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BANQUE DU CANADA financier Revue du système Juin 2003

Revue du système financier · pertes sur placements pour diverses institutions fi-nancières. Les défauts de paiement des entreprises (sur leurs émissions obligataires ou leurs

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Page 1: Revue du système financier · pertes sur placements pour diverses institutions fi-nancières. Les défauts de paiement des entreprises (sur leurs émissions obligataires ou leurs

B A N Q U E D U C A N A D A

financierRevue du système

Juin 2003

Page 2: Revue du système financier · pertes sur placements pour diverses institutions fi-nancières. Les défauts de paiement des entreprises (sur leurs émissions obligataires ou leurs

Membres du Comité de rédaction

Charles Freedman, président

Clyde GoodletDavid Longworth

Tiff MacklemDinah Maclean

John MurrayRon Parker

Graydon PaulinGeorge Pickering

James PowellDenis SchutheBonnie Schwab

Jack SelodyRobert Turnbull

Jill MoxleyLea-Anne Solomonian

(rédatrices)

La Revue du système financier de la Banque du Canada est publiée deux fois l’an. Pouren recevoir des exemplaires gratuits, veuillez communiquer avec la :

Diffusion des publications, département des Communications, Banque du Canada,Ottawa (Ontario), Canada K1A 0G9Téléphone : (613) 782-8248; adresse électronique : [email protected]

Si vous désirez formuler des commentaires au sujet de la Revue du système financier,faites-les parvenir à l’adresse suivante :

Information publique, département des Communications, Banque du Canada,Ottawa (Ontario), Canada K1A 0G9Téléphone : (613) 782-8111 ou 1 800 303-1282; adresse électronique :[email protected]

Site Web : http://www.banqueducanada.ca

Banque du CanadaJuin 2003

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Table des matières

Évolution récente et tendances .................................................... 1

Introduction ............................................................................................................ 3

Principaux enjeux .................................................................................................... 4

Le contexte macrofinancier ........................................................................................ 12

Le système financier .................................................................................................. 21

Rapports ................................................................................... 31

Introduction ............................................................................................................ 33

L’évolution récente des marchés du transfert du risque de crédit ................................ 35

Le marché canadien du papier commercial adossé à des actifs :évolution et enjeux ................................................................................................... 45

L’évolution des politiques et de l’infrastructure .............................. 53

Introduction ............................................................................................................ 55

La planification de la poursuite des activités des systèmes de compensation etde règlement : une approche systémique ................................................................... 57

Le CDSX : le nouveau système de compensation et de règlementdes opérations sur titres ............................................................................................ 61

Sommaires de travaux de recherche .............................................. 67

Introduction ........................................................................................................... 69

L’évolution du marché des prêts consortiaux en Amérique du Nord ............................ 71

Marchés de capitaux privés : la délocalisation a-t-elle commencé? ............................. 77

La gestion du risque opérationnel lié aux systèmes de compensationet de règlement ........................................................................................................ 83

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Évolution

récente et

tendances

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Nota

Sauf indication contraire, les données utilisées dans le présent document sont cellesqui étaient disponibles au 10 juin.

L’expression « grandes banques » désigne au Canada les six banques commerciales qui,par la taille de leur actif, se classent au premier rang au pays : la Banque CanadienneImpériale de Commerce, la Banque de Montréal, la Banque Nationale du Canada,la Banque Scotia, le Groupe Financier Banque TD et le Groupe Financier RBC.

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Revue du système f inancier

3

Introduction

La présente section de la Revue du système financierporte sur la récente tenue du système financiercanadien et sur les facteurs, tant nationaux qu’inter-nationaux, qui l’influencent. Les questions connexesd’intérêt particulier sont abordées à la rubrique intitu-lée Principaux enjeux.

Le système financier canadien a affiché une bonnetenue en dépit des tensions à l’œuvre sur la scènefinancière internationale. Au cours des six derniersmois, les événements mondiaux comme le conflitarmé en Iraq ont secoué les marchés financiers etalimenté l’incertitude entourant les perspectivesde croissance de l’économie mondiale. À cetégard, les projections pour 2003 sont maintenantinférieures aux prévisions établies à la fin del’année dernière. Malgré la conjoncture, le systèmefinancier canadien a fait preuve de robustesse.

Le climat économique et financier difficile peut serépercuter de nombreuses façons sur le systèmefinancier. Pensons notamment à la détériorationde la qualité du crédit des entreprises que l’on a puobserver au cours du présent cycle, tant au Canadaqu’à l’étranger.

Points saillants• Le système financier canadien continue de

faire preuve d’une résilience remarquableface aux tensions financières à l’échelleinternationale.

• La situation financière des entreprisescanadiennes a été soumise à des pressionscroissantes au cours du repli cyclique del’économie, mais elle s’est relativementpeu dégradée, et les entreprises ont pucommencer à assainir leurs bilans.

• Plusieurs facteurs donnent à penser que leclimat financier s’améliore graduellement.

Au pays, l’ampleur des défis financiers que doi-vent relever les entreprises varie d’un secteur d’ac-tivité à l’autre. Tout récemment, les industries dutransport aérien et de l’aéronautique ont été con-frontées à des pressions accrues. Dans certains sec-teurs, ces défis sont accentués par les contraintesfinancières que la nécessité de relever leurs cotisa-tions à leur régime de retraite pourrait imposeraux entreprises, ainsi que par la récente envolée dudollar canadien. Malgré tout, les entreprises cana-diennes se sont employées dans l’ensemble à limi-ter leur exposition au risque de crédit et à assainirleurs bilans.

En dépit de la conjoncture tendue à l’échelle mon-diale, certains signes montrent que, depuis quel-ques trimestres, la détérioration cyclique de laqualité du crédit des entreprises a commencé às’atténuer. En outre, les investisseurs semblentmaintenant plus disposés à assumer des risques decrédit qu’ils ne l’étaient au deuxième semestre de2002. Enfin, les institutions financières canadien-nes, en particulier les banques commerciales, ontrécemment fait état de meilleurs résultats finan-ciers, ce qui est de bon augure. Toutefois, pourqu’une tendance positive puisse s’implanterfermement, il importe que les perspectives écono-miques soient favorables.

Il est crucial aussi de tirer des leçons des chocs quiont frappé le système financier dans le passé. À cetégard, les autorités de réglementation au Canadaet à l’étranger ont poursuivi leurs efforts en vue deraffermir la confiance des investisseurs, en réfor-mant notamment les règles de gouvernance desentreprises et en s’attachant à résoudre certainsproblèmes liés aux états financiers de ces dernières.Bien qu’il soit difficile d’évaluer l’incidence descorrectifs mis en place, il est évident qu’une plusgrande divulgation d’informations financièresde la part des entreprises constitue un pas dans labonne voie.

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Évolut ion récente et tendances

4

Principaux enjeux

La situation financière desentreprises

Le contexte économique difficile qui règne dans lemonde entier depuis quelques années a exercé despressions sur la santé financière des entreprises ca-nadiennes, ce qui pourrait avoir des répercussionsde toutes sortes sur le système financier1. Parexemple, une baisse généralisée des cours bour-siers (Graphique 1) a pour effet de réduire la ri-chesse des porteurs d’actions et peut entraîner despertes sur placements pour diverses institutions fi-nancières. Les défauts de paiement des entreprises(sur leurs émissions obligataires ou leurs empruntsbancaires, par exemple) peuvent également se sol-der par des pertes non négligeables pour les parti-cipants au système financier. La présente sectiontraite des pressions auxquelles sont soumises lesfinances des entreprises dans le monde et, plusparticulièrement, au Canada.

L’évolution de la qualité du créditdes entreprises à l’échelle mondiale

Parallèlement au stress financier que subissent lesentreprises, on observe un infléchissement mar-qué de la qualité du crédit, tant au pays qu’àl’étranger. Les chocs économiques et financierspassés (comme l’éclatement de la bulle technolo-gique et les accrocs aux normes de gouvernancedans certaines grandes entreprises), conjugués àl’atonie de l’économie mondiale, ont accentuéla pression sur les entreprises, comme en témoi-gnent le taux de défaillance relativement élevé deces dernières à l’égard de leurs émissions obliga-taires et les nombreuses baisses de cote de crédit.

À l’échelle de la planète, le nombre de défauts depaiement sur les émissions obligataires de sociétésde même que les montants en cause ont atteintdes sommets inégalés en 2002 (Graphique 2).Pour 2001 et 2002, le taux de défaillance (nouvelledette non honorée par rapport à l’ensemble de ladette cotée) a dépassé le sommet précédent établiau début des années 1990 (Graphique 3). Faitinhabituel dans le présent cycle du crédit, on a re-censé un nombre relativement élevé de sociétésdont les titres étaient jugés de qualité au début del’année, mais qui, par la suite, n’ont pu effectuer

1. Pour un résumé des récents chocs économiques et finan-ciers, consulter la livraison de décembre 2002 de laRevue du système financier.

Graphique 1Indices boursiers

Source : Thomson Financial Datastream

2 000

4 000

6 000

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1988 1993 1998 2003

Indice mondial MSCI(échelle de droite)

Canada S&P/TSX(échelle de gauche)

Graphique 2Défaillances de sociétés à l’échelle mondiale

Milliards de $ É.-U.

Source : Standard & Poor’s

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1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

Montant de la dette(échelle de droite)

Nombre d’émetteurs(échelle de gauche)

Graphique 3Défaillances de sociétés à l’échelle mondiale

En pourcentage des émissions

Source : Standard & Poor’s

0

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0

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4

6

8

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2002

Ensemble des émissions

Émissions de qualitéÉmissions à caractère spéculatif

1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000

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Revue du système f inancier

les paiements exigibles à l’égard de ceux-ci2.Quelques-unes de ces sociétés ont été l’objet descandales en raison de leurs pratiques douteusesde gouvernance ou de comptabilité. De plus, cer-taines défaillances ont déclenché l’application declauses restrictives incorporées aux contrats d’em-prunt des sociétés (clauses qui, dans des circons-tances déterminées, peuvent obliger l’entreprise àlibérer des liquidités pour le remboursement anti-cipé d’un emprunt bancaire, par exemple), ce quia incité les opérateurs du marché et les agences denotation à examiner ces clauses de plus près.

Durant les premiers mois de 2003, bien que lesentreprises du monde entier aient continué demontrer des signes de tension financière, on a puobserver des indices d’un ralentissement dans ladétérioration de la qualité du crédit (ce qui cadraitavec le rétrécissement des écarts de rendementtouchant les obligations à rendement élevé). Enparticulier, le nombre des défaillances d’entre-prises dans le monde et les montants en jeu ontdiminué par rapport aux chiffres des trimestresantérieurs (Graphique 4). Le ratio mondial desbaisses de cote aux hausses de cote pour l’ensem-ble des émetteurs, financiers ou non financiers, adiminué à 4,7 au premier trimestre de 2003, alorsqu’il s’élevait à 5,9 au trimestre précédent3. Il resteque la proportion d’entreprises dont la cote decrédit fait actuellement l’objet d’un examen en vued’un déclassement éventuel est assez grande, sur-tout lorsqu’on la compare au nombre d’entreprisesdont la cote pourrait être relevée (Graphique 5).

Il semble que la dégradation de la qualité du créditdes entreprises canadiennes ait été moins pro-noncée cette fois qu’au début des années 1990 etmoins accusée que celle subie par les entreprisesd’autres régions du globe (Graphique 6). Celas’explique notamment par la tenue relativementrobuste de l’économie canadienne, y compris lafermeté des bénéfices des entreprises au cours duprésent cycle. Néanmoins, on ne peut affirmerpour l’instant que le rythme des baisses de cotesde crédit chez les émetteurs canadiens soit en nettedécélération (Graphique 7), les entreprises de té-lécommunications figurant encore en bon nom-bre parmi les sociétés dont la cote a fait l’objetd’un déclassement. De plus, au début de 2003, unepart assez importante des émissions canadiennescotées par les agences de notation faisaient

2. La probabilité qu’un émetteur manque à ses engage-ments est normalement très faible lorsque sa signatureest jugée de qualité. Signalons toutefois que, dans lecas des émissions de nature spéculative, le taux dedéfaillance n’a pas atteint le sommet précédent, inscriten 1991.

3. Ces chiffres proviennent de l’agence Standard & Poor’s.

Graphique 4Défaillances de sociétés à l’échelle mondiale : donnéestrimestrielles

Milliards de $ É.-U.

Source : Standard & Poor’s

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0

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1999 2000 2001 2002 2003

Montantde la dette(échelle

de droite)

Nombre d’émetteurs(échelle de gauche)

Graphique 5Révisions de cotation à l’échelle mondiale

%

Source : Moody’s

0

2

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8

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0

2

4

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8

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1994 1996 1998 2000 2002

Baisses de cote

Hausses de cote

Graphique 6Ratio des baisses de cote aux hausses de cote des sociétés

Source : Moody’s

0

6

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1

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1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Entreprisescanadiennes

Entreprisesaméricaines

1

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4

5

Entreprisesd’Europe

occidentale

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Évolut ion récente et tendances

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toujours l’objet d’un examen laissant présager desconséquences défavorables ou s’étaient fait attri-buer des « perspectives négatives » (dans une pro-portion d’environ 30 %, selon les données del’agence Standard & Poor’s).

La détérioration cyclique de la qualité du crédit enAmérique du Nord se manifeste aussi dans les por-tefeuilles de prêts des banques canadiennes. Lesgrandes banques du pays ont en effet augmentéleurs provisions pour pertes sur prêts, quoique lesmesures de la qualité des prêts ne se soient pasdétériorées comme au début des années 1990, lecycle du crédit étant moins marqué au Canadaque dans d’autres pays (Graphique 8). Pour lespremiers mois de 2003, les nouvelles provisionspour pertes ont aussi été moins nombreuses. Lesbanques ont souligné que la baisse de qualité deleurs portefeuilles de prêts avait été observée sur-tout du côté des prêts aux entreprises (plus spécia-lement les prêts accordés à l’étranger), et plusieursd’entre elles ont dévoilé des plans visant à réduireavec le temps la proportion de leurs fonds prêtésaux entreprises.

L’endettement financier des sociétéscanadiennes

L’une des mesures traditionnelles de la santéfinancière des entreprises est le ratio emprunts/actif. Le ratio emprunts/actif des sociétés non fi-nancières se situe à des niveaux favorables cesderniers temps en comparaison aux périodes pré-cédentes (Graphique 9). Parmi les mesures del’endettement financier figurent aussi les empruntsde ces sociétés par rapport à leurs flux de trésorerieet par rapport au PIB. Ces indicateurs révèlent quel’endettement des entreprises dans leur ensemblea fléchi au cours des récents trimestres, à lafaveur des efforts de restructuration des bilans(Graphique 10). Le ratio emprunts/PIB demeurenéanmoins élevé par rapport aux données passées,bien que le profil du cycle actuel soit moins accen-tué que celui des précédents, si l’on en juge par leratio emprunts/flux de trésorerie.

La capacité des sociétés de continuer à assurer leservice de leur dette dans le contexte actuel mériteexamen. Le ratio du service de la dette (frais d’in-térêt en pourcentage des bénéfices de l’entreprise)se maintient à des niveaux relativement bas de-puis le milieu des années 1990 (Graphique 11). Ilest encore peu élevé à l’heure actuelle, grâce auxfaibles taux d’intérêt du marché et au niveau sou-tenu des bénéfices par rapport aux années anté-rieures. Dans certains cas, les sociétés ont tentéd’atténuer leur sensibilité aux fluctuations à courtterme des taux d’intérêt en accroissant la propor-

Graphique 7Nombre de baisses de cote au Canada

Source : Moody’s et Standard & Poor’s

0

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0

2

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2001 2002 2003

Standard& Poor’s

Moody’s

Graphique 8Qualité de l’actif des grandes banques canadiennes

% %

* Actif établi sur une base imposable équivalente** Par rapport aux prêts et acceptationsSources : Association des banquiers canadiens, Banque

du Canada et Bureau du surintendant desinstitutions financières

0,1

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0,4

0,5

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7

8

9

10

1991 1993 1995 1997 1999 2001

Provisions pour pertessur prêts en pourcentagede l’actif total moyen*

(échelle de gauche)

Prêts douteux bruts**(échelle de droite)

Graphique 9Endettement des sociétés (1)

%

Sources : Statistique Canada et Banque du Canada

1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 200229

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Ratio emprunts/actif

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Revue du système f inancier

tion de leur dette tenue sous forme d’emprunts àlong terme (à des taux d’intérêt assez avantageux).

L’environnement changeant se reflète dans lacroissance du crédit aux entreprises, qui a beau-coup ralenti depuis 2001 (Graphique 12)4. La de-mande de crédit a baissé, les entreprises cherchantà gérer leur exposition aux risques financiers de-vant le ralentissement de la croissance économi-que mondiale et le climat incertain des affaires.Les sociétés ont réduit leurs programmes d’inves-tissement, y compris leurs projets de fusion etd’acquisition, et, dans certains cas, se sont tour-nées davantage vers les fonds autogénérés. Faceà la détérioration de la qualité du crédit et à l’am-plification de l’incertitude, l’offre de crédit s’estresserrée, et certaines entreprises se sont vuesimposer des modalités de crédit plus sévères etdavantage contraintes à renforcer leur bilan.

L’incidence de ces facteurs sur le crédit aux entre-prises s’est manifestée de manière plus flagrantedans le crédit à court terme, qui a diminué en ter-mes absolus (Graphique 13). Comme cela s’étaitproduit durant le ralentissement cyclique du dé-but des années 1990, l’encours des acceptationsbancaires et du papier commercial, qui représen-tent une source importante de financement à courtterme pour les entreprises, a chuté5.

Il convient toutefois de signaler que la rapidité del’innovation dans le domaine financier a compli-qué l’évaluation des différentes formes de crédit.Ainsi, les prêts consortiaux et les instruments titri-sés se situent quelque part entre les prêts plus clas-siques offerts par les institutions financières et lesémissions obligataires (des marchés financiers)6.Le recours croissant à ces autres sources de finan-cement peut compliquer (à tout le moins tempo-rairement) le suivi et l’évaluation du niveaud’endettement des sociétés. Il reste que, comptetenu de l’incertitude ambiante, les sociétés (et lesbailleurs de fonds) ont sans doute bénéficié de lasouplesse accrue qu’offrent ces instruments, quileur ont permis de mieux ajuster leur situationd’endettement au contexte économique.

4. À plus long terme, la composition du crédit accordéaux sociétés canadiennes s’est passablement modifiée.Engert et Freedman (2003) font le tour de la question.

5. Une contraction plus marquée encore a été observée surle marché du papier commercial des États-Unis. Pourune analyse des éléments sous-jacents à ce phénomène,voir Shen (2003).

6. Pour plus d’information sur les prêts consortiaux et latitrisation, consulter les articles d’Armstrong (p. 71) et deToovey et Kiff (p. 45) dans le présent numéro.

Graphique 10Endettement des sociétés (2)

% Ratio

Sources : Statistique Canada et Banque du Canada

1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 200244

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50

52

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Emprunts /flux de trésorerie

(échelle de droite)

Emprunts / PIBnominal(échelle

de gauche)

Graphique 11Service de la dette

En pourcentage des bénéfices En pourcentage du PIBavant impôts

Source : Statistique Canada

10

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30

40

50

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4

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1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

Bénéficesdessociétés(échelle de droite)

Ratio du servicede la dette

(échelle de gauche)

Graphique 12Croissance de l’ensemble des crédits aux entreprises

%

Source : Banque du Canada

-5

0

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20

-5

0

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1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

Taux decroissance

sur 12 mois

Taux decroissance sur

3 mois

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Évolut ion récente et tendances

8

Les régimes de retraite des sociétés

Les bilans des sociétés sont également soumis à denouvelles pressions émanant d’autres sources.Tant au Canada qu’à l’étranger, la faiblesse persis-tante des marchés boursiers a considérablementminé la santé financière des régimes de retraite dessociétés pris dans leur ensemble. Le déficit actua-riel de ces régimes risque de grever les flux de tré-sorerie des entreprises, bien que l’importance descharges concernées et le moment de leur matéria-lisation soient souvent indéterminés. Le Canada,le Royaume-Uni et les États-Unis figurent parmiles pays les plus touchés.

Dans le passé, les engagements contractés au titredes régimes de retraite retenaient peu l’attentiondans l’évaluation de la santé financière présente etfuture d’une entreprise. Mais ces engagements (enconjonction, peut-être, avec les obligations liéesaux avantages sociaux des retraités tels que l’assu-rance médicale) peuvent interagir avec d’autreséléments et ainsi aggraver la situation. Aussi lesagences de notation accordent-elles de plus enplus d’importance à l’incidence potentielle de telsengagements, leur attribuant une part importantedans la mise en examen de la cote de crédit d’uncertain nombre d’entreprises et la révision à labaisse dernièrement de la cote de quelques-unesd’entre elles.

Plusieurs rapports récents tentent d’estimer le dé-ficit de capitalisation global (soit l’écart entre lavaleur marchande de l’actif des caisses de retraiteet la valeur actuarielle des engagements de celles-ci), habituellement à partir des états financiers quepublient les sociétés. Puisque toute analyse finan-cière d’un régime de retraite suppose la formula-tion de diverses hypothèses, les résultats de cegenre de calcul doivent être traités avec circons-pection. Ils n’en révèlent pas moins une détériora-tion de la situation financière globale actuelle desrégimes de retraite des sociétés, attribuable à l’évo-lution des marchés.

Credit Suisse First Boston (CSFB) et Standard &Poor’s, par exemple, ont analysé les sociétés com-prises dans l’indice S&P 500 qui ont des régimesde retraite à prestations déterminées et ont estiméà plus de 200 milliards de dollars américains ledéficit de capitalisation net de ces sociétés, à la finde 2002 (Graphique 14)7. Une part importante de

7. CSFB a estimé le déficit net à 216 milliards de dollarsÉ.-U. à la fin de 2002, et Standard & Poor’s, à 206 milliardsde dollars É.-U. Selon d’autres calculs, effectués par ladirection de la Pension Benefit Guaranty Corporationdes États-Unis et portant sur un plus grand nombre desociétés, le déficit de capitalisation excéderait 300 milliardsde dollars É.-U. en 2002.

Graphique 13Crédits aux entreprises à court terme

Milliards de $ CAN

Source : Banque du Canada

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0

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1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

Acceptations bancaires etpapier commercial

Total

Graphique 14Situation des caisses de retraite des entreprisesaméricaines*

Milliards de $ É.-U.

