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Djinn meraie. Une vieille porte grince, pendant que les feuilles du palmier s’agi- tent. Retour dans le désert, le bolide à démarré et plane sur les traces de pneus. Dans la palmeraie, on ne voit plus que le vent qui souffle dans la végéta- tion, une femme passe vite avec des seaux pleins, le sacrifice se prépare… » (Notes de mon- tage par Katya Bonnenfant) –––––––– Christian Merlhiot est cinéaste. Il enseigne à l’École nationale des beaux-arts de Bourges et l’École Camondo à Paris, collabore à la Lettre du cinéma et organise, avec Pascale Cassagnau et Vincent Dieutre, les soirées pointligneplan. –– 1 –– –– 2 –– –– 9 –– –– 7 –– –– 8 –– –– 10 –– –– 11 –– –– 12 –– –– 13 –– –– 14 –– Conception graphique : Gilles Seegmuller Centre national des arts plastiques DAP , 27 avenue de l’Opéra 75001 Paris ––––––––– Groupe de recherches et d’essais cinématographiques, 14 rue Alexandre Parodi 75010 Paris ––––––––– Palais de Tokyo 2 rue de la Manutention 75 116 Paris 01 47 23 54 01 www.palaisdetokyo.com ––––––––– École nationale des beaux-arts de Bourges BP 297, 7 rue E. Branly 18006 Bourges Cedex 02 48 69 78 78 www.enba-bourges.org ––––––––– [email protected] « – Comment concevez-vous le travail de groupe ? – On ne le conçoit pas : on n’y arrive pas ! Il vient for- cément un moment où le travail collectif doit être pris en charge par un seul. » L e collectif est une utopie, un non-lieu, le cinéma le sait depuis longtemps pour avoir souvent prospecté ce ver- sant-là de la création. Jean-Luc Godard rappelait cette réalité en 1970 dans un entretien consacré au groupe Dziga Vertov : (le travail de groupe) « On ne le conçoit pas: on n’y arrive pas ». Il y a cette fatalité bien sûr « on n’y arrive pas », mais avant il y a un fait : si le travail de groupe n’est pas pensé dans son espace propre, « on n’y arrive pas ». Les films, pour leur part, font la preuve que quelque chose ne se résigne jamais tout à fait à l’in- existence du collectif, quelque chose qui sur- passe la division et s’in- filtre dans l’histoire : Vent d’Est, Prav da, Vladimir et Rosa pour Dziga Vertov, de nom- breux autres aussi, par exemple L’olivier, film et document politique du collectif Cinéma Vincennes qui s’at- tache à l’identité palestinienne au début des années 70 (voir le très bel entretien du collectif dans le n° 264 des Cahiers du cinéma, 1976). Comment regarder ces films ? À quoi les com- parer? Et que cherche-t-on, au juste, en s’engageant dans cette aventure aujourd’hui ? À l’évidence, on ne cherche pas à découvrir de nouvelles formes, on cherche des rapports nouveaux. No- tre collectif est un labo- ratoire, un lieu de ques- tionnement, un lieu qu’aucune résolution ne contient pleinement. Parmi les questions qui le traverse, la première est celle de sa légiti mité: d’où vient une œuvre collective et quel rapport entretient-elle avec l’en- semble de ses partici- pants (où bien sommes- nous les membres d’un collectif sans nom) ? Deux expériences ré- centes m’ont amenées à considérer ces ques tions, deux expériences de voyage en compagnie d’un groupe d’ar- tistes. Être « ailleurs » consti- tuait notre espace de travail pour un film collectif : être « ailleurs », un espace mouvant, un état plutôt. Le premier voyage, à l’initiative d’Ange Leccia, préfigurait l’activité du Pavillon, l’unité pédagogique du Palais de Tokyo. Il s’est déroulé à travers les déserts marocains et jusqu’à la mer, pen- dant quinze jours, en mars dernier. Le second, destiné à un groupe d’étudiants de l’École nationale des beaux-arts de Bourges, emprun- tait les traces d’un voyage d’étude d’une semaine dans les métropoles japonaises. Dans les deux cas, l’idée d’un film