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Avertissement par Alain Bergala ......................................... 3 Le Chaînon manquant ..................................................... 5 Anne Huet, France, 2009, 10 min 58 Cette introduction au Petit Fugitif par Alain Bergala souligne l’importance historique de ce film pour le cinéma américain et français dans les années 1950 et 1960. Le Petit Fugitif ................................................................. 9 Morris Engel, Ruth Orkin et Ray Ashley, États-Unis, 1953, noir et blanc 80 min Le film et les chapitres sont présentés dans le DVD en version originale non sous-titrée, en version originale sous-titrée en anglais et en version originale sous-titrée en français Persuadé d’avoir tué accidentellement son frère, un petit New-Yorkais fugue à Coney Island. Morris Engel, l’indépendant ......................................... 17 Mary Engel, États-Unis, 2008, noir et blanc et couleurs, 28 min 30 Version originale sous-titrée en français. Fille du couple de photographes-cinéastes Ruth Orkin et Morris Engel qui ont réalisé Le Petit Fugitif, Mary Engel trace un portrait de son père en utilisant de nombreux documents d’archives. Joey, un petit portrait d’Amérique .............................. 21 Emmanuel Siety, France, 2008, noir et blanc, 18 min 21 La question du jeu de l’enfant au cinéma, au double sens du terme : jeu enfantin et jeu du jeune acteur Richie Andrusco,qui interprète Joey, le héros du film. Portfolio .......................................................................... 25 Précédé dans ce livret d’une « Introduction à la photographie américaine » de Mélanie Gerin, auteur avec Manuela Marques de ce Portfolio. English Lab’ par Catherine Archambeaud-Vinçon ........... 37 Dans ce livret, des pistes pédagogiques élaborées à partir du film pour être utilisées en classe d’anglais aux niveaux collège et lycée. LE PETIT FUGITIF 1 Sommaire

Sommaire - Réseau Canopé · 2009-02-13 · Morris Engel,Ruth Orkin et Ray Ashley, États-Unis,1953,noir et blanc 80 min Le film et les chapitres sont présentés dans le DVD en

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Avertissement par Alain Bergala ......................................... 3

Le Chaînon manquant ..................................................... 5Anne Huet, France, 2009, 10 min 58Cette introduction au Petit Fugitif par Alain Bergala soulignel’importance historique de ce film pour le cinéma américain et françaisdans les années 1950 et 1960.

Le Petit Fugitif ................................................................. 9Morris Engel, Ruth Orkin et Ray Ashley,États-Unis, 1953, noir et blanc 80 minLe film et les chapitres sont présentés dans le DVD en versionoriginale non sous-titrée, en version originale sous-titrée en anglais eten version originale sous-titrée en françaisPersuadé d’avoir tué accidentellement son frère, un petit New-Yorkaisfugue à Coney Island.

Morris Engel, l’indépendant ......................................... 17Mary Engel, États-Unis, 2008, noir et blanc et couleurs, 28 min 30Version originale sous-titrée en français.Fille du couple de photographes-cinéastes Ruth Orkin et Morris Engelqui ont réalisé Le Petit Fugitif, Mary Engel trace un portrait de sonpère en utilisant de nombreux documents d’archives.

Joey, un petit portrait d’Amérique .............................. 21Emmanuel Siety, France, 2008, noir et blanc, 18 min 21La question du jeu de l’enfant au cinéma, au double sens du terme :jeu enfantin et jeu du jeune acteur Richie Andrusco, qui interprète Joey,le héros du film.

Portfolio .......................................................................... 25Précédé dans ce livret d’une « Introduction à la photographieaméricaine » de Mélanie Gerin, auteur avec Manuela Marques de ce Portfolio.

English Lab’ par Catherine Archambeaud-Vinçon ........... 37Dans ce livret, des pistes pédagogiques élaborées à partir du film pourêtre utilisées en classe d’anglais aux niveaux collège et lycée.

LE PETIT FUGITIF 1

Sommaire

2 LE PETIT FUGITIF

Le jeune Richie Andruscointerprète Joey, le petit fugitif.

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Pour la première fois de sa déjà longue histoire, la collectionL’Eden cinéma édite un film inédit en DVD à ce jour. Et un filmunique à plus d’un titre.Le Petit Fugitif est un météore de l’histoire du cinéma. Il a étéréalisé à NewYork en 1953 dans des conditions totalement inno-vantes qui annonçaient avec des années d’avance le cinéma indé-pendant d’un John Cassavetes ou les techniques de la future Nou-velle Vague française.À l’origine de ce film, trois photographes de presse sans connais-sance particulière des métiers du cinéma. Morris Engel, qui est lemaître d’œuvre du film et son principal réalisateur, décide de selancer dans un tournage indépendant avec la souplesse et la légè-reté de la photographie prise sur le vif. Son ami Ray Ashley luipropose une histoire de petit garçon d’un quartier pauvre deNew York en fugue à Coney Island parce qu’il est persuadéd’avoir tué accidentellement son grand frère. Le film a été tournédans la rue, avec une équipe de trois personnes, grâce à une petitecaméra fabriquée en un seul exemplaire à la demande de MorrisEngel qui voulait suivre le personnage de Joey au milieu des

passants new-yorkais ou des vacanciers de Coney Island sans qu’ilss’en aperçoivent. Ruth Orkin, qui vient juste d’épouser MorrisEngel, s’improvise monteuse en cours de tournage.Ce météore était le chaînon manquant de l’histoire du cinémamoderne. Carlotta Films, à qui nous avions montré ce film pourune coédition éventuelle du DVD, s’est enthousiasmé et a décidéde le sortir dans de nombreuses salles de cinéma à Paris et en pro-vince, grâce à l’accueil chaleureux des exploitants, soutenus parles dispositifs d’éducation au cinéma.Le Petit Fugitif, en effet, est aussi un grand film sur l’enfance. Lacaméra ne lâche pas d’une semelle le petit Joey au cours de safugue à Coney Island, dont François Truffaut, qui adorait ce film,se souviendra dans Les 400 Coups. Ce petit garçon fait l’appren-tissage de la solitude, de la débrouillardise pour gagner de quoivivre ces journées de fugue et assouvir sa passion pour les che-vaux, mais aussi des angoisses et des petites joies de la vie hors duterritoire balisé du périmètre familial. Le garçon qui joue Joey estun acteur-né qui a pris en main plus d’une scène du film, entraî-nant le réalisateur dans des sentiers non balisés par le scénario.

Avertissementpar Alain Bergala

4 LE PETIT FUGITIF

Pour accompagner ce film, nous proposons trois bonus :Morris Engel, l’indépendant, réalisé par Mary Engel, fille de MorrisEngel et de Ruth Orkin. Ce film sur ses parents et sur l’histoiredu Petit Fugitif était à nos yeux un document indispensable pource DVD. On y voit clairement le rôle décisif qu’a joué la camérade Morris Engel pour les grands cinéastes documentaristes : DonAlan Pennebaker, Albert Maysles, etc., ce qui constitue un pro-longement du DVD Cinéma documentaire réalisé par CatherineGoupil dans notre collection.Nous avons demandé à Emmanuel Siety, auteur du livre Le Plandans la collection « Les petits cahiers », de concevoir et réaliserun film sur la question du jeu au cinéma, au double sens du jeuenfantin et du jeu de l’enfant acteur. Ce film convoque desséquences d’autres films mettant en scène des enfants jouant,comme Allemagne année zéro, de Roberto Rossellini, où ce jeudevient mortel.Enfin, j’ai tenu à faire – une fois n’est pas coutume – une pré-sentation de ce DVD pour signaler l’importance historique d’uneœuvre à la ressortie et à la redécouverte de laquelle nous avonscontribué. Cette « situation » du film, intitulée Le Chaînon man-quant, a été mise en forme par Anne Huet.Le portfolio de ce DVD est consacré pour l’essentiel à une tra-versée de l’histoire de la photographie américaine. Les coréalisa-teurs de Little Fugitive étaient en effet des photographes au

moment où ils ont entrepris ce premier film. Mais il se trouvesurtout que les sites de New York et de Coney Island ont été detout temps des motifs privilégiés pour les photographes qui ontfait bouger l’histoire de la photographie américaine. Nous avonsdonc demandé à Mélanie Gérin – qui est habituellement la docu-mentaliste des portfolios de notre collection, assistée de ManuelaMarques – de concevoir et d’organiser celui-ci pour permettreaux enseignants d’histoire des arts d’approcher l’histoire de laphotographie américaine avec les photos incluses dans ce DVD.Dans le livret de ce DVD, vous trouverez pour la première foisdes propositions de pistes pédagogiques élaborées à partir du film(proposé en différentes versions de sous-titrage) à destination desprofesseurs d’anglais pour une utilisation en classe avec leursélèves. Ces exercices pour le niveau collège et lycée, ainsi que leurprolongement accessible sur le site du CNDP, ont été conçus parune professeure d’anglais, Catherine Archambeaud-Vinçon.Nous tenons à remercier Carlotta films pour avoir repris cetteballe au bond avec autant de rapidité et de vivacité. A.B.

