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(Scientia Graeco-Arabica, 9) Roshdi Rashed (Ed.), Abu Kamil-Algèbre Et Analyse Diophantienne. Edition, Traduction Et Commentaire-De Gruyter (2012)

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(Scientia Graeco-Arabica, 9) Roshdi Rashed (Ed.), Abu Kamil-Algèbre Et Analyse Diophantienne. Edition, Traduction Et Commentaire-De Gruyter (2012)

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  • Scientia Graeco-Arabicaherausgegeben von

    Marwan Rashed

    Band 9

    De Gruyter

    Abu Kamil

    Algbre et analyse diophantienne

    dition, traduction et commentaire

    par

    Roshdi Rashed

    De Gruyter

  • ISBN 978-3-11-029561-0 e-ISBN 978-3-11-029566-5

    ISSN 1868-7172

    Lihrary of Congress Cataloging-in-Publication Data

    A CIP catalog record for this book bas been applied for at the Library of Congress.

    Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek

    Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet

    ber http://dnb.dnb.de abrufbar.

    2012 Walter de Gruyter GmbH & Co. KG, Berlin/Boston

    Druck und buchbinderische Verarbeitung: Hubert & Co. GmbH & Co. KG, Gttingen oc Gedruckt auf saurefreiem Papier

    Printed in Germany

    www.degruyter.com

    PREFACE

    Dans les annes vingt du IX sicle Bagdad, Muhammad ibn Ms al- Khwrizmi fait paratre un livre qui marque la naissance dune nouvelle discipline. Celle-ci ne se confond ni avec larithmtique, ni avec la gomtrie, les deux disciplines alors connues. Ce nouveau calcul reoit pour nom de baptme al-jabr wa-al-muqbala ' et, bien plus tard, lalgbre ^ . Ce livre ne tarda pas savrer fondateur, et ceci plusieurs titres : fondateur de la nouvelle discipline, des mathmatiques juridiques (le calcul des legs et des obligations) et, surtout, rvlateur des nouvelles possibilits inhrentes lalgbre et dont la ralisation par les successeurs dal- Khwrizmi a entirement refaonn la configuration des mathmatiques^. Pour tout dire, il suffit doublier le livre dal-Khwrizmi pour ne plus rien comprendre lhistoire des mathmatiques aprs le neuvime sicle.

    Or on sait que lhistoire dune uvre mathmatique, surtout lorsque celle-ci est fondatrice, est aussi celle des lectures qui en ont t faites par les contemporains et les proches successeurs. Dans le cas du livre dal- Khwrizmi, cest dun accord unanime que ceux-ci ont reconnu limportance de lvnement, conscients quils taient de la nouveaut radicale de la discipline. Sans tarder, ils ont commenc exploiter linvention dal- Khwrizmi, consolider les assises de la nouvelle discipline et la dvelopper. De tous ses proches successeurs (une ou deux gnrations), cest Ab Kmil qui a le plus contribu cette tche.

    Dans le prambule de son livre, Ab Kmil annonce explicitement son projet : conmienter lcrit dal-Khwrizmi. Par commenter , il est loin dentendre une simple lecture explicative. Il sagit dclairer ce que son prdcesseur a laiss dans lombre, de dgager ce qui reste enfoui dans le livre, dtendre la discipline elle-mme au del des limites initialement fixes, de reprendre les dmonstrations sur des bases plus sres et de les

    R. Rashed, Al-Khwrizmi : Le commencement de l algbre, Paris, 2007, p. 94. ^ Les vocables algbre pour dsigner la nouvelle discipline et algbriste

    pour distinguer le mathmaticien sont prsents dans les crits des successeurs dal- Khwrizmi.

    ^ R. Rashed, Founding Acts and Major Tuming-Points in Arab Mathematics , dans J. Z. Buchwald (d.), A Master of Science History : Essays in Honor o f Charles Coulston Gillispie, Archimedes 30, Dordrecht, 2012, p. 253-271.

  • VI Prface

    multiplier, et de dmontrer ce que le mathmaticien a laiss sans preuve. Il va donc entreprendre de raliser les normes mmes dal-Khwrizmi, en approfondissant sa dmarche et en la systmatisant, pour enfin donner de nouvelles frontires la discipline. Pour ce faire, Ab Kmil ne sattachera en fait quau premier livre de louvrage dal-Khwrizmi, celui que ce dernier consacre au calcul de lalgbre et ses applications en gomtrie. Il ne considrera donc pas le second livre, o il est question des legs et des testaments et qui servira de base au calcul juridique .

    Ce choix reflte en fait une volution du projet pens par al- Khwrizmi : nous sommes en prsence dune autre conception de lextension de la discipline. Dsormais pour Ab Kmil, en effet, lalgbre proprement parler comprend la thorie des quations, le calcul algbrique et la rsolution laide de ces moyens des problmes de gomtrie et darithmtique. Lapplication de lalgbre au domaine juridique - legs, testaments, etc. - relve dune autre discipline, celle des obligations (al- Farid). Ne relvent donc de lalgbre que ses applications menes dans les deux autres disciplines mathmatiques : la gomtrie et larithmtique. Ab Kmil traite dailleurs des legs et des testaments dans un livre indpendant, preuve supplmentaire quil entendait bien les isoler dun trait dalgbre.

    Or ce nouveau trac des frontires de lalgbre nest en fait pas en totale rupture avec celui dal-Khwrizmi, lequel ne traitait des legs et des testaments que dans le second des deux volumes qui composent son ouvrage. Le choix dAb Kmil est donc pour ainsi dire annonc en filigrane dans la construction de son prdcesseur. Et cest bien cette tradition quAb Kmil revendique haut et fort appartenir. Pour lui, cest al- Khwrizm et nul autre qui a invent lalgbre. Il crit par exemple quil a tabli, dans son second livre, la preuve de lautorit et de la prsance en algbre et al-muqbala de Muhammad ibn Ms al-Khwrizmi '*. Cest dans louvrage d al-Khwrizmi quAb Kmil a appris son mtier dalgbriste, et cest ce livre quil entend commenter , mme sil est vrai que ce commentaire sest nourri des moyens supplmentaires offerts par les gomtres et les arithmticiens. Non seulement Ab Kmil connaissait, et de premire main, les Elments dEuclide, mais il adhre sans rserve aux normes de la dmonstration qui sy trouvent consignes. Il cite plus dune fois les Elments, et emprunte des propositions aux diffrents livres du trait.

    Mais, si nous connaissons les gomtres voqus par Ab Kmil, nous ne savons rien des arithmticiens (hussb) . Ab Kmil ne cite aucun nom ni aucun titre, et ne les voque que collectivement sous le vocable

    Cit dans Hjji Khalifa, Kashf al-zunun, d. M. . Yaltkaya, vol. II, p. 1469-1470.

    Prface VII

    les arithmticiens (hussb) . Mais il ressort de sa description quil sagit de ces arithmticiens qui traitaient de collections de problmes, les transmettant de gnration en gnration avec leurs procds de solution, sans justifier ces solutions ni se proccuper de dmontrer ce quils affirmaient. Ces collections comportaient des problmes indtermins, ainsi que des progressions arithmtiques. Si donc lon en croit la description dAb Kmil, ctait l une pratique empirique de larithmtique et non point une science arithmtique. Or cest ce propos quil conoit un nouveau projet, dont la ralisation modifiera lextension de lalgbre : il sagit de transformer cette pratique artisanale et empirique - notamment tout ce qui porte sur les problmes indtermins et les progressions arithmtiques - en une vritable science mathmatique ; et cest au moyen de lalgbre que va soprer cette transformation. Ainsi, en appliquant les procds de lalgbre aux problmes indtermins, Ab Kmil conoit, pour la premire fois dans lhistoire, lanalyse indtermine rationnelle, ou lanalyse diophan- tienne rationnelle comme on la nomme aujourdhui. Et, en appliquant lalgbre ltude des progressions arithmtiques, il introduit dans cette tude les normes de la dmonstration.

    Rappelons ce propos qual-Khwrizmi naborde pas dans son livre lanalyse indtermine. Quant Diophante, il ne distingue pas dans ses Arithmtiques entre analyse indtermine et analyse dtermine. Il fallait pour que cette sparation sopre attendre linstitution de lalgbre comme science mathmatique, avec la thorie des quations. Ab Kmil effectue cette distinction et intgre pour la premire fois - et pour longtemps - lanalyse indtermine comme chapitre part entire dun trait dalgbre.

    Ainsi, tout en commentant al-Khwrizmi et en se rclamant de lui, Ab Kmil va plus loin et dessine dautres frontires pour la discipline. Mme lorsquil semploie clairer le texte de son prdcesseur, notamment dans les chapitres sur la thorie des quations et sur le calcul algbrique, il soccupe des quations biquadratiques (et non plus seulement quadratiques), il intgre les irrationnels quadratiques non seulement comme inconnues (ce qual-Khwrizmi avait commenc faire) mais comme coefficients, il donne de chaque algorithme plusieurs dmonstrations laide des thormes des Elments dEuclide, il dveloppe le calcul algbrique et recourt plus frquemment aux dmonstrations algbriques. Tout est donc en place pour que naisse un autre projet, conu et formul presquun sicle plus tard par le successeur dAb Kmil, al-Karaji : larithmtisation de lalgbre. Il ne faut donc pas stonner que ce dernier, ainsi que ses successeurs comme al-Samawal, ne cessent de revenir au premier livre dalgbre dAb Kmil, pour lui emprunter propositions, problmes et mthodes. Ainsi al-Karaji nemprunte pas moins dune cinquantaine de

  • VIII Prface

    problmes VAlgbre dAb Kmil. Al-Samawal, plus tard, aussi bien que Fibonacci, en feront de mme^.

    La contribution dAb Kmil, on vient de le voir, enrichit le contenu mme de lalgbre dal-Khwrizmi, applique celle-ci la rationalisation dune pratique empirique et artisanale des arithmticiens et aboutit ainsi la conception de ce nouveau chapitre sur lanalyse indtermine rationnelle. Mais elle ne se limite pas cela : elle participe aussi la constitution de ce quon a coutume dappeler lalgbre gomtrique . Ab Kmil, comme Thbit ibn Qurra (826-901), tous deux familiers de la gomtrie euclidienne et de lalgbre dal-Khwrizmi, ont recours aux propositions du second livre des lments (II.5 et II.6 notamment) ainsi qu la thorie des proportions pour dmontrer les algorithmes de solution des quations quadratiques. Ab Kmil pour sa part suit al-Khwrizmi en appliquant lalgbre aux problmes de gomtrie. Mais, alors que ce dernier ne considre dans ses problmes que des quadrilatres, des triangles et des cercles, Ab Kmil consacre un chapitre entier au pentagone et au dcagone.

    Tout au long de la rdaction de son livre, Ab Kmil ne procde ni par images, ni par schmes. Cest en appliquant lalgbre aux problmes des arithmticiens quil donne ces problmes et aux procds de leur solution une dimension vritablement mathmatique ; et cest par son application aux problmes gomtriques quil investit un nouveau domaine, celui de lalgbre gomtrique. Dans un cas comme dans lautre, Ab Kmil pensait pouvoir accder un statut de gnralit que problmes et procds navaient pas auparavant. Mais la langue standard et uniforme de lalgbre non symbolique tait une entrave laccomplissement de cet espoir. On examinera comment le mathmaticien a tent par sa pratique de surmonter un tel obstacle.

    Observons enfin que, malgr les diffrences considrables qui sparent Ab Kmil de son prdcesseur de deux gnrations tout au plus - al- Khwrizmi - , son livre demeure la voie oblige daccs luvre de ce dernier. Il permet en effet de prciser sa place dans lhistoire de la discipline, dclairer la signification de sa contribution ainsi que ses limites, souvent mal perues par les demi-habiles amateurs de prcurseurs, sduits par des comparaisons hasardeuses et anhistoriques.

    L'Algbre dAb Kmil est aussi la voie oblige pour pleinement saisir le projet de son successeur du dixime sicle, al-Karaj, projet que j avais dsign comme l arithmtisation de l algbre^. Cest en effet partir du

    ^Voir Introduction et les notes ldition. ^Voir R. Rashed, Larithmtisation de lalgbre au xii^ sicle , dans Actes du

    XIIF Congrs international d histoire des sciences, Moscou, 1974, p. 3-30.

