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Le Verbe de DieuLe Passeur

Rosemary Villani-Ameri

31.54 530431

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Roman (134x204)] NB Pages : 422 pages

- Tranche : 2 mm + (nb pages x 0,07 mm) = 31.54 ----------------------------------------------------------------------------

Le Verbe de Dieu

Rosemary Villani-Ameri

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Du même auteur

Verbum dimissum, L’Alchimiste, Tome 1. Editions EDILIVRE, 2012.

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A, Henri, Ingrid, Michaël, Aline, Cyril, Méléa, Matisse, Sienna, Marylou, Summer. Sans oublier mes trois gardiennes et mon historienne qui se reconnaîtront.

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Un mot de l’auteur

Dans le précédent ouvrage Verbum dimissum, l’Alchimiste, le périple de Guillaume s’achevait au cœur de l’église de l’abbaye de Sénanque.

Il est évident que la quête du compagnon sculpteur ne pouvait s’arrêter là. Il devait s’en aller à la rencontre du Secret protégé par cet obscur Ordre du Temple.

Que ce soit des hommes auréolés de mystère comme Pythagore ou ces énigmatiques templiers, tous exercent une réelle fascination sur notre imaginaire. Bien de théories ont été élaborées sur ce mythique Secret détenu par Les Pauvres Chevaliers du Christ ou, plus précisément, par un cercle occulte d’initiés à l’intérieur même du Temple.

Matériel ? Spirituel ? Pour ma part, s’il y a Secret, je préfère penser qu’il est d’ordre immatériel et c’est en cela que j’ai eu envie d’ajouter ma petite pierre à la légende.

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Sénanque Juin 2010

D’un revers de main, Guillaume essuya son front maculé de poussière et de sueur. Il faisait trop chaud. On était à peine au début du mois de juin et déjà la chaleur était insoutenable. Il attendrait que le soleil amorce sa descente pour continuer. Abandonnant, maillet, ciseau et sculpture, il alla s’asseoir sur le banc de pierre adossé au mur de l’enclos. L’air embaumait. Sauge, thym, mélisse, origan, sarriette, estragon, rien ne manquait dans le jardin de simples, ceinturé d’un cordon de romarins méticuleusement taillés. Un lieu de silence parfait, à peine troublé par le chant des oiseaux. Il savoura cette quiétude un long moment avant de revenir au chapiteau. Son regard passa de l’original – érodé, noirci par les siècles – à l’autre, éclatant de blancheur, à peine né de son bloc de pierre.

Une proposition du père François. Rien de tel que l’activité manuelle pour effacer un traumatisme, avait-il dit. Il avait raison. Le contact de la pierre, les outils,

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les gestes, étaient le meilleur des remèdes. Une véritable panacée même, s’il en jugeait le résultat. D’où il se trouvait, les rayons rasants du soleil soulignaient d’ombre les volutes, les rendant plus délicates, plus aériennes. Jamais sa main n’avait été aussi sûre avant cette fameuse nuit. Il ferma les yeux. Il n’avait pas un souvenir clair de ce qu’il avait vécu, deux mois plus tôt, dans l’église abbatiale et encore moins de ce qui s’ensuivit. Une seule certitude… Il avait approché cette frontière ténue entre la vie et la mort. Un grincement le ramena à l’instant. Il tourna la tête. Bélisaire venait de pousser le portillon de fer forgé.

– Qu’est-ce qui t’a pris bouclé, de buriner ce dragon vomissant toutes les flammes de l’Enfer ? S’exclama-t-il, en s’approchant de la sculpture. Sénanque a déjà son pilier au diable. Inutile d’alimenter, encore un peu plus, les délires ésotériques des visiteurs !

Le bougre avait raison. Il n’avait en rien respecté la sobriété cistercienne du compagnon médiéval.

– Disons que c’est le bloc de pierre qui a décidé, répondit-il en riant.

