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IGOR LEVIT - KIT ARMSTRONG - VALERIY SOKOLOV - EVGENY IZOTOV - STRADIVARI QUARTETT - BLYTHE TEH ENGSTROEM - THOMAS DEMENGA

Saison 2016

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IGOR LEVIT-KIT ARMSTRONG -VALERIy SOKOLOV -EVGENy IzOTOV - STRAdIVARI QuARTETT -BLyThE TEh ENGSTROEM- ThOMAS dEMENGA

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1er concert : 27 juin 2016 à 19 hIGOR LEVIT (piano)

2ème concert : 22 juillet 2016 à 19 hKIT ARMSTRONG (piano)

3ème concert : 24 juillet 2016 à 19 hVALERIy SOKOLOV (violon Stradivari)

EVGENy IzOTOV (piano)

4ème concert : 9 septembre 2016 à 18 h QuATuOR STRAdIVARI

XIAOMING WANG (violon Aurea)

SEBASTIAN BOhREN (violon King George)

LECh ANTONIO uSzyNSKI (alto Gibson)

MAJA WEBER (violoncelle Suggia)

ThOMAS dEMENGA (violoncelle Guarneri)

5ème concert : 11 septembre 2016 à 18 hQuATuOR STRAdIVARI

XIAOMING WANG (violon Aurea)

SEBASTIAN BOhREN (violon King George)

LECh ANTONIO uSzyNSKI (alto Gibson)

MAJA WEBER (violoncelle Suggia)

BLyThE TEh ENGSTROEM (alto Maggini)

ThOMAS dEMENGA (violoncelle Guarneri)

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BIENVENuE-

WELCOME

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Chers Amis,

Nous sommes très heureux de pouvoir vous présenter le livret de la saison de concerts 2016 au Poujoula. Le programme devrait à nouveau nous réserver quelques moments de grand bonheur. Si la programmation n’a pas à rougir de la comparaison avec les plus grandes salles de concerts, elle contribue, modestement, au rayonnement de la région. A cet égard, nous souhaitons évidemment rémercier tous nos mécènes. Sans leur générosité, nous ne pourrions pas mettre sur pied une saison musicale aussi riche. Sachez, toutefois, que nous comptons sur la présence d’un public nombreux et que les concerts ne sont pas réservés aux mécènes unique-ment. Ils s’adressent véritablement à tous les amoureux de la musique. Soyez les bienvenus!

Au nom de l‘Association des Amis du Poujoula

Musicalement vôtre,

Dirk Ebeling

Dear Friends

We are very pleased to present the libretto for the 2016 season at Poujoula. The concerts should provide us with some more unforgettable moments. This year, the musical programme is again one to be envied by the best international concert halls and contributes, modestly, to the attractiveness of the region. We would therefore like to thank all our patrons for their kind support. Indeed, without their generosity, we could not have organized such a musically-rich season. Please note that we would like to be able to count on a large audience and that the concerts are not only limited to sponsors. They cater to all music lovers. Everyone is welcome!

Musically yours

Dirk Ebeling

for the association Les Amis du Poujoula

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IN MEMORIAMNous vous faisons part avec beaucoup de tristesse de la disparition de Roger Dérieux qui nous a quitté à l‘âge de 93 ans, à la fin de l‘année dernière.

Grand artiste peintre, Roger a laissé des œuvres magni-fiques que l’on ne cesse d’admirer. Fidèle aux concerts du Poujoula, il trouva souvent l’inspiration dans la musique. Roger faisait d‘ailleurs partie des rares témoins de l’ultime concert dirigé par Richard Strauss au Festival de Salz-bourg le 6 août 1943 dans un programme entièrement consacré à Mozart. Nous regrettons profondément sa disparition et gardons de lui l’image émue d’une person-nalité profondément attachante

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Lundi 27 juin 19 hIGOR LEVIT (piano)

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BEEThOVEN (1770-1827) – Sonate N° 14 op. 27/2 « Clair de lune » en ut dièse mineur (1802) I. Adagio sostenutoII. Allegretto III. Presto agitato

– Sonate N° 27 op. 90 en mi mineur (1814)I. Mit Lebhaftigkeit und durchaus mit Empfindung und Ausdruck

(Avec vivacité et d‘un bout à l‘autre avec sentiment et expressionII. Nicht zu geschwind und sehr singbar vorzutragen

(À jouer sans trop de vélocité et très chantant)

- Sonate N° 29 Hammerklavier op. 106 en Si bémol majeur (1819) I. Allegro II. Scherzo, assai vivaceIII. Adagio sostenuto. Appassionato e con molto sentimentoIV. Largo en, fa majeur – Allegro risoluto, en si bémol majeur

Le concert sera suivi d’un cocktail dînatoire au château.

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IGOR LEVIT (piano)

Inutile de présenter cet immense musicien si ce n’est qu’après les Variations Diabelli, l’Appassionata, et les Dernières Sonates op.109-111, nous aurons (enfin !) le droit d’entendre la Hammerklaviersonate op.106, la plus ambitieuse sonate laissée par Beethoven à la postérité.

BEEThOVEN : SONATES pOuR pIANO N° 14, 27, 29

« Il en est de cette Hammerklavier-Sonate comme d’une cathédrale gothique. Il y a toujours quelque chose à réparer, à revoir. On en a jamais fini avec elle ». (Edwin Fischer)

Faisant partie du groupe des cinq Dernières Sonates op.101 et 109-111, la Hammerklavier-Sonate op.106 est avec les Variations Diabelli, – de conception radicalement différente – , l’œuvre la plus ambitieuse pour le piano lais-sée à la postérité par le maître de Bonn. Dédiée en 1818 à l’archiduc Rodolphe d’Autriche, cette Grande Sonate pour le Piano-forte a été délibérément composée pour l’instrument providentiel du futur. Cette immense sonate l’est par ses proportions, la densité d’écriture et la richesse de son contenu musical. Elle s’inscrit avec la Neuvième Symphonie, la Missa Solemnis et les Derniers Quatuors comme l’un des chefs-d’œuvre absolus de la musique classique. Il n’est pas exagéré d’affirmer que le lyrisme du 3ème mouvement lent n’a peut-être jamais été égalé.

Universellement admiré, cet opus magnum a inspiré d’innombrables compositeurs, dont le regretté Pierre Boulez dans sa 2ème Sonate. De tout temps, cette sonate « futuriste » a suscité l’appréhension des interprètes et souvent l’incompréhension du public. Après la mort du Maître, il a d’ailleurs fallu attendre une génération pour que l’œuvre soit enfin donnée en public. Ce fut nul autre que Franz Liszt qui se chargea de cette mission. Il en fit d’ailleurs une œuvre incontournable de son répertoire. Comme l’atteste le commentaire dithyrambique de Berlioz à la suite d’un concert privé de l’op.106, le com-positeur de la Symphonie fantastique compare Liszt à Œdipe qui vient de résoudre l’énigme du Sphinx. Il faut dire que lorsqu’il acheva la sonate, Beethoven avait dit, non sans fierté, à un ami : « Maintenant je sais écrire ! » ; et prévenu son éditeur des difficultés de la sonate : « Voilà une sonate qui donnera encore du travail aux pianistes lorsqu’on la jouera dans cinquante ans ! »

Il est vrai que tous les pianistes, mêmes les plus grands spécialistes du Maître, abordent toujours l’œuvre avec humilité. Paul Badura-Skoda, par exemple, la décrivit en ces termes:

« La Hammerklavier-Sonate est pour nous pianis-tes, ce qu’est la Neuvième Symphonie pour les chefs d’orchestres : l’œuvre monumentale, l’œuvre culminante, ou, mieux encore, l’œuvre qui parcourt tout autant les profondeurs que les sommets. Aussi ne l’approchons-nous qu’avec respect ».

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Alfred Brendel, qui profita avec Badura-Skoda de l’enseigne ment de l’immense Edwin Fischer, la résuma ainsi:

« D’après les proportions et le matériau musical, la Hammerklavier-Sonate va bien au-delà de tout ce qui a été tenté et composé dans le domaine de la sonate ».

« Le désespoir, la fuite en avant, l’angoisse de la mort, la conscience de sa vraie valeur artistique, l’affirmation grandiose de sa personnalité sont autant d’éléments qui ont façonné la Hammerklavier-Sonate ». Joachim Kaiser

Si la Hammerklavier-Sonate se conforme encore aux principes formels hérités de Haydn (la structure en quatre mouvements notamment), elle pulvérise tout l’acquis du passé par le gigantisme de ses proportions, la com-plexité de son architecture et l’unification de toutes ses microstructures.

Marc Vignal : « Par delà ses dimensions, la Hammer-klavier-Sonate est l’une des musiques les plus concen-trées qui soit. Deux tournures principales unissent l’œuvre, qu’on retrouve aussi bien au niveau des thèmes, des détails et des épisodes stratégiques que de la structure globale. Ce sont, d’une part, les chutes de tierces, et, d’autre part, l’opposition des notes Si bémol et Si. Les chutes de tierces déterminent par exemple la succession des tonalités des diverses sections, de l’Allegro initial et de la fugue finale, ainsi que de la tonalité du troisième mouvement en fa dièse mineur par rapport

aux trois autres ; quant à l’opposition Si bémol – Si, elle joue un rôle à la fin de l’exposition du premier mouve-ment, justement dans ce même mouvement le sommet dramatique en Si mineur peu après la réexposition, … ou encore se traduit par des chutes de seconde mineure (de Si à Si bémol) soit très violentes, soit très lyriques … La note Si et les tonalités de Si assument par rapport à la tonique de l’œuvre un rôle de dissonance poussée au maximum » …

Dans le monde de l’interprétation des Sonates de Beethoven, un sujet ardemment débattu depuis deux siècles concerne le tempo annoté pour chacun des mouvements de la Hammerklavier-Sonate. De fait, contrairement à toutes les autres sonates, le Maître a jugé nécessaire d’indiquer des valeurs métronomiques précises. La polémique ne repose pas tant sur la singula-rité de l’indication que sur la rapidité des tempi, surtout en ce qui concerne les premier et dernier mouvements. Si certains pianistes n’ont pas la maîtrise technique suffisante pour aborder sereinement l’œuvre, beaucoup d’interprètes de premier rang considèrent ces tempi comme problématiques du point de vue musical. La plupart d’entre eux expliquent cet empressement par la surdité désormais totale de Beethoven. Très peu de pianistes se tiennent aux tempi indiqués. Igor Levit fait partie du cercle restreint de ceux qui respectent la parti tion, faisant ressortir les moindres détails de l’œuvre tout en illuminant l’architecture globale. Pour l’exécution fidèle de l’œuvre, la synthèse technique et

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spirituelle, personne ne peut disputer qu’Igor a rejoint les plus grands interprètes de Beethoven.

Compte tenu de l’ampleur de la sonate, toute descrip-tion détaillée de l’œuvre ferait exploser les dimensions de cette brève introduction et nécessiterait des con-naissances musicologiques de spécialistes. Nous nous limiterons à quelques explications reprises de F.-R. Tranchefort.

Le 1er mouvement Allegro ouvre sur un ton éner-gique, affirmatif, voire héroïque, telle une formidable explo sion de volonté. On peut parler de « portique à l’univers du Dernier Beethoven », suivi d’une transition de « guirlandes angéliques » (Edwin Fischer), et d’un thème conclusif élégiaque (cantabile dolce ed espressivo, sempre legato). Le premier mouvement « ne se termine pas sur le mode triomphant du début, mais en une sorte d’émiettement du thème principal – brisé, éclaté en successions heurtée de p et de f, … qui tourne court en un éclair de deux accords ff péremptoires ».

Le 2ème mouvement Scherzo est tendu, concentré à l’extrême. Il substitue à l’ampleur et à la puissance expressive de l’Allegro de nouvelles forces obtenues par la nervosité rythmique et la fragmentation des motifs. Le thème principal se décompose lui-même en six seg-ments qui sont autant d’étincelles rythmiques du dessin initial, rompu par deux accords forte : cette fragmenta-tion crée une « atmosphère spectrale » (Badura-Skoda)

et caricaturale du thème principal. La pulsation hale-tante parcourt six octaves et se disloque dans la vitesse vertigineuse d’un nouveau presto à l’humour inquiétant. Selon André Boucourechliev, « le thème véritable de ce scherzo, ce sont les mouvements du timbre eux-mêmes, les fluctuations de la matière sonore. C’est le dernier Scherzo d’une sonate de Beethoven, c’est son fantôme qui passe ici. Le Scherzo, naguère, plaisanterie, devient cauchemar ».