collectif préexistait au départ sans qu’au- cun contour ne soit défini pour le projet sous la forme d’un scénario, d’un dispositif commun ou d’une répartition du travail. Il était entendu que chacun soit autonome pour tour- ner des images ou enregistrer des sons et que les lieux traversés, une durée identique et un même déroulement général du voyage nous étaient donnés comme base d’expérience commune. Dans les deux cas, notre dépay- sement total a alimenté une disponibilité unique à l’égard du projet dont les enjeux se sont peu à peu précisés sous la forme de questions nouvelles : Qu’est-ce que ce film à venir? Comment travailler ensemble, quoi tourner et comment faire de notre espace commun un lieu collectif ? Comment l’expé- rience du voyage peut-elle générer une tension entre des images issues de regards distincts. Comment ne pas laisser reposer sur le seul montage tout le travail d’organisation du film ? Quelles résolutions rem p lacent pour nous la trame nar- rative, le scénario ? Com- ment penser un projet disponible à l’expérience de chacun ? Quelle est la topographie de notre col- lectif, quelle carte en tra- cer ? Quel rapport avec un scénario ? De quel espace conceptuel s’agit-il ? En référence à quelles œu- vres penser notre film collec tif? Le cinéma est- il pour nous un modèle ? Autant avouer tout de suite que ces questions sont restées latente pendant un moment. Elles n’ont pu être for- mulées qu’à l’issue du voyage et des discussions qui l’ont jalonné. Elles n’ont pu apparaître clairement enfin que dans un moment particulier, une sorte de vide, d’ab- sence entre le tournage et le montage. S’il n’émane pas d’un lieu collectif à l’image des films, ce texte n’en est donc pas moins rede- vable à l’ensemble des participants. De ces questions j’en retiendrai deux. La première est celle du lieu où s’enracine une œuvre collective, l’espace relationnel et conceptuel à reconstruire sans cesse pour accéder au collectif, cet espace qui, non défini, annule toute possibilité de travail : « on ne le conçoit pas: on n’y arrive pas ». La seconde question est celle du modèle : en référence à quelles œuvres penser un film col- lectif et notamment, comment une expérience particulière peut-elle générer sa mé- thode de travail propre. Qu’un film soit le fruit de deux artistes, de leurs expériences, de leurs désirs, bref qu’une entité autre que singu- lière génère un projet, le cinéma en atteste sans peine : les films de Straub-Huillet, pour ne prendre qu’un exemple, relè- vent de cette catégorie. Le pas- sage d’un à deux se fait d’ailleurs sans aucune plus value, le projet artistique ne subit pas d’accroissement, le couple constitue une entité comme un seul homme, s’exprimant d’une seule et même voix. Leurs films pourtant attestent essentiellement de ceci : tout autour il y a deux personnes distinctes, au seuil, à la péri- phérie de chaque film il y a deux, mais à l’endroit de l’œuvre, des images, de leur discours, c’est un lieu unique, ni nous ni je, la relation de l’un à l’autre, le trait d’union. Ce trait d’union inaugure une idée du collectif avec quoi notre travail tente de dialoguer, il délimite le territoire d’un énoncé qui prend corps dans le film. Un espace apparaît, issu d’un milieu où rien ne préexiste qui ne soit de même nature. Quelque chose s’invente dans le collectif que les œuvres peuvent ignorer mais qu’elles manifes- tent : la nature d’une re- lation. Faire un film col- lectif commence donc naturellement par une question : que faisons- nous ensemble ? Non pas ce que chacun d’entre nous vient faire ici mais comment être ensemble et inscrire cet état dans le travail? Or, si chacun de nous avait voyagé librement avant cette expérience, per- sonne