Spitzer - Dix Principes universels

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un aperçu de la philosophie

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  • Un aperu philosophique des questions essentielles

    DIX PRINCIPES U N I V E R S E L S

    Par le pre Robert J. Spitzer S.J.

    Traduction Luce-Marie Volat

  • Un aperu philosophique des questions essentielles

    DIX PRINCIPES U N I V E R S E L S

    Par le pre Robert J. Spitzer S.J.

    Traduction Luce-Marie Volat

    Titre original :Ten Universal Principles

    A Brief Philosophy of the Life IssuesIgnatius Press, 2011

  • Les dix principes suivants constituent la base de la vie civile, de la justice et de lobjectivit des cultures dans le monde entier. Leur prsence permet lclosion dune civilisation humaine ; leur absence, mme partielle, ouvre la voie la corruption, au mensonge, linjustice et annonce le dclin culturel. Trois de ces principes concernent la vrit objectivement vrifiable, trois autres la morale et la vertu des personnes, trois autres la justice politique et les droits de lhomme, le dernier sattache au dveloppement de la culture.

    I- Les principes de raisonPrincipe 1 : Le principe de lexplication la plus complte (Socrate, Platon et Aristote)Lopinion ou la thorie la meilleure est celle qui explique le plus de donnes.Principe 2 : Le principe de non-contradiction (Platon et Aristote)Les opinions ou thories valides ne renferment pas de contradictions.En termes classiques : Un tre rel ne peut pas tre et ne pas tre le mme, au mme gard, au mme endroit et au mme moment.Principe 3 : Le principe de lvidence objective (Platon et Aristote)Les opinions ou thories non arbitraires sont bases sur une vidence vrifiable par tous.

    II- Les principes morauxPrincipe 4 : Le principe de non-malfaisance (Jsus, Mose et toutes les traditions religieuses dans le monde)Eviter tout mal non ncessaire ; si un mal est invitable, le rduire au minimum.Premire rgle, Rgle dargent : Ne pas faire aux autres ce que vous ne voudriez pas quils vous fassent.Principe 5 : Le principe de cohrence entre la fin et les moyens (Augustin)La fin ne justifie pas les moyens.Principe 6 : Le principe du plein dveloppement de tout potentiel humain (Las Casas)Chaque tre humain (ou groupe dtres humains) se doit dtre valu la pleine mesure du dveloppement humain possible et non selon le niveau de dveloppement atteint au moment prsent.

    III Les principes de justice et de droits naturelsPrincipe 7 : Le principe des droits naturels (Suarez, Locke, Jefferson et Paine)Tous les tres humains possdent en eux-mmes (par le simple fait dexister) les droits inalinables la vie, la libert et la possession de biens ; aucun gouvernement ne dispense ces droits et aucun gouvernement ne peut les aliner.Principe 8 : Le principe des droits fondamentaux (Suarez, Locke et Jefferson)Le droit le plus fondamental est celui qui est ncessaire lexistence de lautre. En cas de conflit, cest le droit fondateur qui doit tre privilgi.Principe 9 : Le principe des limites la libert (Locke et Montesquieu)Les liberts dune personne (ou dun groupe de personnes) ne peuvent imposer de contraintes excessives dautres personnes (ou groupes).

    IV Le principe fondamental didentit et culturePrincipe 10 : Le principe de bienfaisance (Jsus)Le but est de contribuer au plus grand bien des autres et de la socit.Rgle dor : Agissez envers les autres comme vous aimeriez quils agissent envers vous.

  • SommaireLES PRINCIPES DE RAISON ....................................................................................................................2Principe 1 : le principe de lexplication la plus complte ................................................................................... 4Principe 2 : Le Principe de non-contradiction ................................................................................................. 5Principe 3 : Le principe de lvidence objective .............................................................................................. 6LES PRINCIPES DTHIQUE ...................................................................................................................9Principe 4 : Le Principe de Non-malfaisance .................................................................................................. 9Principe 5 : le Principe de la Cohrence entre la Fin et les Moyens ................................................................... 16Principe 6 : le Principe du plein Dveloppement de tout Potentiel Humain .........................................................18LES PRINCIPES DE JUSTICE ET DES DROITS NATURELS ...................................................................... 20Principe 7 : Le principe des droits naturels ................................................................................................... 21Principe 8 : Le Principe des Droits Fondamentaux ......................................................................................... 28Principe 9 : Le principe des limites la libert .............................................................................................. 31LE PRINCIPE FONDAMENTAL DIDENTITE ET CULTURE ...................................................................... 34Principe 10 : Le principe de Bienfaisance ....................................................................................................34CONCLUSION ...................................................................................................................................... 46

    LES PRINCIPES DE RAISONNos trois premiers principes dfinissent la validation des prtentions la vrit. Aucun prjug, ostracisme, marginalisation ou perscution nest entr en vigueur sans que quelquun proclame que ses prjugs taient les seuls vrais . La propagande nazi a dbut par laffirmation de linfriorit des Juifs, des Gitans et autres groupes ethniques. La propagande stalinienne a dbut par laffirmation que les non-communistes taient des dissidents et des fauteurs de troubles. La propagande des Khmers Rouges a dbut par laffirmation que les citoyens duqus des villes agissaient contre le bien commun. Mme notre Cour Suprme, en son temps, a soutenu que les noirs taient rellement infrieurs aux blancs et a subordonn leur accs la libert au droit de proprit des blancs. Le mot rellement sous-entend en vrit . Nous entourons ce mot dune aurole de saintet, ce qui nous permet de fouler aux pieds nos croyances fondamentales quant au but et la signification de la vie, la dignit des tres humains et les bienfaits de la culture. Ce mot a tant dimpact implicite que nous devons faire trs attention lemploi que nous en faisons et nous montrer extrmement scrupuleux dans les critres qui dtermineront sa prsence effective dans nos raisonnements.

    Les trois principes suivants ont t formellement tablis par Socrate, Platon et Aristote, il y a de cela deux mille quatre cents ans, en rponse aux arguments formuls par les Sophistes. Ils sont encore dactualit aujourdhui car les ignorer conduit au sophisme, au scepticisme et au cynisme, trois points de vue qui ne prennent pas la vrit en compte et ont, maintes reprises, contribu saper les bases de la dignit humaine et de la communaut.Examinons rapidement le Scepticisme qui, de faon incongrue, sest tout dabord manifest lAcadmie de Platon. Cette thorie mettait en avant lun des aspects du Sophisme, savoir, la valeur intrinsque de toute affirmation, valeur contestable et infonde. Pour rappel : les Sophistes prnaient la relativit de la vrit (toutes les opinions sont de mme valeur), ce qui revenait donner plus de force des arguments faibles (ainsi, des arguments douteux semblaient relativement valables) tandis que des arguments forts perdaient de leur crdibilit (des assertions relativement prouves paraissaient douteuses). Les Sceptiques firent de ce dernier point leur ligne de conduite, ce qui, plus tard, entacha toute affirmation de vrit, dun caractre douteux ou contraire la raison. Bien que, a priori, toute affirmation de vrit soit contestable, cela ne signifie pas pour autant quelle soit douteuse ou contraire la raison. Si lon rejette la validit de toute affirmation de vrit, cela mne dsesprer de la vrit, ce qui signifie que ses auteurs ne sont responsables daucune validation dassertion. Une fois dbarrass de la responsabilit de la validation dune assertion (puisque cette validation na aucune valeur), on peut soutenir impunment nimporte quelle thse : la vie est cruelle, laide et brve est tout aussi vrai que la vie recle un potentiel de buts atteindre, de bont et damour . Les tres humains ne sont que de simples composs chimiques est tout aussi vrai que : les tres humains sont capables de comportements qui vont bien au-del des lois de la physique et de la chimie . Si on pose en principe quon ne

  • peut jamais atteindre la vrit, tout devient imparfait et arbitraire (subjectif) et des affirmations parfaitement illogiques paraissent tout aussi vraies que dautres, logiques, celles-l, fondes sur une vidence objective (non-arbitraire) et plus compltes (qui expliquent un plus grand nombre de donnes). Cette thorie pourrait amener sous-estimer la dignit et le potentiel humain et, par voie de consquence, induire le dclin des idaux culturels, ce qui ne manquerait pas de dcourager tout effort visant crer un monde meilleur.Nous avons tous entendu dire : affirm sans preuves , rejet sans preuves ; si vous affirmez quelque chose sans preuves lappui, ce peut tre aussi aisment rejet sans fournir de preuves. Platon et Aristote reconnaissaient que toutes les opinions ne sont pas dgale valeur. La thorie de lunivers dEinstein est suprieure celle de Newton. Les mathmatiques modernes sont suprieures aux mathmatiques euclidiennes. La philosophie politique de Jefferson est suprieure la philosophie fasciste. Les pratiques thiques de Martin Luther King taient suprieures celles dHitler. Mme si ces affirmations semblent videntes, nous devons tre capables de prouver leur validit, faute de quoi, elles ne sont qu arbitraires et peuvent donc tre arbitrairement rejetes. Pour illustrer ces principes, permettez-moi de vous faire partager la mthode que jemploie comme introduction mon cours de philosophie. Dune anne sur lautre, je commence avec la question de base pose par Platon : Combien dentre vous considrent que toutes les opinions sont valides et donc, dignes de respect ? Plus de 50% de mes tudiants rpondent par laffirmative, soucieux quils sont de respecter leurs semblables. Cette louable intention les conduit confondre la bont des tres humains avec la justesse de leurs opinions, ce qui les empche de se demander si lopinion est respectable en elle-mme (en dehors de ltre humain qui la mise).Aprs ce premier sondage, je poursuis : Pensez-vous que lopinion de Hitler sur le gnocide est valide et digne de respect ? Pensez-vous que lopinion de la Cour Suprme dclarant que les noirs sont des tres infrieurs lors de laffaire Dred Scott, est valide et doit tre respecte ? Tous rpondent que non mais que ces exemples sont par trop vidents. Cest alors que je leur dis : Exact, mais cela montre une chose : mme si vous prouvez le plus grand respect pour la personne qui exprime une opinion, vous devez garder vos distances vis--vis de cette opinion. Une opinion peut toujours tre invalide et indigne de respect. Cela provoque toujours la mme raction : Comment faire la diffrence entre le contenu dune bonne opinion et celui dune mauvaise ? et cest alors que jenchane : Merci davoir pos la question. En bref, la rponse est la suivante : il y a trois mthodes essentielles pour vrifier la validit dune opinion, (1) la quantit d vidence (voir Principe 1, le principe de lexplication la plus complte), (2) la logique interne des arguments (voir Principe 2, le principe de non-contradiction) et (3) la qualit de lvidence (voir Principe 3, le principe de lvidence objective, de sa vrification possible par tous ). En rgle gnrale, si une opinion apporte une explication un maximum de donnes, se fonde sur lvidence objective, aisment vrifiable et ne prsente pas de contradictions internes, elle est forcment meilleure (plus vraie) quune opinion qui explique moins de donnes, nest fonde que sur une vidence subjective, donc arbitraire et renferme des contradictions internes. Trs peu nombreux sont les tudiants qui contestent la plus grande vracit daffirmations concernant le plus grand nombre de donnes ou bases sur lvidence objective et vrifiable. Parfois, lun ou lautre sessaie contester le principe de non-contradiction ; je lui rponds (avec les honneurs de la guerre !) en reprenant les arguments dAristote lui-mme (voir ci-dessous, Principe 2).Poursuivons maintenant par lexplication de ces trois principes.

