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Monsieur John Scheid Les Tabulae Pompeianae Sulpiciorum, témoins de la vie religieuse quotidienne In: Cahiers du Centre Gustave Glotz, 11, 2000. pp. 113-119. Citer ce document / Cite this document : Scheid John. Les Tabulae Pompeianae Sulpiciorum, témoins de la vie religieuse quotidienne. In: Cahiers du Centre Gustave Glotz, 11, 2000. pp. 113-119. doi : 10.3406/ccgg.2000.1524 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccgg_1016-9008_2000_num_11_1_1524

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Monsieur John Scheid

Les Tabulae Pompeianae Sulpiciorum, témoins de la viereligieuse quotidienneIn: Cahiers du Centre Gustave Glotz, 11, 2000. pp. 113-119.

Citer ce document / Cite this document :

Scheid John. Les Tabulae Pompeianae Sulpiciorum, témoins de la vie religieuse quotidienne. In: Cahiers du Centre GustaveGlotz, 11, 2000. pp. 113-119.

doi : 10.3406/ccgg.2000.1524

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccgg_1016-9008_2000_num_11_1_1524

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John Scheid

LES TABULAE POMPEIANAE SULPICIORUM TÉMOINS DE LA VIE RELIGIEUSE QUOTIDIENNE1

Tout éditeur d'inscriptions ou de textes sait le nombre d'heures et la patience qu'il faut investir pour réaliser un ouvrage comme celui de Giuseppe Camodeca. Il apprécie d'autant plus son travail que les archives des Sulpicii sont loin d'être faciles à déchiffrer, à comprendre et à commenter. Dès à présent, les volumes des Tabulée Sulpidorum constituent un acquis définitif, même si sur tel ou tel point, un travailleur acharné comme Camodeca améliorera sans doute encore ses lectures et ses interprétations. En tout cas, le lecteur apprend à chaque page du livre, et découvre, sous la direction de G. Camodeca, tout un pan de la vie quotidienne des Romains du Ier siècle de l'Empire. Le seul reproche ou plutôt la seule prière que ce lecteur, forcément moins savant, pourrait adresser à l'auteur serait de lui fournir prochainement des traductions de ces textes compliqués.

Deux aspects de ce dossier m'ont intéressé plus particulièrement, l'usage des fastes consulaires, ainsi que les données concernant les conduites privées dont il livre de beaux témoignages.

1. Fastes

À chaque fois qu'un prosopographe rencontre G. Camodeca - c'est en tout cas ce qui m'est arrivé — celui-ci lui annonce que tel ou tel de ses articles corrigeait ou allait corriger, grâce aux nouvelles données chronologiques, la carrière de tel personnage ou la date de tel document. Il est vrai que les Tabulée Sulpidorum et G. Camodeca constituent l'une des sources les plus fécondes pour la reconstruction des fastes consulaires du début de l'Empire.

Prenons quelques exemples pour montrer comment le travail de relecture et le contrôle des déchiffrements précédents ont permis à Camodeca de combler bien des lacunes, déjà signalées en 1991 2, et de corriger de nombreux détails des fastes consulaires.

1 G. Camodeca, Tabuiœ Pompeianœ Sulpiciorum. Edizione critica dell'archivio puteolano dei Sulpicii (Vetera t. 12), Rome, 1999. Les tablettes seront citées TPSulp.

2 G. Camodeca, « Novità sui Fasti consolari dalle tavolette cerate della Campania », dans Epigrafia (Collection É.F.R., t. 143), Rome, 1991, 44-74.

Cahiers Glotz, XI, 2000, p. 113-119

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- En 393, les tablettes permettent d'ajouter le nom de A. Didius Gallus à celui de Cn. Domitius Afer (15 septembre) ; en outre ce document atteste que Caligula, qui était censé avoir quitté sa charge le 31 janvier4, est encore en fonction le 4 février5.

- En 43 6, il est désormais certain que Sex. Papellius Hister et L. Pedanius Secundus sont encore en fonction en août, et surtout que leur ordre, attesté à quatre reprises, n'est pas celui que donne Pline7: c'est Hister qui est nommé en premier8.