    Prface IX

    livre dAb Kmil et des Arithmtiques de Diophante qual-Karaji a pu concevoir son projet, tel quil se prsente notamment dans ses deux livres : al-Fakhri et al-BadV. Dans le premier, il emprunte Ab Kmil pas moins de cinquante problmes, et Diophante les quatre premiers livres des Arithmtiques. Sans le livre dAb Kmil, on nest donc pas en mesure de restituer lhistoire de la tradition algbrique inaugure par al-Khwrizmi, tradition qui a progress par les extensions successives des diffrents chapitres, et aussi par les remaniements des programmes de recherche et par linvention de nouveaux chapitres : lanalyse indtermine, par exemple.

    La contribution dAb Kmil en analyse indtermine ne se borne pas ce chapitre sur lanalyse indtermine rationnelle de son trait dalgbre. Il compose un autre livre o il applique lalgbre des problmes arithmtiques qui circulaient son poque. Dans ce second livre intitul Sur les volatiles, il dveloppe lanalyse indtermine en nombres entiers du premier degr.

    Le lecteur trouvera ici Veditio princeps du livre dalgbre dAb Kmil et de son autre livre. Sur les volatiles, ainsi que leur traduction intgrale. Les deux textes ont t tablis selon les normes les plus exigeantes de ldition critique. La traduction est littrale, respectueuse autant quil est possible du gnie des langues. La dmarche est dautant plus ncessairement scrupuleuse que, du livre dAb Kmil, nous navons quune traduction latine mdivale, partielle, et une autre, hbraque. Quant son livre sur les volatiles, on nen a quune traduction allemande provisoire.

    Reste dire quelques mots du commentaire mathmatique des textes dAb Kmil. Rdigs il y a plus de onze sicles, ces traits le furent dans un contexte totalement tranger au ntre, que nous ne connaissons pas et qui ne nous est que partiellement accessible. La tentation la plus immdiate, laquelle certains nont pas rsist, est dinterprter Ab Kmil laide de ses propres mots. Illusion dun apprenti-philologue. Si en effet la philologie - matrise - est indispensable la restitution du contexte, elle doit, pour tre efficace, tre oriente par une comprhension en profondeur des mathmatiques du texte et de leur histoire.

    Or cette comprhension ne peut natre que de nos connaissances ncessairement dates, elles-mmes insres dans des contextes diffrents et diffrents de celui de lauteur : cest toujours, quon le veuille ou non, dans la langue dune autre mathmatique et avec les notions de celle-ci quon lit un texte. Tous les historiens qui ont crit sur lalgbre dAb Kmil ont emprunt la langue de lalgbre symbolique tardive. Mais, ce faisant, on quitte le contexte de lauteur. Le symbolisme autorise en effet des gnralisations, des itrations, des dductions, etc., que la langue naturelle est souvent inapte oprer. Et, qui plus est, ce modle interprtatif labor partir

  • X Prface

    de lalgbre symbolique savre parfois inefficace. Le chapitre sur lanalyse indtermine rationnelle, par exemple, sera mieux clair et expliqu par un modle conu partir de la gomtrie algbrique, qui permettra didentifier les algorithmes appliqus et de comprendre en profondeur le sens des conditions auxquelles le mathmaticien a soumis les solutions. Quil sagisse dAb Kmil ou des algbristes des sicles suivants, linterprtation laide de lalgbre symbolique nest pas moins anachronique que celle qui part de la gomtrie algbrique.

    Toute la difficult de linterprtation dun texte mathmatique ancien rside, lvidence, dans ce dilemme : comment, avec des modles emprunts dautres mathmatiques, invents dans dautres contextes inconnus de lauteur, restituer les significations que ce dernier a dposes dans son texte ? Sur ce point, je me suis expliqu plus dune fois .^ Il sagit, selon le domaine, de combiner une analyse philologique sre, une histoire de llaboration du texte et des pratiques et procds mis en uvre par son auteur pour le rdiger, et, enfin, des modles mathmatiques construits partir des disciplines que ce texte a contribu fonder et, donc, appartenant des mathmatiques postrieures celui-ci, modles aptes rvler la mathesis de lauteur. Dans le cas qui nous occupe ici, ces modles sont lalgbre et la gomtrie algbrique. Mais le recours ces modles nest quinstrumental : indispensable, en raison de ce rapport diffus didentit et de diffrence qui relie les contextes, lalgbre dAb Kmil aux disciplines modernes, linstrument ne se substitue pas lobjet, cela va de soi. Il relve dune tout autre mathesis. Lhistorien doit donc le manier avec prudence et sagacit, pour ne pas attribuer au texte ancien les notions vhicules par linstrument : le modle.

    Un dernier mot sur lhistoire de notre dition. Acheve, ainsi que la traduction de sa majeure partie, il y a un quart de sicle environ, elle a cd le pas dautres projets. Cet tat de choses se serait sans doute prolong si M. Erwan Penchvre navait propos de maider reprendre ce chantier pour mettre un point final ce travail. Si je raconte cette histoire, cest pour lui dire ma gratitude. Cest toujours un plaisir de remercier Christian Houzel qui a relu les commentaires historiques et mathmatiques et qui les

    ^R. Rashed, Apollonius : Les Coniques, tome 1.1 : Livre /, commentaire historique et mathmatique, dition et traduction du texte arabe, Berlin / New York, 2008 et Lire les anciens textes mathmatiques ; le cinquime livre des Coniques dApollonius , Bollettino di storia delle scienze matematiche, vol. XXVII, fasc. 2, 2007, p. 265-288.

    Prface XI

    a fait profiter de ses remarques et de ses corrections. Madame Aline Auger a prpar ce livre ldition et a compos les glossaires et les index ; quelle trouve ici lexpression de ma reconnaissance.

    Roshdi Rashed Bourg-la-Reine, janvier 2012

  • SOMMAIRE

    Prface..........................................................................................................................Avertissement .............................................................................................................. xv

    INTRODUCTION

    1. Abu Kmil: algbriste et ingnieur ......................................................................... 12. Les crits mathmatiques dAb Kmil ................................................................. 7

    2.1. L algbre et al-muqbala ............................................................................... 72.1.1. Le tmoignage dal-Karaji....................................................................... 112.1.2. Le tmoignage dal-Samawal ................................................................ 142.1.3. La traduction latine.................................................................................. 142.1.4. La lecture de Fibonacci ........................................................................... 172.1.5. La traduction hbraque........................................................................... 26

    2.2. Sur les volatiles ............................................................................................... 272.3. La mensuration des terrains............................................................................ 30

    PREMIERE PARTIE

    CHAPITRE I : La thorie des quations et la dmonstration des algorithmes......... 35

    CHAPITRE II ; Le calcul algbrique et ses applications............................................ 531. Problmes des six premiers types........................................................................ 552. Problmes divers................................................................................................. 57

    CHAPITRE III : Lapplication de lalgbre la gomtrie plane :les pentagones et les dcagones rguliers .................................................................. 113

    CHAPITRE IV : Lanalyse indtermine rationnelle................................................ 1451. Introduction ......................................................................................................... 1452. quations et systmes dquations du second degr......................................... 148

    2.2. Problmes 1 25 ......................................................................................... 1482.2. Problmes 26 38 ...................................................................................... 159

    3. Systmes dquations indtermines du premier degr :problmes 39 4 3 ............................................................................................... 172

    CHAPITRE V : Problmes arithmtiques................................................................... 1831. Problmes divers ................................................................................................ 1832. Quelques progressions arithmtiques et gomtriques....................................... 192

  • CHAPITRE VI ; Analyse indtermine entire du premier degr............................. 197

    CHAPITRE VII : La dmonstration aux commencements de lalgbre..................... 221

    XIV Sommaire

    SECONDE PARTIE

    TEXTES ET TRADUCTIONS

    Livre d algbre et d al-muqbala............................................................................... 242Prambule .................................................................................................................... 242

    Les six quations ......................................................................................................... 246

    Le calcul algbrique et ses applications ...................................................................... 280Multiplication, addition et soustraction des termes .............................................. 280Multiplication et division des racines ................................................................... 298Addition et soustraction des racines ...................................................................... 312

    Les six problmes................................................................................................... 320

    Chapitre sur des problmes divers ......................................................................... 334Equations coefficients irrationnels ...................................................................... 414

    Le pentagone et le dcagone rgulier.......................................................................... 522

    Analyse indtermine rationnelle ............................................................................... 578quations et systmes dquations du second degr ............................................ 578Systmes dquations indtermines du premier degr ......................................... 654

    Problmes numriques et progressions ....................................................................... 680Problmes numriques divers ............................................................................... 680Sur les progressions arithmtiques et gomtriques.............................................. 718

    Livre sur les volatiles : Analyse indtermine entire du premier degr.................. 732

    APPENDICE : Extrait dal-Bhir en algbre dal-Samawa l ..................................... 763

    NOTES COMPLMENTAIRES ............................................................................... 769

    GLOSSAIRE ARABE-FRANAIS ........................................................................... 775

    INDEXIndex des noms propres.................... 805Index des concepts ................................................................................................. 807Index des traits ...................................................................................................... 811Index des manuscrits .............................................................................................. 812

    OUVRAGES CITS................................................................................................... 813

    AVERTISSEMENT

    < >

    []

    Ces crochets isolent dans le texte arabe ce qui est ajout pour combler une lacune du manuscrit. Dans la traduction franaise, ils sont maintenus seulement pour les titres ; par ailleurs, ils sont introduits pour isoler un ajout au texte arabe, ncessaire lintelligence du texte franais.

    Ces crochets sont utiliss seulement dans le texte arabe pour indiquer que le mot ou le passage ainsi isols doivent tre supprims pour la cohrence du texte.

    Ce signe indique la fin du folio dun manuscrit.

    Pour distinguer les termes mal (le carr de linconnue) et m urabba' (le carr gomtrique), tous deux ncessairement rendus en franais par carr , nous avons dii recourir une simple diffrence dimpression, en notant carr (en italique) pour mal.

  • INTRODUCTION

    1. AB KMIL : ALGBRISTE ET INGNIEUR

    Aucune source historique ne consacre un article vraiment dtaill aux dates et faits dAb Kmil. Les anciens biobibliographes, tels qual- Nadim', al-Qifti^, etc., sont brefs ; quant aux anciens auteurs dannales historiques, sil leur arrive dvoquer les mathmaticiens et les astronomes, cest seulement en fonction des Califes et des Princes que servaient ces derniers. Nous allons essayer de recueillir le peu dinformations que les uns et les autres ont transmises sur Ab Kmil et sur son uvre.

    Tous les anciens biobibliographes et historiens, al-Nadim comme, plus tard, Ibn Khaldn^, saccordent sur le nom et lorigine du mathmaticien. Son nom est Shuj' ibn Aslam ibn Muhammad ibn Shuj', dit Ab Kmil, selon lusage arabe de dsigner lhomme par le nom de son fils an, ou simplement par respect. Il est gyptien et a vcu al-Fustt'^, qui tait alors la capitale du pays, avant la fondation du Caire. Cest parce que tous reconnaissent son minence dans les mathmatiques, et particulirement dans les disciplines numriques, quils le surnomment al-Hsib , de hisb (calcul et algbre). Les biobibliographes et certains historiens,

    Al-Nadim, Kitb al-Fihrist, d. R. Tajaddud, Thran, 1971, p. 339 :. ULc bUili ijLSj I d* ^ ^3

    ^.^1 I j-JaJ I i J -1^ " I i L l i l j I I i l ^ l

    , i.jlzS' 1 .y I ^ I 'J I I I J

    ^Al-Qifti, Tarikh al-hukam, d. J. Lippert, Leipzig, 1903, p. 211 :aJj Ljljl

  • comme Ibn Khaldn, lui attribuent un trait substantiel en algbre et, dans leur hirarchie, le placent en compagnie de linventeur de la discipline : al- Khwrizmi. Al-Nadim, au x* sicle, tablit pour sa part une liste de ses crits mathmatiques^.