* Une valeur négative indique un déficit.Source : Credit Suisse First Boston

-300

-200

-100

0

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50

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1999 2000 2001 2002

Nombred’entreprises

sous-capitalisées(échelle de droite)

Situation decapitalisation

(échellede gauche)

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Revue du système f inancier

ce déficit se concentre dans certains secteurs d’ac-tivité, par exemple ceux où les régimes sont relati-vement « mûrs » et susceptibles de donner lieuà d’importants décaissements à brève échéance,ce qui est le cas de l’industrie automobile enAmérique du Nord (Graphique 15).

Les données disponibles indiquent que la situa-tion globale des caisses de retraite des sociétéscanadiennes s’apparente à celle des sociétés amé-ricaines. La situation d’ensemble en matièrede capitalisation est en effet passée au Canada del’équilibre approximatif en 2001 à un déficit neten 2002, après avoir enregistré un excédent netau terme de l’an 2000. Un sondage récent menéauprès de 104 sociétés canadiennes ayant des régimesde retraite à prestations déterminées a révélé undéficit de capitalisation global d’environ19 milliards de dollars canadiens pour l’exercice2002, les trois quarts des régimes environ affi-chant un déficit8. Cet état de choses est avant toutimputable au recul de la valeur des actifs. Lacapitalisation du même groupe de sociétés pourl’exercice 2001 accusait un déficit net d’environ1 milliard de dollars9. Le taux de rendementmoyen des principales caisses de retraite cana-diennes publiques et privées a fortement fléchi en2002 (Graphique 16).

L’incidence de cette évolution sur l’ampleur et lecalendrier des cotisations en espèces que versentles entreprises à leurs caisses de retraite revêt unegrande importance, puisque ces cotisations ris-quent de drainer une part importante de leurs res-sources financières. Il n’est pas nécessaire decombler immédiatement les déficits estimés. Dansles faits, les cotisations des entreprises seront in-fluencées par de multiples facteurs, notammentleurs objectifs financiers, les exigences de la régle-mentation ainsi que les fluctuations des engage-ments estimés et du prix au marché des actifs desrégimes de retraite.

Aux États-Unis et au Royaume-Uni, cependant, onobserve une hausse importante des cotisations desemployeurs à leurs régimes de retraite. Ainsi, CSFBa calculé que les firmes américaines avaient tripléles sommes versées dans leurs caisses de retraiteen 2002 (pour un total de 46 milliards dedollars É.-U.). Bien qu’ils aient pu être motivésdans une certaine mesure par les exigences de la

8. Sources : The Globe and Mail, 12 mai 2003. L’édition du3 mai 2003 du National Post fait état des résultats d’unautre sondage, mené auprès d’un groupe de sociétés decomposition légèrement différente.

9. Au Royaume-Uni, le déficit de capitalisation global avoi-sinait, selon une estimation, 100 milliards de livres audébut de 2003.

Graphique 15Situation des caisses de retraite des grands fabricantsd’automobiles nord-américains*

Milliards de $ É.-U.

* Passif découlant des régimes de retraite de GMC, Fordet Daimler Chrysler (dans le monde entier)

Source : Standard & Poor’s

-60

-40

-20

0

20

-60

-40

-20

0

20

1999 2000 2001 2002

Graphique 16Taux de rendement moyen des principales caisses deretraite au Canada

%

Source : Benefits Canada

-10

-5

0

5

10

15

-10

-5

0

5

10

15

1998 1999 2000 2001 2002

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Évolut ion récente et tendances

10

réglementation, ces versements sont sans doute engrande partie volontaires (peut-être en réponseaux commentaires du marché ou aux pressionsassociées aux cotes de crédit). Un bon nombre desociétés canadiennes ont également augmenté leurscotisations à la caisse de retraite de leurs employésen 2002, et certaines ont annoncé qu’elle procéde-ront à de nouvelles hausses avant la fin de cetteannée.

Gouvernance des entreprises

Les états financiers des entreprises continuent depréoccuper les investisseurs, qui sont désormaisplus conscients des limites de ces instrumentsd’évaluation (Encadré 1). Les organismes de régle-mentation au Canada et à l’étranger ont poursuivileurs efforts pour raffermir la confiance (et, indi-rectement, faciliter aux entreprises l’accès au capi-tal) en mettant en œuvre un train de réformesvisant à améliorer la gouvernance des entreprisesainsi que la fiabilité et la transparence des infor-mations fournies par les sociétés.

Aux États-Unis, la Securities and ExchangeCommission (SEC) a adopté en janvier 2003,dans le cadre des mesures qu’elle continue deprendre pour satisfaire aux exigences de la loiSarbanes-Oxley, un jeu de nouvelles dispositionsen matière de communication financière, de véri-fication et de conflits d’intérêts. En avril, la SEC amodifié les règles applicables aux comités de véri-fication. Le Public Company Accounting OversightBoard des États-Unis intensifie également ses acti-vités et se penche notamment sur des questionstelles que l’incidence sur l’indépendance du vérifi-cateur de la prestation de services fiscaux par lescabinets d’expertise comptable.

Les efforts internationaux pour harmoniser lesnormes comptables se poursuivent également.L’International Accounting Standards Board s’in-téresse à une vaste gamme de questions compta-bles et propose actuellement de nouvelles règlesd’information financière pour les produits déri-vés. Des progrès sont aussi enregistrés au Canada,où le nouveau Conseil canadien sur la redditionde comptes a annoncé récemment la compositionde son conseil d’administration (Encadré 2).

L’incidence des efforts déployés jusqu’à mainte-nant est difficile à évaluer. De nouvelles révéla-tions sur l’étendue des malversations passées et lesrécentes activités douteuses de sociétés commeHealthsound et Ahold nuisent au rétablissementde la confiance à court terme. En revanche, il estclair que les sociétés au Canada et aux États-Unissont en train d’améliorer la qualité des informa-tions fournies dans leurs états financiers et que les

Encadré 1

Les pièges de l’évaluationdes états financiers

Les options offertes aux entreprises dans l’établis-sement de leurs rapports financiers abondent etpeuvent influer sensiblement sur les donnéesprésentées dans leurs états financiers. Ainsi, lessociétés possédant des immobilisations doiventamortir ces actifs afin de tenir compte de leur usureau fil du temps. Mais une entreprise peut opterpour différentes méthodes dans le calcul de cetamortissement annuel, lesquelles peuvent fairevarier la valeur des actifs et le niveau des bénéficesà court terme. De façon analogue, les entreprisesde fabrication peuvent utiliser plusieurs méthodesd’évaluation des stocks qui donneront chacunedes résultats sensiblement différents quant à la va-leur au bilan de ces stocks. Les entreprises peuventaussi exercer des choix dans d’autres domainesimportants, notamment au chapitre des méthodescomptables utilisées pour évaluer les contrats delocation, les produits comptabilisés d’avance, lesplacements financiers, les engagements du régimede retraite, les immobilisations incorporelles etles actifs ou passifs d’impôts reportés. Par consé-quent, juger de la valeur économique des postesdu bilan à partir de leur valeur comptable peutêtre un exercice périlleux et passablement subjectif.

Un autre piège de l’évaluation des états financiersa trait aux éléments hors bilan. Depuis une ving-taine d’années, les innovations financières sur lesmarchés de capitaux ont donné naissance à quan-tité de techniques auxquelles les sociétés peuventrecourir pour gérer leur bilan de façon plus proac-tive. Les entreprises peuvent monétiser les actifsinscrits à leur bilan au moyen de la titrisation,conclure des contrats financiers ne figurant pas aubilan en recourant aux instruments dérivés et ef-fectuer des transactions avec lien de dépendance(c’est-à-dire entre parties apparentées) par le tru-chement d’entités ad hoc ou de filiales non conso-lidées. Les engagements au titre des régimes deretraite sont une autre source importante de risquequi, en règle générale, ne figure pas au bilan. Lesopérations de cette nature sont plutôt décritesdans les notes complémentaires aux états finan-ciers, même si elles peuvent avoir une incidencenotable sur la situation financière de la société.

Les règles et les principes comptables évoluentsans cesse, et cette évolution peut influer sur l’éva-luation des entreprises. Les modifications appor-tées aux principes comptables peuvent découlerde l’innovation financière (p. ex., l’essor desproduits dérivés), de l’apparition de nouvellespratiques, telles que l’octroi dans un nombre gran-dissant d’entreprises d’options d’achat d’actions,ou de scandales financiers comme ceux d’Enron etde WorldCom.

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Revue du système f inancier

Les autorités canadiennes continuent d’apporterdes améliorations aux normes de comptabilité etde gouvernance des entreprises afin de soutenir laconfiance des investisseurs1. Les organismes de régle-mentation canadiens ont suivi de près les résultatsdes réformes récemment entérinées aux États-Unis,dont plusieurs découlent de la loi Sarbanes-Oxley,aux prérogatives très étendues, adoptée au milieu de2002. Leur intention est de mettre en place des me-sures de protection appropriées qui tiennent comptedes caractéristiques structurelles du marché canadienet des cadres réglementaire et juridique propresà notre pays. Voici les points saillants des projetslancés récemment ou prévus.

En vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés récem-ment par la législation provinciale sur les valeursmobilières, la Commission des valeurs mobilièresde l’Ontario a annoncé son intention d’adopter desrègles qui exigeront l’attestation des états financierspar le chef de la direction et le directeur des servicesfinanciers. La législation donne également auxresponsables de la réglementation de la Commissionautorité sur les comités de vérification. La Commis-sion compte aussi adopter des dispositions portantsur l’indépendance des comités de vérification dessociétés ouvertes.

En décembre 2002, le Conseil des normes compta-bles (CNC) a publié pour commentaires un projet denormes exigeant la constatation de charges relative-ment à toutes les rémunérations à base d’actionsoffertes aux salariés, y compris l’émission d’optionssur actions.

Le nouveau Conseil de surveillance de la normalisa-tion en vérification et certification, créé à la fin de2002, a amorcé ses activités en mars 2003. Cet orga-nisme indépendant a pour mission de surveiller leConseil des normes de certification, qui établit lesrègles canadiennes en matière de vérification.

On procède actuellement au recrutement du person-nel du Conseil canadien sur la reddition de comptes(CCRC), dont la création a été annoncée en juillet2002 et qui devrait être pleinement actif d’ici peu. LeCCRC jouit de pouvoirs considérables dans la sur-veillance qu’il exerce sur les cabinets de vérification.Gordon Thiessen, ancien gouverneur de la Banque

du Canada, assumera les fonctions de président-fondateur du CCRC.

Le 24 janvier 2003, le Bureau du surintendant desinstitutions financières (BSIF) publiait une nouvelleligne directrice sur la gouvernance à l’intention desinstitutions financières fédérales. Celle-ci fournit auxconseils d’administration et à la direction des institu-tions financières assujetties aux lois fédérales desrenseignements sur la gouvernance d’entreprise etsur les facteurs dont le BSIF tiendra compte dans sonévaluation de la qualité de la gouvernance de chaqueinstitution.

Dans son budget du 18 février, le gouvernement fé-déral a annoncé qu’il proposera des mesures visant àrenforcer les normes de gouvernance énoncées dansla Loi canadienne sur les sociétés par actions, à laquellesont assujetties bon nombre des sociétés canadiennesles plus importantes, et dans la législation s’appli-quant aux institutions financières.

Depuis le début de 2003, le Comité sénatorial per-manent des banques et du commerce a tenu une sé-rie d’audiences sur la gouvernance des entreprisesafin de déterminer s’il convenait de légiférer à l’éche-lon fédéral dans ce domaine.

En avril 2003, le CNC a publié un projet de normesexigeant que tous les instruments financiers (y com-pris les produits dérivés) soient présentés au bilandes sociétés à leur juste valeur marchande ou, danscertaines circonstances particulières où ce moded’évaluation ne serait pas le plus approprié, au coûtd’acquisition. Les lignes directrices proposées préci-sent également à quel moment les gains et les pertesrésultant de la variation des justes valeurs doiventêtre constatés dans l’état des résultats.

En avril également, l’Association canadienne descourtiers en valeurs mobilières a approuvé denouvelles règles en matière de gestion des conflitsd’intérêts dont l’application vise les analystes recher-chistes, notamment en ce qui a trait à la relationentre les services de banque d’investissement etles champs de recherche des courtiers en valeursmobilières.

Le 7 mai 2003, l’Institut Canadien des ComptablesAgréés a publié de nouvelles lignes directrices visantà aider les sociétés à fournir de meilleures informa-tions dans leurs rapports de gestion sur les arrange-ments hors bilan et les risques connexes.1. Voir le numéro de décembre 2002 de la Revue du sys-

tème financier (Encadré 2, p. 10) pour un aperçu desmesures prises jusque-là.

Encadré 2

Le point sur les réformes concernant la gouvernance desentreprises et les méthodes comptables au Canada

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Évolut ion récente et tendances

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conseils d’administration et les comités de vérifi-cation des entreprises ont accru leur vigilance. Onpeut en conclure que les perspectives de raffermis-sement graduel de la confiance des investisseurssont assez bonnes.

Conclusion

Les difficultés financières accrues des sociétés ontcontribué aux pertes enregistrées par un grandnombre d’investisseurs et d’institutions finan-cières. La détérioration de laqualité du crédit dansle monde a été prononcée, et la nécessité pour denombreuses sociétés de consolider leurs caisses deretraite alourdit encore leurs charges financières.La dégradation de la qualité du crédit est toutefoismoins marquée au Canada que dans d’autrespays. Le niveau d’endettement des entreprisesa diminué au cours des derniers trimestres et il secompare favorablement, dans l’ensemble, à ceuxdes cycles antérieurs. Compte tenu du contexte, lessociétés canadiennes se sont efforcées de restrein-dre leur niveau d’endettement, et le fardeau duservice de la dette demeure relativement faible.Bien que les résultats varient selon les secteursd’activité, les entreprises canadiennes demeurentglobalement en bonne position pour relever lesdéfis incessants auxquels elles font face sur le planfinancier, appuyées en cela par des efforts géné-ralisés pour restaurer la confiance dans les étatsfinanciers.

Le contexte macrofinancierAvec la fin de la guerre en Iraq, l’horizon géopoli-tique s’est éclairci, mais les perspectives écono-miques mondiales sont toujours empreintes d’in-certitude à court terme. L’apparition du syndromede détresse respiratoire aiguë est venue assombrirencore la situation en Asie.

L’évolution de la conjonctureinternationale

Les attentes relatives à la vigueur de la reprise dansle monde ont diminué au cours des derniers tri-mestres. Les prévisions de Consensus Economicsconcernant la croissance des pays industrialisés en2003 ont été fortement revues à la baisse depuis lemilieu de 2002 (Graphique 17). L’atonie de l’éco-nomie mondiale et l’incertitude sur le plan géopo-litique ont déprimé le trafic aérien international,passagers et fret confondus (Graphique 18). Lescompagnies aériennes asiatiques avaient assezbien tiré leur épingle du jeu jusqu’à ce que l’épi-démie de pneumonie atypique ne frappe lecontinent. La remontée de la confiance des

Graphique 17Évolution des prévisions de croissance de ConsensusEconomics pour 2003

Économies industrialisées*

%

* Amérique du Nord, Europe occidentale et JaponSources : Consensus Economics et calculs de la

Banque du Canada

1,5

2,0

2,5

3,0

1,5

2,0

2,5

3,0

2002 20031,0 1,0

Graphique 18Trafic aérien international — Transporteurs agréés dansla région indiquée

Taux de variation sur un an(avril 2003)

Source : Association du transport aérien international

Ensemble Amérique Europe Asie etPacifique

-50

-40

-30

-20

-10

0

10

20

-50

-40

-30

-20

-10

0

10

20

Fret tonnes-kilomètres

Revenu passagers-kilomètres

des régions du Nord

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Revue du système f inancier

consommateurs dans certaines régions clés du globeet la chute des cours du pétrole sont toutefois debon augure pour les perspectives économiques.

La crainte d’une interruption des approvisionne-ments au Proche-Orient, conjuguée à des pertur-bations temporaires dans les exportations depétrole vénézuélien et à la baisse des stocks améri-cains d’or noir, a provoqué une flambée des coursdu pétrole brut de la mi-novembre à la mi-mars.Ceux-ci sont retombés depuis que la menace deperturbation durable de la production de pétroleiraquien s’est dissipée (Graphique 19).

Les marchés émergentsLes économies émergentes (en particulier cellesd’Amérique latine) ne sont pas encore entière-ment remises des crises financières survenues cesdernières années (Graphique 20). Ces crises onteu pour effet salutaire de relancer les efforts en vuede leur prévention et de leur résolution. Les paysdu Groupe des Sept ont joué à cet égard un rôle depremier plan (Encadré 3).

Bien que les exportations des pays à marché émer-gent aient souffert de la faiblesse de la demandeaux États-Unis et dans les autres grandes écono-mies, les économies émergentes lourdementendettées ont bénéficié du bas niveau des tauxd’intérêt dans le monde et d’un regain d’intérêtpour les actifs plus risqués de la part des investis-seurs. La tenue des marchés boursiers d’un certainnombre de ces pays s’est améliorée durant les der-niers mois (Graphique 21). En outre, les écartssur les emprunts souverains sont redescendus dusommet atteint en octobre 2002 (Graphique 22),grâce à l’évolution favorable de la situation auBrésil et du retour de la stabilité en Argentine.

Une ombre subsiste au tableau : au Venezuela, lePIB a fortement fléchi en glissement annuel, enpartie à cause de la grève générale qu’a connue lepays. Certains représentants du gouvernement ontlaissé entendre que la dette extérieure du Venezuelapourrait faire l’objet d’un rééchelonnement aucours des mois à venir.

L’épidémie de pneumonie atypique freinera lerythme de l’activité dans la plupart des économiesémergentes de l’Asie en 2003; les taux de croissancepourraient être amputés de 0,5 à 1 point de pour-centage en moyenne, à condition que l’épidémiesoit rapidement circonscrite10. Dans certains paysde la région, cependant, jusqu’à deux points de

10. Cette estimation, établie par le Fonds monétaire interna-tional, de l’incidence que l’épidémie aura sur l’économiede l’Asie de l’Est et de la Chine est la plus élevée de toutescelles avancées.

Graphique 19Cours du pétrole brut

$ É.-U./baril

Source : Banque du Canada

15

20

25

30

35

40

15

20

25

30

35

40

2001 2002 2003

Graphique 20Évolution des prévisions de croissance de ConsensusEconomics pour 2003

%

Source : Consensus Economics

1

2

3

4

5

6

7

1

2

3

4

5

6

7

Amérique latine

Asie (sans le Japon)

Pays à marché émergent d’Europe

2002 2003

Graphique 21Indices boursiers ($ É.-U.)

Base 100 de l’indice : 1er janvier 2002

Source : Thomson Financial Datastream

Latin America

Asia

Emerging Europe

S&PComposite

60

70

80

90

100

110

120

130

60

70

80

90

100

110

120

130

2002 2003

Amérique latine

Asie

Pays à marchéémergentd’Europe

Indicecomposite

S&P

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Évolut ion récente et tendances

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Depuis la crise du peso mexicain en 1995, le Groupedes Sept (Allemagne, Canada, États-Unis, France,Italie, Japon et Royaume-Uni) œuvrent à l’instaura-tion de réformes macroéconomiques et institution-nelles visant à éloigner les risques de crises financièresinternationales et à faciliter une résolution rapide etordonnée de celles-ci. Ces efforts ont redoublé parsuite de la série de crises financières touchant lespays à marché émergent qui s’est amorcée en Asie en1997-1998. Ces crises ont entraîné un net repli de laproduction dans nombre des économies affectées etont soumis le système financier international à destensions.

L’un des volets du travail du G7 consiste à tenter deprévenir les déséquilibres économiques et financierssusceptibles de provoquer des crises, à l’aide demeilleures politiques nationales et de la « surveillance »économique exercée par le FMI. En outre, on recon-naît que l’approche actuelle en matière de gestiondes crises, qui repose sur l’octroi d’une assistancefinancière internationale, doit être étayée par desinstruments et des mesures incitant les pays etleurs créanciers à rééchelonner, au besoin, la dettesouveraine.

En avril 2002, les ministres des Finances et les gou-verneurs des banques centrales du G7 ont publié surle sujet un plan d’action future qui s’articulait autourde quatre priorités. La première concernait le ren-forcement de la surveillance exercée par le FMI. Ladeuxième consistait en un accord sur la nécessité delimiter le financement officiel, de sorte que les impo-sants programmes d’aide financière ne remplacentpas les négociations sur la restructuration de la dette.Les deux dernières priorités portaient sur la créationd’instruments destinés à faciliter les efforts derestructuration. Cet aspect comportait deux volets :i) l’étude d’une proposition émanant des dirigeantsdu FMI sur la mise en place d’un mécanisme de res-tructuration de la dette souveraine (MRDS) en vuede l’établissement d’une procédure officielle de réé-chelonnement, laquelle rappelle à certains égards leslois nationales en matière de faillite; ii) la promotiondes clauses d’action collective, qui favorisent la rené-gociation des contrats obligataires en permettant lamodification des modalités de rachat avec l’accordsimplement d’une majorité qualifiée de créanciers aulieu de l’unanimité, parfois très difficile à atteindre.

Au cours de la dernière année, les représentants duG7 ont poursuivi ces priorités, en collaboration avecles organismes internationaux, des groupes du sec-

teur privé et les institutions financières internatio-nales. Leurs efforts sont présentés dans la Mise à jourdu plan d’action publiée en avril 2003. Les ministresdes Finances et les gouverneurs des banques centralesy relèvent l’amélioration sensible de la surveillanceéconomique par le FMI et les grands progrès accom-plis dans de nombreux pays à marché émergent auchapitre de la supervision des activités bancaires, dela transparence et des pratiques de gestion de la dette.Ils soulignent aussi l’importance d’une plus grandediscipline dans l’octroi d’une aide officielle, carl’existence d’une telle aide peut influer négativementsur la détermination des pays emprunteurs et deleurs créanciers à résoudre leurs problèmes. Ainsi,bien que les limites actuelles régissant l’accès normalaux ressources du FMI aient été réitérées, les futuresdemandes d’aide exceptionnelle déclencheront lamise en œuvre d’une série de critères précis, de sortequ’une telle aide ne puisse être octroyée que pour desmotifs sérieux.

Des mesures ont également été prises pour faciliterla restructuration de la dette lorsque l’endettementd’un pays devient insoutenable. Le G7 a soulignéque l’insertion de clauses d’action collective dans derécentes émissions obligataires du gouvernementmexicain était un pas dans la bonne direction. Toutdernièrement, plusieurs autres pays ont émis sur lemarché des obligations similaires. Le G7 a reconnuen outre que les codes volontaires de bonne conduitepouvaient jouer un rôle positif dans les négociationssur le rééchelonnement d’une dette en créant unenvironnement propice à la résolution rapide etordonnée des crises financières. Dans les prochainsmois, la communauté des bailleurs de fonds officielscollaborera avec le secteur privé pour arrêter uneapproche commune en matière de codes de bonneconduite.

