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TheFireBetweenHigh&LoCopyright©2016BrittainyC.Cherry

Tousdroitsréservés

Tousdroitsréservés,ycomprisledroitdereproductiontotaleoupartielle,sousquelqueformequecesoitsansleconsentementpréalabledel’éditeuroudel’auteur.Toutereproductionconstitueraituneviolationducodedelapropriétéintellectuelle.

Celivreestunouvragedefiction.Lesnoms,personnages,lieuxetévénementssontleproduitdel’imaginationdel’auteurouutilisésdefaçonfictive.Touteressemblanceavecdesfaitsréels,deslieuxoudespersonnesexistantsouayantexistéseraitpurementfortuite.

Titredel’éditionoriginale:TheFireBetweenHigh&LoCopyright:©2016,BrittainyC.Cherry

Photographiedecouverture:©FranggyYanezDesigndecouverture:QuirkyBird

PourlaprésenteéditionOuvragedirigéparIsabelleSolal

CollectionNewRomance®dirigéeparHuguesdeSaintVincent

©2017,ÉditionsHugoRomanDépartementdeHugo&Cie

34-36,rueLaPérouse75116-Paris

www.hugoetcie.fr

ISBN:9782755630404

Dépôtlégal:mars2017

CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

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Celivreestdédiéàtousceuxdontlefeuintérieurpermetdefaçonnerunavenirmeilleur.

Àceuxquidoiventsavoirqueleursfautespasséesnelesdéfinissentpas.

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Dumêmeauteur:

TheAirHeBreathesLovingMr.Daniels

Art&SoulTheSpaceinBetween

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SOMMAIRE

Titre

Copyright

Dédicace

Dumêmeauteur

PROLOGUE-ALYSSA

PREMIÈREPARTIE

1-LOGAN

2-ALYSSA

3-LOGAN

4-LOGAN

5-LOGAN

6-ALYSSA

7-LOGAN

8-ALYSSA

9-ALYSSA

10-ALYSSA

11-ALYSSA

12-LOGAN

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13-ALYSSA

DEUXIÈMEPARTIE

14-LOGAN

15-ALYSSA

16-LOGAN

17-LOGAN

18-ALYSSA

19-LOGAN

20-LOGAN

21-ALYSSA

22-LOGAN

23-LOGAN

24-LOGAN

25-LOGAN

26-ALYSSA

27-LOGAN

28-ALYSSA

29-LOGAN

30-ALYSSA

31-LOGAN

32-ALYSSA

33-LOGAN

34-ALYSSA

35-LOGAN

36-LOGAN

37-ALYSSA

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38-LOGAN

39-LOGAN

40-ALYSSA

41-LOGAN

42-ALYSSA

43-LOGAN

44-ALYSSA

45-LOGAN

46-ALYSSA

47-LOGAN

ÉPILOGUE-LOGAN

REMERCIEMENTS

ÀPROPOSDEL’AUTEUR

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PROLOGUEALYSSA

Legarçonaveclesweatàcapucherougemeregardaitfixementderrièremacaisse.Jel’avaisdéjàvu,souvent,etencorepasplustardquecelundimatin.Touslesjours,luietsescopainstraînaient dans la ruelle derrière le supermarché où je travaillais. Je les voyais quandmonpatronmedemandaitd’aplatirlescartonsetdelesjeterdehors.

Legarçonausweatàcapucherougeétaitlàtouslesjoursavecsescopains.Ilsfaisaientbeaucoupdebruit,fumaientdescigarettesenjurantgrossièrement.Ilsedétachaitdulotparcequelesautresriaientetsouriaient.Luisemblaitmuet,unpeucommesisonespritétaittrèsloindecequil’entourait.Lescoinsdesaboucheneserelevaientpratiquementjamais,jemedemandaiss’ilsavaitcequesourireveutdire.Peut-êtrequ’ilétaitunepersonnequiexistaitseulement,maisquinevivaitpas.

Nosregardssecroisaientparfois,etjedétournaistoujourslesyeux.Il m’était difficile de fixer ses yeux caramel, parce qu’ils contenaient plus de tristesse qu’ils

n’auraient jamais dû pour un garçon de son âge. En dépit des cernes profonds et violacés qui lessoulignaient,ainsiquedequelquesrides,iln’endemeuraitpasmoinsbeau.Unbeaugarçonlas.Aucungarçonn’auraitdûavoirl’airsiépuisétoutenétantsibeau.Jemedisaisqu’ilavaitvécucentannéesdelutteenuneseule jeunesse.Àlafaçondont ilse tenait, lesépaulescourbées, ledos toujoursvoûté, jedevinaiqu’ilavaittraversélespiresconflitsprivésqueneconnaissentlaplupartdesgensquiviventsurcetteterre.

Malgrétout,ilyavaitquelquechoseenluiquinesemblaitpastotalementbrisé.Sescheveuxnoirs,mi-longs, étaient toujoursparfaitement soignés.Toujours.Parfois, il sortaitun

petitpeigneetlepassaitdanssesboucles,commefaisaientlesblousonsnoirsdanslesannées1950.Ilétaittoujoursvêtudelamêmefaçon:unT-shirtblancuni,ouunnoir,sansinscriptions,avecparfoisson

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sweatàcapucherouge.Unjeaninvariablementnoir,deschaussuresnoiresavecdeslacetsblancs.Sansquejesachepourquoi,satenue,pourtanttoujourssimple,medonnaitlachairdepoule.

Je remarquai sesmains, aussi. Il jouait en permanence avecunbriquet qu’il allumait et éteignaitsansarrêt.Jemedemandaiss’ilétaitconscientdefaireça.C’étaitunpeucommesilaflammequisortaitdubriquetfaisaitpartiedelui.L’airblasé,lesyeuxfatigués,lescheveuxsoignés,etunbriquetàlamain.

Quelnompouvaitbienconveniràungarscommeça?Hunter,peut-être.Celafaisaitassezvoyou,cequ’ilétait,jen’endoutaispas.OuGus.Guslerocker.

RockyGus.OuMikey,parcequecelasonnaitdoux,cequiseraitentotalecontradictionavecsonlook,etcetteidéemeplaisait.

Mais,pourlemoment,sonnomn’avaitaucuneespèced’importance.Cequi importait, c’étaitqu’il se tenaitdevantmoi.Sonvisageétaitplus expressifque je l’avais

jamais vu quand il était dans la ruelle. Il était rouge comme une tomate et il remuait les doigtsnerveusement, debout à ma caisse au supermarché. Il avait l’air si horriblement gêné en passant etrepassant sa carte d’aide alimentaire dans le lecteur qu’il en était touchant. À chaque fois, elle étaitrefusée.Soldeinsuffisant.Àchaquefois,sonvisages’assombrissait.Solde insuffisant. Il semordit lalèvreinférieure.

–C’estn’importequoi,murmura-t-il.–Jepeuxl’essayersurmacaissesivousvoulez.Parfois,cesmachinesdébloquent.Jeluisouris,maisilnemerenditpasmonsourire.Sonvisageseplissaavecfroideur.Lessourcils

froncés,l’airagressif,ilmetenditquandmêmesacarte.Jelafisglisserdansmamachineetjefronçailessourcilsàmontour.Soldeinsuffisant.

–Celaditqu’iln’yapasassezd’argentsurlacarte.–J’avaiscompris,paslapeinedemefaireundessin,murmura-t-il.Grossierpersonnage.–C’estdesconneries.Ilavaitl’airvexéetrespiraitdefaçonsaccadée.–Onl’aprovisionnéehier.C’étaitqui,ce«on»?C’estpastesoignons,Alyssa.–Vousn’avezpasuneautrecarte?–Sij’avaisuneautrecarte,vouspensezquejenel’auraispasessayée?aboya-t-il,cequimefit

sursauter.Hunter.Ils’appelaitsûrementHunter.Hunterleméchant,levoyou.OuTravis.J’avaisluunlivre,

unefois,danslequelilyavaitunTravisetc’étaituntrèsmauvaisgarçon.Travisétaittellementmauvaisquej’avaisdûrefermerlelivrepournepasrougiretcriertoutàlafois.

Ilprituneinspiration,observalafiled’attentequiseformaitderrièreluietmeregardadroitdanslesyeux.

–Excusez-moi,jenevoulaispasvouscrierdessus.–Cen’estrien.

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– Non, non, ce n’est pas rien. Je suis désolé. Est-ce que je peux laisser tout ce bordel là, uneminute?Letempsquej’appellemamère.

–Oui,biensûr.Jevaisinterromprevotrecompteetnouspourronsenregistrervosarticlesunefoisqueleproblèmeseraréglé.Pasdesouci.

Ilapresquesouri,etmoij’aifailliperdrela tête.Jenesavaispascommentilarrivaitàpresquesourire.C’étaitpeut-êtrejusteunpincementdeslèvres,maisquandelless’incurvaientlégèrement,ilétaitsibeau!Jevoyaisbienquecen’étaitpasunechosequ’ildevaitfairetrèssouvent.

Lorsqu’ilsemitàl’écartpourcomposerlenumérodesamère,jefistoutmonpossiblepourécoutersaconversation.Toutenenregistrantlesachatsduclientsuivant, jetendaisl’oreilleet jetournaissansarrêtlesyeuxverslui.

–Maman,jedisjustequej’ail’aird’unimbécile,putain,jepasselacarteetelleesttoutletempsrefusée.

–Jeconnaislecode.J’aitapélecode.–Tuasutilisélacartehier?Pourquoifaire?Qu’est-cequetuasacheté?Iléloignaletéléphonetandisquesamèreluiparlaitetlevalesyeuxavantdelerapprocherdeson

oreille.–Commentça,tuasachetétrente-deuxcannettesdeCoca?Qu’est-cequ’onvafoutredetrente-deux

cannettesdeCoca?Ilcriait,ettoutlemondedanslesupermarchétournalatêteverslui.Sonregardcroisalemienet,de

nouveau, il eut l’air gêné. Je souris. Il fronça les sourcils.D’une beauté déchirante. Lentement, ilmetournaledosetretournaàsonappel.

–Etcommentonvafairepourmangercemois-ci?–Ouais,jeseraipayédemain,maisçaneserapasassezpour…non.Jenevaispasdemanderde

l’argent àKellan, encoreune fois…M’man, arrêtedemecouper laparole.Écoute-moi. Il fautque jepayeleloyer.Jenepourraijamais…

–M’man,ferme-la,ok?Tuasdépensétoutl’argentqu’onavaitpourmanger,toutçapouracheterduCoca!

Courtepause.Mouvementsdésordonnésdesbras,colère.–Nonetnon!JemefousquecesoitduDietCokeouduCocaZéro!Il se passa les doigts dans les cheveux en soupirant. Il posa son téléphone par terre quelques

instants,fermalesyeuxetinspiraprofondémentàplusieursreprises.Puisilleramassa.–Çava.Jevaismedébrouiller.Net’inquiètepas,d’accord?Jevaismedébrouiller.Jeraccroche.

Non,jenesuispasencolère,M’man.Ouais,jesuissûr.Jeraccroche,c’esttout.Ouais,jesais.Çaira.Jenesuispasencolère,ok?Excuse-moid’avoircrié.Jesuisdésolé.Non,jenet’enveuxpas.

Ilparlaitaussibasquepossible,maisjenepouvaispasm’empêcherd’écouter.–Excuse-moi.Lorsqu’il se retournaversmoi, j’avais fini avec ledernier client àmacaisse. Il haussa l’épaule

gaucheetserapprochaensefrottantlanuque.

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– Je ne crois pas que je vais pouvoir prendre ces trucs aujourd’hui. Désolé. Je peux aller lesreposerdanslesrayons.Excusez-moi.Désolé.

Iln’arrêtaitpasdes’excuser.Monestomacseserra.–Cen’estpaslapeine.Vraiment.Jevaism’enoccuper.J’aifinidetoutefaçon.Jevaislesranger.Ilfronçalessourcilsdenouveau.J’auraisaiméqu’ilarrêtedefaireça.–D’accord.Désolé.J’auraisaiméqu’il arrêtede s’excuser, aussi.Quand il s’enalla, je jetaiuncoupd’œildans ses

sacs.Celamefenditlecœurdevoirlesarticlesqu’ilscontenaient.Ilyenavaitaupluspouronzedollars,etilnepouvaitmêmepaslessortir.Desnouilleschinoises,descéréales,dulait,dubeurredecacahuètesetunpain–deschosesquej’achetaissansmêmeypenser.

Onneserendpascomptedecequ’onatantqu’onn’apasvucequelesautresn’ontpas.–Hé!Jecourusaprèsluidansleparking.–Hé!Vousavezoubliéça!Ilseretournalentementenplissantlesyeux,sanscomprendre.–Vossacs,j’expliquaienlesluitendant.Vousavezoubliévossacs.–Vousrisquezdevousfairevirer.–Quoi?–Pouravoirvolédel’épicerie.J’hésitaiuninstant,unpeusurprisequ’ilpensetoutdesuitequej’avaisvolécettenourriture.–Jenel’aipasvolée.Jel’aipayée.Ilmefixaavecperplexité.–Pourquoiferiez-vousça?Vousnemeconnaissezmêmepas.–Jesaisquevousessayezdevousoccuperdevotremère.Ilsepinçal’arêtedunezensecouantlatête.–Jevousrembourserai.–Nevousenfaitespaspourça.Cen’estpasimportant.Ilsemorditlalèvreinférieureetsepassalamainsurlesyeux.–Jevousrembourserai.Mais…merci.Merci…euh…Ilposalesyeuxsurmapoitrineet,l’espaced’uninstant,jemesentisunpeugênée,jusqu’àcequeje

comprennequ’ilcherchaitàliremonnomsurmonbadge.–Merci,Alyssa.–Derien.Ilseretournaetrepritsonchemin.–Etvous?Jecriaidanssondos,enhoquetantuneoudeuxfois…oupeut-êtrecinquantefois.–Quoimoi?demanda-t-ilsansseretournernimêmearrêterdemarcher.–C’estquoivotrenom?

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Hunter?Gus?Travis?Mikey?Oui,vraiment,çapouvaitêtreunMikey.–Logan,dit-il.Ilcontinuaàmarcher,sansseretourneruneseulefois.Jeportailecoindemoncolàmaboucheet

memisàlemâchonner.C’étaitunemauvaisehabitude,etmamèremedisputaittoujoursàcausedeça.Maismamèren’étaitpaslà,etdespapillonsminusculessemirentàvoleterdansmonestomac.

Logan.Àlaréflexion,ilavaitbienunetêteàs’appelerLogan.

***

Quelques joursplus tard, il revintpourmerembourser.Puis il semitàvenir toutes lessemainespouracheterunpain,oudesnouilleschinoises,ouunpaquetdechewing-gum.Ilpassait toujoursàmacaisse.Unbeaujour,Loganetmoi,ons’estmisàbavarderpendantqu’ildéposaitsesachats.Ons’estaperçusquesondemi-frèresortaitavecmasœuretqueçafaisaituneéternitéqu’ilsétaientensemble.Unbeaujour,ilapresquesouri.Etmêmeunefois,jejurequ’ilari.Onpeutdirequ’onestdevenusamis,audépartenéchangeantquelquesmotsqui,peuàpeu,sesonttransformésendevraiesconversations.

Quand je sortais du travail, je le trouvais assis sur le trottoir du parking, à m’attendre, et nouscontinuionsàbavarder.

Onbronzaitenrestantensembleausoleil.Onseséparaittouslessoirssouslesétoiles.J’airencontrémonmeilleuramiàlacaissed’unsupermarché.Etmavieenaétéchangéeàjamais.

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PREMIÈREPARTIE

Sonâmeétaitincandescenteetilbrûlaitquiconquesetenaittropprès.

Elles’approcha,sanscraindreledestinquimenaçaitdelesréduireencendres.

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1LOGAN

Deuxans,septpetitesamies,deuxpetitsamis,neufrupturesetuneamitiéplustard

toujoursplussolide

J’avaisregardéundocumentairesurlestartes.Deux heures de ma vie passées, assis devant une télé minuscule, à regarder un DVD emprunté à labibliothèquesurl’histoiredelatarte.Ils’avéraitquelatarteremontaitàl’Égypteancienne.LapremièretarterépertoriéeavaitétécrééeparlesRomains.Ilsfaisaientunetarteaufromagedechèvreetaumielsurunepâteauseigle.Celaavaitl’airparfaitementdégoûtant,maisjenesaispaspourquoi,àlafindudocumentaire,j’avaisterriblementenviedecettefichuetarte.

Jen’étaispastropportésurlestartessalées,jepréféraislesgâteaux,maisàcemoment-là,toutcequej’avaisentêtec’étaitunepâtefeuilletée.Etaussi, jedisposaisdetoutcequiétaitnécessairepourremonter dans notre appartement et confectionner la tarte. La seule chose quim’en empêchait, c’étaitShay,manouvelleex-petiteamieàqui,depuisplusieursheures,j’envoyaisdessignauxbrouillés.

J’étaisvraimentnulquandils’agissaitderompre.Laplupartdutemps,jemecontentaisd’unsimpletexto–«Çanemarchepasentrenous,désolé»–oubienuncoupdefildecinqsecondes,maiscettefoisjenepouvaispasfaireça,parcequ’Alyssam’avaitditqueromprepartéléphoneétaitcequ’onpouvaitfairedepire.

Alors,j’étaisallétrouverShayenpersonne.Trèsmauvaiseidée.Shay,Shay,Shay. Je regrettaisd’avoiréprouvé lebesoindecoucheravecellecesoir-là,ceque

nousavionsfait.Troisfois.Aprèsquej’avaisrompuavecelle.Maismaintenant,ilétaitplusd’uneheure

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dumatinet…Elle.Refusait.Departir.Ellen’arrêtaitpasdeparler,enplus.Nousétionslà,deboutdevantmonimmeuble,sousunepluiefroideetbattante.Jenepensaisqu’à

une chose : aller dansmachambrepourmedétendreunpeu.Était-ce tropdemander ?Fumerunpetitjoint,regarderunautredocumentaireetfaireunetarte…ouplusieurs.

J’avaisenvied’êtreseul.Personnen’aimaitautantêtreseulquemoi.Unealertesonnasurmontéléphone.Lenomd’Alyssaapparutsurl’écranavecunSMS.Alyssa:C’estfait,cettebonneaction?Jemesourisàmoi-même,jesavaisqu’elleparlaitdemaruptureavecShay.Moi:Ouais.Jeregardailestroisellipsesapparaîtresurl’écranenattendantsaréponse.Alyssa:Tun’aspascouchéavecelle,aumoins?Nouvellesellipses.Alyssa:OhmonDieu,tuascouchéavecelle,c’estça?Encoredesellipses.Alyssa:SIGNAUXBROUILLÉS!Jenepusm’empêcherde rigoler,parcequ’ellemeconnaissaitmieuxquequiconque.Cela faisait

deuxansqu’Alyssaetmoiétionsamis,etnousétionstotalementdifférentsl’undel’autre.SasœuraînéesortaitavecmonfrèreKellan,etaudébut,Alyssaetmoiétionspersuadésden’avoir rienencommun.Elleallaitàl’égliseavecjoietandisquejefumaisdesjointsaucoindelarue.EllecroyaitenDieualorsque jedansaisavec lesdémons.Elleavaitunaveniralorsqu’onauraitditque j’étaisemmurédans lepassé.

Pourtant,nousavionscertaineschosesqui,quelquepart,nousrapprochaient.Samèrelatoléraitàpeine,mamèremedétestait.Sonpèreétaitunabruti,monpèreétaitlediable.

Quandnousnousétionsrenducomptequenousavionscespetiteschosesencommun,nousavionscommencéàpasserplusdetempsensemble,etnousétionsdevenuschaquejourplusproches.

C’étaitmameilleureamie,lesoleildemesjoursmerdiques.Moi:J’aicouchéavecelleunefois.Alyssa:Deuxfois.Moi:Ouais,deuxfois.Alyssa:TROISFOIS?!OH,BONSANG,LOGAN!–Àquiest-cequetuparles?ditShayd’untonplaintifquimefitleverlesyeuxdemontéléphone.

Quipouvaitbienêtreplusimportantquecetteconversation,làtoutdesuite?–Alyssa.–Ohnon.Sérieux?Ellenepeutvraimentpassepasserdetoi,hein?Cen’étaitpasnouveau.Toutes les fillesavecqui j’étais sortidepuisdeuxanss’étaientmontrées

extrêmementjalousesdemarelationavecAlyssa.

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–Jepariequetulabaises.–Ouais,eneffet.C’était lepremiermensonge.Alyssan’étaitpasune fille facile,etmêmesielle l’était,ellene le

serait pas avec moi. Elle avait des exigences, et je n’étais pas à la hauteur. Moi aussi, j’avais desexigencespourlesrelationsd’Alyssa,etaucunmecn’étaitàlahauteurdecesexigences.Elleméritaitcequ’il y avait demieux aumonde, et la plupart des gens de True Falls,Wisconsin, n’avaient que desmiettesàoffrir.

–Jepariequec’estàcaused’ellequetuasdécidéderompreavecmoi.–Oui,c’estça.C’étaitledeuxièmemensonge.Jefaisaismespropreschoix,maisAlyssamesoutenaittoujours,quoi

quejefasse.Cependant,ellemedonnaittoujourssonavisetellemedisaitquandjefaisaisfausseroutedanstoutesmesrelationsamoureuses.Parfois,elleétaitdouloureusementdirecte.

–N’empêche,ellenesemettraitjamaisvraimentavectoi.C’estunefillebien,elle,alorsquetoi,toitun’esqu’unesous-merde!

–Tuasraison.Ça,c’étaitlapremièrevérité.Alyssaétaitunefillebien,etmoi,j’étaislegarçonquin’avaitjamais

eulapossibilitédelaconsidérercommesienne.Mêmesi,parfois,jeregardaissescheveuxblonds,fous,ondulés,enimaginantcequeçaferaitdelatenircontremoietdedoucementgoûteràseslèvres.Peut-êtreque,dansunautremonde,jeluiauraissuffi.Peut-êtrequejen’auraispasétébousillédepuismonenfanceetquej’auraispuavoirunevienormale.Jeseraisalléàlafacetj’auraiseuunecarrière,quelquechosequimemetteàmonavantage.

Alors,j’auraispuluidemanderdesortiravecmoietjel’auraisemmenéedansunrestaurantchic,etje luiauraisditdecommander toutcequ’ilyavait sur lacarte,parceque l’argentn’auraitpasétéunproblème.

J’auraispuluidirequesesbeauxyeuxbleussouriaienttoutletemps,mêmequandellefronçaitlessourcils,etquej’adoraislafaçondontellemâchonnaittouslescolsdesesT-shirtsquandelles’ennuyaitouqu’elleétaitnerveuse.

J’auraispuêtreunepersonnedigned’êtreaiméeetellem’auraitpermisdel’aimer,enplus.Dansunautremonde,peut-être.Maislà,jen’avaisquelemonded’icietmaintenant,oùAlyssaétait

mameilleureamie.J’avaisdéjàassezdechancedel’avoirsouscetteforme.–Tuasditquetum’aimais!Shaypleurait sans retenir les larmesqui roulaient sur ses joues.Depuiscombiende tempsest-ce

qu’ellepleurait?C’étaitunepleureuseprofessionnelle,celle-ci.J’observaissonvisageenglissantlesmainsdanslespochesdemonjean.NomdeDieu.Elleavait

unemine affreuse.Elle planait encore, depuis tout à l’heure, et sonmaquillage était étalé sur tout sonvisage.

–Jen’aijamaisditça,Shay.

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–Si,tul’asdit!Plusd’unefois!–Turacontesn’importequoi.J’auraispuchercherdansmessouvenirspoursavoirsicesmotsm’avaientéchappéàunmomentou

àunautre,maisjesavaisquecen’étaitpaspossible.Jen’aimaispas.C’esttoutjustesij’éprouvaisdel’affection.Jemepassailesdoigtssurlestempes.IlfallaitvraimentqueShaymontedanssavoitureetqu’elles’enailleloin,trèsloin.

–Jenesuispasfolle,Logan!Jesaiscequetum’asdit!Elleétaitsûrequejel’aimais.Cequi,dansl’ensemble,étaitplutôttriste.–Tul’asdittoutàl’heure!Tuterappelles?Tuasditquetum’aimais,putain!Toutàl’heure?Oh,merde!–Shay,j’aiditquej’aimaistebaiser.Pasquejet’aimais.–C’estpareil.–Pasdutout,tupeuxmecroire.Ellebalançasonsacdansmadirectionetjen’évitaipaslecoup.Pourêtrefranc,jeleméritais.Elle

recommença,etjeprislecoupencoreunefois.Quandellelebalançaunetroisièmefois,jel’attrapaiettiraidessuspourl’attirer–etelleavec–versmoi.Mamainatterritsursesreinsqu’ellecambraàmoncontact.Jeserraisoncorpscontrelemien.Ellerespiraitfortetdeslarmescontinuaientàroulersursesjoues.

–Nepleurepas,jemurmuraienfaisantassautdemoncharmepouressayerdelafairepartir.Tuestropbellepourpleurer.

–Tuesunvraiconnard,Logan.–Etc’estbienpourçaquetunedevraispassortiravecmoi.–Celafaittroisheuresqu’onarompu,ettuesdevenuquelqu’undecomplètementdifférent.–C’estdrôle,parceque ladernière foisque j’aivérifié,c’était toiquiavaischangéquand tues

sortieavecNick.–Oh,arrêteavecça.C’étaituneerreur.Onn’amêmepascouché.Tuesleseulgarçonavecquij’ai

couchédepuissixmois.–Heu,çafaithuitmoisqu’onsortensemble.–T’esprofdemathsouquoi?Qu’est-cequeçapeutfaire?Depuisdeuxans,Shayétait lapremièrefilleavecqui j’étaisrestéaussi longtemps.Laplupartdu

temps,c’étaitunmoismax,maisavecShayonavait tenuhuitmoisetdeuxjours.Jenesavaispastrèsbienpourquoi,sicen’estquesavieétaitlarépliqueexactedelamienne.Samèreétaitloind’êtrestableetsonpèreétaitenprison.Ellen’avaitpersonnequ’ellepouvaitregarderavecrespect,etsamèreavaitflanquésasœuràlaporteparcequ’elles’étaitfaitfoutreencloqueparunconnard.

Peut-êtrequemoncôtéobscuravaitreconnuetrenduhommageausienpendantunpetitmoment.Onallaitbienensemble.Mais,avecletemps,jem’étaisrenducomptequec’étaitjustementàcausedeces

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ressemblancesqueçanepouvaitpasvraimentcollerentrenous.Onétaittropdéglinguéstouslesdeux.ÊtreavecShay,c’étaitcommeregarderdansunmiroirquimerenvoyaitl’imagedetoutesmescicatrices.

–Shay,onarrête,maintenant.Jesuisfatigué.– Ok. J’avais oublié. Toi, tu es monsieur Parfait. Ça peut arriver qu’on prenne les mauvaises

décisions,expliqua-t-elle.–Tuasflirtéavecmonpote,Shay.–Cen’étaitqueça:unflirt!Etjel’aifaitparcequetum’avaistrompée,c’esttout.–Jenesaispasquoirépondreàça,vuquejenet’aijamaistrompée.– Peut-être pas au sens sexuel, mais émotionnellement, Logan. Tu n’étais jamais vraiment là ni

impliqué.Toutça,c’estdelafauted’Alyssa.C’estàcaused’ellequetunet’esjamaisvraimentengagéavecmoi.C’estvraimentunesalegar…

Jeluiplaquailamainsurlabouchepourl’empêcherdefinirsaphrase.–Arrêtetoutdesuite,avantd’allertroploin.Jebaissailamainetellegardalesilence.– Je ne t’ai jamais caché qui j’étais. Tu n’as qu’à t’en prendre à toi-même si tu as cru que tu

pourraismechanger.–Tuneserasjamaisheureuxavecpersonne,tusaisça?Parcequetuestropaccroàunefillequetu

n’auras jamais.Tufinirasseul, tristeetamer.Etc’est làquetucomprendrascequetuasperduenmequittant!

–Tunevoudraispastebarrer?Jesoupiraienmepassantlamainsurlevisage.J’envoulaisàAlyssa.«Rompsavecelleenpersonne,Lo.C’estlaseulefaçondefairepourunvraimec.Çanesefait

pasderomprepartéléphone.»Elleavaitdesidéesàlacon,parfois.Shaycontinuaitdepleurer.BonDieu,ceslarmes.Jenepouvaispassupporterleslarmes.Après quelques reniflements supplémentaires, elle baissa les yeux puis releva la tête avec un

renouveaud’assurance.–Jecroisqu’ondevraitrompre.Jesursautai.–Rompre?Onvenaitjustedelefaire!–Jen’aipasl’impressionquenousallionsdanslamêmedirection,toietmoi.–D’accord.Elleposalesdoigtssurmeslèvrespourmefairetaire,mêmesijeneparlaispas.–Nesoispastriste.Jesuisdésolée,Logan.Maisjecroisqueçanepeutpascollerentrenous.

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Jericanaiintérieurement.Ellefaisaitcommesic’étaitsonidéederompre.Jereculaid’unpasenmettantlesmainssurmanuque.

–Tuasraison.Tuestropbienpourmoi.Qu’est-cequetufousencorelà?Ellevintversmoieteffleurameslèvresduboutdesdoigts.–Tu trouverasquelqu’undebien.J’ensuissûre.Jeveuxdire,biensûrelleserapeut-êtremoche

commeunpou,maisquandmême.Elle courut jusqu’à sa voiture, ouvrit la portière et passa derrière le volant. Quand sa voiture

démarra,monestomacsenouaet jefussaisideregrets.Jepiquaiunsprintsous lapluieencriantsonnom.

–Shay!Shay!Enluifaisantdessignesdansl’obscurité,jecourusderrièreellependantaumoinscinqblocsavant

qu’ellen’arriveàunfeurouge.Lorsquejetambourinaisursavitre,ellehurladeterreur.–Logan!Qu’est-cequetufous,bonsang?cria-t-elleendescendantsavitre.Sasurprisesechangeaenunsourireempreintdefiertéetelleplissalesyeux.–Tuveuxqu’onseremetteensemble,c’estça?J’enétaissûre.–Je…Je soufflais. Je n’avais rien d’un athlète, ça c’était plutôt le rayon de mon frère. J’essayai de

reprendremonsouffleenm’appuyantdesdeuxmainssurlereborddesavitre.–Je…J’ai…be…besoin…–Tuasbesoindequoi?Dequoi,Bébé?Dequoias-tubesoin?Ellepassalamaindoucementsurmajoue.–Latarte.Ellereculasursonsiège,perplexe.–Quoi?–Latarte.Lesingrédientspourlatartequenousavonsachetéstoutàl’heure.Ilssontsurlesiège

arrièredetavoiture.– C’est pas vrai, tu te fous de moi ! Tu m’as couru après pendant cinq pâtés de maisons pour

récupérerdesingrédientspourfaireunetarte?Jehaussaiunsourcil.–Heu…ouais?Elletenditlebrasverslesiègearrière,saisitvivementlesacetmeleflanquacontrelapoitrine.–Nonmais,j’ycroispas!Tiens,lesvoilàtestrucsdemerde!Jesouris.–Merci.Savoituredémarraentrombeetjenepusm’empêcherderirequandjel’entendiscrier:–Tumedoisvingtdollarspourcefromagedechèvre!Dèsquejemislepieddansmonappart,jesortismontéléphonepourenvoyeruntexto.

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Moi:Laprochainefoisquejeromps,ceseraparSMS.Alyssa:Àcepoint-là?Moi:Horrible.Alyssa:Jesuistristepourelle.Elleavaitvraimentdel’affectionpourtoi.Moi:Ellem’atrompé!Alyssa:Malgrétout,tuastrouvélemoyendecoucheravecelletroisfoisaujourd’hui.Moi:Tuesdequelcôté?Ellipses.Alyssa:C’estunvraimonstre !Jesuis raviequ’ellesoitsortiede tavie.Personneneméritede

sortir avecquelqu’und’aussiperturbé.Elleest écœurante. J’espèrequ’ellemarcheraaccidentellementsurdesblocsLegotoutlerestedesavie.

Ça,c’étaitlaréactionquej’attendais.Alyssa:Jet’aime,monmeilleurami.Enlisantcesmots,jem’efforçaidenepasfaireattentionautiraillementdansmapoitrine.Jet’aime.

Jen’avaisjamaisditçaàpersonne,mêmepasàmamèreouàKellan.Maisparfois,quandAlyssaMarieWaltersdisaitqu’ellem’aimait,j’auraisaimépouvoirluidirelamêmechose.

Maisjen’aimaispas.C’esttoutjustesij’éprouvaisdel’affection.En tout cas, c’était le mensonge que je me répétais quotidiennement pour éviter de souffrir. La

plupartdesgensvoyaientl’amourcommeunerécompense,maismoijesavaiscequ’ilenétait.J’avaisvumamèreaimermonpèrependantdesannées,etriendebonn’enétaitjamaissorti.L’amourn’estpasunebénédiction,c’estunemalédiction,etunefoisquevousl’avezlaisséentrerdansvotrecœur,iln’ylaissequedesmarquesdebrûlures.

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2ALYSSA

Moi:Salut,Papa.Justepourvérifierquetuviensbienaurécitaldepiano.Moi:Hello!Tuasreçumonderniertexto?

Moi:Coucou,c’estencoremoi.C’estjustepoursavoirsituvasbien.Ons’inquiète,Erikaetmoi.Moi:Papa?Moi:??Moi:Tunedorspas,Lo?Jeregardaifixementmontéléphone,lecœurbattantenenvoyantleSMSàLogan.Jeregardail’heure

enpoussantungrossoupir.Deuxheurestrente-trois.J’aurais dûdormir,mais je pensais àmonpère. Je lui avais envoyéquinze textos endeux jours,

laissédixmessagessursaboîtevocale,etjen’avaistoujourspasreçuderéponse.Jerespiraiprofondément,montéléphoneposésurmapoitrine.Quandilsemitàvibrer,jerépondis

aussitôt.Jemurmuraidansletéléphone,meréjouissantsecrètementqu’ilaitrépondu:–Tudevraisdormir.Pourquoiest-cequetunedorspas?–Qu’est-cequinevapas?demandaLogansansrépondreàmaquestion.Unpetitgloussements’échappademeslèvres.–Qu’est-cequitefaitpenserquequelquechosenevapas?–Alyssa,dit-ild’untonsévère.–Peau-de-Fessenem’apasrappelée.Jel’aiappeléaumoinsvingtfoiscettesemaine,etilnem’a

pasrappelée.

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Peau-de-Fesse, c’est le douxnomquenous avions donné àmonpère quand il nous avait laisséstomber,moietmafamille.Luietmoiavionsétéextrêmementproches,lesdeuxmusiciensdelafamille,etquandilnousaquittés,unepartiedemois’estenvoléeaveclui.Jeneparlaispassouventdelui,maisjen’avaispasbesoindelefaire,Logansavaittoujoursquecelameposaitproblème.

–Oublie-le.C’estuneordure.–Lerécitald’étédepiano,leplusimportantdemacarrière,estpourbientôt,etjenesaispassije

vaisyarrivers’iln’estpaslà.Jefaisaistoutmonpossiblepourcanalisermesémotions.Jefaisaistoutcequejepouvaispourne

paspleurer,maiscesoir-làjesentaisquej’allaisperdrelapartie.MamèreetErikan’étaientpasaussiinquiètesquemoi.Peut-êtreparcequ’ellesn’avaientjamaisvraimentcomprisquiilétait,commeartisteet comme interprète. Toutes les deux, elles avaient un esprit pragmatique qui allait de pair avec unegrande stabilité – papa et moi, nous étions des sortes d’esprits vagabonds, nous dansions dans lesflammes.

Maisdepuisquelquetemps,iln’avaitpasappelé.Etj’étaistrès,trèsinquiète.–Alyssa…–Lo…Mavoixtremblaitlégèrement.Ilm’entendaitreniflerdansletéléphone.Jemeredressai.–Quandj’étaispetite,jeflippaisvraimentquandilyavaitdel’orage.Jecouraisdanslachambre

demesparentsenlessuppliantdemelaisserdormiraveceux.Mamèrerefusaittoujours,parcequ’elledisaitquejedevaisapprendrequejen’avaisrienàcraindredel’orage.Peau-de-Fessenelacontredisaitjamais.Alors,jeretournaisdansmachambre,jemeroulaisenboulesousmescouvertures,j’écoutaisletonnerreetjefaisaistoutcequejepouvaispournepasvoirleséclairs.Auboutd’uneminute,laportedemachambres’ouvrait,ilavaitsonclavierdanslesmainsetiljouaitàcôtédemonlitjusqu’àcequejem’endorme.Laplupartdutemps,jesuisforte.Jevaisbien.Maiscesoir,avecl’orage,ettouscesappelssansréponse…ilmedémolitcesoir.

–Nelelaissepasfaire,Alyssa.Nelelaissepasgagner.–J’aijuste…Jecraquaietfondisenlarmesdansletéléphone.–J’aijusteuncoupdeblues,c’esttout.–Jeviens.–Quoi?Non,ilesttard.–J’arrive.–Ilestplusdedeuxheures,Logan.Iln’yaplusdebus.Etpuismamèreafermélagrilleetlaporte

d’entréeàclé.Tunepourraispasentrer,detoutemanière.Çavaaller.Mamèreétaituneavocateréputéeetelleavaitdel’argent,beaucoupd’argent.Noushabitionssur

les hauteurs, avec une énorme grille qui faisait tout le tour de la propriété. C’était pratiquementimpossibled’entrerunefoisqu’elleavaitferméàclépourlanuit.

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–Çavaaller, je te lepromets.Jevoulais justeentendretavoixetquetumerappellesquejemeportemieuxsanslui.

–Parcequec’estvrai.–Ouais.–Non,Alyssa.Vraiment.TuesmeilleurequePeau-de-Fesse.Je me mis à sangloter de plus belle et je dus me couvrir la bouche de la main pour qu’il ne

m’entendepaspleureraussi fort.Moncorpsétaitsecouédesanglotsdansmon lit,et j’étaiseffondrée,meslarmescoulaientsurmonoreilleretlespenséesquitournaientdansmatêtenefaisaientqu’augmentermoninquiétude.

Etsiquelquechoseluiétaitarrivé?Ets’ils’étaitremisàboire?Etsi…–Jeviens.–Non.–Alyssa,s’ilteplaît.Onauraitditqu’ilmesuppliait.–Tuesdéfoncé?Ilhésita,cequiéquivalaitàuneréponsepourmoi.Jesavaistoujoursquandilavaitfumé,surtout

parcequ’ilétaitpresquetoujoursstone.Ilsavaitquecelam’ennuyait,maisildisaitqu’ilétaitcommelehamsterdanssaroue,incapabledechangerseshabitudes.Nousétionssidifférentsàbiendeségards.Jen’avaispasfaitgrand-chose.Engros,j’allaistravailler,jejouaisdupianoetjetraînaisavecLogan.Ilavaitexpérimentébeaucoupplusdechosesquecequej’auraispuimaginer.Ilprenaitdesdroguesdontjeneconnaissaismêmepaslenom.Ilseperdaitpresquetouteslessemaines,engénéralaprèsavoircroisésonpèreous’êtreoccupédesamère,maisjenesaiscomment,ilretrouvaittoujourssoncheminjusqu’àmoi.

Jem’efforçaisdefairecommesicelam’étaitégal,maisparfoiscelam’embêtait.–Bonnenuit,monmeilleurami,jedisdoucement.–Bonnenuit,mameilleureamie,merépondit-ilensoupirant.

***

Ilavaitlesmainsdansledosetilétaittrempédelatêteauxpieds.Sescheveuxbrunsquiondulaientnaturellementétaienttoutcolléssursatête,etdesmèchesluitombaientdanslesyeux.Ilportaitsonsweatàcapucherougepréféré,etsonjeannoiravaitplusd’accrocsqu’onpouvaitimaginer.Etpourcouronnerletout,unsourireniaiss’étalaitsursonvisage.

–Logan,ilesttroisheuresetdemiedumatin,jemurmuraienespérantnepasréveillermamère.–Tupleurais,dit-il,deboutdevantlaported’entrée,etl’oragenes’arrêtaitpas.–Tuesvenuàpied?Iléternua.–Cen’estpassiloinqueça.

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–Tuasescaladélagrille?Ilsetournaunpeupourmemontrerunaccrocdanssonjean.–J’aiescaladélagrille,etenplus…Ilpassalesmainsdevantlui,meprésentantunplatàtarterecouvertdepapierd’alu.–Jet’aifaitunetarte.–Tuasfaitunetarte?–J’avaisregardéundocumentairesurlatarteunpeuplustôtdanslajournée.Tusavaisquelatarte

existedepuisl’Égypteancienne?LapremièretarterépertoriéeaétéinventéeparlesRomains,etc’étaitunepâteauseigle…

–Latarteaufromagedechèvreetaumiel?Ilrestabouchebée.–Commenttulesais?–Tum’enasparléhier.Ilpritl’airgêné.–Oh,jevois.Jememisàrire.–Tuesdéfoncé.Ilricanaenhochantlatête.–Jesuisdéfoncé.Jesouris.–Ilfauttroisquartsd’heurepourveniràpieddecheztoijusqu’ici,Logan.Tun’auraispasdûfaire

ça.Ettutremblesdefroid.Entre.Je l’attrapaipar lamanchede son sweatdégoulinant et le tirai tout le longducouloir jusqu’à la

salledebainsattenanteàmachambre.Jefermailaportederrièremoietlefisasseoirsurlecouvercledusiègedestoilettes.

–EnlèvetonsweatettonT-shirt.Ilsouritd’unairespiègle.–Tunem’offrespasunverred’abord?–LoganFrancisSilverstone,nesoispaschelou.–AlyssaMarieWalters,jesuistoujourschelou.C’estcequiteplaîtchezmoi.Iln’avaitpastort.IllançasonsweatetsonT-shirtdanslabaignoire.Mesyeuxsebaladèrentsursontorseunesecondeetjefismonpossiblepourignorerlespapillons

dansmonestomactandisquejel’enveloppaisdanstroisserviettesdetoilette.–Qu’est-cequit’asprisdefaireça,bonsang?Sesyeuxcouleurcaramelétaient tendres,et il sepenchaversmoienmeregardantdroitdans les

yeux.–Tuvasbien?

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–Çava.Jeluipassailesdoigtsdanslescheveux,ilsétaientglacésetdoux.Ilobservaitlemoindredemes

gestes. Je saisis une petite serviette,m’agenouillai devant lui et en secouant la tête, j’entrepris de luisécherlescheveux.

–Tuauraisdûrestercheztoi.–Tuaslesyeuxrouges.Jericanai.–Toiaussi.Uncoupdetonnerreéclata,etjefisunbond.Loganmeposaunemainrassurantesurlebras,etun

petithoquets’échappademeslèvres.Jenepusm’empêcherderegardersesdoigtssurmoi,etsonregardsefixaaumêmeendroit.Enm’éclaircissantlavoix,jefisunpasenarrière.

–Alors,onlamangemaintenantcettetarte,ouiounon?–Onlamangemaintenant.Nousnousdirigeâmesvers lacuisine,ensilencepournepasréveillermamère,mais j’étaissûre

queçane risquaitpasavec laquantitéde somnifèresqu’elleavalait tous les soirs.Logans’assitd’unbondsurleplandetravail,torsenu,avecsonjeantrempé,entenantsatarteàlamain.

–Desassiettes?–Unefourchette,çaira.J’attapaiunefourchetteetjem’assissurleplandetravailàcôtédelui.Ilmepritlafourchettedes

mainsetlapiquadansungrosmorceaudetartequ’ilmetendit.Jelemisdansmabouche,fermailesyeuxetmepâmai.

Purée.C’étaitunasde lacuisine.Jen’enétaispasvraimentcertaine,mais jedoutaisque lespersonnes

capables de réussir une tarte au fromage de chèvre et aumiel soient très nombreuses.Non seulementLoganl’avaitfaitemaisilluiavaitdonnévie.Elleétaitcrémeuse,fraîche,unvrairégal.

Lesyeuxtoujoursfermés,j’ouvrislabouchedansl’attented’uneautrebouchée,qu’ilmedonna.–Mmm.Jesoupiraid’aise.–C’estmatartequitefaitgémirdeplaisir?–Absolument.–Ouvrelabouche.Jeveuxt’entendregémirencore.Jehaussaiunsourcilenleregardant.–Turecommencesàêtrechelou.Ilsourit.J’adoraiscesourire.Ilavaittellementl’habitudedefroncerlessourcilsquequandillui

arrivaitdesourire,cemomentprenaitd’autantplusdevaleuràmesyeux.Ilpiquaunautremorceaudetarteaveclafourchettequ’ilfitpasserdevantmeslèvreset,enimitantlebruitd’unavion,illadéplaçacommesiellevolaitdanslesairs.J’essayaidemeretenirderire,sanssuccès.Puisj’ouvrislaboucheetl’avionatterrit.

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–Mmm.–Tugémistrèsbien.–Sij’avaisreçuundollaràchaquefoisquej’aientenduça!dis-jed’untonmoqueur.Ilplissalesyeux.–Tuauraiszérodollarzérocent,répliqua-t-ilsurlemêmeton.–C’estnul.–Soyonsbienclairs,siàpartmoiquiplaisantebiensûr,d’autrestypestedisentquetugémistrès

bien,jelestue.Ildisaittoujoursqu’iltueraittouslestypesquiposeraientlesyeuxsurmoi,etlaraisonprincipale

deséchecsdemesrelationsamoureusesavaitprobablementquelquechoseàvoiravecça–mescopainsavaienttousunepeurbleuedeLoganFrancisSilverstone.Jenevoyaispaspourquoi.Pourmoi,ilétaitjusteungrosnounours.

– Jen’ai rienmangéd’aussibonde toute la journée.C’est tellementbonque jevaisencadrer lafourchette.

–Àcepoint-là?Ilsouritd’unairsatisfait,visiblementtrèsfierdelui.–À ce point-là.Tu devrais vraiment envisager de suivre des cours dans une école de cuisine,

commeonl’adéjàdit.Tuseraisgénial.Uneombrepassasursonvisage.–Lesétudes,cen’estpaspourmoi.–Etpourquoipas?–Parlonsd’autrechose,dit-ilenfronçantlenez.Jen’insistaipas.Jesavaisquecesujetétaitsensible.Ilnepensaitpasêtresuffisammentintelligent

pourfairedesétudes,quellesqu’ellessoient,maiscen’étaitpasvrai.Loganétaitl’unedespersonneslesplus intelligentesque jeconnaissais.Si seulement il s’étaitvucomme je levoyaismoi,cela luiauraitchangéradicalementlavie.

Je lui arrachai la fourchette des mains pour reprendre de la tarte que je mangeai en gémissantbruyamment,pourallégerlaconversation.Ilretrouvalesourire.Bien.

–Je suis tropcontenteque tuaiesapportéça,Lo, sérieux. Jen’aipratiquement rienmangéde lajournée,enfait.Mamèreaditquejedevaisperdredixkilosavantdecommencerlescoursàlafac,enseptembre,parcequejerisqued’enprendrequinze,commetouslesétudiantsdepremièreannée.

–Jecroyaisquec’étaitsept.–Mamèreditquecommejesuisdéjàensurpoids,j’enprendraiplusquelesétudiantsnormaux.Tu

saiscombienellem’adore!Illevalesyeuxaucielenenrajoutant.–Elleesttropsympa!–Jenesuispascenséemangeraprèshuitheuresdusoir.

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–Heureusement,ilestplusdequatreheuresdumatin,doncc’estunautrejour!Ilfautqu’onmangetoutelatarteavanthuitheures!

Jerigolaienposantvivementlesmainssursabouchepourl’empêcherdecrier.Jesentisseslèvresembrasserfurtivementlespaumesdemesmains,etmoncœurs’arrêtaunefractiondeseconde.Jeretiraimesmainslentementensentantlespapillonsdansmonestomac,etjem’éclaircislavoix.

–Çavaêtredifficile,maisilfautbienquequelqu’unlefasse.Et nous le fîmes.Nous lamangeâmes en entier.Quand j’allai laver la fourchette dans l’évier, il

m’attrapaparlamain.–Non,ilnefautpaslalaver.Nousdevonsl’encadrer,tutesouviens?Lorsqu’ilpritmamain,moncœurs’arrêtadebattreunefoisencore.Nosregardssecroisèrent,etilavançaversmoi.–Etpourtagouverne,tuesbellecommetues,Aly.Rienàfoutredel’opiniondetamère.Jetrouve

quetuesbelle.Passeulementdecettebeautésuperficiellequis’évanouitavecletemps,tuesbelledanstouslessensduterme.Tuesjusteunebellepersonne,putain,alorsrienàfoutredecequepensentlesautres.Tusaiscequejepensedesgens.

J’acquiesçai,jeconnaissaissadeviseparcœur.–Oublielesgens,prendsunchien.–Exactement.Ilsouritd’unairsatisfaitenlâchantmamain.Soncontactmemanquaavantmêmequinel’aitfait.Il

semitàbâiller,cequimefitoubliermesbattementsdecœurerratiques.–Fatigué?–Çamediraitassezdedormirunpeu.–Ilfautquetusoispartiavantquemamèreseréveille.–Cen’estpascequejefaistoujours?Nousallâmesdansmachambre. Je luipassaiunpantalonde survêtement etunT-shirtque je lui

avaispiquésquelquessemainesplustôt.Aprèsqu’ilsefutchangé,noussommesmontésdansmonlitetnousnoussommesallongéscôteàcôte.

Je n’avais jamais dormi dans le même lit qu’un autre garçon que Logan. Parfois, quand nousdormions,jemeréveillaisaveclatêtesursapoitrineetavantdem’écarter,j’écoutaislesbattementsdesoncœur.Ilrespiraitfort,laboucheouverte.Lapremièrefoisqu’ilétaitresté,jen’avaispasfermél’œildelanuit.Pourtantavecletemps,lesbruitsdesarespirationm’étaientdevenusfamiliers,jemesentaischezmoi. Ils’étaitavéréquechezsoin’étaitpasunlieu,c’étaitunsentimentquevousprocuraient lesêtresàquivousteniezleplus,unsentimentdepaixquiéteignaitlesincendiesdevotreâme.

–Toujoursfatigué?jedemandaialorsquenousétionsallongésdansl’obscurité,monespritencorepleinementéveillé.

–Ouais,maisonpeutparlersituveux.–Jemedemandais,tunem’asjamaisexpliquépourquoituaimestantlesdocumentaires.Ilsepassalesmainsdanslescheveuxavantdelesposerderrièresatête,lesyeuxauplafond.

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–Un été, je suis allé chezmongrand-père, c’était avant samort. Il avait undocumentaire sur lagalaxie qui m’a donné envie d’en savoir plus sur… tout. J’aimerais me souvenir du titre de cedocumentaire,jel’achèteraisimmédiatement.C’étaituntruccommelestrousnoirs…oul’étoilenoire…(ilplissalefront)…jenesaisplus.Entoutcas,luietmoinoussommesmisàregarderdeplusenplusdedocumentairesensemble.C’estdevenunotretruc.Çaaétéleplusbelétédemavie.

Unevaguedetristessesemblal’envahir,etilbaissalesyeux.–Aprèssamort,j’aicontinuélerituel.C’estprobablementundesseulsrituelsquej’aiejamaiseus.–Tuconnaisbeaucoupdechosessurlesétoiles?–Untasdechoses.S’ilyavaitdanscettevilleunendroitquis’yprête,jetemontreraislesétoiles

sanstoutelapollutionlumineuseetaussiquelquesconstellations.Maismalheureusement,iln’yenapas.–C’estdommage.J’adoreraisça.Tusais,jemedisais,pourquoituneferaispasundocumentaire

surtavie?Ilsemitàrire.–Çan’intéresseraitpersonne.Jepenchailatêteverslui.–Si,moi.Ilmefitundemi-sourireavantdemeprendredanssesbrasetdem’attirercontre lui.Sachaleur

m’envoyaittoujoursdesétincellesdanstoutlecorps.–Lo?jemurmurai,àdemiendormie,ettombantsecrètementamoureusedemonmeilleurami.–Ouais?J’ouvrislabouchepourparler,maisseulunsoupirmuetensortit.Matêtetombasursapoitrineet

j’écoutailesbattementsdesoncœurenlescomptant.Un…Deux…Quarante-cinq…Enquelquesminutes,moncerveauralentit.Enquelquesminutes,j’oubliaipourquoij’étaissitriste.Enquelquesminutes,jem’endormis.

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3LOGAN

Mamèreetmoin’avionspaslecâbledansnotreappart’,cen’étaitpasunproblème,jem’enfichais.Quandj’étaisenfant,nousl’avions,maisc’étaitsansintérêtàcausedemonpère.C’étaitluiquipayaitl’abonnement et il râlait tout le temps deme voir assis devant la télé à regarder des dessins animés.Commes’ilnesupportaitpasdemevoirheureuxquelquesinstantsdanslajournée.

Unjourilestrentré,aprislatéléetarésiliél’abonnement.C’estlejouroùilaquittél’appartement.C’estaussiundesjourslesplusheureuxdemavie.Quelquetempsaprès,j’aitrouvéunpostedetélédansunepoubelle.C’étaitunpetitposteavecun

écran de quarante-huit centimètres et un lecteur de DVD incorporé, alors j’empruntai un tas dedocumentairesàlabibliothèqueetjelesregardaiàlamaison.Jesavaisunefouledechosessurtout:lebase-ball, les oiseaux tropicaux, lesOVNI, tout çagrâce auxdocumentaires.Et enmême temps, je neconnaissaisrienàrien.

Quelquefois,mamèrelesregardaitavecmoi,maislaplupartdutemps,c’étaituneactivitésolitaire.Mamèrem’adorait,maisellenem’appréciaitpasbeaucoup.Enfait,cen’étaitpasvrai.Quandelleétaitsobre,mamèrem’aimaitcommesij’étaissonmeilleurami.Sousl’influencedeladrogue,c’étaitunmonstre,etdepuisquelquetempselleétaitdanscetétaten

permanence.Mamèresobrememanquaitparfois.Quelquefois,enfermantlesyeux,jemerappelaislesondeson

rireetlacourburedeseslèvresquandelleétaitheureuse.Arrête,Logan!

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Je détestais cette faculté qu’avait mon esprit de se rappeler. Les souvenirs étaient autant depoignardsplantésdansmonâme,etj’enavaistrèspeudepositifsauxquelsmeraccrocher.

Mais jem’enfichais,parcequejem’arrangeaispourplanersuffisammentpouroubliermaviedemerde,oupresque.Sijerestaisenfermédansmachambre,avecunstockdedocumentairesetdelabonneherbeàfumer, j’arrivaispresqueàoublierque,quelquessemainesplus tôt,mamèreétaitplantéeàuncoinderueàessayerdevendresoncorpsenéchangedequelqueslignesdecoke.

C’était un coupde fil que j’aurais préféréne jamais recevoir demonpote Jacob, quime l’avaitappris.

«Mec,jeviensdevoirtamèreaucroisementdeJeffersonetdeWellsStreet.Jecroisqu’elle…heu…Jecroisquetuferaismieuxderappliquer.»

Mardimatin,j’étaisassisdansmonlit,lesyeuxauplafond,undocumentairesurl’artisanatchinoisenguisedemusiquedefond,quandellem’aappelé.

–Logan!Logan!Logan,viensici!Jerestaiimmobile,espérantqu’ellecesseraitdem’appeler,maisrienàfaire.Jemelevaidemon

matelas et sortis de ma chambre pour trouver ma mère assise à la table de salle à manger. Notreappartementétaitminusculemaisnousn’avionspasgrand-chosepour lemeubler,de toutemanière.Uncanapédéfoncé,unetablebassepleinedetaches,unetableettroischaisesdépareillées.

–Qu’est-cequetuveux?–Jevoudraisquetufasseslesvitresdel’extérieur,Logan.ElleseservitdulaitdansunbolfêléetyajoutacinqCheerios.Elledisaitqu’ellefaisaitunnouveau

régime, parce qu’elle ne voulait pas grossir.Moi, je la trouvais déjà squelettique. Elle ne devait paspeserplusdesoixantekilospourunmètresoixante-quinze.

Elleavaitl’airépuisée.Avait-elledormilanuitdernière,aumoins?Elle avait les cheveux en bataille cematin-là, mais ce n’était pas pire que tout le reste de son

existence.Elleavaittoujoursl’airnégligée,jen’arrivaispasàmerappelerl’avoirvueautrement.Ellesemettaittoujoursduvernisàonglesledimanchematin,maisilétaitinvariablementécaillédèsledimanchesoir, et ses ongles restaient comme ça toute la semaine jusqu’au dimanche suivant où ellerecommencerait.SesvêtementsétaienttoujourssalesetellevaporisaitduFebrèzedessusàquatreheuresdumatinavantde les repasser.Ellecroyaitque leFebrèze remplaçaitavantageusementunevisiteà lalave-rieautomatiqueduquartierpourlavernosvêtements.

Jen’étaispasd’accordavecçaet,dèsquejelepouvais,jesubtilisaissesvêtementspourallerleslaver.Laplupartdesgensneprêtaientprobablementpasattentionauxpiècesdemonnaie trouvéesparterre,maisàmesyeuxcelapouvaitreprésenterunpantalonproprecettesemaine-là.

–Ilsontditqu’ilallaitpleuvoirtoutelajournée.Jelesferaidemain.Jene les feraispas,en réalité.Elleauraitoubliéd’ici là.Enplus, je trouvaisunpeuridiculede

fairelesvitresdenotreappartementsansbalconautroisièmeétage.Surtoutquandilpleuvait.J’ouvris le frigoet je regardai fixement lesétagèresvides.Cela faisaitdes joursqu’ilétaitvide.

Mesdoigtsrestaientcoincéssurlapoignéedelaporte.Jel’ouvrisetlerefermaipresquecommesidela

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nourriture allait apparaître comme par magie pour remplir mon estomac qui protestait. À ce momentprécis,laported’entrées’ouvritetmonfrèreKellanapparutderrièremoicommelesorcierqu’ilétait,unsacdecoursesàlamainetsecouantlapluiedesonblouson.

–Tuasfaim?demanda-t-ilenmedonnantuncoupdecoude.Peut-êtrequemamannemangeaitquedesCheeriosparcequ’onn’avaitriend’autre.Kellanétaitlaseulepersonneenquij’avaisconfiance,endehorsd’Alyssa.Onauraitpupasserpour

des jumeaux, saufqu’il était plus fort, plusbeauet plus stable. Il avait les cheveuxcoupés très court,classiques,desvêtementsdemarqueetpasdepochessous lesyeux.Lesseulsbleusquisoient jamaisapparus sur sa peauprovenaient d’un tacle pendant unmatchde foot à la fac, ce qui n’arrivait pas sisouvent.

Ilavaitlachanced’avoirunemeilleurevie,toutsimplementparcequ’ilavaitunmeilleurpère.Sonpèreétaitchirurgien.Monpèreétaitplutôtungenredepharmacienderuequidealaitde ladrogueauxjeunesduquartier,etàmamère.

L’ADN:parfoisongagne,parfoisonperd.–Purée,dit-ilenregardantdansleréfrigérateur.Cequejevousaiapporténevapassuffire.–Etd’abord,commenttusavaisqu’onn’avaitrienàmanger?jeluidemandaienl’aidantàranger

lescourses.– C’estmoi qui l’ai appelé, ditmamère enmangeant un de ses Cheerios et en avalant son lait

bruyamment.C’estpastoiquivasnousnourrir.Jeserrailespoingsetjememartelailesflancs.Jesoufflaiparlenez,pouressayerdecontenirma

colère. Je ne supportais pas queKellan doive venir à notre secours si souvent pour nous protéger denous-mêmes.Ilméritaitd’êtreloin,trèsloindecemodedevie.

–J’iraichercherd’autrestrucsetjevouslesapporteraiaprèsmoncoursdusoir.–Tuhabitesàuneheured’ici.Tun’espasobligédevenirunedeuxièmefois.Ilnerelevapasmaremarque.–Ilvousfautdestrucsenparticulier?–Delabouffe,ceseraitbien,jegrognaienmêmetempsquemonestomac.Ilmitlamaindanssonsacàdosetensortitdeuxsacsenpapierbrun.–Voilàdelabouffe.–Tuasfaitlacuisinepournous,enplus?–Ben,plusoumoins.Ilposalessacssurleplandetravail.Diverstrucsàmanger,crus.–Jemesouviensquequandtuesvenupasserquelquetempschezmoi,onasouventregardécette

émissiondecuisineoùonvousdonnedesingrédientsauhasardetilfautcuisinerunrepas.Alyssam’aditquetuvoulaisdevenirchef.

–Alyssaparletrop.–Elleestdinguedetoi.Jenediscutaipas.

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–Alors,dit-ilavecunsourireenmelançantunepommedeterre.J’aiunpeudetempsavantd’allerbosser.Improvisequelquechose,chef!

Etc’estcequej’aifait.Nousnoussommesassistouslesdeuxpourmangermescroque-monsieuraujambon,faitsavectroissortesdefromagedifférentsetunesauceaïoli.Commeaccompagnement,j’avaisfaitdesgalettesdepommedeterreavecduketchupépicé,aromatiséaubacon.

–C’estcomment?jedemandai,lesyeuxrivéssurKellan.Çateplaît?Sansréfléchir,jeposailamoitiédemonsandwichdevantmamère.Ellerefusad’unsignedetête.–Jesuisaurégime,murmura-t-elleenmangeantsondernierCheerio.–Purée,Logan,soupiraKellansansreleverlecommentairedemamère–untrucquej’auraisaimé

êtrecapabledefaire.C’estsuper-bon.Jesouris,fiercommeunpaon.–Vraiment?–Encroquantdans lesandwich, j’ai faillim’évanouir tellementc’estbon.Si jedevaiscroireau

paradis,ceseraitseulementgrâceàcesandwich.Monsourires’élargit.–C’estvrai?Onpeutdirequejemesuissurpassé.–Génial,putain.Jehaussailesépaulesenprenantl’airsatisfait.–Oui,jem’étonnemoi-mêmeparfois.JenesavaiscommentremercierKellan–jenem’étaispassentiaussibiendepuisuntempsfou.Un

jourpeut-être,jepourraisfairedesétudes…Alyssaavaitpeut-êtreraison.–Maisilfautquej’yaille.T’essûrquetuneveuxpasquejetedéposequelquepart?J’avais très envie de sortir de cet appartement, ça c’est sûr.Mais je ne savais pas simon père

n’allait paspasser et je nevoulais pasquemamère se retrouve seule avec lui.Chaque fois que celaarrivait,jelaretrouvaisavecplusd’hématomesquequandjel’avaisquittée.

Ilfautêtrepossédéparuncertaintypededémonspourleverlamainsurunefemme.–Non,çaira.Jebosseàlastation-servicetoutàl’heuredetoutefaçon.–C’estàaumoinsuneheuredemarched’ici,non?–Non,troisquartsd’heure.C’estok.–Tuveuxdel’argentpourlebus?–Jepeuxmarcher.Il prit de l’argent dans son portefeuille et le posa sur la table. Puis il se pencha vers moi et

murmura:–Écoute,sijamaistuveuxvenirchezmonpère,c’estplusprèsdetonboulot…–Tonpèremedéteste.–Maisnon.Jeluilançaiunregardquivoulaitdire«turigoles?».

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–Bond’accord.Tun’espeut-êtrepaslapersonnequ’ilpréfère,maisilfautdireaussiquetuasvolétroiscentsdollarsdanssonportefeuille.

–Ilfallaitbienquejepayeleloyer.–D’accord,maisLogan,tapremièreidéen’auraitpasdûêtredelesvoler.–Çaauraitdûêtrequoi,alors?Jecommençaisàmesentirvexé,surtoutparcequejesavaisqu’ilavaitraison.–Jenesaispas,peut-êtrelesdemander.–Jen’aipasbesoinqu’onm’aide.Çaatoujoursétécommeçaetçaleseratoujours.J’avais l’orgueil très agressif. Je comprenais pourquoi certains l’appelaient le plus mortel des

péchés.Kellan fronça les sourcils, ilvoyaitbienque j’avaisbesoind’uneéchappatoire.Quandon restait

troplongtempsdanscetappartement,ondevenaitfou.–Commetuveux.Ilallaversmamanetposaleslèvressursonfront.–Jet’aime,Maman.Ellesouritplusoumoins.–Aurevoir,Kellan.Ilvintderrièremoietposalesmainssurmesépaulespourmeparleràvoixbasse.–Elleestencoreplusmaigrequeladernièrefoisquejel’aivue.–Ouais.–Çamefaitpeur.–Ouais,moiaussi.Soninquiétudeselisaitsursonvisage.–Net’enfaispas.Jetrouveraiunmoyendeluifairemangerquelquechose.Soninquiétudenesemblapassedissiper.–Toiaussi,tuasl’aird’avoirmaigri.–C’estjusteunequestiondemétabolisme,dis-jeenplaisantant.Celanelefitpasrire.Jeluimisunetapedansledos.–Sérieusement,Kel.Jevaisbienetjevaislaconvaincredemanger.Jeteprometsd’essayerentout

cas.Ilpoussaungrossoupir.–D’accord?Àtoutàl’heure.Situn’espasrentréduboulotquandjerepasseraicesoir,onseverra

lasemaineprochaine.Kellanfitaurevoirdelamain,maisquandilallaitsortirdel’appartement,jelerappelai.–Ouais?Jehaussail’épaulegauche.Ilhaussal’épauledroite.C’étaitnotrefaçondenousdire«jet’aime».Ilcomptaittellementpourmoi.Ilétaitlapersonneque

jerêvaisdedevenirunjour.Maisnousétionsdeshommes,etleshommesnesedisentpas«jet’aime».

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Pourtoutdire,jeneledisaisàpersonne.Enmeraclantlagorge,jehochailatête.–Encoremerci.Pour…Jehaussail’épaulegauche.–…tout.Ilmefitunpetitsourireethaussal’épauledroite.–Jet’enprie.Surce,ils’enalla.Monregardtombasurmamèrequiparlaitàsonboldelait.Évidemment…–Kellanestlefilsparfait,murmura-t-elleaulaitavantdetournerlatêteversmoi.Ilesttellement

mieuxquetoi.Mamansobreoùes-tu?–Ouais,dis-jeenmelevantpouremportermonassiettedansmachambre.D’accord,M’man.–C’estvrai.Ilestbeau,ilestintelligentetilprendsoindemoi.Toi,t’enfouspasune.–C’estça.J’enfouspasunepourtoi,jemarmonnaienm’éloignant.Jen’avaissurtoutpasenviederentrerdanssondélirecematin-là.Jesursautaiquandunbolvolaenpassantaurasdemonoreillegauchepourallersefracassercontre

lemurenfacedemoi.Dulaitetdesmorceauxdeverre jaillirent toutautourdemoi.Je tournai la têteversmamère,ellemeregardaitavecunsouriresournois.

–Etjeveuxquecesvitressoientnettoyéesaujourd’hui,Logan.Immédiatement.J’aiuncopainquidoitvenirmecherchercesoiretcettemaisonestdégueulasse.Ettumenettoierasaussitoutcebazar.

Mon sang se mit à bouillir, parce que c’était elle qui était dégueulasse. Comment est-ce qu’onpouvaitenarriverlà?Etquandonétaittombésibas,yavait-illamoindrechancedeserelever?Tumemanquestellement,M’man…

–Jenenettoierairiendutout.–Si,tuvaslefaire.–Avecquituasrendez-vous,M’man?Elleseredressasursonsiègecommesielleétaitunesortedeprincesseroyale.–C’estpastesaffaires.–Ahbon?Parcequejesuispratiquementsûrqueladernièrepersonneaveclaquelletuessortie,

c’étaituneespècedesalopardquit’aramasséesurletrottoir.Etlafoisd’avant,c’étaitmonbranleurdepère,ettuesrentréeavecdeuxcôtescassées.

–Ne t’avisepasdeparlerde luicommeça. Ilestbonavecnous.Quiest-cequipaie lamajeurepartiedenotreloyer,d’aprèstoi?Entoutcas,cen’estcertainementpastoi.

Un jeune demême pas dix-huit ans, tout juste sorti du lycée qui n’arrivait pas à payer le loyer,j’étaisvraimentunloser.

–J’enpaielamoitié.Toi,tunepeuxpasendireautant,etlui,c’estrienqu’uneordure.

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Elle tapa des deuxmains sur la table, furieuse que je dise cela. Son corps était pris d’un légertremblementetelleétaitdeplusenplusagitée.

–Lui,c’estunhomme,bienplusquetuneleserasjamais!–Ahoui?Jemeprécipitai sur elle et jememis à fouiller sespoches, sachant exactement ceque j’allaisy

trouver.–C’estunhomme,unvrai?Etpourquoiça?Jetrouvailepetitsachetdecocaïnedanssapochearrière.Lorsquejelesecouaidevantelle,jevis

lapaniqueserépandresursonvisage.–Arrête!Elleessayademelereprendre.–Non,jecomprends.Iltedonneça,etc’estçaquifaitdeluiunhommemeilleurquecequejene

seraijamais.Iltefrappe,parcequec’estunhomme,unvrai.Iltecracheàlafigureettetraitecommeunemerde,toutçaparcequ’ilestmeilleurquemoi.C’estça?

Je la vis commencer à craquer, pas sous l’effet de mes paroles, je suis sûr qu’elle n’entendaitpratiquement jamais ce que je lui disais, mais elle craquait parce qu’elle avait peur que sa poudreblanchechérienesoitendanger.

–Donne-lamoi,Lo!Arrête!Sesyeuxétaientvidesetc’étaitunpeucommesijemebattaiscontreunfantôme.Avecunprofond

soupir, je lançai le sachet sur la tableetelle s’essuya lenezavantde l’ouvriretde sortir sa lamederasoirpourdessinerdeuxlignesdecokesurlatabledelasalleàmanger.

–Tuesuneépave.Uneputaind’épave,ettunet’ensortirasjamais,jeluidisalorsqu’ellesniffaitlapoudre.

–Çatevabiendedireçaalorsquetuvasprobablementallert’enfermerdanstachambreetsniffertaproprerécompense,cellequetonpapat’adonnée.C’estlegrandméchantloup,maislepetitchaperonausweatàcapucherougecontinuedeluidirederevenirpouravoirsadose.Tutecroismeilleurquemoi,ouquelui?

–Oui,parcequejelesuis.Jeconsommais,maispastrop.Jecontrôlais.Jen’abusaispas.J’étaismeilleurquemesparents.Illefallait.–Tutetrompes.Tuashéritécequ’ilyavaitdepireenchacundenousdeux.Kellan,lui,ilestbien,

etilleseratoujours.Maistoi–ellesefitdeuxautreslignesdecoke–,çam’étonneraitquetunesoispasmortavanttesvingt-cinqans.

Moncœur.S’arrêtadebattre.Cesmots, sortant de sa bouche, déclenchèrent une onde de choc qui se propagea dans toutmon

corps. Elle n’avaitmême pas flanché en les prononçant, et je sentis quelque chosemourir enmoi. Je

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voulaisfairetoutlecontrairedecequ’ellemeprédisait.Jevoulaisêtrefort,stable,dignedevivre.Maisenmêmetemps,j’étaiscommelehamsterdanssaroue.Jetournais,jetournaisetjen’arrivaisjamaisnullepart.J’entraidansmachambre,claquailaporteetmeperdisdanslemondedemespropresdémons.Je

me demandai ce qu’il serait advenu si je n’avais jamais dit bonjour à mon père toutes ces annéesauparavant.Jemedemandaicequ’ilseraitadvenusinoscheminsnes’étaientjamaiscroisés.

***

Logan,septansJ’ai rencontrémonpèresous leporchede lamaisond’unétranger.Mamèrem’avaitemmené

avecellecesoir-làetm’avaitdemandéde l’attendreà l’extérieurdecettemaison.Ellem’avaitditqu’ellen’enavaitpaspourlongtempsetqu’ensuitenousrentrerionsàlamaison,maisj’avaisdevinéqu’elleetsesamiss’amusaientbeaucoupplusqu’ilsnel’avaientprévu.

Leporcheétaitdélabréetmonsweatàcapucherougen’étaitpas l’idéalpourmeprotégerdufroid,maisjenemeplaignaispas.Mamèredétestaitquejemeplaigne,elledisaitquec’étaitpourlesfaibles.

Il y avait un banc enmétal tout défoncé sous le porche et jem’étais assis dessus, les jambesrepliéescontremapoitrineenattendant.Lapeinturegrisedelarambardeduporches’écaillaitetleslattesdeboisétaientfendues,etpuisilyavaitdelaneigegeléequin’étaitjamaisbalayée.