    Principe 1 : le principe de lexplication la plus complte

    La meilleure opinion est celle qui explique le plus grand nombre de donnes.Le principe de base est le suivant : les propositions qui expliquent le plus de donnes et sont vrifies par le plus dvidence sont meilleures que les autres. La plupart des gens considrent que ce principe va de soi car si une plus grande capacit dexplication et un champ dvidence plus large ne sont pas des critres de qualit, alors toute vidence ou explication supplmentaire najoute rien, ce qui revient dire que toute vidence et facult dexplication nont aucune valeur. Nous nous retrouvons face nos affirmations subjectives, ce qui pour beaucoup nest pas suffisant.Par exemple, comme nous lavons dit prcdemment, la thorie dEinstein concernant lunivers est meilleure que celle de Newton parce quelle explique plus de donnes. (Newton ne connaissait pas la plupart des donnes dont les thories de la relativit, spcifiques et gnrales, rendent compte.) Le calcul intgral prsente plus de capacit dexplication que lalgbre et la trigonomtrie car il sapplique aux courbes par voies de drives et

  • dintgrales, ce que lalgbre et la trigonomtrie ne font pas. Ce principe est valable pour pratiquement toutes les sciences et mme les sciences sociales.

    Pour en venir aux questions essentielles concernant la vie, ce principe est important car toute thorie de la personne humaine qui considre la personne comme un simple individu physique (le matrialisme) nexplique pas que cet individu soit conscient dexister ni quil ait des aspirations transcendantales (dsir de Vrit complte et inconditionnelle, dAmour, de Bont, de Beaut et dEtre). Par consquent, lexplication que donne le matrialisme de nombreuses facults et activits humaines telles que lempathie, lamour dsintress (agap), la conscience de soi, le dsir dintgrit et de vertu, le sens du spirituel, le dsir de transcendance est, au mieux, dune grande pauvret. Les thories qui essaient et parviennent expliquer ces donnes telles que lhylmorphisme ou le transmatrialisme doivent tre prfres celles qui ne le font pas : le rductionnisme biologique, le matrialisme et le behaviorisme. La sous-estimation de la personne humaine peut conduire vivre incompltement sa vie car, si on ne pense pas tre dou de dimension spirituelle, on peut ignorer ses dsirs de spiritualit. Si on ne se pense pas dou de conscience, on ne fera pas leffort dy prter attention. Si on pense que lamour nest rien dautre quune raction chimique, on nen fera pas sa priorit, en particulier l o il requiert une dose dabngation. Il est clair que ce simple prmisse matrialiste (la sous-estimation de la personne humaine), peut transformer la qualit de la vie, des relations et des buts poursuivre. Autre consquence encore plus srieuse de cette sous-estimation, cest la sous-valuation des tres rels. Si nous considrons les tres humains comme de simples agrgats de matire, dnus de la possession de soi ncessaire la libert et lamour, sans cette qualit unique qui provoque lamour et dpourvus de toute aspiration spirituelle ou transcendantale, nous pourrions considrer les tres humains comme de simples objets. Auquel cas, ils peuvent tre traits en objets ; au cours de lhistoire, cette thorie a conduit toutes les formes de tragdies. Des tres humains ont t considrs comme des esclaves, de la chair canon, des outils utiliss pour le confort des autres ; parfois mme, ils ont servi de matire exprimentation et ont t soumis toutes sortes dignominies et de cruauts : cest le rsultat de la chosification de ltre humain.Le principe de lexplication complte a un corollaire clbre, savoir qu il y a plus derreurs commises par omission que par intention . En effet, laisser passer des donnes est aussi prjudiciable la recherche de la vrit que sappuyer sur les mauvaises donnes ou commettre une erreur de raisonnement. Cet adage reflte le proverbe moral selon lequel plus de pchs sont commis par omission que par intention . Dans le cas de la sous-estimation de la personne humaine, lhistoire nous a montr quil ny avait pas loin de lerreur au pch.

    Principe 2 : Le Principe de non-contradiction

    Les thories ou propositions valides ne renferment pas de contradictions.En termes classiques : un tre rel ne peut pas tre et ne pas tre la mme chose, au mme gard, au mme moment et au mme endroit.Ce principe date de lpoque de Platon et fut formul de faon formelle par Aristote. Cest le principe essentiel de la logique (et donc, le plus important pour toute dmonstration). Il peut se comprendre comme suit : Un tre X ne peut pas tre A et non-A au mme gard, en mme temps et au mme endroit. Par exemple, je ne peux mesurer 1m80 et pas 1m80, du mme point de vue, en mme temps et au mme endroit. Cet ordinateur ne peut pas tre et ne pas tre de forme carre, vu sous le mme angle, en mme temps et au mme endroit. Mieux encore, je ne peux pas concevoir quun ordinateur puisse tre et ne pas tre de forme carre, au mme gard, en mme temps et au mme endroit.Puisque les contradictions ne peuvent jamais tre relles ni tre penses, il va de soi que nous cherchons les viter dans tout bon argument logique car nous savons que quand elles se produisent, elles doivent tre fausses. Ainsi, nous ne dirons pas quun cercle carr existe parce quun cercle est un non-carr (il na pas quatre angles droits inscrits). Si je disais quun cercle carr existe, cela reviendrait dire quun carr non-carr existe, ce qui ne viendrait lesprit de personne. De mme, il serait absurde daffirmer lexistence dun proton-lectron parce quun lectron, tant donn sa charge, agit loppos du proton (l o les protons attirent, les lectrons repoussent et l o les protons repoussent, les lectrons attirent). Donc, affirmer lexistence dun proton-lectron revient affirmer lexistence dun proton non-proton au mme gard, en mme temps et au mme endroit. Ce que nous reconnaissons tous comme une proposition fausse.Parfois, un tudiant se risque demander : Comment savez-vous que le principe de non-contradiction est juste ? Je lui donne la rponse dAristote au livre 4 (chap. 3 et 4) de la Mtaphysique. Dans cet ouvrage,

  • Aristote se joue des gens qui mettent en doute le principe de non-contradiction en les poussant dans leurs retranchements et en les rduisant au silence, au statut de lgume en fait, puisque tout ce quils pourraient affirmer naurait aucun sens. Son raisonnement est simple : si deux propositions contradictoires ont mme validit, alors paroles ou propositions nont aucun sens.Nier le principe de non-contradiction conduit cette absurdit : tout est X et non-X au mme gard, en mme temps : il nest pas non plus X et non-X en mme temps et au mme lieu. Ce qui revient dire que phrases et mots nont aucun sens. On ne peut plus rien penser de sens. Cela rduit tout opposant au principe de non-contradiction au statut de lgume.Ce principe est souvent invoqu quand on parle des questions relatives la vie et la mort. Par exemple, certaines cours de justice soutiennent quun embryon a des droits dhritage et peut, aprs la naissance, poursuivre en justice pour des blessures davant la naissance (les embryons tant donc considrs comme des personnes avec les mmes droits). Dautres cours dclarent que les embryons ne sont pas des personnes et nont donc aucun droit, pas mme le droit la vie, ce qui est une vidente contradiction. Ou encore, certains biologistes soutiennent quun zygote humain dune seule cellule possde le gnome complet (et ne peut tre considr autrement que comme un tre humain) mais que si ce zygote monocellulaire nest pas implant, ce nest pas encore un tre humain, ce qui, de nouveau est une contradiction.Autre exemple : certains estiment que la libert cest obtenir ce que je veux, quand je veux mais aussi pouvoir vivre pour ce qui est le plus fort, le plus durable, le plus profond . La premire dfinition de la libert est gnralement antinomique de lengagement (qui sous-entend remettre plus tard ou refuser ce que je veux maintenant) alors que la seconde peut inclure lengagement (vivre le plus fort... peut exiger de la tnacit long terme). Il serait donc contradictoire daffirmer que ces deux dfinitions peuvent tre vraies, au mme gard, en mme temps et au mme endroit.

    Principe 3 : Le principe de lvidence objective.

    Les opinions ou thories non-arbitraires sont fondes sur une vidence vrifiable par tous.La meilleure vidence est celle accessible tous. Cela nimplique pas que mon exprience religieuse personnelle ou la conscience que jai de moi-mme ne sont pas relles ou vraies, seulement quelles ne sont accessibles qu moi et ne peuvent servir de preuve pour une dmonstration usage externe. Quelque chose qui nest accessible qu moi est subjectif alors que quelque chose vrifiable par tous est objectif .Deux sortes dvidence sont considres comme accessibles tous : (1) lvidence (sensorielle) a posteriori et (2) lvidence a priori (issue de la ncessit).Lvidence a posteriori est empirique, accessible nos cinq sens. La plupart dentre nous, dous dune acuit sensorielle normale, considrent cette vidence comme vrifiable par tous car elle est presque accessible universellement. Que jaie un crayon la main est vrifiable par tous ceux qui, dans cette pice ont une acuit visuelle normale. Que je parle dune voix forte est vrifiable par tous ceux qui ont une audition correcte.Les instruments de mesure peuvent largir le champ de lvidence a posteriori car ils sondent et mesurent le monde empirique avec des mthodes qui ne sont pas directement accessibles nos sens. Toutefois, la lecture des instruments peut tre vrifie par tous. Par exemple, trois dentre nous peuvent regarder trois thermomtres et constater quil fait actuellement soixante douze degrs Fahrenheit.Lvidence a priori est base sur le principe de non-contradiction (voir Principe 2); elle est la base des vrits mathmatiques, logiques et mtaphysiques. Elle affirme que toute situation de contradiction est impossible (et donc, ne peut jamais tre relle). Par exemple, un cercle carr de mme surface au mme endroit et en mme temps ne peut pas tre rel car les coins dun carr ne peuvent pas concider avec labsence de coins dans un cercle, du mme point de vue, au mme endroit et en mme temps. De mme, des protons-lectrons ne peuvent exister parce quune particule telle quun lectron qui repousse les autres lectrons ne peut concider avec un proton qui attire les lectrons. Cela est galement vrai dune valicule (quelque chose qui agit comme une vague et une particule au mme endroit et en mme temps). Les vagues sont des structures diffuses qui se rpandent tandis que les particules sont enfermes en elles-mmes et entrent en collision les unes avec les autres. La nature ne peut pas contenir une ralit la fois ferme sur elle-mme et diffuse au mme gard, au mme endroit et en mme temps.Cependant, certaines contradictions nous en disent plus. Dans certains cas, loppos dune proposition contradictoire peut nous dire quelque chose de vrai. Par exemple, si nous pouvons montrer que la proposition Le temps pass est infini est une contradiction, nous saurons alors quil est impossible pour le temps