    Sans plus dinformations sur lhomme, les historiens rcents des mathmatiques qui ont crit sur Ab Kmil - H. Suter, L. Karpinski, J. Weinberg, M. Levey^, parmi dautres - ont opt pour les dates approximatives suivantes : n vers 850, mort en 930. Ils ont fait ce choix en fonction dal-Khwrizmi - le prdcesseur dAb Kmil - et des dates des commentateurs de VAlgbre dAb Kmil. Dautres historiens, pour viter de donner des dates somme toute arbitraires, ont prfr rester dans le vague en situant Ab Kmil dans la seconde moiti du neuvime sicle. Seul A. Anbouba a affirm avec prcision quen 265/878, et probablement avant, Ab Kmil tait dj un homme de science reconnu ^ . Revenons notre tour sur cette question des dates dAb Kmil, partir des propos que lui attribuent deux historiens anciens.

    Le premier, l historien de la dynastie qui gouvernait l gypte lpoque, al-Balawi, attribue Ab Kmil, dans son livre compos vers le milieu du x*" sicle, La vie (Srat) d Ahmad ibn Tln (fondateur de la dynastie), les propos suivants :

    Ab Kmil a dit : quand Ahmad ibn Tln m a libr (cest--dire de prison), il m a charg de l Arsenal. II m a appel un jour et m a dit : quant lquipement que tu as fait pour moi, un peu moins aurait suffi, tant mon prestige a progress dans le cur des gens ; except pour les bateaux : la mer ne me craint pas et ne redoute pas ma puissance, et pour la mer on ne construit que des choses fermes et d excellente technique.

    Il ressort de ces propos quAb Kmil sest occup de lquipement militaire dIbn Tln, quil a fait de la prison pour des raisons inconnues et que, une fois libr, il a t nomm directeur de lArsenal.

    Le portrait dAb Kmil tel que le suggre la citation prcdente est celui dun mathmaticien ingnieur. cette poque, diriger lArsenal revenait faire le travail dun ingnieur en chef, charg de contrler la construction des bateaux et de perfectionner les instruments de navigation. A

    2 Introduction

    ^Voir note 1 et, plus loin, p. 6. ^Voir la Bibliographie la fin du livre. ^A. Anbouba, Lalgbre arabe aux ix' et sicles , Journal for the History of

    Arabie Science, vol. 2, n 1, 1978, p. 66-100. Voir galement Un algbriste arabe : Abu Kmil Sug' ibn Aslam , Horizons techniques du Moyen-Orient, 1 anne, n 2, 1963, p. 6-15 ( la p. 8), qui est larticle le plus inform sur Abu Kmil.

    Al-Balawi (Abu Muhammad 'Abd Allh ibn Muhammad al-Madin), Sirat Ahmad ibn Tln, d. Muhammad Kurd 'Ali, Le Caire, s.d., p. 208.

    cela, il fallait ajouter la fonction de chef du personnel, qui devait choisir les artisans, inspecter les bateaux au mouillage dans les ports, etc.^ Cette proccupation dingnieur se manifeste dailleurs dans un livre de gomtrie lmentaire, gomtrie pratique sans dmonstration, destin aux artisans.

    Pour retracer le contexte, rappelons quIbn Tln a rgn sur lgypte au nom du Calife de Bagdad entre 254/868 et 270/883. Mais ses rapports avec Bagdad ne tardrent pas se dtriorer, en raison de ses dsirs dindpendance et de sa volont dtablir sa propre dynastie, qui lont amen constituer une arme puissante, ainsi quune flotte de guerre. Cest donc au cours de son rgne, en 263/876, que, dans la crainte dune attaque maritime, il a restaur la citadelle et agrandi larsenal qui se trouvaient dans rle de Rda , proche de la capitale al-Fustt (aujourdhui une partie du Caire) ; et, comme lcrit al-Kindi lhistorien, lpoque de cette dynastie :

    Ahmad ibn Tln a activement travaill pour btir les bateaux militaires^ .

    Deux ans plus tard, en 878, il mne une expdition en Syrie et charge son fils an - al-'Abbs - de le remplacer pendant son absence. Mais ce dernier, influenc par ses officiers, tente de semparer du pouvoir. A son retour en gypte, Ahmad ibn Tln punit son fils et fait excuter les officiers. Or, parmi ces derniers, se trouvait Ahmad ibn Aslam^ . Sagit-il dun parent proche dAb Kmil, comme lindique le nom ? Faut-il voir dans cet ventuel lien de parent la raison de lemprisonnement, de courte dure sans doute, dAb Kmil ? Nous navons aucun moyen de rpondre. Quoi quil en soit, innocent, il ne tarda pas recouvrer la libert et tre charg de larsenal.

    Ainsi, en 878 et vraisemblablement avant, Ab Kmil tait un personnage important, un ingnieur rput qui avait dj donn des preuves, pro-

    Ab Kmil : algbriste et ingnieur 3

    Voir al-Sayyid Ab Sidra, Les mtiers et les industries dans l gypte Islamique (en arabe). Le Caire, 1991, p. 202-203.

    Voir plus loin. Sur cette le et sur larsenal, voir al-Maqrizi, Kitb al-maw'iz wa-al-i'tibr, d.

    Ayman F'd Sayyid, London, 2002, vol. III, p. 568 sqq. Voir aussi Ibn Duqmq, Kitb al-intisr li-wsitat 'aqd al-amsr f i trikh Misr wa-jughrfiyyatih, d. Blq, Le Caire, s.d., vol. I, p. 109-110 ; Ibn Taghribardi, Ab al-Mahsin, al-Nujm al-zhira f i mulk Misr wa-al-Qhira, 4 vol.. Le Caire, 1933, vol. III, p. 12.

    Ab 'Umar al-Kindi, Kitb al-Wulh wa-Kitb al-Qudh (The Govemors and Judges of Egypt), d. Rhuvon Ouest, repr. Le Caire, s. d., p. 218. On y trouve un chapitre sur Ibn Tln et sa dynastie, p. 212-258. Voir aussi Ibn al-Athir, al-Kmil f i al- trikh, Beyrouth, 1979, vol. VII, p. 324-325 ; Ibn Kathir, al-Bidya wa-al-Nihya, Le Caire, s.d., vol. XI, p. 45.

    Ab 'Umar al-Kindi, Kitb al-Wulh wa-Kitb al-Qudh, p. 220-223. Parmi les chefs de larme qui ont incit al-'Abbs, le fils dIbn Tln, la dsobissance, figure en effet Ahmad ibn Aslam (p. 220).

  • che du pouvoir, n trs probablement dans les annes trente du neuvime sicle.

    Un autre littrateur de lpoque, Ab Ja'far Ahmad ibn Ysuf al- Baghdd al-Misri, rapporte dans son livre al-Mukfa'a dautres propos dAb Kmil :

    J ai (Ab Kmil) demand Sanad ibn 'Ali : qui t a introduit auprs dal-Mamn (le calife) pour que tu sois en rapport avec lui et au nombre dessavants de sa cour''^ ?

    Ab Kmil rapporte alors la longue rponse de Sanad ibn 'Ali, laquelle ne manque pas dintrt pour une histoire sociale de la science de lpoque.

    Or Sanad ibn 'Ali est un fameux mathmaticien et astronome de la gnration dal-Khwrizmi et dal-Kindi le philosophe ; et al-M amn rgnait entre 813 et 830. Ce dernier a dailleurs rejoint sa capitale -Bagdad - o rsidait Sanad, en 819. Sanad a fait des observations astronomiques avec al-'Abbs al-Jawhari, entre autres, en 829 et en 832. Tout indique donc quAb Kmil, jeune mathmaticien, a rencontr quelque part Sanad ibn 'Ali, alors mathmaticien confirm et plus g. En effet Sanad ibn 'Ali, jeune mathmaticien sous al-M amn, avait suffisamment de prestige pour intervenir dans le conflit qui opposa les Ban Ms et al-Kindi (mort vers 860), sous le rgne du calife al- Mutawakkil. Il devait tre alors dans sa soixante-dixime anne. Si donc Ab Kmil la rencontr, ce ne peut tre quavant 860. Plus jeune que Sanad ibn 'Ali dune gnration au moins, Ab Kmil interroge donc son an sur sa carrire.

    Cela confirmerait le tmoignage prcdent : Ab Kmil est trs vraisemblablement n vers le dbut des annes trente du neuvime sicle.

    Reste savoir quand il a rdig son livre en algbre. Nous ne pouvons ici avancer que des conjectures. Il semble que ce livre soit bien antrieur aux annes soixante-dix du neuvime sicle, avant en tout cas lpisode de la libration et de la direction de larsenal : Ab Kmil, tant donn les usages de lpoque, naurait srement pas manqu de faire rfrence Ahmad ibn Tln, son bienfaiteur. Or le livre ne mentionne ni patron ni dignitaire. Il est donc vraisemblable quil a t rdig une poque o Ab Kmil ntait pas encore proche du pouvoir.

    4 Introduction

    Abu Ja'far Ahmad ibn Yusuf al-Baghddi al-Misri, al-Mukfa'a, d. Ahmad Amin et 'Ali al-Jrim, Le Caire, 1941, p. 119 :

    Dautre part, dans son Algbre, Ab Kmil cite ses sources : al- Khwrizmi et Euclide ; mais jamais Diophante. Or ce livre comprend tout un chapitre sur lanalyse indtermine rationnelle. Sil avait connu les Arithmtiques de Diophante, Ab Kmil naurait srement pas manqu de les exploiter pour enrichir son chapitre, comme il a tir parti des Elments dEuclide dans sa rdaction dun autre chapitre, sur les pentagones et les dcagones rguliers convexes. Mais ce nest que dans les annes soixante- dix que les Arithmtiques de Diophante ont t traduites, par Qust ibn Lq* .^

    On peut en tout cas conjecturer sans trop de risques quAb Kmil avait pour dates 830, environ, et 900, tout au plus, et certainement pas 850 et 930 ; que cet homme du neuvime sicle est postrieur al-Khwrizmi d peu prs une gnration, et quil a rdig son livre avant 870.

    Sur la formation dAb Kmil, sur ses matres, sur ses faits, les sources historiques sont silencieuses. Les seules informations nous viennent de ses crits, ceux qui nous sont parvenus et les titres de ceux qui nexistent plus. On sait toutefois, grce aux tmoignages dj mentionns, quil appartenait la tradition des mathmaticiens-ingnieurs. On sait galement que, dj au IX sicle, les changes entre les mathmaticiens des diffrentes contres du monde islamique ntaient pas rares ; les voyages scientifiques entre les centres du monde islamique taient pratique courante chez les savants en tous domaines - Ab Kmil tait en effet en contact direct avec les mathmaticiens de Bagdad comme Sanad ibn 'Ali ; il connaissait les traductions des lments dEuclide ainsi que des travaux dal-Khwrizmi, ralises environ une gnration avant lui Bagdad. On peut donc en conclure quen mathmatiques Ab Kmil tait form la gomtrie euclidienne et lalgbre dal-Khwrizmi, tout au moins. Mais, plusieurs reprises, il voque dans ses crits, ct de ces derniers, les arithmticiens '^. Ce sont leurs travaux quil a voulu algbriser. Or sur ces arithmticiens et sur leurs travaux, nous ne savons rien. Ab Kmil nen cite aucun ; il ne mentionne aucun titre, mais seulement des problmes, et notamment des problmes indtermins'^. Ce silence, et le genre des problmes, laissent lhistorien perplexe et enclin aux conjectures. Sagit-il des survivances dune tradition alexandrine ? aprs tout, le grec navait pas compltement

    Ab Kmil ; algbriste et ingnieur 5

    Sur la traduction par Qust ibn Lq des Arithmtiques de Diophante, voir R. Rashed, Diophante : Les Arithmtiques, Livre IV, vol. 3, Collection des Universits de France, Paris, 1984.

    Voir plus loin, p. 282 et Glossaire.Voir plus loin.