Allez,Maman.Il faisait si froid ce soir-là. Je voyais les volutes demon souffle qui sortaient dema bouche,

alors,pourmedistraire,jen’arrêtaispasdesouffler.Desgensentrèrentetsortirenttoutaulongdelasoiréeetc’esttoutjustes’ilsmeremarquèrent,

assissurlebanc.Jemislamainàmapochearrière,j’ensortislepetitcarnetetlestyloquej’avaistoujours avec moi et je commençai à griffonner. Chaque fois que ma mère n’était pas dans lesparages,jem’occupaisendessinant.

J’aibeaucoupdessinécesoir-làjusqu’àcequejememetteàbâiller.J’aifiniparm’endormir,allongésur lebanc, les jambesremontéesdansmonsweatrouge.Une foisendormi, jen’avaisplusaussifroid,cequiétaitplutôtbien.

–Hé!Unevoixsévèreme tirademonsommeil.Aumomentoù je réussisàentrouvrir légèrement les

yeux,jefusdenouveausaisiparlefroid.Moncorpssemitàfrissonner,maisjenem’assispas.–Hétoi!Qu’est-cequetufouslà,bordel?Lève-toi.Jem’assisetmefrottailesyeuxenbâillant.–Mamamanestàl’intérieur.Jel’attends.J’accommodaimonregardsurletypequimeparlaitetmesyeuxs’arrondirentdefrayeur.Une

grandecicatrice luibarrait lecôtégaucheduvisageetaccentuait sonairmauvais.Sescheveuxen

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batailleétaientparsemésdefilsblancsetsesyeuxmefaisaientunpeupenserauxmiens.Marronetsanséclat.

–Ahouais?Etçafaitcombiendetempsquetuattends?Uneespècedecigarettependaitentreseslèvres.Jelevaislesyeuxverslecielquis’étaitobscurci.Quandnousétionsarrivés,mamèreetmoi,il

faisaitjour.Jen’aipasréponduautype.Ilgrognaets’assitàcôtédemoi.Jemepoussaiversleborddubancaussiloindeluiquejepouvais.

–Détends-toi,gamin.J’vaispastefairedemal.Tamère,c’estunetoxico?Je ne savais pas ce que cela voulait dire, alors jeme suis contenté de hausser les épaules. Il

ricana.–Sielleestlà-dedans,c’estquec’estunetoxico.Commentelles’appelle?–Julie,jemurmurai.–Juliecomment?Seslèvress’entrouvrirentlégèrementetilpenchalatêteenmeregardant.–Tamère,c’estJulieSilverstone?Jefisouidelatête.–Etellet’alaissétoutseul,là,dehors?Jehochailatêteencoreunefois.–Quellesalope!Il se leva du banc, les poings serrés, et se dirigea vers la porte. Tout en ouvrant la porte

moustiquaire,ilfitunepause.Ilpritlacigarettequ’ilavaitentreleslèvresetmelatendit.–Tufumesdel’herbe?Cen’étaitpasdutoutunecigarette.J’auraisdûm’endouterd’aprèsl’odeur.–Non.Ilplissalefront.–TuasbienditJulieSilverstone,non?J’acquiesçaipourlatroisièmefois.Ilmemitlejointdanslamain.–Alors,tufumesdel’herbe.Celavateréchauffer.Jereviensavectasalopedemère.–Cen’estpasune…Ilclaqualaportesansattendrelafindemaphrase.–…salope.Jetenaislejointentremesdoigtsetfrissonnaidefroid.Çavateréchauffer.J’étaisfrigorifié.Alors,j’aiprisunetaffe.Jemesuisétoufféentoussant.J’aitoussécommeunmaladependantunlongmomenttoutenécrasantlejointparterre.Jene

comprenais pas ce qu’on pouvait trouver à ce truc-là, ni pourquoi les gens fumaient. C’est à cemoment-làquej’aijurédenejamaisrecommencer.

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Quand l’hommeest ressorti, il tiraitmamèrederrière lui.Elleétaitàmoitiéendormieetelletranspirait.

–Arrêtedemetraînercommeça,Ricky,hurla-t-elleautype.–Ferme-la,bonDieu,Julie.Tuaslaissécefichugamindehorstoutelasoirée,espècedeputain

detoxico!Jeserrailespoingsetbombailetorse.Commentosait-ilparlercommeçaàmamère!Ilnela

connaissaitpas.C’étaitmameilleureamie,aprèsmonfrèreKellan.Etcetypen’avaitaucundroitdeluiparlersurce ton.Kellanauraitété furaxs’il l’avaitentendu.Heureusement, iln’étaitpas là, ilétaitpartiavecsonpèrepouruneexpéditiondepêchedanslaglaceouuntrucdugenre.

Jenesavaismêmepasqu’onpouvaitpêcherquand ilyavaitde laglace,maisKellanm’avaittoutexpliquélasemaineprécédente.Mamèreavaitditquelapêchedanslaglace,c’étaituntrucdepaumésetdelosers.

–Je te l’aidit,Ricky!Jeneconsommeplus.Je…je te jure,bégaya-t-elle.Jesuis justepassépourdirebonjouràBecky.

–Ben tiens, répliqua-t-il endescendant les escaliers tout encontinuantà la tirerpar lebras.Amène-toi,gamin.

–Oùest-cequ’onva,M’man?Jemarchaiderrièremamèreenmedemandantcequiallaitsepasser.–Jevousramèneàlamaison,touslesdeux,réponditl’homme.Ilfitasseoirmamèresurlesiègepassageroùelles’affaissaenfermantlesyeux.Puisilm’ouvrit

laportièrearrièreetlarefermaenlaclaquantunefoisquej’étaismontédanslavoiture.–Oùvoushabitez?demanda-t-ilens’installantàlaplaceduconducteur.Ildémarraets’éloignadutrottoir.Savoitureétait rutilanteetplusbelleque toutescellesque j’avaisvues jusqu’ici.Mamèreet

moi, on prenait toujours le bus, alors de me retrouver dans une voiture comme ça me donnaitl’impressiond’êtrecommeunprince.

Mamèresemitàs’agiteretàtousseretfitdeseffortspours’éclaircirlavoix.–Justement,c’estpourçaqu’ilfallaitquejevoieBecky.Monpropriojoueaucon,ilditquej’ai

paspayé lesdeuxderniersmois !Mais j’ai payé,Ricky ! J’aipayé ce connard, et il fait comme sij’avaispaspayé.Alors,jesuisvenuevoirBeckypourqu’ellemefiledel’argent.

–Etdepuisquandelleadel’argent,Becky?– Justement, elle n’en avait pas. Elle n’avait pas d’argent.Mais il fallait que j’en sois sûre.

Parcequelepropriom’aditquejenepouvaispasrevenirsijen’avaispasl’argent.Alors,jenesaispasoùonvaaller.TudevraismelaisservoirçaavecBeckyrapidement,marmonna-t-elleenouvrantsaportièrependantqu’onroulait.

–M’man!–Julie!

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Rickyetmoiavionscriéenmêmetemps.JetendislamaindepuislesiègearrièrepourattrapersonT-shirt,etillatiraparlamanchepourlaramenerversluienrefermantlaportière.

–Tuesfolleouquoi?ilhurla,lesnarinesdilatées.BonDieu,jepaieraitonloyerdemain,maiscesoirvousallezvenirchezmoi.

– Tu ferais ça, Ricky ? Seigneur, on t’en serait super-reconnaissants. Pas vrai, Lo ? Je terembourserai,jeterembourseraijusqu’auderniercentime.

Jefisouidelatête,sentantenfinlachaleurdelavoiturem’envahir.Delachaleur.–Jevaisaussidonneràmangeràcegamin.Celam’étonneraitquetut’ensoisoccupée.Il sortit un paquet de cigarettes de sa poche et un briquet en forme de danseuse hawaïenne.

Quandilallumalebriquet,ladanseusesemitàbougerdegaucheàdroite.J’étaishypnotiséparcemouvement, incapabled’endétachermonregard.Mêmeaprèsavoirallumésacigarette, ilcontinuadel’allumeretdel’éteindresansarrêt.

LorsquenousarrivâmeschezRicky, je fuséblouipar toutcequ’ilyavaitdans l’appartement.Deuxcanapésetunénorme fauteuil,des tableaux,une immense télévisionavec lecâbleet,dans leréfrigérateur,suffisammentdevictuaillespournourrirlemondeentier.

Après le repas, ilm’installa surundesdivans et jem’assoupis en les écoutant chuchoter,mamèreetlui,danslecouloiràcôté.

–Ilatesyeux,marmonna-t-elle.–Ouais,jesais.Jepercevaisdelarancœurdanssavoix,mais jenesavaispaspourquoi.J’entendissespasse

rapprocherdemoietlorsquej’ouvrislesyeux,jelevisquisepenchaitsurmoi.Ilcroisalesdoigtsetplissalesyeux.

–T’esmongamin,tusais?Jenerépondispas.Qu’est-cequejepouvaisdire?Unsourirenarquoisrelevalacommissuredeseslèvres,ilallumaunecigaretteetmesoufflala

fuméedirectementdanslafigure.–Net’enfaispas,Logan.Jevaism’occuperdetoietdetamère.Promis.

***

Àquatreheuresdumatin,quandjefinisparredescendredemontrip,jerestaiallongésurmonlit,lesyeuxauplafond.

Moi:Tuesréveillée?Jefixaimontéléphoneenattendantquelesellipsesapparaissent,envain.Quandilsonna,jeretins

monsouffle.–Jet’airéveillée?jedemandaiàAlyssa.

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–Justeunpeu.Qu’est-cequis’estpassé?–Rien.Toutvabien.Jementais.Tuserasmortavanttesvingt-cinqans.–C’étaittamèreoutonpère,cettefois?Elledevinaittoujours.–Mamère.–Elleétaitdéfoncéeouelleétaitsobre?–Défoncée.–Tuascrucequ’ellet’aditoupas?Jemarquaiuntempsd’hésitationenallumantetéteignantmonbriquet.–Oh,Lo.–Excuse-moidet’avoirréveillée.Jepeuxraccrocher.Rendors-toi.– Je n’ai pas sommeil, dit-elle en bâillant.On reste au téléphone jusqu’à ce que tu réussisses à

t’endormir,d’accord?–D’accord.–Tuesquelqu’undebien,LoganFrancisSilverstone.–Jesuisquelqu’undebien,AlyssaMarieWalters.Même si celame semblait êtreunmensonge, c’enétait unque je croyaispresque toujoursquand

c’étaitellequiledisait.

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4LOGAN

Je n’avais jamais vraiment fêtémon anniversaire avant de rencontrerAlyssa il y a deux ans.Kellanm’emmenaitaurestaurantetj’adoraisça.Ilétaitsuperpourmerappelerquejen’étaispasseulaumonde,maisAlyssaenfaisaitunpeupluschaqueannéepourmonanniversaire.Ilyadeuxans,nousétionsallésà Chicago pour voir un documentaire sur Charlie Chaplin dans un vieux cinéma, puis elle m’avaitemmenédansunrestaurantchicpourlequelmatenueétaitloindeconvenir.Ellevenaitd’unmilieuoulesdînerschicétaientmonnaiecourante,etmoijevenaisd’unmondeoùonn’étaitmêmepassûrdedînertouslesjours.Elleavaitremarquémonmalaise,etnousavionsfiniparmarcherdanslesruesdeChicagoenmangeantdeshot-dogs,etparallersousleharicotgéant1.

Cefutlepremierplusbeaujourdemavie.Ilyaunan,ilyavaitunfestivaldecinémadanslenordduWisconsin,etelleavaitlouéunchalet

pournous.Onestallésvoirensembletouslesfilmssansexception,pendanttoutleweek-end.Onrestaitdebout tard dans la nuit à débattre : quels films nous inspiraient ? Lesquels avaient été faits par despersonnesprobablementsousacide?

Cefutledeuxièmeplusbeaujourdemavie.Maisaujourd’hui,c’étaitdifférent.Aujourd’huic’étaitmondix-huitièmeanniversaire, ilétaitplus

deonzeheuresdusoiretAlyssanem’avaitpasappelédetoutelajournée.Assisdansmachambre,jeregardaisleDVDsurJackieRobinson2toutenécoutantmamèretituber

dans l’appartement.Unepilede factures s’entassait à côtédemon lit et j’avais l’estomacnouépar lacraintedenepaspouvoirpayerleloyer.Sinousn’arrivionspasàlefaire,monpèren’allaitjamaisnouslaissertranquilles.Etsijeluidemandaisdenousaider,j’étaiscertainquemamanenferaitlesfrais.

Jepassailamainsousmonlitetensortisuneenveloppe,pourvérifierl’argentquej’avaisréussiàmettredecôté.L’inscriptionsurl’enveloppemefitmalaucœur.

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Fraisd’inscriptionpourlafac.Quelleblague!Je comptai l’argent.Cinq cent cinquante-deux dollars. Cela faisait deux ans que j’économisais,

depuisque,grâceàAlyssa,ilnemesemblaitplusimpossibledelefaire.Jepassaisbeaucoupdetempsàpenserqu’unjourj’auraisassezd’argentdecôtépourfairedesétudes,avoirunbonmétieretacheterunemaisonoùnouspourrionshabiter,mamanetmoi.

Nousn’aurionsplusjamaisàdépendredemonpèrepourquoiquecesoit–lamaisonseraitànous,rienqu’ànous.Onseraitcleanaussi.Plusdedrogue,rienquedubonheur.Simamanpleurait,ceseraitparcequ’elleseraitheureuseetplusparcequ’illabattait.

Ma mère sobre réapparaîtrait, celle qui me bordait dans mon lit quand j’étais petit. Celle quichantaitetdansait.Cellequisouriait.Avant.

Celafaisaitbienlongtempsquejen’avaispasvucetaspectdemamère,maisquelquepart,jemeraccrochaisàl’espoirqu’unjourellereviendrait.

Ilfautqu’ellemerevienne.Ensoupirant,jesortisdel’enveloppeunepartiedel’argentdestinéàpayermesétudespourpayer

lafactured’électricité.Plusquetroiscentvingt-troisdollars.Aveccegeste,monrêvedevenaitencoreunpeuplusinaccessible.Jesortisuncrayonetjememisàgriffonnersurlafactured’électricité.Dessineretm’abrutirdevant

des documentaires étaientmes principauxmoyens d’échapper à la réalité.Depuis peu apparaissait enplusdansmatêteunefillebizarreauxcheveuxbouclésquisouriaitetquiparlait trop.Alyssaoccupaitbeaucoupplusmespenséesqu’ellen’auraitdû.Cequiétaitcurieux,parcequejen’enavaispasgrand-choseàfoutredesgensoudecequ’ilspensaientdemoi.

Tenir aux gens leur permettait trop facilement de me prendre la tête, qui était déjà bien assezdémolieparmonamourpourmatorduedemère.

–Non!Lecriprovenaitdusalon.–Non,Ricky,jenel’aipasfaitexprès.Monestomacseserra.Monpèreétaitlà.Jemelevaidemonmatelasetmeprécipitaidanslapièce.Monpèreétaitcostaud,ilyavaitplusde

grisquedenoirdans ses cheveux,plusde sourcils froncésquede sourires sur sonvisage, et plusdehainequed’amourdanssoncœur.Ilétaittoujoursencostumecravate.Descostumesquiavaientl’airdecoûtercher,etdeschaussuresencroco.Toutlemondedanslequartiersavaitqu’ilvalaitmieuxgarderlatêtebaisséeenlecroisant,parcequelesimplefaitdeleregarderdanslesyeuxpouvaitêtredangereux.C’étaitlapirebrutequisebaladaitdanslesruesetjelehaïssaisduplusprofonddemonêtre.Toutenluimedégoûtait,maiscequejedétestaisleplus,c’étaitquej’avaissesyeux.

Chaquefoisquejeleregardais,jevoyaisunepartiedemoi.

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Mamèretremblaitdansuncoindelapièceensetenantlajouequiportaitlamarquedelamaindemonpère.Jeleviss’apprêteràlagiflerdenouveau,alorsjememisentraversdesoncheminetc’estmoiquiprislecoup.

–Laisse-latranquille,jedisenessayantdefairecommesijen’avaispasmal.–Çan’teconcernepas,Logan.Pousse-toidelà.Tamèremedoitdel’argent.–Je…jel’aurai,j’tejure.Laisse-moiunpeudetemps.J’aiunentretienausupermarchéauboutde

laruecettesemaine.Elle mentait. Ma mère n’avait pas cherché de boulot depuis des années, et pourtant elle disait

toujoursavoircesmystérieuxentretiensquinedébouchaientjamaissurrien.–Jecroyaisqu’ellet’avaitdéjàremboursé.Ellet’adonnédeuxcentsdollarsleweek-enddernier.–Etelleenarepristroiscentsilyadeuxjours.–Maispourquoitucontinuesàluidonnerdel’argent?Tusaisqu’ellenepeutjamaistelerendre.Ilattrapamonbrasenenfonçantlesdoigtsdansmapeau,mefaisantflancher.Ilmetraînadel’autre

côtédelapièceetsepenchasurmoi.–Pourquituteprends,bordel?Tucroisquetupeuxtepermettredemerépondrecommeça,hein?–Jepensaisseulement…Ilmedonnauneclaquesurl’arrièredelatête.–Tunepensaisriendutout.C’estuneconversationentretamèreetmoi.Net’enmêlepas.Ilme frappa encore une fois, plus fort. Il serra le poing et quand celui-ci rencontramonœil, je

pleurnichaidedouleur.Monpèrerepartitversmamèreetmoi,commeunidiot,jemeremisdevantelle.–Tuasenviedemourir,Logan?–Jevaispayer,jedisenessayantdemegrandir,mêmesijemesentaisminusculechaquefoisque

j’étaisàcôtédelui.Attendsuneseconde.Jeme précipitai dansma chambre, passai lamain sousmonmatelas et en sortis l’enveloppe. Je

sentaismonœilcommenceràenflerpendantquejecomptaisl’argent.Plusquevingt-troisdollars.–Tiens,jedisenposantbrusquementl’argentdanslesmainsdemonpère.Ilmeregardaenplissantlesyeuxavantdesemettreàcompter.Ilmarmonnaitdanssabarbe,maisje

m’enfichais.Laseulechosequejevoulais,c’étaitqu’ilparte.L’argentdisparutdanssapochearrière.–Vous ne vous rendez pas compte de la chance que vous avez dem’avoir, tous les deux.Mais

n’allezpasvousimaginerquejevaiscontinueràpayervotreloyer.J’avaisenviededire:Onn’apasbesoindetoi.Va-t’enetnereviensplusjamais.Jerêvaisdeluicrierça,maisjen’ouvrispaslabouche.Ilsedirigeaversmamèreetjelavistressaillirquandilluicaressalajoue.–Tusaisquejet’aime,hein,Julie?Ellehochalentementlatête.–Jesais.

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–Laseulechosequejeveux,c’estqu’onsoitheureux.Pastoi?Ellehochalatêteencorepluslentement.Ilsepenchasurellepourl’embrassersurleslèvresetj’auraisaiméluimettrelefeu.Jevoulaisle

voirbrûleretsetordrededouleuràcausedelafaçondontilseservaitd’elle,ladiminuaitetcrachaitsursonâme.

Mais j’auraisaussivoulucriercontremamère,parcequ’elle luirendaitsonbaiser.Quandilsseséparèrent,elleleregardacommes’ilétaitsonDieu,alorsqu’enfaitc’étaitSatanencostumedeluxe.

– Logan, dit-il en se dirigeant vers la porte. Si jamais tu veux un vrai boulot, un vrai boulotd’homme,jesuissûrquejepourraitefaireentrerdansl’affairedelafamille.Cen’estpasavecl’argentdepochequetutefaisquetuirasloin.

–J’suispasintéressé.Sonsinistresourirearrogantreparutsurses lèvres.Je luifaisais lamêmeréponsechaquefois,et

chaquefoisilsouriaitcommes’ildétenaitunsecret.Unefoisqu’ilfutsorti,jerelâchailesoupirquejeretenais.

–Qu’est-cequinetournepasrondcheztoi?En criant, ma mère se jeta sur moi pour me frapper la poitrine. Surpris, j’attrapai ses maigres

poignets.Ellecontinuaàhurler.–Tuveuxvraimenttoutfairepourmedétruire?–Jeviensdel’empêcherdet’agresser!–Jenesaispasdequoituparles.Ilnem’auraitpasfaitdemal.–Tutefaisdesillusions.Ilétaitprécisémententraindetefairedumal.–Lâche-moi,pleurnicha-t-elleenessayantdedégagersespoignets.Jelalâchai.Immédiatementellelevalamainetmegiflaviolemment.–Net’aviseplusdetemêlerdemavie.Tum’entends?–Ouais,dis-jetoutbas.Ellepointasonindexversmonvisage,leregarddur.–Tum’entends?–Ouais,dis-jeencriant.Jet’entends.Maisc’étaitunmensongeéhonté.Sijamaisjerevoyaismonpèreleverlamainsurelle,unenouvellefoisjem’interposeraisencore.

Jemebattraispour ladéfendre.Jeseraissavoix,mêmesicelavoulaitdireque jeperdais lamienne.Parcequejesavaisquec’étaitàcausedeluiqu’elleétaitdevenuemuette.C’étaitàcausedeluiquelefeuenelleavaitcessédebrûler.

M’man,reviens-moi.Quandl’avais-jeperdue?Était-ellevraimentpartiepourtoujours?Sij’avaiseuunemachineàremonterletemps,jeseraisretournéréparerl’erreurquil’avaitrendue

commeça.Jel’auraisdirigéeverslagaucheplutôtqueversladroite.Jel’auraissuppliéedenejamais

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fumer cette première pipe. Je lui aurais rappelé qu’elle était bellemême si un homme lui avait dit lecontraire.J’auraisréparésoncœurquiétaitsidouloureusementendommagé.

J’allaidansmachambreenessayantd’effacermonpèredemamémoire,maiscommechaquefoisqu’ilvenaitcheznous,toutmerevenait.Toutemahaine,toutemacolère,toutemadouleur.Toutrevenaitenvahirmoncerveau,fairetantdebruitdansmatêtequ’ilfallaitquejelefassetaire.

Tuserasmortavanttesvingt-cinqans.Mon cœur paniquait, la douleur battait sousmes paupières et j’étais sur le point de laissermes

démonsrevenir.Ilssemoquaientdemoi,ilsmeblessaient,empoisonnaientlentementmonesprit.Je regardai fixement ma table de chevet où ma seringue reposait toutes les nuits. Je la sentis

m’appeler,medemandantdedonnerauxdémonslanourriturequ’ilsréclamaientpours’enaller.Jevoulaisgagnercesoir-là.Jevoulaisêtrefort,maisjenel’étaispas.Jen’avaisjamaisétéassez

fortetjeneleseraisjamais.Laisse-toifaire.Tuserasmortavanttesvingt-cinqans.Je pris une inspiration, lesmains tremblantes. Je pris une inspiration, le cœur brisé. Je pris une

inspiration,etjefislaseulechosequejesavaisfaire.J’ouvris lentement le tiroir, sur le point de laisser l’obscurité pénétrer en moi, sur le point de

m’évaderdelalumière,quandsoudainunealertesonnasurmontéléphone.Alyssa:Qu’est-cequetufais?Alyssam’envoyaitun textoexactementaumomentoù j’enavaisvraimentbesoin,mêmesi j’étais

vexéqu’elleaitattenduonzeheuresdusoirpourm’écrire.Laseulepersonnequim’avaitsouhaitémonanniversaire,c’étaitKellan,quim’avaitinvitéàdîner.Toutcequemonpèrem’avaitoffert,c’étaitunœilaubeurrenoir,ettoutcequemamèrem’avaitdonné,c’étaitdeladéception.

Alyssaétaitcellesurlaquellejecomptais.C’étaitmameilleureamieetellenem’avaitpasditunmotdelajournée.

Moi:Jesuisdansmonlit.Alyssa:D’accord.Ellipses.Alyssa:Descends.Jemeredressaietrelussesmessages.J’enfilaimestennisprécipitamment,unepairedelunettesde

soleil, mon sweat à capuche rouge, et je sortis à toute vitesse. Alyssa était garée juste en face del’immeuble.Ellemesouriait.Jejetaiuncoupd’œilautourdemoi,desgensbuvaientetfumaientdanslarue.

BonDieu.J’aihorreurquetuviennesici.Surtoutlesoir.Jemontaidanslavoiture,côtépassager,etverrouillailesportièresdèsquejefusinstallé.–Qu’est-cequetufaisAlyssa?–Pourquoit’asdeslunettesdesoleil?–Commeça.

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Elletenditlamainetmelesenleva.–Oh,Logan…murmura-t-elleenpassantdoucementlesdoigtssurmonœiltuméfié.Jereculaienricanant.–Tutrouvesçamoche?Tudevraisvoirl’autretype.Çanelafitpasrire.–Tonpère?–Ouais.Maisc’estrien.–Cen’estpasrien.Jen’aijamaisautantdétestéquelqu’undetoutemavie.Ettamère,çava?–Çanevapasdutout,maisçava.Jevisleslarmesmonterdanslesyeuxd’Alyssaetjel’arrêtaitoutdesuite.–Toutvabien,jetepromets.Sionyallait,pourquejepuissepenseràautrechoseunmoment.–D’accord.–Eh…Alyssa?–Oui,Logan?J’essuyaiseslarmesduboutdesdoigtsquejem’autorisaiàlaissers’attardersursesjoues.–Souris.Ellemefitunimmensesouriredecirconstance.Celamesuffit.Elle fit démarrer la voiture et conduisit pendant un temps très long. Nous restâmes silencieux

pendant tout le trajetet jemedemandaicequ’elleavaiten têteexactement.Lorsqu’elle segara sur lebordd’unerueabandonnée,maperplexités’amplifia.

–Sérieux!Qu’est-cequ’onfaitlà?–Viens,dit-elle,ensortantrapidementdelavoitureetensemettantàcourirdanslarue.Cettefillevoulaitmamort–etparmortjevoulaisdirevie.Parceque,depuisqu’elleétaitentrée

dansmavie,jemelibéraisunpeupluschaquejourdemescontraintes.Jelasuivisdeprèsenmedemandantoùelleallait.Elles’arrêtadevantuneéchellequimenaitàunpanneaupublicitaire.–Ta-daaa!Elledansaitsurplace,toutexcitée.–Heu…?–C’esttoncadeaud’anniversaire,idiot!–Moncadeauc’est…uneéchellemenantàunpanneaupublicitaire?Ellelevalesyeuxaucieletsoupiraexagérément.–Suis-moi,dit-elleenmontantàl’échelle.Je fis ce qu’elleme disait.Nous escaladâmes l’échelle la plus haute que j’avais jamais vue.Le

grandpanneaupublicitairedevantlequelnousnousassîmesdisait«2Burgerspour5dollarschezHungryHarry».Jevoyaisbienqu’Alyssaavaitunpeulevertige,parcequ’ellefaisaitdesonmieuxpournepasregarderenbas.Ilyavaitunebalustradequifaisaitletourdupanneauetquinousempêchaitdetomber,maisquandmême,celasemblaitunpeutrophautàsongoût.

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–Tuasunpeupeur?C’étaitnouveaupourmoi.–Heu…peut-être? Jepenseque levertigeestquelquechoseque tune saispasque tuasavant

d’être…enhauteur.Entoutcas.Ellefit lentement le tourdupanneaupublicitaireetsortitunpanierdepique-niqueetdespaquets

cadeaux.–Tiens.Ouvretescadeauxd’abord.Jefiscequ’ellemedisait,etjem’effondraipresquequandjevislescadeaux.–Jenesavaispaslesquelstuavaisregardésavectongrand-père,alorsj’aipristouslesDVDque

j’aitrouvés,expliqua-t-elle.JetenaisàlamainunedouzainedeDVDsurlagalaxie,etledocumentairequej’avaisregardéavec

mongrand-pèreenfaisaitpartie.Jemepinçail’arêtedunez.–Seigneur!–Et…Ellefitungestedelamainversleciel.–C’est lemeilleurposted’observationque j’ai pu trouverpour regarder les étoiles la nuit. J’ai

sillonnélavilleenvoiturependantdesjourspourletrouver.C’estsansdoutestupide,maisj’aipenséquetuapprécieraislavue.

Elleplissalefront.–C’est idiot,hein? J’auraisdû fairemieuxqueça.Lesdeuxdernièresannées, c’était tropbien,

maisj’aipenséqueça,ceserait…Jeluiprislamain.Ellesetut.–Merci.Jepassaimamainlibresurmesyeuxetjereniflaiunpeuenhochantlatête.–Merci.–Çateplaît?–J’adore.Jesuisentraindetomberamoureuxdetoi…Jesecouailatêteenm’efforçantd’écartercettepensée.Jenepouvaispasl’aimer.L’amourimpliquaitladouleur.Etelleétaitunedesdeuxseulesbonnes

chosesdemavie.Jeregardailecielànouveau.– Si tu regardes là-haut, tu peux voir la constellation du Scorpion. Chaque mois, certaines

constellations sont plus visibles que d’autres.Elle commence par cette étoile tout en bas, ensuite elles’incurve,puis sedivise en cinqpoints, cequi la fait ressembler àune sortedepissenlit.Antarès est

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l’étoilelaplusbrillantedelaconstellation.Mongrand-pèremedisaitquec’étaitlecœurduScorpion.Tulavois?

Jepointailedoigtversleciel.Elleacquiesça.–Selonlamythologie,Orion,lechasseur,sevantaitdepouvoirtuertouslesanimauxdelaplanète.

IlfutvaincuparunscorpionetZeus,quiavaitobservéledéroulementdelabataille,élevalescorpiondanslecielnocturnepourl’éternité.

–C’estbeau.Jel’observaiuninstant,puisjeregardailecieldenouveau.–Oui,c’estvrai.–Çaaussi,c’estbeau,dit-elle.–Quoi?Seslèvresseretroussèrentpendantqu’ellecontinuaitàregarderlesétoiles.–Lafaçondonttumeregardesquandtupensesquejenetevoispas.Moncœurs’arrêtadebattre.Elleavaitremarquéquejelaregardais?–Çat’arrivedem’observer?Ellehochalentementlatête.–Etaprès,quandnousnesommesplusensemble,jefermelesyeuxetjetevoisdansmatête.Dans

cesmoments-là,jenemesensplusjamaisseule.Jesuisentraindetomberamoureuxdetoi.J’avais envie d’ouvrir la bouche et de le lui dire. J’avais envie de lui ouvrirmon âme et de lui

raconter comment je rêvais d’elle en étant éveillé.Mais aussitôt jeme rappelai qui elle était, et quij’étais,moi,etpourquoijenepouvaispasluidireça.

Unsilencegênés’installajusqu’àcequ’Alyssalebrise.–Oh!Jenousaiaussipréparéunpetitsouper,s’exclama-t-elleentendantlamainverslepanierde

pique-nique.Maintenant,jeneveuxpasquetutesentesoffenséparl’excellencedemacuisine.Jesaisquetuasl’habituded’êtrelemeilleurchefdelaville,maisjecroisquejepourraisbient’avoirdépassécettefois-ci.

Elle chercha dans le panier et en sortit une boîte qui contenait des sandwiches au beurre decacahuètesetàlagelée.Jememisàrire.

–J’ycroispas!C’esttoiquiasfaitça?–Entièrement,dudébutàlafin.Àpartlebeurredecacahuètes,laconfitureetlepain.Toutça,je

l’aiprisausupermarché.Mameilleureamie,jevousdis.Jemordisdanslesandwich.–Delaconfituredefruitsrouges?–Delaconfituredefruitsrouges.–C’estlegrandluxe!Ellesourit.Etjemesentismourirunpeu.

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–Pourledessert,j’aidesframboisesetça.Ellesortitunpaquetd’Oreos.–J’aisortilegrandjeu,non?Attends.Ellesortitunbiscuit,l’ouvritposauneframboiseàl’intérieuretlereferma.Puiselleentrepritdele

fairevolercommeunavionautourdemabouche.J’ouvrisgrandleslèvres,mordisdedansetgémisdeplaisir.Ellehaussaunsourcil,satisfaite.

–Cesontmescookiesquitefontgémirdeplaisir?–Cesontabsolumenttescookiesquimefontgémirdeplaisir.Ellesedandinaenpoussantunsoupirexagéré.–Sij’avaisreçuundollarpourchaquefoisqu’ungarsm’aditça!–Tuauraiszérodollarzérocent.Ellemefitunpetitsignedédaigneuxetjel’aimaiencoreplus.Jenesavaispascedontj’avaisle

plusenvie,seslèvressurlesmiennesoul’écouterparler.L’idéed’avoirlesdeuxmeravissaitplusquejen’auraisjamaiscru.

Laparole,choisislaparole.–Quelesttonplusgrandrêve?Jemejetaiquelquesframboisesdanslabouche,avantd’enlancerquelques-unesdanslasienne.–Monplusgrandrêve?–Ouais.Quevoudrais-tuêtreoufairedansl’avenir?Ellesemorditlalèvreinférieure.–Jeveuxjouerdupianoetfairesourirelesgens.Lesrendreheureux.Jesaisqueçaneparaîtpas

trèsambitieuxauxyeuxdebeaucoupdegens,commemamère.Etjesaisquec’estunpeubêtecommebutdanslavie,maisc’estcequejeveux.Jeveuxquemamusiqueinspirelesautres.

–Tupeuxyarriver,Alyssa.Tulefaisdéjà.Jecroyaisàsonrêvebienplusquejenepouvaisl’exprimer.Chaquefoisquejel’entendaisjouerdu

piano,c’étaitcommesi toutes leschoseshorriblesde laviedisparaissaient.Lessonsqu’elle tiraitdupianom’aidaientàtrouverquelquesinstantsdepaix.

–Ettoi?Elle posa une framboise entre mes lèvres.Ma situation dans la vie ne m’avait jamais vraiment

autoriséàrêver,maisquandj’étaisavecAlyssa,toutsemblaitdevenirpossible.–Jevoudraisêtrechef.Jevoudraisquelesgensarriventgrognonsetrepartentheureuxgrâceàce

quej’aimisdansleurassiette.Jevoudraisquelesgenssesententbienendégustantmacuisineetoublienttouslesembêtementsdelavraieviependantquelquesinstants.

–J’adorecetteidée.Nousdevrionsouvrirunrestaurant,ymettreunpianoetl’appelerleAlyLo.–OuleLoAly.–AlyLoçasonnebeaucoup,beaucoupmieux.Enplus,c’étaitmonidée.–Ehbien,d’accord,onvafaireça.OnvaouvrirleAlyLoetfairedelacuisinegénialeetjouerde

lamusiquegénialeetvivreheureuxjusqu’àlafindestemps.

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–Fin?–Fin.–Tonpetitdoigt?Ellemetenditsonpetitdoigtetj’yaccrochailemien.Nosmainsétaientcommeliéesl’uneàl’autre.–As-tuunautrerêve?J’hésitaiàleluiconfierparcequecelasemblaittellementnul,maiss’ilyavaitunepersonneenqui

jepouvaisavoirconfiancepournepasmejuger,c’étaitbienelle.–Jeveuxdevenirpère.Jesaisqueçaal’airidiot,maisjeleveuxvraiment.J’aipassétoutemavie

avecdesparentsincapablesdedonnerdel’amour.Maissij’étaispère,j’aimeraismesenfantsplusquejenepeuxledire.J’assisteraisàleursmatchsdebase-ball,àleursrécitalsdedanse,etjelesaimerais,qu’ilsveuillentdeveniravocatsouéboueurs.Jeseraisunmeilleurparentquelesmiens.

–J’ensuissûre,Lo.Tuseraisunpèregénial.Jenesaispaspourquoi,maisenl’entendantdireça,leslarmesmemontèrentauxyeux.Noussommesrestéslà-hautencoreunmoment,sansdireunmot,ennouscontentantderegarderen

l’air.C’étaitencoresipaisiblelà-haut.Jenepouvaism’imaginerailleurs.Nousnenousétionspaslâché

lesmains.Est-cequ’elleaimaitmetenirlamain?Est-cequesoncœurbattaitplusviteparmoments?Est-cequ’elleaussiétaitplusoumoinsentraindetomberamoureusedemoi?Jeserraisamainunpeuplusfort.Jen’étaispassûrd’êtrecapabledelalâcher.

–C’estquoitaplusgrandepeur?demanda-t-elledoucement.Demamainrestéelibre,jesortismonbriquetetmemisàl’allumeretl’éteindre.–Maplusgrandepeur?Jenesaispas.Qu’ilarrivequelquechoseauxquelquespersonnesàquije

tiens.Kellan.Toi.Mamère.Ettoi?–Perdremonpère. Je saisqueçaparaît idiot,mais tous les jours,quand la sonnettede laporte

retentit,jemedemandesic’estlui.Chaquefoisquemontéléphonesonne,moncœurs’arrêtedebattre,etj’espèrequec’estlui.Jesaisquecesderniersmoisilaétépasmalabsent,maisjesaisaussiqu’ilvarevenir.Ilrevienttoujours.Maisl’idéedeleperdrepourtoujoursmebriselecœur.

Nousavonséchangédesréflexionssurnoscôtésobscursetnousnoussommesdévoilénoslumièresrespectives.

–Raconte-moiunebellehistoiresurtamère.–Hum…Jememordillailalèvreinférieure.–Quandj’avaisseptans,j’allaistouslesjoursàl’écoleàpied.Unjour,jesuisrentréàlamaison

etj’aientendudelamusiquequijouaitàtue-têtesousleporchedenotrevieilimmeuble.MamèreavaitunlecteurdeCDaveclequelelleécoutaitdesvieuxtubes,TheTemptations,MichaelJackson,touslesclassiques.Elle a dit que c’était un voisin qui lui avait donné leCDet cela lui avait donné envie dedanser.Alors,elles’étaitmiseàdanserdanslarue,ennemontantsurletrottoirquelorsqu’unevoiturepassait.Elleétaitsibellecejour-là,etellem’afaitdanseravecelletoutelasoiréejusqu’àcequelalune

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soithautedansleciel.Kellanestvenu,luiaussi.Ilétaitvenuàvéloapporterdesrestesdesondînerpourmamanetmoi.Quandilestarrivé,onadansétouslestrois.

Jeveuxdire,enyrepensant,jesuissûrqu’elleavaitprisquelquechose,maisjenelesavaispasalors.Jemesouviensjusted’avoirrietd’avoirtournéetdansélibrementavecelleetKellan.Lesondesonrireétaitcequejepréférais,parcequ’elleriaitsifortetsansretenue.C’estmonmeilleursouvenird’enfance.C’estlesouvenirverslequeljemetournechaquefoisqu’elleal’airtellementailleurs.

–C’estunbonsouvenirauquelteraccrocher,Lo.–Ouais.Jeluifisunpetitsourire,jenelaissaisjamaispersonneserendrecompteàquelpointmamèreme

manquait,maisjesavaisqu’ellecomprenait,parcequesonpèreluimanquaitaussi.–Tuasunbeausouvenirdetonpère?–Tuvoislaplatinevinylequiestdansmachambre?–Oui.–Ilmel’aofferteuneannéepourNoël,etnousavonsinstauréunetradition:touslessoirsavantque

j’aillemecoucher,nousécoutionsetnouschantionsunechanson.Puis le lendemainmatin,quandnousnousréveillions,nouschantionsunechansonaussi.Delamusiquemoderne,desvieuxsuccès,n’importequoi.C’étaitnotre truc.Parfoisma sœurErikavenait chanter avecnous,parfoismamèrehurlaitpourqu’onbaisseleson,maisnousriionsetnousnoussouriions.

–C’estpourçaqu’ilyatoujoursdelamusiquelesoirquandjevienstevoir?– Oui. C’est marrant, je joue toujours les mêmes chansons que nous chantions lui et moi, mais

maintenantlesparolessemblentsidifférentes.Nousavonscontinuécetteconversationtoutelanuit.Jeluidonnaisdesframboisesetellem’offraitsesrêves.Ellemedonnaitdesframboisesetjeluiconfiaismespeurs.Nousavonsobservélecielnocturne,nousnoussentionsensécuritéetlibres,l’espaced’unmoment.–Çat’arrivedetedireàquelpointlesgenssontfous?Ilyaplusdetroiscentsmilliardsd’étoiles

rienquedanslavoielactée.Troiscentsmilliardsdepointslumineux,quinousrappellenttoutcequ’ilyalà-haut,dansl’univers.Troiscentsmilliardsdeflammesquiparaissentsipetites,alorsqu’enfaitellessont bienplus grandesque tout ce qu’onpeut imaginer. Il y a toutes ces différentes galaxies, tous cesautresmondesquenousn’avonsjamaisdécouvertsetquenousnedécouvrironsjamais.Ilyatellementdemerveillesdanslemonde,etpourtant,aulieudenousyintéresseretdeprendreletempsdenousrendrecomptequenoussommestousinfinimentpetitsdansunlieului-mêmeminiature,nousfaisonscommesinousétionslesmaîtresdel’univers.Nousaimonsnousdonnerdel’importance.Etchacund’entrenousaimefairecroirequecequ’ilfaitestcequ’ilyademieuxetquesesblessuressontlesplusgraves,alorsqu’en fait nous ne sommes rien de plus qu’un minuscule point en fusion qui fait partie d’un cielgigantesque.Unpointminusculedontpersonnene remarquerait l’absence.Unpointminusculequi seraincessamment remplacé par un autre qui pense être plus important qu’il n’est en réalité. Je voudraisseulementquelesgensarrêtentunpeudesebattreàproposdechosesaussistupidesetsansintérêtquela

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race,l’orientationsexuelleetlatéléréalité.Jevoudraisqu’ilsserappellentqu’ilssonttoutpetitsetqu’ilsprennentcinqminutesparjourpourregarderlecieletrespireràfond.

–Logan?–Oui?–J’aimetonesprit.–Alyssa?–Oui?Jesuisentraindetomberamoureuxdetoi…–Mercipourcettesoirée.Tun’imaginespasàquelpointj’avaisbesoindeça.Tun’imaginespasà

quelpointj’avaisbesoindetoi.Jeluiserrailamaindoucement.–Tuescequ’ilyademieuxpourmoi.Monplusbeautrip.

1.TheCloudGate:sculptureurbainedel’artisteAnishKapoor,surnomméeTheBean–LeHaricot–enraisondesaforme.(NdT,ainsiquepourtouteslesnotessuivantes)

2. Joueur américaindebase-ball (1919-1972). Il fut le premierNoir à jouer enLiguemajeure, et un infatigablemilitant de la causeégalitaire.

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5LOGAN

–Lo!Lo!Lo!Unesemaineplustard,Alyssaarrivaencourantsousunepluiebattanteencriantmonnom.J’étaissurlaplus haute marche de l’échelle, en train de nettoyer l’extérieur des vitres, au troisième étage.Apparemment,mamèrenemedemandaitdelesfairequelorsqu’ilpleuvaitàverse.Lescrisd’Alyssamefirentsursauteretjelâchaileseaud’eau(maintenantremplisurtoutd’eaudepluie)quiallas’écraserausol.

–Bonsang,Alyssa!Ellefronçalégèrementlessourcilsentenantunparapluiejaunevifàpoisau-dessusdesatête.–Qu’est-cequetufais?–Jefaislesvitres.–Maisilpleut.Bienvu,Sherlock.Maisjemedisaussitôtquecen’étaitpasdesafautesijefaisaislescarreauxet

qu’elle n’avait pasméritémamauvaise humeur. Je descendis les barreaux de l’échelle et la regardaifixement.Ellefitungrandpasversmoietnousabritatouslesdeuxsoussonparapluie.

–C’est tamère qui t’a obligé à faire ça ? demanda-t-elle avec le regard le plus triste que j’aiejamaisvu.

Jenerépondispas.–Qu’est-cequetufaislà?jeluidemandai,légèrementénervé.Jen’habitaispasdanslemêmegenred’environnementqu’elle.J’habitaisdansunquartierpourri,et

cen’étaitpasl’endroitleplussûr,surtoutpourquelqu’uncommeAlyssa.Auboutdelarue,ilyavaitunterrain de basket où avaient lieu plus de deals de drogue que dematchs. Il y avait les individus quirestaient plantés dumatin au soir au coin des rues, qui se bousculaient, qui essayaient de se faire un

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dollardetempsentemps.Ilyavaitlesprostituéesabrutiesparladroguequiarpentaientlestrottoirs.Etpuisilyavaitlescoupsdefeuqu’onentendaittoutletemps,maisheureusementjen’enavaisjamaisvuaucunatteindresacible.

Jedétestaiscecoin.Cesrues.Cesgens.Etjedétestaisqu’Alyssasepointepariciquelquefois.Ellebattitdespaupièresuneoudeuxfoiscommesielleavaitoubliépourquoielleétaitvenue.–Ahoui!Sonfroncementdesourcilssetransformaenunlargesourire.–Peau-de-Fessem’aappelée!J’avaistellementenviequ’ilvienneassisteràmonrécitaldepiano

cesoir,maisilnem’avaitpasrappelée,tutesouviens?Jusqu’àmaintenant!Ilvientdem’appeleretilm’aditqu’ilpouvaitvenir!dit-elled’unevoixsuraiguë.

Jebattisdespaupières,impassible.Peau-de-FesseavaitlechicpourfairecegenredepromesseàAlyssaetreculeràladernièreminute.

–Nefaispasça,dit-elleenpointantsondoigtsurmoi.–Qu’est-cequejefais?–Nemeregardepasaveccetairdedire«Netefaispasd’illusion,Alyssa».Cen’estpasmoiqui

l’aiappelé.C’estlui.Ilveutêtrelà.Ellenepouvaitpass’empêcherdesourire.Celamefaisaitdelapeinepourelle.Jen’avaisjamais

demavievuquelqu’unquiavaittantbesoindesesentirdésiré.Tuesdésirée,AlyssaMarieWalters.Jetelepromets.–Jenet’aipasregardéecommeça.C’étaitunmensongeéhonté.Jel’avaisbienregardéecommeça.–Ok.Pesonslepouretlecontredecettesituation.Avantqu’Alyssaetmoipassionslebacenjuindernier,onavaitunprofd’histoirequinousfaisait

fairedeslistesdepointspositifsetdepointsnégatifspourtouteslesguerresquiavaientexisté.C’étaitincroyablementchiant,d’autantplusqueceprofavait lavoix laplusmonotonequ’onpuisse imaginer.Alors, depuis ce temps-là,Alyssa etmoi avions pris l’habitude de dresser des listes de positif et denégatifpourtoutetpourrien,enprenantunevoixmonotonebiensûr.

–Positifnuméroun,dit-elled’unevoixdeplusenpluslasse,ilvient.–Négatifnuméroun,ilnevientpas.Ellefronçalenez,agacée.–Positifnumérodeux,ilvientavecdesfleurs.Quandilaappelé,ilm’ademandéquelleétaitma

fleurpréférée.Onnefaitpasçasionn’apasl’intentiond’apporterdesfleursàlapersonne!Desmarguerites.Peau-de-Fesseauraitdûlesavoir.–Négatifnumérodeux,ilappelleetannuleàladernièreminute.– Positif numéro trois, dit-elle en posant lamain sur sa hanche. Il vient et ilme dit que je suis

géniale.Etqu’ilestsuper-fierdemoi.Etquejeluiaimanquéetqu’ilm’aime.

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Jem’apprêtaisàrépondre,maisellemefittaireetabandonnasontonmonotone.–Écoute,Lo.Assezdepointsnégatifs.J’aibesoinquetumeregardesetquetumedisesquetues

contentpourmoi,ok?Mêmesitufaissemblant.Ellecontinuaitàsourireetàparlersuruntonenthousiaste,maissesyeuxetsontemposaccadéme

renseignaienttoujourssurcequ’elleressentaitréellement.Elleavaitletrac,ellecraignaitqu’illalaissetomberunefoisdeplus.

Alors,j’aisouripourluifaireplaisir,parcequejenevoulaispasqu’ellesoitnerveuseniqu’elleaitpeur.Jevoulaisqu’ellesoitvraimentaussiheureusequ’ellefaisaitsemblantdel’être.

–C’estsuper,Alyssa,j’aiditenluidonnantunpetitcoupdanslebras.Ilvavenir!Ellepoussaunprofondsoupirethochalatête.–Oui,absolument,ilseralà.–Biensûr,j’aiditavecunefausseassurance.Parceques’ilexisteunepersonnedanscemondequi

vautledéplacement,c’estbiencettefoutueAlyssaWalters!Lerougeauxjoues,elleacquiesça.–C’estmoi!CettefoutueAlyssaWalters!Elleplongealamaindanssapochearrièreetensortitunsachetferméparunefermetureàglissière,

quirenfermaitunbillet.–Okay.J’aibesoindetonaide.Jesuisparanoàl’idéequemamèredécouvrequej’aiessayéde

parleràpapa.Jeneveuxpasqu’ils’approchedecheznous.Alors,jeluiaiditdevenirchercherlebilletici.

Alyssa me regardait en espérant que j’approuve son plan. Il ne m’avait pas échappé qu’ellerecommençaitàl’appeler«papa»etplusPeau-de-Fesse.Celamefitencoreplusdepeinepourelle.

Purée,j’espéraisdetoutmoncœurqu’ilallaitvenir.–Pasdeproblème.Les larmes luimontèrent aux yeux et elleme tendit le parapluie pour que je le tienne, le temps

qu’ellelesessuie.–Tueslemeilleuramiqu’unefillepuisseavoir.Ellesepenchaversmoietm’embrassalajouepasmoinsdesixfois.Etjefissemblantdenepasremarquerquemoncœurbondissaitsixfoisaussi.Ellene leremarquaitpas,elle,hein?Elleneremarquaitpasqu’elleembrasaitmoncœurchaque

foisqu’ellesetenaitàcôtédemoi.

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6ALYSSA

–Comments’estpasséetarépétition?demandamamèrelorsquejerentraidechezLogan.Aulieud’alleràlarépétition,j’étaisalléechezluipourlesupplierdedonnerunbilletàmonpère.Maisjenepouvaispasledireàmamère,ellen’auraitpascompris.Elleétaitassisedanssonbureau,entraindetapersursonordinateur,faisantcequ’ellefaisaitlemieux,elletravaillait.Unverredevinétaitposéàcôtéd’elle,labouteillepleineàportéedemain.Ellenelevapaslesyeuxversmoiet,sansmelaisserletempsderépondre,elleajouta:

–Metstesvêtementssalesdanslepanierdanslasalledebains.Etpuissitupeux,lave-lesetplie-lespourlesmettredanslesèche-linge.

–D’accord.–Etj’aipréparédeslasagnes,tuveuxbienlesmettreaufouràdeuxcentspendantuneheure.–Ok.–Ets’ilteplaît,Alyssa…Elles’arrêtadetaperetsetournaversmoiensepinçantl’arêtedunez.–Pourrais-tunepaslaissertraînerteschaussuresdansl’entrée?Tun’asquedeuxpasàfairepour

lesmettredansleplacard.Jejetaiuncoupd’œildansl’entréeoùj’avaislaissétraînermesConverse.–Jelesaimisesdansleplacard.Ellemelançaunregardquivoulaitdire«Benvoyons!».–Valesrangerdansleplacard,s’ilteplaît.Jelesrangeaidansleplacard.Quandvintlemomentdudîner,mamèreetmoinousassîmesàlatabledelasalleàmanger,elleles

yeuxrivéssursontéléphone,répondantàdesmails,etmoi,lesyeuxrivéssurmontéléphone,commentant

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lespublicationssurFacebook.–Leslasagnesn’ontpaslemêmegoûtqued’habitude.–J’airemplacélapâtepardesblancsd’œufsenomelette.–Maiscenesontplusdeslasagness’iln’yapasdepâte.Sansça,onmangejustedesœufs,dela

sauceetdufromage.–Maiscommeça,ilyamoinsdeglucides,ettusaisbienquejet’aiditquetudevaisréduireles

glucidesavantd’alleràlafac.Laprisedepoidschezlesétudiantsdepremièreannéecen’estpasuneblague, en plus j’ai lu un article qui disait que ceuxqui sont déjà en surpoids ont tendance à prendreencoreplusdepoidsquelesgensnormaux.

–Quelesgensnormaux?Tuveuxdirequejenesuispasnormale?Jesentismapoitrineseserrer.Mamèrelevalesyeuxaucielavecostentation.–Cequetupeuxêtresusceptible,Alyssa!Jeregrettequetunesoispasaussistablequetasœur

Erika.Enplus,elleadeshabitudesalimentairesquisontdixfoismeilleuresquelestiennes.Jenefaisqueconstaterlesfaits.Ilfautquetufassesplusattentionàcequetumanges,c’esttout.

Ellechangearapidementdesujet.–Aufait,tunem’aspasrépondu.Comments’estpasséetarépétition?Ellepritunebouchéedesonrepas.–Bien.Tusaislepianoetmoi,c’estunevieillehistoire.Ellesoupira.–Oui,jesais.Jesuisdésoléedenepaspouvoirassisteraurécital,cesoir.J’aitropdetravail.Jelevailesyeuxaucielavecuneexagérationcaricaturale,cequ’elleneremarquamêmepas.Elle

nevenait jamaisàaucundemes récitals,parceque,pourelle lamusiqueétaitunpasse-temps,pasunchoixdevie.Quandelleavaitdécouvertquej’allaisàlafacpourétudierlamusicothérapie,elleavaitpresquerefusédeparticiperàmesfraisd’inscription,jusqu’àcequ’Erikalafassechangerd’avis.Mêmesimasœurétaitcommeellequandils’agissaitd’êtreréaliste,ellecroyaitquandmêmeenmamusique.Peut-êtreparcequesonpetitamiKellanétaitmusicien,etqu’ellel’aimait,luietsaprofondeurd’artiste.

Parfois,jefermaislesyeuxetj’essayaisdemerappeleruneépoqueoùmamèren’étaitpassidure,siimpitoyable.Dansmessouvenirs,jelarevoyaisplusoumoinsentraindesourire,maispeut-êtrequec’étaitjustemonimaginationquivoulaitquelquechosedebeauàquoiseraccrocher.Était-elledevenuefroidelejouroupapanousavaitquittéesoubienétait-cesachaleuràluiquidissimulaitlafroideurdesonâmeàelle?

– Je pense que je vais aller à l’auditoriumpourme préparer pour ce soir.Merci pour le dîner,Maman.

Elleseservitunautreverredevin.–Ouais.Alors que j’enfilais un blouson léger,mesConverse et que je prenais le sac artisanal que papa

m’avaitrapportéd’unconcertenAmériqueduSud,mamèremerappela.

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–Alyssa!–Oui,Maman?–Mets le lave-vaisselle en route avant departir.Et va sécher le linge.Et prends-moi unpot de

glacechezBally.Maissurtout,évited’enprendrepour toi.Tusais, laprisedepoidsdesétudiantsdepremièreannée,ettoutça.

***

J’avaisl’impressionquemapoitrineétaitenfeu.Lefauteuil4Aétaittoujoursvidequandj’avaisjetéuncoupd’œildepuisl’arrièredelascène.Ilva

venir.Ilm’aappelée,iladitqu’ilseraitlà.Avecdesmarguerites.J’adorais les marguerites, c’était mes fleurs préférées, papa le savait et il allait m’en apporter.

Parcequ’ilavaitpromisdelefaire.–C’estàtoiaprès,Alyssa,ditmonprofesseur.Jesentaismoncœurbattrelachamadedansmapoitrine.Àchaquepasquimerapprochaitdupiano,

j’avaisl’impressionquej’allaism’écrouler.Jesuffoquais,jesavaisqu’iln’étaitpaslà,j’avaislevertigeenpensantqueriennesortaitdesabouchequinesoitunmensonge.Toujoursdesmensonges.Cruelsetinutiles.

C’estalorsquejelevailesyeux.Pour…Lefauteuil4Aétaitoccupé.Ilétaitvenu.Jemedétendisunefoisassisesurlebancdupianoetjemelaissaialleràmeperdreauclavier.Mes

doigtsfaisaientpartieintégrantedupianoetfaisaientnaîtrelamagie.Permettaientauxsonsdemonâmed’emplirl’espace.Sansquejeleveuille,quelqueslarmestombèrentpendantquejejouais.Àlafindumorceau, jeme levai et saluai. Le public n’était pas censé applaudir jusqu’à ce que les intervenantssoienttouspassés,pouréviteràceuxquin’avaientpasbienjouédesesentirmalennerecevantpaslesacclamationsdesspectateurs.Maislegarçondufauteuil4Aétaitdebout.Uneseulemargueriteàlamain,ilapplaudissaitcommeunfou,ensifflantetenhurlant.

Jesourisaugarçonquiportaituncostumetropgrandpourlui.Sansréfléchir,jetraversailepublicencourantetjeleprisdansmesbras.–Lebilletétaitpourtoi,detoutefaçon.Cen’étaitpasvrai,maisilmeserraplusfort.QuiavaitbesoindePeau-de-Fessedetoutefaçon?J’avaisLoganFrancisSilverstone.Etcelamesuffisaitamplement.

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7LOGAN

–Toncostumeesttropgrand,dit-elleenremontantlesmanchesquipendaientau-delàduboutdemesdoigts.Lamargueritequeje luiavaisdonnéeétaitcoincéederrièresonoreillegauchedepuisquenousavionsquittélerécital.

–C’estàKellan.IlestvenuledéposerquandilacomprisquePeau-de-Fesseneviendraitpas.–Tuflottesdedans.Maistuesbeauquandmême.Jenet’avaisjamaisvuhabillésichic.Çat’aplu,

lerécital?Cen’étaitpasmameilleureprestation.–C’étaitparfait.–Merci,Lo.Jepensequenousdevrionsfairequelquechosed’amusantcesoir.Pastoi?Jepense

quenousdevrions,ohjenesaispas…fairequelquechosedefou!Elleparlait,elleparlait,ellen’arrêtaitpas.Elleavaitlechicpourça.Pendantquenousmarchions,

elletournaitenrond,ellesouriaitetelleparlait,etelleparlaitetellesouriait.Maisjenel’écoutaispasvraiment,j’avaisl’espritailleurs.J’avaisenviede lui redireàquelpoint elleavait étégénialependant le récitaldepiano.Àquel

point jem’étais sentivivantgrâceà sesdoigts évoluant sur le clavier.Quemesyeuxne l’avaientpasquittéed’unesecondependanttoutletempsoùelleavaitjoué.Que,quandellem’avaitprisdanssesbras,jenevoulaisplusjamaislalâcher.Luidirequ’ilm’arrivaitsouventdepenseràelleenfaisantdeschosesordinaires commedeme brosser les dents, ou deme coiffer, ou de chercher des chaussettes propres.J’avaisenviedeluidiretoutcequejepensais,parcequetoutesmespenséestournaientautourd’elle.

J’avaisenviedeluidirecequejeressentaispourelle.Deluidirequej’étaisentraindetomberamoureuxd’elle.Que j’adorais ses cheveux rebelles et sa bouche toujours en traindebavarder d’unechoseoud’uneautre.

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J’avaisenviede…–Logan,murmura-t-elle,figéesurletrottoir.Je ne sais comment,mesmains se retrouvèrent sur ses reins et je l’attirai versmoi.Mon souffle

sortaitdemeslèvresquinesetrouvaientqu’àquelquescentimètresdesabouche.Sonsoufflechaudsemêlaitàmesinspirationshaletantesetnosdeuxcorpstremblaientl’uncontrel’autre.

–Qu’est-cequetufais?Qu’est-cequejefaisais?Pourquoinoslèvresétaient-ellessiproches?Pourquoinoscorpsétaient-

ilsserrés l’uncontre l’autre?Pourquoinepouvais-jepasdétournermonregard?Pourquoiétais-jeentraindetomberamoureuxdemameilleureamie?

–Véritéoumensonge?–Mensonge.–J’arrangelafleurdanstescheveux.Jefixaisesbouclesderrièresonoreille.–Maintenant,repose-moilaquestion.–Qu’est-cequetufais?Jem’approchaiunpeuplus,etjesentissesmotseffleurermeslèvres.–Véritéoumensonge?–Vérité.– Jen’arrêtepasdepenserà toi.Pas seulementmaintenant, jeveuxdire tout le temps.Lematin,

l’après-midi, le soir, tu es dans mes pensées. Je n’arrête pas de penser à t’embrasser, non plus. Jen’arrêtepasdepenseràt’embrasserlentement.Ilfautquecesoitlent.Parceque,plusc’estlent,plusceladurelongtemps.Etjeveuxqueçadure.

–Etça,c’estlavérité?dit-elled’unevoixdouce,lesyeuxrivéssurmeslèvres.Elleeutunpetithoquet.–C’estlavérité.Maissituneveuxpasquejet’embrasse,jeneleferaipas.Situveuxquejete

mente,jetementirai.Ellemeregardadroitdanslesyeuxetposalesmainssurmontorse.Moncœurbattaitàserompre

soussesdoigts tandisqu’elle se serrait contremoi.Elle semordit la lèvre inférieure,etunminusculesouriresedessinasursabouche.

–Tuesmonmeilleurami,murmura-t-elleentirantsurlebasdesarobeàpois.Tueslapremièrepersonneàquijepenseenmeréveillant.Tuescellequimemanquequandtun’espasallongésurmonlitavecmoi.Tueslaseulechosequim’aittoujourssemblébonnepourmoi,Lo.Etsij’étaishonnête,jetediraisquej’aivouluquetum’embrasses,pasuneseulefois,maisdestasdefois.

Nos corps s’enroulèrent l’un dans l’autre, et je mesurai sa nervosité quand elle fut secouée dehoquets.

–Nerveuse?–Nerveuse.

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Nous étions maladroits, mais en même temps c’était exactement ce que j’avais toujours espéré.Commes’ilnepouvaitpasenêtreautrement.

Jehaussailesépaules.Ellehaussalesépaules.Jeris.Ellerit.J’entrouvrisleslèvres.Elleentrouvritleslèvres.Jemepenchaiverselle.Ellesepenchaversmoi.Etmaviebasculapourtoujours.Jeserrailesmainsplusfortdanssondoslorsqu’ellem’embrassa.Ellem’embrasaitdeplusenplus

intensémentàchaquesecondequipassait,unpeucommesielleessayaitdedéterminersicemomentétaitréeloupas.

Était-ilréel?Peut-être quemon esprit tordu fabriquait des fantasmes alors que nous étions debout l’un contre

l’autre.Peut-êtrequ’enréalité,jerêvaistoutsimplement.Peut-êtremême qu’AlyssaWalters n’avait jamais existé. Peut-être était-elle seulement quelqu’un

quej’avaisinventédansmatêtepourm’aideràsupportermesjournéespourries.Maissitoutçan’étaitqueleproduitdemonimagination,pourquoiest-cequecelameparaissaitsi

réel ?Nos lèvres se séparèrent pendant une fractionde seconde.Nous nous regardions droit dans lesyeux,éberlués,commesinousnousdemandionstouslesdeuxsinouspouvionscontinueràfairevivrecerêve,ousinousneferionspasmieuxd’arrêteravantdedétruirecehavredepaixqu’étaitnotreamitié.

Sonvisageserapprochadumienetellepassadansmescheveuxsesmainsquitremblaient.–S’ilteplaît,murmura-t-elle.Meslèvreseffleurèrentlessiennes,etellefermaprogressivementlesyeuxavantquenosbouchesne

s’écrasentl’unecontrel’autre.Puisellem’attiracontreelleetglissasalangueentremeslèvres.Jeluirendissonbaiseravecencoreplusdefougue.Nousdégringolâmescontrelemurdel’immeubleleplusproche et je la soulevai contre les pierres fraîches. Je la désirais plus qu’elle ne pourrait jamaismedésirer.Nosbaisersdevinrentplusardentstandisquenoslanguess’entremêlaient,alorsquemonespritseprenaitàcroirequejepourraissentirAlyssacontremoipourtoujours.

Jen’étaispasentraind’inventercettescène,seslèvres,lesmêmesquej’avaisimaginéescontrelesmiennesdepuissilongtemps,lesmêmesquisouriaientpourilluminermesjournées,ceslèvresétaiententraindem’embrasser.

J’embrassaismameilleureamieetellemerendaitmesbaisers.Ellem’embrassait comme si elle était sincère, et je l’embrassais comme si elle représentait tout

pourmoi.C’estlecas.

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Ellereprésentetoutpourmoi.Lorsquenouscessâmesdenousembrasser,nousrespirionstouslesdeuxdifficilement.Jelareposai

surlesol.Ellefitunpasenarrière.Jefisdemême.Nousétionstouttremblants,elleetmoi,etnousrestionsplantéslàsanssavoirquoi

faire.Jehaussailesépaules.Ellehaussalesépaules.Jeris.Ellerit.J’entrouvrisleslèvres.Elleentrouvritleslèvres.Jemepenchaiverselle.Ellesepenchaversmoi.Etnousrecommençâmestoutdepuisledébut.

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8ALYSSA

Nousétionssilencieux.Jechoisisdeneremarquerquequelquesbruitsdansmachambre.Lebruitduventilateurauplafondquitournaitettournaitau-dessusdenostêtes,alorsquenousétionsallongéscôteàcôtesurmonlit.Ilyavaitlebruitdelaplatinevinyleposéesurlacommode,quitournaitenhoquetantrégulièrementcommesielleétait abîmée – en même temps, elle semblait être tout à fait en bon état. Un diffuseur de parfumd’ambiance vaporisait un jet de senteur de rose toutes les deux ou troisminutes, l’odeur venait nouschatouillerlesnarines.Etpourfinir,ilyavaitnosbrèvesinspirationsetexpirations.

Simoncœurbattaitsiviolemmentlachamade,c’étaitqu’ilavaitpeur,j’enétaiscertaine.Aufuretàmesurequenouspassionsplusdetempsensemblejetombaisdeplusenplusamoureusedelui.Cesoir,nousnousétionsembrassés.Nosbaisersavaientsemblédureruneéternité,etpourtantnousn’enavionsjamaisassez.

Etmaintenant,j’avaispeur.Jemedisaisquesoncœuravaitaussipeurquelemien.C’étaitobligé.–Lo?J’avaislagorgesèche,etmavoixsebrisa.–Oui,High?Ilavaitcommencéàm’appelerHighaumomentoùnousétionsredescendusdupanneaupublicitaire,

aprèsqu’ilm’avaitditque«j’étaissonplusbeautrip»,quepersonnenelefaisaitplaneraussihaut.Celame plaisait plus qu’il ne pourrait jamais l’imaginer. Jeme blottis contre lui, enme lovant

contre la courbe de son côté. Il me donnait toujours le sentiment d’être ma couverture de sécurité,l’endroitoùjepouvais toujoursm’emmitouflerquandlaviedevenaitunpeufroide.Ilm’avait toujourssoutenue,mêmequandilsesentaitlui-mêmetellementperdu.

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Jeluimurmuraiàl’oreille:–Tuvasmebriserlecœur,hein?Ilacquiesçaavecunregardempreintdeculpabilité.–Çasepourrait.–Etensuite,qu’est-cequisepassera?Ilneréponditpas,maisjelavisdanssesyeux,lapeurqu’ilpuissemefairedumal.Ilm’aimait.Il

nel’avaitjamaisdit,maisc’étaitlà.Loganavaitunefaçonbienàluid’aimerunepersonne.Ensilence,presqueensecret.Ilavaitpeurdelaisservoirqu’ilaimait,parcequesilavieluiavaitenseignéquelquechose,c’était

quel’amourn’estpasunerécompensemaisunearme.Etilenavaitplusqu’assezd’êtreblessé.Siseulementilavaitsuquesonamourétaitlaseulechosequicontinuaitàfairebattremoncœur…

J’auraistellementaiméqu’ilmel’avoueàvoixhaute.Nousretombâmesdanslesilence.–High?murmura-t-ilenserapprochantlégèrementdemoi.–Oui?–Jesuisentraindetomberamoureuxdetoi,dit-ildoucementenreflétantmespensées.Moncœurcessadebattre.Jepercevaislapeuretl’excitationdansletondesavoix.Lapeurétaitnettementlaplusforte,mais

lafélicitésous-jacenteétaitbienlà,aussi.Enhochantlentementlatête,jetendislamainverslasienne,qu’ilm’abandonna.Jelaserraifort,

parcequejesavaisqu’onyétait.C’étaitlemomentquiallaittoutchanger.Lepointdenon-retour.Celafaisaitquelquesmoisquenousfaisionsça,quenouséprouvionscessentimentsauxquelsnousn’avionsriencompris.C’étaitétranged’aimersonmeilleurami.Maisquelquepart,c’étaitbien.Avantcesoir,iln’avait jamaissembléprêtàprononcer lemotamour. Jen’étaismêmepassûrequ’ilyaitde laplacedanslecœurdeLoganpouruntelsentiment.Toutdanssaviesepassaitdansleroyaumedel’obscurité.Alors,qu’illedise,celasignifiaitbeaucoupplusquequiconquenepourraitjamaislecomprendre.

–Çatefaitpeur.Ilmeserraunpeupluslamain.–Çamefaittrèspeur.Avant,jemedemandaiscommentonsavaitquel’onétaitentraindetomberamoureux.Quelsétaient

lessignes?Lesindices?Celasefaisait-ilprogressivementoud’unseulcoup?Seréveillait-onunmatin,onbuvaitsoncafé,ettoutàcoup,onregardaitl’autreassisenfacedevousetontombaitenchutelibre?

Maismaintenant, je savais.Onne tombaitpasamoureux.Onsedissolvaitdans l’amour.Un jour,vousétiezdeglace,lelendemain,vousn’étiezplusqu’unepetitemared’eau.

Jevoulaisquecelametteuntermeànotreconversation.Jevoulaismepencherverslui,leprendredansmesbras,m’allongerdenouveauetm’endormir,latêtesursapoitrine.Ilposeraitsesmainssurmoncœurpoursentirlesbattementsprovoquésparsonamour.Ilm’embrasseraitdoucementlementonetmediraitquejesuisparfaitecommejesuis.Ildiraitquec’étaientmespetitsdéfautsquimerendentbelle.Il

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metiendraitdanssesbrascommes’ilsetenaitlui-même,avecsoinetprécaution.Jevoulaismeréveillerensentantlachaleurdecegarçontorturéàcôtédemoi,legarçondanslequeljemefondais.

Toutefois,onn’obtientpastoujourscequ’onveut.–Jenesaispassic’estunebonneidée,dit-il.Cesmotsmeblessèrentplusquejenepourraisjamaisl’admettre.–Tuesmameilleureamie,High.–Tuesmonmeilleurami,Lo.– Et je ne veux pas perdre ça. Je n’ai pas tellement d’amis… je n’ai confiance qu’en deux

personnes,toietmonfrère.Etjeprendraislerisquedebousillernotreamitié.Jesaisquejeleferais.Jenepeuxpasacceptercetteidée.Jevaistefairedumal.Jefaisdumaletjegâchetout.

Ilsetournaversmoi,etnosfrontssepressèrentl’uncontrel’autre.Ilavaitlesyeuxdilatés,etsousma main posée sur son torse, je sentais à quel point ses propres paroles le blessaient lui-même. Ilentrouvritlaboucheetserapprochapourmurmurercontremeslèvres.

–Jenesuispasassezbienpourtoi,High.Menteur.Ilétaittoutcequ’ilyavaitdebondansmavie.–Nouspouvonslefaire,Logan.–Mais…jeteferaidumal.Jeneleveuxpas,maisjenepourraipasfaireautrement.–Embrasse-moiunefois.Il fitceque je luidisais.Sabouche trouva lamienneet ilm’embrassa lentement,puis ils’écarta

encorepluslentement.Toutmoncorpsfrémitlorsqu’ilpassalesdoigtsdansmescheveuxbouclés.–Embrasse-moiunedeuxièmefois.Unefoisencoreils’exécuta,ensesoulevantlégèrementdefaçonàcequesoncorpssetrouveau-

dessus dumien.Nos regards rivés l’un à l’autre, ilme regardait fixement comme s’il essayait demepromettrel’éternité,mêmesinousn’avionsquelemomentprésent.Lesecondbaiserfutplusintense,plussexy,plusréel.

–Embrasse-moiunetroisièmefois.Ses lèvres se promenèrent sur mon cou, où il me massa de la langue, en suçant lentement.

Instinctivement,jepoussaimeshanchesverslui.–Logan,je…Mavoixtremblaitalorsquenousétionsallongésdanslachambreplongéedansl’obscurité.–Jen’aijamais…Mesjouess’empourprèrentetjenepuscontinuer.Maisilsavaitdéjà.–Jesais.Jememordislalèvre,etmonestomacfrémit.–Jeveuxquetusoislepremier.–Tuesnerveuse?–Jesuisnerveuse.

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Ilfitunepetitegrimace.–Situneveuxpas…–Si,jeveux.–Tuesbelle.Duboutdesdoigts,ilrepoussamescheveuxderrièremonoreille.–Jesuistoujoursunpeunerveuse.–Tumefaisconfiance?Jefisouidelatête.–Okay.Fermelesyeux.Jefiscequ’ilmedisait.Moncœurbattaitdeplusenplusvite.Qu’allait-ilsepasserenpremier?

