit n’est pas en mesure d’en faire lapreuve, il est en grand danger de ne jamais pouvoir l’exercer, car il suffit quesurgisse une contestation pour que la protection judiciaire lui soit refusée. « Enréalité, l’existence juridique d’un fait dépend tellement de sa preuve que celle-cien reste la première condition d’efficacité » (7). Lorsque la loi facilite la preuveen certains domaines ou la rend plus ardue ailleurs, la politique juridique suivieest le plus souvent inspirée par des considérations tenant au fond.

Aussi, le droit français accueille-t-il le double aspect des règles de preuve enles distribuant, selon leur fonction, entre les lois de fond et les lois de procédure.Sont des lois de fond celles qui définissent le fait à prouver, celles qui détermi-nent les moyens de preuve admissibles selon la matière du litige, celles enfin quifixent la force probante de certains procédés de preuve. Au contraire, les lois quigouvernent l’administration de la preuve en justice et les incidents qu’elle peutsusciter ressortissent à la procédure (8).

C’est à propos des obligations, dans les articles 1353 à 1386-1, que le Codecivil expose l’essentiel des règles de fond concernant la preuve. La méthode n’estpas très satisfaisante, car la généralisation des solutions ne va pas sans quelquesdifficultés. Il est également délicat de combiner ces principes avec d’autres dis-positions traitant de la preuve de façon en quelque sorte incidente, à l’occasion dela réglementation de matières déterminées. Au total, un véritable système d’en-semble fait défaut au plan législatif.

Quant aux règles de procédure sur la preuve en justice, elles constituent unepièce importante du Code de procédure civile dont l’essentiel des dispositions àce sujet est repris d’un décret du 17 décembre 1973.

De l’ensemble de ces textes résulte notre régime probatoire. Son orientationgénérale peut être caractérisée à partir des options prises à l’égard de quelquesquestions fondamentales : le choix entre la méthode de la preuve légale et cellede la preuve morale, la définition du pouvoir d’initiative du juge et la part deliberté laissée aux parties elles-mêmes pour aménager les règles de preuve régis-sant leurs rapports.

§ 1. — Le rattachement à la loi du fond

8. Les règles de preuve n’influencent pas la validité d’un acte. Il est clas-sique de relever que parmi les divers formalismes qui existent en droit, doiventêtre séparés les formalismes (exigence d’un écrit ou d’une mention manuscriteparticulière notamment) dits ad validitatem et ad probationem. Alors que l’ac-complissement des premiers conditionne la validité de l’acte, l’observation des

6. V. M. A. GUERRIERO, L’acte juridique solennel, thèse Toulouse, 1973, LGDJ, 1975, préf. VIDAL,p. 165 et s.

7. GÉNY, Science et technique en droit privé positif, t. 3, nº 205.8. Cette répartition de la réglementation de la preuve présente de l’importance pour trancher les conflits de

lois dans le temps et dans l’espace (MOTULSKY, Encycl. Dalloz droit international, Vº Preuve) – Sur la répartitiondu droit de la preuve entre règles de fond et de procédure, V. DEVÈZE, thèse préc.

