Upload
hoangdat
View
212
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
Marion LEBLANC Ceméa MJPM 6 Lille - session sept 2014 /juin 2015
CNC Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs
DOSSIER PROFESSIONNEL
L’amélioration de l’état sanitaire du majeur
protégé est-elle le seul indicateur pour un
allègement de mesure ?
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 2/70
SOMMAIRE
Liste des abréviations les plus utilisees ...............................................................3
Remerciements ...........................................................................................4
Présentation personnelle ................................................................................5
Présentation du lieu de stage ..........................................................................8
Présentation du stage .................................................................................. 13
Dossier professionnel .................................................................................. 15
Introduction ............................................................................................... 15
1. Présentation de la situation du majeur protégé. .................................................. 17
1.1. Histoire de vie du majeur 17
1.1.1. Informations personnelles et professionnelles. 17
1.1.2. Informations financières et patrimoniales. 18
1.1.3. Informations médicales. 18
1.2. Histoire de la mise sous protection judiciaire. 19
1.2.1. Le contexte 19
1.2.2. Le requérant 19
1.2.3. Le certificat médical circonstancié 20
1.2.4. Ordonnance de placement sous sauvegarde de justice sans mandat spécial 21
1.2.5. Ordonnance de désignation d’un mandataire spécial. 21
1.2.6. Audition du majeur protégé 23
1.2.7. Audience et jugement de tutelle 23
2. Prise en charge de la mesure de protection ........................................................ 26
2.1. Les actions menées avant mon intervention 26
2.1.1. Prise en charge de la mesure de sauvegarde de justice 26
2.1.2. Prise en charge de la mesure de Tutelle 33
2.1.3. Bilan des actions 35
2.2. mon intervention 36
2.2.1. Prise en charge du dossier et rencontres avec Paul 36
2.2.2. La mesure est-elle adaptée compte tenu de l’évolution de son état de santé ? 41
2.2.3. Mes investigations 43
Conclusion ................................................................................................. 46
Annexes .................................................................................................. 47
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 3/70
ANNEXES
ANNEXE 1 Ordonnance désignation d’un mandataire spécial 47
ANNEXE 2 Fiche consultation dossier 49
ANNEXE 3 Ordonnance mandataire spécial : Mission complémentaire 52
ANNEXE 4 Jugement de Tutelle 53
ANNEXE 5 Fax de l’assistante sociale de la maison de cure médicale 56
ANNEXE 6 Rapport d’ouverture 57
ANNEXE 7 Extrait DIPM 59
ANNEXE 8 Extrait Avenant au DIPM 63
ANNEXE 9 Planning de suivi du dossier 66
ANNEXE 10 Actions restant à mener à court et moyen terme 69
LISTE DES ABREVIATIONS LES PLUS UTILISEES
Abréviation Définition
MDPH Maison départementale des Personnes Handicapées
AAH Allocation Adultes Handicapés
PCH Prestation de compensation du Handicap
MVA Majoration Vie Autonome
PCR Prestation Complément de Ressources
CCAS Centre Communal d’Action Sociale
MSA Mutuelle Sociale Agricole
ALS Allocation Logement sociale
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 4/70
REMERCIEMENTS
A l’équipe du centre de formation des Ceméa
La Direction,
L’équipe pédagogique
Le personnel administratif
A l’équipe de l’AGSS de l’UDAF du territoire des Flandres
La Direction,
Les délégués tutélaires et plus particulièrement mon référent
Les agents administratifs et le secrétariat
A ma famille et mes amis qui m’ont soutenue et supportée tout au long de l’année
Plus particulièrement Antoine mon compagnon et mes 2 filles Emma et Sarah-Lou
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 5/70
PRESENTATION PERSONNELLE
J’ai 42 ans, j’habite Gravelines avec mon compagnon rencontré lorsque j’étais étudiante à
Toulon. Nous avons 2 filles âgées de 10 et 7 ans. Je suis en reconversion professionnelle après 13
années d’expérience professionnelle en tant que Contrôleur de Gestion Budgétaire.
a) Mon enfance
Mes parents sont issus d’un milieu ouvrier, ma mère travaillait à la sécurité sociale et mon
père a bénéficié des IPES1 et a obtenu un CAPES2 Sciences Physiques.
Le goût du voyage, le désir de ma mère d’élever ses enfants et le rêve d’une vie plus
confortable les incitent à partir à l’étranger. Mon père sera détaché auprès du Ministère des
Affaires Etrangères pour enseigner au lycée Razi de Téhéran pendant 3 ans puis au lycée Victor
Hugo à Marrakech pendant 6 ans.
En 1981, après 9 années extraordinaires passées à l’étranger, nous rentrons en France. Nous
habiterons successivement à côté de Cherbourg où mon père obtient un poste de Principal de
collège puis à Orléans. Ma mère reprendra une activité professionnelle en 1988 après avoir élevé
ses trois enfants.
Je peux prétendre avoir vécu dans un milieu privilégié au sein d’une famille unie m’ayant
transmis une éducation et des valeurs saines comme la tolérance et le respect d’autrui. Mes
expériences de part mes séjours en France et à l’étranger ont été riches de rencontres et m’ont
permis d’acquérir une capacité d’adaptation et une ouverture d’esprit qui ont toujours été
appréciées.
b) Mes études
Ma scolarité s’est passée sans encombre, j’étais une élève studieuse et travailleuse. J’avais à
cœur de défendre ceux qui étaient mis de côté parce qu’ils étaient différents et je m’opposais à
l’injustice.
Après un BAC série D3, j’opte pour un DEUG4 de Sciences économiques à l’Université d’Orléans
pour la pluridisciplinarité. Je m’oriente ensuite vers l’Evènementiel mais le contenu de la
formation effectuée à l’Université de Toulon ne correspond pas à mes attentes. Je reste
néanmoins dans le Sud et continue mes études par une Maîtrise de Sciences de Gestion. Je suis
particulièrement attirée par le Contrôle de Gestion, qui nécessite rigueur, organisation, capacité
de travail, goût du chiffre et bon relationnel autant de qualités me correspondant.
1 Institut Préparatoire à l’Enseignement Secondaire. 2Certificat d'Aptitude au Professorat de l'Enseignement du Second degré, diplôme du Ministère de l’Education Nationale.
3 Biologie, Mathématique et Sciences physique. 4 Diplôme d'études universitaires générales.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 6/70
c) Mon expérience professionnelle
Je décroche mon premier emploi suite à mon stage de fin d’étude chez Dalloyau à Paris. La
directrice ravie de la mission accomplie et de mon investissement personnel, me propose de
remplacer l’assistante du directeur commercial pendant son congé maternité.
A l’issue de ce remplacement ma recherche d’emploi pour un poste de contrôleur de gestion
n’est pas aisée. L’étiquette d’assistante commerciale me colle à la peau et mon niveau d’anglais
est trop léger au regard des recruteurs. Le programme Leonardo via l’ANPE1 Internationale qui
associe cours de d’anglais et stage à l’étranger est alors un véritable tremplin. L’expérience au
sein du département finance d’une entreprise du Devon2 m’ouvre toutes les portes. J’obtiens
dès lors des missions variées dans des entreprises internationales toutes très différentes en
terme d’organisation et d’activité (Téléphonie, construction et services aux entreprises
pétrolières, traitement de déchets et BTP3).
Mon travail consiste à recueillir les informations financières auprès des divers services
(comptabilité, RH, opérationnel, commercial…) pour les « reporter » à la direction. La première
étape nécessite un bon relationnel, un travail sur les outils et les procédures permettant
d’extraire les données, mais aussi de former, d’informer et de sensibiliser mes interlocuteurs
aux procédures et aux méthodes de travail. Après avoir fiabilisé, vérifié et analysé les données,
elles sont retranscrites dans un format et selon une périodicité établie. Je suis autonome et très
impliquée dans mon travail qui nécessite méthode, disponibilité et perspicacité.
En 2007, pour suivre mon compagnon muté à Calais, je démissionne. Pour faciliter mon retour
à l’emploi nous nous installons à Gravelines à mi-chemin entre Calais et Dunkerque. Mon profil
de Contrôleur de Gestion Budgétaire n’est malheureusement pas en adéquation avec la majorité
des postes proposés sur le Littoral (exigence de double compétence comptable/contrôleur de
gestion ou contrôle de gestion industriel). Je parviens toujours à trouver un emploi, mais même
en mettant toute mon énergie dans les missions confiées, j’ai du mal à m’épanouir. Le manque
d’humanité, de cohésion dans le travail et le climat délétère qui règne dans l’Entreprise me
pèsent de plus en plus.
d) Ma reconversion
L’insatisfaction mais aussi l’exemple de la reconversion 4 réussie de ma sœur aînée
m’encouragent fortement à changer de voie. Seulement je n’ai pas d’idée précise du métier vers
lequel me diriger. Je ne souhaite pas un changement radical. Je cherche un projet en cohérence
avec mes compétences, où les relations humaines tiennent une place essentielle. Un métier où
1 Agence Nationale pour l’Emploi 2 Comté au sud-ouest de l’Angleterre. 3 Bâtiment et Travaux Publics. 4 Cartographe géomaticienne, elle reprend des études et obtient son diplôme d’infirmière à 40 ans, elle travaille en hospitalisation à domicile (HAD) puis en libéral depuis fin 2012.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 7/70
je puisse aider, conseiller, accompagner des personnes en difficulté dans leurs démarches
notamment administratives.
Le documentaire d’Envoyé Spécial « la vie sous tutelle » diffusé en février 2014 est pour moi
une révélation. Je me projette dans le métier de Mandataire Judiciaire à la Protection des
Majeurs mettant au service de la personne mes compétences de gestionnaires, avec la possibilité
d’exercer avec un statut d’indépendant satisfaisant mon aspiration à être autonome dans mon
travail.
Après une enquête métier et des échanges avec des professionnels1, je décide de me lancer
dans cette voie et postule à la formation des Céméa à Lille afin d’acquérir les connaissances
nécessaires au métier et d’obtenir le CNC MJPM2. Après un parcours du combattant, Pôle emploi
valide mon projet et son financement.
Aujourd’hui, je suis ravie d’avoir eu l’audace de me remettre en question et de m’être
lancée dans cette voie. Le contenu de la formation, l’expérience du stage, l’ambiance de travail
et les personnes rencontrées (partenaires, majeurs protégés) m’ont énormément apportée et
confortée dans mon choix.
1 Délégué tutélaire d’Ariane Dunkerque, MJPM privé exerçant dans le 82, information auprès de la DRJSCS et consultation du schéma régional 2 Certificat National de Compétences Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 8/70
PRESENTATION DU LIEU DE STAGE
J’ai effectué mon stage au sein de l’AGSS de l’UDAF du Nord, antenne des Flandres
a) Présentation de L’UDAF (Union Départementale des Associations Familiales)
L’UDAF est la représentation départementale de l’UNAF (Union Nationale des Associations
Familiales). Cette association, loi 1901, a été instituée au lendemain de la seconde guerre
mondiale dans une France en pleine reconstruction politique, économique et sociale. Le
repeuplement de la France est au cœur des préoccupations. Il s’ensuit un grand nombre de
mesures sociales et familiales mais aussi une volonté politique d’unir et de faire progresser les
divers mouvements familiaux. L’UNAF se voit confier le monopole de la représentation des
familles.