Est-cequej’auraismal?Est-cequ’ilmedétesterait?Est-cequejepleurerais?Leslarmescommençaientdéjààmemonterauxyeux.Jepleurerais.Ilposaunbaiserauborddemeslèvres.–Tuesensécurité,High,promis.Ilsemitlentementàrelevermonhautdepyjamatropgrand,etjemeraidis.–Tunerisquesrien,murmura-t-ilcontremonoreilleenmemordillantlelobeavecdouceur.Tume

faisconfiance?demanda-t-ilànouveau.Jemedétendis et jememis à pleurer, nonplusparceque j’étais nerveusemais parceque je ne

m’étaisjamaissentieplusensécurité.–Oui.Jetefaisconfiance.Chaquefoisqu’unelarmecoulait,ill’essuyaitd’unbaiser.IlenlevamonT-shirtpetitàpetit,puislejetaàl’autreboutdelachambre.Sabouchepartitduhaut

puisdescenditpeuàpeu.Ilmeléchadanslecou,suçamapoitrine,suivitdelapointedesalanguelescontoursdemonsoutien-gorge,déposadesbaiserssurlatotalitédemapeaunue.

–Alyssa,murmura-t-il,justeavantd’atteindrelaceinturedemaculotte.Enrespirant lourdement, jecambrai leshanches. J’avaisbesoinqu’ilcontinueàme toucher.Mes

mainsretombèrentsurmapoitrineoùellesmesurèrentlecontrôlequ’ilexerçaitsurlesbattementsdemoncœur.

–Tumedisd’arrêtersituveux,d’accord?Sasollicitudeétaitperceptibledanssavoix.–Non…jet’enprie…Ilfitglissermaculottelelongdemesjambes,etàchaquecentimètre,moncœurs’emballaitdeplus

belle.–Alyssa.Illevalesyeuxversmoi,meregardantdroitdanslesyeuxunefractiondesecondeavantd’écarter

mes jambesetdedescendre la tête.Quandsa langueme trouva, jepoussaiuncri étouffé, tellement leplaisirétaitgrand.Mesdoigtssecrispèrentsurlesdrapsquandsalanguesemitàalleretvenirenmoi.

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Matêtetournait.Jenesaiscommentmoncœurtrouvaitlemoyentoutàlafoisd’accéléreretd’arrêterdebattre. C’était comme si à chaque seconde j’allais mourir et ses lèvres, sa langue, son âme meressuscitaient.

Jen’avaisjamaisimaginéquequelquechosed’aussisimplepouvaitêtresi…Logan…–Oui…Jehaletais,metortillaisetmeretournaiquandilglissadeuxdoigtsenmoi,lesfaisantpénétreren

une lente poussée pour les retirer encore plus lentement. Puis il reprit plus fort, plus vite, plusprofondément…

Lo…J’étais aubordde l’explosion et j’entortillai les draps entremesdoigts. J’étais à la limite de le

supplierdem’emmenerauborddugouffreetdemelaissertomberenchutelibre.–J’aienviedetoi,Logan.Oui…Marespirationsefaisaitplussaccadéeetmoncorpss’habituaitauplaisirqu’ilmedonnait.–Pasencore,dit-ilens’écartantdemoitoutenretirantsesdoigts.Nosregardssesoudèrent,etàlafaçondontilmeregarda,jesentisquejeneseraisjamaisseule.–Alyssa,jet’aime.Savoixtremblaitetsesyeuxétaienthumides,maisc’estdesmiensqueleslarmescoulèrent.Tuesmonmeilleurami,Lo.Nousétionsplusprochesl’undel’autrequejen’auraisjamaiscrupossible.Ilfaisaitpartiedemoi

àtoutpointdevue,nosviess’entremêlaientcommesinousformionsuneflammeuniquequibrûlaitdanslanuit.

Quandilavaitenviedepleurer,leslarmescommençaienttoujoursparcoulerdemesyeux.Quandsoncœurmenaçaitdesebriser,lemienvolaitenéclats.

Tuesmonmeilleurami.Ilsepenchaenavantpourm’embrasser.Sonbaisers’accompagnaitdepromessesquenousnenous

étionsjamaisfaites.D’excusespourdesfautesqu’iln’avaitjamaiscommises.Ilm’embrassaavectoutcequ’ilétait,etjeluirendissonbaiseravectoutcequiexistaitenmoi.

Ilserelevaetenlevasonpantalonetsonboxer.Bienquejemesenteenconfiance,lespapillonsseformaienttoujoursdansmonestomac.

–Tupeuxchangerd’avis,High.Tupeuxtoujourschangerd’avis.Jeluitendislamainetillapritdanslasienne.Ilrevintversmoiets’allongeasurmoienécartant

mesgenoux.Quandseshancheseffleurèrentlehautdemescuisses,jepoussaiunpetitgémissement,mesjambesfrémirentdedésir,depeur,depassionetd’amour.

–Jet’aime,jemurmurai,cequilefithésiter.Seslèvress’écartèrent,maisaucunsonn’ensortit.Ilsemblaitétonnéquequelqu’unpuissel’aimer.–Jet’aime.Jelerépétaienobservantladouceurquis’installaitdanssesyeux.

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–Jet’aime.–Jet’aime,murmura-t-ilenposantseslèvressurlesmiennes.Des larmes coulèrent de ses yeux, venant semélanger auxmiennes. Je savais combien cesmots

étaientdifficilesàprononcerpourlui.Jesavaisàquelpointcelal’angoissaitdesedévoilercommeça.Maisjesavaisaussiàquelpointjel’aimais.

–Dis-moid’arrêtersijetefaismal,dit-il.Maiscen’étaitpaslapeine.Ladouleurétaitlà,maisledésirétaitplusgrand.Ilétaitmacouverture

desurvie,monrefuge,monsuperbeLo.Ilbalançaseshanchescontrelesmiennes,enmepénétrantplusprofondément.

–Jet’aime,murmura-t-il.Ildonnaunepoussée.–Jet’aime…dit-ilencoreunefois.Unedeuxième.–Jet’aime…Troisfois.–Logan…je…jevais…Unefois,deuxfois,troisfois,quatre…High./Lehaut.Low./Lebas.Leparadis.L’enfer.Lui.Moi.Nous.Nous atteignîmes la jouissance, tremblant l’un contre l’autre, en nous écroulant tout en nous

reconstruisantd’unecertainefaçon.Jel’aimais.Jel’aimaisduplusprofonddemonêtreetilm’aimaitenretour.Iltintsapromesse.Jemesentisensécuritédudébutàlafin.C’étaitlapersonneverslaquellejeme

tournaischaquefoisquej’étaisblesséeouquej’avaispeur.Commeversunfoyer.Loganétaitmonfoyer.–Alyssa,c’était…Ilsoupira,allongéàcôtédemoi,horsd’haleine.–Fantastique.Jesourisentournantlatêtedel’autrecôté.Duboutdesdoigts,j’essuyaileslarmesquicontinuaient

àcouler,et je fis toutmonpossiblepour rireafind’éloignercesentimentde félicitéquicontenaituneonced’inquiétude.Qu’allait-ilsepasserensuite?

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–Sij’avaisundollarpourchaquefoisquej’aientenduça!Il plissa les yeux, sachant que ma plaisanterie était destinée à masquer mon angoisse, avant de

m’attirercontrelui.–Çava,High?–Çava.Jehochailatêteenleregardantdanslesyeux.Ilsepenchaetessuyadeseslèvreslesquelqueslarmesquis’attardaient.–Çavamêmemieuxqueça.–Jeveuxquecesoitçapournous.Pourtoujours,jeveuxça,dit-il.–Moiaussi.Moiaussi.–Pourtoujours,High?–Pourtoujours,Lo.Ilinspiraprofondément,etsesyeuxsourirentenmêmetempsqueseslèvres.–Jesuistellementheureux,làmaintenant.Cefurentlesderniersmotsqu’ilprononçacesoir-là,etjemedisqu’ilsdécrivaientàlaperfection

cequejeressentaismoiaussi.Leventilateurauplafondtournaitettournaitau-dessusdenousallongéscôteàcôtesurmonlit.La

platinevinyletournaitsurlacommode,hoquetanttouteslesdeuxoutroissecondestoutensemblantêtreenparfaitétat.Leparfumderosevenaitrafraîchirl’airàintervallesaussiréguliersquenosrespirations.

Nousétionssilencieux.

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9ALYSSA

CelafaisaitdeuxmoismaintenantqueLoganetmoinousétionsofficiellementdéclarénotreamour.Jen’aurais pas cru que notre amitié pouvait se renforcer simplement en tombant amoureux, mais d’unecertainefaçoncelafutlecas.Ilmefaisaitrirelesjoursoùj’étaistristeetcelacomptaitplusquetoutpourmoi.Quandontrouveunepersonnequiparvientàvousfairerirequandvotrecœuraenviedepleurer,ilfauts’yaccrocher.Cesontcespersonnes-làquichangentnotreviepourlemeilleur.

J’avaisaussiplanifiéuntasdedétails.Danstroissemaines,jepartaisvivresurlecampusdemonuniversité,mais j’avais programmé les visites deLogan.Nous continuerions à être aussi proches quemaintenantetnousserionsdeplusenplusamoureux.Ilavaitditquel’idéeluiplaisait,cequiétaitgénial,parcequejel’aimaisdetoutmonêtre.

J’étaissurunpetitnuagedepuisdessemaines,etlorsquejerentraisàlamaisonaprèsunejournéedetravail,mamèreétaitlà,prêteàmeramenersurterre.

–Alyssa!cria-t-elledèsquejefisunpasdanslamaison.Jebalançaimeschaussuresdansl’entréeetlesramassaiaussitôtpourlesrangerdansleplacard.–Jelesaidéjàramassées!–Cen’estpascequej’allaisdire,répliqua-t-elledepuissonbureau.Enmedirigeantvers lesondesavoix, je jetaiuncoupd’œilpar laporteouverte.Elleavait les

yeuxrivéssurl’écranetunverredevinàlamain.–J’aifaitunpaindeviandesansviande,avecdesprotéinesenpoudreetdutofu.Tun’asqu’àle

mettreaufour.Cen’estplusunpaindeviande,Maman.–D’accord.–Aufait,tuasreçuunelettredetonpère.

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J’écarquillailesyeux,toutexcitéesoudain.–Quoi?–Ilt’aécritunelettre.Elleestsurleplandetravaildanslacuisine.Papam’avaitécritunelettre,aujourd’hui!Papam’avaitécritunelettre,aujourd’hui!Jeme précipitai dans la cuisine, de plus en plus excitée. Je saisis brusquement l’enveloppe qui

n’étaitpasfermée,etensortitlalettre.MapetiteAlychérie,Ledébutétaitprometteur.Mes yeux parcoururent les pages de gauche à droite, absorbant chaque mot, chaque note, ne

cherchant riendeplusqu’unephrasequimentionnerait combien je luimanquais, combien ilm’aimait,combien il pensait à moi. Il y avait tant de mots, tant de pages. Des pages noircies des deux côtés,couvertesdemotsdontcertainsétaientlongs,d’autrestellementcourts.Ilyavaitdespoints,despointsd’interrogationetdespointsd’exclamation.

Ilavaitunetrèsbelleécriture,parfoisdifficileàdéchiffrer.Mapoitrines’embrasaitàlalecturedechaquecaractère,descaractèresquiformaientdesmots,des

motsquiformaientdesphrases,desphrasesquiexprimaientdesexcuses,desexcusesquisonnaientfauxparcequequipouvaitfaireunetellechoseenvrai?

Jeneseraipassouventlà.Jeprisunebrèveinspirationenatteignantledernierparagraphe.Mamusiquedécolle.Jesuisleleaderdecenouveaugroupe.Unenouvellerespirationcourte.Jemeconcentresurmacarrière…Monpoucesecoinçaentremeslèvres.Quandj’arrivaiàladernièrelignedelalettre,jelaposaien

regardant,éberluée,lescinqfeuilletsentièrementcouvertsdemots,desdeuxcôtés.Je ne serai pas souvent là,ma petiteAly chérie. J’espère que tu comprends.Continue à faire

vivrelamusique.Mon père rompait avecmoi par l’intermédiaire de cinq feuilles de papier, et quand le pain de

viandesansviandearrivacesoir-là,mamèremedit:–Jetel’avaisbiendit:Impossibledemanger.Jepassailaplusgrandepartiedelasoiréedanslasalledebains,àvomir

tripesetboyaux.Jen’arrivaispasàcroirequ’unepersonnepuissefaireunechoseaussicruelle.Ilavaitécritcesmotscommes’ilsavaientvraimentunsenspourlui,cequimerendaitencoreplusmalade.

Jerestai toute lanuitsur lesolde lasalledebains,àmedemanderceque j’avaisfaitdemaletpourquoimonpèrenem’aimaitplus.

***

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–Ilarompuavectoidansunelettredecinqpages?Loganétaitchoqué.Embarrasséeparcette lettre, j’avaispassé lescinqderniers jours loinde lui.

Monestomacnevoulaitriengarderetrenvoyaittoutcequej’essayaisd’avaler.Etcequimetracassaitleplus,c’étaitquemamèreavaitl’airdeseréjouirquemonpèrem’aitlaisséetomber.Elleavaittoujoursl’aircontentequandj’avaisdelapeine.J’étaisassiseavecLoganaupanneaupublicitaire.Jeconnaissaislescinqpagesdelalettreparcœur.

– Techniquement, ilm’a quittée dans une lettre de dix pages, puisqu’elles sont écrites des deuxcôtés.

–Donne-moil’enveloppe,ordonna-t-il.Sesnarinespalpitaient,sonvisageétaitrougedecolère.Jen’auraispascruqu’ilseraitsicontrarié

parcettelettre,maisilsemblaitprêtàpéterlesplombs.–Pourquoifaire?– L’adresse de laquelle il l’a envoyée, c’est probablement là où il vit. On pourrait y aller. On

pourraitl’affronter,onpourrait…–Iln’yavaitpasd’adressesurl’enveloppe.Ill’adéposéecheznous,directementdanslaboîteaux

lettres,j’imagine.Ilsepassalesmainssurlevisage.Ilpoussaunprofondsoupiretrecommençaàfeuilleterlespages

delalettre.–Etlenomdugroupedanslequeliljoue,c’estquoi?Illeditdanssalettre?–Non.–C’estdesconneries.–Çanefaitrien.Jehaussai les épaules. Jen’avaispasencorecomplètement réalisé.Quelquepart, je continuais à

croirequ’ilallaitrevenir.L’espoirestunechosedangereusequandoncomptesurdespersonnesquinesontpasfiables.

–Jem’enfiche.Jenem’enfichaispas.Loindelà.–Ehbien,pasmoi!cria-t-ilenselevantpourfairelescentpas.Cen’estpasjuste.Qu’est-ceque

nousleuravonsfaitàcesgens?Tesparents.Mesparents.Qu’est-cequ’onafaitdemal?Jen’avaispaslaréponse.Ilyavaitprobablementbeaucoupdegensquinecomprenaientpascequi

nousrapprochait,Loganetmoi.Nousétionstellementdifférents,saufquenousavionsencommunleplusgrandfeuquibrûlaitennous:touslesdeux,nousmanquionscruellementdel’amourdenosparents.

–Tuesunefillesuper,Alyssa.Tuastoutfaitpourêtreunebonnefillepourlui.Tut’esdémenéepourceconnardetiln’amêmepaslescouillesderompreavectoidevivevoix?!Jeveuxdire,quandmême!Quiromptavecsonenfantparcourrierpostal?Etd’abord,quelgenredeparentromptavecsonenfant?

–Tuvoispourquoijet’aiditderompreavecShayenpersonne,aulieudeluienvoyeruntexto?C’étaituneplaisanterie,maisellenelefitpasrire.

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–Logan,allez.Toutvabien.–Tusaisquoi?Qu’ilaillesefairefoutre,High!Tuferasdegrandeschoses.Tuvaschanger le

monde,sanslui.Tuvasréussirau-delàdesesplusfollesespérances.Tun’aspasbesoindelui.–Pourquoicelatemettellementencolère?–Parceque,commentpeut-ilfaireça?Commentpeut-iltetournerledos?Tueslapersonnelaplus

belle,laplusauthentique,laplusdoucequejeconnaisse.Etiltequitte.Pourquoi?Pourlamusique?Pourl’argent?Pourlagloire?C’estdelamerdetoutça,çanecomptepas.

Ilrevints’asseoiràcôtédemoi,lesoufflecourt,furieux.– J’essaie juste de comprendre, c’est tout, dit-il en balançant les jambes au bord du panneau

publicitaire,regardantauloinavecmoi.–Comprendrequoi?–Commentunepersonnepeutt’abandonner.

***

Cettenuit-là,jefinisparréaliser.Papanereviendraitpas.Ilnevoulaitplusfairepartiedemavie.Ilmelaissaittomberpourlamusique,cequiétaitironique,puisquepourmoi,c’étaitluimamusique.Jepassailerestedel’après-midiàêtremalade,jenevoulaisqu’unechose,quecettesensationdevideenmoidisparaisse.

Moi:Tupeuxvenirchezmoi?Loganarrivaversonzeheuresdusoir.Je luifisunpetitsourirepincéquandilmeregardaenme

serrantfortdanssesbras.–Commenttuvas?–Çava.Ilplissalesyeux.–Mensonge?–Mensonge.–Vérité?Jehaussailesépaulesetleslarmesmemontèrentauxyeux.–Peux-tujustemetenirdanstesbras?Ildevintaussitôtextrêmementinquiet.Ils’écartaunpeudemoipourscrutermonvisage.–High…qu’est-cequisepasse?Jedéglutisavecdifficulté.–Ilm’avraimentquittée.Ilneveutplusdemoi.Ilm’accompagna jusqu’àma chambre et referma la porte derrière nous. Je grimpai dansmon lit

pendant qu’il cherchait dans ma collection de disques vinyle. Il en sortit un et le mit, mes yeux seremplirentdelarmesànouveau.

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Lorsque la chanson de Sam Smith « Life Support » démarra, Logan éteignit la lumière, vints’allongersurlelitetmepritdanssesbras.Lorsqu’ilm’attiracontrelui,enemboîtantsoncorpsdanslemien,jememisàtrembleretilcommençaàchanterdoucementàmonoreille.

Jememisàpleurer.Ilcontinuaàchanteretmoncorpscontinuaàtremblercontrelesien.Ilm’attiraencoreplusprès,meserraencoreplusfort.Lachansonpassaitenboucle,encoreetencore.Ilcontinuaàchantercontremoi,pénétrantmonâme,apprivoisantlefeu,meserrantlecœur.

Savoixm’endormit,sesbrasmeprotégeaient.Quand je me réveillai au milieu de la nuit, en larmes à la suite d’un cauchemar, Logan était

profondément endormi. Ses bras le long de son corps, son souffle passait entre ses lèvres, et je leregardais,leslarmescontinuantàcoulersurmesjoues.

–Lo,dis-jetoutbas.Ilremua.–Ouais?–J’aifaituncauchemar.Tuveuxbienmeprendredanstesbras?Sanshésiter,ilm’attiracontreluietmelaissaposerlatêtesursapoitrine,etsentirlesbattements

desoncœur.–Toutvabien,AlyssaMarieWalters.Ilsoupiracontremapeau.Jecontinuaiàpleurerenmeserrantcontrelui.–Toutvabien,LoganFrancisSilverstone.

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10ALYSSA

Unmalheurn’arrivejamaisseul.Mamèredisaittoujoursçaquand,aumilieud’uneaffairejudiciaire,lesmauvaisesnouvellesarrivaientencascade.Unemauvaisechoseseproduisait,uneautreencorepirene tardaitpasà lasuivre.Jen’aijamaisvraimentcruàcedicton,parcequej’étaisoptimistedenature,jevoyaistoujoursleverreàmoitiéplein.Mais,depuisquelquetemps,ilsemblaitsevérifier.Unesemaineàpeines’étaitécouléedepuisquepapaavaitrompuavecmoi.Jen’avaispaseuletempsdedigérercetévénementquedéjàlemondemetombaitsurlatête,unefoisencore.Lesparolesdemamèretournaientenboucledansmatête.

«Unmalheurn’arrivejamaisseul,Alyssa.Lavieestainsifaite,onn’ypeutrien.»–Alors,soupiraErika,deboutàmescôtésdansunealléedesupermarché.Combienonenprend?Depuisdeuxsemaines,jevomissaistouslesmatins.Cequej’avaisprispourdustresss’étaitchangé

en une peur bien plus grande quand nous nous retrouvâmes plantées devant le présentoir des tests degrossesse.Quid’autrequemasœuraurais-jepuappeler?Quandelleavaitentenduletremblementdansmavoix,ellen’avaitpashésitéuninstant.Troisquartsd’heuresplustard,ellesegaraitdevantlamaison.Erika avait beau être aussi réaliste et énergiquequenotremère, elle n’était pas aussi insensible.Ellem’aimaitpourmoncôtécréatifetmapersonnalitéoriginale,etjesavaisqu’elleferaittoutpourm’aider.

–Deux,peut-être,jemurmuraientremblantdetousmesmembres.Elleposaunemainrassurantesurmonépaule.–Onvaenprendrecinq,justeaucasoù.Lorsque la caissièrenousvit arriver avec tous ces tests, ellenous regarda commesinous étions

folles. Erika prit aussi une grande bouteille d’eau. Alors que je m’apprêtais à sortir du magasin encourant,tellementjemesentaishumiliéeparlejugementquejelisaisdanslesyeuxdel’employée,Erikaluiditd’untonhautain:

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–Onnevousajamaisditquec’étaitimpolidedévisagerlesgens?Elleenregistranosachatssansreleverlesyeux.Aumomentoùnoussortionsdumagasin,jereçusunealertesurmontéléphone.Logan:Oùes-tu?Ilfautquejetevoie.J’étaisincapablederépondre.Jereçusquatreautresmessagesdeluipendantletrajetpourrentrerà

lamaison.J’éteignismontéléphone.Nous étions assisesdans la salledebains avec laporteverrouillée.Mamèren’était pas encore

rentrée,etlescinqtestsdegrossesse,sortisdeleursemballages,étaientposéssurlelavaboenattendantquejeleurfassepipidessus.J’avaisbutouteunebouteilled’eauetquandleseffetscommencèrentàsefairesentir,Erikas’assuraquej’avaisbiencomprislamarcheàsuivre.

– Tu dois faire un peu pipi sur un bâtonnet, puis te retenir, puis tu recommences sur un autrebâtonnet,tuteretiens,puisuntroisièmeet…

–J’aicompris,répliquai-jesuruntonvif.Cen’étaitpascontreellequejerâlais,maiscontremoi,demeretrouverdanscettesituation.J’étais

censéepartirpourlafacleweek-endprochain,etpaspissersurcinqbâtonnets.Unefoisl’opérationterminée,nousavonsattendudixminutes.Surlespaquets,ilétaitécritquecela

prenaitseulementdeuxminutes,maisjemedisaisquedixminutes,ceseraitplussûr.–Qu’est-cequeçasignifie,unelignerosesurcelui-ci?J’avaisramassélepremierbâtonnet.–Enceinte,murmuraErika.Jeprislesecond.–Etunsigneplus?–Enceinte.Monestomacseserra.–Etdeuxlignesroses?Ellefronçalessourcils.J’avaisenviedevomir.–Etencoreunsigneplus?–Alyssa…Savoixtremblait.–Etcelui-ciquiditenceinte?Qu’est-cequeçaveutdire?Leslarmescoulaientsurmesjoues,jenesavaispascommentlesarrêter.Jerespiraisdifficilement

etmoncœursemitàbattredefaçondésordonnée.Jenesavaispasàquoiniàquipenserenpriorité.Logan?Lafac?Maman?Meslarmes?

–Aly,cen’estpaslafindumonde.Onvatrouverunesolution.Nepaniquepas.Seule lamain d’Erika surma jambem’empêchait d’allerme recroqueviller dans un coin enme

balançantd’avantenarrière.–Jesuiscenséeentreràl’universitéleweek-endprochain.–Ettuvaslefaire.Ilfautjustequ’ontrouveunesolution…

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–Alyssa ! hurlamamère en arrivant.Qu’est-ce que je t’ai dit à propos de tes chaussures dansl’entrée?Viensimmédiatementlesranger!

Mesmainssemirentà tremblerde façon incontrôlableetErikadutm’aideràme lever,puisellebalançatouslestestsdegrossessedansunsacenplastiquequ’ellefourradanssonimmensesacàmain.

–Allez.Elleselavalesmains,m’obligeaàenfaireautantpuisfitunsignedetêteverslaporte.–Allons-y.–Non.C’estimpossible.Jenepeuxpaslavoirpourl’instant.Jenepeuxpassortird’ici.–Tunepeuxpasnonplusrestercachéelà.Net’inquiètepas.Onnevarienluidire.Respireunbon

coup.Ellesortitdelasalledebainsenpremieretjelasuivis.–Erika?Qu’est-cequetufaislà?demandamamèred’unevoixaiguë.–J’aieuenviedevousrendreunepetitevisite.Etpeut-êtremêmedîneravecvous.–Cen’estguèrepolides’inviteràdînersansavoirappeléd’abord.Etsi jen’avaispascequ’il

faut?D’ailleurs,j’avaisl’intentiondenousfairelivrer,cesoir.Alyssan’apasfinidefairesesbagages,etpourtantjeluiavaisditdelefaireleweek-enddernier.Et…

–Jesuisenceinte.MamèretournabrusquementlesyeuxversmoietErikarestabouchebée.–Qu’est-cequetuviensdedire?Àpeineavais-jerépétéqueleshurlementscom-mencèrent.Ellemeditàquelpointjeladécevais.

Ellemehurlasondégoûtàlafigure.Elleajoutaqu’elleavaittoujourssuquejerateraistoutetqueLoganétaitunbonàrien.

–Tuvas te faire avorter, dit-elle sèchement.Point barre.Nous ironsdansune cliniquedès cettesemainepourréglercetincident,ettupartirasàl’universitécommeprévu.

Jen’avaispasencoreréussiàréaliserquej’étaisenceintequedéjàellemedisaitqu’ilfallaitquejemedébarrassedubébé.

– Maman, arrête. On peut parler raisonnablement, dit Erika en prenant ma défense, voyant quej’étaisincapablededireunmot.

–Raisonnablement?Mamancroisalesbrassursapoitrineethaussaunsourcilenmejetantunregardglacial.–Parceque c’est raisonnablede tomber enceinte cinq jours avant d’entrer à l’université ?C’est

raisonnabledesortiravecunloserquin’aaucunprojetdevie?C’estraisonnabled’avoirunenfantalorsqu’onn’amêmepasfinidegrandirsoi-même?

–Logann’estpasunloser!C’étaittellementloindecequ’ilétaitvraiment.Mamèrelevalesyeuxaucieletsedirigeaversson

bureau.–J’aiuneaudiencedemain,maisnous ironsà laclinique immédiatementaprès.Sinon, tun’auras

qu’àtedébrouillerpourtrouverunmoyendepayertesétudes.Jenemettraipasunsoudansdesétudes

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bidon,alorsquetun’irasmêmepasjusqu’auboutetquetun’aurasrienauboutducompte.Tuesbiencommetonpère.

Jeprisuneinspiration,etlecouteauplantédansmoncœurs’enfonçaunpeuplusprofondément.Erikapassalanuità lamaisonetoccupasasoiréeàchangerlesmeublesdeplacedanslesalon.

Modifierladispositiondeschosesétaitsafaçonàelledegérersafrustration.Ellepouvaitaussicasserdesassiettesetdesverres.

–Ellenesaitpascequ’elledit,Aly.Tun’espasobligéedel’écouter,tusais.Etsielletemenace,netelaissepasimpressionner.Jet’aideraiàtrouverunesolution.

Jesouris,puisjefronçailessourcils.–IlfautquejelediseàLogan.Ilm’aenvoyédestextostoutl’après-midi,etjen’aipasrépondu.Je

nesaispascequejevaisluidire.Erikaplissalefront,l’airpréoccupé.–Çanevapasêtrefacile,maisleplustôtseralemieux.Jedéglutisavecdifficulté,jesavaisquecelanepouvaitpasattendre.–Jenetecachepasquejesuisinquiète,Alyssa.JeconnaisLogandepuislongtemps,etiln’estpas

toujourstrèsstable.ErikaneportaitpasLogandanssoncœur,etjepouvaislecomprendre.C’estluiquiavaitmislefeu

àl’appartementqu’ellepartageaitavecKellan,unanauparavant,alorsqu’ilétaitcomplètementdéfoncéàlasuited’unealtercationavecsesparentsquil’avaientrabaisséetfrappé.

–Seulementcinqpourcent.–Quoi?–Iln’estcommeçaquecinqpourcentdutemps,Erika.Lesautresquatre-vingt-quinzepourcent,il

estdoux. Ilestgentil.Maisparfois, lescinqpourcentpren-nent ledessuset iln’estplus lui-même. Ilperdlabatailleentresesvéritésetlesmensongesquesesparentsluiracontent.Maistunepeuxpaslejugersurcesmoments-là.

–Pourquoipas?–Parcequesitulejugesseulementsurcesraresmomentsdecreux,alorstupassesàcôtédetoutce

qu’ilyadebeauchezlui.

***

Unmalheurn’arrivejamaisseul,etquandçacommence,çapeutdurer.Endeuxans, j’avaiseuplusieursfois l’occasiondevoir lesmauvaiscôtésdeLogan.Quandcela

arrivait,jenelereconnaissaisplus.Savoixétaitpâteuse,ilmarchaitentitubantetparlaitbeaucouptropfort. Il était encolère, etplutôtméchant, et c’était commeçachaque foisqu’ilne secontentaitpasdefumer de l’herbe,mais prenait d’autres drogues. Certes, je savais que cela arrivait surtout quand sesparentsluiavaientfaitdumal,enlaissantdescicatricesdemaltraitancesursoncœur.Lesbleusaucœurétaientlesplusdifficilesàguérir,ilssemblaientêtreceuxquipersistaientlepluslongtemps.Quandces

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moments de creux se produisaient, je savais qu’il était plus sage d’attendre que ça passe, parce que,après,ilretrouvaittoujourssoncheminversleLoganquej’aimais,quej’adorais.

Cinqpourcentdecreux,quatre-vingt-quinzepourcentdemomentssuper.Quandjemedécidaiàrallumermontéléphonecesoir-là,j’avaisquinzetextosdeLogan.Logan:Oùes-tu,High?Logan:J’aibesoindetoi.Logan:S’ilteplaît.Çanevapasbien.Monpèrevientdepartiretcen’estpaslagrandeforme.Logan:Alyssa?High?Logan:Laissetomber.Ohnon.Ilétaitdansundesesmomentsdecreux.Ceuxquimefaisaientlepluspeur.Moi:Jesuislà.Ilneréponditpasavant troisheuresdumatin.Quandilappela, j’entendisdanssavoixqu’ilétait

complètementparti.–Jesuissoustonporche.Enouvrantlaporte,jepoussaiuncriétouffé.Sonœilgauche,toutenflé,étaitfermé,salèvreétait

éclatée.Sapeau,naturellementhâlée,prenaitdesteintesbleuesetnoires.–Lo!Jetendislamainverssonvisage.Iltressaillitetrecula.–C’esttonpère?Ilneréponditpas.Jeleregardaiplusattentivement.Toutd’abord,jeremarquailescontractionsde

sonvisage,puis lamauvaisecoordinationdesesmouvements. Il segrattait frénétiquementetn’arrêtaitpasdesepasserlalanguesurleslèvres.

Dansquellessombresprofondeurses-tualléteperdrecesoir,Logan?–Est-cequejepourraisprendreunedouche?Jenepeuxpasrentrerchezmoi,cesoir.Ilreniflaenessayantd’ouvrirsonœilgauche,maiscelui-cirestaitdésespérémentfermé.–Oui,oui,biensûr.Entre.Jeleconduisisàmasalledebains,iltitubaitàmescôtés.Unefoisàl’intérieur,jerefermailaporte

derrièrenous.J’attrapaiunlingequejetrempaidansl’eautièdetandisqu’ils’asseyaitsurlecouvercledestoilettes.Quandjecommençaiàluitamponnerlevisage,ilsifflaentresesdents.

–Çava,dit-ilens’écartant.–Non,çanevapas.Tunepeuxpasouvrirtonœil.–Maisjetevoisquandmême.Ilrestalaboucheouverteuninstantavantderecommenceràselécherleslèvres.–Tuétaisoccupéetoutàl’heure?Jebattisdespaupières,endétournantleregard.Jemouillailelingeencoreunefois.–Ouais.–Tropoccupéepourrépondreàmestextos?–Ouais,Lo.Jesuisdésolée.

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Marespirations’accéléra,etjeregardailaporte.J’avaisbesoindem’éloigneruninstant.– Hé, murmura-t-il en posant son index sous mon menton et en le relevant pour m’obliger à le

regarderdanssonœilvalide.Jevaisbien.–Tuesdéfoncé?Ilhésitaavantdesemettreàrire.–Vatefairefoutre,High.Tuasvumonvisage?Qu’est-cequetucrois?Jeflanchai.Ilnemeparlaitjamaiscommeça,saufquandilétaitvraimentaufonddutrou.J’aurais

dûrépondreàsestextos.–Jevaisallerchercherdelaglacepourtonœil,ok?Tupeuxutiliserladouche.Jemelevai,maisilmerappela.–High?–Lo?Ildéglutit,etunelarmecouladesonœilfermé.–Excuse-moi,putain.Jenesaispaspourquoijet’aiditça.Jeluifisunpetitsourireetsortisprécipitamment.Mesmainstremblaientquandjetentaid’attraperunpetitsacenplastiquepourleremplirdeglace.

Jen’avaisjamaisvuLogandanscetétatetsimalenpoint.Qu’est-cequetonpèret’afait?Pourquoisonpèreétait-ilsimonstrueux.

–High?Je fisunbondenentendant lavoixdeLoganderrièremoi.Mespoils sedressèrent surmesbras

quand,enmeretournant,jevisqu’iltenaitquelquechoseàlamain.–Qu’est-cequec’estqueça?–Oh,monDieu.Logan,j’allaist’enparler.Jeregardai,effarée,letestdegrossessequ’iltenaitàlamain,nousavionsdûl’oublierdanslasalle

debainsunpeuplustôtdansl’après-midi.–Quesignifientlesdeuxlignesroses?Iltitubait,àpeinecapabledesetenirdebout.Tuestropdéfoncépourquenousayonscettediscussioncesoir.–Nousdevrionsattendredemainpourenparler.Jem’approchaipourposerlamainsursonépaule.Ilsedégageaviolemment.–Non,nousallonsenparlertoutdesuite,dit-ild’unevoixforte.–Lo,peux-tuparlermoinsfort?Mamèredort.–Jem’enfous.Tuesenceinte?–Nousferionsmieuxd’attendredemain.–Quesepasse-t-il?Jereculaienvoyantmamère,enpeignoir,entrerdanslacuisine.Lorsqu’elleaperçutLogan,ellese

réveillatoutàfait.–Qu’est-cequetufaislà?Sorsdechezmoi,immédiatement.

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–Maman,arrête.Jelasuppliaienvoyantsonregardhaineux.–NomdeDieu.Vousnevoyezpasquen…n…noussommesentraindediscuter,putain,ditLogan

d’unevoixpâteuse.Celan’allaitpasaméliorerlasituation.Mamanseprécipitasurluietluisaisitlebras.–Tun’asrienàfaireici.Va-t’enavantquej’appellelapolice.Ildégageasonbrasbrusquement,trébuchaenarrièreetallasecognercontrelefrigo.–Nemetouchezpas.Jeparleavecvotrefille.Mamèretournavivementlesyeuxsurmoi.–Voilàexactementpourquoituvastefaireavorter.C’estuneépave.Loganseredressadumieuxqu’ilput,lesyeuxarrondisdedégoût.–Avorter?Tuvastefaireavorter?Jetremblaisdetoutmoncorps,lesyeuxbrouillésdelarmes.–Non.Attends.Maman,arrête.Tucompliquestout.–Vousavezvraimentparléd’avortement?–Nousallonslefairejeudi.J’aidéjàappelépourprendrerendez-vous.Ma mère mentait. J’avais dix-huit ans et j’avais le droit de disposer de mon corps comme je

l’entendais,sanstenircomptedel’avisdemamère.Loganpoussaunlongsoupir.–Waouh.Alors,tuallaislefairesansm’enparler?Tunecroispasquejeseraiunbonpère,c’est

ça?Mamèresemitàrired’unairsarcastique.Cequin’arrangeaitrien,encoreunefois.–Jen’aijamaisditça,Lo.– Si, c’est ce que tu as dit !C’est ce que tu as pensé ! hurla-t-il, les yeux vitreux, comme si la

lumièrequej’aimaistantchezluiavaitdisparudesonexistencetoutentière.–Tuesdéfoncé,Logan,tunem’écoutespas.–Cen’estpasnouveau,marmonnamamèreentresesdents,l’airdégoûté.–Maman,arrête,tuveux?–Non.Ellearaison.Jesuistoujoursdéfoncé,non?C’estcequevouspenseztousdemoi,dit-ilen

nousdésignantdelamain,mamanetmoi.Vousetvotreputaindefricdansvotreputaindegrandebaraqueoùvousaveztoutcequevousvoulez.

Entitubant,ilheurtaaccidentellementunensembledecouteauxquiallèrents’éparpillersurlesol.Mamèreetmoisursautâmes.

Oh,Lo…Reviens…–Sorsd’ici.Immédiatement.Mamèreattrapasontéléphoneetlemontra.–J’appellelapolice.

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–Maman,arrête.S’ilteplaît.– Non. Je m’en vais. Tu peux garder tout ça, siffla-t-il. Ton argent. Ta maison. Ta vie. Ton

avortement.Toutlebordel.Jemebarre.Ils’enallaprécipitamment,etjeregardaifixementmamère,levisagenoyédelarmes.–C’estquoitonproblème?–Moi?cria-t-elle,choquée.Cegarçonestunebombeàretardement.Jesavaisquetuétaisnaïve,

AlyssaMarie.Maisjenepensaispasquetupouvaisêtreaussistupide.C’estuntoxico.C’estunmalade,etiln’irajamaismieux.Ilt’auraentraînéeenenferavantquetuaiespufairequoiquecesoitpourlui.Tuferaismieuxderenonceràlui.C’estunecauseperdue.Kellanettoi,vousêtessescatalyseurs.C’estvousquiluipermettezdecontinueràfaireça,etcelanepeutqu’empirer.

J’inspiraiprofondémentavantdepartirencourantpourrattraperLogan.Ilsedirigeaitverslagrillepourl’escaladerdenouveau.–Logan,attends!Ilseretournaversmoi,haletant.– Jeme suis ouvert à toi, dit-il d’une voix dure, qui tranchait totalement avec lamienne, faible,

douloureuse,terrifiée.–Jesais.–Jemesuisouvertàtoi,mêmesijesavaisquecen’étaitpasunebonnechose.Jetel’aidit.Jene

suispascapabled’aimer,Alyssa.Maistum’asforcéàt’aimer,putain.–Jesais.–Tum’asforcéàt’aimer.Etjet’aiaimée,trèsfort,parcequejenesaispasfaireautrement.Jet’ai

aiméedetoutmonêtre,parcequetum’asfaitcroirequecettevievalait,peut-être,lapeined’êtrevécue.Etlà,toutd’uncoup,tutedétournesdemoi.Qu’est-cequejet’aifait?Pourquoiest-cequetu…jet’aiparlédemesrêves.Jet’aitoutraconté.

Il fit quelques pas vers moi, en baissant la voix, tremblant. Quand nos regards se croisèrent, ilsecoualatêteetrecula.

–Nemeregardepascommeça.–Commentjeteregarde?–Jenesuispasmamère.–Jelesaisbien.–Alors,pourquoitumeregardescommesijel’étais,putain?–Logan…jet’ensupplie,écoute-moi.Il vint jusqu’àmoi et nos corps fondirent comme ils le faisaient chaque fois. Il appuya son front

contre lemien,ses larmescoulaientsurmajouealorsque jeposai lesmainssursontorse.Nousnousétreignîmes,nosdeuxcorpsenfeu,brûlantdesavoirpourquoilaviedevaitêtresidure.Ilposaleslèvrescontremonoreille, et je sentis son souffle chaud effleurermapeauquand il prononça les paroles quirejetèrentmonâme.

–Jeneveuxplusjamaisterevoir.

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***

Ildisparutcettenuit-là.Ildisparutdemavieenunclind’œil.Finieslesvisitestardlesoir.Sadoucevoix,envolée.Tous

lessoirs,jemedemandaisoùilétait,s’ilallaitbien.Jepassaisrégulièrementchezlui,iln’yétaitpas.Quandjel’appelais,jetombaistoujourssursaboîtevocale.Kellan,nonplus,n’avaitaucunenouvelle.Ilnel’avaitpasrevuetilavaitaussipeurquemoi.

Lorsquej’avaisditàmamèrequej’avaisl’intentiondegarderlebébé,ellem’avaithurlédessusetavait mis ses menaces à exécution. Elle avait annulé son échéancier de paiements pourmes frais descolarité.Erika etKellanm’avaient accueillie dans leur petit appartement et j’essayais de trouvermaplace.Touslessoirs,Kellanetmoiretournionsenvilleetnousparcourionsenvoituretouslesendroitsoù Logan était susceptible de se trouver. Nous parlions à ses copains, mais on arrivait toujours uneminutetroptard,semblait-il.

Il était dans des fêtes,mais semblait toujours avoir disparu. Son pote Jacob nous dit queLoganconsommaitbeaucoup,cesdernierstemps,maisiln’avaitpasréussiàluiparler.

–Jevaisfaireattention,nousjura-t-il.Sijetombesurlui,jevouspréviendrai.J’avaisunnœudàl’estomac.EtsiLoganfranchissaitlalimite?Ets’ilnepouvaitplusressortirdecettesouffrancequileminait?Toutétaitdemafaute.

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11ALYSSA

J’avaishorreurde recevoirdes coupsde fil aumilieude lanuit. Ilsme rendaient toujoursnerveuse.Aucunebonnenouvellenevousarrivait à troisouquatreheuresdumatin.Malheureusementpourmoi,j’avaisreçubientropdecesappelsaucoursdesderniersmois,tousàcaused’ungarçonquiavaitmislefeu àmon cœur.Chaque fois que le téléphone sonnait, j’imaginais toujours le pire – unemaladie, unaccident, unemort. Certains soirs, je restais éveillée, les paupières lourdes, en attendant ces appels.Quand je n’en recevais pas, je composais parfois son numéro juste pour entendre sa voix, juste pourm’assurerqu’ilallaitbien.

–Jevaisbien,AlyssaMarieWalters,disait-il.–Tuvasbien,LoganFrancisSilverstone,jerépondaisavantdem’endormir,enl’écoutantrespirer.Maiscesdernierstemps,nousnenousparlionsplus.Quandj’étaisinquiète,jenepouvaispasl’appeler.Quandj’avaispeur,iln’yavaitaucunsonàl’autreboutdelaligne.Alors,cesoir-làquandletéléphoneasonné,j’aieulapeurdemavie.–Alyssa?ditunevoixdansletéléphone.Cen’étaitpascelledeLoganetpourtantc’étaitsonnomquis’affichaitsurmonécran.–Quiestàl’appareil?dis-je,encoreendormie.–C’estJacob…lepotedeLogan.Je…Ilhésita.–Écoute, jesuisdansunefêteet j’ai retrouvéLogan.Ilnevapas trèsbien.Jenesavaispasqui

appeler.Jemeredressaidansmonlit,complètementréveillée.–Oùest-il?

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Jacobmedonnatouslesrenseignementsetjetombaidulitpourallerchercherdequoiécrire.–MerciJacob.J’arrive.–Ok,d’accord.Écoute,tuferaispeut-êtremieuxdeveniravecKellan.Jemeprécipitai jusqu’à la chambredeKellanetErikaet je tambourinai sur laporte.Moncœur

battait la chamade et je me mordis la langue pour ne pas pleurer. Je n’arrivais pas à contrôler mestremblementsenattendantd’entendrelavoixdeKellan.Quandilouvritlaporteetsemitàparler,jeprisunepetiteinspirationdouloureuse.Ilavait lamêmevoixqueLogan,j’entombaipresqueàlarenverse.Cela faisait plusieurs semaines queLogan avait décidé de ne plusme parler. Tout ce que je voulais,c’étaitentendresavoixdenouveau.

–Alyssa?Qu’est-cequisepasse?demanda-t-ild’untoninquiet.Il savait commemoiqu’unappel àuneheure aussi tardive, alorsqueLoganavait recommencéà

consommer,pouvaittoujoursêtreceluiquenousredoutionsleplus.–Est-il…–Jen’ensaisrien.Jeluiracontailepeuquejesavais,etquelquesinstantsplustardnousétionspartis.Quandnousarrivâmesàlafête,Jacobnousattendaitsurleperrond’unemaisondélabréàcôtéde

Logan allongé sur un banc. Ses yeux étaient révulsés et un filet de bave coulait au coin gauche de sabouche.

–NomdeDieu,marmonnaKellanenallantverslui.–Ilneréagitpas.–Qu’est-cequ’ilapris?demandaKellan.–Ils’estshootéàl’héroïneetjecroisqu’ilavaitsnifféavant.Maisjenesaispass’ilaprisautre

chose.–Pourquoin’as-tupasappelélesflics?!JecriaienmeprécipitantversLoganetj’essayaidelesoulever.Iltressaillitetsemitàvomirsurle

perron.–Jenesaispas,moi.Écoute,d’habitudeLoganarriveàgérer.Maisdepuisquelquessemaines,ilse

défoncevraiment. Jenepouvaispasappeler les flicsparceque…Écoute, jenesavaispasquoi faire,c’estpourçaquejevousaiappelés.

CelafaisaitunmomentquejeconnaissaisJacob.Iln’yavaitpasbeaucoupdepersonnesqueLoganconsidéraitcommedesamis,maisJacobétaitundesraresdontilparlaitdefaçonpositive.Mais,cesoir-là,jen’étaispasd’accord.Unvéritableami–unamisincère–nelaisseraitjamaisquelqu’undégringolersibassansluitendrelamain.

–Tuauraisdûappeleruneambulance.J’étaisfurieuse.Effrayée.Furieuseeteffrayée.–Aide-moiàlemettredanslavoiture,ordonnaKellanàJacob.Ilsl’installèrentsurlesiègearrière,etjemontaiàcôtédelui.–Ilrisquederecommenceràvomir,Alyssa.Tuferaispeut-êtremieuxdemonterdevant.

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–Jepréfèreêtrelà.KellanremerciaJacob,etnouspartîmesàl’hôpitalpourfaireexaminerLogan.Jenel’avaisjamais

vucommeçaetj’avaisl’impressiondedevenirfolle.–Maintiens-leéveillé,d’accord?ditKellan.JefisouidelatêteetmeslarmestombèrentsurlesjouesdeLogan.–Ilnefautpasquetut’endormes,ok?Gardelesyeuxouverts,Lo.IlposasatêtesurmesgenouxsurlesiègearrièredelavoituredeKellan.J’étaisterroriséeenme

disant que s’il fermait les yeux, il ne les rouvrirait plus. Il était trempé de sueur et chacune de sesinspirationssemblaitdouloureuse.Chacunedesesexpirations,exténuante.

Ilsemitàrire.–Hi.Jefisunemoue.–Salut,Logan.Ilsecoualatêteetseredressasursescoudes.–Non,pas«hi»commesalut.High.H-I-G-H.Comme«stone».Je détestais quand il parlait de défonce. Je détestais qu’il se perde dans quelque chose qui

transformaitmonmeilleuramienmaplusgrandepeur.Quet’est-ilarrivécesoir,Logan?Qu’est-cequil’avaitpousséaussiloindansceszonesdeténèbres?

Soudain,laréponsemesemblaévidente.C’étaitmoi.C’étaitmoiquiluiavaisfaitça.C’étaitmoiquil’avaispousséàpoursuivresesombres.Jesuisdésolée,Logan.Alorsquejeregardaisfixementsesyeuxàdemiouverts,lesparolesdemamèrerésonnèrentàmes

oreillesetdansma tête.C’estun toxico,Alyssa.C’estunmalade,et iln’ira jamaismieux. Il t’auraentraînéeenenferavantquetuaiespufairequoiquecesoitpourlui.Tuferaismieuxderenonceràlui.C’estunecauseperdue.Kellanet toi,vousêtessescatalyseurs.C’estvousqui luipermettezdecontinueràfaireça,etcelanepeutqu’empirer…

–Tuplanes,murmuraLoganenlaissantretombersatête.–Quoi?–Tum’appellesLo,cequimevabienparcequejesuisnul.Jesuislefonddufonddeceputainde

trou.Maistoi?Ilricanaenfermantlesyeux.–Tuesmonplusbeautrip,cequej’aidemieux.Ettuasbrisémonputaindecœur.Mesyeuxs’emplirentdelarmesetjeleserraidansmesbras.–Nefermepaslesyeux,Lo,ok?Nefermepaslesyeux.Je jetaiuncoupd’œilà l’avantde lavoiture,Kellans’essuyait levisage.Jesavaisquevoirson

frèredanscetétatdevaitêtrelachoselaplusdifficilequ’ilaitjamaiseueàsupporter.

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Jesavaisqueceladevaitluibriserlecœurautantqu’àmoi.–Ramène-moilà-bas,marmonnaLoganenessayantdeseleverdusiège.–Calme-toi,Logan.Toutvabien,ditKellan.–Non.Ramène-moi,hurla-t-ilenselevantd’unbondpoursejetersurlevolant,obligeantKellanà

faireuneembardée.–Ramène-moilà-bas!Nousfîmestoutcequenouspouvionspourl’arrêter,pourl’obligeràsemaîtriser,àsecalmer,mais

toutàcoup,Kellanperditlecontrôledelavoiture.Ellefitunbrusquevirageàgauche.Ettoutdevintnoir.

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12LOGAN

Lorsque j’ouvris les yeux, j’étais dans une chambre d’hôpital et le soleil pénétrait par la fenêtre.J’essayaidemeretourner,maistoutmoncorpsétaitdouloureux.

–Merde.–Çava?Enmetordantlecou,jevisKellanassissurunechaiseavecdespaquetsdedépliantsdanslesmains

et un gros pansement sur le front. Il portait un sweat à capuche et un pantalon de survêtement et,contrairementàsonhabitude,ilnesouriaitpas.

–Non.J’ail’impressiond’avoirétépercutéparunsemi-remorque.–Cen’estpasplutôtcommesituétaisrentrédansunesaletédemur?Enmetournantverslagauche,jevisErika.Elleavaitlesbrascroisésetmeregardaitd’unœildur.

Unhommeavecunnœudpapillonétaitàcôtéd’elle.Iltenaitunbloc-notesàlamain,etJacobétaitassisdansuncoin.

Ques’était-ilpassé?QuefaisaitJacobavecKellan?–Tunetesouvienspas?demandaKelland’untonpeuaimable.–Mesouvenirdequoi?–D’avoirpercutéunsatanémur!s’exclamaErikad’unevoixtremblante.L’hommequisetenaitàcôtéd’elleposaunemainsursonépauleenungesterassurant.Jefermailes

yeuxpouressayerdemesouvenir,maistoutétaittrèsconfusdansmatête.–Logan,ditKellanensepinçant l’arêtedunez,nous t’avons trouvé inanimésur leperrond’une

maison.Alors,nousavonsessayédet’emmeneràl’hôpitalpourtefaireexaminer,maistuaspaniquéettuasprislecontrôleduvolantettunousasfaitpercuterunmur.

–Quoi?

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J’avaislagorgesèche.–Tuvasbien?Ilhochalatête,maisErikan’étaitpasd’accord.–Montre-lui,Kellan.–Arrêteça,Erika.–Non.Ilfautqu’ilvoie.Ilfautqu’ilvoiecequ’ilafait.Kellanbaissalatêteetregardaseschaussures.–Laissetomber,Erika.–Montre-moi.Ilsepassalamainsurlanuqueetsoulevasonsweatpourmemontrerlecôtédesontorsequiétait

toutnoiretbleuavecdesnuancesdeviolet,dehautenbas.–Putain!C’estmoiquiaifaitça?–Çava,ditKellan.–Non,çanevapas,ditErikad’unevoixcinglante.Ellearaison,çanevapas.–Kel,jesuisvraimentdésolé,jenevoulaispas…–Etcen’estpaslepire!Tuasfaillituermasœur!Moncœurseserra.Alyssa.High.Monplusbeautrip.–Qu’est-ilarrivéàAlyssa?Oùest-elle?Jetentaidemeredresser,maisladouleurquimevrillaledosm’enempêcha.–Logan, reste tranquille.Lesmédecins s’occupentd’Alyssa.Maispour l’instant, il s’agit de toi.

Nousavonsfaitvenirquelqu’unquipeutt’aider,ditKellan.–M’aideràquoi?Jen’aibesoindel’aidedepersonne.Qu’est-ilarrivéàAlyssa?J’avaisl’impressionquelesmursdelachambreserefermaientsurmoi.Qu’est-cequejefaisaislà?

Pourquoiest-cequetoutlemondemeregardaitcommesij’étaisundéchet?Pourquoirefusaient-ilsdemedirepourAlyssa?

–Noussommestouslàparcequenoust’aimons,essayad’expliquerKellan.Etsoudain,undéclicsefitdansmatête.Jecomprispourquoil’hommeaunœudpapillonétaitdans

lachambre.Ilsmettentenplaceuneprocédured’interventionpourmoi.Dansunechambred’hôpital.–Vousm’aimez?Mavoixsechargeaitd’amertumeàmesurequejeprenaislentementconsciencedecequisepassait.–Tuparles!–Arrête,Logan.Tun’espasjuste,ditKellan.Entournantlatête,jecroisaileregardlourdd’angoisseetd’inquiétudedeKellan.–Toi,arrête,Kellan,ok?

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Jelevailesyeux.– Alors quoi ? C’est une procédure d’intervention ? Vous pensez tous que je suis tellement

déglinguéqu’ilétaiturgentquevousvousréunissiezdansunechambred’hôpitalpourmemettreleplusmalàl’aisepossible,parcequevousestimezquejesuisdangereux?Ilfallaitquevousfassiezvenirdesgensquin’enontrienàfoutredemoi?J’aicommisuneerreurhiersoir.

JefisunsigneversJacob.–C’estplutôthypocritedefairevenirceconnardquisedéfonçaitavecmoilasemainedernière,tu

necroispas?Jacob,jesuispratiquementsûrquetuesdéfoncé,làmaintenant.Jacobfronçalessourcils.–Arrête,Logan…–Non.Ettoi,Erika,jenesaismêmepascequetufaislà,bordel.Tunepeuxpasmesupporter.–JenetedétestepasLogan.Elleavalasasaliveavecdifficulté.–Écoute,c’estunpeudur.–Putain!J’aimeraisvraimentquevousarrêtieztousdemeparleraveccetairsupérieur,commesi

vousvaliezmieuxquemoi.Vousn’êtespasmeilleursquemoi.J’eusunpetit rire sarcastique, en essayant deme redresser. J’étais sur la défensive, parcequ’au

fonddemoijesavaisqu’ilsavaientraison.–En fait, c’est plutôt comique.On est là en train deme présenter comme unmec complètement

perturbéalorsquetouslesgensassisdanscettepiècesontaumoinsaussiperturbésquemoi.Kellanestincapabled’affronter sonconnarddepèrepour luidirequ’ilveutdevenirmusicienetnonpasavocat.Jacobestaddictà lapornographiechelouavecdesfourchettesetdestrucsmerdiques.Erikacasseuneassietteetenrachètecinquantepourlaremplacer,justepourlecasoùl’assietteneuveseraitcasséeaussi.Personnenetrouvecettehabitudedecasseretderachetercomplètementdingue?

–Jepensequenousvoulonsseulementquetuaillesmieux,Logan,ditKellan.Jemedemandaissisoncœurbattaitdefaçonaussifrénétiquequelemien.–J’imagineàpeinecequetuasvécuavecmaman,dit-il.Jemedisqueçanedoitpasêtrefacilede

restercleanavecelle.–Tudoistesentirplutôtbiendanstesbaskets,jedisenluipassantledoigtsouslenez.Toi,tues

Kellan, l’enfantparfait.Celuiquiaunpère riche.Celuiquiaunavenir.Celuidont lecheminest touttracé pour aller dans une université réputée et devenir un avocat réputé. Etmoi, je suis juste le frèreperturbéavecunemèretoxicoetunpèredealer.Ehbien,félicitations,Kellan.C’esttoiquigagnes.Tueslefilspréférédemaman,celuiquiafaitquelquechosedelui-même,alorsquemoijenesuisqu’ungaminpathétiquequiseraprobablementmortavantd’atteindresesvingt-cinqans.

Kellanprituneinspirationpeinée.–Pourquoitudistoutescesconneries?Ilfaisaitlescentpasdanslachambre,lesnarinesdilatées.

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– C’est quoi ton problème, Logan ? Réveille-toi. Réveille-toi. On fait tout ce qu’on peut pourt’aider,ettoitunoushurlesdessuscommesionétaitl’ennemi,alorsqu’enréalité,l’ennemiestdanstatête.Tutedétruis.Tutedétruisettut’enfous,cria-t-il.

Kellann’élevaitjamaislavoix,jamais.J’allaisdirequelquechose,maissonregardm’arrêtanet.Ilplissalesyeuxet,l’espaced’uneseconde,j’auraispujureryvoirunéclairdehaine.Ilsepassalesmainssurlevisageencoreetencoreenessayantdesecalmer.Enparlant,ilreniflait

pourdissimulersonémotion.Ilmelançalesbrochuresetquandellesatterrirentsurmesgenoux,jeluslestitresenboucle.

CentredereposetdedésintoxicationSaintMichaelWaterloo,Iowa.–Désintox?Tupensesquejedoisallerencurededésintox?Vouspenseztousquej’aibesoinde

mefairedésintoxiquer?Jevaisbien.–Tuasfoncédansunmuravecunevoiture,ditErikapourlacentièmefois.–C’étaitunaccident,Erika!Tun’asjamaisfaitd’erreur,toi,peut-être?–Si,Logan.Maispasaupointdemanquerdetuermonpetitamietmasœur.Tuesunvraidésastre,

etsitunetefaispasaider,tuvasfaireencoreplusdemal.OùestHigh?–Écoute,on s’égare, là,Logan.Nousvoulons t’aider.Monpèrepaierapour ton séjouren Iowa.

C’estunedesmeilleures institutionsdupays. Jepenseque tupourrasy trouver toute l’aidedont tuasbesoin.

J’ouvrislabouchepourrépondre,maisKellanm’enempêcha.Ilplissalesyeuxetjepourraisjurerque,l’espaced’uneseconde,j’yvisunéclaird’amour.

Unéclaird’espoir.Unéclairdesupplication.–Est-cequejepourraisresterseulavecmonfrère?jemurmuraienfermantlesyeux.Toutlemondequittalachambreenrefermantlaporte.– Je suis désolé, Kel, je dis enme tordant les doigts. Je n’ai pas fait exprès de provoquer cet

accident.Jenevoulaispasça.MaisquandAlyssaaditqu’elleallaitsefaireavorter…–Quoi?m’interrompitKellan.– Tu n’étais pas au courant ? Alyssa était enceinte. Mais elle a fait une IVG il y a quelques

semaines.C’estsamèrequi l’aaccompagnée,etçam’adémoli,Kel.Jesaisque jen’aipasdonnédenouvellesdepuisplusieurssemaines,maisc’estlebazardansmatête.

–Logan…Kellanserapprochaettiraunechaiseprèsdemonlit.–Ellen’apasfaitcetteIVG.–Quoi?Moncœurs’emballa,etj’agrippailesbarrièresdemonlit.–Maissamèreadit…

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–Samèrel’afichuedehorsquandAlyssaluiaditqu’elleallaitgarderlebébé.Ellevoulait teledire,maistuasdisparudesradars.

Jemeredressai,animéparunespoirplusfortqueladouleur.–Ellenel’apasfait?Ilbaissalesyeuxsursesmains,croiséessursesgenoux.–Non.–Alors…J’étouffaissouslechocdesémotionsquimesubmergeaient.–Jevaisêtrepapa?–Logan…Kellansecouaitlatête.Ilouvritleslèvres,maisaucunsonn’ensortit.Ilsemassalestempes.–Aumomentdel’accident,ellen’avaitpassaceinture.Quandtuasattrapélevolant,elleaessayé

det’enempêcheret,aumomentdelacollision,elleaétééjectéeparlepare-brisearrièrequiavoléenéclats.

–Non.Jesecouailatête.–Ellevabien,mais…–Non,Kellan.–Logan.Elleaperdulebébé.Jepressaimespoucessurmesyeuxpourretenirmeslarmes.–Nedispasça,Kel.Nedispasça.Jelerepoussaiviolemment.–Nemedispasça.–Jesuistellementdésolé,Logan.Je me mis à sangloter dans mes mains, en tremblant de façon hystérique. C’est moi qui suis

responsable.J’aiprovoquél’accident,c’estmoiquil’aifait.C’estentièrementdemafaute.Kellanmepritdans sesbras, et jem’effondrai, incapabledeparler, incapablede fairecesser la

douleur, incapable de respirer. Chacune de mes respirations était douloureuse, chaque expiration medemandaituneffort.

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13ALYSSA

–Salut,murmuraLoganenpénétrantdansmachambred’hôpital.Il portait ses vêtements habituels, et les quelques ecchymoses sur son visage ne semblaient pas tropgraves.J’espéraisqu’ilserendaitcomptedelachancequ’ilavaitd’êtresortiindemnedecetaccident.

–Salut.Depuislaveille,j’étaisdanscelitd’hôpitalàmedemandercequej’allaisluidire.Messentiments

passaient d’un extrême à l’autre, alternant entre le chagrin et la fureur. J’avais envie de lui hurler auvisage.Deluidireàquelpointjeluienvoulaisetdedéversertoutelarancœurquej’avaisaccumuléecontre lui pour avoir osémettre en doutemes intentions pour le bébé. Je connaissais ses rêves, et jeconnaissaissessentiments.Jesavaisquenousaurionsputrouverunmoyendenousensortir.Et lui, ilavaitfichulecamp.J’avaisenviedelehaïr,maisàl’instantoùjelevis,toutcelafutmodifié.

Jeneressentisplusqu’unimmensechagrin.Ilouvrit labouche,mais la refermaaussitôt. Il sepassa lamaindans lescheveuxenévitantmon

regard.C’étaitcommedansunrêve–nousétionstoutprèsl’undel’autre,maisungouffrenousséparaitencore.C’étaitunrêvequejeneparvenaispasàdissiper,etjevoulaisquecesoitLoganquimeréveille.

Jevoulaisqu’ilmepromettequecen’étaitqu’unrêvequis’étaittransforméenunaffreuxcauchemarsansqu’onsachecomment,maisqu’auleverdujour,jemeréveillerais.

Jevoulaismeréveiller.MonDieu…faitesquejemeréveille.J’étais assise du côté droit du lit, les genoux repliés sur la poitrine. Je m’étouffais à chaque

respiration que je prenais. L’air dans la pièce était irrespirable, toxique, empoisonné.Mon envie depleurer étaitdeplusenplusdifficile à contrôler et je tremblaisde tousmesmembres.Le seul faitderegarderLoganfaisaitvolermoncœurenéclats,maisjeneversaipasunelarme.

–Jevaisbien,jefinispardire,alorsquemoncorpstoutentiermedisaitquecen’étaitpasvrai.

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–Est-cequejepeuxteprendredansmesbras?–Non,dis-jefroidement.–D’accord.Jeregardaimesmains,enpleineconfusion.–Oui.–Oui?demanda-t-ilenhaussantlégèrementlavoix.–Oui.Ilposalamainsurmonépauleavantdemontersurlelitetdem’entourerdesesbras.Jefrissonnai

ensentantsesdoigtssurmapeaupourlapremièrefoisdepuissilongtemps.–Jesuisdésolé,High.Sacaresseétaitsichaude…Tuesrevenuversmoi.Les larmes roulèrent surmes joues.Toutmoncorps était secouéd’un tremblement incontrôlable,

maisLoganme serrait fort contre lui, refusant deme lâcher de sitôt.Nous appuyâmes nos fronts l’uncontrel’autre,etseslarmeschaudessemêlèrentauxmiennes.

–Jeregrettetellement,High.Nousrestâmesenroulésl’undansl’autre,portantlemondesurnosépaules,jusqu’àsombrertousles

deuxdanslesommeil.Ilétaitrevenu.Quandjem’éveillai,ilmetenaittoujoursserréecontrelui,commesij’étaissaplanchedesalut.Je

meretournaipourluifaireface.Ildormait,sarespirationrégulièreétaitàpeineplusqu’unmurmure.Jeprissesmainsdanslesmiennesetcroisainosdoigtsensemble.Ils’agitaunpeuavantd’ouvrirlesyeux.

–Alyssa,jenesaispasquoidire.Jenesavaispasquetuétais…jene…Jen’avaisjamaisentenduunetellevulnérabilitédanssavoix.LeLoganquiétaitpartidechezmoi

plusieurssemainesauparavantétaitsidétachédemoi,desesémotions.Maismaintenant,levoirpleurerenprenantmonvisageentresesmainsbrisaitlepetitmorceaudemoncœurquicontinuaitàbattre.

–Jen’auraispasdûpéter lesplombs.J’auraisdûrester.J’auraisdû teparler.Maismaintenantàcausedemoi…àcausedemoi…

Ilenfouitlatêtedanslecreuxdemonépauleets’effondra.–Jel’aitué,dit-ilenparlantdubébé.C’estdemafaute.Jeprissonvisageentremesmainscommeiltenaitlemien.–Logan.Tutefaisdumal.Jepouvaispresquesentirsesremordssousmesdoigtstandisquesesyeuxs’emplissaientdelarmes.

Jenichaima têtecontresoncou,etmonsoufflechaud fondit sur sapeau.Mespaupières tombaientdefatigueetjebattisdescilsdeuxoutroisfoisavantdefermerlesyeuxetdeluimurmureràl’oreille.

–Arrêtedetefairedumal.Je ne pouvais pas le détester. Quoi qu’il arrive, je ne pourrais jamais détester Logan. Quant à

l’aimer ? Cet amour existerait toujours. Nous allions trouver ensemble un moyen de dépasser letraumatismedeceterribleaccident.

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C’étaitnouscontrelemonde,nousserionssolidaires.–Jevaispartir,dit-ilensereprenantetens’essuyantlesyeux.Jemeredressai,alarmée.–Quoi?–Jem’envais.Jevaisdansuncentrededésintoxication,dansl’Iowa.Mes yeux brillèrent d’impatience. Un peu plus tôt, Kellan m’avait parlé de ce centre de

désintoxication,etnousespérionsvraimentl’unetl’autrequeLoganaccepteraitdesuivreleprogrammedequatre-vingt-dixjours.Celaneferaitpasdisparaîtreladouleurquenouséprouvionsluietmoi,maisilpourraitapprendreàmieuxlagérer.

–C’estsuper,Lo.C’estunebonnenouvelle.Etquandtureviendras,nouspourronsrepartiràzéro.Nousseronsdenouveautouslesdeux.

Ilplissalefrontensecouantlatête.–Jenereviendraipas,High.–Quoi?– Je vais quitter True Falls et je ne reviendrai pas. Je ne reviendrai jamais dans leWisconsin,

jamais,etjenereviendraijamaisici.Jem’écartailégèrementdelui.–Arrêteça.–Jenevaispasrevenir.Jefinistoujoursparfairedumalauxgens.Jedétruisdesvies.Etjenepeux

pascontinueràdétruirelatienneoucelledeKellan.Jedoisdisparaître.–Tais-toi,Logan!jehurlai.Arrêtededireça.–J’aibienvucommentçasepassait.Nousrentrerionsdansuneroutine,danslaroueduhamsteroù

ontourneencoreettoujours,etoùjedémolistoujourstavie.Jenepeuxpastefaireça.Jeneveuxpas.Ilselevadulitetenfonçasesmainsdanssespoches.Ilhaussalesépaulesetmefitunpetitsourire

triste.–Jesuisdésolé,High.–Nefaispasça,Lo.Nemequittepascommeça.Enlesuppliant,jeluiprislesmainspourl’attirerversmoi.–Nemequittepasencoreunefois.Nefuispas.Jet’ensupplie.J’aibesoindetoi.Je ne pourrais pas surmonter cette épreuve sans lui. J’avais besoin de lui pour apprendre àme

relever.J’avaisbesoind’entendresavoixtardlesoir,j’avaisbesoindesonamourtôtlematin.J’avaisbesoindelaseulepersonnequiavaitperducequej’avaisperdupourlepleureravecmoi.

J’avaisbesoindemonLo,aussidépriméetdouloureuxfût-il,àmescôtés.Il déposa un unique baiser sur mon front et me chuchota quelques mots à l’oreille avant de se

retourneretdemequitter.Jecriaisonnom.Ladernièrechosequ’ilm’avaitditesemitàtourneretàtournersanscessedansmatête.Desmots

quimeblessaientplusquetout.

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– J’aurais été nul, avait-il murmuré dans mon oreille en me faisant frissonner. J’aurais été nulcommepère.Maistoi?

Ilavaitdéglutiavecdifficulté.–Tuauraisétélameilleuredesmères.Notreenfantauraitétéhonoréd’êtreaimépartoi.Etilavaitdisparu.Avec ces quelquesmots simples et le son de son pas qui s’éloignait, j’ai découvert ce que cela

voulaitvraimentdired’avoirlecœurbrisé.

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DEUXIÈMEPARTIE

Deleurscendres,ilsserelevèrentpourdenouveauseconsumerd’unfeuardent.

Iln’avaitjamaisoubliésonéclat.Ellenel’avaitjamaisoublié.

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MESSAGE1

Salut, Logan, c’est Alyssa. J’appelle juste pour savoir comment tu vas. C’est juste que… jedétesterepenseràlafaçondontnousnoussommesquittés.Çamefaitmaldemedirequelesderniersmomentsquenousavonspassésensemblen’étaientpasterribles.C’estaffreuxcequetumemanques.Toutçamefaitdumal,etj’aihorreurdeça.

Pourtant,jevaiscontinueràt‘appeler,touslesjours,mêmesitunerépondspas.Jeveuxquetusachesque tun’espas tout seul.Mêmesic’est trèsdifficile.Jeveuxque tusachesque tun’espasseul.

Àbientôt,Lo.

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MESSAGE2

Salut,c’estmoi.Celafaitcinqjoursquetuesàlaclinique,etj’auraisaiméentendretavoix.Kellan m’a dit qu’il t’avait parlé et que tu vas bien. Est-ce que tu vas bien ? Je l’espère

sincèrement.TumemanquesLogan.Tellement.Jesuisheureusequetutravaillessurtoi-même.Tulemérites.

Àbientôt,Lo.

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MESSAGE14

Deuxsemaines.Tueslà-basdepuisdeuxsemaines,etKellanm’aditquetuallaisbien.Ilditquetuasunpeudemalàsupporterlemanque,maisjesaisquetuesplusfortquetespiresdémons.

Hier soir, j’étaisallongée surmon lit et j’écoutaisundisque sur laplatinevinylequi sauteàintervallesréguliers,etcelam’afaitpenseràtoi.

Celam’arappelélapremièrefoisoùnous…Laissetomber.Tumemanques,c’esttout.Certainsjourssontplusdursqued’autres.Àbientôt,Lo.

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MESSAGE45

Tuasfaitlamoitiédelacure.Commentvas-tu?Manges-tusuffisamment?Est-cequetuaslesidéesclaires?J’espèrequ’ilsontdesdocumentairesenDVDpourtoi.Si tuveux, jepourraispeut-êtrevenirt’enapporter.J’aivuunnouveaudocsurlesBeatlesetj’aipenséqu’ilteplairait.

Veux-tuquejetel’apporte?Jeviendraisituveux.Ilsuffitquetumeledises.J’ailaissédesmessagessurtaboîtevocaletouslesjoursdepuisquarante-cinqjoursetjevais

continuer.Jevoudraisseulemententendretavoix.J’aimeraistellementqueturépondesautéléphone.Lo…S’ilteplaît.Bonsang,cequetupeuxmemanquer.Àbientôt,Lo.

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MESSAGE93

Salut,c’estAlyssa.Lacureestterminée,etj’aidumalàretenirmeslarmes.Jesuistellementfièredetoi.C’estbien.

C’estsuper…Kellanditquetuvasbien.Quetuesenformeetquetuaslemoral.Ilm’a aussi dit qu’il t’avait apporté desDVD. Pourquoi tu neme l’as pas demandé àmoi ?