– En attendant de servir cette fable à notre abbé, il m’envoie te dire de le rejoindre après complies.

La parenthèse était achevée. Le monde des vivants piaffait. L’éclat de deux yeux gris le traversa. Où était-elle ?

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* * *

Le père François les avait entrainés au beau milieu du champ de lavandes, qui farandolaient paresseusement au pied de l’abbaye. Le soleil avait disparu derrière les collines mais les stridulations des grillons perduraient. Enveloppés dans ce cocon sonore, ils parcoururent quelques vagues odorantes, d’un époustouflant bleu violacé, avant qu’il ne s’arrête et se retourne vers Guillaume. Plongeant son regard grave dans le sien, il prit la parole :

– Vous êtes prêt à reprendre la route mais auparavant nous vous devons quelques éclaircissements quant à ce qui s’est passé cette nuit-là. Bélisaire, vous expliquera cela bien mieux que moi.

– Comme tu le sais, bouclé, enchaîna ce dernier, nos druides déguisés en évêques ont construit leurs églises sur les anciens sanctuaires car ces lieux étaient de véritables athanors. Ils y élevèrent donc des ouvrages qui se devaient de fonctionner comme des machines à réparer, à régénérer. Mais, pour cela, il ne suffisait pas de concevoir puis d’empiler des blocs de pierre, même magnifiquement taillés. Non ! Ils devaient avant tout… Comment dire…

– Animer la matière, souffla le père François. – C’est cela, l’abbé ! Animer la matière ! Ainsi,

lorsqu’ils dessinaient l’épure de la future église, en sus des données mathématiques et théologiques, ils y

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intégraient également les flux telluriques et cosmiques de l’endroit. Toutefois, ceux-ci pouvaient s’avérer nocifs, voire mortels, pour l’homme aussi fallait-il les maîtriser. Pour cela, ils vidaient le ventre de l’église en les repoussant dans les murs1. La nef devenait ainsi un espace neutre.

– A Sénanque, ils se concentrent uniquement dans le mur du septentrion, intervint l’abbé d’un air gêné. L’absence de porte n’est pas simplement une raison théologique2. La franchir peut…

– Foudroyer un homme ! Applaudit Guillaume. – Terribilis est locus iste ! Enonça sentencieusement

Bélisaire. – Disons plutôt que ce lieu inspire le respect,

modéra le père François. – Laissez tomber les euphémismes, mon père.

Expliquez-moi, plutôt, pourquoi les visiteurs ne s’électrocutent pas… Eux !

– Parce qu’en temps normal, ces réseaux d’énergie sont évacués par les modillons, bouclé ! Tu connais tout de même leur fonction d’éclateurs, non ! T’aurais dû venir avec nous à Thuret ! Ajouta-t-il en riant, notre bon notaire n’en croyait pas ses oreilles lorsque je lui en ai chanté la chanson.

– Je m’en doute ! Et en temps anormal ?

1 – Formant ce que l’on appelle : la ceinture de protection. In, Eglise romane, lieu d’énergie, Jacques Bonvin & Paul Trilloux 2 – In, Verbum dimissum, L’Alchimiste, Tome 1.

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– En temps anormal, expliqua le père François, toujours aussi embarrassé, on les réactive. Ce qui provoque cette… disons… électrocution.

– Ah ! Et comment procédez-vous ? – On débloque les points énergétiques. Le

baptistère, la pierre des morts, le centre du transept. Ensuite, on obture les modillons.

– Donc, vous avez mis sciemment ma vie en danger ?

– Oui et non, bouclé.

– Oui et non ? Tu plaisantes ! – Ce que veut dire notre ami en disant Oui,

intervint l’abbé conciliant, c’est que vous avez réagi plus violemment que l’on ne s’y attendait.

– Tu t’es refermé. Tes émotions ont créé une résistance qui a fait barrage aux énergies. Il suffisait simplement que tu les laisses circuler librement. Comme tu l’as fait au Val d’Enfer ! Bougonna Bélisaire.