Les 100 UDAF (au niveau départemental) ont les mêmes prérogatives que l’UNAF (au niveau
national) et que les 22 URAF (au niveau régional). Structure, rôle et prérogatives sont inscrits
dans le Code de la Famille de 1956, adaptés et modifiés par la loi de 19751.
L’UDAF du NORD compte aujourd’hui près de 110 associations familiales réparties dans
le département qui assurent des missions à caractère social, éducatif et économique en
direction des familles et des personnes les plus démunies et les plus fragiles.
Elle s’investit dans le champ de l’action sociale et plus particulièrement dans le domaine des
tutelles et de l’accompagnement aux familles.
En 1953, un service social spécialisé est créé pour assurer les mesures « Tutelle aux
Allocations Familiales » (TAF) et de « Surveillance Educative » (SE) ordonnées par le juge des
enfants du département.
1 Loi 1975-735 sur les Institutions sociales, rénové par la loi 2002-2
Ses services et activité
- Observatoire des familles
- Service Régional d’Information et de soutien aux Tuteurs
Familiaux
- Point Info Famille
- Bureau d’Aide Educative et Budgétaire
- Gestion des mesures de Tutelle
Ses quatre grandes missions
- Représenter officiellement l’ensemble des familles, désigner et proposer des représentants
auprès des organismes départementaux,
- Donner avis aux Pouvoirs Publics,
- Gérer tout service d’intérêt général,
- Exercer au nom des familles, toute action civile auprès des juridictions compétentes.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 9/70
b) Présentation de l’AGSS de l’UDAF du Nord
L’Association de Gestion des Services Spécialisés, association loi 1901, a été créée en 1958 par
l’UDAF du Nord pour assurer la gestion des services spécialisés TAF et AE qu’elle avait jusqu’alors
en gestion directe.
L’AGSS a été autorisée pour l’exercice de 4615 mesures de protection. A la suite d’un appel à
projet, en date du 11 décembre 2012 ce nombre maximum a été porté à 4915. Elle gère
actuellement 4882 mesures de protection de majeurs.
En fonction :
-du type de mesure
-du lieu d’habitation du majeur protégé
Répartition des 4882 mesures de l'AGSS tout territoire confondu en %
(avril 2015)
Sauvegarde de
justice
1%
Curatelle simple
2%
Subrogé tuteur ou
curateur
0%
Tutelle aux biens
et à la personne
4%
Curatelle aux biens
ou à la personne
7%
Tutelle Biens ou à
la personne
43%
MAJ
0%
Curatelle renforcée
43%
30%
70%
0%
20%
40%
60%
80%
100%
A domicile
En établissement
Ses activités :
- Protection de l’enfance,
- Protection des personnes vulnérables,
- Aide à la parentalité,
- Contentieux familial,
Présente sur tout le département du
Nord avec 7 antennes réparties par
territoire (Lillois, Avesnois, Douaisis,
Cambraisis, Flandres, Valenciennois
et Roubaix-Tourcoing).
http://agss-udaf.org/
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 10/70
c) Présentation du service Majeurs Protégés de l’AGSS de l’UDAF
antenne des Flandres.
Ouverte en 1994, l’antenne est passée en 20 ans de 10 à 562 mesures. Cette croissance
exponentielle jusqu’en 2011 (544 mesures) augmente faiblement depuis cette date.
Le territoire des Flandres représente 11.7% du nombre des mesures de l’AGSS de l’UDAF du
Nord.
Composition du service
Soit une moyenne de 65 mesures par temps plein
En fonction :
-du type de mesure
-du lieu d’habitation du majeur protégé
Répartition des 562 mesures de l'AGSS sur le territoire des Flandres en
%
(avril 2015)
Curatelle renforcée
19%
MAJ
0%
Tutelle Biens ou à la
personne
34%Curatelle aux biens ou
à la personne
33%
Tutelle aux biens et à
la personne
13%
Subrogé tuteur ou
curateur
0%Curatelle simple
0%Sauvegarde de justice
1%
33%
67%
0%
20%
40%
60%
80%
100%
A domicile
En établissement
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 11/70
Les points sont fonction
- du type de mesure,
- du lieu de vie du majeur protégé
En établissement
A domicile
- de la phase de la mesure :
d) Une organisation en pleine mutation
Actuellement, le service Majeur protégé du territoire des Flandres est en pleine phase
d’expérimentation au niveau de l’attribution des mesures des délégués, de l’organisation de
travail des agents et de la phase d’ouverture des mesures.
Système d’attribution des mesures
Les mesures sont attribuées à chacun des délégués en fonction de son secteur et de sa charge
de travail calculée en nombre de points.
Cette organisation a 2 objectifs :
- Concentrer les mesures des délégués sur une zone géographique afin d’optimiser les
distances entre les visites.
- Equilibrer l’attribution des mesures grâce à un secteur géographique commun.
Pour ce faire le territoire des Flandres a été subdivisé en deux territoires : Flandre
Intérieure et Flandre Maritime. Chacun de ces sous territoires a été subdivisé en 3 secteurs
avec un secteur commun : Dunkerque pour la Flandre Maritime, Hazebrouck pour la Flandre
Intérieure.
Coexiste encore un système d’attribution des mesures en fonction du type d’hébergement
(établissement ou domicile). A terme ce système va disparaître.
Dès lors qu’il y a une ouverture/fermeture, un changement géographique du lieu de résidence
du majeur protégé, c’est le délégué en charge du secteur qui obtient ou perd la mesure.
Ainsi s’il a un excès de points on lui enlève des mesures sur le secteur géographique commun
pour les attribuer aux autres délégués déficitaires intervenant sur ce secteur.
A contrario s’il y a un déficit de points on lui ajoute des mesures du secteur géographique
commun qui sont enlevées aux délégués excédentaires.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 12/70
Spécialisation du travail des agents tutélaires.
Avant le 1er février 2015, l’organisation du travail consistait à attribuer un temps plein
d’agent tutélaire pour 2 temps pleins de délégué à la tutelle.
Désormais les agents sont attribués à un « pôle » dans le but de spécialiser les agents dans 2
des 9 pôles suivants : majeur employeur, état civil, factures, logement, ouverture/ fermeture
de mesure, patrimoine, ressources, santé, surendettement/Juridique
Phase d’ouverture
Avant 2012, un délégué était spécialisé dans l’ouverture des mesures. Au bout de 3 mois, la
mesure était transférée vers un autre délégué. Désormais l’ouverture d’une mesure se fait en
binôme. Le délégué en charge de la mesure est accompagné pendant les premières visites par le
délégué spécialisé. Cet accompagnement a pour but de sécuriser la première rencontre,
d’instaurer avec le majeur protégé un climat de confiance et de conseiller le délégué sur le
suivi. Toutes les démarches administratives pendant ces 3 premiers mois sont effectuées par le
pôle « ouverture/fermeture » permettant ainsi une centralisation de l’information et un suivi du
dossier sur tous les fronts.
Premier Bilan de la réorganisation
L’organisation en binôme pour les ouvertures est très positive et a déjà fait ses preuves. Elle
sécurise et encadre la phase d’ouverture de la mesure autant du point de vue administratif que
du point de vue relationnel.
L’organisation par pôle, comme toute nouvelle réorganisation connaît une mise en route
difficile. Elle remet en cause la manière de travailler et chacun doit retrouver ses marques. Des
points réguliers sont faits avec la directrice du territoire et le chef de service pour réajuster
l’organisation en fonction des remarques de chacun. Cette organisation, en pleine évolution,
sera à terme profitable car la spécialisation du travail des agents engendrera une meilleure prise
en charge administrative des dossiers des majeurs évitant oublis et négligences.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 13/70
PRESENTATION DU STAGE
Mon stage s’est déroulé du 1er décembre 2014 au 17 avril 2015 et a été prolongé du 18 mai
2015 au 19 juin 2015 pour me permettre de travailler sur le dossier professionnel et de continuer
à me former.
J’ai été très bien accueillie par l’équipe qui été d’une grande disponibilité.
Pendant les 2 premières semaines de décembre, mon référent de stage avait organisé un
planning où j’accompagnais les délégués dans leurs visites aux majeurs protégés. Cela m’a
permis d’observer les postures professionnelles et la manière de travailler de chacun. J’ai pu
assister au tribunal de Dunkerque à un 1/2 journée d’audiences de révision de mesures. Je suis
également allée avec la chef de service consulter au greffe du tribunal d’instance de Dunkerque
le dossier d’une nouvelle mesure.
Avec les fêtes de fin d’année et la réorganisation des bureaux en vue de la création des
« pôles », j’ai été beaucoup plus sédentaire. Mon référent, m’a confiée certaines actions à
accomplir : préparation de requêtes de placement de fonds pour des majeurs sous tutelle, mise
à jour des budgets en vue de visites, préparation d’un état de paiement de loyers suite à une
résiliation de bail. Etc. Il m’a laissé toute latitude dans la prise en charge de la tâche à
accomplir avec toujours au préalable une explication des tenants et aboutissants. Souhaitant
également connaître le travail des agents, il m’a fait remplir certains dossiers qui leur sont
attribués : demandes d’aide au logement, de CMU, dossier MDPH, courriers administratifs… J’ai
travaillé sur le modèle du fichier de budget afin de l’améliorer (calcul automatique de la
mensualisation selon la périodicité des recettes et dépenses) et y ai ajouté deux onglets pour
avoir un calcul du coût de la mesure et du reversement des aides sociales.
J’ai accompagné mon référent à chacun de ses rendez-vous. Au retour, nous nous partagions
le travail : j’ai notamment organisé un voyage pour un majeur, contacté la SARVI et mis en place
un échelonnement du paiement d’une indemnité de réparation, échelonné des dettes de loyer,
résolu des problèmes bancaires, fait des relances administratives, mis en place et actualisé des
budgets… Il m’a également permis de remplir des DIPM avec les majeurs. J’ai accompagné de
temps en temps d’autres délégués dès lors qu’ils avaient un besoin d’être à deux ou parce qu’ils
estimaient que la visite pouvait être intéressante pour ma formation : inventaire des biens, état
des lieux de sortie , dépôt de plainte au commissariat.
A partir du mois de mars, je suis venue en aide à deux délégués dans le remplacement d’un
collègue malade. Il s’agissait de répondre aux demandes urgentes qu’ils me transmettaient et
d’effectuer pour eux les visites des majeurs. Au regard du courrier et des demandes qui
s’amoncelaient, j’ai d’abord voulu traiter les priorités. Avec un agent exceptionnellement et
spécialement affecté à gérer l’administratif de l’absent, nous nous sommes répartis le travail.
J’ai donc finalisé le paiement d’un voyage, organisé un déménagement, préparé une requête de
résiliation de bail, acheté un frigo, récupéré l’Allocation Adultes Handicapés (AAH) de plusieurs
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 14/70
majeurs qui pour des raisons administratives avaient été suspendues, fait des états de dettes de
loyer, répondu à des demandes de partenaires, préparé un rapport de situation en vue du
renouvellement de mesure. J’ai aussi organisé des rendez-vous avec des médecins (inscrits sur la
liste du procureur) en vue de certificats médicaux circonstanciés pour un renouvellement de
mesure et une demande d’aggravation.