Enfin, les ministres et les gouverneurs ont examinél’analyse et les consultations réalisées dans le cadredes travaux sur le MRDS menés par le FMI, lesquelsont permis aux institutions officielles de mieux com-prendre les crises liées aux dettes souveraines. Ilssont d’avis que l’introduction par un certain nombrede pays de clauses d’action collective dans leurs con-trats obligataires, tout comme l’intérêt manifestéenvers l’adoption d’un code de bonne conduite, nefavorisait pas pour l’instant la présentation d’uneproposition officielle sur le MRDS. Les travaux surles questions générales concernant la résolution descrises se poursuivront néanmoins.

Encadré 3

Prévention et résolution des crises financières internationales :rapport d’étape sur les initiatives du G7

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Revue du système f inancier

pourcentage pourraient être retranchés de la crois-sance. Ces estimations seront sans doute revues aufil des événements. Le ralentissement est surtoutmanifeste dans les secteurs du tourisme (tant levoyage que l’hébergement) et du commerce de dé-tail, mais il perturbe aussi le cours normal des af-faires, ainsi qu’en témoigne le report de voyagesprofessionnels et de décisions de dépense. La baissede l’activité économique, l’octroi d’aide financièreaux entreprises touchées et l’accroissement des dé-penses dans le domaine de la santé aggraveront lasituation des comptes publics de la plupart despays de la région. Certaines des répercussions éco-nomiques pourraient toutefois être atténuées si lademande refoulée redémarre après l’endiguementde l’épidémie.

L’Europe et le JaponEn Europe, les taux de croissance demeurentinférieurs aux attentes. La langueur de l’activitéa entraîné une dégradation des finances publiqueseuropéennes (Graphique 23). En janvier, Standard& Poor’s a réévalué la qualité des emprunts souve-rains de l’Italie, faisant passer de stables à néga-tives les perspectives d’évolution de sa dette, à lalumière de l’incapacité de ce pays de prendre lesmesures structurelles nécessaires pour corrigerdurablement ses déséquilibres budgétaires. En sefondant sur les mesures budgétaires prises par laFrance et l’Allemagne, la Commission européenneconclut que les déficits de ces deux pays pour-raient dépasser en 2003 le plafond de 3 % du PIBfixé dans le Pacte de stabilité et de croissance.

Les entreprises européennes traversent une périodedifficile, caractérisée par l’atonie de la conjonctureet la baisse des cours boursiers (Graphique 24). Leratio des baisses de cote aux hausses de cote estpassé de 16,3 au quatrième trimestre de 2002 à20,5 au premier trimestre de 200311. Les sociétésd’assurance, les banques et les services publics fi-gurent au nombre des groupes les plus durementtouchés. Invoquant la sous-capitalisation des caissesde retraite, les agences de notation ont réduit lescotes de certaines grandes sociétés européennes etsont à réexaminer celles d’autres entreprises afind’établir s’il y a lieu de les abaisser.

Les banques européennes, tout particulièrementcelles de l’Allemagne, ont entrepris de comprimerleurs coûts afin d’accroître leur rentabilité. Lespertes essuyées récemment par certaines banquestiennent aux coûts des restructurations effectuéeset à l’amortissement de leur survaleur. Les filiales

11. D’après les chiffres de Standard & Poor’s

Graphique 22Indice des rendements des obligations émises sur lesmarchés émergents

Points de base

Source : J.P. Morgan (EMBI+)

400

600

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

400

600

800

1 000

1 200

1 400

1 600

1 800

1998 1999 2000 2001 2002 2003

Graphique 23Solde budgétaire de l’État

En pourcentage du PIB

Source : Commission européenne

-4

-3

-2

-1

0

1

2

-4

-3

-2

-1

0

1

2

1998 1999 2000 2001 2002

Italie

Allemagne

France

Graphique 24Indices boursiers

Source : Thomson Financial Datastream

1998 1999 2000 2001 2002 20031 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

8 000

9 000

6 000

8 000

10 000

12 000

14 000

16 000

18 000

20 000

22 000

FTSE 100(échelle de

gauche)

Nikkei(échelle de droite)

DAX — Allemagne(échelle de gauche)

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d’assurance de plusieurs banques ont égalementsubi des pertes.

Au Japon, les perspectives de croissance à courtterme sont peu encourageantes, en raison du basniveau de la confiance, des problèmes structurelsde l’économie nippone et de la morosité de la de-mande extérieure.

Les efforts visant à revitaliser les banques et les en-treprises japonaises se poursuivent. Au cours desderniers mois, les quatre plus grandes banques dupays ont annoncé qu’elles allaient accroître leursfonds propres. En dépit des importantes décotesopérées par les banques, les inspections menéesrécemment par l’Agence des services financiers duJapon ont révélé l’existence de nouveaux prêts nonproductifs (Graphique 25). En conséquence, lesbanques se sentent de plus en plus tenues de cons-tituer de nouvelles provisions pour pertes sur prêts.Des injections d’argent frais pourraient être néces-saires pour maintenir les ratios de fonds propres.De fait, au milieu de mai, l’Agence des services fi-nanciers a annoncé l’octroi de concours totalisant2 billions de yens (environ 23 milliards de dollarscanadiens) à une grande banque axée sur le mar-ché intérieur (la Resona Holdings).

En mars, la Banque du Japon a fait savoir qu’elleporterait de 1 à 3 billions de yens ses rachatsd’actions dans les portefeuilles des banques afinde réduire la vulnérabilité de ces dernières à denouveaux reculs de la bourse. Le cours des actionsdes banques japonaises continue de se ressentir dela perception généralement négative du marché àl’endroit de ces institutions (Graphique 26).

Le 2 avril, la Diète a donné son assentiment à lacréation d’une société vouée à la relance du secteurindustriel japonais, la Industrial RevitalizationCorporation (IRC). Le mandat de celle-ci, qui aamorcé ses activités en mai, doit s’étaler sur unepériode de cinq ans. La IRC aura pour tâche d’as-sainir les comptes des banques en aidant les prin-cipaux bailleurs de fonds à acquérir les entreprisessurendettées dont la situation n’est pas jugée dé-sespérée. Si elle estime que l’entreprise peut êtreredressée, elle puisera dans les deniers publicspour reprendre les prêts consentis par d’autres en-tités que le principal bailleur de fonds. La IRC et cedernier disposeront alors de trois ans pour restruc-turer et vendre l’entreprise, ce qui permettra à labanque prêteuse de radier le prêt non productif deses livres.

Les États-UnisL’activité aux États-Unis a progressé à un rythmemodeste en termes réels au premier trimestre

Graphique 25Prêts non productifs détenus par l’ensemble desbanques au Japon

Billions de ¥

Source : Agence des services financiers du Japon

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1998 1999 2000 2001 2002

Graphique 26Cours des actions au Japon (indice Nikkei)

Base 100 de l’indice : 2 janvier 2001

Source : Thomson Financial Datastream

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2001 2002 2003

Sociétésd’assurance

Banques

Total

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17

Revue du système f inancier

de 2003 (Graphique 27). Le climat économiqueincertain et l’inquiétude suscitée par les répercus-sions possibles de la guerre en Iraq ont pesé sur laconfiance des consommateurs et des entreprises.Les projets d’investissement de ces dernières secaractérisent par une grande prudence, et lesdépenses des ménages ont ralenti. Les plus récentsindicateurs font toutefois état d’une remontée dela confiance depuis la fin de la guerre, qui devraitcontribuer à raffermir la croissance.

Les entreprises américaines s’efforcent d’assainirleurs bilans. Si les emprunts des sociétés demeu-rent élevés en regard des flux de trésorerie, ils res-tent relativement faibles par rapport à l’actif decelles-ci. Désireuses de profiter des taux d’intérêtfavorables, les entreprises ont accru leurs engage-ments à long terme en proportion de l’ensemblede leurs emprunts. Les ratios relatifs aux paie-ments d’intérêts ont diminué dans l’ensemble(Graphique 28). Les bénéfices des sociétésont augmenté ces derniers temps, mais la sous-capitalisation des caisses de retraite risque d’en-traîner des ponctions dans les ressources finan-cières de certaines entreprises.

Les consommateurs américains demeurent trèsendettés, encore que la hausse récente de leurs em-prunts traduise une augmentation du taux de pro-priété du logement. Le ratio du service de la detteest élevé par rapport à ce qu’on a observé dans lepassé, mais il a fléchi légèrement à la faveur durepli des taux d’intérêt. La consommation desménages reste vulnérable à une évolution défavo-rable du revenu ou de la richesse de ces derniers.

Même si certains de leurs secteurs d’activité se ti-rent moins bien d’affaire, les banques américainescontinuent d’afficher une forte rentabilité grâceaux effets positifs des bas taux d’intérêt sur la santéfinancière des emprunteurs et à la demande soute-nue de crédit à la consommation. Le taux de ren-dement de l’actif des banques a atteint un niveaurecord en 2002 et surpassé le précédent sommetenregistré en 1999 (Graphique 29). Les banquesayant ralenti le rythme auquel elles accumulaientdes provisions pour pertes sur prêts, leurs béné-fices sont demeurés élevés au premier trimestrede 2003. Prenant appui sur leur solide situationfinancière, elles n’ont pas trop tardé à comptabiliserleurs pertes.

À la fin d’avril, un certain nombre de grandes ban-ques d’investissement américaines sont parvenuesà un règlement à l’amiable avec les autorités de ré-glementation des valeurs mobilières concernantles actions coercitives engagées contre elles pourconflits d’intérêts. Elles ont accepté de verserensemble 1,4 milliard de dollars É.-U., dont une

Graphique 28Paiements d’intérêts nets

% %

Sources : Réserve fédérale des États-Unis et Bureau ofEconomic Analysis

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1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

Ratio paiementsd’intérêts nets /

flux de trésorerie(échelle de

gauche)

Ratio paiements d’intérêtsnets / bénéfices bruts

(échelle de droite)

Graphique 29Rendement de l’actif de l’ensemble des institutionsassurées par la FDIC*

%

* Comprend les banques commerciales et les caissesd’épargne assurées

Source : Federal Deposit Insurance Corporation desÉtats-Unis

0,8

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1,2

0,8

1,0

1,2

1992 1994 1996 1998 2000 2002

1,4 1,4

Graphique 27Croissance du PIB réel aux États-Unis

Source : Thomson Financial Datastream

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1998 1999 2000 2001 2002 2003

Taux de variation englissement annuel

Taux decroissancetrimestrielannualisé

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Évolut ion récente et tendances

18

partie importante servira à restructurer leurs servicesde recherche financière et à en assurer l’indépen-dance. Il reste difficile d’évaluer, d’une part, lessommes que les institutions financières améri-caines auront à débourser dans l’avenir si de nou-velles procédures sont intentées contre ellesrelativement aux mauvaises pratiques de gouver-nance suivies dans le passé et, d’autre part, la me-sure dans laquelle elles pourraient être forcéesd’indemniser les investisseurs pour les pertes su-bies. Les banques d’investissement feront l’objetd’autres critiques en ce qui concerne la prestationde leurs services de recherche financière et l’alloca-tion aux investisseurs des titres de sociétés nouvel-lement introduites en bourse, ainsi que leursrelations d’affaires avec des entreprises particu-lières (Enron par exemple). Certaines d’entre ellesont constitué des réserves pour faire face à d’éven-tuelles poursuites.

Secteur mondial de l’assuranceLes chocs défavorables qui ont secoué l’économiemondiale se sont répercutés sur les résultats finan-ciers de l’industrie mondiale de l’assurance. Surve-nant au terme d’une décennie de sinistres majeursd’origine naturelle, les attentats terroristes du11 septembre 2001 aux États-Unis ont causé leplus important sinistre de l’histoire attribuable àun seul événement (Graphique 30). Le gros despertes ont été absorbées par les branches de l’assu-rance multirisque et de la réassurance. En outre,les rendements obtenus sur les placements ont étéinférieurs aux prévisions, ce qui a entraîné unenouvelle érosion de la valeur nette des assureurs.

Plusieurs grands assureurs européens font état depertes pour l’exercice 2002, et les cotes de créditd’un certain nombre d’entreprises ont été abais-sées durant l’année. Le faible cours des actions re-flète cet état de choses (Graphique 31)12. Pourredresser la barre, les sociétés d’assurance ont prisdiverses mesures. Elles ont par exemple modifié lacomposition de leurs portefeuilles d’actifs, resser-ré leurs normes en matière de sélection des ris-ques, limité la couverture de certains types derisque et majoré leurs primes. Plusieurs assureursd’envergure ont entrepris de se procurer de l’ar-gent frais, et leur démarche semble avoir été bienaccueillie par les marchés. Ainsi, Munich Re, leplus gros réassureur au monde, a lancé récemmentune émission obligataire de 3,4 milliards d’euros,et Allianz, un autre acteur important du secteur

12. La branche de la réassurance, qui est dominée pard’importantes sociétés européennes (dont les activitéssont de plus en plus tournées vers l’international), a étéparticulièrement éprouvée par les sinistres récents.

Graphique 30Pertes assurées

Milliards de $ É.-U.; prix de 2002

Source : Swiss Re, sigma, no 2, 2003

1970 1975 1980 1985 1990 1995 20000

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35

Catastrophesdues à l’action

humaine

Catastrophesnaturelles

Graphique 31Cours des actions des institutions financièreseuropéennes

Base 100 de l’indice : 2 janvier 2001

Source : Thomson Financial Datastream

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2001 2002 2003

Secteur del’assurance en

Europe

Banqueseuropéennes

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Revue du système f inancier

européen de l’assurance, a placé sans difficultéune émission de droits de l’ordre de 4,4 milliards.

Aux États-Unis, les niveaux de capitalisation dessociétés d’assurance ont aussi subi des pressions àla baisse, mais on estime qu’ils demeurent globa-lement acceptables. Les événements survenus surla scène internationale ont eu des retombées rela-tivement limitées sur le secteur de l’assurance auCanada, bien qu’ils soient pour une part modesteà l’origine des déboires des assureurs multirisquescanadiens.

L’évolution de la conjoncture auCanada

Parmi les facteurs internes qui influent sur la te-nue du système financier canadien, mentionnonsla conjoncture économique du pays, la situationfinancière des ménages et des entreprises et l’évo-lution des différents secteurs d’activité.

L’économie canadienneLa croissance de l’économie canadienne s’est mo-dérée par rapport à la cadence rapide affichée pré-cédemment (Graphique 32). Les exportationssont redescendues des hauts niveaux enregistrésantérieurement, à la suite de la baisse de régime del’économie américaine. En revanche, la forte dé-tente monétaire liée au faible niveau des taux d’in-térêt a contribué à alimenter la solide progressionde la dépense des ménages au second semestre de2002 et au premier trimestre de 2003.

Si les analystes du secteur privé s’attendent tou-jours à une croissance robuste de l’économie cana-dienne en 2003, ils ont révisé à la baisse leursprévisions depuis novembre dernier en raison del’assombrissement des perspectives économiquesà l’échelle mondiale et des inquiétudes concer-nant les répercussions de l’épidémie de pneumo-nie atypique sur l’activité. Le rythme d’expansionde l’économie canadienne devrait s’accélérer en2004. Quoi qu’il en soit, les perspectives de crois-sance au pays dépendront vraisemblablement del’évolution de la confiance des entreprises et desménages ainsi que de celle de l’économie mondiale.

Secteurs des ménages et des entreprisesLa situation financière des ménages demeurebonne, comme en témoigne la baisse continue dunombre des prêts hypothécaires en souffrance etdes défauts de paiement sur cartes de crédit. Labelle tenue actuelle des prix des maisons a com-pensé en partie les pertes provoquées par la dimi-nution des cours boursiers (Graphique 33), et lecoût du service de la dette des ménages demeureinférieuràceluidescyclesprécédents(Graphique 34).

Graphique 32Croissance du PIB réel au Canada

Source : Statistique Canada

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1998 1999 2000 2001 2002 2003

Taux de croissancetrimestriel annualisé

Taux de variation englissement annuel

Graphique 33Évolution du prix des maisons

Taux de variation réel en glissement annuel

Sources : Statistique Canada et Royal LePage

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1985 1990 1995 2000

Maisons neuves

Maisons existantes

Graphique 34Dette des particuliers

%

* Exclut le remboursement du principal.Sources : Statistique Canada et calculs de la

Banque du Canada

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1980 1985 1990 1995 2000

Ratio du service de ladette des ménages*(échelle de droite)

Ratio dette desménages / actif total(échelle de gauche)

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Évolut ion récente et tendances

20

La confiance des ménages s’est malgré touteffritée depuis le milieu de 2002.

Dans presque tous les secteurs non financiers, lebilan des sociétés continue d’être sain, soutenuen cela par la hausse marquée de la rentabilité en2002 et au début de 2003. La confiance desgrandes comme des petites entreprises a, dans l’en-semble, peu varié depuis le troisième trimestre de2002 (Graphique 35). Les progrès de la restruc-turation des secteurs industriels en difficulté con-tribueront à améliorer la qualité du crédit desentreprises13.

Secteurs industrielsAu Canada, plusieurs secteurs industriels viventencore de graves tensions financières (p. ex., ceuxdes télécommunications, du transport aérien etdes produits forestiers), mais ils ne représententqu’une proportion relativement faible de l’écono-mie nationale. Certaines des branches d’activitéles plus vulnérables sur le plan financier se sontmême partiellement redressées au cours des troispremiers trimestres de 2002.

Plus récemment, toutefois, les niveaux de produc-tion et de rentabilité ont reculé dans quelques-unsde ces secteurs. Ces revers s’expliquent notam-ment par le ralentissement de l’économie améri-caine et l’incidence, sur la confiance du public, deschocs récents survenus à l’échelle internationale,telle la guerre en Iraq. En outre, les déficits decapitalisation des régimes de retraite de certainesentreprises pèsent particulièrement lourd sur cetensemble de secteurs financièrement vulnérables.Par ailleurs, s’il devait se maintenir, le cours plusélevé du dollar canadien récemment risqueraitd’entamer la rentabilité des sociétés à vocation ex-portatrice. Mais, à l’inverse, il pourrait bénéficieraux entreprises dont les coûts de production sonten grande partie liés aux importations.

Les branches du transport aérien et de l’aéronau-tique ont été très durement touchées par les chocsinternationaux, qui ont empêché la demande deredémarrer et entraîné le renchérissement ducarburant (Graphique 36). En conséquence, plu-sieurs entreprises de ces deux branches procèdentactuellement à la restructuration de leurs opéra-tions et de leurs bilans. Les niveaux d’activité etde rentabilité dans ces secteurs, ainsi que dansd’autres liés au tourisme, en particulier dans larégion du Grand Toronto, ont aussi pâti de l’épi-démie de pneumonie atypique.

13. Pour un examen plus approfondi de la situation finan-cière des sociétés canadiennes, y compris l’évolutioncyclique de la qualité du crédit, voir la rubrique« Principaux enjeux » à la page 4.

Graphique 35Confiance des entreprises canadiennes

Base 100 de l’indice : 2000T4

Source : Le Conference Board du Canada

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2001 2002 2003

Grandesentreprises

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Graphique 36Croissance réelle de la production — Transport aérien

%

Source : Statistique Canada

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1998 1999 2000 2001 2002 2003

Taux de croissancetrimestriel annualisé

Taux de variation englissement annuel

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Revue du système f inancier

Les fabricants de produits électroniques et infor-matiques (en particulier, les fabricants de matérielde télécommunication) ont essuyé des pertesfinancières substantielles tout au long de 2002(Graphique 37). De nombreuses entreprises con-tinuent d’ailleurs d’en subir, les carnets de com-mandes restant assez peu garnis de façon générale(Graphique 38). Les prévisionnistes continuentde penser que l’activité demeurera faible dans cesecteur jusqu’en 2004. Il est probable égalementque le cours plus élevé du dollar canadien accen-tue les pressions à la baisse sur les bénéfices dusecteur.

Par ailleurs, les perspectives financières à court ter-me demeurent peu encourageantes pour l’indus-trie automobile (Graphique 39). Cela tient àl’existence de capacités excédentaires à l’échellemondiale, au coût appréciable des incitatifs àla vente, au recul des ventes de véhicules enAmérique du Nord et à la nécessité de consoliderles régimes de retraite.

L’industrie des produits forestiers continuera vrai-semblablement d’afficher une rentabilité médio-cre, compte tenu du niveau déprimé des prix, del’imposition par les États-Unis de droits d’impor-tation élevés sur le bois d’œuvre et du cours plushaut du dollar canadien. Les perspectives financièresà court terme du secteur agricole canadien ne sontpas beaucoup plus réjouissantes. Après les mau-vaises récoltes de céréales dans les Prairies en2002, ce secteur a dû composer récemment avecl’incertitude accrue liée à l’annonce d’un casd’encéphalopathie spongiforme bovine au pays.

Le système financierLes institutions et les marchés financiers qui sontà la fois solides et flexibles apportent une aide nonnégligeable aux acteurs du système pour faire faceà l’incertitude accrue et ajuster leurs profils derisque en conséquence. Divers indices continuentde témoigner de la robustesse fondamentale dusystème financier canadien.

Les marchés financiers

Les conditions régnant sur les marchés financiersmondiaux se sont améliorées par rapport auxépisodes de forte volatilité survenus à l’été et àl’automne 2002. Dans l’ensemble, les indicateursfinanciers donnent à penser que les investisseurssont moins réfractaires au risque qu’ils ne l’étaientalors.

Graphique 37Rendement des capitaux propres — Fabrication deproduits électroniques et informatiques

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Source : Statistique Canada

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1998 1999 2000 2001 2002

Moyenne de 1998-2001

Graphique 38Nouvelles commandes — Fabrication de matériel detélécommunications

Base 100 de l’indice : 2000T3

Source : Statistique Canada

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20

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1998 1999 2000 2001 2002 2003

Graphique 39Rendement des capitaux propres — Constructionautomobile

%

Source : Statistique Canada

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1998 1999 2000 2001 2002

Moyenne de1998-2001

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Évolut ion récente et tendances

22

Les marchés des titres à revenu fixeLa situation sur les marchés nord-américainsdes titres de dette des sociétés s’est constammentaméliorée depuis le début de l’année, dans le pro-longement du redressement amorcé l’automnedernier. Sur une toile de fond qui reste caractériséepar des rendements faibles, les écarts de taux d’in-térêt se sont resserrés (Graphique 40), et le marchéprimaire, tant au Canada qu’aux États-Unis, s’estavéré très robuste.

L’évolution du marché des émissions obligatairesprivées en Amérique du Nord indique que les in-vestisseurs ont été plus enclins à s’exposer à desrisques de crédit ces derniers mois. Les écarts derendement entre les titres de dette des sociétés etceux de l’État se sont rétrécis dans l’ensemble, par-ticulièrement pour les titres moins bien notés, etils demeurent nettement inférieurs aux sommetsatteints à l’automne 2002 (Graphique 41).