Le sublime 3ème mouvement est indiqué Adagio sostenuto, appassionato con molto sentimento et dure quelques vingt minutes. Il compte parmi les plus beaux mouvements lyriques jamais composés. L’auditeur est baigné dans une atmosphère de désolation, de déplo-ration funèbre, d’apaisement consolateur, d’exaltation mystique, de douceur résignée et crépusculaire. « Son expression tourmentée atteint une grandeur, une nob-lesse : aucune musique n’est plus bouleversante dans ses accents humains ; mais aucune n’est moins confes-sion, moins enchaînée à un moi sentimental. Immense phrase, souffle ininterrompu, l’Adagio est la variation perpétuelle d’une seule hantise, il reflète à l’infini un seul visage musical ». (Boucourechliev)

Le 4ème mouvement commence par un Largo qui sert de transition vers la fugue finale, la forme la plus savante et exigeante de la composition classique. Excepté dans l’univers de J.-S. Bach, il est en effet rare de trouver une fugue comme forme conclusive : Mozart avait ainsi

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terminé son ultime symphonie – la Jupiter – par la fusion entre la forme sonate et plusieurs variations de fugues.

Improvisation, tâtonnement dans l’obscurité, rêve éveillé, visions de styles surgissant de la mémoire, labyrinthe de paliers et d’événement harmoniques. Tout semble improvisé ; et cependant rigoureusement construit, réparti dans l’espace et le temps avec une incroyable précision !

En 1926, Félix Weingartner composa une version pour orchestre de la Hammerklavier-Sonate. Ancien élève de Liszt, et lui-même l’un des plus grands chefs d’orchestre de l’Entre-deux-guerres, il prit la succession de Gustav Mahler à l’Opéra de Vienne en 1908, et garda la direction des Wiener Philharmoniker jusqu’en 1927 lorsque l’ensemble confia au jeune Wilhelm Furtwängler les concerts d’abonnements pour trois saisons. Malgré quelques insignes faiblesses, elle a le mérite de très bien mettre en valeur les éléments de la partition et de facili-ter quelque peu la compréhension de l’œuvre.

La Hammerklavier-Sonate sera précédée des Sonates op.90 et de la célèbrissime Sonate op.27/2 « Au clair de lune ».

La Sonate N°14 en ut dièse mineur porte comme sa jumelle en mi bémol majeur la mention quasi une fan-tasia. Composée en 1801, elle fut dédiée à la comtesse Giulietta Guicciardi, dont Beethoven tomba follement

amoureux. Le titre Au clair de lune n’est pas autographe, mais provient de Ludwig Rellstab, un ami de Beethoven et auteur de nombreux textes de lieder de Schubert. Pour le poète, la sonate en trois mouvements évoquait une promenade nocturne « au clair de lune » sur le lac des Quatre-Cantons.

La Sonate N°27 en mi mineur fut terminée en 1814, peu après les 7ème et 8ème Symphonies. Elle s’inscrivit dans le contexte du soulagement et du calme retrouvé après les guerres napoléoniennes. Elle fut dédiée au conte Moritz von Lichnowsky, dont elle commémore le mariage avec une jeune artiste contre l’avis de sa famille aristocratique. Peu fréquente chez Beethoven, la structure en deux mouvements ne se retrouve que dans les Sonatines N° 19, 20 et 22 et dans la fabuleuse Sonate N° 32. Selon Schindler, Beethoven aurait raconté l’histoire de l’amour du comte en deux volets: le premier mouvement s’intitula Kampf zwischen Kopf und Vernunft (Combat entre la tête et le cœur), le second Conversation mit der Geliebten (Conversation avec sa bien-aimée). Toujours selon lui, des considérations évidentes de discrétion auraient poussé Beethoven à supprimer les sous-titres de la gravure officielle.

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Vendredi 22 juillet à 19 h KIT ARMSTRONG (piano)

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LISzT (1811-1886)

Introduction et analyse musicale de l’œuvre par le pianiste

12 Études d’Exécution transcendante S.139 (1852) I. PreludioII. Molto vivace (Fusées)III. PaysageIV. MazeppaV. Feux folletsVI. VisionVII. EroicaVIII. Wilde JagdVIIII. RicordanzaX. Allegro agitato – (Appassionata)XI. Harmonies du soirXII. Chasse-neige

Le concert sera suivi d’un cocktail dînatoire.

KIT AMSTRONG (piano)

Né 1992 à Los Angeles, Kit est considéré comme l’un des grands prodiges de l’Histoire de la musique. Paral- lèlement à sa carrière de virtuose et de compositeur de premier rang, Kit détient plusieurs maîtrises en science naturelles et parle 6 langues.

En 2001, à l’âge de 9 ans, Kit est admis à l’Université de l’Utah en facultés de biologie, physique, mathéma- tiques et musique ! En 2003, il entre au Curtis Institute et poursuit en parallèle ses études de chimie et de mathématiques à l’Université de Pennsylvanie. En 2004 il déménage à Londres pour parfaire à la fois son édu- cation musicale au Royal College of Music et étudier les mathématiques pures à l’Imperial College (2004-08). Ensuite, il rejoint l’Université Pierre-et-Marie Curie à Paris, où il décroche en 2012 une maîtrise en mathéma- tiques (avec les honneurs du jury).

Depuis l’âge de 8 ans, Kit se produit régulièrement en concert. Il a joué dans les salles les plus prestigi- euses du monde et accompagné des chefs d’orchestre aussi presti-gieux que Riccardo Chailly, Christoph von Dohnanyi, Sir Charles Mackerras, Esa-Pekka Salonen, Kent Nagano. En 2003, il a participé au 150ème anniver- saire de Steinway & Sons à Carnegie Hall. Depuis 2005, Alfred Brendel est son mentor. Il est difficile de suivre la liste de ses com-positions. L’année dernière on décomptait 1 symphonie, 5 concertos, 6 quintettes, 7 quatuors, 2 trios, 5 duos, 21 pièces pour piano, dont plusieurs ont été primées.

En 2013 Sony a sorti le premier album de Kit avec des

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Château du PoujoulaSE SOuVENIR dE

L‘hISTOIRE SANS VIVREdANS LE pASSÉ

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œuvres de J.S. Bach, de G. Ligeti et de lui-même. Les commentaires sont élogieux :

La revue Diapason saluait en lui « un musicien hors du commun et loin de la sécheresse expressive et émotion- nelle que son profil intellectuel pourrait laisser supposer ... un artiste d‘une maturité remarquable et d‘une intelligence supérieure qui le destinent à une carrière exceptionnelle ».

Voici un pianiste d‘une envergure exceptionnelle, destinée à fréquenter les plus hautes cimes de son art – Alfred Brendel

Avec Bach, plusieurs chemins mènent au Graal. Il y avait ceux choisis par Edwin Fischer, Wanda Landowska, Walter Gieseking, Rosalyn Tureck, Sviatoslav Richter, Glenn Gould, Gustav Leonhardt, Angela Hewitt pour n’en citer que quelques uns ... A notre avis, par la noblesse, la clarté et la luminosité de son jeu, Kit n’est pas sans rappeler l’inoubliable Dinu Lipati.

En 2015, Kit a sorti chez Sony un deuxième album entièrement consacré à Liszt: Scènes Symphoniques.

LISzT : ÉTudES d’EXÉCuTION TRANSCENdANTE S.139 & L’hISTOIRE dE l’ÉVOLuTION du pIANO Au XIXème SIÈCLE

Universellement admiré pour son langage poétique et révolutionnaire, le recueil des douze Études d’Exécution

Transcendante S.139, est un monument de la littérature pianistique qui a permis au récital de s’imposer dans les salles de concert du 19ème siècle. Incontournable du ré-pertoire de l’aspirant virtuose, il n’est que très rarement donné de nos jours en public en raison des exigences techniques et musicales hors du commun. Un des aspects fascinants de l’œuvre est le fait que la version finale de 1851 repose sur un matériau musical publié en 1826 lorsque le jeune Liszt, âgé de quinze ans et muni d’une technique superlative, partait à la conquête des salons parisiens. La version finale est incontestablement la plus satisfaisante musicalement. Épurée de certaines surcharges pyrotechniques, elle met constamment en avant l’expression du propos poétique. Elle synthétise parfaitement l’alpha et l’oméga des connaissances de Liszt sur la technique et les moyens d’expression réali-sables au piano. Contrairement à Beethoven, Schumann ou encore Debussy, Liszt ne violente jamais les doigts du pianiste pour satisfaire une idée musicale. Malgré les difficultés techniques insurmontables pour le commun des mortels, les compositions reposent, étonnement, sur une écriture naturelle et ergonomique.

Pour mieux appréhender le phénomène Liszt et les qualités exigées d’un grand pianiste, il est intéressant de brièvement rappeler quelques éléments biogra-phiques du compositeur et de l’histoire concomitante de l’évolution du piano. On oublie souvent le fait que le piano est non seulement un instrument de percussion issu du clavecin, mais qu’en l’espace d’un demi siècle,

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il a progressivement évolué du pianoforte vers le piano moderne. Cette transformation a bouleversé l’écriture pour l’instrument.

Né en 1811 à Raiding à la frontière austro-hongroise, décédé à Bayreuth en 1886, Liszt donna ses premiers concerts à l’âge de 9 ans, d’abord à Oedenburg près de sa ville natale, puis à Presbourg, l’ancienne capi-tale de l’Empire des Habsbourg. Grâce à l’habileté et l’obstination de son père Adam, de condition sociale plus que modeste (il était un intendant asservi au prince Esterhazy), Liszt fut immédiatement soutenu par quel-ques aristocrates hongrois, fiers de financer son éduca-tion musicale à Vienne (1821-23) auprès de Carl Czerny pour le piano, et d’Antonio Salieri pour la composition.

Carl Czerny fut le plus célèbre élève de Beethoven et le compositeur d’innombrables études. Adepte de l’égalisation absolue des doigts, il donna une excellente description des aptitudes et de la personnalité du jeune Liszt :

« Jamais je n’ai eu d’élève aussi zélé, aussi génial, aussi travailleur. Au bout d’un an je pus déjà le faire jouer en public, et il souleva à Vienne un enthousiasme dont peu de musiciens peuvent se flatter… Liszt est un pianiste inné qui jouait en obéissant au sentiment ».

Assoiffé de connaissances musicales et littéraires, Liszt dévorait tout ce qui pouvait enrichir sa mémoire encyclopédique. Son aisance à déchiffrer n’importe

quelle musique complexe que l’on plaçait devant lui, mêmes de nouvelles compositions de Moscheles ou de Hummel, était sans égale à en croire les innombrables témoignages. C’est d’ailleurs en gratitude et en souvenir de ces mois de dur labeur, au sommet de sa virtuosité, que Liszt dédia à Carl Czerny les Études d’Exécution Transcendante « en témoignage de sa reconnaissance et de sa respectueuse amitié, son élève F. Liszt ».

Le professeur de composition et de théorie musicale n’était autre que le Kappelmeister de l’Empire, le tris-tement célèbre Antonio Salieri. Injustement condamné par l’Histoire pour avoir empoisonné Mozart par jalousie professionnelle – une aberration entretenue jusqu’à nos jours par le film Amadeus mais démontrée de façon irréfutable depuis –, Salieri avait déjà soixante-dix-ans lorsqu’il prit le jeune Liszt sous sa protection. Celui dont Schubert fut aussi l’élève repris pieusement les propos de Wenzel Ruzicka : « Cet enfant sait déjà tout : Dieu le lui a appris ». Dans une lettre retrouvée posthumément et adressée au prince Esterhazy, Salieri écrivit en 1822 :

« Altesse, … ayant entendu par hasard chez des par-ticuliers le petit Francesco Liszt préluder et jouer à vue au piano, j’en demeurais si émerveillé qu’il me semblait véritablement rêver ».

Une critique dans l’Allgemeine Zeitung d’un concert donné à Vienne en décembre 1822, quatre mois avant sa première tournée européenne, nous donne une idée du

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niveau de jeu de Liszt : « Un jeune virtuose nous est, dirait-on, tombé du ciel,

et force notre plus haute admiration. L’interprétation de ce garçon, pour son âge, est à la limite de l’incroyable, et l’on est tenté de douter de l’existence d’une quelconque impossibilité physique lorsque l’on entend ce jeune géant faire tonner, sans jamais relâcher ses forces, la compo-sition de Hummel, si difficile et si épuisante, particulière-ment dans le dernier mouvement ».

Pour la première tournée internationale de son fils, Adam Liszt repris l’itinéraire que Léopold Mozart avait choisi soixante ans plus tôt pour lancer la carrière de ses enfants Wolfgang et Nannerl : Munich, Augsbourg, Stuttgart, Strasbourg, Paris, Londres. Tout le monde faisait déjà le rapprochement entre la jeune carrière de Liszt et celle de l’illustre Mozart, dont le nom avait fini par sortir de l’indigne fosse commune dans laquelle l’avaient abandonné les viennois. Une preuve de la noto-riété du jeune musicien fut la lettre de recommandation adressé par son père au prince Metternich, le tout puissant chancelier d’Autriche, ancien ambassadeur à Paris et architecte en 1815 avec Talleyrand de la nouvelle carte de l’Europe lors du Congrès de Vienne. Dans cette requête, Adam demanda des lettres d’introductions auprès des notables des villes retenues pour la tournée européenne de son fils. À son insu, le jeune Liszt devint brièvement un instrument de propagande d’État de la culture autrichienne. Quand on mesure à quel point le Liszt adulte abhorrait la politique dans un siècle

d’affirmation des états-nations, l’anecdote est insolite pour celui que l’on a coutume de considérer comme le premier musicien-compositeur cosmopolite et un « européen » avant l’heure.