— W. Eck9 avait proposé en 1975 de dater en 45 les paires consulaires Cn. Hosidius Geta,T. Flavius Sabinus (à partir du 1er juillet ?), et L.Vagellius (attesté le 22 septembre et le 25 octobre), C. Volasenna Severus (attesté le 31 décembre). Or, en utilisant une information donnée par les tablettes d'Herculanum, G. Camodeca10 a pu attribuer toute cette séquence à l'année 47, en les faisant précéder d'une autre paire de suffects, C. Calpetanus Rantius Sedatus et M. Hordoneus Flaccus, en fonction à partir du 1er mars.

— Pour l'année 48, G. Camodeca a établi11 qu'à côté des deux frères Vitellius, c'étaient les deux frères ou cousins L.Vipstanus Poplicola et Messalla Vipstanus Gallus qui étaient en fonction.

Cette poignée d'exemples illustre la richesse de ces tablettes et la fécondité des recherches de G. Camodeca. Mais l'intérêt du dossier dépasse les questions chronologiques. La nature de ces documents permet également de se faire une idée sur la circulation des informations concernant les dates consulaires, notamment l'entrée en fonction des suffects.

W Eck a posé, à plusieurs reprises, la question de la diffusion des noms et de la date d'entrée en charge des consuls suffects12. Le problème n'est pas simple, faute de sources. La solution la plus raisonnable13 consiste à supposer

3 TPSulp. 68, p. 2, 1.1; p. 5, 1.1. Voir P. A. Gallivan, « The Fasti for the Reign of Caius », Antichton 13, 1979, 66-69, notamment 66.

4 Suet., Calig. 17, 1 ; Dio 59, 13, 2. 5 TPSulp. 41, p. 2, 1.1-2. 6TPSulp. 60, p. 3, 1. 8-9 ;TPSulp. 61, p. 3, 1. 11 ;TPSulp. 97, p. 3 (ou 5?), 1. 8. 7 Plin. NH 10, 35. 8 Mais il est vrai qu'il y a des variations cf. en 45, TPSulp. 54, p. 6, 1. 4 et p. 5, 1. 1. 9 W. Eck, « Ergânzungen zu den Fasti Consulares des 1. und 2.Jh. n. Chr. », Historia 1975,

324-344, not. 341 η. 113. 10 TPSulp. 1, p. 3, 1. 4-5 ; TPSulp. 72, p. 5, 1. 1 ; TPSulp. 100, p. 5, 1. 1 ; voir Camodeca,

« Novità », cit., 49-52 ; Id., L'archivio putolaneo dei Sulpicii. I, Naples 1992, 243. 11 Camodeca, « Novità », cit., 53 {ora. A. Vitellius, L.Vipstanus Poplicola ; suffi, à partir du 1er

juillet, L. Vitellius L. f., Messalla Vipstanus Gallus). En 1975, W. Eck, « Ergânzungen », cit., 341, n. 113.

12 W. Eck, Die staatliche Organisation Italiens in der hohen Kaiserzeit, Munich 1979, 18 suiv. ; Id. « Die staatliche Administration des ròmischen Reiches in der hohen Kaiserzeit. Ihre struktu- rellen Komponenten » (1989), dans Id. Die Verwaltung des ròmischen Reiches in der hohen Kaiserzeit. Ausgewâhlte und erweiterte Beitrâ'ge (Arbeiten zur ròmischen Epigraphik und Altertumskunde, t. 1), Bâle-Berlin 1995, 1-28, notamment 8-9 ; Id. « Zur Durchsetzung von Anordnungen und Entscheidungen in der hohen Kaiserzeit : die administrative Informationsstruktur », 1992, dans Id., Verwaltung, cit., 55-79, notamment 62-68.

13 Eck, « Durchsetzung », 62-68.

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que les consuls, qui dirigeaient les élections — quelle que fût l'instance élective — en diffusaient également les résultats, à Rome et aux gouverneurs ; il est par ailleurs à présumer que les legati des colonies et municipes d'Italie et du monde romain, présents à Rome, aient informé leurs cités ou des groupes de cités. Quant à la date à laquelle les consuls suffects étaient désignés, et donc à partir de laquelle la nouvelle de leur designano a pu se diffuser, elle n'est pas non plus connue directement. D'après une étude récente de H. Lieb14, et qui s'appuie sur les indices fournis par les documents concernant C. Iulius Scapula (cos. des. en 138, et suffi en automne 139), la designano se faisait peut-être le 1er juillet de l'année précédente.