Mon stage a été riche en terme de visites, de taches effectuées. J’ai été très bien prise en
charge par mon référent, pédagogue, prenant le temps d’expliquer chaque situation. J’ai
également apprécié sa posture professionnelle, très à l’écoute des majeurs, réfléchi, cherchant
toujours la solution la plus adaptée, me faisant part de ses doutes et frustrations.
J’ai aimé les repas du midi, moments d’échanges sur les situations difficiles, riches en
conseils, en vécus mais aussi moments d’échappatoires et d’éclats de rire.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 15/70
DOSSIER PROFESSIONNEL
Introduction
La première grande loi sur la protection des malades mentaux date du 30 juin 1838. A cette
époque, il s’agit plus de protéger les citoyens contre les personnes atteintes de maladies
mentales que de protéger ces malades. Les personnes sont enfermées dans des asiles et
dépossédées de leurs biens. La personne atteinte de maladie mentale n’est perçue que par sa
maladie et n’est pas considérée comme un citoyen à part entière, titulaire de droits.
La loi du 3 janvier 1968, reforme cette loi et parle du droit des majeurs incapables. On
distingue l’être humain de sa maladie. La protection de la personne est envisagée via la
protection de son patrimoine. La loi protége les faibles sans les diminuer.
La loi du 5 mars 2007 a voulu encadrer la mise sous protection, assurer un système de
protection plus personnalisé et créer une distinction entre la protection de la personne et la
protection du patrimoine. Elle place le majeur au centre du dispositif et affirme avec force les
droits de la personne faisant l’objet d’une mesure de protection. Certaines catégories d’actes
sont strictement personnelles1, la protection doit l’être dans le seul intérêt du majeur 2 et une
attention toute particulière est accordée à la prise en compte de la volonté3 et à l’information
du majeur4. La notion de personne prend là, toute sa dimension. La mesure de protection doit
être en cohérence avec la personne du majeur protégé dans son unité, unicité et sa continuité.
Il est ainsi nécessaire pour bien l’accompagner de prendre en compte ce qu’elle est, de
comprendre son système de valeur et sa manière de vivre. La mesure de protection doit ainsi
être individualisée et évolutive.
J’ai été amenée à étudier des dossiers de majeurs protégés sous tutelle pour lesquels les
comptes étaient excédentaires. Pour chaque dossier j’ai lu le jugement, étudié l’histoire du
majeur, pris connaissance de son projet de vie et vérifié le budget afin de savoir s’il était
opportun de placer l’argent excédentaire et quel type de placement je devais privilégier.
J’ai été particulièrement interpellée par le dossier d’un majeur et j’ai voulu en savoir plus
sur lui.
Je vous présenterai le majeur protégé, son histoire de vie et le contexte de la mise en place
de sa mesure puis je vous exposerai les actions menées et ma réflexion sur l’éventualité d’un
allègement de mesure compte tenu de l’évolution de son état de santé.
1 Art 458 alinéa 1 du code civil « Sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l'accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée » 2 Art 415 alinéa 3 du code civil « Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. …. ». 3 Art 459-1 alinéa 1 « La personne protégée choisit son lieu de résidence.» et alinéa 2 « Elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parents ou non. (…) » 4 Art 457-1 du code civil « La personne protégée reçoit de la personne chargée de sa protection, (….), toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d'urgence, leurs effets et les conséquences d'un refus de sa part. »
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 16/70
Pour des raisons de confidentialité et de respect du majeur protégé, son identité et lieu de résidence
seront modifiés ainsi que ceux des personnes nommées dans le dossier. Il sera donc appelé Paul MARTIN
et résidera à Merville.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 17/70
1. PRESENTATION DE LA SITUATION DU MAJEUR PROTEGE.
1.1. HISTOIRE DE VIE DU MAJEUR
Paul MARTIN a été placé sous tutelle aux biens et à la personne après avoir été placé sous
sauvegarde de justice sans mandat puis avec mandat spécial. Son dossier est assez vide, peu
d’informations le concernant, pas de famille, rien sur sa vie professionnelle avant 2004, une
situation précaire, des dettes et un problème de santé pas très explicite « altération évidente
de l’état général avec syndrome inflammatoire » qui est à l’origine de la demande de mise sous
mesure de protection. Il est cependant propriétaire de sa résidence.
ANNEXE 2 Dossier de démarrage.
La présentation ci-dessous a pu être élaborée à partir des informations contenues dans le dossier de
l’AGSS, les échanges avec le délégué en charge de la mesure, le majeur protégé lui-même, les
partenaires, l’administration et la consultation du dossier au greffe du tribunal d’Hazebrouck le
21/05/2015.
1.1.1. Informations personnelles et professionnelles.
Paul est né en 1959, il a 51 ans (au moment de la mise sous protection judiciaire), il vit seul
et n’a pas d’enfant. Son acte de naissance fait apparaître le nom de son père mais pas celui de
sa mère. Toutefois il n’a aucun souvenir de ce père mais se rappelle avoir rendu visite à sa
mère. C’est sa grand-mère qui s’occupait de lui et de son jeune frère. A son décès, il a alors 4/5
ans, les enfants sont placés en foyer. A partir de ce moment il perd tout contact avec sa mère et
vers 10/11 ans il sera séparé de son frère.
Il suit un enseignement au sein du foyer qui l’amène jusqu’à la préparation d’un CAP1, qu’il
n’obtient pas.
A 17 ans il est orienté vers une structure d’adulte qui l’aide à trouver un emploi et un
logement.
A partir de 1976, il est employé comme ouvrier dans une entreprise de fabrication d’aliments
pour bétail. Il quitte l’entreprise courant 1994 suite à un licenciement économique
Il retrouve du travail en 1999 dans le secteur agricole et cumulera des emplois précaires
jusqu’en 2004 date de fin de son dernier CDD2 aux Ateliers Verts, entreprise d’aide à l’insertion.
En 2002, il sera accompagné par une assistante sociale de la MSA pour l’aider dans la gestion
1 Certificat d’aptitude Professionnel : donne une qualification d'ouvrier ou d'employé qualifié dans un métier déterminé.
2 Contrat à durée déterminée.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 18/70
de son budget. Sa situation est déjà précaire et il est décrit comme une personne vulnérable.
En 2003, son conseiller bancaire monte pour lui un dossier d’accession à la propriété afin qu’il
puisse acheter le logement qu’il loue depuis plus de 10 ans mis alors en vente1 par le bailleur.
Il sera très soutenu par la directrice des Ateliers Verts qui mobilisera ses employés pour
accomplir des travaux d’amélioration de son logement.
D’un point de vue social, Paul est assez isolé, bien qu’il entretienne de bonnes relations avec
son voisinage (Madame BARNIER et Gérard son « copain »).
1.1.2. Informations financières et patrimoniales.
Paul a contracté en 2003 deux prêts pour accéder à la propriété :
- Un prêt classique au taux de 4.7% sur 9 ans pour un montant de 19.776€, le restant dû
étant de 1940.14€.
- Un prêt à 0% pour un montant de 5.469€ avec un début de remboursement au
25/12/2013 qui n’a pas été mis en place du fait d’un dépôt de dossier de surendettement.
Courant 2006, poussé par sa compagne de l’époque, Paul MARTIN équipe sa maison d’un
système de sécurité « high-tech » pour un montant de 6 411.88€ et contracte un prêt COFIDIS
dont le coût total s’élève à 10.052€. Le montant restant dû est de 5.494€
Il détient au CIC un compte chèque, un CODEVI et un contrat d’assurance décès et possède 3
livrets A quasiment vides dans trois banques différentes.
Le fichier FICOBA2 montre qu’il était détenteur d’autres comptes et livrets.
Avant son hospitalisation et depuis juillet 2006 sa seule ressource est l’ASS3 qui représente en
moyenne 450€ par mois déduction faite de ses emprunts, il ne lui reste plus que 135€ pour vivre
et payer ses charges.
Sans aucune autre ressource, il n’est plus capable de payer les charges liées à son logement.
Il contracte ainsi des dettes pour le gaz, l’électricité, l’eau et les impôts, il s’ensuit bien
évidemment une coupure de ces services
1.1.3. Informations médicales.
En 2002, l’assistante sociale de la MSA l’incite à faire un bilan médical complet à l’Institut
Pasteur. Comme il ne prend pas soin de lui elle l’encourage également à voir régulièrement un
médecin généraliste.
Paul MARTIN est suivi depuis au moins 2009 par un médecin traitant.
Un compte rendu de consultation du spécialiste précise que « l’intoxication éthylique est
sevrée depuis fin 2012 avec auparavant 80 à 100gr d’alcool par jour. » et un autre fait état de
1 Prix d’achat de la maison 28.500€ 2 Fichier des comptes bancaires : sert à recenser les comptes de toute nature (bancaires, postaux, d’épargne …), et à fournir aux personnes habilitées des informations sur les comptes détenus par une personne ou une société. 3 ASS = Allocation de Solidarité Spécifique attribuée, sous certaines conditions d'activité antérieure et de ressources. En 2015 le taux brut journalier est de 16,25€/jour => 487.5€
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 19/70
« tabagisme actif » (20 paquets /an).
Le 1er octobre 2011, Paul est hospitalisé. On lui diagnostique un ulcère à l’estomac compliqué
par un syndrome de l’anse borgne1 et d’une oesophagite peptique2. Il est opéré et subit une
gastrectomie des 4/5 de son estomac. Il reste plus d’une année en convalescence dans une
maison de cure.
Le 12 février 2013, il fait un malaise lypothymique et est de nouveau hospitalisé. Il pèse alors
32 kg. Il souffre d’aphagie totale avec blocage alimentaire. Il a bénéficié de dilatation
endoscopique et de pose d’endoprothèse oesophagienne pour traiter la sténose3. Le 21 mars sa
situation se dégrade, il pèse 29kg et bénéficie d’une jejunostomie4 chirurgicale pour support
alimentaire. Il reste en convalescence jusqu’à la stabilisation de son poids à 48.5kg,
Fin 2013 son mode alimentaire s’est un peu amélioré et permet la prise d’aliments en
morceaux. Afin de ne pas risquer une dégradation de son état, le spécialiste préconise de garder
une alimentation entérale par jejunostomie.
1.2. HISTOIRE DE LA MISE SOUS PROTECTION JUDICIAIRE.
Paul MARTIN est en Tutelle aux biens et à la personne. Cette décision fait suite à une mise
sous sauvegarde de justice pour la durée de l’instruction.
1.2.1. Le contexte
Paul a été hospitalisé suite à un « malaise survenu en position debout à domicile », il pèse
moins de 25kg pour 1m55. Cela fait plusieurs mois qui se plaint de douleurs à l’estomac et
s’alimente difficilement. Il est suivi par son médecin traitant mais le traitement s’avère
insuffisant. Ses maux s’aggravent, il vomit à chaque fois qu’il tente de boire ou manger. Dénutri
et déshydraté son corps est tellement affaibli qu’il ne tient plus debout. Il subit une
gastrectomie partielle de l’estomac et est transféré en centre de convalescence.
