Table d'émeraude

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  • 8/9/2019 Table d'meraude

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    DOSSIER

    LA TABLE

    D'MERAUDE

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    Table des matires

    INTRODUCTION....................................................................................................3

    La Table d'meraude par J. Carteret....................................................................8

    L'QUILIBRE ET SON AGENT..............................................................................13

    LA TABLE D'EMERAUDE DE MRIAN...................................................................41

    Version franaise anonyme versifie.................................................................45

    Version arabe extraite du SECRET DES SECRETS du Pseudo-Aristote...............46

    Version extraite des Symboles Secrets des Rosicruciens..................................47

    La Table d'meraude d'Hortulain.......................................................................49

    BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................56

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    INTRODUCTION

    Dans nos recherches sur la Table d'meraude, nous avons collect denombreuses informations que nous dsirons prsent partager. Nous espronsque ce petit dossier sera utile aux cherchants.

    La Table d'meraude est un texte trs court anciennement attribu HermsTrismgiste et exposant un condens des oprations alchimiques du Granduvre. On sait aujourd'hui que la Tabula Smaragdina , fait partie d'un traitnomm Le livre du secret de la cration et technique de la Nature (Balnus,Kitab Sirr al-Khaliqa wa San 'at al-Tabi'a), rdig sous le rgne du KhalifeMa'Mn en 833.

    Voici ce que le prtre Sagijus de Naplouse a dict concernant l'entre deBalinus dans la chambre cache

    Aprs mon entre dans la chambre, o le talisman reposait, je me dirigeaivers un vieil homme assis sur un trne d'or qui tenait une tablette d'meraudedans une main. Et sur celle-ci tait crit en syriaque, le language primordial -:

    Voici la vritable explication, sur laquelle il ne peut y avoir aucun doute. Elleatteste : l'en-haut est comme l'en bas, et l'en bas est comme l'en-haut l'uvre du miracle de l'Unique. Et les choses sont manes de de cette

    substance primordiale par un acte unique. Combien merveilleuse est cetteuvre ! C'est le principe majeur du monde et son conservateur. Son pre est lesoleil et sa mre est la lune. Le vent l'a port en son sein, et la terre l'a nourri.Le pre du talisman et le protecteur des miracles dont les pouvoirs sontparfaits, et dont les lumire sont homologues (?). Un feu qui vient de la terre.Spare la terre du feu, et tu atteindra le subtil encore plus inhrent que legrossier, avec soin et sagacit. Il s'lve de la terre jusqu'aux cieux, afin detirer les lumires des hauteurs lui, et les descendre jusqu' la terre ; ainsi enson sein sont les forces de l'en-haut et de l'en bas : du fait de la lumire deslumires en son sein, ainsi les tnbres s'enfuient son approche. La force desforces, qui vainc toute chose subtile et pntre dans toute chose grossire. Lastructure du microcosme est en accord avec la structure du macrocosme. Et dela mme manire procde l'intelligible.

    Et cela a aspir Herms qui fut trois fois grand en sagesse. Et ceci est sonlivre qui est dissimul dans la chambre. - Apollonius de Tyane : Le Livre duSecret de la Cration et de l'Art de la Nature ou Livre de Balinus le sage sur lescauses, vers 650 - 813 de notre re.

    Dans le Journal des Savants (1709) ceci : Herms Trismgiste vient sonrang dans la liste. L'inscription de la Table d'meraude n'est pas un des

    moindres morceaux qui nous soient rests de lui, si l'on en veut croire les

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    alchimistes. Ce prcieux monument fut trouv, disent-ils, par Sara femmed'Abraham dans le spulcre d'Herms qui tait dans la valle d'Hebron. Lecadavre d'Herms tenait l'meraude dans ses mains, et l'inscriptionphnicienne qui y tait grave, se voit ici en latin. L'auteur convient qu'elle esttrs ancienne, et rpond avec Borrichius une partie des objections de ceuxqui la croient suppose .

    Herms.

    Herms est assimil au dieu lunaire gyptien Thot et les no-platoniciens ontfait de lui l'Illuminateur, le guide, le dieu du mystre et des rvlations sous lenom d'Herms Trismgiste, le trois fois grand car roi, lgislateur et prtre. Ceterme dsignerait dont la fois un homme (Herms initiateur de l'Egypte), unecaste (le sacerdoce) et un dieu (Mercure, sphre des esprit).

    Au III sicle de notre re, on parlait beaucoup de sa doctrine, base sur lascience occulte, explique dans une quarantaine de livres grecs quirenfermaient l'essence de l'antique thogonie qui avait t la base del'initiation gyptienne. Ces documents ont servi aux alchimistes et occultistespour leurs recherches. Le plus clbre de ces document tant la Tabled'meraude car elle fut grave sur une grosse meraude porte au doigt par legrand-prtre du collge des mages gyptiens.

    La doctrine d'Herms, qui procde par analogies, suppose des correspondancesintimes et mystrieuses entre toutes les parties de l'univers visible et invisible.C'est elle qui a donn naissance l'hermtisme, doctrine embrassant toutes

    les branches du savoir occulte et universel : l'alchimie, l'astrologie, la magie,l'sotrisme, ...

    Selon le Dictionnaire de Dom Pernetty il est Mercure ou Herms Trismgiste.Le plus ancien des Philosophes connus. C'est de son nom grec Herms queceux qui savent le Grand uvre, ont pris le nom de PhilosophesHermtiques .

    Ferdinand Hoefer, dans son Histoire de la chimie : Nous avons dj euplusieurs fois l'occasion de nommer Herms Trismgiste, que les alchimistesinvoquent comme un oracle, et auquel ils font remonter l'origine de leur art.

    Mercure tait, par une tradition universellement rpandue, vnr commel'inventeur de tous les arts, chez les peuples les plus divers, chez les gyptienscomme chez les Gaulois. Cicron ne compte pas moins de sept Mercures, quitous recevaient un culte divin [De natura Deorum, III]. Vulcain, Thoyth ouThath, et Cadmus, passent galement pour avoir invent plusieurs arts, qu'onmit plus tard sur le compte de Mercure ou d'Herms. Vulcain ou Phtha,symbole du feu, tait l'objet d'un culte particulier chez les prtres d'gypte.Thath, dont parle Platon est, selon quelques auteurs, le mme que Herms,portant le surnom de trois fois grand. Quant Cadmos, que les Grecs font venirde la Phnicie, son nom smitique grcis signifie du ct de l'orient. Il est remarquer que toutes les fois qu'il est question, dans les livres anciens, sacrsou profanes, de quelque art jusqu'alors inconnu, on le fait venir des pays de

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    l'orient, comme de la source primitive de toute science. Faut-il voir l unesimple mtaphore du soleil levant, et du culte de cet astre considr comme lasource de toute vie ? ou bien serait-ce un indice vague d'une communicationfort ancienne de la nation la plus recule de l'orient, des Chinois, avec lesAssyriens, avec les Perses et les gyptiens ? Ces questions, d'un intrthistorique immense, nous paraissent peu prs insolubles. Herms, tout la

    fois dieu du ciel et de l'enfer, symbole de la vie et de la mort, voquait, d'aprsles croyances mythologiques, les mes des dcds, et oprait, avec soncaduce, des transmutations et des miracles. C'est pourquoi les philosophesmystiques, les magiciens et les alchimistes, ne pouvaient et ne devaient choisirpour patron d'autre dieu qu'Herms. De l, l'art transmutatoire des alchimistesreut le nom d'art hermtique ; et il n'est pas tonnant que le mtal, si utile l'affineur et l'orfvre, que les Anciens appelaient eau-argent, et les Adeptes,l'essence du grand oeuvre, ft consacr cette divinit, dont il porte encoreaujourd'hui le nom. Une fois engag dans cette voie, on ne pouvait pass'arrter demi chemin. Il tait impossible que des hommes qui avaient vou Herms un culte aussi exclusif ne lui supposassent pas des crits, afin dedonner plus d'autorit aux leurs ; car la gloire du matre se rflchit toujourssur celle du disciple. En effet, pendant que l'Antiquit garde un silence absolusur les prtendus crits d'Herms, les philosophes de l'cole d'Alexandrie, lesdisciples de l'art sacr, parlent sans cesse des oeuvres d'Herms, comme de lasource de toute science. voici comment s'explique Jamblique :

    Herms Trismgiste a crit, selon Sleucus, vingt mille volumes sur les principes universels. Mais selon Manethon, c'est trente-six mille cinq centvingt-cinq volumes qu'il a composs sur toutes les sciences . [Jambl., deMysteriis Aegypt., VIII, 1] .

    Un peu d'histoire

    Selon Eliphas Lvi, il faut comprendre la lgende allgoriquement. La Tabled'meraude en tant qu'objet n'a sans doute jamais exist, elle constitue unsymbole : meraude des Sages est en effet l'un des noms du Mercure desalchimistes, allusion la couleur verte mentionne par la plupart des auteurssrieux.

    Prambule d'Eliphas Lvi. Dogme et Rituel de la Haute Magie. P 127

    Nous signalons aux recherches de nos lecteurs un admirable trait attribu Herms Trismgiste, et qui porte le titre de Minerva Mundi. Ce trait se trouveseulement dans quelques ditions d'Herms et contient, sous des allgoriespleines de profondeur, le dogme de la cration des tres par eux-mmes, ou dela loi de cration qui rsulte de l'accord de deux forces, de celles que lesalchimistes appelaient le fixe et le volatil et qui sont, dans l'absolu, la ncessitet la libert. On y explique les formes rpandues dans la nature par la diversitdes esprits et les monstruosits par la divergence des efforts. La lecture et lamditation de cet ouvrage sont indispensables tous les adeptes qui veulentapprofondir les mystres de la nature et se livrer srieusement la recherchedu Grand uvre.

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    Et dans son Histoire de la Magie (pages 77 et 78) : C'est en gypte que lamagie se complte comme science universelle et se formule en dogme parfait.Rien ne surpasse et rien n'gale comme rsum de toutes les doctrines duvieux monde les quelques sentences graves sur une pierre prcieuse parHerms et connues sous le nom de table d'meraude; l'unit de l'tre et l'unit

    des harmonies, soit ascendantes, soit descendantes, l'chelle progressive et proportionnelle du Verbe; la loi immuable de l'quilibre et le progrsproportionnel des analogies universelles, le rapport de l'ide au Verbe donnantla mesure du rapport entre le crateur et le cr; les mathmatiquesncessaires de l'infini, prouves par les mesures d'un seul coin du fini; toutcela est exprim par cette seule proposition du grand hirophante gyptien:Ce qui est suprieur est comme ce qui est infrieur, et ce qui est en bas estcomme ce qui est en haut pour former les merveilles de la chose unique. Puisvient la rvlation et la description savante de l'agent crateur, du feupantomorphe, du grand moyen de la puissance occulte, de la lumire astraleen un mot. Le soleil est son pre, la lune est sa mre, le vent l'a port dansson ventre. Ainsi cette lumire est mane du soleil, elle reoit sa forme etson mouvement rgulier des influences de la lune, elle a l'atmosphre pourrceptacle et pour prison. La terre est sa nourrice. C'est--dire qu'elle estquilibre et mise en mouvement par la chaleur centrale de la terre. C'est le principe universel, le TELESMA du monde. Herms enseigne ensuitecomment de cette lumire, qui est aussi une force, on peut faire un levier et undissolvant universel, puis aussi un agent formateur et coagulateur. Comment ilfaut tirer des corps o elle est latente, cette lumire l'tat de feu, demouvement, de splendeur, de gaz lumineux, d'eau ardente, et enfin de terreigne, pour imiter, l'aide de ces diverses substances, toutes les crations de

    la nature. La table d'meraude, c'est toute la magie en une seule page .Fulcanelli voyait aussi le mot Kloros, qui signifie vert dans les lettres Khi () etRho () du Chrisme. Il est remarquer que si le texte est cens tre d'originegrecque ou gyptienne, jamais la version originale n'a t retrouve.