En décembre 1823, la famille Liszt arriva finalement à paris et descendit à l’Hôtel d’Angleterre. Le hasard fit que l’hôtel se trouvait en face de la Maison Erard, où habitaient les célèbres facteurs de pianos Sébastien Erard et son neveu Pierre. Le bâtiment dans le 2ème arrondissement abritait les ateliers et un salon où l’on donnait des concerts publics. Très vite une profonde amitié s’installa entre les deux familles. Les Erard ouvri-rent à Liszt de nombreuses portes et lui offrirent un nouveau modèle à sept octaves, qui était aussi muni du tout premier système à « double échappement ». Cet ingénieux mécanisme breveté transforma profondément les possibilités physico-acoustiques du piano avant que des firmes comme Steinway & Sons à New York et Ham-bourg, et C. Bechstein à Berlin, n’introduisirent vers 1860 les dernières innovations majeures pour l’instrument. (Celles-ci portaient notamment sur le renforcement de la structure de l’instrument, une condition indispensable pour projeter le son dans de plus grandes salles de con-cert). C’est donc avec le dernier modèle né d’Erard que Liszt poursuivit sa tournée et permit à la manufacture de devenir la référence incontestée de l’époque. Dans une lettre adressée à Carl Czerny et conservée à la Gesell-schaft der Musikfreunde de Vienne, Adam Liszt témoigne de l’estime de la famille pour la marque :

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« Je crois que Sébastien (Erard) mérite une place im-portante en matière de facture … Il y a jusqu’ici trois pianos prêts et l’on est en train d’en construire un quatrième pour mon fils. D’ici quelques temps, nous l’expédierons à Vienne… Le piano Erard atteint un tel degré de perfection qu’il sem-ble impatient d’en arriver au siècle suivant. Il est impossible de le décrire ; il faut le voir, l’entendre, le jouer. »

La publication simultanée à Paris et Marseille d’une série de douze études en 1826, dite Étude en douze exercices, fut un événement majeur pour Liszt. Ces morceaux devaient ensuite être remaniés pour devenir les Grandes Études de 1838, et plus tard encore, les Études d’exécution transcendante de 1851. Liszt n’avait que treize ans quand il commença à élaborer ces œuvres complexes. En référence au Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach, il avait prévu à l’origine d’en faire Quarante-huit exercices dans tous les tons majeurs et mineurs, mais seuls douze devaient paraître. L’influence de Czerny est évidente, notamment l’École de la vir-tuosité. Les relations tonales révèlent une conception hardie. Liszt y dévoile le principe des tierces en une spirale descendante, où chaque étude succède à l’autre dans une alternance de mode majeur et de relatif mineur selon le schéma suivant : do majeur – la mineur ; fa majeur – ré mineur, et ainsi de suite jusqu’à la dernière en si bémol mineur.

La publication à Paris, Milan et Vienne de la deuxième version des Études d’exécution transcendante et des Six

Grandes Études de Paganini marqua en 1838 la première avancée technique de Liszt au clavier depuis sa jeunesse. Au sommet de ses capacités de virtuose, nourri de littérature et de poésie au contact de ses amis Hugo, Musset, Sand, Lamartine, Heine …, Liszt révèle une mine de ressources pianistiques sans équivalent dans aucune œuvre antérieure. Elles renferment d’innombrables innovations pianistiques reprises sous une forme ou une autre par la plupart des compositeurs : Chopin, Schumann, Alkan, Albéniz, Debussy, Ravel, Scriabine, Rachmaninov, Prokofiev, Bartók, Ligeti ou encore Boulez.

Il peut sembler surprenant que Liszt ait repris les exercices de jeunesse comme base de sa réflexion sur les études. Il aurait pu redémarrer d’une feuille blanche. Ceci occulterait le fait que Liszt pensait en permanence le piano comme une symphonie pour orchestre réduite à un seul instrument pluri-vocal. Bien qu’il ait annoncé vingt-quatre études pour sa deuxième version, il se limita aux Douze études de 1826 en amplifiant les développe-ments et les plans sonores et en diversifiant les trouvailles techniques : emploi quasi impressionniste de la pédale, présence insistante de grandes basses harmoniques ou de trémolos à la main gauche, ligne mélodique aux pouces des deux mains dans le médium du clavier, sauts vertigineux et fulgurants, tous des procédés inédits voire extravagants à l’époque. Les Études de 1838 constituent l’aboutissement naturel de variations de plus en plus complexes improvisées à partir des premiers modèles. Quasiment injouables sur le piano moderne en raison notamment de la lourdeur des touches – le prix à payer

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pour avoir des piano plus puissants capables de projeter le son dans les grandes salles de concert –, Schumann remarqua avec finesse leurs liens de parentés avec les œuvres de jeunesse, toutes surchargées par leurs monstrueuses complexités techniques. Il les qualifia « de brûlantes études, de tempête et d’épouvante, faites pour dix ou douze pianistes au monde, tout au plus ».

La version définitive des Études vit le jour en 1851 lorsqu’à Weimar Liszt décida de revoir la plupart de ces anciens chevaux de bataille, dont les Années de pèle-rinage, les Rhapsodies hongroises, les Études d’après Paganini et les Études d’exécution transcendante. Il est étonnant que celui qui toute sa vie remodela, retravailla une composition ; en y ajoutant ou retranchant des éléments ; et qui considérait une œuvre comme une perpétuelle recréation, mit tant de zèle pour racheter à son éditeur Hanslinger les plaques gravées de sa 2ème version ! Si la 3ème version revint à Breitkopf & Härtel en échange d’un piano pour un ami, Liszt voulait manifeste-ment supprimer les traces de sa période d’excessive virtuosité et tirer un trait définitif par rapport à sa période de la Glanzzeit. Ce désaveu correspondait aussi à son souhait de les présenter dans un contexte plus pédagogique et engagé musicalement.

C’est d’ailleurs à Weimar que Liszt donna bénévole-ment ses fameuses Masterclasses, d’où sortirent, aguerris aux Études, deux générations de super-pianis-tes : Carl Tausig, Hans von Bülow, Giovanni Sgambati, Moriz Rosenthal, Eugen d’Albert, Emil von Sauer, Jose Vianna da Motta, Ferruccio Busoni, Arthur Friedheim,

Alexander Siloti, Bernhard Stavenhagen, Frederic Lamond pour n’en citer que quelques uns des plus connus ou pour lesquels nous disposons de précieux témoig-nages acoustiques. À l’exception d’une poignée de pianistes isolés nés au XIXème (de Pachmann, Josef Hofmann, Leopold Godowsky, Sergei Rachmaninov, Alfred Cortot, Wilhelm Backhaus …), avec son cadet Theodore Leschetitzky (1830-1915) à Vienne - le maî-tre d’Ignacy Jan Paderewski, Alexander Raab, Ignaz Friedman, Ossip Gabrilowitch, Benno Moisewitch, Artur Schnabel, Elly Ney… -, Liszt forma l’immense majorité des pianistes de ce que l’on a coutume d’appeler l’Âge d’or du piano et dont les principes se-ront diffusées dans le monde entier jusqu’à nos jours.

Comme l’a bien résumé le musicologue Alan Walker, la conclusion de cette évolution stylistique de Liszt est : « la parfaite illustration de la loi de l’économie à laquelle tend tout moyen physique : la plus grande simplicité est inversement proportionnelle à leur surcroît de brillance et d’effets. Seul le plus grand maître peut réserver plus d’énergie qu’il n’en déploie tout en obtenant un résultant plus puissant ». Paradoxalement, la virtuosité passe en second plan. En se faisant absente, la virtuosité devient transcendante. Ainsi subsiste seule la musique.

pRÉSENTATION GÉNÉRALE du CyCLE

Sans anticiper les explications musicales que donnera Kit Armstrong des Douze Études dans leurs trois versions

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différentes, nous nous limiterons à quelques éléments du musicologue F.-R. Tranchefort pour décrire les pièces de la version de 1851.

L’Étude N°1 en do majeur, dite Preludio, dure à peine une minute et sert comme dans l’Op.10 de Chopin d’ouverture au cycle des études. Elle sollicite essentielle ment la dextérité de la main droite où les doubles notes parsèment une montée pour les cinq doigts tandis que des accords plaqués font place à des arpèges entrecoupés d‘accords à la main gauche.

L’Étude N°2 en la mineur, à laquelle fut ultérieure-ment rajouté le titre de Fusées, est une étude de bravoure pleine de véhémence expressive. Elle expose essentiellement les mouvements en octaves, en alter-nance main gauche main droite. La difficulté de l’étude réside dans la maîtrise de l’amplitude et de la rapidité d’exécution des sauts de plusieurs octaves. La main est tantôt ramassée, tantôt déployée ce qui fait de cette étude un exercice redoutable tant pour la précision que pour les réflexes.

L’Étude N°3 en fa majeur, appelée Paysage, est un exercice de maîtrise du phrasé des accords et du chant legato. Le style est champêtre, pastoral, avant d’évoluer vers un tableau plus agité.

L’Étude N°4 en ré mineur, surnommée Mazeppa, est l’une des œuvres les plus célèbres et difficiles de

Liszt. Librement inspirée des Orientales de Victor Hugo, Mazeppa est un drame musical relatant la chevauchée à travers les steppes d’Ukraine d’un héros ligoté sur le dos de son cheval sauvage. Il finit par tomber tragiquement avant de ressusciter : « Il tombe enfin !...et se relève Roi ! » (Victor Hugo). Les difficultés sont nombreuses : accords brisés, gammes mineures aux deux mains, ac-cords puissants, déplacements périlleux, enchaînements rapides de tierces et de quartes majeures et mineures, chromatismes lisses. De cette œuvre spectaculaire Liszt en a tiré ultérieurement une version orchestrale.

L’Étude N°5 en si bémol majeur Feux follets met d‘abord l‘accent sur la virtuosité étincelante de la main droite en chromatismes et en quartes, doublées de déplacements à la main gauche. Si l’étude évoque par-fois une danse de lutins, le titre est inspiré du Faust de Goethe où les feux follets illustrent la lueur éphémère que l‘on peut apercevoir dans les marais et les cime-tières. Dans cette étude pré-impressionniste, « les chatoiements chromatiques provoquent un effacement des harmonies verticales, en même temps qu’une sorte d’indécision tonale ».

L’Étude N°6 en sol mineur Vision traduit la transfor-

mation d’une atmosphère sombre à la lumière. Le titre est emprunté aux Odes et Ballades de Victor Hugo. La principale difficulté de cette étude puissante et drama-tique réside dans la maîtrise du trémolo et des arpèges à la main droite puis aux deux mains.

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Juin - SeptembreNATuRE - CuLTuRE

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L’Étude N°7 en mi bémol majeur Eroica fait référence au style héroïque des mesures d’introduction empruntées à l’Impromptu sur des thèmes de Rossini et de Spontini. La difficulté notoire est de combiner ponctuellement des arpèges en octaves aux deux mains à des accords dans le registre aigu.

L’Étude N°8 en do mineur Wilde Jagd, « Chasse sau-vage », provient de la légende de « L’Armée furieuse de Wotan » des Frères Grimm. Écrite dans la forme sonate, l’œuvre agressive et rythmée, presque berliozienne (i.e. « La Damnation de Faust »), imite par moments les cors et les claquements de fouets d’un équipage nocturne et démoniaque. Les déplacements extrêmement rapides de la main gauche et de la main droite lors des transpo-sitions exigent une énorme précision de l’exécutant.

L’Étude N°9 en la bémol majeur Ricordanza, « Sou-venir », est l’une des plus longues études du recueil. De genre nocturne, elle s’inscrit dans une atmosphère nostalgique de romance de jeunesse teintée d’une pointe d’ironie. Si l’étude est techniquement plus accessible à jouer, son intérêt principal porte essentiellement sur les ornements et le travail de la sonorité. A noter que la mé-lodie de l’étude, dans laquelle tant de commentateurs de la version de 1851 ont cru déceler la paternité de Chopin, fut en réalité composée par le jeune Liszt de treize ans !

Sans titre à l’origine mais surnommé par la suite Ap-passionata, l’Étude N°10 en fa mineur est l’illustration

de l’étude extravertie, déclamatoire, passionnée du Liszt virtuose. Elle exige une parfaite synchronisation des deux mains, une maîtrise des déplacements extrême-ment rapides en octaves à la main droite, une virtuosité superlative de la main gauche en arpèges montants et descendants, puis en accords.

L’Étude N°11 en ré bémol majeur Harmonies du Soir est l’une des œuvres les plus belles, pures et célèbres du 19ème siècle. Douce élégie crépusculaire, elle commence par une introduction dans une atmosphère onirique et introspective, en accords, puis en accords brisés. Le thème initial est réexposé une dernière fois, toujours dans un tempo lent et dans des tonalités majeures, avant son explosion en accords de quatre notes très rapide-ment enchaînés à la main droite, puis successivement modulés. Après un passage mêlant déplacements et travail sur les accords répétés, le morceau revient à son calme initial. A noter que Baudelaire, qui appréciait Liszt, a donné le même titre à l’un des poèmes de son recueil Les Fleurs du mal.