Réalisation : Anne HuetCommentaire : Alain BergalaConformation et trucage : François LavignotteMixage : Christophe BaudinDocumentaliste : Manuela MarquesProduction : SCÉRÉN-CNDP© SCÉRÉN-CNDP, 2009Extraits des filmsLe Petit Fugitif (Little Fugitive) de Morris Engel, Ruth Orkin etRay Ashley, États-Unis, 1953.© Orkin/Engel Film and Photo Archive

Crédits photographiques :Orkin/Engel Film and Photo Archive ;Les Films du Carrosse/Cahiers du cinéma ;Collection Cahiers du cinéma ;ADAGP.Tous droits réservés.

Remerciements : La Cinémathèque française.

RésuméDans cette introduction au Petit Fugitif, Alain Bergala soulignel’originalité de ce film « indépendant » dans la production améri-caine des années 1950 et le situe historiquement : d’une part dansle prolongement du néoréalisme italien qui l’a précédé, d’autrepart par rapport au cinéma français de la Nouvelle Vague, néequelques années plus tard et pour qui ce film a été précurseur.

LE PETIT FUGITIF 5

Le Chaînon manquant - IntroductionAlain Bergala, Anne Huet, France, 2008, 10 min 58

Chapitres

Nota. Le film n’est pas chapitré dans le DVD.

Les titres de chapitres sont donc rédigés pour ce

livret à titre indicatif.

1.Au nœud de la modernitéSorti en 1953, Little Fugitive/Le Petit Fugi-tif constitue un maillon manquant del’histoire du cinéma moderne qui a connudeux temps très forts : les années 1945-1948 dans l’Italie de l’après-guerre (avecdes films comme Rome ville ouverte, Paisà,Le Voleur de bicyclette, des réalisateurscomme Rossellini, De Sica…) ; puis lesannées 1959-1962 en France, avec laNouvelle Vague (et des films comme Les400 Coups, À bout de souffle, des réalisateurscomme Truffaut, Godard, Chabrol ouRivette). Dans les deux cas, il s’agissait demouvements de groupe.Entre-temps, sortent deux films isolés, unpeu « météorites » : Monika d’IngmarBergman, tourné sur une île suédoise et

Le Petit Fugitif, seul film de cette moder-nité à avoir été réalisé aux États-Unis, oùl’industrie du cinéma rendait ce genre detournage plus qu’improbable.Peu connu en France, Le Petit Fugitif (pro-duction indépendante, caméra tenue à lamain…) annonce donc à la fois la Nou-velle Vague et les premiers films de JohnCassavetes.

2. Une histoire accidentéeMonté avec seulement 30000 dollars desouscription amicale (un peu comme lesera Shadows en 1961) Le Petit Fugitif a

connu une conception et une naissanceprécaires et accidentées, risquant à chaqueétape l’interruption. Il a été tourné avecune équipe de trois personnes, hors desnormes techniques en vigueur, avec unecaméra 35 mm créée spécialement pourEngel (lequel avait immédiatement com-pris l’importance d’avoir une mini-camérapour lancer le petit Joey dans ConeyIsland et le suivre en filmant la foule sansse faire remarquer). Une fois le film ter-miné, les majors rirent au nez des réalisa-teurs en les traitant d’amateurs, et ceux-cieurent grand-peine à convaincre le distri-buteur des premiers films néoréalistes auxÉtats-Unis, Joseph Burstyn, de sortir LePetit Fugitif. Mais il le fit : au Festival deVenise, le film rafla le seul Lion (d’argent)jamais obtenu par un film américain, et ilsortit dans 5000 salles !

3. Le Petit Fugitifet la Nouvelle Vague françaisePour Truffaut, sans ce film, Les 400 Coupsou À bout de souffle n’auraient pas existé.

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Le Petit Fugitif les annonce. Sur le plandu scénario pour À bout de souffle, oùMichel Poiccard croit, comme Joey, avoircommis un meurtre et s’en va néan-moins, comme l’enfant, en balade,oubliant l’enjeu du scénario. De ce pointde vue, Joey comme le personnage deGodard, Poiccard, qui fut la référence deDeleuze, est ce que le philosophe appe-lait un « personnage moderne ».Autre point commun : la caméra mobilequi permit à Godard de filmer les passantsdes Champs-Élysées sans qu’ils s’en aper-çoivent, comme Engel filma les baigneurs

et la foule dans les attractions de ConeyIsland.Truffaut, lui, s’intéresse d’emblée au per-sonnage de l’enfant, avec qui le spectateuravance à égalité dans le film, sans sur-plomb excessif du réalisateur, découvrantavec lui tout ce qu’il traverse et rencontrelors de sa fugue (comme lors de la fugued’Antoine dans Les 400 Coups). La partautobiographique inspire aussi Truffaut :Engel, orphelin de père à trois ans, filmele Brooklyn et le Coney Island de sonenfance pauvre, quand Truffaut filme lesappartements étriqués de la sienne.

4. La reconnaissance des CahiersCe n’est sans doute pas un hasard si lesCahiers du cinéma choisirent pour la cou-verture de leur historique numéro31 dejanvier 1954, où dans un article célèbre« Une certaine tendance du cinéma fran-çais », Truffaut déclarait la guerre aucinéma de qualité française, une photo deRichie Andrusco, interprète de Joey. Àl’intérieur, André Bazin consacrait troispages de critique au Petit Fugitif, décou-vert à Venise, le rattachant au prolonge-ment du néoréalisme. Un emblème.

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Little Fugitive

à l’affiche d’un grand cinémade New York,à sa sortie en 1953.© Orkin/Engel Film

and Photo Archive

Titre original : Little FugitiveRéalisation : Morris Engel, Ruth OrkinScénario : Ray Ashley [pseudonyme de Raymond Abrashkin]Musique composée et interprétée par : Eddy MansonImage : Morris EngelSon : Lester TroobMontage : Ruth Orkin et Lester TroobSound Cutting : Ruth LongwellInterprétation : Richie Andrusco (Joey), Richard Brewster (Lennie),Winnifred Cushing (la mère), Jay Williams (Jay, l’hommedes poneys),Will Lee (le photographe), Charley Moss (Harry),Tommy DeCanio (Charley).© 1953 Little Fugitive Production Company

RésuméLeur mère ayant dû se rendre près de leur grand-mère malade,Lennie et Joey, deux frères de douze et sept ans restent seuls.Pour se débarrasser de Joey, Lennie et ses copains montent unefarce macabre et lui font croire qu’il a tué son grand frère entirant à la carabine. Paniqué, Joey fuit et monte dans une ramede métro qui le mène à Coney Island. Le gamin y passe dans lafoule des vacanciers une journée et une nuit, goûtant à toutesles attractions et particulièrement aux tours de poneys. Pour seles payer, il monte une vraie entreprise de ramassage de bou-teilles consignées. Grâce à Jay, le responsable du manège qui finit par alerter Lennie, les deux enfants regagnent le domicilefamilial à temps pour le retour de leur mère.

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Le Petit FugitifMorris Engel, Ruth Orkin, Ray Ashley, États-Unis, noir et blanc, 1953, 80 min.

Chapitres

Nota. Le film et les chapitres sont présenté

sdans trois versions accessibles sur le DVD : en

version originale non sous-titrée, en version

originale sous-titrée en anglais et en version

originale sous-titrée en français.

Traduction et sous-titres français et anglais :

Deborah Mlockier.

1. Générique [1’12]Un jour d’été : sur un trottoir 1, la têteobstinément baissée, un petit garçon des-sine un cheval avec une craie. Un garçonplus âgé arrive en jouant de l’harmonicaet lui demande d’arrêter sa bouderie, maisJoey n’est vraiment pas content de s’êtrefait bousculer. Sur cette image de cheval,s’inscrit le générique du film.

2. Joey et Lennie se présentent [0’52]Un très jeune adolescent, adossé à unmur dans une ruelle plutôt sordide, jouede l’harmonica. La voix de Joey le pré-sente : c’est son frère Lennie : douze ans aujourd’hui, il joue bien de l’harmo-nica et au base-ball et l’asticote tout letemps. Le petit dessinateur est quant à luijuché sur un muret, la bouche bar-bouillée de crème glacée au chocolat. Lavoix de Lennie le présente : le gamin estfuté, dingue de chevaux mais il repré-sente pour lui un véritable fardeau carl’été leur mère travaille et Lennie doit legarder.

3. Le trio des copains [1’16]Harry et Charley, les copains de Lennie,viennent le chercher pour une petite par-tie de base-ball dans la rue. Joey, son pisto-let à la ceinture, s’inscruste et se fait rem-barrer. La partie s’engage. Quand finale-ment le gamin obtient la batte, les autresarrêtent aussitôt le jeu.

4. Une sortie très attendue [1’30]Les enfants sont maintenant dans unesorte de friche à l’arrière des maisons.Joey se tient à l’écart du trio qui est toutexcité à l’idée de la sortie du lendemain àConey Island, où les garçons pourrontdépenser l’argent que Lennie a reçu de samaman pour son anniversaire. C’est sur-tout l’attraction des parachutes qui lesséduit. Ils commencent à s’entraîner àviser une boîte de conserve et Joey veutaussitôt se joindre au jeu. On lui rappelleaimablement qu’il ne viendra pas au parcd’attractions, mais il insiste, tire, se faitmoquer par les autres. Les garçons ayantdécidé de rentrer, Lennie se cache dans lehall pour effrayer son petit frère quimonte en hurlant.