1.2.2. Le requérant
C’est l’assistante sociale de la maison de cure qui est à l’initiative de la demande de mise
sous protection judiciaire de Paul MARTIN. Le signalement a été fait auprès du procureur de la
République du Tribunal de Grande Instance de Dunkerque expliquant que « Monsieur ne peut
financer l’expertise médicale » et qu’ « au regard de la situation sanitaire et sociale, il est
urgent de mettre en place une sauvegarde de justice ». La demande est accompagnée d’une
note sociale, datée du 17 novembre 2011, établie par l’assistante sociale de CHR. Cette note
1 Trouble de l'intestin traduisant une lésion de cet organe susceptible d'entraîner un arrêt de la digestion et une pullulation microbienne dans l'appareil digestif. 2 Il s'agit d'une inflammation de la muqueuse de l'œsophage, résultat d'une agression de celle-ci par les remontées acides provenant de l'estomac. 3 Rétrécissement d’un conduit (ici de l’œsophage) l’empêchant d’avaler. 4 Sonde entrant par le ventre et allant directement dans l'intestin, au niveau du jéjunum (abouchement chirurgical du jéjunum à la paroi abdominale) permettant un apport de tous les nutriments nécessaires à l'organisme afin d'atteindre et de respecter un état nutritionnel correspondant aux besoins et aux caractéristiques du patient.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 20/70
explique la raison de son hospitalisation, l’opération subie et fait état : « d’importantes
difficultés au quotidien dans la gestion de son administratif (illettrisme, difficultés financières,
coupure d’eau et d’énergie faute de paiement des factures) ainsi que dans les actes de la vie
courante (préparation des repas, entretien du logement) ». Elle précise qu’ « en cours
d’hospitalisation les voisins se sont mobilisés afin de faire suivre son courrier », « Monsieur n’a
plus de ressources du fait de son hospitalisation », « plusieurs créances sont en cours de
redressement », « le logement est insalubre », « Monsieur est sortant prochainement cependant
ses conditions de vie ne permettent pas d’organiser un retour à domicile dans des conditions
optimales d’hygiène et de soins. Il sera orienté vers un centre de convalescence avant un
éventuel retour à domicile ».
Cette procédure d’ouverture d’une mesure répond à l’article 430 du code civil alinéa 2, qui
énonce qu’elle « peut être également présentée par le procureur de la République soit d'office,
soit à la demande d'un tiers ». Les tiers représentant toutes les personnes susceptibles de
connaître sa situation : médecins, institutions médicales, sociales, banquiers… ainsi que les
personnes énumérées par l’article 430 alinéa 2 du code civil. Le fait de passer par le procureur
de la République permet notamment en cas de situation financière difficile de faire supporter le
coût du certificat médical au parquet.
1.2.3. Le certificat médical circonstancié
Le procureur de la République dispose d’un pouvoir d’opportunité quant à la suite à donner à
un signalement. Il peut préciser le contenu, le cas échéant en recueillant des informations
complémentaires. Pour saisir le juge des Tutelles sa demande doit être obligatoirement
accompagnée « à peine d'irrecevabilité, d'un certificat circonstancié rédigé par un médecin
choisi sur une liste établie par le procureur de la République » article 431 du code civil.
Convaincu du bien-fondé de la demande le Procureur de la République désigne alors un
médecin chargé de rédiger le certificat médical circonstancié qui accompagnera sa requête.
Le certificat médical circonstancié est daté du 24 février 2012. Il préconise d’emblée une
mise sous tutelle.
Le médecin explique que le majeur a su donner « son nom, prénom, date du jour, lieu où il
se trouve et le nom du président de la république. »
Au niveau mental : Etat corporel
« Mémoire récente très défectueuse »
« Attention, concentration et jugement altéré » « altéré »
« Comprend les questions, réponses adaptées »
« Impossibilité à gérer les actes de la vie civile »,
« Inapte au vote »,
« Ne peut vivre à son domicile sans aide importante »,
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 21/70
« Ne peut être entendu au siège du Tribunal d’Instance »,
« Etat- stable, peu améliorable à revoir dans 3 ans».
1.2.4. Ordonnance de placement sous sauvegarde de justice sans mandat
spécial
Le 28 mars 2012, le procureur de la République du tribunal de Grande Instance de Dunkerque
présente au juge des Tutelles d’Hazebrouck sa requête, accompagnée du certificat médical
circonstancié. Face à la nécessité prouvée par le certificat et l’urgence de la situation, le juge
des tutelles, sans l’avoir auditionné1 et dans l’attente de prendre sa décision quant à la mesure
appropriée, place Paul MARTIN sous sauvegarde de justice pendant la durée de l’instance2 sans
mandat spécial et avec exécution provisoire. C’est l’assistante sociale à l’origine de la
demande qui dans le cadre de la gestion d’affaire3 s’occupe de l’administratif de Paul MARTIN.
1.2.5. Ordonnance de désignation d’un mandataire spécial.
Le 10 mai 2012, l’assistante sociale informe le juge des Tutelles que la situation
administrative est préoccupante : « situation administrative précaire que son hospitalisation n’a
pas améliorée, l’assistante sociale4 fait patienter les créanciers. J’ai besoin d’un interlocuteur
en capacité d’effectuer les démarches urgentes pour monsieur qui est hospitalisé en soin de
suite …. ». Pour appuyer sa demande elle joint la note sociale du 17 novembre 2011.
Le 31 mai 2012, suite aux informations transmises par l’assistante sociale, le juge des Tutelles
rend l’ordonnance ci-après. ANNEXE 1 Ordonnance de désignation d’un mandataire spécial
N°R.G. :
1 Art 433 du code civil alinéa 3 « Par dérogation à l'article 432, le juge peut, en cas d'urgence, statuer sans avoir procédé à l'audition de la personne. En ce cas, il entend celle-ci dans les meilleurs délais, sauf si, sur avis médical, (…) » 2 Art 439 du code civil alinéa 1 « Sous peine de caducité, la mesure de sauvegarde de justice ne peut excéder un an, renouvelable une fois dans les conditions fixées au quatrième alinéa de l'article 442 » 3 Art 436 du code civil alinéa 2 « En l'absence de mandat, les règles de la gestion d'affaires sont applicables. » 4 De la MSA
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 22/70
Paul MARTIN n’ayant pas de famille connue, ni personne pour s’occuper de ses affaires,
l’AGSS est désignée en tant que mandataire spécial.
La mission de l’AGSS est :
Compte tenu de l’urgence de la situation, le mandataire n’a pas à attendre le délai de
recours pour accomplir les actes pour lequels il a été mandaté.
Paul MARTIN
Merville
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 23/70
=> l’ordonnance a force exécutoire ;
1.2.6. Audition du majeur protégé
L’audition de la personne qu’il y a lieu de protéger est obligatoire. L’article 432 alinéa 1 du
code civil énonce « Le juge statue, la personne entendue ou appelée », à moins que le certificat
médical circonstancié n’indique que l’audition « est de nature à porter atteinte à sa santé ou s'il
est hors d'état d'exprimer sa volonté » art 432 alinéa 2 code civil.
Eu égard au certificat médicat mentionnant que Paul MARTIN « Ne peut être entendu au siège
du Tribunal d’Instance », le 8 janvier 2013, Le juge assisté de son greffier se transporte au
domicile du Majeur pour l’entendre.
Ils noteront une lecture lente, l’incapacité de Paul MARTIN à résoudre une soustraction (100-
7), son mauvais état physique et la précarité de son environnement de vie.
1.2.7. Audience et jugement de tutelle
Suite à l’audition et après avis du procureur de la République daté du 22 janvier 2013,
l’audience du jugement a lieu le 31 janvier 2013 au terme de laquelle, le juge des Tutelles
prononce sa décision de mise sous tutelle. Les principes de nécessité, subsidiarité et
proportionnalité seront tour à tour étudiés. ANNEXE 3 Jugement de Tutelle
………
Paul MARTIN
Merville
Paul MARTIN
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 24/70
…….
Le certificat médical circonstancié, s’il n’emploie pas l’expression « altération des facultés
mentales » constate l’existence de « troubles consistant en déficience mentale ». En effet
« altération » s’entend de toute dégradation, détérioration ou diminutions desdites facultés. La
notion de « troubles manifestant une dégradation » par rapport à un état normal entre dans la
catégorie de l’altération au sens de l’art 425 du code civil 1. Qu’ainsi une altération des facultés
mentales et/ou corporelles est implicitement mais nécessairement constatée médicalement.
Le jugement désigne l’AGSS en qualité de tuteur et énonce clairement la représentation tant
dans les intérêts patrimoniaux que dans la protection de la personne du majeur protégé.
=> Tutelle aux biens et à la personne avec représentation pour les actes à caractère
personnel.
Il rappelle les obligations du tuteur en matière d’inventaire, de compte rendu de gestion et
de diligences accomplies dans le cadre de la mission de protection à la personne et donne
l’échéance.
1 « Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre »
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 26/70
2. PRISE EN CHARGE DE LA MESURE DE PROTECTION
2.1. LES ACTIONS MENEES AVANT MON INTERVENTION
Pour pouvoir expliquer les différentes démarches effectuées par l’AGSS dans l’exercice de la
mesure de sauvegarde de justice avec mandat spécial puis de la tutelle aux biens et à la
personne. J’ai constitué un planning que j’ai rempli au fur et à mesure de mes investigations.
J’y ai noté toutes les informations contenues dans le logiciel de gestion tutélaire (bloc note,
planning de visite, données financières), j’ai consulté le dossier papier, interrogé l’agent
administratif et le délégué en charge du dossier. ANNEXE 9 Planning de suivi du dossier
Si les informations recueillies m’ont permis de comprendre la logique des démarches, elles ne
m’ont cependant donnée que très peu informations sur le majeur lui-même et son état de santé.
Je suis allée consulter le dossier au greffe du Tribunal d’Instance d’Hazebrouck, je me suis
entretenue avec le majeur à plusieurs reprises et j’ai joint par téléphone les divers partenaires :
le médecin traitant, l’infirmière, les assistantes sociales (de la MSA et de la Maison de cure
médicale). Pour mieux comprendre sa maladie, j’ai noté des éléments contenus dans les
comptes rendus de visites et les comptes rendus opératoires détenus par Paul MARTIN. J’ai
cherché sur Internet leurs significations en langage profane.
2.1.1. Prise en charge de la mesure de sauvegarde de justice
L’intervention de l’AGSS se fait à partir de l’ordonnance de désignation d’un mandataire
spécial datée du 31/05/2012, ANNEXE 1. L’Association est informée par lettre RAR1. La mention
« exécution provisoire » permet à l’AGSS d’accomplir les actes mentionnés sans attendre les 15
jours de délai de recours. Les actes sont :
- d’ouvrir les droits du majeur protégé, de les percevoir et de les appliquer à son entretien et à
son traitement ainsi qu’au paiement des dettes….
- de recevoir ses courriers administratifs, bancaire même en la forme recommandé
- de faire fonctionner ses comptes.
- d’ouvrir au besoin un compte de gestion pour percevoir les revenus et régler les factures
dans un établissement bancaire « partenaire ».
a) Premières démarches
Recherche des Informations bancaires
Sans attendre, l’agent administratif chargé du dossier s’enquiert auprès de FICOBA des
informations bancaires concernant Paul MARTIN. Il joint à sa demande l’ordonnance prouvant la
mise sous protection et son mandat.
=>Le 22 juin, l’AGSS reçoit l’ensemble des informations bancaires concernant Paul MARTIN
1 Recommandé par accusé réception.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 27/70
Création d’un compte de gestion
Comme le spécifie l’ordonnance de désignation d’un mandataire spécial dans le paragraphe
ci-dessous.