L’Étude N°12 en si bémol mineur Chasse-neige est l’une des plus évocatrices et romantiques du recueil. Aussi redoutée que Mazeppa ou Appassionata, elle dissimule habilement les exigences techniques dans une atmosphère cristalline et féérique. Le titre fait référence aux tourbillons de neige provoqués par un vent de mon-tagne. Le thème principal, sous-tendu par une multitude de trémolos en oscillation constante et formant une vib-

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ration qui ne cesse jamais tout au long de la pièce, enfle progressivement, au prix de déplacements de plus en plus ardus aux deux mains. Dans la deuxième partie, la réexposition du thème principal est rendu extrêmement dissonant par des gammes chromatiques simultanées à la main gauche, puis aux deux mains à la fois, dans une atmosphère de ciel lourd et blafard. De plus en plus ani-mée, l‘étude parvient à un point culminant extrêmement spectaculaire marqué par des déplacements simultanés en octaves aux deux mains, puis de nouveau des chro-matismes, avant que la musique ne s’apaise, noyant peu à peu le paysage hivernal.

Le cycle se clôt ainsi sur un ton plutôt sombre et pessimiste qui souligne combien le style de Liszt ne peut pas simplement être assimilé à la virtuosité, mais consti-tue véritablement un acte de foi artistique. Trop souvent, la musique du compositeur hongrois est injustement dé-criée comme superficielle. À la différence de la musique composée par son grand rival Thalberg, dont l’œuvre a sombré dans l’oubli mais dont le nom demeure attaché à l’Hexameron, la fameuse joute organisée en 1837 par la princesse Belgiojoso pour départager les six plus grands pianistes de l’époque, et à laquelle on attribue la célèbre formule « Thalberg est le premier pianiste, Liszt le seul ! » –, Liszt n’a que rarement cultivé la virtuosité pour elle-même, excepté dans sa période de jeunesse. Si la vaste œuvre de Liszt est parfois inégale en qualité et lui a certainement porté préjudice, nous partageons

l’affirmation de Claude Rostand : « Liszt ne fait pas de la technique pour la technique, mais de la technique pour la musique ».

S’il fallait retenir la contribution majeure de Liszt à la musique, ce ne sont pas ses prouesses virtuoses, mais bien les découvertes harmoniques, enharmoniques et atonales. Sans doute aidé par l’amplitude de ses mains, Liszt a véritablement développé de nouveaux moyens d’expression, amené de nouvelles couleurs sonores à la musique, et ainsi préparé le terrain aux Wagner, Debussy et à tant d’autres compositeurs du XXème et XXIème siècles.

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Château du PoujouladÉCOR hISTORIQuE

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De la Clarté …

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… à l’Heure bleue

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Dimanche 24 juillet 19 hVALERIy SOKOLOV (violon)

EVGENy IzOTOV (piano)

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J.S. BACh (1685-1750) – partita N° 2 BWV 1004 en ré mineur - Chaconne (1723)

BEEThOVEN (1770-1827)- Sonate N°6 op. 30/1 en La majeur (1802)I. AllegroII. Allegro molto espressivoIII. Allegro con variazioni

dEBuSSy (1862-1918) - Sonate en sol mineur L.140 (1917)I. I.Allegro vivoII. Intermède – Fantasque et légerIII. Finale – Très animé

BARTOK (1881-1945) – Sonate N° 1 Sz.75 (1921)I. Allegro appassionatoII. AdagioIII. Allegro

Le concert sera suivi d’un dîner au château.

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VALERIy SOKOLOV (violon - Stradivari)

Lauréat en 2005 du prestigieux concours Grand prix Georges Enescu, Valeriy est aujourd’hui considéré comme l’un des plus remarquables violonistes de son temps. Né en 1986 à Kharkov dans l’Est de l’Ukraine, il a commencé le violon à l’âge de cinq ans avant de parfaire sa formation en Angleterre à l’École Yehudi Menuhin. De par son style, il est fréquent de le rapprocher du grand Menuhin.

Jouant sur un Stradivarius de 1703, il se donne dans toutes les grandes salles du monde et accompagne les orchestres les plus prestigieux, dont le Gewandhaus Orchester de Leipzig, le Cleveland Orchestra, la Tonhalle de Zürich, l’Orchestre National de France, l’Orchestre de Paris, l’Orchestre Symphonique de Tokyo, l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg ou encore celui du Théâtre Mariinski, le Mozarteum de Salzburg.

Parmi les chefs d’orchestre et les solistes avec les-quels il s’est donné figurent: Vladimir Ashkenazy, David Zinman, Andris Nelsons, Yannick Nézet-Séguin, Vasily Petrenko, Gautier Capuçon, Lisa Batiashvili, …

Valeriy a enregistré plusieurs albums des œuvres de Bartók, Enescu et Tchaikovsky alors que Bruno Monsaingeon lui a consacré le film « Un Violon dans l‘âme / Natural Born Fiddler ».

EVGENy IzOTOV (piano)

Auréolé de nombreuses distinctions, dont le 1er prix du Concours international de piano de Côme, Evgeny

est né en 1979 à Saint-Pétersbourg, ville dont il est aujourd’hui l’un de ses plus brillants représentants sur la scène musicale nationale (Théâtre Mariinski) et inter-nationale. Diplômé du Conservatoire d’État, il y enseigne actuellement la musique de chambre. Grand amateur de Chopin, il se produit régulièrement dans des festivals dédiés au génie polonais.

BACh :

La chaconne, le mouvement final de la Partita, est une série de variations sur une basse répétée. Plus longue que les quatre danses réunies qui la précèdent, elle compte 256 mesures, emploie cinq thèmes dont le principal revient 64 fois. Apothéose du répertoire pour violon, véritable « cathédrale sonore », elle illumine l’univers du violon par sa beauté intemporelle, sa hau- teur de vue, la profondeur de ses sentiments, la com- plexité de son architecture et les difficultés technique imposées aux interprètes. Beaucoup s’accordent à dire que la Chaconne est le plus beau mouvement composé pour violon de l’Histoire de la musique. D’ailleurs, elle est devenue une source d’admiration et d’inspiration pour de nombreux compositeurs. Brahms en fit une transcription pour la main gauche, Ferruccio Busoni une célébrissime pour les deux mains, Andrés Segovia une autre pour la guitare, tandis que Leopold Stokowski s’attela à composer un arrangement pour orchestre complet.

Dans une lettre à Clara Schumann, Brahms décrivit la

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Chaconne en ces termes : « Sur une seule portée, pour un petit instrument, cet homme a écrit tout un univers de pensées les plus profondes et des sentiments les plus forts. Si je pouvais imaginer un jour pouvoir créer, ou simplement concevoir, une telle pièce, je suis certain que l’excès d’excitation et le bouleversement me condui-raient à la folie ».

Au 19siècle, les pièces de Bach étaient longtemps en dormance. C’est grâce à la redécouverte de la Passion selon Saint-Matthieu par Mendelssohn en 1829 que Bach entama sa renaissance. Même si Paganini captiva son au-ditoire par la virtuosité transcendante de ses récitals, il faut se rappeler que dans l’esthétique des romantiques, le violon solo passait fort mal. Il lui fallait un instrument d’accompagnement. Lorsque Joseph Joachim décida de jouer pour la première fois des pièces de Bach pour violon seul à Londres, Georg Bernard Shaw s’en plaignit amèrement. Ce n’est qu’avec la génération suivante des Marteau, Huberman, Enescu, Adolf Busch, Szigeti que la musique pour violon seul finit par s’imposer dans le répertoire des concerts.

BEEThOVEN : SONATE N°6 EN LA MAJEuR pOuR pIANO ET VIOLON Op.30/1

La Sonate N°6 en La majeur, d’une durée de 20 minu-tes environ, est la première de la série des trois sonates op.30. Composées en 1802, les Sonates N°6, 7 et 8 fu-rent dédiées au tsar Alexandre 1er de Russie. Malheureu-sement, ce dernier ne manifesta pas d’intérêt particulier

pour ces œuvres. Ce n’est qu’au Congrès de Vienne en 1815 que son épouse Elisabeth remercia le compositeur. Si la série a toujours vécu un peu dans l’ombre des plus célèbres « Printemps » et « Kreutzer », elles sont toutes d’une très belle facture et d’une grande poésie. Il est important de savoir qu’elles furent composées dans le petit village de Heiligenstadt dans la banlieue de Vienne lorsque Beethoven réalisait qu’il était sur le point de perdre l’ouïe. En proie à la plus grande crise existentielle de sa vie, Beethoven réfléchissait sérieusement au sui-cide, mais se résolut au combat pour l’Humanité comme l’atteste le fameux Testament de Heiligenstadt.

Le premier mouvement Allegro, d’inspiration parfois mozartienne, est écrit dans la forme sonate classique avec deux thèmes et une réexposition. Le ton général est calme et radieux. Le deuxième mouvement Adagio molto espressivo est en forme lied et constitue l’une des pièces les plus touchantes de Beethoven. La tendre et céleste mélodie centrale est essentiellement confiée au violon. Le mouvement final est un Allegretto con variationi. Comme le suggère le titre, il s’agit d’un thème suivi de six variations dont le caractère innocent n’est pas sans annoncer Schubert.

CLAudE dEBuSSy : SONATE pOuR VIOLON ET pIANO EN SOL MINEuR L.140

Composée dans la souffrance à Arcachon durant l’hiver 1916-1917, la Sonate pour violon et piano en sol mineur fait partie d’un cycle tardif de trois sonates. A l’origine

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Château du PoujouladISCuSSIONS NOCTuRNES

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Debussy avait prévu « Six sonates instrumentales dans le style préclassique et en hommage aux maîtres français du 18ème siècle », mais la progression de son cancer l’en empêcha. Alors que la Sonate N°1 en ré mineur fut écrite pour violoncelle et piano et la Sonate N°2 en fa majeur pour flûte, alto et harpe, Debussy choisit la combinaison du piano et du violon et la tonalité pathétique de sol mineur pour sa 3ème Sonate. Ce sera sa dernière grande œuvre musicale. En 1916, en effet, ses forces avaient tellement diminué que pour achever cette sublime partition, il fut obligé de renoncer à une tournée américaine avec le violoniste Arthur Hartmann. Le 5 mai 1917 il put toutefois participer à la première à la salle Gaveau, à Paris, accompagné du jeune violoniste Gaston Poulet.

Si certains jugent l’œuvre moins unifiée et équilibrée que les deux sonates précédentes, la plupart des mélo-manes s’accordent à dire qu’il s’agit d’une des plus belles réussites de fusion harmonieuse entre deux instru-ments a priori incompatibles, à l’égale des Sonates de Mozart et de Brahms.

Dans cette œuvre aux couleurs japonaises et ibériques, Debussy, sans doute révolté par les affres de la guerre, démontre une nouvelle fois sa soif absolue de liberté et l’impossibilité de l’enfermer dans une struc-ture préétablie. En dépit de son âge et de sa maladie, il affiche le même caractère rebelle et individualiste que celui qui l’animait trois décennies auparavant à Paris,

puis à Rome. Jeune étudiant au bénéfice d’une bourse d’études, n’avait-il pas quitté intempestivement la pres-tigieuse Villa Médicis en raison de l’académisme lénifiant qui y régnait ?

Bien que Wagner lui ait ouvert de nouvelles possibi-lités musicales à la suite de sa première expérience à Bayreuth en 1888, il faut se rappeler que c’est surtout le contact aux musiques d’Extrême-Orient lors de l’Exposition Universelle de 1889 qui influenceront son univers esthétique. Il y découvre de nouveaux rythmes, de nouvelles couleurs sonores, de nouvelles possibilités de concevoir le temps et l’espace musical. Dès le Prélude à l’après-midi d’un faune en 1894, son style élégant et imprévisible est emprunt de subtiles allusions, de suggestions de couleurs, d’ambiances et de parfums évanescents. Le caractère mobile et furtif propre à la musique de Debussy n’est pas le reflet d’une quelconque faiblesse architecturale, mais découle véritablement d’une nécessité d’exprimer des phénomènes en perma-nente transition. Les œuvres sont sensorielles. Elles visent à éveiller chez l’auditeur des sensations particu lières et des associations d’idées précises. Tel Scriabine, il n’est pas faux d’associer Debussy à la synesthésie. Si l’on a cherché à qualifier la musique d‘impressionniste, de symboliste, de fauviste ou de pointilliste, le musicologue Harry Halbreich a peut-être trouvé la formule la plus adéquate pour décrire la musique de Debussy : « Comme Nietzsche disait que les Grecs étaient superficiels par profondeur, l‘œuvre de Debussy est légère par gravité ».