  • pass dtre infini. Mais si le temps pass nest pas infini, cest quil est fini. Donc, la contradiction dans la proposition Le temps pass est infini nous dit que la proposition oppose Le temps pass est fini est vraie. De mme, si nous pouvons prouver quil est contradictoire daffirmer quun Etre non conditionn par le temps et lespace (Dieu) est matriel, nous saurons que la proposition Dieu est un tre matriel est fausse. Ce qui signifie que la proposition Dieu est immatriel (transcende lespace et le temps) doit tre vraie.Reprenons notre rflexion sur le sujet qui nous occupe : si nous voulons dmontrer quelque chose quelquun, nous devons nous appuyer sur une vidence soit a posteriori soit a priori ou encore une combinaison des deux parce quelles sont vrifiables par toute personne doue dune acuit intellectuelle et sensorielle normale. Nous ne pouvons affirmer quelque chose uniquement drive de notre opinion subjective (opinion que nous prtendons juste parce que nous sentons ou nous croyons quelle lest). Ce ne serait que vrification subjective et ne pourrait servir prouver quelque chose quelquun.Concernant le mouvement pour le respect de la vie, le Professeur Lejeune a montr quun zygote humain unicellulaire (mme non implant) possdait un gnome complet. La prsence de ce gnome dans le zygote (cellule lorigine dun nouvel organisme issu de la reproduction sexuelle) gnralement indique que cette cellule deviendra un tre humain complet parfaitement viable sil nest pas soumis des conditions dfavorables son dveloppement que ce soit du fait de la nature ou provoques artificiellement.Il faut prciser que la seule prsence dun gnome complet ne constitue pas un tre humain. Ce gnome peut tre prsent dans toute cellule somatique du corps humain. Une cellule somatique compose un organisme ; ce peut tre une cellule de peau ou dos ; ce ne sont pas des zygotes qui, eux, sont forms de cellules-mres constituant un nouvel tre humain en puissance. Une cellule de peau ou dos ne deviendra jamais un tre humain mais la prsence dun gnome complet dans un zygote laisse penser quil se dveloppera pour former un tre humain unique et viable si les conditions le permettent. Cest la raison pour laquelle le Pr. Lejeune estimait quun zygote humain, implant ou non, tait un tre humain.Il a dmontr lexactitude de sa thse par vrification accessible tous au moyen dun squenceur automatique dADN (vidence a posteriori). Toute personne dsirant vrifier ses dires pouvait utiliser ce squenceur ou le sien propre et obtenir les mmes rsultats. Il a pu ainsi affirmer en toute objectivit quun zygote unicellulaire tait un tre humain. Utilisant les mmes moyens, il a ensuite montr que le zygote tait porteur dun matriel gntique venant de la mre et du pre mais quil tait un tre diffrent du fait de la combinaison gntique. De nouveau, quiconque le souhaitait pouvait se servir du squenceur en question ou dun autre et parvenir la mme conclusion objective. Le Pr. Lejeune a ensuite affirm que ce zygote, dans des conditions normales, deviendrait un tre humain, unique et parfaitement dvelopp sur la base du code gntique prsent dans la cellule dorigine. Tous ceux disposant dun squenceur pouvaient vrifier cette affirmation. Ceci lui a permis de conclure que non seulement un tre humain tait prsent dans le zygote, mais encore, un tre unique qui, dans la plupart des cas parviendrait maturit. Si donc, nous dfinissons une personne comme un tre humain en cours de maturation, alors, un zygote unicellulaire doit tre considr comme une personne.Important : si nous ne prcisons pas le caractre de potentiel de maturation dans notre dfinition de la personne, tout tre humain, incompltement dvelopp pourrait tre considr comme une non-personne. Ce qui poserait problme car il est difficile de dterminer le stade auquel un tre humain a atteint la totalit de son potentiel. Du point de vue biologique, ce pourrait tre le stade auquel le cerveau, les os, les tissus, les muscles ont atteint leur plein dveloppement, plus ou moins entre 12 et 22 ans suivant lindividu. Qui plus est, aprs 22 ans, on commence perdre un peu de la plnitude du potentiel atteint cet ge. En consquence, la complte maturation ne peut servir de critre la dfinition de la personne humaine : par trop arbitraire. Est-il utile de prciser que penser dveloppement partiel serait galement arbitraire ? Qui peut dire quelle proportion de dveloppement fait dun tre humain une personne ? (Serait-ce 30, 40 ou 50%? Cela ne dpendrait que dune valuation subjective.)Comment alors parvenir une dfinition objective (non-arbitraire, vrifiable par tous) de la personne humaine ? En enlevant tout ce qui est arbitraire ? Soit. Mais si nous faisons cela, il ne nous reste quun seul critre non-arbitraire pour qualifier la personne : la prsence dun gnome complet dans un organisme humain qui peut, ventuellement atteindre son plein dveloppement. Au tout dbut, il nest quun zygote humain, mme sil nest pas implant.Dans le cas de Roe vs Wade, le verdict de la majorit fut que les foetus, au premier et deuxime trimestres (et dans certains cas au troisime) ntaient pas des personnes ; cela, parce que des experts, choisis au hasard, nont pas pu parvenir un consensus. Ils nont mme pas pu tablir de critre subjectif (encore moins objectif) ; labsence de consensus entre des experts choisis au hasard ne prouve rien : cest un cas dabsence dvidence.

  • Bien que le test du Pr. Lejeune ait t rendu public lors de deux affaires passes en justice, la Cour na pas, par la suite, cherch supprimer le caractre arbitraire de la dfinition de la personne. Comme on le verra, ceci a fait beaucoup de mal nombre denfants natre et la culture, au moins autant que le mal caus par la dcision prise lors de laffaire Dred Scott vs Sanford, cent seize ans plus tt.

    LES PRINCIPES DTHIQUE

    Lthique se proccupe de la moralit de la vie, comment rechercher ce qui est bien et viter ce qui est mal ou dangereux. Cest une qute beaucoup plus ancienne que ltude de la raison et des droits naturels car elle semble ancre dans la conscience humaine ds lorigine. Elle semble troitement lie la conscience des notions de sacr, transcendantal, spirituel et divin. Cette conscience du sacr implique une attirance vers le bien et une rpugnance au mal. Ces sentiments dattirance et de rpugnance sarticulent en rgles de conduite de la personne, puis sont exprims en termes de normes pour une socit donne et, finalement, deviennent un code de lois pour un tat.Les philosophes, hommes de lois, politologues qui se sont interrogs sur la lgitimit des lois et du systme lgal ont tous remarqu quune certaine base thique tait prsente dans toutes les cultures et religions, base sans laquelle lois et systme lgal perdent toute intelligibilit et lgitimit ; il sagit du principe de non-malfaisance (viter aux autres un mal non ncessaire, Principe 4). Ce principe nest pas seulement le fondement de la morale et des lois, mais il est aussi le fondement de la justice et des droits. Si ce principe fait partie intgrante dune culture, la morale, la justice, les droits et les lois en seront imprgns. Ce principe mrite donc respect et protection car nous ne pouvons vivre longtemps sans lui.Deux corollaires importants du principe de non-malfaisance sont galement ncessaires lintelligibilit et au fondement des lois et des droits : celui de la cohrence entre la fin et les moyens (principe 5) et celui du dveloppement du potentiel humain (Principe 6). Nous verrons plus loin que cette corrlation est vidente. Pour le moment, contentons-nous de dire que sans ces trois principes moraux, il serait inutile denvisager ltude des principes concernant la justice et les droits car ils seraient inintelligibles et sans fondement.

    Principe 4 : Le Principe de Non-malfaisance

    viter tout mal non-ncessaire ; dans le cas o un mal est invitable, le rduire au minimum.Rgle dargent : Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas quon vous fasse.Le principe de non-malfaisance remonte plus de trois mille ans. On le trouve chez toutes les nations et dans toutes les grandes religions. On le considre comme le principe thique fondamental car, sans lui, tous les autres principes thiques seffondrent. Il est la base de toute morale (et est parfois appel minimalisme thique ).On peut le formuler comme suit : Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas quils vous fassent. Ce qui peut se comprendre comme : Ninfligez aucun mal aux autres personnes mais si un mal est invitable, faites tout votre possible pour le rduire au minimum. Ceci se rapproche de la Rgle dor (le principe de bienfaisance), la diffrence prs que la Rgle dargent se concentre sur le mal viter alors que la Rgle dor met en avant le bien faire ( Faites aux autres ce que vous voudriez quon vous fasse ). Cest pourquoi la Rgle dargent est considre comme le niveau minimal de la morale tandis que la Rgle dor (laltruisme, faire le maximum de bien aux autres) en est le niveau maximal.Beaucoup estiment que le principe de non-malfaisance est aussi fondamental pour la morale que le principe de non-contradiction pour les rgles de lvidence parce que son dni entrane 1) la forme dinjustice la plus profonde et 2) mne une condition sociale insoutenable.Examinons le premier cas. On peut dire en toute certitude quaucune personne normale (non atteinte de masochisme) aimerait tre lobjet dun mal non ncessaire. Toutefois, si on napplique pas ce principe aux autres, on commet la forme dinjustice la plus basique, cest--dire quon demande pour soi quelque chose quon nest pas prt mettre en action pour lautre. Daprs Platon, la justice, condition ncessaire toute socit humaine, est fonde sur le principe de donner chacun son d. Donc, si les autres ont lobligation de ne pas nous infliger de mal non-ncessaire, nous devons en faire autant leur gard. Nous ne pouvons pas exiger pour nous-mmes ce que nous ne sommes pas prts faire pour les autres.Deuximement, ne pas observer le principe de non-malfaisance est insoutenable. Ds lors que nous acceptons

  • lide de faire mal sans que cela soit ncessaire, le tissu social se dchire et clate ; tout est permis : vols, coups, violence gratuite jusquau meurtre. Toute relation entre les personnes serait impossible si nous navions cette obligation les uns envers les autres. En gnral, nous vitons de frquenter les personnes qui affirment Je dois causer un mal non ncessaire aux autres pour que ma vie soit russie car nous pourrions tre les victimes de cette personne. Mais si tout le monde vite tout le monde, toute relation, communaut ou socit disparat.Le principe de non-malfaisance revient trs souvent dans les questions essentielles. Par exemple, la dcision prise dans laffaire Roe vs Wade, viole ce principe puisquil justifie le mal inflig un tre humain. Comme il a t tabli au Principe 3, Un zygote humain unicellulaire est porteur dun gnome complet et un embryon humain un gnome humain pleinement actualis. En consquence, ltre en question est un tre humain et permettre quon le supprime avec laval de la loi (que ce soit au premier, deuxime ou troisime trimestre de grossesse) est une violation particulirement grave du principe de non-malfaisance.Le raisonnement des magistrats en charge de laffaire Roe vs Wade sappuyait sur une prsomption gratuite et dramatique : dans le doute, fais comme sil ny avait pas vie humaine. Donc, cette vie peut tre supprime. Voici leur raisonnement :

    Le Texas prconise, selon le quatorzime amendement, que la vie commence la conception et est prsente tout au cours de la grossesse et que, donc, lEtat se doit de protger cette vie depuis le moment de la conception et aprs. Nous navons pas nous pencher sur la question de savoir quand commence la vie. Quand les spcialistes, mdecins, philosophes, thologiens sont incapables darriver un consensus, ce nest pas au pouvoir judiciaire, en ltat actuel des connaissances, de spculer quant une rponse cette question.