– …Et Non, reprit l’autre en souriant, parce qu’on savait ce qu’il fallait faire dans ce cas-là.

– Et que fallait-il faire ? – Vous placer sur l’autel. – C’est une blague ? – Absolument pas. Il existe sur la table, un point

précis de polarité où convergent ces énergies. C’est là que l’on grave le chrisme.

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– Bref, enchaîna Bélisaire, En plaçant ta nuque dessus, je n’ai plus eu qu’à utiliser la circulation tourbillonnaire – prenant naissance au fond de l’ancien puits druidique – pour te ramener.

– Le sacrifice rituel, en somme ! Ricana Guillaume. Vous vous foutez de moi !

– Hé oui, bouclé ! Rien de bien nouveau depuis le dolmen, où le druide se reliait à ces mêmes forces pour le plus grand avantage des disciples.

– Ce n’est pas pour rien, surenchérit le père François, que notre ami a dit que Terribilis est locus iste. Ce lieu peut tout de même se révéler redoutable.

– Des malades ! Vous êtes deux malades ! Explosa Guillaume, tandis que Bélisaire éclatait de rire.

– A la bonne heure, l’abbé ! Le gamin est revenu définitivement parmi les vivants.

– Tu veux dire parmi un abbé païen et un druide fou !

– Je dirai mieux, mon ami… Il est guéri, sourit le père François.

* * *

L’abbaye dormait lorsqu’il pénétra dans le bureau de l’abbé. Sur une table de travail massive, encombrée de paperasses, une veilleuse dispensait juste ce qu’il

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fallait de lumière pour projeter des ombres fantasmagoriques sur les murs. Le père François repoussa un volumineux classeur, tout en l’invitant à prendre place dans l’unique fauteuil. Il attendit qu’il soit installé pour lui tendre le petit sachet de cuir.

– Vesta, la gardienne du feu. Guillaume délaça les liens, fit glisser la lame dans

sa main. Sur l’arcane d’or, une femme, foulant une salamandre, tenait entre ses mains le trigone de feu. Surprenant l’éclat de surprise traversant le regard de Guillaume, il devança la question, en souriant malicieusement :

– L’autre n’était qu’un leurre. Un pentagramme. Cela marche depuis plus de sept cents ans.

– Que se passerait-il s’ils mettaient la main sur un arcane ?

– Rien. Il leur serait totalement abscons. Ils ne prennent sens qu’une fois réunis. C’est pour cela que tout est soigneusement cloisonné. Pour arriver à l’ultime…

Un bref sifflement aigu. Ils tournèrent la tête de concert vers la bibliothèque. L’air inquiet, l’abbé se leva. Il en retira les quelques livres et dossiers, explora les étagères. A priori, rien. Retenant un sourire, Guillaume le vit alors se mettre à quatre pattes et passer la main sous le dessous du meuble. Quelques secondes lui suffirent pour trouver un micro miniaturisé, scotché contre le pied gauche. Il le saisit

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précautionneusement avant de retourner s’asseoir. Là, il prit un stylo, arracha la page d’un bloc et traça quelques lignes qu’il lui tendit, avant de sortir rapidement de la pièce. Guillaume s’approcha de la veilleuse. Ce qu’il lut lui arracha un éclat de rire.

Attendez-moi. Le temps de placer ce sycophante dans la cellule de notre prix Nobel des ronfleurs

Le père François fut rapidement de retour. – Bien, reprit-il en s’asseyant, pendant que nos deux

novices – détachés, fort à propos, peu après votre arrivée – enregistrent les borborygmes de frère Jean, j’apporterai quelques précisions supplémentaires à la conversation que nous avons eu ce tantôt. Le Passage du feu constitue un seuil obligé dans le magistère du Cherchant. Mais, comme tout passage, il est dangereux.