Pourquoiturépondsàsesappelsetpasauxmiens?Qu’est-cequej’aifaitdemal?Jetelesauraisapportés,Logan,lesDVD.Jetelesauraisapportés.Maisçanefaitrien.Àbientôt,Lo.

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MESSAGE112

Ilm’aditquetunereviendraispasàTrueFalls.Ilditqueturestesdansl’Iowa.Jenet’avaispascruquandtumel’avaisdit.Jenevoulaispastecroire.

Ilm’aditquetuavaistrouvéunappartetunboulot…C’estbien.Situasbesoindequoiquecesoit,denourriture,demeubles…decompagnie.C’estseulementquetumemanques,c’esttout.Jenepeuxpascroirequetunevaspasrevenir.C’estbien,malgrétout.C’estbienpourtoi.Jet’aime.Àbientôt,Lo.

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MESSAGE270

Sais-tuque c’est cemois-ci que le bébé serait né? Je serais à l’hôpital et tume tiendrais lamain.Jesaisqu’onpourraitcroirequejepleure,maisnon.

Jesuisseulementunpeusoûlecesoir.Jeneboisjamais,alorsilnem’enfautpasbeaucoup.Uneamiem’ainvitéepourmechangerles

idées.Çaauraitétéencoremieuxsij’avaisentendutavoix.Maistunem‘aspasappelée.Peut-êtrequetuaschangédenuméro.Peut-êtrequetuespasséàautrechose.Peut-êtrequetun’enasplusrienàfoutre.Jem’enfous

quetut’enfoutes!Çanefaitrien.Tupeuxallertefairefoutre,Logan.Pournem’avoirjamaisappelée,pasmêmeunefois.Tune

m’aspasappelée.Excuse-moi.Jesuisunpeusoûle,cesoir.Àbientôt,Lo.

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MESSAGE435

Qu’est-cequetufaislanuitquandilpleut?Moi,jem’allongesurmonlitetjepenseàtavoix.Àbientôt,Lo.

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MESSAGE756

C’estdécidé,jetedéteste.Jedétestetoutcequiteconcerne.Maispourtant,j’espèrequejeteverraibientôt,Lo.

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MESSAGE1090

Jelèveledrapeaublanc,Logan.Jesuisfatiguéeetj’abandonne.J’arrête.Cinqans.C’estfini,jenelaisseraiplusdemessages.Jet’aime.Tumemanques.Jetesouhaited’êtreheureux.

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MESSAGE1123

Logan,c’estKellan.Écoute,jesaisquetuasrefaittavielà-basdansl’Iowaetquetoutvabienpourtoi.Etjenetedemanderaisjamaisderevenirdanscettevilledemerdesicen’étaitpasvraimentimportantpourmoiet…Erikaetmoiallonsnousmarier.Maisjenepeuxpasmemariersansquemonfrèresoitlà.Jenepeuxpasmetenirdevantl’autelsansquelerestedemafamillesoitàmescôtés.

Jesaisquec’estbeaucoupdemander.Maisjeteprometsquejenetedemanderaiplusjamaisriend’autre.Enplus,j’aiachetéledocsurlaNASAdontnousavonsparléilyaquelquessemaines.Tunel’aurasquesituesmonputaindegarçond’honneur.Oui.J’essaied’achetertonamouretjeneculpabilisepasdutout.Àbientôtautéléphone.

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14LOGAN

Cinqansplustard

Touslessoirs,j’allumaisunecigaretteetjelaposaissurlereborddemafenêtre.Letempsqu’elleseconsume, jem’autorisais à repenser àmonpassé. Jem’autorisais à souffrir et à ressassermes regretsjusqu’àcequelabraiseatteignelefiltre.Alors,jebloquaismonespritetjem’autorisaisàoublier,parcequeladouleurétaittropdifficileàaffronter.Quandmonespritétaitréduitausilence,jem’activaispourmaintenirlessouvenirsàdistance.Jeregardaisdesdocumentaires,jefaisaisdespetitsboulots,jefaisaisdelamusculation,jefaisaistoutcequiétaitpossiblepourm’empêcherdemesouvenir.

Mais aujourd’hui mon frère m’avait rappelé, de l’endroit même que je fuyais depuis cinq ans.LorsquejemeretrouvaiàTrueFalls,jerestaiassisdanslagareàmedemandersijeneferaispasmieuxdetrouverunmoyenderéunirl’argentpourm’acheterunbilletsimple,retourdirectdansI’Iowa.

–Vousarrivezouvouspartez?medemandaunefemmeassisedeuxsiègesplusloin.Jemetournaiverselle,quelquepeuprisdecourtpar l’intensitédesesyeuxverts.Ellemefitun

petitsourireetsemitàmâchouillerl’ongledesonpouce.–Jenesaispasencore.Etvous?–Jereviens.Pourdebon,jepense.Elle continuait à sourire,mais plus elle souriait plus elle semblait triste. Je ne savais pas qu’un

sourirepouvaitrefléterautantdetristesse.–J’essaieseulementdegagnerencoreunpeudetempsavantderetourneràmavie.C’étaitunechosequejepouvaiscomprendre.

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Jemerenfonçaidansmonsiègeenessayantdenepasmerappelerlaviequej’avaislaisséederrièremoitantd’annéesauparavant.

–J’aimêmeretenuunechambred’hôtelpourlanuit,dit-elleensemordantlalèvreinférieure.Justepouravoirencorequelquesheuresd’oubli,vousvoyez?Avantderetournerdanslavraievie.

J’acquiesçai d’un signe de tête. Elle se rapprocha de moi en glissant sur les sièges, sa jambeeffleuralamienne.

–Tunetesouvienspasdemoi,hein?Jepenchailatêteverselle,etellem’adressadenouveaucesouriretristetoutenpassantlesdoigts

dansseslongscheveux.–Jedevrais?Ellesecoualatête.–J’imaginequenon.Jem’appelleSadie.Elle battit des paupières comme si son nom devaitme rappeler quelque chose. Les coins de sa

boucheretombèrent.–Bref.Tum’asl’aird’êtrelegenreàvouloiroublierpendantunmoment,toiaussi.Situveux,tu

peuxm’accompagneraumotel.J’auraisdûluidirenon.J’auraisdûignorersonoffre.Maisilyavaitquelquechosequim’attirait

danslatristessequ’elledégageait,danslafaçondontsonâmetorturéesemblaitseconsumercommelamienne.Alors,j’aiattrapémonsacàdos,jel’aipassésurmonépauleetj’aisuiviSadieverslepaysdel’oubli.

***

–Onafréquentélamêmeécolependantdesannées,ditSadiealorsquenousétionsallongésdansunechambred’unmotelpourri.

Je m’étais déjà retrouvé dans ce motel il y avait une éternité de ça. Dans les vapes, dans unebaignoire crasseuse. Me trouver là ne réveillait pas les plus beaux souvenirs, mais je me dis qu’enrevenant dans le Wisconsin au bout de cinq ans, tout allait être comme ça, recouvert de rappelsmerdiques.

Seslèvrestachéesdevinbougèrentenclaquantdefaçonstridentesursesgencives.–Enterminale,tucopiaissurmoipourtouslestestsdemaths.C’estgrâceàmoisituasréussiton

bac.Elleseredressasursescoudes.– J’ai rédigé quatre de tes dissertations en anglais. Et si tu parles espagnol, c’est grâce àmoi !

Sadie?SadieLincoln?Aucunsouvenir.–Jeneparlepasespagnol.–Ehbien,tudevrais.Tunetesouviensvraimentpasdemoi?

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Celasemblaitl’attrister,maisellen’auraitpasdû.Celan’avaitriendepersonnel.Ilyavaitpleindechosesquej’avaisoubliées.

Etpuisilyavaittoutcequej’auraisvouluoublier.–Pourêtrefranc,pendantlaplusgrandepartiedemesétudesaulycée,j’étaisshooté.C’étaitlavérité.–Oualors,tuétaisaveccettefille,AlyssaWalters.Mapoitrineseserraenmêmetempsquemamâchoire.Àlaseulementiondesonnom,unflotde

souvenirsmerevenaientàl’esprit.–Elleesttoujoursenville?jedemandaienm’efforçantdeprendrel’airdétaché.Il y avait desmois qu’Alyssa neme laissait plus demessages et quandKellanm’appelait, nous

évitionsd’aborderlesujet.Sadiefitouidelatête.–ElletravailleàHungryHarry,lerestau.Jel’aivueaussiaumagasindemeublesdeSam.Etpuis

elle joue dupianodans plusieurs bars. Je ne sais pas.On la voit partout.Celam’étonneque tu ne lesachespas.Vousétieztoujourscollésl’unàl’autretouslesdeux,cequifaisaitbizarrequandonypense,vousn’aviezrienencommun.

–Nousavionsdestasdechosesencommun.Unriresarcastiques’échappadeseslèvres.–Ahbon?Labonneélèveenmusiquequiavaittoujoursdesbonnesnotesetlecaméavecunemère

toxico,quiarrivaitdejustesseànepasavoirzéro–grâceàmoi–avaientdestasdechosesencommun?–Arrêtedeparlerdecequetuneconnaispas.Ellecommençaitàm’énerver.À l’époque,Alyssaetmoipartagionsplusdechosesquen’importequi sur cetteplanète.Etpuis

qu’est-cequ’ellesavaitdemamère,cetteSadie?Qu’elleaillesefairefoutreavecça!J’aurais dû sortir de cette chambre. J’aurais dû lui dire de foutre le camp et d’aller se chercher

quelqu’un d’autre à emmerder,mais le truc, c’était que je n’avais vraiment pas envie d’être seul. Jevenais de passer cinq années d’une solitude totale, si on ne tenait pas compte des visites éventuellesd’unesouris,detempsentemps.

Sadiegardalesilenceaussilongtempsqu’elleleput,autantdiretrèspeudetemps.Ellenesavaitpascequec’étaitquelapaixdusilence.

–Alors,c’étaitvrai?Quetuétaisendésintox?Elle parlait trop pour moi. J’avais horreur d’évoquer la cure, parce que la moitié du temps je

regrettaisdeneplusêtreàlaclinique.L’autremoitié,j’auraisvouluêtredenouveaudansuneruelleàsnifferune ligneoudeuxsur lecouvercled’unepoubelle.Celafaisaitun tempsfouque jen’avaispasconsommé,etpourtantjecontinuaisàypenserpratiquementtouslesjours,putain!LedocteurKahnavaitditqueceseraitdurderetournerdanslavraievie,maisqu’ellecroyaitquejepouvaisyarriver.Jeluiavaispromisquechaquefoisquej’auraisenvied’enreprendre,jeferaisclaquersurmapeaul’élastique

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rougequ’ellem’avaitdonnépourm’aideràmerappelerqueleschoixquej’avaisfaitsétaientaussiréelsquecettedouleursurmapeau.

Surl’élastique,onlisait«force»,cequiétaitbizarreparceque,moi,j’avaisl’impressiond’enêtretotalementdépourvu.Jen’arrêtaispasdefaireclaquerl’élastiquesurmonbrasdepuisqueSadieavaitcommencéàparler.

–Enville,lebruitcouraitquetuétaismort.Jecroisquec’esttamèrequiavaitlancélarumeur.–Tusaisquetuasdetrèsbeauxyeux?dis-jepourchangerdesujet.Jecommençaiàl’embrasserdanslecouenécoutantsesgémissements.–Bof,ilssontverts,c’esttout.Elleavaittort.Ilsétaientd’unvertcéladon,assezunique,avecunpeudegrisetdevert.–Ilyaquelquesannées,j’aivuundocumentairesurlapoteriechinoiseetcoréenne.Tesyeuxontla

couleurdel’émailqu’ilsutilisaientdansleurspoteries.– Tu as regardé un documentaire chinois sur la poterie ? murmura-t-elle avec un petit rire, en

essayantdereprendresonsouffletandisquemeslèvressuivaientlacourbedesaclavicule.(Jelasentisfrissonnercontremoi.)Tudevaisêtrecomplètementàlaramasse.

Jeris,parcequ’ellen’imaginaitpasàquelpoint.–EnOccidentonappelleçacéladon,maischezeuxçaseditqingci.Jeposaileslèvressurlessiennes.Ellemerenditmonbaiser,parceque,aprèstout,c’étaitbienla

raisonpourlaquellenousétionsdanscettechambredemotelcrasseuse.Nousétionslàpourfairecommesinosbaisersexprimaientunesortedepassion.Nousétionslàpourfairepassernotresolitudepourdelaplénitude.C’estfoucequ’onpeutfaire–etavecqui–pourtrompersasolitude.

–Tupeuxrestertoutelanuit?murmura-t-elle.–Biensûr,soupirai-jeenfaisantroulermalanguecontresonoreille.J’avaisenviedepasserlanuitavecelle,parcequelasolitudemegonflait.J’avaisenviedepasser

la nuit avec elle, parce que l’obscurité gagnait. Je voulais passer la nuit avec elle, parce qu’ellemel’avaitdemandé.Jevoulaispasserlanuitavecelle,parcequejevoulaisquelanuitpasse.

EllefitglissermonT-shirtpar-dessusmatête,etsesdoigtsroulèrentsurmontorse.–Purée!s’exclama-t-elled’unevoixaiguë.Tuessuperbienfoutu!Ellegloussa.Putain.Est-cequej’avaisvraimentenviederestertoutelanuit?Sansrépliquer,jeluienlevaisarobe,puisj’ôtaimonjean.Jemepenchaisurelle,allongéesurle

lit,etjedéplaçaimeslèvressursoncou,puissursapoitrine,sursonventre,etjemarquaiunepauseenarrivantàlaceinturedesaculotte.Ellesemitàgémirquandjelacaressaidemespoucesàtraversletissudesaculotte.

–Oui…oui…BonDieu,elle jouait lerôledemonaddictioncesoir-là.Jemesentaisunpeumoinsseul.Jeme

voyaisdéjàlarappelerlelendemain,laretrouveraumoteletlabaiserencoreunefoissurcelitpourri.Enuntempsrecord,monboxervolaetjemeretrouvaisurelle.J’enfilairapidementunpréservatif,

etjusteaumomentoùj’allaislapénétrer,ellepoussaunpetitcri.

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–Non,attends!Unéclairdepeurtraversacesyeuxqingci.Elleportalesmainsàsaboucheetsesyeuxs’emplirent

delarmes.–Jenepeuxpas.Jenepeuxpas.Je m’immobilisai, figé au-dessus d’elle. La culpabilité m’assena un coup à l’estomac. Elle ne

voulaitpascoucheravecmoi.–Oh,monDieu.Excuse-moi.Jecroyais…–Jenesuispaslibre,dit-elle.Jenesuispaslibre.Attends.–Quoi?–J’aiuncopain.Uncopain?Merde.Ellementait.Elletrichait.Elleauncopain.Jem’écartaid’elleetm’assisauborddulit.Jemecramponnaiauborddumatelasenécoutantle

froissementdudrapquiaccompagnaitchacundesesmouvements.Ellesemitàparlerdoucement.–Jesuisdésolée.Jecroyaispouvoirlefaire.Jecroyaisquej’yarriverais,maisjenepeuxpas.Je

pensaisqueceseraitfacileavectoi,tuvois?Demelaisseraller,sansmeprendrelatête.Jepensaisquejepourraisoublierpendantunpetitmoment.

Sanslaregarder,jehaussailesépaules.–Pasdeproblème.Jemelevaietmedirigeaiverslasalledebains.–Jereviens.Laporteserefermaderrièremoietjemepassailesmainssurlevisage.J’enlevailacapoteetla

jetaidanslapoubelleavantdem’adosseràlaportepourmecaresser.C’étaitpathétique.Jesuispathétique.Je me branlai en pensant à la cocaïne. À la poussée d’énergie qu’elle me procurait et qui

m’échauffait. La sensation de paix totale et de félicité. Je me caressai plus vigoureusement, en merappelant comment la coke faisait disparaître tous les problèmes, toutes les peurs, tous les conflits.J’avais l’impression d’être le maître du monde, irrésistible. L’euphorie. La jubilation. L’amour.L’euphorie.Lajubilation.L’amour.L’euphorie.Lajubilation.L’amour.

Lahaine.Lahaine.Lahaine.Unerespirationprofonde.Jedéchargeai.Jemesentaisplusvidequejamais.

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Jeme tournai vers le lavabo et jeme lavai lesmains enme regardant dans la glace, plongeantprofondémentdansmonpropreregard.Desyeuxmarronquin’avaientriendespécial.Desyeuxmarronquiavaientl’airtriste.Desyeuxmarron,obscurcisparunevaguedépression.

Jerepoussaicettepensée,meséchailesmainsetallailaretrouver.Elleserhabillaitens’essuyantlesyeux.–Tut’envas?Ellehochalatête.–Tu…(jem’éclaircis lavoix)… tupeux rester, tu sais. Jene suispas legenrede connardà te

mettreàlaporteàtroisheuresdumatin.Deplus,c’esttachambre.C’estmoiquivaispartir.–J’avaisditàmoncopainquejerentreraisdèsquej’arriveraisenville,medit-elleavecunsourire

forcé.Vêtue seulementde son soutien-gorgeetde saculotte, elle alla jusqu’aubalcon,ouvrit la fenêtre

maisnesortitpas.Iltombaitdescordes,etlapluiemartelaitlabalustrademétallique.LapluiemefaisaittoujourspenseràAlyssaetàsonhorreurdedormirlessoirsd’orage.Jemedemandaioùsonespritsetrouvaitcesoir.Jemedemandaicommentellesupportaitlesondelapluiesursafenêtre.

«Jen’arrivepasàdormir,Lo.Tuneveuxpasvenir?»Lavoixd’Alyssaétaitcommeunenregistrementquipassaitdansmatête,unsonquisebaladaiten

boucledansmoncerveaujusqu’àcequejelepoussedehors.Sadiepassalesdoigtsdansseslonguesboucles.Sonsourireforcésetransformaengrimace.–Iln’estprobablementpasencorerentré.J’avaishorreurdedormirseulequandj’étaiscélibataire.

Etmaintenantquejesuisencouple,jemesenstoujoursaussiseule.–Tuvoudraisquejeteplaigneparcequetuesunetricheuse?–Ilnem’aimepas.–Entoutcas,moi,jepeuxtedireàquelpointtoi,tul’aimes,dis-jed’untonmoqueur.–Tunecomprendspas,dit-elle,surladéfensive.C’estunmaniaqueducontrôle.Ilm’aéloignéede

touslesgensquej’aimais.Avant,j’étaisclean,commetoimaintenant.Jenetouchaisjamaisàladrogueavantdeleconnaître.Ilm’apiégée,etmaintenantquandilluiarrivederentrer,jepeuxsentirunparfumsurluiquin’estpaslemien.Ilvasecouchersansmêmemetoucher.

Despenséessemirentàtournerdansmatête,maisjesavaisquec’étaitunemauvaiseidée.Resteavecmoicesoir.Resteavecmoidemainmatin.Resteavecmoi.Lasolitudeest cettevoixdansvotre têtequivous faitprendredemauvaisesdécisionsau simple

motifd’unepeinedecœur.–Çanetefaitpasbizarre?D’êtrerevenu?demanda-t-ellepourchangerdeconversation.Bonneidée.Elletournalentementsurelle-mêmeetnosregardssecroisèrentunefoisdeplus.Ses

jouesétaientcramoisieset,surlemoment,jesentismoncœursebriseràl’idéequ’elleallaitseretrouverseule.

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–Unpeu.–TuasvuKellandepuisquetuesarrivé?–Tuconnaismonfrère?–Ilparticipedetempsentempsàdessoiréesopenmic 1enville.Ilesttrèsbon.Jenesavaispasqu’ilavaitrecommencélamusique.Ellehaussaunsourcil,curieuse.–Vousêtesproches,touslesdeux?–Jeviensdepassercinqansdansl’Iowaetlui,ilestici,dansleWisconsin.Ellehochalatêtepourmontrerqu’ellecomprenait.Jemeraclailagorge.–Maisoui,noussommesproches.–Meilleursamis?–Amis,seulement.–JesuisvraimentétonnéequetonamitiéavecAlyssan’aitpasduré.J’étaissûrequetuluiauraisau

moinsfaitungossedepuistoutcetemps.Àuneépoquejepensaisça,moiaussi.Arrêtedeparlerd’Alyssa.ArrêtedepenseràAlyssa.Peut-êtrequesijepassaislanuitavecSadie,jeréussiraisàchasserAlyssademonesprit.Peut-être

quesijem’endormaisenlatenantdansmesbras,çameprendraitmoinslatêted’êtrerevenudanslavilleoùréside toujours laseulefilleque j’aievraimentaimée.JemerapprochaideSadieenmepassant lamainsurlementon.

–Écoute,tupeux…–Ilvautmieuxpas,murmura-t-ellesansmelaisserterminermaphrase.Elleétaitétrange.Nosregardsseséparèrentquandellebaissalesyeux.–Ilnem’ajamaistrompée.Ilest…Ilm’aime.Cetteconfessionsoudainejetaencorepluslaconfusiondansmonesprit.Ellementait.Elletrichait.Ellepartait.–Reste,s’ilteplaît.Letondemavoixmefaisaitparaîtreplusdésespéréquejenel’auraisvoulu.–Jedormiraisurlecanapé.Cen’étaitpasvraimentuncanapé,plutôtungenrede futondéglinguéavecplusde tachesquede

coussins. En vérité, çela aurait été probablement plus confortable sur la moquette. J’aurais pu aussiappelerKellanetallerdormirchezlui.

Maisjen’étaispasencoreprêtpourça.Jesavaisquedèsquejeverraisquelqu’unsurgirdemonpassé–quelqu’undontjemesouvenais

vraiment–,j’allaisreplongerdansmonanciennevie.Laviequej’avaisfuie.Laviequim’avaitpresquetué.Jen’étaispasprêt.Commentquelqu’unpourrait-ilêtreprêtàaffrontersonpasséetfairecommesitouteladouleuretlechagrinavaientdisparu?

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Elle enfila sa robe et me regarda par-dessus son épaule. Ses yeux étaient empreints d’unecompassionattristée.

–Tum’aides?En trois enjambées, j’étais derrière elle et je remontai la fermeture à glissière de sa robe qui

épousait toutes les courbes de son corps. Je laissai traînermamain sur sa taille et elle se pencha enarrière.

–Tuveuxbienm’appeleruntaxi?Jevoulaisbienetjelefis.Aumomentdepartir,ellemeremerciaetmeditquejepouvaisgarderla

chambrepour lanuit,elleétaitpayéeetceseraitdommagedenepasenprofiter.J’acceptaisonoffre,maisjenecomprenaispasbienpourquoiellemeremerciait.Jen’avaisrienfaitpourelle.Oualors,jel’avaisaidéeàtricher.

Non.Unepersonnequitrompepourlapremièrefoisdevaitprobablementressentirdelaculpabilité.Elle,elleneressentaitvisiblementrien.J’espérais ne jamais la revoir, parce que c’était déprimant de côtoyer des individus qui ne

ressententrien.Après sondépart, j’arpentai lachambredans tous les senspendantuneheure.Yavait-ild’autres

personnescommemoi?Despersonnesquisesentaientsiseulesqu’ellesétaientprêtesàpasserdesnuitssans lendemain avec des personnes sans importance, simplement pour avoir la possibilité de regarderquelqu’undanslesyeuxpendantquelquesheures?

Jedétestaisêtreseul,parcequelorsquej’étaisseul,jerepensaisàtoutesleschosesquejedétestaisenmoi.Jemesouvenaisdetoutesmeserreurspassées,quim’avaiententraînéjusqu’àunpointoùaulieudevivre,jenefaisaisplusqu’exister.Sijevivaispleinementmavie,jefiniraisparfairedumalàtousceuxquiétaientprèsdemoi,etjenepouvaisplusfaireça.Cequirevenaitàdirequejedevaisêtreseul.

Par le passé, je n’étais jamais seul quand j’avaismadrogue,mon amie silencieuse, destructrice,mortelle.Jen’étaisjamaisseulquandj’avaismonplusbeautrip.

Alyssa…Merde.Monespritmejouaitdestours,lespaumesdemesmainscommençaientàmedémanger.J’essayai

deregarderlatélévision,maisiln’yavaitquedesconneriesdetéléréalité.Jetentaidedessinerunpetitmoment,mais lestylode lachambren’avaitplusd’encre.Jem’efforçaid’isolermoncerveau,mais jecontinuaiàpenserauplusbeautripquej’avaisjamaiseu.

Quandlareverrais-je?Etd’abord,est-cequejelareverrais?Biensûr.Sasœurépousemonfrère.Avais-jeenviedelarevoir?Non.Jen’enavaispasenvie.

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BonDieu.Si.J’enavaisenvie.J’avaisenviedelatenirdansmesbraset,enmêmetemps,jenevoulaisplusjamaislatoucherde

mavie.J’avais envie de l’embrasser et, en même temps je ne voulais plus jamais me souvenir de ses

rondeurs.J’avaisenviede…Tagueule,moncerveau.Jeprismon téléphoneet j’appuyai sur lechiffredeux.C’étaitunevoixdifférentecette fois,mais

l’annonced’accueilétaitlamême.Ilsmeremerciaientd’avoirappelélahotlineducentred’appelpourdroguésetalcooliques.Ilsm’encourageaientàparlerdesproblèmesquejerencontraisactuellementetdemesenvies,dansuncadreconfidentiel.

Jeraccrochai,commetoujours.Parcequelesgenscommemoi,avecunpassécommelemien,neméritaientpasqu’onlesaide.Ils

neméritaientquel’isolement.Mespasm’entraînèrentsurlebalconetj’allumaiunecigarettequejeposaiparterredansunendroit

sec.J’écoutailapluiequimartelait lestoitsdelavilledeTrueFallsetjefermailesyeux.Jeprisuneprofondeinspirationetm’autorisaiàsouffrirpendantlecourtmomentqu’ilfallaitàlacigarettepourseconsumer.

JepensaiàAlyssa.Jepensaiàmamère.Jepensaiàtouteslesdrogues.Etpuiscommetoujours, je finisparpenserà l’enfantque j’auraispu tenirdansmesbrass’iln’y

avaitpaseutouscesdémonsenmoi.Certainesfois,lacigarettemettaithuitminutespourseconsumer.D’autresfois,dix.Unechosenechangeaitpas,quelquesoitletempsquelacigarettemettaitàbrûler,c’étaitlafaçon

dontmoncœurbrisétrouvaitencorelemoyendecontinueràsebriser,enmorceauxtoujourspluspetits.

1.«Microouvert».Soiréesoùtoutlemondepeutparticiperetmontersurscène.

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15ALYSSA

Touslesjours,jemerendaisauboulotencovoiturageavecmavoisine,Lori,uneserveusedesoixante-dixans.NousfaisionstouteslesdeuxlematinaurestauHungryHarryetnousdétestionsçaautantl’uneque l’autre.Cela faisaitvingt-cinqansqueLori travaillait làetellem’avaitditquesonplandesortieétaitd’épouserundestroisChris,Evans,HemsworthouPratt,peuluiimportait.Touslesjourspendantletrajetenvoiture,Loriseplaignaitparcequenousrisquionsd’êtrecinqminutesenavance.Elledisaitquevotrelieudetravailétaitbienledernierendroitoùarriverenavance.Jen’allaispasdirelecontraire.

JetravaillaisdepuiscinqanschezHungryHarry.Lepiredansceboulot,c’étaitquej’yarrivaisensentantlaroseetleshampooingàlapêcheetquej’enressortaisimprégnéed’uneodeurdeburgerfritetdepommesde terresautées, tous les joursqueDieufaisait.Laseulechosequimefaisait tenir,c’étaitl’idéequechaqueheuredetravailmerapprochaitunpeuplusdemonrêved’ouvrirunpiano-bar.

–Tupeuxyarriver,mapetite,disaitLoriquandnousnousgarionsdevantlerestau.Tuesencorefraîcheetenforme.Tuastoutletempsderéalisertonrêve.Laclé,c’estdenepasécoutercequedisentlesautres.Lesgensonttoujoursdesopinionssurlesviesqu’ilsneviventpaseux-mêmes.Gardelatêtehauteetévited’écouterleursconneries.

–Merciduconseil.Jesouriais,conscientequ’elleneparlaitquepournouséviterd’avoiràentrerdanslebâtimentune

secondeplustôtquenotreheuredeprisedeservice.–Tusaiscequemamèremedisaitquandj’étaisgosseetqu’onm’embêtaitàl’école?–Non?–Unjouràlafois.Iln’enfautpaspluspourtouttraverser.Nepensepastropàl’avenir.Nefaispas

defixationsurlepassé,visdansleprésent.Icietmaintenant.C’est lameilleurefaçondevivretavie.Danslemomentprésent.Unjouràlafois.

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Unjouràlafois.Unjouràlafois.Jeme répétaiscesmotsdansma têtequandunclient impolimecriaitdessusparceque lesœufs

brouillés n’étaient pas assez cuits, ou quand un enfant jetait son assiette pleine sur le sol et que sesparentsmelereprochaient,ouquandunmecbourrévomissaitsurmeschaussures.

Jedétestaisl’industriedelarestauration.Mais,enmêmetemps,cen’étaitpasinintéressantdevoircomment fonctionne ce genre d’endroit, parce que quand j’aurais mon piano-bar, une grande part dutravailseraitdefairetournerlacuisine.

Unjouràlafois.–Tuparstoujoursenbalançantleshanchescommeçaaprèsavoirprislacommandeduclient?dit

unevoixmoqueusederrièremoi,etjesourisquandjecomprisàquielleappartenait.–Seulementsijesaisqu’ilvamelaisserunbonpourboire.Jemeretournaiensouriant,Danétaitdeboutderrièremoi,lesbraschargésdedossiers.Ilétaittrès

beauavecsonpantalonbleumarineetsachemisebleuclairauxmanchesrouléesjusqu’aucoude.Ilavaitungrandsourireéclatantcommetoujoursetc’étaitàmoiqu’ilsouriait.Jefourraimonblocetmonstylodanslapochedemontablieretallaiverslui.

–Qu’est-cequit’amènesitôt?–Jemesuisrenseignésurlapropriétédontnousavonsparlé.–Ahoui?–Oui.Ellemeplaîtbeaucoup.Vraiment.Maisilyaunproblèmedetermites.Tuasuneminutepour

qu’onregardedeuxou troisautreschoses?J’aiapporté lesplansdeplusieursendroitsqu’onpourraitvoir.

Jefronçailessourcilsenjetantuncoupd’œilcirculairedanslerestaurant.–Jepensequejerisquedemefairevirersij’arrêtemontravailpourétudierdesplansdepianos-

bars.Dan était un ami que j’avais rencontré quelques années auparavant dans un piano-bar, justement.

Actuellement,iltravaillaitpourunedesagencesimmobilièreslesplusréputéesdel’Étatetquandjeluiavais parlé de mon projet d’ouvrir ma propre affaire, il avait sauté sur l’occasion pour m’aider àrechercherquelquechose,mêmesijeluiavaisditquecen’étaitpaspourtoutdesuite,qu’ilmefaudraitdutempsavantquecelapuisseseréaliser.

–Oh,oui,biensûr.Mais jepassaisdans lecoin,alors jemesuisditque j’allaisfaireunsautetprendreunetassedecaféetdeshashbrown 1.Jevaistravaillerdetoutefaçon.

Jeluifisunlargesourireetilsouritencoreplus.–Onpeutregarderçademainsoirsituveux?–Ohoui,oui,s’exclama-t-il,débordantd’enthousiasme.Jepourrailesapportercheztoi.Onpourra

commanderduchinoisetjeprendraiduvin.Jepourraisaussifairelacuisinepourtoi…Ils’arrêta,conscientqu’ils’emportaitunpeuvite.Ilsepassalamaindanslescheveuxenhaussant

lesépaules.–Enfin,tuvois.

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–Celamesembleêtreunebonneidée.Justeunepetiteprécisioncependant,mamaisonestencoreenpleinstravaux.Etaveclapluie,ilyaeudesfuitesdansletoit.

–Tusaisquemapropositiontienttoujours.Tupeuxvenirt’installerchezmoiletempsdeterminerlarénovationdetamaison.Jesaisquecegenredetrucpeutdevenirunevraieprisedetête.

–C’estgentil,maisjecroisquejevaism’accrocheretmedébrouilleraveclescomplicationsquemeréservemonfoyer.

–D’accord.Bonehbien,jeferaismieuxd’allertravailler,maisonseverrademaincheztoipourétudiertoutça.

Ilagitalesdossiersqu’iltenaitàlamainetmefitunclind’œil.–Attends,tun’avaispasditquetuétaispassépourprendreuncaféetdeshashbrown?–Ahoui,c’estvrai.Maisjeviensdemerappeler…Ilavaitl’airembêté,etjenepusm’empêcherdesouriredevantsonattitude.–Ilfautquej’arriveenavanceauboulotpourvérifierdeuxoutroistrucspourmonpatron.–Bon,àdemainalors.Jemechargedel’alcool,ettoidespropriétés.Sur ce, il disparut. Je poussai un soupir.Dan en pinçait pourmoi depuis trois ans, pratiquement

depuisquenousnousétionsrencontrés,maisjen’avaisjamaiséprouvécegenred’attirancepourlui.Iloccupaituneplace importantedansmaviecependant, et j’espérais toujoursqu’iln’ait riencontreunerelationquinedépassepaslecadredel’amitié.

–Jetejure!Cegarstedégotedespropriétés,ilaunboulotstable,ilprétendqu’ilveutmangerdeshashbrown rienquepour te voir, il a ce souriregenre«où tuveuxquand tuveux», et enplus il teproposedetefairelacuisine.Ettoi,tunefaismêmepasl’effortdeluiaccorderunpeudetontemps?ditLoriquiportaitunplateauchargéd’œufsbrouillés,dehashbrownsetdechapeletsdesaucisses.

Jerigolai.–Mamaisonesttrèsbien.J’aiéconomisépendantdesannéespouracheterlamaisondemesrêves,

etmaintenantquejel’ai,jenesuispasprèsdelalâcher.Elleajustebesoindequelquesrustines,c’esttout.

–Chérie.Tamaisonabesoindebienplusquedequelquesrustines.Ellesouritenposantlesassiettespleinessurlatablecinqavantderevenirversmoi,unemainsurla

hancheetlamoueinsolente.–JedisjustequesiDanmeproposaitdem’héberger, j’iraisvivreavecluiet jelelaisseraisme

montrersesplanssurtouteslespartiesdemoncorps,danstouteslespartiesdesamaison.–Lori!Jelafistaireenrougissant.–Moi, je dis ça, je ne dis rien. Tu fais trois boulots pour payer les traites d’unemaison dans

laquelle tudoisfairedes travaux, toutçapourprouverque tuesunefemmeindépendante.TupourraisfairelestravauxdanstamaisonetvivreavecDan,tusais.

–Mamaisonn’estpassidélabréequeça.

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–Aly,gémit-elleensetapantlajoue.Ladernièrefoisquejesuisvenueboireunverrecheztoi,jesuisalléeauxtoilettessansfermerlaporte.Tusaispourquoi?Parcequelestoilettesn’avaientpasdeporte.

Jerigolai.–D’accord.J’aicompris.Donc,elleestdélabrée.Maislechallengemeplaît.–Hum.TudoisvraimentêtreunboncouppourqueDans’accrochecommeça.–Quoi?Danetmoinecouchonspasensemble.–C’estpasvrai?Tuveuxdirequ’ilbavedevanttoietquevousn’avezjamaisfaitlachose,tousles

deux?–Jamais.–Mais…cesourire!Jegloussai.–Jesais.Maisc’estunami.Et j’aiunerègleencequiconcernemesrelationsamoureuses:elle

inclutdenejamaissortiravecaucundemesamis.Jamais.J’étaisdéjàpasséeparlà,etjen’avaispaslamoindreintentiondem’aventurerdenouveausurce

terrain. Jusqu’àce jour, jen’avais jamaiscessédepenseràLoganet jepleurais toujours l’amitiéquej’avaischérieetperdue.

Ilauraitmieuxvalupournousdeuxn’êtrejamaistombésamoureuxl’undel’autre.–Tusais,Charlesetmoiétionsamisavantdedéciderdenousfréquenter.Ilaétél’amourdema

vie, et personne ne l’a jamais égalé. Ilme faisait tellement rire, avantmême que je sache ce qu’étaitl’amour.Certainesdesplusbelleschosesdelavienaissentdesamitiéslesplussolides.(Loribaissalatête et saisit lemédaillon qui pendait à une chaîne autour de son cou et qui renfermait leur photo demariage.)MonDieu,c’estfoucequecethommememanque.

Elle parlait très rarement de Charles, son défunt mari. Mais lorsqu’elle le faisait, ses yeuxpétillaientcommesiellerevivaitenespritlejouroùelleétaittombéeamoureusedelui.

Justeàcemoment-là,lepatronnousditd’arrêterdebavarderetderetournertravailler,cequenousfîmes. Le matin était toujours très chargé, nous devions servir plus de clients que cela semblaithumainementpossible,maisplusilyavaitdetravail,moinsj’avaisdetempspourpenser.

–Unpeuplusdecafé?jedemandaiàunefemmeassiseprèsdelafenêtre.Lacafetièreàlamain,jepassaientrelestablespourremplirlestasses.–Non,çava.Merci.Je lui fisun large sourireen jetantuncoupd’œilpar la fenêtre.Moncœur s’arrêtadebattre. Je

posailesdoigtssurlavitrepouressayerd’atteindreetdetoucherlasilhouettedel’autrecôtédelarue.Jebattisdespaupières,etcequejepensaisavoirvuavaitdisparu.Unfrissonmeparcourutlacolonnevertébraleetjemeredressai.

Loriregardadansmadirection.–Çava,Alyssa?Ondiraitquetuviensdevoirun…–Unfantôme?

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–Exactement.Ellevintàcôtédemoietregardaparlafenêtre.–C’étaitquoi?Unfantôme.–Rien.Cen’étaitrien.J’allaiàlatablesuivanteavecmonpotdecafé.C’étaitmonimagination,riendeplus.Niplusnimoins.

1.Galettesdepommesdeterrerâpéesetfritesquiaccompagnentlepetitdéjeuner.

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16LOGAN

Je suivaisdesyeuxAlyssaqui sedéplaçait entre les tablespouraller servir lesclients. J’étaisassisdans un coin, dans le fond de la salle, hors de portée de son regard. Je ne devrais pas être là.Moncerveauconnaissaittouteslesraisonspourlesquellesjen’auraispasdûentrerdanscerestaucejour-là,maismoncœurétaitattirédanscettedirectioncommeparunaimant.

Sonsouriren’avaitpaschangé.Celamerenditjoyeuxettristeàlafois.Combiendesouriresavais-jemanqués?Pourquisouriait-elleaujourd’hui?

–Votreomelette,meditmaserveuseenposantl’assiettedevantmoi.Elleavait le teintplutôtpâle, etde la sueurperlait sur son front.Elle sebalançaitd’unpied sur

l’autreenseforçantàsourire.–Désirez-vousautrechose?–Unjusd’orange,ceseraitsuper.Elleacquiesçaets’éloigna.Jeprislasalièreetcommençaiàlasecouerau-dessusdemonomelette.Unéclatderireemplitla

salledurestaurantetjeprisunegrandeinspiration.Lerired’Alyssa.Iln’avaitpaschangé.Jefermailesyeuxensentantmapoitrineseserrer.Lessouvenirsmesubmergèrentcommeuntsunami,meramenantenarrièrealorsquedéfilaientdevantmesyeuxlesnombreusesfoisoù,allongéauprèsd’elle,j’avaisécoutésonriredontlesvaguesserépercutaientdansmonâme.

–Sivousvouliezuneassiettedeselavecuneomeletteàcôté,ilvoussuffisaitdeledemander,ditunevoixquimefitsortirbrutalementdemonpassé.

Jebaissailesyeuxsurl’omelettequejerecouvraisdeseldepuiscinqbonnesminutes.–Désolé,marmonnai-jeenreposantlasalièresurlatable.

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–Inutiledevousexcuser.Lesgoûtset lescouleurs,çanesediscutepas,dit lavoix.Entoutcas,noussommesenmanquedepersonnelpour leservice,Jennya lagrippe, lepatronvientdeluidirederentrerchezelle,etonm’aordonnédevousapporterunjusd’orangeetdem’occuperdevotretable.

Jelevailesyeuxsurlajeunefemmequimeparlait.Elleavaitdeslèvrespleines,peintesenrose,etdesyeuxbleusque j’aurais reconnusn’importeoù. Ilsétaient lachose laplusétonnantedecetteville.Cesyeuxavaientledondepouvoirsouriretoutseuls.Elleavaitdescheveuxblondsetraidesetsafrangeluirecouvraitlessourcils.

Nousnedîmespasunmot,niellenimoi.Ellesecontentaitdemeregarderfixement.J’étaisincapablededétournerlesyeux.Alyssa.High.Monplusbeautrip.Elleétaittrèsbelle,maiscelan’avaitriend’étonnant.Jenepouvaispasmerappelerunseuljouroù

elle n’était pas belle.Même les jours où j’étais trop shooté pour ouvrir les yeux, jeme rappelais labeautéetladouceurdesesparolesquimesuppliaientdereveniràelle,decontinueràrespirer.

–Logan,murmura-t-elleenposantleverredejusd’orangesurlatable.Je me levai de ma chaise et elle s’avança vers moi. Tout d’abord j’ai pensé qu’elle allait me

prendredanssesbras,m’enlacer,mepardonnerd’êtremoietden’avoir jamais réponduàsesappels.Mais en réalité, elle n’allait pas me serrer dans ses bras. Sa main était ouverte et je le comprisimmédiatementenlavoyant,elleallaitmedonnerunegifle.Detoutessesforces.Alyssanefaisaitjamaisleschosesàmoitié,elleymettaittoujourstoutsoncœur.

Sonbrasseleva,vintversmoivivementetjemepréparaiàressentirlabrûlurequejeméritais.Jefermai lesyeuxd’avance,mais jenesentispas lecontactdesamain.BonDieu,commejedésiraiscecontact!J’ouvrislesyeux,etjevissamaintremblante,ensuspensiondansl’air,àquelquescentimètresdema joue.Nos regards se croisèrent et je vis les larmes qui brillaient au fond de ses yeux, j’y visl’incompréhension,lechagrin.

–SalutAlyssa,dis-jedoucement.Ellesecontractaet ferma lesyeux. Jepris samain restéeen l’airdans lamienneet jeposai ses

doigts surma joue.Unpetit gémissementdedouleur s’échappade ses lèvresquand sapeau toucha lamienne.Jel’attiraicontremoietlaprisdansmesbras,etc’étaitexactementcommeparlepassé.Sapeauétaitfroide,commetoujoursetmoncorpsréchauffalesien.Elleéloignasesdoigtsdemajoueetpassales deux bras autour de mon cou, s’accrochant à moi comme si elle me pardonnait tous ses appelsmanquésetmonsilence.

Ellem’agrippaitdesesdoigts,lesplantantpresquedansmachaircommesiellecraignaitquejenesoisquelquemiragequiallaitdisparaîtresiellenes’yaccrochaitpas.Jenepouvaispasluienvouloir,j’avaisdéjàdisparuauparavant.

Jerespiraisescheveux.

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Unefragrancedepêche.BonDieu,jedétestaislespêchesjusqu’àcejour.Elle avait l’odeur des jours où l’été s’endormait pour se réveiller en automne. Doux, suaves,

parfaits.MafichueHigh.–Tum’asmanqué,medit-elleàl’oreille.–Jesais.–Tuesparti…–Jesais.–Commentas-tuosé…–Jesais.Son corps se tendit et elle s’écartavivement.La tristesse avait déserté sesyeux.Seule la colère

demeurait.Celamesemblaitnormal.–Tusais?siffla-t-elleensegrandissant,maistoujourssifrêle.Elle croisa les bras en semordant la lèvre inférieure. Les petites rides au coin de ses yeux se

creusèrent et il m’apparut clairement qu’elle n’était plus la fille que j’avais quittée des annéesauparavant.C’étaitunefemmemaintenant,etlefeubrûlaitaufonddesonâme.

–Jet’aiappelé.–Jesais.Ellefronçalessourcils.–Non.Jet’aiappelé,Logan.Jet’aiappeléetj’ailaisséplusdecinqcentsmessages.Millequatre-vingt-dixmessagespourêtreexact.Jen’avaispasenviedelacontredire.–Tuasdisparu.Tum’asquittée.Nous.Kellan.Tunousastousquittés.Jepeuxcomprendrequetu

avaisbesoind’espace,maistum’asquittée.Aprèstoutcequenousavionstraversé–aprèscequis’étaitpassé–tum’aslaisséeseuleavecça.

– Je commençais à allermieux. Je travaillais sur les problèmes avecmamère, avec toi, eh oui,j’étaisuneépave,maisj’avaisseulementbesoindetemps.

–Jet’ailaissédel’espace,maistun’espasrevenupourautant.–Tum’appelaistouslesjours,Alyssa.Cen’estpascequej’appelleraismedonnerdel’espace.–Kellanetmoi t’avons sauvé lavie, etnouspensionsque tu reviendrais. Je t’ai appelé tous les

jourspourquetusachesquej’étais là,queje t’attendais.Jecroyaisquetureviendraispourmoi.Pournous.

–Tunepeuxpas sauver lesgenscontre leurvolonté, et tunepeuxpasespérerqu’ils reviennentpourtoi,Alyssa.Tuauraisdûlesavoiraprèstoutcequis’étaitpasséavec…

Je me mordis la langue pour interrompre mon discours, mais je savais que je ne pouvais pasreprendrecequej’avaisdit.Ellesavaitcequej’allaisdire.Tuauraisdûlesavoiraprèscequis’était

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passéavectonpère.–Ça,c’estuncoupbas.–Jen’airiendit.Ellesecoualatête.–Pourquelqu’unquin’ariendit,onpeutdirequetuasbienfaitpasserlemessage.Savoixsebrisa.–Plusdecinqcentsmessagesetpasuneseuleréponse.Millequatre-vingt-dixmessages.Jenelacorrigeaitoujourspas.–Jen’avaisrienàtedire.Cen’étaitpasvrai,maisc’était lapremièrepierredumurque jesavaisdevoirérigermaintenant

quej’étaisrevenu.Ilfallaitquejegardemonespritetmessentimentsàdistancepouréviterderetomberdanslavied’Alyssa.Ladernièrefoisquej’avaisfaitpartiedesavie,jel’avaisdétruite.Jenepouvaispasmelaisseralleràluifaireçaencoreunefois.Alors,ilfallaitquejesoisfroid,durmême,avecelle.

Parcequ’elleméritaitmieuxquedepassersavieàcôtédesontéléphoneàattendrequequelqu’uncommemoilarappelle.

–Rien?Ellerecula,stupéfaite.–Riendutout?Pasmêmebonjour?–J’aitoujoursétéplusdouépourdireaurevoir.–Waouh…Ellesoufflavivement.Touslessentimentsquej’avaiséprouvéspourelleaufildesannéesmerevenaient,plusfortsque

jamais. Jem’envoulais àmort de ne pas l’avoir appelée. J’étais triste, j’étais heureux, j’étais perdu,j’étaisamoureux.J’étaistoutcequ’Alyssam’avaittoujoursfaitressentir.

Monespritétaitauborddel’explosion.–Tusaisquoi?Elles’éclaircitlavoixetmefitunpetitsourirepincé.–Onnevapasfaireça.–Fairequoi?–Sebattre.Sedisputer.Parcequesinousfaisionsça,tusaiscequecelasignifierait?Celavoudrait

direquetoietmoinousavionsunesortederelation,cequin’estpaslecas.Tuesdevenuunétrangeràpartirdumomentoùtut’esvolatilisédansleschampsdeblédel’Iowa.

Mes lèvres s’entrouvrirent,mais avant que je puisse dire quoi que ce soit, elle avait tourné lestalonsets’étaitéloignéerapidementversuneautretable.Ellearboraitunsouriredeconvenancetoutens’adressant aux clients. Elle tapait du pied nerveusement et son corps vacillait légèrement d’avant enarrière.

Ellemejetaunbrefcoupd’œilencontinuantdeprendrelacommande.

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–Ehbien,jepensequejevaisprendrelesœufsau…Sansluilaisserterminersaphrase,Alyssarevintversmoiàgrandesenjambées.–…bacon.–Est-cequeKellansaitquetueslà,aumoins?Oubienavais-tul’intentiondeluitomberdessus

sansprévenir,àsonboulot,luiaussi?Lesmainssurseshanches,ellehaussaunsourcil.Jefisdemême.–Ouais.C’estàcausedeluisijesuislà.Tusais,pourlemariage.–Quoi,demanda-t-elle,l’airtroublé.–Lemariage…tusaisbien,monfrèrequiépousetasœur.–Mais…Elles’interrompit,toutecolèredisparue.–Lemariagen’alieuquedansunmois.Tuesrevenuunmoisenavancepouraider?–Kellanm’aditquec’étaitceweek-end.–Premièrenouvelle.Maisavectoutcequisepasse,plusriennemesurprend.–Queveux-tudire?Qu’est-cequisepasse?Elleouvritlabouche,maisaucunsonn’ensortit.Ellefituneautretentativeensemordillantlalèvre

inférieure.–Tuasreplongé,Logan?–Quoi?Qu’est-cequeçaveutdire?–Tusaistrèsbiencequeçaveutdire.Jevoudraisjuste…Ellesemitàtrembler,sesnerfsprenaientledessus.–J’aibesoindesavoirsituesclean.Situasprisquelquechose.–Celaneteregardepas.Vuquesijetedisaisquelquechose,celavoudraitdirequenousavonsune

relationquelconque,etcommetul’asdittoutàl’heure,nous…–Lo,murmura-t-elle.Cesurnom,sortantdeseslèvres,mefitrevenirsurmacontrariétéetmonattitudedéfensive.Sesyeux.Seslèvres.Alyssa.High.Monplusbeautrip.–Ouais?–As-tureplongé?–Non.–Pasmêmedel’herbe?–Seulementdel’herbe.Ellepoussaunsoupirlourddesignification.

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–Çava,Alyssa,lâche-moiunpeu.L’herbeestlégaledanscertainsÉtats.–Pasdansl’Iowa.Elle commençait à avoir l’air inquiète, cequivoulait direqu’elle était concernée, cequivoulait

direqu’unespoirétaitpossible.Maisàquoibonespérer?LemurdestinéàmaintenirAlyssaàl’écartétait construit et je n’avais pas l’intention de l’abattre de sitôt. Je pren-drais le premier train quim’emmèneraitloind’icis’iln’yavaitpasdemariage.

–Seulementdel’herbe,alors?–Seulementdel’herbe.–Promis?–Promis.Ellefitunpasenarrièresuividedeuxpasenavant.Ellemetenditsonpetitdoigt.–Jurécraché?Jefixaisonpetitdoigtenrepensantàtouteslespromessesquenousnousétionsfaitesquandnous

étionsplusjeunes,encroisantainsinospetitsdoigts.J’accrochaimonpetitdoigtausien,submergéd’émotionparcesimplecontact.–Jurécraché.Quandnousrelâchâmescetteétreinte,ellefitdeuxpasenarrièresuivisd’unpasenavant.Elleme tendit lesmainset, sans réfléchir, je lesprisdans lesmiennes.Elleme fit leverdemon

siègeetmepritdanssesbras.Àlafaçondontelleseserracontremoi,j’euslepressentimentquequelquechosen’allaitpas.

–High,qu’ya-t-il?Ellemeserraitencoreplusfort,etmoijenevoulaispluslalâcher.Seslèvresétaientcontremon

oreilleetsonsoufflechauddansaitsurmapeau.–Rien.Cen’estrien.Quandnousnousséparâmes,ellejoignitlesmains,commepouruneprière,etlesappuyacontreses

lèvres,eninclinantlégèrementlatête.–Lo…Jemepassailamaindanslescheveuxenhochantlatête.–High…–Bienvenueàlamaison.–Jenesuispasrentréàlamaison.Jesuisseulementdepassageavantderepartir.Ellehaussalesépaules.–Lamaisonrestelamaison.Mêmequandonneveutpasqu’ellelesoit.Et…Logan?Ellesebalançaitlégèrementsursestalonsd’arrièreenavant.–Ouais?Elleneprononçapasunmot,maisjel’entendisclairement.Toiaussitum’asmanqué,High.

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17LOGAN

JelaissaitombermonsacàdossousleporchedeKellanetErikaavantdefrapperàlaporte.J’avaisl’estomac noué, ne sachant pas ce que ça allait me faire de les revoir après si longtemps. Le tempschangeait les gens et jemedemandais dans quellemesure je les trouverais changés. J’attendis encorequelquessecondesavantderassemblerlecouragedefrapperàlaporte.

Quandelles’ouvrit,unprofondsoupirdesoulagements’échappademeslèvres.Kellanm’accueillitavecsonlargesourirefraternelavantdemeserrerdanssesbras.

–Jecroyaisquetontrainarrivaithier.Tut’esperdu,frangin?Jememisàrire.–J’aiprislecheminlepluslong.–Ok,laisse-moiteregarder.Ilfitunpasenarrière,croisalesbrasetrigola.–Tuasl’airenforme,disdonc.Onpeutdirequequandtuespartid’ici,tuétaisPeterParkerettu

reviensenSpiderman.–Cesaraignéesradioactivesdansl’Iowa,ellesnerigolentpas,mec.Etregarde-toi!Jeluidonnaiuncoupdepoingdansl’estomacpourrigoler.–Ondiraitunecacahuète.Jepourraispeut-êtrebientebotterleculmaintenantaulieuquecesoit

l’inverse.–Hé,ne croispas ça.Disdonc, tuprends toujours autant soinde tes cheveux, à ceque jevois,

commeunefemme,dit-ilenébouriffantmescheveuxparfaitementpeignés.–L’envieestundesseptpéchéscapitaux,frangin.–Jem’ensouviendrai,ricana-t-il.

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BonDieu.C’était bonde le revoir. Il avait toujours l’air aussi génial.C’est seulementquandonrevoitunepersonneaprèsunesilongueabsencequ’ons’aperçoitàquelpointellevousamanqué.

–Kellan,c’estqui?Erikasortitdelasalledebainsenseséchantlescheveuxavecuneserviette.Quandellemevit,elle

eutl’airstupéfaite.–Qu’est-cequetufaisici?–Moiaussi,celamefaitplaisirdetevoir,Erika.–Qu’est-cequetufaisici?demanda-t-elleànouveau.JeregardaiKellanpuisErika,puisdenouveauKellan.–Jecommenceàmeledemandermoi-même.Quesepasse-t-il,Kel?JesuistombésurAlyssatout

àl’heureet…–TuestombésurAlyssa?!s’exclamaErika.C’étaitdrôle…soncôtéthéâtralnem’avaitvraimentpasbeaucoupmanqué.–C’estcequejeviensdedire.Bref,ellem’aditquelemariagen’étaitpasprévupourceweek-

end.–Lemoisprochain,mereprit-elle.C’estlemoisprochain.Pourquoias-tuunsacàdos?–Euh,onm’aditquejelogeraischezvous.Pourlemariagequin’aurapaslieu,semble-t-il.–Maisc’estlemoisprochain,répéta-t-elle.C’estlemoisprochain.Jenesavaismêmepasquetu

devaisvenir.Logercheznous?Ellesemitàsegratterdanslecou,sapeautrèspâlesecouvritdeplaquesrouges.Elleressemblait

terriblementàsasœur,maisellesavaientdespersonnalitéssidifférentesqu’ellesauraientaussibienpuêtredesétrangères.

–Bébé,jepeuxteparlerdanslachambre,uneminute?Jefisunpasenavantpourlasuivre,cequifitsourireKellan,alorsqu’Erikagrognaitd’impatience.–Oh,excuse-moi.QuandtuasditBébé,j’aicruquetut’adressaisàmoi.Maismaintenant,jevois

quec’étaitàmonfrère.Désolé.Kellanrigola.–Arrêtedefairelecon.–Jenepeuxpasm’enempêcher.J’ensuisun,alorsjemeconduisenconséquence.Ilsseprécipitèrentdanslachambreenclaquantlaporte.Jem’assissurlecanapéet,aumomentoù

jemettaislamaindansmapoche,laporteserouvritbrusquement.–Logan?ditErika.–Oui?–Netoucheàrien.Jelevailesmainsdocilement,etelleretournadanslachambreenclaquantlaporteencoreunefois.–Jen’arrivepasàcroirequetunem’aiespasditqu’ilvenait,Kellan!Savoixrésonnaitdanstoutelamaisonetjenepusm’empêcherderigoler.Mêmesijen’avaispasla

moindreidéedelaraisonpourlaquellej’étaisderetourdanscettevillequiétaitàl’originedetousmes

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démons,jemesentaistoujourschezmoiquandjepouvaismettreErikahorsd’elle.Jeprismonpaquetdecigarettesdansmapocheetj’enallumaiuneavecmonbriquet.Lecoupd’œil

que je jetai autour de moi me rappela qu’Erika était une vraie maniaque du rangement, et je necomprenaisvraimentpascommentKellanpouvaitlasupporter.J’étaispersuadéqu’elleétaitsursondostoutelajournée.

Jememisàpaniquerenvoyantlacendres’accumulerauboutdemacigarette.Erikaallaitpéteruncâblesijelafaisaistombersursatablebasseprobablementtrèschère.Jemeprécipitaiverslatabledesalleàmangerquiétaitdresséecommesiungranddînersepréparaitet jesaisisunesoucoupepourymettrelacendredemacigarette.Jeretournaisurlecanapéenemportantlasoucoupeetjemedétendisunpeu.

Jelesentendaisdiscuteràtraverslesmurspeuépais.–Kellan,c’estjuste…onestdéjàtellementstressés.Tuaspleindetrucsàfaire,avectontravail.

Moi,avecmonmaster.Ettouslespréparatifsdumariage.Tucroisquec’estunebonneidéequeLogansoitlà?

–C’estmonfrère.–Tues…nous…jenesaispassic’estunebonneidée.–C’estmonfrère.–Maistusaiscommentilest.Ilvat’entraînerdanssaviedefou,commeilfaittoujours.–Erika,ilestclean.Celafaitdesannéesmaintenant.Jepercevaisl’agacementdanslavoixdeKellanetjesentisunpeudedéceptionm’envahir.Ilfaisait

partiedesrarespersonnesquicroyaientvraimentquejepouvaisdevenirclean.LuietAlyssa.Touslesautrespensaientquej’étaisunecauseperdue.Lavoixd’Erikalaissaittransparaîtrecegenred’agression.

–C’estcequ’ildit.Sérieusement,combiende fois l’avons-nousentendudireça.Tunepeuxpast’empêcherde lesmaterner, luiet tamère.Tun’espasenchargedeleurvie,Bébé.Et tun’espassonpère.Bonsang,cen’estmêmepasvraimenttonfrère!Iln’estquetondemi-frère.

J’entendisungrandclaquement, etmonestomacse serra. Jeme levai,prêt àallervoircequi sepassait.La soucoupepleinedecendresà lamain, jemedirigeaivers laportede lachambre,mais jem’arrêtaienentendantlavoixdeKellan.

–Si jamais tu redisça, je sorsd’ici sansme retourner.Oui,c’estvrai,Loganadéconnédans lepassé. Il a coupé les ponts avec toi et un tas d’autres personnes. Aux yeux de beaucoup, il estimpardonnable.Maisc’estmonfrère.Etjeneveuxpasentendrecetteconneriede«demi».Ilestmonfrèreàcentpourcent. Jem’occuperai toujoursde lui, jene le laisserai jamais tomber. Jenecouperaijamaislesponts,Erika.Alors,situasquelquechoseàredireàcela,ehbien,celavaprobablementêtreunproblèmeentrenous.

Ils baissèrent la voix et je dus tendre l’oreille pour entendre les excuses d’Erika, suivies d’unéchangede«jet’aime»etencoredesexcuses.

Quandlaporteserouvrit,j’étaisplantédevant,lacigaretteauxlèvres.Ilsmeregardèrent,choquésdemetrouversiprès.

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–Écoutez,touslesdeux…–Tufumesdanslamaison?Erikam’arrachalacigarettedeslèvres.–Etenplus,tumetstescendresdansmaplusbelleporcelaine?!Enpleurnichant,ellemepritlasoucoupedesmainsd’ungestebrusque.–Oh,monDieu.Mamèrevaarriverdansquelquesheuresettoutelamaisonsentletabac!Lamèred’Erika.Laseulepersonneaumondequiétaitencoreplus théâtraleetagaçantequ’Erika

elle-même.QuelrapportAlyssapouvait-elleavoiraveccesgens-là?Elleseprécipitaversl’évieroùellenoyamacigaretteavantdelabalancerdanslapoubelle.Elle

marmonnaquelquechoseenrécuranténergiquementlasoucoupe.Unsilencegênés’installadanslapièce.Kellanetmoiregardionsfixementsafiancéequisemblait

plusdinguequejamaiscejour-là.–Bon…ditKellanensebalançantd’unpiedsurl’autre.Çatediraitd’allervoirlerestaurantde

Jacob?–Ouais,jerépondis,plusrapidequel’éclair.Jacobétaitunvieuxpoteàquijen’avaispasreparlédepuisquej’avaisditunevacherieausujetde

sacollectiondefilmsporno.Jenesavaispastrèsbiencommentallaientsepassercesretrouvailles,maisj’espéraisqueceseraitmieuxqu’avecErika.

Noussortîmesrapidementdelamaison,justeavantqu’Erikanesemetteencoreplusencolère.–Tucroisqu’ellem’enveuttoujoursd’avoirpresquemislefeuàsonancienappartement?–C’estsûrqu’ellenel’atoujourspasdigéré,ditKellanenriant.–Oh,çava.C’étaituneconnerie.–Qui lui a coûtéquatremille dollars, ouais.Unpeu chère, ta connerie.Mais elle s’en remettra,

t’inquiète.–Kellan,qu’est-cequejefaisici?Avantqu’ilnepuissemerépondre,laporteserouvrit.–Tupeuxdormirdansunedeschambresd’amis,ditErikaenfaisantunsignedetêteàKellan.Ellemeregardaitdans lesyeuxetellesemblaitpluscalme.Peut-êtrequesasession intensivede

nettoyageavaitrééquilibrésonhumeur.–Jevaisymettretonsac.–Merci,Erika.Çamefaittrèsplaisir.–Onseraderetourpourledîner,ditKellanenl’embrassantsurlajoue.–On?demanda-t-elleavecunecertaineinquiétudedanslavoix.–Nousdeux,dit-ilennousmontranttouslesdeuxdudoigt.Ellefitdesonmieuxpournepasserenfrogner,maissansbeaucoupdesuccès.–Oh,super.Jevaisjustemedébrouillerpourfaireunpaindeviandepourquatreaulieudetrois.Et

jevaisrajouteruncouvert.

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Jesentaisbienquecelalacontrariait,maisellesouritavecdouceur,rentralentementdanslamaisonetrefermalaporte.

–Jepensequenoussommesmaintenant,officiel-lementlesmeilleursamisdumonde,elleetmoi,dis-jeenrigolant.

–Lesmeilleursdesmeilleursamis.Àcepropos…çat’afaitquoiderevoirAlyssa?–C’étaitcool,mentis-je.J’aiseulementl’intentiondel’éviteraumaximum.–Bien,dit-ilendescendant lesmarchesduperron.C’estprobablementmieuxquevossentiments

d’avantsoientpassés,non?Peut-êtrequevouspourrezpardonner,oublieretpasseràautrechose,touslesdeux.

–Ouais,çanem’arienfaitdelarevoir,enfait.Alors,tantmieux.C’était lavérité.Etpar«vérité», jevoulaisdire lepiredesmensonges. Jemesouvenaisdece

qu’Alyssaavaitditunpeuplustôt.–Lamaisonrestelamaison.Mêmequandonneleveutpas.Après tout ce tempspassé, après toute cettedistance,AlyssaMarieWaltersdemeurait lamaison

pourmoi,enquelquesorte.Jenesavaispastrèsbiencommentgérercefaitetc’étaitprécisémentpourcelaqu’ilfallaitqueje

prenneunallersimplepourrepartirdeTrueFalls,Wisconsin.Vitefait.

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18ALYSSA

–Suruneéchelledeunàdix, tucomptaisattendrecombiende tempsavantdem’appeleràpartirdumomentoùtusavaisqueLoganétaitrevenu?Unétant:tun’ensavaisrien,etdixétant«jedétestemasœurensecret»,demandai-jeàErikaautéléphoneenmebagarrantavecmescléspourrentrerchezmoi.

J’avaislesnerfsenpelotedepuisqueLoganetmoinousétionscroisésaurestaurant.Jen’arrivaispasàpenserclairement,j’avaislanausée,j’étaisencolère…j’étais…soulagée?

Ilm’arrivaitparfoisdedouterqu’ilsoitencoreenvie,mêmesiKellanmedonnaitdesesnouvellesdetempsentemps.

–Jetejurequejen’ensavaisrien,tudoismecroire.Jeparvinsfinalementàouvrirmaported’entréeet,enmoinsd’uneminute,j’étaisécrouléesurmon

canapé.–KellanadûluienvoyerunSOS,j’imagine.C’estlapagaille.Ilparaîtqu’ilvarestercheznous

pendantunmoment.–Unmoment?demandai-je,curieuse.Çaveutdirequoi?Ilestcheztoi,là?Je me demandais si je n’allais pas aller chez elle juste pour voir son visage. Simplement pour

m’assurerqu’ilétaitbienréel.–Aly,medit-ellesuruntonderéprimandequimefitpenseràmamèrequandellenousgrondait

lorsquenousétionsenfants.Nerecommencepas.–Nerecommencepasquoi?–Ne recommencepas avecça.LoganSiverstoneest sortide tavie.Et jepensequec’estmieux

ainsi.Commentpourrait-ilresterendehorsdemaviealorsqu’ilnesetrouvequ’àquelquespâtésde

maisonsdemoi,chezmasœur.

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–C’étaitdelasimplecuriosité,Erika.Sérieux.Je m’interrompis en écoutant les bruits que j’entendais dans le téléphone. Elle était en train de

réorganisertoutesamaison,jelesavais.Jel’entendaispousserlesmeubles.Chaquefoisqu’Erikaétaitnerveuseoucontrariée,elleréaménageaittout,oualorsellebrisaitdesobjetsetcouraitimmédiatementaumagasin pour les remplacer. C’était unemanie bizarre chez elle,maismoi j’avais bien laissé desmessagesàungarçontouslesjourspendantprèsdecinqans–toutlemondeasespropresbizarreries.

–Waouh,ildoitvraimentt’avoirmisehorsdetoi,dis-jeensortantuntubederougeàlèvrespourm’enappliquercouchesurcouche.Jet’entendsdéplacerlesmeubles.

–C’est normal, non ?C’est comme le fantôme deNoël dernier qui se pointerait pourme dire :«Oh?Tuesstressée?Eh,bien,comptesurmoipourterendreleschosesunpeuplusdifficiles.»

–Combiend’assiettesas-tudéjàcassées?–Seulementune,heureusement.(Ellesoupira.)Maisj’enavaisunepiled’avancedansleplacard.Évidemment.Elleétaittoujourspréparéepouràpeuprèsn’importequelincident.– Il a fumé et mis ses cendres dans une de mes soucoupes, Alyssa ! Qui peut faire une chose

pareille?Jericanai.–C’estmoinsgravequedelesavoirmisessurtatablebasseàcinqcentsdollars.–Tutrouvesçadrôle?Unpeu.–Non,non.Cen’estpasdrôle.Excuse-moi.Écoute, je suis sûreque toutva rentrerdans l’ordre

dansquelquesjours.TuneterendrasprobablementmêmepluscomptequeLoganestlà.–Tu crois qu’il consomme toujours ?murmura-t-elle dans le téléphone.Kellan est dans le déni,

maismoijenesaispas.Jepensequec’estunetrès,trèsmauvaiseidée.Cen’estvraimentpaslemoment.–Ilavaitl’aird’allerbien,dis-jeenallantdansmasalledebainsoùjeregardaidanslaglacemes

lèvresrecouvertesdebeaucouptropderouge.Jeprisunelingettedémaquillanteetentreprisd’enleverlerougeenrepensantauxyeuxdeLoganqui

merappelaienttellementlepassé.–Enfait,ilavaitvraimentl’aird’allerbien.Enpleineforme.–Maistunet’inquiètespas?Tun’aspaspeurqu’ilreplonge?Seretrouvericioùtoussesennuis

ontcommencé,çanepeutpasêtrebonpourlui.–Jepensequenousnedevrionspastropnousprendrelatête.Unjouràlafois.Uneassiettecassée

àlafois,Erika.Ellericana.–Tunevoudraispasvenirdîner?MamanseralàpouraccueillirLogan.Ohnon.PauvreLogan.Mamèreétait loind’être saplusgrande fan.Et ladernière foisqueLogan l’avaitvue, il l’avait

traitéedemonstrecastrateur.–J’adoreraisparticiperàcecarambolage,maisjepensequejeferaismieuxdem’abstenir.

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AvoirvuLogantoutàl’heurem’avaitembrouillélatête.Jen’étaispassûredepouvoirsupporterderenouvelerl’expérience.Mêmesi,aufonddemoncœur,j’avaisenviedelevoirneserait-cequepourm’assurerqu’ilétaitréellementlà.

–Entoutcas,amusez-vousbiencesoir,etenvoie-moiuntextopourmeraconterlescatastrophesendétail.

–Jen’ymanqueraipas.Eh,Alyssa?–Ouais?–NeretombepasdanslesfiletsdeLogan.Riendebonnepeutensortir.–D’accord.Eh,Erika?–Oui?–Necassepasunefichuelampe.–Çamarche.

***

Jesortislecarton.Lecartonquej’étaiscenséedétruiredepuisdesannées.LecartondontErikapensaitquejem’étais

débarrassée,parcequej’avaisfinipar laisser tomberaprès lemilliondemessagesquej’avais laissésdanssaboîtevocale.Maisilétaitrangésousmonmatelas,avectousnossouvenirsàl’intérieur.

Je soulevai le couvercle etmemis à regarder toutes les photos de nous quand nous étions plusjeunes.Jesoulevailamargueriteséchéequ’ilm’avaitdonnéelapremièrefoisqu’ilm’avaitembrassée.Je sortis l’ours en peluche qu’il avait volé au parc d’attractions quand le mec avait triché pour meprendrelepremierprix.

Lesticketsdecinémadesfilmsquenousétionsallésvoirensemble.Lescartesd’anniversairequ’ilm’avaitfaiteslui-même.Sonbriquet.–Pourquoi est-ceque tum’as fait ça ?murmurai-je en soulevant le sweat à capuche rougequ’il

m’avaitdonnélapremièrefoisqu’ons’étaitbaladésensemble.Jerespiraisonodeur,etjepuspresquesentirlestracesd’odeurdetabacqu’ilavaitlaisséesdansle

tissu.–Pourquoia-t-ilfalluquetureviennes?Aufonddelaboîte,ilyavaitunefourchetteenargentencadrée.Jefermailesyeuxenlatenantentre

mesmains.Jerestaiassiseaumilieudetouscessouvenirsjusqu’àcequ’ilsoittempsderemplirlaboîteànouveauetdelaremettresousmonlit.

Jem’endébarrasseraisunjour,j’enétaissûre.Maispasaujourd’hui.

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19LOGAN

Je fus stupéfait en entrant dans le restaurant de Jacob, Bro’s Bistro. C’était génial de voir commentJacob avait réussi à reprendre sa vie enmain.Lorsqu’on était plus jeunes, on fumait de l’herbe et onplaisantait endisantqu’onvoulaitdevenirdeschefs tous lesdeuxetpossédernotrepropre restaurant.C’étaittropbiendevoirsonrêveréalisé.

–Putain,j’ycroispas!Regardezcequelechatnousaramené!s’exclamaJacobdederrièresongrandcomptoir.LoganSilverstone.Jenepensaisjamaisterevoirdanscettepartiedelaville.

Ilavaitlescheveuxcoupéstrèscourtetilaffichaittoujourscemêmegrandsourireniaisqu’ilavaitdansletemps.