    Le problme rside dans la volont du jury daccepter lavortement alors que, de son propre aveu, ils ntaient pas convaincus de la prsence de vie humaine. Si ce jury ne se croyait pas capable de dterminer quand commence la vie, il naurait jamais d soccuper dun cas (et encore moins prendre une dcision) dans lequel il pourrait prtendre (ou voudrait prtendre) quil ny avait pas vie humaine, ce qui, si cela savre une erreur, reviendrait accepter la suppression dune vie. Le principe de non-malfaisance requiert quen cas de doute, on sabstienne dactes qui pourraient porter prjudice une vie. Dans le cas o on se demande si un tre dorigine humaine est vraiment humain, on doit assumer quil lest car il a t engendr par des tres humains. Agir autrement serait irresponsable (on pourrait accepter, sans raison lgitime, de tuer par manque de certitude) et draisonnable (quattendre dautre quune vie humaine de la reproduction dtres humains ?).Les magistrats de la Cour Suprme ont dit avoir consult toutes les autorits en la matire ; en labsence de consensus, ils conclurent que supprimer une vie humaine tait lgalement acceptable. Ils nont pas pris en considration que les progrs de la technologie pourraient, dans un proche avenir, dterminer plus prcisment la prsence ou labsence de vie. Au lieu de reporter leur dcision, ils se sont empresss dmettre un verdict qui nest rien moins quune violation du principe de non-malfaisance.Comme nous lavons mentionn, un squenceur dADN fut labor dans les annes 80, ce qui permit au Dr. Lejeune et dautres de mettre en vidence la prsence dun gnome humain complet dans un zygote. Redisons quun gnome humain complet constitue un tre humain unique et diffrent dont lidentit et lADN ne sont pas rductibles celles de la mre. Le Dr. Lejeune raffirma cette thse en 1991 et en 1992 dans deux autres affaires, prouvant que la Cour avait eu tort de prendre une dcision htive, en violation du principe de non-malfaisance. En cas de doute quant la prsence de vie humaine, il fallait attendre que les progrs de la recherche permettent de dterminer cette prsence ou non. Or, depuis, la Cour na pas modifi ses critres, ce qui est aussi injuste que pour laffaire Dred Scott. Se justifier dune dcision sous couvert dincertitude prsente un dfaut majeur : lincertitude ne prouve rien, elle ne fait que rvler une ignorance subjective. Il ny a pas vidence mais absence de la connaissance dvidence.Ce raisonnement irrationnel sinscrit dans un prcdent de la Cour Suprme : savoir quen cas de doute, il est justifi de pratiquer un avortement, au risque de tuer une vie. Cela pourrait tre utilis pour marginaliser ou mettre mal toute personne handicape, dpendante, moins duque ou venant dun pays moins volu. Labsence de certitude a servi, au cours de lhistoire justifier les prjugs, la sgrgation, loppression et mme le gnocide. Ceux qui doutent du danger encouru sengager dans cette voie devraient y rflchir.

    Lidentit de la Personne Dans les faits, en rapport avec la morale et devant la loi.Toute la tentative de justification qui prcde tourne autour de la dfinition de la personne. Analysons le

  • cheminement suivi :

    Sil est prouv quil sagit dune personne, il ny a plus de litige car le droit la vie du foetus est garanti par la loi. Le plaignant accepta cet argument mais le dfendeur fit remarquer quon ne pouvait se rfrer nul autre cas considrant un foetus comme une personne au sens du 14me amendement (section IX.A).

    Les magistrats et le plaignant qui demandait lavortement se sont rendu compte que si on tablissait lexistence dune personne, il ny avait plus de litige. Comme on le montrera plus loin, au Principe 7, on raisonne rebours. La Cour navait pas tablir lexistence dune personne chez un tre dorigine humaine, porteur dun gnome humain complet. Il fallait prsumer de cette existence et empcher que le principe de non-malfaisance soit viol. Ce principe requiert que la Cour sassure de la non-existence de la personne si elle veut entriner la suppression dtres dorigine humaine.Sur quels critres se sont appuys les magistrats pour tablir la prsence dune identit de personne puisquils nont pas retenu le critre dun tre dorigine humaine, porteur dun gnome complet ? Ils ont cherch un prcdent juridique qui aurait reconnu quun foetus tait une personne et, nen trouvant pas, ils ont conclu que les foetus ntaient pas des personnes. Ce critre ne justifie pas la violation du principe de non-malfaisance car lidentit personnelle nest pas quun concept lgal, cest avant tout un concept ontologique (il dfinit la nature dun tre, en loccurrence, de nature humaine) ainsi quun concept thique (il dfinit le genre dtre que nous devons nous abstenir de tuer, malmener ou blesser sans cause en raison de sa valeur intrinsque dtre humain). Que les magistrats soutiennent que labsence de prcdent suffisait tablir la non-prsence didentit personnelle dans un foetus est une erreur monumentale par omission(Principe 1).On na pas cherch tablir la non-prsence didentit personnelle que ce soit au niveau ontologique ou au niveau thique.

    Examinons de plus prs la notion didentit de personne pour mieux comprendre lerreur commise en affirmant que labsence de prcdent reconnaissant quun foetus est une personne suffit tablir la non-prsence didentit chez les foetus humains. Le terme de personne a t introduit en anglais ds avant lan 1200 et drive probablement du franais, persone/persoune qui signifiait tre humain . Ce mot venait du latin persona qui signifiait tre humain, individu . A noter : la plupart des dictionnaires aujourdhui proposent tre humain comme dfinition de personne . Aucune vidence linguistique nautorise soutenir quun tre dorigine humaine ne soit pas une personne. La dcision des magistrats de dissocier tre humain et personne est donc trs trange et probablement un cas unique. Se permettre de telles liberts avec lusage de la langue indique gnralement la recherche de fausses nuances lappui daffirmations discutables. Le raisonnement des magistrats en est un bel exemple.En revanche, ltude de la langue montre que, tout au long de son histoire, le mot personne a eu un sens ontologique, qui dfinit la nature des choses. Ainsi, personne tait insparable de un tre humain vivant individuel . Au lieu de rechercher un prcdent, si les magistrats staient rfrs lhistoire de ce mot-cl, ils auraient reconnu le sens ontologique de personne/tre humain et nauraient pas dissoci les deux concepts. Ils auraient assum que le foetus est une personne car les foetus sont des organismes distincts et non de simples parties dorganismes. Si la Cour avait attendu dix ans, elle aurait eu accs la vrification de cette thse grce au squenceur dADN. Les magistrats se seraient alors prononcs sur la base de 1) lhistoire de la langue et de ses usages, 2) le bon sens (les foetus humains manent dtres humains) et 3) lvidence scientifique, pour conclure que le foetus humain est sans aucun doute, une personne. Plutt que de recourir la dfinition ontologique de personne , ils ont choisi de sen tenir une dfinition lgale. Par manque de prcdent, ils ont conclu que les foetus ntaient pas des personnes.Cependant, les clbres commentaires de Blackstone sur les lois en Angleterre et plusieurs dcisions de certaines cours suprmes dtats reconnaissent lidentit personnelle du foetus. Ils estiment que tuer un foetus (avorter) est illgal, que le laisser mourir par manque de soins mdicaux appropris est passible de poursuites ainsi que toute ngligence lui portant atteinte.Dans le cas Roe vs Wade, les magistrats ont choisi dignorer ces prcdents et de plaider le sophisme logique. Ce sophisme est vident si on considre que toute nouvelle dfinition dun certain terme napparatra jamais dans un prcdent... parce quil est nouveau. Essayer de dterminer si un foetus humain est une personne en se basant sur des cas antrieurs alors que ces cas ne se sont jamais prsents, revient tablir la non-existence du continent nord amricain avant lpoque de Christophe Colomb. Parce que le continent ne figure pas sur

  • les cartes davant sa traverse, il faudrait conclure quil nexistait pas. Cest comme si Einstein avait voulu valider sa thorie de la relativit en se servant des principes newtoniens. Il aurait d en dduire que sa thorie tait fausse puisquelle ne figurait pas dans la mcanique de Newton.

    Dans le cas qui nous occupe, les magistrats ne se sont pas intresss lhistoire linguistique du mot personne , ils nont pas compris la valeur ontologique de lidentit de personne (en tant qutre humain), ils nont pas retenu lide que des parents humains conoivent des tres humains, ils nont pas su attendre que les progrs scientifiques confirment lidentit humaine du foetus et ils nont pas pris la peine de corriger leur erreur quand les scientifiques ont confirm la prsence dun gnome complet dans un zygote unicellulaire. Cela dit, auraient-ils pu, du point de vue de la loi, viter cette dclaration hautement contestable sur la dignit de la personne? Ils auraient pu faire comme la Cour de Gorgie dans laffaire Tucker vs Howard Carmichael et Fils et en rfrer aux Commentaires de Blackstone. Ceux-ci sappuient dailleurs sur lusage commun et la dfinition ontologique.

    Du point de vue lgal, un enfant dans le ventre de sa mre est cens tre n pour diffrentes oprations de justice. Il peut tre le bnficiaire dun legs, ou dune expropriation faite son nom. On peut lui assigner un tuteur ; il peut jouir de biens pour son propre usage recouvrer par la suite, tout comme sil tait dj n.

