25

SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;
Page 2: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

S PY

00-SPY-2016-debut-CorTC_spy interieur 12/09/16 14:34 Page1

Page 3: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

© E P E L , 2 0 1 6110, boulevard Raspail, 75006 [email protected]

S P Y P E U T Ê T R E C O M M A N D É ES U R L E S I T E D E S É D I T I O N S E P E L

D I F F U S I O N , T O T H È� M E S3, allé�e des Genê� ts 91220 Le Plessis-Pâté�01 60 84 78 01 – 06 15 61 70 [email protected]

D I S T R I B U T I O N , S O D I SParis, France

I S S N : 2 2 6 9 - 0 2 4 7I S B N : 9 7 8 - 2 - 3 5 4 2 7 - 1 7 8 - 7D É P Ô T L É G A L S E P T E M B R E 2 0 1 6

00-SPY-2016-debut-CorTC_spy interieur 12/09/16 14:34 Page2

Page 4: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

à Laurent Cornaz

à Françoise Dezoncle

00-SPY-2016-debut-CorTC_spy interieur 12/09/16 14:34 Page3

Page 5: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

00-SPY-2016-debut-CorTC_spy interieur 12/09/16 14:34 Page4

Page 6: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

Au beau milieu de l’année 1975, Michel Foucault accordant un entretien àpropos de son dernier livre, Surveiller et punir. Naissance de la prison, estconduit à déclarer : « La présence de Nietzsche est de plus en plus importante. »Exactement trois décennies plus tard, l’ouvrage de Barbara Stiegler, Nietzscheet la critique de la chair. Dionysos, Ariane, le Christ, corrobore ce constat deFoucault, au versant de la philosophie. Une chair vivante est aux conditionssubtiles d’un accouplement Dionysos/Ariane.

« C’est un préjugé que je sois un homme », écrit Friedrich Nietzsche dans unelettre adressée à Cosima Wagner le 3 janvier 1889 de Turin. Pour l’avancer demanière condensée, c’est comme « femme sans au-delà » que Jean Allouch faitentrer Nietzsche au champ freudien dans L’Ingérence divine III. Une humanitéqui se dénomme Ariane.

Un texte montre, de Hölderlin à Nietzsche, que l’ombre portée du premier auraatteint le second. Et même si Nietzsche s’éloigne de Hölderlin, ce n’est pas sanspartager cependant avec lui une formule majeure.

Un rapprochement est déplié de Virginia Woolf à Friedrich Nietzsche à proposdu « devenir malade » (On Being Ill), avec notamment Ecce Homo.

Un texte de langue espagnole est publié pour la première fois dans la revueSpy. Il fait écho à un mouvement de passe cartographié à l’Élp.

On lira enfin deux témoignages sur Jacques Lacan, l’un direct, l’autre parhommage interposé.

Présence de Nietzsche, et du Foucault des aphrodisia, autre fragment dutournant foucaldien de l’analyse.

Ce numéro de Spy est dédié à Laurent Cornaz et à Françoise Dezoncle, quifurent membres du comité de rédaction de la revue Quid pro quo, dès sespremiers pas, puis de Spy.

Le comité de rédaction

P R É S E N C E D E N I E T Z S C H E

00-SPY-2016-debut-CorTC_spy interieur 12/09/16 14:34 Page5

Page 7: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page6

Page 8: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page7

Page 9: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page8

Page 10: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

« Je ne me serais pas douté que le sort de Hölderlin s’abattrait si tôt sur cetesprit libre et lumineux » (Lettre de Gersdorff, du 13 janvier 1889)1.

D’emblée s’affiche la possibilité d’un parallèle. Comme le poète d’Hypérion,Nietzsche est entré dans ce que les Allemands appellent Umnachtung. Ledictionnaire traduit par « démence », mais l’étymologie est claire et faitapparaître la métaphore : comme le poète d’Hypérion, Nietzsche est désormaisenveloppé de nuit.