5. Une grosse contrariété [1’56]Rentrés à la maison, les enfants trouventleur mère au téléphone.Visiblement pré-occupée, elle fait signe de se taire à Joeyqui s’apprêtait à se plaindre. Lennie a prisun illustré et s’inquiète à son tour. À

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1. Le début du film est situé dans un quartier de

Brooklyn à New York.Voir le bonus Joey, un petit

portrait d’Amérique d’Emmanuel Siety dans ce

DVD.

juste titre : sa mère annonce qu’elle doitaller voir sur le champ leur grand-mèremalade et que les enfants resteront seulsjusqu’au lendemain soir. Bien entendu,Lennie devra garder Joey et donc renon-cer à Coney Island, ce qui le met hors de lui. Cette rage n’ébranle en rien samère qui finit par le remettre à sa placeavant de le câliner affectueusement (tu es l’homme de la famille ; tu iras une autrefois). On comprend qu’elle élève seule sesgarçons.

6. Recommandations maternelles [1’48]Les enfants déjeunent de haricots et desaucisses. Lennie est écœuré par la situa-tion. La mère leur laisse six dollars pourles courses et fait ses recommandations àl’aîné : attention à la monnaie, il fautmettre Joey au lit tôt, ne pas rester enfer-més dans la maison, bien s’occuper dupetit… Au moment où sa maman sort,Joey a une seconde de panique.

7. Premières heures de solitude [1’17]Lennie fait la vaisselle. Joey essaye bien del’approcher, mais il se fait une fois de plusrabrouer. L’enfant dessine alors un bon-homme sous lequel il écrit « Happy Birth-day », puis va choisir un cadeau pour sonfrère dans son coin à jouets.Ce sera une ballequ’il enveloppe du dessin avant de l’apporterà Lennie.Fou de rage,celui-ci balance le toutpar terre en invectivant le petit.

8. Le trio veut éliminer Joey [2’17]Lennie et Joey, toujours son pistolet à laceinture, sortent. Lennie disparaît et

retrouve ses copains qui lisent des comics,vautrés à même l’asphalte. À l’annonce dela mauvaise nouvelle, ils sont aussi déçusque Lennie. Les garçons entreprennentalors d’imaginer mille façons sanguinairesd’éliminer le petit gêneur.Trouvant leurinspiration dans les comics, ils envisagentplusieurs méthodes farfelues, dont le painde glace qui fond et ne laisse pas d’indices.Finalement, ils semblent avoir une idée àbase de ketchup.

9. Une plaisanterie macabre [3’25]Lennie est al lé chercher Joey et leramène dans le terrain vague où les deuxautres s’exercent avec la carabine du pèrede Harry. Lennie manipule l’arme etl’admire, provocant la pure convoitise deson petit frère. Harry d’abord opposé àce que le gosse puisse jouer, semble céderet lui propose de tirer à « balles réelles ». Ilmet des balles dans le chargeur, aide Joey,ravi, à viser et à tirer : mais Lennie, prispour cible, s’effondre alors, mort et cou-vert de sang. Joey, d’abord tétanisé par

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son geste criminel, pleure, terrorisé. Lesautres lui conseillent de fuir avant de sefaire cueillir par la police et lui donnentl’harmonica du défunt qui ne devraitplus en avoir l ’usage. Joey s’enfuit.Lennie demeure inerte un instant pouraffoler ses amis. Puis il se relève et c’estle fou rire général.

10. Joey s’en va [1’22]À la maison, Joey caché dans le placardlaisse sonner le téléphone, et sa mèreappelle en vain d’une cabine de la gare.L’enfant s’empare de l’argent laissé pourles courses, ajuste son pistolet et sautedans la rue par la fenêtre. Le voilà partidans la foule. D’abord effrayé à la vued’un policier, il escalade les escaliersmenant à la gare et se précipite dans unerame en partance. Les portes se refer-ment, le train part.

11. Joey est parti [1’47]Le trio des garçons regagne la maison.Charley et Harry racontent la fuite affo-

lée de Joey à Lennie qui semble ne plusadhérer autant à la plaisanterie Cela finiten bagarre entre lui et Harry. Lennie a ledessus et déclare qu’il ne veut plus voirson copain. Quant à Charley, il s’estesquivé. À la maison, Lennie change detee-shirt et appelle vainement son frère.Silence.

12. Premier contact avec la fête [4’35]À l’arrivée du train à Coney Island, le ter-minus, tout le monde descend, et Joeyaussi, après un moment d’hésitation. L’en-fant est perdu dans une joyeuse foule esti-

vale qui déferle vers le parc d’attractionset la plage. Un clown géant effraye Joey.Suit un montage d’éléments d’automatesclownesques, de musique foraine, demanège qui tourne pendant que les cava-liers des chevaux de bois essaient d’attra-per les anneaux… Joey a pris un billetpour le manège « Catch the Ring ». Surson cheval, qu’il caresse et fouette, il faitdes acrobaties pour essayer d’attraper unanneau, somnole un peu, bercé par laronde du manège, puis se détache etcourt…

13. Joey explore,Lennie cherche [3’21]Joey est assis solitaire quand il avise unstand de photographe signalé par une sil-houette de cow-boy armé d’une guitareet dépourvu de tête. Une fois la silhouetteajustée devant l’enfant, dont seul émergele visage, le photographe fait le clownpour lui arracher un sourire ! Puis Joey semet en tête de voir ce qu’il y a sous levoile noir de l’imposant appareil. Il

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déniche une caisse, y monte, regarde dansl’objectif.Surpris d’y voir le cow-boy tête en bas, ildescend retourner la silhouette pieds enl’air et retourne voir dans l’objectif : c’està l’endroit ! Joey appuie sur la poire,encouragé par le photographe qui luiremet sa photo.Commençant à s’inquiéter, Lennie se metà chercher son frère au drugstore, où ilprend une crème glacée. Joey, au mêmeinstant, dévore un énorme sandwich puis,attiré par un aboyeur de chamboule-tout,lui tend une piécette pour pouvoir jouer.Ayant raté la cible, l’enfant s’éloigne.

14. Joey s’entraîneau lancer d’adresse [4’01]Joey, monté sur un cheval de bois immo-bile, le caresse, quand il avise dans uneencoignure protégée d’un filet un ado-lescent qui frappe une balle avec unebatte. Aussitôt l’enfant tend une pièce au forain qui compte les points à l’entréeet pénètre à son tour sur le terrain du

stand de base-ball. Le jeu consiste à faire entrer la balle dans les trous d’unetoile tendue au fond du court. Joey tour-noie avec sa batte, tape, lance mais sansgrand succès. En sortant, s’étant rensei-gné sur ses points (14), il titube et seretient à la patte du cheval de bois à quiil f ait un petit signe d’adieu. On leretrouve devant un stand de « WaterMelon », s’empiffrant d’une énormetranche de pastèque dont il recrache lespépins. Puis s’étant exercé à faire tomberune vieille boîte de conserve, il revienttenter sa chance au chamboule-tout detoutes ses forces : en vain.

15. Lennie est sentimental,Joey persévérant [2’41]À la maison, Lennie contemple le coin desjouets de son frère et reprend la balle et ledessin d’anniversaire que le petit lui avaitdonnés. À sa mère qui téléphone etannonce son retour pour 6 heures le len-demain après-midi, il ment sans vergogne,mais on le sent inquiet.

Le petit frère s’attaque maintenant austand de barbe-à-papa : d’une énormesucrerie, il fait une grosse balle collante.Ayant mis en pyramide des gobelets decarton abandonnés, il les tire à la boulede sucre ! Le voilà de retour pour untroisième essai au chamboule-tout. C’estle bon et Joey, très fier, reçoit son lotautour du cou, une sorte de collier.

16. La fête foraine grise Joey [2’16]Joey se lance alors à corps perdu danstoutes les attractions : il fait le clown avecson collier devant les glaces déformantes,puis c’est l’accélération : il tournoie dans unénorme tuyau, frappe avec un maillet pourfaire sonner la cloche, joue au bowling, faitdu canot tamponneur, voyage dans un trainqui ondule puis dans une voiture quitourne sur elle-même. Il dévore un hotdog, siffle une bouteille de soda, finit uneboîte de chips sur un cheval de bois quitrotte et, son soda terminé, se précipite dansles toilettes « Hommes ». L’enfant essayeensuite le circuit en barque, le grand-huit,

LE PETIT FUGITIF 13

se laisse glisser du haut d’une piste, revientau tuyau qui tournoie… Enfin, Joey courtvers la promenade en poneys.

17. Joey doit gagner des sous [5’49]Le manège affiche 25 cents (un « quar-ter ») les deux tours et l’enfant n’a plusassez d’argent. Accroché à la gr ille, ilregarde intensément un jeune cavalierqu’on complimente.Désœuvré, Joey se promène : sous lesplanches de la promenade, il suit leurslignes d’ombres qui rayent le sable. C’estl’occasion d’un portrait de la plage popu-laire et des estivants : baigneurs, amou-reux, enfants, adultes…Joey, s’étant approché de la chaise hautedes garde-côtes, observe des enfants quijouent. Un jeune garçon ramasse des bou-teilles vides. Joey en trouve une et la luitend. L’autre le remercie, lui expliquecomment on peut se faire des sous enapportant à la buvette des bouteilles consi-gnées. Les deux enfants s’y attèlent avecsuccès, mais au moment du partage de la

recette, un grand frère surgit et Joey seretrouve seul… et sans un sou.