Compte tenu de la forte demande émanant desinvestisseurs et du bas coût de financement, lesentreprises ont pu compter sur un bon accès auxmarchés des titres de dette cette année. Les émis-sions nettes d’obligations du secteur privé cana-dien ont repris au premier trimestre (Graphique 42),les sociétés canadiennes moins bien cotées figu-rant au nombre des émetteurs qui ont bénéficiéde l’accès ininterrompu aux marchés de capitauxaméricains. Les firmes confrontées aux modalitésde financement exigeantes que leur imposaient lesinvestisseurs institutionnels ont pu se procurer desfonds grâce à la titrisation d’actifs, à la création defiducies de placement ou à l’émission de titresd’emprunt sur le marché de détail. Il convient desouligner que les émissions ont augmenté dans uncontexte où les entreprises sont en général plusportées à assainir leur situation financière qu’àaccroître leur actif, ce qui limite le volume desemprunts dont elles ont besoin (voir la rubrique« Principaux enjeux », p. 4).

Les marchés boursiersÀ la faveur du regain d’optimisme quant aux pers-pectives économiques, les cours des actions nord-américaines se sont redressés à la fin de 2002 et audébut de cette année par rapport aux creux qu’ilsont touchés en octobre dernier (Graphique 43).Ce relèvement a été freiné à certains moments parla conjoncture géopolitique et les inquiétudescontinues entourant la rentabilité des entreprises.

Durant les derniers mois, les préoccupations liéesaux conséquences économiques du conflit arméau Proche-Orient se sont apaisées et, dans l’en-semble, les résultats financiers publiés par les so-ciétés ont été supérieurs aux attentes des marchés.

Graphique 40Rendement de l’émission de référence à 10 ans

%

Source : Thomson Financial Datastream

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1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

États-Unis

Canada

Graphique 41Écarts de taux applicables aux obligations de 5 à 10 ansdes sociétés canadiennes selon la cote de crédit

Nombre de points de base au-dessus du taux des titres d’État

Source : Thomson Financial Datastream

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Graphique 42Nouvelles émissions du secteur privé

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2001 2002 2003

Titres de dette émis en dollars É.-U.par les sociétés canadiennes*Titres de dette émis en dollarscanadiens par les sociétés canadiennes*Émissions nettes**

* Les chiffres de 2003 englobent les mois d’avril et de mai.** Les chiffres d’avril et de mai 2003 ne sont pas encore

disponibles.Source : Banque du Canada

Page 27: Revue du système financier · pertes sur placements pour diverses institutions fi-nancières. Les défauts de paiement des entreprises (sur leurs émissions obligataires ou leurs

23

Revue du système f inancier

Il faut toutefois signaler que ces dernières avaientété sensiblement révisées à la baisse au préalable.Aux États-Unis, où les entreprises procèdent à uneréduction de leur dette et se restructurent en fonc-tion de leurs activités essentielles, la croissancequ’affichent leurs bénéfices demeure attribuableaux compressions des coûts et aux ventes d’actifs.La capacité ou l’incapacité des sociétés à atteindreleurs cibles en matière de revenus face à l’incerti-tude économique ambiante continue de faireplaner un risque sur la valeur des actions.

Au cours des derniers mois, sauf durant la secondequinzaine de mars, marquée par le début deshostilités en Iraq, les cours des actions nord-américaines n’ont pas été particulièrement instables,surtout si l’on compare à la nervosité qui régnaitau deuxième semestre de 2002 (Graphique 44). Lavolatilité ressortant des prix des options est aussidescendue à des niveaux qui se rapprochent desmoyennes de long terme.

Si l’on remonte un peu plus dans le temps, onconstate que les marchés boursiers canadiens ontété soutenus par la croissance rapide des fiduciesde placement. Au cours des deux dernières années,les émissions lancées par ces fiducies ont représenté40 % de toutes les actions émises sur les boursescanadiennes et ont procuré, jusqu’à récemment,de meilleurs rendements (Graphique 45). En rai-son de la forte appréciation des parts émises et del’offre abondante de nouvelles émissions, notam-ment dans les secteurs non traditionnels, cettecatégorie d’actifs est maintenant soumise à unesurveillance accrue. Le gouvernement ontarien aproposé dernièrement une série de dispositionsqui limiteraient la responsabilité des détenteursde parts afin de la rendre comparable à celle desactionnaires de sociétés. Ces changements de-vraient alimenter l’intérêt des marchés pour cegenre de produits, en particulier chez les investis-seurs institutionnels.

Les marchés des changesUn facteur important qui a façonné les marchésdes changes dans les derniers mois est le repli géné-ralisé du cours du dollar américain. Cette dépré-ciation s’explique, notamment par l’incertituderelative aux perspectives économiques des États-Unis et les inquiétudes quant à la capacité de cepays de soutenir le déficit de sa balance courante(surtout dans le contexte actuel d’accroissementdes emprunts de l’État et de faibles rendementsdes investissements).

À l’instar des autres grandes monnaies internatio-nales, le dollar canadien s’est considérablementapprécié par rapport au billet vert depuis le début

Graphique 43Cours des actions en Amérique du Nord

Base 100 de l’indice : 1er janvier 2001

Source : Thomson Financial Datastream

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DJIA

NASDAQ

TSX

Graphique 44Niveau et volatilité de l’indice S&P/TSX

%

* Volatilité calculée sur dix jours puis annualiséeSource : Thomson Financial Datastream

5 500

6 000

6 500

7 000

7 500

8 000

8 500

9 000

0

5

10

15

20

25

30

35

2002 2003

Volatilité*(échelle de droite)

Niveau(échelle de

gauche)

Graphique 45Indice des fiducies de placement vs indice global

Source : Thomson Financial Datastream

40

50

60

70

80

90

100

110

5 000

6 000

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8 000

9 000

10 000

11 000

12 000

1998 1999 2000 2001 2002 2003

Indice composite TSX(échelle de droite)

Indice TSX desfiducies deplacement(échelle de

gauche)

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Évolut ion récente et tendances

24

de l’année (Graphique 46). Son ascension a éténourrie par l’opinion largement répandue voulantque l’économie canadienne continue de croîtreplus rapidement que celle de la plupart des autrespays industriels. Cependant, les craintes liéesà la pneumonie atypique et à l’encéphalopathiespongiforme bovine ont contribué à la volatilitérécente qu’a connue le taux de change de notremonnaie (Graphique 47).

Le cours plus élevé du dollar canadien peut tou-cher le système financier de notre pays de plu-sieurs façons. S’il devait se maintenir, il aurait deseffets négatifs sur la rentabilité des entreprises àvocation fortement exportatrice, mais bénéficie-rait à celles qui sont des importateurs nets debiens d’équipement. L’appréciation du dollar ca-nadien influe aussi sur la valeur des divers avoirset engagements financiers. Par exemple, les entre-prises (y compris les institutions financières)ayant des engagements nets en dollars É.-U. y ga-gnent (grâce au fléchissement du montant de leurdette en dollars canadiens) et, à l’inverse, celles dé-tenant des avoirs nets en dollars américains y per-dent. Mais le caractère diffus de ces effets donne àpenser que l’incidence globale de l’appréciationde notre monnaie sur la stabilité financière dupays sera limitée.

Les institutions financières

Les résultats financiers des banques canadiennesse sont améliorés durant les premiers mois de2003. Le rythme auquel ces dernières se sentaienttenues d’augmenter leurs provisions pour pertessur créances a fortement décéléré (Graphique 48).Grâce à la vigueur des revenus et à la baisse du vo-lume des provisions pour pertes sur créances, letaux de rendement moyen des capitaux propres deces institutions a monté en flèche (Graphique 49).Tant le ratio de couverture que le ratio des prêtsdouteux bruts (Graphique 50) ont donné des si-gnes de stabilisation, ce qui laisse entendre que ladétérioration de la qualité du crédit pourrait tirerà sa fin. Les perspectives de notation concernantcertaines banques ont été révisées à la hausse à lasuite de la parution des résultats de ces dernièrespour le premier trimestre de 2003.

Toutefois, plusieurs facteurs négatifs risquent deternir la tenue à court terme des banques, notam-ment l’incertitude entourant les perspectives éco-nomiques et la nécessité pour ces institutions decontinuer à réduire leur exposition aux secteursfaibles de l’économie. Ainsi, les entreprises nord-américaines de production et de vente d’électricitéont vu leur situation financière se dégrader gran-dement depuis la fin de 2001, et la proportion de

Graphique 46Tenue relative des grandes devisespar rapport au dollar É.-U.

Base 100 de l’indice : 2 janvier 2003

Source : Thomson Financial Datastream

95

100

105

110

115

120

95

100

105

110

115

120

2003Janv. Févr. Mars Avril Mai Juin

Dollarcanadien

Yen japonais

Euro

Graphique 47Taux de change et volatilité

$ É.-U. / $ CAN %

0,50

0,55

0,60

0,65

0,70

0,75

0,80

0

2

4

6

8

10

12

14

2002 2003

0,85

* Volatilité calculée sur dix jours puis annualiséeSource : Thomson Financial Datastream

Volatilité*(échelle

de droite)

Niveau(échelle de gauche)

Graphique 48Provision pour pertes sur créances des grandes banquescanadiennes

Millions de $ CAN

Nota : Données calculées à partir des états financierstrimestriels publiés par les six grandesbanques canadiennes

Source : Banque du Canada

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

1998 20031999 2000 2001 2002

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Revue du système f inancier

leurs titres de dette jugés de moindre qualité agrimpé (Encadré 4). Plusieurs banques canadiennessont fortement exposées à ce secteur, qui, avec lesentreprises de télécommunication, se trouve aupremier rang des débiteurs à risque14. Même dansles scénarios pessimistes, cependant, les pertes es-suyées par le secteur énergétique sont contenues,en partie parce que les taux de recouvrement encas de défaut de paiement devraient être relative-ment élevés compte tenu de la fiabilité des flux derevenus dont jouissent ces entreprises et de la va-leur de leurs garanties actuelles15. L’exposition desbanques aux industries du transport aérien et del’aéronautique — qui éprouvent elles aussi des dif-ficultés — est plutôt limitée.

Plusieurs grandes banques canadiennes ont faitappel aux marchés des capitaux durant les pre-miers mois de 2003 pour consolider et restruc-turer leurs avoirs propres. Comme les grandesbanques du pays se trouvaient en bien meilleureposture financière au début de l’actuelle périodede détérioration des conditions de crédit qu’au dé-but des années 1990, et compte tenu de la soliditéglobale de leurs bilans, elles sont bien préparées àrelever les défis de l’heure. Cependant, ces institu-tions subissent encore des pressions les incitant àrestructurer leurs opérations et, parfois, à accepterd’importantes moins-values sur des investissementspassés. Collectivement, les grandes banquescontinuent de délaisser le crédit aux entreprisespour le crédit aux particuliers.

Les conditions défavorables observées sur les mar-chés dernièrement n’ont pas eu la même incidencesur la tenue des sociétés d’assurance vie que surcelle des sociétés d’assurance multirisque cana-diennes. Les premières ont enregistré des résultatspositifs en 2002, le rendement global de leurs ca-pitaux propres se maintenant au-dessus de 10 %(Graphique 51), tandis que le ratio de leurs fondspropres augmentait, après avoir fléchi en 2001. Lapénétration marquée des assureurs vie dans lemarché des produits d’assurance liés aux valeursmobilières durant les années 1990 a toutefois ren-du cette industrie plus vulnérable aux fluctuationsdes cours des actions et à la volatilité des revenusprovenant des droits et commissions. Les sociétésd’assurance vie canadiennes ont néanmoinsmieux surmonté les pressions des marchés de

14. Les crédits consentis par les banques canadiennes ausecteur énergétique au début de 2003 se chiffraient à13,7 milliards de dollars, contre 16,7 milliards dans lecas des entreprises de télécommunication.

15. Plusieurs sociétés ont récemment réussi à s’assurer denouvelles sources importantes de financement, mais lecoût de celui-ci reflète la situation assez risquée danslaquelle certaines d’entre elles se trouvent.

Graphique 49Rendement des capitaux propres des grandes banquescanadiennes

%

Source : Association des banquiers canadiens

0

5

10

15

20

25

0

5

10

15

20

25

1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

Graphique 50Qualité de l’actif des grandes banques canadiennes

%

* Par rapport aux prêts et acceptations diminués desréserves

** Réserves totales / prêts douteux brutsSource : Bureau du surintendant des institutions

financières

0

2

4

6

8

10

40

60

80

100

120

140

1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

Prêts douteux bruts*(échelle de gauche)

Ratio de couverture**(échelle de droite)

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Évolut ion récente et tendances

26

Aux États-Unis, depuis le début des années 1990, laFederal Energy Regulatory Commission a pris d’im-portantes mesures pour favoriser le développementde marchés compétitifs dans le secteur de la vente engros d’électricité. Un certain nombre d’États se sontaussi efforcés d’accroître la concurrence sur les mar-chés de détail (Joskow, 2002a). Ces réformes ontcontribué en partie à la vive expansion du secteurnord-américain du commerce de l’énergie, lequel secompose de grandes entreprises spécialisées dans lavente en gros d’électricité et d’autres formes d’éner-gie. La plupart de ces sociétés sont aussi présentesdans des secteurs connexes tels que la productiond’électricité et le transport de gaz naturel.

Les réformes déjà évoquées font partie d’un ensem-ble de facteurs qui ont concouru à la hausse marquéede l’activité sur divers marchés de gros de l’énergie.En outre, au cours des dernières années, maintesentreprises de ce secteur ont fait l’acquisition d’unnombre considérable de centrales électriques auprèsde services privés américains d’utilité publique. Ellesont également fortement investi dans la constructionde nouvelles installations de production, en lesfinançant, pour la plupart, par des emprunts.

La situation financière de nombreuses entreprises dusecteur du commerce de l’énergie s’est toutefois con-sidérablement dégradée depuis la fin de 2001. Laconjonction de tentatives présumées de manipula-tion des marchés de gros (tout particulièrement enCalifornie), de la faillite d’Enron et d’une série d’irré-gularités comptables majeures a porté préjudice ausecteur (Joskow, 2002b). Combinés au ralentisse-ment global de l’activité économique en Amériquedu Nord, ces divers facteurs se sont soldés par un re-pli important de l’activité sur les marchés de gros del’énergie. Par ailleurs, la crise de l’électricité qui a sévien Californie en 2000 et en 2001 a rendu plus incer-tain le futur rythme des réformes des marchés del’électricité en gros et au détail aux États-Unis. Tousces facteurs ont contribué à accentuer le degré derisque déjà élevé associé aux perspectives financièresà long terme de la plupart des sociétés de commercede l’énergie.

Cette conjoncture défavorable a alimenté une haussesubstantielle du coût du capital pour les entreprisesdu secteur, dont un grand nombre ont vu leurs titresdéclassés vers la catégorie des investissements de na-ture spéculative (voir le graphique ci-contre). Laplupart des sociétés ont réduit leur présence dans lesdomaines de la vente en gros d’énergie, vendu des ac-tifs, renégocié (ou sont en train de renégocier) leursaccords de crédit et différé ou annulé de nombreuxprojets d’expansion de leur capacité de productiond’électricité. Toutefois, comme l’incertitude entou-rant la nature de la réglementation future des

marchés de l’électricité ne paraît pas en voie de sedissiper rapidement, les entreprises de commerce del’énergie devront vraisemblablement composer pen-dant encore quelque temps avec un coût du capitalélevé, ce qui les obligera à poursuivre la restructura-tion de leurs activités. Ces entreprises doivent aussifaire face à une concurrence accrue, de la part de nou-veaux acteurs dotés d’une assise financière plus soli-de, dans certains de leurs domaines d’activité commele courtage de gros.

Jusqu’à présent, un certain nombre de sociétés decommerce de l’énergie ont pu refinancer leurs em-prunts qui arrivaient à échéance, même si elles ontsouvent dû, pour ce faire, donner en garantie la plu-part de leurs actifs non grevés. Les gestionnaires defonds spéculatifs ont également accru leur apport decrédit à ces entreprises.

Cotes de crédit des services publics américains :variations trimestrielles

%

Source : Moody’s

0

10

20

30

40

50

60

0

5

10

15

20

25

30

2002 2003

Nombre dehausses de cote

(échellede gauche)

Ratio baisses de cotedes services publics /

ensemble desbaisses de cote

(échelle de droite)

Nombre de baissesde cote

(échelle de gauche)

Encadré 4

L’évolution récente du secteur nord-américain du commerce del’énergie

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Revue du système f inancier

capitaux que nombre d’assureurs d’autres paysgrâce à la diversification de leurs portefeuilles et àla prudence de leurs stratégies de placement. Leurexposition aux risques de crédit reste relativementrestreinte.

La grande nouvelle dans le domaine de l’assuranceau premier trimestre de 2003 a été l’annonce de lafusion de la Great-West Lifeco Inc. et de Canada-Vie. La nouvelle société détiendra près du quart dumarché canadien de l’assurance vie. De plus, ellejouera un rôle de premier plan en ce qui concernecertaines gammes de services, notamment sur lemarché des fonds distincts16. Si l’on tient comptede l’acquisition de Clarica par la Financière SunLife en mai 2001, cette fusion portera à environ60 % la part du marché intérieur détenue par lestrois plus importantes sociétés d’assurance viecanadiennes.

Tranchant avec la solide tenue enregistrée par lesecteur de l’assurance vie, les sociétés d’assurancemultirisque ne sont pas parvenues l’an dernier àaméliorer leurs résultats financiers, qui avaient étédécevants en 2001. Ces derniers se sont ressentisde la hausse des indemnités versées et de ladégradation des revenus de placement. Le reculdes intérêts que rapportent les portefeuilles d’obli-gations (qui constituent quelque 75 % des place-ments de ces sociétés), allié aux fortes baisses desrendements des portefeuilles d’actions, a miné lacapacité normale de l’industrie de compenser sespertes techniques à l’aide de ses revenus de place-ment. Malgré la hausse des recettes attribuable aurelèvement des primes, le taux de rendement descapitaux propres a été inférieur à 3 % en 2002.

Les bénéfices d’exploitation obtenus par le secteurdes valeurs mobilières au premier trimestre ont di-minué par rapport au trimestre précédent, où lesrésultats avaient été influencés favorablement parle produit de la vente d’actions réalisé lorsque leGroupe TSX Inc. avait lancé son premier appel àl’épargne publique en fin d’année (Graphique 52).Les revenus de commissions font l’objet de pres-sions à la baisse depuis 2000, en raison de la ré-duction du volume des opérations de placementet du recul de la valeur des actions échangées. Lesrevenus tirés des services de banque d’investisse-ment ont affiché une assez belle tenue, la réduc-tion des activités de fusion et d’acquisition ayantété en partie neutralisée par la poussée des émis-sions de parts de fiducies de placement.

16. Les fonds distincts, qui se rapprochent des fonds com-muns de placement, se sont considérablement déve-loppés durant la deuxième moitié des années 1990, enpartie sous l’impulsion de la vigueur des marchésboursiers.

Graphique 51Rendement des capitaux propres des compagniesd’assurance

%

* Pour 2002, estimation de la Banque du CanadaSources : Moody’s et Bureau d’assurance du Canada

1996 1998 2000 20020

2

4

6

8

10

12

14

0

2

4

6

8

10

12

14

Assurance vie*

Assurancemultirisque

Graphique 52Bénéfices d’exploitation — Secteur des valeursmobilières

Millions de $ CAN %

Source : Association canadienne des courtiers envaleurs mobilières

-200

0

200

400

600

800

1 000

1 200

10

15

20

25

30

35

40

45

1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

Rendement des capitaux propres(échelle de droite)

Bénéfices(échelle de gauche)

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Évolut ion récente et tendances

28

Les émissions d’actions ordinaires ont fléchi aupremier trimestre de 2003 (Graphique 53) et laprudence manifestée par les investisseurs à l’égarddes marchés boursiers transparaît dans la poursuitedes remboursements nets (revenus réinvestis exclus)des fonds communs de placement (Graphique 54).Les actifs sous gestion ont diminué de 17 % parrapport à la période correspondante de 2002 (engrande partie sous l’effet du repli des cours desactions).

Les systèmes de compensation et derèglement

Les systèmes assurant la compensation et le règle-ment des paiements et des autres obligationsfinancières constituent un élément essentiel dusystème financier canadien (Encadré 5).

Évolution récenteLe système CDSX est entré en activité le 31 mars decette année. Ce système, qui appartient à La Caissecanadienne de dépôt de valeurs limitée et est ex-ploité par elle, assure actuellement le règlementdes opérations portant sur les titres de dette endollars canadiens. Il fait appel à des mécanismessolides de limitation du risque semblable à ceuxdu Service de compensation des titres d’emprunt(SECTEM), le système de règlement des transac-tions sur titres auquel il succède. Le CDSX est as-sujetti à la Loi sur la compensation et le règlement despaiements. Plus tard, il est censé prendre en chargele règlement des opérations sur actions et rempla-cer l’actuel Service de règlement des valeurs, quidisparaîtra alors17.

Le 3 février, l’Association canadienne des paie-ments (ACP) a plafonné à 25 millions de dollarsla valeur des effets papier traités par le Systèmeautomatisé de compensation et de règlement(SACR) et a fixé un délai de grâce de six mois avantle transfert complet vers le Système de transfert depaiements de grande valeur (STPGV) des effetsdont la valeur dépasse le plafond. Selon les esti-mations, l’encours des effets papier de plus de25 millions de dollars que traite chaque jour leSACR représente environ 35 % de l’ensembledes flux quotidiens du système, qui s’élevaient à20 milliards en 2002. La décision de l’ACP encou-ragera la migration de ces effets de grande valeurau STPGV (Graphique 55), lequel assure la finalitédu paiement le jour même et dispose de meilleursmécanismes de limitation des risques, ce qui enfait un système tout indiqué pour le règlement de

17. Pour de plus amples renseignements sur le nouveausystème CDSX, consulter l’article de McVanel dans laprésente livraison (p. 61).

Graphique 53Nouvelles émissions d’actions ordinaires

Milliards de $ CAN

0

1

2

3

4

5

6

7

0

1

2

3

4

5

6

7

2001 2002 2003

Source : Association canadienne des courtiers en valeursmobilières

Graphique 54Ventes nettes de fonds communs de placement

À l’exclusion des revenus réinvestis

Milliards de $ CAN

Source : L’Institut des fonds d’investissement du Canada

-2

0

2

4

6

8

10

-2

0

2

4

6

8

10

1998 2000 2002

Ensembledes fonds

Total des fondsd’actions ordinaires

1999 2001 2003

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Revue du système f inancier

gros montants. Comme l’illustre le Graphique 56,les flux quotidiens moyens du SACR ont diminuédepuis la mise en place du plafond, leur chuteatteignant 4,3 milliards et 2,9 milliards de dollarsen mars et en avril, respectivement, par rapport àl’année précédente.