Les tablettes des Sulpicii permettent de voir que les données étaient bien connues avant la date d'entrée en fonction des suffects. Ainsi, en 37, le 2 juillet, les consuls suffects entrés en fonction le 1er juillet sont-ils déjà connus15. De même, le 3 juillet 48, les suffects entrés en fonction le 1er juillet précédent, sont déjà attestés16. L'exemple le plus intéressant est sans doute celui du 30 octobre 51, quand des actes différents sont datés, l'un par la paire Ti. Claudius Caesar Aug. V et L. Caluentius Vêtus17, l'autre par celle de Ti. Claudius Cassar Aug. V et T. FlauiusVespasianus18. Or, comme G. Camodeca l'a souligné19, ces documents contredisent l'information selon laquelle Vespasien aurait revêtu son premier consulat pendant les deux derniers mois de l'année20. Par conséquent, le rédacteur du document TPSulp 16 a antidaté de deux jours le consulat suffect de Vespasien. Même si elle ne résout pas le problème de l'élection des suffects et de la diffusion de leurs noms et date d'entrée en fonction, cette erreur prouve en tout cas que le rédacteur du texte connaissait les noms des prochains suffects avant leur date d'entrée en fonction. Cela signifie qu'il pouvait, par conséquent, trouver quelque part, au forum de Pouzzoles, deux ou trois jours au moins avant la date concernée, une liste avec tous les consulats de l'année en cours.

2. Les tablettes et la vie religieuse

Les tablettes sont très importantes pour l'histoire économique et sociale, ainsi que pour les formules contractuelles et autres. Elles n'en sont pas moins intéressantes pour la vie religieuse, à commencer par le bâtiment dans lequel les tablettes ont été découvertes21. La présence de cinq triclinia au moins dans

14 H. Lieb, « ZumTag der designatio der consules im zweiten Jahrhundert », AClass 42, 1999, 205-210 (avec les opinions et la bibliographie antérieure).

15 TPSulp. 45, p. 2, 1. 1-2 ; p. 5, 1. 1-2. ;TPSulp. 52, p. 2, 1. 1-2. 16 TPSulp. 3, p. 5,1.9-10. 17 TPSulp. 87, p. 2,1. 1-2. 18 TPSulp. 16, p. 2,1. 1-2. 19 G. Camodeca, Tabulée, cit., 70. 20 Suet., Vesp., 4, 3. 21 O. Elia, « II portico dei triclini del pagus maritimus di Pompei », BA, 46, 1961, 200-

211.

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cet édifice, qui a permis à bon droit à M. Pagano22 de l'identifier au siège d'un collège, renvoie aux sacrifices et aux banquets communs dont parlent tant de constitutions de collèges et autres documents épigraphiques23. Ces salles font voir la place centrale que les rites religieux occupaient dans l'identité de ces collèges24. En extrapolant un peu, je ne puis m'empêcher de penser aux pièces qui entourent le temple situé sur la place des corporations à Ostie25 : avec des lits en bois ou en métal, ils sont aisément transformables en salles de banquet. Mais cela est une autre question.

Une deuxième série de données intéresse l'aménagement des lieux publics, les lieux de comparution indiqués dans un certain nombre de uadimonia et de testationes sistendi. Ces rendez-vous sont données sur le forum de Pouzzoles devant Y Ara Augusti Hordioniana26 , ou devant l'Ara Augusti Suettiana27, toutes deux situées devant un chalcidicum offert à la cité par les familles en question. Je trouve que sur ce point le commentaire topographique de G. Camodeca aurait pu être plus étoffé, notamment sur ce que l'on peut savoir aujourd'hui de ces autels. Il est très intéressant de constater qu'il y avait deux autels d'Auguste au moins sur le forum de Pouzzoles. L'impression s'impose que tout lieu public possédait une ara Augusti.