L’AGSS, ainsi autorisée par le juge des Tutelles, ouvre le 6 juillet 2012 un compte au nom du
majeur. Ce compte va permettre de percevoir les ressources et de payer les charges de Paul
MARTIN. Nous l’appellerons « compte de gestion ».
Information de l’assistante sociale de la maison de cure Médicale
Un fax, reçu le 14 juin 2012, fait état de la situation sociale complexe de Paul MARTIN et
informe l’AGSS qu’une visite de domicile du majeur protégé est prévue le 26/06/2012 pour se
rendre compte de l’état du logement, voir ce qu’il est possible de faire car ses soins nécessitent
une hygiène importante. ANNEXE 5 Fax de l’assistante sociale
Consultation du dossier au greffe du tribunal d’Hazebrouck
Le 26 juin 2012, le délégué en charge de la mesure se rend au Tribunal d’Instance
d’Hazebrouck consulter le dossier et remplir la fiche1 de consultation de dossier ANNEXE 2. Cette
fiche permet de reprendre et d’ordonner toutes les informations importantes du dossier.
On y apprend notamment :
- que la personne à l’origine de la demande est l’assistante sociale de la maison de cure,
- que Paul MARTIN se trouve à la maison de cure,
- qu’il a été suivi par une assistante sociale de la MSA,
- qu’il est au chômage de puis 5 ans,
- qu’il est sans ressource depuis septembre 2011,
- qu’une demande de RSA2 est en cours »,
- qu’il est propriétaire de sa maison,
- qu’il a des dettes, ……..
1ère visite à la maison de cure
L’AGSS contacte la maison de cure pour s’assurer de la présence de Paul MARTIN avant d’aller
lui rendre visite le 02 juillet 2012. Finalement les visites sont interdites ce jour pour des raisons
sanitaires.
1 Modèle de fiche faisant partie des procédures de l’AGSS 2 Le revenu de solidarité active (RSA) assure aux personnes sans ressources ou disposant de faibles
ressources un niveau minimum de revenu variable selon la composition du foyer.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 28/70
Courriers d’information de l’exercice de la mesure aux divers organismes et institutions.
Les informations recueillies dans le dossier du greffe et celles contenues dans le dossier de
l’assistante sociale vont permettre de dresser une liste de tous les organismes ou institutions
dont relève Paul MARTIN.
Le 9 juillet 2012, un courrier leur est adressé les informant de la mise sous protection
juridique de Paul MARTIN et les priant de bien vouloir leur faire parvenir tous les courriers le
concernant. Une copie de l’extrait de jugement est jointe à chaque courrier.
Par ailleurs, il est demandé :
-Aux organismes de prêt de fournir un état des impayés et une copie du contrat de prêt, de
cesser tout prélèvement automatique sur le compte du majeur qui va être bloqué.
=>CIC pour les prêts logement et SOFINCO pour le prêt à la consommation.
-Aux entreprises créancières, de transmettre un état des impayés, de cesser tout
prélèvement automatique sur le compte du majeur qui va être bloqué et de transmettre
l’autorisation de prélèvement automatique et l’échéancier mensuel s’il y a lieu.
-Aux huissiers, de faire un point sur la situation, l’avancée du dossier, les frais dus à ce jour,
la possibilité d’abandonner les poursuites et de traiter directement avec leur client.
-A la MSA de leur faire un point sur les démarches en cours, de faire parvenir une attestation
de droit à jour et de les informer s’il bénéficie ou non de la CMU. Est également joint un RIB du
compte de gestion pour la perception des ressources éventuelles.
-Au Pôle Emploi de faire un point sur sa situation de demandeur d’emploi.
-Aux banques dans lesquelles Paul MARTIN est titulaire d’un compte ou d’une épargne, il est
demandé de :
1
1 Article 503 du code civil alinéa 2 « Il peut obtenir communication de tous renseignements et
documents nécessaires à l'établissement de l'inventaire auprès de toute personne publique ou privée, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire. »
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 29/70
-Au Service des Impôts de Particuliers, de fournir un détail des sommes dues dans le cas où
Monsieur MARTIn ne serait pas à jour de ses paiements, de fournir une copie de son dernier avis
d’imposition et de sa dernière déclaration de revenus et d’adresser un relevé de propriété.
-Au CCAS du lieu de domicile, de prendre en compte la situation de Paul MARTIN suite aux
démarches entreprises par l’assistante sociale de la MSA (FSL1).
- A la mairie du lieu de naissance, de fournir un acte de naissance avec affiliation……
A réception de l’acte de naissance une relance sera effectuée notifiant que la mention RC n’y
figure pas. Le défaut de publicité sur l’acte de naissance est tout à fait normal dans le cas de la
sauvegarde de justice. Elle est mentionnée sur un répertoire tenu à cet effet par le procureur de
la république du lieu de résidence.
Requête d’ouverture d’un compte de proximité
Le 9 juillet 2011, une requête pour l’ouverture d’un compte de proximité est envoyée au juge
des Tutelles du tribunal d’Instance d’Hazebrouck. Cette requête anticipe le retour à domicile du
majeur et son incapacité à pouvoir se déplacer jusqu’à l’agence du CIC qui se trouve dans une
autre ville que celle de son lieu d’habitation. En outre, si la loi préconise de garder le compte
du majeur comme compte pécule, dès lors qu’un majeur protégé est endetté il est plus sage
d’ouvrir un compte dans une autre banque pour éviter que l’argent de vie soit utilisé par la
banque pour combler les dettes ou continue d’être prélevé si la banque n’a pas interdit les
opérations de débit. Les relations avec les banques sont souvent compliquées.
Le 24 septembre 2011, l’AGSS reçoit l’ordonnance de mission complémentaire ANNEXE 3
1 Fond de Solidarité Logement
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 30/70
b) Recueille des premières informations et rencontre du majeur
Perception des premières ressources et mise en paiement des factures
Mi juillet 2012, les premiers courriers relatifs à Paul MARTIN parviennent à L’AGSS, et les
démarches effectuées part l’assistante sociale du centre de cure médicale commencent à porter
leurs fruits.
Le relevé bancaire du CIC montre un virement de 2254.38€1 de la MSA, il est transféré vers le
compte de gestion pour permettre le remboursement à payer les certaines dettes : eau,
électricité et impôts.
Une assurance responsabilité civile est souscrite pour le majeur protégé.
Un des deux livrets A du CIC est clôturé.
Le pôle emploi informe l’AGSS de la radiation de Paul MARTIN.
Courant septembre 2012, l’AGSS envoie au centre des impôts la déclaration des revenus
2010, 2011 sur la base des renseignements obtenus par Pôle emploi.
Cette démarche permet de régulariser la situation du majeur protégé par rapport au fisc et
de remplir la demande d’ALS2 suspendue pour non déclaration des ressources.
Le délégué informe la trésorerie de MERVILLE de la situation juridique et financière de Paul
MARTIN. Il leur fait parvenir un RIB et demande une remise gracieuse de la taxe foncière. Elle
sera remboursée ultérieurement.
Un courrier est de nouveau envoyé à la MSA, qui n’a visiblement pas pris note du courrier du
9/07/2012
RQ : Il faudra attendre février 2013 pour que la MSA, actualise les données bancaires de Paul
MARTIN et que ses ressources soient perçues sur le compte de gestion.
A cette date, Paul MARTIN est toujours en convalescence et n’a pas encore été vu par l’AGSS.
Sa sortie n’est pas à l’ordre du jour car il doit subir une intervention au niveau de l’œsophage.
1 Il s’agit des indemnités journalières dues à l’hospitalisation pendant la période du 30/09/2011 au 20
mars 2012. 2 Aide au logement Social : aide aux locataires, aux propriétaires sous conditions de ressources.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 31/70
Ouverture du compte de proximité
Le 29 octobre 2012, Paul MARTIN retourne à son domicile. Suite à l’autorisation du juge des
tutelles1, un compte est ouvert au Crédit Mutuel le 8 novembre 2012, ce compte appelé
« compte pécule » permet au majeur protégé de récupérer l’argent qui lui est mis à disposition.
Le montant est établi en fonction d’un budget et la périodicité en fonction de la capacité du
majeur à gérer son argent. Un montant de 50€ par semaine lui est alloué.
Un transport hebdomadaire via ‘Itinéraire bis » est prévu pour emmener un fois par semaine
le majeur faire ses courses.
Première rencontre avec Paul MARTIN
Accompagné du délégué spécialisé dans les ouvertures, une visite au domicile s’effectue le 12
décembre 2012.
La situation médicale de Paul est complexe, il est très maigre, parle peu et semble
désorienté.
Le logement n’est pas entretenu, nous sommes au mois de décembre et Paul n’a qu’un petit
chauffage électrique de qualité médiocre qui fait double emploi, chauffage en position verticale
et réchauffe plat en position horizontale. Le gaz a été coupé du fait des impayés et les
ressources de Paul sont insuffisantes pour le lui rétablir. Quoi qu’il en soit, les radiateurs ont été
démontés. Très peu d’informations sont obtenues lors de cette visite. Son courrier et d’autres
documents administratifs sont récupérés. Paul n’a pas de téléphone, il est néanmoins joignable
via sa voisine Madame BARNIER.
Paul est laissé en l’état. Heureusement il trouvera plus tard quelqu’un de son entourage pour
lui prêter un chauffage et un réchaud électrique.
Deuxième rencontre
Elle est effectuée le 23 janvier 2013, Paul MARTIN est un peu plus actif. On lui remet avec
explication la notice d’information et la Charte des Droits et Libertés du majeur protégé. Un
DIPM2 ainsi qu’un budget prévisionnel sont signés ANNEXE 7. Le DIPM fait apparaître la volonté du
majeur de vendre sa maison pour « en finir avec les dettes », lequel signera une attestation en
ce sens le 24/04/2013.
A cette date toujours aucune ressource n’est perçue sur le compte de gestion malgré les
nombreuses relances.
Le DIPM, le budget ainsi qu’un rapport d’ouverture ANNEXE 6 sont transmis au juge des tutelles
1 Ordonnance pour mission complémentaire du 24/09/2012 ANNEXE3 2 Document Individuel de Protection du Majeur : il est assimilable à un plan d’action dans lequel sont
définis les objectifs, le projet de vie du majeur ….
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 32/70
après signature par la chef de service et la directrice de territoire de l’association tutélaire.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 33/70
2.1.2. Prise en charge de la mesure de Tutelle
Le 12 février 2013, L’AGSS reçoit le jugement de mise sous tutelle « complète »1. ANNEXE 4
Le 6 mars 2013, l’AGSS est prévenue par l’assistante sociale de l’hospitalisation de Paul
MARTIN et de son transfert en service de soin de suite.
A partir du 5 février, l’ALS est versée tous les mois sur le compte de gestion, il faudra encore
attendre 3 mois pour que le RSA soit versé avec effet rétroactif.
Inventaire du patrimoine
Dans le cadre de la tutelle, un inventaire du patrimoine doit être transmis au juge dans les
trois mois qui suivent la mesure de protection2. Le 20 mars 2012 le délégué rend visite à Paul
MARTIN alors en convalescence et lui demande l’autorisation de se rendre à son domicile pour
effectuer l’inventaire de son patrimoine et faire estimer sa maison par un notaire.
Le 23 avril 2013, une assurance multirisques habitations est souscrite.
