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HAL Id: tel-00994394 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00994394 Submitted on 21 May 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Territorialisation par ”ville nouvelle” au Maghreb. Regard croisé sur les projets d’Ali Mendjeli ( Constantine) et de Tamansourt (Marrakech) Jean-Marie Ballout To cite this version: Jean-Marie Ballout. Territorialisation par ”ville nouvelle” au Maghreb. Regard croisé sur les projets d’Ali Mendjeli ( Constantine) et de Tamansourt (Marrakech). Histoire. Université Paul Valéry - Montpellier III, 2014. Français. <NNT : 2014MON30006>. <tel-00994394>

Territorialisation par ''ville nouvelle'' au Maghreb. Regard croisé sur

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    Submitted on 21 May 2014

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestine au dpt et la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publis ou non,manant des tablissements denseignement et derecherche franais ou trangers, des laboratoirespublics ou privs.

    Territorialisation par ville nouvelle au Maghreb.Regard crois sur les projets dAli Mendjeli (Constantine) et de Tamansourt (Marrakech)

    Jean-Marie Ballout

    To cite this version:Jean-Marie Ballout. Territorialisation par ville nouvelle au Maghreb. Regard crois sur les projetsdAli Mendjeli ( Constantine) et de Tamansourt (Marrakech). Histoire. Universit Paul Valry -Montpellier III, 2014. Franais. .

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00994394https://hal.archives-ouvertes.fr

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    Universit Paul Valry Montpellier 3

    cole doctorale 60 Territoires, Temps, Socits et Dveloppement

    Thse pour obtenir le grade de docteur

    Gographie et amnagement de lespace

    Jean-Marie Ballout

    TERRITORIALISATION PAR VILLE NOUVELLE AU MAGHREB. REGARD CROIS SUR LES PROJETS DALI

    MENDJELI (CONSTANTINE) ET DE TAMANSOURT (MARRAKECH)

    Soutenue le 27 fvrier 2014 devant le jury compos de M. Jean-Marie Miossec, professeur, universit Paul Valry Montpellier 3 (directeur de thse) M. Aziz Iraki, professeur, institut national damnagement et durbanisme Rabat (co-directeur de thse) M. Pierre Signoles, professeur mrite, universit Franois Rabelais Tours (rapporteur) M. Martin Vanier, professeur, universit Joseph Fourier Grenoble (rapporteur) M. Raffaele Cattedra, professeur, universit Paul Valry Montpellier 3 (examinateur) M. Laurent Chapelon, professeur, universit Paul Valry Montpellier 3 (examinateur) M. Salah-Eddine Cherrad, professeur, universit Constantine 1 (examinateur)

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    Mots-cls : ville nouvelle, concept, acteurs, urbanisme de planification, urbanisme de projet, territorialisation, comparatisme, Algrie, Maroc Rsum : Si lexpression ville nouvelle nest plus en vogue dans les discours relatifs aux politiques urbaines des pays occidentaux, cest linverse dans le cas des pays forte croissance conomique et/ou de ceux dits du Sud. Depuis une vingtaine dannes, pour des raisons dordres divers les annonces de projets de villes nouvelles y sont lgions. Dans cette profusion, lAlgrie et le Maroc ne font pas exception. Au milieu des annes 2000, le ministre marocain en charge de lurbanisme et de lhabitat annonce la mise en uvre dun programme de villes nouvelles comptant une quinzaine de projets parmi lesquels celui dnomm Tamansourt, situ dans la priphrie de Marrakech. En Algrie, ds 1987, le Schma national damnagement du territoire prconise la cration de villes nouvelles dans les rgions des Hauts Plateaux et du Sud. Paralllement, des villes nouvelles , dmanation locale sont lances, cest le cas dAli Mendjeli, proche de Constantine. Partant du postulat que le concept de ville nouvelle est dpass, nous interrogeons les causes qui incite laction publique algrienne et marocaine tout de mme sen saisir. Pourquoi les pouvoirs publics persistent faire usage de ce type de politique damnagement ? Cette premire question en entrane deux autres, complmentaires : Comment ces politiques sont-elles conduites et quels sont leurs effets territoriaux ? Selon notre premire hypothse, les efficacits performative et iconique de cette reprsentation intellectuelle, davantage que celle oprationnelle, ont orient ces options. Notre deuxime hypothse est quil ny a pas eu de capitalisation des expriences trangres dans la perspective dune redfinition ou dadaptation du concept. Les modalits dagir tudies ne relvent ni de la planification urbaine, ni de lurbanisme de projet, cette affirmation constitue notre troisime hypothse. Notre quatrime hypothse est que ces actions sont des vecteurs plus ou moins puissants de reterritorialisation des priphries de Constantine et Marrakech. Il sagira de vrifier si lmergence de centralits et/ou de marges urbaines nouvelles y est observable. Nous voulons vrifier lide de lexistence dun fort dcalage entre la ville nouvelle idelle, celle du porteur de projet, et la ville nouvelle vcue, c'est--dire celle des habitants du quotidien. Keywords : new town, concept, stakeholders, urban planning, urban project, territorial formation, comparative approach, Algeria, Morocco Abstract : If the expression new town is no longer in vogue in the discourse on urban policies of western countries, the reverse is true in the case of countries with strong economic growth and/or those called South countries. For twenty years, for reasons of various orders ads projects "new towns" are legion. In this profusion, Algeria and Morocco are no exception. In the mid-2000s, the moroccan ministry for town planning and housing announced the implementation of a program of "new towns" cash fifteen projects including one called Tamansourt, located in the outskirts of Marrakech. In Algeria, in 1987, the National planning scheme recommends the creation of new towns in the Hauts Plateaux and South. Meanwhile, "new towns", local emanation are launched, that is the case of Ali Mendjeli, near Constantine. Starting from the premise that the concept of new town " exceeded , we question the reasons prompting the algerian and moroccan public action to still be seized . Why do governments continue to use this type of development policy? This first question leads to two other complementary policies: how are they conducted and what are their territorial effects ? According to our first hypothesis , the performative and iconic efficiencies that intellectual representation, over their feasibility that have guided these options. Our second hypothesis is that there was no capitalization of foreign experiences in the context of redefining and adapting the concept. Studied acting arrangements do not fall under the urban planning or urban planning project , this statement is our third hypothesis. Our fourth hypothesis is that these actions are vectors more or less powerful reterritorialisation the outskirts of Constantine and Marrakech. It will check whether the emergence of centralities and/or new urban margins is observable. We want to verify the idea of the existence of a wide gap between the "new town" ideational , that the project leader, and the "new town" lived , that is to say that the inhabitants of daily life.

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    Remerciements

    Ce travail naurait pu aboutir sans laide prcieuse de nombreuses personnes

    rencontres au cours de mon parcours doctoral. Je ne pourrai pas toutes les nommer ici,

    donc, que celles et ceux qui ne sont pas explicitement remercis men excusent.

    En premier lieu, je tiens remercier Jean-Marie Miossec davoir accept de diriger

    mon travail. La qualit de ses remarques, de ses observations, ainsi que ses encouragements

    ont t dterminants. Je remercie aussi Aziz Iraki, en sa qualit de co-directeur, pour les

    conseils aviss quil ma prodigus lors de nos entrevues au Maroc et en France.

    Mes remerciements vont aussi Pierre Signoles et Raffaele Cattedra, notamment

    pour mavoir permis de participer au programme de recherche Faire la ville en

    priphrie(s) ? Territoires et territorialits dans les grandes villes du Maghreb , de mme

    que pour les pistes de recherches judicieuses quils mont incit emprunter.

    Je remercie lquipe de recherche GESTER, devenue GRED, particulirement

    Monique Gherardi pour les services quelle ma rendus, tellement nombreux quil me serait

    impossible de tous me les rappeler. Intgrer cette quipe fut aussi loccasion de faire des

    rencontres enrichissantes avec des doctorants devenus docteurs. Je pense notamment Chlo

    Yvroux et Quentin Mackr.

    Jadresse mes remerciements Salah-Eddine Cherrad pour la qualit de son accueil

    Constantine. Son accueil au sein du LAT ma offert de bonnes conditions logistiques pour

    accomplir mes terrains algriens. De mme, cela ma permis de faire des rencontres

    stimulantes, que ce soit avec Fadel Abdelouhab, Mounir Cherrad ou encore Lyes Serradj.

    Je remercie vivement Charaf, Hatim, Mohamed, Rachid et Samir pour le rle de

    traducteur quils ont accept de jouer mes cts.

    Je remercie les habitants ordinaires et les reprsentants des institutions qui ont

    accept de se plier lexercice de lentretien. Sans eux, ce travail naurait pu tre accompli.

    Pour leur travail de relecture, je remercie Jocelyne Navarro, Quentin Mackr et

    Vincent Seveau.

    Mes remerciements vont aussi mes amis Axel, Claire, Julien et Vincent, pour leur

    intrt vis--vis de mon travail et leur comprhension.

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    Pour leur soutien multiforme et inconditionnel, leurs encouragements perptuels, je

    remercie ma mre, mon frre et mon beau-pre.

    Enfin, je remercie milie, ma compagne et Malik, mon fils, pour mavoir support,

    dans tous les sens du terme, durant tout ce temps. Sans eux mes cts, je naurais pu

    achever ce travail.