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BÉLA BARTOK : SONATE pOuR VIOLON Sz.75

Né en 1881 à Nagyszentmiklós en Hongrie, mort à New York, Bartók est nommé professeur à l’Académie de Musique de Budapest à l’âge de 26 ans. Il partage sa vie entre la composition, l’enseignement et l’étude systéma-tique des chants folkloriques. Il posera les fondements de l’ethnomusicologie moderne. Son style, qui a évolué au fil du temps, peut être divisé en six périodes et influ-ences précises, correspondant assez fidèlement aux Six Quatuors à cordes qu’il a écrits:

I. La phase de distanciation du postromantisme de Richard Strauss vers 1910, graduellement remplacé par l’esthétique debussyste ;

II. La phase « expressionniste » / « impressionniste » durant et peu après la Première Guerre Mondiale, qui verra notamment la création de son chef-d’œuvre Château de Barbe-Bleue ;

III. La phase d’expérimentation vers 1925 sous l’influence du Sacre du Printemps de Stravinsky et du dodécaphonisme de Schönberg ;

IV. La phase plus « structuraliste » avec l’aboutissement de sa fameuse forme en arche (i.e. suite de mouvements disposés de façon con-centrique) à la fin des Années folles ;

V. La phase de retour à un langage plus classique et tonal au milieu des Années 1930 ;

VI. La phase de déchirement liée à la montée du na-zisme et la nécessité de s’exiler en Suisse d’abord, puis aux États-Unis.

Bartók a écrit quatre Sonates : les deux Sonates pour violon et piano (Sz.75 & Sz.76), la célèbre Sonate pour deux pianos et percussion (Sz.110) et la Sonate pour vio-lon seul (Sz.117).

N’ayant pas les connaissances suffisantes de la musique de Bartók, nous préférons reprendre ci-après l’analyse faite par Alain Poirier de la Sonate Sz. 75.

« Les deux Sonates pour violon et piano ont été composées respectivement d’octobre à décembre 1921, et de juillet à novembre 1922. Toutes deux dédiées à la violoniste Jelly D’Aranyi, dont Bartók appréciait particu-lièrement le jeu, elles seront jouées par la dédicataire et le compositeur lors des journées parisiennes et londo-niennes qu’ils effectueront en 1922 et 1923.

Les dix années qui séparent les Deuxième et Troisième Quatuors sont marqués par une intense activité dans la recherche et la transcription de la musique populaire … À côté de cette importante production, Bartók oriente de plus en plus ses efforts vers une musique savante incontestablement marquée par le dodécaphonisme des viennois, – comme en témoigne ces deux sonates. Les deux partitions, qui forment un ensemble cohérent comparable à celui des Troisième et Quatrième Quatuors, se situent en effet au point de convergence de trois influences majeures : Debussy, tant pour la conception du langage que pour l’écriture pianistique (en particulier celle des Études que Bartók admirait), Schönberg (dont Bartók connaissait les Trois Pièces op.11 pour piano), et

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la musique populaire qui, souvent, n’est pas moins riche en ambiguïtés tonales. Il en résulte que Bartók parvient ici à une écriture d’une audace jamais égalée par la suite : bien que rattachée l’une et l’autre à une tonalité principale – respectivement do dièse et do –, les deux Sonates s’en écartent très librement par le biais de la bitonalité fréquente, jusqu’à l’atonalité la plus déclarée. De ce point de vue, les deux Sonates se situent dans le prolongement des audacieuses Études op.18 (Sz.72, 1918), avec, pour la seconde, la combinaison entre un langage très élargi et la réintégration de la musique po-pulaire dans le sillage des Improvisations op.20. Il serait faux de croire que Bartók hésite entre l’influence de la musique à douze sons et l’authenticité de la musique folklorique : ces deux orientations, plus, ou moins, dis-sociées dans cette période, sont en fait capitales pour comprendre la fusion que Bartók opérera bientôt entre « savant » et « populaire » – dont les Quatuors constitu-eront le magistral aboutissement. Autre caractéristique importante : le traitement instrumental repose sur une grande indépendance entre le violon et le piano – chacun menant son propre discours sans que se produisent de véritables échanges thématiques entre les deux parties. D’exécution très difficile, les Sonates abondent en grands intervalles tant au violon (qui bénéficie de plusieurs cadences solistes) qu’au piano (ou certaines dispositions d’accords nous apportent de précieux rens-eignements sur la morphologie de la main de Bartók). Partitions délicates, elles se rangent parmi les chefs-d’œuvre du genre qui, s’il est encore abondamment

traité au XXème siècle, se trouve rarement illustré par une telle originalité dans l’invention.

La Première Sonate, en trois mouvements, est de loin la plus longue et la plus révélatrice des influences citées plus haut. L’Allegro appassionato, bien qu’épousant la forme sonate mais traitée librement, est le plus marqué par Schönberg. Quant aux influences debussystes, elles resurgissent plus clairement dans l’Adagio central, de forme tripartite, - proche de l’écrit de la Sonate pour violoncelle et piano (1915). L’Allegro final, apparenté à un rondo, renoue avec le premier mouvement, mais avec une coloration populaire en particulier d’origine rou-maine, et dans une accélération progressive du tempo qui rapproche ce mouvement de l’Allegro central du Deuxième Quatuor ».

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Vendredi 9 septembre 18 h & Dimanche 11 septembre 18 h

QuATuOR STRAdIVARI (quatuor à cordes)

BLyThE TEh ENGSTROEM (alto – Maggini)

& ThOMAS dEMENGA (violoncelle – Guarneri)

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BLyThE TEh ENGSTROEM (alto – Maggini)

& ThOMAS dEMENGA (violoncelle – Guarneri)

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Vendredi 9 septembre 2016 à 18 h

QuATuOR STRAdIVARIXIAOMING WANG (violon Aurea), SEBASTIAN BOhREN (violon King George), LECh ANTONIO uSzyNSKI (alto Gibson), MAJA WEBER (violoncelle Suggia) & ThOMAS dEMENGA (violoncelle Guarneri)

ROBERT SChuMANN (1810-1856) - Quatuor à cordes N°3 op. 41/3 en La majeur (1842)I. Andante espressivo – Allegro molto moderatoII. Assai agitatoIII. Adagio moltoVI. Finale : Allegro molto vivace

SChuBERT (1798-1828) – Quintette à cordes d. 956 en ut Majeur (1828) I. Allegro ma non troppoII. AdagioIII. Scherzo. Presto – Trio. Andante sostenutoVI. Allegretto

Le concert sera suivi d’un cocktail dînatoire.

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Dimanche 11 septembre 2016 à 18 h

QuATuOR STRAdIVARIXIAOMING WANG (violon Aurea), SEBASTIAN BOhREN (violon King George), LECh ANTONIO uSzyNSKI (alto Gibson), MAJA WEBER (violoncelle Suggia) & BLyTEh ENGSTRÖM (alto Maggini) & ThOMAS dEMENGA (violoncelle Guarneri)

MOzART (1756-1791) – Quintette à cordes N° 4 K.516 en sol mineur (1787)I. Allegro II. Menuetto: Allegretto III. Adagio ma non troppo VI. Adagio. Allegro

BRAhMS (1833-1897) – Sextuor à cordes N°2 op. 36 en Sol majeur (1865)I. Allegro non troppoII. Scherzo. Allegro non troppoIII. AdagioVI. Poco Allegro

Le concert sera suivi d’un dîner au château.

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SChuMANN (1810-1856) : QuATuOR À CORdES EN LA MAJEuR Op.41/3

Tout au long de sa brève vie d’artiste, Schumann adopta toujours le principe de la concentration sur un genre musical à la fois. C’est ainsi que la miraculeuse année 1842 fut entièrement consacrée à la musique de chambre, et donna naissance à cinq chefs-d’œuvre du romantisme : les Trois Quatuors à cordes op.41, l’incontournable Quintette pour piano et cordes en Mi bémol majeur op.44, et le non moins sublime Quatuor pour piano et cordes op.47 dans la même tonalité. En 1842, Schumann avait déjà traversé plusieurs épreuves importantes de sa vie, mais n’avait pas encore sombré dans la folie, qui date de la fin de la décennie : la renon-ciation à sa carrière de pianiste en raison d’une dystonie focale ; le mariage avec Clara Wieck, pianiste virtuose, après une lutte acharnée contre son beau-père (1840). A cette époque, il avait aussi composé quelques 150 lieder (1840), sa Première Symphonie (1841), ainsi que la plupart de ses merveilles pour le piano, dont Papillons op.2 (1831), les Davidbündlertänze op.6 (1837), Carnaval op.9 (1835), les Études symphoniques op.13 (1834), les Kinderszenen op.15 (1838), les Kreisleriana op.16 (1838), la Fantaisie op.17 (1839).

Schumann dédia ses Quatuors op.41 à son ami Mendels-sohn. Il est vraisemblable qu’en achevant son propre cycle de Trois Quatuors op.44 en 1838, Mendelssohn ait joué le rôle de catalyseur. Ceux de Schumann furent

écrits en l’espace de cinq semaines seulement, dans un moment de pure frénésie. Le Troisième, le plus long et ambitieux de la série, fut terminé en moins de cinq jours. Contrairement aux apparences, l’écriture n’a rien de superficiel, mais découle d’un long travail préparatoire. En effet, pour s’accommoder des moments de solitude lorsque sa jeune épouse partait en tournée, Schumann s’était mis à étudier de façon approfondie les quatuors de la période classique, en particulier ceux de Haydn, de Mozart et de Beethoven.

Dans une lettre adressée à Clara pour son anniver-saire, peu avant la première, Schumann ne cacha pas sa fierté : « Ce fut un jour plein de joie et de plaisir …Tout ce que je peux te dire des Quatuors est qu’ils me ravissent jusque dans le détail. Tout y est neuf mais clair, travaillé avec délicatesse, mais toujours dans le vrai style du quatuor. »

Ferdinand David, le Konzertmeister du Gewandhaus de Leipzig et le dédicataire du Concerto pour violon de Mendelssohn, se chargea de la création de l’opus 41 en 1843. Avec la présence de Clara au piano furent donnés le Premier Quatuor et le Quintette. Mendelssohn s’empressa de féliciter Schumann pour l’exquis Premier Quatuor.

Le Quatuor en La majeur est structuré en quatre mouvements : Le premier, marqué Andante espressivo, est une longue rêverie, pleine de tendresse, de grâce

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et de fragilité amoureuse. Le deuxième, en fa dièse mineur, est un intermezzo Assai agitato, suivi de quatre variations inspirées du Quatuor en ré mineur de Schubert. La sonorité devient plus symphonique. Le troisième, un Adagio molto en ré majeur, est l’une des plus belles pages de Schumann. En forme lied en cinq parties, cet hymne, d’une rare noblesse de ton, recourt à des harmonies chromatiques et des dissonances dissolvantes. Le Finale est un rondo en la majeur de danses stylisées, se rap-prochant davantage de l’esprit contrasté des œuvres de piano, notamment du Carnaval et des Novelettes op.26.

SChuBERT : QuINTETTE EN uT MAJEuR d.956

Le Quintette en Ut majeur D.956 est l’une des oeuv res les plus importantes dans l’histoire de la musique, toutes périodes et formations confondues. Par ses dimensions orchestrales, l’indicible beauté de chaque mouvement, le souffle grandiose qui le traverse de bout en bout, il constitue pour beaucoup de mélomanes le testament de Schubert à l’Humanité. Achevé dans la foulée de la Grande Symphonie en Ut en septembre 1828, il marque l’apothéose d’un génie foudroyé quelques semaines plus tard à l’âge de 31 ans seulement. L’ancien séminariste et petit chanteur à la Chapelle impériale aura laissé à la postérité plus de chefs-d’œuvre les dix huit derniers mois de sa vie que n’importe quel autre compositeur. Il faut savoir que très longtemps le spectre de Beethoven a inhibé la créativité et l’audace du Wanderer romantique. Ce

n’est qu’à la mort de celui -ci en mars 1827 que Schubert s’est finalement libéré du poids psychologique de son Maître et trouvé son propre chemin. Durant cette période figurent les incontournables du répertoire classique, tels:

- les deux Trios D.898 / D.929 et le Notturno en mi bémol D.897 pour piano, violon et violoncelle ;

- la Fantaisie pour deux pianos D.940 ;- la 9ème Symphonie en Ut Majeur D.944 ; - es deux séries de quatre Impromptus D.897

et D.935, ainsi que les Trois Klavierstücke D.946 (qui auraient dû constituer le 3ème cycle d’Impromptus pour piano) ;

- la Messe en Mi bémol majeur D.950 ;- la Sonate D.894, l’Allegretto en do mineur D.915 ainsi

que l’immense trilogie des Sonates D.958, D.959 & D.960 pour piano ;

- le Trio pour voix, clarinette et piano D.965 « Der Hirt auf dem Felsen » (le berger sur le rocher) ;

- d’innombrables lieder, dont les deux célébrissimes cycles « Winterreise » (Voyage d’hiver) D.911 et « Schwanengesang » (Chant du cygne) D.957.

Schubert a composé deux Quintettes, le premier en 1819 pour piano et quatuor à cordes en La Majeur D.667 – la fameuse Truite – , le deuxième, ledit Quintette en ut pour cinq instruments à cordes avec doublement du violoncelle. Contrairement à Mozart, qui préféra doubler l’alto dans chacun de ses sept quintettes, –

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i.e. les voix médianes de l’orchestration –, Schubert choisit de donner plus de poids aux registres extrêmes des aigus et des graves. Personne ne peut affirmer avec certitude si les quintettes à cordes d’Onslow ou ceux de Boccherini ont servi de modèle.

