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Droit de transport multimodal international Introduction générale Chapitre 1: La responsabilité du transport multimodal international Section l : Le droit de la commission du transport S.section 1: éléments constitutifs de la qualité de commissionnaire §l : Critères fondamentaux de la commission de transport A- Absence de définition légale. B- Définition jurisprudentielle §2/ Distinction avec le transitaire A- Intérêts de la distinction entre commissionnaire et transitaire B- Liberté dans le choix des voies et moyens §3/ Distinction avec le courtier et le mandataire : A.Critère principal : l'action au nom d'un commettant B. Critère subsidiaire: la rémunération C. Situation du commissionnaire affréteur de navire §4/ Distinction avec le commissionnaire en douane S.section 2 : La responsabilité du commissionnaire du transport §l/Régime légal de responsabilité A/Principes et textes en droit tunisien B /Obligation de résultat et présomption de responsabilité §2/Etendue de la responsabilité A/Dans le temps B/Quant aux personnes garanties Section 2 :Etude des principaux textes internationaux régissant la matière § l. Les conventions internatinales non encore applicables 1

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Droit de transport multimodal international

Introduction générale

Chapitre 1: La responsabilité du transport multimodal international

Section l : Le droit de la commission du transport

S.section 1: éléments constitutifs de la qualité de commissionnaire

§l : Critères fondamentaux de la commission de transport

A- Absence de définition légale.

B- Définition jurisprudentielle

§2/ Distinction avec le transitaire

A- Intérêts de la distinction entre commissionnaire et transitaire

B- Liberté dans le choix des voies et moyens

§3/ Distinction avec le courtier et le mandataire :

A.Critère principal : l'action au nom d'un commettant

B. Critère subsidiaire: la rémunération

C. Situation du commissionnaire affréteur de navire

§4/ Distinction avec le commissionnaire en douane 

S.section 2 : La responsabilité du commissionnaire du transport

§l/Régime légal de responsabilité

A/Principes et textes en droit tunisien

B /Obligation de résultat et présomption de responsabilité

§2/Etendue de la responsabilité

A/Dans le temps

B/Quant aux personnes garanties

Section 2 :Etude des principaux textes internationaux régissant la matière

§ l. Les conventions internatinales non encore applicables

A/ La Convention des Nations unies sur le transport multimodal de marchandises, Genève, 24 mai 1980

B/ La Convention des Nations unies sur le contrat de transport international des marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer, 11 décembre 2008

C/ Convention de Budapest sur le transport de marchandise en navigation

intérieure, 0ctobre 2000

§2- La Convention de Varsovie (de 1929) sur le transport aérien.

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§3-La Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, faite à Montréal le 28 mai l999.

§4-La Convention de Genève (de l956) relative au contrat de transport international de marchandises par route dite « CMR ».

§5- La Convention des Nations unies de l987 sur le transport de marchandises par mer (Règles de Hambourg):

A) Eléments de doute

B) Eléments de conviction

C)Le risque de dilution des responsabilités

Section 3 : La responsabilité du transporteur multimodal international en droit tunisien

§l. Les solution du Code de commerce maritime

§2. Les solutions de la loi N°98-2l du 11 mars l998:

Chapitre 2:Les documents de transport multimodal

Section l:Documents de transport multimodal offrant un régime favorable aux ETM

Section 2:Documents de transport multimodal adoptant le système réseau

Section 3:Documents de transport multimodal offrant un régime uniforme

Section 4:La non-représentativité des documents de transport combiné

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Introduction générale

Le droit du transport est la partie du droit qui s'applique aux transporteurs (comme les compagnies aériennes, les transporteurs routiers, les sociétés de chemin de fer ou encore les compagnies de navigation), aux clients et utilisateurs de ces moyens de transport, ainsi qu'aux intermédiaires, tels que commissionnaires de transport.Le droit du transport se divise en plusieurs catégories:

selon qu'il s'agit de transport de voyageurs ou de marchandises ; selon qu'il s'agit de transport national (ou intérieur), soumis à la législation du

pays considéré, ou de transport international, régi par des conventions internationales1;

selon le mode de transport considéré ; ainsi il existe le droit maritime, le droit aérien, le droit du tourisme, le droit du transport terrestre et le droit du transport multimodal, objet de notre cours.

Faut-il d’abord commencer par distinguer le transport multimodal des autres modes de transport ?

Une opération de transport s‘analyse le plus souvent en des transports successifs, c'est dire que la marchandise emprunte entre son point de départ et son point d'arrivée, plusieurs transports différents en recourant le plus souvent non pas à un mode de transport mais à plusieurs.

Le transport qui achemine la marchandise en utilisant au moins deux modes de transport est techniquement multimodal si la marchandise est transportée de bout en bout sans rupture de charge. Absence de rupture de charge réalisée grâce au support multimodal : conteneur, caisse mobile, semi-remorque, camion.

Techniquement multimodaux, ces transports seront juridiquement successifs. Pour qu'ils soient juridiquement multimodaux, il faudra un titre unique de transport : le document de transport multimodal, et un lien entre les différents transports. Ce lien, ce sera l'ETM : l'émetteur du document de transport multimodal ou entrepreneur de transport multimodal.

Un transport de bout en bout qui utilise au moins deux modes de transport sans rupture de charge est techniquement multimodal ; s'il s'accomplit avec un titre unique de transport émis par un commissionnaire de transport, il sera juridiquement multimodal.

La notion de rupture de charge doit être relativisée et explicitée.-En routier pur, c'est le transbordement de la marchandise d'un véhicule sur un autre.-En maritime pur, c'est la manutention de la cargaison d'un navire sur un autre.

Nous dirons qu'en multimodal, la rupture de charge, c'est la séparation de la marchandise de son contenant, c'est le dépotage du conteneur ou de la remorque...En pratique, on ne peut envisager un transport multimodal alors qu'il y aurait en cours de voyage une séparation prévue de la marchandise et de son unité de transport ; si tel était le cas, aucun organisateur de transport n'émettrait de titre unique de transport.

Pour bien identifier le transport multimodal parmi la panoplie des modes de transport, il faut, minutieusement, distinguer entre :

Le transport unimodal Le transport intermodal

Le transport segmenté

1 telles que la convention de Varsovie pour le transport aérien, la convention CMR ou la convention TIR pour le transport routier, ou la convention de Berne pour le transport ferroviaire 

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Le transport multimodal Le transport combiné Le transport successif

Le transport unimodal se définit comme le transport de marchandises par un seul mode de transport par un ou plusieurs transporteurs. - Dans le cas d’un seul transporteur, celui-ci émet son propre document de transport (connaissement ou lettre de transport aérien : bill of lading ou air waybill) suivant la législation applicable. - S’il y a plusieurs transporteurs (cas du transport maritime), un de ceux-ci émet un connaissement direct (through bill of lading) qui couvre le transport en entier. Il y a une obligation de résultat. Le transport intermodal se définit comme le transport de marchandises par plusieurs modes de transport pendant lequel un des transporteurs organise le transport de bout en bout passant par un ou plusieurs points intermédiaires. En fonction de la manière dont la responsabilité pour le transport de bout en bout sera répartie différents types de documents seront émis : - On parle de transport segmenté si le transporteur qui organise le transport n’engage sa responsabilité que pour la partie de transport qui l’incombe. Il peut alors émettre un connaissement intermodal ou un connaissement combiné (intermodal or combined transport B/L). - On parle de transport multimodal si le transporteur qui organise le transport assure la responsabilité de bout en bout. Il peut émettre un document de transport multimodal. Dans le cas du transport multimodal, le chargeur signe un contrat de transport avec un seul opérateur (ETM) qui est responsable vis à vis du chargeur. L’ETM a une obligation de résultat et c’est lui qui négocie les contrats de transport et de services pour chaque maillon de la chaîne. Le transport combiné ou mixte se définit comme le transport de marchandises dans une seule unité de chargement ou véhicule avec une combinaison de modes par route, rail et voies navigables intérieures.Le transport successif se définit comme «un ensemble de contrats portant sur la même marchandise et se succédant dans le temps comme dans l'espace c'est-à- dire qu'une même marchandise sera prise en charge successivement par plusieurs transporteurs (de même mode) dont chacun assure une partie du trajet avant que la marchandise parvienne à sa destination finale »2. Ainsi, Le transport successif est celui qui est effectué par plusieurs transporteurs qui se succèdent en utilisant le même mode de transport; le transport combiné est celui où les transporteurs se succèdent en utilisant des modes différents de transport.

Malgré les différences techniques entre les modes susmentionnés, généralement on utilise les termes Transport multimodal, transport combiné, transport mixte, transport intermodal ou transport amodal comme étant des termes synonymes.

Il faut ici rappeler les définitions officielles du transport multimodal.Pour la convention de Genève de 19803 : "Par transport multimodal

international, il faut entendre le transport de marchandises effectué par au moins

2 VEAUX-FOURNERIE (P.) et VEAUX (D.), Transports successifs, Juris.Class.Com. Fasc. 965,9.1992, n°4, p.3.3 convention des Nations-Unies sur le transport multimodal international de marchandises du 24 mai 1980.

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deux modes de transport différents, en vertu d'un contrat de transport multimodal, à partir d'un lieu situé dans un pays où les marchandises sont prises en charge par l'entrepreneur de transport multimodal jusqu'au lieu désigné pour la livraison dans un pays différent. Les opérations de ramassage et de livraison des marchandises qui sont effectuées, en exécution d'un contrat prévoyant un transport par un seul mode de transport, telles qu'elles sont définies dans ce contrat, ne sont pas considérées comme un transport multimodal international" 4.

Les Règles CNUCED/CCI donnent la définition suivante : "Un contrat de transport multimodal désigne un contrat unique pour le transport de marchandises par au moins deux modes de transport différents".

Pour l'Union Européenne, c'est : "le transport de marchandises entre États membres pour lesquels le camion, la remorque, la semi-remorque (avec ou sans tracteur) la caisse mobile ou le conteneur d'au moins 20' utilisent la route pour la partie initiale ou terminale du trajet et pour l'autre partie, le chemin de fer ou le fleuve, voire la voie maritime lorsque la traversée excède cent kilomètres à vol d'oiseau"5 .

Pour la Tunisie, l'article 4-1 de la loi N°95-21 du 11 mars l998, relative au transport multimodal international de marchandises, définit le transport multimodal comme étant « le transport de marchandise effectué par au moins deux modes de transport différents à partir d'un lieu situé dans un pays où les marchandises sont prises en charge par l'entrepreneur du transport multimodal jusqu'au lieu désigné pour la livraison dans un autre pays... ».

Le transport multimodal, l’objet de notre recherche, se présente comme la solution idéale pour résoudre les problèmes dont souffre le secteur de transport. Bien que le secteur du transport en Tunisie est l’un des secteurs les plus vitaux6, il est aussi l’un des plus grands consommateurs d’énergie avec prés de 30% de la consommation nationale. D’où l’intérêt du transport multimodal vu la multitude d’avantages  qu’il représente à savoir la réduction et la fiabilité des délais, la maîtrise des coûts de chargements et de livraison, il permettra en effet de créer une coopération entre les différents maillons de la chaîne tout en permettant une meilleure fluctuation de l’information.  

Le transport multimodal n’est pas chose tout à fait nouvelle. Les juristes se plaisent à rappeler qu’en 1876 la Court of Appeal britannique s’était prononcée sur ce qui était déjà une opération de transport multimodal, puisque ce qui était en cause c’était un transport maritime de Londres à Montréal, suivi d’un transport ferroviaire de Montréal à Toronto (arrêt Morr v. Harris, 1876 1 A.C. 318). Il reste que, avec l’apparition puis la généralisation du conteneur, le transport multimodal a connu, depuis 1970, un développement presque exponentiel.

C'est grâce a cette unité de chargement que le transport maritime a vu apparaître de porte-conteneurs de plus en plus gigantesques, appelés U.L..C.S (Ultra Large Container Ships)7. De leur Côté, les ports ont subi les répliques de ce

4 Règles de CNUCED/CCI applicables aux documents du transport multimodal. Voir IMTM : Le transport multimodal transmaritime et transaérien - Les nouvelles règles CNUCED/CCI.5 Directive n° 92/106, arrêté du 21 février 1995, J.O du 7 mars.6 du point de vue employabilité puisqu’il offre plus de 113000 postes d’emplois, et il assure 97% du commerce extérieur de la Tunisie (par voie maritime), et il contribue à 6% du PIB national7 La capacité, de chargement actuelle en TEU de ces géants des mers a franchi avec l'Emma Maersk la barre des 11.000 TEU (Twenty foot Equivalent Unit. En français EVP : équivalent pieds)

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gigantisme : étant inaccessibles aux petits et moyens ports, ces géants des mers était obligés de servir Seulement les grands qui sont de ce fait devenu de port d'éclatement (appelés «hub»). Comme l'exploitation des navires sur des lignes régulières était couteuse compte tenu de leur taille, les armateurs ont dû recourir à de nouvelles formes d'exploitation de navires : on voit naître de nouvelles formes de contrat, appelés affrètement d'espace, et aussi, de nouveau métiers tels que les ships planners, le N.V.O.C.C8...

Dans un domaine au plus haut point international, aucun régime international spécifique au transport multimodal n’existe, alors qu’en matière de transport par chemin de fer, semblable régime existe depuis 1890, sans parler des conventions sur le transport maritime ou sur le transport aérien, la Convention de Varsovie signée en 1929 l’ayant été alors que le transport aérien était dans ses tous premiers balbutiements.Certes, pour ce qui est du transport multimodal, une convention internationale a bien été adoptée en 1980, mais, ratifiée par seulement sept États (dont le Malawi, le Rwanda et la Zambie ...)9, elle n’est pas entrée en application, et sans doute, demeurera à tout jamais mort-née. La solution serait que les États adhèrent tous à la convention de 1980. Mais la chose ne pourrait être envisagée que si le texte de cette convention était allégé de ses dispositions à caractère politique et douanier. Or, modifier une Convention internationale est chose fort lourde. Il a fallu six ans de travaux et de négociations pour arriver au Protocole de 1968 modifiant la Convention de 1924 sur les transports sous connaissement, et ce texte n’est entré en vigueur qu’en 1977 (et des exemples de «maturation» plus longue encore pourraient être donnés, comme en matière de transport aérien, où il a fallu prés de vingt-cinq ans pour qu’entrent en vigueur les Protocoles n° 1, 2 et 4 de la Convention de Varsovie)

Certes aussi, la CNUCED et la CCI ont mis en place des «Règles» applicables aux documents de transport multimodal. Mais, quelle que soit la valeur de ces règles, il s’agit là d’un régime conventionnel, qui ne vaut que si les parties à une opération de transport multimodal veulent bien y adhérer.