Le parallèle pourrait remonter plus haut. Nietzsche et Hölderlin ont le mêmeprénom. Ils ont l’un et l’autre à peine connu leur père. Accueillis dans desétablissements prestigieux, ils ont fait de brillantes études, où l’apprentissagedu grec tient la plus grande place. Leur premier livre fait un certain bruit :Hypérion est publié en 1797 (l’auteur a 27 ans)2 ; La Naissance de la tragédieparaît en 1872 (l’auteur a 28 ans, et peut-être moins). Ils rencontrent lesgrands de ce monde : Goethe, Schiller, Wagner.

On peut noter des différences, opposer la Grèce de Hölderlin, toute lumière etsérénité, à la Grèce présocratique de Nietzsche, qui sait à quel prix s’obtientcette sérénité ; rappeler que l’effondrement de Nietzsche a été brusque, plusprogressif celui de Hölderlin ; noter que, après la catastrophe, Hölderlin écrit

1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459.2 Il s’agit de la première partie ; la seconde est publiée deux ans plus tard.

L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N / 9

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page9

Page 11: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

1 0 / L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N

toujours, alors que Nietzsche semble avoir renoncé. Mais tous deux continuentà jouer du piano.

L’essentiel n’est pas dans cette vision supposée objective. Plus intéressanteapparaît la perspective selon laquelle Nietzsche voit Hölderlin.

Hölderlin est pour Nietzsche une passion de jeunesse. Dans les documentsdont nous disposons, il laisse des traces assez tôt, dès 1861, mais sembles’effacer vers 1875. Il n’est pas question de rupture. C’est un ami qu’on perdde vue, sans trop savoir comment ni pourquoi.

Rares sont les mentions dans les fragments des dernières années. Leur tonn’est pas toujours aimable.

La manière de Hölderlin et de Leopardi. Je suis assez dur pour rire de leurnaufrage. On en a une idée fausse. Ces ultra-platoniciens finissent mal3.

Il en va autrement avec ce document majeur qu’est la Lettre à mon ami pourlui recommander mon poète favori, texte daté d’octobre 18614. Nietzsche estencore à Pforta. Il ne quittera l’établissement qu’en 1864.

Il ne faut pas se demander qui est l’ami. En fait, le lecteur est en présence d’unectoplasme. La lettre est ce que nos modernes pédagogues appellent un« travail d’invention », un travail scolaire. Nietzsche joue le jeu et ne joue pasle jeu. Il respecte parfaitement le sujet imposé ; mais déçoit l’attente de sonlecteur.

Hölderlin est alors peu connu. Il y a de la provocation dans le choix que faitNietzsche. De la provocation et de la passion. Le professeur s’étonnera, s’il fauten croire Elisabeth. Il fera remarquer que ce poète est souvent confus, et queson patriotisme peut faire l’objet d’un doute. « Je souhaiterais tout de même

3 Friedrich Nietzsche, Kritische Gesamtausgabe (éd. Colli & Montinari, Berlin/New York, deGruyter, 1967 sq), fragment 26 [405]. Il existe une version digitale, facilement consultable surInternet. Le classement des fragments, avec leur numérotation, est reproduit dans la traductionfrançaise, publiée chez Gallimard.4 On trouvera la traduction de ce texte dans F. Nietzsche, Premiers écrits, Paris, Le Cherche midi,1994, p. 127.

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page10

Page 12: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

donner à l’auteur le conseil amical de s’attacher à un poète plus sain, plus clair,plus allemand5. »

On a récemment montré que certaines phrases de cette lettre fictive ont étérecopiées mot pour mot dans un livre publié en 1853 à Cassel. Il s’agit d’unebiographie non signée, dans laquelle sont introduits de nombreux textes, et descommentaires sur ces textes. L’auteur des commentaires a caché son nom. Maisle livre appartient à une collection répertoriée : Moderne Klassiker6.

On note que ce livre pourrait bien être celui dont il est question dans la lettreà la mère (12 octobre 1861) : Nietzsche demande qu’on lui envoie, pour le travaildemandé, une « biographie » qui se trouve « dans [sa] caisse ». L’avait-il doncdéjà achetée avant ? Pourquoi acheter un livre sur Hölderlin, si on n’a aucunintérêt pour le personnage ?