NATURE, SOURCES ET FINALITÉS DU DROIT DE LA PREUVE 19

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seconds détermine son existence aux yeux du juge. Bien qu’ils soient de physio-nomie tout à fait semblable, leurs effets juridiques diffèrent profondément et l’unne pourrait s’épancher sur l’autre. Notamment, le formalisme légal ad validitatemne saurait être transformé par le juge en règle de fond. En témoigne un arrêtrendu par la Cour de cassation le 18 janvier 2017 (9) à propos d’un cautionne-ment. Lorsqu’un tel contrat est consenti au bénéfice d’un créancier professionnelpar une personne physique, celle-ci est protégée par un formalisme ad validita-tem formulé à l’article L. 331-1 du Code de la consommation, lequel requiert laprésence dans l’acte de la mention : « en me portant caution de X., dans la limitede la somme de... ». L’article n’indique pas néanmoins si la somme doit êtreécrite à la fois en lettres et en chiffres. Or, un autre formalisme, ad probationemcette fois, applicable aux engagements unilatéraux de payer une somme d’argent(dont fait partie le cautionnement), l’article 1376 du Code civil (ancien arti-cle 1326), prévoit de son côté que la somme promise doit être écrite en lettres eten chiffres. En l’espèce, la caution avait écrit le montant du cautionnement enchiffres et non en lettres. Lorsqu’elle fut assignée en paiement par la banque prê-teuse, elle tenta d’y voir une violation du formalisme légal ad validitatem posépar l’article L. 341-2 du Code de la consommation (nouvel article L. 331-1 dumême code). Les juges du fond accueillirent sa demande en retenant que l’exi-gence générale posée par l’article 1326 du Code civil d’écrire en chiffres et enlettres le montant de l’engagement de la caution, devait s’appliquer aux disposi-tions de l’article L. 341-2 du Code de la consommation, car elle avait précisémentpour but, par la répétition de la somme, sous deux formes différentes, de faireprendre conscience au souscripteur de l’importance de son engagement. LaCour de cassation a censuré très justement la décision, énonçant que « l’articleL. 341-2 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l’ordon-nance du 14 mars 2016, n’impose pas la mention du montant de l’engagementde la caution à la fois en chiffres et en lettres, la cour d’appel, qui a ajouté à laloi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé ce texte ». En vertu du principed’indépendance entre règles de fond et règles de preuve, les juges n’avaient pas àétoffer le formalisme ad validitatem du texte spécial par le recours au texte géné-ral de portée uniquement probatoire.

9. Pour les conflits de loi dans l’espace, en droit international privé, l’ob-jet et la charge de la preuve sont rattachés à la loi du fond. Le droit interna-tional privé, confronté à la question du rattachement de la preuve à une règle deconflit de lois, distingue nettement selon les pans du droit de la preuve. Beaucoupd’entre eux sont rattachés aux lois du fond.

L’objet de la preuve est ainsi, en général, régi par la loi du fond. L’objet de lapreuve est en effet indissociable du fond dans la mesure où « ce qui doit êtreprouvé, ce sont les éléments de fait qui correspondent au présupposé » (10). Endroit de la filiation notamment, il est prévu que le mari doit prouver pour établir

9. Cass. com., 18 janv. 2017, nº 14-26604, AJ Contrat 2017, p. 122, obs. D. HOUTCIEFF ; RTD civ. 2017,p. 444, obs. P. CROCQ.

10. V. par ex. P. MAYER, V. HEUZÉ, B. RÉMY, Droit international privé, 12e éd., LGDJ, 2019, nº 523.

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sa non-paternité selon la loi applicable à la filiation. La lex fori entre en scèneuniquement pour assurer le respect de l’ordre public du for, ou pour les besoinsd’interprétation d’un traité international.

Il en va de même pour la charge de la preuve, elle aussi rattachée aux loisrégissant le fond du litige. Il est d’ailleurs très nettement affirmé par l’article 1353du Code civil (ancien article 1315), que la charge de la preuve revient à celui quiinvoque l’existence d’une obligation, ou bien, une fois cette existence établie, àcelui qui s’en prétend libéré. C’est bien dire que la charge de la preuve est établiepar référence à l’obligation litigieuse, donc par référence au fond, et non par réfé-rence à la position procédurale de demandeur ou défendeur à l’instance.

10. Pour les conflits de lois dans le temps, l’objet et la charge de lapreuve sont rattachés à la loi du fond. On retrouve de semblables raisonne-ments en matière de conflits de lois dans le temps. La Cour de cassation a pujuger que les règles relatives à la charge de la preuve ne constituent pas des règlesde procédure, applicables aux instances en cours, mais touchent le fond du droit,en sorte que les règles de la charge de la preuve applicables sont celles en vigueurau jour de l’introduction de l’instance (11).