En effet, « Alors qu’une bonne partie du commerce international s’effectue maintenant de porte-à-porte sous le couvert d’un contrat unique avec l’une des parties à qui incombe la responsabilité contractuelle, le cadre juridique régissant le transport multimodal n’a pas intégré cette évolution et aucun régime international uniforme ne régit la responsabilité pour pertes, dommages ou retard afférente à ce type de transport. Le cadre juridique applicable consiste en fait en un ensemble complexe de conventions internationales relatives au transport unimodal, d’accords régionaux ou sous-régionaux divers, de textes législatifs nationaux et de clauses contractuelles types. Tant les règles applicables en matière de responsabilité que le degré et l’ampleur de la responsabilité du transporteur varient ainsi considérablement d’un cas à l’autre et sont imprévisibles».10

Ainsi, « Un cadre juridique fragmenté et complexe suscite des incertitudes qui viennent renchérir les transactions en rendant nécessaire la recherche d’éléments de preuve et la conduite d’enquêtes, l’ouverture de coûteuses procédures contentieuses et

8 Non vessel operating carrier.9 Alors qu’elle requiert la signature de trente parties contactantes.10 Rapport de la CNUCED sur « DÉVELOPPEMENT DES SERVICES DE TRANSPORT MULTIMODAL ET DE LOGISTIQUE », septembre 2003, p.17

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une augmentation des primes d’assurance. C’est là un sujet de grande préoccupation pour les pays en développement, petits et moyens utilisateurs de transport en particulier. Sans cadre juridique prévisible, accès équitable aux marchés et participation au commerce international sont des objectifs bien plus durs à atteindre pour les petits et moyens opérateurs.»11

L’absence d’un régime juridique international12 est d’autant plus regrettable que les droits nationaux sont marqués en la matière par une grande diversité.

Cela ne signifie pas que la question du transport multimodal ne puisse recevoir aucune solution. Le droit des contrats offre une technique appropriée qui est celle du contrat de commission. Mais il reste que cette technique n’est pas universelle, si bien que certaines organismes internationaux ont à leur tour, proposé certaines règles qui seraient de nature à organiser la responsabilité de l’ETM. La question qui préoccupait en effet les usagers de ce mode de transport est double:

- D'une part, le régime de responsabilité applicable au transporteur multimodal doit être la même de bout en bout, que la marchandise soit transportée sur terre, par mer ou par air. C'est le vœu des chargeurs et des banquiers qui désirent connaître à l'avance les garanties qui leur sont offertes par leurs cocontractants. (Chapitre l)

- D'autre part, pour qu'il soit un titre fiable de commerce international, le document de transport mutimodal doit assurer les mêmes fonctions que celles d'un connaissement maritime. (Chapitre 2)

Chapitre 1

La responsabilité du transport multimodal international

A l'heure actuelle, et en l'absence d'une Convention internationale contraignante, le transport multimodal est dominé, de part le monde, par le droit de la commission du transport (Section 1).

Au plan national, le transport multimodal fait l'objet d'une Loi N°98-21 du 11 mars l998, relative au transport multimodal international de marchandises. Avant d'étudier le régime de responsabilité dans cette loi (Section 3), il importe d'abord de passer en revue les textes internationaux régissant la matière (Section 2).

Section l :

Le droit de la commission du transport

S-section 1:éléments constitutifs de la qualité de commissionnaire

11 Idem.12 Devant cet échec de l’unification du régime du transport multimodal, les autorités nationales et internationales, n’ont trouvé d’échappatoire que d’organiser des sondages d’opinions auprès des professionnels du transport. Le ministère de transport a organisé en 2003 «la consultation nationale sur le transport multimodal ». A l’issue de cette consultation, on a démontré qu’environ 80% des entreprises trouvent que les réglementations sont adaptées à leurs affaires. Alors que le niveau de satisfaction quant à l’adaptation de la réglementation au système de transport multimodal a atteint 77%. De son côté, l e secrétariat de la CNUCED a entrepris une enquête sur la faisabilité d’un nouvel instrument international appelé à régir la responsabilité afférente au transport multimodal. Cette enquête a fait apparaître que la grande majorité (83 %) des répondants - aussi bien parmi les pays que parmi les représentants d’ONG et les professionnels – estimait que le cadre juridique actuel n’était pas satisfaisant et la plupart (76 %) que ce cadre ne présentait pas un bon rapport coût-efficacité. L’immense majorité des répondants (92 %) a été d’avis qu’un instrument international régissant la responsabilité afférente au transport multimodal était souhaitable et la quasi-totalité (98 %) a indiqué qu’elle soutiendrait tout effort concerté dans ce sens.

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§l : Critères fondamentaux de la commission de transport

Supposons un industriel tunisien devant expédier des marchandises sur l'Argentine. Cet industriel peut choisir de s'occuper de tout lui-même. Il traitera donc successivement avec un transporteur terrestre tunisien pour l'acheminement de la marchandise jusqu'à Sousse, puis avec un intermédiaire portuaire, puis un transporteur maritime, puis, à nouveau, un intermédiaire portuaire à Buenos Aires et, enfin, un transporteur terrestre argentin pour le parcours terminal sur Cordoba. On voit la somme de recherches et de frais que cela représenterait et, en outre, l'insécurité juridique qui en découlerait pour notre exportateur : car, si la marchandise est endommagée en cours de transport, il sera, selon le cas, amené à plaider à Tunis selon le droit tunisien, devant les tribunaux de Cordoba selon le droit argentin, ou encore devant la juridiction déclarée compétente par les clauses figurant au verso du connaissement.

L'industriel lyonnais dispose d'une seconde solution : s'adresser à un professionnel des transports de sa ville, qui, après étude de son problème, lui proposera de le prendre en charge moyennant telle rémunération. A partir de ce moment, l'exportateur se trouvera déchargé de tout, souci, il n'aura plus à s'occuper de rien. C'est son interlocuteur qui s'emploiera à trouver les différents maillons de la chaîne du transport et traiter avec eux. A la tranquillité d'esprit et au gain de temps inhérents à cette seconde formule, s'ajoute un anvantage non moins important sur le plan juridique : en effet, si un dommage se produit en cours de transport, à quelque moment que ce soit, l'industriel tunisien pourra se borner à assigner en France le maître d'oeuvre de l'opération, qui répondra envers lui de l'ensemble des participants.

Ce maître d'œuvre qui se charge de faire exécuter - et éventuellement d'exécuter lui-même pour partie - les opérations administratives et matérielles nécessaires à l'acheminement de la marchandise, en endossant les fautes de ses substitués c'est le commissionnaire de transport.

Bien entendu, la commission de transport peut s'appliquer à des opérations beaucoup plus élémentaires : elle commence, par exemple, avec la sous-traitance d'un transport routier de Lille à Marseille.

A- Absence de définition légale.

A la question « qu'est-ce qu'un commissionnaire ? », le Code de commerce, dans une section intitulée « du contrat de commission » répond : « Le contrat de commission est le mandat par lequel un commerçant reçoit pouvoir d'agir en son propre compte pour le compte de son mandant, dit commettant».(C. com., art. 601).

En revanche, à la question « qu'est-ce qu'un commissionnaire de transport ? », point de réponse dans ledit Code ou dans quelque autre texte légal. C'est en conséquence à la jurisprudence qu'est revenu le soin de définir la commission de transport.

B- Définition jurisprudentielle

La Cour de cassation française donne actuellement de la commission de transport la définition suivante, reprise par de nombreux arrêts d'appel (par exemple, C.A. Versailles, l2e ch., 9 déc. l993, BTL l994, p. l02, plus récemment CA Versailles, l2 e

ch., l6 mai 2002, Sté Tyt Textile c/ Sté Infinitif et autres, BTL 2002, p. 440, en extrait: «La commission de transport, convention par laquelle le commissionnaire s'engage

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envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement de la marchandise d'un lieu à un autre; se caractérise par la latitude laissée au commissionnaire d'organiser librement le transport par les voies et moyens de son choix, sous son nom et sous sa responsabilité,ainsi que par le fait que cette convention porte sur le transport de bout en bout» (Cass. com., l6 févr.l988, no 86-l8.309, Bull. civ. IV, no 75, p. 52, BT l988, p. 49l).

Si l'on décompose cette définition, on voit apparaître un certain nombre d'éléments fondamentaux et on peut, en définitive,poser en principe que le commissionnaire est:

- Un intermédiaire, ce qui le distingue du transporteur proprement dit;

- Un organisateur, ce qui implique une liberté suffisante dans le choix des modes et entreprises de transport et le différencie du simple mandataire qu'est le transitaire. Bien entendu, plus fondamentalement, la commission de transport suppose une prestation dont le déplacement de la marchandise constitue l'objet principal (CA Aixen-Provence, 2e ch., 4 mai l994, BTL, l994, p. 450) ;

- Concluant en son nom personnel les contrats nécessaires à la réalisation de l'opération de transport, ce qui le sépare du courtier et, à nouveau, du mandataire. L'intervention d'un commissionnaire de transport amène donc la superposition de deux contrats : l'expéditeur et le commissionnaire sont liés par un contrat de commission de transport, alors que le, contrat de transport proprement dit est conclu entre le commissionnaire et le transporteur.

- On peut ajouter que la rémunération du commissionnaire de transport prend en général la forme d'un forfait, ne détaillant pas le coût des différentes prestations successives.

Les deux premiers éléments sont essentiels. Il n'y a commission de transport qu'en présence d'une entreprise intervenant comme intermédiaire et avec une marge de manoeuvre suffisante dans l'organisation de l'opération. Si le jeu de ces deux premiers critères laisse subsister un doute, on fera application du troisième et on déduira la qualité de commissionnaire du fait que l'entreprise apparaît en nom, comme expéditeur ou chargeur, sur les documents de transport. Le critère tiré de la forme de la rémunération n'interviendra, lui, qu'à titre tout à fait supplétif. Il va, par ailleurs, de soi que la qualité de commissionnaire n'implique pas monopole des transports du client.

La loi n°95-32 du l4 avril l995, relative aux transitaires reprend les éléments de la définition dégagée par la jurisprudence. Aux termes de son article 12 :«En l'absence d'instructions particulière du mandat, le transitaire emploie toutes voies et tous moyens qu'il juge opportuns pour le transport et l'acheminement des marchandises qui lui sont confiées. Dans ce cas, il a la qualité de commissionnaire de transport.

Le commissionnaire de transport est la personne qui agit en son nom propre et sous sa responsabilité pour organiser les opérations de transport et les opérations connexes en choisissant les transporteurs et autres intervenants.

En sa qualité de commissionnaire de transport, le transitaire est tenu d'une obligation de résultat ».

Bien avant cette loi, le code de commerce définit le commissionnaire du transport comme étant un commerçant qui « s'engage à faire effectuer, soit en son nom, soit au

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nom du commettant ou d'un tiers, un transport de personnes ou de choses et, s'il y a lieu, les opérations connexes ». (art.62)

Ainsi, hors de toute appréciation de la situation administrative de l'entreprise organisatrice du transport international, «l'opération... doit être définie au regard des seuls éléments factuels, la constituant» (CA Versailles, 12e ch., 16 mai 2002, Sté Tyt Textile c/ Sté Infinitif et autres, BTL 2002, p. 400).

§2/ Distinction avec le transitaire

A/ Intérêts de la distinction entre commissionnaire et transitaire

La distinction entre commissionnaire et transitaire débouche sur toute une série d'intérêts juridiques et pratiques importants :

- Alors que le commissionnaire est garant de ses substitués parce qu'il les a choisis et supporte une lourde présomption de responsabilité, le transitaire ne répond que de sa seule faute personnelle prouvée;

- La prescription annale de l'article 652 Code de commerce s'applique à l'action contre le commissionnaire, alors que l'action contre le transitaire relève de la prescription de droit commun, soit l5 ans ;

- Le transitaire ne bénéficie pas du privilège étendu que l'article 603 du Code de commerce confère au commissionnaire (privilège sur la marchandise).

B / Liberté dans le choix des voies et moyens

Alors que le voiturier exécute lui-même le transport qui lui est confié et que le simple mandataire qu'est le transitaire n'a qu'une mission limitée de réception et de réexpédition des marchandises selon les instructions qu'il reçoit, le commissionnaire se charge d'organiser et de faire exécuter tout ou partie du transport.

Mais, pour mériter réellement ce titre d'organisateur et la qualité juridique de commissionnaire de transport qui en découle, encore faut-il que l'entreprise dispose d'une liberté suffisante en ce qui concerne le choix des modes et entreprises de transport. Dès lors que l'intermédiaire n'a pas une telle latitude dans l'organisation de l'opération la qualification de transitaire doit être retenue, la circonstance que l'intermédiaire demande le remboursement du fret maritime ne signifiant pas qu'il ait affrété le navire.

L'article 17 de la loi n°95-32 du 14 avril 1995, relative aux transitaires reprend ce critère «Si le transitaire est chargé de l'organisation du transport de la marchandise en choisissant librement des transporteurs et autres intervenants dont le concours est nécessaire et avec lesquels il a passé des contrats, il est soumis aux règles régissant le commissionnaire du transport »

La qualité de commissionnaire implique-t-elle la prise en charge de la totalité du transport ?

La jurisprudence française précise que la convention de commission de transport « se caractérise également par le fait qu'elle porte sur le transport de bout en bout ». Mais, il a été également admis que la qualité de commissionnaire pouvait être attribuée à celui qui se chargeait simplement d'une partie du trajet.