    Fulcanelli, extrait du chapitre des Demeures Philosophales sur le cadran solairedu Palais Holyrood : notre avis, le cadran solaire cossais est une rpliquemoderne, la fois plus concise et plus savante, de l'antique Table smaragdine.Celle-ci se composait de deux colonnes de marbre vert, selon certains, oud'une plaque d'meraude artificielle, selon d'autres, sur lesquelles l'ouvre

    solaire tait grav en termes cabalistiques. La tradition l'attribue au Pre des philosophes, Herms Trismgiste, qui s'en dclare l'auteur, quoique sapersonnalit, fort obscure, ne permet pas de savoir si l'homme appartient lafable ou l'histoire. D'aucuns prtendent que ce tmoignage de la sciencesacre, crit primitivement en grec, fut dcouvert aprs le Dluge dans unegrotte rocheuse de la valle d'Hbron. Ce dtail, dpourvu mmed'authenticit, nous aide mieux comprendre la signification secrte de cettefameuse Table, qui pourrait bien n'avoir jamais exist ailleurs que dansl'imagination, subtile et malicieuse, des vieux matres. On nous dit qu'elle estverte, - ainsi que la rose de printemps, appele pour cette raison meraudedes philosophes, - premire analogie avec la matire saline des sages; qu'ellefut rdige par Herms, seconde analogie, puisque cette matire porte le nom

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    de Mercure, divinit romaine correspondant l'Herms des Grecs. Enfin,troisime analogie, ce mercure vert servant pour les trois uvres on le qualifiede triple, d'o l'pithte Trismgiste [...] ajoute au nom d'Herms. La Tabled'meraude prend ainsi le caractre d'un discours prononc par le mercure dessages sur la manire dont s'labore l'uvre philosophal. Ce n'est pas Herms,le Thot gyptien, qui parle, mais bien l'meraude des philosophes ou la Table

    isiaque elle-mme .

    Dans son Dogme et Rituel de la Haute Magie notamment, Eliphas Lvi encommente des passages. On trouve aussi un commentaire sotrique de laTable d'meraude dans le second tome du Serpent de la Gense de Guaita1.

    1 Texte complet que nous prsentons dans ce dossier

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    La Table d'meraude par J. Carteret

    La Table d'meraude est le condens d'une Gnose mtaphysique. Cette basede l'Hermtisme dpasse le cadre de l'Alchimie proprement dite qui s'estinspire d'elle. Il s'agit ici du Grand Secret, du secret de la cration et de ladestruction, de la divinit du Sage qui volue la Verticale... (le latin altus

    signifiant la fois profond et lev).

    J'ai tent ici une traduction la plus juste qui soit de cette UVRE SOLAIRE ensuggrant le sens profond, sotrique, des images mises en Oeuvre traversles subtilits du langage.

    Je conseille au lecteur de se pencher sur les traductions de J. RUSKA, MONOD-HERZEN et Titus BURCKHARDT, plutt que sur celles des latinistes scolastiquesanciens ou modernes.

    LA TABLE D'EMERAUDE1. En Vrit, Certainement et sans aucun doute (a)

    2. Ce qui est infrieur provient du Suprieur et ce qui est en Haut se reflte enBas (b), par ceci on accomplit les miracles de l'UNicit.

    3. De mme que l'UNivers procde de l'UN par la mditation (c) de l'UNique, demme, par adaptations tout nat de cette UNit.

    4. Le Soleil est le Pre, la Lune est la Mre, le Vent (d) l'a porte en son ventre,

    sa nourriture est terrestre.

    5. Le Vouloir du Monde (e) est ici, sa Puissance est par-faite s'il est transformsur terre.

    6. Spare la Terre du Feu et le Subtil du Grossier, doucement avec dextrit.

    7. Monte de la Terre au Ciel, il redescendra en Terre et ainsi tu recevras la Forcedes ralits suprieures et infrieures.

    8. Tu auras par ce moyen toute la Lumire du Monde et toute obscurits'loignera de toi.

    9. C'est la Puissance des puissances qui vainc toute chose subtile et pntretoute chose solide.

    10. Ainsi le microcosme se cre sur le modle du macrocosme.

    11. De cette manire se creront de merveilleuses applications, c'est la Voieque suivent les Sages.

    12. C'est pourquoi je suis appel Herms Trismgiste car je possde les trois

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    parties (f) de la Philo-Sophia UNiverselle.

    a) Dans la version originelle, arabe, on lit : haqqn, yaqnn l shakka fih'.

    b) Cette fameuse expression comme quoi tout ce qui est en bas est comme cequi est en haut se retrouve mme chez des auteurs non hermtistes comme

    Diogne : bientt ce qui est en bas sera en haut (Diogne Laerce, tome II,Garnier-Flammarion, 1965, p.18).

    c) On peut traduire aussi par mdiation .

    d) Pour certains Alchimistes (comme IDB dans L'abrg de l'astronomieinfrieure), le Vent signifie le Mercure.

    e) Au sujet de la signification du Vouloir qui a tant fait couler d'encre, ilsuffit de se reporter Herms Trismgiste qui explicite le Vouloir divin (tome II du Corpus hermeticum, p. 201 et 331, Ed. Belles Lettres, 1973).

    f) Il s'agit des trois mondes traditionnels : Macrocosme, msocosme etmicrocosme, correspondant l'Esprit, l'me et au Corps tout comme l'uvre au Rouge, au Blanc et au Noir.

    D.G.

    JEAN CARTERET ET L'ALCHIMIE

    On accde l'antre dessous le toit du monde par un long escalier de la Tourd'Auvergne...

    Aprs avoir tir une sonnette de grelots, on s'insinue dans un troit couloir ocroulent de vieux livres pour dboucher dans une pice o tout est l, lemonde entier entrepos et reprsent par terre et sur les murs dans un chaosordonn indescriptible. Tout est l, chaque chose sa place, l o tout va sepasser. Il y a un aventurier de l'intrieur, un navigateur des Grandes Eaux...Jean Carteret.

    Sourire du lointain... Yeux bleus perants o Neptune vous regarde... Et

    l'Astrologue parle d'Alchimie. Du monologue au Dialogue... Dans tout dialogueessentiel, les rponses ne rpondent pas. C'est l'coute qui rpond.

    [ici s'arrte l'introduction de Daniel Giraud et commence le texte de JeanCarteret :]

    Le Texte de la Table d'meraude dbute ainsi :

    II est vrai, sans mensonge, et trs vritable . Ces trois termes sont unetrinit. Il est vrai , le vrai, c'est l'objectif, c'est--dire la communication. Sans mensonge , cela correspond ce qui est juste, ce qui est subjectif ;et Trs vritable , c'est la synthse des deux. Autrement dit, si le vrai est

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    communication, le sans mensonge concerne la communion, et le trsvritable concerne la fois la situation et la circulation (situation tant unevaleur de communion, circulation tant une valeur de communication). L'onsent trs bien que l'expression trs vritable concerne davantage quelquechose qui est davantage dans la situation que dans la circulation. Il n'y a pasde circulation vritable , mais il peut y avoir une situation vritable .

    Donc, dans cette expression, c'est le problme de la demeure et du statismequi l'emporte sur le vhicule et le dynamisme.

    Ensuite, nous lisons : Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et cequi est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'uneseule chose . Donc, nous avons ici la figuration de deux triangles, dont l'unmet l'accent sur la base, ce qui est en bas , et dont la pointe est en haut. Etnous avons le triangle inverse : ce qui est en bas , se rduit dans la pointede ce nouveau triangle qui est en bas. Les deux triangles seront - non pasadditionns - mais souds, par la formule qui suit : pour faire les miraclesd'une seule chose . Or il faut savoir que le miracle est une valeur collective,alors que son inverse et complmentaire, l'exception, est une valeur unique. Etcomme il est question d' une seule chose , qui est unique, le commentairesera naturellement pour faire les miracles d'une seule chose, soit pour faire les noces de l'unique. Mais qu'est-ce qui est en bas , comme ce qui esten haut ? Eh bien ce qui est en bas, c'est la vie, qui est simple, et qui est noire,et ce qui est en haut c'est la vie qui est alors devenue pure. Et ce qui est enhaut , c'est l'esprit pur, qui est blanc, qui devient comme ce qui est en bas,c'est--dire que l'esprit est devenu simple. Donc, nous avons ici le rapport duPur et du Simple. Or il m'est apparu que le rapport du Pur devenu sur le Simpledevenu,

    c'est un lment de situation. Au contraire, lorsque les valeurs du Simpledominent dialectiquement les valeurs du Pur, ce moment-l, on a affaire unlment de circulation.

    Et comme toutes choses ont t, et sont venues d'Un continue le Texte. Toutes choses , c'est bien un collectif. Et le verbe ont t dsigne ce quiest devenu, tandis que sont venues dsigne un devenant. Donc, nousavons dans ce qui est devenu l'analogue de la situation, et dans ce qui estdevenant l'analogue de la circulation, soit la dialectique de la demeure et duvhicule. Un , c'est l'lment qui contient tout. C'est tout ce qui est, tout ce

    qui est possible, et aussi tout ce qui est impossible. Ce Un va s'exprimer enprenant comme symbole le Zro, parce que le Zro est tous les possibles. Lezro, c'est la fort vierge, c'est la page blanche, mais il y a le cahier plein depages blanches : voil pourquoi toutes choses sont venues d'Un , et non pas de Zro . Le Un , c'est le cahier blanc de tous les possibles. Le Un contient en lui-mme, statistiquement, l'un et l'autre, soit le Mme qui contientl'un et l'autre.

    Ainsi toutes choses sont nes dans une chose unique, par adaptation ,continue encore le Texte. Il faut cependant remarquer que la premire partie dela phrase commence par Et comme toutes choses , et la seconde partiecommence par Ainsi toutes choses . L'on peut dire que ainsi c'est un

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    terme, et comme c'est une origine. Il y a dans notre nouvelle phrase unereprise de la formule prcdente, mais cette fois-ci l'on parle de naissance.Mais, par adaptation , cela signifie quelque chose de bien particulier.L'adaptation est quelque chose qui va de haut en bas, comme Mercure quidescend du haut du ciel sur la terre, pour transformer. L'adaptation est donc unproblme de dtente des valeurs, de dnouement d'une tension (la

    transformation sera, au contraire, une faon de nouer les valeurs).

    ... Le Soleil en est le pre, la Lune en est la mre, le Vent l'a port dans sonventre, et la Terre est sa nourrice . Si le soleil en est le pre et si la lune est lamre, nous avons alors quatre termes : le soleil, la lune, le vent et la terre. Levent est un dynamique, comme le pre. Et la terre est une statique, comme lamre. Si le vent l'a port dans son ventre, le vent est une dynamique commel'anima qui est dans l'homme, il est comme une espce de fminit du monde ;et la terre qui est sa nourrice est comme la masculinit du monde... Le vent quil'a port dans son ventre, c'est ce qui habite le ciel. Et la terre qui est sanourrice, c'est la terre elle-mme. Or la terre est par rapport au vent ce que,dans l'atome, le noyau est aux lectrons : nous retrouvons ici la dialectique dela circulation (le vent) et de la situation (la terre).