Le plagiat scolaire paraissait-il aussi scandaleux à cette époque ? Laconstatation de sa présence ne change rien à un fait incontestable : Nietzschea plus tard déclaré que Hölderlin était bien le poète favori de son adolescencelycéenne7. Et Cosima Wagner estimait lui faire plaisir en lui offrant l’originald’une lettre de Hölderlin à Schiller8.

Il est bon de ne pas oublier que le Hölderlin de Nietzsche n’est pas tout à faitle Hölderlin que nous connaissons. Si le roman Hypérion a fait l’objet d’unepublication dès 17979, le poète n’a jamais réuni ses poèmes en recueil, secontentant de les publier dans des revues et des almanachs. Les recueilsconstitués, en 1826, puis en 1846, par des amis ou des admirateurs10, l’ont été

5 Cité par C. P. Janz, Nietzsche, tome I, Paris, Gallimard, 1984, p. 107.6 Thomas H. Brojber, “Hölderlin’s Influence on Nietzsche”, Nietzsche Studien, 30 (2001), p. 397-412. L’auteur du livre serait un certain William Naumann. Thomas H. Brojber relève dans le textedu jeune Nietzsche plusieurs citations sans guillemets, qu’il considère comme autant de plagiats.Il souhaite visiblement ne rien laisser passer. Dans nombre de cas, la ressemblance est assezlointaine. 7 Lettre du 3 septembre 1869 à Erwin Rohde.8 Voir C. P. Janz, Nietzsche, tome II, Paris, Gallimard, 1984, p. 372.9 Le second volume a paru en 1799.10 Uhland pour le recueil de 1826. Dans son intervention amicale, il faut faire la part dupatriotisme souabe.

L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N / 1 1

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page11

Page 13: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

au terme de recherches relativement difficiles. On note des absences. Enparticulier les poèmes de la folie n’ont été accueillis qu’avec précaution. C’estseulement en 1874 que la nouvelle édition procurée, comme celle de 1846, parChristoph Theodor Schwab, donne « Patmos », qui avait pourtant déjà parudans le Musenalmanach de Leo v. Seckendorf en 1808. « Patmos » est inclusdans la section : « Poèmes du temps de la folie11 » qui ouvre le volume. À cetteexpression, « Poèmes de la folie », nous donnons aujourd’hui un autre sens.Nous l’utilisons pour désigner les textes brefs, très simples, et pour cetteraison assez mystérieux, que Hölderlin signait « Scardanelli », et que Pierre-Jean Jouve a autrefois traduits en français.

En 1846, déjà, sous le titre Die Nacht, on trouvait les premiers vers de « Painet vin » (Brot und Wein), mais les premiers vers seulement.

Les hymnes en vers libres – que certains sont tentés d’appeler « dithy -rambes » – sont mal servis. L’édition de 1846 n’en comporte que deux :« Souvenir » (Andenken) et « La migration » (Die Wanderung). Nietzsche, dansson devoir scolaire, fait un sort à ces deux poèmes : il mentionne leur titre, maisne les commente qu’en recopiant une phrase du livre de Naumann.

Il cite un fragment du poème « Fantaisie du soir » (Abendphantasie)12.

Sur le ciel du soir un printemps s’épanouit ;Roses innombrables ; calme du mondeDans sa lumière d’or ; emportez-moi,Nuages de pourpre, et que là-haut se dissipent

En air et en lumière l’amour et sa souffrance !Mais, comme effrayé par ma folle prière,Le sortilège s’enfuit. L’obscurité s’étendEt je suis seul sous le ciel, comme toujours.

Viens, doux sommeil ! Excessif estLe désir du cœur, mais enfin, jeunesse, tu pâlis !

11 Gedichte aus der Zeit des Irrsinns.12 Ce poème ne figure pas dans le volume de la Pléiade consacré à Hölderlin (Œuvres, Paris,Gallimard, 1967). On le trouvera cependant dans l’Anthologie bilingue de la poésie allemande(Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1993, p. 462), avec une traduction de Jean-Pierre Lefebvre. Nous proposons ici une autre traduction.