  • disparu, tout au moins de certains monastres coptes'^. Sagit-il des chos de la traduction, en cours Bagdad, des Arithmtiques de Diophante ? On sait en effet quentre Le Caire et Bagdad les relations taient frquentes et les changes multiples. Sagit-il des problmes arithmtiques qui circulaient en Orient, entre lInde et lgypte ? Il ny a quune histoire sociale et culturelle, encore en chantier, qui puisse clairer et prciser toutes ces interrogations.

    A ct de sa formation mathmatique, Ab Kmil avait sans aucun doute reu une formation linguistique et juridique de premier plan. Il suffit en effet de lire le prambule son Algbre ainsi que les titres de ses crits pour sen convaincre. La langue est classique et matrise, et il faut une formation juridique srieuse pour rdiger un livre sur les testaments. On sait par ailleurs que, cette poque, la ville dAb Kmil, al-Fustt, tait le foyer dune recherche active dans les domaines juridique, linguistique et historique.

    Si maintenant nous en venons la production mathmatique dAb Kmil, deux traits attirent notre attention : une spcialisation sans prcdent ; un projet explicitement formul de transformer les pratiques de calcul en des sciences apodictiques. En effet, lessentiel de la production mathmatique dAb Kmil se concentre dans les disciplines algbriques, thoriques et appliques ; quant son projet, il lexpose dans la quasi totalit de ses ouvrages. On retrouvera chez les grands algbristes qui vont succder Ab Kmil ces nouveaux traits caractristiques.

    Linformation la plus ancienne sur la production mathmatique dAb Kmil nous est parvenue consigne dans la liste tablie par al-Nadim en 377/987. Ce dernier numre les titres suivants (reproduits ici dans un autre ordre) :

    1. L algbre et al-muqbala (Kitb al-Jabr wa-al-muqbala)2. Sur les volatiles {Kitb al-Tayr)3. Sur les deux erreurs {Kitb al-Khata'ayn)4. La runion et la sparation {Kitb al-Jam ' wa-al-tafriq)5. La mensuration des terrains {Kitb al-Misha wa-al-handasa)6. Kitb al- Asir7. Kitb al-Falh

    6 Introduction

    ^Pour nvoquer quun seul exemple, rappelons quen 955, cest--dire un sicle environ aprs Ab Kmil, Servus ibn al-Muqaffa', pour rdiger son histoire de lglise copte, a fait traduire les sources grecques dont il avait besoin par un diacre gyptien de Damanhr (ville du Delta), nomm Mikhil ibn Budayr. Voir Georg Graf, Geschichte der chrislichen arabischen Literatur, Studi e testi 133, Cit du Vatican, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1947 ; d. anastatique 1975, vol. II, p. 300 sqq.

    '. La cl d'al-Falh {Kitb Mifth al-Falh)9. Kitb al-Kifya

    cette liste, le bibliographe tardif Hjji Khalifa^ ajoute10. Calcul du retour lgal et des testaments {Hisb al-dawr wa-al-wisy)11. Les testaments par les racines {Kitb al-wisy bi-al-judhr)

    Comme on le voit, les quatre premiers titres traitent des disciplines algbriques. Le premier, de loin le plus important, est un trait dalgbre (et de ses applications en arithmtique et en gomtrie), et danalyse indtermine rationnelle. Le second traite de lanalyse indtermine en nombres entiers du premier degr. Le troisime porte sur la rgle des deux erreurs et le quatrime sur le problme classique de laugmentation et de la diminution. Le cinquime, destin aux dbutants, entend enseigner comment rsoudre par lalgbre des problmes de mensuration des terrains. Les deux derniers livres - 10 et 11 - qui peuvent parfaitement nen tre quun, dont le titre aurait t ddoubl par le copiste, portent sur lapplication de lalgbre aux questions juridiques poses par les testaments. Quant aux titres 6, 7, 8 et 9, ils sont toujours introuvables - si toutefois ils ont jamais exist - et ne suggrent aucun contenu prcis. Dailleurs, aucun tmoignage, mme indirect, ne nous est parvenu leur propos. De plus, 7 et 8 se superposent, et ne semblent pas dsigner deux livres indpendants.

    Venons-en prsent aux livres dont les textes arabes existent, pour en examiner lauthenticit.

    Abu Kamil : algbriste et ingnieur 7

    2. LES CRITS MATHMATIQUES DABU KMIL

    2.1. L 'algbre et al-muqbala

    Les anciens biobibliographes attribuent Ab Kmil un livre ainsi intitul. Dautre part, il existe un manuscrit dun trait dalgbre du mme Ab Kmil (voir plus loin). Sagit-il dun seul et mme livre ? et cette attribution est-elle exacte ? Ab Kmil lui-mme crit dans le prambule son livre quil a compos un livre en algbre et al-muqbala {Kitb al-jabr wa-al-muqbala). Or cest prcisment le titre qui a t retenu pour son livre, et que lon peut lire sur la premire page du manuscrit. Que la

    Hajji Khalifa, Kashf al-zunn, d. M. . Yaltkaya, Istanbul, 1943, vol. I, p. 663- 664 ; vol. II, p. 1469-1470.

  • 8 Introduction

    formule ait t retenue comme titre par Ab Kmil lui-mme ou par les copistes ou les anciens biobibliographes importe dautant moins que ceux- ci sont anonymes. De plus, ce titre est bien ancien : le biobibliographe al- Nadim le cite plus dune fois dans son livre de 987. La premire fois, dans le bref article quil consacre Ab KmiP ; une seconde fois lorsquil traite du mathmaticien al-Istakhri (244/858-328/940)^*, qui avait comment le livre dAb Kmil ; et la troisime fois propos dun autre mathmaticien, 'Ali ibn Ahmad al-'Imrni, qui avait lui aussi crit un commentaire^^ - information confirme par le biobibliographe du xill sicle, al-QiftP. Cest toujours sous ce titre que lalgbriste al-Samawal (m. 570/1174-75) le cite dans son autobiographie^"*.

    Ces tmoignages dats montrent que le livre circulait, avec ce titre, ds la fin du IX sicle, et quil avait rapidement fait lobjet de deux commentaires, aujourdhui perdus. On sait dailleurs que dautres commentaires ont suivi, comme nous lapprend le biobibliographe du xvii sicle, Hjji Khalifa. Dans un article de son livre consacr lalgbre, il crit :

    Le premier qui a compos en elle est le matre Ab 'Abd Allah Muhammad ibn Ms al-Khwrizmi ; son livre est connu et clbre. Aprs lui, Ab Kmil Shuj' ibn Aslam a compos son livre gnral {al-shmil, compendium), qui est parmi les meilleurs livres en algbre, et parmi ses meilleurs commentaires est celui compos par al-Qurashi (qui est un Andalou du XIII sicle)^ .^

    Le mme Hjji Khalifa mentionne ce livre dAb Kmil, sous le titre d'al-Jabr wa-al-muqbala, dont il cite le premier paragraphe du prambule^^. Vrification faite, il sagit bien du manuscrit qui nous est parvenu, ce qui confirme les anciens tmoignages. Il rappelle dautre part quAb Kmil a compos un autre livre, sur les testaments, quil a entre les mains, et cest le mme Ab Kmil quil cite lorsquil crit :

    -jLj L^iJI ^ JLejCj OiJI

    Ch LUUj ^

    Al-Nadim, Kitb al-Fihrist, p. 339.2* Ibid., p. 340.

    Ibid., p. 341.Al-Qifti, Ta'rikh al-hukam, p. 233. Voir note 2.Al-Bhir en Algbre d As-Samawal, dition, notes et introduction par Salah

    Ahmad et Roshdi Rashed, Damas, 1972, p. 6 {mithl Kitb Shuj' ibn Aslam f al-jabr wa-al-muqbala).

    Hjji Khalifa, Kashf al-zunn, d. M. . Yaltkaya, p. 579.Ibid., p. 1408.

    Jai compos un livre connu pour la perfection de lalgbre, pour son achvement et pour le dveloppement de ses fondements ; et j ai tabli la preuve, dans ce second livre, de la prsance et de la priorit en algbre et al- muqbala de Muhammad ibn Ms ^ .^On pourrait conclure de ces lignes, lues rapidement, quil existait un

    autre livre dalgbre dAb Kmil, intitul La perfection de lalgbre, {Kaml al-jabr) . Or il nen est rien, et une telle lecture est fautive, grammaticalement aussi bien quhistoriquement. Cest dailleurs une erreur de ce type qua commise le biobibliographe Ibn al-Akfni (mort en 1348), lorsquil crit dans son livre Irshd al-Qsitf^ : Le parfait dAbi Shuj' ibn Aslam (al-Kmil li-Abi Shuj' ibn Aslam) , ou Ab Kmil Shuj' ibn Aslam .

    Tout indique donc quAb Kmil a crit un seul trait substantiel en algbre, et que cest bien le trait qui nous est parvenu. En effet, en plus de la citation de Hjji Khalifa voque plus haut, on peut avancer trois preuves dcisives : la lecture du mathmaticien al-Samawal, la traduction latine incomplte du livre ainsi que sa traduction hbraque (cf. plus loin).

    Quant la traduction latine incomplte, il suffit de confronter le texte latin aux parties arabes lui correspondant pour navoir aucun doute sur lauthenticit du texte traduit. Il en est de mme pour la traduction hbraque du livre dAb Kmil.

    Tous ces arguments convergent : le livre qui nous est parvenu est bien celui de VAlgbre dAb Kmil.

    Sur le projet qui est le sien dans ce livre, Ab Kmil sexplique deux reprises : une premire fois dans le prambule et une seconde fois dans une sorte de postface. Revenant sur sa dmarche, voici ce quil crit :

    Jai montr, expliqu et clair ce que j ai inscrit dans mon livre de ces problmes, dune explication claire, et j ai comment ce dont al-Khwrizmi a laiss lexplication et lclaircissement, par des figures gomtriques, une dmonstration claire et un discours convaincant. Jai obtenu pour les problmes que j ai inscrits des principes utiles et rigoureux, par lesquels vous rsolvez bien des problmes qui taient inaccessibles aux savants en arithmtique [...] ^^ .Ab Kmil ne pouvait exprimer plus clairement lampleur de sa tche :

    il entend dans ce livre poursuivre la ralisation du projet dal-Khwrizmi,

    Les crits mathmatiques dAbu Kmil 9

    Ibid., p. 1407-1408.Dans J. J. Witkam, De Egyptische Arts Ibn al-Akfn (gest. 749/1348) en Zijn

    Indeling van de Wetenschappen, Leiden, 1989, p. [404].Voir p. 728.

  • 10 Introduction

    revenir aux fondements mmes de lalgbre et tablir les dmonstrations lorsquelles font dfaut - laide soit de propositions gomtriques, soit dautres preuves (algbriques). Mais ce progranmie la men poser des principes pour rsoudre des problmes jusque-l non rsolus. Nous verrons plus loin comment Ab Kmil a achev son projet.

    Ce livre dAb Kmil nous est parvenu en un unique manuscrit. Cest le manuscrit n 379 (nouveau numro : 19046) de la collection Kara Mustaf Paa de la Bibliothque Beyazit dIstanbul.

    Certains bibliographes modernes ont cru quil existe une autre copie du livre dAb Kmil : le manuscrit n 98 Riydiyt de la Bibliothque Astn Quds de Meshed (Iran). Or lexamen de ce manuscrit montre quil sagit l dun apocryphe. Il contient une tude de lquation cubique par intersection des coniques, tude engage par les gomtres un demi-sicle au moins aprs Ab Kmil. Il nexiste donc, notre connaissance, quun seul manuscrit de VAlgbre dAb Kmil. Il fait partie dun legs religieux consenti par le grand vizir ottoman Mustaf Paa (1634-1684). Ce dernier a appos son sceau sur les pages 2\ 25', 37, 60', 75' ; on lit :

    LL .^'^1 Ia v_Sj

    Mustaf Paa, le grand vizir, a lgu ce livre... .Le manuscrit est compos de 111 folios, de 24,9 cm x 17 cm, dun

    papier dune seule et mme fabrication. La reliure est en carton renforc et relativement ancienne. Le dos est en cuir brun. La numrotation des folios est rcente. Quant au texte, chaque page, de 18,5 cm x 11,5 cm, contient 21 lignes en moyenne. Il est crit en naskh, distincte et soigne, lencre noire. Les figures sont parfois traces lencre rouge.