Jesouris.–Çafaitunbail,monpote,tupeuxledire.–Tuasl’airenpleineforme,dit-ilenseprécipitantversmoipourmeserrervigoureusementdans

sesbras.–J’essaie,monpote.J’essaie.C’estsuper-chouette,ici,Jacob.–Ouais,ouais.Ilestencoretôt.Ilyauraplusdemondeversseptouhuitheures.Etdemainc’est

soiréeopenmic,tupourrasvoirtonfrèreseproduiresurscène.Jehaussaiunsourcil.–C’estvrai?Çafaitvachementlongtempsquejenet’aipasentenduchanterent’accompagnantàla

guitare,Kellan.–Ouais.J’essaiederevenirauxchosesquej’aime,tuvois.Lavieesttropcourtepournepasfaire

cequinousrendheureux.–Ça,c’estvrai.Cetendroitestvraimentgénial,Jacob.Cen’estpas tousles joursquequelqu’un

parvientàréalisersonrêve,jeluidisalorsqu’ilmefaisaitvisiter.Maistoi, tuyesarrivé.Tuviston

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rêve.–J’essaie,dit-ilenriant.Mais,tusais,fairetournersonproprerestaurant,c’estsuper-dur,putain!–Rienqued’ypenser,jesuisdéjàfatigué.–J’aientendudirequetuavaispassétondiplômedecuisinierpendantquetuétaisdansl’Iowa?

demanda-t-ilennousconduisant,Kellanetmoi,verslebar.–Oui,c’estvrai.Jenecroyaispasquej’yarriverais,mais…Alyssa,elle,yatoujourscru.–Ehbiensi,jel’aifait.Ilmefitungrandsourire.–Putain!C’estgénial,mec.Quiauraitpupenserquedesgaminsaussipaumésquenousferaientdes

études?Qu’est-cequejevoussers?Unebière?Uncocktail?demandaJacobenessuyantlecomptoir.–Jeprendraiuneeauminérale,ditKellan.Jememisàrire.–Tun’aspaschangé,frangin.Toujourslefêtardeffréné.Pourmoi,ceserauneBudLight.Kellanhaussalessourcils.–Jevoisquetuesaumoinsaussidéglingoquemoi.Jacobposanosboissons.Lescoudessurlecomptoir,ilcroisalesdoigtsetappuyalatêtesurses

poings.–Alors,l’Iowa?Qu’est-cequ’ilyaàfoutredansl’Iowa?–Exactementcequetupensesqu’ilya.Rien.Travail,dodo,lesfemmesetl’herbe.Laver,rincer,

recommencer.Kellangrimaçaenm’entendantmentionnerlemotherbe,commel’avaitfaitAlyssa.–Lâche-moi,Kellan.Jeneconsommeriend’autre.Justeunpeud’herbedetempsentemps.–Jenevoudraispasquetureplonges,c’esttout.–Jenel’aipasfaitdepuisdesannées.Jevaisbien.Jemeraclailagorge.–Aufait,mercidem’avoiraidéàpayermonloyerlemoisdernier.Etlemoisd’avant…Mavoixdevintunmurmure.–Etlemoisd’avant…J’avaisbeauavoirundiplôme,çan’avaitpasétéfaciledetrouverunvraitravail.–Cen’estrien,sourit-il,sachantquejechangeaisdesujetmaisacceptantdelefaire.Maispasun

motdeçaàErika,d’accord.Jacobsemitàrire.–Çadoitfairebizarre,Kellan.–Quoi?–D’êtretenuparlescouillesparunefemme….Jericanai.–Jesuismêmesurprisqu’ilaitencoredescouilles.

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–Allezvousfairefoutre,lesgars!Bon,c’estvrai,Erikaestunpeu…Kellanfronçalenez,cherchantlemotjuste.–Maniaqueducontrôle?suggéraJacob.–Autoritaire?–Théâtrale?–Extrêmementthéâtrale?–Maternante?–Castratrice?–Stable,ditKellanenbuvantsoneauminérale.Erikaeststable.Elleesttoutcequimepermetde

garderlespiedssurterre.Ellen’estpasfacile,c’estvrai,maisjesuisprêtàl’accepterparcequ’elleestforte.Elleestmonpointd’ancrage.

Jacobetmoinoustûmes,unpeuébahis.–Waouh,soufflaJacobdansunprofondsoupir.C’est…çac’estvraimentringard,dit-il, lesyeux

embuésdelarmes.Jerigolai.–Lesummumdelaringardise.–Allezvousfairevoir !C’estsûrqu’onnepeutpasattendrededeuxcrétinscélibatairescomme

vous qu’ils comprennent quoi que ce soit aux relations amoureuses, dit Kellan. Alors, il te plaît, cetendroit?

–S’ilmeplaît?C’esttoutsimplementgénial.Jesuissûrquelacuisineestaussibonnequ’elleenal’air.Sijevivaisici,jeseraislàtouslesjours.

Un sourire perfide apparut sur le visage deKellan, et très vite le visage de Jacob prit lamêmeexpression.

–C’estmarrantque tuparlesdeçaparceque Jacobetmoion s’estdit…si jamais tu restais enville,tuauraisunboulottouttrouvé.Ilchercheunchef,suggéraKellan.

–Çapayebien.Jeveuxdire,lechefestunparfaitcon,maisc’estunbonboulot,ajoutaJacob.Jememisàrire,parcequejetrouvaisl’idéecomplètementridicule.Maisj’arrêtaienvoyantqu’ils

étaientaussisérieuxl’unquel’autre.–Ne le prends pasmal,Kellan.Mais étant donnéque ce fameuxmariage n’est pas pour tout de

suite,jereprendslepremiertrainpourl’Iowa.–Ahouais?Ettuaslesmoyensdetepayerunbilletderetour?medemandaKellan.Jehaussaiunsourcil.–Quoi?Maistum’asditquetumelepaierais.–Pasdutout.Jet’aiditquejetepayaislebilletpourvenirici.Jen’aijamaisparléderetour.–Vatefairefoutre!Jemetournaipourfairefaceàmonfrère,sansvraimentcomprendre.–Tuessérieux,là?JeregardaiJacob.

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–Purée,ilestsérieux,c’estça?–Jedisçacommeça,frangin.Tuescheztoiici.Ettuestoujourslebienvenucheztoi.–Vousmeprenezenotage,répliquai-je,ahuri.–Ont’offreunboulot.Écoute,sicequetuveuxvraiment,c’estunallersimplepourretournerdans

l’Iowa,jetel’achètedemainmatin.Maisl’offretiendratoujours.Kellanmepoussaitvraimentàrester,etjen’arrivaispasàcomprendrepourquoi.TrueFallsn’était

pluschezmoi.C’étaitjustelesanciensdémonsdemavie.–Jevaisprendrelebilletderetour.Neleprendspasmal,Kellan.Jet’aime,vraiment.Maiscette

ville?Sijeresteici,jevaisdevenirfou.C’estimpossibleautrement.Ilhochalatête.–Jecomprends.J’aijustepenséquejedevaisteleproposer.Jeleremerciai.–Alors, comme ça, tu es tombé surAlyssa ?Comment tu vois les choses si cela se reproduit ?

demandaKellan.–Jeneferaipasattentionàelleetjelarepousserai.Onnepeutpasrevenirenarrière,elleetmoi.

Jeneveuxpasretournersurceterrain,etelle,elleestbienmieuxsansmoi.Mais,jedispourchangerdesujet,çafaitplaisirdevoirquetuesclean,Jacob.

Ilacquiesça.–Cen’étaitpastellementlongtempsaprèsquetuesparti,enfait.Unjour,jemesuisréveilléetje

mesuisditquejenepouvaispascontinuercommeça.Jen’aipasfaitdedésintox,maisj’aiparticipéàdes réunions à l’église pendant unmoment, ce quim’a aidé. Cela fait des années que je vais plus àl’église,maintenant,maiscelam’asuffisammentaffectépourquejemefasseordonnerministreduculte.

Jerigolai.–Non?Ilsouritavecarrogance,ensedésignantdupouce.–Sijamaistuasl’intentiondetemarier,penseàcebeaumec.Toutàcoup,Jacobsepenchaversmoiavecuneexpressionnouvelle,laplussolennellequejelui

aiejamaisvue.– Logan, pour parler plus sérieusement, il faut vraiment que je te demande quelque chose de

réellementimportant…Jesoupirai,sachantquejenepourraispaséviterlesquestionsqu’untasdegensavaientàmeposer.

Le même genre de questions que Sadie m’avait balancées à la figure au motel.C’était comment ladésintox?As-tureplongé?Tupensestoujoursàladope?

–Commenttufaispourquetescheveuxsoienttoujoursaussibeaux,bordel?Ilsbrillentcommecen’estpaspossible.Etcevolume!Merde.Moi,jecommenceàlesperdreetj’aidûlesraserdeprèspournepasêtretropmoche.

–OhmonDieu,gémitKellanenlevantlesyeuxauciel.Nelelancepassurcesujet.–Jetel’aidit,Kel,l’envieestunpéché.

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Jericanai.–Unefoisparmois,unmasqueavecjauned’œufetavocat.–Envrai?–Envrai.Tulaissesposerpendanttroisquartsd’heure,maissurtouttunerincespasàl’eauchaude.

Sinon tu vas te retrouver avec des œufs brouillés dans les cheveux et tu mettras une semaine à t’endébarrasser.Deplus,l’eaufroide,c’esttrèsbonpourlesfolliculesdescheveux,celalesrendplussainsetplusforts.Jepeuxtefairelalistedetouslesproduitsquej’utilise,situveux.

–Sansblague?Tuferaisça?–Biensûr,sansproblème.–Jen’arrivepasàcroirequecetteconversationavraimentlieu,làdevantmoi,soupiraKellanen

levantlesyeuxaucieldefaçonsiostentatoirequejemedisqu’ilsallaientrestercollésauplafond.Ilavaitpeut-êtreeuuneenfanceplusheureusequelamienne,maismaintenantc’étaitluiquiétaità

plaindre,parcequemoiaumoins j’avaisdescheveuxmagnifiquesalorsque lessienscommençaientàdisparaître.

Nousrestâmesencoreunpeuaurestaurantsansparlerdupassé,sansparlerde l’avenir,profitantseulementdumomentprésent.

–Jesuisdésolédedevoirinterromprecesretrouvailles,maisonferaitmieuxderentrerpouraiderErikaàpréparerledîner,ditKellan.

JemelevaiettendislamainàJacob,quilaserradanslasienne.–Çam’afaitplaisirdetevoir,Jacob.–Moiaussi,Logan.Tuasl’airenpleineforme,vraiment,mec.–Toiaussi.Et,heu,jen’aijamaiseul’occasiondeteledire,maisjesuisdésolépourcequej’ai

ditilyalongtemps.Ausujetdetonaddictionaupornoetcettehistoiredefourchette.Ilrigola.–Je tepardonne,monpote.Mêmesicen’étaitpasunefourchettemaisunecuillèreglacée.Etau

fait,n’oubliepasdemedonnercettelistedeproduitscapillaires.Je ne sais pas si cela rendait les choses plus normales, oumoins gênantes,mais d’une façon ou

d’uneautre,celafaisaitdubiendevoirunvisagefamilier.

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20LOGAN

–Vousêtesenretard!ditErikad’unevoixgeignardeennousvoyantentrerdanslamaisonquiavaitsubiunetransformationradicaleennotreabsence.

Tout avait changé de place, la table de salle à manger, les canapés, la télévision. J’avaisl’impressiond’avoirmislepieddanslaquatrièmedimension.

–Mamannevapastarder.–Jevaisallerprendreunedoucheavantledîner.– Très bien. J’ai mis des serviettes et différentes choses dont tu pourrais avoir besoin dans la

chambred’amis, ditErika en faisant un signede tête vers la piècedu fond.Maintenant,Kellan, viensgoûtermapuréedepommedeterre.

–Attendez,tempsmort.Nemeditespasquec’estErikaquifaitlacuisine?Lapeurétaitperceptibledansmavoix.Kellanmedonnauncoupdecoude,maiscelanem’empêcha

pasdepoursuivre.–Ladernièrefoisquej’aimangésacuisine,lepouletgloussaitencore,Kellan.–Mec.Juste…vatedoucher.En m’éloignant pour aller dans ma chambre, je ricanai en entendant Erika dire qu’elle ferait

beaucoup d’efforts pour ne pas me tuer. Sur le lit, je trouvai une boîte qui contenait des serviettespropres,unebrosseàdents,dufildentaire,descotons-tiges,desépinglesànourrice,dugeldouche,dudéodorantettoutcedontunepersonnepourraitavoirbesoin.

Je savais qu’elle n’était pas allée faire de courses, donc on pouvait penser qu’elle avait tout çad’avance. Parfois, ça peut servir d’être un peu maniaque. La douche était agréable. Je me lavai lescheveuxetmisdel’après-shampooingtoutenrejouantdansmatêtetouslesinstantsdemarencontreavecAlyssa.Sonparfum,soncontact,sessourires,sesfroncementsdesourcils.

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L’idéede rester enville justepour la croiserparhasardme traversa l’esprit.Maisbeaucoupdechosespouvaientchangerencinqans,surtoutaprèstouslesmessagesquej’avaisreçusd’elleetauxquelsjen’avaispasrépondu.

J’auraisdûlarappeler.J’auraisdûrépondreautéléphone.Auboutdequelquesminutes, je fusbrusquement tirédemespenséespardes coups frappés à la

ported’entrée.J’arrêtailadouche,meséchaietenfilaiunjeanetunT-shirtblanc.–Quelqu’unafuméici?LavoixfortedeLauren,lamèred’Erika,résonnadanstoutelamaison.–Quoi?Maisnon,Maman,voyons.–Çasentletabac,ditLauren,d’unevoixoùperçaitladéception.Danslapièced’àcôté,Laurenchuchota,choquéed’entendrequej’étaisrevenuenville.Jeprisune

profondeinspirationetfisclaquerl’élastiquesurmonpoignet.Cequelesgenspensentdemoin’apasd’importance. Je ne suis plus la personne que j’étais quand je suis parti d’ici.Leur opinion nemedéfinissaitpas.

C’était tout lebaratinque ledocteurKhanm’avaitserviquand j’étaisencurededésintoxication,mais à ce moment précis, ce baratin me donna la force de sortir de la salle de bains pour affronterd’autresindividusvenusdemonpassé.

–Ilsedroguetoujours?demandaLaurenàvoixhautejusteaumomentoùj’entraidanslapièce.–Pasaujourd’hui,répliquai-jeenaffichantunsourireaussilargequefaux.Faissemblantjusqu’aubout,Lo.Seulementletempsd’unrepas,etensuitetureprendsletrainpour

l’Iowa.–Lauren,celamefaitplaisirdevousvoir.Ellerefusadeprendrelamainquejeluitendaisetserrasonsacplusfortcontreelle.– Je croyais que nous serions entre nous pour ce dîner, dit-elle d’une voix rendue aiguë par la

contrariété.Etjecroyaisquenousallionsaurestaurant!Lauren fronçaitbeaucoupplus les sourcilsqu’ellenesouriait, etelleavaitbeauavoir lesmêmes

yeuxqu’Alyssa,elleétaitloind’êtreaussigentillequ’elle.–Onapenséqueceseraitpluscalmesanstoutlebruitdurestaurant.Allez, lesbouteillesdevin

sontdéjàdébouchéesetErikanousacuisinéunsuper-repas,réponditKellanavecungrandsourire.Jemedemandaisicesourireétaitaussifauxquelemien.Aumomentoùnousallionsnousasseoiràtable,onfrappadenouveauàlaported’entrée.Quand

Erikal’ouvrit,monestomacsenoua.Alyssasetenaitlàavecdeuxbouteillesdevinàlamain.Comme chaque fois qu’elle entrait dans une pièce, mon esprit fondit un peu.Ne baisse pas tes

défenses,Logan.–Vousavezdelaplacepouruneinvitéedeplus?demanda-t-elleensouriant.–Oui,biensûr,nouspouvonsfairedelaplace,ditErikaenseprécipitantpourajouteruncouvert.Laurensouffla.

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–C’est extrêmement impoli de se pointer chez quelqu’un comme ça et de demander une place àtable.

–Moiaussijesuiscontentedetevoir,Maman,ditAlyssaavecinsolence.Jenepouvaisdétachermonregardd’Alyssaetnosyeuxsecroisèrent.Ellemefitunpetitsourireet

jedusdétournerlesyeuxavantdeperdrelatête.Êtrederetourici,êtreprèsd’elle,étaitletrucleplusdifficilequej’avaisjamaiseuàfaire.

Etj’avaisfaitunetonnedetrucsdifficiles.Nousprîmesplaceàtable,moijusteàcôtédeLauren,quisemblaitterriblementnerveuse.Kellan

servitduvindanstouslesverres.Jelevairapidementlemienetj’enbusunebonnerasade.–Tupeuxboire?demandaLauren.–Non,jesupposequenon.Jefinismonpremierverreetjem’enservisunseconddanslafoulée.Etnousnousmîmesàmanger

la cuisine infecte d’Erika, que je dus mâcher au moins cinq fois plus que d’habitude rien que pourpouvoirl’avaler,maisjenemeplaignispas.

–Ilstetraitentbiendanstoncabinetd’avocats,Kellan?demandaLauren.Elleétaitavocateetcequ’ellepréféraitchezKellan,c’étaitqu’ilavaitfaitdudroitettrouvéunbon

emploioùilgagnaitbiensavie,maisàpartça,elleledétestait.Kellanseraclalagorgeens’essuyantlaboucheavecsaserviette.–Enfait,j’aidémissionnéilyaunmois.Jehaussaiunsourcil,ahuri.–Sansdéconner?–Quoi?demandaLauren,stupéfaite.EllesetournaversErika.–Tunemel’avaispasdit.Pourquoin’avoirriendit?–Cen’étaitpasvraimentàmoidelefaire,Maman.–Maispourquoidonc?Pourquoias-tudémissionné?demanda-t-elle.–Cen’étaitpasvraimentmontruc,jepense,ditKellanenserrantlamaind’Erika.Ils se regardèrent en souriant et l’espace d’un instant je le vis, l’amour queKellan disait avoir

toujoursressenti.Cesdeux-làs’aimaientvraiment.–Enquittantlecabinet,j’aisaisil’opportunitédepoursuivremesvraiespassions.–Quellespassions?demandaLauren.–Mamusique.Jouerdelaguitare.–C’estunpasse-temps,pasuntravail.Laurenfronçaitlessourcils.Quellerabat-joie!–Maman.Tusaisbienquejegagnemaviedansunpiano-bar,non?intervintAlyssa.–Oh,machérie!(Laurenfronçalessourcils.)Tutravaillesdansunrestaurant,dansunmagasinde

meublesettujouesdupianolesoirdansdesbarscrasseux.Iln’yapasdequoisevanter,tuparlesd’uneréussite!

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Ellen’apaschangé,cettegarce,àcequejevois.– Je trouve que lamusique, c’est vraiment important, renchérit Kellan. On s’amuse. Et puis les

sessionsauxquellesj’aiparticipéétaientbienpayées.J’adorefaireça.Etlavieesttropcourtepournepasfairecequ’onaime.

–Toutàfaitd’accord!dis-jeenmeresservantduvin.C’estpourçaquejeboisautantdevin,dis-jeensouriantetenfaisantunclind’œilàLauren,absolumentravidelamettremalàl’aise.

–Vousverrezlespectacledemain.Monamimefaitjouerdanssonrestaurant.–Quoi?Tum’avaisditquevousalliezauthéâtredemain,ditLaurenensetournantversErika.–Non…j’aiditquenousallionsauspectacle,répliquasafille.Elles se ressemblaient tellement toutes les deux qu’il était impossible de comprendre comment

Alyssaentraitdanscettecombinaison.–Pasderaisondes’inquiéter,celavaêtretrèssympa.Deplus,aprèslespectacle,nouspourrons

faireunsautparlasallederéceptionpourlemariagelemoisprochain,expliquaKellan.–Quoi?s’exclamaLauren.Erikasemitàtousserenessayantdeseraclerlagorge.–Quelqu’unveutencoreduvin?–Qu’est-cequetuveuxdire?Lemariagealieulemoisprochain?–Tuneluiaspasdit?demandaKellanàsafiancéeenfronçantlessourcils.–Medirequoi?–J’aioublié,réponditErika.Waouh!J’avaisl’impressionderegarderunmauvaissitcom.–Onaavancéladatedumariage.Maisnet’inquiètepas!Onnetedemanderarien,saufd’êtrelà.–Non.Cemariageestdansunan.Jecroyaisquetuattendaisd’avoirfinitonmaster,Erika.Deplus,

c’estmoiquipaye.Tunet’espasditquej’avaisledroitdesavoir?Onadéjàversédesarrhespourlalocationdelasalle!Etmaintenant,tumedisquetuenastrouvéuneautre?

–Onterembourseralesarrhes.C’estunchangementdedernièreminute.–Un changement de dernièreminute ?Et je peux en connaître la raison ?Donne-moi une bonne

raisondeprécipiter leschoses.Ilya tellementdechosesàorganiser.Lesfleurs, legâteau, lesmenus.Lesrobes,lesinvitations,toutça.Onn’aurajamaisassezdetemps,pleurnichaitdéjàLauren.

–Onn’apasbesoindetoutça,Maman.Onveutquelquechosedesimple.Detempsentemps,jecroisaisleregardd’Alyssaposésurmoi,etaussitôtelledétournaitlesyeux.

Detempsentemps,ellecroisaitmonregardposésurelle,etjedétournaislesyeuxaussitôt.Jen’avaispas vraiment envie de faire attention à la conversation qui se tenait autour de la table. Je trouvaisbeaucoup plus intéressant d’observer la façon dont Alyssa et moi faisions tout pour nous évitermutuellement.

–ErikaRose,tuprépareslemariagedetesrêvesdepuisl’âgedecinqans.Et,toutàcoup,tun’enasplus rienà fairede touscesdétails ?Non.Onavaitunplan.Onse tient auplan.Deplus,Kellann’amêmeplusdetravail,pourl’instant.

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–Ilaunconcertcesoir.J’interrompis laconversationavecunsourire.Cela fit rireAlyssa. Jecrusmouriren l’entendant.

Pourquoi fallait-il qu’elle soit si belle ? J’avais vraiment espéré, en revenant en ville, qu’elle seraitdevenuemochecommeunpou.

C’étaitraté.– Jene comprendsvraimentpas cetteprécipitation.Tudevais attendre l’annéeprochaine comme

c’étaitprévu.Ondevraits’enteniràcequiétaitprévu.–Maman,onnefaitpastoujourscequ’onavaitprévu.Cen’estpasunproblème.–Dis-moipourquoi.Pourquoimaintenant?C’esttellementsoudain,cechangement.Tunecroispas

quevousdevriezplutôtvouspréoccuperdufaitqueKellansoitsansemploi?Commentallez-vousfairepour joindre lesdeuxbouts aveccettemaison?Hein?Tuyaspensé?Les impôts foncierspourunemaisondecettetailledanscequartierdoiventêtreélevés.Jevousavaisditdenepasacheterunegrandemaisoncommeça,maisvousn’avezrienvouluentendre.Maisqu’est-cequevousavezdanslatête?

Samèren’arrêtaitplus. JemesentaismalpourErika.Elleétait toute rougeetellecommençaitàs’énerver.

–Je l’aime!Je l’aime,Maman.Qu’est-cequeçachangequ’onsemarieaujourd’huioudansdesannées?Jeveuxêtreaveclui.

–Cen’estpasrationnel.Tumefaispenseràtasœur,Erika.Alyssapoussaunpetitsoupir.–Jesuislà,Maman.–Ehalors,c’estlavérité.Tuastoujoursétécefeufolletquejenepouvaispaséteindre.Tuétais

ingérable et tu es toujours comme ça,Alyssa.Mais toi, Erika, tu es docile. Toi, tu as la tête sur lesépaules.Maislà,tuteconduiscommesituavaisperdularaison.

Jevislesyeuxd’Alyssaseremplirdelarmes,maiselleneditrien.J’allaisrépondrevertementàLaurenpourparlerd’ellecommeça,maisjem’arrêtainetenvoyantAlyssamefairenondelatête.Aprèstout,qu’est-cequej’enavaisàfaire?Cen’étaitpasàmoidemenersesbatailles.

Erikaouvritlabouchepourrépondre,maisKellanladevança,enfaisanttairetoutlemonde.–J’aiuncancer.Attends.Quoi?Non.Moncœurseserraetjesentisuneremontéed’acidedansmagorge,alorsqu’ilcontinuaitdeparler.–Celafaitunmomentquenouscherchonscommentvousannoncer lanouvelle.J’aidéjàsubiune

opérationpourl’ablationdelatumeur,etjevaisbientôtcommencerlachimio,mais…–Excuse-moi,ralentis.Reprendsdepuisledébut.Qu’est-cequetudis?Monsangbouillaitetj’eusl’impressionquej’allaiscraquer.Jem’agrippaiàmonsiègeetjememis

àtremblerdetousmesmembres.Dequoiparlait-il,bonDieu?Kellannepouvaitpasavoiruncancer.

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Kellanétaitenbonnesanté.Ilavaittoujoursétéenbonnesanté.Detoutelafamille,c’étaitleseulànepass’êtrebousillé.Ilnepouvaitpasêtremalade.

–Tudéconnes,putain!Non.Non.Alyssaposasurmoiunregardattristéparlanouvelleetellefitungestepourmeprendrelamain,

mais je fisnonde la tête. Il s’apprêtait àparler,mais jeme levai, jen’avaispas envied’écouter sesexplications. Je ne voulais plus qu’il parle, putain, parce que ses paroles étaient toxiques et qu’ellesempoisonnaientmonâme.J’avaisbesoind’air.Debeaucoupd’air.Jemedirigeaiverslaportedupatioet je sortis. L’air vint rafraîchir mon visage en sueur, et je poussai un soupir douloureux. Tout enm’agrippant des deux mains à la balustrade, les yeux plongés dans l’obscurité du ciel, je respiraiprofondémentpournepasm’effondrer.

Jefermailesyeuxetfisclaquerl’élastiquesurmonpoignetunefois.Çanepeutpasêtrelaréalité…Jenepouvaispasouvrirlesyeux.Ilallaitbien.Ilétaitenbonnesanté.Jefisclaquerl’élastiquedeuxfois.Cen’estpaslaréalité.Cen’estpaslaréalité…Laportecoulissantes’ouvritetj’écoutailebruitdespasquiserapprochaient.Kellanvints’appuyer

surlabalustradeàcôtédemoi.–Tum’aspiégé.–Jenevoulaispastel’annoncercommeça.Enfait,jenesavaispascommentteledire.–C’estquoi?–Lecôlon.Merde.–Je…Lavoixmemanqua.Jemedisaisqu’ilfaudraitquejedisequelquechose,maisjenetrouvaispas

lesmots.Etd’ailleurs,yavait-ildesmotsappropriésàcegenredesituation?Mesdoigtssecrispèrentsurlarambarde.–IlfautallervoirJC.Jen’ycroiraipastantqueluinemel’aurapasditenface.JCétaitlemédecinquinousavaitsuivis,Kellanetmoi,pendanttoutenotreenfance.C’étaitunami

dupèredeKellan,alorsmêmesijen’avaispasl’argentoul’assurancemaladiepourpouvoirallerchezlemédecin,JCmeprenaitenconsultationgratuitement.Ilétaitbizarre,maisc’étaitunmecbien,etilétaitleseulenquijepouvaisavoirconfiancepourmedirelavéritéausujetdel’étatdesantédemonfrère.

–Logan,ditKelland’unevoixdouce,j’aidéjàparléavecJC.Etpuisiln’estpasoncologue.–Lui,jeluifaisconfiance,dis-jelesdentsserrées.Jeluifaisconfiance,Kellan.Luiseul.Ilsefrottalanuque.–Ok.OniravoirJCsiçapeutterassurer.

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–Oui.Jemeraclailagorge.– En attendant, dis-moi tout ce que tu sais.À quel stade en es-tu ?Ce n’est pas incurable, si ?

Commentpeut-ons’endébarrasser?Qu’est-cequejepeuxfaire?Commentpuis-jet’aider?Commentréglerceproblème?

Commentpuis-jeréglertonproblème?–Ilenestaustade3.Non,ça,cen’estpasbon.–Mais,pourl’instant,onattend.Commejel’aidit,jemesuisfaitopérer,ilsontretirélatumeuret

deuxganglions.Jevaiscommencerlachimiolasemaineprochaineetpuisaprès,onlaissepasserunpeude temps pour voir si çamarche. La chimio devrait arrêter les cellules potentielles qui pourraient serépandredansmonorganisme.

–Qu’est-cequisepassesiellesserépandentailleurs?Ilneditrien.Non.Non.Non.Jememordislalangue.–Tuauraisdûm’enparler.–Jesais.Nouspivotâmespourfairefaceà lamaison.Erikacriaitsursamèrequi lui répondaitenhurlant.

Alyssafaisaitdesonmieuxpourcalmerlejeu,sanssuccès.–Tunepeuxpasépouserunhommequiauncancer,Erika.Celan’apasdesens!Tupensesavec

toncœuraulieudepenseravectatête.C’étaitépouvantablededireça,putain!–Seigneur!Leurmèreestfolle.J’avaisoubliéàquelpoint.Àcôtéd’elle,Erikaparaîtpresque…

normale?–Ilfautselafaire,çac’estsûr!Kellanbaissaunpeulatêteetfixaseschaussures.–Maisellen’apascomplètementtort,cependant.–Quoi?–Erikaestenmodepanique.Elleprécipiteleschoses,justepourlecasoùilm’arriveraitquelque

chose.Aucasoùçatourneraitmal.Neteméprendspas,jeveuxdevenirsonmari,mais…Il s’interrompiten tournant lesyeuxvers samaisonqui semblait aubordde l’explosion. J’aurais

vouluqu’ilailleplusloinausujetdecequ’ilressentaitàl’idéed’épouserErika,maisjevoyaisbienquecen’étaitpaslebonmoment.

Àl’intérieurdelamaison,laconversationavaitdûatteindresonpointculminant.Laurenpartitenclaquantlaporte.Erikasemitaussitôtàdébarrasserlatable,encassantdesassiettesdansl’éviereten

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modifiantladispositiondeschaisespendantqu’Alyssal’observaitensetenantàl’écart.–Heu,tunecroispasqu’ondevraitallerl’aider?Ilsecoualatête.–Çafaitpartiedesonfonctionnement.Iln’yaqu’àattendrequeçapasse.Jefisclaquermonélastiqueunefois.Oudeux.Oupeut-êtremêmequinzefois.–C’estdinguequandmême.C’estmoiquifumeetc’esttoiquiasuncancer.–Toutcequiestàtoiestàmoi…–Etcequiestàmoiestàtoi,répliquai-je.– Si cela peut te rassurer, fumer ne donne pas le cancer du côlon. N’empêche, tu ferais mieux

d’arrêter.Jesoufflaienentendantsontonpaternaliste.Maisiln’avaitpastort.–Grand-pèreaeuuncancerducôlon,dis-jed’unevoixquisebrisa.C’estdeçaqu’ilestmort.Kellanhochalatête.–Ouais,jesais.Laseuleautrepersonnequim’aimaitautantquemonfrère,c’étaitmongrand-père.Voirsavielui

échapper avait été la chose la plus dure que j’avais eue à vivre.Et le pire avait été la rapidité aveclaquelle cela s’était passé.Un jour il était là, et à peine quelquesmois plus tard, il n’y était plus. Jen’avaismêmepaseulapossibilitédeluidireadieuparcequ’ilvivaittellementloindenous.

–Écoute.Jedevraispeut-êtrerevenirvivreicipendantquelquetemps.Enréalité,iln’yarienquim’attendlà-bas,dansl’Iowa.

–Ahoui?Ilreniflaencroisantlesdoigtssursanuque.–Ouais.Cen’estpasunproblème.Jepourraismêmepeut-êtreallervoirmaman,undecesjours.

Pourvoircommentelleva.–Pasterrible.J’avaisl’intentiondepasserprendresacarted’aidealimentairepourallerluifaire

descoursesverslafindelasemaine.–Jepeuxm’enoccuperdemain.Ilsecontracta.–Jenesuispassûrquecesoitunebonneidée,Logan.Tusais…maintenantquetuesclean,ettout

ça. Et puis, avec ce que tu viens d’apprendre, je n’ai pas envie que tu te retrouves confronté à cetenvironnement.

–Toutvabien.Jepeuxgérer.–Tuessûr?Jememisàrireenlebousculant.–Ehmec,c’est toiquiasuncancer,et tues làà t’inquiéterpourmoi.Arrête.Tu t’esoccupéde

mamanetdemoitoutenotrevie.C’estmontour,d’accord?Enprononçantlemotcancer,j’eusl’impressiondemourir.

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–Ok,soupira-t-ilencroisantlesbras.J’aideuxtroistrucsàfairedemainaprèsquenousseronsallésvoirJC,maisErikapourrat’accompagner.

–Elleferaitça?–Oui,sijeleluidemande.Maistunet’étonneraspassitudoisfairequelquesarrêtsavant.Jehaussail’épaulegauche.Ilhaussal’épauledroite.NousobservâmesErikadétruirelamaisonavantdetoutremettreenplaceet,pendanttoutletemps,

jemedemandaisij’étaisvraimentassezfortpouraffrontermonpassé.Jenesavaispascequej’allaisressentirenmeretrouvantfaceàmamère.

Jenesavaispassij’étaisassezfort.

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21ALYSSA

–Logan?jemurmuraienfrappantàlaportedesachambre.Ilyétaitdepuisunedemi-heureet jenepouvaisqu’imaginercequisepassaitdanssatêteaprèsavoirappris pour le cancer de Kellan. Je l’entendis aller et venir dans sa chambre avant que la porte nes’ouvre.Ilrenifla,sepassalamainsurlevisageetmeregardaenplissantlesyeux.

–Ouais?Ilavaitlesyeuxrougesetgonflés.J’eusenviedeleprendredansmesbrasetdeleserrercontremoi

pourluidirequejecomprenaisqu’ilétaitmalheureux.Tuaspleuré.–Jevoulaissavoirsituallaisbien,dis-jedoucement.–Çava.Jefisunpasdansl’embrasuredelaportepourmerapprocherdelui.Jevoyaisbienquec’étaitloin

d’êtrevrai.KellanétaittoutpourLogan.Quandilétaitpartidansl’Iowa,sonfrèreétaitleseulavecquiilétaitrestéencontact.Alorsqu’ilignoraittousmesappels,ilavaitréponduàtousceuxdeKellan.

–Jenecroispas,non.–Maissi.Ilhochalatêteetmelançaunregardpleindefroideur.–Jevaisbien.Jenevaispaspartirenvrilleoujenesaisquoi,Alyssa.Touslesjours,ilyades

gensquidéclenchentdescancers.Ettouslesjours,ilyadesgensquiparviennentàvaincrelecancer.Ilvabien.Jevaisbien.Toutvabien.

Touteautrepersonnequemoiauraitmanquélepetit tremblementdesa lèvre inférieure.Maispasmoi.Moi,jevoyaisàquelpointsoncœursouffraitencemoment.

–Arrête,Lo.C’estmoi.Tusaisquetupeuxmeparler.

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–Toi?Maisquies-tupourmoi,exactement?persifla-t-ild’untonamer.Depuisquandétais-tuaucourant?Depuisquandsavais-tuqu’ilétaitmalade?

J’entrouvrisleslèvres,maisilcontinuaàparler.–Donc, tu savais.Millequatre-vingt-dixmessages,Alyssa.Tum’as laissémillequatre-vingt-dix

messages. Tu as appelé surmon téléphonemille quatre-vingt-dix fois,mais tu n’as pas pu prendre letempsuneseulefoisd’appelerpourmelaisserunmessagemedisantquemonfrèreavaituncancer, lemêmecancerquiatuénotregrand-père?

Ilsaisit leboutondelaporteetmelafermaaunez,cequinemesurpritpas.Sesparolesétaientsévères,maiscen’étaitpasfaux.Celafaisaitunpetitmomentque j’étaisaucourantpour lecancerdeKellan,maiscen’étaitpasàmoideleluiannoncer.Kellanm’avaitfaitjurerden’enrienfaire.

Jeposaileboutdesdoigtssurlaporteetfermailesyeux.–J’habiteladernièremaisonaucoindeCherryStreetetdeWickerAvenue.Tupeuxpasserquand

tuveux,Logan.Situasbesoindeparleràquelqu’un.N’importequand.La porte s’ouvrit brusquement, et je poussai un petit cri étouffé quand il s’avança versmoi,me

dominant de toute sa hauteur. Son visage était dur, et les yeux rougis par l’émotion de tout à l’heureétaientmaintenantchargésdecolère.

–Mais,qu’est-cequetunecomprendspas,putain?siffla-t-il.Jefisunpasenarrièrequandilcontinuaàavancerversmoi.Etainsidesuitejusqu’àcequejeme

retrouveadosséeaumurducouloiretqu’ilnesoitplusqu’àquelquescentimètresdemoi.Nosbouchesétaientsiprès l’unede l’autrequesi jem’étaispenchéeunpeu, j’auraispusentir sur lesmiennesceslèvres que je désirais tant autrefois. Ses paroles tombèrent comme un couperet quime transperçait lecœuràchaquesyllabe.

–Jen’aipasbesoinde toi,Alyssa. JE.N’AI.PAS.BESOIN.DE.TOI.Alors, si tuvoulaisbiencesserdefairecommesinousétionsamis,celam’arrangerait.Parcequenousnelesommespas.Nousneleseronsplusjamais.Jen’aipasbesoindetoi.Etjen’aipasbesoindusoutiendetonépaule,putain!

Ilrentradanssachambreetclaqualaporte.Jeprisquelquesinspirationsprofondes,pouressayerderetrouvermoncalme.Maisquand jepénétraidans le salonpour récupérermonblousonetenfilermestennis,moncœurcontinuaitàbattrecommeunfoudansmapoitrine.

Quiétaitcegarçon?Il n’avait rien à voir avec celui que j’avais connu des années auparavant. Ce n’était pas mon

meilleurami.Ilmefaisaitl’effetd’êtreuncompletétranger.–Çava?Erikameregardaenfronçantlessourcils.Jehaussailesépaules.–Essaied’yallermolloaveclui,Erika.–Sérieux?Ilvientjustedetegueulerdessus,ausenspropreduterme.Ettoi,tumedemandesd’y

allermolloaveclui?Jenesaispascequimeretientdelefoutreàlaportedechezmoi.

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–Non,dis-jevivementensecouantlatête.Non,nefaispasça.C’estdifficilepourlui.Jeveuxdire,jenepeuxmêmepasimaginer…sic’étaittoi…

Jem’interrompis.Jenesavaispascommentjeréagiraissij’apprenaisquemasœuravaituncancer.–Laisse-letranquille.Ellesedétenditunpeu.–D’accord.Ellemepritdanssesbrasetmurmura:–C’estmieuxpourtoidegardertesdistances,Aly.Tulesais,hein?Jemedoutequeceladoitêtre

douloureuxpourtoidelerevoir.Jedansaid’unpiedsurl’autreethaussailesépaules.–Çava.Celanemeposepasdeproblème.–Ouais,maisn’empêche,celaneseraitpasplusmalderesteràl’écart.Pourvoscœursàtousles

deux.J’étaisd’accordavecça.Detoutefaçon,jenepensaispasqu’ilchercheraitàmerevoirdesitôt.

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22LOGAN

Jerestaiappuyécontrelaportedemachambrejusqu’àcequej’entendeAlyssas’enaller.Celaallaitêtredifficiledelarepoussersijerestaisdanscetteville,parcequ’unegrandepartiedemonêtrevoulaittoujoursl’attirercontremoi.

Jerestaidansmachambre,connectéàinternetavecmontéléphonepourfairedesrecherchessurlecancer du côlon. Je feuilletai des pages et des pages de renseignements qui me communiquaient unepaniquequejen’étaispassûrdepouvoircontrôler.Toutd’abord, je lusdestonnesdetémoignagesdesurvivants,maistoutàcoupjemeretrouvaisanstropsavoircommentsurlemondeplusobscurdunet,oùsetrouvaientleshistoiresdeceuxquiavaientsuccombérapidementaucancerducôlon.

Jeluslespagesparlantdesremèdesnaturels.Jeluslesmensongeslesplusrépandus.Jenefermaipasl’œiljusqu’àcequelesoleilselève,inondantmachambredelumière.

Lorsquemespaupièresdevinrentaussi lourdesquemoncœur, j’éteignismon téléphone.La seulechosequej’avaisapprisependantcettenuit,c’étaitqueWebMD 1étaitenfaitlediableetqueKellannepasseraitprobablementpaslanuit.

Je sortisunecigarette et l’allumai avecmonbriquet. J’ouvris la fenêtre,posai la cigarette sur lebordetm’accordaicesquelquescourtsinstantspoursouffrir.

1.Sited’unesociétéaméricainequifournitdesservicesd’informationsurlasanté.

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23LOGAN

IlfaisaitfroiddanslecabinetdudocteurJamesPetterson.Plusfroidqu’iln’étaitnécessaire.Biensûràl’extérieurildevaitfaireplusdetrentedegrés–cequiétaittrèschaudpourcetterégionduWisconsin–,maiscen’étaitpasuneraisonpourquesoncabinetsoitunevraieglacière.James–ouJimmyCure-dent(JC) comme tout lemonde en ville le surnommait à cause de sa haute taille combinée à son extrêmemaigreur–étaitleseulmédecinquej’avaisjamaisconnu,etjeluifaisaisconfiance.Ilneressemblaitpasàunmédecinordinaire,d’ailleurs,etilm’arrivaitsouventdemedemanders’ilétaitvraimentmédecinousi,unsamedi soiroù il s’ennuyait, ilne s’étaitpasachetéunstéthoscopeavantd’endosseruneblouseblanchequ’iln’avaitplusjamaisretiréeensuite.Pourcouronnerletout,ilhabitaitl’appartementjusteau-dessusdesoncabinet.

Son cabinet lui-même avait l’air d’appartenir à un faux médecin. Sur la cheminée derrière sonbureautrônaituneénormetêtededaimqu’il juraitavoirabattu lesyeuxfermés,desannéesplus tôt.Àcôtédelatêtededaim,onvoyaitcequiétaitsoi-disantlapeaud’unoursbrun,maisquienfaitn’étaitqu’unedescentedelitprobablementtrouvéeensoldechezWal-Mart1.Ilpoussaitlebouchonjusqu’àdirequ’ilavaittuél’oursavecunecannettedebièredanslamaindroiteetunfusildanslamaingauche.

Surlecoindesonbureau,ilyavaitunpotdebonbonsetderéglisses.Celamesidéraitqu’unmédecinpoussesespatientsàmangerdessucreriescommeça,maispourJC,

ilyavaitunecertainelogiquesionpensaitquesafemme,Effie,n’étaitpaslaseuledentistedelavilleetqu’ellecherchaittoujoursdenouveauxpatients.

JCet sa femmeauraientdû fairepreuvedeplusdebon sensdans leur choixde sucreries, parcequ’aucunepersonnesained’espritneserisquaitàmangerdesréglisses.

Jecroisailesbrasetlesserraicontremoipourmeréchauffer.Merde.J’étaisgelé.Jejetaiuncoupd’œilverslesiègeàcôtédemoioùKellanétaitassis.

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En levant les yeux vers JC, je vis que ses lèvres continuaient à bouger très vite. Il continuait àexpliquerlasituationencoreetencore.Entoutcas,c’estcequejemedisais.Jenepouvaispasenêtresûr,parceque,déjà,jen’écoutaisplus.

Jenesavaispasàquelmomentexactj’avaiscesséd’entendreleflotdeparolesquisedéversaitdesabouche,maisdepuiscinqoudixminutes,jemecontentaisderegarderbougerseslèvres.Dessonsquinevoulaientriendireensortaientdefaçonininterrompue.

Jem’agrippaisavecforceauxaccoudoirsdemonfauteuil.Lechocm’avaitsonné.Jenesavaispassijedevaisrireoupleurerenentendantlediagnostic.Sije

devaisêtrefurieuxetdonneruncoupdepoingdanslemur.Combiendetempsilmerestaitàpasseravecmonfrère.Lesentimentd’isolementquimesubmergeaitmecoupaitlesouffle.Lesbattementspaniquésdemoncœurqui résonnaientdans toutmonorganismeétaient terrifiants,maispas inconnus.Lapeuret lacolèrerendaientchaquemomentinsupportable.

–Logan,ditJCenmefaisantrentrerdanslaconversation.Cen’estpaslafinpourtonfrère.Ilestprisenchargeparlesmeilleursmédecinsdel’État.Ilbénéficiedesmeilleurstraitementslà-bas.

Kellansepassalamaindanslecouethochalatête.–Jenesuispasfini,Logan.C’estjusteunincidentdeparcours.Sonhochementdetête,associéàcechoixdemots,melaissaitperplexe.S’iln’étaitpasfini,est-ce

qu’ilnesecoueraitpaslatêteaulieudelahocher?Jemepassailamainsurlajoueenmeraclantlagorge.–Onvademanderundeuxièmeavis.Jememisàarpenterlapetiteterrasseenmepassantfrénétiquementlesmainsdanslescheveux.–Etpuisuntroisième.Etunquatrième.C’étaitbiençaqu’onfaisait,non?Oncherchaitlaréponsequinousconvenaitlemieux?Laplus

optimiste?Nousavionsbesoind’uneréponseplussatisfaisante.–Logan…JCfitlagrimace.–Demanderdenouveauxavisneserviraqu’ànousretarder.Nousattaquonslamaladiedefront,et

nousavonsbonespoirde…Çarecommença.J’arrêtaid’écouter.Laréunionsepoursuivit,maisjenedisplusunmot.Iln’yavaitplusrienàdire.Nous fîmes,Kellanetmoi, tout le trajetde retour sansdesserrer lesdents,maismoncerveaune

voulaitpassetaire,etlemotcancertournaitenboucledansmatête.Monfrère,monhéros,monmeilleuramiavaituncancer.Etjen’arrivaisplusàrespirer.

***

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QuandKellanm’avait dit qu’Erika voudrait s’arrêter quelque part avant deme déposer chezmamère,jen’imaginaispasqu’onseretrouveraitplantéspendantplusdevingtminutesentrelesrayonsd’unsupermarché.Celafaisaitvingt-quatreheuresqueLoganm’avaitannoncélanouvelleausujetdesasanté,etjenepensaisàprendredeladroguepourlesupporterquetouteslesminutes,cequiétaitmieuxqued’ypensertouteslessecondes.Erika,elle,avaituneautresorted’addictionpourgérersonstress,etc’étaitPotteryBarn2.

–Onvaresterlongtempsici?jedemandaiàErikadevantdespilesd’assietteshorsdeprix.Onétaitlàdepuisaumoinsvingtminutesetellen’arrivaitpasàdéciderlesquellesprendre,sachant

qu’ellecassaitrégulièrementtoutelavaissellechezeux.– Tu vas te taire, ordonna-t-elle, les bras croisés, les yeux plissés et visiblement toujours aussi

déjantée.Celademandedeprendresontemps.–Pasvraiment.Regarde.Desassiettes.Ohregarde,encoredesassiettes.Waouh,etqu’est-cequ’on

alà,Erika?Eh,bien,jecroisquecesontdesassiettes.–Pourquoifaut-ilquetusois toujoursaussicasse-pieds?J’espéraisvraimentqu’auboutdecinq

anstuauraisgrandiunpeu.–Désolédetedécevoir.Mais,sérieusement,onnepourraitpasyaller,là?Ellemelançaunregardagacé.–Maistuesvraimentsipresséd’allervoirtamère?Tuétaisabsentpendantcinqans,tuaslaissé

Kellans’occuperdetout.Iladûêtrelàquandelleallaitvraimentmalet,toi,tunet’esmêmepasdonnélapeinedeprendredesesnouvelles.Tunel’asjamaisappeléenirien,alorspourquoimaintenant?

–Parcequemonfrèreauncancer,parcequemamèreesttoxico,parcequejemesensnulcommefrèreetcommefilsd’êtrepartietden’êtrepasrevenu.C’estçaquetuveuxentendre,Erika?D’accord,je suisun raté.Mais, franchement, si tupouvais arrêter deux secondesdeme le lancer à la figure, ceseraitsuper-sympa,purée.

Elle poussa un soupir en se balançant d’un pied sur l’autre. Elle détourna les yeux pourrecommenceràexaminerlesassiettesexposéesdevantnous,etnousreprîmesnotresilence.

Cinqminutes.Dixminutes.Quinzeputainsdeminutes.–Celle-ci, dit-elle enmontrant une assiette du doigt. Je vais prendre celle-ci. Prends deux lots,

Logan.Ellepivotasursestalonsetsedirigeaverslacaisse,melaissantsurplace,stupéfait.–Pourquoideuxlots?Elles’éloignarapidementsansprendrelapeinedemerépondre.En tenant précautionneusement les deux lots d’assiettes dans les bras, j’allai vers la sortie du

magasinetposailescartonsdevantlacaissière.Erikaetmoinedîmespasunmotjusqu’àcequ’ellenousannonceleprixtotaldesassiettes.

–Centhuitdollarsetvingt-troiscents.–Non,maisj’hallucine,tuvaspayerplusdecentballespourdesassiettes?–Cequejefaisdemonargentneteregardepas.

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–C’estvrai,maisquandmême,Erika.Tupourraisaussibienacheterdesassiettesordinairesdansunbazarouuntrucdugenrepuisquetuvasprobablementlescasserdemaindetoutefaçon.

– Je ne remets pas enquestion la façondontKellandépense son argent, ouplutôt pourqui il ledépense.Alors,j’aimeraisquetuneremettespasenquestionlafaçondontmoi,jedépenselemien.

–TusavaisqueKellanmedonnaitdel’argent?–Biensûrquejelesavais,Logan.S’ilyaunechosequeKellannesaitpasfaire,c’estmentir.Je

mefichequ’iltedonnedel’argent,mais…Ellepoussaunsoupir,etsesyeuxs’adoucirentquandellelestournaversmoi.Pourlapremièrefois

depuisquej’étaisrevenu,elleavaitl’airvaincue.–Ne le laisse pas tomber,Logan. Il est fatigué. Il ne veut pas lemontrer,mais je le sais, il est

épuisé.Ilestheureuxquetusoisrevenu.Tuluifaisdubienpourlemoment.Alors,nedéconnepas,jet’enprie,neledéçoispas.

–Jetejurequejeneconsommeplus,Erika.Cen’estpasdubaratin.Jesuisvraimentclean.Nousretournâmesverssavoitureavecchacununcartondanslesbrasquenousdéposâmesdansle

coffreavantdemonteretdedémarrer,directionl’appartementdemamère.Ellehochalatête.–Jetecrois.Mais,làonvavoirtamèreetjesaisqu’elleétaitvraimentuneincitatricepourtoi.–Jenesuispluslegaminquej’étais.–Ouais.J’entendsbien.Maistupeuxmecroire.Tamère,elle,esttoujourslamême.Parfoisjeme

disquelesgensnechangentjamaisvraiment.–Si.Sionleurendonnelapossibilité,lesgenspeuventchanger.Elledéglutitavecdifficulté.–J’espèrequetuasraison.Lorsquenousarrivâmeschezmamère, jedemandaiàErikasiellevoulaitmonteravecmoi,mais

elledéclina,enregardantautourd’elle.–Jevaist’attendreici.–Tuseraisplusensécuritéàl’intérieur.–Non.Çaira.Çanemeplaîtpastropdevoir…cegenredemodedevie.Jepouvaiscomprendreça.–Jen’enaipaspourlongtemps.Enjetantuncoupd’œildanslesruessombres,j’aperçusquelquesindividusquitraînaientdansles

coins, exactement commequand j’étais enfant.Erikan’avait peut-être pas complètement tort. Peut-êtrequecertainespersonnes,certaineschosesetcertainsendroitsnechangeaientjamais.

Maisjedevaisgarderl’espoirqued’autres,si.Sinon,qu’allais-jefairedemoi?–Nerestepas là-hautpendantdesheures,ok?LeconcertdeKellancommencedans troisquarts

d’heure.–Onn’auraitpeut-êtrepasdûpasser,genre,deuxheuresàregarderdesassiettes,non?

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Ellemefitundoigtd’honneur.Unsigned’affection,jeprésume.–Jeneseraipaslong.Tuessûrequeçavaaller,làdehors?–Çava.Magne-toi,c’esttout.–AufaitErika?dis-jeensortantdelavoiture.–Ouais?Je jetaiunnouveaucoupd’œilvers lesgensdeboutaucoinde la rue,qui regardaientdansnotre

direction.–Verrouillelesportières.

***

Jenesavaispascequim’attendait.Jesavaisqueçaneseraitpasplaisant,maisj’imaginequejen’avais pas anticipé que j’allais trouvermaman en simauvais état.Kellan ne s’étendait jamais sur laquestionetmedisaitque jedevaisd’abordm’occuperd’allermieuxavantdem’inquiéterdesavoirsimamanallaitbien.

Maintenant,c’étaitàsontourdesuivrececonseil.Maisçavoulaitdirequequelqu’unallaitdevoirs’occuperd’elle,etquecequelqu’unceseraitmoi.

EtjenepouvaispaslaissertomberKellanaumomentoùilavaitleplusbesoindemoi.La porte d’entrée n’était pas fermée à clé, ce qui me parut inquiétant. Mon estomac se noua.

L’appartement était jonché de cannettes de bière, de bouteilles de vodka, de flacons demédicamentsvidesetdevêtementssales.

–BonDieu,M’man…jemurmurai,choqué.Je retrouvai lemême canapé défoncé devant lamême table basse dégoûtante. Jementirais si je

disaisquejeneremarquaipasimmédiatementlesachetdecokesurlatable.Jefisclaquermonbracelet.Respire.–Dégage!Le cri venait de la cuisine.La voix demamère terrorisée.Mon cœur tombadansmon estomac,

j’étaisderetourenenfer.Jemeprécipitai,prêtàséparermonpèreetmamère,sachantquechaquefoisqu’ellecriaitcommeça,c’étaitqu’ilavaittrouvédesespoingssoncheminverssonâme.

Mais quand je pénétrai dans la cuisine, je la trouvai seule, en pleine crise de panique. Elle segrattaitfrénétiquement,faisantremonterlesangàfleurdepeau.

–Dégagez!Dégagez!Ellehurlaitdeplusenplusfort.Jemedirigeaiverselleenlevantlesmains.–Maman,qu’est-cequetufais?–Ilssontpartoutsurmoi!hurla-t-elle.–Quoi?

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–Lescafards!Ilyenapartout!J’enaipartoutsurmoi.Aide-moi,Kellan!Débarrasse-moidecessaloperies!

–C’estmoi,M’man.C’estLogan.Sesyeuxvitreuxse levèrentsurmoiet,pendantunefractiondeseconde,ellemerappela lamère

sobrequ’elleavaitété.Puisellerecommençaàsegratter.–D’accord.D’accord.Viens.Tuvasprendreunedouche.D’accord?Aprèsquelqueseffortsdepersuasion,jeparvinsàlafaireasseoirdanslabaignoiresouslejetdela

douche.Ellecontinuaàserécurerlapeaupendantquejem’asseyaissurlecouvercledestoilettes.–Kellanm’avaitditquetuallaisréduiretaconsommation,M’man.–Ouais.Ellefitunsignedetêterapide.–Toutàfait.Toutàfait.Kellanaproposédem’envoyerendésintox,maisjenesaispas.Etpuisce

genredetruc,çacoûtelesyeuxdelatête.Elleplongeasonregarddanslemienetsouritenmetendantunemain.–Tuesrevenu.Jesavaisquetureviendrais.Tonpèredisaitquenon,maismoij’enétaissûre.Il

m’envendencoredetempsentemps.Elle baissa les yeux et se mit à se laver les pieds. Les bleus sur son dos et ses jambes me

retournèrentl’estomac.Jesavaisqu’ilsavaientétéfaitsparmonbonàriendepère.Etlefaitquejen’aiepas été là pourm’interposer entre euxme donnait l’impression que j’étais un salemecmoi aussi, aumêmetitrequemonpère.

–Tumetrouvesjolie?murmura-t-elle.Degrosses larmesroulaientsurses joues,et jemedisqu’ellen’enétaitprobablementmêmepas

consciente.–Tuesbelle,M’man.–Tonpèrem’atraitéedegrossetruie.Jeserrailespoingsetrespiraiprofondémentàplusieursreprises.–Ilpeutallersefairefoutrecelui-là.Tuesbienmieuxsanslui.–Oui.Toutàfait.Toutàfait.Ellehochalatêterapidementencoreunefois.–Jevoudraisseulementqu’ilm’aime.C’esttout.Pourquoi fallait-il que nous, être humains, désirions toujours obtenir l’amour de gens qui étaient

incapablesd’endonner.–Tuveuxbienmelaverlescheveux?J’acquiesçai.Jepassaileboutdesdoigtslégèrementsurseshématomesetellenesemblapasréagir

du tout. Nous restâmes assis un moment à écouter le bruit de l’eau. Je ne savais pas trop commentcommuniqueravecelle.Jen’étaismêmepassûrdelevouloir,maislesilencedevinttroppesantauboutd’unmoment.

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–J’avaisl’intentiond’allerfairetescoursesdemain,M’man.Tupourrasmedonnertacarted’aidealimentaire?

Ellefermalesyeuxettapasoudaindanssesmains.–Mince!Oh,merde.Jecroisquejel’aioubliéechezmacopinel’autresoir.Ellehabitejusteau

boutdelarue.Jepeuxallerlachercher.Elleessayadeselever,maisjelaretins.–Tuasencoredushampooingdanslescheveux.Rince-les,sèche-lesavecuneservietteetrejoins-

moidanslesalon.Ons’occuperadetescoursesuneautrefois.Jeme levai et sortis de la pièce. En arrivant dans le séjour,mon regard tomba sur le sachet de

cocaïneposésurlatable.–Putain…Jefisclaquermonélastique.Concentre-toi.C’estpastavie.C’estpastonhistoire.LedocteurKhanm’avaitditqu’aprèslacure,ilyaauraitdesmomentsoùjemetrouveraisaubord

deremonterdanslaroueduhamsterdemonpassé,mais,disait-il,cen’étaitplusmonhistoire.J’avaislesmainsmoitesetjemelaissaitombersurlecanapé.Sansquejesachequandnicomment,

tout à coup le sachet de cocaïne se retrouva dans mes mains. Je fermai les yeux et pris plusieursrespirationsprofondes.J’avaislapoitrineenfeu,moncerveaubattaitlacampagne.Êtrerevenuenville,c’étaittroppourmoi,maisabandonnerKellan,c’étaithorsdequestion.

Commentallais-jemesortirdelà?–Écoute,onvaêtreenretard…Erikaentraentrombedansl’appartementets’arrêtanetenmevoyantaveclacocaïnedanslamain.

MonregardallarapidementdelacocaïneàErikapuisretour.Ellesoupira.–J’enétaissûre.Elletournalestalonsetsortitenvitesse.Merde.Jemeprécipitaiderrièreelleenl’appelant,mais

ellecontinuajusqu’àlavoituresansrépondre.Unefoisquenousfûmesmontés,elledémarraets’éloignadutrottoir.Nousn’échangeâmespasunmotpendantlesquelquesminutesquisuivirent.

–Écoute,cequetuasvulà-haut…Ellesecoualatête.–Nedisrien.–Erika,cen’estpascequetucrois.–Jenepeuxpasfaireça,Logan.Jenepeuxpasetjeneveuxpas.Jenepeuxpast’accompagneren

voiturefairetespetitesbalades.Jenepeuxpasteregarderdécevoirtonfrère.–Jeneconsommepas.–Tumens.Jelevailesmainsensignededéfaiteetpoussaiunprofondsoupir.–Jenesaispasdutoutcommentteparler.–Ehbien,nedisrien.

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–Trèsbien.Jenetedirairien.Les doigts d’Erika étaient crispés sur le volant et je regardai le désodorisant qui pendait en se

balançantdurétroviseur.–Ilestmaladeetilessaiedenepasmontreràquelpointils’inquiètepourtamèreoupourtoi,mais

ilestterrorisé.Jecroisqu’ilfautquenousregardionslaréalitéenface,etlaréalité,c’estquejeviensdetevoiravecdeladroguedanslamain.LadernièrechosedontKellanabesoin,c’estquetuajoutesàsonstress.

–Qu’est-cequisepassedanstatête?Tuinventestoutesceshistoiresdémentesettujugeslesgenssurdesfaitsquinesesontjamaisproduits.Tuesexactementcommetadinguedemère,tusaisça?

Ellearrêtalavoituredevantlerestaurantetserralefreinàmain.Ellesetournaversmoiet,suruntondur,ellerépondit:

–Ettoi,tueslarépliqueexactedelatienne.

1.Chaîneaméricainedesuperethypermarchés.

2.Chaîneaméricainedemagasinsdemeublesetdedécoration.

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24LOGAN

–Jenesuispasdutoutcommemamère!JepoursuivisErikadanslerestaurantenprotestantàvoixbasse.

– Je t’aivu ! répondit-elle sur lemême tonenmeplantant son indexdans lapoitrine. Je t’aivu,Logan!

–Tupensesavoirvuquelquechose,maiscen’étaitpasça.Jen’allaispaslefaire.–Arrêtedementir,espècedeconnard!Commentas-tupu?Tuavaispromis!Tuavaispromis!Avantquejepuisserépondre,Kellanvintversnous.–Pourquoivousavezmissilongtemps,vousdeux?Erikaavaitlevisagefermé,maiselles’efforçadesedériderenvoyantl’inquiétudedanslesyeuxde

sonfiancé.– J’avais un truc à faire, dit-elle en l’embrassant sur la joue. Mais nous voilà ! Et je meurs

d’impatiencedetevoirjouer.Kellantournaversmoiunregardinquiet.J’eusunpetithaussementd’épaules,incapabledevraiment

mentiràmonfrère.En baissant les sourcils pour me montrer qu’il comprenait, il fit un signe de tête vers la porte

d’entrée.–Tune veuxpas venir prendre l’air avecmoi,Lo ? Je ne commence à jouer que dans un quart

d’heure.–Ouais,biensûr.J’avaislesmainsenfoncéesdanslespochesdemonjean,lespoingstoujoursserrés,aprèslafaçon

dontErikam’avaitparlédanslavoiture.Maisjenepouvaispasvraimentluienvouloir.Ellenem’avaitjamaisconnuquesouslestraitsdelapersonnequej’étaisquandj’étaispartidesannéesplustôt.Àses

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yeux,j’étaisceconnardtoxicoquiavaitfichulapagailledansleurvieetbrisélecœurdesasœurennerépondantjamaisàsesappels.Àsesyeux,j’étaisletaréquiavaitfaillituerKellanetAlyssalesoiroù,alorsquej’étaiscomplètementshooté,j’avaisprislevolant.C’étaitàcausedemoisiAlyssaavaitperdunotreenfant.Auxyeuxd’Erika,j’étaisunbagageencombrantdontAlyssaetKellanavaientbienméritédesedébarrasser.

Àsesyeux,j’étaislemoiquej’avaisessayédetoutesmesforcesdenejamaisredevenir.Lorsquenoussortîmes,Kellanetmoi,lafraîcheurdecesoird’automnenoussaisittoutdesuitele

visage.Ils’appuyacontrelemurdebriquesdubar,lepiedgaucheposésurlespierresetlesyeuxfermés,latêtelevéeversleciel.Jemislamaindansmapochepourprendreunecigarettesetm’arrêtai.

Merde.Interditdefumer.Jem’appuyaicontrelemuràcôtédelui.– Comment tu tiens le coup ? je demandai en sortant mon briquet que j’allumai et éteignis

mécaniquement.–Franchement?–Oui.Ilouvritlesyeux,etjevisqu’illuttaitpourretenirseslarmes.–Jerépétaisàlaguitaretoutàl’heure,etmamains’estmiseàtrembler.C’estdéjàarrivél’autre

jour,mesmainsn’arrêtaientpasdetrembler.Jepensequec’estdansmatête,parcequej’aipeurdelachimio.J’ailuuntasdetrucssurinternetausujetdeseffetsdelachimiosurlecerveau.Ilarrivequelapersonneperdedesfonctionscognitives.Cequiveutdirequejepourraisneplusêtrecapabledejouerdelaguitare.Nid’écriredesparolesdechanson.Jeveuxdire…

Ilsemorditlalèvreinférieureetinspiraprofondément.Monfrère,sidur,sifort,étaitentraindecraquer.Etjenepouvaisrienyfaire.

–Jeveuxdire…lamusique…c’estmoi.C’estmavie.Maisj’aiperdutellementdetempsàlafuir,etmaintenant,sijenepeuxplusjouerdeguitare…

–Jejoueraiàtaplace,dis-je.J’étaissincère.Ilricana.–Tun’yconnaisrienenmusique,Logan.–Jepeuxapprendre.Putain,tutesouviensquandtuasapprisàfairelacuisineaprèsquemonpère

m’avaitcassélamain?–Tuveuxdirelafoisoùc’estmoiquiaifaitcuireladindepourThanksgiving?Jerigolai.–Ettugueulais:«Quiauraitpusavoirqu’ilfallaitfairecuirecettefoutuedindeàfeudouxpendant

plusdequatreheures?»quandtuasessayédeladécouper.–Maisc’estvrai,sérieux,quipouvaitsavoirça?–Heu,n’importequelindividudotéd’uncerveau?Jedoisdireàtadéchargequejen’avaisjamais

vuunedindetotalementcarboniséeàl’extérieurettotalementcrueàl’intérieur!Celademandedutalent.

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Tutesouviensdecequemamanadit?C’était undes rares bons souvenirs quenous avionspartagés.Nous répondîmes tous les deux en

chœur.–«Qu’est-ce que c’est que cemerdier ? ! Si vous aviez l’intention deme tuer, vous auriez pu

utiliseruncouteaudeboucher.Çaauraitétémoinsdouloureuxquecettefoutuedinde.»Nouséclatâmesderire.Cen’étaitpassidrôlequeça,enfait,maisc’étaitnerveux,etnousriionssi

fortquenoscôtesnousfaisaientmal.Deslarmesdesouvenirscoulaientsurmonvisage.Quandnotre rire se calma,un silence froidemplit l’espace,mais aumoinsce silencen’étaitpas

solitairepuisquemonfrèreétaitavecmoi.–Elleétaitcommentaujourd’hui?demandaKellanàproposdemaman.–Ne t’inquiètepas,Kel.Sérieusement.Maintenantque je suis rentré, jem’encharge.Tuasbien

assezdesouciscommeça.Àmontourd’aider.Ilinclinalatêteversmoi.–Ahouais,maisettoi?Commenttutienslecoup?Jesoupirai.Jenepouvaispasluidireàquelpointj’avaisététentédeconsommer.Jenepouvaispasluidirequecelam’avaitfendulecœurdevoirmamandanscetétat.Jenepouvaispasm’effondrerquandilavaitleplusbesoindemoi.Ilfallaitquejesoisfortpourlui,parcequetoutesavie,ilavaitétélapersonnequivenaitàmon

secours.Jen’étaispasunhéros,jen’étaispasnonplusunsauveur,maisj’étaissonfrère,etj’espéraissincèrementquecelasuffirait.

–Jevaisbien,Kellan.Ilnemecroyaitpas.–Jetejurequec’estvrai.Ilsavaitquec’étaitunmensonge,maisilfitsemblantdelecroire.–Jesuistrèsinquietpourmaman.Jenesaispasquoifairepourl’aider…etsijedisparais…Il s’arrêtait entre les mots alors que, je le sentais bien, ses démons intérieurs et ses peurs

échappaientàsoncontrôle.Jem’écartaidumuretmeplantaidevantlui.–Non,non.Necommencepasàdirecegenredeconnerie,ok?Écoute, tues là.Tuvas faire ta

chimio.Etçavamarcher.D’accord?Sesdoutesselisaientclairementdanssonregard.Jelesecouaigentimentparl’épaule.–Tunevaspasmourir,Kellan,d’accord?Samâchoiretrembla,etilfitunpetitouidelatête.–D’accord.–Non,dis-leavecplusdeconviction.Tunevaspasmourir!dis-jeenhaussantlavoix.–Jenevaispasmourir.–Encore!

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–Jenevaispasmourir!–Encore!–Jenevaispasmourir,putain!Cettefois,ilavaitcriéenlevantlesbrasd’unairvictorieux,unsouriresurleslèvres.Jeleprisdansmesbraset leserraifortcontremoi.Jedissimulai les larmesquicommençaientà

roulersurmonvisageetjehochailégèrementlatêteenmurmurant:–Tunevaspasmourir.Nous rentrâmes dans le restaurant et je le regardai jouer, ses mains tremblaient plus que je ne

voulais l’admettre, mais sa musique était bien meilleure que ce que j’avais jamais entendu. Erika leregardaitfixementcommesielleregardaitl’éternitédansl’âmed’unseulmec.Ellel’aimait.Cequiétaituneraisonsuffisantepourquejel’aime,elle.Mêmesiellemedétestait,unegrandepartiedemoil’aimaitparcequ’elleaimaitmonfrèredetoutsonêtre.

–Ilfautquejerentre,j’aiencoredescopiesàcorriger,ditErikaàlafinduset.Nous étions tous debout au bar, un verre à lamain.Nous riions avec Jacob en oubliant un petit

momentlaréalitédesjoursàvenir.–Jevaisrentreravectoi,ditKellan.Ilsortitsesclésdevoituredesapocheetmeleslança.–Tupourrasramenermavoiture,Logan.Cesmotspouvaientsemblerinsignifiantspourbeaucoupmais,pourmoi,celavoulaitdirequ’ilme

faisaitconfiance.Ilm’avaittoujoursfaitconfiance,mêmequandjeneleméritaispas.–Jeteretrouveàtavoiture,Erika.Jevaischerchermaguitare.Elleacquiesçaetsortit.Aumomentoùelles’éloignait,KellansepenchaversJacobavecleregard

leplusgravedumonde.–Hé,mec,jevoulaisjustetedire.Siquelquechosem’arrivait–ilfitunepauseetsetournavers

moi en souriant – ce qui nevapas se produire puisque je nevais pasmourir.Mais si quelque chosem’arrivaitquandmême,jeseraisd’accordpourquecesoittoiquiprennessoind’Erika,tuvois?Moi,celamevatrèsbien.

Jacobsepenchaenavant,lesdeuxcoudesposéssurlecomptoir.–Etc’estlemomentoùjetedisd’allertefairevoirpouravoirneserait-cequepenséuntrucpareil.Kellansemitrigoler.–Non,maisjesuissérieux.Tuveillerassurelle?–Jerefusedeparlerdeça,répliquaJacob.–C’estvraiKel,arrêtetonmélo.–Mec,j’aiuncancer.–N’essaie pas dem’apitoyer, ricana Jacob en lui lançant son torchon à la figure. J’en ai rien à

foutredetoncancer,dit-ilpourplaisanter.–Ouais,maispromets-moiquetut’occuperasd’elle,demanda-t-ilencoreunefois.

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Jacobsoupiraensepinçantl’arêtedunez.–Bon.Même s’il ne vaRIEN t’arriver, si ça peut te permettre demieux dormir, on s’occupera

d’Erika.Jetelepromets.Kellan eut l’air visiblement soulagé, ses épaules se détendirent et il hocha la tête avant d’aller

retrouversafiancée.Toutenenfilantmonblousonpourpartir,jefissigneàJacobd’approcher.Jemepenchaiverslui,

l’empoignaiparsonT-shirtblancetleregardaidroitdanslesyeux.– Si jamais je te vois reluquer Erika, d’une façon ou d’une autre, je jure devant Dieu que je

t’arrachelescouillesettelesfaisbouffer.Ilricanad’unairarrogantjusqu’àcequ’ilvoiequejeneplaisantaispas.–Mec.Erika est commeune sœur pourmoi.C’est dégoûtant.Maintenant, cette petiteAlyssa, en

revanche…Ilsouritetremualessourcils.–Tuesunindividuméprisable,dis-jesèchement.Ilsemitàrire.–Jerigole!Arrête.C’est tropdrôle.Tupeuxmefaireconfiance, lessœursWaters,c’estchasse

gardée.–Parfait.Jevoulaisjustem’assurerquenousétionsbranchéssurlamêmelongueurd’onde.–Sansproblème.EtpuisKellannevapasmourir.J’acquiesçaid’unsignedetête.ParcequeKellann’allaitpasmourir.

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25LOGAN

Lesmainsbienenfoncéesdansmespoches,jedansaisd’unpiedsurl’autresousleporched’Alyssa.Jenesavaispascommentjem’étaisretrouvélà.Jen’étaismêmepassûrqu’ellen’allaitpasmerefermerlaporteaunezenvoyantquec’étaitmoi.

Maisjenesavaispasoùaller.Niversquimetourner.Lorsqu’elleouvritlaporte,jelaparcourusdesyeuxenlavoyantlà,vêtued’undébardeurblancet

d’un jean serré.Nos regards se croisèrent et je faillis éclater en sanglots tellement le fait d’être prèsd’ellemerappelaitcequecelafaisaitdenepasêtreseul.

Ellecroisalesbrasethaussalessourcils.–Queveux-tu,Logan?As-tuencorel’intentiondemehurlerdessus?Demedonnerl’impression

d’êtreunemerde?Parcequ’ilestprèsd’uneheuredumatinetquejen’aipaslamoindreenvied’écouterça.

Laposture décidéequ’elle adoptaitme fit presque rire,mais quand j’ouvris la bouche,mon rires’étouffadansmagorge.