    Si les magistrats avaient suivi cet exemple et dautres... ils seraient parvenus une toute autre dfinition de lidentit de personne, Une dfinition qui ne contredisait pas le droit coutumier ni les prcdents des cours de justice; qui ne sappuyait pas sur des nuances errones entre la dignit personnelle ontologique et lgale, qui ne violait pas le principe de non-malfaisance en se servant de ce faux argument, une dfinition, enfin, qui aurait t lgalement et moralement responsable. Ils auraient dcid que des personnes sont des tres humains, que les foetus sont des personnes parce quils sont des tres humains, tant donn quils sont dorigine humaine, porteurs dun gnome complet, inassimilable lun ou lautre des parents. Dans ce cas, tout recours seffondre car le droit la vie du foetus est garanti par le XIVme Amendement.Peut-on dfinir objectivement la personne ? Rappelons quil est arbitraire dajouter dautres critres au seul essentiel : un tre dorigine humaine, porteur dun gnome complet . Par exemple, nous ne pouvons pas spcifier pleinement dvelopp parce ce serait subjectif. Parlons-nous dun foetus de six mois ou plus ? Dun enfant dun an ? De dix ans ? Dun adulte ? Si le plein dveloppement nintervient qu un certain ge, est-ce dire que les tres encore en voie de dveloppement ne sont pas des personnes ?Ces critres additionnels sont bannir en vertu du principe de non-malfaisance. Le critre de plein dveloppement par exemple, ouvrirait la voie non seulement linfanticide mais aussi la suppression dadolescents ou de jeunes adultes qui nauraient pas atteint ce stade. Par consquent, si lintroduction dun critre arbitraire et subjectif mne un mal potentiel, cest en violation du principe de non-malfaisance.Ainsi donc, toute considration didentit de personne doit tre fonde sur un critre objectif savoir : un tre dorigine humaine, porteur dun gnome complet. Cest ce que signifie lidentit ontologique, point de dpart de toute considration didentit morale et lgale. Une fois tabli quun certain tre est un tre humain, on considre que cet tre a une identit ontologique dont dcoule lidentit morale. Celle-ci exige quon applique le principe de non-malfaisance une personne ontologique, cest--dire, un tre humain. Si nous reconnaissons lidentit morale dun tre, nous devons aussi reconnatre son identit lgale parce que la loi ne peut pas porter atteinte au plus important des principes moraux sans se dtruire elle-mme.Laffaire Roe vs Wade a caus un norme prjudice en dissociant lidentit ontologique de lidentit lgale, un prcdent pour la Cour Suprme qui encourage de faon irrationnelle, justifier la non-prsence didentit sur la base de cas antrieurs qui navaient pas pris cette question en considration.Lidentit lgale ne relve pas de la volont des hommes de loi ; elle est partie intgrante de la valeur intrinsque des tres humains. Sparer lidentit lgale de lidentit ontologique provoque de graves erreurs car il faut mener un certain style de vie pour bnficier de la protection de la loi. Or, toute exigence de ce genre conduit lexclusion ou la marginalisation de certaines minorits, ce qui est un mal non ncessaire. Lhistoire en tmoigne maintes reprises, Indiens, Noirs, Gitans... Et cela sest de nouveau produit avec laffaire Roe vs Wade.Cette longue suite derreurs conduisant la violation du principe de non-malfaisance doit nous faire rflchir. Des gens intelligents ont-ils pu se livrer un tel processus sans tre conscients (peut-tre se sentir coupables) de son caractre contestable ? Nont-ils pas senti que quelque chose nallait pas ? La seule faon de corriger

  • cette grossire erreur est de revenir sur la dcision prise. Cela seul rendra au principe de non-malfaisance sa place dans notre culture.

    La Valeur Intrinsque des personnesIl est dsormais vident que la nature mme du principe de non-malfaisance senracine dans lide que les tres humains sont dots dune valeur intrinsque inhrente leur nature et, pour de nombreux philosophes, dun caractre transcendant. Les tres humains ne peuvent donc pas tre traits comme des objets inanims ni mme comme des animaux non humains.

    Quelque chose fait quils mritent dtre protgs sans se poser de questions et sans aucune exception.Pour certains matrialistes, cette soi-disant particularit est totalement injustifie puisque, pour eux, les tres humains ne sont quune collection de particules matrielles qui, leur tour, sont composes datomes et de particules subatomiques. Alors, pourquoi rserver aux tres humains un traitement diffrent de celui des autres entits matrielles ? Pourquoi ne pas traiter un tre humain comme nous le faisons dun rocher, dune plante ou dun insecte ? Comme nous le verrons plus loin, la plupart dentre nous ont eu conscience un moment ou un autre dtre plus que la somme de ses composants. Cette conscience nest pas rserve aux personnes tendance religieuse ou spirituelle, non plus quaux philosophes tels que Platon ou Aristote ; elle simpose tout tre humain.Avant de nous lancer dans une explication plus technique, rappelons quaffirmer que les personnes ont une valeur intrinsque revient dire que les tres humains ont une valeur intrinsque . Cela est ncessaire pour 1) fonder la dfinition de lidentit de personne sur lvidence objective (principe 3) et 2) empcher toute violation du principe de non-malfaisance (principe 4).Si les tres humains ont une valeur intrinsque (et transcendantale) la mme chose est vraie des personnes.Pourquoi les philosophes, les scientifiques et autres personnes senses attribuent-ils une telle valeur aux tres humains ? Cela est d plusieurs observations concomitantes, observations prsentes dans les oeuvres de nombreux philosophes et hommes de science, commencer par Socrate, Platon et Aristote, puis Saint Augustin, Maimonide, Averros, Saint Thomas dAquin, Francisco Suarez, John Locke, Emmanuel Kant, G.W.F. Hegel, John Henry Newman et plus rcemment, Edmund Husserl, Edith Stein, Jacques Maritain, Henri Bergson, Emerich Goreth, Bernard Lonergan et dautres encore. Cette ide est au coeur de loeuvre de nombreux physiciens et biologistes des XXme et XXIme sicles. Deux exemples : le premier est emprunt Sir Arthur Eddington. Aprs avoir explicit les quations de la physique quantique et de la physique de la relativit, il remarque :

    Nous savons tous que certaines zones de lesprit humain ne sont pas soumises aux lois de la physique. Dans le domaine mystique de la cration, dans lexpression artistique, dans le dsir de se rapprocher de Dieu, lme slve et trouve lpanouissement de quelque chose implant au coeur de sa nature. La possibilit de cet panouissement est en nous, un dsir deffort manant de notre conscience ou une lumire intrieure venue dune puissance plus grande que la ntre. La science ne peut pas remettre en question cette possibilit puisquelle-mme prend sa source dans une pulsion de lesprit quelle ne peut ignorer. Que ce soit dans la recherche intellectuelle ou dans la qute spirituelle, la lumire nous fait signe davancer et le but imprim dans notre nature y rpond.

    Dautre part, lminent gnticien Francis Collins, directeur du Projet sur le gnome humain, fait part dune intuition similaire :

    En tant que directeur du projet, jai supervis un groupe de chercheurs qui a russi dchiffrer les 3.1 milliards de caractres du gnome humain, le document ADN qui nous est propre. En tant que croyant, je considre la molcule dADN, source de toute information sur les tres vivants, comme le langage de Dieu et llgance et la complexit de nos corps ainsi que du reste de la nature comme le reflet du plan de Dieu... Est-il possible de chercher comprendre les mcanismes de la vie au moyen de la gntique et de la biologie molculaire et continuer de croire en un Dieu crateur ? Les lois de lvolution et la foi en Dieu ne sont-elles pas incompatibles ? Personnellement, je ny vois aucune incompatibilit et il en va de mme des 40% de chercheurs qui se dclarent croyants... Jai constat une merveilleuse harmonie complmentaire entre les

  • vrits de la science et celles de la foi. Le Dieu de la Bible est aussi celui du gnome. On peut trouver Dieu et lglise et au laboratoire. En cherchant comprendre la cration aussi majestueuse quimpressionnante de Dieu, la science peut tre un moyen de rendre hommage Dieu.

    Si le gnome humain est le langage de Dieu, les tres humains en sont lexpression la plus acheve. Il nest donc pas injustifi de dire, que ce soit du point de vue de la science ou de la foi, quils sont faits limage de Dieu. Comme il est dit dans la Gense : Dieu cra lhomme son image et sa ressemblance, mle et femelle, il les cra. Quelle est donc lorigine de cette croyance philosophique et scientifique en une valeur particulire (et transcendante) de ltre humain ? Elle vient dune observation trs ancienne des animaux non humains que dautres observations empiriques rcentes confirment. Bernard Lonergan explique :

    Ce nest que lors dun dysfonctionnement que les animaux ragissent consciemment. En effet, ils passent une grande partie de leur vie inconscients et la partie consciente elle-mme napparat que par intermittences. Les animaux dorment. Cest comme si leur facult de vivre ( plein temps) appelait la rescousse la conscience, tel un employ occasionnel, pour traiter des problmes qui se posent, les rsoudre rapidement,efficacement et grer toute situation concernant la subsistance et lavenir des petits. Quand lobjet ne stimule pas le dsir, le sujet reste indiffrent et quand un processus vital non conscient na pas besoin dobjets extrieurs, le sujet sombre dans le sommeil.