    Les seules ratures sont le fait du copiste qui a rvis sa copie sur son modle, comme lindiquent les ajouts en marge, selon la convention habituelle, sahh. La copie a t acheve, comme nous lapprend le colophon, en 651 de lhgire, cest--dire en 1253 de Pre chrtienne.

    Le copiste ne se nomme pas et nindique pas le lieu de la copie. On lit cependant au folio 36' une glose signe du nom dAb Ysuf. Cette glose est crite avec une autre plume, mais de la mme main. Mais cela ne nous avance gure, car il est impossible didentifier la personne.

    En marge du folio 42', on lit une glose importante, dune autre main. Il sagit en fait dune licence denseigner {ijza) la partie du livre dAb Kmil qui va du dbut jusqu ce folio 42'. Cette ijza que donnaient les professeurs est signe dun certain Sa'd ibn Muhammad ibn Ja'far, et date du Caire, 762/1361.

    Il est donc clair que lon enseignait le livre dAb Kmil au Caire au XIV sicle, et que ce manuscrit copi en 1253 presque certainement au

    Les crits mathmatiques dAbu Kmil 11

    Caire y est rest durant plus de deux sicles, puisquil sy trouvait encore la fin du XV sicle.

    On peut en effet lire au folio l ' les noms des diffrents propritaires. Tout dabord :

    Proprit de Muhammad Sibt al-Mradn Il sagit dun mathmaticien cairote n en 826/1423 et mort en

    907/1501. Ce dernier a cd le livre son lve Muhammad ibn Hasan al- Ansri en 876/1471. Aprs linvasion ottomane de lgypte, on retrouve le manuscrit au xvii sicle dans la Bibliothque du grand Vizir Mustaf Paa.

    Tout indique que ce manuscrit reproduit une tradition locale - cairote - du livre dAb Kmil. Mais, comme il sagit dun manuscrit unique et comme nous ignorons tout du modle sur lequel il a t copi, il nous faut discuter de son authenticit. Or plusieurs tmoins attestent de lauthenticit du texte copi, et de son attribution Ab Kmil. Nous nen voquerons que quatre.

    2.1.1. Le tmoignage d'al-Karaji

    La premire confirmation de lauthenticit du texte copi nous vient, indirectement, du successeur le plus prestigieux dAb Kmil : al-Karaji. Nous avons montr ailleurs^ que cest al-Karaj qui a men le plus loin les recherches dAb Kmil en algbre et en analyse diophantienne ; et que cest grce VAlgbre dAb Kmil et aux Arithmtiques de Diophante qual-Karaj a conu un nouveau programme qui marquera le destin de lalgbre : larithmtisation de lalgbre. Ici, on se limite au seul chapitre de son livre al~Fakhri, consacr la thorie des quations des deux premiers degrs, pour montrer que, lorsquil rdigeait ce livre, il avait le trait dAb Kmil sous les yeux. Il sest galement rfr VAlgbre dAb Kmil lors de son tude de lanalyse indtermine.

    Voici le tableau de correspondance. On notera les problmes identiques par id. et les problmes qui diffrent seulement par les valeurs des coefficients par p.i. (presque identique).

    Voir R. Rashed, Larithmtisation de lalgbre au xii^ sicle , dans Actes du XII7 Congrs international d histoire des sciences, Moscou, 1974, p. 3 -30 ; Entre arithmtique et algbre. Recherches sur l histoire des mathmatiques arabes. Collection Sciences et philosophie arabes - tudes et reprises , Paris, 1984.

  • 12 Introduction

    Ab Kmil, chap. II, IV

    al-Karaji Relation

    II.7 III.9 p.i.

    II.8 III. 10 p.i.

    II.9 III. 11 id.

    11.19 III.21 p.i.

    11.20 III.22 id.

    11.22 III.23 id.

    11.24 III. 12 id.

    11.25 III. 13 id.

    11.26 III. 14 id.

    11.27 III. 15 p.i.

    11.28 III. 16 id.

    11.31 III. 17 p.i.

    11.35 III. 18 p.i.

    11.36 III. 19 id.

    11.37 11.34 id.

    11.38 11.35 p.i.

    11.39 11.36 p.i.

    11.40 11.37 p.i.

    11.41 11.49 p.i.

    11.42 11.39 id.

    11.43 11.40 p.i.

    11.45 11.40 id.

    11.46 11.41 id.

    11.52 IV.17 id.

    11.53 IV.18 id.

    11.57 IV.19 id.

    11.59 IV.20 id.

    Les crits mathmatiques dAbu Kmil 13

    Ab Kmil, chap. II, IV

    al-Karaji----------------------------------- 1

    Relation

    11.63 IV.21 id.

    11.64 IV.22 id.

    11.65 IV.23 id.

    11.67 IV.24 id.

    11.69 IV.25 p.i.

    11.70 IV.26 p.i.

    IV. 1 11.22 id.

    IV.2 11.23 id.

    IV.3 11.24 p.i.

    IV.IO 11.27 p.i.

    IV. 11 11.28 id.

    IV.13 11.29 id.

    IV.16 11.30 p.i.

    IV. 17 11.31 p.i.

    IV.23 IV.28 id.

    IV.24 IV.32 id.

    IV.25 IV.33 id.

    IV.31 IV.34 id.

    IV.32 IV.35 id.

    IV.35 IV.36 id.

    IV.36 IV.37 id.

    IV.37 IV.38 id.

    IV.38 IV.39 id.

    IV.39 III.27 p.i.

    IV.42 III.5 id.

    IV.43 III.6 id.

  • 14 Introduction

    2.1.2. Le tmoignage d al-Samawal

    Ce mathmaticien n Fs et mort en Asie centrale en 1174-5 cite trois reprises le livre dAb Kmil.

    Dans son livre dalgbre, al-Bhir, al-Samawal cite in extenso quelques textes emprunts Ab Kmil. Le premier porte sur la multiplication des signes (10 - x)(10 - x) = 100 + x^ - 20.^ :, avec une longue dmonstration gomtrique^'. Le deuxime texte est un fragment detreize lignes^^, o il cite lnonc de la dmonstration de = 1. Il suffit

    b ade confronter le texte dal-Samawal celui dAb Kmil pour constater leur identit - quelques erreurs grammaticales prs, qui sont le fait du copiste. La troisime citation^^, enfin, est un rsum du texte, o il reprend lnonc et la dmonstration de

    a + b \ f a + ba

    a+b a+b ------+ -------,

    Ce tmoignage, qui remonte au xif sicle, ne laisse aucun doute sur lauthenticit du texte et sur lidentit de son auteur.

    2.1.3. La traduction latine

    Le fonds latin de la Bibliothque Nationale de France (Paris) conserve un codex, dj signal par Michel Chasles et quelques autres : le 7377 A. Cest partir de cette traduction que L. C. Karpinski a rdig deux tudes sur lalgbre dAb KmiF' .^ Dans ce codex figurent une traduction latine partielle du trait dAb Kmil, aussi bien quun trait anonyme : Omnium que sunt alia sunt ex artificio hominis, alia non ... , dit Mahamelet par son auteur^^. Ce dernier texte, qui nest pas une traduction, figure dans un autre manuscrit du mme fonds : le 15461.

    La traduction du trait dAb Kmil contenue dans le 7377 A (not P) est la seule qui existe. L. C. Karpinski a dit plusieurs paragraphes dans

    34

    Al-Bhir, p. 40-41. Voir plus loin p. 292 et Note complmentaire [2], Al-Bhir, p. 57. Voir plus loin p. 344 et Note complmentaire [3]. Al-Bhir, p. 116. Voir plus loin p. 508 et Note complmentaire [4].L. C. Karpinski, The algebra of Abu Kamil Shoja' ben Aslam , Biblioheca

    Mathematica, Srie III, 12, 1912, p. 40-55 ; The algebra of Abu Kamil , American Mathematical Monhly, XXI, 2, 1914, p. 37-48.

    35 Voir plus loin note 40.

    Les crits mathmatiques dAbu Kmil 15

    son article de 1912 ; mais ce nest que trs rcemment que J. Sesiano et R. Lorch se sont donn la peine dditer lensemble du texte^ .^ Le premier a dit la partie consacre la thorie des quations, tandis que le second sest occup du chapitre sur le pentagone et le dcagone. Les deux diteurs ne saccordent cependant ni sur lidentit du traducteur, ni sur la date de la traduction. J. Sesiano propose dattribuer la traduction Guillaume de Lunis (ou de Luna), alors que R. Lorch hsite entre Robert de Chester, Grard de Crmone et mme Fibonacci (notons que, de la part de ce dernier, nous ne connaissons aucune traduction). J. Sesiano pense que le manuscrit P est un autographe ; R. Lorch nen dit rien. Dans cette situation, R. Hissette montre, laide de preuves palographiques et darguments philologiques^^, que P nest srement pas un autographe, quil a t copi la fin du XllL sicle, sinon au Xiv sicle, et que le copiste a d tre confront des retouches, parfois difficiles interprter et qui portaient notamment sur des traductions doubles. Il se pourrait fort bien quun certain nombre de ces retouches remontent au traducteur lui-mme^. Hissette conclut :

    Puisquil est dsormais acquis que P ne peut tre lexemplaire autographe de lauteur de la version latine de Val-Jabr dAb Kmil, les questions de la date et de lattribution de cette version reviennent sur le tapis-^ .^

    Si donc il est dfinitivement acquis que le traducteur ne peut pas tre le copiste, et sil est mme possible, comme le suggre R. Hissette, quil y et des traductions doubles , il va falloir sarrter la connaissance quon avait de lalgbre dAb Kmil avant la fin du XllL sicle. Cest ici quinterviennent lauteur anonyme du trait, dit Mahamelet , dune part, et Fibonacci, dautre part.

    propos du Mahamelet , A. Allard a montr rigoureusement que le manuscrit de Paris 15461 a t copi sur un modle toldan crit aux environs de 1143 (ce modle contient en effet un calendrier des annes 1143- 1159). Il a galement montr que ce livre contient une rfrence explicite

    J. Sesiano, La version latine mdivale de lAlgbre dAb Kmil , dans M. Folkerts et J. P. Hogendijk (d.), Vestigia mathematica, Studies in Mdival and Early Modem Mathematics in Honour o f H.L.L. Busard, Amsterdam, 1993, p. 315- 452 ; et R. Lorch, Ab Kmil on the Pentagon and Decagon , ibid., p. 215-252.

    R. Hissette, Guillaume de Luna a-t-il traduit Ab Kmil ? , dans G. Endress et J. A. Aertsen (d.), Averroes and the Aristotelian Tradition. Sources, Constitution and Rception of the Philosophy of Ibn Rushd (1126-1198). Proceedings of the Fourth Symposium Averroicum (Cologne, 1996), Leiden / Boston / Kln, 1999, p. 300-315.

    Ibid., p. 309.Ibid., p. 312.

  • 16 Introduction

    la troisime partie de VAlgbre dAb Kmil'*. Il sensuit ncessairement que le trait dAb Kmil existait dans sa traduction latine ds le milieu du XII sicle. Si prsent on revient la traduction latine transmise par P pour la confronter au texte arabe, on ne peut qutre surpris : certaines parties du texte arabe ont t traduites littralement, la manire dun Grard de Crmone ; dautres, en revanche, ont t rendues de faon laborieuse, avec beaucoup de fautes et domissions. Ces dernires ont dailleurs gn les diteurs, qui ont d corriger la traduction grce loriginal arabe. De son ct, R. Hissette a donn quelques exemples de variations dans le style de la traduction et dans le choix de la terminologie, auxquels on pourrait ajouter beaucoup dautres. On se contentera ici dvoquer quelques anomalies graves qui touchent directement la composition du texte de la traduction.

    Le premier exemple est emprunt la partie qui traite de la thorie des quations. Il sagit du problme n 8 (p. 339, 18 341, 7 de ldition du texte arabe). La dernire mthode de solution du problme manque la traduction. On lit dailleurs cet endroit du texte latin : Hic dficit. Scrip- tum est in Ebraico : Hic dficit cela sajoutent quelques erreurs de traduction, comme lexpression non est ex computatione , pour rendre 'al ghayr al-qisma allati min 'dat al-hussb, .. . que les arithmticiens nont pas lhabitude dutiliser .