– C’est le moins que l’on puisse dire. Quant à la façon dont vous m’avez ramené, comme vous dites, je dois avouer que je reste on ne peut plus sceptique.

– Vous ne devriez pas. Comme on vous l’a dit, les églises romanes sont bien plus que de simples lieux de culte. Les prêtres initiés…

– Je sais qu’il existe des prêtres exorcistes mais initiés, je l’ignorais ! Finalement, chassez le païen…

– Il revient au galop, rit l’abbé. Bref, je disais donc que ces prêtres savent qu’en se plaçant sur des points dynamiques, ils peuvent stabiliser lesdites énergies et les renvoyer sur les fidèles. C’est ce que font encore quelques curés au moment de l’élévation.

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– Quelques ? – Oui. On ne l’enseigne plus à nos jeunes prêtres.

Quant à ceux qui savent encore, ils ne peuvent pas toujours le pratiquer.

– Pourquoi ? – La modernisation ! Le chauffage, l’électricité, le

déplacement de l’autel, les micros, les chaises, les labyrinthes cachés sous des bancs… Quand on ne les a pas fait disparaître ! Tout cela a perturbé, voire annihilé totalement, ces forces. Le sanctuaire ne joue plus alors son rôle régénérateur d’où, sans aucun doute, l’abandon progressif de nos lieux de culte et le déclin de notre religion.

– Si ce n’était un abbé qui me dise cela, j’avoue que je ne le croirais pas.

– Et vous n’êtes qu’au début de vos surprises, sourit le père François, mais en attendant, voici ce que je dois vous transmettre :

« Ouvre ton cœur et ton esprit afin que se déroule la spirale »

Quant à l’étape suivante vous devrez :

« A la croisée des Deux Principes, demande le passage au Veilleur de Pierre »

– Quand dois-je partir ? – Dès que vous aurez terminé notre chapiteau. Au

fait ! Avez-vous lu le livre ? – Le mythe d’Odin ? Non.

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– Alors, ouvrez-le sans tarder.

Guillaume retrouva, avec plaisir, la cellule monacale où il s’était réveillé, encore tout endolori, voici quelques semaines. Deux petites pièces blanchies à la chaux. L’une, vouée au travail manuel et à la prière, s’ouvrait sur le jardinet. L’autre, dotée d’une cheminée, était meublée d’un lit, d’une petite table nichée sous une jolie fenêtre à meneaux, d’un fauteuil à dossier raide et d’une armoire. Près de la porte d’entrée, on pouvait encore voir la niche, aux doubles ventaux de bois noirci par les siècles, dans laquelle le frère servant déposait autrefois les repas. Il s’assit sur le maigre matelas posé sur son châlit et saisit ce livre dont la présence en ce lieu l’avait surpris.

La cloche annonçait Matines lorsqu’il en tourna la dernière page. En reposant l’ouvrage, il savait que la seconde partie de son voyage commençait. Sénanque était, à la fois, la fin et le début. Ici s’achevait La Voie Solaire. Ici, commençait la Voie Lunaire… Le fameux Chemin de La Grande Sagesse dont l’arcane XII marquait le passage. Il éteignit la petite lampe de chevet. Il lui restait peu de temps pour se reposer.

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Rome Juin 2010

La soirée était si douce que l’on avait ouvert en grand les deux portes-fenêtres, aussi le salon embaumait-il la glycine qui courait sous les balcons de l’appartement du cardinal Matteo. Pour l’heure, confortablement installés sur les canapés de velours cramoisi, le prélat et le père Giulio devisaient.

– Des ronflements ? – Une gamme puissante, savamment orchestrée.

Un bel assortiment de sifflements, de borborygmes. Bref, un concert à laisser pantois.

– Vous plaisantez ? – En ai-je l’air ? Et, croyez-le ou non, ce benêt de

novice m’a suggéré la narcolepsie ! Le cardinal éclata de rire.

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– Votre abbé se serait endormi en parlant ? Belle imagination !