    Le pre de Tout, le Thlme de tout le monde est ici. Sa force est entire, sielle est convertie en terre . Il y a une diffrence entre le Pre de Tout, leThlme , et le Soleil en est le Pre . Car le Pre de Tout , c'est plus quele Tout, et dans ces deux expressions nous avons le Pre d'un ct et le Mondede l'autre. La conversion en terre est celle d'une circulation qui devient unesituation. Le Pre de Tout est une rduction, et le Thlme de tout lemonde est une dilatation. L'un concerne la situation, l'autre la circulation. La

    conversion en terre du rapport entre situation et circulation, entre tre etconscience, c'est la force du verbe.

    Tu spareras la terre du feu, le subtil de l'pais, doucement, avec grandeindustrie . Sparer la terre du feu, c'est oprer le passage d'une concidence une distance : c'est le passage de la communion la communication.

    Il monte de la terre au ciel, et derechef il redescend en terre . Il s'agitd'tablir une relation entre le haut et le bas, entre le ciel et la terre.

    Tu auras par ce moyen toute la gloire du monde, et toute obscurit

    s'loignera de toi . Puisque la gloire c'est le soleil des morts et que la mort estce-que-nous-concernons, la naissance tant ce qui nous concerne, il s'agit icide l'assumation et de la ralisation de ce-que-nous-concernons, c'est--dire lamort. Si la gloire arrive, la lumire de ce-que nous-concernons arrive, etl'obscurit de ce-qui-nous-concerne s'loigne de nous. Ce qui veut dire que lesconditions de dterminisme de la naissance s'loignent de nous, et qu'aucontraire le choix de ce-que-nous-concernons s'approche de nous.

    C'est la force, forte de toute force, car elle vaincra toute chose subtile, etpntrera toute chose solide . Le mot force est ici rappel trois fois. Toute force , c'est le contingent, forte c'est le transcendant, et c'est laforce , c'est l'immanence. C'est une trinit. La force est ici employe comme

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    une qualit d'tat, et pas comme une qualit d'action. C'est bien l'tat, puisquece qui suit ( car elle vaincra, et pntrera... ), c'est l'action. Vaincre toutechose subtile, c'est un accomplissement, et pntrer toute chose solide, c'estune ralisation. Parce que les choses solides sont relles, physiques, alors queles choses subtiles sont mtaphysiques.

    Ainsi le monde a t cr . Les phrases prcdentes taient au futur, et l laphrase est au pass. C'est au passage entre le devenant et le devenu. C'estcomme une conclusion, le dessin du fruit, alors qu'avant c'taient les tapes dela graine qui conduisent au fruit. C'est la synthse, dont tout le reste est lacomposition.

    De ceci seront et sortiront d'innombrables adaptations, desquelles le moyenest ici . La phrase prcdente tait comme un terme, une consquence. Ici, ona affaire quelque chose qui dpasse encore la consquence, c'est le rsultat.Cette phrase parle de la graine qui sort nouveau du fruit qui, lui, tait laconsquence des choses. De ceci, de cette consquence, de ce fruit, seront(tat) et sortiront (action) d'innombrables adaptations, c'est--dire toutes lescomposantes en surnombre, illimites.

    C'est pourquoi j'ai t appel Herms Trismgiste, ayant les trois parties de laphilosophie du monde . Ce que j'ai dit de l'opration du soleil est accompliet parachev . Ce que j'ai dit , c'est le dire de celui qui a l'autorit del'uvre. C'est le dire de l'homme. Et l' opration du soleil, c'est l'lmentouvrier. L'opration, c'est la transformation qui contient l'adaptation. Soninverse dialectique, c'est l'activit, o l'adaptation prime alors sur latransformation. Ce que j'ai dit , c'est le son, et l' opration du soleil , c'est

    la lumire ; et le verbe accomplir concerne le son, concerne ce qui est juste, ce qui est subjectif, tandis que le verbe parachever concerne lalumire, ce qui est vrai et objectif.

    Jean Carteret

    [Ce texte est paru in REVOLUTION INTERIEURE n3, Massat, au printemps 1982.Cette excellente revue tait anime par Daniel Giraud qui devait, dans cettetroisime livraison, livrer une traduction du texte de la Table d'meraude,suivie d'un commentaire de son ami Jean Carteret. P.P.].

    Daniel Giraud + The Estate of Jean Carteret

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    La Justice (huit) = quilibre = Balance = Harmonie...L'quilibre et son Agent

    CHAPITRE I L'QUILIBRE ET SON AGENT2

    Par Stanislas de Guaita

    2 Extrait du Serpent de la Gense, Tome II par Stanislas de Guaita.

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    Ouvrez le Livre de Thoth au huitime feuillet3. Thmis qui, trnant entre deuxcolonnes, tient ferme en sa droite le glaive et les balances dans sa maingauche, vous rvlera l'arcane de l'universel quilibre.

    Les deux plateaux qui se font contrepoids symboliseront pour vous :

    1 Dans le monde divin, les nuptiales harmonies de la Sagesse et del'Intelligence4 ;2 Dans le monde psychique, l'union salutaire et fconde de la Misricorde etde la Justice ;3 Enfin, dans le monde hylique5 ou astral (substratum du monde matriel),ces deux plateaux seront pour vous l'emblme des deux Puissances mle etfemelle gnratrices du Cosmos, lui-mme androgyne ; c'est savoir d'Herebet d'Inah6, principes des deux forces centripte et centrifuge, qui semanifestent : la premire par le Temps, crateur et dvorateur des formestransitoires ; l'autre, par l'tendue thre. L'tendue est Rha, (pouse de cetimplacable Kronos, dont le rle est d'vertuer sans trve la substance plastiquequi est en elle, de l'laborer et de la condenser en d'phmres modes dematire diversement spcifie, vivante et protenne l'infini).

    Ce que de pareilles notions peuvent offrir d'trange et d'nigmatique l'esprit,sera tir au clair par la suite.

    Quant au glaive qui charge la main droite de Thmis, il symbolise la Puissanceet ses moyens d'action, tous les degrs et dans tous les Mondes. Pour nousen tenir au plan astral, qui nous occupe ici, ce glaive est celui du collectifKroubm, image de l'ther instrumental et potentiel, qui dtermine et

    maintient l'quilibre cosmique.Ce mystrieux agent compte ses noms par centaines. C'est, au dire desKabbalistes, le serpent fluidique d'Asiah. Les vieux platoniciens y voyaientl'me physique du monde, qui tient enclose la semence de tous les tres, et les

    3 Huitime clef du Tarot : la Justice.4 Le franais n'tant pas une langue sacre, la plupart des mots de cet idiome sont arbitrairement dvolus aux genres

    masculin ou fminin ; or le hasard et l'intuition vague ne peuvent toujours tomber juste. Il ne faut donc pas trops'tonner qu'il soit question des noces de la Sagesse et de l'Intelligence, et plus bas, de l'union fconde de laMisricorde et de la Justice. Ce sont l termes kabbalistiques. Or, dans la classification des ternaires sphirothiquespolariss, que nous visons en ce passage, Hochmah, , (la Sagesse) est marque du signe mle et positif, commeaussi Hesed (la Misricorde) ; et ce, par opposition Binah, (l'Intelligence) et Geburah (laRigueur, la Justice), qui sont marques du signe fminin et ngatif. (Voir n'importe quel trait de Kabbale).

    5 sotriquement, Hyl, ,veut pas dire matire brute, sens trs restreint qui lui est vulgairement dvolu. Hyl des philosophes grecs, et des rabbins initis, signifie : substance en fermentation, matire subtile en travail.(Consulter Fabre d'Olivet, La Lang. hbr. rest., II, 77 ; Drach : l'Harmonie entre l'glise et la Synagogue, I. 56 et l'Hist. du Manichisme de Beausobre, II, 268).

    6 Pour rester fidle la terminologie des Kabbalistes zoharites (en suspendant la balance sphirothique dans letroisime monde au clou de Ysod, ,comme nous l'avons fait dans les deux premiers aux clous de Kether et deThiphereth), il nous faudrait crire Hod, ,, et Netzach ,, au lieu d'Hereb ,, et d'Inah . Mais aux motssacrs de la Kabbale, nous prfrerons toujours, quand l'occasion se prsentera d'en faire usage, les hirogrammesoriginaux de Mose, d'une prcision sotrique bien suprieure. Ne mettons jamais en oubli ce fait, que le Zohar,livre fondamental et sacr de la Kabbalah, n'est (si sublime soit-il et rvlateur) qu'un humble commentaire du

    Pentateuque mosaque, et principalement de la Gense. Il est crit d'ailleurs en dialecte de Jrusalem, c'est--dire enhbreu dgnr.

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    Gnostiques Valentiniens le personnifiaient en Dmiurge, l'ouvrier inconscientdes mondes d'en bas . Au gr des hermtiques, c'est, suivant le point devue, la Quintessence des lments, l'Azoth des Sages (ou 3 fcond par ), ouencore le Feu Secret, vivant et philosophal. C'est, pour les magiciens,l'Intermdiaire des deux natures ; c'est le Mdiateur convertible, indiffrent auBien comme au Mal, et qu'une volont ferme peut plier l'un comme l'autre.

    C'est le diable enfin, si l'on veut ; c'est--dire la Force substantielle que lessorciers mettent en uvre pour leurs malfices.

    Puissance inconsciente par elle-mme, mais propre rflchir toutes lespenses ; Puissance impersonnelle, mais susceptible de revtir toutes lespersonnalits ; Puissance envahissante et dominatrice, que l'adepte peutnanmoins pntrer, contraindre et subjuguer, et ce, dans une mesure plusstupfiante encore que ne l'imaginait le populaire superstitieux au beau tempsdes Lancre et des Michaelis : c'est, en un mot, la lumire astrale, ou Mdiateurplastique universel.

    Ce chapitre fera connatre au Lecteur averti la nature dconcertante et lesmodes d'activit de cet agent effectif de l'quilibre de ce mysticum robur queles sclrats de la Gotie ont personnifi monstrueux leur propre image, avecles stigmates distinctifs de l'animalit, vers laquelle eux-mmes rgressent. Sibien que le pote Piron a pu, pour leur plus grande joie, crayonner, en huit versdrolatiques, le portrait du Diable d'enfer, sans le flatter, il est vrai ; maissans qu'il ait droit aussi de rcuser la ressemblance :

    Il a la peau d'un rt qui brle,Le front cornu,

    Le nez fait comme une virgule,Le pied crochu,Le fuseau dont filoit HerculeNoir et tordu,Et, pour comble de ridicule,La queue au cu.

    C'est un axiome, en Magie, que tout verbe cre ce qu'il affirme. Or donc, force d'voquer le discourtois personnage, les imbciles ou les coquins quil'imaginaient sous cet aspect traditionnel, mais peu hiratique7, type fixdepuis des sicles par le consensus de leurs semblables, ont, petit petit,

    ralis leur rve en astral.

    Ajoutons que chaque fois qu'un nouveau gotien fait appel la hideuse Image,l'voquant avec toute l'nergie cratrice de la foi et le cri des mauvaisespassions leur paroxysme ; non seulement l'Image lui apparat, mais encore ilajoute l'esquisse fluidique un nouveau trait de vigueur et prcise l'existencedu monstre, en le nourrissant de sa propre substance hyperphysique.