On ne peut que se féliciter de cette mise au point. Certes, le premier commissionnaire se voit, le plus souvent, confier l'ensemble de l'opération. Mais, dès

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l'instant où on lui a laissé carte blanche et où, accessoirement, il a traité en son nom personnel, un intermédiaire possède et doit se voir reconnaître la qualité de commissionnaire, même si son intervention n'a porté que sur une partie du transport. Autrement dit, on n'aperçoit pas en quoi la qualification de commissionnaire devrait dépendre de l'étendue géographique ou temporelle de la prestation et mieux vaut donc parler de transport « d'un lieu à un autre » plutôt que « de bout en bout ».

Par ailleurs, dès lors qu'une société s'est vue confier l'opération de bout en bout - de la prise à flot d'un voilier à la Goulette, pour chargement sur un navire, jusqu'à sa remise à flot en Angleterre, il ne peut être jugé que pour cette ultime phase de l'acheminement, l'intermédiaire a agi en simple qualité de mandataire. La commission de transport se caractérise par la maîtrise des voies et des moyens et le libre choix des voituriers ou autres intermédiaires dont le concours est nécessaire. C'est ce critère qui distingue fondamentalement le commissionnaire du simple transitaire.

Le commissionnaire n'a pas à recueillir l'accord de son client sur le nom des transporteurs qu'il choisit (CA Paris, 21 déc. 1981, BT 1982, p.47). A l'inverse, le fait d'avoir sollicité cet accord ne retire pas la qualité de commissionnaire à l'intermédiaire qui disposait du choix des modalités du transport (CA Versailles, 28 oct. 1987, BT 1988, p. 205) ; a fortiori, en va-t-il de même lorsque l'intermédiaire n'a fait que communiquer à son client les données de l'opération (nom de la compagnie aérienne, numéro de vol, taux de fret, etc.) après les avoir arrêtées.

En revanche, dès lors que le donneur d'ordre initial intervient trop directement dans la détermination du substitué, le risque est bien réel de voir dénier la qualité de commissionnaire au prétendu « organisateur de transport » (en ce sens, CA Riom, 11 mars 1998, La Routière et autre c/ Michelin et autres, BTL l998, p. 362: soumission du transporteur substitué à l'agrément du donneur d'ordre). Tel n'est pas le cas lorsque le client se borne à émettre une suggestion sur le recours aux services de certains prestataires.

Relevons également qu'une immixtion trop importante du client dans l'organisation de l'opération pourrait réduire la liberté dont doit disposer le commissionnaire et donc remettre en cause son intervention en cette qualité. Ne peut toutefois entraîner pareille conséquence le contrôle étroit exercé par le commettant sur les différentes phases de l'acheminement (Cass. com., 30 oct. 2000, n° 97-2l.630, BTL 2000, p. 783, en extrait).

§3/ Distinction avec le courtier et le mandataire :

A.Critère principal : l'action au nom d'un commettant

L'article 12 de la loi de 1995 définit le commissionnaire en général comme : «celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant», ajoutant que lorsque le commissionnaire agit au nom d'un commettant, ses droits et ses devoirs sont déterminés par les dispositions du Code civil relatives au mandat (CA Lyon, l2 nov. l95:l, BT l952, p. 429, « A l'opposé du courtier qui se borne à rapprocher les parties en vue de la conclusion d'un contrat auquel il demeurera étranger, le commissionnaire passe lui-même le contrat et, s'il agit pour le compte de son client, il traite cependant en son propre nom ; là est sa caractéristique essentielle »).

Ainsi, contrairement au simple mandataire et au courtier, le commissionnaire prend l'opération à son compte et conclut en son nom personnel les contrats nécessaires à sa

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réalisation. Occultant son propre donneur d'ordre, il se présente comme cocontractant direct du transporteur auquel il fait appel, et c'est donc lui, normalement, qui doit figurer comme expéditeur ou comme chargeur sur le document de transport, tout comme c'est lui qui doit rémunérer son substitué.

Il s'ensuit que le contrat de transport proprement dit se situe entre le commissionnaire et le voiturier, l'expéditeur et le commissionnaire étant liés ,quant à eux, par un contrat de commission de transport, contrat d'une autre nature, bien que produisant beaucoup d'effets voisins. Mais par le jeu de l'article 651 du Code de commerce, l'expéditeur dispose d'un droit d'action directe contre le transporteur " le commettant peut exercer directement contre le transporteur toutes actions nées du contrat de transport, le commissionnaire dûment appelé».

En application de ces principes, la qualité de commissionnaire a été déniée à l'intermédiaire chargé d'entreposer, puis de réexpédier des marchandises, auquel le commissionnaire originaire avait prescrit de le porter lui-même comme expéditeur sur la lettre de voiture et de ne correspondre qu'avec lui (Cass. com., 15 juill. 1970, no 69-11.518, BT 1970).

De même, n'est pas commissionnaire l'entreprise qui commande le transport non en son nom personnel, mais au nom d'un tiers à qui la facturation devra être adressée, et qui ne figure pas sur le document de transport, celle qui se porte simplement comme « agent du transporteur » sur la lettre de transport aérien, inscrivant le nom de son client dans la case «expéditeur ». La même solution a été admise à propos d'un intermédiaire de transport maritime figurant as agent only sur les chartes-parties et ayant accompli toutes ses diligences au nom de son mandant.

B. Critère subsidiaire: la rémunération

Outre qu'elle ne se rapporte pas uniquement à des prestations personnelles, la forme de la rémunération de l'intermédiaire (forfaitaire ou non) peut également constituer un critère subsidiaire de qualification. L'article 24 de la loi de 1995 prévoit ainsi «Le transitaire est rémunéré suivant la nature et l'étendue de son intervention, soit par une commission ,soit par des honoraires, dont les montants sont fixés par la convention des parties ».

En effet, comme le souligné la cour d'appel de Metz dans un arrêt rendu sur renvoi de cassation, «une rémunération correspondant à un forfait par tonne est caractéristique de l'activité de commissionnaire et le distingue de celle faisant l'objet d'un décompte détaillé comme en produisent le transitaire et le transporteur » (CA Metz, 31 janv. 1979, BT 1979, p. 466). Il est donc de la nature de la facturation d'un commissionnaire de ne pas révéler au client la part revenant aux différents substitués.

Mais le seul fait pour un intermédiaire de traiter une opération pour un prix forfaitaire ne saurait en lui-même constituer un critère déterminant de qualification (CA Paris, 25e ch., 15 déc. 2000, Scoop c/ Saga Air, BTL 2001, p. 115 «le critère du forfait n'est que subsidiaire»). Ce qui importe avant tout, c'est que l'entreprise ait assumé les obligations d'un commissionnaire, la facturation permettant alors de conforter l'analyse de la situation juridique donnée (CA Versailles, l2e ch., 24 oct. 2002, Sté CMGT c/ Sté Transex, BTL 2002, p. 769, en extrait, commission de transport malgré une facture détaillée ou « ventilée».

Indépendamment de sa forme ou de sa présentation, le faible montant de la facture de l'intermédiaire constitue, bien sûr, un élément en faveur de la qualité de simple

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transitaire, de même que le fait (joint à d'autres indices) qu'il n'ait finalement réclamé à son donneur d'ordre que le coût des opérations de transit au port, sans y ajouter le transport terrestre de réexpédition (CA Aix-en-Provence, 27 janv. l966, BT 7966, p. 115), ou le seul remboursement des sommes réglées pour son compte aux différents intervenants (CA Paris, 23 févr. l987, BT 1987, p. 283).

C. Situation du commissionnaire affréteur de navire

Un commissionnaire de transport peut choisir d'affréter un navire au voyage pour l'exécution du transport qu'on lui a confié. Quelle est alors sa situation juridique durant la traversée ? Vis-à-vis de son commettant, demeure-t-il commissionnaire ou ne devient-il pas transporteur maritime ?

Selon Rodière (Rodière R., BT l979, p.322), le commissionnaire conserve cette qualité lorsqu'il a recours à l'affrètement de navire et il est donc garant du fréteur au voyage. Cela signifie que, si un dommage survient pendant la phase maritime, le commettant ne pourra pas invoquer la Convention de Bruxelles du 25 août l924 ou la Convention de l977 relatif au contrat de transport maritime: le commissionnaire, qui ne peut pas être plus responsable que ne l'est légalement son substitué, répondra du dommage dans les mêmes conditions que le fréteur ,selon les règles du contrat d'affrètement.

Rodière réserve cependant le cas où le commissionnaire aurait émis un connaissement à son nom. Dans cette hypothèse, il faudrait considérer qu'il a entendu prendre la qualité de transporteur maritime et assumer la responsabilité correspondante.

§4/ Distinction avec le commissionnaire en douane :

A l’instar du commissionnaire de transport, le commissionnaire en douane est un intermédiaire. Ainsi, le commissionnaire en douane accomplit directement, au nom et pour le compte de son client, ou indirectement, en son nom, mais pour le compte de son client, des formalités douanières. La réglementation douanière constitue un ensemble complexe de formalités, contrôles et interdictions qu'il est difficile de connaître ou de maîtriser. C'est pourquoi, les importateurs et exportateurs en délèguent très souvent l'accomplissement à des commissionnaires agréés en douane, techniquement qualifiés. Le commissionnaire en douane intervient s'il y a lieu pour aplanir les difficultés qui pourraient se présenter. La vocation première de cet opérateur est donc de décharger ses clients de tout souci au sujet d'une réglementation, qu'en raison de sa spécialisation, il est censé bien connaître. Pour éviter toute confusion, il paraît nécessaire que les professionnels n'emploient pas indifféremment les termes de commissionnaire en douane, transitaire en douane, commissionnaire de transport, pour désigner les intermédiaires chargés d'accomplir les formalités douanières, chacune de ces professions ayant des droits et obligations qui leurs sont propres. Il importe peu que l'activité principale d'une entreprise consistant à recevoir ou à entreposer des marchandises (transitaire) ou à les faire acheminer à destination par des transporteurs

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(commissionnaire de transport), car lorsqu'elle accomplit des formalités en douane pour le compte de son client, elle assume, du fait de l'exécution de cette seule mission, une responsabilité qui lui est propre, différente de celle qu'elle peut encourir pour les fautes qu'elle pourrait commettre en tant que transitaire ou commissionnaire de transport. Le régime de la prescription devient alors lui aussi différent. Néanmoins, là aussi dans la pratique, les entreprises qui font de la commission de transport exercent souvent en même temps l’activité de commissionnaire en douane ce qui accentue la confusion ambiante dans ce secteur.

S.Section 2 : La responsabilité du commissionnaire du transport

§l/Régime légal de responsabilité

A/Principes et textes en droit tunisien

Les principes de responsabilité du commissionnaire « qui se charge d'un transport » sont fixés par les articles 60l à 608 ; des articles 627 à 629 ; des articles 647 à 652 du Code de commerce, et par la loi de l995 relative aux transitaires :

- Art. 649 : Le commissionnaire est, à partir de la remise de la chose à transporter, responsable de la perte totale ou partielle de celle-ci, des avaries et du retard dans la livraison.

- Art. l7 de la loi l995 : Il est tenu d'une obligation de résultat et répond de la mauvaise exécution du transport et des opérations connexes qu'elle soit que à son fait personnel ou au fait de ses sous-traitants.

- Art.648 : Le commissionnaire peut être exonéré, en tout ou en partie de sa responsabilité, pour l' inexécution, l'exécution défectueuse ou tardive de ses obligations, en rapportant la preuve de la force majeur,du vice propre de la chose ou une faute imputable, soit à son commettant, soit au destinataire.

- Art .650 : Par une clause écrite portée à la connaissance du commettant, le commissionnaire peut sauf faute intentionnelle ou lourde commise par lui ou par son préposé ou par le transporteur ou le préposé de celui-ci, s'exonérer, en tout ou en partie, de sa responsabilité.

De ces textes découlent, soit immédiatement, soit implicitement, les cinq éléments fondamentaux du régime de responsabilité du commissionnaire de transport, savoir :

1- Le commissionnaire est tenu d'une obligation de résultat envers son client. Sa responsabilité est donc, à la base, identique à celle du transporteur;

2- Dans le cadre de cette obligation de résultat, le commissionnaire assume une double responsabilité: de son fait personnel et du fait de ses substitués. Soulignons tout de suite qu'il s'agit là d'un système spécifiquement français et que, dans d'autres pays, le commissionnaire n'assume au contraire qu'une simple obligation de moyens et ne répond que de ses fautes personnelles;

3- Lorsqu'il est recherché en raison du fait d'un substitué, le commissionnaire ne peut pas être plus responsable vis-à-vis de son client que le substitué fautif ne l'est légalement envers lui-même. C'est à la fois une application naturelle des règles de la garantie et un principe d'équité. Il serait, en effet, anormal que, en l'absence de toute

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faute personnelle, la responsabilité du commissionnaire soit plus étendue que s'il avait effectué lui-même le transport litigieux, ou encore, en prenant le problème par l'autre bout, que le client soit mieux placé que s'il avait traité directement avec le responsable du dommage ;

4- Garant de ses substitués, le commissionnaire dispose bien entendu d'un recours à leur encontre ;

5- Contrairement à celle du voiturier la responsabilité de commissionnaire de transport n'est pas d'ordre public, ce qui l'autorise à décliner toute garantie pour telle ou telle opération particulièrement délicate. On peut, encore, ajouter que le contrat de commission de transport est un contrat consensuel (Rodière R., Traité général de droit maritime tome 3, n° 938 ).

B /Obligation de résultat et présomption de responsabilité

l- L'emploi répété du terme « responsable ou garant » le manifeste clairement : c'est une obligation de résultat, avec son corollaire naturel que constitue la présomption de responsabilité.