Sonregards’adoucit.Ellesortitsurleporche.–Qu’est-cequ’ilya?demanda-t-elle,alarmée.L’inquiétudeétaitperceptibledanssavoix.Jesecouailatête,l’estomacnoué.–Ilest…Jem’éclaircislavoixetenfonçaiencoreplusmesmainsdansmespoches.Jebaissailesyeuxsur

lesplanchesuséesdesonporche.–Ilest…–Lo.Parle-moi.

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Elleposaunemainrassurantesurmontorse,surmoncœur.Etàcecontact,celui-cisemitaussitôtàbattreplusvite.

–Qu’est-cequinevapas?J’ouvrislabouche,maisaucunsonn’ensortit.Jecommençaiàtremblerdetousmesmembresetje

parlaiavecdifficulté.–Unjour,quandj’avaisonzeans,monpèrem’aobligéàresterdehorssouslapluieparcequeje

l’avaissoi-disantmalregardé.Celafaisaitplusdequatreheuresquej’étais là,assissurunecaissedelait,etilmeregardaitparlafenêtrepours’assurerquejenebougeaispas.Eteuh…Kellanestpassépourdéposerdestrucs.Iln’avaitquequinzeans,maisilsavaitquemamanétaitdansundesesmomentsdecreux, alors il passait tous les jours pour voir comment j’allais. Il m’apportait de la nourriture. Desvêtementsdevenus troppetitspour lui.Quand ilarrivaaucoinde la rueetme trouvaassis là, trempéjusqu’auxos, je levisdevenir rougedecolèreet serrer lespoings.Je luidisqueçaallait,mais ilnem’écouta pas. Ilm’entraîna par lamain jusque dans l’appartement et semit à engueulermon père, letraitantdebonàrien.Cequiestdingue,non,quandonconnaîtmonpère.Personneneluiparlesurceton,personnen’osemêmeleregarderdanslesyeux.MaisKellanl’afait.Ilabombéletorse,aregardécesalauddroitdanslesyeuxetluiaditquesijamaisillevaitlamainsurmoi,oum’obligeaitencoreàfairedestrucsàlaconcommederesterdehorssouslapluie,illetuerait.Ilnelepensaitpas,biensûr.Kellanneferaitpasdemalàunemouche.Maisilaaffrontémaplusgrandepeur.Ils’estbattupourmoiquandjenepouvaispaslefairemoi-même.Etmonpèrel’afrappé.

Jepoussaiunlongsoupirenmeremémorantlascène.–Ill’asalementcogné.MaisKellanluiatenutête.Encoreetencore,ilaencaissélescoups.Pour

moi.Ilaencaissépourmoi.Ilatoujoursveillésurmoi,tusais?C’estmongrandfrère.C’estmon…Jesecouailatête,l’estomacserré,douloureux.–Il…Jemeraclailagorgeetserrailespoingsdansmespoches.Jebaissailesyeuxsurmeslacetsdéfaits.–Il…ilvamourir.Jehochailatêteenmerendantcomptequ’unefoisprononcés,cesmotsprenaienttouteleurréalité.

Monfrère,monhéros,quireprésentaittoutpourmoi,allaitmourir.–Kellanestmalade.Ilvamourir,High.Ilvamourir.Jetremblaisdefaçonincontrôlable,enessayantderetenirleslarmesquimebrûlaientlesyeux.Je

voulaismetaire,jevoulaiscesserdeparler,maisjen’arrivaispasàretenirlesmotsquimeterrifiaientleplusaumonde.

–Ilvamourir.Ilvamourir.Kellanvamourir.–Oh,Logan…–Çafaitcombiendetempsquetulesavais?Depuisquandsais-tuqu’ilestmalade?Pourquoine

m’as-tupasappelé?Pourquoin’as-tupas…Ilvamourir…Jesanglotais.Seigneur,j’étaisdansunsaleétat.Limitedeperdrepied.Maisellemetenditlamain.

Ellemepritdanssesbrasetmeserrasansdireunmot.Ellemetintseulementserrécontreellealorsque

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jem’écroulaissoussonporche,cesoird’été.Pendantunmoment,nousfûmesnousdenouveau.Pendantunmoment,ellefutlefeuquiréchauffait

mon cœur glacé le soir. Pendant un moment, elle fut mon sauveur. Mon havre de paix. Ma belle etbrillanteHigh.

Maisleshautssonttoujourssuivisdebas.–Quesepasse-t-il?demandaunevoixgraveprovenantdel’intérieurdelamaison.Jelevailesyeux.–Quiest-ce?demandalavoix.Elle appartenait à un homme vêtu d’une chemise aux manches roulées jusqu’aux coudes, d’un

pantalon de toile et de chaussures apparemment très chères. Il sortit sur le porche, et je m’écartaid’Alyssa,surpris.

–Dan,jeteprésenteLogan,mon…Elle hésita, ne sachant plus ce que nous étions l’un pour l’autre, et pour cause. En vérité, nous

n’étionsplusrien.Nousn’étionsquelevaguesouvenirdequelquechosequiavaitexistépar lepassé.Riendeplus,riendemoins.

–C’estunvieilami.Unvieilami?Jet’aimais.Unvieilami?Tuasfaitdemoiquelqu’und’autre.Unvieilami?Tum’astellementmanqué,putain.–Est-cequetoutvabien?demanda-t-il.Danvintplusprèsd’Alyssa, lesyeuxplissés. Ilposaunemainprotectricesur sonépauleet,une

fractiondeseconde, je fus tentéde le frapperpour luiapprendreà la toucher,àposer lamainsurmacopine.Maisaussitôtjemerappelai.

Ellen’étaitpasàmoi.Ellenel’étaitplusdepuisdesannées.Ellesedégagead’unmouvementd’épaule.Jedétournailesyeux.–Jevaisyaller.Jerigolai,maisiln’yavaitriendedrôle.Jefisclaquerl’élastiquesurmonpoignet,redescendisles

marchesetentendislavoixd’Alyssaquim’appelait.Jenerépondispas.Jenetinspascomptenonplusdeladouleurquidévoraitmonâme.Rienn’estsûrdanscemonde,maispourtantj’étaissûrd’unechose,jemeferaistoujoursavoir.

***

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Assis en haut du panneau publicitaire, je regardais les étoiles briller dans le ciel. J’avais lespaupièreslourdes,maisjenepouvaispasrentrerchezKellan.Jenepourraispassupporterdelevoir.Ilfallaitquejedormeet,pendantunmoment,j’avaisenvisagédedormirlàenpleincieljusqu’àcequelesoleilmeréveille.Maischaquefoisquejefermaislesyeux,jerevivaislemoment,quelquesheuresplustôt,oùJCavaitconfirmélaplusmauvaisenouvelledetoutemavie.

Moncœurmefaisaitplussouffrirquecelanedevraitêtrepermis.C’estmonfrère…Jenepouvaispasimaginerqu’ilpuissedisparaître.Etjemedétestaisencemoment.Jemedétestais

parceque,quelquepart,j’avaisterriblementenviedesortirmontéléphoneetdecomposerlenumérodegensqu’il faudrait que jene revoie jamais, pourmeprocurerde ladope.Unepart importantedemoiavait envie de retomber dans le trou, parce qu’au fond de ce trou, les sentiments n’existent pas.Rienn’était réel pour une personne qui était au fond du trou, alors la douleur du réel ne refaisait jamaissurface.

Jepliai les jambesetpassai lesbrasautourdemesgenoux.Jenepriaipas.JenecroyaispasenDieu.Maisunefractiondeseconde,j’envisageaidedevenirassezhypocritepourm’ymettredèscesoir.

Jefermailesyeuxetlevailatêteversleciel.

J’entendis des pas étouffés au début. Puis l’échelle métallique se mit à se balancer d’avant enarrièretandisqu’ellegrimpaitjusqu’ausommet.

Elle tenait un sac en plastique à la main, elle portait toujours le même jean serré et le mêmedébardeur,etsesyeuxn’avaientpasperduleurexpressioninquiète.

Elle eut un petit haussement d’épaules, les mots étaient superflus, mais je savais qu’elle medemandaitlapermissiondevenirs’asseoirprèsdemoi.Jerépondisparlemêmehaussementd’épaules,etellesutquecelavoulaitdireoui.Àmesurequ’elles’approchaitdemoi,mesyeuxsemirentàpiqueretmon cœur à battre la chamade. Elle s’assit à ma gauche, remonta les genoux sous sonmenton et lesentouradesesbras,exactementcommemoi.Nous tournâmes la tête l’unvers l’autreetnosregardssecroisèrent.

Elle ouvrit le sac en plastique et en sortit un paquet d’Oreos, une barquette de framboises, unebriquedelaitécréméetdeuxgobeletsrouges.

J’écoutailefroissementdel’emballagequandelledéchiralepaquetdegâteaux,faisantjaillirunepetitepartiedenotrepassé.

Jedébouchailabriquedelaitetremplisdeuxgobelets.Elleouvrituncookie,ydéposauneframboise,lerefermaetmeletendit.Jenemesouvenaisplusdeladernièrefoisquej’avaismangéunOreoàlaframboise.Ellefitundemi-sourireethochalatête.Jehochailatêteenretour.–Çavaaller,LoganFrancisSilverstone,dit-elle.–Çavaaller,AlyssaMarieWalters.Nousnousdétournâmesl’undel’autre,mangeâmeschacunlamoitiédupaquetdecookiesavecles

framboises,etregardâmeslecieléclairé.

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Quandelleeutfroid,jeluidonnaimonsweatàcapuche.Quandmoncœursebrisa,ellemetintlamain.

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26ALYSSA

–Hé,réveille-toi.Jesentisun légercoupdecoudedans lescôtesetmefrottai lesyeux.En lesouvrant lentement, je fuséblouieparlesoleilquiinondaitmonvisage.Logansetenaitdeboutdevantmoi.

–Hé,lève-toi.–Oh…quelleheureest-il?jedemandaienbâillant.Jen’avaispasprévudem’endormirlà.Jevoulaisrentrerchezmoipourmerecoucherauchaudet

fairecommesiLogannefaisaitpluspartiedemonmonde,maisilavaitl’airsiabattuhiersoir.–Ilesttempsquetut’enailles,siffla-t-il.Jemeredressai,surpriseparsonattitude.Il remettait tous les trucsquej’avaisapportés laveille

danslesacplastiquequ’ilmetenditd’ungestebrusque.–Nerevienspasici,d’accord?–Pourquoies-tusigrossier?–Parcequejeneveuxpasdetoiici.Etrends-moimonsweat.–Trèsbien.Je me levai et lui lançai son sweat. Mon cœur battait à se rompre quand je me dirigeai vers

l’échellepourm’enaller.Maisaumomentdedescendre,jemeretournaivivement.–Jen’airienfaitdemal.C’esttoiquiesvenuchezmoihiersoir.Paslecontraire.–Jenet’aipasdemandédevenirmerejoindreici.Jenet’aipasditd’apporterdescookiesettout

lereste,commedanslebonvieuxtemps.Aucasoùtunelesauraispas,nousnesommespluslesmêmesqu’àcetteépoque-là.Seigneur.Ettonpetitami,illesaitaumoinsoùtuétaiscettenuit?

Jericanai,choquée.–Alors,c’estça?Tucroisquej’aiunpetitami?Logan!Dann’estpas…

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Illevalesyeuxauciel.–Jemefouscomplètementquetuaiesunpetitami.Maisjepensequeçaenditlongsurtoidevoir

queçanetedérangepasdepasserlanuitavecunautrehomme.Ilsaitoùtuesencemoment?Jeveuxdire,Alyssa.Tuteconduiscommeunevraiep…

Jem’avançaidevantluienlevantlamaindevantsabouchepourl’empêcherdecontinuer.–Jesaisquetuesmalheureux.Tuaspeurettutevengessurmoiparcequejesuisuneciblefacile.

Cen’est pasgrave. Je veuxbien être ta cible.Déverse toute ta colère surmoi.Dis-moidene jamaisrevenir ici, le seul endroit quime fait penser à toi.Dis-moide ficher le camp.Maisnemeparlepascommeça,LoganFrancisSilverstone.Jenesuispas legenredefilleque tupeuxrabaissercommeçaparcequej’aiessayéd’êtrelàpourtoi.Jenesuispaslegenredefillequ’ontraitedeputain.

Uninstant,ilbaissalatête,unéclairdeculpabilitétraversantsonregard,avantdesoufflerd’unairagacé.

–Jesuisdanscettevillepourunpetitmoment,ok?Alors,sionpouvaits’arrangerpournepasserencontrer,ceseraitmieux.J’aieutortdevenircheztoihier,maisc’estterminé.Nousn’avonsaucuneraisondecommuniquer.Ilestclairquenousn’avonsplusrienànousdire.

–Jesuisdésoléesijet’airenduleschosesplusdifficiles.Jegarderaimesdistances.Maissituasbesoindemoi, tusaisque jesuis là,d’accord?Tusaisoùmejoindre.Et,pourque leschosessoientclaires,Dan n’est pasmon petit ami. Il ne l’a jamais été et ne le sera jamais.C’est juste un ami quim’aideàchercherunepropriété.Ilavaitunpeutropbuetilestrestédormirsurmoncanapé.Jen’aipasderelationamoureuse.Etçafaitunbailquejen’enaipaseu.Aucunedemesaventurespasséesnes’estconcrétisée.Etmaintenant,jesaispourquoiçan’apasmarché.

Jeprisuneprofondeinspirationetjefermailesyeux.–C’estparcequependanttoutcetemps,j’attendaisungarçondontjecroyaisqu’ilm’avaitaiméeun

jour.–Pourl’amourduciel,Alyssa,jem’enfous!Jemefousdecequisepassedanstavie.Etilfaut

que tu comprennes quelque chose : toi et moi, on ne se remettra jamais ensemble. On n’aura pas de«happyend».

Ilmetournaledosalorsquesesparolesmetransperçaientlecœur.–Çat’arrivedepenserànous?Depenseràmoi?murmurai-jeenmepassantlesdoigtssurlecou.

Çat’arrivedepenseraubébé?Ilneseretournapas,maissesépauless’affaissèrent.Ilnefitpasunmouvement.Disquelquechose!N’importequoi!Maisdisquelquechose!–Va-t’enAlyssa.Etnerevienspas.Lagorgesèche,jedéglutisavecdifficulté.Disn’importequoi,saufça.

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27LOGAN

Plusieurs semaines avaient passé depuis que j’étais revenu pour être avecKellan. Il avait subi deuxséancesdechimiothérapieetnesemblaitpasenêtretropaffecté.D’unehumeurunpeupluschangeantepeut-être. Ilavait tendanceàs’agacerquandErikasepréoccupaitdeses traitementset luidemandaitàtoutboutdechamps’ilallaitbien.Elleétaittoutelajournéesursondos,etpourêtrehonnête,jeluienétaisreconnaissant.Jesavaisquecelal’énervait,qu’illatrouvaitenvahissante,maiscelamelaissaitunpeuderépitdesavoirqu’ilétaitsibienentouré.

Le mariage aurait dû avoir lieu le week-end précédent, mais ils l’avaient repoussé au moisprochain.Jemedemandaiscombiendefois ilallaitêtrereprogrammécommeça.Jesavaisquec’étaitKellan qui reportait la date, à cause de ses doutes à propos de samaladie. Le jeudi, ilme donna del’argent pour aller faire des courses pour maman. En allant chez elle, j’emportai des produits denettoyage.Son appartement était dans un état épouvantable. Je trouvaimamère dans les vapes, sur lecanapé,etjen’essayaimêmepasdelaréveiller.Tantqu’elledormait,elleneconsommaitpas.

Je trouvais ça dingue de voir à quel point elle avait l’air d’un ange quand elle dormait. C’étaitcommesisesdémonsétaientenveilleetquesavraienaturereprenaitledessus.Jeremplislefrigoetlesplacardsdenourriturequines’abîmeraitpastropvite.Jenesavaispastropcequ’ellemangeait,maiscommeça,ellepourraitseservirlesquantitésqu’ellevoudrait,sansqueçasepérimetoutdesuite.Jeluiavaisaussifaitdeslasagnes.Undemesmeilleurssouvenirsavecelle,c’étaitlafoisoùelleavaitdécidédesefairedésintoxiqueretqu’ellem’avaitdemandédepréparerunrepaspourfêterçaavantdepartirencure.Onavaitri,onavaitmangéetonavaiteuunaperçudecequenotrevieauraitpuêtresionavaitétécleantouslesdeux.

Ensortantdelamaison,elleétaittombéesurmonpère,etladésintoxicationn’étaitdéjàplusqu’unvaguesouvenirpourelle.

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Jenettoyail’appartementdefondencomble,enmemettantmêmeàgenouxpourfrotterlamoquette.J’emportai tous ses vêtements à la laverie automatique et, pendant que les machines tournaient, jeretournaiàsonappartementetcontinuaileménage.

Ellenese réveillaqu’aprèsmonretourde la laverie,alorsque jepliaissesvêtements,assisparterre.Elleseredressaenbâillant.

–J’aicruquej’avaisrêvéquetuétaisvenul’autrejour.Jeluifisunpetitsourire,qu’ellemerenvoyaenfrottantsesbrasmaigres.–Tuasfaitleménage?–Ouais.J’aifaitdescoursesetlalessive,aussi.Sesyeuxs’emplirentdelarmes,maisellecontinuaàsourire.–Tuasl’airenforme,mongarçon.Ellen’arrêtaitpasdehocherlatêtetandisqueleslarmescoulaientsursesjoues.Ellenelesessuyait

pas,maisleslaissaitcoulersursonmenton.–Tuasvraimentl’airenforme.Laculpabilitépritledessus,etellesemitàsegratter.–Jesavaisquetuenétaiscapable,Logan.Jesavaisquetupouvaisarrêter.Parfoisj’aimerais…Ellenefinitpassaphrase.–Cen’estpastroptard,tusais,M’man.Onpeutt’inscrirepourunecure.Onpeuttedésintoxiquer,

toiaussi.Jen’auraispascruquej’avaisencoreçaenmoi,cetteétincelled’espoirquej’avaistoujourseue

pourelle.Jevoulaisqu’elleéchappeàcemilieu.Aufonddemonâmesubsistaitcedésird’avoirnotremaisonànous,loindecelieuquireprésentaittellementd’horreurspourellecommepourmoi.

L’espace d’un instant, on aurait dit qu’elle y pensait, elle aussi. Mais elle cligna des yeux etrecommençaàsegratter.

–Jesuistropvieille,Logan.Jesuistropvieille.Viensprèsdemoi.J’allaim’asseoiràcôtéd’ellesurlecanapé.Ellepritmesmainsdanslessiennesensouriant.–Jesuissifièredetoi.–Merci,M’man.Tuasfaim?–Oui,dit-elle,cequimesurprit.Jemis les lasagnes dans le four et quand elles furent prêtes, nous nous assîmes à table pour les

mangerdirectementdansleplat.J’auraisvouluenfermercemomentdansmoncœuretlegarderlàpourtoujours.

Pendantqu’ellemangeait,leslarmescontinuaientàcoulersursonvisage.–Tupleures.–C’estvrai?Elles’essuyalevisageetmesouritdenouveau.Maissonsourireétaittriste.–CommentvaKellan?–Tusavais…

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Ellehochalatête.–Çava.Ilm’ademandédel’accompagneràuneséancedethérapielasemaineprochaine.Ilvase

battre,tusais.C’estundur.–Oui,murmura-t-elleenmangeant.Ilyavaitlongtempsquejenel’avaispasvuemangerautant.–Oui,ilestfort.Ilestfort.Seslarmessemirentàcoulerencoreplusvite,etjelesessuyai.–C’estdemafaute,tusais.C’estmoiquiluiaifaitça…J’aiétéunemauvaisemère.Jen’aipasété

làpourvous,mesgarçons.–Arrête,M’man.Jenesavaispastropquoidirenicommentsécherseslarmes.–Non,c’estvrai.Tulesais.J’aidéconné.Jemesensresponsable.–Cen’estpastoiquiluiasdonnélecancer.–Maisjenevousaipasfaituneviefacile.Toi,tuasfaitunecurededésintoxication,Logan.Tul’as

fait.Moi,j’étaisavectoipourfêtertesseizeansetonasniffédelacoke.Jet’airefilémonaddiction…Elleremuaitlatêtedegaucheàdroite.–Jesuistellementdésolée,tellementdésolée.Elleétait totalementabattue.Totalementpaumée.Pourdire lavérité, jene l’avais jamaisconnue

autrement.Pendantdesannées,jeluienavaisvoulu.Jeluireprochaisleschoixqu’elleavaitfaits,maiscen’étaitpasdesafaute.Ellenefaisaitquetournerettournerdanssaproprerouedehamster,incapabled’arrêterdereproduiretoujourslesmêmeserreurs.

–Onvatousallerbien,M’man.Net’enfaispas.Jeprissamaindanslamienneetlaserrai.Àcemoment-là,laported’entrées’ouvritbrutalementet

Rickyentraentrombe.Àl’instantoùjelevis,jefusstupéfaitdemerendrecompteàquelpointmahainepourluiétaittoujoursvivace.

–Julie,c’estquoicebordel?Ilavaitbeaucoupchangédepuisladernièrefoisquejel’avaisvu,cinqansplustôt.Ilavaitl’air…

brisé?Vieux.Fatigué.UnpantalondesurvêtementetunT-shirtavaientremplacélescostumesdemarquequ’ilportaittoujoursàcetteépoque-là.

Desbasketsavaientremplacéleschaussuresdeluxe.Sesbrasautrefoissimusclésn’étaientplusdutoutaussicostauds.

Jemedemandais’ilneconsommaitpaslamerdequ’ildealait.–Tumedoiscinquantedollars,hurla-t-il.Ils’arrêtaenmevoyantetinclinalatête,stupéfait.–Est-cequej’aicroiséunfantôme?Mapoitrineseserracommechaquefoisquejemetrouvaisenfacedelui.Trèsvite,sasurprisese

transformaenunsourire sinistre. Il semblait contentdeme revoir,presquecommes’il avait suque jereviendrais.

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Ils’avançaversmoiengonflantletorse.–Tusais,ilyavaitunbruitquicouraitcommequoituseraisrevenu,maisj’aicruquec’étaitdes

conneries.Maismaintenantquetueslà,tupeuxvenirtravailleravecmoi,dansl’affairefamiliale.–Jeneferaijamaisça.Jenevaisjamaisreprendrecechemin-là.Ilplissalesyeuxetjeleregardaiinspireretexpirerd’unairgrave.Puisilsemitàrire.–J’adore.Çamefaitmarrerquetupensessérieusementêtreassezfortpourresterclean.Ilvintcollersonnezcontrelemienmais,aulieudereculer,jeluitinstête.Jen’avaispluspeurde

lui. Jenepouvais pas avoir peur. Ilme repoussade son torse contre lemien en essayant deme fairecéder.

–Maisjeteconnais,Logan.Jevoisdanstesyeuxlemêmeêtrefaiblequ’ilyacheztamère.Ilestimpossiblequeturéussissesànepasreplonger.

Jevisalorsdeslarmesseformerdanslesyeuxdemamère.Celadevaitluifairecommeuncoupdepoignarddanslecœur,parcequetoutesavieellen’avaitrienfaitd’autrequel’aimer.Elleavaitgâchétoutescesannéesàaimerunhommequin’aimaitqueladomineretlarabaisser.

–Laissemamère tranquille,dis-jepour ladéfendre,parcequ’elleétait incapabledesedéfendreelle-même.

Ilricana.–J’aimetamère.Julie,c’estpasvraiquejet’aime?Elleestlaseuleetuniquepourmoi.Iln’ya

quetoipourmoi,Bébé.Mamèrefitunpetitsourire,commesiellelecroyait.Unechosequejen’avaisjamaispucomprendre.Ilmerendaitmalade.–Tunel’aimespas.Tuaimesladominer,parcequeçamasquelefaitquetoi,tun’esriend’autre

qu’unputainderat.J’eusunmouvementdereculquandsonpoingentraencontactavecmonœil.–Ceputainderatpeuttoujourstebotterlecul,gamin.Maisj’aiperduassezdetempscommeça

avectoi.Julie,file-moimonfric.–Ricky,dit-elle,lavoixtremblantedepeur,Jenel’aipaslà,toutdesuite.Maisjevaisl’avoir.Je

doisjuste…Ilallaitlafrapper,maisjememisdevantluietcettefoisj’arrêtaisonbras.– Et alors ? Tu es parti faire une cure dans une clinique chic et tu es revenu en pensant que tu

pouvais retrouver ta place ici, Logan ? dit-il, agacé. Crois-moi, tu n’as pas intérêt àm’avoir commeennemi.

Jesortismonportefeuilledemapocheetcomptaicinquantedollars.–Tiens,prendsçaettire-toi.Ilhaussaunsourcil.–J’aiditcinquante?Enfait,c’étaitsoixante-dix.

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Connard. Je sortis encorevingtdollars et les lui fourraidans lamain. Il accepta lesbillets sansrechigneretlesenfonçadanssapoche.Puisilsepenchasurleplatdelasagnes.

–C’esttoiquiasfaitça,fiston?Ilsavaitqu’enm’appelantfiston,ilallaitmemettrehorsdemoi.Ilpritunecuilleréedelasagneetla

recrachadansleplat,pourgâchertoutlereste.–C’estdégueulasse.–Ricky,ditmamèrepourprendremadéfense,maisillafittaired’unregard.Ilyavaitsi longtempsqu’il l’avaitréduiteausilencequ’ellenesavaitpluscommentretrouversa

voix.–Tufaiscommesijeneprenaispassoindetoi,Julie.C’estvraimentvexant.N’oubliepasquiaété

làpourtoiquandcegarçonestpartient’abandonnant.Ettutedemandespourquoic’estsidurpourmoidet’aimer?Tumetrahisàlapremièreoccasion.

Ellebaissalatête.–Etça?Ilfaittescoursesetremplittonfrigo?Maisçaneveutpasdirequ’ilt’aime,ça,Julie.Ilouvritlesplacardsetleréfrigérateuretsortittoutelanourriturequej’avaisapportée,ouvrittous

lesemballagesetjetalecontenuentassurlesol.Jevoulusl’arrêter,maismamèremefitsignederestertranquille.Ilouvritunpaquetdecéréalesenmeregardantdroitdanslesyeuxetlevidalentementsurletasavantd’ouvrirunebouteilledelaitetdefairelamêmechose.

Puisilpiétinaletoutavecsesbasketsetsedirigeaverslaporte.–J’aiuneaffaireàrégler,dit-ilavecunsouriresatisfait.Julie?–Oui?murmura-t-elle,toutetremblante.–T’asintérêtànettoyertoutcebordelavantquejerentre.Quandilclaqualaporte,moncœurseremitàbattreàunrythmenormal.–Çava,M’man?Elleétaittendueetnemeregardaitpas.–C’estdetafaute.–Quoi?–Ilaraison.Tum’aslaisséetomber,alorsquelui,ilétaitlàpourmoi.C’estàcausedetoiqu’ila

faittoutcemerdier.Toi,tun’étaispaslàpourmoi.Lui,ils’estoccupédemoi.–M’man…–Fouslecamp!cria-t-elle,leslarmesauxyeux.Elleseprécipitasurmoipourmefrapper,exactementcommeellelefaisaitquandj’étaisplusjeune.

S’enprenantàmoiparcequecedémonnel’aimaitpas.–Fous lecamp!Fous lecamp!Toutça,c’estde tafaute!C’estde tafautes’ilnem’aimepas.

C’estdetafaute,toutcebordel!C’estdetafautesiKellanvamourir.Tunousaslaisséstomber!Tunousasquittés!Tunousasquittés.Alorsmaintenant,va-t’en,Logan.Va-t’en.Va-t’en.Va-t’en!cria-t-elleenmemartelantlapoitrine.

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Sesparolesmedécontenançaient,meblessaient,mebrûlaient.Elleétaithystériqueetmerappelaittroplamèrequej’avaisconnueetdétestée.Sesparolesrésonnaientdansmonesprit.

C’estdetafaute.C’estdetafaute,toutcebordel.C’estdetafautesiKellanvamourir.Tunousasquittés.Tunousasquittés.Tunousasquittés…Kellanvamourir…

La poitrine en feu, je clignai des paupières encore et encore en essayant de ne pasm’effondrer.Comment en étais-je revenu là ? Comment avais-je fait pour me retrouver exactement dans la mêmesituationquecinqansauparavant?Commentavais-jefaitpourmeretrouverdanscetterouedehamsterquej’avaismistantdetempsàfuir?

Ellen’avaitpasarrêtédemefrapper,pasarrêtédem’accuser.Alors, j’avais faitmesbagagesetj’étaisparti.

***

Logan,onzeans–Alors,onselacouledouce?Quandmonpèrefitirruptiondanslesalon,jeregardaisCartoonNetwork 1,assisparterre.En

faisant de mon mieux pour ne pas lui accorder d’attention, je continuai à manger mes céréalesCaptainCrunchdansunbol.Ilfumaitetsouritd’unairsuffisantdevantmatentativedefairecommes’iln’étaitpaslà.

Iln’étaitquequatreheuresdel’après-midietiltitubaitdéjà.Ilétaittotalementivre.–T’essourd,gamin?Il s’approchademoietmepassa ledosde lamainsur la têteavantdemedonnerunebonne

gifle.Soncontactmefit frissonner.Mais jecontinuaiànepasrépondre.Kellansavaitàquelpointmon père pouvait devenir violent et il disait que le mieux, c’était de ne pas réagir. Kellan avaitbeaucoupdechanced’avoirunautrepère.J’auraisvouluavoirunautrepère,moiaussi.

J’étaisimpatientquemamanrentreàlamaison.Celafaisaitplusieursjoursqu’elleétaitpartie,mais quand elle m’avait appelé le week-end précédent, elle avait dit que je la reverrais bientôt.J’auraisvouluquemonpères’enailleetnereviennejamais.Quandsamainpassasurmonomoplate,jemerecroquevillaienrenversantmonboldecéréales.Ilritvicieusement,contentdevoirquej’étaismalàl’aise.Illevalamainetmegiflasurl’oreille.

–Ramassecemerdier.Etd’abord,qu’est-cequetufousàmangerdescéréalesàquatreheuresdel’après-midi?

J’avais faim, et il n’y avait rien d’autre àmanger.Mais je ne pouvais pas lui dire ça. Je nepouvaisrienluidiredutout.Jemelevaientremblantetj’entreprisderamasserlescéréalesdanslebol.Monpèresemitàsifflerunairtirédudessinaniméquejeregardais,etmoncœursemitàbattrecommeunfou.

–Magne-toilecul,gamin.Ramassecettemerde.Foutrelebordelchezmoi,nonmaisqu’est-cequet’asdanslecrâne?

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Leslarmesmemontèrentauxyeux,etjem’envoulaisdemelaisserimpressionner.Àonzeans,onestcenséêtreplusdurqueça.Jemesentaisfaible.

–RamasseÇAtoutdesuite!Jenesupportaisplussessautesd’humeurdepoivrotetsonéternelmécontentementvis-à-visde

moi.Jeramassaileboldecéréalesetleluijetaiàlafigure.Manquantsatêtedepeu,ilallas’écrasersurlemur,sebrisantenmillemorceaux.

–Jetedéteste!Deslarmesbrûlantesroulaientsurmesjoues.–Jeveuxquemamanrevienne!Jetedéteste.Sesyeuxs’élargirentet jememisàpaniquer,regrettantdéjàmonéclat.Kellanauraitété très

déçu.Jen’auraispasdûrépondre.Jen’auraispasdûréagir.J’auraisdûallerm’enfermerdansmachambrecommed’habitude.

Maisiln’yavaitpaslatéléetlesdessinsanimésdansmachambre.Jevoulaisseulementêtreungamincommelesautres,neserait-cequ’unejournée.Monpèreseretournaetm’attrapaparlebras.–Tuveuxfairelemalin,hein?Ilmetiraparlebrasàtraverslapièceenmefaisanttrébucher.–Ah,tumecherches!Ilmetraînadanslacuisineoùilouvritleplacardsousl’évier.–Non.Jesuisdésolé,Papa!Jem’excuse!Je criais en essayant de me libérer de sa poigne. En ricanant, il me poussa à l’intérieur du

placard.–Tiens,tesfoutuescéréales,dit-ilensaisissantlepaquetetenmelevidantsurlatête.Quandilrefermalaporteduplacard, je fismonpossiblepour larouvrir,maisellenebougea

pas.Ilavaitmisquelquechosedevantpourlamaintenirfermée.–S’ilteplaît,papa!Excuse-moi!Nemelaissepas.Jesuisdésolé.Maisilnem’écoutaitpaset,auboutd’unmoment,jen’entendismêmepluslebruitdesespas.Je ne sais pas combien de temps s’était écoulé depuis qu’ilm’avait enfermé dans ce placard,

maisjem’étaisendormideuxfoisetjem’étaispissédessus.Quandmamèremetrouva,elleavaitl’airauboutdurouleauetellesecoualatête,l’airexaspérécontremoi.

–Oh,Logan.Ellesoupiraensepassantlamaindanslescheveux,puiselleallumaunecigarette.–Maisqu’est-cequetuasencorefait?

1.ChaînedeTVaméricainedestinéeàlajeunesse,spécialiséedansladiffusiondesériesd’animation.

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28ALYSSA

–Logan, est-ceque tu te rends compte àquel point c’est perturbant ? jedemandai, lesbras croisés,quandjeletrouvailà,sousmonporcheenT-shirtetjeannoirs.

Lafraîcheurdelabrisemefitfrissonner,cequin’avaitriend’étonnantétantdonnéquejeneportaisqu’un T-shirt trop grand et des chaussettes quimontaient jusqu’aux genoux. Enme tournant le dos, ilavançajusqu’aubordduporcheetsaisitlarampe.Ilplongealesyeuxdansl’obscurité.Lesmusclesdesesbrassaillirentquandils’accrochaàlarampedebois.Quandnousétionsplusjeunes,ilétaitbeau,maispasaussibienbâti.Maintenantilressemblaitàunesortededieugrec,etmesjambesflageolaientsimplementenleregardant.

–Jesais.C’estjusteque…jenesaispasoùaller.Ilseretournaetjepoussaiuncriétoufféenvoyantsonœilaubeurrenoir.Jemeprécipitaiverslui,

etlorsquejel’effleuraiduboutdesdoigts,ileutungestederecul.–C’esttonpère?Ilfitouidelatête.–SijerentrechezKellancommeça,ilvaflipper.Oh,Lo…–Tuvasbien?Ettamère?Jem’interrompis.C’étaitcommesinousretournionsdanslepassé,quenousrevivionslesmêmes

scènesquenousavionsvécues.J’auraisaiméquecenesoitpasundessouvenirslesplusrécurrents.–Ellenevapasbien.Maisçava.Déjàvu 1.–Entre,dis-jeenleprenantparlamain.Ilsecoualatêteetretirasamain.

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– La dernière fois que nous nous sommes vus, tu m’as demandé quelque chose et je n’ai pasrépondu.

–Quoi?–Tum’asdemandés’ilm’arrivaitdepenseraubébé.Ilsepassalamainsurlanuque.–Jepensequ’àlafindel’étéil,ouelle,auraitcommencéàalleràlamaternelle.Jemedisqu’il

auraitpeut-êtreeutonrireettesyeux.Jemedisqu’elleauraitprobablementmâchonnésoncoletauraiteulehoquetquandelleauraitétéstressée.Jepenseàlafaçondontsoncœurbattrait.Àlafaçondontellet’aimerait.Àlafaçondontilmarcherait,parlerait,sourirait,fronceraitlessourcils.J’ypense.Plusquejenelevoudrais.Etpuis…

Ilseraclalagorge.–Etpuisjepenseàtoi.Jepenseàtonsourire.ÀlafaçondonttumâchonneslecoldetesT-shirts

quandtuesstressée,etaussiquandtuesintimidée.Jepenseàlafaçondonttuaslehoquet, troisfois,quandtuesencolèreetque,chaquefoisquetamèreterabaisse,celatefaitdumal.Jemedemandeàquoitupenseslessoirsd’orage,ets’ilt’arrivequelquefois,l’espaced’uninstant,depenseràmoi.

Jesoupirai.–Lo.Entre.–Nem’invitepasàentrer,murmura-t-ilentresesdents.–Quoi?–J’aidit,nem’invitepasàentrer.–Tuneveuxpasqu’onparle?–Non.Ilmeregardadroitdanslesyeux.–Non.Jeneveuxpasparler.Jeveuxoublier.Jeveuxobligermonespritàarrêterdeserappeler

toutescesconneries.Jeveux…High…Lesoufflecoupé,ilnetrouvaitplussesmots.UnepersonneneconnaissantpasLogann’auraitpas

perçuletremblementdanssavoix.Maismoijel’entendis, jeleconnaissaisbien,etsonespritétaitentrain de s’égarer de nouveau dans ces contrées obscures. Il fit un pas versmoi, et jem’immobilisai.J’avaisenviedelesentirplusprès.Cettesensationmemanquait.Samainseposasurmajoueetjefermailesyeuxàladouceurdececontact.

–Jevoudraisteparler,maisjenepeuxpas.Parcequesinon,nousallonsnousretrouveraumêmepointquetoutescesannéesenarrière,etjenepeuxpasrecommencer,Alyssa.Jenepeuxpasretomberamoureuxdetoi.Jeneveuxpastefairesouffrirunefoisdeplus.

Moncœurcessadebattreuninstant.–C’estpourçaquetut’esmontrésiodieuxavecmoi?Ilhochalatêtelentement.–Logan.Nouspouvonsêtreamis.Nousnesommespasobligésd’avoirunerelation.Allez,entre,on

vaendiscuter.

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–Jenepeuxpasêtretonami.Jeneveuxpasdiscuteravectoi,parcequequandjeparle,jeblesse.Etjeneveuxplusfairedemal.Mais…jesuisincapablederesterloindetoi.J’essaie,maisjenepeuxpas.J’aienviedetoi,High.

Àcesmots,desfrissonscoururenttoutlelongdemacolonnevertébrale,etmonespritsebrouilla.–J’aienviedepasserlesmainsdanstescheveux,murmura-t-ilenpassantduboutdesdoigtsunede

mesbouclesderrièremonoreille.J’aienviedepassermalanguesurtoncou.J’aienviedetetoucher.Ilpassalamainsurmajoue.–J’aienviedetesentirsousmeslèvres.Saboucheeffleuralentementlacourbedemoncou.–J’aienviedetelécher.Ilpritlelobedemonoreilleentreseslèvresetlesuçadélicatement.–J’aienviede…putain…Ilsoupiraenm’attirantcontrelui.– J’ai envie de toi, Alyssa. J’ai terriblement envie de toi. Tellement fort que je n’arrive plus à

penseràautrechose.Alors, je t’enprie,pouréviterdecréerplusdeconfusionentrenous…siffla-t-ilcontremonoreilleavantd’ensucerdoucementlelobe,nem’invitepasàentrer.

Moncœurs’emballa,etjereculaidequelquespasjusqu’àmeretrouvercoincéecontrelemurdemamaison.Ilserapprocha,m’emprisonnantdanssesbras.Ilplongeasonregarddanslemien,pupillesdilatées, débordant de désir, d’envie, d’espoir… ? Peut-être n’était-ce quemon propre espoir que jevoulais voir encore exister dans son regard. Mes cuisses frémissaient, mon esprit était en pleineconfusion.Quelquepart,jemedemandaissijenerêvaispas,maissurtout,celam’étaitégal.Jevoulaisvivrecerêve.Ilm’avaittantmanqué.J’yavaispensépendantcescinqdernièresannées.Jevoulaissentirsoncorpsserrécontrelemien.Jevoulaisressentiràquelpointjeluiavaismanqué.Jevoulaismecollercontreluietl’embrasser.

Jevoulaisletoucher…Lelécher…Lesucer…Lo…–Logan,murmurai-je,incapablededétournerlesyeuxdeseslèvres,siprèsdesmiennes.Loganavançasoncorpsmagnifiquecontremoi, relevamonmentonpourquenouspuissionsnous

regarderdroitdanslesyeux.Seslèvresmerappelaientl’étéoùnousn’avionsfaitquenousembrasser.Me rappelaient le premier garçonque j’avais jamais aimé, le premier et le seul qui avait fini parmebriserlecœur.

–Tuestristecesoir.J’inclinai la tête et je l’examinai endétail.Ses cheveux, sabouche, la lignede samâchoire, son

âme.Lesombresinquiétantesquisubsistaientdanslaprofondeurdesesyeux.Sonsouffleétaitlourdetsaccadé,commelemien.

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–Jesuistristecesoir,reconnut-il.Jesuistristetouslessoirs.Alyssa,jen’aijamaisvoulutefairedumalennerépondantpasàtesappels.

–Cen’estpasgrave.C’étaitilyalongtemps.Nousn’étionsquedesgamins.–Jenesuispluslemême,Alyssa.Jetelejure.J’acquiesçaid’unsignedetête.–Jesais.Etjenesuispluslamême,moinonplus.Maisunepartiedemonâmeserappelaitnosmomentsd’autrefois.Unepartiedemonâmesentait

encorelefeuqueLoganetmoiavionscommencéàallumertoutescesannéesauparavant.Etparfois,danslesinstantspaisiblesquiséparaientlejourdelanuit,jesentaisencoresachaleur.

– C’est pour ça que je veux que tu entres ce soir. Parce que je suis triste moi aussi. Pasd’engagement.Pasdepromesses.Justequelquesinstantspassésensemble,pouroublier.

Duboutdesdoigts,ilcommençaàrelevermonT-shirt,etcesimplegestemeprocuratantdeplaisirquejefermailesyeux.Unimperceptiblegémissements’échappademeslèvresquandsonpouces’attardasurletissudemaculotte.Soudain,ilaugmentalapressionenimprimantunmouvementdeva-et-vient.Ilpromenasalanguesurmonlobeavantdelesucervigoureusement.Delamaindroite, ilempoignamesfesseset,delagauche,ilécartaleborddemaculottepourpouvoirglisserundoigtprofondémentenmoi.

Undoigt.Deuxdoigts.Troisdoigts…Jehaletailourdement,mondésirdevenaitencoreplusviolent.J’arc-boutaimeshanchesverslui;de

plusenplus,jevoulaislesentirmepénétrer.Jemetortillaisoussesdoigts,réclamantlescaressesquim’avaienttellementmanqué.

–Rentrons,dis-jeengémissant,leserrantcontremoi,encoreplusprès.–Nem’invitepasàentrer.Sesdoigtss’enfoncèrentenmoiplusprofondément.Lesbattementsdemoncœurs’accélérèrent.Je

ressentaistoutavecacuité.Chaquepeur,chaquedésir,chaquebesoin…Toucher.Lécher.Sucer.Oh,monDieu,Logan…–Viensàl’intérieur,ordonnai-je,enpassantunejambeautourdesataille.–Non,High.–Si,Lo.–Sij’entre,jeneseraipasdélicat.Sij’entre,ceneserapaspourdiscuter.Nousnementionnerons

paslepassé,nousnediscuteronspasduprésent,nousneparleronspasdel’avenir.Sij’entrecheztoi,jetebaise.Jetebaiseviolemment.Jetebaisecommeunfou.Jetebaisepourbloquermoncerveau,ettumebaisespourfairetaireletien.Etensuite,jem’envais.

–Logan.

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–Alyssa.–Lo…–High…Jefermailesyeuxetquandjelesrouvris,jemepromisdeneplusdétournermonregarddelui.–Viens,rentrons.

***

Nousnesommespasallésplusloinquelepianodansleséjour.Quandsabouchetrouvameslèvres,ilm’embrassa comme jen’avais jamais été embrassée.C’était violent, dur,mocheet triste.Tellementtriste,putain.Lefeudévoraitmapoitrineetjeluirendissonbaiseravecencoreplusdefureur,ledésirantencoreplusqu’ilnepourraitjamaismedésirer.Nousarrachâmeslesvêtementsl’undel’autre,sachantque c’était une suspension de temps vitale. C’était l’occasion de réduire nos esprits au silence etd’extirper la douleur denos âmes. Ilmeprit dans ses bras etme soulevade terre pourm’adosser aupiano.

Prenantmamain, il la fit glisser sur sonmembredressé. Je le caressai enmême tempsqu’ilmetouchait,sansjamaisnousquitterdesyeux.

Toucher.Lécher.Sucer.Oui…Ilsortitunpréservatifdesapocheetl’enfilaavantd’écartermesgenoux.Lorsqu’ilmepénétra,je

criaideplaisir,defélicité,delaplusprofondedesdouleurs.Sesdoigtsseplantaientdansmapeautandisque les miens s’agrippaient dans son dos. Je m’accrochais à lui alors qu’il me pénétrait plusprofondément,faisanttremblermoncorpssoussonpoids.Nosmouvementsrythmésfaisaientsonnerlestouchesdupiano,etlessonss’harmonisaientavecnotredésir,notrebesoin,notreconfusionetnospeurs.Ilallaitetvenaitenmoi,etjelesuppliaidecontinuer.Nousétionssifracassés.Nousétionssiusésparlaviequenousmenions.Mais,cesoir,nousfaisionsl’amouraveclesmorceauxépars.

Cefutintense,cefutsacré,cefutbouleversant.Ilyeutdeshauts,ilyeutdesbas.Oh,monDieu.Celasemblaitsimal,etenmêmetempstoujoursjuste.Ilm’avaitmanqué.Nousnousétionsmanqué.Tellement.Quandils’enalla,ilneditpasunmot.Quandils’enalla,j’espéraiqu’ilreviendraitlelendemain.

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1.Enfrançaisdansletexte.

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29LOGAN

Jefaisaislacuisinedepuisl’âgedecinqans.Mamèremelaissaittoutseulàlamaisonavecuneboîtedesoupe,alorsilabienfalluquej’apprenneàutiliserunouvre-boîteetlacuisinièrepourlaréchauffermoi-même.Quandj’aieuneufans,jemefaisaisdespizzasindividuellesavecdelapâtefaitemaison,enmettantduketchupetdestranchesdefromageenguisedegarniture.Avantd’atteindrel’âgedetreizeans,jesavaisfarciretrôtirunpouletentier.

Alors,envoyantJacobassisenfacedemoilessourcilsfroncés,j’étaisunpeuperturbé.NousnousétionsassisdansunboxauBro’sBarandGrilletj’avaisposémonplatderisottoauxchampignonsetàlasaucissedevantlui.Lerestaurantn’étaitpasencoreouvert,etc’étaitladeuxièmefoisqu’ilmefaisaitasseoirenfacedeluiavecuneentrée.

–Hum…murmura-t-ilenprenantsacuillerpourpiocherunegrossebouchéederisotto.Jel’observaimâcheraveclenteur,levisageimpassibletandisqu’ilcherchaitàsefaireuneopinion,

commepoursavoirsimonplatétaitassezbonpourmepermettredetravaillerdanssacuisine.–Non,dit-ild’unevoixsansémotion.Çanevapas.–Turigoles?J’étaisahurietvexé.–C’estavecceplatquej’airéussiàl’écoledecuisine.C’étaitmonplatpourlediplômefinal.–Ehbien,tesprofesseursn’étaientpasàlahauteur,alors.Jenesaispascommentilsfontleschoses

dansl’Iowa,maisicidansleWisconsin,nousaimonslacuisinequiaréellementbongoût.–Vatefairefoutre,Jacob.Ilsourit.–Revienslasemaineprochaineavecunautreplat.Onverracequeçadonne.

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–Jenevaispascontinueràt’apporterdesplatspourquetulesdégommeslesunsaprèslesautres.C’estridicule.Jepeuxcuisinerlesplatsquisontsurtacarte.Donne-moiceboulot,c’esttout.

–Logan.Jet’aime.Vraiment.Maisnon.J’aibesoinquetucuisinesavectoncœur!–Jecuisineavecmesmains!–Maistun’ymetspasdecœur.Reviensquandtuaurastrouvé.Jeluifisundoigtd’honneur.Ilritdeplusbelle.–Etn’oubliepas.Tumedoistoujourscetterecettedemasquecapillaire!

***

–Alors,commentçasepassepour toi,ceretouraubercail?medemandaKellanalorsquenousétionsassisàlacliniqueoùilsubissaitsatroisièmeséancedechimio.

Jedétestais cet endroit, parcequ’ici soncancerparaissait trop réelpourmoi.Mais je faisaisdemonmieuxpournepaslaisserparaîtremescraintes.Ilavaitbesoinquejesoislefrèrequilesoutenaitetpaslemecfaiblequejemesentaisdevenir.

J’avaisdumalàregarderlesinfirmièresluibranchertoutessortesd’intraveineusesdanslesbras.Le voir grimacer de douleur par moments m’était pratiquement insupportable.Mais dans l’ensemble,j’essayaisdemecomporternormalement.

–Çava.ÀpartqueJacobestunvraiconnard.Iladitquejedevaisperfectionnertroisplatspourqu’ilacceptedem’engagerpourtravaillerdanssacuisine.

–Celamesemblenormal,ditKellan.Jelevailesyeuxauciel.–Jesuisunsuper-cuisinier!Tulesaisbien.–Ouais,maispasJacob.Tun’asqu’àessayerplusieursplatsdifférentsàlamaison.Cen’estpasun

problème.Il avait raison, ce n’était pas un problème,mais quandmême c’était énervant de voir que Jacob

m’avaitproposéceboulotdèsmonarrivéeici,maisquemaintenantilymettaitdesconditions.–Qu’est-cequeçat’afaitderevoirAlyssa?demandaKellanenfermantlesyeux.Çaadûtefaire

bizarre.–Tuveuxdireavecousanssesvêtements?Ilouvritbrusquementlesyeux,stupéfait.–Non!NemedispasquetucouchesavecAlyssa?dit-ilàvoixbasse.Jehaussailesépaules,lesmâchoiresserrées.–Peux-tudéfinir«coucher»?–Logan!–Quoi?!– Pourquoi ? Pourquoi couches-tu avec Alyssa ? C’est une très mauvaise idée. C’est une idée

épouvantable,complètementfolle.Jecroyaisquetuavaisl’intentiondel’éviteràtoutprixpournepas

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replonger.BonDieu!Tuasvraimentcouchéavecelle?Maiscommentc’estpossible?–Ehbien,tuvois,c’estquanddeuxpersonnesenlèventleursvêtements…Jememisàsourire.–Tagueule!Jefaisaisdéjà l’amourquandtuportaisencoredessous-vêtementsavecdessuper-

hérosdessus.Nonmais,commentest-cearrivéentrevous?Jenepouvaispasluidirequej’étaisallélavoirquandjecraquais,parcequ’ilsesentiraittrèsmal

desavoirquej’avaiseuunmomentdefaiblesse.Maisjenevoulaispasluimentir.Alors,jeluidislavérité.

–Ellereprésentelamaisonpourmoi.Ilmelançaunsourireniais.–Aprèstoutcetemps,aprèstoutcequevousaveztraversétouslesdeux,c’esttoujourslà,hein?–C’estseulementpourlecul,Kellan.Etnousnel’avonsfaitqu’unefois.Pasd’engagement.Pasde

liens.Rienqu’unmoyendes’aérerlatête.–Non.Çan’ajamaisétéqu’unequestiondeculentrevous.Jedoisdirequeçameplaisaitdevous

voirensembletouslesdeux.Erikadétestait,maismoij’adorais.–Àproposd’Erika,pasunmot.Çalaferaitflipper.–Qu’est-cequimeferaitflipper?Erikaentradanslachambreportantuncafédansunemainetunbouquindecoursdansl’autre.Elle

prenaitdescoursdusoirpoursonmaster,etquandellenes’occupaitpasdeKellan,elleavait la têtedansunbouquin.Etmêmeparfois,toutens’occupantdeKellan,elleavaitlatêtedansunlivre.

–Sanslefaireexprès,j’aicasséunedetessoucoupes,jementis.Ellelevalesyeuxdesonlivre.–Quoi?!–Désolé.Ellemeposauntasdequestionspourconnaîtretouslesdétailsdel’incidentavecl’assiettequeje

n’avaispasréellementcassée,etKellanmefitunsouriresatisfaitavantdefermerlesyeuxpourlafindesachimio.

***

Trente-six heures après sa chimio, Kellan était déterminé à jouer dans un bar. Erika et moiessayâmesdel’endissuader,maisilnevoulutriensavoir,arguantqu’ilnepouvaitpaslaissertombersonrêve. Il portait en permanence une casquette de base-ball noire destinée à dissimuler la preuve qu’ilperdaitsescheveux,maisjen’étaispasdupe.

Maisonn’enparlaitjamais.Kellan respirait avec difficulté lorsque nous allâmes de la maison à la voiture, comme si ces

quelquespasétaientmortelspourlui.Celam’inquiétabeaucoup.–Vousvoyez?

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Ilprituneprofondeinspirationsuivied’uneexpirationencoreplusprofonde.Erikal’aidaàmonterdanslavoiture.

–Jevaisbien.Erikagrimaçaavantdeluiadresserunsouriresansjoie.–Tut’ensorsvraimenttrèsbien.Jesuisimpatiented’êtreplusvieilledequelquessemainespour

voirleseffetsdelachimio,parcequejesaisqu’ellemarche.J’ensuissûre.Etjesuistrèscontentequenouscontinuionsàvivrenormalement.Quetucontinuesàjouerdelaguitaredanslesbars.Lesmédecinsdisentquelaroutine,c’estimportant.C’estbon.Toutça,c’estbon.

Erikarépétaitçaenboucle,etjeposaiunemainréconfortantesurledossierdusiègepassageroùKellanétaitassis.

Ilm’adressaunpâlesouriredanslerétroviseur.Nousn’avions faitquequelquespâtésdemaisonquandnousdûmesarrêter lavoitureauborddu

trottoir. Kellan bondit de son siège et commença à vomir dans le caniveau. Erika et moi nousprécipitâmesàsescôtésenlesoutenantpourqu’ilnes’écroulepas.

Cecancerdevenaitdeplusenplusréelchaquejour.Jelehaïssais.Jedétestais toutdecettemaladiedégoûtante.La façonqu’elleavaitdeprendre lespersonnes les

plusfortesdumondepourenfairedesêtresfaibles.Lafaçondontellenesecontentaitpasdetoucherlesêtresquivousétaientchers,maislessuçaitjusqu’àlamoelle.

S’ilavaitexistéunepilulemagiquecapabledeluiôtertoutecettedouleurpourlatransférersurmoi,jel’auraisprisetouslesjoursdemavie.

Monfrèreneméritaitpasd’êtreconfrontéàcetteluttequ’ilmenaitactuellement.Aucunêtrehumainneméritaitça.Jenelesouhaiteraispasàmonpireennemi.

Nous l’avons aidé à remonter dans la voiture et sommes rentrés directement à la maison. Enarrivant,Erikaetmoiavonsdûlesoutenirpourqu’ilmarchejusquedanssachambre.

–Jevaisbien,disait-ild’unevoixépuisée.J’aijustebesoindesommeil.J’auraisdûfixerunedatepluséloignéedelachimiopourceconcert.C’étaitstupide.

–Jevais travaillerdans lesalon,appelle-moisi tuasbesoindequoiquecesoit,d’accord?ditErikaenl’aidantàs’allongeretenlerecouvrantd’unecouverture.

Ellel’embrassasurlenezetilfermalesyeux.–Ok.Ellesortitdelapièceetjem’attardaiunpeuauprèsdeluienregardantsapoitrinesesouleveret

s’abaisser. Il avait l’air si frêle, ça me rendait malade.Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ?Qu’est-cequejepeuxfairepourqueçaaillemieux?

–Jevaisbien,Logan,dit-ilcommes’ilpouvaitliredansmespensées.–Jesais,c’estjusteque…jem’inquiète,c’esttout.–Net’enfaispas.Jevaisbien.Jehaussaimonépaulegauche.Jet’aime,frangin.

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Ilhaussasonépauledroite,commes’ilm’avaitvufaire,mêmeaveclesyeuxfermés.–Jevaissortirunmoment.DisàErikadem’appelersituasbesoindequelquechose.–Tusorst’acheterdescookies?Unpetitmilk-shake?Oupourdesactivitésplusadultesavecune

filleprénomméeAlyssa?–Ferme-la,Kellan,jedisenriant.Mais,oui.C’étaitexactementlàquej’allais.

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30ALYSSA

Lapremièrefois,jel’avaistrouvédevantmaporte.Ensepassantlesmainsdanslescheveux,ilm’avaitditdenepasl’inviteràentrer.Puisilétaitrevenulelendemain,etlejoursuivant.J’auraisaiméconnaîtrelespenséesquil’agitaienttouslesjours.Àquoiressemblaientsesrêveséveillésetcequecontenaientses cauchemars.Maispuisquenousneparlionspas, ilme faudrait interpréter le langagede soncorpspourm’enfaireuneidéemoi-même.Lorsquesesparentsl’avaientmisencolère,ilétaitbrutal.QuandilétaitaffligéàcausedeKellan,soncorpss’attardaitunpeupluslongtempscontrelemien.

Jefisunpasdecôtépourlelaisserpasser.Ilentra.Cettefois,nousnedépassâmespasl’entrée.Ilarrachamesvêtements et jedéchirai les siens. Ilme soulevacontre laporteduplacardde l’entréeetm’empoignapar les cheveux enmême tempsque j’emmêlaismesdoigts avec les siens. Je croisai lesjambes fermementautourde sa taille et ilmepénétra sanspréambule.Lechoc se répanditparvaguesdansmoncorps,m’arrachantsonnomdansungémissementquandilcommençasescoupsdeboutoir,deplus enplusviolents. J’étais à la limitededéfaillir contre lui.D’unemain, il agrippamondos et, del’autre,écrasamesseinstoutenmepénétrantdeplusenplusprofondémentàchaquebalancementdeseshanches.

Ressentir.Goûter.Sucer.Baiser…Petitàpetit,cetteroutineétaitdevenueuneaddictionpournous.Ilarrivait,jelefaisaisentrer.La

passionétaitnotredrogue,etnousétionsaccrosàsesapogées.Je dis son nom dans un cri et il prononça le mien en grognant, nous fûmes entraînés dans un

tourbillondepoussées,dehalètements,d’étreintesetdesoupirs.

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Nousreprîmesnotresoufflelorsqu’ilmereposasurlesol.Mais,cettefois,aulieudes’enaller,ilsedirigeaverslesalon.

–Qu’est-cequetufais?Jeleregardaiparcourirlecouloirendirectiondemachambre.–Remetstesvêtements.–Quoi?Pourquoi?–Pourquejepuissetelesenleverdenouveau.

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31LOGAN

High,monplusbeautrip,putain…

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32ALYSSA

MonLo,sidouloureux…

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33LOGAN

–Elleestsortie,ditunevoixd’untonaimable.Celafaisaitquelquesminutesquejefrappaisàsaporte,attendantqu’ellemefasseentrer,sansobtenirderéponse.

–Elletravailleaupiano-barChezRed,cesoir.Elledoityjouertouslessoirscettesemaine.–Ah,jevois.Merci.Lavoixétaitcelled’unefemmedans lasoixantaine,auxcheveuxargentésquipendaientdansson

dos.Assise dans un rocking-chair sous le porche de lamaison voisine, elle lisait en chantonnant.Aumomentoùjecommençaiàdescendrelesmarches,lafemmes’adressaàmoidenouveau.

–Alors,quellessontvosmotivationsencequiconcerneAly?–Jevousdemandepardon?–Approchez,m’ordonna-t-elleenrefermantsonlivreetenmefaisantunsignedelamain.Jelarejoignissoussonporcheetm’assisàcôtéd’elle.–Jem’appelleLori.Cettefillequihabiteàcôté,jelaconnaisdepuisdesannées.J’aiserviplusde

pancakesavecellequ’avecn’importequid’autre.Untasdetypessejettentàsespiedstouslesjoursetellene leuraccordemêmepasun regard.Maisvoilàquecemystérieuxgarçonarriveenville, et elleperdlatête.C’estquoiletrucavecvous?

–Elleetmoiétionsvraimenttrèsprochesautrefois.Ilyacinqansenviron.–Ah,murmura-t-elleenhochantlatête.VousêtesLogan.Legarçonducarton.–Pardon?–Soussonlit,ilyauncarton.Etiln’yaquevousdedans.Dessouvenirs,destalismans.Leseul

garçonqu’ellen’arrivepasàjeter,apparemment.Ellepritdanssesdoigtslemédaillonquipendaitàsoncou.

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–Jeconnaisça.–Jesuissûrequ’elleatournélapagesurcequ’ilyavaitentrenousàcetteépoque-là.Ellemel’a

dit.Lorihaussaunsourciletinclinalatête.–Leshommessontidiots.Jememisàrire.–C’estcommecetype,Dan.Unbeaugarçon.Celafaitdesannéesqu’ilvientaurestauranttoutesles

semainespourtentersachanceauprèsAlyssa,ehbienaujourd’huijel’aivuedéclinerofficiellementsaproposition.Jesaisqu’ellel’afaitparcequ’elleadessentimentspourvous.

Jenesavaispastropquoirépondreàça,alorsjegardailesilencetandisqueLoricontinuait.–Maisqueleschosessoientclaires,jeunehomme.Alyssan’estpasunedrogue.Ellen’estpasvotre

drogue.Jehaussailessourcils,etunpetitsourirenarquoisflottasurseslèvres.–Vouspensiezpouvoirdisparaîtrependantcinqansetqu’Alyssaneparleraitpasdevousdetemps

entemps?Ellem’aparlédevotrehistoireavecladrogueetdelafaçondontvousenêtessorti.Et jevous en félicite.Mais,moncher, vousnepouvezpas revenir ici et vous servir d’elle commevous lefaites.Ellen’estpasunproduitquevouspouvezconsommerpouroubliervotreexistenceperturbée.C’estune jeune femme, douce et attentionnée, qui est toujours folle d’un garçon. Et ce que vous faites estégoïste.Cequ’ellefaitestégoïsteaussi.Vousvoyez,vousn’allezjamaisarrêterdeconsommer,etellenevajamaisarrêterdedonner.Vousêtesaccro tous lesdeux.Vousvousembrasezmutuellement,etc’estcommesivousétiezinsensibleàlabrûlure.Siellecompteuntantsoitpeupourvous,vousdevezarrêterçatoutdesuite.Sisoncœurcompteuntantsoitpeuàvosyeux,vousdevezarrêterdelefairevolerenéclats.Quoiquevousfassieztouslesdeux,cen’estpeut-êtrequ’unpetitjeupourvous,maispourelle,c’estbeaucoupplus.C’esttoutceàquoiellen’acessédepensercesdernièresannées.Si,aufinal,vousbrisezlecœurdemonamie,moijevousbriseraitouslesdoigtsettouslesorteils,unparun,vouspouvezmecroire.

Je ris encore,mais cette fois le regard sévère qu’ellemedécocham’arrêta net. Je déglutis avecdifficulté.

–Ok.–Entoutcas,vousferiezbiendevousdépêcherderentrerchezvous,dit-elleenrouvrantsonlivre.

Ilparaîtqu’ilvayavoirungrosoragedanslesheuresquiviennent.Jelevailesyeux,degrosnuagesnoirsbloquaientlalumièredelalune.Jemelevai,remislesmains

dansmespochesetremerciaiLoripourlaconversation.

***

Lelendemain,Kellanmedemandadelesaccompagner,luietErika,àsaséancedethérapie,etjenevoispascommentj’auraispudirenon.J’étaisprêtàfairetoutcequ’ilmedemandait.Laseuleoccasion

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que j’avais eue de parler à un thérapeute, c’était pendant mon séjour au Centre de repos et dedésintoxication SaintMichael. Nous avions des sessions individuelles et des sessions de groupe. Audébut je détestais ça, mais au bout d’un moment, cela m’aidait. Et puis, parfois, je recommençais àdétesterça.

J’étais assis à côté demon frère et de sa fiancée dans le bureau du docteurYang, et je sentaismonterlatension.Avantdequitterlamaison,KellanetErikas’étaientchamailléspourdesdétailsidiots–un tubededentifrice laisséouvert sur l’étagèrede la salle debains, un café àmoitié bu, les livresd’Erikaétaléssurlatabledesalleàmanger.Jenelesavaisjamaisvussedisputerauparavant,alorscelafaisaitunpeubizarre.

–Mercid’êtrevenuaujourd’hui,Logan.Jesaisquec’estimportantpourvotrefrèrequevoussoyezprésent.

–Ouais,c’estnormal.JetapotailajambedeKellan.Ilmefitunsourireforcé.–Jeferaisn’importequoipourcemec.LedocteurYangacquiesçad’unairsatisfait.–Jepensequ’ilestimportantdefairelepointdetempsentemps.Jesaisqu’Erikaaditquevous

vousétiezinstalléchezeux,etjecroisquec’estunebonnechosepourKellan.C’esttoujoursbénéfiqued’avoir de la famille autourde soi.Alors, si nous commencionspar voir comment çavapour chacund’entrevous.Kellan,vouscommencez?

–Jevaisbien.–Ilaperduunpeud’appétit.Et,dernièrement,ilm’asembléunpeumaussade,intervintErika.–Jevousrassure,c’esttoutàfaitnormal,vulescirconstances,ditledocteurYang.–Jenesuispasgrognon,aboyaKellan.Erikafronçalessourcils.–Tum’ascriédessus,hier,Kellan.–Tuprenaismatempératureàtroisheuresdumatin,pendantquejedormais.–Tuavaisl’aird’avoirfroid,murmura-t-elle.–Etvous,Erika,commentallez-vous?Jesaisquenousavonsparléde la façondontvousgérez

votrestressenbrisantdesobjets,parfois…–Oui.Maisjevaismieux.Kellansemitàrire.–Jetedemandepardon?Erikahaussaunsourcilenregardantmonfrère.–J’aiditquelquechosededrôle?–Ilyaseptlampesneuvesdansnotrearmoirepourunequiaétécassée.Tudeviensdingue.Waouh.C’étaitsévère.Lesjouesd’Erikarougirentdehonteetellebaissalesyeuxpourexaminerseschaussures.LedocteurYangécrivitquelquechosedanssoncarnetavantdesetournerversmoi.

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–EtvousLogan?Pensez-vousqu’ErikagèrelamaladiedeKellandelameilleurefaçonpossible?Erikasoufflad’unairvexé.–D’accord.Parcequec’estàundroguéqu’ondemandedemejuger!Çaaussi,c’étaitsévère.Jemeredressaisurmonsiègeetjetaiuncoupd’œilàKellanetErikaavantderépondre.Ilsavaient

l’airépuiséstouslesdeux.Ilsmefaisaientpenseràmamère.Kellans’accrochaitauxbrasdesonfauteuiletErikaluttaitpourretenirseslarmes.

Jem’éclaircislavoix.–Est-cequejetrouveétrangeslescrisesdenerfsd’Erikaaucoursdesquellesellecassedesobjets

pourlesracheterensuite?Oui.Est-cequejetrouvequ’elleportedesjugementssurlespersonnesquinesontpasounepensentpasexactementcommeelle?Absolument.

Jesentisbienqu’Erikamefusillaitduregard,maisjepoursuivis.–Maisellel’aime.Ellerangederrièremoi.Enrâlant,maisellelefaitquandmême.Parcequ’elle

faittoutcequ’ellepeutpourqu’ilsesentebien.Peut-êtrequ’ellenegèrepasausensouvous,Kellanoumoil’entendons.Peut-êtremêmepasdelameilleurefaçonpossible.Maisellefaittoutcequ’ellepeut.Elleseréveillelematinets’efforcedefairedumieuxqu’ellepeut.Jenesuispassûr,moi,d’avoirdéjàfaittoutcequejepouvais…

Jebaissailesyeuxversl’élastiqueautourdemonpoignet.–Maisj’essaie.Pourcesdeux-là,j’essaiedefairedemonmieux.Etc’esttoutcequ’onpeutfaire,

enfait.Quandj’étaisaucentredecuredansl’Iowa,ilyavaitcescitationsdeRamDass 1danstouteslespièces.Danslehallprincipal,ilyavaitunecitationsurlemurquidisait«Tous,nousnefaisonsriend’autre que nous raccompagner les uns les autres à la maison 2. » Je n’en avais jamais vraimentcompris lesens jusqu’àmaintenant.Parcequ’enfindecompte,noussommestouspaumés.Nousavonstousdesfailles.Nousavonstousdescicatrices.Noussommestousbrisés.Nousessayonstousdetrouverunsensàcettechosequ’onappellelavie,vousvoyez?Parfois,onsesentterriblementseul,maisc’estlàqu’onpenseàsatribudecœur.Cespersonnesquivousdétestentparfois,maisquivousaimenttoujours,quoiqu’ilarrive.Cespersonnesquisont là,endépitde toutes lesfoisoùonadéconnéetoùon lesarepoussés. C’est ça, votre tribu. Ces personnes, ces batailles, constituent ma tribu. Alors oui, on vas’effondrer,mais on s’effondrera ensemble.Nousnous relèverons, ensemble.Et à la fin de toutes cesconneries,de toutesces larmes,de toutecettedouleur,nousferonsquelquespasensemble.Puis,aprèsquelquesinspirationsprofondes,nousnousraccompagneronsmutuellementàlamaison.

***

Aprèslerendez-vous,KellanetErikarentrèrentchezeuxpoursereposer,etjemebaladaienvilletoutelajournée,jusqu’ausoiroùjemeretrouvaidevantl’entréedupiano-barChezRed.Untableaunoirdevantlaporteannonçaitqu’Alyssas’yproduisaitcesoir-là,et jefussoulevéparunevaguedefierté.Ellelefait.Ellefaitcequ’elleaime.

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Jedécidaideresteraufonddelasalle,àl’abriduregardd’Alyssa.Elleétaitassiseaupiano,sesdoigtscouraientd’unboutàl’autreduclavier,emplissantlebard’unemélodiemagnifiquequetroppeudegensdans lemondeauraient lachanced’entendre.J’écoutaiattentivement toutes leschansons, l’uneaprèsl’autre,quimeremirentenmémoireletalentexceptionneld’Alyssa.

Au moment d’entamer la dernière chanson, elle se tourna vers le micro posé à côté d’elle ets’adressaaupublicd’unevoixdouce.

–Jeterminechaquerécitalparunechansonquiestchèreàmoncœur.Ilyabeaucoupdemonâmedanslesparoles,etellemeramènetoujoursàuneépoqueoùj’aimaisungarçon,autrefois…Etl’espacedequelquesrespirations,dequelqueschuchotements,dequelquesinstants,jecroisqu’ilm’aaimée,luiaussi.Voici«LifeSupport»,deSamSmith.

Mapoitrineseserra,etjemeredressaisurmonsiège.Sesdoigtsdansaientsurleclavieretjelaregardaibougercommesiellefaisaitcorpsaveclepiano.

C’étaitcommesiellen’étaitplusquelevecteurconsentantdel’art.Jenepouvaispasimaginerqu’ellepuissedevenirplusétonnanteàmesyeux.Nicequ’elleauraitpufairedepluspourmesurprendre.

Maisc’estalorsqu’elleouvritleslèvres.Les paroles s’échappaient de ses lèvres avec une facilité déconcertante. Elle ferma les yeux,

s’abîmantdanslesparoles,danslessons,enelle-même,dansnossouvenirs.J’étais honoré d’assister à un telmoment. Les larmes filtraient entre ses paupières closes et ses

épaulessebalançaientaurythmedessonsqu’ellemodulaitelle-même.Ilyaquelquechosededifférentcheztouslesartistes,deparlemonde.Onpourraitdirequ’ilsressententleschosesdifféremment,plusprofondément,peut-être. Ilsvoient lemondeencouleur, alorsque laplupartd’entrenousne levoientqu’ennoiretblanc.

Mavieétaitennoiretblancavantqu’Alyssan’yfasseirruption.Mespiedsmemenèrentplusprèsdelascène,etjemetinsenfaced’ellepourécouterlesmotsque

jeluimurmuraisàl’oreillequandnousétionsplusjeunes.Elleétaitsibelle,silibrequandellejouait.Quandelleselaissaitaller,elleoffraitàtouteslespersonnesautourd’ellelachancedesesentiraussilibresqu’elle.Durantcesquelques instantsoùellechanta, j’eus la sensationque leschaînesde lavieavaientdisparu.J’étaislibreavecelle.

Jeveuxbienadmettrequec’étaitsuperdelapartdeLoridelaprotégercommeellelefaisait,maiselle ignoraitqu’Alyssaétait toutpourmoi.C’était la filledemoncœur.Mêmesi,engrandepartie, jem’efforçaisdenierlessentimentsquejeluiportais,quelquepartj’étaistoujourstorturéparledésir,lebesoin,l’amourqu’elleseuleétaitcapabledesusciterdansmonâme.