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    Table des matires

    Remerciements .......................................................................................................................... 5

    Table des matires ..................................................................................................................... 7

    Avant-propos ........................................................................................................................... 15

    Introduction gnrale .............................................................................................................. 17

    PREMIRE PARTIE CONCEPT DE VILLE NOUVELLE, GENSES ET CONCEPTIONS DE VILLES NOUVELLES ................................................................. 47

    Introduction de la premire partie ........................................................................................... 49

    Chapitre 1 Des ides sur la ville nouvelle au concept de ville nouvelle ................................. 51

    Introduction ......................................................................................................................... 51

    1.1. Flou smantique ........................................................................................................... 51

    1.2. Une dfinition ardue ..................................................................................................... 59

    1.2.1. Confusions et contradictions ................................................................................. 59

    1.2.2. Des priodes de villes nouvelles ...................................................................... 63

    1.2.3. Limpasse typologique .......................................................................................... 65

    1.3. Notre concept de rfrence : la new town .................................................................... 67

    1.3.1. Le modle original ................................................................................................. 67

    1.3.2. Une dfinition du concept de new town ................................................................. 70

    1.3.2.1. Une forte croissance dmographique .............................................................. 71

    1.3.2.2. Les critres politiques et lgislatifs ................................................................. 73

    1.3.2.3. Les proprits gographiques et urbanistiques ............................................... 74

    1.3.2.4. Le cadre administratif ..................................................................................... 83

    1.3.2.5 Le mode de financement .................................................................................. 84

    Conclusion ........................................................................................................................... 88

    Chapitre 2 Les contextes dautorisation des projets damnagement ..................................... 91

    Introduction ......................................................................................................................... 91

    2. A. Tamansourt ................................................................................................................. 94

    2. A.1. Lente gestation ou projet volutif ? De la zone industrielle la ville nouvelle (1990-2004) ....................................................................................................... 94

    2. A.2. Un climat politique et conomique propice au lancement dun tel projet ............... 98

    2. A.2.1. Un projet autoris hors dun encadrement ad hoc ............................................ 98

    2. A.2.1.1. La tutelle du wali, loprationnalit conomique de lERAC et la mise lcart de lAgence Urbaine ....................................................................................... 100

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    2. A.2.1.2. Un portage politique local impos par le haut ......................................... 102

    2. A.2.1.3. Les autres institutions rgionales : suivisme et sous-reprsentativit ...... 104

    2. A.2.2. La ncessit de produire du logement en masse ............................................. 106

    2. A.2.3. La restructuration des OPH et le rle de dveloppeur amnageur ........... 107

    2. A.3. Un appui soutenu du Roi ....................................................................................... 112

    2. A.4. Lgitimit du projet, controverses et conflits inter institutionnels ........................ 115

    2. A.4.1. De la lgitimation dun projet par la manipulation du contenu des documents durbanisme rglementaire ............................................................................................ 115

    2. A.4.2. Tamansourt, une vision loppos des orientations du ministre de lAmnagement du territoire ......................................................................................... 118

    2. A.4.3. La ncessit de justification par une vertu d intgration rgionale de la ville nouvelle ........................................................................................................... 121

    2. A.4.4. Deux autres essais de justification du projet ................................................... 127

    2. B. Ali Mendjeli .............................................................................................................. 129

    2. B.1. Chronologie de la gense et du processus dcisionnel jusquen 1998 ; plans du projet : des indicateurs dune lente gestation .................................................................... 129

    2. B.2. Une entorse aux orientations du SNAT de 1987 ................................................... 133

    2. B.3. En labsence dautorisation franche du pouvoir central, un coup parti de lautorit locale ................................................................................................................................. 135

    2. B.4. lments de justification dun projet saisi comme une opportunit foncire ........ 140

    2. B.5. Lurbanisme et lamnagement rglementaires comme moyens de lgitimation du projet a posteriori .............................................................................................................. 142

    2. B.6. La prsidentialisation du projet ou le vritable lancement .................................... 143

    Conclusion ......................................................................................................................... 146

    Chapitre 3 De la conception des villes nouvelles ........................................................... 149

    Introduction ....................................................................................................................... 149

    3. A. Ali Mendjeli ............................................................................................................. 150

    3. A.1. Les concepteurs du projet ...................................................................................... 150

    3. A.2. Au sujet de loption ville nouvelle ........................................................................ 153

    3. A.3. Le site : une nature minutieusement tudie mais une localisation distante du principal prcepte affrant au concept dans ce domaine ................................................... 156

    3. A.4. La voirie, base de la structuration de lespace projet .......................................... 158

    3. A.5. Lusage de la notion dunit de voisinage ............................................................. 159

    3. A.6. propos de la centralit ........................................................................................ 162

    3. A.7. Une part durbanisme cultu(r)aliste ....................................................................... 168

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    3. A.8. Une rflexion sur la lecture de la ville nouvelle .............................................. 171

    3. A.9. La nature en ville ou la question des espaces verts ............................................... 173

    3. B. Tamansourt ............................................................................................................... 174

    3. B.1. Brve prsentation des concepteurs ....................................................................... 174

    3. B.2. Lamnagement dune ville nouvelle , une rflexion et un choix passablement expliqus et arguments .................................................................................................... 175

    3. B.3. La localisation du site et ses justifications ............................................................. 181

    3. B.4. Une forte empreinte de lurbanisme progressiste ................................................. 183

    3. B.5. Polycentrisme et aseptisation de la voirie principale ............................................. 189

    3. B.6. Remise en question dune dose durbanisme culturaliste aux finalits plurielles : les zones de mdina ..................................................................................................... 193

    3. B.7. Des espaces verts prvus en abondance ................................................................ 201

    Conclusion ......................................................................................................................... 203

    Conclusion de la premire partie .......................................................................................... 205

    DEUXIME PARTIE RALISER ET PROMOUVOIR LES VILLES NOUVELLES ............................................................................................................................................... 209

    Introduction de la deuxime partie ....................................................................................... 211

    Chapitre 4 Matrises douvrage et productions des villes nouvelles ............................... 213

    Introduction ....................................................................................................................... 213

    4. A. Tamansourt ............................................................................................................... 214

    4. A.1. La cration tardive dun matre douvrage ddi au projet et en dfaut de moyens idoines : Al Omrane Tamansourt ...................................................................................... 214

    4. A.1.1. Jusquen 2008, la prise en charge par un oprateur public de lhabitat classique mais marrakchi : lERAC Tensift .................................................................................. 214

    4. A.1.2. Le dcret dAl Omrane Tamansourt ou la cration dun OPH ddi au projet ....................................................................................................................................... 215

    4. A.1.3. Profil dAl Omrane Tamansourt ..................................................................... 216

    4. A.1.4. Absence de stratgie et moyens inadapts ...................................................... 218

    4. A.2. La nette implication des promoteurs immobiliers privs dans la ralisation du projet .................................................................................................................................. 222

    4. A.2.1. Un projet foncier taill sur mesure pour la promotion immobilire prive ....................................................................................................................................... 222

    4. A.2.2. Le partenariat public-priv (PPP) comme certificat dun projet de qualit ? ....................................................................................................................................... 226

    4. A.2.3. Identit des promoteurs immobiliers privs impliqus ................................... 227

  • 10

    4. A.2.4. La participation de cette catgorie dacteur en quelques reprsentations ....... 229

    4. A.2.5. Les conditions de la participation et les contreparties .................................... 230

    4. A.2.6. Focus sur la participation de la socit Kounzy et critiques manant de cet acteur ............................................................................................................................. 232

    4. A.3. Un manque de cohsion interministrielle ............................................................ 236

    4. A.3.1. Dcalage entre ralisations du logement et des quipements ......................... 236

    4. A.3.2 Le manque dimplication des autres ministres et ses causes ......................... 240

    4. A.4. Une matrise foncire peu vidente et source de conflit ....................................... 242

    4. A.5. La planification initiale : ajouts et modifications .................................................. 252

    4. A.5.1. Le projet dextension ...................................................................................... 253

    4. A.5.2. Le rajout dquipements publics ..................................................................... 257

    4. A.5.3. Le recasement du douar NZalet El Harmel en lieu et place de sa restructuration ................................................................................................................ 259

    4. B. Ali Mendjeli .............................................................................................................. 261

    4. B.1. Modifications et dbordement de la planification initiale ..................................... 261

    4. B.2. Une ville nouvelle sans statut lgislatif particulier donc en dfaut de matrise douvrage et de financement spcifiques .......................................................................... 263

    Conclusion ......................................................................................................................... 266

    Chapitre 5 La mise en image des projets : un marketing urbain entre opulence et indigence ............................................................................................................................................... 269

    Introduction ....................................................................................................................... 269

    5. A. La mise en image du projet de Tamansourt : un marketing urbain opulent ............. 270

    5. A.1. Des ressources financires et humaines importantes pour Al Omrane Marrakech et Al Omrane Tamansourt ..................................................................................................... 271

    5. A.2. Une multiplicit de mdias .................................................................................... 272

    5. A.3. Contenus et sens des principaux messages diffuss par Al Omrane ..................... 285

    5. A.4. La presse crite : un relais peu critique des vnements ....................................... 292

    5. A.5. Le rle du GIE dans la mise en image du projet ................................................... 296

    5. A.6. Les promoteurs immobiliers privs, un rle a ne pas ngliger dans la mise en image du projet .................................................................................................................. 298