Un détail de la restitution de la tablette n° 28 pose par ailleurs un problème. G. Camodeca propose de lire, à la 1. 5 de la p. 3 de ce document [d]eae Magnae, qu'il identifie prudemment à la Mère des dieux. Ce passage prouverait donc que cette déesse possédait, au moins, une statue sur le forum de Pouzzoles. Or, pour autant que j'ai pu voir, la formule dea Magna Mater n'existe pas. Le nom de la déesse n'est jamais précédé de dea28, et il faut, si on maintient cette restitution, supposer que le rédacteur de cette tablette ait commis la même erreur. D'autre part, si nous disons couramment Magna Mater, les textes officiels et les inscriptions donnent toujours Mater magna ou Mater deum Magna : il est donc impossible de restituer Matris au début de la ligne suivante {[d]eœ Magnœ / Matris), mais on doit insérer ce terme avant

22 M. Pagano, « L'edificio dell'agro Murecine a Pompei », RAAN, 58, 1983 (1985), 325-361, notamment 347 et suiv.

23 Voir par exemple la donation de Iulia Monime CIL VI, 10231, dans laquelle il est question d'un lieu in quo (edificata est schola sub port (icu) consecmta Situano et collegio eius sodalicio : (...) et ad eum locum Hum actum aditutn ambitum sa[c]rificia facere, uesci, epulari ita li[c]eat, quamdiu is col- legius (!) steterit. Pour ces banquets, voir J. -P. Waltzing, Étude historique sur les corporations professionnelles chez les Romains depuis les origines jusqu'à la chute de l'Empire d'Occident, IV (1900), Rome, 1968,433-437.

24 Pour des parallèles, voir Waltzing I (1895), 1968, 217-236. 25 Voir déjà Waltzing, I, 219 et suiv. 26 TPSulp. 2, p. 2, 1. 3-4 ;TPSulp. 3, p. 2, 1. 3 ; p. 5, 1. 2-3 ;TPSulp. 4, p. 2, 1. 4-5 ;TPSulp. 5,

p. 2; 1. 4-5 ; TPSulp. 6, p. 5, 1. 4 ; TPSulp. 8, p. 2, 1. 3-4 ; TPSulp. 16, p. 2, 1. 4-5 ; TPSulp. 17, p. 2, 1.3-4 ; TPSulp. 40, p. 2,1.8-9.

27 TPSulp. 9 (restituée), p. 5, 1. 3-4 ; TPSulp. 18, p. 5, 1. 3-4. Une fois (TPSulp. 11, p. 2, 1. 4), le rendez-vous est donné devant une Ara Augusti, dont l'identité ne peut malheureusement pas être déterminée, puisque le texte est incomplet.

28 La seule exception, sur l'inscription CIL X, 3698 (ILS 4175), mais dea y constitue une coquille pour deum (mater dea Baiano).

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Magna ([Matris djece Magnai). D'autre part, il est difficile de se référer à la Mère grande des dieux par le simple nom de Dea magna. Telle quelle, la lecture de G. Camodeca pose donc un problème. La partie de la ligne qui manque à gauche étant assez longue, il est possible d'insérer des restitutions variées. En raison de cette lacune, on n'est, en fait, même pas certain qu'il s'agisse d'une statue de divinité, même si c'est la solution la plus vraisemblable. Il peut aussi bien s'agir d'une statue honorifique, comme celle qui est mentionnée pour un rendez-vous fixé sur le forum d'Auguste à Rome29. Mais, si c'est à une divinité qu'il faut songer, deux solutions sont possibles. Étant donné l'incertitude de la lecture des premiers caractères de la ligne30, on pourrait lire [apu]d statua[m] / [Matris de]um magnœ. Néanmoins, cette solution est hypothéquée par l'interprétation sans doute forcée des caractères conservés. Si, en revanche, nous acceptons la proposition de Camodeca et tenons compte de la longueur de la lacune, la solution la plus économique sera de restituer [apujd statua[m] / [Matris Idajece magnœ. La seule objection qu'on peut adresser à cette suggestion, est que Idaea se trouve toujours placé derrière le nom de la déesse. Mais cette anomalie est sans doute moins inquiétante que celle qui consisterait à lui attribuer un qualificatif qu'elle ne porte jamais.

Ces rendez-vous devant les autels - tout comme celui du forum d'Auguste à Rome31 - n'ont en eux-mêmes aucune valeur religieuse, puisqu'on trouve aussi bien des lieux non religieux, telles des statues ou des locaux32 que des lieux « religieux ». C'est la proximité du tribunal des Ilvirs ou, à Rome, celui du préteur romain qui était recherchée avant tout. On note, néanmoins, que la plupart des lieux de rendez-vous sont situés à l'air libre, et à proximité d'un autel. Or, les serments devaient être prononcés sub diuo, à ciel ouvert ; par ailleurs, il est attesté que ceux qui prêtaient serment posaient la main droite sur un autel33. Dans le Rudens de Plaute34, chez Cicéron35, Denys d'Halicarnasse36,