1 2 / L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page12

Page 14: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

Ô inquiète, ô tourmentée de rêves !L’âge mûr sera calme et serein.

Nietzsche ne donne que les trois dernières strophes d’un poème qui encomporte six. Il ne reproduit pas les premières, qui évoquent un paysagecalme, une soirée paisible après le travail.

Devant sa chaumière, tranquille, à l’ombre, est assisLe laboureur ; le foyer fume ; son sort lui suffit.Le voyageur, dans le village paisible, entend sonner,Hospitalière, la cloche du soir.

Maintenant les bateliers reviennent aussi au port,Dans les villes au loin s’éteint sur les marchésLe vacarme des affaires ; sous la tonnelleUn splendide repas réunit les amis.

Où vais-je ? Les mortels viventDe travail et de salaire ; dans l’alternanceDe la peine et du repos, tout est joyeux. PourquoiNe dort-il jamais, au fond de mon cœur, l’aiguillon ?

Le très bref commentaire souligne la « mélancolie » du texte et « un ardentdésir de trouver enfin le repos ».

Pourquoi avoir choisi ce poème-là, parmi tant d’autres que mentionne etcommente Naumann (mais qu’il ne donne pas au milieu de son étrangeanthologie) ? Le jeune homme semble sensible à la lumière de ces strophes, àla force évocatrice du paysage. Hölderlin apparaît comme un passionné decouleurs, de détails réels, d’atmosphères. Naumann est incapable decomprendre cette manière de faire : il voit partout des allégories, des idées. Ilse pose des questions sur le christianisme du poète. Nietzsche dit expressisverbis qu’il laissera ce sujet de côté.

Je ne discute pas les reproches que tu lui fais à cause des contradictions que tuvois dans sa pensée religieuse ; attribue mon recul à la faiblesse de mesconnaissances en philosophie13.

L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N / 1 3

13 F. Nietzsche, Premiers écrits, op. cit., p. 129.

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page13

Page 15: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

Mais il est très probablement sensible à la coloration religieuse, voire mystique,de ce rêve de vol qui transparaît dans les vers :

emportez-moi,Nuages de pourpre, et que là-haut se dissipentEn air et en lumière l’amour et sa souffrance !

Ce rêve domine Hypérion. Il y prend plusieurs formes. D’abord il est lyrique.

Bienheureuse Nature ! Ce que je ressens quand je lève les yeux sur ta beauté,je ne saurais le dire, mais tout le bonheur du ciel habite les larmes que je pleuredevant toi, la mieux aimée.

Tout mon être se tait pour écouter les tendres vagues de l’air jouer autour demon corps. Perdu dans le bleu immense, souvent je lève les yeux vers l’Étherou je les abaisse sur la mer sacrée, et il me semble qu’un esprit fraternelm’ouvre les bras, que la souffrance de la solitude se dissout dans la vie divine.

Mais qu’est-ce que la vie divine, le ciel de l’homme, sinon de ne faire qu’un avectoutes choses14 ?

Expressions étranges, concrètes, sensibles. Gestes du corps, dans un espace. Ils’agit de plonger, de se fondre. On pense à l’expression biblique « voir Dieu faceà face ». Dans cette formule, c’est évidemment d’autre chose qu’il est question,mais on retrouve la même force de la sensation et le même flou du concept.Métaphore, mais indéchiffrable. Allégorie, mais impossible. On revit sans peinela situation, la scène. Mais, quand il s’agit de lui donner un sens abstrait, on seperd.

Or la même image en mouvement, ou une image analogue, se rencontre quandil est question pour le poète de rencontrer le peuple, de s’unir à lui, de plongerdans la foule, de s’y dissoudre. La Grèce antique, selon Hölderlin, vit de fêtes,qui célèbrent son unité. Or cette sensation enthousiaste est devenueimpossible.

« Je suis seul sous le ciel », disait le poème. On n’est pas loin de ce que ne cessede répéter Hypérion. Il faut se rappeler que ce roman est aussi un vrai roman,où il se passe quelque chose. Roman par lettres, mais faux roman par lettres.