    5. B. Ali Mendjeli : une mise en image quasi inexistante ................................................. 303

    5. B.1. tat dune mise en image quasi-inexistante .......................................................... 303

    5. B.2. Des causes multiples .............................................................................................. 307

    Conclusion ......................................................................................................................... 311

    Conclusion de la deuxime partie ......................................................................................... 313

  • 11

    TROISIME PARTIE DE NOUVEAUX TERRITOIRES VIVRE ET GOUVERNER ............................................................................................................................................... 315

    Introduction de la troisime partie ........................................................................................ 317

    Chapitre 6 Loccupation humaine des espaces raliss par le haut : enjeux, tats, dynamiques et quelques ralits socio-spatiales ....................................................................................... 319

    Introduction ....................................................................................................................... 319

    6. A. Tamansourt ............................................................................................................... 320

    6. A.1. Le poids dmographique : une trs forte surestimation ........................................ 320

    6. A.1.1. Un trs fort dcalage entre projection et ralit .............................................. 320

    6. A.1.2. Des donnes peu fiables et surestimes .......................................................... 323

    6. A.1.3. Un enjeu pour le porteur du projet .................................................................. 325

    6. A.2. Aspects et causes dun tat de sous-occupation .................................................... 327

    6. A.2.1. Entre la ville des fantmes et le village .............................................. 327

    6. A.2.2. Le glissement des bnficiaires ................................................................... 336

    6. A.2.3. Autres causes .................................................................................................. 345

    6. A.3. Les leviers du peuplement : la primatie des mobilits contraintes ........................ 347

    6. A.3.1. Loccupation de fait ........................................................................................ 348

    6. A.3.2. Loccupation volontaire .................................................................................. 350

    6. A.3.3. Loccupation dirige ....................................................................................... 354

    6. A.3.4. Loccupation stratgique ................................................................................ 359

    6. A.4. Un processus de sgrgation rsidentielle en cours et une aggravation de la marginalit sociale ............................................................................................................. 362

    6. B. Ali Mendjeli .............................................................................................................. 365

    6. B.1. Le poids dmographique Encore une surestimation mais moindre ................... 365

    6. B.1.1. Un cart important entre population prvue terme et population effective . 365

    6. B.1.2. Des donnes peu fiables et surestimes .......................................................... 366

    6. B.1.3. Un enjeu pour les pouvoirs publics ................................................................. 369

    6. B.2. Un espace relativement peupl .............................................................................. 370

    6. B.3. Les leviers de loccupation humaine Ali Mendjeli ou limportance des migrations contraintes ......................................................................................................................... 373

    6. B.3.1. Peuplement fortement contraint via les politiques publiques dhabitat .... 373

    6. B.3.2. Peuplement volontaire .............................................................................. 377

    6. B.3.3. Loccupation stratgique ................................................................................. 379

  • 12

    6. B.4. Une sgrgation rsidentielle ancre corollaire dune marginalit sociale accrue ........................................................................................................................................... 382

    Conclusion ......................................................................................................................... 389

    Chapitre 7 Espaces vcus et citadinits mergentes en villes nouvelles ........................ 391

    Introduction ....................................................................................................................... 391

    7. A. Ali Mendjeli ............................................................................................................. 400

    7. A.1. Le logement : fortement rappropri, le lieu premier de la ville nouvelle malgr des controverses ................................................................................................................ 400

    7. A.2. Reprsentations mitiges des espaces intermdiaires et du quartier ..................... 420

    7. A.2.1 Les espaces intermdiaires .............................................................................. 420

    7. A.2.2. Le quartier ....................................................................................................... 432

    7. A.3. Une urbanit la peine .......................................................................................... 438

    7. A.3.1. Linsoutenable comparaison avec la ville de Constantine .............................. 439

    7. A.3.2. Les fonctions de la ville nouvelle fabrique : reprsentations dprciatives versus reprsentations positives ..................................................................................... 441

    7. A.3.2.1. Les fonctions assumes ............................................................................ 441

    7. A.3.2.2. Les fonctions en insuffisance ................................................................... 443

    7. A.3.2.3 Les fonctions entre suffisance et insuffisance ........................................... 447

    7. A.3.3. Les fortes carences de lespace public ............................................................ 451

    7. A.3.4. La faible prsence demplois sur place ........................................................... 462

    7. A.3.5. La question scuritaire .................................................................................... 465

    7. A.3.6. Entre stagnation et volution : la conviction dune progression future de lurbanit ........................................................................................................................ 477

    7. A.3.7. Processus dancrage spatial et envie de partir ................................................ 483

    7. A.3.8. Habiter Ali Mendjeli, cest habiter .......................................................... 486

    7. A.3.8.1 Une ville nouvelle , voire une ville ............................................ 487

    7. A.3.8.2. La nouvelle banlieue de Constantine ............................................ 489

    7. A.3.8.3 Un espace dvaloris/rejet ................................................................... 490

    7. A.3.8.4 Un quartier de Constantine ............................................................ 493

    7. A.4. Citadinisation en marche ....................................................................................... 495

    7. A.4.1. Le non-paiement des loyers, signe dune revendication citadine ? ................ 495

    7. A.4.2. Lopration ville morte du 17 mars 2013 ................................................. 498

    7. A.4.3. Le secteur associatif : genses, effets de citadinisation et limites .................. 500

    7. A.4.3.1. Genses dassociations ............................................................................. 501

  • 13

    7. A.4.3.2. Objectifs et champ dactions. ................................................................... 505

    7. A.4.3.3. Les ressorts de laction associative .......................................................... 511

    7. A.4.3.4. Les effets apprcis de laction associative ............................................. 516

    7. A.4.3.5. Les limites du mouvement associatif ....................................................... 521

    7. B. Tamansourt ............................................................................................................... 525

    7. B.1. lments de satisfactions et dinsatisfactions relatifs au logis .............................. 526

    7. B.2. Des parties communes et des espaces intermdiaires en dfaut ............................ 529

    7. B.4. De nombreux dcalages constats entre lespace projet et lespace ralis ........ 533

    7. B.5. Un manque de services publics et privs en tout genre ......................................... 534

    7. B.6. Le sous-effectif dmographique, une autre carence de la ville nouvelle ......... 539

    7. B.7. Une situation denclavement ................................................................................. 539

    7. B.8. Vers une cit-dortoir .............................................................................................. 541

    7. B.9. La croyance en une amlioration future de lurbanit ........................................... 542

    7. B.10. Une citadinisation embryonnaire : le cas de lassociation du 21 dcembre 2004544

    Conclusion ......................................................................................................................... 547

    Chapitre 8 Le gouvernement des villes nouvelles .......................................................... 549

    Introduction ....................................................................................................................... 549

    8. A. Retour sur le gouvernement des new towns et focus sur celui des villes nouvelles franaises ........................................................................................................................... 552

    8. A.1. Systme de gouvernement et dmocratie dans le cas des new towns .................... 553

    8. A.2. Systme de gouvernement et dmocratie dans le cas des villes nouvelles franaises ........................................................................................................................... 556

    8. B. Ali Mendjeli .............................................................................................................. 562

    8. B.1. Un projet cheval sur deux communes ................................................................. 562

    8. B.2. Les modalits de gouvernement : un aspect trs peu tudi .................................. 565

    8. B.3. La question gouvernementale : une omission du cadre lgislatif .......................... 568

    8. B.4. La gestion dAli Mendjeli, un poids mal support par la commune dEl Khroub 569

    8. B.4.1. Une gestion impose la commune dEl Khroub et pas celle dAn Smara 569

    8. B.4.2. Aspects des difficults rencontres ................................................................. 571

    8. B.4.3. Une gestion non voulue autant par les lus que les habitants dEl Khroub .... 573

    8. B.5. Des solutions a posteriori et pour beaucoup inefficaces ....................................... 576

    8. B.5.1. Lantenne communale ..................................................................................... 576

    8. B.5.2. La cration de lEGUVAM ............................................................................. 579

  • 14

    8. B.5.3. Le transport public : exemple dun service urbain mdiocre malgr une transgression rglementaire ........................................................................................... 581

    8. B.5.4. Le lancement prcoce dun plan spcial : le programme durgence de mise niveau urbaine ............................................................................................................. 582

    8. B.6. La demande insatisfaite dun statut territorial propre Ali Mendjeli .................................586

    8. B.7. Dautres pistes probables de linertie territoriale au sens politico-administratif ................590

    8. B.8. Le dfaut dune citoyennet locale adapte ........................................................................593

    8. B.8.1 La gestion dAli Mendjeli par la commune dEl Khroub, objet de vives critiques par les habitants de la zone ....................................................................................................................593

    8. B.8.2. Un frein lappartenance territoriale et un dsir dindpendance dans lair ............594

    8. C. Tamansourt ............................................................................................................................597

    8. C.1. Linclusion dun projet de ville nouvelle dans une commune rurale ............................597

    8. C.2. Les mcanismes de gestion post ralisation ou la gouvernance territoriale post ralisation : un aspect non anticip ....................................................................................................................599

    8. C.3. Des rgulations a posteriori, avantageuses pour la commune et insuffisantes ...................602

    8. C.3.1. La dlgation de certains services urbains Al Omrane .............................................602

    8. C.3.2. La cration dun centre dlimit ..................................................................................603