    Ceci n'est point un paradoxe, comme on le pourrait croire ; c'est une vrit quisera mieux sentie plus loin, quand nous aurons fait connatre la nature

    7 Tout au moins, d'un hiratisme singulirement dprav.

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    quivoque, inqualifiable, de certains spectres sans consistance ontologique,sortes de compromis entre le nant qu'ils manifestent et l'tre qu'ilsblasphment. L'occultisme les nomme des Larves.

    Mais trve d'anticipations d'un pareil genre. Nous n'avons point affaire, pourl'heure, au Satan fantastique et burlesque, ambigu, malingre et falot, vain

    reflet imprim par les imaginations malades sur le miroir psychique de notreplante.

    Fi du simulacre blme qui se rtracte devant un souffle d'air, se dissout aumoindre effort de la volont humaine, et qu'un clair d'intelligence foudroie !Non, ce croquemitaine n'est qu'une Larve, entre combien d'autres8 ! Le dmonpositif et formidable nous rclame, celui-l qui sert d'enveloppe Nahsh et desubstratum la matire ; l'universel Atlas qui soutient les mondes en quilibre ;le dispensateur de la vie et de la mort physiques ; le Dmiurge aux mille noms,dont quelques-uns nous sont dj connus : c'est le Feu panthomorphe ; c'estl'me plastique et imaginative du monde ; c'est le dragon de l'astral.

    Le dragon de l'Astral est le symbole absolu de la lumire du mme nom,envisage dans son double mouvement cosmique et dans la synthse de sesoprations.

    Or, si nous avons laiss pressentir jusqu'ici la nature et le rle de ce grandagent, ce que nous en avons dit ne doit gure s'clairer d'un jour prcis etsatisfaisant qu'en faveur des fidles de nos prcdents ouvrages, ou deschercheurs dj sur la voie, ou des rudits en mysticisme.

    Pour entrer au cur du sujet, abordons d'emble la table d'meraude, cettepage rvlatrice que le monde antique nous a lgue. L'quilibre universelet son agent y sont magistralement dcrits.

    Ne dchiffre pas qui veut ce vieux texte des Mystres gyptiens. Trs propre drouter les profanes, son laconisme trange et premier ravit le chercheurstudieux des causes, en proposant sa persvrante sagacit plus de sensprofonds que de vocables. Il les dcouvre tour tour. Ainsi les successivesnigmes se dpouillent de leur dernier voile, comme les desses rivales debeaut, devant le royal pasteur du mont Ida.

    En interprtant dans son entier l'inscription de la table d'meraude, noustenons simplement parole. Mais ici, traduire ne suffirait point il importe decommenter. On trouvera, dans le texte mme, tels mots d'claircissement, intercals entre parenthses, comme il sied aux fins de prvenir touteconfusion. Puis, la suite du texte, quelques dveloppements plus tenduspermettront au Lecteur d'en mieux scruter l'sotrisme mdullaire.

    8 Une Larve, dans l'acception la plus large de ce mot. A proprement parler, le Diable est une Image astrale vitalise.

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    LA TABLE D'MERAUDEParoles des arcanes d'Herms9

    Il est vrai (en principe), il est certain (en thorie), il est rel (en fait, enapplication)10 : que ce qui est en bas (le monde physique et matriel) estcomme ce qui est en haut (analogue et proportionnel au monde spirituel et

    intelligible) et ce qui est en haut comme ce qui est en bas (rciprocitcomplmentaire) : pour l'accomplissement des merveilles de la chose unique(loi suprme en vertu de quoi se parfont les harmonies de la Cration,omniverselle11 en son unit).

    Et de mme que toutes choses se sont faites (accomplies, ralises) d'un seul(en vertu d'un seul principe), par la mdiation d'un seul (par le ministre d'unseul agent) : ainsi, toutes choses sont nes de cette mme unique chose, paradaptation (ou par une sorte de copulation)12.

    Le soleil (condensateur de l'irradiation positive ou de la Lumire au rouge ,ad, Od) est son pre (lment producteur actif de cet agent, [ce qui n'est vraiqu' notre point de vue terrestre]) ; la lune (miroir de la rverbration ngativeou de la Lumire au bleu , ab, Ob) est sa mre (lment producteur passif[mme remarque]) ; le vent (atmosphre thrique ambulatoire) l'a port dansson ventre (lui a servi ou lui sert de vhicule). La terre (envisage commetype des centres de condensation matrielle) est sa nourrice (l'athanor de sonlaboration).

    C'est l le pre (lment producteur) de l'universel telesme13 (perfection, butfinal atteindre) du monde entier (de l'univers vivant).

    Sa puissance (force d'extriorisation cratrice, le fleuve Phishn de Mose)est entire (parfaite, accomplie ; intgralement dploye, jusqu'au totalpanouissement) quand elle s'est mtamorphose (mot mot : quand elle

    9 Verba secretorum Hermetis. Verum sine mendacio, certum et verissimum quod est inferius est sicut quod est

    superius ; et quod est superius est sicut quod est inferius, ad perpetranda miracula rei unius.

    Et sicut omnes res fuerunt ab uno, mediatione unius, sic omnes res natae fuerunt ab hac una re, adaptatione.

    Pater ejus est Sol, mater ejus Luna ; portavit illud Ventus in ventre suo ; nutrix ejus Terra est.

    Pater omnis Telesmi totius mundi est hic.

    Vis ejus integra est, si versa fuerit in terram.

    Separabis terram ab igne, subtile a spisso, suaviter, cum magno ingenio.

    Ascendit a terra, in clum, iterumque descendit in terram, et recipit vim superiorum et inferiorum. Sic habebis gloriam totius mundi. Ideo fugiet a te omnis obscuritas.

    Hic est totius fortitudinis fortitudo fortis quia vincet omnem rem subtilem, omnemque solidam penetrabit.

    Sic mundus creatus est. Hinc erunt adaptationes mirabiles, quarum modus est hic.

    Itaque vocatus sum Herms Trismegistus, habens tres partes philosophiae totius mundi. Completum est quod dixi de operatione Solis.

    (Version latine de Khunrath).

    10 Textuellement : Il est vrai sans mensonge, certain et trs vritable . Cette triple affirmation correspondvidemment aux trois mondes de la magie.

    11 Nologisme assez heureux, nous semble-t-il, cr par un mystique de nos jours, Louis Michel de Figannires.12 Per conjunctionem , variante de la version Glauber (Miraculum Mundi, de Mercurio philosophorum, Amstel.,

    653, in-8, p. 7).

    13 Autre version Thlma, ,volont. Cette version admise, faudrait restreindre l'acception symbolique du mot pre au sens d'lment de manifestation.

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    s'est tourne)14 en terre ( Aretz de Mose, substance condense et spcifie; forme ultime de l'extriorisation cratrice, matire sensible).

    Tu spareras la terre (ici, dans un sens plus gnral, la terre signifie ce quiappartient au monde matriel et tangible, au monde des effigies) du feu(Principe d'action ; ce qui appartient aux mondes moral et intelligible) ; Le

    subtil de l'pais (sens analogue)15

    avec dlicatesse et une extrme prudence.

    Il (le fluide pur, universel, mdiateur, et d'aprs tels gnostiques Corps duSaint-esprit) monte de la terre au ciel (courant hmicyclique de retour16,ascendant ; reflux de Synthse) et derechef (par un mouvement la foisalternatif et simultan), il descend du ciel en terre (courant hmicycliqued'mission, descendant ; influx d'analyse), et il reoit (il se charge, ils'imprgne tour tour de) la force (les vertus, les proprits, les influences)des choses d'en haut et d'en bas (des mondes physique ou matriel ethyperphysique, ou astral ; et encore, un autre point de vue, des sphressensible et intelligible).

    Ainsi (c'est par ces principes que) tu auras (tu acquerras, tu t'approprieras) lagloire (la souverainet, l'empire) de l'univers entier ; par la, toute obscurit(toute impuissance, toute indcision, toute erreur. L'hirogramme mosaque Hoshek exprime sotriquement toutes les ides ngatives, symbolisespar le cne d'ombre de la terre) s'enfuira de toi.

    L rside la force forte de toute force (le principe mutuel d'activit ; le potentielde toute manifestation, le support de toute action, la base immanente de toutordre phnomnal) qui vaincra (s'emparera de, coagulera, fixera) toute chose

    subtile (volatile, fuyante, insaisissable, fluidique) et pntrera (s'immisceradans, dcomposera, dissoudra) toute chose solide (cohsive, dense etpermanente, concrte).

    Ainsi (par cet agent, ou encore, par cette voie), l'univers a t cr (rduitde principe en essence, d'essence en puissance sementielle, de puissance enacte ; en un mot, ralis).

    De l proviendront (l trouveront leur origine, leur principe) des adaptations(des applications, ou des productions) merveilleuses, dont le mode (la manired'tre, le type de formation) est ici (indiqu, rvl, expos).

    C'est pourquoi je fus appel Herms (Mercure, mythe complexe ; au casprsent, emblme de la Mathse, science intgrale vivante, dont le caduce deMercure symbolise le double courant : intuitif-synthtique et analytique-exprimental) Le Trismgiste (trois fois trs grand ou le plus grand), possdant

    14 Si versa fuerit (version Khunrath) Si mutetur (version R. Glauber).

    15 C'est--dire, envisags du mme point de vue, comme antithse du spirituel au sensible. Mais nous ne pensons pasque ces mots, subtile a spisso, forment plonasme avec le membre de phrase prcdent ; on pourrait prciser nombrede significations diffrentes, toutes rigoureusement exactes. A l'gard des oprations du grand uvre, par exemple,le subtil et l'pais signifieront le volatil et le fixe. Cette table d'meraude recle plus de sens que de mots.

    16 Herms parle du retour, avant de parler de l'mission ; par l il veut faire entendre qu'il s'agit d'un double mouvementincessant.

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    (pour avoir acquis) les trois parties de la philosophie (la totale connaissancedes trois mondes divin ou intelligible, psychique ou passionnel, naturel ousensible)17 de l'univers tout entier.

    Ce que j'ai dit (mon enseignement, mon verbe) est complet (consomm,intgralement profr) sur le magistre18 (ou l'opration, le Grand uvre) du

    soleil (mille significations : le Magistre du Soleil peut dsigner tout travailconduit sa perfection ; l'on peut y voir la Gense intellectuelle ; la source et lerle des courants fluidiques universels ; l'volution de l'ar androgyne ouLumire engendreuse ; enfin le Magistre des alchimistes, proprement parler,dont le secret, disent-ils, se trouve dcouvert dans ce texte de la tablesmaragdine).

    Nous ne chicanerons point sur l'authenticit, l'attribution et la date de l'un desmonuments les plus magistralement initiatiques que nous ait transmisl'antiquit grco-gyptienne.

    Les uns s'obstinent n'y voir que l'uvre amphigourique d'un rveuralexandrin, d'autres taxent mme ce document d'apocryphe du Ve sicle.Quelques-uns le veulent de quatre mille ans plus ancien

    Que nous importe ? Dcouverte ou non par Alexandre le Grand dans laspulture d'Herms, grave ou non sur une tablette d'meraude, il est certainque cette page rsume les traditions de l'antique gypte. Or l'gypte a t, denombreux sicles durant, la dernire citadelle de l'sotrisme intgral : sessphinx ont t les gardiens du trsor lgu aux temps futurs par plusieurscycles de civilisations, tellement lointaines et refoules dans la nuit

    prhistorique des temps, que ces foyers aveuglants de lumire intellectuelle nedgagent plus une lueur qui les dnonce nos archologues.