La valeur des opérations de change réglées parl’entremise de la CLS Bank a progressé de façonsoutenue depuis l’entrée en fonction de celle-ci enseptembre dernier. À l’échelle mondiale, la valeurdes transactions réglées en une journée a dépasséle billion de dollars à plusieurs occasions. Lahausse de la valeur des opérations en dollars cana-diens s’est aussi poursuivie (Graphique 57) :celles-ci se sont élevées, en moyenne, à quelque13,5 milliards de dollars par jour en avril 2003. LeGraphique 57 montre clairement les économiesde liquidités attribuables à l’entrée en service de laCLS Bank. En moyenne, des liquidités de deuxmilliards de dollars canadiens ont suffi pour réglerdes opérations de change de 13,5 milliards18.

Les opérations de la CLS Bank se sont dérouléessans heurt depuis l’entrée en activité de l’institu-tion en septembre 2002, sauf à une occasion. Le25 mars 2003, des problèmes techniques ont eneffet empêché le règlement de nombreuses tran-sactions sur le dollar australien, le yen et d’autresdevises admissibles à la CLS Bank. Le lendemain,ces transactions ont été présentées de nouveau auxfins de règlement par l’entremise de la CLS Bank.Cette importante perturbation aurait pu exercerdes pressions sur les liquidités, mais les opérateursdes marchés ont su réagir de façon rapide etappropriée aux modifications imprévues dessommes dues à la CLS Bank. Cette dernière a étéconçue de telle façon que des ratés de ce genre nepuissent compromettre la valeur des contrats dechange, c’est-à-dire qu’ils n’entraînent aucunrisque de règlement ou de principal.

18. Pour de plus amples renseignements sur la structure et lefonctionnement de la CLS Bank, voir l’article de Miller etNorthcott (2002).

Encadré 5

Les systèmes decompensation et derèglement au Canada

Une série de mécanismes solides permettant lacompensation et le règlement des paiements et desautres obligations financières est une composanteessentielle du système financier. Vu leur rôle centraldans le règlement des transactions financières, lessystèmes de compensation et de règlement peuventprésenter un risque systémique s’ils ne fonction-nent pas comme prévu. La Loi sur la compensation etle règlement des paiements habilite la Banque duCanada à désigner comme étant de son ressort lessystèmes susceptibles de comporter un tel risque.Celle-ci assume la responsabilité de la surveillancegénérale des systèmes nationaux ainsi désignés etpartage avec d’autres banques centrales celle de lasurveillance des systèmes internationaux pour cequi touche aux opérations sur le dollar canadien.

La Banque assure actuellement la surveillance géné-rale de deux systèmes nationaux : le Système detransfert de paiements de grande valeur (STPGV),qui sert à l’échange des gros paiements devant êtreréglés à un moment précis et est exploité par l’Asso-ciation canadienne des paiements, et le systèmeCDSX, utilisé pour la compensation et le règlementdes transactions sur titres et administré par La Caissecanadienne de dépôt de valeurs limitée. En outre,de concert avec d’autres banques centrales, laBanque du Canada supervise les activités de laContinuous Linked Settlement Bank (CLS Bank).Toutefois, c’est la Réserve fédérale des États-Unisqui assume la responsabilité première de la sur-veillance de cette institution. La CLS Bank, qui ason siège social à New York, offre un service inter-national de règlement des opérations de change fai-sant actuellement intervenir sept monnaies, dont ledollar canadien.

D’autres systèmes jouent un rôle important au seindu système financier, même si l’on ne juge pasqu’ils puissent comporter un risque systémique.Mentionnons, à titre d’exemples, le Système auto-matisé de compensation et de règlement (SACR),employé principalement pour le règlement despaiements de détail de moindre valeur, et laCorporation canadienne de compensation de pro-duits dérivés, qui se charge de la compensation etdu règlement des opérations sur contrats de tauxd’intérêt et d’actions négociés en bourse au Canada.

La Banque du Canada soutient le fonctionnementdu STPGV, du CDSX, de la CLS Bank et du SACR enleur fournissant des actifs de règlement, des liquidi-tés et des services en matière de garanties; de plus,elle est l’agent de règlement de ces systèmes. LaBanque a aussi prévu des mesures de contingenceen cas de défaillance de leur part.

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30

Graphique 55Valeur des paiements traités par le STPGV

Moyenne mensuelle des montants quotidiens

Milliards de $ CAN

90

100

110

120

130

140

90

100

110

120

130

140

2000 2001 2002 2003

Graphique 56Valeur des paiements traités par le SACR

Moyenne mensuelle des montants quotidiens

Milliards de $ CAN

14

16

18

20

22

24

14

16

18

20

22

24

2000 2001 2002 2003

Graphique 57Valeur de règlement moyenne des opérations de changequotidiennes visant le dollar canadien et transitant parla CLS Bank

Milliards de $ CAN %

2002 2003

Sept. Oct. Nov. Déc. Janv. Févr. Mars0

2

4

6

8

10

12

14

16

10

15

20

25

30

35

40

45

50

Avril

Valeur quotidiennemoyenne desopérations (1)

(échelle de gauche)

Valeur quot. moyenne despaiements en $ CAN

destinés à la CLS Bank(échelle de gauche)

Facteur deliquidité (2/1)

(échelle de droite)

BibliographieEngert, W., et C. Freedman (2003). « L’évolution

financière au Canada : tendances passées etdéfis futurs », Revue de la Banque du Canada(été) (à venir).

Joskow, P. (2002a). « Energy Policy During the1990s ». In : American Economic Policy in the1990s, sous la direction de J. Frankel etP. Orszag, Cambridge (Massachusetts),MIT Press, p. 509-562.

________ (2002b). « Lessons Learned fromElectricity Liberalization in the UK and US »,communication présentée à l’École supé-rieure d’administration italienne, Rome,24 juin. Document accessible à l’adresse<http://econ-www.mit.edu/faculty/download_pdf.php?id=543>.

Miller, P., et C. A. Northcott (2002). « La CLSBank : gérer le risque de non-règlement desopérations de change », Revue du systèmefinancier (décembre), p. 41-44.

Shen, P. (2003). « Why Has the NonfinancialCommercial Paper Market ShrunkRecently? », Economic Review, Reserve Bankof Kansas City, vol. 88, p. 55-76.

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Rapports

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Revue du système f inancier

33

Introduction

a section Rapports permet d’approfondir desquestions intéressant les diverses composantesdu système financier (institutions, marchés etsystèmes de compensation et de règlement).

Les marchés financiers ont énormément évolué aucours des dix dernières années, sur le plan tant duvolume des opérations que de l’éventail des ins-truments disponibles. Résultat, les entreprises etles ménages canadiens disposent aujourd’huid’une latitude beaucoup plus grande dans la struc-ture de leurs finances et ont notamment la possi-bilité de trouver un juste équilibre entre risque etrendement. Cependant, les nouveaux instrumentsfinanciers soulèvent aussi des préoccupations.Leur apparition étant toute récente, on ne sait tropencore, par exemple, quelle sera leur interactionavec le reste du système financier, en particulierlors des périodes de tensions financières.

Les rapports publiés dans la présente livraisonportent chacun sur un segment des marchés finan-ciers qui évolue rapidement et qui revêt une im-portance particulière pour les sociétés. Le premier,intitulé L’évolution récente des marchés du transfertdu risque de crédit, traite du recours accru aux ins-truments conçus pour faciliter le transfert du risquede crédit. Même si la valeur globale des opérationsmenées sur ce marché mondial demeure relative-ment limitée, celui-ci suscite beaucoup d’intérêt,en raison notamment du manque apparentd’information publique à propos de l’entité quisupporte le risque final associé aux différentsincidents de crédit.

Le second rapport, intitulé Le marché canadien dupapier commercial adossé à des actifs : évolution et en-jeux, examine le rôle grandissant de la titrisation.Ce marché, dont la valeur dépasse les 60 milliardsde dollars, a essentiellement pour fonction detransformer de grandes quantités de petits actifsfinanciers homogènes en de nouveaux titres. Sielle s’avère une source de financement intéres-sante pour les entreprises, cette pratique ajoutetoutefois à la complexité des relations financières.

L

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L’évolution récente des marchés du transfertdu risque de créditJohn Kiff *

es instruments permettant de transférer lerisque de crédit d’une contrepartie à uneautre existent depuis longtemps1. Parexemple, on recourt depuis des siècles à

des lettres de crédit et à des garanties financières.Depuis quelques années, toutefois, l’éventail deces instruments et de leurs usages possibles s’estconsidérablement élargi. L’ère moderne du trans-fert du risque de crédit a débuté aux États-Unisdans les années 1970 avec l’apparition de la titri-sation, c’est-à-dire le reconditionnement de prêtshypothécaires à l’habitation en titres négociables.La création d’un marché secondaire des prêts ban-caires a suivi, dans les années 1980. Les marchésinternationaux des produits dérivés de crédit, ins-truments qui permettent de transférer le risquesans pour autant céder la propriété de l’actif sous-jacent, ont été créés dans les années 1990 et ontconnu une expansion rapide. Ainsi, le risque decrédit est considéré aujourd’hui comme un actifnégociable, même lorsque le prêteur n’est pasautorisé à vendre les actifs sous-jacents et à lesretirer ainsi de son bilan.

Les instruments de transfert du risque de crédit faci-litent la répartition optimale de ce risque au seinde l’économie et permettent une spécialisation, endissociant l’octroi du crédit de l’exposition aurisque. De plus, les institutions financières peuventse servir de ces instruments pour optimiser l’utili-sation de leur capital économique et réglementaire.

Le présent article décrit brièvement les différentstypes de produits de transfert du risque de crédit etles marchés sur lesquels ils sont négociés, puis ilprésente un aperçu de l’activité de ces marchés au

1. Le risque de crédit désigne la possibilité qu’une contre-partie à un contrat financier manque à ses obligations, àcause d’une faillite ou pour d’autres raisons, et la possi-bilité que la réduction de la cote de crédit d’une contre-partie n’occasionne des pertes financières à l’autre.

* Le présent article se fonde sur les travaux réalisés parl’auteur au sein d’un groupe de travail mis sur piedpar la Banque des Règlements Internationaux (BRI,2003a), ainsi que sur ceux qu’il mène actuellementavec François-Louis Michaud (Banque de France) etJanet Mitchell (Banque Nationale de Belgique).

L Canada. Nous examinons également les risquesinhérents à ces instruments.

Les instruments et les marchésL’univers du transfert du risque de crédit a évoluéde telle sorte qu’il existe aujourd’hui de nombreuxmécanismes pour gérer le risque de crédit, le coûtdu financement, la répartition du capital et ladéclaration des éléments du bilan. Le choix del’instrument employé dépend largement du butvisé par le transfert et de la nature des risques decrédit transférés. Le Tableau 1 présente un aperçudes instruments de transfert du risque de créditdisponibles.

Des entrevues réalisées avec des participants aumarché indiquent que ceux qui désirent transférerun risque préfèrent généralement vendre carrémentl’actif en question. En retirant ce dernier de leurbilan, ils améliorent leurs ratios financiers et libè-rent des fonds pouvant être utilisés à d’autres fins,dont le remboursement des dettes. Mais la venten’est pas toujours possible ou financièrementavantageuse. Par exemple, une créance peut ne pasêtre transférable, pour des raisons de contraintesjuridiques ou de relations avec le client; la ventepeut être trop onéreuse (du fait des coûts de liqui-dité ou de transaction); ou l’emprunteur peutavoir le pouvoir de bloquer la vente. Tous ces fac-teurs ont favorisé l’essor des marchés des produitsdérivés de crédit, qui permettent de transférer lesrisques de façon synthétique. De plus, commec’est souvent le cas pour les créances sur cartes decrédit et les lignes de crédit personnelles, les pro-cédures administratives et juridiques requisespour céder une créance en tant qu’actif distinctpeuvent être trop lourdes par rapport aux avantages.C’est pourquoi des marchés de titrisation tels ceuxdes titres adossés à des actifs et des titres garantispar des créances (TGC) sont apparus2.

2. N.d.T. : « Titre garanti par des créances » traduit le termeanglais « collateralized debt obligation » (CDO).

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Les produits dérivés de crédit

Les produits dérivés de crédit sont des contrats quipermettent de transférer le risque de crédit et lerendement d’un actif sous-jacent sans pour autanten céder la propriété.

Swaps sur défaillanceLes swaps sur défaillance représentent environ lestrois quarts de l’encours notionnel des dérivés decrédit à l’échelle mondiale3. Ils procurent essen-tiellement une assurance contre divers incidentsde crédit4. Concrètement, l’acheteur de protectionverse périodiquement des primes au vendeur deprotection, en contrepartie d’un montant à rece-voir si un incident de crédit se produit.

Les incidents de crédit sont notamment les cas defaillite, de défaut de paiement et de restructura-tion de la dette d’un émetteur de référence en dif-ficulté5 ou, dans le cas d’États souverains, larépudiation de la dette ou l’imposition d’un mora-toire sur le remboursement de celle-ci. Les indem-nités peuvent prendre la forme d’un paiementforfaitaire en espèces qui équivaut généralement àla différence entre la valeur nominale de l’actif deréférence et sa valeur marchande au moment oùsurvient l’incident de crédit. Cependant, les swapssur défaillance font normalement l’objet d’un rè-glement physique, l’acheteur de protection livrantl’actif de référence au vendeur de protection à savaleur nominale.

Alors que la plupart des contrats de swap sur dé-faillance se fondent sur une seule entité ou un seulactif de référence, les swaps sur panier reposent surdes portefeuilles d’actifs de référence.

Autres types de produits dérivés de créditLe quart restant du marché des dérivés de créditest composé des swaps sur le rendement total, des

3. Certaines définitions des dérivés de crédit englobent lesopérations de titrisation synthétique et les swaps d’actifs.Dans le présent article, la titrisation synthétique estconsidérée comme un sous-produit de la titrisation àproprement parler, et les swaps d’actifs sont exclus de ladéfinition de « produits dérivés » en raison de l’élémentde transfert de propriété qu’ils comportent.

4. Bien que les acceptations et garanties de crédit s’appa-rentent aux swaps sur défaillance, elles ne constituentpas des instruments de transfert du risque de crédit ausens de la définition qu’en donne le présent article, enraison de subtilités contractuelles qui limitent leur uti-lité à cet égard.

5. Dans un contrat de swap sur défaillance, l’expression« restructuration de la dette d’un émetteur de référenceen difficulté » désigne une modification des conditionsrelatives à l’actif de référence qui porte préjudice audétenteur de cet actif. Il peut s’agir par exemple de laréduction des versements de principal ou d’intérêts oudu report des paiements.

Tableau 1

Options disponibles pour le transfert du risque de crédit

a. AbréviationsTAA : titre adossé à des actifsPCAA : papier commercial adossé à des actifsTGC : titre garanti par des créancesTLVC : titre lié à la valeur du créditSD : swap sur défaillanceOEC : option sur écart de crédit

Instruments types detransfert du risque de

crédita

Actifs sous-jacents

TAA et PCAA Prêts aux ménages Prêts hypothécaires àl’habitation

Créances sur cartesde crédit

Prêts et crédit-bailautomobiles

Créancestransférables (prêtset obligations)

Prêts hypothécairescommerciaux

Créances clients

Crédit-bail matériel

TGCclassiques(ventes pure etsimple)

Créances de sociétés

Créances de pays àmarché émergent

TGC synthétiques,TLVC, SD et OEC

Créances trans-férables et nontransférables

Prêts à des sociétés

Prêts à des pays àmarché émergent

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options sur écart de crédit et des titres liés à la va-leur du crédit. Les swaps sur le rendement totalsont des contrats qui permettent de transférerréellement à une contrepartie le rendement totald’un actif sous-jacent. Ce genre de swap n’estguère plus qu’une opération financière ou unbail synthétique, de sorte que son statut en tantqu’instrument de transfert du risque de crédit estquelque peu discutable. Par contre, l’option surécart de crédit fait bel et bien partie de cette caté-gorie d’instruments, car elle offre une protectioncontre une dévalorisation de l’actif sous-jacentqui n’est pas liée à l’évolution de la courbe destaux d’intérêt. Cette option est en fait un swapsur défaillance dans lequel l’incident de crédit estl’élargissement de l’écart de rendement6.

Le titre lié à la valeur du crédit résulte d’un mon-tage qui combine un swap sur défaillance et lescaractéristiques d’un titre à revenu fixe classique.L’émetteur s’engage à payer périodiquement desintérêts et à rembourser, à l’échéance, le capitalmoins un paiement si l’incident de crédit définidans le swap sur défaillance est survenu. Le titrelié à la valeur du crédit est une option intéressantepour les investisseurs et les vendeurs de protectionqui ne sont pas autorisés à négocier directementdes contrats de produits dérivés7.

La titrisation

Les titres adossés à des actifs sont des valeurs né-gociables émises par une structure d’accueil ausein de laquelle sont regroupés de nombreuxactifs. Divers types de montage et diverses tech-niques de rehaussement de crédit sont utilisés pourtransformer un ensemble d’obligations qui nesont pas nécessairement de premier ordre (il peutmême s’agir d’obligations de pacotille) en titresprioritaires de grande qualité (assortis de la coteAAA, par exemple).

Les titres garantis par des créances (TGC) classi-ques sont très semblables aux titres adossés à desactifs, les principales différences ayant trait à la na-ture des actifs titrisés et au nombre de tranches su-bordonnées. Les titres adossés à des actifs sontgénéralement fondés sur des blocs de prêts à la

6. Le prix des obligations est exprimé sous forme d’écart derendement par rapport à des instruments de référenceayant la même échéance, comme les obligations d’État etles swaps de taux d’intérêt. Cet écart compense, pourl’investisseur, le risque de crédit et de liquidité que pré-sente le titre par rapport à l’instrument de référence.(Voir Miville et Bernier, 1999.)

7. Voir Kiff et Morrow (2000) pour de plus amples rensei-gnements sur les swaps sur le rendement total, lesoptions sur écart de crédit et les titres liés à la valeur ducrédit.

consommation assez homogènes (p. ex., créancessur cartes de crédit, prêts automobiles et prêts hy-pothécaires), tandis que les TGC sont habituelle-ment adossés à des créances plus diversifiées desociétés et de pays à marché émergent.

Dans le cas des titres adossés à des actifs, les struc-tures d’accueil n’émettent normalement pas plusde deux tranches de titres. Par exemple, ellesvendent souvent des titres prioritaires assortis dela cote AAA aux investisseurs, et des titres de ranginférieur moins bien notés (BBB par exemple) àl’initiateur. Dans le cas des montages de TGC, parcontre, la structure d’accueil émet plusieurs tran-ches; elle vend aux investisseurs des titres priori-taires cotés AAA, des titres mezzanines notés A etdes titres appartenant à une ou deux tranches su-bordonnées dont la cote varie de BBB à BB, ainsique des titres de la tranche la plus basse (qui nesont ni cotés, ni garantis) aux investisseurs et àl’initiateur. Les tranches ayant les cotes les moinsélevées servent à rehausser le crédit des titres prio-ritaires, du fait qu’elles ne reçoivent que les fluxrestant une fois les paiements effectués sur lestranches prioritaires.

D’autres techniques de réduction du risque de cré-dit peuvent s’ajouter à celle de la subordinationdes tranches ou s’y substituer. Il est possible no-tamment de transférer à la structure d’accueil desactifs dont la valeur globale excède celle des titresémis (c’est ce qu’on appelle le surnantissement).On recourt aussi fréquemment au rehaussementde crédit par des tiers, notamment aux lettres decrédit et aux cautionnements délivrés par des ins-titutions financières jouissant d’une cote de créditélevée.

Dans les opérations de titrisation classiques, lesactifs sont transférés intégralement (risque et pro-priété) à la structure d’accueil, alors que dans lesopérations synthétiques, le transfert du risque s’ef-fectue au moyen d’un ou de plusieurs swaps surdéfaillance. Dans ce dernier cas, le produit del’émission de titres sert à acheter des valeurs dequalité élevée (habituellement des titres d’Étatcotés AAA). Les paiements de principal et d’inté-rêts afférents à celles-ci, de même que les primesde swap sur défaillance versées par l’initiateur,fournissent les fonds nécessaires pour effectuerles paiements de principal et d’intérêts relatifs auxtitres émis et, en cas de défaut de paiement, pourverser à l’initiateur le montant prévu dans l’accordde swap.

Le montage synthétique a l’avantage de pouvoirs’appliquer dans les situations où les actifssous-jacents ne sont pas transférables, et il est

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particulièrement utile pour couvrir des lignes decrédit et autres engagements de prêt inutilisés.

L’activité sur le marchécanadien du transfert durisque de créditLa participation des sociétés canadiennes aux mar-chés du transfert du risque de crédit s’est dévelop-pée autour de deux principaux axes : l’essor dumarché intérieur et la présence sur les marchésétrangers. Au pays, il existe aujourd’hui un marchédynamique des titres adossés à des actifs, mais peude prêts et de dérivés de crédit sont échangés sur lemarché secondaire. Si les entités étrangères sontpratiquement absentes des marchés canadiens dutransfert du risque de crédit8, certaines banquescanadiennes prennent part activement à toute lagamme des opérations liées à ces marchés àl’étranger. Alors que les compagnies d’assuranceétrangères sont en voie de devenir des acteurs im-portants sur les marchés du transfert du risque decrédit aux États-Unis et en Europe, la participationdes assureurs canadiens reste marginale, tant aupays que dans le reste du monde.

Au Canada, le gros de l’activité intérieure est con-centré dans le secteur des titres adossés à des actifs,en particulier le papier commercial adossé à des ac-tifs9. Pour les autres types d’instruments de trans-fert du risque de crédit, le marché national est assezrestreint. La plupart des banques canadiennesservent uniquement d’intermédiaires dans les opé-rations sur titres qu’elles exécutent depuis leursbureaux de Toronto ou de Montréal. Par contre,certaines jouent un rôle actif sur les marchés améri-cains et britanniques de la titrisation et des dérivésde crédit. Plusieurs banques, en particulier, sonttrès présentes sur les marchés européens des TGCsynthétiques, mais il est extrêmement difficile d’ob-tenir des renseignements détaillés à ce sujet.

Les problèmes potentielsposés par les activités detransfert du risque de créditpour le système financierLe transfert du risque de crédit offre certes denombreux avantages. Néanmoins, des problèmes

8. Certains analystes sont d’avis que la retenue d’impôt de10 % applicable aux intérêts versés par des Canadiens àdes résidents des États-Unis peut expliquer en partie lafaible présence de participants étrangers sur les marchéscanadiens de la titrisation.