    8. C.3.3. Des solutions insuffisantes face aux enjeux et des effets trs mitigs .........................608

    8. C.4. La participation des acteurs privs la gestion urbaine ou une gouvernance peu probante : le cas du promoteur Jama et de la zone du Parc Yasmine .............................................................612

    8. C.5. Les conflits relatifs la gestion de Tamansourt et les justifications des parties prenantes.615

    8. C.6. Le cadre lgislatif en gestation : opacits et centralisation du gouvernement ....................625

    8. C.7. Le plan spcial de Tamesna : une prfiguration pour Tamansourt .....................................629

    8. C.8. La participation des habitants au gouvernement urbain : une demande venir .................630

    Conclusion ......................................................................................................................................631

    Conclusion de la troisime partie .......................................................................................................635

    Conclusion gnrale ...........................................................................................................................639

    Bibliographie ......................................................................................................................................653

    Annexes ..............................................................................................................................................673

    Annexe A ........................................................................................................................................675

    Annexe B ........................................................................................................................................681

    Annexe C ........................................................................................................................................687

    Annexe D ........................................................................................................................................695

    Table des planches ..............................................................................................................................699

    Table des encadrs ..............................................................................................................................703

    Table des graphes ...............................................................................................................................703

    Table des tableaux ..............................................................................................................................703

  • 15

    Avant-propos

    Cest en 2003, au cours dun voyage personnel, que jai eu loccasion daller au

    Maroc pour la premire fois. Lors dune randonne dans le Haut-Atlas occidental, au fait de

    ce que certains appellent la gographie du dveloppement, je dcouvrais ce qui ferait lobjet

    de mon mmoire de matrise de gographie, et donc de mon retour au Maroc, un an plus tard.

    Suivi par Sylvie Brunel, mon travail abouti lcriture dun mmoire intitul : Limpact

    spatial et humain dactions de dveloppement, lexemple des communes rurales de Setti

    Fadma et dOukameden dans la province dEl Haouz. En 2006, dans le cadre du master de

    recherche Acteurs et nouvelles territorialits, je fis davantage connaissance avec des

    chercheurs maghrbinistes , lesquels ont t parmi mes enseignants luniversit

    Montpellier III : Isabelle Berry-Chikhaoui, Raffaele Cattedra et Sinda Haous-Jouve. Cette

    dernire me proposa de procder une tude de la mise en convergence des questions

    environnementale et territoriale travers lanalyse de lapplication du programme Agenda 21

    dans la rgion de Marrakech-Tensift-El Haouz. Lobjectif tait de cerner, le cas chant, les

    effets durables induits par ladoption de cette dmarche dans la pratique damnagement du

    territoire. Ctait l ma premire occasion de participer une recherche collective1 mais aussi

    de faire du terrain avec des chercheurs expriments. Cela me fit encore plus prendre got

    la recherche en sciences sociales. De ce travail, il rsulta le mmoire : Les programmes

    Agendas 21 locaux au Maroc, quels impacts sur lamnagement du territoire ? Lexemple de

    la rgion Marrakech-Tensift-El Haouz. Deux mois aprs ma soutenance, alors que je mtais

    promis de mengager pour un doctorat la seule condition de bnficier des moyens idoines

    un tel projet, notamment un financement prenne, on me fit une proposition. Des bourses

    de recherches trs intressantes allaient tre attribues des doctorants. Les modalits

    dligibilit taient les suivantes : le postulant devait tre inscrit en premire anne de

    doctorat, son encadrement scientifique devait faire lobjet dune cotutelle ou dune

    codirection, enfin le travail devait porter sur une thmatique en rapport avec lurbain et la

    priphrie dans au moins un pays du Maghreb. Je fis le ncessaire pour rpondre ces

    modalits. Mes dirigeants de master, qui mavaient mis sur cette piste, ntaient alors pas

    habilits diriger des recherches doctorales. Tout en me prcisant quils suivraient avec

    1 Je fais rfrence au programme de recherche : La petite fabrique locale du dveloppement urbain durable. De la construction programmatique la mise en uvre de projets labelliss, une comparaison nord-sud des enjeux de la mobilisation dans quatre mtropoles (Toulouse, Berlin, Dakar, Marrakech) , 2004-2008, coordonn par Alice Rouyer.

  • 16

    attention mon travail de manire informelle, ils demandrent Jean-Marie Miossec de me

    diriger, ce quil accepta. Il en fut de mme avec Aziz Iraki pour la codirection. Au pralable,

    jidentifiais rapidement mon objet dtude en accord avec mes directeurs informels. Au cours

    de mes investigations de master, certains interlocuteurs mavaient rapport la ralisation en

    cours dune ville nouvelle dans la priphrie de Marrakech. Cela tait confirm par un

    marketing urbain relatif, visible dans lespace public marrakchi. Je dcidais donc de prendre

    pour objet dtude le projet de Tamansourt. tant au fait dun projet quils pensaient

    similaire dans la priphrie de Casablanca et arguant de la plus-value heuristique dune

    approche comparative, mes dirigeants informels me proposrent dentreprendre une

    comparaison, ce sur quoi jacquiesais. Une fois mon doctorat mis en branle, on me fit

    prendre connaissance dune autre modalit qui mtait la possibilit dobtenir une de ces

    bourses : le postulant devait avoir la nationalit dun des pays du Maghreb. Mtant engag

    et de plus en plus passionn par la recherche, je dcidais tout de mme de poursuivre mon

    doctorat. En outre, le choix de ce sujet de thse me permettait dintgrer le programme de

    recherche : Faire la ville en priphrie(s) ? Territoires et territorialits dans les grands villes

    du Maghreb 2. Ce fut une exprience trs enrichissante sur laquelle jaurai loccasion de

    revenir ultrieurement.

    Je ne rponds pas au schma classique qui fait que trs souvent, le doctorant traite

    dun sujet de recherche quil a dfrich au cours de ses tudes de fin de deuxime cycle

    universitaire. Cette thse a t pour moi loccasion de bifurquer de champs dominante

    rurale et environnementale de la recherche en gographie vers un champ urbain. Ce nest que

    depuis ce travail que je me suis familiaris avec la recherche urbaine. En dfinitive, mme si

    il fut long et difficile, je ne regrette pas ce parcours.

    2 2005-2009, sous la coordination scientifique de Pierre Signoles.

  • 17

    Introduction gnrale

    Lurbanisation par ville nouvelle , encore dactualit

    Les villes nouvelles deviendront des villes anciennes. Mais on aura toujours besoin

    de crer des villes nouvelles 3. Cette assertion tenant de la prdiction se vrifie en partie. Si

    lexpression ville nouvelle nest plus en vogue dans les discours relatifs aux politiques

    urbaines des pays occidentaux, cest linverse dans le cas des pays forte croissance

    conomique et/ou de ceux dits en dveloppement ou encore du Sud. Depuis une vingtaine

    dannes, pour des raisons souvent intriques de nature politique, sociale, dmographique,

    urbanistique, cologique, conomique et symbolique, les annonces officielles

    damnagements de villes nouvelles , en cours de conception, de ralisation ou

    dachvement y sont lgions. La Chine en est un fort pourvoyeur, 246 projets assimils

    comme tel y ont t construits entre 1990 et 20084. En Inde on peut citer Gurgaon proche de

    New Delhi, en Indonsie un projet de ce genre est voqu dans la priphrie de Djakarta, il

    est question de Masdar dans lmirat dAbu Dhabi et de Ciudad Caribia au Venezuela5. En

    Core du Sud, des projets revendiqus en tant que tel sont luvre. Il sagit notamment de

    Songdo, prsent par ses promoteurs comme une ville nouvelle du 21me sicle car

    intelligente et soutenable 6 et de Sejong, capitale administrative inaugure en juillet

    20127. Ce phnomne touche aussi des pays dEurope orientale. Novy Gorod et Akademia

    en Russie, de mme quAstana au Kazakhstan, sont des villes nouvelles 8 en cours de

    construction. Les pays africains ne sont pas en reste. En janvier 2011, le chef dtat

    mauritanien inaugurait les travaux de Thermessa, tandis quau Nigria, le projet dEko

    Atlantic dont le site est contigu Lagos, tait officialis par les autorits locales ds 20079.

    La mme anne, un grand projet de ville nouvelle situ 120 kilomtres de Dakar, tait

    annonc par le prsident sngalais et depuis 2009, le projet de Kilamba Xiaxi a t mis en

    31991, Merlin P., Les villes nouvelles en France, PUF, Que sais-je ? , Paris, 127 p., p. 124. 4 2010, Hochet X., De Jaegere A.-B., Triggers Transformer lentreprise pour prendre un temps davance, Odile Jacob, Paris, 352 p., p. 329. 5 In India, dynamism wrestles with disfunction , New York Times, juin 2011 ; Courrier international, septembre 2010 ; Masdar City, future capitale de lnergie verte , Le monde, juillet 2009 ; Ciudad Caribia, la cit des rves de Chavez , Courrier international, novembre 2011. 6 Voir le site internet de Songdo International Business District : www.songdo.com. 7 Pourquoi la Core du Sud btit une nouvelle capitale dont personne ne veut , La Tribune, juin 2012. 8 2007, Les villes nouvelles lEst , Regard sur lEst, Dossier n47, http://www.regard-est.com. 9 Jeune Afrique, janvier 2011 ; www.ekoatlantic.com.