14 F. Hölderlin, Œuvres, op. cit., traduction de Philippe Jaccottet, p. 137.

1 4 / L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page14

Page 16: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

Le correspondant n’a pas plus d’existence que celui de Werther. Hypérions’épanche. Il exprime des sentiments, des idées, sur divers sujets.

Il est compétent en art militaire. En 1768, les Russes, en guerre contre les Turcs,ont tenté de soulever la Grèce. Le fait est historique. Hypérion se trouvechargé d’entraîner un corps de volontaires venus des montagnes. Dès qu’ilssont un peu disciplinés, il les engage dans la lutte patriotique, remporte aveceux quelques succès, prend part au siège de Mistra. La prise de la ville estl’occasion d’horreurs : massacres, viols, pillages, exactions diverses, dont sontvictimes des Grecs aussi bien que des Turcs. L’événement suscite uneindignation générale. Hypérion, que son père maudit, succombe au désespoir.Il est contraint à l’exil, se retrouve en Allemagne. Et là, il découvre que lesAllemands ne sont pas plus respectables que les Grecs, quoique d’une autrefaçon. Ils ne méritent pas moins le nom de « Barbares », que Nietzsche leurapplique, dans la droite ligne de Hölderlin.

Hypérion écrivait :

On ne peut concevoir de peuple plus déchiré que les Allemands. Tu trouverasparmi eux des ouvriers, des penseurs, des prêtres, des maîtres et des serviteurs,des jeunes gens, des adultes certes : mais pas un homme. […] Les vertus desAllemands ne sont qu’un brillant mal, et rien de plus ; car elles ne sont quemesures d’urgence, imposées à la sécheresse du cœur avec des ahans d’esclavepar une lâche angoisse, et elles ne peuvent consoler l’âme pure qui aime à senourrir de beauté et qui, hélas ! gâtée par le saint concert des êtres nobles, nepeuvent souffrir les dissonances qui déchirent le faux ordre, l’ordre mort decette nation15.

Nietzsche, recopiant Naumann, emboîte le pas. Il reprend à Naumann le motde « Philister », qui ne se trouve pas dans Hölderlin.

Hypérion à Mistra, c’est Nietzsche à Bayreuth. Tous deux ont subitementdécouvert la médiocrité de leurs compatriotes.

15 F. Hölderlin, Œuvres, op. cit., p. 267. On note que certains passages du roman avaient ététraduits par Xavier Marmier, dès 1831, à une époque où peu d’Allemands en connaissaientl’existence. La traduction est assez désinvolte. « Je ne connais pas de peuple plus abâtardi queles Allemands. J’y vois des artisans, des philosophes, des prêtres, des maîtres et des serviteurs,des adolescents et des gens de l’âge mûr ; j’y cherche en vain des hommes. »

L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N / 1 5

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page15

Page 17: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

Le mot de « prophétie » sera employé plus tard, dans des circonstances pournous étranges. Dans une lettre du 24 mai 1875, Nietzsche recopie pour soncorrespondant les premières strophes du poème intitulé « Chant del’Allemand » (Gesang des Deutschen). Voici la troisième :

Pays du génie le plus haut, le plus grave !Pays de l’amour ! Je t’appartiensMais je pleure souvent de rage, car toujoursTu nies stupidement cette âme qui est tienne16.

Dans la suite de la lettre, Nietzsche semble reprendre le motif de son devoird’adolescent : l’Allemand se concentre sur sa tâche, sur ses maux, sur sapersonne, et ne voit pas plus loin. Seul le génie, « dans la plénitude de sasanté », est capable de ne penser qu’aux autres ; « sans le vouloir, il bénit, ilguérit, où qu’il pose la main ». Hölderlin avait pressenti ce qu’aujourd’hui lesesprits supérieurs ne vont pas tarder à voir se produire. On gloseraitfacilement : les Allemands résistent à celui qui veut leur rendre leur grandeur,au destinataire de la lettre, à Richard Wagner. Résistent-ils aussi à Nietzsche ?