Le 25 avril 2013, l’inventaire des biens meubles et immeubles est fait en présence de 2
témoins dont Madame BARNIER sa voisine. La maison est estimée à 55.000€ par le notaire.
L’inventaire sera donné à signer à Paul et transmis au juge des Tutelles.
Dépôt du dossier de surendettement
Le 30 avril 2013 un dossier de surendettement est déposé à la banque de France de
Dunkerque. Il est à plusieurs reprises renvoyé pour demande de pièces complémentaires.
Après examen du dossier la situation de Paul MARTIN est estimée non irrémédiablement
compromise. Un moratoire de 24 mois lui est consenti à partir du 13 mai 2014 pour lui permettre
de vendre sa maison et payer ses créanciers. Les dettes sont donc bloquées jusque début mai
2016.
Etat de sa dette
1 Tutelle aux biens et à la personne avec représentation pour les actes à caractère personnel. 2 Article 503 alinéa 1 du code civil « Dans les 3 mois de l’ouverture de la tutelle, le tuteur fait
procéder, (….), à un inventaire des biens de la personne protégée et le transmet au juge. Il en assure l’actualisation en cours de mesure.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 34/70
Mesures recommandées par la commission de surendettement
A l’échéance le débiteur pourra saisir de nouveau la commission à l’issue des présentes
mesures.
Perception du RSA
Le 5 mai 2013, 3324€ sont crédité sur le compte de gestion. Ces ressources permettent enfin
de payer les charges liées au logement. Mais toujours rien n’est fait par rapport au gaz et
l’installation d’un matériel de chauffage.
Retour au domicile
Le 7 mai 2013, Paul MARTIN rentre à son domicile. Des soins infirmiers sont mis en place 2
fois par jours. L’intervention journalière d’une infirmière est sécurisante, en cas de problème
elle peut joindre l’AGSS. Paul n’a toujours pas de téléphone.
L’infirmière n’hésitera pas à informer le délégué sur les conditions d’hygiène de la maison.
Visite de complaisance
Le 2 octobre 2013, un délégué remplaçant rend visite à Paul pour évaluer sa situation et
commencer à entreprendre des démarches de recherche de logement. Il laisse à Paul MARTIN le
soin d’effectuer la demande de logement et le dossier FSL pour l’aider à payer ses charges
d’électricité. Paul MARTIN n’entreprend aucune démarche.
Mise en place d’une aide à domicile
Le 2 février 2014, de retour de ses congés maternité le délégué met en place une aide à
domicile 2 heures hebdomadaire pour les courses et le ménage.
Dépôt de dossier à la MDPH
Le 17 juin 2014, un dossier est envoyé à la Maison Départementale des Personnes Handicapées
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 35/70
pour demander l’Allocation Adulte Handicapés, le complément de ressources, la Prestation de
compensation du Handicap (PCH) et un Service d’Aide à la Vie Sociale plus communément appelé
SAVS.
Le 28 mai, le 25 septembre puis le 9 novembre 2014, le délégué rendra visite à Paul MARTIN.
Son état de santé est stable, son logement est mieux entretenu grâce à l’aide ménagère mais les
conditions de vie restent précaires. Il n’y a toujours qu’un appareil de chauffage dans la maison.
Début novembre l’aide ménagère alerte le délégué que des voisins, sans l’autorisation de Paul
MARTIN, se permettent de rentrer chez lui pour faire leur lessive. Lors de sa visite du 9
novembre 2014, le délégué aborde le problème avec Monsieur MARTIN et lui propose de porter
plainte. Il ne souhaite rien faire de peur de représailles.
2.1.3. Bilan des actions
D’un point de vue administratif, l’ouverture de la mesure a été bien gérée et bien anticipée.
Il est seulement regrettable que les problèmes de communications avec la MSA n’aient pas été
réglés plus rapidement. Des relances téléphoniques et pourquoi pas un contact avec l’assistante
sociale de la MSA auraient très certainement accéléré les choses. Certaines actions ont été
menées trop tardivement comme le dépôt du dossier à la MDPH qui aurait pu être initié dès la
mesure de sauvegarde. Il est incompréhensible que le délégué remplaçant ait laissé à la charge
du majeur le dossier d’aide au logement ainsi que celui du FSL.
Concernant la protection de la personne proprement dite, quand bien même il n’y avait pas
d’argent, il est inconscient d’avoir laisser Paul MARTIN, gravement malade quasiment sans
chauffage et sans aide pendant au moins 9 mois.
Je m’aperçois au fil de mon stage que les délégués gèrent bien souvent l’urgence et les
demandes. Or, Paul MARTIN n’est pas demandeur.
Vous apprendrez à connaître Paul MARTIN dans le récit qui suit.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 36/70
2.2. MON INTERVENTION
C’est à peu près à ce moment là que j’interviens. Comme je l’ai précisé dans mon
introduction je suis amenée à prendre connaissance du dossier de Paul MARTIN car son compte
présente un solde supérieur à 3500€. Dans ce cas l’AGSS demande aux délégués de placer les
fonds. Lorsque la personne est en curatelle renforcée le placement se fait avec l’accord du
majeur protégé et lorsque la personne est en tutelle, on étudie le dossier pour savoir s’il y a un
besoin de garder de l’argent disponible. Suite à la lecture rapide du bloc note du logiciel
tutélaire, je constate qu’il y a un projet de déménagement. Ce projet me questionne car
Monsieur MARTIN est propriétaire de son logement. J’en parle au délégué qui m’explique qu’un
dossier de surendettement a été déposé. La commission a gelé les dettes un temps donné pour
permettre la vente de la maison et leurs remboursements. Il me demande d’ailleurs de vérifier
la date d’échéance car il va falloir s’en occuper sérieusement. Je l’interroge sur la volonté du
majeur, « est il d’accord pour vendre sa maison ? ». Il me précise que ce dossier est compliqué.
Le surendettement contraint à la vente. La maison n’est pas adaptée à son état de santé. Le son
voisinage sans être hostile est un peu sans gêne. Il me décrit les conditions de vie du majeur. Sa
première visite et sa stupéfaction quand il a constaté qu’il faisait ses besoins dans des bacs à
glaces entreposés sur le sol de sa cuisine parce que ses toilettes étaient bouchées. Le majeur
n’est jamais en demande, ne l’interpelle pas quand il a besoin de quelque chose où quand il a un
problème. Il ne dit jamais non à ce qu’elle lui propose et ne fait pourtant aucune démarche.
Quoiqu’il en soit, un dossier a été déposé à la MDPH et il attend de percevoir l’AAH pour engager
les recherches d’un nouveau logement.
Je réponds à la demande du cadre juridique qui attend les requêtes de placement de fond
pour les envoyer au juge des tutelles. Concernant le dossier de Paul MARTIN, j’explique que le
placement de fond n’est pas opportun. La maison doit être vendue d’ici mai 2016, il faudra
gérer un déménagement qui engendrera nécessairement des frais. L’argent doit rester
disponible.
Interpellé par le cas de Paul MARTIN, je décide de me plonger dans les archives pour
comprendre un peu mieux son dossier et connaître la raison de la mise sous protection.
J’entreprends quelques démarches pour faire avancer le dossier.
2.2.1. Prise en charge du dossier et rencontres avec Paul
a) Appropriation du dossier
En étudiant les charges du compte de gestion, j’avais noté un remboursement de la taxe
foncière de 2012. Je m’emploie à réclamer le remboursement de la taxe 2014 en invoquant la
situation financière du majeur protégé. Je recevrai plus tard un courrier m’informant que ma
demande a été transférée au service compétent. Aucune suite ne sera donnée.
Plus tard, en quête de la date de dépôt du dossier à la MDPH, je tombe sur une copie du
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 37/70
dossier, lequel est daté du 17 juin 2014. Je me renseigne sur les délais de traitement de la MDPH
auprès des agents, lesquels évaluent le délai maximum à 7 mois et me font savoir que toute
demande est suivie d’un accusé réception. Or je ne trouve aucun accusé réception ni dans le
dossier ni dans l’état tenu par un des agents, censé répertorier toutes les démarches et suivies.
Je contacte la MDPH. Je suis rassurée, le dossier a bien été réceptionné mais il n’a pas encore
été instruit. Compte tenu de l’urgence de la situation, mon interlocutrice me conseille
d’envoyer un recommandé pour que la demande d’AAH soit traitée en priorité par rapport à la
PCH et au SAVS. Mon courrier part dans la foulée le 14 janvier 2015.
Ayant constaté mon intérêt pour le dossier, mon référent me propose de profiter de visites
non loin du lieu d’habitation de Paul MARTIN pour aller le voir. Il m’invite à le prévenir par
courrier car il n’est pas joignable par téléphone.
b) Première rencontre
Le 2 février 2015, je rencontre Paul MARTIN pour la première fois. J’ai une foule de questions
à lui poser, je n’en fais rien. C’est sans doute mieux pour une première visite. Lorsque nous
arrivons, Il n’est pas chez lui. Nous l’attendons un peu et le voyons arriver avec un sac à dos. Je
suis surprise de ce petit1 monsieur tout frêle aux yeux pétillants. Pour ouvrir la porte, il se sert
d’une pince stockée dans sa boite aux lettres car il a du mal à tourner la clé à mains nues. En
rentrant, il pousse son énorme puzzle et ses mots croisés pour faire de la place sur la table du
salon. Une grande affiche de notre Johnny national est scotchée au mur et un lit d’hôpital est
présent dans la pièce ainsi qu’un pied à perfusion. Nous nous installons. Le délégué prend de ses
nouvelles, lui parle des démarches en cours, lui pose des questions sur ses habitudes de vie, s’il
est toujours d’accord pour déménager. Il répond « oui » aux questions fermées et sans s’étendre
sur les questions ouvertes. J’apprends que l’infirmière vient en fin d’après midi lui poser une
sonde et le matin la lui enlever. J’en déduis qu’il n’a ni accès aux toilettes ni à sa salle d’eau
située à l’étage entre 17h00 et 8h00 le lendemain. Il fait ses courses seul, les porte grâce à son
sac à dos. Interloqués par la petitesse du sac, il nous rassure en nous expliquant qu’il y retourne
autant de fois que de besoin. Pour lui cuisiner, c’est ouvrir une boite et la réchauffer. Je
m’interroge sur la qualité de son alimentation et lui demande s’il achète des fruits et des
légumes frais. A cela il me répond que « dès fois je me fais des tomates ». Il est content que
quelqu'un fasse le ménage car « c’est quand même mieux ». Concernant le chauffage, il dit ne
pas avoir très chaud, mais ne réclame rien. Il nous transmet des courriers de la MSA et nous
montre un compte rendu de consultation de son gastro-entérologue. J’apprends ainsi qu’il a subi
en d’octobre 2011 une ablation des 4/5ième de l’estomac du fait d’un ulcère et qu’en mars 2012
il a été de nouveau hospitalisé ne pesant alors que 29kg pour 1.55m.
Sur le départ, nous rencontrons Madame BARNIER. Elle nous propose d’emmener Paul au
1 Paul MARTIN mesure 1m55
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 38/70
service logement de la Mairie dès le lendemain. Elle n’en fera rien…
De retour, nous nous partageons les tâches à effectuer suite aux visites du jour et mon
référent me confie la gestion du dossier de Paul MARTIN. Nous convenons de commencer les
démarches de recherche de logement même si nous n’avons pas encore l’AAH.
c) Déblocage de la situation
Le 10 février2015, je récupère son numéro de demande de logement social et écris aux
différents bailleurs présents dans le secteur choisi par Paul MARTIN.