Alyssaachevasachanson,remerciapuissetournaverslepublic.Jen’avaispaschangédeplace.Ses beaux yeux se posèrent sur les miens, écarquillés. Elle inspira profondément, puis expira enfrissonnant légèrement.Ellevintversmoid’unpasmal assuré.Ennous tenant l’unen facede l’autre,nouséchangeâmesunsourirecombinéàunfroncementdesourcils.

–Salut,dit-elle.–Hey.

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Unautresouriremélangéàunautrefroncementdesourcils.–Tuveuxbienquejeteraccompagnecheztoi?–D’accord,dit-elle.Ensortantdubar,nousvîmesqu’ilpleuvaittoujours.Alyssapartageaavecmoisonparapluieàpois

pendanttoutletrajetjusquechezelle.–Tuasétéfantastique,Alyssa.Meilleurequejet’aijamaisentenduejusqu’ici.Meilleurequetous

ceuxquej’aientendusjusqu’ici,enfait.Elleneditrien,maislescoinsdeseslèvressesoulevèrentdansunsourire.Unefoisarrivésdevantchezelle,elleouvritlabouchepourm’inviteràentrer,maisjesecouaila

tête.–Jenepeuxplusfaireça.Ladéceptionselutdanssesyeuxbleus.Puislagêneluifitmonterlerougeauxjoues.–Ahbon,ok.Çanefaitrien.Jevoyaisbienquemesmotssimplesl’avaientblessée.J’étaissifatigué.Lajournéeavaitétésilongue.Unelonguevie.Unevielongueetfatigante.–J’aireplongé,Alyssa.Jemepassailesdoigtssurlefront.Danssesyeux,l’inquiétudesuccédainstantanémentàlagêne.–Quoi?Ques’est-ilpassé?Comment?Avecquoi?Jehaussailesépaulesetbaissailavoix:–Avectoi.–Quoi?–Jesuisrevenu,etmavieaétébouleversée.J’étaisderetourdansmonpassé,saufquecettefois

c’étaitpireencoreparcequemonfrèreétaitmalade,etjemesuistournédirectementversmonplusbeautrippourm’aideràtrouverdansl’oubliunmomentderépit.Jemesuistournéverstoi.Tuastoujoursétémonhavredepaix,High.Tuasétépourmoiunmoyend’échapperàtoutelamerdequim’entourait.Maiscen’estpas juste,nipour toinipourmoi.Jeveuxm’ensortir,êtreclean.Jeveuxêtrecapabledemereleveretnepluséprouvercebesoind’oublier,cequiveutdirequejenepeuxpasreplongeretquenousne pouvons pas continuer comme ça. Nous ne pouvons pas continuer à coucher ensemble. Mais j’aibesoindetoi.

–Lo…–Attends.Laisse-moiallerjusqu’aubout,parcequecelatournedansmatêtedepuistroplongtemps.

Jesaisquejenesuispluslegarçonquej’étaisautrefois,maiscertainscôtésdecegarssubsistentencoreenmoi.Etjesaisquenousavonsditquelesexeseraitsansconséquences,maisjecroisquenoussavons,l’uncomme l’autre,qu’iln’enest rien,qu’aucontraire il abeaucoupd’importancepournous, et c’est

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pourcelaquenousnepouvonspascontinuer.Maisj’aibesoindetoi.J’aibesoinquetusoismonamie.Lavieatoujoursétédurepourmoi.Toutdanslavieacontribuéàm’endurcir.Tout,àparttoietKellan.

Etjesaisquec’estégoïstedemapartdetedemanderçamaintenant.Jesaisquec’estégoïsteparceque j’ai besoindequelqu’unpourme soutenir aumomentoù j’essaiede soutenirmon frère,mais j’aibesoindetoi.J’aibesoinquetusoismonamieànouveau,maisriendeplus,parcequejeneveuxpastefairesouffrirencore.Jenepeuxpasêtreavec toi,mais j’aibesoinde toi.J’aibesoinde toi.Nousneparleronspasdupassé.Nousnenousinquiéteronspaspourl’avenir.Maisnousseronsnous,amistoutsimplement. Ici etmaintenant. Si tu es d’accord ?Parce que je ne ris plus, et çamemanque. Je riaistoujoursavectoi.Jeneparleplus,etçamemanque.Jepouvaistoujoursteparler.Tumemanques.Alors,jemedemandais,pourrions-nousredeveniramis?

Elles’appuyacontrelemontantdelaporte,apparemmentperduedanssespensées,puisunsourireapparutsurseslèvres.

–Nousn’avonsjamaiscesséd’êtreamis,Logan.Nousétionsseulementdansuneespècedetempssuspenduassezétrange.

1.ProfesseurdepsychologieàHarvard,fondateurdeplusieurscentresconsacrésàlaspiritualité.

2.«We’realljustwalkingeachotherhome.»

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34ALYSSA

Alorsquelestensionsfinissaientpars’apaiserentreLoganetmoitandisquenoustrouvionsnotrevoieversuneamitiérenouvelée,lesturbulencescommencèrentàs’accumulerentreKellanetErika.Unefois,enfindejournée,aprèsunevisitemouvementéechezlemédecin,ilssontarrivésàlamaisonenpleinedispute,alorsquej’étaisassisesurleurcanapéentraindedisposerlesmédicamentsdeKellanqu’Erikam’avaitdemandéd’allerchercheràlapharmacie.J’étaischezeuxdepuisquelquesjours,justepourlesaideràgérerlequotidien.Etpuis,j’étaisplusinquiètepourKellanquejenevoulaisl’admettre.

–Tunem’écoutespas!criaKellanenforçantsavoix.–Si,jet’écoute.Cequetudis,c’estquetuneveuxplusm’épouser.–Biensûrquesi, jeveux t’épouser,Erika.Maispour lemoment,cen’estpas raisonnable.Si je

mourais,tuteretrouveraisavectouslesproblèmessurlesbras.Touteslesfactures,toutle…–Jem’enfiche!–Ehbien,pasmoi!–Pourquoitecomportes-tucommeçaavecmoi?Erikasetournaversmoi.–Alyssa,peux-tudireàKellanàquelpointilestirrationnel?J’entrouvrisleslèvresmais,sansmelaisserletempsdeparler,Kellanpoursuivit,–Nemêlepastasœuràça!Je refermai la bouche. Je serais bien rentrée chezmoi, mais ils étaient aumilieu de l’entrée et

bloquaientlaporte.Alors,jemefistoutepetitedanslecanapéenessayantdemerendreinvisible.Ellepoussaunprofondsoupir.–Onenreparleraplustard.Onvasecalmerd’abord.Demain,tuastachimio,alorsnousferions

mieuxdeprendreunpeudereposavant.

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–Tunevienspas,dit-il.–Quoi?–J’aiditquetunevenaispas.Tuasratétondernierexamen.Tunetravaillesplusautantquetule

faisais,ettunepeuxpastepermettredeprendreduretard.JedemanderaiàLogandeveniravecmoi.–Pourquoiest-cequetum’exclus?Erikasetournaversmoiavecvivacité.–Pourquoim’exclut-il?J’ouvrislabouchepourrépondre,maisunefoisdeplus,Kellannem’enlaissapasletemps.–Arrêtedelamêleràça!Tunevienspasàmaséancedechimio,c’estcompris?–Etpourquoi?–Parcequetum’étouffes!cria-t-ilplusfortquejel’avaisjamaisentendu.Tum’étouffesavectes

questions,tespilules,tesfichusprojetsdemariageettesfichueslampes!Jemanqued’air,Erika!Exaspéré,ilagitalesbrasetrenversalalampeposéesurlapetitetable.Elleallas’écrasersurle

soletlesilencesefitdanslapièce.LaculpabilitéenvahitlesyeuxdeKellanquandleslarmessemirentàcoulersurlesjouesd’Erika.Toutdéconfit,ils’approchademasœur.

–Jesuisdésolé,c’estjusteque…Ellehaussalesépaules.–Jesais.Soudain, Logan fit irruption dans la pièce, sortant de la salle de bains, une serviette de toilette

autourde la taille, tout ruisselantd’eau.Sescheveuxdégoulinaientd’uneespècededécoctionbizarre,verteetgluante,etsesyeuxétaientélargisparlapanique.

–Qu’est-cequisepasse?s’écria-t-il,affolé,enmanquantglisserdanslamared’eauquiseformaitsouslui.

Ilavaitl’airsigraveetenmêmetempssiridicule,quenousnepûmesnousempêcherd’éclaterd’unrirehystérique.

–C’estquoi,cetrucsurtatête?Ilplissalesyeux,décontenancéparnotrehilarité.– On est le troisième lundi du mois. C’est un masque à base d’œuf et d’avocat, pour une

revitalisationenprofondeur.Nous rîmes de plus belle, et l’atmosphère de colère et de confusion qui planait dans la pièce

quelquesinstantsauparavantsetransformaetdevinttoutàcoupfamilialeetjoyeuse.–Voussavezcequ’ilnousfaut?ditKellanenposantunpetitbaisersurlajoued’Erika.–Quoi?–Unpetitbreakmusical.–C’estquoi,unbreakmusical?Loganetmoiavionsparléenchœur.Ilsnefirentattentionànousnil’unnil’autre.–Oh non,Kellan. La journée a été longue, protesta Erika. Et puis, tu l’as dit toi-même, je dois

réviser…

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–Si.Onfaitça.Unbreakmusical.–Mais…grogna-t-elle.–J’aiuncancer.Ellerestabouchebéeetluifrappalebras.–Tumefaislecoupducancer?Sonsourires’élargit.–Oui.Jem’attendaisàvoirErikaluihurlerdessus,luidireàquelpointsesmotsluifaisaientmal,maisau

lieudeça,elleluisourit.Ilséchangèrentdesregardsentendusqu’euxseulspouvaientcomprendre,etellehochalatête.

–D’accord.Unechanson.Maisuneseule,Kellan.Jen’avaisjamaisvuKellansouriredecettefaçon.–Uneseulechanson!–Notrechanson,ordonna-t-elle.Ilsortitprécipitamment,nousplantantlà,moienpleineconfusionetLogantoutgluant.Puisilrevint

avecunepairedecongasetdeuxbâtonsdepluie.Ilm’entenditunetdonnal’autreàLogan.–Qu’est-cequevousfaites?demandaLogan.Qu’est-cequejesuiscenséfaireaveccetruc?ErikaregardaLogancommesic’étaitunparfaitdemeuré.Elleluipritlebâtondepluiedesmainset

leretournadehautenbas,pourfairelebruitdelapluie.Elleleluirendit.–Voyons,Lo,dis-jed’untonmoqueur.Ilmefitundoigtd’honneur.Lespapillonsvoletèrentdansmonestomac.Riendenouveausouslesoleil.Kellans’installadevantlescongasetcommençaàjouer.Ilmefallutunesecondepourentrerdansle

rythmedelachanson,maisunefoisdanslecoup,moncœurfonditdevantlegenred’amourquiunissaitmasœuretKellan.Iljouaitlachansond’IngridMichaelson,«ThewayIAm».

Leurchanson.KellanchantalepremiercoupletàErikaquisouritensebalançantdegaucheàdroite.Loganetmoi

lesaccompagnionsaveclesbâtonsdepluie,etnousnousmîmesàdanseravecErika,tandisqueKellantapaitsurlescongas.

Erikachantalesecondcouplet,etl’amourqu’ellepartageaitavecKellanilluminalamaisonaufuretàmesurequelesmotssortaientdeseslèvres.Desmotsquiparlaientd’amourplusfortqueladouleur,desoutienmutuelmêmequandontraverselesflammesdel’existence.

C’étaittrèsbeau.Quandonarrivaaulongpassageinstrumental,sansparoles,Loganpritmamainetcelled’Erika,et

nousfittourner,toujoursvêtudesaserviette,lescheveuxtoujoursdégoulinantsdeliquidevertvisqueux.PuislesilencesefitdanslapiècequandErikaentonnalederniercouplet–lecoupletquifaisaitmonterles larmes aux yeux de tout lemonde.Elle chanta lesmots qui disaient qu’elle continuerait à l’aimer

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quand il aurait perdu tous ses cheveux, tout en passant les doigts dans les boucles de Kellan et enpenchantsonfrontcontreseslèvres.Ill’embrassadélicatement,etilsterminèrentlecoupletd’uneseulevoix.

Ledernierbruitqu’onentenditfutlemurmuredubâtondepluiedeLogan.–Waouh,dit-il,lamainsurlabouche,lesyeuxfixéssursonfrèreetErika.Vousêtesparfaitstous

lesdeux,putain.ErikasemitalorsàriredoucementavantderegarderKellan.–Jeneveuxpast’épouser.Ilsoupira.–Maissi,tuleveux.–Non.Enfinsi.Maispasavantquetuaillesmieux.Pasavantquetusoisguéri.Nousattendrons.

Nousbotteronsleculducancer.Puistum’épouseras.Ill’attiraversluietl’embrassaavecpassion.–Jevaist’épouser,tuneperdsrienpourattendre.–Unpeuquetuvaslefaire!–Oh,pitié.Ilyadeschambrespourça,gémitLoganenlevantlesyeuxauciel.Bon,jevaisaller

rincercettemerdequej’aisurlescheveux.–Àcepropos…Kellans’éclaircitlavoixetplissalesyeux.–Vouscroyezquevouspourriezfairequelquechosepourmoi,lesgars?

***

Logansecouaitlatêteavecdégoût.–C’estunetrèsmauvaiseidée.–Pourlapremièrefoisdemaviejesuisd’accordavecLogan,ditErikaenlevantlesbras,outrée.–Moijedis:vas-y,fonce.Nousétionstouslesquatreentassésdanslasalledebains.Jetenaisunetondeusedanslamain.–MerciAlyssa !Enfinquelqu’unquimesoutient.Etd’abord,mapuce,dit-ilense tournantvers

Erikaavecunimmensesourire,destasdegensserasentlatêtedenosjours.–Là,iln’apastort,ditLogan.C’estunpeucequefonttouslesgensàHollywood.Lecrânerasé,

c’esttrèstendance.–Ehbien,fais-le,toi,provoquaErikaenmeprenantlatondeusedesmainspourlatendreàLogan.Sesyeuxs’arrondirentd’horreur,etillamenaçadudoigt.–Faisattentionàcequetudis.–N’empêche,Loganaraison.Destasdevedettessesontrasélatêtepourdesrôles,ditKellanpour

calmersafiancéepaniquée.–Donne-moidesnoms.

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–BryanCranston!jedis.PourBreakingBad.–JosephGordon-Levittl’afaitdans50/50!lançaLogan.–Excusez-moi,maisest-cequ’onpourraitéviterdenommerdesacteursquijouaientdesmaladesen

phaseterminalequandilssesontrasélatête?demandaErika.Çasedéfendait.–LeRock!–HughJackmann!–MattDamon!–JakeGyllenhaal,deuxfois,s’exclamaLogan.–C’estvrai?demandaKellan.Deuxfois?–DansJarheadetdansEndofWatch.–Ça,çadéchire!KellanhochalatêteettenditlepoingàLoganquifituncheck.–Çadéchiregrave!Pauvresmecs.–Hé,lesgars.Jemelevaietdémarrailatondeuse.–C’estl’heure.Erikaretintsonsouffleetsemasqualesyeux.–OK.Vas-y!–Vas-y!lançaKellan.–Vas-y!Vas-y!psalmodiaLogan.Alors,j’yallai.

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35LOGAN

–Qu’est-cequetufaislà?demandaAlyssaquandelleouvritsaporteetqu’ellemetrouvadevant,avecuneportetouteneuveetunecaisseàoutilsdanslesbras.

–Lesquelques foisoù je suisvenuchez toi, jen’aipaspu faireautrementque remarquerque tamaisonavaitbesoindequelquesréparations.

–Qu’est-cequeturacontes?dit-elleensouriant.Cettemaisonestabsolumentparfaite.Jehaussaiunsourcil,allaijusqu’àlarambardedesonporchequejesoulevai,prouvantquerienne

laraccrochaitàl’escalier.Ellerigola.–Bond’accord,ellen’estpasparfaite.Maiscen’estpasnonplusàtoidelaréparer.Ellesemorditlalèvreinférieure.–Nemedispasquetuasuneceintureporte-outils?–Jeporteeffectivementuneceintureporte-outils,cequimedonneledroitdefairedesréparations.

Alors,situpouvaist’écarter,s’ilteplaît,etmelaisserallerposeruneporteàtasalledebains,ceseraitsuper.

Je passai les six heures qui suivirent à réparer des trucs chez elle, et elle m’aida à reclouercertaineschosesàleurplace.Ladernièretâchequej’entreprisfutdemontersurletoitpouressayerdeboucherquelquestrous.

–Est-cequetusaiscequetufais,aumoins?criaAlyssad’enbas.Ellerefusaitdemontersurletoitparcequ’ici,cen’étaitpascommeaupanneaupublicitaire,iln’y

avaitpasderaildeprotection.–Évidemmentquejesaiscequejefais.–Oùas-tuappris?Jemetournaiverselleetluifisunsourireencoin.

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–Unefois,j’airegardéundocumentairesurleboulotdecouvreur.Elleécarquillalesyeuxetagitalesmains.–Çane va pas, non ?Redescends,LoganFrancisSilverstone. Immédiatement.Avoir regardé un

docu-mentairenesuffitpasàfairedetoiunprofessionnel.–Non,maislaceintureporte-outils,si!–Logan.–Alyssa.–Lo.–High.–Descendstoutdesuite.Viensboireunverred’eau.Je…j’engageraiquelqu’unpourvérifierl’état

dutoit,d’accord?Commeça,tunetesentirasplusobligédeleréparer.Jerigolaietcommençaiàdescendrelesbarreauxdel’échelle.–Tantmieux.Parcequejen’avaispaslamoindreidéedecequejefaisais.Dèsquemespiedstouchèrentlesol,ellemebousculabrusquementenplissantlesyeux.–Nerefaisjamaiscegenred’idiotie,ok?–Ok.–Jurécraché?J’accrochaimonpetitdoigtaveclesien,enl’attirantversmoi.Àcesimplecontact,moncœurse

mitàbattrelachamadeetj’observailetremblementdeseslèvrestandisqu’ellefixaitmabouche.–Jurécraché.Nousétionstoutprèsl’undel’autre,deplusenplusprèsàmesurequeletempspassait.Jesentis

seslèvreseffleurerlesmiennes,maisnousnenousembrassâmespas.Simplementnousneformionsplusqu’unêtre,uniqueenquelquesorte,enabsorbantlesoufflel’undel’autre.

–Lo?Jesentissonsoufflesurmapeau.–Oui?–Nousdevrionsnousécarterl’undel’autretoutdesuite.–D’accord.Ellehochalatêteetreculad’unpas.–D’accord.Ellesepassalesdoigtsdanslescheveuxetmefitunpetitsourirepincé.–Tu devrais aller te servir un verre d’eau ou un truc pour te rafraîchir. Tu as bossé comme un

malade.Jevaisfaireuntourdansmachambrepoursoufflerunpeu.J’acquiesçaietallaidanslacuisinepourprendreunverred’eau.Jemedemandaissielleéprouvait

les mêmes sensations que moi chaque fois que nous nous trouvions si près l’un de l’autre. Je medemandaissi,commemoi,elleaussidevaitrepoussercettesensationdemanque.

Lorsquej’ouvrisleréfrigérateur,jem’immobilisaienvoyanttouslesproduitsfraisqu’ilcontenait.–Tuesalléefairedescourses?jehurlaiendirectiondesachambre.

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–Ouais,hier.Mon esprit se mit à carburer en voyant les légumes et les saucisses crues. Je fouillai dans ses

placards.–Çat’embêtesijepréparequelquechosevitefait?–Non,vas-y.Prendscequetuveux,c’estlàpourça.Génial.Je me mis au travail, en attrapant les casseroles et les poêles. Quelques minutes plus tard, le

bouillondepoulechauffaitsursacuisinièreetjehachaisdeschampignonsetdel’ailfrais.–Jedoisreconnaîtrequequandtuasditquetuvoulaispréparerquelquechosevitefait,j’aicruque

tuallaispasseruntrucgenrecordon-bleuaumicro-ondes,ditAlyssaensouriant.–Excuse-moi.Deboutdevantsacuisinière,jefaisaisrevenirlasaucissedanslapoêle.–Jacobm’aoffertunboulotdanssonrestaurant.Maisilexigequejeperfectionnetroisplatsavant

dem’embaucher.Etilsemontreparticulièrementconavecça,ilrefusetoutcequejeluiprésente.Alors,j’aimeraistesterunedemespréparationssurtoi,situveuxbien.

Sesyeuxs’arrondirentdeplaisir.–Oh,lavache,celafaituneéternitéquejen’aipasmangéunplatcuisinéparLogan.Jeserairavie

deteservirdecobaye.Qu’est-cequetunousprépares?–Unrisotto.–Cen’estpasunpeulong?–Si.Ellenesavaitpasque je l’observaisducoinde l’œil,maiselle sourit. Jesourisaussidesavoir

qu’ellesouriaitNousparlâmesdetoutetderienetjenequittaipaslesfourneaux,remuantlerizaveclebouillon.–Alors,tusongesàouvrirunpiano-bar?–Oui,j’ysongesérieusement.Tutesouviensquandonétaitgaminsetqu’onenparlait?–LoAly?–Alylo,corrigea-t-elleensouriant.Ouais.Biensûr,jenel’appelleraipascommeçavuquec’était,

genre,notretrucàtouslesdeux,maisjenesaispas.C’estjusteunrêve,c’esttout.–Unbonrêvequetudevraisréaliser.Ellehaussalesépaules,croisalesbrassurlatableetposalatêtedessus.–Peut-être.Onverra.MonpoteDanm’amontrédifférentesaffairesquipourraientconvenir.Jesais

quec’estprématuréderegarderleslocauxdisponibles,maisc’estamusant.Voirlesendroitsrendlerêveunpeuplusréel.

Quandlerisottofutprêt,jeleservisdansuneassiettequejeposaidevantAlyssa.Lesourirefendujusqu’auxoreilles,ellebattaitdesmainscommeunefolle.

–Oh,lavache!Jenerêvepas!C’estpourdevrai!Logan,jedisaisquetum’avaismanqué,maisjecroisquetacuisinem’aencoreplusmanquéquetoi.

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–Trèsbien.Tiens,dis-jeenluitendantunecuiller.Mangependantquec’estchaud.Elleplongealacuillerdansleplatetquandellelaportaàsaboucheetcommençaàmâcher,elle

fronçalessourcils.–Quoi?Qu’est-cequ’ilya?J’avaishausséleton.–Rien,maiscen’estpas…fantastique?–Quoi?Onnepeutrienreprocheràceplat.Elleentrouvritlaboucheenhochantlatête.–Si.–Non.Ilestparfait.Regarde,lasaucisseestparfaitementcuite,leschampignonssontsautésjuste

commeilfaut,l’assaisonnementestremarquable.C’estunplatparfaitementréussi,putain!Ellefronçalessourcilsethaussalesépaules.–Ouais,c’estpasmal.Pourunplatcommeça.Jesoufflai.Pourunplatcommeça?Ellenemanquaitpasdeculot.–Iln’yarienàreprocheràceplat.–Si.–Non.–C’est…Ellesemorditlalèvreinférieure,agitalesmainsethaussalesépaulesunefoisencore.–…insipide.–Insipide?!–Fade.–Tudis…Jeprisuneprofondeinspiration.–Tuviensdedirequemacuisineestinsipide?–Oui,parcequec’estvrai.J’appuyailesmainssurleborddelatableetmepenchaiverselle,terriblementagacé.– Je cuisine depuis que j’étais gamin. J’ai fait ce plat pendant trois ans d’affilée à l’école de

cuisine. Je pourrais même le faire en dormant et il serait encore assez goûteux pour être servi auPrésident.Macuisinen’estpasinsipide.Macuisineestsavoureuseetdélicieuse.Ettoi,tuescinglée!

–Pourquoiest-cequetuhurlescommeça?–Jen’ensaisrien!Ellesemitàrire,cequimedonnaimmédiatementenviedel’embrasser.–Logan…goûtetoi-même.Jeluiprislacuillerdesmains.Jelaplongeaidansleplatetenfournaiunecuilleréederisotto.À

l’instantoùiltouchameslèvres,jelerecrachaidansl’assiette.–Oh,purée,c’estdégueulasse!Ellehochalatête,l’airnavrée.

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–Quandj’aiditquec’étaitsansintérêt,c’étaitpourêtrepolie.Mesépauless’affaissèrentetjemelaissaitomberparterre.–Depuisquandjesuisdevenunulencuisine?C’étaitlaseulechosequejesavaisfaire.– Tu n’es pas nul. C’est probablement juste que tu as perdu ta passion. Ne t’en fais pas. Nous

pouvonslaretrouver.Situreviensdemain,jet’aideraiàessayerdecuisinerautrechose.Onessaieratantquetun’auraspasparfaitementréussicestroisplats,desortequeJacobnepourrapaslesrefuser.

–Tuferaisçapourmoi?–Naturellement.Nous avons traîné ce soir-là, enmangeant le risotto dégoûtant et en nous rappelant ce que cela

faisaitd’êtreheureuxensemble.Pendantlesdeuxsemainesquisuivirent,jepassaichezelleetnousavonscuisiné et cuisiné et cuisiné, jusqu’à ce que nous ayons trouvé trois plats qui soient divins. C’étaitagréabled’êtreavecelle,jemesentaislibre.Nousparlions,nousriionsetnousfaisionsdesconneries.C’étaitcommesionseretrouvaittoutescesannéesenarrière,quandnousnefaisionsquerireensemble.Alyssameconseillapourperfectionnerchacundemesplats,etjeluienétaisreconnaissant.

Jeposail’ultimegâteauauchocolatdevantelleetellegémitrienqu’enlevoyant.–Tugémisdeplaisirdevantmongâteauavantmêmedel’avoirgoûté?–Absolument,jegémisdeplaisirdevanttongâteauavantmêmedel’avoirgoûté.Elleouvritdoucementleslèvresetj’attrapaiunefourchette,piochaiunmorceaudegâteauetlelui

glissaidanslabouche.Ellesemitàmâcheretsesgémissementss’amplifièrent.–OhmonDieu,Logan!Jerayonnaidefierté.–Sij’avaisgagnéundollarpourchaquefoisquej’aientenduça!–Tuauraiszérodollar,zérocent,dit-ellemoqueuse.Non,sérieux,ilfautquetugoûtes.Maisaulieudeprendreunefourchettepourmoi,elleplongealamaindanslegâteauetmel’écrasa

surlevisage.–Alors,iln’estpasbon?Ellegloussaitcommeunegaminedecinqansalorsquej’essuyaislechocolatdemesyeux,monnez

etmabouche.–Oh,ouais,ilestsuper-bon.D’ailleurs,jepariequetuenveuxencore.Justeaumomentoùelles’apprêtaitàs’enfuir,jelasaisisparlatailleetl’attiraicontremoiDema

mainrestéelibre,jeramassaidugâteauetleluifourraidanslabouche.Ellepoussauncriaigu.–Logan!Jen’ycroispas,dit-elleenriant,frottantcontrelemiensonmentonmaculédechocolat

qu’elleétalasurmabarbenaissante.–J’enaijusquedanslescheveux!–Moi,j’enaijusquedanslesnarines!répliquai-jeenessayantdumieuxquejepouvaisdem’en

débarrasseretenriantdel’entendrerire.Nouscontinuâmesàrigolerunmomentjusqu’àcequecelas’arrête.Monbrasétaittoujoursautour

desataille,etquandnousnoustûmes,lesbattementsdenoscœurss’amplifièrent.

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Jesuisentraindetomberamoureuxdetoi.Alyssa m’avait tellement manqué pendant toutes ces années que je faillis oublier pourquoi elle

devaitcontinueràmemanquer.Parcec’estdangereuxdem’aimer.Changedeconversation.Jefisunpasenarrièreenrelâchantmonétreinte.–Alyssa?–Oui?–Ilyauneguitaredanstachambre.Tuenjoues?Elleagitalamain.–Plusoumoins.Celam’aidequandjecrée.Jemedébrouille,maiscelan’arienàvoiravecceque

jefaisaupiano.–Tusais,Kellann’arriveplusàjouer.Sesmainstremblent,etiloublieparfoissesparoles.Jevois

bienquecelalemine.Ellefronçalessourcils.–Jenepeuxqu’imaginercequeçadoitluifaire.C’esthorribledenepaspouvoirfairecequ’on

aime.–Ouais. Jeme demandais. Je sais que tu ne te trouves pas géniale,mais est-ce que tu pourrais

m’apprendre?Suffisamment,pourquejepuissejouerpourlui?–Enfin,jeleretrouve!Ellepoussaunpetitsoupir.–Turetrouvesquoi?–Jeviensd’avoirunevisionfugacedugarçonquej’aimaisautrefois.

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36LOGAN

Lasemainesuivante,jedemandaiàAlyssadem’accompagnerchezJacobpourmondernierexamendepassage en cuisine. Étant donné qu’elle était l’inspiration qui m’avait guidé pour ce plat, je trouvaisnormalqu’ellesoitàmescôtésquandJacobm’enverraitboulerenmedisantdereveniravecautrechose.

Rôti de canard croustillant accompagné d’une sauce à la framboise et au romarin, rattes rôties àl’huiled’oliveetauxherbes,etchouxdeBruxellesàl’ail.

Lecœurbattant,j’observaisJacobquimastiquaitsanssedéfairedesonimpassibilitécoutumière.Àcôté,AlyssatapaitdupiednerveusementtoutenmâchonnantlecoldesonT-shirt,cequimefitsourire.Jenesavaispasquidenousdeuxétaitleplusangoisséàl’idéequelecanardnesoitpasàlahauteurdesattentesdeJacob.

– Il faut que tu trempes le canard dans la sauce ! intervint Alyssa avant de recommencer àmâchonnersonT-shirt.Oh!EtleschouxdeBruxelles.TrempeleschouxdeBruxellesdanslasauceàlaframboise.

Ilfitcequ’elleluidisait,etjemerecroquevillai.Ilreposasafourchette,serenfonçadanslebox,etunpetitsourireapparutsurseslèvres.

–Ehben,putaindemerde,c’estbon.Jeregagnaiunpeud’assurance.–Ouais?–Non.Cen’estpasbon.Disonsplutôtquec’est…extraordinaire.Genre, lameilleurechoseque

j’aiejamaismangée.Ilreprituneautrebouchée.–Ahlavache!Jenesaispascequetuasmisdansceplat,maisjeveuxquetuinscrivesçaàmon

menutouslesjoursoùtuviendrastravailler.

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–Donc…jesuisengagé?–Continueàcuisinercommeçaetlerestaurantestàtoi,dit-ilenrigolant.Maisilredevintsérieuxetpointaundoigtversmoi.–C’étaituneblague.Cerestaurantn’estpasàvendre.Jerigolaiàmontour.–Ehbien,jemecontenteraidelaplacedechef,pourl’instant.J’étais tellement fier que j’avais l’impression que j’allais exploser. Alyssa, un sourire fendu

jusqu’auxoreilles,tenditlesbrasetmesaisitparlesépaules.–Jelesavais,memurmura-t-elleàl’oreille.J’étaissûrequetuyarriverais.J’inhalaisl’odeurdesonshampooingàlapêche.–Trèsbien,lesenfants,çasuffit.Sortezfairelafêtecesoir.Logan,tucommenceslundi.Lorsquenousnouslevâmes,Jacobtenditlebraspourmeserrerlamain,maisjeleprisdansmes

brasetlefistournerenrondavantdel’embrassersurlefront.–Merci,Jacob.–Derien,monpote.Justecommenouspartions,Alyssaetmoi,jemarquaiuntempsd’arrêt.–Aufait,Jacob,attends.Jemislamaindansmapochearrièreetensortisunmorceaudepapiersur lequel j’avaisnotéla

recettedemonmasquecapillaire.Ilsemitàricaner.–Tuattendaisquejet’embauchepourmedonnercetterecette,c’estça?–Iln’estpasimpossiblequej’aieenvisagédelagarderpourmoijusqu’àcequetum’embauches.Ilhochalatêted’unaircondescendant.–J’auraisfaitpareil.

***

AvecAlyssa,nousrestâmesenvilletoutelasoiréepourfêtermonpremierboulotofficieldechef.Nous atterrîmes dans un restau bas de gamme avec des hamburgers et desmontagnes de frites posésdevantnous,jouantàquipourraitenmangerleplussansserendremalade.

Pourlapremièrefois,j’avaisl’impressiond’êtredenouveauheureux.Mais j’auraisdûmedouterque celanedurerait pas.Parcequ’après leshauts, viennent toujours,

toujours,lesbas.–Tiens,tumangesicitoiaussi,fiston?Lavoixvenaitdederrièremoi,etmamâchoiresecontracta.Enmeretournant,jevismonpèrequi

mesouriait,ceconnard.Iltenaitunefilleparlesépaules,etquandjelaregardai,jelusdelapeurdanssesyeux.Enunéclairmerevintenmémoirelesoiroùj’avaisvucesyeuxpourlapremièrefois.

«Tusaisquetuasdetrèsbeauxyeux?dis-jepourchangerdesujet.

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Jecommençaiàl’embrasserdanslecouenécoutantsesgémissements.–Bof,ilssontverts,c’esttout.Elleavaittort.Ilsétaientd’unvertcéladon,assezunique,avecunpeudegrisetdevert.–Ilyaquelquesannées,j’aivuundocumentairesurlapoteriechinoiseetcoréenne.Tesyeux

ontlacouleurdel’émailqu’ilsutilisaientdansleurspoteries.»–Salut.JedéglutispéniblementetdétachaimonregarddeSadie.–Quoideneuf?–Quoideneuf??Tudemandesquoideneuf, commesi tun’avaispasessayédedéclencherune

bagarreladernièrefoisqu’ons’estvus.Alyssaserrasonsaccontreelle,etjepusvoirunelueurdepaniquepasserdanssesyeux.Elleétait

terrorisée,toutcommeSadie.Monpèrefaisaitceteffetàlaplupartdesfemmesquil’approchaient.–Écoute,jeneveuxpasd’ennuis,jedisd’unevoixbasse.–Ah?Commeça,maintenantc’estmoiquicréelesennuis?ricana-t-il.Ilparlaitfortpourquetoutlemondesoit témoindenotreéchange.Ilétaitcommeça, toutpourla

frime.Aumomentoùjem’assis,ils’approchademoietmeregardadetoutesahauteur.–N’oubliepasquivousarecueillis,tamèreettoi,ilyadesannées,Logan,grommela-t-ild’unton

oùplanaitunemenace.Ilmefixad’unregardhaineuxpendantquelquesinstantsavantdemefaireunlargesourireetdeme

taperdansledos.–Jetefaismarcher,monpote.Onpeuts’asseoiràcôtédevous?Sansattendrelaréponse,ilseglissasurlabanquettedanslebox,àcôtéd’Alyssa.Elleseraiditet

j’eusl’impressionqu’elleallaitfondreenlarmes.Jeprissamaindanslamienneetexerçaiunelégèrepressionsursesdoigtsavantdel’attirerplusprèsdemoi.

J’avais enviedemebarrer etde ramenerAlyssachezelle. Jedétestais la capacitéqu’avaitmonpèredeprovoquerdesfrissonsdepeurchezlesfemmes.

–Jevousprésentemacopine,Sadie,dit-ilenlaprenantparlataillepourlaserrercontrelui.J’eusunmouvement de recul en sentant la colèremonter enmoi,mais jem’efforçai denepas y

céder.JetendislamainàSadie.–Enchanté.Ellenemeserrapaslamainetdétournalesyeux.Rickyparlaàsaplace.–Oh,non,non,non,jamaisdecontact.Jereconnaissaisdanssavoixl’inflexionmenaçantequ’elleprenait toujoursquandils’adressaità

ma mère. Cela avait de l’importance à ses yeux de passer pour un gros connard puissant, alors ilrabaissaitlesfemmespoursesentirfort.

Pourmoi,celalefaisaitjusteparaîtrefaible.–Sadien’aimepasqued’autreshommeslatouchent,pasvrai,Sadie?

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Elleneréponditpas.Detoutefaçon,ilnelalaisseraitpasfaire.Sijeneluiavaispasparlél’autrejour à la gare, j’aurais pu croire qu’elle étaitmuette, vu qu’elle n’avait pas dit unmot depuis qu’ilsétaiententrésdanslerestaurant.

–Tuvoulaisquelquechose,Ricky?J’étaisdeplusenplusmalàl’aise.Illevalesmainsenguisedeprotestation.–Holà,étranger.Jevoulaisjustetedirebonjour.SontéléphonesemitàsonneretilregardaSadie.–Jedoisrépondre.Nebougepasd’ici.Ilselevaetsedirigeaverslasortiepourprendresonappel.JetournaibrusquementlesyeuxversSadie.–Qu’est-cequetufousaveclui,putain?C’estluilepetitamidonttum’asparlé?–Je…jenesavaispas…dit-elled’unevoixtremblante.Quandjet’aivuàlagare,j’essayaisdele

quitteret jevoulaisteledire.Maisjemesuisditqueçaneferaitquem’attirerdesennuis.Jeveuxlequittermaischaquefoisquej’essaie,ilenvoiedesmecspourmeretrouver.Jenepeuxpas…

–Est-cequ’iltefrappe?Ellebaissalesyeux.Jeprismonportefeuilledemapochearrièreetensortisquelquesbillets.–Tiens,prendsça.Montedanslepremierbusquetutrouvesetfichelecamploind’ici.Alyssame regarda attentivement,mais elle ne posa pas de questions. Ellemit unemain surma

jambepourmeréconforter.–Jenepeuxpaspartir.Jenepeuxpas,ditSadie,leslarmesauxyeux.–Pourquoi?–Jesuisenceinte,chuchota-t-elle.Jesuisenceinteetjen’ainullepartnipersonnechezquialler.Il

m’acoupéedemafamille.Iladétruittoutesmesrelations.Etmaintenant,jen’aiplusquelui.–Sadie,écoute-moi.Pourtongamin,lameilleurechosequetupuissesfaire,c’estdemonterdansun

busetdepartirsansteretourner.Tuneveuxpaséleverunenfantaveccethomme.J’aiétécetenfant.Tupeuxmecroire,çanesepasserapasbien.

Ellebaissalesyeuxentremblantlégèrement.–D’accord,murmura-t-elle.Alyssasemblaitlarguée,maisellegriffonnasonnumérodetéléphonesuruneservietteenpapier.– Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu peuxm’ap-peler, moi ou Logan. Je t’ai mis nos deux

numérosdetéléphone.Sadieessuyaseslarmes.–Pourquoiêtes-voussigentilsavecmoi?Vousmeconnaissezàpeine.–Quoi ? Bien sûr que je te connais. Tum’as appris l’espagnol, dis-je en rigolant pour essayer

d’allégerl’atmosphère.Ellemefitunpetitsourireetempochal’argent.–Sorsparlaportedederrière,danslacuisine.Jepeuxt’accompagnersituveux.

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Jemelevai,laprisparlamainetl’emmenaiverslefonddelasalle.Nousyétionspresquequand,toutàcoup,jesentisqu’onlatiraitenarrière.

–Bordel!Tusaiscequeçaveutdire,«nebougepasd’ici»?Monpèreluipassaunbrasautourdelatailleetillaserrasifortquejevispasserladouleurdans

sesyeux.–Onyva.Sadiemelançaunregardimplorant,etjefisunpasenavant.–Jenecroispasqu’elleveuillealleravectoi.–Pardon?Illuipassalamaindanslescheveuxetlaserraunpeuplusfortcontrelui.–Tuneveuxpasveniravecmoi?Elleneditrien.Monpèrepoursuivit.–Avectoutcequejefaispourtoi,Sadie,c’estcommeçaquetumeremercies?Jet’aime.Tunele

saispas?Ilsepenchaetl’embrassa,delamêmefaçonqu’ilembrassaitmamèreàl’époqueoùill’abreuvait

demensongespourladominer.Elleluirenditsonbaiser,elleaussi,exactementcommemamèrefaisait.Àcetinstant,jesusqueSadienelequitteraitpas.Elleétaitbientropempêtréedanssatoile.

–Onreprendracetteconversationplustard,Logan,medit-il.Celaressemblaitplusàunemenacequ’àuneinvitationpourunejoyeuseréuniondefamille.Jen’étaispasétonné,cependant.Monpèrenecon-naissaitrienaubonheur,maisc’étaitunexperten

catastrophes.Quand ilspartirent, jemesentisdégoûté. Jegardai le silence, faisantclaquer l’élastiquesurmon

poignet.Alyssavintversmoi.–Tuvasbien?Jesecouailatête.–Veux-tuquenoussortionsprendrel’air?–D’accord.Maiscen’étaitpasseulementd’airdont j’avaisbesoin.J’avaisbesoinquemonpèredisparaisse,

pourpermettreàtousceuxquicroisaientsonchemind’êtreenfinlibérésdeleurschaînes.

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37ALYSSA

Une fois dehors,Logan serrait les poings, rouge de colère contre son père. J’ignorais ce qui s’étaitpasséentreSadieet lui,mais jevoyaisqu’ilavaitpeurpourelle.LaproximitédupèredeLoganétaitterrifiante,etjen’auraispasvouluêtreàlaplacedeSadie,incapabled’échapperàsonemprise.

–Çava?–J’aijustebesoind’unpeudetempspourmecalmer.Lesmainssur lanuque, il semità faire lescentpasdans leparking. Ilyavaitpleindevoitures

garées dans ce grand parking, les gens étaient sortis pour profiter de la douceur de l’air, pour serencontreret s’amuser, alorsqueLogan faisait tout lecontraire. Il sedébattait avec lesdémonsqui lehantaient.Ilméritaitdesoufflerunpeu.

Jem’adossaiaumurdubâtimentenattendantqu’ilsecalme.Ildonnaitdescoupsdepieddanslesgrandestouffesd’herbe.

–Tuasenviedeconsommer?–Ouaip,marmonna-t-ilenfermantlesyeuxetenmarchantencercle.Lepauvre.–Tusaiscequicequ’iltefaudraitpourquetutesentesmieux?–Euh,non.Maisjesuissûrquetuasuneidée?–Oh,ça,tupeuxmefaireconfiance!Jeleregardaidroitdanslesyeux.–Tum’écoutes?–Oui.–Non,jeveuxdire,est-cequetum’écoutes,vraiment?

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Ilsemitàrire.Bien.J’étais tropcontentedel’entendrerire.Jememisàrireaussi.Jeris,parcequ’ilétaitsibeau.Jeris,parcequ’ilétaitmonamidenouveau.Jeris,parcequemoncœursavaitquecelaneseraitjamaissuffisantpourmoi.

–Oui,jet’écoute.Jemeredressaienbombantletorseetjedis:–Unkaraoké.–Oh,Seigneur,nonpasça.–Quoi?Allez!Tunetesouvienspasqu’onallaitaukaraokéquandonétaitplusjeunes?!Etquetu

faisais«BillyJean»deMichaelJackson,aveclesmouvementsdepelvisettout?Jerefislesmouvementsdehanchescommeillefaisaitàl’époque.Ilrigola.–Ouais.Jemesouviensaussiquej’étaisbourrédecokejusqu’auxyeuxquandjefaisaisça.–Quoi?Tuplanaisàcemoment-là?–Évidemment.Sinonjen’auraisjamaisacceptédefaireunkaraoké,tupeuxmecroire.–Oh.JepensaisseulementquetuétaisimpressionnéparleurscompilsdeMichaelJacksonetJustin

Bieber.Bref.Aujourd’hui,nousallonsallerfaireunkaraokéauO’Reilly.–Certainementpas.Jehochailatêteenprenantsesmainsdanslesmiennes.–Certainementsi.–Alyssa. J’apprécie tes efforts pourm’aider à allermieux et tout ça,mais sérieux, tu n’es pas

obligée.Jemesensmieux.Grâceàtoi.Etpuis,pourrienaumondejenereferaiunkaraoké.

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38LOGAN

Jemeretrouvaiaukaraoké.JenesaiscommentAlyssaavaitréussiàmetraînersurlascènedubarO’Reillyetàmecollerunmicrodanslamain.Ellem’avaitpromisquenousferionsunduopourquejen’aiepasàchantertoutseul,maisquandmême,c’étaitplusfortquemoi,j’avaisunnœudàl’estomac.Sanshésiter,ellechoisitlachanson«LoveTheWayYouLie»parRihannaetEminem.

–Tuconnais lesparoles ?Moi, je la chante tout le temps en conduisant, alors je la connaisparcœur.

–Jepeuxsuivresurl’écran.Ellemefitunlargesourire.Jeluienfisunencorepluslarge.Monplusbeautrip.Quandlamusiquedémarraetquelesparolescommencèrentàapparaîtresurl’écran,aucunsonne

sortitdelabouched’Alyssanidelamienne.Lesclientsdubarsemirentàcrierpourqu’onchante,maisniellenimoinelefaisions.

LeDJarrêtalabandeetnousfitdegrandssignes.–Hum,voussavezquevousdevezouvrirlabouchepourchanter,hein?JeregardaiAlyssasanscomprendre.–Pourquoitun’aspaschanté?C’estécritquec’estlapartiedeRihanna.–Oh,maisjenechantepassapartie.J’aimelespassagesrappésdeEminem.–Quoi?(Jemerapprochaid’elle.)JenevaispaschanterlespassagesdeRihanna.–Etpourquoipas?–Parcequejenesuispasunenana.

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–Maistuascettevoixmagnifique,hautperchée,Lo.Jepensequetuferaisunesuper-Rihanna,dit-elled’untonmoqueur.

–Jelancelereplayuneseulefois,lesgars.C’estmaintenantoujamais,ditleDJ.–Pasquestionquejefasseça,High.Nousnousfaisionsface,letorsebombé.–Ohmaissi,tuvaslefaire.–Non.–Si.Jesecouailatête.–Non.Ellehochalatête.–Si.–Alyssa.–Logan.–High.–Lo.L’intro commença à jouer et je continuai à secouer la tête de droite à gauchepour lui dire qu’il

n’étaitpasquestionquejelefasse,maisquandlapartiedeRihannadébuta,jemeretrouvaiaveclemicrodevant laboucheet jecommençaiàchanter lapartie fémininede lachanson,d’unevoixhautperchée,dansunetonalitémerdique.

Alyssa se couvrit la bouchepour retenir ses gloussements incontrôlables. Je lui lançai un regardassassinavantdemetournerfaceaupublicetd’assumerpleinementmapartféminine.Jetrouvaiquejenem’ensortaispasmaldutout.Jemedisquegrâceàmoinotreinterprétationseraitmagique.

Mais,soudain,quelquechoseseproduisit.Lecoupletd’EminemarrivaitetAlyssasetransformad’unefaçonquejen’avaisencorejamaisvue.

Ellefauchalacasquettedebase-ballduDJ,selavissadevantderrièresurlatêteetsemitàarpenterlascènede longen largeen impliquant lepubliceten leurdemandantd’agiter lesmainspendantqu’ellerappait.

Alyssa Marie Walters rappant comme Eminem. Et elle était incroyable, putain. Elle rentraitcomplètement dans le personnage, les gestes, les mimiques, elle y allait à fond. Elle était totalementdéchaînéeetsibelleàcemoment-là.Libre.

Quandvintlemomentdurefrain,ellemeregarda,etjerecommençaiàchanterd’unevoixdefaussetaffreuse.Etpuisellerappadenouveau,eninsistantbiensurchaquemot.

Quandonarrivaauderniercouplet,leplusdifficileàrapperpourelle,elleinspiraprofondément.Ellemeregardadroitdanslesyeuxetavantqu’ellecommence,lecoldesonT-shirtseretrouvaentreseslèvres.Elle hocha la tête une fois. Jehochai la tête une fois.Elle lâcha son col et semit à rapper lederniercoupletdirectementpourmoi.

Etc’étaitvachementsexy.

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Soncorpssebalançaitd’avantenarrière,ellesefondaitdanslesmotset lesmots lapénétraient.Lorsqu’arriva la fin et qu’elle lâcha le micro, la foule se déchaîna. Je chantai le dernier refrain deRihannaenm’adressantàelle.

Aprèslafindelachanson,nousnepouvionsplusnousarrêterderire.Nousnousserrâmesdanslesbrasl’undel’autretrèsfort,etlesgensdanslepublicnousacclamèrentenréclamantunbis.

Nouschantâmescinqautreschansonsavantd’allernous isolerdansunbox,au fonddubar,pourarroserça.

Nousrestâmesunebonnepartiedelanuit,àbavarderdetoutetderien.Nousrîmesplusquenousnel’avionsfaitdepuisfortlongtemps.Pendantunmoment,cefutcommeavant.

Jem’imprégnaisdesesrires.Sessouriresfaisaientbattremoncœur.Jeregardaisbougerseslèvresalorsqu’elleme racontait une longuehistoire àproposde jene saisquoi.Pourdire lavérité, j’avaisarrêtéd’écouter.Depuisunbonmoment.Parcequemonespritétaitailleurs.

J’avaisenviedeluidirecequejeressentaispourelle,denouveau.J’avaisenviedeluidirequejeretombaisamoureuxd’elle,encoreunefois.J’avaisenviedeluidireàquelpointj’aimaistoujourssescheveuxfousetquej’aimaistoujourssabouchequibavardaittoujoursdetoutetderien.

J’avaisenviede…–Logan…murmura-t-elleensefigeantdanslebox.Sansquejem’enaperçoive,mamains’étaitposéesursesreinsetjel’attiraicontremoi.Meslèvres

étaient à quelques centimètres des siennes. Sa respiration haletante semélangeait à lamienne, et noscorpssemirentàtremblerl’uncontrel’autre.

–Qu’est-cequetufais?Qu’est-cequejefaisais?Pourquoinoslèvresétaient-ellessiproches?Pourquoinoscorpsétaient-

ils serrés l’un contre l’autre ? Pourquoi est-ce que je n’arrivais pas à détachermon regard du sien ?Pourquoiétais-jeentrainderetomberamoureuxdemameilleureamie,encoreunefois?

–Véritéoumensonge?–Mensonge.–Jenesuispasaccroàtonsourire.Tesyeuxnefontpasbattremoncœurplusvite.Tonrireneme

donnepasdefrissons.Tonshampooingparfuméàlapêchenemerendpasfou,etquandtumâchonneslecoldetonT-shirt,jenetombepasencoreplusamoureuxdetoi.Parcequenon,jenesuispasamoureuxdetoi.

Sarespirationsefitencorepluslourde.–Etlavérité?–Lavérité,c’estquejeteveux.Jeveuxquetureviennesdansmavie,etplusencore.Jen’arrête

pasdepenserà toi,High.Paspouréchapperà la réalité,maispour lavivre,aucontraire.Tuesmoncœur.Tuesmonâme.J’aienviedetoi.Jeveuxtoutdetoi.Etplusquetout,làtoutdesuite,j’aienviedet’embrasser.

–Lo…dit-elle d’une voixmal assurée.Tu es toujours la première personne à laquelle je pensequand jeme réveille.Tu es toujours le seul quimemanquedèsque tun’espas à côtédemoi.Tu es

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toujourslaseulechosequiatoujourssemblébonnepourmoi.Etsij’étaisfranche,jediraisquej’aienviequetum’embrasses.Toutemavie,j’aieuenviequetum’embrasses.

J’entrelaçaimesdoigtsaveclessiens.–Nerveuse?–Nerveuse.Jehaussailesépaules.Ellehaussalesépaules.Jeris.Ellerit.J’entrouvrisleslèvres.Elleentrouvritleslèvres.Jemepenchaiverselle.Ellesepenchaversmoi.Et tous les jours passés qui avaient enflammé ma vie me revinrent en mémoire. Nous nous

embrassâmeslonguementdanscebox,rattrapanttoutesleserreursdenotreviepasséeetnouspardonnantmutuellementtoutesleserreursdenotreviefuture.

Cemomentétaitbeau.Ilétaitjuste.Ilétaitànous.Maisbiensûr,avecleshautsviennentlesbas,commetoujours.Letéléphoned’Alyssasemitàsonner,etnousnousécartâmesl’undel’autre.Quandellerépondit,

jevistoutdesuitequequelquechosen’allaitpas.–Qu’est-cequisepasseErika?Silence.–Commentilva?Monestomacseserraetjemeredressai.–Onarrive.Ok.Àtoutdesuite.–Qu’est-cequ’ilya?–C’estKellan.Ilestàl’hôpital.Ilfautqu’onyaille.Toutdesuite.

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39LOGAN

–Ques’est-ilpassé?Jemeprécipitaidanslachambred’hôpitaldeKellan.Ilétaitcouchédanslelit,avecdesperfusionsdanslesbras.

–Kel,çava?–Jevaistrèsbien.Jenesaispaspourquoiellevousaappelés.Toutvabien.–Ilallaitdanslasalledebainsetils’estévanouidanslecouloir.Erika,assisesurunechaise,sebalançaitlégèrementd’avantenarrière,lesmainscoincéessousles

cuisses.–Jesuisrevenuàmoitoutdesuite.Jevaisbien.–Kellan!Tunepouvaisplusmarcherettunesavaispluscommentjem’appelais.Kellanouvrit la bouchepourparler,mais seul un soupir s’en échappa. Il ferma les yeux. Il était

fatigué. Il s’effondraitunpeupluschaque jouret jenepouvaism’empêcherdemedemanderquand lachimioallaitcommenceràfairedel’effet.Onauraitditqu’ellenefaisaitquel’affaiblir.

Erikaselevaetnousentraîna,Alyssaetmoi,verslefonddelachambrepournousparlerpendantqueKellans’endormait.Ellecroisalesbrasautourd’elleets’adossaaumurleplusproche.

– Les médecins font une nouvelle série d’examens. Mais il est terriblement faible et fatigué.L’infirmièreaditqu’ilpouvaitrentrercheznousavecunfauteuilroulant.Celal’aideraitàalleretvenir,maisilarefusé.Ilesttellementorgueilleux.Maisilluifaut…

Ellesepassalesmainssurlesyeuxavantdelesposersurlesommetdesoncrâne.–Ilabesoindenotreaide.Iln’estpasdugenreàreconnaîtrequ’ilabesoind’aide.C’esttoujours

luiquiaidelesautres.Maisilabesoindenous.Mêmes’ilessaiedenousrepousser.–Jesuislàpourtoi,jedis.Demande-moicequetuveux.Jesuislàpourlui.

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Erika me fit un petit sourire tendu. Ses yeux étaient lourds. Elle manquait de sommeil. J’étaispratiquementcertainquequandKellanfermaitlesyeuxlesoir,lessiensdemeuraientgrandsouverts.

–Toiaussituasbesoind’aide,Erika.Tun’espasobligéedet’occuperdetout.Jesuislàpourça.–C’estjusteque…Savoixtremblait.EllejetaunregardversKellan.–C’estjustequ’ilesttempsderéaliserqueleschosesvontallerbeaucoupplusmalavantd’aller

mieux.Celamefaitpeur.Jesuisterrifiée.Logan,s’ilarrivaitquelquechose…s’illuiarrivaitquelquechose…

Ellefonditalorsenlarmeset,l’entraînanthorsdelachambre,danslecouloir,jelaprisdansmesbrasetlaserraifortcontremoi.

–Jenepeuxpasleperdre.Jenepeuxpas.Jen’avaisjamaisvuErikas’effondrer.Elleétaitcellequimaîtrisaittout.Lavoirdétruitecommeça

montraitàquelpointlasituationétaitgrave.Quandellesereprit,elles’écartademoietessuyaseslarmes.–Çava.Jevaisbien.Çavaaller,dit-ellepourserassurerelle-mêmeautantquenous.Ilsvontle

gardercettenuit.Jevaisresteraveclui.–Jepeuxrester.Jesaisqueladatedetesexamensapproche.–Non,çava.Jevaisbien.Çavaaller.–Sœurette,murmuraAlyssaenessuyantleslarmesdesasœur.–Jevaisbien.Vraiment.Rentrezàlamaison,touslesdeux.JevousenverraiunSMSs’ilyadu

changement.Jeregardailaportedelachambre.–Est-cequejepeuxallerlevoiruninstant?Elleacquiesça.–Oui,biensûr.Alyssa,tuviensavecmoivoirsiontrouveducafé?Elles s’éloignèrent toutes les deux, je rentrai dans la chambre et approchai une chaise du lit de

Kellan.Jeregardaisapoitrinemonteretdescendreaumilieudesbipsetduronronnementdesmachinesquil’entouraient.Lesimplefaitderespirersemblaitluidemanderuneffort.

–Tudors?–Non,jesomnolesimplement.J’écrasaimespoucessurmesyeuxpourcontenirmonémotion.–Qu’est-cequetufouslà,Kel?C’étaitmoiquidevaismeretrouverdanscegenred’endroit,tute

souviens?Pastoi.Ilmesouritfaiblement.–Jesaisbien.–Çava?Ilinspiraavecdifficulté.Semitàtousser.–Ouais,çava.

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Iltournalatêteversmoi,etsesyeuxtoujoursaussigentilsmesourirent.–Jelatue,murmura-t-ilenfaisantallusionàErika.–Quoi?Maisnon.Ilsedétournapourdissimulerleslarmesquiroulaientsursesjoues.–Si.Çalatuedemeregardermourir.–Tunevaspasmourir,Kellan.Ilneréponditpas.–Hé!Tum’entends?Jetedisquenon,tunevaspasmourir.Dis-le.Ilregardaleplafond,puisfermalesyeux.Leslarmescontinuaientàcoulersursesjoues.–Jenevaispasmourir.–Encore.–Jenevaispasmourir.–Encoreunefois,frangin.–Jenevaispasmourir!–Bien. Et ne t’avise pas de l’oublier. Tout lemonde va bien.Nous allons tous surmonter cette

épreuveensemble.Jeprissamaindanslamienneetlaserrailégèrement,m’efforçantdeleréconforter.–Toutvabien.Tuasraison.Excuse-moi,jesuisjuste…–Fatigué?–Fatigué.Jedemeuraiauprèsdeluipluslongtempsquejen’avaispensélefaire.Lorsqu’Erikarevintdansla

chambre, je lui demandai si je pouvais rester avec lui cette nuit. Elle acquiesça etAlyssa décida derentreravecelle,pournepaslalaisserseule.

Jenedormispascettenuit-là.Jerestaiéveillépoursurveillerlesmachinesetlarespirationdemonfrère.

Quandlejourselevaetqu’ilouvritlesyeux,ilmefitundemi-sourire.–Rentreàlamaison.–Non.–Si.Vavivretavie,Logan.Tun’aspasquelqu’undonttudoistomberamoureux?–Qu’est-cequetucroisquejefais,encemoment?Je posai la tête sur son lit. Ilme sourit et haussa son épaule droite. Je lui souris et haussaimon

épaulegauche.

***

J’auraisaimépouvoirdirequeleschosesallaientmieuxpourKellan,maisilapparaissaitqu’ellesnefaisaientqu’empirer.Mêmes’iln’étaitpasà l’hôpital, ilpassait leplusclairdeson tempscouché.Mon frère qui souriait tout le temps était en train de devenir une personnequi nemontrait plus aucun

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sentiment.Lui,d’habitudesidélicat,parlaitdurementàErika,quoiqu’ellefasse,cequinefaisaitquelarendreencoreplusnerveuse.

C’étaitdéchirant,parcequ’ellefaisaitvraimenttoutcequ’ellepouvait.Moi,ilnemecriaitjamaisdessus,etj’envenaispresqueàleregretter.Erikasemblaitauborddela

dépression.Larentréeuniversitaireallaitbientôtarriveretellesemblaitdébordéeparleshorairesdesescours, en plus du fait qu’elle avait échoué à ses cours d’été pour sonmaster. Elle était extrêmementstressée.

–Invite-laàsortir,soupiraKellanpendantquejel’installaissurlecanapédusalon.Ilenavaitmarrederegarderlesmursdesachambre,celalerendaitunpeuclaustrophobe.–Inviterqui?Ilmeregardad’unairdediretusaisbiendequijeparle.–Alyssa.Surlatablebasse,ilyadeuxbilletspourl’OpéradeChicago,pourcesoir.Ilyaaussi

une réservationpourunenuit d’hôtel. Je crois que cela lui plairait.Erika etmoidevionsy aller pournotrelunedemielmais…

Ilsetutetfermalesyeux.–Emmène-la.–Jenevaispasconduirejusqu’àChicagoetpasserlanuitlà-basalorsquetunevaspastrèsbien.–Si.–Non.Tuaseutachimiohier.Tuestoujoursmaladequelquesjoursaprès.–Jevaisbien.EtpuisErikas’occuperademoi.–Kellan.–Logan.Ilseredressapours’asseoirsurlecanapé.–Tuasledroitd’êtreheureux.–Jesuisheureux.–Non.Tusurvis.Tufaislesgestesdelavie.Cequisecomprend.Aprèstoutcequetuastraversé,

toutcequetuasvu,c’étaitdevenucommeuneroutinemalsainedonttunepouvaispast’extraire.Maislaseuleépoqueoùjet’aivuheureux–jeveuxdirevraimentheureux–c’étaitquandtuétaisavecAlyssa.

–Arrête,Kellan.–Tutesouviensquandtuesvenumesupplierdetedonnerdel’argentpour t’acheteruncostume

justepourpouvoirl’emmeneràunrécitaldepianoàChicago?Tuétaisrayonnantd’espoir.Jenet’avaisjamaisvuaussioptimisteavantça.

–Etj’avaisraison.L’espoirestunepertedetemps.Rappelle-toiqu’elleetmoinesommesjamaisallésjusqu’àChicagoparcequeRickym’avaitfoutulesboulesetquej’aiplongéàmort?

Illevalesyeuxauciel.–Tun’espluscommeça.Invite-laàsortir.–Non.–Si.

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–Non.–Si.–Non!–J’aiuncancer.Jelevaislesyeuxauciel.–Hémec,ça,c’estuncoupbas.Pendantcombiendetempstuvasnousfairelecoupducancer?Ilmesouritettenditlamainversmoipourmetapersurl’épaule–Invite-laàsortir,d’accord?Jehochailatête.–D’accord.

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40ALYSSA

–Salut,jedisd’unevoixrauqueenvoyantLogansousmonporcheencostumeetnœudpapillon.Sescheveuxétaientrejetésenarrière,brillantsdegel,etilrayonnait.

–Tuesbelle,dit-ilenobservantmalonguerobenoire.Trèsbelle.Jerougis.–Toiaussi.Jeveuxdire,beau.Tuestrèsbeau.Iltenditlebrasetpritmamaindanslasienne.Ilmeguidajusqu’àlavoiture,ouvritlaportièreet

m’aidaàmonter.Moncœurcognaitdansmapoitrineetlespapillonsdansmonestomacsetransformèrentbizarrementendragonsquim’enflammèrent.J’avaisletrac.

Quandilm’avaitdemandésijevoulaisveniravecluiàChicagopourécouterunopéra,j’avaisdûmepincerpourêtresûrequejenerêvaispas.Nousn’avionsjamaispusortirensembledansdesendroitschic. Nous n’avions jamais pu tomber amoureux comme nous le méritions vraiment. Alors, le faitqu’aujourd’huiLoganporteuncostumequin’étaitpas tropgrandpour luietque jeporteune robequiétaitbientropchicpourmoi,c’étaitincroyable.

Jet’aimetoujours…–Tuescontente?demanda-t-ilalorsquenousroulionssurl’autoroute.–Oui.Jet’aimetoujours…–C’estlapremièrefoisquejefaisuntruccommeça,tusais?Allervoirunopéra.Jeveuxdire,je

suis allé écouter tes récitals de piano, qui étaient à couper le souffle,mais je n’ai jamais vu un truccommeça.

–Tuvasadorer.Quandj’étaisàlafac,nousdevionsalleràdesspectaclespourundemescoursdemusique.L’opéra,c’estuneexpérienceunique.

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Ilsourit.–Mercideveniravecmoi,High.Chaquefoisqu’ilm’appelaitHigh,j’avaisl’impressiond’avoirdix-huitansdenouveau.La représentation étaitmerveilleuse, et alors que nous regardions, assis dans notre loge, j’avais

remarquéqueLoganétaitcomplètementabsorbéparl’action.Ilnequittaitpaslesacteursdesyeuxetmoi,jenelequittaispasdesyeux,lui.C’étaitfou,cequisepassait.Commentseulcegarçonpouvait-il,aprèstoutescesannées,contrôlerchaquebattementdemoncœur.

Après le spectacle, nousmarchâmes dans les rues de Chicago, en cette soirée d’automne. Nousétionssiprèsl’undel’autreque,detempsentemps,nosbrassefrôlaient.Notrehôtelétaitsituéjusteenbasdelarueoùsetrouvaitl’Opéra,cequiétaitmerveilleux.

–Jetrouvequ’ErikaetKellansontstressés,ditLoganenmetirantdemespensées.–Ouiterriblement.Erikam’aappeléel’autresoirdesavoiture.Ellepleuraittoutesleslarmesde

soncorps.Elleal’impressionqu’elleestauboutdurouleauetqueKellanlarejette.–Tucroisqu’illarejettevraiment?–Jenesaispas.Jepensequ’ilajustepeur.–Ouais,moiaussi.Jemedisais…Nousdevrionsfairequelquechosepoureux.Jenesaispasquoi,

maisjevoudraisfairequelquechosepourlesaideràallermieux.–C’estunesuper-idée.Jepoussailaported’entréedel’hôtel.–Etjecroisque…–Jesuistoujoursamoureuxdetoi.Quoi?Est-cequej’avaisprononcétouthautlesmotsquiavaienttournédansmatêtependant

toutelasoirée?Lesmotsquejegardaisenmoidepuiscinqans?Non,ilsn’étaientpassortisdemeslèvres.Je pivotai lentement sur moi-même et regardai fixement Logan qui se tenait derrière moi sur le

trottoir,lesmainsenfoncéesdanslespochesdesonpantalon.Ilsebalançaitd’unpiedsurl’autre.–Quoi?jedis,lecœurbattant.–Jesuistoujoursamoureuxdetoi.Ils’approchademoi.–J’aiessayédemettreuntermeàcetamour.J’aiessayédel’ignorer.J’aiessayédelerepousser,

maisilneveutpass’enaller.Dèsquetuesprèsdemoi,jeteveuxencoreplusprès.Chaquefoisqueturis,jevoudraisquecesonnes’arrêtejamais.Quandtuestriste,j’aienviedesécherteslarmesparmesbaisers.Jeconnaistouteslesraisonspourlesquellesjen’aipasledroitdevouloirêtreavectoi.Jesaisquejeneserai jamaispardonnépourcequej’aifait ilya toutescesannées,maisjesaisaussiquejet’aimetoujours.Tuestoujourslefeuquimeréchauffequandlaviedevientfroide.Tuestoujourslavoixquimaintientlesténèbresàdistance.Tuestoujourslaraisonpourlaquellemoncœurbat.Tuestoujoursl’air qui gonfle mes poumons. Tu es toujours mon plus beau trip. Et je suis toujours sincèrement,

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follement, douloureusement amoureux de toi. Et je ne vois pas comment je pourrais, un jour, ne plusl’être.

–Logan…Ilcontinuait àavancerversmoi, etmoncœurbattait tellement fortqu’ilmesemblaitque j’allais

m’évanouir.–Alyssa…–Lo…Lentement,j’entrelaçaimesdoigtsaveclessiens.–High.Lui.Moi.Nous.Nousnousapprochâmesencoreplus.Noscorpss’enlacèrentet,enposantmesdoigtssursontorse,

jesentisqu’iltremblait.–Nerveux?–Nerveux.Meslèvress’approchèrentàquelquesmillimètresdessiennes.Sarespirationdevintlamienne,etla

miennedevintsienne.Ilétaitmonassistancerespiratoire,c’est luiquicontrôlait lesbattementsdemoncœur,encoreettoujours.

Jehaussailesépaules.Ilhaussalesépaules.Jeris.Ilrit.J’entrouvrisleslèvres.Ilentrouvritleslèvres.Jepenchailatête.Ilpenchalatête.Nousétionstoujourstellementamoureux.

***

Pendantquelquesbrefsmoments,ilm’ouvritlesportesdesoncœuretjel’autorisaiàpénétrerdanslemien.Sapeaurencontramapeau,seslèvressejoignirentauxmiennes.Cettenuit-là,nousnoussommescramponnésl’unàl’autre.Nousavonsempêchénosespritsdedivaguer.Nousn’avonspasparléd’hieretnousavonsrefusédeparlerdedemain.

Maiscelanenousapasempêchésdenoussouvenirniderêver.Nousnoussommessouvenusdetoutcequenousavionsétéetnousavonsrêvédetoutcequenous

pourrionsdevenirun jour.Chaque foisqu’ilmepénétrait, jemurmurais sonnom.Chaque foisqu’il se

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retirait,ilmurmuraitlemien.–Jet’aime,luidis-jedoucementàl’oreille.–Jet’aime,répondit-ildélicatementenm’embrassantdanslecou.Nousnoussommesaiméscettenuit-là.Nousnoussommesaiméssanscontrainte,sansretenue,sans

peur.Nousnoussommesaimésdanschaquebaiser,chaquecaresse,chaqueorgasme.Nousavonsaiméladouleur,nousavonsaimélescicatrices,nousavonsaiménotrefeuardentquine

pourraitjamaiss’éteindre.Nousavonsaimécettenuit.Oui…Nousavonsaimétrèslentement.

***

Enmeréveillant,j’avaistoujourslesentimentderêverparcequejemeréveillaisdanssesbras.Ilavaitlesyeuxouvertsetilposadélicatementunbaisersurmonfront.

–Salut.Jemefrottailesyeuxenbâillant.–Salut.–C’estl’heuredeselever?–Non,dit-ilensecouantlatête.Iln’estquetroisheuresdumatin.Jemeredressai,sentantl’inquiétudemonterenmoi.–Qu’est-cequinevapas?–Rien.–Logan.Dis-moi.–Jesuisinquiet,c’esttout.Kellanaeusachimiohier,etdepuisquejesuisrevenu,j’aitoujoursété

présent.Illuiarrived’êtremaladeaumilieudelanuit,alorsjesuisinquiet,c’esttout.Jemelevaietcommençaiàramassersesaffaires,puisj’enfilaimesvêtements.–Qu’est-cequetufais?Sonpantalonluiarrivaenpleinefigure.–Habille-toi.Onrentre.Nousrestâmessilencieuxpendanttoutletrajetduretour,maisilmetintlamaintoutletemps.Cela

peutparaîtreidiot,maispendantceretourenvoiture,jemesentisplusamoureusedeluiquejamais.Ilsegaradevantchezmoipourmedéposeretsepenchapourm’embrasser.

Commej’aimaissesbaisers!–Appelle-moisituasbesoindequoiquecesoit.Lecielétaittoujoursobscur,lesoleiltoujoursendormi.Ilpromitdemeteniraucourant.–Aufait,j’aiquelquechosepourtoi.JefouillaidansmonvolumineuxsacàmainetensortisunepiledeDVD.

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– Je les ai rassemblés au cours des années qui viennent de s’écouler en me disant que cesdocumentairespourraientt’intéresser.J’enairegardéquelques-unsetjelesaiadorés.Monpréféré,c’estceluisurlephénix,ilm’afaitpenseràtoi.

Ilouvritlabouche,savoixétaitmalassurée.–Pourquoin’as-tujamaisbaissélesbras?Jehaussailesépaules.–Parcequecertaineschoses–lesmeilleures–valenttoujourslapeinequ’onsebattepourelles.Jel’embrassaietm’apprêtaiàdescendredelavoiture.–High?IlouvritlaboîteàgantsetensortitunDVD.–Tiens,c’estpourtoi.–Qu’est-cequec’est?–J’aifaitundocumentairependantquej’étaisdansl’Iowa.–Quoi?Surquoi?–Nous,répondit-ild’unevoixtimide.Celas’appelleHautsetBas.Tuytrouverasuneréponseà

chacundesmessagesquetum’aslaissés.Millequatre-vingt-dixréponses.Plusquelquesmomentsentredeux.

–Lo…–Toutn’estpasbon,maisc’estsincère.C’estsansfioritures.Mais j’aipenséqu’il fallaitque tu

sachesquej’avaisrépondu.Àchacundetesmessages.Etjevoudraisquetusachesquec’estgrâceàtoiquej’aipusurmonterchaquesecondedecetteépreuvepourdevenirclean.Tavoixm’asauvé.

Àlaminutemêmeoùjerentraichezmoi,jemisleDVDdansmonportableetjeretinsmonsoufflependantuneheured’affilée.Pour certaines réponses, il s’adressait directement àmoi,pourd’autres ilparlaitsimplementàlacaméra,commedansunesortedejournalintime.Touteslesréponsesmedisaientcequej’auraisvouluentendreilyavaittoutescesannées.Chacuned’entreellesillustraitlafaçondontmoncœuravaitsaignépendantcinqans,sansinterruption.