    Le deuxime exemple est du mme genre, quoique lerreur soit plus grave encore : une omission qui correspond la fin du problme 59 et aux problmes 60, 61, 62 (p. 451, 14 465, 21 du texte arabe, dans ldition ci- aprs). Cette fois aussi, on lit dans une glose : Dficit hic, in Ebraico

    Le troisime exemple concerne le chapitre sur le pentagone et le dcagone. Le traducteur rend correctement les noncs des deux problmes quil numrote 13 et 14, pour ensuite scarter du texte arabe et donner une version fautive, sans traduire la vritable proposition 14.

    Dernier exemple : le chapitre capital et original sur lanalyse indtermine est absent de la traduction existante.

    Toutes ces anomalies, ajoutes celles quont signales les diteurs et R. Hissette, ainsi que la prsence de deux styles diffrents de la traduction dun seul et mme livre, amnent tout naturellement se demander si P, ou

    A. Allard, Muhammad ibn Ms al-Khwrizmi. Le Calcul indien (Algorismus), Paris, 1992, p. XIV-XVI ; et Linfluence des mathmatiques arabes dans lOccident mdival , dans R. Rashed (d.). Histoire des sciences arabes, t. II : Mathmatiques et physique, Paris, 1997, p. 199-229, la p. 224.

    Ligne 1304 de ldition J. Sesiano.42 Ibid., ligne 2782.

    Les crits mathmatiques dAb Kmil 17

    son modle, est une copie dune seule traduction ou la composition de deux traductions. Cette question, ainsi que celle de lidentit du (ou des) traduc- teur(s) et celle de la date de la traduction, sont pour lheure un gage davenir.

    2.1.4. La lecture de Fibonacci

    Le troisime tmoin de la connaissance du livre dAb Kmil au Xll sicle est le Liber Abaci de Fibonacci (la premire dition est de 1202). Il est en effet hautement vraisemblable que ce dernier disposait dune traduction latine de VAlgbre dAb Kmil, peut-tre mme de lune de celles qui sont lorigine du manuscrit P.

    On peut en effet commencer par vrifier que Fibonacci a emprunt la partie du livre quAb Kmil consacre la thorie des quations, et elle seule, non moins dune cinquantaine de problmes, souvent identiquement et dans lordre. Beaucoup dautres problmes ont t emprunts la traduction latine du livre dal-Khwrizmi. Mais, si on compare le Liber Abaci la traduction conserve dans le manuscrit P, on constate quil ny a pas une correspondance textuelle formelle entre les deux. Il est vrai que Fibonacci a opt pour un style de rdaction bien diffrent : il regroupe la dmonstration algbrique et la dmonstration gomtrique dans un mme texte, alors quAb Kmil les exposait successivement. Dautre part, Fibonacci, auteur, reformule la traduction, en ajoutant un commentaire, et parfois dautres problmes que lui inspirent ceux quil a emprunts. Un fait significatif mrite cependant dtre considr : on a not quil manque la traduction latine un texte de quelques pages (dans ldition qui va suivre, 111 120). Ce texte correspond aux problmes 60, 61 et 62 dAb Kmil. Or ces trois problmes nont pas non plus t transmis au Liber Abaci. Fibonacci emprunte en effet, dans lordre et identiquement, les problmes ... 56, 57, 58, 59, 63, 64, 65, ... , ce quil naurait srement pas fait sil avait eu accs au texte arabe. Tout cela laisse penser que la traduction latine consulte par Fibonacci, ralise au xil sicle, ne contenait pas ces problmes, et quelle a t reprise (avec une autre) dans P. Cette fois encore la rponse ces questions doit attendre ldition critique du Liber Abaci.

    Toutes ces questions sans rponse nous empchent de remonter de la traduction latine au manuscrit arabe. Cette traduction peut cependant nous aider dans deux cas : les sauts du mme au mme dans le manuscrit arabe ; les omissions dun mot, ou plus, dans ce mme texte. Elle nous permet aussi disoler dventuels ajouts.

    Venons-en aux emprunts de Fibonacci VAlgbre dAb Kmil.

  • 18 Introduction

    Aprs la thorie des quations des deux premiers degrs et le calcul algbrique, Ab Kmil, lexemple dal-Khwrizmi, traite soixante-dix problmes quil ramne aux quations dj tudies. Dans le Liber Abaci, Fibonacci consacre son tour un chapitre cette mme tude, quil intitule : Expliciunt introductiones algbre et almuchabale. Incipiunt ques- tiones eiusdem . Ce chapitre occupe les pages 410 459 de ldition de Boncompagni de 1857. On savait depuis bien longtemps (cf. G. Libri, B. Boncompagni, G. Loria, parmi bien dautres) que lalgbre du Liber Abaci dpend de la traduction latine par Grard de Crmone de VAlgbre dal-Khwrizmi. On savait aussi quelle dpend galement de VAlgbre dAb Kmil. Ainsi, M. Levey a recens 29 problmes du Liber Abaci qui ont t emprunts Ab KmiF^. Javais signal dans une tude prcdente quil faudrait presque doubler ce nombre'^ '*.

    Ici, nous ne considrons pas tous les emprunts de Fibonacci Ab Kmil, mais nous nous bornons au seul chapitre voqu plus haut. Nous nenvisageons pas non plus limpact queut cet emprunt sur les mathmatiques de Fibonacci, ni comment ce dernier a prolong en latin les mathmatiques arabes. Notre but, cest dexaminer lauthenticit et la diffusion de luvre algbrique dAb Kmil. Nous allons voir que, sur 90 problmes quil traite, Fibonacci en a emprunt 58 Ab Kmil - 47 identiquement, 11 presque identiquement, cest--dire en modifiant la valeur des coefficients. Il a galement emprunt 21 problmes al-Khwrizm - 8 identiquement, 13 presque identiquement. Les 11 problmes qui restent des 90 problmes traits ont t conus selon le modle des problmes emprunts.

    The Algebra of Ab Kmil, in a Commentary by Mordecai Finzi, Hebrew Text, Translation, and Commentary with Spcial Reference to the Arabie Text by Martin Levey, Madison / Milwaukee / London, 1966, p. 217-220. Notons que L. C. Karpinski a soulign, dans son article de 1912, certains emprunts de Fibonacci Ab Kmil.

    R. Rashed, Fibonacci et le prolongement latin des mathmatiques arabes , Bollettino di Storia delle Scienze Matematiche, Anno XXIII, Numro 2, Dicembre 2003, Pisa-Roma, Istituti Editoriali e Poligrafici Intemaziolali, MMV, p. 55-73.

    Les crits mathmatiques dAb Kmil 19

    Fibonacci AbKmil P**

    Remarques

    x + y = 10

    x { l0 - x) =(410) Khwrizmi (144) id.

    2.x:-t-y = 10

    -^--7 = 1 + -x ( lO - x ) 2

    (ibid.) n 1 id.

    3.X -I- y = 10 (ibid.) n 2 id. Khwrizmi (146) id.2-t--U =100

    9.

    4.a:-h y = 10 10-a: 1

    X 3

    (ibid.) n 3 p.i. Khwrizmi (148) p.i.

    5.x + y = l2

    27{12-x) = x^(ibid.) n 4 p.i.

    6.jc-t-y = 10

    x^ + {\0 -x f =62 + ^(ibid.) Khwrizmi (152) p.i.

    7. \ - x - - x = x + 2A 3 4

    (411) Khwrizmi (154) id.

    j-t-y = 10X 10-.X - 1

    ---------- + ----------- = 3 - f -1 0 - j: X 3

    (412) Khwrizmi (162) p.i.

    9.x + y = l0 I f 6x3 U 0 -X

    (ibid.) Khwrizmi (164) p.i.-h6x = 39

    i o . ^ - ^ = - r 2 Ax+ 2 X V 2

    (413) n 10 p.i.

    X + 2 X(414) n 14 id.

  • 20 Introduction

    Fibonacci AbKmil P '^t

    Remarques

    12.30 20

    .X + 3 X- 4 (ibid.) n l l p.i.

    13. 20 60x + 3 X

    -2 6 (415) n 13 id.

    14. 10 40X X + 6

    {ibid.) n 15 id.

    15..x + >^ = 10 (1 0 -a:)' =32x

    {ibid.) n 27 id.

    16.xy = 36

    (10-Jc)(y + 3) = 36(415) n 16 id.

    17.x^-y = \2

    .x(12 - 4 +

    { \ 2 - x ) - x 2

    (416) Khwrizmi (172) p.i.

    18.X + y = 10

    X

    19.[j: + y = 10

    _L_ + loY 1^ 2l + lo] = 122 + -10-.r A JC J 3

    {ibid.) n 35 id.

    20.fx + >' = 10

    + loY 10 - i l = 107 + -10-X A x i 3

    (417) n 36 id.

    21.X + y = 10

    + _ L _ . n o U = 114X 10 - X

    (418) n32 p.i.

    22.X + y = 10

    X1 0 -x

    {ibid.) n 28 id.(x - (1 0 -x )) = 24

    Les crits mathmatiques dAbu Kmil 21

    Fibonacci Ab *^ P- Kmil P*-*

    Remarques

    23.X + y = 10

    X 1 0 -x 'i ...XI------- + -------- i = 34

    1 0 -x X

    (419) n 29 id.

    24.x + y = 10

    ; _ i ^ - l L |= 510-X X

    {ibid.) n 33 id.

    x + y = 10 25. J ;c

    + 1 0 -x = 5 + 1 0 -x 2

    {ibid.) n 24 id.

    26.x + y = 10

    1 0 -x J+ x l(10-x ) = 30

    (420) n 25 id.

    27. \x + y = 10 10-x (10-x) = 9

    {ibid.) n 26 id.

    28. x ^ -1 2 = X {ibid.)

    29. X 1X + 6 3

    {ibid.) Khwrizmi (170) p.i.

    30. f x - ix - 4 j - ^ |^ x - ^ x - 4 l = Vx {ibid.)

    ou

    31.3x| X - X I = X (421) n 20 id.

    32. 3x + 4Vx^-3x =20 {ibid.) n 19 id.

    33. 8x + loVx' -8 x = x" + 21 {ibid.) n 23 p.i.

  • 22 Introduction

    Fibonacci Ab RaP- Kmil P"*"*

    Remarques

    34. (4x)(5x) = + 48 (422) Khwrizmi (178) p.i.

    35. ^ = ^ 13 7

    (ibid.) Khwrizmi (174) p.i.

    36. ;c-(4;c^) = 20 (ibid.) Khwrizmi (176) id.

    37. x^ = lO 3

    {ibid.) Khwrizmi (176) id.

    38. ;c'- = 10 3 {ibid.)

    39. X = 3x^ {ibid.) Khwrizmi (176) id.

    {ibid.) Khwrizmi (182) id.

    (422) Khwrizmi (180) p.i.

    42. x'--(4x) = 7x^ (423) Khwrizmi (192) p.i.

    43. {ibid.)

    44. 3x ^= 4x {ibid.)

    45. x^ -3 x - 4x {ibid.) Khwrizmi (194) p.i.

    4 6 . .{ L ) = 5 {ibid.) Khwrizmi (192) id.

    47. - 6 ^ = 2x (423) Khwrizmi (180) p.i.

    48. 5^x - - j = X (424)

    Les crits mathmatiques dAbu Kmil 23

    Fibonacci AbKmilRapport Remarques

    49. problme de ngoce qui se ramne lquation 4x^ + 104:r =108

    50. ;-(a: + V) = 9x(426) n38 id.

    51. A(x + sI) = 20{ibid.) n38 p.i.

    52. ? - V ^ + 20 = a:^(427) n 39 id.

    53. jcV6-xV5+10jcH 2 0 = /n 40 id.

    54. x + y = l0

    x(10 - x ) _(428) n41 id.

    { l 0 - x ) - x

    55.x + y = l0

    { l 0 - x - ^ J s ^ = 40(429) n 42 id.