Tout se passe comme si Hölderlin l’avait su à l’avance.

Il a écrit un Empédocle, histoire d’un bienfaiteur de ses frères humains, qui estvictime de leur hostilité. D’abord un poème, qui perçoit le sens de l’événementd’une manière un peu différente.

Cherchant, cherchant la vie, tu vois jaillir brillantUn feu divin profondément hors de la terre,Et toi, avec ton effrayé désir, Tu t’abîmes dans la fournaise de l’Etna.

Ainsi fit fondre dans le vin ses perles l’insolenceDe la reine : qu’importe, si au moinsTu n’avais pas, poète, sacrifiéDans l’écumante coupe ta richesse !

Tu ne m’en es pas moins sacré comme la puissance de la terreQui t’enleva, audacieux tué !

16 Ce poème ne figure pas dans le volume de la Pléiade consacré à Hölderlin.

1 6 / L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page16

Page 18: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

Et je voudrais, n’était l’amour qui me retient,Le suivre jusque dans l’abîme, ce héros17.

Puis un ensemble de scènes, qu’il est impossible, malgré la présence de plansassez précis, de considérer comme une unité. Nous avons pris l’habitude dedistinguer trois versions. À l’époque de Nietzsche, on n’en était pas là. L’éditionde 1826 utilise la deuxième et ignore la première. Celle de 1846 est pluscomplète ; elle tente l’impossible synthèse, non sans coupures. Elle utilise, àcette fin, la première version, mais y introduit, pris à la deuxième et donc déjàconnu du public, le dialogue entre les deux prêtres ennemis d’Empédocle.

Dans la lettre à un ami fictif, Nietzsche déclare avoir toujours été ému parl’œuvre.

Neuf ans plus tard, libéré de ses obligations militaires, il prend quelquesnotes ; il semble décidé, lui aussi, à écrire un Empédocle. L’ensemble de cesnotes est plus disparate encore que l’ensemble des scènes composées parHölderlin. D’abord il ne s’agit que de notes. Pas la moindre réplique. Pas lamoindre esquisse de dialogue. Plusieurs plans, en cinq actes, dont un beaucoupplus développé que les autres, ce qui n’est pas une raison pour le considérercomme définitif. Une liste de personnages.

Comme Hölderlin, Nietzsche a relu Diogène Laërce. Il a de bonnes raisons, desraisons scientifiques. Sa première publication, celle qui lui vaudra sanomination à l’université de Bâle, porte sur ce doxographe. Les raisons deHölderlin sont moins pressantes : c’est son ami Sinclair qui a fait une étude surl’auteur des Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres.

Fabriquer l’Empédocle synthétique que Nietzsche a négligé de faire n’aurait pasgrand intérêt. On peut au moins essayer de suivre un des chemins qu’il aesquissés.

Hölderlin évoque plus d’une fois, dans ses fragments dramatiques, ces fêtes quifont la vie de la cité. Nietzsche en fait autant, dans un contexte un peu différent.La peste joue dans son projet un rôle important. Empédocle organiserait une

17 F. Hölderlin, Œuvres, op. cit., traduction Jaccottet, p. 457.

L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N / 1 7

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page17

Page 19: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

fête pour lutter contre elle. Nietzsche se rappelle que, selon Diogène Laërce,Empédocle avait écrit des tragédies. Dans un des fragments de Nietzsche,cette tragédie, fête magique, doit être jouée par Pausanias et Corinna, et parEmpédocle lui-même. Pausanias est un disciple d’Empédocle. C’est unpersonnage historique. Il n’en va pas de même pour Corinna. Est-ce la poétesseCorinne de Thèbes ? Est-ce la Corinne de Mme de Staël ? Le nom Corinna aplusieurs lettres en commun avec celui de Cosima. On peut rêver.

Il est question dans Hölderlin de fêtes.

Qu’il vous souvienne du temps passé, que reviveÀ la chaleur du génie la légende de vos pères !Que vienne à la fête, évoqué par la lumièreComme enchantée du printemps, le monde oubliéDes héros, qu’il monte du royaume des ombres18.