    Autrement dit : quand les animaux ne sont pas sollicits par un besoin biologique ou menacs par un danger, ils dorment.[...]Par contraste, quand les tres humains ne sont plus sollicits par un besoin ni menacs par un danger, ils posent des questions, cherchent un but leur vie, se rjouissent de la beaut, rflchissent la bont (ou aux imperfections) de ceux quils aiment, la loyaut ou linjustice, cherchent comment amliorer leur situation ou celle du monde, sadonnent aux mathmatiques, la philosophie, la physique ou la thologie, juste pour le plaisir... Ils ne dorment pas mais comme le dit Platon (et les Noplatoniciens), ils se livrent des activits transcendantales. Ce sont ces activits qui rvlent la qualit unique de ltre humain et le rendent digne dune considration particulire.Les Noplatoniciens ont identifi cinq domaines dactivit transcendantale, nomms les cinq transcendants : la conscience et le dsir de Vrit, dAmour, de Bont, de Beaut et dtre. On les appelle transcendants car ils semblent tous sans limites ; les humains semblent conscients de leurs possibilits illimites et dsirer leur accomplissement maximal.[...]Ces transcendants dpassent toute structure prdfinie, celle qui dtermine les ralits physiques et les lois rgissant toute particule, molcule ou cellule ainsi que les structures organiques complexes telles que celles dun cerveau.Cest pourquoi, philosophes, mathmaticiens et scientifiques saccordent dire que ltre humain est plus que de la matire. Il semble dou dun pouvoir transmatriel ou spirituel qui lui permet de se mouvoir au-del des structures physiques et de faire preuve de crativit dans des domaines qui dfient lintelligence artificielle.Kurt Gdel (et son clbre thorme) confirme cette thse. Il avait anticip les limites de lintelligence artificielle, rgulirement mise mal par lintelligence humaine. Il montre quil y aura toujours des propositions indmontrables dans tout ensemble daxiomes mathmatiques. Les tres humains peuvent montrer que des propositions logiques indmontrables existent, mais ils peuvent aussi prouver quelles sont logiques en utilisant des axiomes autres que ceux employs pour crer ces propositions. Ce qui prouve que la pense humaine nest pas tributaire dun ensemble daxiomes, de rgles ou de programmes prdfinis, mais quelle est, par nature, au-del de ces prdtermins.Lvidence de la qualit spirituelle de ltre humain est dune importance essentielle. Nier cette qualit revient ignorer les diffrences entre la conscience animale et humaine ; ignorer la conscience des horizons illimits de la Vrit, de lAmour, de la Bont, de la Beaut et de ltre ; ignorer les dons de crativit explicits par Gdel, et enfin, ignorer la capacit dun tre humain chercher un Dieu transcendant. Le moindre doute avant de rayer dun trait lensemble de ces vidences doit nous retenir dadhrer au matrialisme rductionniste, dassimiler intelligence humaine et intelligence animale et de renier la capacit humaine la transcendance. Si lon scarte de ces positions simplistes, on reste ouvert la qualit unique de ltre humain et sa valeur particulire. Or, le principe de non-malfaisance demande quen labsence de certitude quant la prsence

  • de qualits transcendantales chez ltre humain, on assume quelles y sont bel et bien. Ne pas le reconnatre impliquerait une grave violation des bases de la morale et de la loi.

    Principe 5 : le Principe de la Cohrence entre la Fin et les Moyens.

    La fin ne justifie pas les moyens.Ce principe moral a ses racines dans la philosophie classique mais cest saint Augustin qui lui a donn sa formulation actuelle dans son Contra Mendacium (contre le mensonge). Dans la Somme Thologique, Thomas dAquin lapplique toute la morale. On peut le rsumer comme suit : De mauvais moyens ne peuvent servir une bonne cause: la nature mauvaise des moyens entachera la justesse du but recherch. Ce qui peut aussi se dire : On ne peut employer des moyens injustes pour promouvoir une juste cause; linjustice des moyens pervertira la justice du but que lon sest fix .Toutefois, une exception cette rgle est approuve par la plupart des moralistes, savoir quon peut se servir dun moyen objectivement mauvais (comme le mensonge) pour empcher un plus grand mal (par exemple, un meurtre). Empcher un plus grand mal est jug comme un but souhaitable mme si pour y parvenir, il faut employer un moyen objectivement mauvais, condition que ce moyen soit moins nfaste que le mal empcher. Un acte objectivement mauvais est un acte injuste ou mauvais en soi. La loi le dcrit comme malum in se , mauvais de nature par opposition au malum prohibitum , mauvais parce quinterdit par la loi . Dans ce contexte, il diffrencie un acte objectivement mauvais du sentiment de culpabilit dune personne.Une personne peut donc poser un acte objectivement mauvais sans tre subjectivement coupable (ou blmable) si cela permet de prvenir ou de dviter un plus grand mal.Cette exception au principe de cohrence entre la fin et les moyens, couramment appele, le moindre mal, a abondamment servi justifier des actes de lgitime dfense et les guerres dites justes. De nombreux moralistes rejettent ce principe ; certains refusent lide que des circonstances puissent justifier un acte objectivement mauvais. Dautres vont plus loin et pensent quaucun critre ne permet de comparer les maux entre eux et, donc, de dterminer le degr du moindre mal destin en empcher un plus grand.Qui plus est, certains font la distinction entre commettre un acte, dit de moindre mal, pour en viter un plus grand et accepter un moindre mal parce quon est dans limpossibilit dliminer un mal sans en crer un plus grand . Ce dernier peut ne jamais se produire tandis que le premier a de fortes chances dtre. Ainsi, ce nest pas mal agir que daccepter un mal quon ne peut liminer sans aggraver la situation.Admettons pour la beaut de la discussion que, dans certains cas, le principe du moindre mal soit lgitime. On peut alors le reformuler ainsi: On ne peut utiliser un moyen mauvais ou injuste en vue dune fin juste ou bonne si cette fin na pour but dempcher un mal plus grand ou plus injuste que celui employ pour y parvenir .Prenons un exemple : un groupe de personnes ne peut pas prendre une assurance-vie sur la tte dune personne, puis faire en sorte que cette personne disparaisse (mme aprs un excellent repas !) pour faire bnficier de cette assurance une bonne oeuvre , leur glise ou leur cole. Donner de largent une oeuvre charitable est minemment louable, mais cela ne justifie pas le moyen objectivement mauvais de supprimer une personne parce que le groupe en question ne cherche pas empcher un plus grand mal.Ce principe est frquemment mis en cause dans des questions vitales. Pour permettre une femme de matriser son corps, il faudrait admettre de supprimer des tres humains natre. Voil un bel exemple de lutilisation dun mauvais moyen pour une bonne fin. Lexception du moindre mal sapplique-t-elle ici, supposer quelle soit lgitime ? Sil faut assigner des degrs aux problmes poss, (le meurtre dun enfant natre et la matrise de son corps pour la jeune femme) il va de soi que tuer est une plus grande injustice que restreindre la libert dune personne.Certains prtendent que, dans ce cas, tuer un tre humain est justifi car cet tre humain nest pas n. Autrement dit, la dpendance de cet tre envers sa mre, son dveloppement inachev attnuerait le mal objectif de lacte de tuer. La perversion de ce raisonnement est vidente daprs le Principe 3 (dvidence objective) et le Principe 4 (de non-malfaisance).En quoi ce principe est-il, premire vue, erron ? Parce que la dpendance et ltat dinachvement dun tre humain naltrent en rien sa qualit dtre humain. Cette qualit est dtermine par la prsence dun gnome complet et ce gnome nen est pas moins prsent alors que lenfant natre est encore dpendant ou que son

  • dveloppement nest pas achev. Si ces faits naltrent pas sa qualit dtre humain, ils ne changent rien non plus la faute objective de le tuer.En quoi ce raisonnement viole-t-il le Principe 3 ? Rappelons que ce principe requiert une vidence objective et vrifiable et non de simples prfrences subjectives, quon ne peut rajouter un critre subjectif et arbitraire pour qualifier un critre objectif. Quand on utilise largument de la dpendance et de linachvement dun tre humain pour qualifier le principe objectif de la prsence de cet tre, on transforme le caractre objectif de ce critre en subjectif. Qui a qualit pour dfinir la dpendance ? Un tre encore natre ? Un enfant ? Une personne handicape ? Une personne ge ? Faut-il remettre en question la qualit humaine de ces gens du fait de leur dpendance ? Lobjectivit de la prsence dun tre humain a t dforme, rendue arbitraire et subjective par lajout dun qualificatif arbitraire et subjectif.Nous avons dj vu que ces ajouts de critres subjectifs et arbitraires sont en contradiction avec le principe de non-malfaisance car ils justifient la possibilit de tuer non seulement lenfant natre mais toute personne handicape dune manire ou dune autre. Je ne dis pas que cela justifie que lon supprime ces personnes mais que le raisonnement le justifierait et donc, justifierait une violation grave du principe de non-malfaisance. Ce qui devrait donner rflchir aux plus sceptiques.Ce principe de la fin ne justifie pas les moyens a un autre corollaire connu sous le nom du principe double effet . Si quelquun pose un acte, bon ou neutre mais qui engendre deux consquences, lune bonne, lautre mauvaise alors quon ne vise que la bonne, la personne nest pas moralement coupable du mauvais effet (sil se produit). Dautre part, si quelquun pose un acte X dans lintention darriver un rsultat moralement justifi et que, sans quil y ait faute de la part de la personne, le rsultat attendu ne se produit pas mais un rsultat ngatif advient, la personne nen est pas moralement coupable. Si un chirurgien veut sauver la vie de quelquun en pratiquant une opration qui peut aggraver la situation et causer la mort, le chirurgien a raison de prendre le risque. Si les choses se passent mal, et que le patient meurt, le chirurgien ne peut tre tenu pour responsable car il avait pour but de sauver une vie.Cette autre exception concerne ladministration danti-douleurs tels que la morphine en cas de blessures graves ou de maladie au stade terminal. Si lintention du praticien est de soulager le malade sans intention de donner la mort mais que la morphine provoque un arrt cardiaque, le praticien ne peut tre tenu pour responsable de la mort dune personne quil cherchait soulager.

    Principe 6 : le Principe du plein Dveloppement de tout Potentiel Humain.

    Tout tre humain (ou groupe dtres humains) mrite dtre valu selon le niveau plnier du dveloppement humain et non selon le niveau atteint un moment donn. Ce principe drive du Principe 4 et peut se formuler comme suit :

    En accord avec le principe de non-malfaisance, tout tre humain (ou groupe dtres humains) doit tre valu au plus haut niveau potentiel de son dveloppement. Se contenter dun moindre niveau pourrait mener sous-valuer cet tre (ventuellement le ranger dans la catgorie des tres infrieurs, le considrer comme un sous-homme). Cette sous-valuation pourrait, son tour, permettre de graves violations du principe de non-malfaisance en justifiant la mise mort, lesclavage, la marginalisation de cet tre jug infrieur ou comme un sous-homme.

    Ce principe trouve son origine chez le frre dominicain Bartolom de las Casas, le dfenseur des Indiens du Nouveau Monde contre les esclavagistes espagnols et la Cour dEspagne. Dans un dbat rest clbre contre Juan Gins de Sepulveda, las Casas (titulaire de deux diplmes en droit canon) plaida en faveur des droits des Indiens. Sepulveda prtendait que, nayant pas dvelopp une culture assez avance, (comme celle des europens), les Indiens pouvaient tre considrs comme des barbares (infrieurs), ce qui justifiait lesclavagisme des espagnols. Cela allait jusquau massacre des Indiens qui osaient rsister lasservissement juste pratiqu par leurs conqurants. Ce mme raisonnement a servi justifier esclavage et gnocide au cours de lhistoire.