ne pouvait d’emblée proposer une méthode de travail qui opère ce lien. Chacun a donc tourné seul, au début, et chacun s’est arrêté, à un moment donné, devant une impossibilité. Quel - que chose résistait que l’absence d’images pendant un jour ou deux a presque systématiquement révélé. Se tenir en éveil et ne plus rien enregistrer… Parler de cet état, ne plus filmer, se mettre en attente. C’est peut-être à ce moment que notre laboratoire à commencer à fonction- ner réellement, devant cet échec à faire en - semble ce que l’on pou- vait très bien faire seul, devant l’inquiétude aussi à n’avoir aucune ques- tion à traiter, ces ques- tions politiques autour de quoi se sont fondés le plus souvent les collectifs de cinéastes. Nous n’avions pas de sujet pour reléguer à l’arrière-plan notre expérience du collectif. Où plu- tôt notre sujet était là depuis longtemps, c’était le collectif. Tous les sujets pouvaient entrer dans notre film mais par la porte du collectif. Après les discussions des premiers jours les choses ont commencé à changer, après les premiers visionnements les cho ses ont commencé à changer. Peut-être ces moments de travail partagé ont-ils simplement dévoiler une évidence : s’il existe, notre collectif n’est pas un juste milieu ou une forme apaisée et propre à la satisfaction générale. C’est un moment de contradictions, d’oppo- sitions, de conflits, de tensions, c’est notre état de guerre. S’il existe, notre collectif est un état, pas un lieu dont le film réussirait à franchir ou non la lisière, c’est un chemin, une trajectoire. A l’image de cette destination sus- pendue, notre « destinérance » pour reprendre le très beau terme de Jacques Derrida, on pouvait commencer à se repré- senter le film : complexe et fluide, fait de mobilité, une galaxie en pleine expansion où chacun trouverait sa trajec- toire et son orbite par rapport au noyau en fusion, l’utopie, le collectif, dont on comprenait que le film le contiendrait comme sa propre trajec- toire et qu’il lui serait consubstantiel. Cette nouvelle réalité de travail joignait indi viduel et collectif dans leur oppo- sition cons titutive et redessinait du même coup toute la topogra- phie du voyage. Il avait fallu s’expatrier pour faire ces films et chaque film serait lui- même un dépays, tissant sa toile de systèmes, de réseaux et de flux. L’idée du montage prenait corps dans ces modèles de l’astronomie et d’internet : une galaxie composée de noyaux ultra denses et d’images satellisées, que le spectateur attein- drait par des flux dérivants, des courants d’images, de cou- leurs et de rythmes. S’il en restait des traces, l’histoire elle- même res sor tirait à la science-fic tion. Quel autre voyage, en effet, nous promet d’atteindre un monde qui n’existe pas et nous en montre pour- tant la route ? « Dans le désert, l’an- tenne radio de la voiture vibre. C’est la fin de l’après midi. Comme un espion, on voit Ibrahim portant Luckie morte dans le dédale de la pal- Djinn Djinn Science-fiction collectif Le Centre national des arts plastiques (DAP) et le Groupe de recherches et d’essais cinématographiques vous convient à la soirée : Science-fiction collectif vendredi 29 juin 2001 à 20 heures 30 salle Jean Renoir, La fémis 6 rue Francœur 75018 Paris –––––––––––––––– Djinn, film collectif, 2001 Le Pavillon, unité pédagogique du Palais de Tokyo –––––––––––––––– Sun Slide, film collectif, 2001, 21 mn Ecole nationale des beaux-arts de Bourges –––––––––––––––– Projection organisée en partenariat avec La Femis Invitation pointligneplan Djinn Djinn Djinn Djinn Djinn Sun Slide, photomontage Prise de vue : Alexandre Chevalier Djinn Djinn Djinn Djinn Djinn Djinn Science-fiction collectif CHRISTIAN MERLHIOT