18. Une recherche minutieuse [6’22]Sur la plage, un bébé joue avec une bou-teille que Joey arrive à lui échanger contreun seau. Après un incident de parcours (un verre d’eau ramené à travers la foule àune mère que Joey avait éclaboussée desable…, mais le verre n’arrivera pas à bonport), Joey fouille les poubelles et seconsacre à la recherche de bouteilles vides.Il explore minutieusement la plage, récu-père difficilement son harmonica tombéderrière un rocher. C’est encore l’occasionde tracer un portrait de la plage de ConeyIsland, pleine à craquer.Un groupe entoureun homme qui a coulé et que les secoursemmènent. Pour dénicher son butin, lepetit Joey affronte de véritables dangers : lesvagues, les rochers pointus, il escamotemême une bouteille des mains d’une bai-gneuse endormie.Tout content, il va à labuvette et se retrouve enfin à la tête de lapièce désirée.

19. Jay et Joey :la promenade en poney [3’05]Joey pouvant enfin se payer ses deux toursde poney, choisit son accompagnateur qu’ilavait déjà repéré : c’est Jay, un grandgaillard chaleureux. Il promène l’enfantsur son poney, le complimente (tu as l’aird’un vrai cow-boy, tu es costaud) ce qui metle garçon aux anges. Les deux tours ache-vés, Joey n’a aucune envie de repartir, maisil est sans ressources.L’enfant reprend alors son inlassable travailde glanage de bouteilles et en trouve tantqu’un moment plus tard le voilà revenu àla promenade équestre pour quatre tours ! Ilest gentiment accueilli par Jay : Tu vasmonter Beauty, c’est un cheval spécial. Cettefois, Jay fait trotter le poney.Le manège se poursuit, Jay le laisse mêmechevaucher tout seul : une fois épuisés sesquar ter s, Joey retourne chercher etéchanger des bouteilles et vient retrouverJay. Celui-ci commence à être intriguépar l’attitude du garçonnet solitaire :Encore toi ? Tu es venu avec qui Joey ?

14 LE PETIT FUGITIF

Mais devant les questions, Joey recule ets’enfuit.

20. La nuit tombe sur la fête [2’12]Seul assis sur les planches, Joey sembleignorer la foule qui l’entoure. On leretrouve, alors que l’après-midi touche àsa fin, qui arpente la plage, renoue seslacets, marche en équilibre sur une ram-barde, attend, observe… un gosse quimange un sandwich. Joey a faim, mais n’aplus r ien. La nuit tombe sur ConeyIsland qui se vide. Joey s’endort sur lesable, tenant l’harmonica de Lennie.

21. Matinée solitaireà Coney Island [3’18]Au matin, l’enfant se réveille : tout estdésert. Le manège est immobile, la plagevide. Joey va boire et se débarbouiller à lafontaine, marche sur le sable à la lisière del’eau, monte sur la chaise des garde-côtes.Sur les planches de la promenade, ilavance en sautant de banc en banc, puis

assis dans la rue se lie d’amitié avec unaffectueux petit chien.

22. Jay s’intéresse à Joey [3’42]Joey est juché sur le cheval de bois immo-bile près de l’enclos des poneys, quand Jayle hèle et lui demande de venir l’aider. Jaytrès en forme fait une démonstrationmagistrale de rodéo avec un lasso fictifqu’il passe ensuite au garçonnet, totale-ment pris au jeu. Le cheval de bois sert detaureau à mater et désarçonne ses cavaliersqui roulent au sol.À la grande joie de Joey, Jay le compli-

mente et lui propose de travailler avec lui.Mais pour se mettre en règle et lui établirdes papiers, il a besoin de noter son nomet son adresse, que Joey lui donne. Jayl’envoie alors abreuver les poneys et vatéléphoner au domicile de l’enfant.Lennie répond à son appel.Très étonné desavoir que Joey est à Coney Island, ilrecommande à Jay de garder son frère jus-qu’à son arrivée et surtout de lui dire que« Lennie n’est pas mort ».

23. Joey croit qu’on le dénonce [1’34]Joey nourrit les poneys, quand il aperçoitsur les planches Jay qui échange quelquesmots avec un policier. N’entendant riende ces propos anodins et amicaux, l’enfantcroit que son ami le donne à la police et ils’enfuit.Quand Lennie arrive, Jay lui apprend queson frère n’est plus là. Il lui conseille d’al-ler à la police et de bien leur dire de cher-cher l’enfant dans tous les lieux qui ontun lien avec les chevaux.

LE PETIT FUGITIF 15

24. La longue quête de Lennie [5’30]Toute la scène où Lennie cherche Joey estentrecoupée d’images où l’on voit le gar-çonnet qui continue à s’amuser. Lennievisite chaque manège, mais nul n’a vuJoey aujourd’hui. Le garçon va alorspatauger dans la mer où le propulsentdeux jeunes gens qui courent [Joey s’essayeune fois encore au jeu d’adresse.] En caleçon,Lennie essaye de faire sécher ses habits surle sable, mais deux amoureux s’étant cou-chés sur eux, il les récupère en piteux état.[Joey joue toujours.]Lenny continue à chercher son cadet etdemande l’heure : il est 3 heures (et samère arrive à 6 !). Le garçon inscrit alorsun message pour son frère : « Joey je ne suispas mort.Va au parachute et attend. Lennie »Il le griffonne sur le tableau des messages,sur les murs, sur le tour du manège, par-tout où il le peut… [Pendant ce temps, Joeychevauche avec ardeur un cheval de bois.]

25. Le parachute et le ballon [2’37]Lennie, arrivé devant l’attraction des para-

chutes, demande de nouveau l’heure. Deson côté, Joey, ravi, a gagné un énorme bal-lon de baudruche. Lennie est déjà attachédans une nacelle prête à s’élever avant deredescendre freinée par un parachutequand il aperçoit son petit frère et son bal-lon. Il a beau hurler, il reste coincé etquand il peut enfin se libérer, on ne voitque la plage bondée et, au-dessus, un ballonqui vole très haut dans le ciel.

26. Retrouvailles sous l’orage [5’07]Lennie mange un ice-cream. L’oragegronde. Il est déjà 17h15. Quand la pluieéclate c’est la débandade et l’occasion defilmer un vér itable documentaire surConey Island battue par l’averse, ses esti-vants trempés, s’abritant sous les planches,se couvrant d’une serviette de plage oud’un bonnet de bain, pataugeant… Auloin, sur la plage déserte, une minusculesilhouette détrempée se penche encoresous la pluie : c’est Joey à la recherche deses bouteilles consignées. Mais Lennie l’aaperçu et court le rejoindre.

L’enfant donne la main à son grand frèrequi essaie de lui expliquer que « c’était uneblague ». Signe de réconciliation, Joey, quitend l’harmonica à Lennie, aura le droit dele garder… jusqu’à la maison.

27. Deux enfantsbien tranquilles [3’20]Les enfants rentrent à la maison, ravis car iln’est que 6 heures tapantes. Pendant queJoey se précipite devant la télévision pourvoir son feuilleton de cow-boys en jouantde son pistolet, Lennie en vrai grand frèrele sèche et le change. Quand la mèreouvre enfin la porte, tout est rentré dansl’ordre : le grand lit ses comics, le petitregarde la télé.Aux enfants tout joyeux dela retrouver, la maman, persuadée qu’ilsn’ont pas mis le nez dehors de toute sonabsence, promet une sortie dès le lende-main… à Coney Island.

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Titre original : Morris Engel, the IndependantUn film coécrit, produit et réalisé par : Mary EngelProducteur associé : Brian ShireyCoécrit et monté par : Joan GoldsmithMontage additionnel : Linda HattendorfImage : Jack Aronson, Grayson Dantzic, Mary EngelPostproduction : Douglas O’ConnorConsultante musique : Donna Weng FriedmanPhotos : Morris Engel, Ruth OrkinEt : Terry Corrao, Herb Giles, Peter B. Kaplan, Doris Kornisch,Tina Reisenger, Eileen Travell,Will Windburn, Brooklyn PublicLibrary, Brooklyn CollectionAvec l’intervention de : Richard Andrusco, Howard Greenberg,Foster Hirsch, Richard Leacock, Leonard Leopate,Albert Maysles,Anne Mora, D.A. Pennebaker.© 2008 Mary Engel.All Rights reserved

RésuméUne biographie du photographe et cinéaste Morris Engel par safille Mary. À la narration de celle-ci sur de nombreuses imagesd’archives, se mêlent des extraits filmés ou radiophoniques d’en-

tretiens avec Engel, des hommages, destémoignages d’histor iens, de photo-graphes ou de cinéastes, et une prome-nade du cinéaste avec son petit acteurRichie Andrusco devenu grand.

Morris Engel et Ruth Orkin en 1952.© Orkin/Engel Film and Photo Archive

Morris Engel, l’indépendantUne biographie racontée par Mary EngelÉtats-Unis, 2008, noir et blanc et couleurs, 28 min 30

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Chapitres

Nota. Le film est présenté sur le DVD en ver-

sion sous-titrée en français.

Il comporte de grandes parties, non chapitrées

sur le DVD. Nous avons ajouté certains inter-

titres à cette rédaction pour plus de lisibilité.

Adaptation des sous-titres français :

Deborah Mlockier

Le film se termine sur une dédicace de Mary Engel :À MES PARENTS

MORRIS ENGEL ET RUTH ORKIN

POUR AVOIR ENRICHI MA VIE DE LEURS

PHOTOS ET DE LEURS FILMS MERVEILLEUX.