29 Voir ci-dessous, n. 32. En lisant [—]Niœ (une haste du Ν seulement ayant survécu), on pourrait songer, à titre d'exemple, à une statue de Licinia Magna, l'épouse de L. Calpurnius Piso (cos. 57), et donc à peu près contemporaine du document 28 (M.Th. Raepsaet-Charlier, Prosopographie des femmes de l'ordre sénatorial (ΐ'-lle s.), Louvain 1987, n° 494). On connaît les liens des Calpurnii Pisones avec la région, où déjà L. Calpurnius Piso Caesoninus (cos. 58 av. n. è.), lointain ancêtre de Licinia, avait fait construire, à Herculanum, la fameuse Villa des papyrus (voir aussi le chalcidicum Cœsonianum, ci-dessous n. 32). Mais il est évident que cette hypothèse est très fragile.

30 G. Camodeca signale qu'on peut également lire [—]uœ magnœ. 31 TPSulp. 15, p. 2, 1. 3-4 ; p. 4, 1. 2-3. 32 À Rome, au forum d'Auguste, devant la statue de Cn. Sentius Saturninus (TPSulp. 13, p.

2, 1. 4-5 ;TPSulp. 14, p. 2, 1. 5-6 ;TPSulp. 27, ρ .2, 1. 14-15) ou celle de Ti. Sempronius Gracchus (TPSulp. 19, p. 2, 1. 4-5), à Pouzzoles, au forum, devant la porticus Augusti Sextiana (TPSulp. 85, p. 2, 1. 4-5 ; TPSulp. 86, p. 2, 1. 4-5 ; TPSulp. 88, p. 2, 1. 4, TPSulp. 90, p. 2, 1. 3-4 etc.), devant le chalcidicum Cœsonianum (TPSulp., p. 3, 1. 4 ; TPSulp. 87, p. 2, 1. 4-5 ; TPSulp. 90, p. 3, 1. 1-2 ; TPSulp. 91, p. 3, 1. 1-2 etc.), et à Capoue in basilica ante cur<i>am (TPSulp. 12, p. 2, 1. 4).

33 Voir pour ceci, en dernier lieu, A. Calore, « Per Iouem lapidem ».Alle origini del giuramento. Sulla presenza del « sacro » nell'esperienza giuridica romana, Milan, 2000, 21-34.

34Plaut.,RMi/.,1254. 35 de, Flacc, 36. 36 Dionys., I, 40, 6.

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Virgile37, Juvenal38, Symmaque39, existent des témoignages sur cette pratique, qui est ici attestée dans la vie quotidienne.

Les formules des serments elles-mêmes, qui sont transmises par les tablettes, sont intéressantes à deux titres. D'une part, elles livrent, à une date relativement haute (en 39), la formule complète des serments d'époque impériale : on prend à témoin, outre les témoins mortels, Jupiter, la Puissance du Divin Auguste (Numen Diui Augusti) et le Génie de l'Empereur régnant40. Des variantes existent. Sur la tablette de 54, par exemple, le Génie impérial manque41. En revanche, les serments n'invoquent pas les Dieux Pénates, comme c'est par exemple le cas dans les formules de serment figurant dans la Lex Irnitana42. Original est également le Numen Diui Augusti, plutôt que le Diuus Augustus tout court. Il s'agit là d'une forme d'invocation de l'empereur divinisé, remontant aux premières années du principat de Tibère 43.Très intéressante pour les rites du serment est la formule figurant à la p. 5 du triptyque 68, dans laquelle C. Nouius Eunus énonce que s'il n'effectue pas son paiement au jour dit, il ne sera pas seulement parjure, mais devra verser 20 sesterces par jour de retard44. G. Camodeca45 souligne à bon droit que le parjure exposait également au crimen maiestatis, ce dont témoigne un passage d'Ulpien46. Une allusion aux risques du mauvais usage de l'invocation du Divin Auguste est mentionnée par Tacite à propos du refus de Tibère de punir ce type de parjure : il ne désire pas que l'apothéose de son père serve à tuer les citoyens47.