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RÉPONSE1

Excuse-moi.Excuse-moi.Excuse-moi.Jesuistellementdésolé,High…putain…

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RÉPONSE56

Celafaitcinquante-sixjoursquejesuisencure,etjemesensseul.Jenesaistoujourspascequetout cela signifie. Je suis vivant, je suismort. J’inspire, j’expire. La seule idée de l’existencem’atoujoursétésiétrangère.Maistuesarrivéedansmavieunjour,ettouts’estmisàprendreunpeuplusdesens.

Peut-être que le but de la vie, c’est de nous apprendre que nous ne serons pas toujours noserreurspassées.Peut-êtrequelebutdelavie,c’estdenousouvrirauxchosesquinousfontlepluspeur–commel’amour.

Peut-êtrequeleseulbutdemavie,c’étaitdeteren-contrer,mêmesicelanedevaitpasdurertoujours.

Etcettepenséesuffitàm’aideràacceptertoutescesnuitsdesolitude.

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RÉPONSE232

Lebébéauraitdûnaîtrecemois-ci.Tum’aslaisséunmessagepourmeledire,maisjelesavaisdéjà.Jen’arrivepasàdormir.Jen’arrivepasàmanger.Jen’arrêtepasdem’imaginerallongéprèsdetoi,tetenantserréecontremoi.Maisjenevaistoujourspasmieux.Jesuistoujoursaussipaumé.Jenesuispasencoreassezfortpourt’aimercommetulemérites.Alors,j’attends.Jusqu’àcequetupuissesêtrefièredemoi.

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RÉPONSE435

Alors,voilàmonappartement.Jenesaispassijetel’aidéjàmontré,maislevoilà.Ilyatoutlenécessaire.Kellanm’aaidé.Là-bas,tuverrasJordy,lasouris.Ellevientjouerdetempsentemps.Etc’estàpeuprèstout.C’estpetit,maisc’estchezmoi,j’imagine.

Jesaisquetum’enveux.Maistumemanquestellementquej’aidumalàres-pirercertainssoirs.Jem’allongesurlelitetjepenseàtoi.

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RÉPONSE1090

Tuasditquetun’appelleraisplus.Jesuisheureuxdel’entendremais,enmêmetemps,celamefoutenl’air.Jeveuxquetusoisheureuse.Jeveuxquetutrouvesquelqu’undignedet’aimer.Jeveuxquetutombesamoureused’uncœurquibatcommelemienbatpourtoi.Jeveuxqueturiestropfort,etjeveuxquequelqu’untombeamoureuxdetonrire,commemoij’ensuisamoureux.

Jeveuxquetuaiesta«happyend».Jeveuxquetutourneslapage.Touslesjours,jemedisquejenesuisplusamoureuxdetoi,quej’aitournélapage.Mais, quelque part, ce n’est pas vrai. Cela arrive tous les jours, juste aumoment où je vais

fermerlesyeuxpourdormir.Jevoistonvisage,tonsourire,tonâme,etdanslecalmedelanuit,jetombedenouveauamoureuxdetoi.

J’espèrequecelanechangerajamais.Et,égoïstement,j’espèrequequelquepartaufonddetoi,tum’aimestoujours.

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41LOGAN

LorsquejerentraichezKellan, jemarquaiuntempsd’arrêtenentendantquelqu’unquigerbait.Jemeprécipitaidans lasalledebainsd’oùvenait lebruitet trouvaiKellanàgenouxdevant les toilettes,entraindevomirtripesetboyaux.

–Oh,monDieu,Kel.Jesaisisuneserviettedetoilettequej’humidifiai.Jemepenchaisurlui.Ilétaitsecouédespasmes,

n’ayantplusrienàvomir.–Çava,marmonna-t-ilentredeuxspasmes.Je posai lamain sur son dos. Il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire que d’être là pour le

soutenirpendantlacrise.–Quesepasse-t-il?Erika,affolée,passalatêtedanslaporte.Sesyeuxs’arrondirentpendantqu’ellesedemandaitquoi

faire,resterdanslasalledebainsavecKellanouallerdanslesalon.–Pourquoinem’as-tupasréveillée?–Jeviensjustederentrer.Ellesepassalesmainsdanslescheveux.–Ok.Ilfautluidonneruncachetcontrelanausée.Elles’enallabrusquementenmartelantleplancherdesespiedsnus,puisrevintavecunverred’eau

etunepetitepilulerose.–Prendsça,Kellan.–Non,murmura-t-il.Jen’enveuxpas.–Celavacalmerlanausée.–Jen’enveuxpas.

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Lementond’Erikasemitàtrembleretellepoussaleverreetlecachetverslui.–Allez,Kel!Çava…–Fiche-moilapaix!hurla-t-ilenfaisantvolerleverrequiallas’écraserausolenmillemorceaux.Erika recula avec une grimace. Ses lèvres tremblèrent en laissant échapper un souffle irrégulier.

Elleposalecachetsurleborddulavabo.–Jelemetslà,situenasbesoin.Aprèsque j’eus aidéKellan à rejoindre sa chambre, il consentit àprendre lemédicament. Je fis

quelquespashésitantsverslacuisineoùjeretrouvaiErikaquis’af-fairaitdevantsesplacards.Elleétaitentraindevideruncartondeverres,posédevantelle.

–Ilestfatigué,c’esttout,Erika.Ellehochalatêteplusieursfois,ensepassantlesmainsdanslescheveux.–Ouais,jesais,jesais.Çava.Jevoulaisjusteremplacercesverresavantdemain.Jesuisvraiment

heureused’avoirachetéceux-là.Jesavaisqu’ilsserviraientet,enfait,ilssontmieuxquelesautres.Jenesaispaspourquoijenelesaipaschangésplustôt.

Elle referma le carton après avoir échangé tous lesverres, puis elle alla seplanter aumilieudusalon,lesmainssurleshanches,leregardvide.

–Qu’est-cequetufais?– Jepenseque si je déplaçais le canapépourqu’il soit face à l’est, il y aurait plusdegensqui

pourraientregarderlatélévision.Oui,jecroisquec’estunebonneidée.–Erika.–Oualors,jedevraispeut-êtreacheterunnouveaupostedetélévision.J’aivudanslejournalqu’il

yavaitdespromotionset…–Erika,arrête.Retournetecoucher.–Non.Toutvabien.Ilfautquejeramasseleverrecassédanslasalledebains.Sérieux,c’estune

chancequej’avaisdesverresderechange.–Erika.Elleéclataensanglotsencouvrantsonvisagedesesmains.Seigneur.–Pourquoiiln’estpascommeçaavectoi,hein?Pourquoiilnehurlepas…Pourquoiilne…–Moi je suis déjàparti, une fois, et sansprojet de retour. Il penseprobablementque je partirai

encore.Oupire,quejerecommenceraiàconsommer.–Jen’enpeuxplus.Jen’enpeuxvraimentplus.Jenesuispasprêtepourlarentrée.J’aiéchouéà

mes cours du soir cet été. Échoué.Moi qui n’ai jamais rien raté dansma vie. Et en plus,maintenantKellandevientméchant.Méchant.Kellann’ajamaisétéméchantavant.Jenesaispascombiendetempsjevaistenir.

Ellecontinuaàsangloter,et,naturellement,jelaprisdansmesbras.Jenesavaispastropquoidire,ouquelgenrederéconfortjepouvaisluiapporter.Ellen’avaitpas

tort. On avait l’impression que Kellan devenait plus désagréable avec elle de jour en jour et larepoussait.

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–Tuveuxfumerdel’herbe?Elles’écartademoietfitnonenpenchantlatête.–Non,Logan.Jeneveuxpasfumerdel’herbe.–D’accord.Silence.–Tuveuxtesoûlerlagueule?Elleplissalesyeux,sepinçalalèvreinférieureetdansad’unpiedsurl’autre,l’airderéfléchirà

maproposition.

***

Nous étions assis sur la terrassedepuis trois quarts d’heure et, pour la première fois demavie,j’avaisuneErikasoûledevantmoi.Sonrirerésonnaitdanslejardinderrièrelamaisonet,detempsentemps,ellepoussaitungrognementavantdereprendreunegorgéeaugoulotdesabouteilledewhisky.Jefumaisunjoint,cequimemettaitdebonnehumeur.

–C’esttoilemeilleur,dit-elleenmedonnantuneclaquesurlajambe.–Arrête,tumedétestes.–C’estvrai.Jetedéteste.Elleessayademepiquermonjoint,maisjeserraileslèvres,refusantdelelâcher.–Jecroisquetuferaismieuxdet’entenirauwhisky.–Jecroisquetuferaismieuxdet’entenirauwhisky,répéta-t-elleensemoquantdemoi,avantde

seremettreàrire.–Tusaiscequejedétestelepluscheztoi?–Non,c’estquoi?–Toutlemondet’adore,quoiquetufasses.–C’estdesconneries.–Non.Ellehochalatête.– C’est vrai. Surtout Kellan et ma sœur. Ils te considèrent comme une espèce de dieu. Logan

Silverstonenepeutrienfairedemal!Touslesdeux,ilst’aimentbienplusqu’ilsnem’aimerontjamais.Jefronçailessourcils.–Cen’estpasvrai.–Biensûrquec’estvrai.Jeveuxdire,ilfautregarderleschosesenface.Tuasbousillélavoiture

deKellan.Tuasfoutu le feuàmonpremierappartement.Tuasbrisé lecœurdemasœurquand tuasfoncédansunmur.Tuasfichulecamp,tul’asignoréependantdesannées,etpourtant,ellet’épouseraitdemainsituleluidemandais,purée.IlnesepassepasunjoursansqueKellanmentionnetonnom.Tamèrepleurait tous les joursaprès tondépart.Avantque tondinguedepèrene la fasse replongerdanscettemerdeetl’envoieàl’hôpital.Oublielamerdequetuconsommaisetquit’aenvoyéendésintox.En

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vérité,ladroguelapluspuissantedanscepetitcercledegens,c’esttoi.Ilssontaccrosàtoi,etilsn’ontpasl’intentiond’arrêterdeconsommer.

J’avaislagorgesècheetdeladifficultéàdéglutir.–Qu’est-cequetuviensdedire?–Heu,untasdechoses.Tuveuxquejerépètetout?Jesecouailatête.–Non.Justelepassageàproposdemamère.Monpèrel’aenvoyéeàl’hôpital?Erikarelevalesyeuxbrusquementetmeregardafixement.–Oh,bonsang!Lesyeuxexorbités,ellesecoualatête.–Ne leur dis pas que je t’ai parlé de ça. S’il te plaît. Ils ne voulaient pas que tu le saches, ils

disaientquetuallaisculpabiliserparcequetun’étaispaslà.Jet’ensupplie,neleurdisrien.J’éteignismonjoint,melevaietrentraidanslamaison.–Vatecoucher,Erika.

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42ALYSSA

Lelendemain,Loganmedemandadel’accompagnerpourrendrevisiteàsamère.NousnousarrêtâmesenrouteauBistroBropourluiprendreàmanger,etjel’attendisdanslavoiturependantqu’ilentraitdansle restaurant. Tout à coup, j’entendis des cris qui provenaient d’une petite rue voisine. Je descendisrapidement de la voiture etmedirigeai vers les cris.Mon cœur soudain fit unbonddansmapoitrinequandjevislepèredeLoganentraindehurler,penchésurSadie.Elleétaitappuyée,toutetremblante,contrelemurdelaboutiquequifaisaitlecoin.

–Jesuisdésolée,cria-t-ellequandillevalamainsurelleetlagiflaavecforce.Jel’entendisgémir,etelleselaissaglisserlelongdumurpourseplacerenpositionfœtale.–Hé!Jememisàcourirverseuxdanslaruellesombreenhurlant.–Laissez-la.Ill’emprisonnadanssesbrasentournantversmoidesyeuxinjectésdesang,froidsetvicieux.–Dégage!m’ordonna-t-il.QuandjecroisaileregarddeSadie,jen’yvisquedelafrayeur.Leshématomesquiseformaient

déjàsursonvisagemeserrèrentl’estomac.Jenesavaispasquoifaireenlevoyantsepenchersurelleetluimurmurerquelquechoseàl’oreillequilafitserecroquevillerdeterreur.

–Laissez-latranquille,connard!Illuisaisitlespoignetsetl’entraînadansladirectionopposée.–Espèced’idiote,luimurmura-t-ilenlatirantparlebras.Sans réfléchir, jemeprécipitaidans la ruelle, le rattrapaiet luidonnaiuncoupdepoingdans le

dos.–Lâchez-la!

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Illuilâchalamainet,sansl’ombred’unehésitation,seretournabrusquementetmebalançauncoupdepoingdanslafigurequim’envoyavaldinguercontrelemur.Jeperdisl’équilibreetm’écroulaisurlesol.

Avantdepouvoirmeremettredebout,jevisLoganarriverentrombedanslaruelle.Ilseprécipitasursonpèreetluiflanquauncoupdepoingdanslamâchoirequilefittomberàlarenverse.Sadiecourutaussitôtversmoipourm’aideràmerelever.

–Çava?demanda-elle,paniquée.J’allaisbien,àpartquej’étaischoquéeparcequivenaitdesepasser.–Çava,jevaisbien.JecherchaiLogandesyeux.Jelevispenchésursonpère,entraindeluibourrerlevisagedecoupsdepoing,encoreetencore.

Leregarddur,froid,ilfrappaitsanss’arrêter.–Logan,non!Jetiraisonbrasenarrière.Ilavaitleregardfou,unfeuintérieurleconsumait.Logan.Lo.MonLo,sidouloureux.–Logan,çasuffit.Ilestinconscient.Çava.Jem’efforçaideparlerd’unevoixcalme,évitantdeluimontreràquelpointj’étaisterrifiée.Ilallait

recommenceràlefrapper,maisjeretinssonbras.–Regarde-moi,Lo.S’ilteplaît.Logan,tun’espascommelui.Ilmarquauntempsd’arrêt.–Tun’espaslui.Tun’espastonpère.Ils’immobilisa.–Toutvabien,LoganFrancisSilverstone.Leslarmescoulaientsurmajoue.–Toutvabien.Donne-moitamain.Ilpritmamain.Jel’aidaiàserelever.Je le regardai prendre une profonde inspiration en s’écartant de Ricky. Il regarda fixement ses

jointurestuméfiées.Jevoulusluiprendrelesmains,maisilsedégageabrusquement.Àcemoment-là,sonregardtombasurlevisagedeSadiequiétaitpresqueenaussimauvaisétatqueceluidesonpère.

–Merde.Venez,dit-ilens’éloignant.JelesuivisavecSadieetilnousemmenaaucabinetdeJC.Iltambourinaàlaporte,etJCdescendit

avantd’ouvrirlaporteenpyjama.–C’estquoicebazar,Logan?Onestdimanche.Ledimanche,c’estfaitpoursereposer.Loganneditrienmaisfitunpasdecôtépourqu’ilnousvoie,Sadieetmoi.–Merde,murmuraJC.Entrez.

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Nous restâmes le tempsqu’il fallait pourqu’il nous soigne, et JC s’assuraque le bébédeSadieallaitbien.Enrepartant,jedisàSadiequ’ellepouvaitvenirchezmoi,maisavantdepouvoirrépondre,ellereçutuntextodeRicky.

Ricky:Disàtonhérosqu’ilvapayerpourça.Encommençantparsamère.–Oh,non,jemurmurai,etlesyeuxdeLogans’agrandirentdepeur.Appellelesflics.

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43LOGAN

Jemeprécipitaichezmamèreetj’ouvrislaporte,horsd’haleine.–M’man!Oùest-il?Moncœurfaillits’arrêterdebattrequandjelavissurlesol,aveclediableenpersonnequiluidonnaitdescoupsdepieddansleventre.Jemejetaisurluiet,detoutesmesforces,jel’envoyaivalserdel’autrecôtédelapièce.Jerevinsprécipitammentversmamèrepouressayerdelaréanimer.

Jel’entendissereleverderrièremoienricanant.–Ehbien,envoilàunejolieréuniondefamille!Net’enfaispaspourtamaman.Ellefaitjusteune

petitesieste.Je me relevai et marchai vers lui à grands pas, prêt à le plaquer au sol, mais je m’arrêtai en

entendantAlyssadansmatête.Tun’espastonpère.–Fiche-nouslapaixunebonnefoispourtoutes,Ricky.Ilavaitl’aird’uneépave,commes’ils’étaitmisàabuserlui-mêmedesapropredrogue.– Pas avant d’avoir récupéré Sadie. Tu t’es bien amusé.Maintenant, rends-la-moi, hurla-t-il en

s’avançantversmoi,l’airmenaçant.–Ricky…tuasbesoindetefaireaider,monvieux.–Vatefairefoutre,connard.Rends-moiSadie.–Ellenet’appartientpas.Ellen’iranullepartavectoi.Ilsepassalamaindanslescheveuxentirantdessusderage.–J’étaislàpourtoi,mongarçon!Quandtun’avaispersonne,jet’aiprissousmonaile.–Pourmerendreaccroàladrogue?Ouais,tuparlesd’uncadeau!Ilsejetasurmoietm’attrapaparlecouavantd’appuyersonfrontcontrelemien.–Necroispasquetupeuxmeparlercommeça,fiston.

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Mêmesi jen’étaisplus legosse fluetd’autrefois,Rickyétait quandmêmeencorebeaucouppluscostaudquemoi.Etpuis,ilétaitd’autantpluseffrayantqu’ilétaitdéfoncé.Quipouvaitprévoircequ’ilallaitfaire?Moi,toutcequejesavais,c’estquejepréféraisqu’ils’enprenneàmoiplutôtqu’auxdeuxfillesquim’attendaientdanslavoiture.

–Rentrecheztoi,Ricky.C’estterminé.–C’estterminé?Ilmerepoussaet,soudain,meflanquasonpoingdansl’œil.Ladouleurquis’ensuivitfutextrême.Je

titubaienarrièreenessayantdemeraccrocheraucanapédéfoncépournepastomber.–Jen’aipasl’intentiondemebattreavectoi,Ricky.Jemepassailesdoigtssurlesyeux.–Si,tuvaslefaire.Ilserapprochaetmebalançauncoupdepoingdansleventre.Jesentislecontenudemonestomacmeremonterdanslagorge,etjefisdemonmieuxpournepas

vomir.–Non.–Pourquoi?Ilmefittombersurlesoletmedonnauncoupdepieddansl’estomac.–Pourquoituneveuxpastebattre?Parcequetuesunlâche?Parcequetunepeuxpasêtreunvrai

mec?cria-t-ilenmedonnantdescoupsdepiedàrépétition.–Non,marmonnai-jeencrachantlesangquej’avaisdanslabouche.Parcequesijelefaisais,je

seraisexactementcommetoi.–J’enaivraimentmarredetoi.Ilpassa ledosde samain sur sabouche, avantde laporter à sapochearrièrepouren sortirun

pistolet.–J’enaimarrequetutemêlesdemavie.Marrequetuinterviennesdansmesaffaires.Marredeta

tronche.Alors,onvaymettrefintoutdesuite.Ilpointasonarmesurmoietjefermailesyeux,maisquandj’entendislecoupdefeu,jeneressentis

aucunedouleur.Quand j’ouvris les yeux, je vis les flics derrièremoi etRicky allongé sur le sol, une balle dans

l’épaule.Les flics et les secours arrivèrent sur les lieux en courant. Dans un brouillard, je les vis se

précipitersurmamèreetensuitesurRicky.AlyssaparlaitauxpoliciersavecSadie,expliquantcequis’étaitpassé.J’essayaid’ouvrir labouche,maismamâchoireétait tellementenfléequecelamefaisaitmaldeparler.Uninfirmiervintpourexaminermonvisage,maisjelerepoussai.

–Jevaisbien,dis-jeenbalbutiant,lagorgeenfeu.Sanstenircomptedecequejedisais,ilscommencèrentànettoyermesplaies,parlantdepointsde

suturepourmonnezetmonmenton.

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–Nousauronsencorequelquesquestionsàvousposerquandvousserezàl’hôpital,ditl’officieràAlyssa.Nousallonsvoussuivreenvoiture.

Ellefitouidelatêtepuisvintversmoi.Enfaisantlagrimace,ellepassadélicatementleboutdesesdoigtssurmonvisage.

–Oh,Lo…murmura-t-elle.Jepoussaiunpetitgloussement.–T…t…tu…Jemarquaiuntempsd’arrêtàcausedeladouleurdansmamâchoire.–Tutrouvesquejenesuispasbeauàvoir?Attendsdevoirl’autremec!Elleneritpas.J’imaginequecen’étaitpasdrôle.–Allez,viens.Allonsteremettreenétat.J’auraisvouludirequelquechosederigolo.J’auraisvoulul’aideràsesentirmieux,parcequeje

voyaisbienqu’elleétaitdésemparée.Maislesmotsnemevenaientpas.Lespenséestournaientdansmatête. Je m’inquiétais pour ma mère, est-ce qu’elle s’en sortirait. Je n’arrêtais pas de me demandercombiendetempsill’avaitfrappéeavantquej’arrive.Jen’arrêtaispasdemedirequej’auraisdûêtrelàpourlaprotéger.Jen’arrêtaispasdepenseraunombredefoisoùj’avaisjuréquejeladétestais,alorsqu’enréalité,jel’adorais.

Jel’aimaistellement.Etjel’avaislaisséetomber.Jel’avaisabandonnéequandj’étaisparti.

***

Logan,treizeansGrand-père m’avait envoyé un documentaire sur les hamburgers pour mon anniversaire. Je

l’avaisdéjàregardétroisfois,maisjeleremisdanslelecteurdeDVD.Ilétaittrèsintéressant,etjecommençaisàm’ennuyeravantdel’avoirreçuparcequej’avaisdéjàregardélaplupartdeceuxqu’ilyavaitàlabibliothèque.

–Qu’est-cequetufais?demandamamère,deboutdansl’embrasuredemaporte.–Rien.–Est-cequejepeuxtetenircompagniepournerienfaire?Je levai les yeux et poussai un cri étouffé. Ma mère était très belle. Elle avait remonté ses

cheveux et les avait attachés en queue-de-cheval avec un ruban rouge. Elle s’était maquillée, unechosequ’ellene faisait jamais,etelleavaitrevêtuune jolierobed’éténoirequirestaitd’habitudeaccrochéeaufonddesonplacard.

–Tuessuper-canon.Sesmusclestressautaient,maisc’étaitplusoumoinshabituelchezmamère.Elleétaittoujours

agitée et secouée de tremblements, mais au bout d’un moment, je n’y faisais plus attention. Celafaisaitpartied’elle,voilàtout.

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–Tutrouves?Jenesaispas.C’estpourcetteréunion,toutàl’heure.Ellesouritetfitunerévérence.–C’estuneréunionpouraiderlespersonnesàdevenirclean,tuvois?Jeveuxarrêter,Logan.Je

veuxêtreunemeilleuremèrepourtoi.J’écarquillailesyeux.C’étaitcommesijeflottais,etmonestomacpalpitait.–C’estvrai?Mamèreneparlaitjamaisdesefaireaider.Elledisaittoujoursquepersonnenepouvaitl’aider.–Oui.Elles’assitsurmonmatelas.–TuvasdevoirallerhabiteravecKellanetsonpèrependantunpetitmoment.Jeveuxmefaire

désintoxiquer.Jeveuxvraimentquenousayonsuneviemeilleure.–Tuvasmelaisser?J’avaislesmainsmoites.–C’estseulementpourquelquetemps.Etpuisjereviendraienpleineforme.–Tureviendrasmechercher?–Jereviendraitechercher.Jepoussaiunsoupirdesoulagement.– Tu crois que tu pourrais arrêter un instant de regarder ton DVD pour venir me faire des

lasagnes?Onpourraitfêterçaavantmondépart.Lesyeuxétincelants,jehochailatête.–Ouais!Nousavionsfaitlacuisinetouslesdeux.J’avaisfaitlasauce,etM’manavaitétalélescouches

depâtesetlefromage.Après,ellem’avaitdemandédetransporterlapetitetélédemachambredanslesalon.Assissurlecanapé,nousavionsregardéledocumentairesurleshamburgersenmangeantnoslasagnesdirectementdansleplat.

–M’man?–Oui,Logan?–Pourquoitupleures?Ellemefitunpetitsouriretenduethaussalesépaules.–Jesuisheureuse,monchéri,c’esttout.Jesuisjusteheureuse.Jesourismoiaussi,etrecommençaiàmanger.Jemebrûlaislepalaisavecleslasagnes,maisje

m’enfichaiscomplètement,parcequemamèreallaitsefairedésintoxiquer.Puisellereviendraitmechercheretnouscommencerionsnotrevraievietouslesdeux.Toutallaits’arranger.Bientôt,notrevie normale consisterait à dîner tous les deux en regardant des documentaires. Elle viendrait auxréunions parents-professeurs et aux remises de diplômes. Elle ouvrirait le bal avec moi à monmariage.Elleliraitdeshistoiresàmesfutursenfantspourlesendormir.

Nousaurionsunavenirensemble,etilseraitparfait.Jesouriais,souriaisetsouriaisàn’enplusfinir.

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Parcequejen’avaisjamaisétésiheureux.

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44ALYSSA

Logans’ensortitavecunnezcassé,deuxyeuxaubeurrenoiretunefracturedupoignet.Ilavaiteudelachance,sionpensequelesdommagescausésàsonvisagesemblaientcinquantefoisplusgravesqu’ilsnes’avérèrentenfait.Nousnousassîmesdanslecouloirpourattendrequ’onnousdonnedesnouvellesdesamère.Jefermailesyeux,priantpourqu’elleaillebien.JesavaisqueJulieavaittoujourscausébeaucoupdesouffrancesdanslaviedeLogan,maisilnefaisaitaucundoutequ’ellecomptaiténormémentpourlui.

Lesficsvinrentnousparler.–Désolédevousinterrompre,maisnousvoulionsvousteniraucourantdelasituation.Avectoutce

quevousnousavezdit,nousallonsobtenirunmandatdeperquisitionpourledomiciledevotrepère.Iln’avaitpasdepermispourl’armequ’onatrouvéeensapossession,etildétenaitdeladroguesurlui.Ilestdéjàconnudesservicesdepolice,doncjepensequenousallonspouvoirlecoincercettefois.Pourl’instant, il est en garde à vue pour l’agression sur votre mère. Cela devrait nous laisser le tempsd’obtenirlemandatdujuge.Nousallonslecoincer.

Logan hocha la tête. Je remerciai les policiers, et ils nous laissèrent en nous disant qu’ils noustiendraientaucourant.Jesoupirai.

–Quelsoulagement.Logan,latêtedanslesmains,hochaitlatête.–Ouais.Jeluipassailamaindansledosquandlemédecinvintversnous.–Bonsoir.C’estjusteunemiseaupoint.–Celafaitbeaucoupdemisesaupointaujourd’hui,marmonnaLogan.Lemédecinluifitunpetitsouriretendu.

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–Ouais.Alors, l’étatdevotremères’améliore,maissontauxdenarcotiquesestassezinquiétant.Nousallonslagarderquelquesjourspouressayerdenettoyersonorganisme.Elleadeuxcôtescasséesàla suite des coups de pied, mais nous ne pouvons pas lui donner trop d’antalgiques à cause desnarcotiques.Onnavigueunpeuàvuepourl’instant.Sivousavezdesquestions,n’hésitezpas.

Jeremerciailemédecin,Logangardaitlatêteentresesmains.–Tuvois?Toutvabien.Toutvas’arranger.Veux-tuquej’appelleKellanpourleluidire?Sonfrèren’avaitpasététenuinformédecequis’étaitpassé.Logannevoulaitpasl’inquiétertant

quenousneconnaissionspastouslesdétails.Ilgrognaetlevalesyeux.–Non.Jepréfèreêtrelàpourleluidiredevivevoix.Aucasoùilréagiraitmal.Jeneveuxpaslui

annoncerautéléphone.–Tuasraison.C’estunebonneidée.–High?–Oui?–Jeveuxjustequetusachesquejenet’envoudraipasdechoisirdelaissertombermaintenant.De

sortirdetoutça.–Dequoiest-cequetuparles?– Dema vie, dit-il, avec une tension évidente dans la voix, due en partie à la douleur dans sa

mâchoire.Ileutunmouvementdereculetsemitàlamasser.–Mavieestunvraimerdier.Depuistoujours,alorsjetedonneunecartede«sortiedel’enfer».Je

t’aime,etc’estpourcelaquejetedonneuneportedesortie.Tuméritesmieuxquecetteviemerdique.–Hé,murmurai-jeenmerapprochantdelui.Jeposaileslèvrescontresonoreilleenrepoussantsescheveux.Celamebrisaitlecœurdevoirle

sangséchésursonvisageetsescheveux.C’étaitpoignant,laviequ’ilavaiteue.–Jenevaisnullepart.Ilcontinuaitàhocherlatête,serrantsesmainsl’unecontrel’autre,leregardvide.–Jesuisunraté,High.Jel’aitoujoursété.Jeleseraitoujours.–Arrêteça,Logan.Tun’esplusceluiquetuétaisàunecertaineépoque.D’accord?Tun’espasle

produitdetonpassé.–Maistoi,tuméritescequ’ilyademieux.Tupeuxtrouvermieux.Tuasdroitàautrechose.–Jepourraisavoiruneviesanshistoiresavecquel-qu’und’autre.Jepourraisavoirlepavillonde

banlieue, leboulot normal, les enfantsnormaux, lemari normal. Jepourrais avoir unevie confortableavecquelqu’unquimeconviendraitmaisdontjeneseraisjamaispleinementamoureuse.Maiscen’estpasçaque jeveux,Logan.C’est toique jeveux,avec tescicatrices.Jeveux tesbrûlures.Jeveux tonbazar.Tescicatrices,tesbrûlures,tonbazar,c’estmoncœur.Tuestoutcequej’aitoujoursvouluettoutcedontj’auraitoujoursbesoin.Tasouffranceestmasouffrance.Taforceestmaforce.Lesbattementsdetoncœur s’accordent avec lesmiens.Alors,non, jenevaispaschoisirde laisser tomber. Jen’aipas

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l’intentiondefuir,mêmesileschosespeuventêtreduresparfois.Jeteveux,toi.Jeveuxtoutdetoi,lebon,lemoinsbon,ladouleur,lacolère.Situteretrouvesenenfer,jetetiendrailamainpourensortir.Siles flammesdansnosviescontinuentdemonter,nousbrûleronsensemble.Tues toutpourmoi,Logan.Hier,aujourd’huietdemain,jesuisàtoi.Tuesmaflammeéternelle.

Ilsetournaversmoietm’embrassa.Jeluirendissonbaiser,avecunpeutropdefougue,etilgémitdedouleur.

–Excuse-moi.Jerigolaidoucement,enluiembrassantlefront.–Viens, allons chezmoi, tuvas tenettoyer et ensuite je tedéposerai chezKellanpourquevous

puissiezdiscutertouslesdeux.

***

Dèsquenousfûmeschezmoi,jefiscoulerladouche,dévêtisLoganetl’aidaiàpasserdessous.Ilfermalesyeuxetrespiraprofondémentenlaissantl’eauchaudecoulersursoncorps.

–Jesuisjustelà.J’aiquelquesvieuxvêtementsàtoi,quisontlàdepuislongtempsetquejepeuxallerchercher.

–Non.Éteinslalumièreetviensici,dit-ilsansouvrirlesyeux.Jefiscequ’ilmedisait.Jeretiraitousmesvêtementsetentraidansladoucheaveclui.Ilmeprit

danssesbrasetmeserracontrelui,sapeaucontremapeau,sonfrontcontrelemien.Onn’entendaitquelebruitdel’eauquicoulaitsurnous,etnotrerespiration.

Nousrestâmescommeçaunlongmoment,jusqu’àcequel’eaudeviennefroideetmêmeaprès.–Pourtoujours,High?–Pourtoujours,Lo.

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45LOGAN

Lorsqu’AlyssamedéposachezKellan,j’étaisrelativementdétendu.Monpèreétaitengardeàvue.Mamèreétaitincapabledequitterl’hôpital,cequisignifiaitqu’ellen’auraitaucunmoyendeseprocurerdeladroguependantunpetitmoment.Leschosesétaient-ellesentraindetournerduboncôté?Peut-être.

Quandj’entrai,lamaisonétaitplongéedansl’obscurité.Kellanétaitassissurlecanapé.J’appuyaisurl’interrupteurpourallumer.

–Qu’est-cequinevapas?Lebrusqueflotdelumièrelefitsursauter,maisilneditrien.Deslarmesroulaientsursesjoueset

sesmainstremblaientalorsqu’ilessayaitd’ouvrirunflacond’antalgiques.Commeiln’yparvenaitpas,iljetaleflaconàtraverslapièce.

–Aaah!cria-t-ilensefrappantlatête.–Qu’est-cequ’ilya,Kel?OùestErika?–Elleestpartiechezsamère.Ilsemitdeboutaveclenteur,lesjambesflageolantes,etmarchad’unpasmalassuréversleflacon

demédicaments.Illeramassaetessayaunefoisdeplusdel’ouvrir,envain.Ilrespiraitavecdifficultéens’appuyantcontrelemurpouressayerencore.

–Donne,jevaislefaire.Jetendislamain,maisilmerepoussabrutalement.–Fous-moilapaix.–Non.–Si.Jecommençaiàmebattreavecluipourluiprendreleflacon,etjeparvinsàluiprendredeforce.Je

l’ouvrisetposaiuncachetdanslapaumedemamain.Ilselaissaglissercontrelemurets’assitparterre.

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–Putain!Jen’aipasbesoinquevousouvriezmesboîtesdemédicaments,Erikaettoi,commesij’étaisunenfant.

–Si.–Non.–Biensûrquesi,Kel!–Non,nonetnon!hurla-t-il.Savoixsebrisaet iléclataensanglots. Ilcroisa lesbrasautourdesapoitrineetsedétournade

moi,pouressayerdedissimulerseslarmes.–Jevaismourir,Logan.Jevaismourir.Jemelaissaiglisserausolàmontouretm’assisàcôtédelui,adosséaumur.–Nedispasça.–C’estlavérité,pourtant.– Ici etmaintenant, je dis en citant RamDass.Au centre de désintoxication, cette citation était

inscriteau-dessusdelaportedechaquechambre.Ilsnousdisaientd’arrêterdenousfairedesreprochespourcequis’étaitpasséavantetdenepasnousinquiéterpourlemomentoùnousquitterionslaclinique.Il fallait justeêtre là,dans lemomentprésent. Icietmaintenant,Kellan.Pour l’instant, tues ici.Tuesaussivivantqu’Erika,Alyssaetmoi.

–Peut-être,maisjeseraimortbienavantvoustous.–Nousn’ensavonsrien.Jesuispasmalamoché.Kellan rit etme donna un léger coup de poing.Bien. C’est bien de rire.Nous nous appuyâmes

contrelemur.–Icietmaintenant,murmura-t-ilpourlui-même.–Alors,ellerentrequand,Erika?–Ellenerentrepas.Jeluiaiditdepartirpourquelquetemps.–Quoi?–Jenepouvaispascontinueràluiimposerça,Logan.Chaquefoisquejetoussais,ellepensaitque

j’étaisentraindemourir.Ellemérited’avoirunevienormale.–C’estcequetuluiasdit?Ilfitunegrimace.–Pasexactement.–Queluias-tudit?–Jeluiaiditquejenevoulaisplusl’épouser.Jeluiaiditquec’étaitfinientrenous,etquej’en

avaismarredel’avoirsurledostoutletemps.Jeluiaiditdes’enalleretdeneplusrevenir.–Tuasétéméchantavecellepourqu’elles’enaille.Ilhochalatêteenreniflant.–Elleneseraitjamaispartie,autrement.Jenepouvaispascontinueràluibriserlecœur.–Ehbien,jepensequec’estréussi!Pourêtrebrisé,ildoitl’être,çatupeuxmecroire.Ilfronçalessourcils,sachanttrèsbienquej’avaisraison.

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–Imaginequelesrôlessoientinversés.Disons,parexemple,qu’Erikaaituncancer,etquecesoittoiquit’occupesd’elle.Commenttuleprendraissielletedisaitça?

Ilsepassaitlesmainssurlevisagesansarrêt.– Je sais, je sais.Ellememanquedéjà.Maiscommentarrangerça? Jene saispascomment lui

rendreleschosesmoinspénibles.–Ellen’apassignépouravoir laviefacile,Kellan.Elleasignépour toi.Malgré toutça,ellea

signépourtoi.Net’inquiètepas.Onvafairecequ’ilfaut.–Depuisquandfais-tupreuvedetantdesagesse?Jesourisd’unairsatisfait.–Depuisqu’Alyssam’asortiexactementlemêmediscourssurlefaitqu’ellem’avaitaccepté,moi,

cequicomprenaittouteslesvalisesquejetraînaisavecmoi.Ilrigola.–J’auraisdûmedouterquecettesagessenevenaitpasdetoi.–Ouais,ehbien,jetravaillepourqueçachange.Nousrestâmessilencieuxquelquesinstants.–AufaitLogan?–Ouais?–Qu’est-cequiestarrivéàtonvisage?Jegloussaietluiracontaicequis’étaitpasséavecnotremèreetmonpère.Ilréagitbeaucoupmieux

quejenel’avaiscraintettiralamêmeconclusionquemoi.–Ehbien,aumoinsellenepeutpassedroguerpendantqu’elleestàl’hôpital.Ah,monfrère.Monmeilleurami.

***

Alyssa:Toutvabien,LoganFrancisSilverstone.Moi:Toutvabien,AlyssaMarieWalters.Ellem’envoyaitlemêmetextoàintervallesréguliers.QuandKellanfutprêt,nousallâmestousles

deux voir notremère à l’hôpital. Elle souffrait pasmal, parce que lesmédecins ne pouvaient pas luiadministrergrand-choseàcausedesadépendanceàladrogue.C’étaitdurdelavoircommeça,maisjel’avaisdéjàvuedansdesétatsbienpires.

Kellans’assitdansunfauteuilroulant,etjelepoussaiverslelit.Ilpritunedesesmainsdanslessiennesetluifitunpetitsourire,alorsquejemetenaisenretraitpourlesobserver.

–Excuse-moi,monchéri,s’écria-t-elle.Ilpritsonvisageentresesmainsetsecoualatête.–Jesuistellementdésoléed’avoirmerdécommeça.J’aitoutfaitfoirer.–Cequicomptec’esticietmaintenant,M’man.Toutvabien.

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Ellesemorditlalèvreetregardasachemisedenuitd’hôpitalettouslestubesetlesbandagesreliésàsoncorps.

–J’aidécidédemefairedésintoxiquer,dit-elled’unevoixdouce.Nousacquiesçâmestouslesdeuxenmêmetemps,Kellanetmoi.–Moiaussi,dituneautrevoix.JemetournaiversSadie.Elleavaitlesyeuxvitreuxetelleétaitunpeuagitée,maisellemesourit.–Trèsbien,jedis.Ellehochalatête.– D’accord. Mais je ne sais pas comment je vais faire. Avoir cet enfant toute seule. Je n’ai

personne.Jeluidonnaiuncoupdecoude.–Toutvabien.Cetenfant,ceseramonfrère.Etd’oùjeviens,onestprêtàtoutpoursonfrère.Tuas

unefamille,maintenantSadie.Tun’esplusobligéedetedébrouillertouteseule.Jetelepromets.

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46ALYSSA

Deux semaines s’étaient écoulées depuis l’incident avec les parents de Logan. Julie était entrée endésintox trois jours plus tôt. C’était dur,mais elle se battait pour sa vie. Sadie aussi avait entamé leprocessus de sevrage et elle commençait à trouver ses marques. Tout était en train de revenir à lanormale,àl’exceptiondufaitqu’Erikahabitaittoujourscheznotremère,cequiétaitloind’êtrenormal.C’étaitmême un peu effrayant, en fait. Le samedi après-midi, jeme présentai chezmamère avec uncartonàlamainetjetambourinaisurlaporte.

Elles’ouvritsurErikaquimeregardaenhaussantunsourcil.–Salut,Aly?Quoideneuf?–Hum,cequ’ilyadeneuf,c’estquetuhabiteschezmaman,non?Tusaisquoi,laissetomber.Va

cherchertesaffaires.Ilesttempsd’yaller.–Dequoituparles?–Tutesouviensquetuavaisunevie?Unfiancé?Ouais.Ilesttempsderentrercheztoi.Kellan…–Neveutplusdemoi.Ilneveutplusquejesoislà,Alyssa.–Ilabesoindetoi.Mamanapparutdansl’embrasuredelaporte,elleplissalesyeux.–Qu’est-cequeturacontes?Erikaestfinalementrevenueàlaraison.Elleareprissavieenmain

avantdecommettreuneénormeerreur.Jesuistrèsfièrequ’elleenaitprisconscience.–Maman,tuveuxmefaireplaisir?–Comment?–Occupe-toidetesaffaires.Pourunefoisdanstavie,occupe-toidetesaffaires.Ellesouffla,maisavantqu’ellenepuisserépondre,j’entraînaiErikahorsdelamaisonetrefermai

laporte.Erikafronçalessourcils.

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–Écoute,Alyssa.J’aiessayéavecKellan.J’aivraimentessayé.Maisilaététrèsclair,ilneveutplusdemoilà-bas.Alors,jen’yvaispas.

–Revienscheztoi,Erika.Toutdesuite.–Non.–Trèsbien.J’ouvrismoncartonethaussaiunsourcil.–Tunediraspasquejenet’aipasprévenue.Sesyeuxs’arrondirentquandellevitsaséried’assiettesdanslecarton.–Qu’est-cequetufais,Alyssa?Jeretournailecartonetellesursautaenvoyantlesassiettess’écrasersurlesol.–Oh,monDieu!–Logan!Tupeuxvenir.Ilbondithorsdelavoitureavecuncartondanslesmains.–DisàErikadereveniràlamaison.Erikatremblaitetsemordaitlalèvreinférieure.Loganallajusqu’àelle,laregardadanslesyeuxet

sourit.–Tuesmasœur.–Arrête.Cen’estpasvrai.–Tumehurlesdessus.Tumedétestes.Tumetraitescommeunemerde.Tudisquejesuisidiot.Tu

esma sœur, Erika. Et que Kellan aille se faire voir pour l’instant. Pour l’instant, j’ai besoin que tureviennesàlamaison.Jenepeuxpasl’aidersanstoi.

–Jenepeuxpas.Jenepeuxpasfaireça.Loganhochalatêteetouvritlecartonquicontenaitlesverrespréférésd’Erika.–Revienscheztoi.–Jesuischezmoi.–D’accord.Ilcommençaàrenverserlecartonetelleeutunmouvementderecul.–Non,Logan!Jeviensjustedelesacheter…Crash!Desmorceauxdeverress’éparpillèrenttoutautourdenous.–OhmonDieu!Qu’est-cequivousprend,touslesdeux?–Onveutqueturentrescheztoi,c’esttout.–Jenepeuxpluscontinueràfaireça.Jenepeuxpascontinueràdysfonctionnercommeça.Je fis un geste vers lamaison oùmaman surveillait chacun de nos gestes de derrière la fenêtre,

frappaitsurlecarreau,hurlaitàErikaderentrerdanslamaison.–Ettutrouvesqueça,c’estnormal?–Allez-vousentouslesdeux.S’ilvousplaît.Kellann’apasbesoindemoi.–Si,j’aibesoindetoi.

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Nousnousretournâmestouslestrois.Kellanavançaitversnousavecuncarton,luiaussi.Ilrestaauborddel’alléeetregardaErikadanslesyeux.

–Tumemanques.Jevoudraisquetureviennes.J’aibesoindetoi,Erika.Illaissatomberparterretoutlecontenuducarton,puislecartonlui-même.–Reviensàlamaison.Erikasemitàrire,etnouséclatâmestousderireavecelle.Mamanouvrit laported’entréeetse

précipitaversnousenordonnantàErikaderentrerimmédiatement,maisellerefusadeluiobéir.Nousretournâmestousànosvoitures,abandonnantnoschagrinsparmilesmorceauxdeverresurle

sol,pourtoutrecommencerdepuisledébut,ensemble.Kellanrepartitdanslavoitured’Erika,etLoganpritlevolantdelamienne.

–Hé,jemedisais…çatediraitdes’adonneràdepetitesfrasquessexuellesavantlaréceptionaurestaurantdeJacobcesoir?

Jehaussailesépaules,sansenthousiasme.–Pourquoipas?Oualors,onpourraitregarderlenouveaudocumentairesurMichaelJacksonque

j’aiachetéhieretmangerunrestedepizzaavecdesOreosàlaframboise.Ilécarquillalesyeux.–OhmonDieu!J’adoreçaquandtumedisdestrucscochons.Ilm’embrassa,etjesusquenotreéternitécommençaitàcetinstantprécis.

***

–D’accord,alors,voilàleplan.JevaischezJacobetjel’aideàfinaliserlesderniersdétails.Toi,tuvaschezKellanetErika,ettulespersuadesdesortirprendreunverre,cequeKellanacceptera,maisqu’Erikarefuseradefaire.Auboutd’unmoment,elle finirapardireoui,parcequ’elleaimeKellanetqu’elleestprêteàtoutpourluifaireplaisir,expliquaLoganenselevantaprèsquenousavionsregardéledocumentaire.

–D’accord.–BonDieu!J’ailetracet,pourtant,lafêten’estmêmepaspourmoi,dit-ilensouriant.Jel’embrassaietilsedépêchadesortir.–Tuessûrquetuneveuxpasquejet’emmèneenvoiture?–Non,çava.Ilfaitbon.Àtoutàl’heure!Après son départ, je me rendis directement chez ma sœur, et, exactement comme Logan l’avait

prévu,ellerefusadesortir.–Jepenseseulementquecen’estpasunebonneidéedesortirboireunverre,Alyssa.Noussommes

crevéstouslesdeux.Ellefitunegrimace.–Peut-êtrelasemaineprochaine.

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– Allez ! Ça va être sympa ! Et puis, Logan travaille chez Jacob ce soir, alors on va pouvoirl’embêterencommandantdesplatsqu’onrenverratoutelasoirée.Çavaêtregénial!

Kellansourit.–Moi,çamesembleamusant.Etilyalongtempsquejenemesuispasamusé.Erikaplissalesyeux.–Tuveuxyaller?Ilfitouidelatêterapidement.–Sérieux?Tun’espasfatigué?Ilfitnondelatêterapidement.Ellerestaassiseunpetitmoment,plongéedansuneprofonderéflexionpendantqueKellanetmoilui

faisions les pires regards de chien battu qu’elle ait jamais vus. Quand elle finit par céder, nousapplaudîmesavecunenthousiasmedélirant.

–Unhors-d’œuvreetunverre!Etdel’eaupourcemonsieur.EllesouritenfaisantunsignedetêteendirectiondeKellan.–Situveuxsavoir,jevaisdégustermonverred’eautrès,trèslentement.EnarrivantaurestaurantdeJacob,Erikaserembrunitenuninstant.–Pourquoic’estmarqué«fermé»surlaporte?Ilestsixheuresdusoir.–Jenesaispas,c’estbizarre.Jesaisislapoignéeetlatournai.Laportes’ouvrit.–Cen’estpasferméàclé.Venez,allonsvoirsiJacobestlà.Passant laporte,Erikaétouffauncri envoyant toutes lesdécorationspourunmariage.L’endroit

étaitbondé.Tousleursamisétaientlàetsemirentàcrierenchœur.–Surprise!–Qu’est-cequisepasse?demandaErikaenregardanttoutautourd’elle.Jacobs’approchaetpassaunbrassurlesépaulesdeKellan.– Jevaism’occuperde cemec,Alyssa.Toi, tu aides ta sœur.Les toilettesdesdamesvous sont

réservées.–Pourquoifaire?demandaErika,encoreébahie.Jel’attrapaiparlebrasetl’emmenaiavecmoi.Quandnousarrivâmesdanslestoilettes,elleporta

lamainàsabouche.–Qu’est-cequemarobedemariéefaitlà,Aly?Jesouris,gagnéeparl’émotionquilasubmergeait.–Tunesavaispas?Tutemariesaujourd’hui.–Quoi?–J’aidit,tutemariesaujourd’hui.Sesyeuxs’emplirentdelarmesetjesecouailatête.–Ahnon!Tunevaspaspleurer.Lamaquilleuseseralàdansquelquesminutes.Etilfautquetute

prépares.

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–Tuveuxdire…lemariagelàdehors…lesdécorations,lesgens.C’estpourmonmariage?Jefisouidelatête.Ellesoufflaetposalesmainssurseshanches,parfaitementincrédule.–Tuasfaitçapourmoi?–C’estuneidéedeLogan.Ellesemorditlalèvreetsemitàtrembler.–Allez,mapuce.Nepleurepas.–Jenepleurepas, sanglota-t-elleenenfouissant sonvisagedanssesmains.Maisc’est tellement

gentildesapart.Nousnousempressâmesdelapréparer,jel’aidaiàenfilersamagnifiquerobeblanchedemariée,à

remonter ses cheveux en un chignon raffiné, tout cela en riant comme des folles tout en buvant duchampagne.

–Tuesprête,mapuce?demandai-je,deboutderrièreelledansmarobededemoiselled’honneur.–Oui.Jeregretteseulementquemaman…Jefronçailessourcils.–Jesais.–Çanefaitrien.CettesoiréeestpourKellanetmoi.C’estnotresoirée.En entrant dans la salle de restaurant, nousvîmes Jacob, debout sur la scène avecunmicro à la

main,prêt à célébrer lemariage.Kellan se tenait à sagauche, en costumecravate, et à côtéde lui setrouvait Logan. Je parcourus son visage du regard en absorbant tous les détails. Son large sourires’étendaitjusqu’àsesyeux.Maissesbellesbouclesavaientdisparucependant.Ilavaitrasésescheveuxrécemment,parsolidaritéavecsonfrère.Erikaétaitauborddeslarmes,quantàmoi,j’avaisaussidumalàmeretenirdepleurer.

Jel’aimais.Pourtoujours.Pourtoujours.Pourtoujours.–Toi,turestesici.Tunebougespasjusqu’àcequetum’entendesjouer,etlàtuvasrejoindreton

futurmari.Erika était toujours sous le choc, mais elle acquiesça. Je me dirigeai vers le piano et, en

commençant à jouer, je la regardai marcher dans l’allée qui menait à l’amour de sa vie. Les larmescoulaientsursesjoues,etcoulaientsurlesmiennesaussi.

Ils avaient mérité ce moment. Plus que n’importe qui. Jacob lut son texte et les deux amoureuxéchangèrentleursvœux,sepromettantamouretassistancepourlemeilleuretpourlepire,danslajoiecommedansl’adversité.Lesbattementsdecœurdouloureuxcommelesbattementsdecœurheureux.Les«toujours»et les«pourl’éternité».Quandilss’embrassèrent, tout lemondedanslapièceputsentirl’amourqu’ilséprouvaientl’unpourl’autre.

Puisonlesfitsortirprécipitammentdelapièce,éperdusderires,delarmesetd’amour.Loganpritlemicrodesmainsde Jacobet attendit quelques instantsque je lui fasse signe quandErika etKellanseraientprêtsàfaireleurentréesolennelle.Ilouvritleslèvresetsouritenprenantlaparole.

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–MesdamesetMessieurs,j’aileplaisirdevousprésenter,pourlatoutepremièrefois,MonsieuretMadameKellanEvans!

Il fitungestede lamainversErikaà lagauchede lapièce,puisversKellansur ladroiteet ilsavancèrentpourvenirserejoindreaumilieudelapistededanse.

– Avant de démarrer cette nuit de festivités, j’ai pensé que j’allais prononcer mon discours degarçond’honneurmaintenant.Alors,oùquevoussoyez,prenezunverreetécoutez.

Ileutunpetitsouriretendu,etjevisleslarmesluimonterauxyeuxmalgrétousseseffortspourlescontenir.

–MonfrèreKellanestunsuper-héros.Ilnesauvepeut-êtrepasdevilles,ilneportepeut-êtrepasdecape,maisilchangedesvies.Ilatoujoursvécuchaquejournéecommesielleétaitchargéedemagie.Ilsouritquandcelafaitmal.Ilcroitàl’amour,àlavieetauxhappyends.Ilcroitàlafamille.Jeveuxdire, il a cru en moi quand je ne le méritais probablement pas. Lui et moi avons eu des enfancesdifférentes.Quandluicroyaitaubonheur,moi,j’étaisempêtrédansdestragédies,maisilm’aimaitquandmême.Ilacontinuéàm’aimerquandjemebagarraisavecmesdémons,aveclefeuquimedévorait,avecmadouleur.Ilm’aimaitd’unamourinconditionnel.Sanslimites.Et,grâceàcetamour,j’aicomprisquejeneseraisjamaisseul.

Erikaetluiaimentd’unmêmeamour.Erikaaimemonfrèredetoutsonêtre.Elleiraitenenferetenreviendrait pourqu’il continue à sourire,mêmequandça faitmal.Elle est attentionnée, intelligente etdélicate.Paramourpourlui,ellem’aaccueillidanssamaison,mêmesijefichaislebronxdanschacunedespièces.Ellel’aaimépourtoutcequ’ilétait,etavectouslesbagagespesantsqu’iltraîneaveclui–dontmoi.Elle l’aaiméavant lecancer,elle l’aaimépendant lecancer,et je juredevantDieuqu’ellel’aimeraaprèslecancer.Parcequ’elle l’aimed’unamourinconditionnel.Cesdeuxpersonnessontdessuper-hérosde l’amour. Ilssont lapreuvequequandleschosesvontmal,onpeut toujours trouverdesraisons de sourire. Ils se sacrifient l’un à l’autre, parce qu’ils savent que leur amour est authentique.Mêmedansl’obscurité,leuramourréussitàbriller.Cesdeuxpersonnesm’ontapprisàaccepterl’amour.Àcroireendeslendemainsquichantent.Àtoutdonnerdemoi,sansconditions.Alors,pourtoutça, jelèvemonverre…

IllevasonverreenregardantsonfrèreetErika.–…auxbonsjourscommeauxmoinsbons,àl’amourinconditionneldanslequelilsm’ontapprisà

croire.Puissions-noustousrecherchercettesorted’amour,puissions-noustousledécouvrir.Sonregardse tournaversmoietuneseule larmeroulasursa joue,enmême tempsqu’une larme

roulaitsurlamienne.–Etquandnousletrouverons,puissions-nouslegarderpourtoujours,ettoujours,ettoujours.Jeluienvoyaiunbaiseretill’attrapapourlegarderdanssoncœuravantdesetournerdenouveau

verslecouple.–ÀKellanetErikaetàleuramouréternel.Toutlemondedansl’assistanceapplaudit,butetaima.Logansetamponnalesyeuxetsemitàrire.–Maintenant,s’ilvousplaît,toutlemondelibèrelapistepourquelesmariéspuissentouvrirlebal.

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JerejoignisLogansurlascèneetluiprislemicrodesmains.–Oùsontpasséstescheveux,murmurai-jeenpassantlamainsursoncrânerasé.Ilhaussalesépaules.–Cen’estrien.Justeunecoupedecheveux.–Non.Jel’embrassaisurlefront.–C’estbeaucoupplusquecela.–Jet’aime.–Jet’aime.Ilallavers laguitareet la soulevaens’asseyant sur le tabouret tandisque j’allaism’installerau

piano,posailemicroàcôtédemoietattendisqu’ilcommenceàgratterlescordes.Lorsquej’entendislesaccords qu’il venait juste d’apprendre à jouer, je souris et l’accompagnai au piano avant d’entonnerl’introdelachansond’IngridMichaelson«ThewayIAm».

Leurchanson.Kellan et Erika se balançaient sur la piste de danse, encore plus amoureux à chaque seconde.

Pendantlesolodeguitare,Loganpritlaparolequandlaported’entréedurestaurants’ouvrit.–Jevouspried’accueillirlesmèresdelamariéeetdumarié.Touslesyeuxs’arrondirent,ettoutel’assistanceapplauditl’entréedeJulieetdemamèreensemble.

MoncœurcognaitdansmapoitrineetjemetournaiversLogan.–Comment?Ilhaussalesépaules.–J’aifaitquelquesarrêtsenrouteavantdevenirici.–Tuestoutpourmoi.Absolumenttout.

***

Lemariagesedéroulaitàmerveille,avecplusderiresetdelarmesdejoiequej’enavaisvudepuislongtemps. Quand l’ambiance commença à retomber, nous sortîmes tous les quatre sur le parking durestaurant,KellanetLogantoujoursvêtusdeleurscostumesetErikaetmoidenosrobes.

–LoganetAlyssa,commentvousremercier?Pourtout.Cettesoiréeétaitcedontj’avaistoujoursrêvé,ditErika.

Le regard qu’elle posait sur Kellan et la façon dont il la dévisageait memontraient ce qu’étaitréellementunamourauthentique.

–Cen’estrien.Kellan,jesaisquetuastonrendez-vouschezlemédecindemain,etjeviendraiavectoi.MaisjecroisquecesoirjevaisdormirchezAlyssapourquelesjeunesmariésaientlanuitpoureuxtousseuls,ditLogan.

Kellanfitouidelatêteensouriant,maisErikapoussaunpetitcriaigu.–Non!

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–Quoi?–Nousdevonsallerquelquepartensembleavantd’allerchacundenotrecôté.–D’accord.Oùça?demandaLoganàmasœur.Un souriremalicieux apparut sur les lèvresd’Erika.En le voyant, je sus immédiatement oùnous

allions.

***

Nous étions là tous les quatre dans une allée de Pottery Barn, à examiner les différentes sériesd’assiettes.Erika,lesyeuxplissés,enpleineréflexion,etnousautresàdanserd’unpiedsurl’autre.

–Vousétiezvraimentobligésdetoutcasser?demanda-t-elleenpenchantlatêtesurlecôtépourregarderquelquechosequicoûtaitpluscherquemarobededemoiselled’honneur.

–C’étaituneidéedeLogan,ditKellan,envoyantsonfrèreaucasse-pipe.–Alyssaétaitd’accord,répliquaLogan.–Kellanm’aditquetut’enficherais,dis-jepourfairebonnemesure.–Onnepeutrienmereprocher,ditKellan,surladéfensive.J’ai…–Uncancer,onlesait!Logan,Erikaetmoiavionstousparléenmêmetemps.Ilsemitàrire.–Ok.Jecomptejusqu’àtroisettoutlemondemontredudoigtlasériequejedoisprendre.Après,

oniravoirlesverres.Un,deux,trois!–Celle-là!Nousmontrionstousunesériedifférente,alorsnousnousmîmestousàdiscuterenmêmetemps,en

criantpourcouvrirlavoixdesautresetenriant.Aprèsquenousnousétionsenfinmisd’accordsurlesassiettes,unesensationdecalmeetdepaix

s’installadansl’allée.Jeregardaiautourdemoi,cespersonnesquisavaienttoutlesunesdesautres,lebon, le moins bon et le carrément démoli. Je le voyais. Il était toujours là. À travers toutes lessouffrances,leslarmesetladestruction,l’amourquenouséprouvionslesunspourlesautresavaitréussiàsurvivre.D’unefaçonoud’uneautre,nousétionstoujoursliéslesunsauxautres.

Mesamis.Mafamille.Matribu.D’unefaçonoud’uneautre,nousétionsincassables.

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47LOGAN

Il faisait froid dans le cabinet de JC. Plus froid qu’il n’était nécessaire. Mais j’avais l’habitudemaintenant.Jen’avaispasmanquéunseuldesrendez-vousdeKellandepuismonretouràTrueFalls.

Surlecôtégauchedesonbureau,ilyavaitunpotdejellybeansetunderéglissesrougesducôtédroit.Aumoins,ilalaissétomberlesréglissesnoires,c’estdéjàça.

Jecroisai lesbraspourmeréchauffer.Putain.J’étaisgelé.Je tournai lesyeuxversKellan,assisdanslefauteuilàcôtédemoi.Quandjerelevai lesyeuxsurJC, jevisqueseslèvresremuaientplutôtvite. Il continuait à expliquer la situation encore et encore.Enmême temps, jenepouvaispas en êtrecertain,parcequej’avaisarrêtéd’écouter.

Jene savaispasexactement àquelmoment j’avais arrêtéd’entendre lesmotsqui sortaientde saboucheencascade,maisdepuiscinqoudixminutesjemecontentaisderegarderbougerseslèvres.

J’avaisagrippélesbrasdemonfauteuiletjelestenaisserrés.Erikaétaitassisedel’autrecôtédufauteuildeKellan.Leslarmescoulaientsursesjoues.–Çamarche?s’écria-t-ellesoudain,metirantdematorpeur.–Çamarche.LavoixdeJCcontenaitbeaucoupd’espoir,ilyavaitmêmeunsouriresursonvisage.– La chimiothérapie marche. On n’est pas encore sortis du tunnel, mais on va dans la bonne

direction.Un sentiment d’espoirme submergea,me coupant le souffle.Mon cœur semit à battre de façon

tellementdésordonnéequetoutmonorganismeréagitdefaçonterrifiante.–Je…Jem’arrêtai.Jesentaisconfusémentqu’ilfallaitquejedisequelquechose,parcequeKellanrestait

muet.Maisjenetrouvaispaslesmotsjustes.Yavait-ildesmotsjustesdansunesituationcommecelle-

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ci?Jem’accrochaiplus fermementàmon fauteuil. Jemepassai lamain sur la joueetm’éclaircis la

voix.–Çamarche?Ilseremitàparler,maisj’arrêtaiaussitôtd’écouter.JeprislamaindeKellanetlaserraipendant

qu’Erikaserraitl’autre.Monfrère,monhéros,monmeilleuramisebattaitcontrelecancer.Ilallaitvaincrelecancer.Etjepusenfinrespirer.

***

Ce soir-là, je montai avec Alyssa sur le panneau publicitaire pour regarder les étoiles quiconstellaientleciel.NouspartageâmesdesOreosauxframboisesetdesbaisersànouscouperlesouffle,nousremémoranttoutcequenousavionstraverséetrêvantdetoutcequinousattendait.

–J’aiaiméleDVDquetum’asdonnésurlemythegrecduphénix,dis-jealorsquenousétionsassissur lacornichedupanneaupublicitaire, les jambesballantes.J’aiadoré l’idéedecetoiseauquimeurtmaisquirenaîtdesescendresetàquiondonneunedeuxièmechancedevivre.

Ellesourit.–Oui.Tuescommelephénix,Logan.Tuesallési loin, tuasvu tellementdechoseset tuaspu

renaître.Jesecouailatête.–J’aiapprofondilesrecherchessurlesdifférentesmythologieset lesdifférentescroyancessurle

phénixetcequ’ilreprésente.Lalégendegrecquem’aplu,maisc’estlacroyancechinoisequim’aleplusparlé.

–Etqueditlacroyancechinoise?–Lephénixétaitgénéralementvucommedouble,àlafoismâleetfemelle.Lesdeuxphénixréunis

représentaientleyinetleyang.Ilsétaientdeuxpartiesd’untout.Lephénixfemelleétaitlapartiepassive,douceetdouéed’intuition,alorsque lemâleétait assertif, celuiquiagissait.Uncouple indissociable.Danscertainespartiesdumonde,onoffre le symboledesdeuxphénixencadeaudemariage,unsigned’éternitéetdelendemainsheureux.

–C’estbeau,dit-elle.–C’estcequejemesuisdit.Nousrestâmessilencieuxunmomentpourregarderlecielau-dessusdenostêtes.–High?–Oui?J’avais lesmainsmoites en sortant une petite boîte dema poche. En la voyant, Alyssa prit une

inspirationrapide,puisellemeregardadroitdanslesyeux.

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–Quefais-tu,Lo?–Véritéoumensonge?–Mensonge.–Jenefaisabsolumentrien.Salèvreinférieuresemitàtrembler.–Etlavérité?–Jecommenceàrenaîtredemescendres.Jenesuisqu’auxpremiersstadesdelarenaissance,mais

jesaisque,dansmonascension,jeveuxquetusoisliéeàmoipourtoujours.J’ouvrislapetiteboîteetensortisunebaguedefiançaillessurlaquelledeuxphénixétaientcôteà

côte,reliésparundiamantsituéaucentre,entreleursailes.–Tuesmaguérisseuse.Tuesmaforce.Tuesmonéternité,etsituesd’accord,sicelateconvient,

j’adoreraisquetudeviennesmafemme.–Vraiment?dit-elled’unevoixdouce.–Vraiment.Ellevinttoutcontremoietposaseslèvressurmesmiennes.–Pourtoujours,Lo,dit-elled’unevoixtremblante.Jeprissamaindanslamienneetfisglisserl’anneauàsonannulaire,enl’embrassantdoucement.–Pourtoujours,High.

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ÉPILOGUELOGAN

Septans,unmariage,unrétablissementtotal,deuxbébésetunamourrenforcéplustard

J’étaisheureux.Jenepossédaispasgrand-chose,etjen’avaispasbeaucoupd’histoirederéussiteexceptionnelleàléguerà mes enfants. Je n’étais pas un milliardaire génial. Je n’avais pas trois diplômes universitaires. Jetravailleraisprobablementunebonnepartiedemaviepourjoindrelesdeuxbouts,maisj’yparviendraistoujoursparcequel’amourétaitmarichesse.J’avaistroispersonnesquicomptaientsurmoipournepasbaisser les bras quand les temps étaient durs. J’avais trois personnes qui croyaient enmoi et enmesrêves.

Alyssa etmoi avions réussi àmettre en routeundenos rêves communs :High&Lo, restaurant etpiano-bar.Celafaisaitdeuxansmaintenantqu’onavaitouvert,etaprèsmesenfants,c’étaitunedemesplusbellesréussites.Pourtant,jefaisaistoutmonpossiblepourallerplusloin.

Un jour, j’offrirais lemonde àmes enfants et àma superbe épouse.Mes enfants ne souffriraientjamaisdumanqued’amour.Onlesaimaitdéjàavantmêmequ’ilssoientvenusaumonde.

Alyssa,monbelamour,m’avaitsauvélavie.Ellem’avaitdonnéuneraisondevivre,etc’étaitunhonneurd’êtreaiméd’elle.Jeluiavaisjuréque

jen’oublieraisjamaislafaçondontellem’avaittoutdonnéd’ellequandjen’avaisplusrienàluidonneren échange. Ellem’avait juré que je n’étais pas le produit demon passé et qu’elle savait que j’étaispromisàunavenirmerveilleux.

Elleétaitlefeudansmonâme,quimetenaitchaudlanuit.

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–C’esttrophaut,s’écriaKellan,monfilsdecinqans,alorsquenousnousdirigionsversl’échelledupanneaupublicitaire.

Il portait lemême nom que son oncle, qui poursuivait toujours son rêve de devenir unmusicienreconnu,rêvedontils’approchaitunpeupluschaquejour.

SapetitesœurJulie,assisesurmesépaules,regardaenl’air.–Oui,Papa!Trophaut!Onluiavaitdonnélenomdesagrand-mère, lafemmequiavaitconnuplusdejourssombresque

d’autresmaisqui,maintenant,pouvaitmarcherausoleiletqui,depuisseptans,avaitréussiàmaintenirsesdémonsàdistance.Cen’étaitpasfaciletouslesjours,maischacund’entreeuxétaitunebénédiction.

Je souris à Alyssa, qui m’avait prévenu que les gosses trouveraient cela trop effrayant, mais jevoulais qu’ils voient les étoiles cette nuit-là de l’endroit même où j’étais tombé amoureux pour lapremièrefois.

–Onadescouvertures,ditAlyssa.Onpeuttoujourslesétalerparterreetregarderlecield’enbas.–Onpeutfaireça,Papa?Onpeutjusteregarderd’enbasaulieudemonter?demandaKellan.–Biensûr.C’estencoremieux.Ce soir-là, nous regardâmes en silence le ciel constellé d’étoiles qui devenait de plus en plus

sombre. Je tenais Alyssa par la taille et elle était appuyée contre moi, me laissant être celui qui lasoutenait. Tous les soirs, nous regardions le soleil se coucher, où que nous soyons, et nous nousréveillions tôt pour le regarder se lever de nouveau. C’était ça la vie : même quand les jourss’obscurcissaient,onavaittoujoursdroitàunesecondechance,unsecondmomentpouressayerencorederenaîtredenoscendres.

Les gamins couraient et jouaient autour de nous, et Alyssa et moi regardions les vies que nousavionscréées.Ilsétaientnoslendemainsquichantent,lescadeauxquinousavaientapportétantdejoie.

BonDieu,commej’étaisheureux.J’étaistellementheureux,ensécuritéetcombléd’amour.Quand lanuit fut tombéeetqu’unebrise fraîchepassa surnous, j’attiraiAlyssacontremoiet lui

murmuraiàl’oreille:–Pourtoujours,High.–Pourtoujours,Lo.Jehaussailesépaules.Ellehaussalesépaules.Jeris.Ellerit.J’entrouvrisleslèvres.Elleentrouvritleslèvres.Jepenchailatête.Ellepenchalatête.

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Noslèvress’unirentet,alorsmêmequemespiedsétaientfermementplantéssurlesol,jen’avaisjamaisplanéaussihautdemavie.

FIN

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REMERCIEMENTS

Tellementdepersonnesm’ontaidéeàréaliserceromanquejenesaispasquiremercierenpremier.Jevaiscommencerparmameilleureamie.Maman,tum’asaidéeàallerjusqu’auboutdecelivre.

Jenesaispasoùj’enseraissanstoi.Turendslaviedetantd’êtresplusbellequejesuistrèsheureusedet’appelermameilleureamie.

Alison,Allison,Christy etBeverly :merci d’avoir pris le tempsde collaborer à la relecture del’histoired’AlyssaetLogan.Vousm’avezaidéeàm’apercevoirdesproblèmesqueposait l’intrigueetvousm’avezdonné lemeilleurdes retours.Vousêtes toutesdansmoncœuret jenevous remercieraijamaisassez.

MerciàmamerveilleuseéditriceCaitlindechezEditsByC,Marie:tuesincroyablementdouée.Àmon autre éditriceKiezha :merci, non seulement dem’avoir aidée avec les correctionsmais

aussid’avoirdiscutéavecmoidel’intriguejouraprèsjour.Tuasrenducettehistoireplusdense,etjet’aimepourça.

ÀDanielleAllen: tuestoutpourmoi.Sérieusement.Nousavonsparlétouslesjourspendantlesdeux derniers mois et tu m’as pris la main quand je craquais. Tu m’as toujours tenu les propos quim’inspiraientquandj’enavaisleplusbesoin.Tum’asfaitrirequandj’avaisenviedepleurer.Jet’aime,monamie.

ÀStaciBrillhart:pourtouteslesheurespasséesautéléphoneavecmoipourdiscuterdel’intrigue.PourtouteslesheurespasséessurMessengeravecmoi(DESMOIS!)pourt’assurerquej’allaisbien.Lemonde aurait besoin de plus de belles âmes comme toi. Merci d’exister, et merci de m’autoriser àt’appelermonamie.

Àmatribu:voussaveztousquivousêtes.Moncœurbatàl’unissondesvôtres.Toujours.ÀRyan:tudorsmaintenant,àquelquescentimètresdemoi,pendantquejetapecesmotsaupetit

matin.Moncœurestcomblé.Mercidemeprendredanstesbrasaumilieudelanuitquandjemeréveilleenpanique,terroriséeparl’inconnu.Mercidemefairesourirechaquejour.Mercidem’aimer.Tueslefeuquimetientchaud.

À ma relectrice, Judi : tu m’as sauvé la vie à la dernière minute et tes compétences sontépoustouflantes.Jesuisdinguedetoi!

Àtousceuxquiontfaitdecelivreuneréussitevisuelle:lephotographedelacouverture.Franggy,pourlasuperbephotodecouvertureetStaci,deQuirkyBird,pourledesign.

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Àmesagentsquicroientenmoiquandjen’yparvienspasmoi-même.Vousavezréalisétousmesrêves.Merci.

Auxlecteurs:mercidemisersurmoietsurmesromans.Vousavezchangémavieplusquevousnepouvezl’imaginer.

Etpourfinir,ungrandmerciàmafamille.Pourlesbonsmomentsetlesmoinsbons,c’esttoujoursvousquejechoisirai.

XoXo!

Page 277: The Fire Between High & Loekladata.com/vLlExzVQTUPmiZ4RrqGhQu603qY/Brittainy... · PROLOGUE ALYSSA Le garçon avec le sweat à capuche rouge me regardait fixement derrière ma caisse

ÀPROPOSDEL’AUTEUR

BrittainyC.Cherry,auteureàsuccèsd’Amazon,atoujoursétéamoureusedesmots.Elleestsortiedel’universitéCarrollavec,enpoche,unelicencedethéâtreetundiplômedeCreativeWriting.BrittainyvitàMilwaukeedansleWisconsin,avecsafamille.Quandellen’estpasoccupéeàfaireunmilliondecoursesouàimaginerdeshistoires,ellejoueprobablementavecsesadorablesanimauxdecompagnie.

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