    Les quelques mots explicatifs d'analyse, intercals dans notre version, exigentun commentaire gnral et synthtique. Nous pourrions dire que cecommentaire doit s'tendre tout le prsent volume, puisque la Tabled'meraude va servir de point de dpart nos dveloppements sur lesmerveilles de l'Astral.

    Mais nous tcherons d'tre, ds l'abord, aussi explicite qu'il se pourra.

    L'initiateur, quel qu'il soit, il mrite bien ce nom, promulgue en premierlieu la grande loi d'analogie hermtique : elle domine sur tous les mondes, etmet l'intelligence arme du compas de la logique mme de formuler desinductions, en procdant du connu l'inconnu, du sensible l'intelligible et duparticulier l'universel.

    Nous offrir ce fil d'Ariane, voil le premier souci de l'Herms hirographe.

    Puis il passe la description du Lien qui rattache ces extrmes ; du grandMdiateur des tres et des choses, ce Pre de l'universel tlesme, dont il est

    17 Le monde astral peut tre rattach, soit au monde psychique, soit au monde sensible.18 de magisterio Solis (version Glauber).

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    question jusqu'au bout. Voici l'agent essentiel de l'art royal, et le Trismgisteprend soin de nous prvenir qu'en dcrivant sa nature, il nous fournit la clefmystique du Grand uvre et nous enseigne le magistre du Soleil.

    Le Grand uvre se peut concevoir divers points de vue ; il se peut ralisersur divers plans. Mais il reste toujours la Chrysope, ou l'art de tirer le pur de

    l'impur et l'or des viles scories.

    L'Alchimiste cherche l'or mtallique ou terrestre.

    L'Adepte de la Matrise vitale cherche la Mdecin universelle, ou l'orphysiologique.

    Le Magicien cherche l'or thaumaturgique ou la Puissance.

    Le Mystique cherche l'or moral ou la Saintet.

    Le Thosophe enfin cherche l'or spirituel, l'identification de l'intelligencehumaine et de l'essence divine : en un mot, il cherche la Vrit absolue, laScience.

    Tous veulent acqurir la Lumire sous ses diffrents aspects. Car l'or physiquen'est, au dire des Spagyristes que lumire condense ; la mdecineuniverselle rside en une quintessence vitale de l'or ; la puissance magiquereste acquise qui saura diriger la Lumire astrale ou l'or hyperphysique ; lacommunion des saints reoit dans son giron quiconque a transmu sasubstance animique en or moral ; et la Vrit-lumire des thosophes n'est

    autre que l'or spirituel et divin.Mais nous traiterons principalement ici de l'or hyperphysique : c'est lui quel'auteur de la table d'meraude dsigne comme engendrant le Tlesme (ou laperfection des choses corporelles). Il est d'ailleurs le moyen terme de tous lesautres ors.

    Un dans son principe, androgyne (c'est--dire double et triple) dans sa nature,quadruple dans ses modalits manifestatives (les quatre lments occultes), cet tre proten se rvle multiple l'infini dans ses ultimes ralisations. Car ilconstitue la substance cosmique non diffrencie, dont la matire polymorphe

    prsente nos sens les spcifications phmres.

    C'est lui l'universel Mdiateur ; l'ther instrumental, convertible, omnilatent ; leServiteur de toutes les Puissances, bonnes ou mauvaises ; la Splendeurquivoque des Cieux, apte revtir alternativement dune apparence plastiqueet draper dans son manteau d'toffe sidrale le dragon Nahash ou l'ineffableroach Hakkadsch19.

    19 Peut-tre sera-t-on surpris de nous voir recourir de prfrence au vocabulaire hbreu, en des commentaires qu'amotivs un monument d'origine gyptienne. Nous permettra-t-on de rappeler que la langue hbraque pure, telle quel'a mise en uvre l'auteur du Berschith, n'est autre prcisment que l'idiome le plus occulte des sanctuaires de

    Mitzram ? C'est ce que Fabre d'Olivet a victorieusement tabli. Mose, prtre d'Osiris, a trac son livre desCinquante Chapitres en hirogrammes (du troisime degr), intelligibles seulement, dans leur sotrisme, aux

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    Sous l'empire et l'influx des Principes d'En Haut, cet agent remplit l'espace desShamam d'une irradiation cleste et bienfaisante : on peut alors le considrercomme la lumire mystique o s'incorpore le Saint-Esprit. Mais abandonn lui-mme, ou lorsqu'une Volont perverse s'empare de sa direction, il devientfatal et dmoniaque : c'est le corps mme de Satan.

    Avec Paracelse, liphas Lvi, Keleph-ben-Nathan, Martins et toute l'colesotrique d'Occident, nous l'appellerons de prfrence lumire astrale.

    La lumire astrale constitue le support hyperphysique de l'Univers sensible ; levirtuel indfini dont les tres corporels sont, sur le plan infrieur, lesmanifestations objectives.Qu'on ait qualifi d'me cosmique cette lumire secrte qui baigne tous lesmondes, il n'y a rien l pour nous surprendre. L'on a pu lgitimement encorel'appeler sperme expansif de la vie et rceptacle aimant de la mort puisquetout est n de cette lumire (par matrialisation ou passage de puissance enacte), et que tout s'y doit rintgrer (par le mouvement inverse, ou le retour del'objectif concret au subjectif potentiel).Comme l'lectricit, la chaleur, la clart, le son, etc., (ses divers modesd'activit fluidique), elle est la fois substance et force.Ceux qui ne voient en elle que le mouvement tombent dans une grave erreur :comment imaginer un mouvement effectif, dfaut de quelque chose qui soitm ? Le nant ne vibre pas. Concevoir une agitation quelconque ou toute autre

    qualit dans le vide absolu, c'est manifestement absurde. Et rduire lalumire astrale l'abstrait du mouvement, c'est en faire un tre de raison, cequi revient nier son existence, mme latente.L'on est donc oblig de la dfinir : une substance qui manifeste une force ; ou,si l'on prfre, une force qui met en uvre une substance : les deuxinsparables.En tant que substance, nous l'avons dit, il faut envisager la lumire astralecomme le substratum de toute matire ; le potentiel de toute ralisationphysique ; l'homognit, racine de toute diffrenciation. C'est l'expression

    temporelle d'adamah cet lment primordial d'o, selon Mose, l'universelAdam a tir son tre : ou, pour emprunter le langage de l'exotrisme, cetteterre dont le Trs- Haut faonna le premier anctre humain.

    En tant que force, l'Astral nous apparatra comme vertu par l'influx et le

    adeptes memphites du plus haut grade. Ce livre, vulgairement la Gense parat le seul qu'on ait transcrit au tempsd'Esdras, sans en altrer l'esprit, ni mme la lettre. La doctrine secrte de Mose constitue ce que nous appelons laKabbale primitive, laquelle s'est matrialise paralllement la langue mme du sanctuaire. L'enseignement deShimon-ben-Iocka est celui de Mose, ce que le dialecte syro-chaldaque, qui se parlait Jrusalem sous lesCsars, est l'hbreu primitif de Mose. Nous n'avons recours la Kabbale Zoharite (ou du moins ne fait-elle

    autorit pour nous) que subsidiairement, dfaut de l'sotrisme plus pur et plus profond des livres mosaques, dontle Zohar n'est qu'un tardif commentaire.

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    reflux de cette vivante essence que nous avons nomme, l'instar de Mose,Nephesch-ha-chaah, le souffle de vie.

    Pour motiver ce flux et ce reflux de l'me vivante, il suffit de la peindre tiraille,pour ainsi dire, entre deux aimants : en haut, roach elohm, souffle vivificateurde la substance collective, homogne, dnale ; en bas, Nahsh, agent

    suscitateur des existences individuelles, particulires, matrialises. C'est leprincipe de la divisibilit en face du principe de l'intgration ; c'est lemorcellement des Moi naissants ou natre, qui s'oppose l'unit du Soiternel.

    De cette opposition rsulte un double dynamisme de forces hostiles, qu'ilconvient d'tudier l'une et l'autre dans leur nature propre et dans la loi de leurmutuel mcanisme. Puis, revenant Nahsh (le dragon de l'Astral), noussurprendrons plus aisment le mystre du fluide lumineux de mme nom, avecle contraste de ses courants opposs et son point central d'quilibre.

    La lumire astrale est, somme toute, la substance universelle anime, mue endeux sens inverses et complmentaires, par l'effet d'une polarit double, duple intgration au ple dissolution, et vice versa.

    Elle subit en effet deux actions contraires : la puissance d'expansion fconde,la lumineuse Inah, effective des gnrations et dispensatrice de la vie, d'unepart ; et de l'autre, la puissance de constriction destructive des formes, letnbreux Hereb, agent principal de la mort, et par l de la rintgration

    (retour des individus la collectivit ; de la matire diffrencie et transitoire,

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    la substance une, permanente et non diffrencie)20.

    Ces deux hirogrammes, Hereb et Inah, que nous empruntons Mose,reviennent plusieurs fois dans le texte hbreu de la Gense, et notammentau VIIIe chapitre, qui traite du dluge (v. 6 2).

    Tous les traducteurs officiels rendent Hereb et Inah par corbeau et colombe :sens que ces deux vocables peuvent en effet revtir, dans l'acception la pluscirconscrite et matrialise dont ils soient susceptibles.Nous rsumerons pour mmoire le rcit qu'on prte Mose.Le dluge a fait son uvre, et les eaux se desschant petit petit, le sommetdes montagnes commence paratre. No laisse quarante jours s'couler, puisil ouvre la fentre de l'arche, et donne l'essor un corbeau (Hereb), quis'envole pour ne plus revenir21. Sept jours aprs, No met en libert unecolombe (Inah) ; mais celle-ci revient, n'ayant point trouv o prendre pied22,et No la rintgre dans l'arche. Une semaine s'coule encore ; il lche nouveau la colombe qui lui revient le soir du mme jour, mais portant en sonbec un rameau d'olivier Enfin, aprs sept nouveaux jours d'attente, Nol'ayant laisse partir pour la troisime fois, la colombe ne reparat plus.

    Telle est, du moins en substance, la version communment accrdite.Mais il suffit de recourir la traduction littrale de Fabre d'Olivet, soutenue denotes tymologiques dcisives, pour entrevoir, sous les purils emblmes de laVulgate et des autres versions reues, toute la porte sotrique et grandiose

    d'un texte aussi pitoyablement travesti. Sans entreprendre un commentairegnral qui serait un hors-d'uvre en ce chapitre, et d'ailleurs ncessiterait lui seul un chapitre de dveloppements, prcisons, avec le prcieux appui durestaurateur de la langue hbraque, le vrai sens attribuable aux deuxhirogrammes en litige. Il est bien vrai, dit Fabre d'Olivet, que le mot hbreu Inah signifie unecolombe ; mais c'est de la mme manire que le mot Hereb signifie uncorbeau : c'est--dire que les noms de ces deux oiseaux leur ont t donns,dans un sens restreint, par une suite des analogies morales et physiques qu'ona cru remarquer dans la signification primitive attache aux mots Inah et

    Hereb, et les qualits apparentes du corbeau et de la colombe. La noirceur del'erbe, sa tristesse, l'avidit avec laquelle on croyait qu'il dvorait les tres quitombaient dans son sein, pouvaient-elles tre mieux caractrises que par unoiseau tnbreux et vorace tel que le corbeau ? La blancheur de la colombe,au contraire, sa douceur, son inclination l'amour ne semblaient-elles pasinviter la choisir pour tre l'emblme de la facult gnratrice, de la force

    20 La force d'expansion, en agissant sur l'ar, engendre le courant de la lumire positive, ad ; et la force deconstriction, celui de la lumire ngative, ab.