Mais il y a plus. La formule dit très clairement que le periurium et l'amende ne coïncident pas : non solum ... sed etiam. Il y a donc deux sanctions. La première concerne l'offense des dieux par le parjure, la seconde, qui porte sur

37 Verg.,^«., 12,201. 38 Iuu., Sat., 13, 89 ; 14, 218-219. 39 Symm., Rei. Ill, 5. 40TPSulp. 68, p. 2, 1. 12-14, de 39 (per Iobe(m) optum<u>m mKa'xu/mu(m) et Nume(n) Dibi

Augusti et / Genium C. Cessaris Augusti) ; p. 5, 1. 9-11 (per Iouem optu/mum max. et Numen Diui Aug. et Geni/um C. Cœsaris Augusti) ;TPSulp. 54, p. 5, 1. 12-13, de 45 (per / ìouem et Numen Diui Aug.) jTPSulp 29, p. 3, 1. 1-2, de 49 (per loue [m optimum maximum et Numen Diui] /Augusti et G[enium Ti. Claudi Cœs.Aug.]).

41 Mais ceci est attesté également sur les inscriptions publiques, voir J. Scheid, « La religion publique à Rome sous le principat de Néron » (sous presse).

42 AE 1986, 333, rubr. LXIX : ... quisque eorum iuret per Iouem et Di/uotn Aug. et Diuom Claudium et Diuom Titum / Augustum et Genium Imp. Domitiani Aug. deosque Penates ; voir également la Lex colonise Genetiuas, M. Crawford (éd.), Roman Statutes, Londres, 1996, 405, LXXXI, 1. 18-19 (ius iurandum adigito per Iouem deosque Penates).

43 Voir par exemple Tac. Ann., 1, 73, 2 : on y reproche à un accusé d'avoir lésé par un parjure le Numen Augusti.

44 TPSulp. 68, p. 2, 1. 15-p. 3, 1. 4 (quoi si ea die non soluero, // me non{t} solum peiurio (!) tene /ri set etiam peone (!) nomine / in de sigulos(!) sestertios uigienos (!) / nummo obligatum irt); p. 5, 1. 11- 14 (quod si ea die non / soluero, me non solum peiurio (!) teneri / sed etiam pœnœ nomine en dies sing. HS XX nummos obligatum in) .

45 Camodeca Tabules Pompeianœ, cit., 167. 46 Ulp., dans D., 12, 2, 13,6. 47 Tac, Ann. 1, 73, 3 : scripsit consulibus non ideo decretum patri suo cœlum, ut in perniciem ciuium

is honor uerteretur.

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la lésion des lois de la cité, donne lieu à une amende. Ce texte donne, par conséquent un argument supplémentaire contre Th. Mommsen et G. Wissowa, qui avaient supposé, à partir de quelques textes ambigus, qu'ils ont interprétés de manière forcée, qu'au cours du temps le châtiment consécutif à l'offense délibérée des dieux avait été adouci. D'après eux, l'amende remplaçait le châtiment inexorable menaçant l'impie, notamment le parjure ; à l'amende aurait correspondu un sacrifice d'expiation offert par l'impie48. Cette conception a été contestée, à bon droit, car l'offense délibérée des dieux n'a jamais cessé d'être considérée comme une impiété inexpiable dont les dieux tiraient vengeance selon la fameuse formule, due à Tibère (deorum iniu- riœ dis curœ49) et répétée par Sévère Alexandre (iusiurandi contempta religio satis deum ultorem habet50. Les tablettes des Sulpicii confirment ce point de droit sacré de manière concise mais nette.

C'est cela le grand mérite de ces petits textes, si difficiles à déchiffrer et à reconstituer. Ils confirment, dans la pratique quotidienne, des règles de conduite que les textes littéraires exposent souvent de façon ampoulée ou ambiguë. Et si l'on considère que la religion romaine, ce sont avant tout des actes et des gestes, donc des attitudes quotidiennes, on mesure l'extraordinaire poids de ces petits documents et le mérite de celui qui les publie.

48 Voir pour cette question, en dernier lieu, J. Scheid, « The Expiation of Impieties Committed without Intention and the Formation of Roman Theology », dans J. Assman, G. Stroumsa (éd.), Transformations of the Inner Self in Ancient Religions (Studies in the History of Religions, vol. 83), Leyde, 1999, 331-348.

49 Tac, Ann. 1,73,5. 50 CJ 4, 1, 2 ; voir également Marc Aurèle, D. 1, 18, 14 ; 48, 9, 9.