Pour tracer ce portrait à la fois personnel et pro-fessionnel de son père (1918-2005) MaryEngel, fille des photographes Morris Engel etRuth Orkin, les réalisateurs du Petit Fugitif,compose une narration pleine d’amour et d’ad-miration et utilise des archives multiples etvariées : photos et films de famille, photos prises

par ses parents et par d’autres photographes,interviews de son père, conférences et hommages,intervention de réalisateurs que le cinéaste ainfluencés, extraits des films qu’il a réalisés.La voix off de Mary Engel raconte et commentela vie de son père sur ces nombreux documentsque nous ne pouvons pas tous énumérer dansce petit descriptif du film. Cette voix s’effacesouvent pour laisser place à des archives filméesou radiophoniques qui permettent d’entendre etde voir Morris Engel ou ceux qui l’interviewentou lui rendent hommage.

Au commencementMary Engel commence par une biogra-phie de la jeunesse de son père qui, né en1918 à Brooklyn, a grandi à Williamsburget Coney Island. Nathan, le père meurtquand Morris a trois ans et Anne, la mère,gagne la vie de la famille (Morris et sestrois sœurs aînées Helen, Shirley et Pearl)en tenant un commerce. Le garçon vasouvent au cinéma et adore les westerns.À 18 ans, après des études secondaires aulycée Lincoln de Coney Island dont il

garde un beau souvenir, Morris s’inscrit àla Photo League et se consacre àapprendre la photographie. Sa rencontreavec le grand photographe Paul Strand(1890-1976) influencera sa carrière defaçon déterminante. En 1939, il participeau film de Strand, Native Land, puis colla-bore au magazine [engagé] PM où cer-taines de ses photos font la Une.Il fait la guerre dans le service photogra-phique des Armées sous la direction dulégendaire Edward Steichen, et survit aujour J.

Après guerre. Souvenirs familiauxMorris Engel rencontre la photographede presse Ruth Orkin à la fin des années1940, et l’épouse en 1952, année où ilsréalisent avec le scénariste Ray Ashley, LePetit Fugitif. Engel tourne ce documenthistorique sur Coney Island avec unecaméra portable 35 mm et avec un bud-get minuscule de 30000 dollars. En 1955,le couple réalise Lovers and Lollipops et en1958, Engel réalise seul Weddings and

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Babies. Leur fils Andy naît en 1959, leurfille Mary en 1961. Les deux enfants sontphotographiés sans cesse par leur mère quia installé partout des projecteurs pour « nerien rater ».Morris tourne de nombreux films defamille en 16 mm et réalise de petits spotspublicitaires (avec des enfants). En 1968, iltourne en couleurs I Need to Ride in Cali-fornia, puis promène sa caméra dans lesrues de New York. La découverte descaméras vidéos en 1990 l’enchante : il s’enservira aussitôt.En vér itable New-Yorkais, Engel neconduisait pas, était accro au métro etadorait la vue de New York qu’il avaitdepuis son quinzième étage, où il vécutcinquante années.

Engel à la galerie Howard Green,le 15 janvier 2000Howard Green expose des œuvres d’En-gel et de Ruth Orkin et donne dans cetteinterview filmée son point de vue sur leurtravail photographique. « Le travail de

Morris Engel est depuis le début une démarcheunique et profonde. Il a sa propre façon de pho-tographier dans les rues. »De son côté, Engel confie à la caméra sespremières années de photographe : à laPhoto League, vite devenue le FeatureGroup, les jeunes photographes, avec AaronSiskind [1903-1991], apprennent à faire desphotos, pas si mauvaises que ça! (On voit lapremière photo de Morris, un marchand à Har-lem). Morris décrit alors longuement sonpremier appareil, un reflex double objectifqui, porté à la hanche, lui a permis deprendre des vues à l’insu de ceux qu’il pho-tographiait, ce qui est important dans la« philosophie du travail sur le vif ».Puis il raconte sa participation au projet« Harlem », avec Siskind, Manning et Call-sini. Il commente des photos d’une petitefille, Rebecca, qu’il a ainsi suivie quelquessemaines dans sa famille, ses jeux, àl’école… Le photographe analyse ensuitequelques autres de ses images, en montrantcombien il n’a jamais voulu montrer sessujets sous un aspect négatif ou méchant.

Le Petit Fugitif revisitéDes moments d’une conférence de l’his-torien du cinéma Foster Hirsch sur l’im-portance du film par rapport à la NouvelleVague française et au cinéma indépendantaméricain, sont suivis par des extraits dufilm et par un entretien radiophoniqueentre Leonard Lopate et Morris Engel surla WNYC radio, le 3 juillet 2002 : y sontévoqués la genèse du Petit Fugitif et le suc-cès que le film rencontra (Lion d’argent àVenise, sorties en salles aux États-Unis).Engel explique l’importance de sa caméra35 mm (dont selon lui l’idée revient àPaul Strand), et affirme qu’il a fait le filmcomme s’il avait « fait des photos ». Ilévoque ses merveilleux souvenirs deConey Island qui en ont fait pour lui lelieu idéal pour tourner.Suit une séquence filmée en 1996 àConey Island. Engel revisite les lieux duPetit Fugitif avec un Richie Andrusco âgémaintenant d’une cinquantaine d’années,bien rondouillard, si loin du petit Joeyqu’il incarna en 1952 ! Cette séquence où

Richie refait les gestes de Joey (baseball,ice-cream, balade sous les planches) per-met un échange affectueux entre lecinéaste et son acteur et quelques éclair-cissements sur la manière dont cela s’étaitpassé entre eux sur le tournage.

Lovers ad Lollipops (1955)Weddings and Babies (1958)Dans la suite de sa conférence, l’historienFoster Hirsch passe du Petit Fugitif auxdeux films suivants d’Engel. Le premier(Lovers and Lollipops) réalisé avec sa femme,Ruth Orkin, met en scène dans New Yorkun couple et une gamine, pas du tout hol-lywoodienne, incarnée par Cathy Dunn.Lefilm se passe dans de nombreux endroits« touristiques » (Chinatown, la statue de laLiberté etc.), mais le regard de MorrisEngel, « poète de la vie urbaine » fait décou-vrir la profondeur de la réalité de la ville.Weddings and Babies est analysé un peu dif-féremment, mais toujours en pointant l’as-pect documentaire du cinéma d’Engel, samerveilleuse photographie, et sa non-intru-

sion envers ses comédiens, qui laisse auspectateur aussi la plus grande liberté.

Des réalisateurs commententl’influence d’EngelPour Don Alan Pennebaker [1925], réali-sateur qui a entre autres filmé de nom-breux concerts, de Dylan à Bowie, c’est àla caméra 35mm qu’Engel lui a montréequ’il doit d’avoir fabr iqué sa proprecaméra 16 mm, avec laquelle il a tournétous ses films jusqu’en 1980.Richard Leacock [1921] enchaîne etregrette cette époque où c’était si amusantde tourner. Engel et lui continuent sur lescaractéristiques techniques de leurs camé-ras, les géniaux inventeurs, les problèmesde poids… puis c’est à Albert Maysles[1926] de prendre la parole et de recon-naître, lui aussi, le sens extraordinaire del’innovation d’Engel.

HommagesAnne Mora administratrice du départe-ment Cinéma et Média du MoMA rend

un vibrant hommage à Engel. Elle parlede sa relation avec le photographe-cinéaste quand elle programma la rétros-pective Morris Engel, l’indépendant et com-bien la vue de la copie restaurée du PetitFugitif le rendit alors joyeux.Suit un extrait de la remise du prix duPionnier du cinéma indépendant à MorrisEngel, en 2002, au Pionneer Theater [salleconsacrée au cinéma indépendant sur la3e rue Est de New York]. Devant unpublic conquis, Engel, vieilli mais toujoursplein d’humour rend (à 84 ans) un derniersalut à son Coney Island.Retour au MoMa, où Anne Mora ter-mine son hommage avec tendresse, parlantdes souffrances de son vieil ami à qui elleoffrit du chocolat populaire, celui qu’ilaimait. Suit une allégorie pâtissière : « Mor-ris était comme ce chocolat, simple et sans arti-fice, comme le chocolat, il était rassurant, plai-sant, complexe et pas compliqué… » qui setermine affectueusement sur ces mots :« Qui n’aime pas le chocolat ? Qui n’aime pasMorris Engel ? »

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Réalisation : Emmanuel SietyAssisté de : Anne HuetInfographie : Michel BertrandMontage : Agnès BruckertConformation : François LavignotteMixage : Christophe BaudinVoix : Emmanuel SietyDocumentalistes : Mélanie Gerin, Manuel MarquesProduction : SCÉRÉN-CNDP© SCÉRÉN-CNDP, 2008Remerciements : Mary Engel

Extraits des films :Le Petit Fugitif (Little Fugitive)de Morris Engel, Ruth Orkin et Ray Ashley, États-Unis, 1953.© Orkin/Engel Film and Photo ArchiveAllemagne, année zéro (Germania, anno zero)de Roberto Rossellini, Italie, 1948. © Films sans frontières

L’Homme à la caméra (Chelovek s kinnoapparatum)de Dziga Vertov, URSS, 1929. © Lobster FilmsCrédits photographiques : Orkin/Engel Film and Photo Archive.Tous droits réservés.