Le 20 février 2015, je reçois enfin la notification de décision de la MDPH
A la demande d’allocation aux adultes handicapés :
A la demande de complément de ressources AAH
A la demande d’orientation vers un service médico-social :
La MDPH est censée transmettre la notification d’AAH à la CAF ou à la MSA. Je décide par
mesure de précaution, d’envoyer une copie à la MSA, l’organisme dont dépend Paul MARTIN.
J’entreprends les recherches d’un SAVS et prends contact avec l’ARPIH1. On me rappellera
ultérieurement car le service n’intervient normalement pas dans ce secteur.
1 Association pour la Rééducation Professionnelle et l’Intégration des personnes Handicapées.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 39/70
La notification me permet d’envisager un nouveau budget pour Paul MARTIN, j’y prévois un
montant de charges liées à la location d’un logement.
Compte tenu des éléments, nous estimons le budget de la location entre 350 et 400€
maximum.
Manque les frais de pharmacie mais ils
sont logiquement remboursés à 100%
La mutuelle va être annulé puisque la
CMU C a été accordé fin mai avec effet
rétroactif au 31/03/2015
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 40/70
Je valide le budget avec le délégué et m’interroge sur les frais de mutuelle, car lorsqu’une
personne est bénéficiaire du RSA il me semble qu’elle peut prétendre à la CMU C. Visiblement la
demande n’a pas été renouvelée et dans l’attente une mutuelle a été souscrite. En outre, il
s’aperçoit que la demande d’aide sociale pour l’aide ménagère n’a pas été faite non plus. Les
demandes sont transmises dans la foulée au pôle ressources et santé.
=> J’apprends ainsi que l’aide sociale en plus d’être consentie pour l’hébergement peut l’être
aussi pour l’aide à domicile.
Le 16 mars 2015, la MDPH m’informe d’un rendez vous pour évaluer les besoins par rapport à
la demande de prestation de compensation du Handicap.
J’envoie un courrier à Paul MARTIN pour l’informer de ce rendez-vous et m’assurer qu’il soit
chez lui à l’heure convenue.
d) Evaluation des besoins pour la prestation de compensation du
handicap
Le 25 mars 2015 à 10h00, je suis au domicile de Paul MARTIN pour préparer avec lui le
rendez-vous avec l’infirmière de la MDPH. Il est un peu anxieux, je le rassure et lui explique
l’objectif de l’entretien. J’utilise des phrases simples, reformule et lui demande de me répéter
ce qu’il a compris. Il sourit, il semble plus à l’aise.
Madame LEBON, l’infirmière de la MDPH, arrive, fait une inspection rapide des lieux et
s’assoie à côté de Paul. Elle l’interroge sur son état et de cet échange, j’obtiens un
commencement d’explications sur son traitement et le fonctionnement de sa sonde. Je me
permets de poser quelques questions à Paul sur la lourdeur du traitement. Il ne semble pas en
être perturbé et ne s’en plaint pas. Nous en venons ensuite aux questions relatives à la
prestation de compensation de handicap. Et là, je reste bouche bée, Paul est tout content de
dire à l’infirmière qu’il sait tout faire, tout seul à part son administratif et le ménage. Il cuisine,
il se lave mais il ne se douche pas parce que sa douche fuit. Avec l’infirmière nous nous
regardons, et je lui pose la question, « depuis combien de temps votre douche fuit elle ? ».
« Quelques mois... » J’interviens en expliquant que pour Paul, cuisiner c’est ouvrir une boite de
conserve, qu’il n’a pas une alimentation très équilibrée. Mon interlocutrice, estime que Paul n’a
pas de besoin de PCH et que le SAVS répondra à ses autres besoins. D’un air exaspéré, elle dit ne
pas comprendre pourquoi nous avons fait cette demande. Je lui explique que l’état de Paul s’est
fortement amélioré depuis la demande qui date de plus de 9 mois, mais elle semble perplexe.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 41/70
Nous en venons à parler de l’aide ménagère et des autres demandes à la MDPH. Elle me précise
que la prestation complément de ressource (CPR) n’a rien à voir avec la majoration vie
autonome (MVA). C’est un complément du fait de son incapacité de travail, ces aides ne sont pas
cumulables et la CPR est supérieur à la MVA. Elle me précise qu’il faudra faire un choix entre la
CPR et l’aide sociale pour l’aide ménagère. Puis Madame LEBON nous quitte.
Je reste avec Paul qui semble content de lui. J’en profite pour faire un avenant au DIPM
ANNEXE 8 et redéfinis avec lui le périmètre de recherche d’un logement. Je lui fais signer une
attestation pour la vente de la maison pour m’assurer qu’il n’a pas changé d’avis.
Nous en venons ensuite à parler du problème des détecteurs d’incendie. Je vérifie le système
en place, la pile doit être usée. Il m’informe qu’« il n’a jamais fonctionné, c’est pas moi qui en
ai voulu, c’est ma copine qui l’a fait installer». Je lui propose pour sa sécurité de faire passer
quelqu’un pour un détecteur sans prendre de contrat d’entretien. Je lui soumets une attestation
à signature.
Il me remet ses derniers courriers et notamment un document fort intéressant : son relevé de
situation individuelle pour la retraite. Je constate qu’il a eu une activité salariée sans
interruption de 1976 à 1994 ; puis des périodes d’alternance chômage/emploi entre 1994 et
2004 ; puis un chômage de 2004 à 2011.
Je profite du bon climat de l’entretien pour lui poser des questions sur sa vie avant la mesure
de protection en lui demandant toutefois si mes questions ne le dérangent pas. Il répond à
toutes mes questions et se confie facilement. Il me fait également savoir que son vélo est cassé,
qu’il faudrait lui en acheter un autre et me propose d’aller au magasin. Je lui fais un courrier à
l’attention du commerçant pour qu’il nous fournisse un devis pour l’achat d’un vélo avec un bon
rapport qualité/prix. Je le donne à Paul en lui disant de se rendre au magasin et de choisir son
vélo. Je suis sur le point de partir lorsque je me rappelle avoir récupéré pour lui une poussette
de marché pour qu’il fasse ses courses. Je vais la lui chercher. Ca le fait sourire.
2.2.2. La mesure est-elle adaptée compte tenu de l’évolution de son état
de santé ?
a) Prémices d’un questionnement
En rentrant au bureau, je fais un point sur la visite avec le délégué susceptible de reprendre
le dossier suite à la réorganisation des secteurs. Je lui parle de la décision de l’infirmière quant
à la PCH et lui explique que j’aurais sans doute dû gérer l’entretien au lieu de laisser parler le
majeur. Il aurait peut-être pu prétendre à l’aide. Il me répond qu’il n’y a pas à s’en vouloir,
qu’au contraire Paul a montré qu’il était capable et que le SAVS est plus à même de l’aider dans
son quotidien.
Plus tard, je vois mon référent, lui fais part des échanges avec Paul MARTIN et de mon
ressenti. L’état de Paul s’est amélioré, il s’exprime correctement et il est capable d’exprimer sa
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 42/70
volonté. La mesure de protection n’est pas disproportionnée ? Un allègement ne serait il pas
envisageable dès lors que sa situation sera stabilisée ?
Sa réponse me laisse sans voix : « Non je ne vois pas comment cela est possible, il est trop
vulnérable, trop gentil, il dit oui à tout et à tout le monde. Il est incapable de faire une
démarche seul ». Il me met au défi de recevoir un quelconque devis pour le vélo.
En vue d’un entretien avec Mme PAULIN pour mettre en place le SAVS, j’appelle l’infirmière
afin qu’elle puisse prévenir Paul MARTIN de notre rendez-vous, 2 jours plus tard. J’en profite
pour lui poser des questions sur Paul, son traitement et lui demander si elle a déjà eu
connaissance de son état mental avant la mesure. Elle me dit qu’il revient de loin et me parle
de lui comme un petit « simplet ». J’avoue que je suis choquée par ce terme. Quoiqu’il en soit,
elle ne le connaissait pas avant la mesure de protection.
b) Mise en place d’un SAVS
Le 9 avril 2015 à 15h30, je me rends au domicile de Paul MARTIN. A peine arrivée, Paul
MARTIN me dit que le sac roulant est très pratique et qu’il l’a gardé. Je lui parle du vélo, je suis
surprise de ne pas avoir reçu de devis. « On ira toute à l’heure » me dit il. Je constate que
l’entreprise est déjà passée installer un détecteur de fumée. En regardant le plafond de la
cuisine, je comprends l’histoire de la fuite qui empêche l’usage de la douche. Le plafond est
gondolé. Je demande à Monsieur MARTIN la permission d’aller à l’étage voir l’ampleur des
dégâts. Il n’y a rien de visible dans la salle de bain. Je note de faire une déclaration de sinistre.
Nous nous installons. Je lui explique le but de la visite du SAVS : une personne va
l’accompagner dans certaines démarches de la vie courante et notamment dans un premier
temps dans la recherche du logement. Je l’informe que nous avons une première visite à 17h et
que les suivantes s’effectueront avec Madame PAULIN. Nous sortons dans la rue l’attendre.
Madame PAULIN arrive en même temps que son copain «Hervé », Nous nous présentons et là Paul
fait passer son copain pour lui. Je suis surprise, Madame PAULIN perdue et Paul hilare. Je remets
tout dans l’ordre et nous rentrons nous installer. Je présente Paul puis nous discutons de son
projet de vie. Elle nous explique les prestations qu’elle peut mettre en œuvre et prévoit des
évaluations régulières. Nous convenons dans un premier temps que Madame PAULIN accompagne
Paul dans sa recherche de logement. Je lui donne le budget et lui transmet son numéro de
demande de logement social.
Après son départ nous partons visiter l’appartement. Lorsque nous arrivons, je suis déçue le
produit ne correspond pas aux attentes. Paul n’est pas enthousiaste non plus. Il fait le tour,
regarde partout et me fait une grimace. Nous remercions notre hôte et expliquons que
l’appartement est trop loin du centre ville pour que Monsieur MARTIN puisse faire ses courses à
pied.
Je raccompagne Paul chez lui, sur la route il me demande de m’arrêter car il a vu des
appartements à louer juste à côté de chez lui. Je prends les coordonnées de l’agence
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 43/70
immobilière et tente de les appeler.
c) L’épisode du vélo
Je me dirige vers la voiture lorsque Paul me rappelle que l’on doit aller voir le vélo. Nous
nous rendons chez le vendeur de cycles. Nous nous mettons d’accord sur 2 modèles mais l’un
d’eux, celui qui plait le plus à Paul est déjà retenu mais pas encore payé. Si le vélo choisi par
Paul est disponible, le commerçant m’enverra un devis et Paul pourra venir le chercher d’ici 2
jours. Nous convenons de faire rajouter un porte bagage. Je laisse les coordonnées de l’AGSS au
vendeur, ramène Paul chez lui et repars vers Dunkerque.
Le 10 avril 2015, j’appelle l’assurance habitation pour connaître les conditions et joins un
plombier pour la recherche de fuite. A réception de la facture un mois plus tard, je contacte de
nouveau l’assurance, leur transmets un constat amiable de dégât des eaux.