On peut sans doute en dire autant des règles relatives à l’objet de la preuve,elles aussi intimement liées au fond du litige. Quant aux conflits de loi dans l’es-pace, on vient de voir que le droit international privé n’a pas hésité à rattacher lesrègles relatives à l’objet de la preuve, tout comme les règles relatives à la chargede la preuve, aux lois du fond (12).

§ 2. — Le rattachement à la loi de procédure

11. Pour les conflits de loi dans l’espace, l’administration de la preuve,dont son admissibilité, ainsi que sa force probante, sont régies, non sansnuances, par la loi de la procédure. La difficulté de savoir quelle est la loi quidétermine les modes de preuve admissibles dans un procès a été tranchée en deuxtemps. Quant à la preuve des actes juridiques, la jurisprudence a d’abord retenu laloi du fond, assimilant ainsi les formes probatoires aux formes solennelles desactes. Par la suite, dans un important arrêt « Isaac » du 24 février 1959, elle afinalement retenu l’application de la loi du for, considérant désormais que lesrègles d’admissibilité des preuves contribuent à la bonne administration de la jus-tice, à l’efficacité du tribunal qui statue (13). Mais cet arrêt a posé une nuance detaille, énonçant que « s’il appartient au juge français d’accueillir les modes depreuve de la loi du for, c’est néanmoins sans préjudice du droit pour les partiesde se prévaloir également des règles de preuve du lieu étranger de l’acte ». Désor-mais, le Règlement Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles

11. Cass. com., 7 nov. 1989, Bull. civ., IV, nº 281, p. 191 – Cass. soc., 13 déc. 2007, nº 06-44080, Bull. civ.,V, nº 208 ; D. 2008, p. 162.

12. V. supra, nº 9.13. Cass. civ., 24 févr. 1959, D. 1959, p. 485, note Ph. MALAURIE – Cass. 1re civ., 25 nov. 1981, Rev. crit. DIP

1982, p. 701, note J.-P. ANCEL – Cass. 1re civ., 5 janv. 1999, Rev. crit. DIP 1999, p. 293, note J. HUET –

V. P. MAYER, V. HEUZÉ, B. RÉMY, préc., nº 525.

NATURE, SOURCES ET FINALITÉS DU DROIT DE LA PREUVE 21

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reprend l’esprit de cette solution dans son article 18, 2 (14). En réalité, comme leremarquent MM.Mayer, Heuzé et Rémy, « la compétence de la loi du for n’estpas écartée ; c’est elle qui ordonne au juge de prendre en considération la loilocale (ou plus largement la lex formae) pour tenir compte de l’extranéité del’acte » (15). En guise de véritable exception à l’application de la loi du fond,ces auteurs finissent par énoncer que « c’est seulement lorsque l’admissibilitédes modes de preuve paraît, dans un domaine déterminé, être par nature indisso-ciable du fond que l’on peut écarter la loi du for. La jurisprudence a jugé qu’il enétait ainsi en matière d’établissement de la filiation, et l’on peut estimer, en effet,que ce qui caractérise le lien juridique de filiation, en le distinguant du lien bio-logique, est précisément le fait que sa preuve est réglementée ».

Enfin, en ce qui concerne les autres aspects de l’administration de la preuve,comme sa production, dont les règles sont d’ailleurs énoncées par le Code deprocédure civile et non le Code civil, son rattachement au juge est si fort qu’ilest très nettement admis que cette question est gouvernée par la loi du for (16).

Quant à la question de la force probante d’un acte, elle relève en général de laloi du for. La conviction du juge est ainsi guidée par son droit national. Cela vautà la fois pour les preuves écrites (17) et non écrites. Pour autant, les actes rédigésafin de constater des conventions (acte authentique, acte sous seing privé contre-signé par avocat) ont la force probante que leur attribue la loi qui en règle laforme, et ce afin de respecter les prévisions des parties (18).