RésuméÀ travers Le Petit Fugitif, le réalisateur aborde la question du jeu aucinéma au double sens du terme : jeu dans la vie et jeu desenfants acteurs devant la caméra. Il évoque aussi le contexte artis-tique intellectuel et social dans lequel le photographe américainMorris Engel a réalisé son film, et situe l’œuvre en relation avecd’autres courants du cinéma, représentés par Vertov (avecL’Homme à la caméra) ou Rossellini (avec Allemagne, année zéro).Emmanuel Siety met aussi en parallèle deux portraits d’enfants :Edmund qui vit dans une Allemagne dévastée par la SecondeGuerre mondiale et Joey, jeune garçon évoluant comme un pois-son dans l’eau dans une Amérique prospère des années 1950.

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Joey, un petit portrait d’AmériqueEmmanuel Siety, France, 2008, noir et blanc, 18 min 21

Chapitres

1. Les quartiers d’enfanceMorris Engels tourne d’abord son filmdans le quartier de Bensonhurst, dans lesud de Brooklyn où il a grandi, puis dansle parc d’attractions et la plage de ConeyIsland, à l’extrême pointe sud de Brook-lyn, terminus de la ligne que le petit Joeyemprunte quand il fugue.

2. Une fibre documentaireEn 1952,Engel tourne pour la première fois.C’est déjà un photographe expérimenté quia travaillé au sein de la Photo League [voir page 25 l’introduction au Portfolio]. Lesmembres de la League, très engagés au plansocial, s’intéressant à la vie quotidienne desgens dans le cadre urbain de New York, ontréalisé en 1937 un grand reportage sur Har-lem auquel Engel a participé. En 1938, cedernier fait de la plage de Coney Island desphotos qu’on pourrait imaginer comme desplans de repérage du Petit Fugitif.

3. Double portraitEn 1928, en URSS, Dziga Vertov tournesans narration et sans acteurs profession-nels L’Homme à la caméra. Son caméramanse promène et filme librement « la vie àl’improviste », saisissant sur le vif des por-traits de ses concitoyens. Engel inscrit sadémarche dans celle de Vertov, mais avecune trame fictionnelle. Le petit Joey guidenotre regard pour la découverte d’un ter-ritoire et l’enchaînement des plans, lescadrages, suivent le hasard des rencontreset des envies du gamin.Prétexte mais aussi sujet du film, Joey ins-crit Le Petit Fugitif dans le genre des filmsà double portrait : un territoire, un enfant.Avec Allemagne, année zéro, Rossellini adéjà expérimenté ce genre dès 1948, etplacé Edmund, son petit personnage livréà lui-même, dans le contexte dramatiquede l’Allemagne dévastée par la guerre etfilmé dans les ruines de Berlin.

4. Fiction et réalité. Joey et RichieEngel a déjà réalisé comme photographedeux grands portraits d’enfants : un petitcireur de chaussures et une fillette de Har-lem.Au cinéma, leur double fictionnel seraJoey, joué par Richie Andrusco qu’Engel arepéré sur un manège de Coney Island. Legrand frère de l’acteur apparaît d’ailleursfugacement dans le film (l’adolescent dustand de base-ball).Engel capte ainsi la fusionentre réalité et fiction, avec une part impré-visible due autant au personnage qu’au petitacteur et à son aisance physique.

5. Double jeuDès le début, les enfants du Petit Fugitif nepensent qu’au jeu et ici le verbe « jouer »revêt son double sens (s’amuser et fairel’acteur devant une caméra). RichieAndrusco, goûtant toutes les attractions duparc de loisirs pour la caméra d’Engel etsuivant les consignes du réalisateur, laisseen même temps le cinéaste saisir son réelplaisir d’enfant qui joue (séquences dubase-ball ou du stand de tir…). Une part

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de mystère demeure, celle de la fiction deJoey emmêlée à la réalité de Richie.

6. Edmund et JoeyDans Allemagne, année zéro, Edmund essaiede renouer avec les fils de l’enfance et dese mêler aux jeux d’un groupe de garçonsqui le rejette. C’est alors la ville elle-mêmeavec ses taches, ses aspérités, sa topogra-phie qui lui sert de terrain de jeu solitaire.Comme les rampes, les planches, les ton-neaux ou les bancs de Coney Island ser-viront de dérivatif ludique à Joey quand ilsentira la solitude l’envahir.Frappant : le petit fugueur, persuadé d’avoirtué son grand frère, ne semble pourtant pasen grande détresse comme si le lieu mêmeoù il a échoué, Coney Island, temple dudivertissement, le protégeait en quelquesorte. Ce portrait d’un petit Américain desprospères années 1950 contraste avec celuidu jeune Allemand dans son pays dévasté.Tout chez Joey le lie à la culture américaine :son déguisement de cowboy, son amour deschevaux et du base-ball. Cette appartenance

à l’Amérique s’ancre aussi bien dans lesmiroirs déformants de la fête que dans lewestern à la télévision ou dans l’esprit d’en-treprise de l’enfant, montant un véritablepetit commerce de bouteilles consignéespour payer ses tours de poney. Joey est chezlui en Amérique.

7. À travers les mailles du filetLennie, au contraire de son cadet, a desrapports plus conflictuels avec l’environ-nement, sans toutefois paraître s’en forma-liser : on le bouscule dans l’eau, son panta-lon est mis hors d’état par des baigneursassis dessus… Quand l’aîné se fait quelquepeu malmener, le cadet lui, grâce à sapetite taille plus qu’à la mansuétude de lafoule, semble à l’aise partout. Se glissantdans la mêlée, se faufilant entre les rochers,c’est un vrai petit Américain, un petitpoisson libre passant encore sansencombre dans les mailles du filet, pasencore prisonnier d’un mode de vie.Morris Engel a su saisir avec « délicatesse cesinstants menacés de disparaître ».

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Baigneurs à Coney Islandvus par Morris Engel.© Orkin/Engel Film

and Photo Archive

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Entre 1936 et 1951, Morris Engel participe à la création d’un col-lectif de photographes,The New York Photo League. Engagéspolitiquement, leurs enquêtes dans les quartiers de Harlem ou deBrooklyn s’inscrivent dans la grande tradition des témoignagesphotographiques de Jacob Riis, Lewis Hine mais aussi de WalkerEvans ou Dorothea Lange. Longtemps assimilée à un simpledocument sans valeur autre qu’informative, la reconnaissanceartistique de la photographie documentaire ne va pas de soi.Pourtant, elle ne se réduit pas au simple enregistrement du réel.Photographier c’est faire des choix et donc, déjà, proposer unregard. De grands photographes américains ont ainsi proposé leurvision de la ville et de l’enfance. Dans ce portfolio, nous avonschoisi d’explorer l’histoire de la photographie documentaire amé-ricaine qui, tout au long du siècle, va trouver dans les rues deNew York une source d’inspiration inépuisable.La photographie naît officiellement en 1839. Au cours duXIXe siècle, son histoire se confond avec celles des découvertes etdes améliorations techniques qui vont modifier les pratiques et,avec elles, le regard. Mais dès le départ, la photographie cherche

une légitimité, une reconnaissance comme pratique artistique. Saspécificité même, c’est-à-dire sa capacité d’enregistrement du réel,ne lui permet pas, à cette époque, d’accéder au statut d’œuvred’art qui se définit par l’expression de la subjectivité et l’interpré-tation de l’artiste. Elle se tourne alors tout naturellement vers lapeinture pour s’affirmer comme art. Naît ainsi dans les années1880 un courant appelé pictorialiste, premier mouvement esthé-tique reconnu en photographie. Les photographes cherchent parl’imitation des compositions, des motifs, des symboles picturaux, àse faire reconnaître comme de véritables artistes. En multipliantles interventions à la prise de vue (effets de flou, de lumière) puisau moment du tirage (retouches au pinceau, grattages, manipula-tions du négatif et du positif), ils s’opposent à l’idée de photogra-phie comme simple enregistrement de la réalité.Parallèlement à ce courant, l’évolution des techniques et des pro-cédés d’impression permet à l’image photographique de s’impo-ser dans les journaux. L’industrialisation modifie le visage desgrandes villes. Les journalistes et les sociologues utilisent dès lorsla photographie comme moyen de dénonciation, l’image venant

Introduction au portfoliopar Mélanie Gerin

attester les faits racontés dans leurs articles. C’est le début desgrands reportages à contenu social, avec Jacob Riis et Lewis Hine.Riis, journaliste au New York Tribune, photographie à partir de1887 la misère dans les taudis new-yorkais. Réunies dans unouvrage intitulé How the Other Half Lives, ses images vont per-mettre d’engager une série de réformes sociales au début duXXe siècle. Quant à Lewis Hine, sociologue de formation, il com-mence par photographier les nouveaux immigrants puis, à partirde 1908, parcourt l’Amérique pour témoigner des conditions detravail des enfants. Le monde change, le paysage urbain se trans-forme et la ville devient un des thèmes privilégiés de la photo-graphie.Au cours des années 1910, le courant pictorialiste s’essouffle.Alfred Stieglitz, principal représentant de ce mouvement à NewYork, affirme le besoin d’un renouvellement des pratiques et dessujets. Il revendique l’idée d’une photographie « pure », « directe »(Straight Photography), non manipulée, en phase avec le mondecontemporain. Un nouveau regard photographique se développe,entre préoccupations sociales et expériences formelles. PaulStrand, élève de Hine, présente en 1916 dans la revue de Stieglitz,Camera Work, sa vision de New York, de sa vitalité et de son éner-gie. La photographie cherche maintenant à affirmer sa légitimitéet sa modernité. Strand revendique son objectivité et le respectdu photographe face au réel tout en affirmant de fortes préoccu-pations esthétiques.