Toutefois, il ne fait aucun doute que par la profondeur et la richesse de la pensée musicale, l’individualisation de chaque voix, Schubert a étudié de façon approfondie les quintettes de Mozart, en particulier celui écrit dans la même tonalité d’ut majeur K.515.

Le musicologue Marcel Schneider l’a bien décrit : « On voit sans peine pourquoi Schubert a choisi un second violoncelle pour former son Quintette ..., il a un rôle complètement indépendant du premier violoncelle; tantôt il joue à l’unisson avec lui, et Schubert retient une sonorité vibrante, pleine d’une sombre grandeur, tantôt il contrepointe le premier violoncelle et les autres instruments. Enfin, par la couleur et par l’ampleur de sa voix, il accentue l’atmosphère romantique troublante de l’œuvre. Mozart, dans les sept quintettes qu’il a écrit pour deux altos, a montré à Schubert ce qu’on obtient d’un instrument qui peut doubler, soutenir ou accompa-gner la mélodie du premier, et quel effet orchestral on arrive donner à la musique de chambre ».

Le Quintette est souvent décrit comme le Requiem de Schubert. En effet, le bouleversant deuxième mouve ment ne cesse d’étreindre les auditeurs à la gorge. Ce n’est pas un hasard si, sur son lit de mort, Arthur Rubinstein se soit souhaité ce mouvement.

Comme pour la plupart de ses œuvres, Schubert n’a pas eu le bonheur d’entendre le Quintette de son vivant. Ce n’est qu’en 1850 qu’eut lieu la première représenta-tion au Musikverein de Vienne.

Il est vrai qu’entre temps Liszt et Schumann se sont engagés à faire connaître du grand public plusieurs œuvres de cet « illustre inconnu ». On leur doit respec-tivement plusieurs transcriptions de lieder pour piano et la fameuse découverte, chez le frère du compositeur à Vienne, de la partition de la Symphonie en Ut.

Condamné à vivre dès 1822 dans la peur et la honte en raison de sa maladie mortelle, Schubert a subi les pires injustices de la vie. La conscience de cette fatalité a toutefois provoqué en lui une résignation spirituelle, à la fois douloureuse et positive, comme ce fut le cas dès 1788 pour Mozart – l’année de ses pires angoisses existentielles et matérielles –, et libéré une frénésie de composer similaire à Beethoven à la suite du Testament de Heiligenstadt. Dorénavant, il ne compose plus pour lui, mais pour la postérité. Si l’on songe que les grands compositeurs atteignent rarement le sommet de leur art avant la quarantaine, force est de constater la perte pour le monde musical engendrée par le décès précoce de ces deux musiciens d’exception (auxquels il faut évidem ment ajouter Mendelssohn, mais qui eut la chance de grandir dans le milieu privilégié d’une famille de banquiers berlinois).

L’apprivoisement de la mort, – la coexistence pacifique

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avec elle –, est probablement le thème central de la pensée de Schubert. Explicitement mentionnée dans le célèbre Quatuor à corde « La jeune fille et la mort » et dans de nombreux lieder dont Erlkönig (le Roi des Aulnes), Winterreise, Schwanengesang, elle est plus subtilement évoquée dans d’autres œuvres majeures. La relation entretenue entre la souffrance et la délivrance, entre la vie spirituelle et les contraintes terrestres, entre la jeunesse et la fatalité de la mort crée une tension omniprésente chez Schubert.

Jusqu’à une période relativement récente, il était d’usage de procéder à des coupures lors des représen-tations publiques. Les répétitions étaient rarement res-pectées et les interprètes s’autorisaient régulièrement la licence d’éliminer des thèmes et des développements lorsqu’ils les jugeaient trop longs. Et pourtant, cette Wanderung chantante ne prend tout son sens que dans l’espace et le temps, comme du reste chez Wagner. L’amateur qui se contentera d’une écoute superficielle, miniature, passera à côté de toute l’évolution psycholo-gique. La grandeur d’une œuvre artistique ne se dévoile que rarement instantanément. La richesse de ses facet-tes, les différents niveaux de lecture, nécessitent que l’auditeur prenne le temps d’ouvrir son cœur et son es-prit. Il est alors transporté dans les plus hautes sphères de ce voyage initiatique.

MOzART : QuINTETTE EN SOL MINEuR K.516 Composé à Vienne en mai 1787, peu avant l’opéra Don

Giovanni, le Quintette en sol mineur K.516 fait partie des œuvres capitales de la musique de chambre, comme son pendant en Ut majeur K.515, antérieur de trois semaines. Manifestations suprêmes de l’élévation de l’esprit, les deux quintettes sont de par leurs dimensions formelles les architectures les plus vastes de musique pure laissées par Mozart. Ils doivent être vu comme un binôme d’œuvres complémentaires dans lesquelles Mozart exprime la quintessence de sa pensée. Il y trouve des solutions à toute une série de problèmes dont l’individualisation et l’entrelacement des voix, le jeu d’éléments opposés, les réactions de forces adverses ... Comme l’ont résumé Wyzewa et Saint-Foix dans leur monumentale monographie sur le compositeur, Mozart nous livre dans ses quintettes de la maturité (K.515, K.516, K.593, K.614) « tous les secrets de la plus belle et savante écriture musicale : la richesse et l’invention des thèmes ; la mise en œuvre de toutes les parties instrumentales et de toutes les ressources chromatiques et contrapuntiques ; la modernité de l’écriture par le recours fréquent aux dissonances, aux modulations et aux silences ».

A cette époque, Mozart avait déjà achevé son fameux

cycle des Six Quatuors à cordes dédiés à Haydn. Ces œuvres ont nécessité un énorme travail d’apprentissage comme l’attestent les innombrables ratures et corrections

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apportées, une anomalie par rapport à la facilité dé-concertante que l’on associe d’habitude à Mozart. Leur réalisation marque clairement le passage à l’âge de la maturité et démontre la maîtrise souveraine du langage musical, bien loin des pièces galantes ou de circons-tance.

Historiquement, les quintettes à cordes avec doub-

lure de l’alto ont émergé quelques années auparavant sous l’impulsion de Michel Bach, qui en composa trois magnifiques en 1773, et de Boccherini qui en produisit pas moins de cent vingt-cinq, dont une majorité pour un second « violoncelle alto ». Dès le XVIème siècle, l’écriture à cinq voix jouait un rôle central dans la musique voca-le comme l’attestent les grands chefs-d’œuvre du mad-rigal de Gesualdo, Monteverdi, Schütz, Byrd, Gibbons.

Les Quintettes de Mozart s’adressaient clairement à un public de connaisseurs, car nulle part n’est fait men-tion d’une quelconque commande officielle. D’ailleurs, Mozart prenait un énorme plaisir à accompagner ses amis Haydn, Dittersdorf et Vanhal à l’alto, l’instrument au centre de la polyphonie et pivot de l’équilibre général entre les registres.

En tenant compte du présent Quintette, Mozart n’a

recouru à la tonalité ténébreuse, fiévreuse et drama-tique de sol mineur qu’à quatre reprises dans l’ensemble de sa production : une première fois en 1773 dans la Symphonie de jeunesse Sturm und Drang N°25, ensuite en 1785 dans le Quatuor pour piano et cordes K.478 et

finalement, en 1788, dans sa célébrissime Symphonie N°40. Dans le Quatuor, seul le premier mouvement est en sol mineur alors que le caractère général de l’œuvre est bien moins sombre et heurté. Mozart semble avoir trouvé la force combative. Quant à la Symphonie, elle débute certes de façon désolée et dramatique, mais elle évoluera lors du finale, le morceau le plus atonal de Mozart, vers une âpre sauvagerie. Mozart semble mani-festement avoir retenu la leçon du quintette (Halbreich).

Écrit dans le style d’un émouvant dialogue imaginatif,

le Quintette est nul doute le plus poignant, déchirant et angoissé des témoignages de Mozart en sol mineur. Dès les premières mesures de l’Allegro, nous sommes plon-gés en plein drame musical. Immédiatement nous nous rendons compte que personne ne sortira indemne de ce combat. L’ombre prend le dessus sur la lumière.

Le Menuetto qui suit est une sombre plainte, ent-

recoupée de soupirs et de silences. Il fait brièvement place à un trio en sol majeur, sorte de chant élyséen inaccessible.

Puis vient le déchirant Adagio ma non troppo con

sordino que Wyzewa décrit comme le « sommet des rêveries poétiques sorties de l’âme mozartienne » … « Rien de plus chantant, de plus recueilli, de plus pieux » que ce mouvement lent dans lequel Mozart impose à chaque instrument la sourdine. Il démontre « l’immense supériorité chez Mozart de l’ordre de la

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MusiqueCONVIVIALITÉ

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beauté ». Alfred Einstein, l’autre grand musicologue de l’époque, l’a dépeint comme « la prière d’une âme isolée toute entourée d’abîmes ».

Dans une lettre adressée à sa mécène, la baronne Nadezhda von Meck, Tchaikovsky écrit à propos de ce mouvement : « Dans la musique de chambre, personne ne me charme autant que Mozart par la pureté et la distinction de style, la gestion exquise des différentes parties … Il y a des éléments qui vous tirent les larmes des yeux. Je ne citerai que l‘adagio du quintette à cordes … Personne n‘a jamais réussi à transcrire si parfaitement en musique le sens de l’inconsolable douleur et de la résignation ».

Selon les époques et les sensibilités, plusieurs explica-

tions ont été avancées pour expliquer le sens profond de l’œuvre. Elisabeth Kübler-Ross y décèle les cinq stades de la souffrance (face à la mort), correspondants aux cinq parties de la pièce (le 4ème mouvement étant divisé en deux parties) : le déni – la révolte – la culpabilité – le chagrin – l’acceptation (ndlr dans l’oubli ou la fuite).

Si d’aucuns ne remettent en question la grandeur tragique des trois premiers mouvements, le dernier mouvement – qui poursuit l’œuvre sur le ton de sol mineur, fait unique dans la musique après un 3ème mou-vement lent en mineur – évolue dans sa deuxième partie vers quelque chose de complètement inattendu en sol majeur (!), déchaînant ainsi les passions les plus vives des commentateurs. Certains le considèrent comme un

acte libératoire après la violence inouïe des mouvements précédents, d’autres le jugent sévèrement au point d’en faire un âpre débat philosophique ou métaphysique. De fait, son caractère insouciant, frivole, voire endiablé – certains l’apparentent à une bacchanale ou à une taren-telle, la dance de l’araignée, la danse de la mort – offre un contraste surprenant par rapport à ce qui précède. Historiquement, l’œuvre a été composé quelques jours avant la mort de son père Léopold. Si Mozart avait voulu écrire un requiem à sa mémoire, ou une autobiographie des sentiments éprouvés face à la fatalité de notre existence, comme l’ont suggéré diverses sources, pour-quoi terminer une œuvre si chargée émotionnellement par une danse proche de l’hystérie ? N’est-ce pas une démarche incongrue d’un fervent catholique, de surcroît franc-maçon ?

Nous n’avons pas la prétention de connaître la réponse profonde à cette question, et chacun est libre de se forger sa propre interprétation. Ce qui est certain, par contre, c’est que Mozart, une âme plutôt rationnelle et raisonnable, avait déjà atteint la pleine maturité spiri-tuelle. Il est erroné de vouloir comparer la psychologie de sa personnalité à celle de Beethoven, radicalement différente. Les deux maîtres sont certes des croyants inconditionnels, mais alors que l’un est encore un enfant du Siècle des Lumières, l’autre, affirmatif et révolution-naire dans l’âme, se voyait confié d’une mission divine de délivrer le monde au travers de sa musique. Le champ de bataille n’est évidemment plus le même.

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Une année plus tard, à travers ses deux dernières Symphonies K.550 et K.551, Mozart trouvera une autre solution au problème existentiel de la mort. En effet, l’autre paire de célèbres chefs-d’œuvre écrits dans les tonalités de sol mineur / do majeur ont été volontaire-ment répertoriés par Mozart en sens inverse dans son catalogue, avec une conclusion beaucoup plus solaire et apaisée. Autant dans le quintette Mozart n’a trouvé d’autre solution à son problème que la fuite face à la réalité, autant par la suite il assumera pleinement les conditions de l’existence humaine. Ce n’est pas pour rien que la Symphonie K.551 porte le titre olympien de « Jupiter », témoignage de l’inébranlable sérénité face à la mort.

BRAhMS : SEXTuOR EN SOL MAJEuR Op.36 (1864-5)

Œuvre contemporaine du Quintette pour piano et cordes en fa mineur op.34, le Sextuor en sol majeur fut composé lors d’un séjour prolongé à Baden-Baden en 1864-5, peu de temps avant que Brahms ne quitte définitivement les brumes du Nord pour les cieux plus radieux de Vienne. La pièce, de caractère éthérée, fut publiée en 1866, concomitamment à sa création à Boston. La première audition européenne eut lieu une année plus tard à Vienne dans le cadre des concerts de musique de chambre du Quatuor Hellmesberger, le digne successeur du Quatuor Schuppanzigh. Désemparé par les raffinements polyphoniques, le public lui réserva malheureusement un accueil glacial. Les concerts qui

suivirent à Zurich et Londres rencontrèrent toutefois un vif succès.