Cela signifie que le commissionnaire, tenu de la bonne exécution du transport de bout en bout, va endosser automatiquement la responsabilité de tout ce qui sera constaté d'anormal à l'arrivée de la marchandise. On retrouve donc ici les trois règles de base du mécanisme de la présomption de responsabilité, savoir:

Le commettant n'a pas à prouver la faute du commissionnaire ou de ses substitués (Cass. coin., l2 févr. l99l, no 89-l6.822, BTL l99l, p. 2l8). Cette faute s'établit d'elle-même du seul fait de l'existence de dommages à la livraison et la responsabilité du commissionnaire se trouve, dès cet instant, automatiquement engagée;

Pour se libérer, il ne suffit pas au commissionnaire démontrer que lui-même ou ses substitués n'ont pas commis de faute. On exige, en effet de lui une explication positive du dommage et il doit établir, de façon formelle, que la perte, l'avarie ou le retard provient d'une des causes d'exonération que la loi lui accorde (Art.648 CC)

Le doute joue contre le commissionnaire. Sa responsabilité demeure engagée chaque fois qu'il va pas jusqu'au bout de la preuve formelle exigée de lui pour sa libération. Il supportera donc, sauf son recours éventuel contre tel ou tel de ses substitués ,tous les dommages dont l'origine n'aura pas été complètement élucidée.

2- Responsabilité pour retard : Le commissionnaire de transport répond également, dans les mêmes conditions, du retard à la livraison, sauf cas de force majeure. A défaut de délai imposé, il doit respecter un délai compatible avec la nature et l'objet de la prestation, étant encore précisé que l'indication au client des dates de départ et d'arrivée du navire n'importe pas forcément garantie de délai et qu'il ne répond pas des retards d'acheminement (CA Paris, 5e ch., 28 mars 2001, SARL Devine c/ SA Géologistics et autres, BTL 2001, p. 342). Bien entendu, le fait qu'une assurance ait été souscrite par l'expéditeur pour sa marchandise ne fait pas disparaître la responsabilité du commissionnaire.

3- Garant de la réussite d'une opération qu'il fait pour l'essentiel exécuter par des tiers, le commissionnaire de transport assume une double responsabilité:

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d'une part, il répond de son propre fait dans les termes des articles 17 de la loi de 1995 et l'article 649 du Code de commerce,

d'autre part, il répond du fait des voituriers et autres intermédiaires auxquels il a eu recours pour l'exécution du transport dont il s'est chargé.

4-Incidence d'une faute personnelle sur la situation des substitués : L'existence d'une faute personnelle initiale du commissionnaire n'empêche pas qu'il puisse y avoir ultérieurement responsabilité d'un substitué. Les deux ordres de garantie peuvent très bien se conjuguer et sa faute personnelle ne prive pas le commissionnaire de tout recours contre le transporteur.

§2/Etendue de la responsabilité

A/Dans le temps

Le commissionnaire de transport ne répond que du transport dont il s'est chargé. Ainsi, lorsque ses obligations s'arrêtaient au port ou à l'aéroport, il ne peut être recherché au sujet d'avaries constatées à l'issue d'un transport ultérieur auquel il est demeuré étranger. Cela est vrai à moins, bien entendu, qu'il ne soit établi que ces avaries existaient déjà avant ce transport; Inversement, il va de soi que le commissionnaire ne saurait répondre de dommages survenus antérieurement à sa propre prise en charge, par exemple au cours du transport maritime alors que sa mission se limitait â la réexpédition depuis le port d'arrivée ou du fait des conditions d'intervention du premier commissionnaire.

L'acceptation par le transporteur, à la demande du destinataire, de continuer le transport sur une autre destination ne modifie en rien les obligations du commissionnaire de transport, qui ont pris fin avec l'arrivée des marchandises à la destination initialement convenue avec son client (CA Paris, 13 févr. 1976, BT 1976, p. l64). Il a même été jugé que le commissionnaire dont les obligations s'arrêtaient dans un port déterminé n'est plus garant de ce qui peut arriver aux marchandises poursuivant leur route au-delà de ce port, où elles n'ont pu être débarquées pour cause d'encombrement (CA Aix-enProvence, 2e ch., 27 févr. 1986, SCAC c/ Richter : lorsque la prestation du commissionnaire s'entend « bord Benghazi », l'obligation de résultat prend fin lorsque le navire touche Benghazi et n'inclut pas d'obligation de livraison).

Enfin, le commissionnaire n'a pas à répondre de problèmes ou dommages survenus, indépendamment de toute faute de sa part, à un moment où il ne contrôlait plus l'opération, son client ayant décidé de prendre les choses en main (CA Paris, 11 juill. 1989, 13T l990, p. 203).

C'est évidemment au demandeur d'établir que les obligations contractuelles du commissionnaire couvraient la phase pendant laquelle s'est réalisé le dommage. De ce point de vue, le fait qu'il ait envoyé sur place un de ses responsables pour résoudre les difficultés rencontrées tend à prouver que le commissionnaire était bien chargé de l'opération litigieuse, alors que la formulation de réserves à la réception de la marchandise, puis la participation à une expertise, peuvent, au contraire, s'expliquer par une simple manifestation de prudence de la part d'un commissionnaire responsable de la suite des opération.

De même, si un paiement direct du transporteur terrestre terminal par le donneur d'ordre laisse présumer que le rôle du commissionnaire s'arrêtait au port de

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débarquement, le fait qu'il ait traité aux conditions bord/bord avec l'armement ne saurait autoriser pareille déduction (CA Aix-en-Provence, 2e ch., 30 mai 1991, Logistique du commerce extérieur c/ Limburger et autres, Lamyline).

En tout état de cause, les obligations du commissionnaire se terminent avec la livraison, c'est à-dire la prise de possession effective et totale des marchandises par le destinataire ou son représentant qualifié (CA Versailles, 23 sept. 1999, SIAT c/ Saga France, BTL l999), et non pas au moment où celui-ci est informé de leur arrivée.

B/Quant aux personnes garanties

l/Le commissionnaire répond de toute la chaîne du transport

Le commissionnaire doit donc répondre, notamment:

du défaut d'avis de son transporteur, face à un refus des marchandises à destination ou

à un refus de chargement au départ. de l'incurie du voiturier qui ne prend pas les mesures prévues en cas

d'empêchement à la livraison et laisse périr la marchandise. des dégâts occasionnés à une machine par l'entreprise de manutention qu'il a

choisie pour en effectuer le chargement sur le véhicule. de la défectuosité du véhicule de son substitué, par exemple, du mauvais

réglage du système de réfrigération. des conséquences de l'initiative prise par le transporteur maritime de

conteneuriser la marchandise. de la légèreté du transitaire terminal dans la garde de marchandises refusées

par le destinataire ou dans la livraison, par exemple en cas de remise directe au destinataire réel sans passer par la banque du destinataire nominal.

de l'inobservation par le confrère qu'il s'est substitué de sa promesse d'un transport sans rupture de charge.

de la faute de conduite (excès de vitesse) du préposé de son voiturier.

Le commissionnaire ne peut se dégager sous prétexte qu'il n'a personnellement commis aucune faute et renvoyer son client agir directement contre ses substitués, la preuve que le dommage est imputable à tel ou tel transporteur intermédiaire ne pouvant lui servir que pour l'exercice d'une action récursoire (CA Aix-en-Provence, 2e ch., 26 mars 1982, CNC c/ JB Industrie et autres)

Enfin, le différend qui l'oppose à l'un de ses suivants n'autorise pas le commissionnaire à retarder le règlement d'un préjudice indiscutable subi par son client.

2- Conditions et limites de la garantie du fait des substitués

La responsabilité du commissionnaire du fait des voituriers et autres intermédiaires substitués n'est toutefois pas absolue

- Tout d'abord, le commissionnaire n'est garant de ses suivants qu'autant qu'ils ne lui ont pas été imposées par son donneur d'ordre, sinon, il n'est qu'un simple mandataire, responsable seulement de ses fautes personnelles. Ainsi, à titre d'exemple, lorsque le client impose le recours à un voiturier « référencé », le commissionnaire n'a pas à répondre de dommages survenus lors d'un acheminement exécuté par ledit voiturier. De même, lorsque le donneur d'ordre exige le recours à un transitaire

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déterminé, le commissionnaire ne répond pas des détournements commis par ce transitaire.

- Bien entendu, le commissionnaire ne peut pas se retrancher derrière le fait qu'un substitué lui a été imposé lorsque le dommage lui est, en réalité, personnellement imputable (CA Paris, 4 nov. l98l, BT 798l, p. 593), ou encore lorsque c'est en raison de la défaillance de son propre correspondant que le transitaire à destination a finalement été choisi par le client.

- Le commissionnaire ne peut, par ailleurs, être plus responsable que ses substitués ne le sont légalement. Cela signifie, d'une part, que, lorsque le transporteur substitué est exonéré de toute responsabilité à raison d'un cas de force majeure, d'une faute de l'expéditeur ou de toute autre cause libératoire prévue par le texte applicable (par exemple, faute nautique s'agissant d'un transporteur maritime), le commissionnaire l'est pareillement.

- D'autre part, le commissionnaire ne peut, sauf faute personnel ou engagement particulier de sa part, être tenu vis-à-vis de son commettant d'une indemnité plus élevée que celle que la loi met à la charge du substitué responsable. Bref, le commissionnaire recherché comme garant d'un substitué répond du dommage «dans les mêmes conditions et proportions que celui-ci ».

- En tout état de cause, le commissionnaire ne saurait répondre de l'inexécution d'engagements qu'il n'a pas personnellement contractés avec son client. Ainsi ne peut lui être reprochée l'inexécution par un transitaire étranger d'instructions reçues directement du client (Cass. com., 11 févr. 1957, BT 1957, p. 95) ou le non-respect d'un délai de livraison fixé, à son insu, entre l'expéditeur et le transporteur substitué, ou encore le comportement d'un correspondant local avec lequel le client a personnellement traité (CA Versailles, l2e ch., l8 juin l992, Socatrans c/ SMT et Sagatrans, Lamyline), ou enfin la chute d'un conteneur chargé à son insu (CA,Toulouse, 2e ch., 5 sept. 2001, Generali France c/ Sté transports Griset et autres,BTL 2002, p. 184).

- De même le commissionnaire n'est-il pas concerné par la prolongation du transport résultant d'un accord direct entre le transporteur et le destinataire après arrivée de la marchandise au lieu de livraison initialement prévu (CA Paris, l3 févr. l976, BT l976, p. l64)

- L'article 649 du Code de commerce n'étant pas d'ordre public, il serait loisible au commissionnaire de s'exonérer de la responsabilité du fait de ceux qu'il se substitue.

- Aux termes de l'article 650 du Code de commerce « par une clause écrite portée à connaissance du commettant peut sauf faute intentionnelle ou lourde commise par lui-même ou par son préposé ou pour le transporteur ou le préposé de celui-ci, s'exonérer, en tout ou en partie, de sa responsabilité ».

- Enfin, il est bien évident que la garantie du commissionnaire s'exerce dans le seul cadre du contrat de transport. II ne peut être recherché à raison d'agissements sans rapport nécessaire avec ce contrat et mettant en jeu la responsabilité civile pure et simple d'un de ses substitués : ainsi, lorsque le transporteur obstrue pendant deux heures l'entrée de l'entrepôt du destinataire après la livraison. Notons, à ce propos, que, pour la Cour de cassation, les dégâts causés par le véhicule d'un transporteur (en l'occurrence un déménageur) aux installations de son client ressortissent à sa

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responsabilité délictuelle et non quasi-délictuelle (Cass. com., l9 mars l985, no 83-.l2.298, BT l985, p. 3l4).

Section 2 :

Etude des principaux textes internationaux régissant la matière

§ l. Les conventions internationales non encore applicables

A/ La Convention des Nations unies sur le transport multimodal de marchandises, 24 Mai l980

L'une des tentatives d'uniformisation la plus marquante des années l980 en la matière a été effectuée par la Convention des Nations Unies sur le transport multimodal international de marchandises, adoptée à Genève le 24 Mai l980. Cette Convention risque pourtant de ne pas entrer en vigueur de si tôt. En effet, cette Convention, qui se situe dans le prolongement de la Convention de Hambourg de 1978 sur le transport de marchandises par mer rencontre de la part des pays occidentaux les mêmes réticences que cette dernière. Les opérateurs de ces pays refusent en effet à se soumettre à des règles impératives qui engageraient leurs responsabilités sans équivoque. Devant la résistance des pays occidentaux, le pays en développement restent sur l'expectative.

Bien qu'elle ait été discutée de la façon la plus démocratique à l'échelle internationale avant sa signature en l980 dans le cadre des Nations Unies, cette Convention est encore loin de réunir le nombre de ratifications nécessaires a son entrée en vigueur.

L'un des motifs d'opposition exprimés notamment par les pays occidentaux à sa ratification semble résider dans leur réticence à admettre "qu'il convient d'établir un juste équilibre entre les intérêts des pays développés et ceux des pays en développement et de parvenir à une réputation équitable des activités entre ces groupes des pays en matière de transport multimodal international ". C'est là pourtant l'un des objectifs visés dans le préambule de la Convention de l980. Un second motif de rejet de la Convention de 1980 par les pays occidentaux réside dans le fait que cette Convention accorde la primauté à l'application de la Convention de Hambourg sur les autres Conventions internationales relatives au transport de marchandises par mer.

Anticipant sur la mise en vigueur de la Convention de Genève de l980, la CNUCED a préparé un modèle de contrat de transport multimodal se référant aux règles de responsabilité que prévoit la Convention de Genève de l980.

L'introduction en droit tunisien de dispositions de droit national inspirées de, la Convention de l980 sur le transport multimodal serait de nature à devancer le dispositif dont la mise en place est suggérée par la CNUCED, dispositif qui vise à la protection des intérêts des chargeurs des pays en développement, a moins de considérer que le droit positif tunisien ne soit suffisant en la matière.

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B/ La Convention des Nations unies sur le contrat de transport international des marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer, 11 décembre 2008

La Convention des Nations Unies sur le contrat de transport effectué entièrement ou partiellement par mer - dite Règles de Rotterdam - adoptée en décembre 2008, vient d'être signée par seize Etats, lors de la cérémonie de signature qui s'est déroulée le 23 septembre dernier.

Quels sont les apports de ce texte, appelé désormais «les règles de Rotterdam» et qui ont vocation à remplacer à terme «les règles de Hambourg», datant de 1978, qui régissent aujourd’hui le transport maritime de marchandises ?