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Djinn

meraie. Une vieille portegrince, pendant que lesfeuilles du palmier s’agi-tent. Retour dans ledésert, le bolide à démarréet plane sur les traces depneus. Dans la palmeraie,on ne voit plus que le ventqui souffle dans la végéta-tion, une femme passe vite

avec des seaux pleins, le sacrifice se prépare… » (Notes de mon-tage par Katya Bonnenfant)––––––––Christian Merlhiot est cinéaste. Il enseigne à l’École nationale des beaux-arts deBourges et l’École Camondo à Paris, collabore à la Lettre du cinéma et organise, avecPascale Cassagnau et Vincent Dieutre, les soirées pointligneplan.

–– 1 –– –– 2 ––

–– 9 –––– 7 –– –– 8 –– –– 10 ––

–– 11 –– –– 12 –– –– 13 –– –– 14 ––

Conception graphique: Gilles Seegmuller

Centre national des arts plastiques DAP, 27 avenue de l’Opéra 75001 Paris

–––––––––Groupe de recherches et d’essais cinématographiques,

14 rue Alexandre Parodi 75010 Paris–––––––––

Palais de Tokyo 2 rue de la Manutention 75 116 Paris 01 47 23 54 01

www.palaisdetokyo.com–––––––––

École nationale des beaux-arts de BourgesBP 297, 7 rue E. Branly 18006 Bourges Cedex02 48 69 78 78 www.enba-bourges.org

–––––––––[email protected]

« – Comment concevez-vous le travail de groupe ?– On ne le conçoit pas : on n’y arrive pas ! Il vient for-cément un moment où le travail collectif doit être prisen charge par un seul. »

Le collectif est une utopie, un non-lieu, le cinéma le saitdepuis longtemps pour avoir souvent prospecté ce ver-

sant-là de la création. Jean-Luc Godard rappelait cette réalitéen 1970 dans un entretien consacré au groupe Dziga Vertov :(le travail de groupe) « On ne le conçoit pas : on n’y arrive pas ».

Il y a cette fatalité biensûr « on n’y arrive pas »,mais avant il y a un fait :si le travail de groupen’est pas pensé dans sonespace propre, « on n’yarrive pas ». Les films,pour leur part, font lapreuve que quelque

chose ne se résignejamais tout à fait à l’in-existence du collectif,quelque chose qui sur-passe la division et s’in-filtre dans l’histoire :Vent d’Est, Prav da,Vladimir et Rosa pourDziga Vertov, de nom-breux autres aussi, parexemple L’olivier, film et

document politique du collectif Cinéma Vincennes qui s’at-tache à l’identité palestinienne au début des années 70 (voirle très bel entretien du collectif dans le n° 264 des Cahiers ducinéma, 1976). Comment regarder ces films ? À quoi les com-parer ? Et que cherche-t-on, au juste, en s’engageant danscette aventure aujourd’hui ? À l’évidence, on ne cherche pas à découvrir de nouvelles

formes, on cherche desrapports nouveaux. No -tre collectif est un labo-ratoire, un lieu de ques-tionnement, un lieuqu’aucune résolution necontient pleinement.Parmi les questions quile traverse, la premièreest celle de sa légiti mité :

d’où vient une œuvrecollective et quel rapportentretient-elle avec l’en-semble de ses partici-pants (où bien sommes-nous les membres d’uncollectif sans nom) ? Deux expériences ré -centes m’ont amenées àconsidérer ces

ques tions, deux expériences de voyage encompagnie d’un groupe d’ar-tistes. Être « ailleurs » consti-tuait notre espace de travailpour un film collectif : être

« ailleurs », un espace mouvant, un état plutôt. Le premiervoyage, à l’initiative d’Ange Leccia, préfigurait l’activité duPavillon, l’unité pédagogique du Palais de Tokyo. Il s’estdéroulé à travers les déserts marocains et jusqu’à la mer, pen-dant quinze jours, en mars dernier. Le second,destiné à un groupe d’étudiants de l’Écolenationale des beaux-arts de Bourges, emprun-tait les traces d’un voyage d’étude d’une semainedans les métropoles japonaises. Dans les deuxcas, l’idée d’un film collectif préexistait au départ sans qu’au-cun contour ne soit défini pour le projet sous la forme d’unscénario, d’un dispositif commun ou d’une répartition dutravail. Il était entendu que chacun soit autonome pour tour-

ner des images ou enregistrer dessons et que les lieux traversés, unedurée identique et un même