  • Las Casas tait dautant plus horrifi par la tentative de justification de Spulveda quil pressentait quune approbation (lgale) venant de la Cour dEspagne influencerait ngativement les us et coutumes de lEspagne et de toute nation se livrant lesclavage. Il sattaqua en premier au prjug dinfriorit ; il dmontra que, bien quils naient pas atteint le mme niveau de connaissances technologiques et scientifiques que les Espagnols, les Indiens possdaient le potentiel ncessaire atteindre le mme niveau si on leur en donnait le temps et la possibilit. Qui plus est, le comportement des Indiens tait autrement plus civilis que celui de leurs conqurants sanguinaires qui les opprimaient, mutilaient et tuaient sans vergogne. Il concluait en constatant que les Indiens taient aussi dignes du nom d homme que les Espagnols : simplement, ils ne matrisaient pas encore certains aspects des sciences et des techniques.Las Casas tendit son analyse dautres rgions du globe, disant : Il est avr que la plupart des hommes sont intelligents, perspicaces, travailleurs et talentueux. Il est donc impossible que tout un pays ou une rgion soit peupl dtres dficients, idiots ou affligs de toute autre anomalie naturelle. Le raisonnement de las Casas est trs clair : puisque les tres humains sont intelligents... dans pratiquement toutes les rgions du globe, chaque fois quun nouveau groupe est dcouvert, nous devons prsumer que cela est vrai pour eux, mme sils nont pas atteint le niveau de dveloppement dun autre groupe. Cest de notre devoir de prsumer ce qui peut tre infr de la trs grande majorit de lhumanit : groupes et individus dvelopperont leur potentiel dintelligence, de perspicacit, dardeur au travail et tous autres talents sils en ont le temps et loccasion. De ce principe de base, dcoulent deux consquences importantes pour le maintien et le progrs de la civilisation :

    1) On ne peut, en toute logique, qualifier un peuple de sous-hommes en raison de son niveau actuel de dveloppement sil manifeste le potentiel ncessaire un dveloppement ultrieur. Ce potentiel suffit tablir la nature dun tre. Ainsi, le potentiel des Indiens suffisait tablir leur qualit dtres humains. Quils naient pas atteint leur plein dveloppement ntait pas la preuve dune nature infrieure mais renvoyait des accidents de parcours ou des circonstances qui avaient empch ou retard ce dveloppement. Ce serait donc une erreur de porter un jugement sur la nature des tres sans prendre en compte les circonstances historiques car la nature se rvle dans la force ou le potentiel dacqurir quelque chose et non dans les circonstances ou les processus qui permettent la ralisation de ce potentiel.

    2) Si un peuple est, tort, considr comme infrieur (en se basant sur les circonstances et non sur le potentiel), les dommages causs par ce jugement constituent une violation du principe de non-malfaisance et, si cette violation conduit lasservissement ou la mort dun innocent, les perptrateurs de ces actes peuvent en tre tenus pour responsables.

    Le lecteur se rendra vite compte que le parallle est vident entre le dbat las Casas/Sepulveda et les questions sur la vie quon se pose aujourdhui. Il suffit de remplacer peuple et Indiens par un enfant natre dans les deux paragraphes prcdents.

    1) Un enfant natre ne peut pas tre qualifi de sous-homme en raison de son degr actuel de dveloppement sil manifeste le potentiel ncessaire un dveloppement ultrieur. Ce potentiel est suffisant pour tablir la nature dun tre. Ainsi, le potentiel dun enfant natre suffit tablir sa qualit dtre humain. Quil nait pas atteint son plein dveloppement nest pas la preuve dune nature infrieure mais renvoie des circonstances qui ont empch ou retard son plein dveloppement. Cest une erreur de porter un jugement sur la nature dun tre sans prendre en compte les circonstances historiques car la nature se rvle dans la force ou le potentiel dacquisition et non dans les circonstances ou processus qui permettent la ralisation de ce potentiel.

    2) Si un enfant natre est, tort, considr comme un sous-homme [...]

    Nier le principe de las Casas est dune importance extrme : il faut se garder dun tel dni en ayant recours la sophistique qui, seule, peut permettre ce tour de force. Il faudrait affirmer que la nature dun tre dpend de son niveau de dveloppement plutt que de son potentiel.

    Voyons maintenant comment les magistrats de laffaire Roe vs Wade ont utilis le raisonnement de Spulveda pour juger le foetus selon son niveau de dveloppement (au lieu de son potentiel intrinsque). Ils ont divis le

  • dveloppement du foetus en trois tapes (trimestres) dclarant quil tait plus de lintrt des tats de protger la vie du foetus lors du dernier trimestre, attribuant donc des degrs diffrents didentit (humaine) selon les tapes de la grossesse.

    a) Jusqu la fin du 1er trimestre, la dcision davorter revient au praticien, responsable de la femme enceinte (et ltat na pratiquement aucun moyen dintervenir).b) Jusqu la fin du 2 trimestre, lEtat, mettant en avant son intrt pour la sant de la mre, peut sil le veut, intervenir dans le but de protger la femme enceinte.c) Au dernier stade, quand le foetus est viable, lEtat peut arguer de son intrt pour une vie humaine et proscrire lavortement, sauf avis mdical (si ncessaire la prservation de la sant ou de la vie de la mre).

    Lide de degrs didentit (humaine) est dangereuse car elle peut servir justifier toutes sortes de prjugs, ... allant jusqu lemprisonnement et la mort sur la base dun critre parfaitement arbitraire. Cest la raison dtre de la loi et de la justice. Comment la plus haute Cour de Justice dun pays peut-elle entriner une faon de penser qui dtruit le principe de justice quelle a jur de faire respecter ? Le seul moyen de sortir de cette terrible erreur est de revenir sur la dcision prise tort et sur le processus de pense qui cherchait la justifier.

    LES PRINCIPES DE JUSTICE ET DES DROITS NATURELS.

    Le principe des droits naturels (Principe 7) drive directement du principe de non-malfaisance car tout dni de ces droits entrane une grave violation de ce principe. Ces deux principes sont troitement lis ; ils sont le fondement de lintelligibilit et de la lgitimit de tout systme lgal et des lois qui en dcoulent. Le principe des droits naturels comporte deux autres corollaires galement ncessaires la lgitimit de tout systme lgal : le principe du respect des droits fondamentaux (Principe 8) et celui des limites la libert (Principe 9). Comme pour le principe de non-malfaisance, le principe des droits naturels et ses corollaires doivent tre protgs car ce principe fait la diffrence entre un systme et des lois justes ou injustes. On se doit de sopposer des lois injustes non seulement dans lintrt des victimes potentielles mais pour renforcer un systme qui serait mis en danger par leur application.

    Principe 7 : Le principe des droits naturels.

    Tout tre humain possde en lui-mme (du simple fait de son existence) les droits inalinables la vie, la libert et la possession de biens. Aucun gouvernement ne dispense ces droits et aucun gouvernement ne peut les aliner.La justice est la base de la loi et de lordre. Pour Platon, il sagit de donner chacun son d et est une application du principe de non-malfaisance au fonctionnement de la socit et de ltat (car ne pas donner chacun ce qui lui revient est source de maux injustifiables et non-ncessaires). Le principe de justice a trouv la fois ses racines et son panouissement dans le principe des droits naturels introduit et formalis par un jsuite espagnol du 17 sicle, Francisco Suarez, dans un trait intitul De Legibus (A propos des lois) publi en 1610. Les crits de Suarez taient trs rpandus parmi les philosophes Scolastiques de son temps et on peut penser que John Locke et dautres juristes de cette poque connaissaient ce principe mis en lumire par Suarez. Cela a probablement aid Locke formuler sa clbre thorie des droits naturels dans son Second Treatise on Government :

    Lhomme tant n, comme on la prouv, avec le droit la libert totale et la jouissance sans restriction de tous les droits et privilges que lui accordent les lois de la nature, galit avec tout autre homme ou groupes dhommes dans le monde, il a, par nature, le pouvoir... de prserver ses possessions, cest--dire, sa vie, sa libert, ses biens, contre les attaques et menaces des autres hommes.

    Cest sous linfluence de Locke que Thomas Jefferson inclut la thorie des droits inalinables dans La Dclaration dIndpendance. Nous tenons ces vrits pour videntes en elles-mmes : tous les hommes sont

  • crs gaux, dots par leur Crateur de certains droits inalinables dont le droit la vie, la libert et la recherche du bonheur. Avant de nous plonger dans ce texte, examinons lhistoire et la signification des droits.Le trait mdival le plus connu concernant la loi naturelle est celui de Saint Thomas dAquin en 1270. Comme Platon et Aristote, il voyait le fondement naturel de la loi dans le principe de justice qui cherche tablir une juste relation entre les tres humains. Suarez dplaa le fondement de la loi dune relation juste au droit (jus) des individus. Il tait convaincu que le sens vrai, strict et correct de la justice... est une sorte de pouvoir moral de tout homme soit sur ses possessions, soit sur ce qui lui est d. Daprs John Finnis, cette interprtation fit franchir le pas vers lide des droits naturels.Suarez pensait quun droit tait quelque chose quun homme possdait en propre, quil pouvait exercer en son nom et qui ne pouvait lui tre retir sans quil y ait injustice . Cela signifie quaucun tat ou gouvernement ne confre ces droits naturels aux individus et ne peut donc les en priver. Pour Suarez, ces droits appartiennent ltre humain du simple fait de son existence et ces possessions inhrentes ne peuvent lui tre retires sans injustice. En consquence, un tat ou gouvernement ne peut aliner les droits naturels dun tre humain par une injonction juridique, que ce soit dans sa constitution ou par un vote de la majorit. Ltat ou les membres de cet tat ne peuvent enlever quelquun ce qui ne leur appartient pas sans perptrer une grave injustice. Suarez ne sest pas content daffirmer ce principe, il la fond de deux manires. Tout dabord, comme Locke et Jefferson aprs lui, il a invoqu lautorit divine selon laquelle tous les tres sont dots par leur crateur des droits ncessaires la prservation et au perfectionnement de leur nature humaine. En second lieu, ces droits inalinables trouvent leur justification dans la nature mme de la loi. Pour lui, toute loi dicte par un monarque, une assemble... na quun but : permettre la prservation et la perfection naturelle ou le bonheur de la nature humaine. Suarez reconnaissait le droit la vie, la libert et au bonheur ; il soutenait que ces droits fondamentaux constituaient la base sur laquelle toutes les autres lois reposaient. Si un tat ne respectait pas ces droits, toutes les lois prescriptives perdraient lessence mme de leur but intrinsque. Elles ne seraient plus que lexpression arbitraire dune autorit gouvernementale. Arbitraire parce que dnue de sens. A lpoque, cet argument tait particulirement important car nombreux taient les abus de pouvoir, les gouvernements ne se sentant pas lis par le but essentiel de la loi. Il en va de mme aujourdhui. Si un gouvernement ne sattache pas, en tout premier lieu, protger les droits naturels, il altre le principe essentiel de la loi et sarroge le droit dagir arbitrairement du seul fait de son pouvoir.Pour en revenir la Dclaration dIndpendance, il est remarquer que le passage concernant les droits inalinables ne figure pas dans le Bill of Rights de la Constitution. Les Pres Fondateurs considraient ces deux textes comme des dclarations extrinsques traitant de droits dterminer par un peuple ou un tat. Ces droits extrinsques sont diffrents des droits naturels ou inalinables qui ne sont pas dtermins par un peuple ou un tat puisquils sont confrs tout tre humain du fait de son existence. Comparons les prambules la Constitution et la Dclaration dIndpendance.