Postérieur aux granitique Premier Concerto pour piano, bucoliques Sérénades pour orchestre, virtuoses Variations Händel et Paganini, le Sextuor op.36 est une œuvre pastorale sensiblement plus sophistiquée et complexe que le Sextuor op.18 en si bémol majeur écrit cinq ans plus tôt. Le premier sextuor est d’ailleurs généralement considéré comme la première grande partition de musique de chambre de Brahms. Si d’autres compositions l’ont précédé, elles furent toutes sérieu-sement remaniées par la suite, voire détruites comme les Quatuors à cordes de Hambourg sous la pression de l’intimidante stature de Beethoven. Ce que le Sextuor en sol majeur perd en fraîcheur et spontanéité par rapport au Sextuor du « printemps », il le gagne en termes de structure, d’harmonie et de science du contrepoint. La richesse sonore des cordes est d’ailleurs inégalé dans toute la production brahmsienne et le nombre de me-sures du premier mouvement (605) n’a été dépassé que dans le Scherzo pour piano en mi bémol mineur op.4.

Les Sextuors furent écrits pour trois paires de vio-lons, altos et violoncelles. La doublure des instruments donnait à Brahms une grande liberté d’expression. Cette répartition instrumentale offrait aussi l’avantage de ne pouvoir être jugée par rapport à des modèles du passé. Hormis la transcription faite par Mozart de sa Symphonie concertante K.364 en sextuor à cordes, il n’y eu guère que Luigi Boccherini qui produisit abondamment pour

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cette formation, à la nuance toutefois, que le composi-teur florentin attribuait en règle générale au deuxième violoncelle le rôle de basse continue.

Brahms fut initié à la musique par son père, un cornis-te amateur vivant de petits boulots à Hambourg. À l’âge de sept ans, il reçut ses premiers cours de piano et devint en 1843 l’élève d’Eduard Marxsen. Ce professeur taciturne lui enseigna pendant dix ans les principes de la virtuosité et aurait sombré dans l’anonymat si, en témoignage de sa gratitude, Brahms ne lui avait dédié son 2ème Concerto pour piano. C’est à l’âge de treize ans que Brahms se produisit pour la première fois dans les cabarets malfamés de la Reeperbahn, muni d’une technique bien suffisante pour aborder les morceaux de variétés exigées. Il semble qu’en échange de ce modeste gagne-pain, le jeune musicien s’accommoda facilement du goût douteux de son public. Cela ne l’empêcha pas toutefois de se cultiver en étudiant la littérature et les formes musicales du passé. Sa profonde connaissance des structures et des techniques de composition baroques et classiques se reflètera d’ailleurs abondam-ment dans ses propres œuvres.

La carrière de Brahms prit une tournure décisive en 1853 lorsque Brahms fit, dans le cadre d’une tournée à travers l’Allemagne en compagnie du violoniste hongrois Eduard Reményi, la rencontre de Joseph Joachim à Hanovre et de Franz Liszt à Weimar. Grâce à Liszt, il fit aussi la connaissance de Robert et de Clara Schumann.

Tous furent des amis de la première heure, des sources d’inspiration et d’ardents défenseurs de sa musique. Par la suite, Brahms pourra aussi compter sur le soutien du plus influent critique musical de l’époque, Eduard Hanslick, réputé pour ses jugements au vitriol. Au début de sa carrière, ce sont toutefois les deux Sextuors, puis le Requiem allemand, qui firent sa réputation et lui assu-rèrent l’indépendance financière.

Le Sextuor op. 36 porte parfois le surnom d’ « Agathe ». Il s’agit d’une référence à la jeune Agathe von Siebold, son grand amour de jeunesse. En 1859, cette fille de professeur de Göttingen était même devenue sa fiancée. Dans la biographie officielle consacrée au compositeur, Karl Geiringer affirme que Brahms a introduit un passage d’une cinquantaine de mesures se rapportant aux lettres du prénom de sa bien-aimée, un arrière-plan musical que corrobore Joseph Joachim. Ce motif thé-matique se situe au milieu du premier mouvement et est marqué poco forte espressivo dans la partition. Pour le comprendre, il faut savoir qu’en allemand la gamme des notes se décline par des lettres : C (do) – D (ré) – E (mi) – F (fa) – G (sol) – A (la) – B (si bémol) - H (si). Ainsi, en rattachant la lettre T (prononcée doucement) au H, on retrouve toutes les lettres du prénom d’Agathe : A – G – A – (T)H – E.

Le Sextuor op.36 est une démonstration éclatante de la maîtrise de Brahms pour le contrepoint et les varia-tions. Composé selon le modèle de la forme sonate, le

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1er mouvement Allegro ma non troppo commence par un thème de quintes ascendantes, plongeant immédiate-ment l’auditeur dans une ambiance d’élégie champêtre. À ce lyrisme ample et fervent viennent parfois s’ajouter quelques nuages mélancoliques dans un subtil jeu clair-obscur.

Le 2ème mouvement en sol mineur est indiqué Scherzo, mais il s’apparente davantage à un intermezzo mélo-dique et délicat dans lequel figure aussi une section médiane presto giocoso de Ländler.

Soutenu par d’amples harmonies chromatiques, le mélancolique et rêveur 3ème mouvement est un Adagio en mi mineur empli de tristesse et de questionnement au cours duquel Brahms démontre une nouvelle fois toute sa science du chant, du contrepoids et des variations. En effet, après la partie introductive, la structure évolue vers une série de cinq variations rythmées et une coda de dix mesures, qui vient clôturer le mouvement dans un sentiment apaisé, légèrement douloureux (Tranchefort).

Finalement, dans le dernier mouvement marqué Poco Allegro, Brahms oppose deux idées contrastées que relie un bref développement central de quinze mesures seulement. Si le mouvement conclusif en forme sonate n’a jamais rencontré l’admiration des mouvements pré-cédents en raison d’une certaine rusticité, il a le mérite de se terminer dans la gaîté.

Le vif succès populaire des deux sextuors incita probablement d’autres compositeurs à suivre le chemin tracé par Brahms, dont Borodine (1861), Rimski-Korsakov (1876), Anton Rubinstein (1876), Dvorak (1878), Schönberg (La Nuit transfigurée, 1889), Tchaïkovski (Souvenir de Florence, 1890), Reger (1910), d’Indy (1927). Ils en com-posèrent chacun un. A noter que dans la dernière sé-quence de son film Buffet froid, Bertrand Blier accorde un rôle prééminent au mouvement Allegro ma non troppo.

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Château du PoujoulaApRÈS CONCERT

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*1 *2 *3 *4

Ou une belle déclaration d’amour

à la musique.

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XIAOMING WANG (1er violon – Stradivarius Aurea)

Né en Chine en 1982, il commença le violon à l‘âge de quatre ans. Parallèlement à la scolarité obligatoire, il reçut pendant 10 ans l’enseignement musical du célèbre pédagogue Xu au Conservatoire central de Pékin. Son talent fut très vite encouragé par la fondation Herbert von Karajan à Vienne. C’est sous la tutelle de Gerhard Schulz, le violoniste mémorable du Quatuor Alban Berg, qu’il s’est ensuite immergé dans la culture Mitteleuropa indispensable lorsque l’on veut s’approprier le style et pénétrer l’esprit de la musique de chambre de la Vienne habsbourgeoise. Xiaoming s’est distingué lors de plusieurs compétitions. Il remporta notamment le 1er prix et celui du jury au Concours international de violon Leopold Mozart.

Il fut nommé 1er violon solo de l’Orchestre du Festival de Verbier (sous les baguettes de James Levine et de Charles Dutoit) et de l’Orchestre de chambre de Verbier (sous Gabor Takacs- Nagy), deux formations de jeunes talents venus des quatre coins du monde, qui chacune ont beaucoup contribué au prestige international du festival. En 2008, il fut promu 1er violon solo de l‘Orchestre de l‘Opéra de Zurich.

*1 StRadiVaRiuS auREa (1715) En latin, Aurea signifie doré, en or, d’or. Sorti de

l’atelier de Stradivarius en 1715, l’Aurea appartient à ce que les spécialistes appellent l’âge d’or du maître, une période qui s’étale sur une vingtaine d’années environ

entre 1700- 1720. C’est durant cette période que le maître a généralement fait ses meilleurs instruments, dont l’Aurea. On suppose que Stradivarius a proportionné ce violon selon le nombre d‘or (aurea sectio), un terme utilisé pour décrire la relation mathématique selon laquelle la partie la plus petite (i.e. la partie supérieure de la caisse de résonance du violon) rapportée à la plus grande (i.e. la partie inférieur) est identique entre celle- ci et le tout (l’instrument). C’est d’après ce modèle géométrique qu’il a calculé la position optimale des deux ouïes en forme de ƒ pour produire la meilleure sonorité possible. Le résultat est un violon mince et agile, qui brille par son incomparable plénitude sonore. Son histoire insolite peut être retracée jusqu’au milieu du XIXème siècle lorsqu’un dénommé Pr Bartl en fit l’acquisition. Après avoir subi une blessure incapacitante à l’un de ses doigts, loin de désespérer de son sort, il fit convertir son violon pour le jouer de la main droite. Pendant une quarantaine d’années, l‘instrument fut joué de cette manière. C’est probablement en 1909 que le violon fut acquis par un nouveau propriétaire, qui le fit immédia-tement restaurer pour la main gauche. Depuis, nous entendons la sublime sonorité dorée de l’Aurea dans sa configuration d’origine.

SEBASTIAN BOhREN (2ème violon – Stradivarius King George)

Né en Suisse en 1987, il commença à jouer du violon à l‘âge de huit ans. Élève de Jens Lohmann au Conserva-

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toire de Zurich, il rejoignit par la suite l‘Université de musique de Zurich, ce qui lui permit d’étudier avec des professeurs de renommée mondiale tels que Zakhar Bron – le maître de Vadim Repin et de Maxim Vengerov – et, plus tard, Igor Karsko à Lucerne. Ana Chumachenco compte aussi parmi ses mentors. Lauréat de nombreux concours, il a joué comme soliste et musicien de chambre dans de nombreux lieux prestigieux, tels que le Konzerthaus de Vienne, la Residenz de Munich ou la Tonhalle de Zurich. Il a accompagné divers orchestres dont l‘Orchestre de Chambre de Zurich, l‘Orchestre de Chambre de Lucerne, la Philharmonie des Jeunes à Munich. Sa carrière est sur le point d’inflexion et prête à véritablement décoller.

En 2015 Sebastian Bohren a sorti son premier enregi-strement en tant que soliste: le Concerto pour violon en Ré majeur de Pleyel. En 2016, toujours chez Sony, il poursuit avec le Concerto pour violon de Beethoven et la Fantaisie pour violon et orchestre op.131.

*2 Stradivarius King George (1710)

Datant de 1710, ce précieux violon fut nommé d‘après son propriétaire de l’époque, le roi George III d‘Angleterre. En 1800, l‘auguste monarque le présenta à un officier écossais dont la devise était en raison de son admiration pour l‘instrument « pas sans mon Stradivarius ». Cavalier dans une unité du duc de Wellington, il tomba le 18 juin 1815 lors de la Bataille de Waterloo. Son violon fut miracu-leusement retrouvé en bon état dans la sacoche de son

cheval, survivant ainsi aux affres de la guerre. Bernhard Molique, un élève de Louis Spohr, devint le prochain propriétaire avant que l‘instrument ne passe aux mains du baron von Dreyfuss, un étudiant de Molique. La relation entre la famille Dreyfuss et le roi George ne se résuma pas à une transaction financière ponctuelle, car elle dura jusqu‘en 1889. L’expert luthier berlinois August Riechers en fit ensuite l’acquisition. Puis, ce fut au tour d’un dénommé professeur Meyer de le céder au marchand germano- américain Emil Hermann, qui le revendit aussitôt à Tokyo à un acquéreur inconnu. Peu avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le violon refit soudainement surface à Berlin par un cheminement non documenté.

LECh ANTONIO uSzyNSKI (Alto – Stradivarius Gibson)

Né en 1986 en Italie dans une famille de musiciens polonais, Lech Antonio grandit en Suisse et commença à l’âge de six ans à apprendre le violon avec son père. À 13 ans, il se mit également à jouer de l’alto. Quelques années plus tard au Concours suisse de musique de jeunes, il gagna simultanément les compétitions de violon et d’alto. Comme son cadet Sebastian, Lech étudia le violon auprès des professeurs Ana Chumachenco et Zakhar Bron à Zurich, et s’inspira de Rudolf Barshai pour son jeu d‘alto. En 2001, il fonda avec son frère le Trio Élégiaque, avec lequel ils remportèrent le prestigieux Concours Inter-national de Musique de Chambre Gaetano Zinetti.