D’abord, ce texte consacre une nouveauté de taille dans la mesure où le texte ne se limitera plus à régir le transport de marchandises par mer uniquement, mais englobe les autres modes de transport (routier, ferroviaire) qui précèdent ou succèdent au transport par mer. C’est à cela que renvoie le mot «partiellement» qu’on peut lire dans l’intitulé de la convention. Une telle nouveauté change entièrement les relations entre les deux principaux contractuels que sont le chargeur et le transporteur, puisque, désormais (Article 12),  «le transporteur est responsable des marchandises en vertu de la présente convention depuis leur réception (...) jusqu’à leur livraison».

Ensuite, cette convention tend à établir un régime juridique uniforme et moderne régissant les droits et obligations des chargeurs, transporteurs et destinataires en vertu d'un contrat de transport de porte à porte comprenant une étape maritime internationale.

Puis, elle modernise les règles établies par les conventions antérieures relatives au transport international de marchandises par mer, en particulier la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement (les Règles de La Haye), ses Protocoles (les Règles de La Haye-Visby), et la Convention des Nations Unies sur le transport de marchandises par mer (les Règles de Hambourg). A titre d'exemple, les documents électroniques sont désormais reconnus, le transport en conteneurs est pris en compte, le régime du connaissement est harmonisé, de même que le régime de la pontée (règles relative au chargement des marchandises sur le pont et non dans les soutes du navire).

"Les Règles de Rotterdam constituent un cadre juridique qui tient compte des nombreuses nouveautés technologiques et commerciales qu'a connues le transport maritime depuis l'adoption de ces conventions, dont le développement de la conteneurisation, l'aspiration à un transport de porte à porte en vertu d'un contrat unique et le développement des documents électroniques de transport. La Convention fournit aux chargeurs et transporteurs un régime universel contraignant et équilibré à l'appui de l'exécution des contrats maritimes de transport où peuvent intervenir d'autres modes", a expliqué l'Assemblée générale des Nations Unies lors de la signature du texte.

Le texte ne peut  entrer en vigueur qu'un an après sa ratification par 20 pays.

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C/Convention sur le transport international multimodal de marchandises dans l'orient, 29 Avril 2008

D/ Convention de Budapest sur le transport de marchandise en navigation

intérieure, 3 0ctobre 2000

Cette nouvelle convention signée le 3 octobre 2000 à Budapest est relative au « Contrat de transport de Marchandise en Navigation Intérieure » (CMNI).

Elle n’est pas encore entrée en vigueur. Bien que constituant une convention modale dans son propos, elle pourra s’appliquer au transport multimodal, notamment au fluvio-maritime sauf si il existe un connaissement maritime ou si le trajet maritime est plus long que le fluvial13.

§2- La Convention de Varsovie sur le transport aérien, 1929

Quoique instituant un régime de responsabilité impérative, cette Convention concède aux parties le pouvoir de déterminer le régime de responsabilité régissant les autres modes de transport; à vrai dire, cette Convention ignore tout simplement la question de la responsabilité multimodal. En effet, dans son article 3l, cette Convention prévoit :

« 1) Dans le cas des transports combinés (c'est-à-dire multimodaux) effectués en partie par air et en partie par tout autre moyen de transport, les stipulations de la présente convention ne s'appliquant qu'au transport aérien et si celui-ci répond aux conditions de l'article 1er.

2) Rien dans la présente convention n'empêche les parties, dans le cas des transports combinés, d'insérer, dans le titre de transport aérien, des conditions relatives à d'autres modes de transports, à condition que les stipulations de la présente convention soient respectées en ce qui concerne le transport par air ».

On serait tenté de qualifier ces dispositions d'autarciques, car leur principal motif paraît bien être de ne pas laisser échapper à l'application de la convention de Varsovie la partie aérienne d'un transport multimodal, tout en se désintéressant des autres parties.

§3-La Convention pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international, faite à Montréal le 28 mai l999.

Cette Convention, instaure un mécanisme mélangeant les deux systèmes, uniformes et de réseau, selon que le chargeur a consenti ou non au transport intermodal.

13 Voir Christian HUBNER, La convention de Budapest relative au contrat de transport de marchandises en navigation intérieure, DMF 2000, p 872

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Chapitre III Responsabilité du transporteur et étendue de l'indemnisation du préjudice Article 18 §4. « La période du transport aérien ne couvre aucun transport terrestre, maritime ou par voie d'eau intérieure effectué en dehors d'un aéroport. Toutefois, lorsqu'un tel transport est effectué dans l'exécution d'un contrat de transport aérien en vue du chargement, de la livraison ou du transbordement, tout dommage est présumé, sauf preuve contraire, résulter d'un fait survenu pendant le transport aérien. Si, sans le consentement de l'expéditeur, le transporteur remplace en totalité ou en partie le transport convenu dans l'entente conclue entre les parties comme étant le transport par voie aérienne, par un autre mode de transport, ce transport par un autre mode sera considéré comme faisant partie de la période du transport aérien. »

Chapitre IV Transport intermodal Article 38 «1- Dans le cas de transport intermodal effectué en partie par air et en partie par tout autre moyen de transport, les dispositions de la présente Convention ne s'appliquent, sous réserve du paragraphe 4 de l'article l8, qu'au transport aérien et si celui-ci répond aux conditions de l'article 1 er

2- Rien dans la présente Convention n'empêche les parties, dans le cas de transport intermodal, d'insérer dans le titre de transport aérien des conditions relatives à d'autres modes de transports, à condition que les stipulations de la présente Convention soient respectées en ce qui concerne le transport par air. »

Si le chargeur a consenti au transport intermodal, le système réseau s'applique. A défaut de ce consentement, c'est un régime uniforme qui s'applique et ce régime uniforme est celui de la Convention de Montréal.

§4-La Convention de Genève (de l956) relative au contrat de transport international de marchandises par route dite « CMR ».

Cette convention contient des dispositions plus générales concernant les transports de marchandises par combinaison d'un transport routier et d'un autre mode de transport.L'article 2 de cette Convention s'exprime, en effet, en ces termes:

" 1) Si le véhicule contenant les marchandises est transporté par mer, chemin de fer, voie navigable intérieure ou air sur une partie de parcous, sans rupture de charge…la présente convention s'applique néanmoins pour l'ensemble du transport. Cependant, dans la mesure où il est prouvé qu'une perte, une avarie ou un retard à la livraison de la marchandise qui est survenu au cours du transport par l'un des modes de transport autre que la route n'a pas été causé par un acte ou une omission du transporteur routier et qu'il provient d'un fait qui n'a pu se produire qu'au cours et en raison du transport non routier, la responsabilité du transporteur routier est déterminée, non par la présente convention, mais de la façon dont la responsabilité du transporteur non routier eût été déterminée si un contrat de transport avait été conclu entre l'expéditeur et le transporteur non routier pour le seul transport de la marchandise conformément aux dispositions impératives de la loi concernant le transport de marchandise par le mode de transport autre que la route. Toutefois en l'absence de telles dispositions, la responsabilité du transporteur par route sera déterminée par la présente convention.

2) Si le transporteur routier est en même temps le transporteur non routier, sa responsabilité est légalement déterminée par le paragraphe 1, comme si sa fonction de transporteur routier et sa fonction de transporteur non routier étaient exercées par deux personnes différentes ».

Cet article organise minutieusement le régime de responsabilité du transporteur routier baptisé pour l'occasion transporteur multimodal. Il distingue, en effet, suivant

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que le dommage a dû ou non être localisé, et soumet chacun de ces cas à un régime spécial de responsabilité. Toutefois, pour que la CMR s'applique, il faut d'après cet article, qu'il n'y ait pas une rupture de charge c'est-à-dire, il faut que ce soit le véhicule routier lui-même qui soit transporté sur le navire. En conséquence, le régime de la CMR ne peut être appliqué en particulier aux transports combinés de conteneurs qui seraient transbordés du véhicule routier sur le navire. Ajoutant à cela que ce régime de responsabilité ne s'applique que tant qu'on est en présence d'un vrai transport multimodal, c'est-à-dire qui est exécuté en vertu d'un contrat unique de transport. En revanche, lorsque le dernier voiturier a établi un document spécial concernant la partie du transport exécuté par ses soins, il entend se dissocier du contrat de transport multimodal. II y a création d'un nouveau contrat de transport qui sera soumis à sa propre loi. La responsabilité des avaries survenues lors de l'exécution de ce second contrat échappera au régime de la CMR.

§5- La Convention des Nations unies de l978 sur le transport de marchandises par mer (Règles de Hambourg):

Les Règles de Hambourg consacrent les articles 10 et 11 aux transports substitués ou successifs :

Article l0 : responsabilité du transporteur et du transporteur substitué.

l. Lorsque l'exécution du transport ou d'une partie du transport a été confiée à un transporteur subtstitué, que ce soit ou non dans l'exercice d'une faculté qui lui est reconnue dans le contrat de transport par mer, le transporteur n'en demeure pas moins responsable de la totalité du transport conformément aux dispositions de la présente Convention. Pour la partie du transport effectuée par le transporteur substitué, le transporteur est responsable des actes et omissions du transporteur substitué et de ses préposés et mandataires agissant dans l'exercice de leurs fonctions.

2. Toutes les dispositions de la présente Convention régissant la responsabilité de transporteur s 'appliquent également à la responsabilité du transporteur substitué pour le transport par lui effectué. Les dispositions des paragraphes 2 et 3 de l'article 7 et du paragraphe 2 de l'article 8 s'appliquent lorsqu' une action est intentée contre un préposé ou mandataire du transporteur substitué.

3. Tout accord particulier par lequel le transporteur assume des obligations qui ne lui incombent pas en vertu de la présente Convention ou renonce à des droits qui lui sont conférés par la présente Convention est sans effet à l'égard du transporteur substitué qui ne l'a pas accepté expressément et par écrit. Que le transporteur substitué ait ou non accepté cet accord, le transporteur reste néanmoins lié par les obligations ou les renonciations qui résultent dudit accord particulier.

4. Lorsque le transporteur et le transporteur substitué sont tenus l'un et l'autre et pour autant qu 'ils sont responsables, leur responsabilité est conjointe et solidaire.

5. Le montant total des réparations dues par le transporteur le transporteur substitué et leurs préposés et mandataires ne peut dépasser les limites de responsabilité prévues dans la présente Convention.

6. Aucune disposition du présent article ne porte atteinte aux droits de recours pouvant exister entre le transporteur et te transporteur substitué.

Artictte 11 : Transport par transporteurs successifs:

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l. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1 de l'article 10, lorsqu'un contrat de transport par mer prévoit expressément qu'une partie spécifiée du transport auquel s'applique ledit contrat sera exécutée par une personne dénommée autre que le transporteur, il peut également y être stipulé que le transporteur n'est pas responsable de la perte, du dommage ou du retard à la livraison causé par un événement qui a eu lieu alors que les marchandises étaient sous la garde du transporteur substitué pendant cette partie du transport. Néanmoins toute stipulation limitant ou excluant cette responsabilité est sans effet si aucune procédure judiciaire ne peut être engagée contre le transporteur substitué devant un tribunal compétent en vertu des paragraphes 1 ou 2 de l'article 21.

Le transporteur a la charge de prouver que la perte, le dommage ou le retard à la livraison a été causé par ledit événement.

2. Le transporteur substitué est responsable, conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l'article 10, de la perte, du dommage ou du retard à la livraison causé par un événenent qui s'est produit pendant que les marchandises étaient sous sa garde."

La rédaction des articles (10) et (11) de ces Règles laissait perplexe les plus éminents spécialistes de la matière quant au problème de l'admission de l'action directe du destinataire contre le transporteur substitué. Beaucoup d'éléments de doute relevés par la doctrine sont presque insurmontables (A). Toutefois, une interprétation conforme à l'esprit de ces règles pourrait aider à surmonter ce doute. En s'appuyant sur une telle interprétation, on peut discerner à travers les dispositions de ces deux articles quelques éléments de conviction (B). Toutefois, l'action du destinataire contre le transporteur substitué risque d'être compromise, et ce, en raison de l'enchevêtrement des champs d'application des deux articles (C).

A) Eléments de doute

Les Règles de Hambourg distinguent entre deux situations où le transport est effectué par un second transporteur :

1- La première situation concerne le cas ou l'exécution du transport ou d'une partie du transport a été confiée à un transporteur substitué, que ce soit ou non dans l'exercice d'une faculté qui lui est reconnue dans le contrat de transport par mer. Dans ce cas, l'article 10 déclare les deux transporteurs responsables solidairement dans les termes de la Convention. Ainsi, malgré l'autorisation de transbordement donnée au transporteur principal, celui-ci n'en demeure pas moins responsable de la totalité du transport conformément aux dispositions de la présente Convention. Pour la partie du transport effectuée par le transporteur substitué, ce même transporteur est responsable des actes et omissions du transporteur substitué; et de ses préposées ou mandataires agissant dans l'exercice de leurs fonctions. Et le transporteur substitué n'en demeure moins, lui aussi, responsable de ses actes ainsi que des actes de ses préposés ou mandataires conformément aux termes de la Convention.

2- La deuxième situation concerne le cas où le contrat de transport stipulerait expressément qu'une partie déterminée du transport sera exécutée par le transporteur principal, l'autre partie par un ou plusieurs autres transporteurs successifs. Dans ce cas, l'article 11 de ces Règles engage la responsabilité des deux transporteurs dans les termes de la Convention, sauf qu'ici le transporteur principal peut stipuler qu'il n'est pas responsable de la perte, du dommage, du retard à la livraison causé par un

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événement qui a eu lieu alors que les marchandises étaient sous la garde du transporteur substitué pendant cette partie du transport. Cette faculté lui est, cependant, refusée si aucune procédure judiciaire ne peut être engagée contre le transporteur substitué devant un tribunal compétent en vertu des paragraphes 1 et 2 de l'article 11.

En dépit de la clarté des termes prononçant la responsabilité du transporteur substitué, la question de l'admission de l'action directe du destinataire contre ce transporteur demeure sujette à controverse doctrinale. Au lieu de résoudre le problème, ces deux articles n'ont fait, en fait, qu'intriguer par leur formulation. D'ailleurs, une lecture comparative de ces articles ne manque pas de renforcer les doutes sur la question.