déroulement général du voyage nous étaient donnés commebase d’expérience commune. Dans les deux cas, notre dépay-sement total a alimenté une disponibilité unique à l’égard duprojet dont les enjeux se sont peu à peu précisés sous la formede questions nouvelles : Qu’est-ce que ce film à venir ?Comment travailler ensemble, quoi tourner et comment fairede notre espace commun un lieu collectif ? Comment l’expé-rience du voyage peut-elle générer une tension entre desimages issues de regards distincts. Comment ne pas laisserreposer sur le seul montage tout le travail d’organisation dufilm? Quelles résolutions rem placent pour nous la trame nar-

rative, le scénario ? Com -ment penser un projetdisponible à l’expériencede chacun? Quelle est latopographie de notre col-lectif, quelle carte en tra-cer ? Quel rapport avec unscénario? De quel espaceconceptuel s’agit-il ? Enréférence à quelles œu -vres penser notre filmcollec tif ? Le cinéma est-il pour nous un modèle ?

Autant avouertout de suite queces questions sontrestées latente pendant un moment. Elles n’ont pu être for-mulées qu’à l’issue du voyage et des discussions qui l’ontjalonné. Elles n’ont pu apparaître clairement enfin que dans

un moment particulier,une sorte de vide, d’ab-sence entre le tournageet le montage. S’iln’émane pas d’un lieucollectif à l’image desfilms, ce texte n’en estdonc pas moins rede-vable à l’ensemble desparticipants.De ces questions j’en

retiendrai deux. La première est celle du lieu où s’enracineune œuvre collective, l’espace relationnel et conceptuel à

reconstruire sans cesse pour accéder au collectif, cet espacequi, non défini, annule toute possibilité de travail : « on ne leconçoit pas : on n’y arrive pas ». La seconde question est celledu modèle : en référence à quelles œuvres penser un film col-lectif et notamment, comment une expérience particulièrepeut-elle générer sa mé -thode de travail propre.Qu’un film soit le

fruit de deux artistes, deleurs expériences, deleurs désirs, bref qu’uneentité autre que singu-lière génère un projet, lecinéma en atteste sanspeine : les films de

Straub-Huillet, pour neprendre qu’un exemple, relè-vent de cette catégorie. Le pas-sage d’un à deux se faitd’ailleurs sans aucune plusvalue, le projet artistique nesubit pas d’accroissement, le couple constitue une entitécomme un seul homme, s’exprimant d’une seule et mêmevoix. Leurs films pourtant attestent essentiellement de ceci :tout autour il y a deux personnes distinctes, au seuil, à la péri-phérie de chaque film il y a deux, mais à l’endroit de l’œuvre,des images, de leur discours, c’est un lieu unique, ni nous nije, la relation de l’un à l’autre, le trait d’union. Ce traitd’union inaugure une idée du collectif avec quoi notre travailtente de dialoguer, il délimite le territoire d’un énoncé quiprend corps dans le film. Un espace apparaît, issu d’un milieu

où rien ne préexiste quine soit de même nature.Quelque chose s’inventedans le collectif que lesœuvres peuvent ignorermais qu’elles manifes-tent : la nature d’une re -lation. Faire un film col-lectif commence donc

naturellement par unequestion : que faisons-nous ensemble ? Nonpas ce que chacund’entre nous vient faireici mais comment êtreensemble et inscrire cetétat dans le travail ? Or,si chacun de nous avaitvoyagé librement avantcette expérience, per-sonne ne pouvait d’emblée proposer une méthode de travailqui opère ce lien. Chacun a donc tourné seul, au début, et chacun s’est

arrêté, à un moment donné, devant une impossibilité. Quel -que chose résistait que l’absence d’images pendant un jour oudeux a presque systématiquement révélé. Se tenir en éveil etne plus rien enregistrer… Parler de cet état, ne plus filmer, se

mettre en attente. C’estpeut-être à ce momentque notre laboratoire àcommencer à fonction-ner réellement, devantcet échec à faire en -semble ce que l’on pou-vait très bien faire seul,devant l’inquiétude aussià n’avoir aucune ques-tion à traiter, ces ques-