    Le dbut des Prambules se lit comme suit :

    Nous, le peuple des tats-Unis, en vue de former une union plus parfaite, dtablir la justice, dassurer la paix intrieure, de pourvoir la dfense, de dvelopper la prosprit gnrale et dassurer les bienfaits de la libert nous-mmes et notre postrit, nous ordonnons et tablissons la prsente constitution pour les tats-Unis dAmrique.

    Notons que la constitution se proccupe des droits et obligations extrinsques du groupe ( le peuple des tats-Unis , Union , la paix intrieure ...). La Dclaration, au contraire se proccupe des droits inalinables appartenant tout tre humain. Ces droits sont reconnus comme vidents en eux-mmes ; ils ne sont pas confrs par un peuple. Ceci explique pourquoi les droits naturels napparaissent pas dans le Bill of Rights. Les auteurs de la constitution ont probablement pris conscience que les droits naturels ne requraient aucune autorisation extrieure. Comme Jefferson, ils estimaient que les droits naturels allaient de soi sans aucune justification ou autorisation supplmentaire ; quils taient la base et le but de tout gouvernement lgitime et autorit lgale et, donc, la base et le but de la Constitution. Ils avaient aussi conscience que tout manquement la dfense de ces droits saperait la raison dtre de la Constitution et rendrait leur pouvoir arbitraire, ce quils cherchaient viter en instaurant ce nouveau gouvernement.

  • Dans son trait Des Droits de lHomme, Thomas Paine dclare : Il arriva que les individus eux-mmes, chacun en possession de ses droits personnels et souverains, contractrent un engagement les uns avec les autres pour dfinir un gouvernement : cest la seule faon pour un gouvernement dexister et den avoir le droit. En consquence, dire quune charte donne des droits, cest jouer sur les mots ; elle a leffet contraire et supprime ces droits qui sont inhrents tous .La Dclaration Universelle des droits de lHomme, publie par les Nations Unies suit la mme logique : le pouvoir dune constitution ou dune charte lui vient de lautorit lgitime dun tat ; son tour, cette autorit, de par son mandat, a le devoir de promouvoir et de protger la libert, la justice et la paix ; ce mandat requiert que chaque tat reconnaisse les droits naturels et la dignit intrinsque de tout tre humain (il ny a pas de libert, de justice et de paix si les droits naturels ne sont pas respects). Si un tat manque ces devoirs, il perd sa lgitimit et son droit gouverner : se rebeller contre son autorit est lgitime dans lintrt de la justice, de la paix et de la libert.Pour citer la Dclaration des Nations Unies :

    Attendu que la reconnaissance de la dignit inhrente tout homme, des droits gaux et inalinables de tous les membres de la famille humaine est le fondement de la libert, de la justice et de la paix dans le monde,Attendu que le dni ou le mpris de ces droits ont conduit des actes de barbarie rvoltants pour la conscience de lhumanit et que lavnement dun monde dans lequel les hommes jouiront de la libert de parole et de croyance, seront dlivrs de la peur et du manque, a t proclam comme la plus grande aspiration des gens.Attendu quil est essentiel, si lhomme ne doit pas tre contraint davoir recours la rbellion contre la tyrannie et loppression, que les droits de lhomme soient protgs par la force de la loi.

    Ceci est important pour la raison suivante : aux tats-Unis, les juges estiment de leur devoir de respecter la Constitution ; sils ne comprennent pas que lautorit mme de cette Constitution repose sur les droits naturels et inalinables de tout tre humain, ils branlent cette Constitution quils doivent faire respecter et deviennent les agents dun pouvoir arbitraire. Cest ce qui sest produit dans les affaires Dred Scott et Roe vs Wade (et la suite, Planned Parenthood de Southeastern Pennsylvania vs Robert P. Casey).

    Laffaire Dred Scott et la dcision de la Cour SuprmeRappelons que las Casas a voqu le Principe 6 (sur le potentiel humain) pour dfendre les Indiens de lesclavage et de la mort contre Spulveda et la Cour dEspagne, longtemps avant que la question de lavortement soit souleve par Roe vs Wade. Nous sommes frapps par le parallle entre lesclavage et lavortement, cette fois au nom du respect des droits naturels, parallle n de loubli (ou de la coupable ngligence) de la Cour Suprme accomplir son devoir de faire respecter les droits naturels des tres humains de sorte que la Constitution soit dment applique et lautorit de la Cour prserve.Voici le dbut de la dcision de 1857 :

    La question est simple : un noir, dont les anctres ont t imports dans ce pays et vendus comme esclaves, peut-il devenir membre de la communaut politique organise et mise en uvre par la Constitution des tats-Unis et, en tant que tel, acqurir les droits, privilges et immunits que cette Constitution garantit tout citoyen ?Les mots peuple des tats-Unis et citoyen veulent dire la mme chose. Ils dcrivent le corps politique souverain, dtenteur du pouvoir, en charge du gouvernement par lintermdiaire de ses reprsentants... La question est de savoir si la catgorie de personnes dcrites dans le plaidoyer comme au rabais (dorigine africaine), reprsente une portion de ce peuple et sont des membres constitutifs du corps politique. Nous pensons que non car ils ne sont pas inclus, quon na jamais eu lintention de les inclure sous le vocable de citoyen tel quil est conu dans la Constitution. Ils ne peuvent donc pas exiger les droits et privilges que ce texte accorde et garantit aux citoyens des tats-Unis. Bien au contraire, cette poque, ils taient considrs comme des tres infrieurs et dpendants, soumis la classe dominante ; quils soient mancips ou non, ils restaient assujettis leur autorit et navaient de droits et de privilges que ceux eux accords par le bon vouloir de lautorit du gouvernement.

    Ce texte comporte trois violations de deux des Dix Principes. En premier, les juges ignorent le principe de

  • las Casas selon lequel les tres humains doivent tre valus daprs leur potentiel. Ils dclarent que les tres dorigine africaine sont des tres dpendants et infrieurs tout en sachant que beaucoup de ces tres sont capables dtre duqus, de faire partie des plus intelligents, des plus senss, des plus naturellement tourns vers la morale et la spiritualit. Malgr cela, ils dcidrent de juger ces gens non en fonction de leur potentiel mais sur le fait que leurs anctres avaient t imports dans ce pays et vendus comme esclaves . Ce qui mne une violation du principe de non-malfaisance, la poursuite de lesclavage (mauvais traitements et mort) pour un groupe important de gens.Deuximement, aucun moment la Cour ne mentionne lexistence de droits naturels. Les juges estimaient quils navaient pas dfendre ces droits mais dcider si une classe dtres humains avaient des droits constitutionnels (extrinsques) leur donnant accs au statut de citoyen des tats-Unis.

    La question est simple : un noir, dont les anctres ont t imports dans ce pays et vendus comme esclaves, peut-il devenir membre de la communaut politique organise et mise en uvre par la Constitution des tats-Unis et, en tant que tel, acqurir les droits, privilges et immunits que cette Constitution garantit tout citoyen ?

    De deux choses lune : ou bien les juges ignoraient ce qutaient les droits naturels ou ils prsupposaient que les gens dorigine africaine nen avaient pas (puisquils taient dpendants et infrieurs). Dans les deux cas, leur dcision violait lun des Dix Principes. Sils ignoraient les droits naturels, ils violaient le principe de non-malfaisance. Dans le deuxime cas, ils violaient le principe de las Casas, ce qui les amenait violer le principe de non-malfaisance. Ce fut la cause dune des plus grandes erreurs de notre histoire.En troisime lieu, les juges pensaient que les droits drivaient de la Constitution et que ces droits constitutionnels nappartenaient quaux citoyens . Ils se croyaient responsables de dcider qui avait le droit la vie, la libert, la possession de biens en octroyant la citoyennet. Comme ils semblent ignorer lexistence des droits naturels, ils ne se proccupaient que de la dfense des droits constitutionnels ; le pouvoir daccorder la citoyennet devint alors le pouvoir de dcider qui avait droit la libert, de dterminer que certains tres ny avaient pas droit. Leur autorit, affranchie des contraintes des droits naturels, les conduisit cette dcision :

    Nous pensons que les gens dorigine africaine ne sont pas des citoyens car ils ne sont pas inclus, quon na jamais eu lintention de les inclure sous le vocable de citoyen tel quil est conu dans la Constitution. Ils ne peuvent donc pas exiger les droits et privilges que ce texte accorde et garantit aux citoyens des tats-Unis... Ils restaient assujettis lautorit [de la race dominante] et navaient de droits et de privilges que ceux eux accords par le bon vouloir de lautorit du gouvernement.

    Le mouvement abolitionniste, la Proclamation dmancipation, les discours de Lincoln et la Guerre Civile ont rvl les erreurs de la Cour. Les consquences en furent si dramatiques quon pourrait penser quon ferait en sorte de ne pas renouveler ces erreurs. Cest cependant ce qui sest produit avec laffaire Roe vs Wade.

    Laffaire Roe vs WadeTrois passages de larrt expliquent la dcision de la Cour dans cette affaire :Si on retient largument de lidentit de la personne, le cas du requrant seffondre car les droits la vie du ftus seraient alors garantis par lamendement. Le requrant concda ce point. Par ailleurs, le dfendeur concda quon ne pouvait faire tat daucun cas dans lequel le ftus aurait t considr comme une personne au sens du 14 amendement.

    Lusage du mot personne , exclusivement employ aprs la naissance dans la Constitution et les affaires antrieures, ajout nos propres observations, savoir quavant et pendant la majeure partie du 19 sicle, les pratiques davortement lgal taient beaucoup plus tolrantes quaujourdhui, tout ceci nous porte croire que le mot personne tel qu employ dans le 14 amendement nincluait pas lenfant natre.

    Le Texas prconise, selon le quatorzime amendement, que la vie commence la conception et est prsente tout au cours de la grossesse et que, donc, ltat se doit de protger cette vie depuis le moment de la conception et aprs. Nous navons pas nous pencher sur la question de savoir quand commence la vie. Quand les

  • spcialistes, mdecins, philosophes, thologiens sont incapables darriver un consensus, ce nest pas au pouvoir judiciaire, en ltat actuel des connaissances, de spculer quant une rponse cette question.

    Ce raisonnement, dune logique fal