La révolution documentaireC’est véritablement à partir des années 1930 que l’oppositionentre document et art se résout par la voie de l’art documentaireavec des artistes comme Walker Evans, Dorothea Lange ou Bere-nice Abbott. Cette nouvelle approche photographique initiée parEvans va définitivement abandonner la voie de la photographied’art prônée par Stieglitz et réconcilier regard documentaire etlégitimité artistique.Walker Evans, dont l’influence sera détermi-nante sur toutes les futures générations de photographes améri-cains, développe un style propre qu’il baptise lui-même « styledocumentaire » caractérisé par la frontalité, une grande clarté del’image et une fidélité descriptive. Il photographie ainsi la nou-velle réalité de la société américaine après la Grande Dépression.En 1935, la FSA (Farm Security Administration) commande unegrande enquête sur la pauvreté du monde rural américain, pourlaquelle plus de 270000 photographies seront prises en sept ans.Walker Evans et Dorothea Lange font partie de cette aventurephotographique qui contribue à diffuser un nouveau style docu-mentaire.Au même moment, Berenice Abbott enregistre les grands chan-gements architecturaux et sociaux à New York pour son projetChanging New York et rejoint bientôt la Photo League, créée en1936. Ce collectif, engagé politiquement à gauche, regroupeun grand nombre de photographes new-yorkais comme SidGrossman, Morris Engel, Ruth Orkin, Rebecca Lepkoff ou

26 LE PETIT FUGITIF

encore Helen Levitt. Fortement influencés par le travail de JacobRiis et Lewis Hine, ils photographient la vie quotidienne à Har-lem ou Brooklyn, organisent des ateliers dans les quartiers défa-vorisés. Alors que se généralise en France la « photographiehumaniste » (nostalgie et optimisme, images d’un Paris populaireet poétique), le regard porté par les photographes américains offreune vision moins harmonieuse de la société. Si leurs recherchesdocumentaires sont toujours influencées par Walker Evans, ilsdéveloppent un style moins frontal, moins statique, privilégiant lemouvement et les situations en action. Ces innovations formellesvont bientôt se développer avec la Street Photography qui appa-raît à la fin des années 1950.

La Street PhotographyEn 1958, Les Américains de Robert Frank témoigne de l’émer-gence d’une nouvelle photographie américaine. Regard person-nel sur la société américaine, cet ouvrage bouleverse l’approchedocumentaire dominante et annonce une nouvelle voie que l’onpourrait qualifier de « subjectivité documentaire ».Une nouvelle génération de photographes s’empare des ruesnew-yorkaises (Street Photography). S’ils s’inscrivent dans la lignéede Walker Evans ou de la Photo League, ils s’éloignent pourtantde l’idée de document pur et proposent leur vision désenchantéede l’Amérique.Tout un nouveau vocabulaire visuel voit le jour,s’éloignant de la frontalité et de la netteté des années 1930.

Robert Frank,William Klein ou Lee Friedlander, chacun à safaçon, s’éloignent des codes classiques de la « bonne » photogra-phie, s’inspirant des instantanés d’amateurs (snapshot). Le cadragedevient aléatoire, la netteté est mise à mal, le tremblement oul’ombre du photographe viennent perturber le réel. Diane Arbuss’intéresse aux marginaux, aux exclus. Selon la formule de GarryWinogrand « tout devient photographiable ».L’influence de Walker Evans et de la Street Photography est aujour-d’hui incontestable. Et un grand nombre de photographes appa-rus dans les années 1980-1990, comme Philip-Lorca Dicorcia,revendiquent toujours cet héritage.

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Estivants à Coney Islandvus par Morris Engel.© Orkin/Engel Film

and Photo Archive

Portfolio

1. Portrait de Morris Engelet de Ruth Orkin en 1952.© Orkin/Engel Filmand Photo Archive

2. Photo de tournage deLittle Fugitive.de Morris Engel, Ruth Orkin,et Ray Ashley,États-Unis, 1953.Richie Andrusco,Morris Engel à la caméraet Ruth Orkin.© Orkin/Engel Filmand Photo Archive

3. Photo de tournage deLittle Fugitive.Richie Andrusco,Morris Engel à la caméraet Ruth Orkin.© Orkin/Engel Filmand Photo Archive

4. La caméra construitepour Morris Engel.© Orkin/Engel Filmand Photo Archive

5. La plage de ConeyIsland entre 1910et 1915.Anonyme.© Library of Congress, Prints& Photographs Division

[reproduction number, e.g.,LC-DIG-ggbain-09487]

6. NewYork, 1938.Femme sur la plage deConey Island.Photographiede Morris Engel.© Orkin/Engel Filmand Photo Archive

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7. New York, 28 juillet 1940.La plage de Coney Island.« Coney Island un tranquilledimanche après-midi… une foulede plus d’un million depersonnes./Coney Island on aquiet Sunday afternoon… acrowd of over a Million. »Photographiede Weegee (1899-1968).© akg-images/Weegee

8. New York,Coney Island, 1950.Anonyme.© akg-images

9. New York, vers 1880.Famille pauvre occupantune chambre dans unimmeuble de rapport.Photographie deJacob August Riis(1849-1914).© Bettmann/Corbis

10.Albany, New York,février 1910. Jeunesvendeurs de journauxjouant aux désdans Jail Alley.Photographie de LewisWickes Hine (1874-1940).© Library of Congress, Prints &Photographs Division, NationalChild Labor CommitteeCollection [reproduction number,e.g., LC-DIG-nclc-0345]

11. New York, juillet 1910.Jeune vendeur dejournaux sur le pont deBrooklyn. Photographie deLewis Wickes Hine.© Library of Congress, Prints &Photographs Division, NationalChild Labor CommitteeCollection [reproduction number,e.g., LC-DIG-nclc-03669]

12.New York,octobre 1916.Photographie dePaul Strand (1890-1976).Paris, musée d’Orsay.© Aperture Foundation,P. Strand Archive© RMN (musée d’Orsay)/Thierry Le Mage

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13. New York, 1929. El(Elevated Line) à ColumbusAvenue et Broadway.Photographie deBerenice Abbott (1898-1991).New York, MoMA.© Digital image,The Museumof Modern Art, New York/Scala, Florence

14. New York, 1937.Le Rockfeller Centerphotographié du 444Madison Avenue.Photographiede Berenice Abbott, extraitede la série « Changing NewYork ».Washington D. C.,Smithsonian AmericanArt Museum.© Photo Smithsonian American ArtMuseum/Art Resource/Scala, Florence

15. New York, vers 1937.Enfant dessinant sur lachaussée.Photographie de Helen Levitt(1914).© Corbis

16. New York, 1937.Fuir la chaleur/Escapefrom the heat.Photographie de Weegee(1899-1968).© akg-images/Weegee

17. New York, 1938.Jeux dans la rue.Photographie de Walker Evans(1903-1975).© akg-images

18. New York, été 1938.Immeublesur la 61e rue.Photographiede Walker Evans.© akg-images

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19. New York, 1938.3e Avenue.Photographie de Weegee.© akg-images/Weegee

20. Shafter, Californie,novembre 1938.Enfant de migrant dansun camp de la FarmSecurity Administration.Photo de Dorothea Lange(1895-1965).© Library of Congress,Prints & Photographs DivisionFSA/OWI Collection[reproduction number, e.g., LC-DIG-fsa-8b32568]

21. New York, juillet 1939.Un vendeur du Consumer’sBureau Guide à l’angle dela 42e rue et de MadisonAvenue.Photographiede Dorothea Lange.© Library of Congress,Prints & Photographs Division,FSA/OWI Collection[reproduction number, e.g.,LC-DIG-fsa-8b33843]

22. New York, vers 1940.Enfants sautant.Photographiede Helen Levitt (1914).Laurence Miller GalleryCourtesy Laurence MillerGallery, NYC

23. Comics, 1946.Photographiede Morris Engel(1918-2005).© Orkin/Engel Filmand Photo Archive

24. NewYork, 1947.Manège dans la 10e rue.Photographiede Morris Engel.© Orkin/Engel Filmand Photo Archive

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25. New York, 1947.El (Elevated Line),3e Avenue.Photographied’Elliott Erwitt (1928).© Elliot Erwitt/Magnum Photos

26. New York City, 1947.Photographiede Robert Frank (1924).Paris, Musée nationald’Art moderne,Centre Georges Pompidou.© Robert Frank© Photo CNAC/MNAM, Dist.RMN/Bertrand Prévost

27. City Kids, 1947.Photographiede Rebecca Lepkoff (1916).Courtesy Howard GreenbergGallery, NYC© Rebecca Lepkoff

28. New York, 1947-1948.Midtown : ruée matinaleMorning Rush, Midtown.Photographiede Rebecca Lepkoff.Courtesy Howard GreenbergGallery, NYC© Rebecca Lepkoff

29. New York, 1947.Les Joueurs de cartesThe CardplayersPhotographiede Ruth Orkin(1921-1985),© Orkin/Engel Filmand Photo Archive