La première remarque à faire consiste à observer qu'en invoquant la responsabilité du transporteur substitué les deux articles utilisent le terme « action » sans préciser à qui revient le droit d'exercer cette action. La remarque n'aurait peut-être pas de sens si on n'avait pas fait attention aux termes utilisés dans l'article 7 de la Convention de Guadalajara dont les Règles de Hambourg se sont inspirées en la matière. Cet article prévoit, en effet, que: « Toute action en responsabilité relative au transport effectué par le transporteur de fait peut être intentée, aux choix du demandeur contre ce transporteur ou le transporteur contractuel ou contre l'un et l'autre conjointement ou séparément. Si l'action est intentée contre l'un seulement de ces transporteurs, le dit transporteur aura le droit d'appeler l'autre transporteur en intervention devant le tribunal saisi, les effets de cette intervention ainsi que la procédure qui lui est applicable étant réglés par la loi de ce tribunal ».

De la même manière procède-t-elle la CMR dans l'article 36 en matière de transport effectué par transporteurs successifs:« À moins qu'il ne s'agisse d'une demande reconventionnelle ou d'une exception formulée dans une instance relative à une demande fondée sur le même contrat de transport, l'action en responsabilité pour perte, avarie ou retard ne peut être dirigée que contre le premier transporteur, le dernier transporteur, ou le transporteur qui exécutait la partie du transport au cours de laquelle s'est produit le fait ayant causé la perte, l'avarie ou le retard;l'action peut être dirigée â la fois contre plusieurs».

Enfin, la Convention des Nations-Unies sur le transport multimodal international de marchandises admet, elle aussi, expressément l'action du destinataire contre le transporteur substitué malgré le fait que le transporteur multimodal soit pleinement responsable de la totalité du transport. Ainsi l'alinéa 2 de l'article 20 précise que: « Dans le cas où une action pour le préjudice résultant de pertes ou dommages subis par les marchandises ou d'un retard à la livraison est intentée contre le préposé ou le mandataire de l'entrepreneur du transport multimodal, si ce préposé ou ce mandataire prouve qu'elle a agi en exécution du contrat, ou contre toute autre personne aux services de laquelle il recourt pour l'exécution du contrat de transport multimodal, si cette autre personne prouve qu'elle a agi en exécution du contrat, le préposé ou le mandataire ou ladite personne a le droit de se prévaloir des exonérations et limites de responsabilité que le transporteur multimodal a le droit d'invoquer en vertu de la présente convention"

Si la rédaction de l'article 10 pouvait être interprétée dans le sens de l'admission de l'action du destinataire contre le transporteur substitué, et ce, en raison de la généralité des termes utilisés, la rédaction de l'article 11 ne permettrait, quant à

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elle, que de renforcer le doute sur cette question. L'article 11 interdit, en effet, au transporteur d'exciper des clauses limitatives ou exonératoires de sa responsabilité pour fait du transporteur substitué si aucune procédure judiciaire ne peut être engagée contre le transporteur substitué devant un tribunal compétent en vertu du paragraphe 1 et 2 de l'article 21. On est alors fondé à s'interroger si par cette formulation les auteurs des Règles de Hambourg ont voulu dire qu'on ne pourrait assigner utilement en justice le transporteur substitué dans les termes de ces Règles. En ce sens M. RODIERE se pose les questions suivantes : « Passons sur l'incorrection de l'expression déjà soulignée et retenons que le transporteur initial dont il a bien été spécifié qu'il n'assumerait qu'une partie du trajet est alors tenu pour le tout et pourquoi ? parce qu'on ne peut pas assigner le second devant un tribunal compétent aux termes de la nouvelle Convention. ». On ne sait pas encore pour quelle raison la procédure judiciaire ne peut pas être engagée contre le transporteur substitué ; en serait-il ainsi pour des raisons tenant au principe même de l'admission de l'action contre ce transporteur au sens de la Convention ou, au contraire, pour des raisons tenant à l'incompétence des tribunaux désignés dans l'article 21 de la Convention ou encore tout simplement pour des raisons tenant à l'impossibilité d'identification du transporteur substitué ?

Devant l'éventail des interrogations suscitées par cet article l'on ne peut que se livrer à des conjectures. De son côté, M. RODIERE a essayé vainement de trouver une justification à cette impossibilité d'engager une procédure judiciaire contre le transporteur substitué: « Si le tronçon au cours duquel le dommage est un tronçon intermédiaire, on conçoit bien que le transporteur qui a causé le dommage ne puisse être attrait devant le tribunal du port de chargement, ni devant le tribunal où le contrat a été conclu (l'article 21); on conçoit également qu'il n'ait pas dans le document de transport de clause attributive de compétence de sorte que la lettre (d) du même article ne puisse pas être utilisée.Mais le transporteur aura bien un établissement principal ou à défaut une résidence habituelle; or cette notion détermine la première compétence territoriale énumérée par cet article 21. Alors, les auteurs du notre texte ont-ils voulu dire qu'on ne pourrait pas utilement assigner le transporteur auteur du dommage(...) ? Cela ne correspond pas à leur formule si aucune procédure judiciaire ne peut être intentée contre le transporteur substitué. Humblement, je ne comprends pas ».

Si ce doute devait se confirmer, l'admission du principe de la responsabilité du transporteur substitué, n'aurait alors qu'un seul sens, à savoir que l'action contre le transporteur substitué ne pourrait être exercée que par le transporteur principal dans le cadre d'une action récursoire. C'est lui qui a choisi le transporteur substitué et c'est lui qui doit en assumer les conséquences.

B) Eléments de conviction

Bien que la formulation des articles 10 et 11 soit vague, il n'est pourtant pas impossible d'en discerner des éléments de conviction quant à l'admission de l'action directe contre le transporteur substitué ou successif.

En effet, le paragraphe 4 de l'article 10 ne laisse à cet égard aucun doute quant à l'admission d'une telle action. Ainsi, a-t-il prévu que « Lorsque le transporteur et le transporteur substitué sont tenus l'un et l'autre pour autant qu'ils sont responsables, leur responsabilité est conjointe et solidaire ».

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On ne peut dès lors se tromper sur le sens de la responsabilité solidaire des deux transporteurs. Elle implique certainement que le destinataire puisse actionner n'importe quel transporteur pour l'intégralité de la réparation sans être astreint à observer un ordre quelconque et sans être obligé de déterminer sous la garde de qui le dommage a été survenu à la marchandise. Les travaux préparatoires de cet article sont d'ailleurs en ce sens. selon Georges ASSONITIS : « Le chargeur/destinataire des marchandises devait pouvoir actionner le transporteur réel aussi bien que le transporteur contractuel, à condition qu'il ne soit pas indemnisé deux fois par la même perte ». La suite logique de cette responsabilité est prévue par le paragraphe 6 du même article: « Aucune disposition du présent article ne porte atteinte aux droits de recours pouvant exister entre le transporteur et le transporteur substitué ». Ainsi, si le transporteur substitué est actionné seul par le destinataire, il dispose en vertu de ce paragraphe d'une action récursoire contre le transporteur principal.

Dans l'article 11, l'admission de l'action directe contre le transporteur successif pourrait encore être déduite d'une lecture a contrario du § 1er de cet article : si le transporteur pouvait stipuler qu'il n'était responsable que pour les dommages survenus lorsque la marchandise est sous sa garde, c'est seulement dans ce cas que le destinataire pourrait engager le transporteur substitué devant un tribunal compétent en vertu du paragraphe 1 ou 2 de l'article 11.

La seule différence avec l'article 10, c'est que le destinataire ne peut pas bénéficier sous le régime de cet article des avantages de la responsabilité solidaire quand le transporteur a usé de la faculté de limiter sa responsabilité, son droit à l'action contre le transporteur substitué étant pour le reste établi.

C- Le risque de dilution des responsabilités

L'action du destinataire contre le transporteur substitué risque une autre fois d'être compromise, et ce, en raison de l'enchevêtrement des champs d'application des deux articles. Alors que l'article l0 s'applique lorsque la marchandise a été confiée à un transporteur substitué que ce soit ou non dans le cadre de l'exercice d'une faculté reconnue au transporteur dans le contrat de transport par mer, l'article 11 s'applique lorsqu'un contrat de transport par mer prévoit expressément qu'une partie spécifiée du transport auquel s'applique ledit contrat sera exécutée par une personne dénommée autre que le transporteur. La faculté reconnue dans le contrat de transport en vertu de l'article 10 n'est-elle pas, en fait, la clause du connaissement prévoyant expressément qu'une partie du transport sera assurée par un transporteur substitué ?

Ainsi lors des travaux préparatoires de cet article, quelques Etats membres des pays chargeurs ont attiré l'attention sur ce risque de confusion en observant que le texte de l'article 11 peut être utilisé pour contourner l'article 10 qui fait du transporteur principal le premier obligé envers le destinataire14.

Ce risque de confusion va certainement contribuer à la dilution des responsabilités du transporteur principal et du transporteur substitué. Il mettra encore le destinataire dans l'embarras, ne sachant plus quel transporteur devrait-il actionner en justice. Certes, les travaux préparatoires de la Convention indiquent que l'article 11 s'applique lorsqu'il s'agit d'un transport effectué en vertu d'un «Connaissement direct», alors que l'article 10 s'applique quand un connaissement simple autorise le transporteur à effectuer le transbordement de la marchandise sur d'autres navires

14 Résolution 1(V), "Connaissement", Rapport du groupe de travail de la réglementation internationale des transports maritimes de la CNUCED sur la première partie de sa cinquième session.

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appartenant à d'autres transporteurs, mais cela n'est pas suffisant pour dissiper la confusion. La raison en est que le connaissement direct implique par nature que des clauses de transbordement y figurent. Dès lors, on ne peut pas imaginer que le transbordement puisse être effectué sans l'accord préalable du chargeur. Aussi, faut-il, observer que ce type de connaissement direct ne constate pas un seul mode de transport successif. On distingue, en effet, entre deux modes de transport couvert par ce document: les transports maritimes successifs et les transports successifs différents:

- Le premier mode concerne le cas où le connaissement direct n'indiquerait pas d'autre navire que celui sur lequel la marchandise est chargée au départ, alors que l'arrivée se fera par un autre navire. Dans ce cas, pour le chargeur seul compte le transporteur maritime initial; lui seul alors responsable du transport de bout en bout. C'est à ce mode de transport que l'article 10 semble fort probablement faire allusion. En effet, le régime de responsabilité institué par cet article correspond largement a celui institué par le connaissement direct, et qui, selon ce dernier, devrait permettre au destinataire d'engager séparément ou solidairement la responsabilité des deux transporteurs sans que le transporteur principal émetteur du connaissement puisse s'exonérer du trajet qu'il n'a pas effectué lui-même.

- Le deuxième mode concerne le cas où le transporteur maritime s'engagerait vis-à-vis du chargeur à assumer une double responsabilité; responsable du transport en tant que transporteur pour la partie maritime qu'il effectue lui même, et il le reste en tant que commissionnaire de transport pour les autres parties du transport. En endossant la qualité de commissionnaire de transport, le transporteur maritime se voit soumis à un système différent de responsabilité; S'il tombe sous le coup de l'article 639 du Code de commerce qui l'engage pour ses fautes personnelles et pour les fautes de celles de ses substitués, il dispose en vertu du même article du droit à limiter sa responsabilité. C'est ce mode de transport qui entre, semble-t-il, dans le champ d'application de l'article 11.

Toutefois, cette distinction entre les régimes de responsabilité des deux modes de transport successif n'est pas respectée ni dans la pratique maritime ni dans la jurisprudence. En effet, comme l'a expliqué RODIERE, dans un domaine où l'absence de texte impératif laisse jouer la liberté contractuelle, les transporteurs maritimes ont tendance à n'émettre des connaissements directs qu'en y insérant des clauses qui réduisent ou suppriment les avantages qu'on attendait de ce document pour les chargeurs.

Dans la jurisprudence,essentiellement française, la situation n'en est pas moins confuse. Il a été admis que s'agissant du premier mode de transport successif, le transporteur pourrait insérer dans le connaissement une clause limitant sa responsabilité aux seuls parcours qu'il effectue, à condition qu'elle ait été connue et acceptée par le chargeur lors de la rédaction du connaissement. Il a été même jugé que l'entreprise qui, ayant été chargée d'un déplacement de marchandises, choisit de ne pas l'exécuter elle-même mais de le confier à un tiers, acquiert ipso facto la qualité juridique de commissionnaire de transport.

II ressort de ce qui précède que même si le destinataire pouvait exercer son recours contre le transporteur substitué qu'il a pu, au préalable, identifier et assigner conformément aux règles de compétence judiciaire de l'article 21des Règles de Hambourg, ce recours risque de ne pas aboutir en raison de la difficulté de l'exécution sur les navires de ce transporteur. S'il pouvait, en effet, être identifié en raison de

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l'exploitation d'un navire déterminé, ses autres navires qu'il exploite sous la forme juridique de « Single ship companies » ou de « navires fantômes » échapperaient facilement à tout oeil vigilant du destinataire dans les ports de son pays, et le navire identifié irait se perdre à jamais. Le transporteur principal va exciper bien évidemment de la clause qu'il a ingénieusement rédigée afin de repousser toute action du destinataire désespérément intentée contre lui.

L'on est alors amené à s'interroger s'il n'était pas plus raisonnable pour les rédacteurs des Règles de Hambourg de se limiter aux dispositions de l'article 10 qui s'avèrent en la matière plus rassurantes et moins compliquées que le droit de la commission du transport tout en y précisant que les deux transporteurs sont solidairement responsables envers le destinataire. Une telle responsabilité solidaire n'a rien d'injuste à l'égard du transporteur principal qui va bénéficier d'une action récursoire contre le transporteur substitué. Ayant le libre choix des transporteurs qui exécuteront à sa place le transport, il doit au moins assumer la responsabilité de son mauvais choix. À cet égard les règles de la responsabilité solidaire auraient été efficaces et suffisantes.