9. Voir l’article de Toovey et Kiff dans la présente livraison(p. 45) pour de plus amples renseignements sur le marchécanadien du papier commercial adossé à des actifs.

potentiels ont été mis en lumière par un rapportrécent de la Banque des Règlements Interna-tionaux (BRI, 2003a) ainsi que par certainsobservateurs.

Lacunes en matière de transparenceet de divulgation

Selon le rapport de la BRI, la divulgation insuffi-sante de renseignements aux échelons des entitéset des opérations constitue une préoccupationpouvant nécessiter une intervention de la part desautorités compétentes. En effet, il est parfois diffi-cile, sinon impossible, de trouver des informa-tions sur les activités de transfert du risque decrédit dans les états financiers des banques, mêmechez celles qui sont connues pour être très activessur ces marchés.

Il convient de souligner, toutefois, que certainesbanques canadiennes ont nettement amélioréleurs pratiques de divulgation en matière de trans-fert du risque de crédit depuis la publication durapport de la BRI. Dans leur rapport annuel de2002, par exemple, deux d’entre elles ont fournides renseignements assez détaillés sur les accordsde swaps sur défaillance qu’elles ont conclus; l’unea même dévoilé l’étendue des risques auxquelselle s’expose au chapitre du rehaussement ducrédit et de la liquidité des titres adossés à desactifs10. Cela dit, des efforts supplémentairesen ce sens seraient souhaitables.

À l’échelon des transactions, il serait utile de dis-poser de données transparentes non seulementsur la composition des blocs d’actifs titrisés, maisaussi sur l’identité des sociétés de rehaussement decrédit. Si les agences de notation ont facilementaccès à ces informations, aux fins de l’attributiondes cotes de crédit, les investisseurs privés, pourleur part, ont souvent du mal à se livrer à leurspropres analyses. En particulier pour les titresadossés à des actifs, les investisseurs devraient àtout le moins savoir quelle société assure le re-haussement du crédit11.

La règle d’interprétation no 46 publiée en janvier2003 par le Financial Accounting Standards Board(FASB) des États-Unis devrait toutefois faciliter ladivulgation et la reddition de comptes à l’égard detelles activités. En avril 2003, le Conseil des nor-mes comptables canadien de l’Institut Canadiendes Comptables Agréés (ICCA) a annoncé son in-

10. Voir l’article de Toovey et Kiff (p. 45) pour de plus amplesrenseignements sur la question du rehaussement du créditet de la liquidité des titres adossés à des actifs.

11. L’article de Toovey et Kiff (p. 45) présente davantaged’information à ce sujet.

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tention d’adopter une règle semblable. Outrequ’elle élèvera les normes en matière de transfertde risque applicables au retrait d’actifs titrisés dubilan de l’initiateur, cette mesure pourrait obligerles banques commerciales à inscrire à leurs bilanscertains des actifs faisant partie des programmesd’émission de papier commercial adossé à des ac-tifs qu’elles parrainent12.

Des informations sur l’ensemble des activités detransfert du risque de crédit font également défaut.Entre autres, le rapport de la BRI souligne l’ex-trême divergence des estimations de la tailledes marchés, et la question de savoir où lesrisques de crédit sont transférés est source depréoccupation13.

La société Fitch Ratings (2003) se demande parailleurs si les systèmes d’information de gestiondes participants se sont développés au mêmerythme que leurs activités dans ces marchés.

Complexité des instruments etdépendance envers les agences denotation du crédit

Le rapport de la BRI souligne le rôle crucial quejouent les agences de notation du crédit dans lesdivers marchés du transfert du risque de crédit, no-tamment dans ceux de la titrisation. Pour évaluercorrectement de tels montages, ces agences ont dûélargir considérablement leur champ d’examentraditionnel et se prononcer, par exemple, sur lesrehaussements structurels des TGC et des titresadossés à des actifs ainsi que sur les systèmes, lesmécanismes de contrôle et les compétences degestion.

Les lacunes de divulgation rendent la situation en-core plus problématique, les investisseurs privésse trouvant dans la quasi-impossibilité d’analysereux-mêmes les risques liés aux TGC et aux titresadossés à des actifs.

12. Voir Mountain (2003) ainsi que Parfeniuk et Azarchs(2003) pour une analyse préliminaire des répercussionsqu’aura à terme la règle d’interprétation du FASB (2003).

13. Fitch (2003) présente les résultats préliminaires d’uneenquête sur la vente de protection. La Financial ServicesAuthority du Royaume-Uni a aussi exprimé desinquiétudes au sujet des transferts effectués vers descompagnies d’assurance et des sociétés non réglementées(FSA, 2002). Cependant, bien que la British BankersAssociation ait estimé que les assureurs sont à l’originede 33 % de toutes les ventes de protection sur les marchésdes dérivés de crédit (BBA, 2002) – comparativement à6 % des achats de protection –, il faut savoir que plus de60 % de ceux-ci sont des assureurs monogammes qui sespécialisent dans les garanties financières.

Les pratiques de l’abaissement systématique denote et du panachage sélectif sont deux autrespréoccupations soulevées par les participants aumarché en ce qui concerne la notation des TGC etdes titres adossés à des actifs.

• L’abaissement systématique de note consiste,pour l’agence de notation qui évalue les actifsauxquels sont adossés des titres ou sur lesquelssont référencés des TGC, à réduire systémati-quement les notes attribuées aux actifs sous-jacents par d’autres agences. Certains estimentque cette pratique est anticoncurrentielle etqu’elle n’a d’autre but que de contraindre lesgestionnaires de TGC à obtenir, moyennantdes frais, de nouvelles cotes sur les actifssous-jacents auprès de l’agence qui évalue lesTGC ou les titres adossés à des actifs.

• Le panachage sélectif consiste à faire coter lesdiverses tranches de TGC par des agences diffé-rentes. Si, par exemple, telle agence a la réputa-tion d’évaluer plus sévèrement les tranchesprioritaires, et telle autre, les tranches mezza-nines, l’initiateur fait noter la tranche mezza-nine par la première agence et la trancheprioritaire par la deuxième agence, pour ainsiobtenir les cotes les plus élevées pour l’ensembledu montage14.

Concentration de l’intermédiation

Le rapport de la BRI fait remarquer que l’extrêmeconcentration de l’intermédiation observée dansla plupart des marchés du transfert du risque decrédit nuit à la négociabilité des instruments. Laconcentration est particulièrement forte pour cequi est des swaps sur défaillance. Aux États-Unis,par exemple, le Office of the Comptroller of theCurrency indiquait dans un rapport récent que92 % de l’encours des dérivés de crédit dans lesbanques du pays était groupé dans trois établis-sements (OCC, 2002).

À cet égard, la diminution du nombre des institu-tions financières cotées au moins AA (faible)pourrait aggraver la situation. Cette cote minimalerevêt une importance particulière quant au risquede contrepartie présent dans les opérations detransfert du risque de crédit et aux rehaussementsde crédit par un tiers. Ainsi, pour que certainstitres adossés à des actifs maintiennent leurs notesde niveau supérieur, il faut confier tout rehausse-ment de crédit à des tiers ayant reçu la cote mini-male R-1 (moyenne) ou AA (faible) de la sociétéDominion Bond Rating Service (DBRS). Or,

14. Voir Perraudin et Peretyatkin (2002) pour une analysedu panachage sélectif.

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même si la plupart des grandes banques canadiennesaffichent la note R-1 (élevée) ou AA (faible), plu-sieurs d’entre elles ont été désignées comme plussusceptibles de voir leur cote abaissée que relevéeà court terme15.

Par ailleurs, la plupart des TGC synthétiques doi-vent recevoir une garantie, généralement d’unnombre restreint de sociétés d’assurance mono-gammes notées AAA, pour que la tranche de rangle plus élevé obtienne cette même cote.

Incidence des activités de transfertdu risque de crédit sur les marchésau comptant

Certains observateurs ont étudié l’incidence possi-ble de la négociation des instruments de transfertdu risque de crédit sur le cours et le rendement destitres sous-jacents de l’entité de référence. Parexemple, on avance que la couverture anticipée depositions imminentes de crédit consortial sur lesmarchés des swaps sur défaillance (opérations enavance sur le marché) a pour effet d’élargir lesécarts pour les titres des entités sous-jacentes16.De plus, les TGC d’arbitrage, dont le but est detirer profit des écarts de rendement « moyens »entre les tranches des TGC et les actifs titrisés17,obligent les gestionnaires à acquérir les actifs sous-jacents sur le marché avant de lancer les TGC. Cesacquisitions seraient à l’origine des augmenta-tions de prix idiosyncrasiques des actifs sous-jacents.

Certains participants au marché soutiennent éga-lement que les fonds spéculatifs se servent desswaps sur défaillance d’une manière offensive,achetant des contrats de protection en vue de creu-ser les écarts sur le marché de ces titres et donnerainsi l’impression que l’entité de référence éprouve

15. La DBRS a attribué une tendance négative à trois descinq grandes banques canadiennes notées AA (faible).La tendance indique l’orientation future de la cote decrédit établie par la DBRS.

16. Voir Armstrong (2003) pour une étude détaillée du cré-dit consortial. On peut sans doute considérer que ce typede crédit est une forme de transfert du risque de crédit.Le risque est cependant transféré avant l’initiation, alorsque le présent article est centré sur les transferts posté-rieurs à celle-ci.

17. Quant aux TGC de gestion de bilan, ils permettent àl’institution qui est à l’origine des actifs et qui amorcel’opération d’améliorer ses ratios financiers ou deréduire ses besoins réglementaires en fonds propres. Engénéral, les TGC d’arbitrage sont initiés par des banquesd’investissement, des courtiers et des gestionnaires defonds qui cherchent à tirer profit des écarts de rende-ment et de la négociation active des actifs titrisés.

des difficultés18. Les observations empiriquesconfortent la thèse selon laquelle l’élargissementdes écarts dans le marché des swaps sur défaillanceprécède un pareil élargissement dans les marchésau comptant19, mais aucune étude n’a encore per-mis d’établir un lien de causalité. En fait, l’explica-tion la plus probable de cet effet d’entraînementest qu’il est plus facile et financièrement avanta-geux de vendre des risques de crédit dans les mar-chés des swaps sur défaillance que dans le marchéau comptant20.

Intérêt moindre des prêteurs àapporter leur concours en cas derestructuration

Les prêteurs non couverts sont habituellement dis-posés à apporter leur concours lors de la restructu-ration de la dette d’un émetteur de référence endifficulté puisqu’ils tiennent à réduire le plus pos-sible leurs pertes potentielles. Il n’en va pas néces-sairement de même pour les prêteurs dont lecontrat de protection couvre les cas de restructura-tion. Ceux dont la protection exclut de tels caspeuvent même être tentés d’acculer le débiteur à lafaillite.

Risque de base et risque de prix

Du point de vue de la stabilité financière, le rap-port de la BRI soulève des interrogations au sujetdu risque de base, à savoir l’adossement imparfaitdes swaps sur défaillance et des instruments qu’ilssont censés couvrir. Cette imperfection tient habi-

18. Sender (2002) cite plusieurs exemples où des fonds spé-culatifs semblent avoir activement acheté des contrats deprotection pour se prémunir contre une éventuelledéfaillance des entités qui étaient sur le point de passer àla catégorie des emprunteurs à haut risque, c’est-à-direde recevoir de la société DBRS une cote inférieure à BBB(faible). La situation vient de ce que de nombreux inves-tisseurs institutionnels ne sont pas autorisés à détenirdes obligations à haut risque, ou ne peuvent le fairequ’à l’intérieur de certaines limites. Ces acquisitionsimportantes de swaps sur défaillance peuvent s’avérertrès lucratives si elles agissent effectivement sur desfacteurs fondamentaux qui entraînent le déclassementdes obligations.

19. On trouvera dans l’Encadré 2 de l’article de Kiff etMorrow (2000) une analyse des liens entre les primesdes swaps sur défaillance et les rendements à l’échéancedes actifs de référence. Voir également Hull, Predescu etWhite (2003) pour des observations empiriquessur l’effet d’entraînement des écarts des swaps surdéfaillance lorsqu’il y a détérioration du crédit. Cesauteurs montrent aussi que, lorsque les écarts des swapssur défaillance s’amenuisent, ils ont tendance à suivre deprès les écarts sur les marchés au comptant.

20. Le sondage de la BBA (2002) montre que les fondsspéculatifs achètent des contrats de protection beaucoupplus activement qu’ils n’en vendent.

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tuellement à la définition des incidents de crédit,particulièrement ceux qui se rapportent aux méca-nismes de restructuration et de règlement21.

Le rapport de la BRI souligne également, non sansinquiétude, l’état embryonnaire de la littératurerelative à l’évaluation des swaps sur panier d’actifset des montages de titrisation. Non seulement lestravaux théoriques sur le sujet en sont encore à unstade très préliminaire, mais l’évaluation descorrélations des taux de défaillance, d’uneimportance critique pour n’importe quelmodèle d’évaluation, semble encore trèsapproximative22.

Les risques inhérents auxinstruments de transfert durisque de créditLes risques juridiques et les problèmes de diver-gence des intérêts des parties sont deux autressources de préoccupation en matière de transfertdu risque de crédit.

Risques juridiques

Le principe de cession réelle des créances constituel’un des fondements juridiques des montages deTGC classiques et de titres adossés à des actifs. End’autres termes, la propriété des prêts et les droitsreconnus par la loi sur ceux-ci devraient être inté-gralement transférés à la structure d’accueil afin deprotéger cette dernière en cas de faillite de l’initia-teur. Cette protection a été contestée sans succèsdevant les tribunaux, tant au Canada qu’aux États-Unis. De tels litiges ont le mérite de rappeler quenulle structure n’est entièrement à l’abri des cas defaillite et que les actifs titrisés peuvent se trouvermêlés, ne serait-ce que temporairement, à la pro-cédure de faillite de l’initiateur. Notons toutefoisque la synthétisation permet d’éviter ce type deproblème puisqu’il n’y a alors aucun transfert depropriété.

Dans le marché des swaps sur défaillance, l’inclu-sion de la restructuration de la dette de l’entité deréférence parmi les événements déclencheurs deprotection suscite une certaine controverse, si bienque cet incident de crédit est parfois exclu des con-trats. Le but d’une telle inclusion était d’étendre laprotection à tous les incidents de crédit suscepti-bles de dévaloriser l’actif de référence. Or, les res-

21. Voir Kessler et Levenstein (2001) ainsi que O’Kane etMcAdie (2001) pour une discussion du risque de base.

22. La difficulté d’évaluer les corrélations des taux dedéfaillance et les statistiques sur les défaillances en géné-ral tient entre autres à la rareté des défaillances, notam-ment chez les émetteurs de titres de bonne qualité.

tructurations ne portent pas toujours préjudice àl’acheteur de protection; on peut donc se deman-der pourquoi elles devraient générer systémati-quement des versements même en l’absence dedéfaut de paiement. Bien que l’on se soit efforcéde limiter les situations de restructuration à cellesoù l’émetteur de référence est en difficulté, uneautre question a surgi à propos des options de li-vraison dont disposent les acheteurs de protectiondans le cas des swaps sur défaillance à règlementphysique23. Lors de plusieurs restructurations ré-centes, il a été allégué que les acheteurs de protec-tion avaient abusé de leurs options de livraison enremettant des obligations de prix inférieur, à fai-ble taux d’intérêt contractuel et à échéance pluslongue contre les prêts de valeur supérieure queles contrats étaient censés protéger24. Le traite-ment de la restructuration est reconnu comme unenjeu important dans le rapport de la BRI, et peut-être ne pourra-t-on résoudre complètement laquestion, à moins que le Nouvel accord de Bâlesur les fonds propres ne supprime l’obligationd’inclure la restructuration comme incident decrédit pour les swaps sur défaillance25.

Dans le plus récent document de consultation re-latif au Nouvel accord (BRI, 2003b), il est effecti-vement proposé de faire de la restructuration unincident de crédit facultatif dans les cas où labanque est entièrement maître de la décision derestructurer. Comme une telle situation se présenterarement, la BRI indique qu’elle continuerad’explorer d’autres options de traitement desrestructurations.

Problèmes de divergence desintérêts des parties

Tant la BRI (2003a) que Kiff, Michaud et Mitchell(2003) discutent abondamment de la façon dontles instruments de transfert du risque de créditmodifient les rapports entre emprunteurs et prê-

23. Il faut prévoir plus d’un type d’actifs livrables pour assu-rer l’exécution des contrats à règlement physique.

24. En 1999, la International Swaps and Derivatives Associa-tion (ISDA) a apporté à la documentation type certainesmodifications qui visent à restreindre les échéancesdes actifs pouvant être livrés en cas de restructuration.Cependant, ces modifications ne semblent pas avoiréliminé complètement les risques d’abus.

25. Le 3 mars 2003, le service de dépêches de Creditflux aannoncé que la CIBC poursuivait la société d’assurancemonogamme Ace Capital Re Overseas Ltd. en raison durefus de cette dernière d’honorer ses engagements dansle cadre d’un swap sur défaillance référencé sur Xerox. En2002, les banquiers de Xerox ont allongé l’échéance decertains prêts accordés à la société, déclenchant ainsi unecontroverse quant à savoir s’il s’agissait d’une restructu-ration motivée par des difficultés.

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Rapports

teurs en faisant intervenir de nouveaux preneursde risques. Fort heureusement, de nombreuses ca-ractéristiques inhérentes à ces produits limitent lesproblèmes de divergence d’intérêts que pourraitentraîner la multiplication du nombre des parties.

À titre d’illustration, les prêteurs peuvent être por-tés à protéger uniquement les actifs à risque élevéet à relâcher leurs critères de sélection ainsi queleur surveillance des emprunteurs à risque dèsque ces actifs font l’objet d’une protection. Diversmécanismes permettent de contrer le problème :concours de crédit des prêteurs (p. ex., fourniturede lettres de crédit référencées sur des titresadossés à des actifs) et rehaussements structu-rels (p. ex., surnantissement et conservation detranches de qualité inférieure), sans compter lavolonté de l’émetteur de maintenir la réputationde qualité de ses titres.

Les problèmes de divergence d’intérêts se posentavec une acuité particulière dans le cas des TGC,ces derniers donnant aux gestionnaires de garan-ties une certaine latitude quant à la compositiondu bloc d’actifs et à l’échelonnement des opéra-tions à l’intérieur de ce bloc. Ainsi, le gestionnairede TGC qui est également à la source des actifspeut être tenté de remplacer des actifs arrivant àéchéance par d’autres de piètre qualité qui figurentà son bilan. La probabilité d’un tel comportementpeut être réduite par le recours à des conseils degestion indépendants, l’imposition de règles sévèressur les substitutions, la transmission d’informa-tion sur les actifs titrisés, la participation du ges-tionnaire aux tranches les moins bien notées dumontage et d’autres formes de conservation desrisques26.

SommaireForce est de reconnaître que les instruments detransfert du risque de crédit améliorent l’efficiencedes marchés et la dispersion des risques. Ce fai-sant, ils créent toutefois certaines difficultés, dontles risques juridiques et les problèmes de diver-gence d’intérêts des parties, que le marché sembleêtre en bonne voie de résoudre. Dans une perspec-tive plus systémique, la divulgation et la transpa-rence semblent laisser à désirer, bien que diversesinstances réclament actuellement des améliora-tions en la matière pour un grand nombre de cesproduits. Finalement, on s’inquiète de la com-plexité croissante des instruments ainsi que de ladépendance grandissante des participants au mar-

26. Nazarian (2002) présente une analyse des pratiquespotentiellement abusives des gestionnaires de TGC etcertaines pistes de solutions.

ché envers les agences de notation et les modèlesd’évaluation des risques de type « boîte noire ».

Ces inquiétudes se trouvent atténuées dans unecertaine mesure par le degré d’activité encorefaible de ces marchés, surtout par comparaison àd’autres tels que ceux des produits dérivés de tauxd’intérêt et de change. À titre d’exemple, l’encoursnotionnel des dérivés de crédit ne représentequ’environ 2 % de celui des swaps de taux d’inté-rêt et de devises27. En outre, nombreux sont lesprêteurs pour qui la gestion du risque à la sourcedemeure le moyen privilégié de parvenir au profilvisé de risque de crédit28.

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27. D’après les données de l’ISDA (2003), l’encours notion-nel des dérivés de crédit était de 2 billions de dollarsÉ.-U. à la fin de 2002, alors que celui des dérivés de tauxd’intérêt et de change s’élevait à 100 billions de dollarsÉ.-U. Il se peut cependant que la valeur des risquespotentiels transférés à l’aide des dérivés de crédit, parrapport à celle des risques transférés par d’autres typesde dérivés, soit supérieure à la valeur déduite de lasimple comparaison des encours notionnels. À titred’exemple, la faillite d’une entité de référence aurait vrai-semblablement une incidence beaucoup plus grande surla valeur d’un dérivé de crédit que même les plus gravesincidents provoqués par une évolution défavorable destaux d’intérêt ou du taux de change.

28. C’est ce que démontrent, par exemple, les résultats dusondage réalisé par Rutter Associates, qui sont résumésdans Smithson et coll. (2002).

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Revue du système f inancier

Le marché canadien du papier commercialadossé à des actifs : évolution et enjeuxPaula Toovey et John Kiff

e marché canadien du papier commercialadossé à des actifs (PCAA) a connu unecroissance remarquable depuis six ans.Il représente actuellement environ 40 %

du marché du papier à court terme de sociétés(Graphique 1) et constitue le principal segmentdu marché de la titrisation au Canada (Tableau 1).La titrisation consiste à regrouper des quantitésimportantes de petits actifs homogènes dans unestructure d’accueil qui émet de nouveaux titresdont la cote est élevée. Parmi ces actifs figurentgénéralement des prêts hypothécaires, des créancessur cartes de crédit, des prêts et du crédit-bailautomobiles et des créances clients.

L’essor du marché du PCAA a été favorisé pard’autres facteurs, dont le fait que les investisseursse soient tournés vers les titres à court terme pré-sentant une cote supérieure au moment mêmeoù l’offre de bons du Trésor s’est mise à diminuer(Chouinard et Lalani, 2001-2002, p. 19).

Les acheteurs les plus importants de PCAA sont,en règle générale, des fonds communs de place-ment du marché monétaire, des caisses de retraite,des sociétés, des administrations publiques et desinstitutions financières1. Les acheteurs étrangersde PCAA canadien sont peu nombreux. Étantdonné la retenue d’impôt de 10 % prélevée sur lesversements d’intérêts aux résidents des États-Unis,il n’est pas rentable de vendre au sud de la frontièredes prêts à court terme aux entreprises, du crédit-bail matériel, des prêts hypothécaires à l’habita-tion et des prêts personnels titrisés2.