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*3 Stradivarius Gibson (1734)Cet instrument fut probablement assemblé en 1734

par les mains tremblantes d’Antonio Stradivari lorsqu’il était nonagénaire. Plus petit que les altos ténors du maître, il s’agit sans doute du dernier contralto sorti de son atelier. Pourtant, l’incroyable beauté et la richesse de timbre du Gibson – l’un des douze rarissimes altos ré-pertoriés dans le monde de la facture de Stradivarius (!) –, sont la preuve de la vitalité artisanale et artistique du créateur, malgré son grand âge. A bien des égards, le Gibson en dit plus long sur le maître et son travail que les instruments les plus précieux provenant de la période d’or. Véritable testament d’une vie, il se démarque par sa perfection absolue et son excellent état de conservation. Ce joyau est nommé d‘après George Alfred Gibson (1849- 1924), un célèbre soliste anglais, professeur de violon à l‘Académie royale de musique et altiste du fameux Quatuor Joachim, formation où il jouait l’instrument qui porte aujourd’hui son nom.

MAJA WEBER (violoncelle – Stradivarius Bonamy Dobrée – Suggia)

Doyenne de la formation Maja naquit en Suisse en 1974. Elle commença à jouer du violoncelle à l‘âge de quatre ans. Elle se forma auprès des professeurs Frans Helmerson et Walter Levin, la figure légendaire du Quatuor LaSalle, ainsi que du non moins fameux Quatuor Alban Berg. Dès un très jeune âge elle s’est mise à jouer de la musique de

chambre dans le cadre du quatuor familial. Elle participa aussi au quatuor d’Ars Amata Zurich, puis forma avec sa sœur le Quatuor Amar, avec laquelle elle remporta le 1er prix Bubenreuth, les 2ème prix à Genève et à Graz, et le Prix Millenium à Londres. Elle lança le Quatuor Stradivari et poursuivit ce faisant son idéal de raconter des histoires à travers la musique. Ce n’est pas un hasard que l’adage du Quatuor Stradivari s’intitule « une déclaration d’amour à la musique ».

Dans le cadre du Duo Leonore, avec son partenaire de longue date Per Lundberg, Maja Weber vient d’enregistrer l’ensemble des Cinq Sonates pour violon et piano de Beethoven.

*4 Stradivarius Bonamy dobrée – Suggia (1717) Le violoncelliste anglais Hancock le joua, l‘érudit

anglais Bonamy Dobrée en fut temporairement l’heureux propriétaire et lui donna son nom, mais l‘histoire émou-vante de ce précieux Stradivarius de 1717 ne commença réellement qu’avec la mystérieuse diva portugaise Guil-hermina Suggia (1885- 1950). Son jeu enchantait le public par l’équilibre rare qu’elle apportait entre la perfection technique et la profondeur du sentiment. Arthur Nikisch – sans doute le chef d’orchestre le plus important de sa génération – en fut envoûté. À la fois extravagante, animée, intelligente et chaleureuse, Suggia vécut de nombreuses vies : à Paris elle fut l‘élève et l‘amante de Pablo Casals, à Londres une personnalité remarquée de la vie mondaine et au Portugal la femme mystique à la

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recherche de sa terre natale. À la Tate Gallery de Londres est suspendu le célèbre portrait de Suggia où Sir John Augustus la dépeint dans une union harmonieuse avec son violoncelle. À sa mort, l’instrument fut vendu pour financer les bourses d’études à la Royal Academy of Music, dont profitèrent notamment Jacqueline du Pré et Steven Isserlis.

A noter que l‘an dernier, le Quatuor Stradivari a enregistré dans l’église de Seon en Suisse les Quatuors prussiens de Mozart.

BLyTEh TEh ENGSTRÖM (alto – Maggini)

Après des études de violon et d’alto à la célèbre Uni-versité de l’Indiana à Bloomington, cette américaine s’est produite dans de nombreux festivals, dont le Verbier Festival, où elle fut une pierre angulaire lors de la création de l’orchestre de chambre émanant de ce festival. Elle en dirige encore de nos jours la section altos. Souverainement tranquille, elle a accompagné des chefs et des musiciens aussi prestigieux que Valery Gergiev, Zubin Metha, James Levine ou encore Yuri Bashmet. Parallèlement à cette activité, elle est membre du Serafino Quartet.

ThOMAS dEMENGA (violoncelle – Guarneri)

Depuis un quart de siècle, Thomas Demenga fait partie du cercle restreint des violoncellistes majeurs de la scène musicale internationale. Né en 1954 à Berne, élève à la Juillard School à New York, protégé de Leonard Rose et de Mstislav Rostropovitch, il a accompagné de nombreux grands chefs et orchestres, dont les Orchestres symphoniques de Berlin et de Boston, ou encore l’Orchestre de la Suisse Romande. Reprenant le flambeau d’Anne-Sophie Mutter et d’Alfred Brendel, Thomas a été désigné en 2003 « artiste étoile » du Festival de Lucerne. Grand érudit de la Musique ba-roque, ardent défenseur de la Musique contemporaine, Thomas est aujourd’hui professeur à la Haute École de Musique de Lucerne. Parallèlement à ses activités d’enseignement, il est un compositeur respecté et pro-lifique. Fort d’une longue carrière, il a enregistré plus d’une vingtaine d’albums, dont bon nombre consacrés à Bach.

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Château du PoujoulaENTRACTE

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Château du PoujoulapLAN dE LA SALLE

dE CONCERT

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RÉSERVATION–

BILLETTERIE–

pLAN d’ACCÈS

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Lieu : Château du Poujoula, 46170 Castelnau- Montratier

Réservation obligatoire : Jo Kemmish Téléphone : 05 65 21 80 05 Courriel : [email protected]

prix de la place :€35 (par concert)

Prix pour les enfants, étudiants, personnes handicapées : €25 (par concert)

Accès au Château : par la route D19 Castelnau- Montratier en direction de Moissac

PAIEMENT EN ESPÈCE, PAR CHÈQUE OU VIREMENT BANCAIRE : CRÉDIT AGRICOLE NORD MIDI-PYRÉNÉES

TITULAIRE : ASS LES AMIS DU POUJOULA, ADRESSE : CHÂTEAU DU POUJOULA, 46170 CASTELNAU-MONTRATIER

Code Banque: 11206 Guichet: 00087 N° Compte: 00313803651 Clé RIBB: 19IBAN: FR76 1120 6000 8700 3138 0365 119 SWIFT (BIC): AGRIFPP812

ASSOCIATION DÉCLARÉE À LA PRÉFECTURE DU LOT LE 5 JUIN 2014, NO RNA W461002638, SIÈGE SOCIAL CHATEAU DU POUJOULA 46170 CASTELNAU-MONTRATIER, TEL. 05 65 21 97 37 E-MAIL : [email protected]

dIRECTION CAhORS

< dIRECTION MOISSAC

CASTELNAu-MONTRATIER

ChÂTEAu dupOuJOuLA

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Dîners au Château 2016MOdALITÉS

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1er concert : 27 juin 2016 à 19 hIGOR LEVIT (piano)

Le concert sera suivi d’un cocktail dînatoire au château.

2ème concert : 22 juillet 2016 à 19 hKIT ARMSTRONG (piano)

Le concert sera suivi d’un cocktail dînatoire.

3ème concert : 24 juillet 2016 à 19 hVALERIy SOKOLOV (violon Stradivari)

EVGENy IzOTOV (piano)

Le concert sera suivi d’un dîner au château.

4ème concert : 9 septembre 2016 à 18 h QuATuOR STRAdIVARI & ThOMAS dEMENGA (violoncelle Guarneri)

Le concert sera suivi d’un cocktail dînatoire.

5ème concert : 11 septembre 2016 à 18 hQuATuOR STRAdIVARI & BLyThE TEh ENGSTROEM (alto Maggini)

& ThOMAS dEMENGA (violoncelle Guarneri)

Le concert sera suivi d’un dîner au château.

Chers Amis,Les concerts seront suivis d’un dîner ou d’un cocktail dînatoire au château durant lequel vous aurez la possibi-lité de vous entretenir avec tous les musiciens. Comme lors des précédents dîners, il est demandé à chacun d’apporter un plat pour environ 8 à 10 personnes.

Le nombre de places pour le repas dans les salons étant limité, nous vous saurions gré de commander vos places rapidement et d’indiquer votre participation aux dîners. Nous nous permettrons d’élaborer avec vous le plat à amener.

Les commandes sont définitives et ne peuvent être rem-boursées.

Jo Kemmish

Lieu : Château du Poujoula, 46170 Castelnau-MontratierRéservation obligatoire : Jo Kemmish Tél : 05 65 21 80 05 Courriel : [email protected]

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MÉCÈNAT–

SpONSORS

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Chers Amis du Poujoula, Votre soutien permettra de préserver le très haut niveau musical des artistes, de couvrir leur frais de voyage et d’hébergement, et de conserver l’infrastructure généreuse de la restauration lors des concerts au Poujoula.

Information : [email protected]

Le mécénat contribue de façon décisive à la réalisation de nos concerts. L’Association des Amis du Poujoula souhaite ici rendre hommage à ses donateurs et mécènes, et tient à les remercier très chaleureusement pour leurs généreuses contributions. Sans l’engagement et la passion des sponsors individuels et des entreprises, nous ne pourrions pas attirer au Poujoula des musiciens d’envergure internationale. Si les concerts vous ont satisfaits, qu’ils vous tiennent à cœur, pensez à notre Association. Parlez- en à vos amis. C’est le plus beau compliment que vous pouvez nous faire. C’est aussi le meilleur moyen de poursuivre la belle aventure pour la saison 2017.

Dear Friends of Poujoula, Your support will help preserve the very high quality of musicians we can attract and accommodate and also sustain the generous catering we enjoy at Poujoula.

More information: [email protected]

Sponsorship is fundamental to the existence and quality of our concerts. The Association des Amis du Poujoula wishes to pay tribute to its donors and patrons, and to thank them warmly for their generous contribution. Without the commitment and passion of individual donors and corporations, we would not be able to attract world- class musicians to Poujoula. If the concerts have pleased you, think of our Association. Talk to your friends. That‘s the best compliment you can give us. It‘s also the best way to continue the adventure for the 2017 season.

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MERCI–

ThANK yOu

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SpONSORS FGP CAPITAL SA, Genève

MÉCÈNESMr Dirk EBELINGMr Philippe FROEHLICHER M. & Mme David & Franziska DIALLOM. Markus Artur FUCHS M. & Mme Laurence & Jo KEMMISHM. & Mme Bernard & Anne Marie HUYGHE

dONATEuRSMme Wiltrud BERGERM. Michel BEYRANDMme Geneviève BOYERMr & Mrs John & Astrid BROWN-PAUL Mr & Mrs Alex & Genevieve BRUNWINMme Christiane CONSTANTINMr & Mrs Robin & Maren DANNHORNMme Caroline DE TINGUYM. & Mme Arnaud & Shakuntala DEVICMr & Mrs Nicole & Alex ELIAS-HOLLANDM. & Mme Roland & Denise FROEHLICHERM. & Mme Hans & Ingrid GASSMrs Donna HARTMANMr & Mrs Paul & Sia HAVERKORTMr Rolf HORSTMAN Mlle Sophie JOHNSON-FERGUSONM. & Mme Norbert & Françoise LEJEUNE-CERNAMr & Mrs Richard & Claire LESMOIR-GORDON

M. & Mme Ingo & Elke LüDKEM. & Mme T & B NEAUMr & Mrs Christopher & Sophie NORTHMr & Mrs Bob & Lisbeth OOMKENSMme Lise OTHMARMrs Lucy RHAMEMr & Mrs Jonathan & Heidi SEGALM. & Mme Guy & Arlette SICARDDr & Mrs Alfred & Sylvia THILMANN-DROSTEM. & Mme Jean-Pierre & Denise VERNEUILMr & Mrs ANONYMOUS

BIENFAITEuRSMme France ALLFREYM. & Mme Sylvia & Gérard BELLONM. & Mme Jean&Paulette CARAYONMr & Mrs Johan & Emilie DE VRIES GOEMANSM. & Mme Bernard & Michele ENGISCHMme Renée-Marie GUIBERTMr & Mrs Roger & Louise LAMBERTHMr & Mrs John & Judith LEE M. & Mme Pascale & Francis MOSBEUX-DERKENNEMme Annie PATELLIMr & Mrs Tony & Sandra POLLARDDr & Mme Pierre TRANCARTMme Marie-Bernard Vaes ENTHOVENM. & Mme Jean & Françoise VALMARYM. & Mme André & Yvonne VALMARYMr & Mrs Michel & Karin VAN DIEREN M. & Mme Antoine & Therese VERBENNE

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LES AMIS du pOuJOuLA ASSOCIATION DÉCLARÉE À LA PRÉFECTURE DU LOT LE 5 JUIN 2014, NO RNA W461002638

SIÈGE SOCIAL CHÂTEAU DU POUJOULA 46170 CASTELNAU-MONTRATIER, TEL.05 65 21 97 37

IMPRESSUM

Rédaction/photographie : Philippe Froehlicher, Genève

Conception visuelle : KontextKommunikation, Berlin / Heidelberg Markus Artur Fuchs, Sarah Winkler

Impression : CityDruck, Heidelberg

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