    56.jc + y = 10

    / = V-(lO-Jc)(430) n43 id.

    57.fx + }; = 10

    [(x' + 10)V5 = x"{ibid.) n 44 id.

    58.| / - x ^ = 5

    j-^lO / =x '{ibid.) n 45 id.

    59.| / - x ^ = 5

    j / V s = x 'V (431)

    60. x | c" + 2j = 30 (433) n 46 id.

    61.fx + y = 10

    ^ + - ^ = V 5[lO -x X

    (434) n 47 id.

  • 24 Introduction Les crits mathmatiques dAb Kmil 25

    Fibonacci

    62.x-\-y~\2

    12 - X 2 / \ 2+ 1----- I =4

    12 - X

    63.X + y = 10

    X_y _ f lO-x10- X

    fx + >^ = 1064. 10 10

    + ------- = 5X 10 -jf

    x + y = 1065. i X 10 -x

    10-a: X = 3

    66. { x ^ - l 2 x - 4 f =Sx^

    67. + =V2 U

    68. 2x + j ix ^ - J ix ^ = 2 0

    69. 2jc + J ^ x' + J j x ^ 1=20 (444)

    (438)

    (439)

    (440)

    (441)

    (442)

    (443)

    (ibid.)

    70. + 4x + J - x ^ + J - x ^ = 10 (ibid.)^'2 V 3

    Ab RaP- Kmil P*-*

    n48 p.i.

    Remarques

    n 50 id.

    n51 p.i.

    n 52 id.

    Khwrizmi (162) p.

    n 53 id.

    71. X +x| 1 +J 2 JJ

    = 5x' (ibid.)

    n 54 id.

    72. X + X 1 + = 20 (445)JJ

    73. (ibid.)

    n 55 id.

    n 56 id.

    n57 id.

    Fibonacci

    74. (x + V3)(x + V2) = 20

    75. (x + 7)V3x =10x

    AbKmil

    (ibid.) n 58 id.

    (ibid.) n 59 id.

    76. ^x + ^[x'j{3x + ^[3x^ - 30x (446)

    77. X + Vx + + = 10 (ibid.)

    78.

    x^ = / + z^ xz = yz = 10

    (447)

    79.

    x^ = / +xz = yX + y + Z = 10

    (448)

    80.X + )^ = 10x -2 V ^ = (1 0 -x ) + 2 V l0 -x

    (451)

    81.x + y = 10X + 2 '\ fx V x V l O X

    (454)

    82.X + y = 10

    ^ 10 ^1=^4U Jvio - xJ(ibid.)

    X + y = 1083. { 20 20

    (456)= 12 + -

    X 10-x 2

    84.x + y = 10

    2^Y 20X

    (457)

    10-x= 25

    n 63 id.

    n 64 id.

    n 65 id.

    n 66 id.

    n 67 id.

    n 68 id.

    n 68 id.

    n 68 p.i.

    Remarques

    Abu Kmil dmontre que, si X + y = a eta a , + = b, on X y

    ^ ^ - bX y

    (a une multiplication par 2)

  • 26 Introduction

    Fibonacci Ab ap- Kmil

    Remarques

    85.= (458) n 68 id.

    86.= (ibict.)

    V = 2 0 + l\ x lO -.v j 4

    n 69 id.

    87. = (Md.)

    T =30I x 1 0 - xJ

    n69 id.

    88. = (Md.)

    V = 625\ X \ 0 - xJ

    n 70 id.

    89. (ibid.)

    ( ^ ] ( , 0 - . ) = 2o 4

    90. (30)(30a:) = 30 + 30x

    application dun lemme tabli par Abu Kmil dans 68

    2.\.5.La traduction hbraque

    Il existe galement une traduction hbraque, plus complte que la traduction latine. Elle sarrte la page 105'' du manuscrit arabe existant ; il ne lui manque donc pour tre complte que les folios 106' 11 T, non traduits. Autrement dit, la diffrence de la traduction latine, elle comprend la majeure partie du chapitre sur lanalyse indtermine. Cest trs vraisemblablement en Espagne que le livre dAb Kmil a t traduit en hbreu ; cette traduction fut ensuite reprise en Italie par Mordekhay Finzi, avant 1475, date du dcs de ce dernier ; on peut dailleurs lire propos de lautographe de Finzi (Mantova, Biblioteca Communale, ms. Ebr. 17) :

    Finzi na pas traduit de larabe en hbreu le texte d Ab Kmil : il en a rvis et glos une version hbraque ; cette dernire a t ralise partir de deux sources : une source arabe et une source espagnole. Nous ne savons

    Les crits mathmatiques dAb Kmil 27

    rien du traducteur de la source arabe, si ce nest quil sagit sans doute dun juif hispanophone'^^.

    La premire partie de cette traduction hbraque a t rendue en allemand par Josef Weinberg'*^, puis a t dite par M. Levey partir du manuscrit hbraque (Mnchen 225) et rendue en anglais. Le chapitre sur lanalyse indtermine a lui aussi t traduit en anglais sans que le texte hbraque soit tabli'^ .^ Il en est de mme pour le chapitre sur le pentagone et le dcagone'^. La comparaison avec le texte arabe montre quil sagit bien du mme livre. Les carts semblent tre dus au choix du traducteur, et la diffrence entre le texte arabe traduit et le texte existant du livre dAb Kmil.

    Ce livre dAb Kmil a t amplement utilis, que ce soit en arabe ou en latin, comme lattestent les travaux dal-Karaji, dal-Samawal et de Fibonacci notamment.

    On trouvera ici Veditio princeps du livre dAlgbre dAb Kmil, ainsi que sa premire traduction intgrale.

    2.2. Sur les volatiles

    Tel est le titre quon peut lire dans la liste des travaux dAb Kmil tablie par al-Nadm. Cest ce mme titre que cite le mathmaticien du xiF sicle al-Samawal. Mais il nexiste aucun manuscrit ainsi intitul. Par chance, al-Samawal a emprunt ce livre un problme indtermin du premier degr : acheter pour cent dirhams cent volatiles de trois espces diffrentes - canards, pigeons et poulets, o un canard vaut deux dirhams, trois pigeons valent un dirham et deux poulets un dirham. Combien achte- t-on de chaque espce avec la somme donne ?

    Une fois nonc et rsolu ce problme, al-Samawal crit :

    T. Lvy, Lalgbre arabe dans les textes hbraques (II). Dans lItalie des xv et XVI' sicles, sources arabes et sources vernaculaires , Arabie Sciences and Philosophy, 17.1, 2007, p. 81-107, la p. 91.

    Josef Weinberg, Die Algebra des Ab Kmil Sog' ben Aslam, Mnchen, 1935.The Algebra of Ab Kmil (cit n. 43) ; P. Schub et M. Levey, Indeterminate

    Problems of Ab Kmil (850-930) , Atti dlia Accademia Nazionale dei Lincei, Memorie, Classe di scienze fisiche, matematiche e naturali, sri VIII, volume X, Fascicolo 2, Rome, 1970, p. 24-96.

    G. Sacerdote, Il trattato del pentagono e del decagono di Abu Kmil Shogia* ben Aslam ben Muhammed , dans Festschrift zum Achtzigsten Geburtstage Moriz Steinschneiders, Leipzig, 1896, p. 169-194 ; H. Suter, Die Abhandlung des Ab Kmil Shog' b. Aslam ber das Fnfeck und Zehneck , Bibliotheca mathematica, 3' srie, 9, 1908-9, p. 196-199.

  • 28 Introduction

    cest le second problme du Livre sur les volatiles dAbu Kmil

    Or il existe un crit attribu Ab Kmil, dont nous connaissons deux manuscrits, qui porte le titre Tarif al-hisb, rares en arithmtique. Mais ce titre ne figure sur aucune liste tablie par les anciens biobibliographes des travaux dAb Kmil. Dautre part, aucun auteur ancien nintitule ainsi un quelconque crit dAb Kmil. Il nen demeure pas moins que le second problme de ce livre est prcisment celui que cite al- Samawal comme le second problme de Kitb al-Tayr, Le livre sur les volatiles. Il ny a donc aucun doute : ce dernier titre a t remplac au cours de lhistoire du texte par Tarif al-hisb. Dsormais nous restituons son vrai titre au livre dAb Kmil.

    Dans ce trait, Ab Kmil poursuit en quelque sorte ce mme projet engag dans certains chapitres de son livre dAlgbre. Ici aussi, il entend algbriser un problme pos par les arithmticiens aussi bien que les procds quils ont mis en uvre pour le rsoudre. Cette algbrisation a men Ab Kmil dcouvrir un nouveau domaine en analyse indtermine : la rsolution des problmes indtermins du premier degr non pas en nombres rationnels, mais en nombres entiers. Il tudie en effet des systmes de deux quations indtermines du premier degr en n = 3, 4, 5 variables. Cette recherche a t initialement provoque par un problme de ce type ayant 2678 solutions entires. En algbrisant ainsi ces problmes et leurs procds de solution, Ab Kmil leur permettait daccder un statut de gnralit quils navaient connu jusque-l dans aucune tradition mathmatique, transformant de ce fait les pratiques des arithmticiens en une science apodictique.

    Cet crit dAb Kmil nous est parvenu en deux manuscrits :1. Leiden Or. 199 (6), folios 50'' 58L (not A - l)^ , sous le titre

    apocryphe.Le copiste de cette collection, un certain Mas'd ibn Muhammad ibn

    'Ali, a marqu deux dates, 615/1218 et 608/1211. Selon toute vraisemblance, la premire date - 1218 - est celle de lachvement de la transcription de la collection. Celle-ci est en 102 feuillets, dune seule main, et lcriture est naskhi ordinaire. Chaque page mesure 18x15 cm et comporte 17 lignes de 13 mots environ chacune.

    Al-Bhir, p. 229-230. Voir Appendice.Je tiens remercier le Professeur Jan Witkam qui a bien voulu menvoyer une

    copie de ce manuscrit et me communiquer les lments de son histoire.

    Les crits mathmatiques dAbu Kmil 29

    Le manuscrit tait entre les mains dun certain Ab Ysuf ibn Muhammad ibn Mahmd ibn al-Khalil en 777/1375. Il a ensuite appartenu lastronome Muhammad al-Miqti de la Grande Mosque Beyazit Istanbul en 940/1533. Le mathmaticien et orientaliste Golius la achet entre 1625 et 1629, vraisemblablement lors de son sjour dans cette ville. Sur la premire page de ce manuscrit figurent les titres des treize traits que comporte la collection. Quatre dentre eux se succdent dans cet ordre :

    1 Problmes en algbre et al-muqbala (anonyme) {Masil al-jabr wa-al-muqbala)

    2 d Ab Kmil {Tard'if al- hisb)

    3 Les problmes arithmtiques d Ab Zayd al-Frisi {al-Mas'il al- hisbiyya li-Ab Zayd al-Fris)

    4 Commentaire des difficults de certains postulats d Euclide par al- Khayym {Sharh m ashkala min musdart Uqlidis li-Abi al-Fath al-Khayym)

    Ces quatre titres ont t nots sur la premire page, dune main diffrente de celle du copiste et de celles des diffrents propritaires. Peut-tre sagit-il de lcriture dun marchand de manuscrits. Quoi quil en soit, il se trompe lorsquil dsigne Ab Kmil comme al-Basr (de Bassorah) au lieu dal-Misri (dgypte).

    2. Bibliothque Nationale de France, fonds arabe n 4946, folios 3''-16" (not B - t_j)

    Cette collection comprend huit manuscrits dont les quatre prcdemment cits de A, et dans le mme ordre. Tous ces traits mathmatiques sont de la mme main et transcrits sur du papier de la mme fabrication, lencre noire, en criture naskhi ordinaire. La collection comporte 87 feuillets (17 x 12 cm), le texte occupe 1 1 x 7 cm. Chaque page est de 15 lignes dont chacune comprend 12 mots environ. Cette collection a t acquise par la Bibliothque Nationale entre 1884 et 1924. Elle ne porte aucune date et rien nindique le lieu de sa transcription. On conjecture quelle a t constitue au seizime sicle environ.