On notera néanmoins que plusieurs travaux doctrinaux assez récents militenten faveur du rattachement des modes de preuves et de la force probante à la loidu fond (19).

12. Pour les conflits de loi dans le temps, les règles relatives aux modes depreuve et à l’administration de la preuve sont rattachées au régime des loisde procédure. Le rattachement aux lois de procédure, avec une exceptionmajeure, a été clairement affirmé quant aux modes de preuve, par la Cour decassation, notamment dans un arrêt du 28 avril 1986, par lequel sa premièrechambre civile a affirmé que « si, en général, les règles gouvernant les modesde preuve sont celles en vigueur au jour où le juge statue, il en est autrement en

14. « Les actes juridiques peuvent être prouvés par tout mode de preuve admis soit par la loi du for, soit parl’une des lois visées à l’article 11, selon laquelle l’acte est valable quant à la forme, pour autant que la preuvepuisse être administrée selon ce mode devant la juridiction saisie ».

15. V. P. MAYER, V. HEUZÉ, B. RÉMY, préc., nº 525. Ces auteurs préconisent d’étendre cette solution à lapreuve des faits juridiques dans les cas, assez rares, où la preuve d’un fait n’est pas libre aux yeux d’une loinationale.

16. V. P. MAYER, V. HEUZÉ, B. RÉMY, préc., nº 528.17. Cass. 1re civ., 14 juin 1983, Rev. crit. DIP 1984, p. 316, note J.-P. ANCEL – Cass. 1re civ., 12 nov. 1986,

Rev. crit. DIP 1987, p. 557, note E. POISSON-DROCOURT.18. V. P. MAYER, V. HEUZÉ, B. RÉMY, préc., nº 527.19. H. GROUD, La preuve en droit international privé français, PUAM, 2000. L’auteur fait notamment valoir

des raisons historiques pour le rattachement à la loi du fond, et un raisonnement par opposition à l’approcheanglo-américaine qui analyse essentiellement la preuve sous le prisme de la procédure – Adde E. FONGARO, Laloi applicable à la preuve en droit international privé, préf. B. BEIGNIER et J. FOYER, LGDJ, 2004, qui proposedes solutions ne consacrant pas pleinement l’une ou l’autre approche mais respectant la nature hybride de lapreuve.

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ce qui concerne les preuves préconstituées, qui sont soumises aux règles envigueur au jour de l’acte qu’il s’agit de prouver » (20). On voit que les jugesréservent le cas des actes juridiques soumis à des formalismes particuliers, etpour lesquels il est logique de prendre en compte la loi au jour de la constitutionde l’acte. On retrouve semblable raisonnement en droit international privé enmatière de preuve d’acte juridique, où il est demandé au juge du for de tenircompte de la loi du fond qui gouverne l’acte litigieux (21).

En toute hypothèse, ici comme ailleurs, le législateur peut expressément sou-mettre une loi sur la preuve à la rétroactivité, dans les limites désormais classi-ques des lois exceptionnellement rétroactives (22). Par exemple, la loi du 25 juin1982, qui a modifié l’article 334-8 du Code civil en admettant comme mode depreuve de la filiation naturelle la possession d’état, a été déclarée applicable auxenfants naturels nés avant son entrée en vigueur, mais ceux-ci ne peuvent l’invo-quer dans les successions déjà liquidées (23).

Pour ce qui est de la force probante, on peut appliquer un raisonnement simi-laire. La force probante est en principe une question liée à la procédure, précisé-ment à la conviction du juge, et doit donc être rattachée aux lois de procédure et àleur régime transitoire. Mais pour ce qui est des actes constatant des conventionset dotés d’une force probante légale particulière (par exemple l’acte authentique),on devrait considérer que l’acte est rattaché au régime transitoire applicable auxlois du fond. Il faudrait donc appliquer la disposition législative sur la force pro-bante d’un acte en vigueur au moment de la rédaction de ce dernier, afin de res-pecter les prévisions des parties.