Cette question n'était pas d'ailleurs absente dans les travaux préparatoires des Règles de Hambourg. Le rapport du groupe du travail de la réglementation internationale des transports maritimes de la CNUDCI mentionnait qu'il avait été proposé par quelques Etats chargeurs d'opter, s'agissant du problème de la responsabilité des transporteurs successifs, pour un régime de responsabilité unitaire selon lequel le transporteur contractuel devait être responsable de la totalité du transport, et les règles de la responsabilité prévues à l'article l0 devant, par conséquent, y être appliquées: « En cas de pluralité de transporteurs, il était de meilleure politique, pour ceux-ci, de se charger de répartir les pertes entre eux plutôt que d'obliger le chargeur à essayer de découvrir à quel stade les dommages s'étaient produits et à adresser une réclamation au transporteur réel ».

D'autres pays en développement allaient même jusqu'à proposer de supprimer cet article, mais leur proposition fut refusée par la majorité. Ils ont quand même réussi à attirer l'attention sur les dangers que recèle cet article sur les droits des chargeurs et des destinataires, ce qui leur a valu une concession partielle. L'exonération contractuelle est soumise à une condition supplémentaire: l'exonération contractuelle du transporteur contractuel est sans effet si aucune procédure ne peut être engagée contre le transporteur substitué devant un tribunal compétent. Le propriétaire serait ainsi partiellement protégé.

Bref, le phénomène des transports successifs ne couvre pas de modèles prédéterminés et standards de répartition de responsabilité. Dans un domaine laissé jusqu'à maintenant à la libre imagination des parties, il est difficile de renfermer l'ensemble de ces modèles dans deux articles. C'est ce qui explique peut-être que les Règles de Hambourg ne reflètent pas une attitude claire sur la question.

Face à une telle attitude, faut-il alors céder aux tentations irrésistibles des principes généraux et aux notions applicables dans la lex fori comme l'a suggéré de faire M. DELEBECQUE dans son commentaire sur l'article 10 des Règles de Hambourg ?

Sans doute face à une telle attitude le juge se laisserait facilement influencer par les notions et les principes applicables dans son système juridique, mais là il faut attirer l'attention sur le fait qu'une telle réaction si compréhensible soit-elle doit être résistée car elle ravivera de nouveau le problème de conflit de lois, chose que les

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rédacteurs de ces Règles ont voulu certainement éviter. L'opération par laquelle le transporteur charge un autre transporteur de le substituer dans le transport de marchandises est, en effet, loin d'avoir la même qualification dans les divers systèmes juridiques d'autant plus que la pratique maritime ne cesse d'inventer de nouvelles formules de transport. Le sort de l'action du destinataire contre le transporteur substitué dépendrait alors du tribunal saisi de l'affaire.

Section 3:

La responsabilité du transporteur multimodal international

en droit tunisien

§l. Les solutions du Code de commerce maritime

On peut dire que les premières règles régissant le transport multimodal en droit tunisien sont celles de l'article 64l du Code de Commerce qui dispose: "Lorsque plusieurs transporteurs interviennent successivement dans l'exécution d'un même contrat de transport : l) Le premier et le dernier transporteur sont, à l'égard de l'expéditeur et du destinataire solidairement responsables de l'ensemble du transport, dans les mêmes conditions que si chacun d'eux avait effectué la totalité du transport;

2) Chacun des transporteurs intermédiaires est, à l'égard de l'expéditeur et du destinataire ainsi qu'à l'égard du premier et du dernier transporteur, responsable du dommage réalisé sur son parcours. Si le parcours sur lequel le dommage s'est réalisé ne peut être déterminé, celui des transporteurs qui a réparé le dommage, a un recours partiel contre chacun des transporteurs tenus proportionnellement à la longueur de leurs parcours, les parts dues par les insolvables étant dans cette ne proportion réparties entre tous".

Ces dispositions malgré leur caractère succinct résument bien le souci du législateur tunisien de veiller à protéger les intérêts des chargeurs souvent incapables de savoir lequel des transporteurs est responsable du dommage.

La solidarité qui découle de ce texte, se justifie par l'obligation qui pèse sur chaque transporteur de faire un constat contradictoire des manquants et dommages subis par la marchandise qu'il a reçu. Chaque réception de marchandises sans réserves joue contre celui qui les reçoit. Cette solidarité évite au chargeur de se perdre dans les dédales de la preuve du rapport de causalité entre le dommage et le fait d'un transporteur spécifique. Comme il n'est pas le mieux placé pour établir ce rapport, le législateur tunisien a créé une présomption de solidarité entre les divers transporteurs successifs. C'est une présomption absolue vis à vis du premier et du dernier transporteur. C'est une présomption simple vis à vis du transporteur intermédiaire.

§2. Les solutions de la loi N°98-2l du 11 mars l998:

Inspirée de la Convention des Nations unis de l980 sur le transport multimodal international de marchandises, cette loi institue un régime de responsabilité unique couvrant toute les phases de transport.

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L'article l8 de cette loi répond à cette attente en disposant que « la responsabilité de l'entrepreneur de transport multimodal en ce qui concerne les marchandises couvre, en application de la présente loi, la période allant du moment de la prise en charge des marchandises jusqu'au moment de leur livraison ».

L'article 20 de la loi tunisienne ajoute « ... L'entrepreneur de transport multimodal est responsable, comme de ses propres actes ou omissions, des actes ou omissions de ses préposés ou mandataires agissant dans l'exercice de leurs fonctions et de ceux de toute autre personne aux services de laquelle il recourt pour l'exécution du contrat de transport multimodal, lorsque cette personne agit aux fins de l'exécution du contrat ».

En plus du régime uniforme de responsabilité, toutes les phases de transport sont couvertes par un seul document qui, comme le connaissement maritime, fait foi d'un contrat de transport multimodal et atteste de la prise en charge de la marchandise. L'article 4,6 dispose que le document de transport multimodal « .., fait foi d'un contrat de transport multimodal de la prise en charge des marchandises par l'entrepreneur de transport mutimodal et de l'engagement pris par celui-ci de livrer les marchandises conformément aux termes dudit contrat ». L'article 9 prévoit encore que: « la livraison des marchandises ne peut être exigée de l'entrepreneur de transport multimodal ou de la personne agissant en son nom que contre remise du document de transport multimodal négociable, dûment endossé, si cet endossement est nécessaire ».

Se situant dans la lignée de la convention de Hambourg, cette loi assure aux chargeurs une meilleure défense et, de ce fait, on ne peut s'attendre à ce que les entrepreneurs étrangers de transport multimodal s'y soumettent.

Le principe de l'autonomie de volonté reste la principale limite à son application. En effet, l'article premier prévoit que: « les dispositions de la présente loi s'applique, sauf convention contraire des parties contractantes, à tout contrat de transport multimodal international si le lieu de sa livraison par l'entrepreneur de transport multimodal, tel qu'il est prévu dans le contrat de transport multimodal international est situé en Tunisie ».

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Chapitre 2:

Les documents de transport multimodal

En l'absence d'un régime universel de responsabilité du transporteur multimodal, les opérateurs de transport multimodal font recours à des documents de transport multimodal offrant des régimes variés de responsabilité : certains documents établissent un régime favorable aux entrepreneurs de transport multimodal (Section l). D'autres, adoptent un régime composite appelé: « système réseau » (Section 2).

Enfin certains documents ont tenté d'offrir un régime de responsabilité uniforme (Section 3). Le trait commun à tous ces documents c'est qu'ils ne sont pas représentatifs de la marchandise (Section 4).

Section l:

Documents de transport multimodal

offrant un régime favorable aux ETM

Les premières formules de transport combiné ont été favorables aux ETM. Le connaissement direct en est l'illustration parfaite. Ce document était connu à la 2ème

moitié du l9e siècle et désignait un titre de transport délivré par un armement ou une compagnie de navigation en cas de transport maritime successif. Celui qui émettait ce document se chargeait d'assurer le transbordement et de réexpédier les marchandises jusqu'au point de destination finale.

L'utilisation du connaissement direct a ensuite été étendue à des transports mixtes comprenant une partie non maritime effectuée par un second moyen de transport.

Mais, le connaissement direct ne peut jouer le rôle qu'on attend de lui en matière de transport combiné car les armateurs ne veulent pas se trouver liés par un titre qui les rendait responsables des autres transporteurs. Pour cela, deux genres de clauses viennent, en pratique, détruire la portée des connaissements directs. Suivant l'une, le transporteur sera soumis aux clauses des connaissements en usage chez les transporteurs subséquents. Suivant l'autre, la plus courante, l'émetteur du connaissement direct n'est responsable que de son propre parcours et qu'il agit comme mandataire pour les transports antérieurs ou subséquents.

Tel est le cas de la clause 6 du « conlinebill » (annexe 5) qui stipule: « Lorsque le transporteur se sera engagé à délivrer les marchandises dans un lieu autre que le port de déchargement du navire, le transporteur n'agira qu'en tant que transitaire. La responsabilité du transporteur sera limitée à la partie du transport qu'il aura lui-même exécutée sur des navires placés sous sa direction. Le transporteur ne répondra pas des dommages ou des pertes survenus durant toute autre partie du transport, même s'il a encaissé le fret pour la totalité du transport ».

Tel est le cas aussi de la clause l4 du connaissement de la compagnie tunisienne de navigation qui stipule: « La réexpédition des colis pour les points que la compagnie ne dessert pas sera opérée par les soins de ses agents, aux frais, risques et

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périls de la marchandise, alors même que le connaissement porterait simplement l'indication de la destination définitive. La responsabilité de la compagnie cessera au moment où les entrepreneurs de transport qui lui succéderont auront pris charge des colis, chaque transporteur demeurant uniquement responsable des faits sur son propre parcours. Il est formellement convenu que les réclamateurs de marchandises réexpédiées devront exercer eux-mêmes et directement contre le transporteur terrestre, maritime, fluvial ou aérien, quel qu'il soit, toute réclamation et tout recours pour livraison incorrecte ou défectueuse. En aucun cas, les chargeurs et les destinataires ne pourront avoir de recours contre la compagnie ou le capitaine pour retard résultant du séjour au port ou la réexpédition aura lieu ».

A cet égard, on notera qu'une lettre du transporteur maritime au donneur d'ordre, accompagnant la transmission des connaissements directs et indiquant qu'il décline toute responsabilité pour la partie terrestre du transport, aurait le même effet que l'insertion d'une clause limitative de responsabilité dans le titre de transport.

Néanmoins, ces clauses sont valables. Si, en effet, les clauses des connaissements ayant pour objet de soustraire le transporteur maritime à la responsabilité que le droit maritime met à sa charge sont nulles, il n'en va pas de même des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité insérées par l'émetteur du connaissement direct en qualité de commissionnaire de transport ou de transitaire. II en résulte que le transporteur maritime qui émet un connaissement direct est responsable du transport de bout en bout, soit comme transporteur maritime pour la phase maritime, soit comme commissionnaire de transport pour l'organisation du parcours terrestre jusqu'à la livraison au lieu de destination finale.

Au demeurant, de telles clauses établissent un cloisonnement entre les transporteurs successifs et ne règlent pas la question de la responsabilité effective du véritable auteur des dommages lorsque ceux-ci sont survenus hors de la période contractuellement prise en charge par l'émetteur du connaissement direct.

Pour ces raisons et pour promouvoir les transports par conteneurs, les armateurs de lignes régulières se sont tournés vers d'autres formules plus sécurisant que l'habitude a été prise de les dénommer « document de transport combiné». Ces documents comportent une extension du régime maritime tout en assurant la responsabilité du transporteur de bout en bout: c'est-à-dire du lieu de la prise en charge jusqu'au lieu de la destination finale.

Les documents de ce type décident alors:

- Que l'entrepreneur de transport combiné répondra des pertes ou avaries survenues au cours du trajet maritime conformément aux dispositions de la convention de Bruxelles de l924 relative au transport par mer.

- Que pour les dommages survenus au cours des transports antérieurs ou subséquents exécutés par les autres transporteurs, il n'en sera responsable que conformément aux conventions conclues avec ces transporteurs et au régime de responsabilité propre au mode de transport utilisé.

- Que s'il n'est pas possible de déterminer la partie du trajet au cours de la quelle les dommages sont survenus, ceux-ci seront réputés, entre les parties, s'être produits au cours du trajet maritime et la responsabilité de l'ETM sera régie par les dispositions de la convention de Bruxelles.

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En étendant ainsi le domaine de la convention de Bruxelles au-delà de ses limites naturelles, on obtient, d'une certaine manière, un régime uniforme de responsabilité au moins pour les dommages non localisés qui sont en générale les plus fréquents dans les transports par conteneurs.

Ce système a été critiqué: d'une part il fait dépendre le régime de la responsabilité applicable au transport combiné de la qualité du transporteur contractant. D'autre part, la responsabilité d'un transporteur maritime étant jugée une des moins sévères en raison de ses cas d'exonération nombreux et de ses limitations de responsabilité assez basses.

Section 2:

Documents de transport multimodal adoptant le système réseau :

En février l97l, la Baltique and International Maritime Conférence (BIMCO) a publié le premier connaissement type de transport multimodal sous le nom de code de «combicombill » (annexe 6,4). Ce document a été révisé en l977 est désormais connu sous le nom de « combidoc ».

En novembre l973, la chambre de commerce international (CCI) a proposé des «règles uniformes pour un document de transport combiné » (Brochure CCI N° l73). Ces règles ont elles-mêmes été révisées en l975 et ont été publiées par la CCI sous le N° 298. Les conditions de la BIMCO et de la CCI ont adopté ce qu'on appelle le « système réseau»: le régime de responsabilité de l'ETM est celui du réseau sur lequel le dommage s'est produit.

Deux avantages essentiels découlent de ce système: d'abord, le système réseau respecte les lois nationales ou les conventions internationales applicables à la partie du transport considéré. Ensuite, il permet au transporteur combiné, lorsque les pertes ou avaries sont imputables à des sous-traitants, de recourir à l'identique contre ces derniers.

Mais, l'originalité de ce système est d'instituer un régime spécifique, un régime sui généris pour régler la responsabilité de l'ETM en cas de dommages non localisés. Ce régime offre une responsabilité soumise à des conditions d'exonérations et à des limitations totalement spécifiques et autonomes. Et par conséquent, il est plus restrictif et plus sévère que le régime de la responsabilité du transporteur maritime. Notamment, toute une série de cas d'exonération propre à ce dernier disparaît, comme la faute nautique, l'incendie et l'acte d'assistance, ce qui paraît normal puisque, par hypothèse, on ne sait pas au cours de quelle phase du transport le dommage s'est produit, et qu'il n'était pas logique de permettre à l'ETM d'invoquer en ce cas, des causes d'exonérations propres à un transport maritime15.