Empédocle, chez les deux poètes, est aux prises avec les prêtres, qui ont montéle peuple contre lui. Mais le peuple est revenu de sa révolte, et offre àEmpédocle la couronne.

Il la refuse.

Pourquoi se lance-t-il dans le volcan ?

Parfois, c’est par désespoir.

Parfois, c’est pour rejoindre les dieux.

Double visage du personnage, qui est à la fois l’éducateur et le mystique.

L’Empédocle de Nietzsche est, on l’a dit mille fois, déjà un Zarathoustra. Il ditla mort de Pan. Mais il est aussi celui qui a fait renaître la tragédie.

« Le dieu Richard Wagner », dit Mallarmé.

Les années passent. Nietzsche s’éloigne de Hölderlin.

Il avait écrit à Wagner, en citant le poème « Chant de l’Allemand » :

18 F. Hölderlin, La Mort d’Empédocle, première version, acte II, sc. IV, traduction de Robert Rovini,dans Œuvres, op. cit., p. 525.

1 8 / L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page18

Page 20: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

Voilà ce que dit le pauvre Hölderlin, qui n’a pas eu autant de chance que moi,et qui a seulement pressenti ce que nous allons voir à coup sûr.

Le pauvre Hölderlin est désormais une ombre lointaine, un hyperplatonicienrejeté par la violence de la vie. Son nom reparaît sous la plume de Nietzscheà propos d’un minime détail, une histoire de syllabes brèves ou longues.Plusieurs poètes allemands ont tenté, avec bonheur, de transposer dans leursvers les formes métriques du grec : à la syllabe longue correspondrait unesyllabe accentuée, à la syllabe brève une syllabe atone. Avec ce principe,Goethe et d’autres ont écrit des distiques élégiaques. Hölderlin et, un peu plustard, August von Platen sont allés plus loin. Ils ont acclimaté en allemand desformes complexes comme, par exemple, la strophe sapphique. C’est à cestentatives, couronnées de succès, que Nietzsche fait allusion :

Pour la constante répétition de — ∪� — ∪� etc., i.e. pour le rythme de la poésierimée, nous sommes musicalement trop exigeants (ne rien dire de l’hexamètre,qui a été mal compris). Quel bonheur nous donne la forme de Platen et deHölderlin ! Mais elle est pour nous trop contraignante. Jouer avec les mètres lesplus différents et parfois renoncer aux mètres, voilà le vrai ; la liberté quenous avons atteinte en musique grâce à Richard Wagner, nous pouvons nous enservir pour la poésie. C’est la seule forme qui parle fortement au cœur. Mercià Luther19.

Nietzsche a oublié Hölderlin. Il semble ne plus se rappeler de lui que lespoèmes écrits dans des strophes à l’antique, formes très contraignantes. Il aoublié que Hölderlin s’est servi de formes très libres. Il a oublié que, dans salettre à un ami fictif, il avait mis en évidence les deux seuls poèmes en verslibres que l’on trouvait dans le recueil de 1846. Il a oublié que ce recueildonnait d’Empédocle de préférence les scènes en vers libres.

Vers libres. Ils existent en allemand depuis longtemps. On leur donnait parfoisle nom de dithyrambe (mot dont Hölderlin ne fait pas usage). On croyait quele dithyrambe, lié à l’idée de fureur poétique, ne respectait aucune règle.C’était une erreur. Mais on n’avait pas de textes20. On se contentait de citer un

19 F. Nietzsche, Kritische Gesamtausgabe, 25 [172].20 Le papyrus contenant les dithyrambes de Bacchylide n’a été découvert que dans les dernièresannées du XIXe siècle. Nietzsche aurait pu en entendre parler. Mais, si c’est le cas, nous nesaurons sans doute jamais comment il a réagi.

L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N / 1 9

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page19

Page 21: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

vers d’Horace, qui dit précisément que le genre est affranchi de toutecontrainte métrique : metris […] solutis. Le poète latin se trompe. En réalité lamétrique du dithyrambe n’est pas moins contraignante que celle de l’ode.