Enfin, quant aux dispositions nouvelles venant modifier les règles relatives àl’administration de la preuve, elles sont en principe d’application immédiate (24).Roubier justifiait une telle règle en énonçant que « la procédure probatoire a pourobjet, non pas de créer une situation juridique pour les parties, mais d’éclairer ladécision du juge ; et il en résulte que, tant que le juge n’a pas statué, cette procé-dure reste en suspens et peut être atteinte par les lois nouvelles comme toutesituation en cours » (25).

20. Bull. civ., I, nº 106, p. 108.21. V. supra, nº 9.22. V. Introduction générale, t. 1, nº 566.23. V. D. HUET-WEILLER, « L’établissement de la filiation naturelle par la possession d’état (commentaire de

la loi du 25 juin 1982 modifiant l’article 334-8 C. civ.) », D. 1982, chron., p. 185 et s. – La succession liquidées’entend de la succession dans laquelle est intervenu un acte de partage définitif entre les parties : Cass. 1re civ.,3 nov. 1988, Bull. civ., I, nº 301, p. 205.

24. V. par ex. Cass. 1re civ., 2 avr. 2008, nº 06-10256 et 07-11639, Bull. civ., I, nº 101 ; D. 2008. p. 2363, obs.CHAUVIN.

25. P. ROUBIER, Le droit transitoire, 2e éd., Dalloz-Sirey, 1960, p. 561.

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Section 2

Sources du droit de la preuve

13. C’est le Code civil qui constitue la principale source du droit de lapreuve (§1), bien que d’autres sources, dont le Code de procédure civile naturel-lement, jouent aujourd’hui un rôle majeur en la matière (§2).

§ 1. — Le Code civil

14. La conception de la preuve dans le Code civil de 1804 : un droit despreuves sans guère de droit de la preuve en général. Le Code civil de 1804demeure le siège principal du droit de la preuve. Or, il n’avait presque pas étémodifié sur ce point avant la réforme de 2016. Il est vrai que ses dispositionsoriginelles, bien que nombre d’entre elles aient finalement pris un tour surannéau regard de l’évolution des techniques, n’étaient pas dénuées de qualités. Cer-tains articles ont été de véritables réussites, comme l’ancien article 1315 notam-ment, relatif à l’attribution de la charge de la preuve et repris à l’identique par lenouvel article 1353, l’ancien article 1341 porteur du principe de légalité de lapreuve des actes civils qui a, lui aussi, été largement repris en substance par l’ar-ticle 1359, ou encore les présomptions de fait de l’article 1353, largement reprisesau nouvel article 1382.

Pour autant, ce droit de la preuve proposé par le législateur de l’époque étaitsurtout un droit des preuves. Il y apparaît assez nettement que la preuve n’avaitpas été pensée comme un objet juridique en soi, méritant une théorie générale,ou, a minima, des principes généraux. Aucun article, si l’on excepte principale-ment les articles 1315 et 1341, ne proposait de tels principes aptes à bâtir unethéorie générale. Seuls comptaient les modes de preuve et leur particularisme,notamment les dispositions relatives aux écrits. Mis à part quelques modificationscosmétiques dans les années 80 (26), c’est surtout la réforme de 2000, accueillantla preuve électronique, qui a substantiellement modifié le corpus existant (27). Laréforme du droit des obligations en 2016 était donc l’occasion idéale pour revoiren profondeur l’ensemble des règles à l’aune des réelles améliorations qu’aconnue la théorie de la preuve durant les deux siècles écoulés. Le résultat n’estnéanmoins pas à la hauteur des attentes, bien que les textes nouveaux aient desmérites certains.

15. Une habilitation législative modeste (28). Alors que l’ambition de laréforme du droit des contrats et du régime général des obligations était affichée,celle du droit de la preuve a pu paraître en retrait dans les préoccupations du

26. La loi du 12 juillet 1980 a opéré un certain nombre de modifications, notamment en matière d’exigenced’une mention manuscrite dans les actes civils dépassant un certain montant : V. infra, nº 339.