Dans l’optique du vendeur, la titrisation offre uneautre source de financement, dont le coût peutêtre inférieur à celui des sources traditionnelles.Parmi les solutions de rechange figurent le papiercommercialet lesacceptationsbancairesclassiques.Le papier commercial est d’ordinaire plus cher

1. Cette information concernant les acheteurs de PCAA esttirée de sondages informels menés par les auteurs auprèsdes banques canadiennes actives sur ce marché.

2. Certains s’attendent, sur le marché, à ce que cette retenueà la source soit supprimée (Fingerhut, 2003).

LGraphique 1Composition du marché canadien du papier à courtterme des sociétés

Encours en milliards de $ CAN

0

50

100

150

200

0

50

100

150

200

1993 1995 1997 1999 2001

Acceptations bancairesPapier commercialPCAA

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sauf pour les entreprises très bien notées, car lemarché exige un taux de rendement plus élevédans le cas d’instruments dont la cote est inférieureà la cote habituelle du PCAA. Les acceptationsbancaires présentent l’avantage d’une garantieofferte par une banque de premier ordre et peuventêtre émises à des taux qui rivalisent avec ceux duPCAA; une fois pris en considération les droitsd’« acceptation », cependant, leur coût est proba-blement supérieur.

Un autre facteur important pour le vendeur estl’impôt sur le capital que les sociétés doiventverser aux gouvernements fédéral et provinciaux.Cet impôt doit être payé peu importe la rentabilitéde l’entreprise, et il diffère selon les provinces; ilvariait récemment entre 0,225 % et 0,865 % ducapital. Aux fins de l’application de cet impôt,« capital » s’entend notamment du capital-actions, des bénéfices non répartis et des capitauxempruntés3. Le remboursement d’éléments depassif à même le produit de la titrisation peutdonc donner lieu à des économies d’impôt. L’admi-nistration fédérale et certaines administrationsprovinciales ont toutefois annoncé récemmentqu’elles réduiraient progressivement cet impôt,jusqu’à son élimination complète en 2008.

Environ 90 % de l’encours du PCAA est émis parles grandes banques, et plus de 75 % par troisd’entre elles. En outre, certaines banques sont trèsactives sur le marché américain du PCAA4.

La plus grande partie du PCAA est émise par unestructure d’accueil multicédant, dans laquellele promoteur, habituellement l’une des grandesbanques, offre des capitaux à un groupe de clientsvariés. Le financement est assuré dans l’anonymat,un facteur qui a parfois son importance et fauteduquel le papier commercial ou les acceptationsbancaires classiques pourraient avoir la préfé-rence5. Dans le cas de montages monocédants, parcontre, le promoteur titrise ses propres actifs. Bienque la plupart des programmes d’émission mono-cédants soient exécutés par une grande banque,

3. Pour en savoir davantage sur le calcul de l’impôt sur lecapital, voir McQuillan et Cochrane (1996).

4. Selon Standard & Poor’s, à la fin de 2002, quatrebanques canadiennes avaient pris part aux États-Unis àdes programmes d’émission de PCAA multicédants tota-lisant 31,5 milliards de dollars américains. Une banquea également participé à la création de quatre véhiculesd’arbitrage sur le marché européen, dont l’encours s’éle-vait à 3,7 milliards de dollars É.-U. à la fin de septembre2002. Un véhicule d’arbitrage acquiert des actifs àrevenu fixe à moyen ou à long terme de qualité supé-rieure, qu’il finance par l’émission de papier commercial.

5. Une opération de financement très visible peut avoirpour effet de réduire l’accès d’un emprunteur à d’autressources de financement.

Tableau 1

Encours des titres canadiens adossés à des actifsa

En milliards de dollars

a Les opérations relatives aux titres adossés à des créances hypothécairesassurées en vertu de la Loi nationale sur l’habitation sont exclues.

b La ventilation par institution financière des programmes d’émissionde PCAA multicédants est basée sur le promoteur de l’émission.

c La ventilation des montages monocédants est basée, dans les deux cas,sur l’institution ayant assuré la direction du montage.

Source : Dominion Bond Rating Service (DBRS). Encours au31 décembre 2002.

Papier commercial adosséà des actifs

Autresprogrammesde titrisation

mono-cédants

Total

Programmesmulti-

cédantsb

Programmesmono-

cédantsc

Banque deMontréal

19 476 – 3 587 23 063

CIBC 11 356 3 465 4 205 19 026

Banque TD 9 713 4 820 2 468 17 002

Banque Scotia 2 681 0 534 5 561 8 776

Banque Royale 5 486 0 086 2 992 8 545

Merrill Lynch – – 3 709 3 709

CoventreeCapitalGroup Inc.

3 342 – – 3 342

BanqueNationaledu Canada

– 0 919 1 415 2 334

Autres 1 862 0 058 0 488 2 408

Total 53 897 9 881 24 426 88 204

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plusieurs détaillants et fabricants d’automobiles fontdirectement leurs émissions.

Les mécanismes de réductiondu risque de créditL’agence de notation Dominion Bond RatingService (DBRS) accorde la cote de crédit R-1 (qua-lité supérieure) à 95 % du PCAA canadien. Peud’actifs titrisés pris individuellement recevraientune cote aussi élevée.

Pour obtenir cette cote, l’on réduit le risque decrédit associé au PCAA grâce à différents types demontage et divers mécanismes de rehaussementde crédit par des tiers. Les montages possibles en-globent le transfert à la structure d’accueil d’actifsdont la valeur globale excède celle du PCAA émis(c’est ce qu’on appelle le surnantissement). Uneautre technique qui recueille la faveur est l’émis-sion par la structure d’accueil de tranches dont lacote est moins élevée et qui absorbent les premiersdéfauts de paiement (ces tranches sont dites« subordonnées »)6.

Les rehaussements de crédit par des tiers revêtenthabituellement la forme de lettres de crédit et decautionnements délivrés par des institutionsfinancières jouissant d’une cote de crédit élevée.Les documents juridiques relatifs à la plupart desémissions de PCAA précisent les cotes minimumsde ces tiers (habituellement les cotes AA(faible)ou R-1(qualité moyenne) de la DBRS), mais nementionnent pas toujours le nom de ceux-ci. Enfait, il n’est pas rare que le promoteur d’un pro-gramme d’émission multicédant prenne part lui-même au rehaussement de crédit7.

En plus de ces divers rehaussements, l’apport d’un« soutien implicite » par l’initiateur du prêt peutcontribuer à atténuer le risque de crédit. Le rachatd’actifs auprès de la structure d’accueil pour unmontant supérieur à leur juste valeur et la subs-titution d’actifs productifs à des actifs non pro-ductifs sont deux exemples d’un tel soutien. Lesoutien implicite limite en quelque sorte l’aléamoral ou le risque d’atteinte à la réputation. Ainsi,s’il advenait que la réputation de l’initiateur soitternie par une titrisation peu réussie, sa capacitéde réaliser dans l’avenir de telles opérations à un

6. Voir l’article de Kiff dans la présente livraison (p. 35)pour une analyse plus générale de la titrisation etd’autres méthodes de transfert du risque de crédit.

7. Ce genre d’« autoassurance » aide à harmoniser lesintérêts du promoteur (et initiateur lorsqu’il s’agit d’unprogramme d’émission monocédant) et ceux des déten-teurs de PCAA. Voir Kiff, Michaud et Mitchell (2003)pour une étude plus approfondie des problèmes dedivergence d’intérêts dans la titrisation.

coût avantageux pourrait être compromise. L’ini-tiateur a donc intérêt à offrir un appui supplémen-taire. Toutefois, les organismes de réglementationvoient d’un mauvais œil tout soutien non contrac-tuel aux programmes d’émission. Par exemple, leplus récent document de consultation relatif auNouvel accord de Bâle sur les fonds propres (BRI,2003) propose des sanctions réglementaires sévèrescontre les banques qui offrent un soutien noncontractuel.

Réduction du risque à terme8

Puisque l’échéance des actifs est habituellementpostérieure à celle du PCAA qui sert à les financer,une forme quelconque de réserve de liquidité estindispensable pour pallier le risque à terme (rolloverrisk) et l’asymétrie des échéances. Aussi les pro-grammes d’émission de PCAA prévoient-ilsl’acquisition d’une couverture de liquidité. Cetteprotection doit au moins prémunir l’émetteurcontre ce que le Bureau du surintendant des institu-tions financières (BSIF) appelle une « perturbationdu marché », interprétée par les opérateurs commeune situation où il serait impossible d’émettre surle marché le moindre dollar de papier commercialadossé à des créances ou de papier de sociétés,quel qu’en soit le prix9.

Une perturbation du marché est un événementtrès improbable, et les facilités de trésorerie cana-diennes, qui ne couvrent rien au-delà de ce critèreminimum, n’ont jamais été activées. Selon le BSIF(1994), une banque qui offrirait une couverturede liquidité englobant une protection à l’égardd’autres risques, comme le risque de crédit, devraitaugmenter le niveau de ses fonds propres, ce quipourrait rendre le programme d’émission de PCAAmoins avantageux financièrement.

Aux États-Unis, toutefois, les exigences réglemen-taires en matière de fonds propres sont moins éle-vées pour les facilités de trésorerie qui offrent uneprotection relative au crédit. Ainsi, les mécanismesde rehaussement de liquidité des programmesd’émission de PCAA américains couvrent habituelle-ment des incidents autres que la perturbation du

8. Les auteurs désirent souligner l’apport précieuxd’Andrew Kriegler, Huston Loke et Maria Rabiasz àl’analyse présentée dans cette section.

9. Le BSIF (1994) donne certaines précisions sur les dispo-sitions de la réglementation canadienne qui s’appliquentaux activités de titrisation des banques, mais ne définitpas explicitement l’expression « perturbation du marché ».L’interprétation que nous en donnons, et qui est cellegénéralement admise sur le marché, est tirée de Kriegleret coll. (2002).

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Rapports

marché et accordent une certaine protection contrele risque de crédit10.

En fait, deux agences de notation américaines ontmis en doute l’adéquation des mécanismes cana-diens de rehaussement de liquidité. Elles estimentque, si la couverture du risque à terme n’est paspropre dans une certaine mesure au programmed’émission, le « paiement en temps opportun » —élément indispensable selon elles à l’obtentiond’une cote de qualité supérieure — ne sera pas ga-ranti. Dans un rapport publié récemment, Standard& Poor’s signale les circonstances dans lesquelles,en l’absence de perturbation du marché, des pro-blèmes de liquidité peuvent survenir même s’il n’ya pas eu de détérioration sensible de la qualité desactifs auxquels est adossé le papier commercial.Parmi ces circonstances figurent la circulation derumeurs et les atteintes à la réputation du promo-teur de l’émission, ainsi que les difficultés d’ordreopérationnel que le programme peut connaîtretemporairement (Rabiasz et Connell, 2002).Moody’s fait un parallèle avec la perturbation d’unepartie du marché survenue aux États-Unis dansla foulée des attentats du 11 septembre 2001 àNew York. L’agence conclut que les lignes de liqui-dité canadiennes sont si restrictives qu’elles nepourraient même pas être mobilisées si un évé-nement de cette nature, n’ayant de toute évidenceaucun lien avec le crédit, déclenchait une crisede liquidité (Kriegler et coll., 2002). Ce typed’incident n’étant pas couvert par les mécanismescanadiens de rehaussement de liquidité, il estdifficile pour Standard & Poor’s et Moody’s deconsidérer le PCAA canadien comme un investis-sement de qualité.

L’agence de notation DBRS soutient néanmoinsque le PCAA canadien est déjà entièrement protégécontre l’asymétrie des échéances et les problèmesde détérioration du crédit, grâce aux rehaussementsde crédit et aux pratiques opérationnelles en place.Elle juge donc superflu d’intégrer aux facilités detrésorerie une protection supplémentaire contre lerisque de crédit calquée sur le modèle américainet accorde à la plus grande partie du PCAAcanadien sa plus haute cote, soit R-1 (qualité supé-rieure). Dans un récent document de travail,Moody’s a également proposé que la qualité dumontage sous-jacent soit prise en considération

10. Les modifications proposées à l’accord de Bâle sur lesfonds propres (BRI, 2003) exigeraient que ce genre deprotection contre le risque de crédit soit pris en consi-dération dans le calcul des besoins en fonds propres.Toutefois, le Nouvel accord ne devrait entrer en vigueurqu’à la fin de l’année 2006. On ne s’attend pas à ce queces modifications influent sur la façon dont le BSIF traiteles facilités de trésorerie au Canada.

dans la détermination des exigences à respecter enmatière de rehaussement de liquidité pour obtenirune cote supérieure11. Selon Moody’s, bien qu’ilsoit possible de parfaitement dissocier les méca-nismes de rehaussement de liquidité et ceux derehaussement de crédit, cela nécessite une éva-luation coûteuse de la qualité intrinsèque ducrédit du programme d’émission de PCAA.

Au lieu d’intégrer un mécanisme de rehaussementde liquidité, certains programmes émettent dupapier commercial à échéance prorogeable; lepromoteur a ainsi la possibilité de prorogerl’échéance de l’émission jusqu’à un maximumcumulatif de 365 jours. Cette caractéristique tientlieu de facilité de trésorerie en transférant en quelquesorte à l’investisseur le risque de liquidité ainsique la compensation pour le risque assumé. Lepapier commercial à échéance prorogeable repré-sentait environ 5 % du marché canadien du PCAAà la fin de 2002.

Risques juridiques associés auprocessus de titrisationLe montage juridique sur lequel reposent lesprogrammes d’émission de PCAA est complexepar rapport à celui des titres d’emprunt tradi-tionnels, et les documents juridiques afférentssont peu normalisés. La situation dans laquelleces programmes sont le plus susceptibles de donnerlieu à des poursuites est celle où l’initiateur devientinsolvable et où ses créanciers cherchent à réintégrerles actifs titrisés au patrimoine de ce dernier afinde recouvrer leurs créances.

Le principal risque juridique que comporte l’émis-sion de PCAA est la possibilité que le transfert desactifs à la structure d’accueil soit réputé ne pasconstituer une « cession réelle » et que les actifstitrisés retournent dans le patrimoine de l’initia-teur à la suite d’une contestation en justice. Lesdocuments juridiques à l’appui d’un programmed’émission de PCAA doivent être élaborés avecsoin pour que l’opération donne lieu à la cessionlégale des actifs plutôt qu’à un prêt. Bien que l’onait rarement fait appel aux tribunaux pour invaliderune titrisation d’actifs au Canada, la décision renduerécemment par la Cour supérieure de l’Ontariodans l’affaire opposant le Metropolitan TorontoPolice Widows and Orphans Fund à TelusCommunications Inc.12 témoigne de la rigueurdes critères qu’appliquent les tribunaux lorsqu’ilscherchent à déterminer si un actif titrisé a réelle-

11. Adams (2001) présente le point de vue de la DBRS etKriegler et coll. (2002) celui de Moody’s.

12. [2003] O.J. no 128.

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Revue du système f inancier

ment été cédé. Dans cette affaire, le tribunal apoussé son examen au-delà du libellé du contratqui avait donné effet au transfert des actifs (et quiattestait clairement de l’intention de réaliser unecession) pour étudier la conduite des parties encause ainsi que les indices habituels attestant qu’ily a eu cession réelle des actifs (p. ex. transfert àl’acheteur du risque de propriété; attribution dudroit au surplus éventuel découlant de la percep-tion des créances; identification claire des actifs;fixation d’un prix d’achat pour les actifs; et dési-gnation de la partie responsable de la perceptiondes créances et de la partie pour le compte delaquelle cette perception sera effectuée). Dans cecas-ci, le tribunal a jugé que les actifs avaient belet bien été cédés.

Le risque de contestation du caractère définitif dela cession est le plus important risque juridiqueassocié aux programmes d’émission de PCAA,mais il en existe d’autres, dont le risque que lastructure d’accueil n’ait pas été constituée de fa-çon à demeurer suffisamment à l’abri des réper-cussions d’une faillite éventuelle de l’initiateur,le risque que le transfert des actifs à la structured’accueil soit déclaré entaché de préférencefrauduleuse et invalidé et, dans le cas de titresadossés à des créances hypothécaires, le risqueque les droits des titulaires du papier commercialsoient subordonnés à ceux des créanciers au profitdesquels l’hypothèque est inscrite.

La seule façon de limiter les risques juridiquesassociés au PCAA consiste à concevoir avec minutiele montage juridique de chaque programme detitrisation. Les détenteurs de titres peuvent trouverun certain réconfort dans le fait qu’une émissionayant obtenu une cote minimum R-1 (qualitésupérieure) de la DBRS a sans doute été soumiseaux exigences d’un contrôle préalable du montagesous-jacent. C’est à eux qu’il revient d’évaluer sil’attribution par une agence de notation d’unecote de crédit élevée leur offre une garantie suffi-sante quant à la solidité du montage juridiquesous-jacent ou si un examen plus approfondi decelui-ci s’impose.

Communication financièreL’on pourrait croire que le fait que la titrisationsoit un processus complexe où interviennent denombreux acteurs milite en faveur de la commu-nication d’une abondance de renseignements.Or, le marché reste relativement opaque.

Difficulté à obtenir desrenseignements précisau sujet de l’opération

Étant donné la politique adoptée par Standard &Poor’s et Moody’s en matière de notation, il faut serabattre sur la DBRS comme unique source d’infor-mation sur les programmes d’émission de PCAA.Les exigences de la législation canadienne sur lesvaleurs mobilières en ce qui a trait à la productionde prospectus ou à la divulgation d’autres infor-mations ne s’appliquent pas au PCAA, pas plusqu’à tout papier commercial. En conséquence, ilest impossible de trouver dans le SEDAR (Systèmeélectronique de données, d’analyse et de recherche)quelque document que ce soit relatif à la plupartdes programmes d’émission multicédants d’enver-gure13. Un investisseur à la recherche d’une autreopinion se trouve donc actuellement dans uneimpasse, bien que certains renseignements perti-nents puissent être obtenus directement auprès dupromoteur ou du preneur ferme de l’émission. Leplus souvent, ni l’identité des banques qui four-nissent le rehaussement de crédit ou de liquiditéni la composition du bloc d’actifs titrisés ne sontprécisées dans le peu d’information publiée.

Bien que les agences de notation publient certainsrenseignements, de nombreuses informations nesont pas divulguées en raison de leur caractèreconfidentiel. La DBRS exprime certaines inquiétudesà ce sujet :

L’information relative aux blocs d’actifs titriséset aux établissements cédants est nettementinsuffisante, et l’on a besoin de meilleuresstatistiques sur la qualité des actifs et les méca-nismes de rehaussement. Certes, la DBRSpublie chaque mois certaines données sur lesblocs d’actifs, mais il serait possible d’en diffuserbeaucoup plus. (Schroeder et Loke, 1998, p. 10[traduction].)

Dans le cas des programmes multicédants, ilfaudra cependant veiller à respecter le désir d’ano-nymat de l’initiateur si l’on communique davantaged’information sur le bloc d’actifs titrisés. Rien nesemble vraiment s’opposer, cependant, à ce quel’on fournisse plus de renseignements sur les rehaus-sements de crédit et de liquidité.

13. Le SEDAR est géré par CDS INC., filiale de La Caissecanadienne de dépôt de valeurs limitée (CDS). Lessociétés ouvertes et les fonds communs de placementcanadiens sont tenus de déposer auprès du SEDAR tousles documents exigés par les divers organismes régissantles marchés de valeurs mobilières.

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Rapports

Imprécision de la mesure danslaquelle le risque est réellementtransféré

Le transfert réel et effectif du risque est l’une desprémisses sur lesquelles repose la titrisation. Toute-fois, si l’on en juge par l’information, en vérité li-mitée, dont on dispose sur les différents programmesd’émission, il arrive que les institutions initiatriceschoisissent de conserver un degré raisonnabled’exposition à l’égard des actifs qu’elles titrisent.Dans le cas de certains programmes d’émissionmulticédants canadiens, par exemple, les banquesrestent parfois exposées au risque de crédit associéaux actifs cédés à la structure d’accueil. Il serait utileque davantage de renseignements à ce sujet soientcommuniqués.

Grâce aux initiatives du Conseil des normescomptables de l’Institut Canadien des ComptablesAgréés et du Financial Accounting StandardsBoard (FASB) des États-Unis visant à bonifier lesnormes de divulgation afférentes aux activités detitrisation, la situation est en voie de s’améliorer.Les nouvelles normes exigeront peut-être aussi desbanques qu’elles inscrivent à leurs bilans (c.-à-d.qu’elles consolident) certains des actifs des pro-grammes d’émission de PCAA multicédants qu’ellesparrainent. L’ampleur de cette consolidation peutdépendre, en partie, du degré de protection contrele risque de crédit qu’assure la banque fournissantle rehaussement de liquidité. Sans doute certainesbanques canadiennes devront-elles inscrire à leursbilans les risques auxquels les exposent leursprogrammes aux États-Unis, où la couverture deliquidité englobe parfois une protection à l’égardd’autres incidents que la perturbation du marché.Le degré de consolidation requis dans le cas desmontages de titrisation réalisés au Canada estmoins clair, compte tenu de la nature plusrestrictive des rehaussements de liquidité14.

De plus, le « troisième pilier » du Nouvel accord deBâle haussera les exigences concernant la publica-tion d’informations relatives au transfert du risquede crédit en général, bien que les nouvelles dispo-sitions ne doivent entrer en vigueur qu’à la fin de2006.

RésuméL’encours du marché canadien du PCAA est passé d’unmontant négligeable en 1985 à 63,7 milliards dedollars à la fin de 2002, et la plus grande partie du

14. Voir Mountain (2003) pour plus d’information sur lesdirectives du FASB et Parfeniuk et Azarchs (2003) pourune analyse de l’incidence potentielle de ces directivessur le bilan des banques canadiennes.

PCAA jouit d’une cote de crédit supérieure. Lemarché a joué un rôle essentiel en facilitant l’accèsdes entreprises à un financement à faible coût et encomblant le vide laissé par la diminution des émis-sions de bons du Trésor dans le segment du papierà court terme de qualité.

Bien que le PCAA comporte des risques juridiqueset des risques de liquidité qui sont inhérents auprocessus de titrisation, le milieu canadien desinvestisseurs ne semble pas s’en inquiéter outremesure. Par ailleurs, l’information relative auxopérations de titrisation est nettement insuffi-sante à l’heure actuelle et il est difficile de savoirdans quelle mesure le risque a effectivement ététransféré par l’initiateur et à qui il l’a été, un pro-blème que les récentes initiatives des instancescomptables et des organismes de réglementationdevraient aider à résoudre.