15 Voici, par exemple, la clause de responsabilité d'un document de transport multimodal utilisé par un armateur français (cette clause figure à l'identique dans un très grand nombre de connaissements émis par d'autres transporteurs européens) : « Lorsque le transport couvert par ce connaissement est un transport combiné, le transporteur s'engage à accomplir ou à faire accomplir en son propre nom le transport depuis le lieu de prise en charge jusqu'au lieu de livraison. Il ne sera tenu responsable des pertes ou dommages survenus au cours du transport que sous réserve des dispositions ci-après:

Lorsque la phase du transport au cours de laquelle les pertes ou les dommages se sont produits n'est pas connue, le transporteur sera exonéré de toute responsabilité pour pertes ou dommages aux marchandises si ceux-ci résultent d'un acte ou d'une omission du marchand; d'une insuffisance ou d'un défaut de l'emballage ou de marquage; de la manutention, du chargement, de l'arrimage ou du déchargement des marchandises lorsque ces opérations sont effectuées par le marchand ou en

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Si important qu'il soit, ce système n'est pas à l'abri des critiques. En effet, ce système n'est pas uniforme. La responsabilité composite qu'il institue varie dans son étendue et ses conditions de mise en œuvre selon la localisation du dommage survenu en cours de transport.

Le droit commercial est en faveur de la simplicité et le système réseau n'est pas simple. Son principal défaut réside dans le fait que le client ne peut savoir à l'avance comment le risque de perte ou d'avarie sera réparé ou réparti.

L'inconvénient du système réseau est de faire dépendre le régime de la responsabilité applicable au transport combiné au lieu où le dommage est survenu. Dés lors, la différence de traitement est incompréhensible pour le client. Une personne qui expédie un conteneur en transport multimodal devrait bénéficier du même régime de responsabilité, quels que soient les modes de transport utilisés.

Section 3:

Documents de transport multimodal offrant un régime uniforme :

Un régime de responsabilité uniforme pour tout le déplacement paraît nécessaire si l'on désire que le document de transport multlmodal remplisse toutes les fonctions d'un véritable connaissement. En effet, les banques internationales imposent qu'il n'y ait qu'une seule personne responsable vis à vis du client et qu'il n'y ait ni lacune ni échappatoire possible à cette responsabilité. S'il en était autrement, le document de transport combiné n'offrirait pas les garanties nécessaires et ne serait pas négociable en banque comme accréditif. Pour de telle raison, et pour d'autres, certains exploitants de transport multimodal se sont efforcés de présenter à leurs clients un régime uniforme et autonome de responsabilité.

Dès 1968, deux consortiums d'armateurs britanniques desservant l'Australie (overseas containers Ltd et associted containers transportation) ont offert à leur clientèle un connaissement de transport multimodal de bout en bout, dans lequel le transporteur acceptait une responsabilité quasi totale, quel que soit le mode de transport utilisé et le lieu de survenance du dommage, pratiquement sans cas d'exonération, notamment sans la faute nautique et sans l'incendie. En contre partie, le chargeur devait souscrire l'assurance de la marchandise par l'intermédiaire du transporteur.

son nom; d'un vice propre des marchandises; de la grève, d'un lock-out, d'un arrêt ou d'une entrave apportée au travail quelle qu'en soit la cause; d'un incident nucléaire; du respect des instructions de tout ayant droit à la marchandise. La preuve que les pertes ou les dommages sont dus à une ou plusieurs des causes énumérées ci-dessus incombe au transporteur.

Sauf stipulation contraire prévue au présent connaissement, l'indemnisation maximum lorsque la phase du transport au cours de laquelle les pertes ou les dommages se sont produits n'est pas connue n'excédera en aucun cas 2 DTS (droits de tirage spéciaux) par kilo de poids brut de marchandises perques ou endommagées.

Lorsque la phase du transport au cours de laquelle les pertes ou les dommages se sont produits est connue, la responsabilité du transporteur sera déterminée par les dispositions de toute Convention internationale ou loi nationale qui se serait impérativement appliquée si le marchand avait conclu directement un contrat distinct avec le transporteur ayant effectué la phase du transport au cours de laquelle les pertes ou les dommages se sont produits ».

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I1 s'agissait d'une assurance tous risques couvrant notamment la guerre, le retard, la pontée. Cette assurance impliquant une déclaration de la valeur de la marchandise au connaissement, et par conséquent, la suppression des limitations de responsabilité. Cette assurance était un peu plus chère que l'assurance ordinaire sur facultés, parce qu'elle était à la fois une assurance de chose et une assurance de responsabilité, les assureurs renoncent à recourir contre l'entrepreneur de transport combiné et les transporteurs successifs. Enfin, incorporée au document, cette assurance ne pouvait qu'être obligatoire car sinon les bons risques s'en seraient écartés ne laissant à couvrir que les mauvais risques ; Elle ne pouvait qu'être obligatoire car sinon le transporteur n'aurait pas pu assumer la responsabilité complète qu'il offrait dans les clauses de documents.

Cette formule a été un échec. En effet malgré les taux compétitifs qui avaient pu obtenir du Lloyd's les groupes de 1a taille d'OCL et d'ACT, les chargeurs importants qui apportent un gros volume d'affaire à leurs assureurs traditionnels et qui obtiennent de ceux-ci des taux plus intéressants, refusèrent la formule d'assurance obligatoire et le document qui leur étaient proposés. I1 apparaît que ce qui intéresse les gros chargeurs c'est le coût assez bas du transport que l'étendue de la responsabilité du transporteur.

Dans les années 80, le GACEF (Groupement des Entreprises de Transport Françaises Auxiliaires du Commerce Extérieur de la France. Organisation disparu aujourd'hui) a mis au point avec l'IDIT (Institut du Droit International des Transports) le contrat « OTM » (Organisateur de Transport Multimodal). Ce document adoptait la même formule que celle des deux consortiums britanniques : il s'agit également d'une combinaison entre un document avec valeur déclarée et une police d'assurance obligatoire.

Le modèle « OTM » devrait être supplanté par un autre document que l'on pourrait appeler désormais le document CNUCED/CCI. En effet, la CCI a en l992, en collaboration avec la CNUCED, établi de nouvelles règles en matière de transport multimodal « les règles CNUCED/CCI applicable aux documents de transport multimodal », et rien ne s'oppose à ce qu'un document de transport reproduise ces règles.

Le régime de responsabilité retenu par ces nouvelles règles est largement inspiré des règles de Hambourg et de la convention de 1980 sur le transport multimodal. La règle 5.1 déclare que l'ETM est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise pendant que celle-ci était sous sa garde ou du retard dans la livraison. On remarquera, alors, que la formulation employée est quasiment identique à celle employée dans la convention TMI (article 16,1), ainsi qu'à celle des règles de Hambourg (article 5.1). Les nouvelles règles présentent alors l'avantage de soumettre l'ETM à un régime de responsabilité portant sur l'ensemble de l'opération. Le contrat de transport n'est pas morcelé en une succession de régimes juridiques afférents aux différents modes de transport empruntés.

Le régime de la responsabilité de l'entrepreneur de transport multimodal est étendu, par la règle 5.2, à la responsabilité de préposés, mandataires, ou autres personnes auxquelles il a fait appel pour l'exécution du contrat, sans distinguer entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle, mais seulement à concurrence des maxima de dommages-intérêts dont bénéficie l'entrepreneur de transport multimodal. En conséquence, toutes les actions doivent être intentées contre

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l'ETM et non contre le transporteur des marchandises. L'ETM est responsable en vertu du document de transport multimodal, toute action contre le transporteur fautif devrait être jugée irrecevable.

Les principales différences avec ces deux conventions apparaissent en matière d'exonération de responsabilité de l'ETM. En effet, sont retenues, et uniquement pour le trajet maritime ou fluvial, la faute nautique, l'incendie et l'innavigabilité du navire (article 5.4). On constate d'ailleurs qu'elles sont beaucoup moins nombreuses que dans la Convention de Bruxelles de 1924.

Cependant, le système préconisé par ces règles ne peut que rester très largement inaffectif car:

- D'une part, en raison de leur caractère exclusivement contractuelle (règle 1), il est peu probable que les transporteurs adoptent spontanément ces règles et y fassent référence dans leurs documents de transport: le fait qu'elles s'écartent des principes de la convention de Bruxelles pour adopter ceux des règles de Hambourg conduit les transporteurs à rester fidèle aux anciennes règles CCI de 1975.

- D'autre part, dans le cas où les transporteurs y feraient références, « ces règles ne prennent effet que dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions obligatoires de Conventions internationales ou de la loi nationale applicables aux contrats de transport multimodal (article 13) ». Or, chaque fois que le dommage sera « localisé », les dispositions d'ordre public internes ou issues des conventions internationales reprendront leur empire. En effet, un document, si habilement conçu soit-il ne peut difficilement à lui seul s'imposer s'il ne repose pas sur un texte légal national ou international. Un arrêt de la cour de cassation du 21 juin (Dalloz 195l-749) dit arrêt des Messageries Maritimes, a décidé que « tout contrat doit être nécessairement rattaché à la loi d'un Etat ». La volonté des parties ne peut donc créer seul des obligations civiles sans le substratum préalable d'une loi positive déterminée.

Section 4:

La non-représentativité des documents de transport combiné

Depuis, le colloque de l'IDIT de l972 sur le transport combiné, l'hésitation persiste sur la question de la liberté de création de titres négociables représentant la marchandise. Deux questions composent, alors, l'hésitation: la première qui est relative à la négociabilité de ces documents ne soulève pas beaucoup de problèmes, tandis que le doute persiste encore sur le caractère représentatif de la marchandise.

S'agissant de la première question, on admet généralement que le document de transport combiné peut être un titre négociable, car aucune règle de droit (français ou tunisien) n'empêche, semble-t-il, de créer un titre négociable. Les tribunaux en ont toujours tiré argument pour reconnaître la liberté d'émettre des titres négociables et accepter qu'une obligation quelconque soit constatée dans un tel titre. Ils l'ont même admis, implicitement mais certainement, pour les titres de transport, puisqu'ils ont jugé, depuis longtemps, que «les lettres de voitures ou connaissements ne peuvent être régulièrement négociés par endossement que lorsqu'ils sont à ordre».

La création d'un titre à ordre ou au porteur paraît donc possible en matière de transport. Le document de transport multimodal peut alors être déclaré négociable. C'est ce que la plupart des documents en service mentionnent expressément, comme

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le connaissement FIATA en son article 3,l ou le document OTM ou comme le prévoit l'article 8 de la loi du 11 mars l998: cet article dispose que: « le document de transport mutimodal peut être émis sous forme négociable à ordre ou au porteur:

S'il est à ordre, il est transmissible par endossement.S'il est au porteur, il est transmissible sans endossement ».

En revanche, on conteste à ce document la qualité de titre représentatif de la marchandise et l'effet qu'il soit négociable n'implique pas nécessairement qu'il est représentatif. En effet la négociabilité d'un titre est sa qualité de titre représentatif ne sont pas nécessairement liées. La négociabilité n'est qu'un mode simplifié de cession de créance. Elle ne transmet normalement à l'acquéreur que les droits du cédant. Or, pour qu'un titre soit considéré comme représentatif de la marchandise, il faut soit une affirmation légale ou une longue tradition constatée par une jurisprudence, tel fut le cas en l859 pour le connaissement maritime. Comme le relève le doyen Rodière « seule une longue tradition comme celle du connaissement maritime peut faire reconnaître que la détention du document équivaut à la possession de la chose».

Cependant, en pratique, la difficulté est tournée en partie parce que les documents de transport multimodal contiennent ce qu'on appelle la « Surrender Clause » qui interdit au transporteur de délivrer la marchandise à une autre personne que le porteur du document. A la livraison, le titre est échangé contre la marchandise. Entérinant cette pratique, la loi du 11 mars l998 prévoit dans son article 9 que « la livraison des marchandises ne peut être exigée de l'ETM ou de la personne agissant en son nom que contre remise du document de transport multimodal négociable dûment endossé, si cet endossement est nécessaire».

Eu égard à la jeunesse du document de transport combiné, il est, semble-t-il, prématuré de prétendre qu'une telle coutume existe déjà, et même si elle existait, elle n'est pas bien affermie. En attendant un tel fait, le connaissement demeure encore le seul des documents de transport maritime qui offre à la fois trois avantages : la négociabilité, la représentativité et un régime de responsabilité uniforme et rassurant.

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Conclusion

En raison de la globalisation de l'économie, de ce paysage économique de plus en plus concurrentiel, du progrès technique qui engendre toujours plus d’innovation quant aux matières et matériaux à transporter, et des considérations pratiques et physiques du transport, il est de plus en plus important pour les entreprises qui sollicitent les professionnels du transport de faire appel à un seul intervenant qui prendra en charge la totalité de l’expédition

Partant de cette nécessité de l’unité de l’intermédiaire, plusieurs modèles dérivés de la commission de transport ont été élaborés au fil des années par la pratique dont le transport multimodal. L’apparition d’autres formes d’intermédiaires s’est aussi développée comme l’apparition dans les pays anglo-saxon et notamment aux Etats-Unis des NVOCC (Non Vessel Operating Common Carrier) c'est-à-dire des opérateurs de transport qui ne possèdent pas de navires en propres mais dont la finalité est de vendre à leurs clients de la « capacité de transport » soit en affrétant des navires soit en réservant des espaces de cales ou de conteneurs aux transporteurs maritimes.L'évolution des métiers de transport n'a pas été toujours accompagnée d'une évolution des textes juridiques nationaux et internationaux. C'est ce qui pose le régime de responsabilité applicable à ces nouveaux modes de transport.La solution idéale serait d'élaborer une convention internationale qui opère une uniformisation des règles juridiques, ce qui ne peut qu'être bénéfique à l'ensemble des opérateurs du commerce international.

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