27. Loi nº 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’infor-mation, sur laquelle : V. infra, nº 353 et s.

28. Sur ce constat, V. notamment : A. AYNÈS, « Droit de la preuve » (chron.), D. 2016, p. 2535 – J. DEVÈZE,« La non réforme du droit de la preuve », JCP G 2017, p. 684.

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législateur. Il suffit, pour s’en rendre compte, de se référer à l’article 8 la loi d’ha-bilitation en date du 16 février 2015 (29), qui avait assigné l’étendue des missionsdu gouvernement en ce domaine. Alors que l’habilitation législative pour le droitdes contrats ne comportait pas moins de neuf points (30) et exigeait du gouver-nement l’affirmation d’un certain nombre de règles nouvelles, en plus de la cla-rification et de la modernisation des règles anciennes, et que celle pour le régimegénéral des obligations comportait certes deux points seulement (31) mais faisantétat de la nécessité d’« introduire un régime général de l’obligation » et de« consacrer certaines actions », en plus là encore d’une modernisation et d’uneclarification, on ne retrouve rien de tout cela dans l’unique point d’habilitationrelatif à la preuve. L’habilitation législative, en ce lieu, se contente de fixer pourobjectif au gouvernement de « clarifier et simplifier l’ensemble des règles appli-cables à la preuve des obligations ; en conséquence, énoncer d’abord celles rela-tives à la charge de la preuve, aux présomptions de droit, à l’autorité de chosejugée, aux conventions sur la preuve et à l’admission de la preuve ; préciser,ensuite, les conditions d’admissibilité des modes de preuve des faits et des actesjuridiques ; détailler, enfin, les régimes applicables aux différents modes depreuve » (32). On le voit, si l’habilitation ne s’est pas contentée d’enjoindre augouvernement de fixer à droit constant les règles et apports jurisprudentiels accu-mulés en deux siècles d’existence des dispositions initiales du Code civil, dans lamesure où une simplification et une clarification étaient demandées, ainsi qu’uneprécision et un détail des règles en la matière, rien dans la loi d’habilitation netransparaît d’une volonté de réformer réellement le droit de la preuve, de lui don-ner un nouveau souffle, un régime général, des règles innovantes.

Cela étant dit, malgré la timidité de l’habilitation législative, le gouvernementaurait tout de même pu saisir l’occasion pour procéder à une réforme substan-tielle de la matière. Après tout, alors que l’habilitation législative ne l’autorisaitqu’à « regrouper les règles applicables à l’inexécution du contrat », il ne s’est pasprivé de les modifier si ce n’est de les bouleverser sans que le Conseil d’État n’ytrouve à redire (33). Il aurait pu faire de même avec le droit de la preuve. Il n’en arien été.

16. La réforme de la preuve n’a pas eu lieu (34). La réforme s’est finale-ment résumée à des retouches si cosmétiques que la doctrine n’a pas hésité à la

29. Loi nº 2015-177 du 16 févr. 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procé-dures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

30. Loi préc., art. 8, 1º au 9º.31. Loi préc., art. 8, 10º et 11º.32. L. nº 2015-177, art. 8, 12º, 16 févr. 2016.33. H. BARBIER, « Remarques introductives : étude de la conformité de l’ordonnance à l’habilitation législa-

tive », LPA 1er sept. 2015, nº 176, p. 12.34. E. VERGÈS, « Réforme du droit de la preuve civile. Quelle perspective après l’échec de l’ordonnance du

10 février 2016 ? », JCP G 2017, p. 875, nº 3 – G. LARDEUX, « Commentaire du Titre IV bis du nouveau Livre IIIdu Code civil intitulé “De la preuve des obligations” ou l’art de ne pas réformer », D. 2016, p. 85.

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