  • 18

    chantier en Angola 10. Dans cette profusion de villes nouvelles , les terrains dtudes qui

    nous intressent ne font pas exception.

    Au milieu des annes 2000, le ministre marocain en charge de lUrbanisme et de

    lHabitat annonce la mise en uvre dune politique de villes nouvelles comptant une

    quinzaine de projets rpartis proximit des grandes villes du Royaume11. Le chantier de

    Tamansourt, situ dans la priphrie de Marrakech, est officiellement activ la fin de

    lanne 2004, suivi en 2005 par le lancement de celui de Tamesna dans la priphrie de

    Rabat. Les travaux damnagement de Lakhyayta prs de Casablanca et de Meloussa prs de

    Tanger, renomm par la suite Chrafate, dbutent respectivement en 2007 et 2009. En outre,

    le projet de Tagadirt dans la priphrie dAgadir est ltude courant 2006 et une convention

    visant lamnagement de la ville nouvelle de Zenata, localise entre Casablanca et

    Mohammedia, est signe la mme anne.

    En Algrie, cette option damnagement est plus prcoce. Ds 1987, le Schma

    national damnagement du territoire prconise la cration de villes nouvelles dans les

    rgions des Hauts Plateaux et du Sud. Cest dans ce cadre que sont dclenchs les projets de

    Boughezoul et par la suite celui de Sidi Abdellah, cibls par le gouvernement. Le premier est

    abandonn durant les annes 1990 tandis que le second connait jusqu prsent un faible

    niveau davancement. Paralllement, des projets de villes nouvelles , dmanations

    locales12, sont lancs par les pouvoirs dconcentrs, cest notamment le cas dAli Mendjeli,

    proche de Constantine. Au cours des annes 2000, des projets sont concrtement relancs

    tandis que dautres mergent. Les crations de Bouinan, dans la wilaya de Blida, et de

    Boughezoul, dans celle dAlger, sont entrines par dcret en 2004. Les travaux de cette

    dernire seraient avancs 50% pour la viabilisation et 70% pour les infrastructures en

    201213. Les projets dHassi Messaoud, et dEl Mnaa, situs dans les wilayate de Ouargla et

    de Ghardaia sont respectivement valids par dcret en 2006 et 2007 limage de son schma

    directeur est diffuse dans la presse en 200914.

    Lessor gnralis de ce type damnagement spatial est surprenant, au regard des

    diverses expriences faites en la matire et du contenu mme du concept de ville nouvelle.

    10 Jeune Afrique, janvier 2007 ; 2009, Des marchs prometteurs pour lAfrique , Afrique Renouveau, vol. 23. 11 Cette information, lisible durant un certain temps sur le site internet officiel de linstitution, a t fortement relaye par la presse nationale. Il faut noter que si le nombre de quinze projets a t communiqu, seulement six dentre eux ont t clairement notifis. 12 Nous reviendrons sur ce point ultrieurement. 13 Le chantier de la ville nouvelle de Boughezoul avance mais nul ne sait quand il sera termin , Maghreb mergent, avril 2012. 14 Hassi Messaoud : la mga-oasis ptrolire , El Watan, avril 2009.

  • 19

    La persistance paradoxale dun concept pass

    Que les entres analytiques soient gographiques, historiques, sociologiques ou

    urbanistiques, la littrature grise consacre au thme des villes nouvelles, partir de laquelle

    il est possible de faire un bilan synthtique15, informe quune telle option damnagement

    nest pas une panace pour les problmes relatifs lurbanisation. Ce constat simpose quel

    que soit le territoire o elle a t retenue. En comparant ces planifications urbaines avec les

    ralits auxquelles elles ont abouti, les analystes font ressortir que si certains des objectifs

    assigns ce type de projet ont t atteints, il nen reste pas moins que de nombreuses

    insuffisances qualitatives et quantitatives subsistent au regard des desseins originels.

    Concernant lexprience franaise, Franoise Choay estime que [] les villes nouvelles

    sont une ralit assez loignes des rves quelles portaient 16. Jean-Pierre Paulet le

    confirme. Aprs avoir qualifi le bilan de trs honorable au cours de la dcennie 80, sous

    langle de labsorption dmographique, son valuation gnrale ne laisse gure de doute, les

    villes nouvelles franaises nont pas vritablement atteint les buts fixs 17. Dans sa

    recension du numro des Annales de la Recherche Urbaine, Les visages de la ville

    nouvelle , se rfrant des tudes de cas algrienne, chinoise, gyptiennes et franaises,

    Emmanuel Pachaud indique : Au total, on voit que les ralisations sont restes trop

    souvent en de des espoirs des urbanistes et que les objectifs des villes nouvelles [] ne

    rpondent pas aux projets damnagement urbains 18.

    Une critique rcurrente a trait aux prvisions dmographiques et conomiques

    justificatrices des politiques de villes nouvelles, apparues errones a posteriori. Selon les

    cas, elles ont t survalues ou sous-values, exceptionnellement, elles ont correspondu

    aux ralits. La capitale nouvelle de Brasilia qui devait contenir terme une population de

    600 000 habitants, en comptait en 2011 prs de 2 456 000 selon ladministration locale qui 15 Le lecteur observera que la synthse propose est labore partir de sources bibliographiques publies en majorit avant le dmarrage du projet marocain analys dans le cadre de cette thse. Cette remarque est valable dans une moindre mesure pour lobjet dtude algrien. Nanmoins, avant que les auteurs cits ici formalisent les difficults rencontres par ce modle damnagement, des expertises publiques effectues sur demande gouvernementale les avaient dj mise en exergue. En outre, dautres ouvrages rfrencs dans le premier chapitre, pour la plupart antrieurs aux deux projets, contiennent tous des parties exposant les limites du concept. Nous avons prfr retenir ici dautres sources afin de diminuer la redondance. 16 1988, Notre histoire, matriaux pour servir lhistoire intellectuelle de la France , Le dbat, n50, 288 p., p. 234. 17 2006, 2me d., Gographie urbaine, Paris, Armand Colin, 342 p., p. 278. 18 Pachaud E., 2006, Villes nouvelles : du concept la ralit , EspacesTemps.net.

  • 20

    doit faire face un phnomne de surpopulation. Mais pour la majorit des cas, cest un

    phnomne de sous-peuplement qui a affect le devenir des projets. Dans la banlieue du

    Caire, 10 Ramadan latteste. Lance en 1977, la population sy levait 47 833 individus en

    1996, sachant que la projection prvoyait 500 000 habitants en 2000. Globalement, les villes

    nouvelles gyptiennes ne contenaient, vingt aprs leur dification, que 800 000 personnes sur

    les 8 millions prvues initialement. Un urbaniste gyptien rsume ainsi les raisons de ce

    dcalage : [] lexprience a prouv quelles nont pas remplis leur rle, le manque de

    services dinfrastructures, demploi est la cause principale qui [en] a fait des zones de

    rpulsion et non pas dattraction. [] Pour raliser leurs objectifs, ces cits auraient du tre

    planifies en prenant compte de lenvironnement conomique du pays 19. Sylvia

    Ostrowtesky rappelle sans complaisance les prvisions du schma directeur damnagement

    et durbanisme de la rgion de Paris, document y prescrivant la ralisation de villes

    nouvelles : [], le calcul, demeur secret, valuait 18 millions la population de la rgion

    parisienne en lan 2000. On nen dclara que 14 millions pour ne pas trop faire peur, et lon

    en est en 1999 moins de 11 millions []. Il se fonde galement sur des projections

    conomiques bien optimistes : un pouvoir dachat quintupl en moyenne, et une urbanisation

    doublant dici la fin du sicle 20. Ainsi, il tait prvu que lensemble des villes nouvelles

    franciliennes compte entre 1 350 000 et 1 450 000 habitants cet horizon. Daprs le

    recensement de 1999, elles nen totalisaient que 739 130. Ce type de dcalage a aussi eu lieu

    pour les cas provinciaux. Franoise Choay mentionne qu au bas de lchelle, dans un

    paysage surraliste de bton et de rues pitonnires hauteur dtage, Le Vaudreuil compte

    peine 10 000 habitants [4 000 se sont ajouts une dizaine dannes plus tard, contre 90 000

    140 000 selon les intentions initiales] 21. Au passage, on voit que lauteure critique

    vivement la dimension visuelle de cette ville nouvelle, ce quelle ritre pour les cas de lle-

    de-France. Son analyse de la contrepartie de la ralisation du RER, en majorit d ces

    ralisations et dont elle ne nie pas les avantages, est acerbe : Le prix pay : destruction de

    lancestrale ceinture verte et rurale de Paris ; retard de vingt ans dans la restructuration dune

    banlieue parisienne qui ne sest pas laisse rayer dun seul trait de plume, pollution visuelle

    par une architecture dattraction 22. Cela exprime un autre hiatus, relatif au cadre urbain.

    19 Cit par Sjourn M., 2006, Les politiques rcentes de traitement des quartiers illgaux au Caire : nouveaux enjeux et configuration du systme dacteurs, thse de doctorat en gographie, 599 p., p. 238. 20 2005, Les villes nouvelles franaises : paris et apories Esquisse dune problmatique, Espaces et socits, n119, pp. 25-36, p. 27. 21 Op. cit., p. 234. 22 Ibid.