Le 11 mai 2015, nous percevons enfin les ressources de Paul MARTIN, l’AAH et la CPR avec
une rétroactivité au 01/08/2014 déduction faite du RSA. 11 mois se sont écoulés depuis la
demande.
Le mardi 14 mai 2015, je reçois un appel de Madame BARNIER. Paul veut savoir quand il peut
aller chercher son vélo. Je cherche le devis dans le courrier, le signe, le faxe et appelle le
vendeur pour savoir quand le vélo sera disponible. En recevant la facture, il manque le porte
bagage. Je contacte le vendeur qui me dit que Monsieur MARTIN n’en a pas voulu.
Je suis de plus en plus convaincue que Paul est capable de dire « non » et de prendre une
décision : il a su dire qu’il n’aimait pas l’appartement visité, insister sur le choix d’un vélo
plutôt qu’un autre et refuser le porte bagage. J’en reparle à mon référent, elle me dit qu’en
effet elle n’a pas perçu cela mais ça ne reflète pas son comportement général.
2.2.3. Mes investigations
a) Consultation du dossier au greffe du TI d’Hazebrouck
J’insiste pour aller consulter le dossier au greffe du tribunal d’Instance d’Hazebrouck en
espérant trouver des précisions sur sa santé mentale. Je m’y rends le 25 mai 2015, j’y recueille
des informations qui me permettent de mieux comprendre le cheminement de la mise sous
protection mais rien sur ce que je cherchais.
b) Test de « capacités »
Je passe voir Paul MARTIN juste après la consultation du dossier au greffe pour m’assurer qu’il
va bien et vérifier le passage du plombier.
Je constate qu’il n’est pas à son domicile, un de ses voisins me suggère d’aller le chercher
chez son ami. J’y trouve Paul accompagné de son pied à perfusion. Il m’invite à passer chez lui.
On a changé les horaires de la pose de sa sonde. Je suis surprise, je lui demande si l’infirmière
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 44/70
lui a demandé son avis. Visiblement non car ça n’a pas l’air de lui convenir. J’explique à Paul
qu’il a le droit de ne pas être d’accord et qu’il peut le dire. Il baisse la tête comme s’il était
puni. Je lui dis que ce n’est pas grave, je vais voir cela avec l’infirmière. Par contre je lui
rappelle qu’il doit nous prévenir quand il se passe quelque chose, quand quelque chose ne lui
convient pas. Je pense au cours d’un intervenant des Ceméa sur les critères de choix entre une
tutelle et curatelle et dirige la discussion sur les pistes alors données : le consentement au soin,
le droit de vote, sa capacité à gérer seul un budget….
Si les « OUI » l’emportent, la mesure la plus appropriée a des chances d’être une curatelle.
Si les « NON » l’emportent, la mesure la plus appropriée a des chances d’être une tutelle.
Le test ne fait aucun doute.
c) Information auprès des partenaires
Je décide d’appeler divers partenaires afin d’en savoir un peu plus sur l’état mental de Paul
avant la mesure de protection.
L’assistante sociale de la maison de cure
Je contacte l’assistante sociale du centre de cure médicale. Elle me parle de son état
squelettique à son arrivée et de ses deux hospitalisations. Elle m’explique que Paul MARTIN a
laissé son problème s’aggraver sans revoir son médecin traitant. Lorsqu’il est arrivé pour sa
première hospitalisation, l’ulcère était tellement gros que l’équipe médicale avait d’abord
pensé à un cancer. En convalescence en 2013, il n’avait pas osé déranger le personnel alors que
sa poche de nutrition était bouchée. Elle me parle de lui comme une personne « fragile », « une
crème », il est soulagé lorsque quelqu’un s’occupe de lui. Quoiqu’il en soit, elle m’invite à
contacter l’assistante sociale de la MSA qui l’a suivi avant sa mesure.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 45/70
L’assistante sociale de la MSA
Je contacte donc Madame GRIMBERT, laisse un message. Elle me rappelle, le dossier est
ancien mais elle se souvient bien de Paul MARTIN. Un monsieur « gentil comme tout», mais
beaucoup « trop gentil ». Elle n’aura pas le vocabulaire de l’infirmière mais me fait comprendre
qu’il a toujours été comme ça : incapable de se prendre en main, de gérer ses affaires, son
argent, un être vulnérable qui a des difficultés à se repérer dans l’espace et le temps. Elle
pense qu’un foyer de vie serait plus adapté.
En 2001, elle est intervenue au niveau médical en l’incitant à se soigner et à prendre un
médecin traitant. Elle lui a ainsi fait faire un bilan de santé à l’institut Pasteur. Elle me parle
d’anomalies dentaires, visuelles et surtout auditives. Je n’ai rien vu à cet égard dans le dossier,
je note qu’il faudra demander à la Sécurité Sociale un bilan de santé complet. C’est elle qui m’a
parlé de son conseiller du CIC et de la directrice des Ateliers Verts qui se sont démenés pour lui.
Elle-même l’a beaucoup aidé à gérer ses démarches administratives entre 2001 et 2004.
Elle estime qu’il est capable de faire certains actes de la vie ordinaires comme se laver, se
nourrir, faire ses courses. Quant aux actes de la vie civile, il en est incapable. Elle me parle
d’une déficience intellectuelle compte tenu de son parcours de vie.
Le médecin traitant
J’appelle le médecin traitant, il prend mon appel mais ne m’apporte pas grand-chose. Son
changement de logiciel datant de 2009, il est incapable de me dire depuis quelle date il le suit.
Il me le décrit comme un « simplet », le voit de temps en temps mais sa situation ne semble pas
l’alarmer. Par contre il me demande ce que nous comptons faire pour lui. Je lui parle du projet
de déménagement. II me conseille dès lors de lui trouver quelque chose dans le coin car Paul a
besoin de repères et de routine.
Au regard du test de capacité et des informations obtenues sur Paul MARTIN auprès des divers
partenaires, il est incontestable que Paul a besoin d’une mesure de protection laquelle aurait pu
intervenir avant l’altération de son état de santé. Paul n’a pas de famille et si Madame BARNIER
veille sur lui, il reste isolé. Il n’est pas insensé mais peut être facilement manipulé et est une
proie facile dans un environnement hostile comme cela a déjà été le cas et pourrait l’être
encore (un commercial peu scrupuleux, un voisin sans gène). Paul présente un déficit
intellectuel du fait de son parcours de vie. Il est discret, n’ose pas déranger, ne se plaint jamais.
Il ne fera aucune démarche de lui-même ne sachant pas faire ou n’osant pas faire. Il semble
rassuré lorsqu’on l’accompagne. Par ailleurs, il s’exprime bien, a beaucoup d’humour.
Il a besoin d’être stimulé, il est ainsi nécessaire d’organiser autour de lui un réseau pour
veiller à son bien être, à sa santé (passage de l’infirmière, visite du médecin traitant, bilan de
santé) et l’accompagner dans les actes ordinaires et de la vie civile.
Il semble difficile de concevoir un allègement de mesure dans le sens où sa santé reste
fragile, qu’il est influençable et qu’il ne fait aucune démarche seul. Il adhère totalement à la
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 46/70
mesure de protection qui est pour lui rassurante.
Conclusion
Certes, Paul va mieux. Son problème de santé n’est pas la seule raison de sa mise sous
protection. Il est vulnérable et l’a toujours été. Un allègement n’est pas envisageable.
Cependant nous devons essayer de l’accompagner vers une plus grande autonomie et le SAVS
peut l’y aider.
Ce n’est pas qu’il ne veut pas faire, il ne sait pas faire. Comment peut il en être autrement
pour lui ? Abandonné très jeune, il a passé son enfance et son adolescence en foyer. Adulte on
lui a trouvé un travail et un logement. Paul est « institutionnalisé », il a été très longtemps pris
en charge. Cela prend forcément moins de temps de faire à la place que de montrer à la
personne comment faire.
Notre mission va consister à continuer à le protéger et à protéger ses intérêts patrimoniaux,
mais notre mission ne va pas s’arrêter là. L’article 415 du code civil dans son alinéa 2 nous dit
que la protection « a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la
mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. ». Nous allons donc travailler avec notre majeur
protégé pour l’amener à une plus grande autonomie. Grâce à nos partenaires nous allons
stimuler ses capacités et lui apprendre à faire dans la mesure du possible.
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 47/70
ANNEXES
ANNEXE 1 Ordonnance désignation d’un mandataire spécial
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 52/70
ANNEXE 3 Ordonnance mandataire spécial : Mission complémentaire
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 56/70
ANNEXE 5 Fax de l’assistante sociale de la maison de cure médicale
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 69/70
ANNEXE 10 Actions restant à mener à court et moyen terme
Sortie de STEENWERCK organisée par la MSA
(le problème de la sonde a été déjà géré avec l’infirmière.
Si accord du majeur (rdv du 11 juin):
Valider son inscription,
Organiser le transport A/R avec Itinéraire bis du domicile au lieu de rendez-vous.
Aide sociale
Vérifier s’il est plus avantageux de choisir l’aide sociale pour payer l’aide ménagère et renoncer
à la CPR. Vérifier si cela est cumulable avec la MVA puisque monsieur vit seul à domicile.
Gestion du Sinistre
Suite à l’expertise, faire établir des devis puis des travaux :
- pour la réparation du plafond qui devrait être pris en charge par l’assurance,
-pour la réparation de la fuite, qui nécessite visiblement de refaire toute l’installation.
Dès lors qu’un logement sera trouvé
- Organiser le déménagement et l’emménagement de Paul MARTIN d’un point de vue
Logistique,
Administratif
-Si Paul MARTIN souhaite se débarrasser de meubles : Faire une requête au juge des Tutelles
pour l’y autoriser.
-prévoir éventuellement l’achat de meubles.
Concernant la vente de la maison
-Faire établir les diagnostics obligatoires (via le notaire qui sera chargé de la vente),
-Faire estimer de nouveau la maison (2 estimations demandées pour la vente)
-En fonction des ressources et des devis, mettre la maison en sécurité, la nettoyer et
éventuellement faire des travaux de réparation (chauffage, plomberie) et d’embellissement.
- Préparer la requête au juge des Tutelles pour demander l’autorisation de vendre la maison.
- Résilier les compteurs (eaux, électricité).
Dès que la maison est vide
Le dossier est transmis au cadre juridique qui s’occupe des relations avec le notaire.
Dès qu’un compromis est signé => requête au juge des Tutelles.
Prévoir un bilan de santé
-Contacter la MSA pour la demande.
-en fonction le diriger vers les spécialistes (dentiste, ophtalmologue, ORL ……)
Marion Leblanc le 11 juin 2015 Page 70/70
Mettre à jour le projet de vie du majeur et l’accompagnement par le SAVS
Dossier de surendettement
- avant le terme du moratoire, contacter la banque de France.
Par rapport à la dette COFIDIS
Vérifier si d’un point de vue juridique il n’y a pas une possibilité de remettre en cause cet acte
passé par le majeur bien avant la mise sous protection juridique et la période suspecte. La
signature du contrat date 7/12/2005 et 26/01/2006
-L’achat était disproportionné par rapport aux besoins et aux ressources du majeur,
-L’entreprise ne s’est pas correctement renseignée sur la capacité de financement du majeur
sinon il n’aurait pas pu obtenir de financement.
-Monsieur MARTIN était déjà une personne vulnérable.