    Dans cette collection, le trait dAb Kmil est sans titre. Or, lors de ldition du trait dal-Khayym appartenant A et B, nous avons pu montrer que B a t copi sur A, et sur A uniquement*. Pour le texte dal- Khayym, le manuscrit B comporte, par rapport A, vingt variantes dont aucune nest distinctive ; bien au contraire ; on peut aisment montrer que toutes sont des erreurs de copie. La collation du texte dAb Kmil, comme

    51 R. Rashed et B. Vahabzadeh, Al-Khayym mathmaticien, Paris, 1999.

  • 30 Introduction

    celle des autres textes communs A et B, confirme cette conclusion. On verra dans lapparat critique de notre dition du trait dAb Kmil que les erreurs mathmatiques, linguistiques etc., dans A, ont t reproduites dans B, et quaucune erreur propre B ne figure dans A. La seule diffrence distinctive est labsence du titre du trait dans B, alors quon le lit dans A. Or nous savons que ce titre est apocryphe. A-t-il t crit aprs la transcription de B sur A ? et donc relativement tard ? (on a limpression quil a t crit dune autre main). Cest la seule conjecture qui nous paraisse vraisemblable dans ltat actuel de notre connaissance.

    De ce texte, on a cru pouvoir affirmer quil existait une traduction hbraque, par Finzi. Rcemment, T. Lvy a pu montrer quil nen est rien^ .^ En 1910, H. Suter^ ^a donn une traduction allemande du manuscrit A, sans en effectuer une dition pralable. Cette traduction, directement partir du manuscrit, est parfois bien libre, mais le commentaire que Suter donne du texte est intressant. Plus rcemment, A. S. Saidan^ "^ a publi une reproduction photographique du manuscrit A du texte dAb Kmil, avec une trs brve introduction et un commentaire. S. Chalhoub a ensuite donn une transcription du manuscrit sous le titre Tarif al-hisb^^. Nous donnons ici une dition critique de ce trait, ainsi quune traduction que nous voulons rigoureuse.

    23. La mensuration des terrains

    Ce livre est sans doute celui qui figure dans la liste dal-Nadim sous le titre La mensuration et la gomtrie. Tout indique quil est destin aux mtreurs (cest--dire aux artisans) et aux dbutants. Ab Kmil leur enseigne comment rsoudre les problmes de mensuration laide de lalgbre. Il sagit en quelque sorte dune extension du chapitre de lalgbre dal- Khwrizmi intitul Problmes de mensuration , et dun approfondissement de celui-ci. Notons dautre part que La mensuration et la gomtrie sinscrit dans un genre littraire qui connatra une vogue grandissante : les livres composs par les grands mathmaticiens lintention des artisans et des dbutants, o on expose les rgles, mais sans les dmonstrations.

    T. Lvy, Lalgbre arabe dans les textes hbraques , p. 89, n. 23 ; et 97 sqq. H. Suter, Das Buch der Seltenheiten der Rechenkunst von Ab Kmil el-

    Misri , Bibliotheca mathematica, 3" srie, 11, 1910/11, p. 100-120.A. S. Saidan, Tar 'if al-hisb li-Abi Kmil Shuj' ibn Aslam al-Misri ,

    Majallat Ma 'had al-Makhttt, 9, 1923, p. 291-320.Dans Journal forthe History o f Arabie Science, vol. 12, n 1-2, p. 237-264.

    Les crits mathmatiques dAb Kmil 31

    coutons ce quAbu Kmil lui-mme crit ce propos^^ :

    JUalj ^ L^ji.4 L

    I tjjt ^ IA ^ il tqrwia-Jkl

    l^ J *4 CLijl l ^ j j l ijlJl j l j J >.L-Jtl * -jl l-

    ^ i^L.^1 jJy: L viU j Cr*jk.i J U >J Ij

    .iJuJl_j ^LJklj j l f t j l j . liLi 'ilJ d i j u 'il

    Cr*

    Sil sagit de connatre le calcul des terrains, il ne convient pas dtablir la dmonstration de ce que j y inscris comme je lai tablie dans beaucoup dautres de mes livres. Si en effet j avais tabli la dmonstration de ce que j en expose, j y aurais joint beaucoup de ce qui se trouve dans Euclide, et le livre aurait t allong et difficile daccs ceux qui veulent apprendre, tant donn que j ai compos ce livre pour les dbutants, pour quils abordent cet art, et pour ceux qui dsirent lapprendre. Je vais relater ce que je dcris propos de la mesure, simplement relater. Celui qui sen tient aux procds que je relate et prend le chemin que j indique, parvient la vraie rponse, se sauve de lerreur et se garde des mprises, et il lui sera ais de connatre la dmonstration. Sil veut la dmonstration ce propos, et au sujet de ce qui ressort du calcul des problmes de gomtrie, de la mesure et des nombres, et dautres, il lui faut examiner le livre dEuclide, car celui-ci la parfaitement matrise et la construite aussi solidement que possible, selon un ordre vrai, un arrangement rgulier, une belle conception et un discours dmonstratif. Sil comprend ce quil renferme et le saisit vritablement, de sorte quil nprouve pas dincertitude, ne ressente aucun doute et soit exempt de toute impuret, il saura tablir la dmonstration en gomtrie, en mesure et en nombre, et en dautres parmi tous les arts.

    On notera que les lments dEuclide se prsentent dsormais comme le livre de rfrence et aussi comme le modle de rdaction dans les diffrentes branches des mathmatiques.

    Bb Mishat al-aradin, ms. Thran, Majlis San, n 2672, fol. 189-217. La copie a t acheve le lundi 8 Dh al-qa'da 758, cest--dire le 23 octobre 1357, en criture naskhi.

  • P rem ire Partie

  • CHAPITRE I

    LA THORIE DES QUATIONS ET LA DMONSTRATION DES ALGORITHMES

    Dans le prambule son livre, on la soulign, Ab Kmil dclare sans ambigut qual-Khwrizmi non seulement a invent lalgbre, mais quil a donn un modle de rdaction dun trait de cette discipline. Un livre dalgbre devrait donc voir se succder les chapitres suivants : la thorie des quations ; le calcul algbrique ; ltude des problmes que lon peut rsoudre par la thorie des quations et au moyen de ce calcul ; et, ensuite, la solution des problmes de gomtrie plane laide de lalgbre, etc.

    Ab Kmil propose donc dans son livre de marcher sur les pas de son prdcesseur, mais en allant plus loin dans chacun de ces chapitres : en enrichissant les matriaux, en explicitant les ides, en consolidant les fondements ainsi que les structures dmonstratives. En thorie des quations, la traduction concrte de ce programme consiste pour lessentiel fonder cette thorie sur des bases gomtriques solides, ce qui implique de dmontrer les algorithmes de solution.

    Tout conune son prdcesseur, Abu Kmil commence par dfinir les concepts primitifs ncessaires une thorie des quations des deux premiers degrs seulement, celles quil savait rsoudre par radicaux. Ces termes primitifs sont : le nombre, linconnue appele aussi : racine, ou chose ; son carr : mal. Ab Kmil sarrte ces trois espces pour la raison indique, alors que dans son livre il a recours dautres puissances de linconnue - jusqu la huitime -, au cours de son tude des quations de degr suprieur qui se ramnent au second degr. Cest la combinaison de ces termes primitifs, sous la condition que lquation ne contienne que des expressions strictement positives et sans que soit admise lgalit zro, qui donne une classification a priori des quations. On a donc les six quations suivantes ;

    ax^ = bx, ax^ = c, bx = c ax^ +bx - c , ax^ + c = bx, d = bx + c.

    Selon al-Khwrizmi, lide fondatrice de lalgbre, comme on la vu ailleurs, est celle dune discipline la fois apodictique et algorithmique. Cest cette double nature qui impose que les algorithmes soient dmontrs.

  • 36 Chapitre I

    Il ne suffit donc pas, comme dans une ancienne mathmatique, de vrifier l algorithme en montrant quil est satisfait pour certaines valeurs de linconnue, mais il faut tablir par des dductions contraignantes que lalgorithme permet de dterminer linconnue dune manire universelle pour une certaine classe de problme. Il ne suffit pas non plus de contrler chaque pas de lalgorithme par le suivant : il faut dmontrer lalgorithme laide dun langage mathmatique autre que celui dans lequel il est crit. Avec cette exigence, rptons-le, al-Khwrizmi rompt avec les traditions mathmatiques anciennes, comme il se distingue galement de ses contemporains. La dmonstration ainsi mise en uvre dans la nouvelle discipline est celle dite par la cause , bi-al-'illa, cest--dire la demonstratio potissima : cest la dmonstration gomtrique'.

    Cette dmonstration par la cause consiste driver lalgorithme des relations gomtriques tablies entre les lments dune figure intentionnellement construite pour traduire gomtriquement les termes primitifs de lalgbre ainsi que les relations qui les unissent et que lquation dcrit. Or, cette dmonstration gomtrique repose, dans le cas des quations quadratiques, sur une traduction elle-mme gomtrique des quivalences suivantes :

    ^px = q< F^\x^^

    x^+ q = p x ^ \ x - ^ - q

    x ^ ^ p x + q < ; : ^ \x - ^ = [ \ +q.

    Les successeurs dal-Khwrizmi ont parfaitement saisi la nouveaut du projet et les points de rupture avec les traditions. Ltude des quations ne consiste nullement en une application des algorithmes de solution. Il faut difier une vritable thorie, et par consquent commencer par classer a priori les quations, laide dune combinatoire des termes primitifs, pour ensuite dmontrer - et non pas seulement justifier - les algorithmes de solution.

    Voir plus loin Chapitre VII.

    Thorie des quations 37

    Les successeurs immdiats dal-Khwrizmi se sont donc appliqus consolider les dmonstrations. Les uns, comme Ibn Turk^, tout en procdant comme al-Khwrizmi laide de la gomtrie plane, sefforaient de resserrer la structure logique de la dmonstration par un recours au raisonnement par labsurde. Les autres, comme Thbit ibn Qurra^, montrent lquivalence pour les quations quadratiques entre les dmonstrations des algorithmes par al-Khwrizmi et les propositions II.5 et II.6 des lments. En mme temps quIbn Qurra, si ce nest avant lui, Ab Kmil non seulement a eu recours aux lments dEuclide, mais il sest efforc de multiplier les dmonstrations. Ainsi, une fois dmontr un algorithme laide de ces propositions dEuclide, il en donne une seconde dmonstration, en recourant cette fois au calcul gomtrique sur les segments et sur les aires planes. Il lui arrive dajouter, comme pour lalgorithme de lquation

    =bx + c, une troisime dmonstration gomtrique. Plus encore, aprs avoir donn un algorithme pour chaque quation afin de trouver directement le carr de linconnue, il le dmontre gomtriquement.

    Ab Kmil ne se rfre pas seulement au second livre des lments, mais dautres livres, comme le sixime o Euclide utilise la mthode de lapplication des aires. Or ce recours explicite aux lments de la part de Thbit ibn Qurra, dAb Kmil et peut-tre dautres successeurs directs dal-Khwrizmi, est bien dans la logique de ce dernier. Al-Khwrizmi en effet, on la montr'*, non seulement connaissait les lments, mais la connaissance quil en avait tait essentielle sa conception dune science mathmatique. Ainsi, en recourant explicitement aux lments et en exigeant, la suite dal-Khwrizmi, une demonstratio potissima, Thbit ibn Qurra et Ab Kmil ont chacun sa faon renforc la primaut de la gomtrie et fond cette algbre gomtrique , que certains historiens depuis Zeuthen ont cru, tort, pouvoir trouver dj chez Euclide et Apollonius, entre autres.

    Pour rsumer, al-Khwrizmi et ses successeurs, dont Ab Kmil, savaient parfaitement que le problme de la division dun segment de droite donn, sous une condition exprime par lgalit de deux aires, conduit une quation du second degr.

    Avec Ab Kmil, on sait en outre :

    ^Al-Darrt f i al-muqtarint min Kitb al-jabr wa-al-muqbala, d. A. Sayili dans Logical Necessities in Mixed Equations by 'Abd al-Hamd ibn Turk and the Algebra of his Time, Ank