  • 21

    Le concept de ville nouvelle prvoit quil soit esthtique et de qualit. Dans ce

    domaine, seul les cas britanniques et belge (Louvain-la-Neuve) sont proches de faire

    lunanimit. Ainsi pour la France, Claude Chaline23 accorde la production une qualit

    notable, un point de vue en forte opposition avec celui expos prcdemment. Pierre Merlin,

    mme si il leur reconnait un relatif insuccs est, lui aussi, accommodant : Les villes

    nouvelles ont eu recours dexcellents architectes, [] parfois aussi les meilleurs urbanistes

    []. Pourtant, la plupart des visiteurs, et plus encore des spcialistes, se dclarent dus par

    le paysage urbain des villes nouvelles. Linnovation na pourtant pas t absente, par

    exemple vry I o fut organis en 1971 le plus grand concours darchitectes-constructeurs

    jamais lanc, qui couronna un projet dhabitat intgr (les Pyramides) trs (trop ?)

    original 24. Jean-Pierre Paulet na pas la mme apprciation : Lenvironnement

    monumental repose toujours sur les barres et les tours ; les vastes espaces verts sparent,

    comme vry, les grands ensembles et compliquent les dplacements. Les arbres sont

    souvent trs monotones compte tenu de limportance du bton et des surfaces bties 25. Pour

    les villes nouvelles russes de la priode sovitique, la rationalit de lorganisation spatiale

    fonde sur le principe du microrayon pour contribuer la sociabilit urbaine et

    loptimisation des quipements collectifs, compense avec difficult la monotonie des types

    de construction, la mdiocrit des finitions, le mauvais entretien et la ralisation incomplte

    despaces ouverts gnreusement distribues dans les manuels damnagement thorique 26.

    Financirement, les budgets ncessaires lamnagement des villes nouvelles ont t

    sous-estims. Sur le long terme, ces programmes se rvlent dispendieux. En 1994, soit vingt

    cinq ans aprs leur lancement, les villes nouvelles franaises affichaient une dette

    importante, de lordre de quatorze milliards de francs27. Un autre aspect, lourd de

    consquences financires, tient dans les conceptions des villes nouvelles, qui en avaient fait

    des espaces immuables. Leur volution, ou plus exactement leur involution, na pas t

    anticip par les porteurs de villes nouvelles. Guy Baudelle et Estelle Ducom attribuent aux

    ralisations britanniques, finlandaises, franaises, hollandaises, japonaises et sudoises des

    pratiques novatrices dans les domaines de la matrise foncire, de larchitecture rsidentielle,

    de la composition urbaine et de la mixit sociale et fonctionnelle. En revanche, ils leurs

    23 1996, 2me d., Les villes nouvelles dans le monde, Paris, PUF, Que sais-je ? , 125 p., p. 93. 24 Op. cit., pp. 97-98. 25 Ibid. 26 Chaline C., 1985, 1re d., Les villes nouvelles dans le monde, Paris, PUF, Que sais-je ? , 127 p., p. 106. 27 Chaline C., 1996, op. cit., p. 96.

  • 22

    reconnaissent une dsutude avance, ce quel que soit le cas, autant pour leurs dimensions

    matrielles quhumaines : [] dgradation synchrone des VRD et des grands quipements,

    obsolescence de la conception et dtrioration du bti [], la mixit initiale ont succd

    appauvrissement social voire pauprisation et vieillissement, concentration croissante de

    population trangre [] et monte de problmes sociaux 28. Les auteurs relatent le cot

    onreux de la remise niveau des villes nouvelles britanniques et franaises. Alors que pour

    le plus grand nombre dentre elles, leur gestion seffectue dans la norme politico-

    administrative, c'est--dire que les collectivits locales en ont la charge, les tats continuent

    de les financer dans le cadre de programmes de rnovation urbaine. En 2002, un rapport de la

    Sous-commission des affaires urbaines indiquait que la cration dun Fonds de

    rinvestissement en ville nouvelle serait ncessaire au Royaume-Uni. En France, depuis

    son institution en 2003, lAgence nationale pour la rnovation urbaine a investi un total de

    220 millions deuros dans des oprations qui ne concernent que Cergy-Pontoise, vry et Val-

    de-Reuil. Toujours dans le registre du financement, ds la premire dition de son livre,

    Claude Chaline indique que la faible capacit financire tatique est un des principaux

    facteurs explicatifs du drapage de maints projets [dans le tiers-monde] 29.

    La mixit socio-spatiale, base sur lge et le revenu conomique des habitants,

    devait caractriser les villes nouvelles. Il en est autrement dans les faits. Ds 1966, Franoise

    Cribier30 rapporte que les cas anglais de Welwyn Garden City, Stevenage et Crawley sont

    confronts des problmes de sgrgation socio-spatiale. La structure par ge dalors est

    semblable celle des grands ensembles franais, avec une grande majorit de gens de

    moins de 45 ans, un taux de natalit lev, beaucoup de petits enfants et peu de grand-

    mre . Les catgories socio-professionnelles revenus moyens sont bien reprsentes,

    linverse de celles revenus levs, il y a des ouvriers et des employs, peu de cadres et de

    professions librales (ceux qui travaillent Crawley vivent souvent dans des communes

    voisines) . Cette contradiction sobserve aussi en gypte o la ghettosation sacclre

    avec des quartiers rservs une lite, forms de zones rsidentielles fermes (Mena Town),

    et des quartiers constitus par un habitat dnu de tout confort rservs aux classes plus

    populaires (quartiers du plateau du Muquattam 31. En France, les catgories sociales

    revenus moyens sont surreprsentes ; de mme, les amnagements annoncs tels des villes

    28 2008, Renouveler les villes nouvelles ? , Urbanisme, n362. 29 1985, op. cit., p. 124. 30 Les New Towns , Annales de Gographie, n408, t. 75, pp. 209-211, p. 211. 31 Pachaud E., 2006, op. cit.

  • 23

    nouvelles dans les priphries de Hong Kong et Singapour nont pas atteint la diversit

    sociale escompte, tant donn quun rgime doccupation rsidentielle vari devait linduire

    mais que, finalement, la part du systme locatif prvu pour des habitants faibles revenus est

    de 80%32. Plus gnralement, dans les pays en voie de dveloppement, linsolvabilit dune

    fraction importante de la population aboutit un glissement des bnficiaires de logements

    programms dans les villes nouvelles vers une partie rduite de la socit que constituent les

    personnels des administrations publiques, des forces armes [], des catgories aux

    revenus stables quoique moyens et sur lesquelles sappuie souvent la classe politique 33.

    Une autre aporie observe de nombreuses occasions concerne la question de

    lautonomie, notamment pour les villes nouvelles dquilibrage mtropolitain.

    Lindpendance spatiale vis--vis de la ville-mre est perue comme un facteur dterminant

    une identit territoriale des habitants, au sens dun espace vcu comme celui dune ville. Les

    concepteurs associent cette fin une large diversit fonctionnelle, dont un des piliers est la

    localisation sur place dactivits gnratrices de revenus. Le nombre demplois doit tre

    proportionn par rapport celui de la population. Or globalement, seul le cas britannique

    aurait atteint cet objectif34. Pour la France, hormis vry, aucune ralisation ntait parvenue

    ce stade en 199435. Cette dficience sobserverait avec plus dacuit pour les applications

    hongkongaises, sud-corennes et tawanaises, du fait dune accessibilit insuffisante de ces

    entits urbaines qui contraint les installations dentreprises. Les habitants peuvent passer

    jusqu deux heures par jour en moyenne dans les transports collectifs pour rejoindre leur

    lieu de travail. Les tats de sous-quipements qui caractrisent ces lieux, accentuent

    davantage leur subordination spatiale. Dans les faits ils relvent plus de villes satellites ou

    de cits-dortoirs.36. Par raction en chaine, le phnomne de migration pendulaire qui

    dcoule de ces situations a fortement compromis le dsengorgement des mtropoles, un autre

    but fondateur de ce type daction. Sylvia Ostrowetsky dcrit ainsi : Paris [] continue

    dtre engorge par les migrations alternantes []. La dure des temps de dplacement na

    pas chang mme si les kilomtres parcourus sont plus nombreux. Les voies circulaires,

    comme lA 86, continuent denserrer la capitale comme un rempart. Ce nest plus de vie et

    32 Chaline C., 1996, op. cit., p. 111. 33 Chaline C., 1985, op. cit., p. 113. 34 Un succs indniable selon C. Chaline, p. 87. 35 C. Chaline. 1996, p. 94. 36 C. Chaline, 1985, p. 115.

  • 24

    de revendication sociale quil sagit, mais de pollution et de bouchons quotidiens dans

    lisolement des voitures quatre places 37.