tions politiques autour de quoi se sont fondés le plus souventles collectifs de cinéastes. Nous n’avions pas de sujet pourreléguer à l’arrière-plan notre expérience du collectif. Où plu-tôt notre sujet était là depuis longtemps, c’était le collectif.Tous les sujets pouvaient entrer dans notre film mais par laporte du collectif. Après les discussions des premiers jours les choses ont

commencé à changer, après les premiers visionnements lescho ses ont commencé à changer. Peut-être ces moments detravail partagé ont-ils simplement dévoiler une évidence : s’ilexiste, notre collectif n’est pas un juste milieu ou une forme

apaisée et propre à lasatisfaction générale.C’est un moment decontradictions, d’oppo-sitions, de conflits, detensions, c’est notre étatde guerre. S’il existe,notre collectif est unétat, pas un lieu dont lefilm réussirait à franchirou non la lisière, c’est un

chemin, une trajectoire. A l’image de cette destination sus-pendue, notre « destinérance » pour reprendre le très beauterme de Jacques Derrida, on pouvait commencer à se repré-senter le film : complexe et fluide, fait de mobilité, unegalaxie en pleine expansion où chacun trouverait sa trajec-toire et son orbite par rapport au noyau en fusion, l’utopie, lecollectif, dont on comprenait que le film le contiendrait

comme sa propre trajec-toire et qu’il lui seraitconsubstantiel. Cettenouvelle réalité de travailjoignait indi viduel etcollectif dans leur oppo-sition cons titutive etredessinait du mêmecoup toute la topogra-phie du voyage. Il avait

fallu s’expatrier pour faire ces films et chaque film serait lui-même un dépays, tissant sa toile de systèmes, de réseaux et deflux. L’idée du montage prenait corps dans ces modèles del’astronomie et d’internet : une galaxie composée de noyauxultra denses et d’images satellisées, que le spectateur attein-drait par des flux dérivants, des courants d’images, de cou-leurs et de rythmes. S’il en restait des traces, l’histoire elle-même res sor tirait à la science-fic tion. Quel autre voyage, eneffet, nous promet d’atteindre un monde qui n’existe pas etnous en montre pour-tant la route ?

« Dans le désert, l’an-tenne radio de la voiturevibre. C’est la fin del’après midi. Comme unespion, on voit Ibrahimportant Luckie mortedans le dédale de la pal-

Djinn

Djinn

Science- f i c t ion co l l e c t i f

Le Centre national des arts plastiques (DAP) et

le Groupe de recherches et d’essais cinématographiques

vous convient à la soirée :

Science- f i c t ion co l l e c t i f

vendredi 29 juin 2001 à 20 heures 30

salle Jean Renoir, La fémis

6 rue Francœur 75018 Paris

––––––––––––––––

Djinn, film collectif, 2001

Le Pavillon, unité pédagogique du Palais de Tokyo

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Sun Sl ide , film collectif, 2001, 21 mn

Ecole nationale des beaux-arts de Bourges

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Projection organisée en partenariat avec La Femis

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Sun Slide, photomontagePrise de vue : Alexandre Chevalier

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Science-fiction collectifCHRISTIAN MERLHIOT

Fanny Adler

Noelle Pujol

Peggy Pocheux

Le Pavillon, unité pédagogique du Palais de Tokyo présente

Ariane Michel

Olive Martin

Christian MerlhiotAnge Leccia

Marie Maillard

Julien Loustau

Christelle Lheureux

Kim Sop Boninsegni

Katya Bonnenfant

Production : Le Pavillon, unité pédagogique du Palais de Tokyo, en collaboration avec Le Fresnoy Studio national des arts contemporains, avec le soutien du ministère dela Culture et de la Communication et de l’Association française d’action artistique.

DjinnUn film collectif de

Isabelle Carlier

Clément Lyonnet

Lætitia Legros

Eléonore de Lardemelle

Flavie Guerrand

Erwan Mabilat

Eric Maillet

Christian Merlhiot

Vincent Roux

Montage : Aurelyen

Sun

Production : Ecole nationale des beaux arts de Bourges, ministère de la Culture et de la Communication

Christophe Gerbault

Arnaud Deparis

Marianne Daquet

Laurent Grasso

Un film collectif de

Montage : Katya Bonnenfant