    21 Les Septante traduisent ainsi ; mais S. Jrme est plus exact : le corbeau, dit-il, sortait et rentrait alternativement(egrediebatur et revertebatur).

    22 Mme au sommet des montagnes, qui mergeaient dj 7 jours auparavant ? Telle est la logique du sens admis desthologiens.

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    plastique de la Nature ? La colombe fut le symbole de Smiramis, de Derceto,de Mylitta, d'Aphrodite, de Vnus, de tous les personnages allgoriquesauxquels les anciens attribuaient la facult gnratrice reprsente par cetoiseau

    Il est vident que le nom de l'Ionie, le nom de cette contre fameuse, que

    l'Asie et l'Europe rclament galement, dcoule de la mme source que le motqui nous occupe23

    On le voit, l'antithse est rigoureuse entre Hereb et Inah. Celle-ci dsigne eneffet la facult d'expansion, gnratrice des tres corporels ; celui-l exprime laforce de compression destructive, qui pousse tout ce qui vit vers la dcrpitudeet la mort, puis dissout et engloutit la dpouille de ce qui a vcu24. Herebexprime aussi le champ d'action o domine par l'univers cette force corrosive.

    C'est plus particulirement dans cette dernire acception que l'ont connu lesGrecs, hritiers de la Cosmogonie d'Orphe. Ce thocrate, contemporain deMose, avait puis aux mmes sanctuaires que lui la notion de son erbe, legouffre d'Hcate ou de la Lune infernale, le champ de Proserpine, le sjour desombres, enfin

    L'Hereb mosaque, que l'on pourrait rattacher Kan (principe du Temps),pactise en tous lieux avec l'obscurit, Hosheck ; l'Inah, qui dploie sonnergie dans le royaume d'abel (principe de l'Espace thr), montre partoutl'affinit la plus intime avec l'lment lumineux, ar.

    L'une est la colombe de la lumire et de la vie ; l'autre, le corbeau des tnbres

    23 Langue hbr. rest., tome II, pages 23-232, passim.24 Cette antinomie des deux Agents prterait une foule de parallles fort tranges, et d'intrt majeur pour ceux dont

    l'il s'exerce sonder certains mystrieux abmes de la Nature et de la Vie. Ainsi, nous pouvons ddier auxtymologistes le contraste que voici d'une part, la racine sur laquelle s'lve l'Inah mosaque (cette facultgnratrice dont la colombe est l'emblme), la racine in se retrouve intacte aux Indes dans le vocable Yni, parquoi les Brahmes dsignent l'organe sexuel de la femme ; d'autre part, la racine constitutive d'Hereb se retrouve peine altre dans Herwah, (au pluriel Herwath, ), le mot dont se sert Mose (Bershith, ix, 22) pour dsignercet objet de scandale, que No, dans son ivresse, avait laiss dcouvert, la joie sacrilge de Cham, et que saintJrme qualifie sans ambages de verenda nudata .Remarquons encore que les Smites, arabes et hbreux, Harbi, ,, et Hebri , ces pres adorateurs duDieu mle, unique, portent un nom notoirement form d'Hereb, (le nom du Maroc, Maghreb, en drive aussi) ; tandis qu'Inah semble avoir nomm cette molle Ionie, le type des contres o l'on adorait la Nature fminine etplastique, sous ses innombrables et blouissantes incarnations.Les curieux se demanderont enfin, par quel chass-crois d'influences, le mle Hereb gouverne le courant de lalumire ngative et slnique 2, ab ; cependant que la fminine Inah domine sur le courant de la lumirepositive et solaire 1, Ad, .Observons cet gard, que la plupart de ces attributions sont, non point arbitraires, mais relatives. Absolumentparlant, il n'y a qu'un Principe mle, qui est Dieu ; qu'un Principe fminin, qui est la Nature. Dans le mondesubjectif, il n'y a qu'un Principe mle, qui est l'Esprit universel, et qu'un Principe fminin, qui est l'me vivante dansle monde objectif, enfin, qu'un Principe mle, qui est la Force, et qu'un Principe fminin, qui est la Matire. Mais,sur ces divers plans, il est loisible de qualifier de masculines ou de fminines, les diverses modifications, facults,nergies, etc., qui ressortissent l'un ou l'autre de ces Principes ; ainsi avons-nous qualifi Inah de fminine,parce qu'elle appartient plutt la Nature et la substance plastique ; et Hereb de masculin, parce qu'il constitue uneForce, et que, par son office de compacter la substance, il devient en quelque sorte le vhicule de la Forme, laquelle

    relve de l'Esprit. Qu'il nous suffise d'avoir attir l'attention sur ces singularits occultes, dont la raison d'tre, si elletait connue, pourrait conduire assez loin

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    et de la mort25.

    La douce colombe fait l'amour et bat des ailes partout o s'irradie la clartsidrale travers l'espace ; mais o l'obscurit domine, c'est le fief de l'precorbeau carnassier.

    Disons, pour prciser le point de vue spcial notre plante, que le soleil dardel'influence d'Inah sur l'hmisphre qu'il baigne de ses rayons, et quel'influence d'Hereb, lie aux phases de croissance et de dclin lunaires, selocalise dans le cne d'ombre que la terre trane sa suite, en gravitant par lescieux.

    Nous reviendrons en dtail sur cette organisation physique et hyperphysiquedu systme plantaire, laquelle sont subordonns le voyage cosmique desmes et toute la biologie de notre monde, non moins que l'existence positive etla localisation strictement dterminable (les sjours d'preuve et de flicitposthumes, connus ou souponns sous les noms de paradis, de purgatoire etd'enfer (voy. La Mort et ses arcanes).

    Ainsi, la substance universelle est rceptive d'une influence gmine : Inah larend fertile, plastique et configurative ; Hereb lui communique une forcecompressive et dvorante.D'o, deux proprits contraires dans la lumire astrale : l'une qui tend volatiliser le fixe, l'autre qui tend fixer le volatil.Dissoudre ici, pour concrter l26 L'lectricit nous offre, dans ses adaptations

    l'art galvanoplastique, une image sensible de cette double proprit : tandisque le mtal se corrode, au ple positif de l'appareil, les particules qui s'endtachent vont, charries par le courant, s'accumuler, se rpartir et se fixer la surface du moule ou de l'objet quelconque suspendu l'lectrode ngative.Cependant, par un mystre admirable qui contribue confirmer la grande loide l'harmonie par l'antagonisme des contraires27, la lutte mme des deuxprincipes devient fconde. Tous deux concourent, nous l'allons voir, en dpit deleur hostilit apparente, la gnration, la croissance, la succession desformes corporelles.

    Hereb, agent centripte, se manifeste, avons-nous dit, au cours du temps, etInah, agent centrifuge, se dploie travers l'espace. Or le temps et l'espacene sont-ils pas les conditions essentielles de toute existence physique ?

    25 Le mme symbolisme prside la terminologie des philosophes hermtiques. Ils nomment tte de corbeau la stasede dissolution, quand la matire, rduite en noir, semble toute dcompose et perdue (c'est le Nigrum nigro nigrius) ; et colombes de diane, la stase de rgnration de ladite matire, l'ablution du fixe par les larmes du volatil, quandla couleur blanche va paratre. Les colombes annoncent et prparent le rgime de Diane : alors nat la terre blanchefeuille (ou germe la semence de l'Or vif ).

    26 Solve, Coagula C'est l'Inscription double qui se lit sur les deux bras du Grand Androgyne d'Henry Khunrath,

    magnifique pentacle que nous avons reproduit et comment, au Seuil du Mystre.27 Voir liphas Lvi, qui nonce et dmontre cette loi (dogme et rituel, passim).

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    Ces deux actions, dit Fabre d'Olivet, selon la forme desquelles tout existedans la nature, issues de la mme source, sont ennemies ds leur naissance.Elles agissent incessamment l'une sur l'autre, et cherchent se dominerrciproquement, et se rduire leur propre nature. L'action compressive, plusnergique que l'action expansive, la domine toujours dans l'origine, etl'accablant pour ainsi dire, compacte la substance universelle sur laquelle elle

    agit, et donne l'existence aux formes matrielles qui n'taient pasauparavant28.

    Ce qui est vrai pour la condensation des nbuleuses, l'est aussi pour touteformation corporelle.

    La force crcitive, subjuguant sa complmentaire, condense la substanceoriginelle, selon tel type gnrique, dans la sphre d'action de tel rgne.Si nous examinons les rgnes vgtal et animal (o les individus, mieux dfinis,naissent, croissent, dclinent et meurent en des conditions cycliques plusaccessibles notre observation si borne), la victoire premire de la forcecompressive se manifestera vidente dans l'exemple de la semence, qui tientprisonnire en un si petit espace, et, pour ainsi dire, haute tension, lapotentialit d'un tre ; lequel, sous l'empire de la force inverse, va passer enacte, s'organiser, grandir, etc. A l'action succde en effet la raction : c'est letour de l'agent expansif, qui suscite l'tre son plein dveloppement, pousse la croissance du dedans au dehors, et favorise ainsi la btisse progressive d'uncorps matriel, qui s'difiera sur le patron du corps astral, et selon l'estampilleindividuelle imprime celui-ci par la facult plastique, efficiente de l'tre envoie d'incarnation.

    Cependant, la force compressive, centripte, s'exerce toujours du dehors audedans aprs avoir particip la cration de l'tre matriel29, en compactant lasubstance thre, il faut maintenant que cette mme Force accable sonouvrage, et agisse sur lui l'instar d'un ferment dissolutif. Le dynamismeconvergent d'Hereb n'a pas vari ; mais il produit des effets inverses, selonqu'il opre sur la substance non encore condense, ou sur la matire physique: dans le premier cas, l'action est cratrice ; elle est plus ou moinspromptement destructive dans le second cas.Rien n'est plus mystrieux, quand on y songe, que cette proprit inhrente au

    Temps, de tout modifier, altrer et dissoudre, d'une sorte lente, parfoisinsensible, mais inluctable et sans remde. Pourquoi cette fatale dcadencedes choses, cette usure progressive des formes matrielles ? Pourquoi(prcurseur d'une totale dissolution), ce dclin qu'inflige le vieux Saturne tous les tres qui peuplent l'tendue ? Enfin, pourquoi la vieillesse et la Mort,inversement complmentaires de la Naissance et de la Jeunesse ? C'est larplique d'Hereb au verbe universel d'Inah.

    Que la substance expansive, vivante, soit lie au principe de l'Espace, l'esprithumain le conoit sans peine ; mais il se persuade moins aisment de l'affinit

    28 Can, Lettre Lord Byron, page 3.29 Et, par consquent, collabor avec Inah.

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    secrte qui rattache au principe du Temps, l'insaisissable facteur de ladcrpitude et de la mort.