    Les tenants des villes nouvelles soutiennent que cest un outil de matrise spatiale et

    de rationalisation de lurbanisation. Dans la ralit, ce nest pas si vident. Les conceptions,

    souvent bases sur une faible densit de population et la prsence de nature en ville, en font

    un modle fortement consommateur despace. cet gard, les productions franciliennes ne

    sont pas plus performantes que les villes anciennes 38. Franoise Cribier relate le

    problme de lespace dans un pays o il est rare, donc prcieux : si les densits des villes

    anglaises taient partout celles de Stevenage, elles couvriraient 10% du pays, au lieu de 3%

    actuellement 39. Par ailleurs, tant donn la poursuite de lurbanisation des priphries des

    grandes villes, elles ne lont jugul que partiellement. La construction de lhabitat sy est

    poursuivie, de manire rglementaire40 ou illgale41. lchelle des villes nouvelles, la

    rationalit de ce dirigisme urbanistique na pas rsist aux contraintes exerces par les

    acteurs autres que ceux de ltat. Dans la nouvelle capitale Chandigarh, la ceinture verte,

    inconstructible daprs les plans, a t investie de toutes parts. Des favelas ont t

    dveloppes au sein mme et sur les marges du plan pilote de Brasilia, pouvant contenir

    jusqu 30 000 personnes dans le cas de Parano42. In fine, les villes nouvelles sont adresses

    aux socits. Il sagit de leur proposer des espaces urbains mieux habitables. Par rapport

    cette remarque, ltude mene par Nicole Haumont43 est clairante. Lanalyse sintresse aux

    espaces sociaux issus de politiques de villes nouvelles en les comparant ceux conscutifs

    dune urbanisation traditionnelle , dans des contextes cossais, franais, hongrois et

    polonais. Il rsulte quentre ces deux faon dagir, rien ne dmontre que lune soit

    qualitativement ni mme quantitativement meilleure que lautre.

    Cet inventaire montre que cette solution idalise, dapparence facile, nest pas idale

    concrtement. Avec un certain recul temporel Laurent Devisme crit : ceux qui parlent

    37 Op. cit., p. 28. 38 Fouchier V., 1998, Les densits urbaines et le dveloppement durable : le cas de lle-de-France et des villes nouvelles, Paris, SGVN, 212 p. 39 Op. cit., p. 211. 40 [] En Angleterre, les vastes programmes de villes nouvelles qui ont pourtant revtu une ampleur indite puisque pas moins de 2,5 millions de personnes y vivent, nont pas empch la poursuite de lurbanisation spontane, nabsorbant quune infime partie de la croissance urbaine . Baudelle G., Ducom E., op. cit. 41 Le Caire en est une bonne illustration. 42 Voir Rochefort M. et Roussel M., 1990, Politique, stratgies et tactiques dans la dynamique dun espace urbain : lexemple de Brasilia , Strates, n5, http://strates.revues.org/1397. 43 Haumont N., et al., 1999, Villes nouvelles et villes traditionnelles. Une comparaison internationale, Paris, LHarmattan, 341 p., p. 340.

  • 25

    dchec, dautres leur rpondent que la situation urbaine serait pire sans elles : maigre

    consolation 44. Les villes nouvelles seraient donc une pratique damnagement par dfaut.

    En cela, nous relevons un premier paradoxe quant la continuit de son application. Un

    second se trouve dans lanachronisme du concept de ville nouvelle, de par les moyens

    ncessaires sa mise en uvre et les finalits recherches.

    Les conditions capitales runies, qui permirent ce genre dapplication dans les pays

    pionniers en la matire, ne sont plus dactualit. Les structures politico-conomiques qui

    caractrisaient les tats, trs centralises, facilitaient leur interventionnisme dans le domaine

    de lurbanisme volontaire, dautant plus que le contexte idologique tait celui de ltat-

    providence. Depuis, les rformes territoriales de dcentralisation et de dconcentration, ainsi

    que la globalisation ont amoindri leurs forces daction et de dcision. Rappelons aussi que

    ces amnagements ont t possibles car ces tats connaissaient une forte croissance

    conomique. Cette rflexion, modrer pour lAlgrie et le Maroc, notamment du point de

    vue politique, parat tout de mme pertinente.

    Continuer mettre en pratique ce modle quivaut faire abstraction de quelques

    dcouvertes des sciences sociales. Elles semblent videntes maintenant, mais il est ncessaire

    de les rappeler car des ides directrices du concept leurs sont antagonistes.

    Une ville nouvelle se veut tre un projet de ralisation dune entit urbaine

    autarcique, avec des limites physiques formellement dfinies. Or, la mobilit spatiale

    croissante des personnes, des biens matriels et immatriels rend cette forme damnagement

    obsolte. Les populations ne vivent plus exclusivement sur un seul territoire. Les expressions

    socits en rseaux, socits nomades ou socits dindividus mobiles45 rendent compte de

    cette circonstance. Alors que les vcus urbains sinscrivent dans des espaces rticulaires, ou

    archiplagiques, le recours un concept qui vise circonscrire lhabiter dans un espace

    unique est tonnant. Cela rend aussi caduque lide de produire un territoire urbain

    assimilable celui dune ville dont le bornage serait clair. Mme si elle est discutable, la

    formule le rgne de lurbain et la mort de la ville 46 a le mrite de rappeler que les

    conceptions visant lamnagement de lespace ne doivent plus apprhender ce dernier

    comme continu mais comme un ensemble de lieux connecter. une priode o le terme

    44 2003, Ville nouvelle , Dictionnaire de la gographie et de lespace des socits, Paris, Belin, 1033 p., p. 994. 45 Respectivement formules par Castells M. (1981), Knafou R. (1998), Stock M. (2005). 46 Choay F., 1994, Le rgne de lurbain et la mort de la ville , La Ville : Art et architecture en Europe, 1870-1993, Paris, ditions du centre Georges Pompidou.

  • 26

    dagglomration semble plus appropri que celui de ville pour prendre en compte les ralits

    de lespace urbain et o lclatement47 des villes est reconnu, le recours au modle de ville

    nouvelle semble inopportun.

    Dautres reprsentations qui ne sont pas propres la ville nouvelle mais constituent

    une part de sa matrice, ont t remises en question depuis sa conceptualisation. Dune part,

    lobservation des faits montre que lagencement spatial nest pas lunique dterminant de la

    sociabilit en milieu urbain. Cest ce que Sylvia Ostrowetsky voque lorsquelle remarque

    que les problmes sociaux perceptibles dans des secteurs de villes nouvelles sont identiques

    ceux que lon rencontre classiquement dans les grands ensembles. Cest dire quune

    architecture urbaine ne permet dinduire un comportement . Selon elle, il est faux de

    penser que lexpression architecturale peut, elle seule ou presque, scrter de la socit 48.

    Dautre part ce type daction urbaine omet la capacit dagir ou de ragir des populations

    quelle cible, les considrant comme de simples bnficiaires passifs, ainsi que de celles

    qui elle nest pas destine. Le cas de Brasilia et ce nest pas le seul prouve que la

    planification spatiale peut tre fortement bouleverse par des stratgies individuelles et

    collectives modifiant lorganisation et le contenu social prvus : [] ce sont finalement les

    propritaires terriens antrieurs, les habitants pauvres, les habitants riches et les spculateurs

    immobiliers qui ont progressivement faonn un espace urbain beaucoup plus complexe que

    celui qui aurait du rsulter de la stratgie initiale, et finalement plus proche de la ralit

    sociale daujourdhui 49.

    La ville nouvelle est une figure majeure de lurbanisme de plan. Pourtant depuis une

    vingtaine dannes, les modalits des actions urbaines diriges par les pouvoirs publics

    tendent se cristalliser autour dune logique de projet. Utiliser ce concept, cest ngliger ce

    changement de paradigme. Laurent Devisme le fait remarquer : une priode [] voyant

    le phnomne urbain comme retors toute vise planificatrice, les villes nouvelles incarnent

    plutt des incongruits. [] De fait, la rgulation contemporaine de dysfonctionnements

    urbains ne passe plus par un imaginaire btisseur projetant des villes entires 50. Les villes

    nouvelles ont certes dmontr quil tait possible driger de nombreux habitats en un temps

    record mais elles ont montr leurs limites quant laboutissement de socits urbaines,

    inscrites territorialement et socialement galitaires. Ctait pourtant une des prtentions, qui

    47 Coutard O. et al., 1996, La ville clate : enjeux, logiques et modalits dune rgulation conomique, sociale et territoriale : sminaire de prospective, Paris, MELTT, 162 p. 48 Op. cit., p. 32 et 35. 49 Rochefort M., Roussel M., op. cit., p. 5. 50 Op. cit., p. 994.

  • 27

    reste encore atteindre pour beaucoup. De cette perspective, ce modle merge nouveau

    comme dpass.

    De ce constat plus que contrast et de ces paradoxes poss nous soulevons un des

    questionnements au fondement de notre recherche : pourquoi laction publique urbaine

    marocaine et algrienne sest saisi rcemment du modle de ville nouvelle ? Autrement dit, il

    sagit de cerner et comprendre les causes qui incitent les pouvoirs publics en place tout de

    mme faire usage de cette doctrine.

    Problmatique et hypothses

    Les trois grandes interrogations de notre recherche doctorale sont : pourquoi les

    pouvoirs publics font usage de ce type de politique damnagement ? Comment ces

    politiques sont-elles conduites ? Quelles sont leurs effets territoriaux ? partir de ces

    questionnements, nous formulons la srie dhypothses suivantes.