– Remarquable stupidité, voulez-vous dire. – Se doutait-il de quelque chose ? – Je ne pense pas, sinon il n’aurait pas entamé une

conversation des plus intéressantes. Il a dû, à un moment donné, se passer quelque chose. Mais quoi ?

– Une conversation des plus intéressantes ? Vous me mettez l’eau à la bouche, mon cher.

– Voici de quoi satisfaire votre péché de gourmandise.

En disant cela, le père Giulio sortit un petit enregistreur de l’une des poches de sa soutane. Il le posa sur la table basse marquetée et enclencha la touche. Des voix s’élevèrent : « Vesta, la gardienne du feu. Un silence, puis… L’autre n’était qu’un leurre. Un pentagramme. Cela marche depuis plus de sept cents ans… Que se passerait-il s’ils mettaient la main sur un arcane ? Rien. Il leur aurait été totalement abscons. Ils ne prennent sens qu’une fois réunis. C’est pour cela que tout est soigneusement cloisonné. Pour arriver à l’ultime… »

Un sifflement bref puis un silence avant que ne débute le fameux concert ronchopathique3. Le père Giulio arrêta le magnétophone.

Les deux hommes restèrent silencieux un long moment avant que le cardinal ne prenne la parole :

3 – Néologisme. De Ronchopathie, autre nom des ronflements

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– Sept cents ans ! Il nous a fallu sept siècles pour découvrir que nous courons après des leurres et que nos hypothèses ne valent pas une nèfle.

– En revanche, sourit le père Giulio, nous avons appris qu’il existe bien des arcanes originels, et qu’il faut les réunir pour en détenir la clef afin d’arriver à…

– L’ultime. Mais l’ultime quoi ? – Sans doute, Connaissance. Un grattement à la porte les interrompit. Un jeune

prêtre apparut sur le seuil, un plateau entre les mains. Le léger tintement des tasses dans leurs soucoupes accompagna ses pas jusqu’à la petite table de salon. Il y déposa l’ensemble, et s’apprêtait à faire le service quand le cardinal l’arrêta.

– Laissez Lucas, je m’en occupe. La porte refermée, le prélat saisit la délicate

cafetière de porcelaine et commença à verser le café. L’arôme puissant du moka, venu des hauts plateaux du Yémen, envahit l’espace. Le prélat huma sa tasse avec un soupir de connaisseur, avala une première gorgée. Un sourire de contentement éclaira son visage avant qu’il ne reprenne la parole d’un air songeur :

– Notre abbé semblerait être le gardien de l’un de ces arcanes… Et si…

– N’y songez pas ! Un nouveau suicide n’a aucun intérêt. Souvenez-vous de Rochemaure. Cet homme a préféré se sacrifier plutôt que de révéler quoi que ce

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soit. Et puis vous avez entendu ! Le cloisonnement rend la compréhension absconse.

– Vous avez raison, admit le cardinal. Que comptez-vous faire alors ?

– En l’état actuel des choses, la seule option est de laisser le compagnon remonter la piste et d’être là quand le moment sera venu.

– Tout de même, un abbé ! Au sein de notre Eglise ! Qu’a dit le Saint Père ?

– Que venant de Bernard de Clervaux, cela ne l’étonnait pas.

Le cardinal Matteo leur servit une nouvelle tasse de café. Tout en tournant la petite cuiller au manche de vermeil, il reprit :

– Et la lieutenant ? Elle était à Sénanque cette nuit-là ! Que sait-elle ?

– Certainement pas plus que nous. Elle est rentrée sagement à Paris dès le lendemain. Depuis, elle n’a plus quitté son commissariat.

– Et l’autre ? Franc-maçon, Rose+croix ? – Peu importe. Vous avez entendu… Il a un leurre. – Et ne le sait pas, sourit le cardinal. – Mais nous, maintenant nous le savons.

La Celle Saint-Cloud Juin 2010

– Je vous attends à vingt-et-une heures précises.