    Le Temps lui-mme est fort difficile saisir dans sa nature, comme reprsenter par une image sensible : comment pourrait-il affecter nosorganes corporels, puisque pass, il n'est plus ; que futur, il n'est pas ; que

    prsent, il est renferm dans un instant indivisible ? Le Temps est une nigmeindchiffrable pour quiconque se renferme dans le cercle des sensations, etcependant les sensations seules lui donnent une existence relative. Si ellesn'existaient pas, que serait-il ? Ce qu'il est : une mesure de la vie. Changezla vie, et vous changerez le Temps.

    Donnez un autre mouvement la matire et vous aurez un autre Espace30.

    Ainsi donc, comme Fabre d'Olivet le donne entendre avec sa profondeuraccoutume, le Temps procde de la Vie en fermentation, comme l'Espace, dela Matire en travail. Traduisons en hirogrammes mosaques : Kans'apparie Nephesh-ha-Chaah, comme Abel Hetz31, .

    On peut voir, dans le principe du Temps, la rgle de succession cosmique desformes phmres, o viennent s'laborer les mes en voie de rdemption, ou d'volution, car c'est tout un.

    Plus la vitalit des tres s'affirme intense, plus il semble que le Temps ait deprise sur elle, pour la tarir, en altrant, puis en ruinant les organismes quiconstituent les foyers de son laboration. L'action corrosive du Temps, trslente sur les minraux, dont l'me de vie est peine veille, se fait sentir

    davantage sur les exemplaires vgtaux ; cette action, plus intense encore surla moyenne des tres du rgne animal, devient foudroyante pour tels d'entreeux.

    Et cependant, les mes de vie distribues tous les tres n'en sont pas moinsles lments de conservation temporaire des organismes o elles s'incarnent.

    Il semble que ce soit l une contradiction, mais elle n'existe que dans lestermes.Nous savons qu'en tout tre organis, il y a plusieurs vies : depuis la vie

    universelle, quoi l'individu se rattache par l'intermdiaire de l'Espce, jusqu'la vie (rfracte) des cellules constitutives de son corps32. Ces extrmes, quitouchent l'absolu de l'unit d'une part, l'infini de la divisibilit de l'autre,n'appartiennent point en propre l'individu : dans l'intervalle se placelogiquement sa vie personnelle, synthtique par rapport aux vitalitscellulaires, mais subdivisionnelle par rapport la vie collective des tres. Cettevie moyenne, la sienne propre, la vie de son me est triple et quadruple,comme cette Psych mme.

    30 Fabre d'Olivet, Langue hbr. restit., tome I, pages -5.

    31 ,Identique au Hioul , rabbinique, et l'Hyl des Grecs.32 Et jusqu' la vie chimique des atomes dont les cellules sont formes.

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    Supposons-la intgralement dveloppe, chez l'homme parfait, par exemple ;elle se manifestera sous trois modifications : intellectuelle, passionnelle,instinctive. La vie passionnelle mdiane d'un individu constitue en effet le foyercentral de son existence proprement dite. Par sa vie intellectuelle suprieure,cet individu confine la vie collective de l'espce ; par sa vie instinctive,infrieure (vie du corps astral), il matrise les vitalits subdivises des cellules

    de son corps physique. Une quatrime vie, qui a sa racine dans le foyer centralde l'me, la vie volitive, englobe enfin les trois modifications susdites, pour lesramener l'unit.D'ailleurs, la vitalit cellulaire n'est point elle-mme le dernier terme de lasubdivision, pas plus que la vie collective de l'espce ne constitue le dernierterme de l'intgration : cette vie collective aboutit la vie universelle, intgrale; et pareillement, au-dessous de la vitalit des cellules, se place la vieatomique, dont tmoignent les affinits chimiques des atomes.

    Cela pos, l'apparente contradiction ci-dessus se rsout d'elle-mme. Nousavons dit que rgle gnrale le Temps exerce ses ravages en raisondirecte de l'activit vitale des tres, et qu'on doit nonobstant considrer lesmes de vie, comme les palladia d'phmre conservation des corps. Maisnous dsignons alors par me de vie la Psych elle-mme, la substance proprede l'tre individuel ; et par vitalit, la synthse de ces nergies biologiquesrfractes, qui sont comme les mes des cellules.

    H bien, la force hrbique du Temps fomente la vie chimique des atomes, et ce, en tendant relcher, puis dissoudre le lien sympathique qui tientgroupes, suivant une loi de hirarchie unitaire, les vitalits innombrables et

    infimes des cellules constitutives de l'organisme.Le lien sympathique mentionn n'est autre que le Corps astral. Sa ruptureoccasionne la libration de la Psych, autrement dit la Mort, dont la primeconsquence est l'anarchie dchane parmi les vitalits molculaires. Mais cesvitalits de cellules, n'tant que le produit d'une rfraction de la vie gnraleindividuelle, ne tardent gure s'teindre, l'instar de cette dernire : rien nematrise plus, ds lors, ce que nous avons appel la vie chimique des atomes ;bref, le jeu des affinits, (qu'asservissait ou, pour mieux dire, que rglaitnagure le principe agrgatif des vies), s'exerce enfin sans nulle contrainte :d'o la dcomposition organique, que certaines Larves33 fluidiques viennent

    activer encore, en y dveloppant des ferments spciaux de putrfaction

    Toutes ces ruines se rfrent au mystrieux ab, ; , de la primitive Kabbaleelles jonchent le domaine de la lumire ngative, laquelle reoit son impulsiond'Hereb, le principe universel constrictif (l'astringence de Jacob Bhme). Aussiles adeptes de certaine cole dsignaient-ils Hereb sous cette mystiquednomination : c'est le bras de Mouth (le bras de la mort) ; c'est l'agent duretour l'unit.Quant la lumire positive, Ad, nous l'avons vue gouverne par le principe

    33 Le mot Larve s'emploie souvent en magie comme synonyme de Lmure, c'est--dire dans un sens plus large quecelui de notre dfinition. C'est ici le cas. Cf. la Mort et ses arcanes.

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    expansif de l'universelle vivification, Inah (l'amertume de J. Bhme).

    Enfin, ces actions opposes se balancent et se temprent l'une par l'autre,dans les effluves de la lumire astrale quilibre, ar, .

    L'ar gnre intarissablement les formes matrielles, qui naissent, prennent

    leur dveloppement, puis dclinent, passent et se succdent, grce auconcours des deux Puissances hostiles, dont l'ternel conflit a la fcondit d'unembrassement d'amour.

    Cette mutualit (cratrice et destructive tout ensemble) apparat rgle parl'empire qu'exerce sur l'Ar certain agent occulte, Nahsh, qui est le principemme de la divisibilit indfinie et de l'gosme outrance : attributions quisemblent s'exclure, et s'unifient nanmoins en lui. Cet agent n'est pas moinsque le Diable, au sentiment de plusieurs mystiques.

    En tout tre qui s'incarne ici-bas, il fomente un Moi terrestre, infrieur,passager, exclusif et ambitieux de s'tendre aux dpens d'autrui. Pareillement,il dote d'une tendance froce l'autonomie (nous allions dire qu'il revt d'unsimulacre de Moi) chacune des cellules constitutives de tout corps organis,chacun des atomes groups pour former ces cellules. D'o, un rsultat quenous avons signal plus haut : tant que le corps astral, ou frein agrgatif desvies, dploie la puissance de matriser toutes ces vitalits fragmentaires, nonseulement elles restent soumises ; bien plus, elles concourentharmonieusement l'existence commune. Mais que ce frein vienne faiblir, etl'anarchie se dclare parmi ces infimes vitalits : la mort s'ensuit, et ladcomposition commence. En un mot, l'Agent qui nous occupe multiplie sous

    toutes les formes et attise chez tous les tres le sauvage instinct du strugglefor life Si le dmon n'est pas un mythe, en vrit, voil bien son signalement. Cre encor pour dtruire, et dtruis pour crer, clame vers Dieu le Luciferde Lord Byron. Lucifer se trompe d'adresse. Ce n'est point Dieu, c'est lui-mmequ'il devrait interpeller ainsi, lui-mme, aveugle Dmiurge du mondeinfrieur, despote de l'Astral, implacable de fatidique inconscience, et dontl'instinct seul vivace s'agite et se multiplie, indiffrent au mal comme au bien.

    Fauteur de toute division, n'est-il point cet Antchrist virtuel, que le Fils del'homme est venu combattre et terrasser ? Notre Seigneur Jsus-Christ lenomme positivement le Prince de ce monde : Confidete ! Ego vici mundum !

    Princeps hujus mundi ejicietur foras !

    Nos Lecteurs savent dj son vrai nom : Nahsh. C'est par de potiques fictionsqu'on l'a personnifi sous les appellations de Satan, de Lucifer, du Diable, etc.

    Il n'est point une personne distincte, mais une Puissance impersonnelle ; aucontraire, un agent occulte de la cration. Il domine d'en bas sur l'ar, demme qu'Inah et qu'Hereb, ses termes de polarisation34 (relatifs aux flux etreflux de Nephesch-ha-chaah, l'me universelle vivante) dominent de droite etde gauche sur ad et ab, les courants de lumire positive et ngative.

    34 L'on ne saurait s'tonner qu' dfaut d'un vocabulaire adquat et lorsque nous traitons un sujet inou (au sens radicalde ce terme), nous soyons contraint quelques peu prs d'expression.

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    Nahsh, dragon-sphinx, proposant l'nigme de son inqualifiable essence auxdipe du mysticisme, offre leur sagacit un sujet de constante mditation.Son origine se rfre aux plus vertigineux arcanes de la Nature et de la Vie.Faire la lumire intgrale sur Nahsh, quivaudrait rsoudre le problme dumal.

    Un thosophe allemand a eu l'audace d'affronter le monstre dans sa caverneoriginelle. Jacob Bhme a perscrut la racine tnbreuse des choses ; il ena dcrit le pivot, qui est Nahsh. Mais Bhme ne le connat pas sous ce nom :il l'appelle le vortex ou le tourbillon d'angoisse, et en fait la troisime propritde son abme virtuel. Les deux premires proprits ennemies dont l'treinterciproque engendre la troisime, sont les potentialits compressive etdilatante35, o l'on ne peut se dfendre de voir les principes radicaux d'Herebet d'Inah. Ces trois vertus combines36 concourent un ensemble que Bhmequalifie de racine tnbreuse de l'tre, antrieure toute manifestation d'icelui: c'est la matrice occulte de l'ternelle Nature37, tourmente d'une apptence gnrer la vie, apptence qu'il dfinit l'attract originel. Singulire rencontre !Ce sont les propres termes que choisira Fabre d'Olivet, pour traduirel'hirogramme hbreu Mais elle se tordrait jamais strile, cette angoissemagique du possible qui voudrait tre, elle s'puiserait en efforts impuissants,si Dieu n'y dardait un rayon de sa lumire invisible : le roach elohm de laGense. Sous l'influx divin, la roue d'angoisse s'allume38, et le dsir devientplaisir : de l s'engendre le feu-principe ou mdium universel du thosopheallemand.

    Nous empruntons en passant ces quelques traits fragmentaires au systme de

    Bhme, parce qu'ils offrent, avec l'objet de ce chapitre, des rapports frappantset d'intrt majeur. Cependant, s'il y a correspondance analogique, il n'y apoint identit. On fera bien d'y prendre garde. Le feu-principe, notamment,n'est pas la lumire astrale, cosmique ; mais sa source universelle, cleste39

    Retenons seulement que le principe originel de Nahsh tient au mystre detoute gnration ontologique, et que, dans les profondeurs du limbepotentiel, Nahsh est encore le point de soudure entre l'Homme et le Cosmos, natre tous deux.