    Notre premire hypothse consiste penser que les efficacits performative et

    iconique de cette reprsentation intellectuelle, davantage que celle oprationnelle, ont

    orient ces choix damnagements. Comme si le fait de vhiculer ce vocable allait suffire

    synthtiser ladhsion de toutes les parties prenantes et produire une telle utopie. Mme si

    leurs porteurs les dsignent en tant que ville nouvelle , les actions spatiales tudies ne

    concordent pas avec le concept. Elles lui correspondent essentiellement travers les discours

    de leurs mises en valeur et de lgitimation. Certes, elles prsentent certaines caractristiques

    fondamentales du concept. Mais dans les faits, notamment ceux de lhabiter, de lespace

    vcu urbain et des territoires du quotidiens qui se forment dans les espaces et leurs lieux

    produits selon ces intentions, en loccurrence tatiques, elles prsentent de rares similitudes

    avec son contenu. Donc, il sagit de villes nouvelles. Ces actions sont plus guides par des

    opportunismes foncier et immobilier que par la volont driger des villes o il fasse bon

    vivre pour le plus grand nombre de leurs habitants, ce qui spcifie lobjectif premier du

    concept de ville nouvelle. Linadquation conceptuelle est aussi perceptible travers la

    faiblesse des moyens financiers, institutionnels, lgislatifs et politiques mis disposition par

    les gouvernements, au regard dune telle ambition socio-spatiale. On peut se demander,

    linstar de J.-P. Charri au sujet des projets de type technopolitain et plus gnralement du

  • 28

    projet urbain si actuellement au Maghreb, les projets de villes nouvelles sont le fait dun

    effet de mode51. Plus largement, nous adoptons une des hypothses soutenues par le

    programme de recherche Faire la ville en priphrie(s) ? Territoires et territorialits dans

    les grandes villes du Maghreb : Si on prend en considration limportance attribue la

    mdiatisation des mgaprojets maghrbins, nous pouvons avancer lhypothse que, dans

    certains cas, leur mise en image peut se substituer carrment au projet lui-mme. partir de

    l, on peut considrer que les projets du moins certains dentre eux sont annoncs par

    les porteurs pour leur efficacit performative, sans que ce qui les fonde soit vritablement

    pris en compte. Peut se crer ainsi une sorte d effet mirage des grands projets des

    mtropoles maghrbines du XXIme sicle, lesquelles semblent sengouffrer dans une voie

    o la confusion risque de stablir entre les possibilits relles et concrtes damnagement

    et le rve virtuel des images en 3D 52.

    Notre deuxime hypothse est quil ny a pas eu de capitalisation des expriences

    trangres dans la perspective dune redfinition du concept, ni dadaptation en vue

    dadquation avec le contexte gographique, ni damlioration avec la prise en considration

    des raisons qui, globalement, font que les rsultats ne rpondent aux objectifs

    intellectualiss. Cela aurait pourtant t ncessaire pour rendre ce concept opratoire plus

    efficient. ce niveau on montrera la faiblesse des reprsentations conceptualises

    notamment dans les crits spcifiquement consacrs aux projets, car ce format est celui qui

    offre le plus de possibilit dintellectualisation (tudes et documents relatifs). On verra que le

    cas marocain, en plus des plans, est bas sur de nombreux autres vecteurs diconisation du

    projet, comme si ils taient des palliatifs la carence des documents crits, comme si la

    communication remplaait la conception.

    Certains travaux rcents de recherche urbaine sur le Maghreb actent, qu linstar des

    faons de produire de lurbain au nord de la Mditerrane53, les modalits de laction urbaine

    51 1996, Villes en projet(s). Actes du colloque de 1995, MSHA, Talence, 408 p., p. 15. 52 P. Signoles (coord. sc.), 2010, Synthse du rapport, PDF, 91 p., p. 70. 53 Voir L. Zaki (dir.), 2011, Laction urbaine au Maghreb. Enjeux politiques et professionnels ; P. Signoles (coord.), 2010, Faire la ville en priphrie(s) ? Territoires et territorialits dans les grandes villes du Maghreb, synthse du rapport scientifique, notamment le chapitre Les grands projets urbains la conqute des priphries ; P.-A. Barthel, 2008, Faire du grand projet au Maghreb. Lexemple des fronts deau (Casablanca et Tunis) et 2006, Tunis en projet(s). La fabrique dune mtropole au bord de leau ; R. Cattedra, 2001, La mosque et la cit. La reconversion symbolique du projet urbain Casablanca. Ces travaux autour de la notion de projet urbain / urbanisme de projet, ont leurs pendants dans dautres contextes territoriaux. Voir notamment, 2001, Projet urbain, matrise douvrage, commande , in Espaces et socits, n105-106,

  • 29

    publique sinscrivent dornavant dans une logique de projet. Au Maghreb en gnral, mais

    avec plus dacuit au Maroc et en Tunisie, on assiste depuis une dizaine dannes,

    particulirement dans les priphries des grandes villes, lactivation de nombreux grands

    projets damnagement. Les villes nouvelles sont un type de grand projet damnagement

    parmi un ensemble, dont une typologie a t faite dans le cadre du programme de recherche

    FSP. Il y a l une diffrence avec lAlgrie o, peut tre cause de lhritage de la priode

    socialiste, la logique de projet urbain qui est un des apanages de lurbanisme libral54 est

    moins en prise avec les dmarches damnagement de ltat algrien au cours des quinze

    dernires annes. Mais en ralit, il faut tre moins tranch. Les modalits dagir tudies ici

    ne relvent ni de la planification urbaine, ni de lurbanisme de projet, cette affirmation

    constitue notre troisime hypothse. Elles empruntent certaines caractristiques chacune de

    ces logiques, dont la plupart ne nous paraissent pas fondamentales. Cest pourquoi nous

    qualifions ces actions damnagement de lentre-deux, ou plus radicalement, damnagement

    hybride, au sens figur dun amnagement qui nappartient aucun type, genre, style

    particulier, qui est bizarrement compos dlments divers 55. Au sein de la planification

    urbaine, J.-P. Lacaze distingue cinq modes parmi lesquels lurbanisme de composition ,

    quil dnomme aussi urbanisme de plan-masse 56. Cest ce mode daction que nous

    faisons rfrence par lurbanisme de planification. Une ville nouvelle en tant quacte

    damnagement est sens reprsenter une figure majeure de cet urbanisme. Dailleurs J.-P.

    Lacaze nhsite pas recourir lexemple des new towns pour illustrer un urbanisme qui

    fait du plan linstrument fondamental de la planification urbaine 57. Les tenants de cette

    pratique considrent que ce dernier est une discipline de synthse, dont le mode

    dexpression privilgie est la rdaction du plan, quil sagisse du plan dun quartier ou

    dune ville nouvelle, ou encore du plan durbanisme dune ville existante . En thorie

    sur la base dtudes pralables, la structure et la forme future de la ville peuvent tre

    dfinies lavance par la rflexion [] et traduites par un ensemble de plans . Cet

    urbanisme nest pas tranger la monte en puissance de la profession durbaniste. En outre,

    les modalits de dcision qui dominent cette forme de pratique damnagement urbain sont

    LHarmattan, 284 p. ; G. Pinson, 2009, Gouverner la ville par projet Urbanisme et gouvernance des villes europennes, Paris, SciencesPo. Les Presses, 420 p. 54 Au sens dAlain Bourdin. 2010, Lurbanisme daprs crise, La Tour dAigues, d. de lAube, 157 p., pp. 20-21. 55 Portail lexical du CNRTL, CNRS. 56 1995, Introduction la planification urbaine Imprcis durbanisme la franaise, Presse de lcole nationale des Ponts et chausses, Paris, 2me d., 386 p., p. 61. 57 Op. cit., p. 63.

  • 30

    empreintes de technocratie et de centralisme politique. Lurbanisme de projet se veut

    loppos. Ce mode dagir ce qualifie par sa dite souplesse, sa flexibilit. Lurbanisme de

    projet ou projet urbain peut se dfinir comme une procdure stratgique, pragmatique

    et contextuelle de fabrication intentionnelle de lurbain qui tend se substituer la

    planification standard tlologique, thorique et universelle 58. Lurbanisme de projet

    sintresse davantage au dessein quau dessin. Il fait intervenir lensemble des parties

    potentielles de la fabrique urbaine. Lurbanisme de projet est fondamentalement non

    technique, la diffrence de la rgle et du plan, le projet est mdiatique 59. Il est donc aussi

    question, au cours de cette recherche, de vrifier quels sont les ingrdients de lurbanisme

    de projet et ceux de lurbanisme de planification qui caractrisent les actions damnagement

    tudies.

    Notre quatrime hypothse est que ces actions sont des vecteurs plus ou moins

    puissants de reterritorialisation des priphries de Constantine et Marrakech. Il sagira de

    vrifier si lmergence de centralits ou de marges urbaines nouvelles ou bien les deux

    intriques y est observable, et de vrifier si cela tient seulement du neuf, ou aussi de

    loriginal. En outre, elles ont un impact territorial dans leur primtre dimplantation, mais

    aussi, limage des vases communicants, en dehors. Elles jouent le rle dincubateur de

    reterritorialisation dans les priphries de leurs sites, aussi bien localises de faon proche,

    c'est--dire dans les interstices des systmes centres-priphries, que de faon loigne, c'est-

    -dire au sein des primtres urbains de Marrakech et de Constantine, notamment dans leurs

    centres. Selon nous, ces politiques publiques damnagement, qui se veulent nouvelles ,

    dun autre genre pour leur contexte, produisent tant des lieux de centralits urbaines que des

    territoires marginaux urbains dans les priphries des grandes villes faisant lobjet de nos

    tudes, les deuximes primant sur les premiers. Objectivement, nous soutenons la sous-thse

    que ces espaces sont dots dune faible urbanit. Ils