Hölderlin a écrit des dithyrambes, au sens vieilli du mot. Il ne les a pas appelésde ce nom. Il préférait le mot « hymne ». Il y usait de vers très libres. Il ychantait divers dieux.

Il a chanté Dionysos. En fait, il a tendance à le confondre avec le Christ. Il faitjouer au Christ un rôle analogue à celui qu’il attribue au dieu grec. Après avoirdemandé, en une phrase célèbre, « pourquoi, dans ce temps d’ombre misérable,des poètes ? », il enchaîne :

Mais ils sont, nous dis-tu, pareils aux saints prêtres du dieu des vignesVaguant de terre en terre au long de la nuit sainte.

Un peu plus loin, il dit :

Mais le fils du Très-Haut, durant la longue attente, le Syrien descend comme[un porteur de torche parmi les ombres ;

Des sages bienheureux le voient ; d’un sourire leur âme prisonnièreS’étoile, et la tiède clarté ranime leurs yeux morts21.

Dionysos, par ses prêtres, le Christ, directement, témoignent, pendant l’époqueobscure, de la persistance de la lumière. Nous ne savons pas ce que Nietzschea pu penser de ce rapprochement.

Nous pouvons noter que le nom d’Ariane n’apparaît pas sous la plume deHölderlin.

Dans la variante la plus développée de l’esquisse sur Empédocle, Nietzsche,nous l’avons vu, a envisagé une tragédie22. Cette tragédie aurait mis en scèneThésée, Ariane et Dionysos. Ariane aurait été jouée par Corinna. Et « lecomédien Dionysos est ridiculement amoureux de Corinna ». Par ailleursEmpédocle est « honoré comme le dieu Dionysos », peut-être identifié à lui.

21 F. Hölderlin, « Pain et vin » (Brot und Wein), traduction Robert Rovini, dans Œuvres, op. cit.,p. 813-814.22 F. Nietzsche, Kritische Gesamtausgabe, 8 [37].

2 0 / L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page20

Page 22: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

Faut-il comprendre qu’il est le comédien Dionysos, ou qu’un culte lui estrendu hors du théâtre ? L’énigme demeure.

Il reste que, parti sans doute d’une donnée hölderlinienne, Nietzsche a pris desdistances.

On se rappelle pourtant certains vers de Sophocle :

Ne pas naîtreVaut mieux que tout, ou du moinsRetourner viteD’où on est venu23.

Sous une forme un peu différente, la même idée est exprimée par Théognis :

Pour tous ceux qui sont sur terre, le meilleur est de ne pas naître, de ne pas voir les rayons du soleil ; puis, une fois nés, de passer au plus vite les portes de l’Hadès, de reposer sous un amas de terre (v. 425-428).

On sait que la formule, attribuée à Silène, donc à un compagnon de Dionysos,est citée au début de La Naissance de la tragédie. Elle illustre d’emblée l’idéeque la pensée grecque est fondamentalement pessimiste.

On se rappelle peut-être moins souvent que, sous la forme que lui a donnéeSophocle, elle sert d’épigraphe au second livre d’Hypérion.

23 Sophocle, Œdipe à Colone, v. 1224 sq., traduction Jean Grosjean (Tragiques grecs, Paris,Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1967, p. 945).

L’ O M B R E D E H Ö L D E R L I N / 2 1

01-Spy-2016-Hölderlin-CorTC_spy interieur 12/09/16 15:28 Page21

Page 23: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

02-Spy-2016-Woolf-CorTC_spy interieur 12/09/16 09:30 Page22

Page 24: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

O N B E I N G I L L : L I R E V I R G I N I A W O O L F AV E C F R I E D R I C H N I E T Z S C H E

02-Spy-2016-Woolf-CorTC_spy interieur 12/09/16 09:30 Page23

Page 25: SPY - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782354275617.pdf · 1 Citée par Curt Paul Janz, Nietzsche, tome III, Paris, Gallimard, 1985, p. 459. 2 Il s’agit de la première partie;

02-Spy-2016-Woolf-CorTC_spy interieur 12/09/16 09:30 Page24