    Au demeurant, c'est surtout Mose qu'il faut interroger, touchant Nahsh. Le

    thocrate d'Isral n'est point seulement l'diteur (l'auteur peut-tre) de cethirogramme ; historien, par surcrot, de l'tre ambigu qu'il nomme ainsi, Mosea trac une page dcisive de sa lgende sotrique, au troisime chapitre duBershith.

    35 L'astringence et l'amertume, selon la terminologie trange que lui a fidlement conserve son traducteur franais, lemarquis de Saint-Martin, mais le thosophe d'Amboise est loin d'avoir toujours compris Son divin Bhme .

    36 Les trois proprits du Dsir (Bhme).37 L'enfer est la matrice du Macrocosme (Paracelse).

    38 lmentisation lumineuse.39 Ainsi du reste. Le grand mystique traite des principes de la cleste Nature, conue antrieurement la dchance.

    Ce dcor ternel une fois pos, Bhme passe seulement aux drames de la chute des anges et du p ch originel.

    En ce tome, au contraire, nous acceptons la chute comme un fait accompli : nous traitons de la Nature d chue, sanschercher ce qu'elle pouvait tre avant la catastrophe.

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    Il dsigne sous cette appellation, l'Agent primordial de la chute, le Tentateurdnal ; sous ce mme nom, les Bibles vulgaires dsignent un serpent,subtil animal des champs40 , et le scoliaste agnostique ajoute en marge : c'est--dire le dmon, dguis sous cette apparence.

    Nahsh, crit Fabre d'Olivet, caractrise proprement ce sentiment intrieur etprofond qui attache l'tre sa propre existence individuelle, et qui lui faitardemment dsirer de la conserver et de l'tendre. Ce nom, que j'ai rendu parcelui d'attract originel, a t malheureusement traduit dans la version deshellnistes par celui de serpent ; mais jamais il n'a eu ce sens, mme dans lelangage le plus vulgaire. L'hbreu a deux ou trois mots, entirement diffrentsde celui-l, pour dsigner un serpent. Nahsh est plutt, si je puis m'exprimerainsi, cet gosme radical qui porte l'tre se faire centre et tout rapporter lui. Mose dit que ce sentiment tait la passion entranante de l'animalitlmentaire, le ressort secret ou le levain que Dieu avait donn la nature. Ilest trs remarquable que le nom employ ici par l'crivain hirographe pourexprimer cette passion, ce ressort ou ce levain, est Harym, le mme queZoroastre, parmi les Perses, avait employ pour dsigner le Gnie du MalAinsi, d'aprs l'esprit du Sepher et la vraie doctrine de Moyse, Nahsh Harymne serait pas un tre distinct, indpendant, mais bien un mobile centraldonn la matire, un ressort cach, un levain agissant dans la profondit deschoses, que Dieu avait plac dans la nature corporelle pour en laborer leslments41. C'est de ce levain, insparable pour nous du fluide universel qui constitue sabase de manifestation, c'est de ce levain que parle Quantius Aucler,

    l'hirophante paen de la Thrcie, dans une page tonnante, o il effleure legrand problme de la biologie sidrale.

    Vous avez des ides bien grossires : vous pensez que ces globes lumineux,qui gardent toujours leurs places dans un fluide qui ne peut les soutenir ; qui,dans des oppositions et divers aspects, ont des marches toujours rgulires,ont t placs sur vos ttes pour amuser vos yeux et les calculs de vosastronomes ! Il n'y a dans la nature que des corps morts ou vivants ; tout cequi est mort n'est pas vivant ; tout ce qui est vivant n'est pas mort.

    Il y a un ferment qui est l'esprit () qui joint l'me au monde : son action est

    continuelle ; il change tout, c'est le grand Prote ; il dissout les tres morts, et illes prpare, en les dissolvant, tre le lieu o de nouveaux tres, d'unemanire que vous ne pouvez pas mme maintenant souponner, viennent dugrand abme de la Nuit pour se corporifier. Si vous savez interprter l'Hymne la nuit d'Orphe, vous aurez un des premiers points de la Doctrine : voussaurez comment tout se forme, vous pourrez voir vos yeux sans miroir, etbranler les cornes du taureau.

    40 Les modernes traducteurs, qui n'y voient point malice, suivent la remorque de saint Jrme mystifi et des Septantemystificateurs.Chacun peut se reporter l'Introduction gnrale du Serpent de la Gense (tome I, page 20-2), onous avons transcrit le texte hbreu du verset en litige, avec les deux traductions, exotrique et sotrique en

    regard.41 Can, p. 3-35, passim. Esprit est employ par Aucler dans le sens de spiritueux, et non pas de spirituel.

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    Ce ferment n'agit pas sur les corps vivants42, parce que l'Animus qui lesinforme, les maintient, est plus fort que le ferment qui tend les dissoudre,tant d'une nature suprieure. Si le ferment pouvoit quelque chose sur lestres, il les disposeroit recevoir de nouveaux Animus, qui de l'abme de laNuit, viendroient se corporifier ; ainsi il les dissoudroit. Il faut donc qu'ils aient

    quelque chose en eux qui repousse les atteintes du ferment et qui soitsuprieur cet esprit ; il faut donc qu'ils aient en eux chacun un animus qui lesinforme, qui maintient leur forme et qui repousse l'action du ferment : ainsi ilsvivent donc. Si la terre n'toit pas anime, le ferment aussi la dissoudroit, et ladisposeroit recevoir de nouveaux tres qui rongeroient les rcoltes,tourmenteroient les espces primitives, leur nuiroient, les dtruiroient ; et ellesne seroient plus alors une simple altration, mais ne ressembleroient plus auxides archtypes.

    Le propre du cadavre est de tomber ; c'est de l qu'il est appel cadavre acadendo ; le propre de l'tre vivant est de se dresser et de se soutenir, parcequ'il a le principe de son mouvement et de sa vie en lui. C'est ainsi que jesoutiens mon bras, que je dresse ma tte ! Si les astres n'toient que descadavres, ils tomberoient ; c'est--dire qu'ils se rassembleroient dans un mmelieu, selon les lois de la pesanteur43.

    L'opinion qu'exprime Aucler ne doit point surprendre, bien que le sentimentcontraire ait prvalu. Elle est conforme la doctrine secrte de tous les Sagesde l'antiquit.

    L'on enseignait partout dans les temples que l'Univers est anim. Sur ce point

    tombaient d'accord les deux coles rivales, thosophique et naturaliste, que divisait pourtant la question fondamentale de la Divinit. Soit que lespenseurs ne reconnussent point de Cause premire en dehors de la Natureproductrice, immanente l'Univers qu'Elle engendre ternellement ; soit qu'ilsadmissent l'existence indpendante d'un tre ineffable qui, principe de cetteNature, en demeure nanmoins distinct : le Macrocosme tait pour eux un trevivant, dans son ensemble comme dans ses parties.

    Tous les initis du monde antique, Herms, Zoroastre, Pythagore, Platon, les

    42 Ceci n'est point tout fait exact. Le ferment agit sur les corps vivants ; il les vieillit et tend les dissoudre, mais lalongue C'est ce que nous avons tch de faire comprendre plus haut. Nous avons ajout que cette immunitrelative et temporaire tait due l'nergie ractive des mes de vie.

    43 La Thrcie, ou la seule voie des Sciences divines et humaines, par Quantius Aucler. Paris, an VII de la Rpublique, in-8 (pages 228-230). Si cet ouvrage n'tait crit d'un style inculte, rocailleux jusqu'

    devenir insupportable par endroits, il mriterait coup sr les honneurs de la rimpression, dont on se montre sitourdiment prodigue de nos jours d'autant plus qu'il est devenu fort rare. Le fragment que nous reproduisons l peutcompter parmi les moins mal crits ; encore avons-nous d amender la ponctuation de l'hirophante. liphas (LaScience des esprits, page 22) a eu le tort de ridiculiser Quantius Aucler. La Thrcie constitue, telle quelle, un traitde paganisme occulte, tout fait unique en son genre, et dont on ne saurait trop recommander la lecture auxamateurs de mysticisme. Ils y trouveront de piquants dtails, et, qui mieux est, quelques vues infiniment prcieuseset qu'ils seraient fort empchs de dcouvrir nulle autre part. La doctrine sotrique y est prsente sous une formepolythiste, d'un archasme trange et savoureux. L'ouvrage n'est pas moins singulier que remarquable et difficile

    trouver en librairie. La Thrcie tait un des livres de chevet du noble pote des Chimres. On peut consulter lanotice qu'il a consacre son auteur (Les Illumins, par Grard de Nerval, Paris, 82, in-2, p. 38-35).

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    Kabbalistes, les Alexandrins, etc., pensaient ainsi. Mais n'allez pas en induireque Pythagore, par exemple, s'il revivait de nos jours, s'inscrirait en faux contreNewton, et le systme de l'attraction universelle. De ce que les corps clestess'attirent mutuellement, en raison directe des masses, et en raison inverse ducarr des distances, il ne rsulte pas qu'ils soient inanims. Le mcanismeinvariable de leur gravitation n'implique rien contre l'hypothse en litige. Vie et

    Libert ne sont point synonymes. Ce chne, de l'aveu de tous, est vivant :mais sa croissance n'en est pas moins soumise des lois fixes ; il se revt deson feuillage et s'en dpouille, selon les alternatives des saisons. Cet hommeest vivant : mais une loi indpendante de sa volont n'en rgle pas moins chezlui la circulation du sang ; il n'est point libre d'arrter les battements de soncur Les Matres de l'antique Sagesse contesteraient d'autant moins lemcanisme de la gravitation universelle, que ncessairement ils furent amens en construire la thorie, par suite de la connaissance trs certaine et trsapprofondie qu'ils avaient acquise, non seulement des forces centripte etcentrifuge, mais encore, comme nous l'avons laiss entendre, des essencesoccultes dont ces forces ne sont que la rsultante sur le plan physique.

    Que si notre assertion semblait tmraire, et qu'on suppost les anciensthosophes trop arrirs en cosmologie pour se pouvoir lever de pareillesnotions, il nous serait facile de prouver aux incrdules, que la doctrine secrtedes temples comportait les thories le plus en faveur aujourd'hui, thoriesdont la science se fait gloire comme de rcentes conqutes, et que sesAristarques ont enregistres depuis deux ou trois sicles peine, aprs lesavoir revtues de leur haute sanction. Les Pythagoriciens n'enseignaient-ils pasouvertement, au grand scandale des profanes, que la Terre gravite autour duSoleil ? Aristote nous en est garant. Ne lit-on point dans le Zohar que la Terre

    tourne sur elle-mme en forme de cercle ; que les uns sont en haut, les autresen bas ; qu'il y a telle contre de la terre qui est claire, tandis que lesautres sont dans les tnbres ; que ceux-ci ont le jour quand pour ceux-l il faitnuit ; et qu'il y a des pays o il fait constamment jour, o du moins la nuit nedure que quelques instants44 ?

    Voil cinq lignes qui, connues ou ignores de Copernic, rduisent peu dechose son mrite d'inventeur. Du reste, les tmoignages que nous avonsproduits sont loin d'tre des faits isols. Le systme anticip de Copernic setrahit sous la plume d'un grand nombre