30. NewYork, 1947.Garçons se battant.Photographiede Ruth Orkin.© Orkin/Engel Filmand Photo Archive

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31. New York Recent, 1948.Photographiede Sid Grossman(1913-1955).Courtesy Howard GreenbergGallery, NYC© Miriam Grossman Cohen

32. El (Elevated Line), 1954.Photographiede Saul Leiter (1923).Courtesy Howard GreenbergGallery, NYC© Saul Leiter

33. New York, 1955.Our Gang and BrooklynBridge.Photographiede William Klein (1928).© Brooklyn Museum/Corbis

34. Brooklyn, 1957.Trois garçons.Photographiede Leon Levistein(1910-1988).© Howard Greenberg Gallery

35. New York, 1964.Enfant tenant une grenadeen plastiquedans Central Park.Photographiede Diane Arbus (1923-1971).Paris, Musée nationald’Art moderne,Centre Georges Pompidou© Estate of Diane Arbus© Photo CNAC/MNAM,Dist. RMN/Adam Rzepka

36. New York, 1966.100e rue Est.Photographiede Bruce Davidson (1933).© Bruce Davidson/Magnum Photos

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37. New York, 1966.Chevelure dans unechevelure.Photographiede Lee Friedlander (1934).Paris, Musée nationald’Art moderne, CentreGeorges Pompidou.© Lee Friedlander© Photo CNAC/MNAM, Dist.RMN/Georges Meguerditchian

38. New York, 1972.Photographiede Helen Levitt.Laurence Miller GalleryCourtesy Laurence MillerGallery, NYC

39. New York, 1998.Photographie dePhilip-Lorca Dicorcia (1953).Galerie Almine Rech.© Courtesy Galerie AlmineRech, Bruxelles-ParisCollection Fonds nationald’Art contemporain

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La plage de Coney Islandvue par Morris Engel.Orkin/Engel Film and

Photo Archive

Grâce à la r ichesse du cinéma anglo-saxon, les films sont des documents privi-légiés pour les cours d’anglais, au collègecomme au lycée : la diversité des thèmes,la complexité des personnages et dessituations, les subtilités de la technique,peuvent constituer autant de sujets qu’onabordera en classe.De plus, le plaisir partagé par tous, profes-seur et élèves, lors de l’étude d’un filmdéclenche la parole. Les élèves plus faiblespeuvent prendre appui sur ce qu’ils voient(décors, personnages, attitudes, situations)pour s’appropr ier la scène, démarcheimpossible lors d’une étude de texte.Les dialogues cinématographiques, quantà eux, permettent une étude de la langueen contexte : l’image, le ton, les gestesdonnent la possibilité aux élèves d’antici-

per le contenu des dialogues, comme s’ilsse trouvaient dans une situation de com-munication réelle.Tout en enrichissant leur culture cinéma-tographique et en s’initiant à l’analyse fil-mique, les élèves pratiquent ainsi des acti-vités enrichissantes pour l’acquisitiond’une langue authentique.La collection Eden Cinéma offre le choixde différentes versions des œuvres : avecsous-titres français ou anglais (sous-titrestrès proches des dialogues), ou sans sous-titres. Le professeur peut ainsi choisir laversion la plus appropriée au niveau de saclasse.

The Little FugitiveLes dialogues de The Little Fugitive étantpeu nombreux, les élèves pourront le voir

avec les sous-titres anglais et étudier lalangue des enfants du film, avec son voca-bulaire, ses expressions et ses fautes.Ce complément au livret proposequelques pistes pour l’étude du film enclasse, du point de vue de l’enseignementde l’anglais. Des fiches détaillées sont parailleurs disponibles sur le site du CNDP.

Niveau collège (A1 à B1)Au collège, l’étude portera essentiellementsur l’enfant et sa vision du monde quil’entoure. En partant d’observationssimples, les élèves sont amenés à voircomment le cinéma rend la perceptiond’un enfant : hauteur de caméra, planssubjectifs et mixage soigneusement étudiégrâce au jeu sur les volumes et au choixd’un son in (origine dans le champ) ou out

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English Labpar Catherine Archambeaud-Vinçon

(origine hors champ). Le travail sur lalangue se fait lors de l’étude des scènes.

1.Visionnage du filmLes élèves relèvent des éléments qui per-mettent de brasser le vocabulaire de la viequotidienne : nourriture, habillement,activités des enfants et des adultes. Ils doi-vent être attentifs aux détails sans pourautant prendre trop de notes.

2. Étude de scènes précisesLa mère et les enfantsChapitre 5, Une grosse contrariétéet chapitre 6, Recommandations maternelles.Dans cette scène, le monde des adultes,représenté par la mère, est hors d’atteintede Joey : il ne perçoit que la moitié de laconversation téléphonique (d’où soninquiétude : « Is grandma gonna die ? »), etson regard est entravé par les murs et l’en-cadrement de la porte. Le monde desenfants et des adultes se sépare : Joey tire lalangue à son frère, pendant que sa mère,hors champ, dit sa joie d’avoir de char-

mants garçons. Ce décalage entre le son etl’image permet d’aborder le rôle dumixage.La première activité se fait avec un vision-nage sans le son. L’étude porte sur les atti-tudes, les gestes et le choix des plans :plans ouverts – sans limites visibles dans lecadre – et plans fermés limités par lesmurs, renforçant ainsi l’impression d’en-fermement.Ensuite, une activité de compréhensionorale portera sur la conversation télépho-nique entre la mère et la grand-mère desenfants. Les élèves réfléchissent alors à ce

que l’on entend et ce que l’on n’entendpas, ainsi qu’à l’effet produit. On leurdemandera enfin d’imaginer les répliquesde la grand-mère (qui annonce à la mèrequ’elle est malade et a besoin d’aide) puisde les dire à haute voix. Si l’établissementdispose d’un laboratoire de langues, lesélèves peuvent enregistrer leur doublage.Ce travail peut se prolonger par l’étudedes autres scènes de conversation télépho-nique (chapitre 15 Lennie est sentimental,Joey persévérant et chapitre 22 Jay s’intéresseà Joey).

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Joey, les poneys et le recyclageSéquences 17, 18, 19 Joey doit gagner dessous, Une recherche minutieuse, Jay et Joey : lapromenade en poneyCes séquences montées de façon rythméealternent tours de poney et ramassage debouteilles vides sur la plage : petit à petit,Joey gagne en indépendance, il récolte deplus en plus d’argent et prend de l’assu-rance dans sa façon de monter (balade enmain, pas, trot, galop). Cette séquenceessentiellement visuelle se prête donc par-ticulièrement bien à des activités d’expres-sion orale en classe. De plus, elle met envaleur le rôle du montage.Les élèves repèrent les éléments de l’évo-lution de Joey : nombre de bouteilles,argent gagné, taille et vitesse du cheval et,enfin, allure du cavalier. Ils doivent ensuiteexpliquer ce que cela signifie pour Joey.Ils imaginent enfin, en expression écrite,ce qu’aurait pu répondre Joey s’il avaitdécidé de se confier à Jay, l’homme auxponeys quand celui-ci l’interroge : « Whoare you here with ? »

Niveau lycée (B1 à C1)Au lycée, les activités proposées portentsur le regard particulier que le metteur enscène pose sur Coney Island, entre docu-mentaire et fiction : grâce à une caméradiscrète et des plans travaillés avec un œilde photographe, il livre une vision per-sonnelle et touchante de ce lieu qui abercé son enfance.Ce travail peut s’intégrer dans un projetpédagogique sur New York ou sur le rôledu jeu dans la société américaine (TheLittle Fugitive pourra alors s’opposer à lavision hollywoodienne de Las Vegas ou

Ocean Park dans les films à gros budget).Les activités prennent appui sur plusieurséléments du DVD : un extrait du film(chapitres 12 à 25), des bonus (les discoursde l’historien Foster Hirsch et le témoi-gnage du metteur en scène en compré-hension orale) et des photos de ConeyIsland disponibles dans le portfolio.

ProlongementsDes fiches détaillées sont disponiblessur le site du CNDP :www.artsculture.education.fr

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LE PETIT FUGITIF

Ce DVD a été produitpar le SCÉRÉN-CNDP

Infographiste : Michel BertrandMastérisation :VECTRACOM, Johan JoliboisPressage : Quantom Optical Laboratories

Illustrations du livretPhotogrammes extraits du Petit Fugitif et photosprises par Morris Engel à Coney Island(© Orkin/Engel Film and Photo Archive).Photos composant le Portfolio.

Couverture du DVDJoey perché sur une fontaine au milieude la foule de Coney Island.Harry, aide Joey à tirer sur son frère.

Remerciements àMary Engel,qui nous a accompagnés tout au long de notretravail, avec une grande disponibilité et efficacité;Pierre Gabaston,qui nous a fait découvrir le film ;Carlotta Films,Vincent Paul-Boncour,Julien Navarro, Charlotte Sanson ;Aurore Renaut.

L’Eden CINEMA

Directeur de collectionConception du DVD

Alain Bergala

Directrice artistiqueAnne Huet

Chef de projetCatherine Goupil

Chargée de productionManuela Marques

IconographieMélanie Gérin

Rédaction du livret et chapitrageCatherine Schapira

Conception graphique de la collectionPaul-Raymond Cohen

Directeur de la publicationPatrick Dion

Imprimerie Jouve

Sortie de Little Fugitive à New York.© Orkin/Engel Film and Photo Archive