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L’évolution

des politiques et

de l’infrastructure

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Introduction

e système financier et ses diverses composantes(institutions, marchés et systèmes de compen-sation et de règlement) s’appuient sur une in-frastructure constituée d’un ensemble de

mécanismes, dont les politiques gouvernementales, quiinfluent sur la structure du système financier et enfacilitent le fonctionnement. L’expérience montrequ’une infrastructure solide et bien ramifiée comptepour beaucoup dans la robustesse d’un système finan-cier. La présente section de la Revue met en lumièreles travaux réalisés sur le sujet, y compris ceux relatifsaux aspects pertinents de l’évolution des politiques.

Les systèmes financiers de compensation et de règle-ment sont notamment conçus de façon à réduirele plus possible les risques auxquels les partici-pants se trouvent exposés. Pour qu’un tel objectifsoit atteint, il est essentiel de veiller à ce que lefonctionnement des systèmes cruciaux ne soit passoumis à des perturbations prolongées.

C’est dans ce but que la Banque du Canada pour-suit actuellement des discussions avec les exploi-tants des systèmes et les participants sur l’aptitudedes systèmes canadiens de compensation et de règle-ment à se remettre de graves chocs opération-nels. L’article intitulé La planification de la poursuitedes activités des systèmes de compensation et de règle-ment : une approche systémique passe en revue lesquestions examinées dans le cadre des efforts quedéploient les exploitants des systèmes, les partici-pants ainsi que les organismes de réglementationpour améliorer la robustesse globale des systèmesexistants.

De multiples sources de risque potentielles sontassociées à la compensation et au règlement dechaque opération sur titres. L’article ayant pourtitre Le CDSX : le nouveau système de compensationet de règlement des opérations sur titres décrit leCDSX, nouveau système canadien de compensa-tion et de règlement des opérations sur titres dedette et titres de participation qui est en cours demise en œuvre. Ce système aux mécanismes solidesest conforme aux normes internationales en ma-tière de limitation des risques et devrait permettrede réaliser des économies considérables.

L

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La planification de la poursuite des activitésdes systèmes de compensation et derèglement : une approche systémiqueRon Allenby

es systèmes de compensation et de règle-ment consistent en des réseaux intercon-nectés regroupant les exploitants de cessystèmes, les participants, les fournis-

seurs de liquidités et les agents de règlement.Certains de ces systèmes assurent le transfert demontants de grande valeur et sont indispensablesau bon fonctionnement du système financier etde l’économie en général. Il est donc capital qu’ilsne subissent pas de perturbations marquées ouprolongées, même en cas de sinistre.

Les exploitants des systèmes de compensation etde règlement et les institutions qui y participentont toujours attaché de l’importance à la planifica-tion de la poursuite des activités1 de ces systèmes.Cependant, le grand verglas de 1998 au Québec etdans l’Est ontarien, le passage à l’an 2000 ainsique les attentats terroristes de septembre 2001 àNew York et Washington ont fait ressortir les liensd’interdépendance qui existent entre les réseaux etremis en question la portée des scénarios autourdesquels s’articulent habituellement les plans depoursuite des activités (PPA). Ces événements ontnotamment mis en lumière la nécessité de consi-dérer des scénarios dans lesquels toute une région— et non une seule institution — est touchée.

Par conséquent, la Banque du Canada est favora-ble à un examen plus approfondi de la capacité dusystème financier de se remettre de chocs graves etde continuer à fournir les services de première im-portance2. La Banque s’intéresse tout particulière-ment aux implications d’ordre systémique desplans de poursuite des activités mis au point parchacune des institutions pour les différentes com-posantes des systèmes cruciaux de compensationet de règlement. Les événements récents ont dé-

1. Il s’agit d’une méthode de gestion d’un aspect du risqueopérationnel. Pour en savoir davantage sur la question,consulter l’article de Kim McPhail publié à la page 83 dela présente livraison.

2. Des réévaluations semblables ont été entreprises pard’autres banques centrales, le Comité de Bâle surle contrôle bancaire de la Banque des RèglementsInternationaux et le Forum sur la stabilité financière.

Lmontré clairement que les institutions financières,les systèmes de compensation et de règlement etles marchés financiers sont non seulement dépen-dants les uns des autres, mais aussi tributaires defournisseurs clés de services non financiers, et ce,d’une manière qui n’a pas été étudiée à fond. Ilpeut s’agir, par exemple, du cas où deux fournis-seurs indépendants de services de télécommunica-tions partagent une même infrastructure (pouvantfaire l’objet de défaillances), et de celui où denombreuses institutions recourent à un fournis-seur commun de services de reprise des activités(ce qui pourrait causer des problèmes en cas deperturbations à l’échelle d’une région). C’est pour-quoi la Banque a jugé bon de discuter avec lesexploitants des systèmes et les participants dequestions concernant leurs PPA et d’évaluer siune coordination de ces plans se justifiait.

Au début de 2003, la Banque s’est réunie avec lesexploitants des deux systèmes de compensationet de règlement des gros paiements au Canada etquelques participants à ces systèmes pour discuterde quelques points d’ordre systémique relatifs auxPPA. À l’issue de cette rencontre, il a été convenuqu’une certaine coordination des efforts de plani-fication serait souhaitable, ce qui a mené au lan-cement de plusieurs initiatives en ce sens par lesecteur privé. Un suivi de cette première rencontreaura lieu dans le courant de l’année.

Systèmes de compensation et derèglement cruciaux au CanadaOn compte au Canada deux systèmes de compen-sation et de règlement des gros paiements, tousdeux exploités par le secteur privé, qui sont consi-dérés comme ayant une importance systémique.Le premier est le Système de transfert de paie-ments de grande valeur (STPGV), qui relève del’Association canadienne des paiements (ACP) etpar lequel a transité environ 85 % de la valeur despaiements réglés par l’entremise de systèmes depaiement au Canada en 2002. Le second, appeléCDSX, est exploité par La Caisse canadiennede dépôt de valeurs limitée (CDS); il traite la

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quasi-totalité des titres de dette émis au Canada etassure un règlement intrajournalier des opéra-tions sur ces effets3. Les positions en fin de jour-née enregistrées au sein du CDSX sont réglées parl’entremise du STPGV. Les deux systèmes compor-tent des mesures de limitation des risquesdonnant lieu à la finalité et à l’irrévocabilité destransactions qu’ils traitent.

Dans le cas où ces systèmes ne pourraient fonc-tionner ou mener à terme les activités de la jour-née, le système financier et l’économie s’entrouveraient gravement perturbés. Si le STPGVest paralysé, il sera très difficile de procéder audénouement d’un large éventail de transactionsimportantes dans un environnement dépourvude risques. Et sans le CDSX, il serait impossiblede régler à peu près toutes les opérations sur titres,ce qui troublerait sérieusement le bon fonctionne-ment des marchés financiers et pourrait aussi gênerles opérations au sein du STPGV, car c’est par leCDSX que ce dernier obtient les garanties appuyantles paiements qu’il effectue. Il est donc impératifque ces systèmes soient conçus de façon à sur-monter la plupart des pannes et puissent reprendrele cours de leurs opérations rapidement dans lesrares cas où des interruptions se produisent.

Qui sont les participantsimportants?Certains systèmes, on le sait, sont d’une importancecapitale pour le bon fonctionnement du systèmefinancier. Il existe aussi des participants4 dont lerôle peut être déterminant dans la stabilité globaledes systèmes de compensation et de règlement. Enraison des fonctions qu’ils remplissent ou parcequ’ils sont un fournisseur majeur — sinon le four-nisseur unique — d’un certain type de service, lesparticipants n’ont pas tous le même poids. Et iln’est pas facile d’établir précisément lesquels sontréellement « importants ». En théorie, entreraientdans cette catégorie ceux dont les difficultés opé-rationnelles pourraient empêcher un système decompensation et de règlement crucial de fonc-tionner efficacement, auquel cas de fortes ten-sions pourraient s’exercer sur les liquidités au seindu système financier, stoppant le règlement de

3. On prévoit que le CDSX prendra en charge les opéra-tions sur actions au cours de cette année. Pour plus derenseignements sur ce système, voir l’article de McVaneldans la présente livraison (p. 61).

4. Outre la Banque du Canada, treize institutions de dépôtparticipent directement au STPGV. Parmi celles-ci, onzesont aussi membres du CDSX. Ce dernier regroupe envi-ron 80 participants, dont des banques, des sociétés defiducie, des courtiers en valeurs mobilières et la Banquedu Canada.

transactions majeures (McPhail et Senger, 2002).Certains gros participants peuvent sembler ap-partenir d’emblée à cette catégorie. Cependant,l’identification des participants importants dansla pratique n’est pas aussi simple qu’elle n’y paraît.

Les participants dont le rôle dans la stabilité dessystèmes de compensation et de règlement cru-ciaux est jugé important devraient-ils être tenus àdes normes plus élevées que les autres en matièrede reprise des activités? Sinon, il est permis decroire qu’une panne prolongée chez l’un d’euxpourrait entraver la bonne marche de ces systèmes.Parallèlement, l’obligation pour les participantsimportants de satisfaire à des normes supérieuresleur occasionnerait vraisemblablement des coûtsadditionnels. Certes, ces coûts pourraient être sim-plement transmis aux clients comme frais de tran-saction, mais ils pourraient aussi amener cesderniers à confier leurs opérations à des partici-pants moins bien protégés — et d’une moindreimportance sur le plan systémique — s’ils ne sou-haitent pas voir leurs frais augmenter et s’ils peu-vent faire affaire avec d’autres fournisseurs.

Par contre, une hausse des coûts risquerait de mi-ner la compétitivité des participants importants etd’amener certains d’entre eux à cesser leurs activi-tés. Il pourrait alors se produire un renforcementde la concentration des opérations aux mains d’unmoins grand nombre de joueurs, ce qui pourraitaffaiblir le système dans son ensemble ou encorele desservir. Leur importance relative s’en trouvantaccrue, ces participants devraient répondre à desexigences encore plus sévères, ce qui relancerait leprocessus d’ajustement puisque, en définitive, lescoûts additionnels sont généralement passés auxclients. L’étude de la question de l’imposition denormes plus élevées aux participants importantsdes systèmes de compensation et de règlementn’est pas terminée.

Qu’est-ce qu’un délai dereprise acceptable?Les systèmes cruciaux et leurs participants impor-tants disposent de plans pour une reprise rapidedes activités, même en temps normal. À l’heureactuelle, beaucoup considèrent un délai de deuxheures comme le maximum acceptable en ce quiconcerne les opérations de première importance.Les pressions en faveur d’un raccourcissement desdélais de reprise continuent de s’intensifier, notam-ment depuis l’entrée en activité, récemment, de laCLS Bank. La livraison de dollars canadiens à cettedernière en vue du règlement des opérations dechange transitant par ce système est assujettie àdes délais très courts. Tout retard important dans

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la réception des fonds perturbera les règlementseffectués par la CLS Bank et pourra causer des pro-blèmes de liquidités au sein des systèmes de paie-ment d’un bon nombre de pays. Bien qu’il existedes mesures pour parer à une interruption desopérations de la CLS Bank, un arrêt des servicesessentiels qui durerait beaucoup plus que deuxheures pourrait avoir de très graves conséquences.

La gamme des scénarios deplanificationHabituellement, les scénarios envisagés lors de laconception des plans de poursuite des activités selimitent aux problèmes que subit une seule insti-tution et supposent que le personnel pourrait ra-pidement gagner des installations de relève et queles autres participants au système de compensa-tion et de règlement ne sont pas touchés. Maiscomme il a été mentionné précédemment, les évé-nements récents ont fait ressortir la possibilité dedifficultés affligeant l’ensemble d’une région. Voilàqui remet en cause les PPA traditionnels, dans les-quels les sites principal et de relève sont situésrelativement à proximité les uns des autres et oùl’on suppose que les employés n’auront aucunedifficulté à se déplacer de l’un à l’autre. En effet,si les sites principal et de relève sont trop rappro-chés, un sinistre à l’échelle régionale pourrait em-pêcher les employés de se rendre à l’endroit où ilssont censés reprendre les opérations.

Un PPA particulièrement prévoyant pourrait s’ap-puyer sur le déroulement parallèle des opérationsdans deux sites assez éloignés l’un de l’autre etpourvus de ressources humaines suffisantes pourprendre en charge la totalité des opérations. Toute-fois, cette solution exige d’équiper et de doter enpersonnel un second site complet. Il pourrait doncen résulter une réduction des économies d’échelledont bénéficient actuellement les exploitants dessystèmes et leurs participants et un accroissementsensible de leurs coûts de fonctionnement. À causedes dépenses que comporte ce modèle, de nom-breux participants trouveront difficile de justifierson application. Globalement, il n’est pas aisé detrouver un équilibre approprié entre les avantageset les coûts d’une solution devant assurer la conti-nuité des échanges de paiements et de titres en casde panne touchant un grand territoire.

Les motivations envers laprotection des systèmessont-elles suffisantes?Les exploitants des systèmes de compensation etde règlement cruciaux, leurs participants impor-

tants et les fournisseurs de services non financiersclés (télécommunications et électricité, par exemple)ont-ils les motivations voulues pour mettre enplace les capacités de reprise des activités qui con-viennent? L’interdépendance qui caractérise cesréseaux a des ramifications externes. Ainsi, un ren-forcement des mesures de contingence chez unparticipant tend à profiter aux autres participantset à l’ensemble du système. On pourrait doncs’attendre à ce que, isolément, chacun des partici-pants sous-investisse dans ses capacités de pour-suite des activités visant à contenir les effetssystémiques des problèmes qui pourraient survenir.Si tous adoptaient une telle attitude, le système,dans son ensemble, pourrait ne pas être suffisam-ment protégé.

Voilà pourquoi il est utile que les exploitantsd’un système, les participants et les autres four-nisseurs de services clés examinent ces ques-tions dans une perspective globale et com-prennent les répercussions que leurs décisionspeuvent avoir sur l’ensemble du système. Uneffort concerté de planification de la poursuitedes activités peut bénéficier à tout le systèmefinancier et, par conséquent, à tous les partici-pants qui ont grand intérêt à ce que ce dernierfonctionne sans interruption.

Les prochaines étapesLes exploitants privés des systèmes et leurs parti-cipants doivent conserver le rôle prépondérantqu’ils jouent dans l’évaluation de leurs PPA en vuede déterminer si ceux-ci sont appropriés et suffi-samment solides pour empêcher que leurs opéra-tions cruciales ne soient perturbées. Pour sa part,le secteur public peut apporter une vision systé-mique à l’appui de cette réflexion. Les avantagesd’une telle coordination au sein du système finan-cier canadien vont bien au-delà des bénéfices quepeut tirer chaque institution de ses efforts indivi-duels. La Banque du Canada continuera d’encou-rager les exploitants des systèmes et les participantsimportants à travailler ensemble à rendre tous lesmécanismes robustes de façon à ce que les systèmescruciaux puissent résister aux perturbations gravesou s’en remettre assez rapidement. Une approcheglobale, à l’échelle du système, pour la planifi-cation de la poursuite des activités procurerad’autres avantages : elle permettra de saisir l’inci-dence des décisions et actions de chacun desparticipants sur tout le système, de cerner les codé-pendances (comme le partage d’une même infras-tructure par différents fournisseurs de services ouencore le recours de plusieurs institutions à unfournisseur commun), d’améliorer les normes

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techniques et d’arrêter une stratégie de communi-cation tant pour se préparer aux incidents quepour aider à gérer les situations de crise.

En janvier 2003, la Banque du Canada a rencontréles exploitants des systèmes de compensation etde règlement cruciaux au pays et certains des par-ticipants à ces systèmes. Cette réunion a marqué ledépart d’un meilleur processus de communication,qui continuera de se renforcer tout au long del’année. L’ACP et la CDS, qui sont respectivementles exploitants du STPGV et du CDSX, piloterontun projet qui portera sur beaucoup des questionsabordées dans le présent article et qui sollicitera laparticipation de nombreuses institutions financièresainsi que des fournisseurs de services non finan-ciers. Il s’agit là d’une approche fort prometteusepour ce qui est de s’attaquer aux divers problèmesque pose la planification de la poursuite des acti-vités à l’échelle du système et de renforcer la capa-cité des systèmes de compensation et de règlementcruciaux, ainsi que celle du secteur financier, de ré-sister aux chocs graves et de se ressaisir.

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Le CDSX : le nouveau système decompensation et de règlement desopérations sur titresDarcey McVanel

l y a une opération sur titres type chaque foisque deux parties concluent un contrat pouréchanger des titres de dette ou de participa-tion au capital d’une société contre desfonds1. En théorie, il est très simple de con-

clure une opération sur titres, puisqu’elle ne con-siste qu’en un transfert direct de valeurs et defonds entre le vendeur et l’acheteur. En réalité, tou-tefois, le processus est plus complexe et fait interve-nir, du début à la fin, de nombreuses parties. Lesopérations sur titres sont habituellement traitéespar l’entremise d’un système central qui transmet,rapproche et confirme les obligations des partici-pants (la compensation) et procède au transfertdes titres et des fonds entre les parties (le règle-ment). Les titres sont conservés chez un dépositai-re central et transférés électroniquement plutôtque matériellement. Le présent article porte sur lerôle important que joue le système canadien decompensation et de règlement des titres.

Le CDSX est le nouveau système de compensationet de règlement de titres de dette et de participa-tion au pays. Ce système, dont la première phaseest entrée en service le 31 mars 2003, remplace leService de compensation des titres d’emprunt(SECTEM), qui servait à compenser et à régler laplupart des transactions en dollars canadiens surtitres de dette, et il devrait remplacer également leService de règlement des valeurs (SRV), qui règleles opérations sur titres de participation et surcertains titres de dette2. Le CDSX a conservé lesmécanismes solides de réduction des risques dontétait doté le SECTEM et il présente des améliora-tions notables sur le plan de l’efficience des coûts.Il est également conforme aux normes internatio-nales en matière de compensation et de règlementde valeurs3.

1. Dans le présent article, le terme « titres » désigne ensembleles titres de dette et les titres de participation au capital (pluscouramment appelés respectivement obligations et actions).

2. La mise en service du CDSX a commencé avec le trans-fert des titres de dette du SECTEM au CDSX, celui desactions devant s’effectuer au cours des mois suivants.

3. Les normes minimales internationalement reconnuesen matière de règlement et de compensation des valeurssont les normes conjointes du CSPR et de l’OICV; ellessont publiées dans le document intitulé Recommandationsfor Securities Settlement Systems (BRI, 2001b).

I Le CDSX est l’un des plus importants systèmes decompensation et de règlement au Canada, car iltraite de très gros montants et facilite le bon fonc-tionnement du marché des garanties4,5. Le nantis-sement de valeurs est une composante essentielled’un grand nombre de mécanismes financiers et iljoue un rôle capital dans d’autres systèmes impor-tants de compensation et de règlement, commele Système de transfert de paiements de grandevaleur (STPGV). Le CDSX est donc un système decompensation et de règlement d’importance systé-mique. Compte tenu du type d’opérations qui ytransitent et de leur ampleur, il peut déclencherou propager de graves chocs dans les systèmes oumarchés financiers, intérieurs et internationaux,s’il n’est pas adéquatement protégé contre le risque.La stabilité du système financier canadien exigeque tous les systèmes de compensation et derèglement d’importance systémique soient suffi-samment protégés contre le risque afin de pouvoirexécuter leurs opérations dans toutes les circons-tances raisonnables. C’est pour cette raison queles systèmes de compensation et de règlementd’importance systémique au Canada, notammentle CDSX, sont assujettis à la surveillance officiellede la Banque du Canada.

Le processus de surveillanceEn 1996, le Parlement a adopté la Loi sur la com-pensation et le règlement des paiements (LCRP), quiinstitue un processus formel de désignation et desurveillance des systèmes de compensation et derèglement pouvant être exploités de manière àconstituer un risque pour le système ou pour sesparticipants. Au Canada, on compte trois systèmesde compensation et de règlement d’importancesystémique : le CDSX pour les titres, le Système de

4. Les titres de dette sont le principal instrument utilisécomme garantie dans de nombreux mécanismesfinanciers.

5. On trouvera une description générale des systèmes cana-diens de compensation et de règlement dans l’Encadré 5de la page 29.

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transfert de paiements de grande valeur (STPGV)pour les gros paiements et la Continuous LinkedSettlement Bank (CLS Bank), un système interna-tional conçu pour régler les opérations de change6.Cette loi donne à la Banque du Canada lesmoyens nécessaires pour évaluer si les méca-nismes de réduction des risques de ces systèmessont adéquats; elle procure également la certitudeque les dispositions sur lesquelles reposent lessystèmes désignés sont juridiquement applicables.De plus, la Banque exige que les systèmes désignésaux fins de surveillance, tels que le CDSX, se con-forment aux normes minimales internationales.

La limitation des risques dèsla conception du systèmeLes questions de conception des systèmes et delimitation des risques sont intimement liées; eneffet, au moment de l’élaboration des systèmes,on fait appel à un ensemble de techniques deréduction des risques. La présente section com-mence par un aperçu du mode de conception dessystèmes, suivi d’une explication plus détaillée destechniques utilisées pour limiter les risques spéci-fiques inhérents aux systèmes de compensationet de règlement des titres. On trouvera dansl’Encadré 1 les définitions de ces risques.

Survol de la conception dessystèmes, des risques et del’efficience au sein du CDSX

Le CDSX est un système conçu de façon à incor-porer des mécanismes très rigoureux de protectioncontre le risque. Parallèlement, les étapes à suivrepour réduire le risque sont appliquées de lamanière la plus efficace et la moins coûteuse pos-sible. Les quatre plus importantes techniques delimitation des risques et leurs conséquences surle plan de l’efficience sont les suivantes :

• Le CDSX doit être en mesure de résister à ladéfaillance du participant ayant la plus grandeobligation de paiement vis-à-vis du système.Pour cette raison, des limites ont été fixées auxmontants que les participants peuvent devoir àla contrepartie centrale. De plus, ces derniersdoivent constituer un nantissement en garantiede leurs obligations, ce qui est onéreux. Lescoûts des garanties déposées dans le CDSXdiminuent du fait de la compensation desobligations de paiement et de la possibilitéaccordée aux participants de constituer desgroupes au sein desquels ils peuvent mettre en

6. Voir Miller et Northcott (2002) pour un aperçu de la CLSBank.

Encadré 1

Principaux risques de compen-sation et de règlement de titresa

a. La plupart des définitions proviennent de laBanque des Règlements Internationaux (BRI,2001a).

Risque dubanquier

Risque de défaillance d’uneinstitution privée faisant officed’agent de règlement

Risque decrédit

Risque qu’une contrepartie nes’acquitte pas intégralementd’une obligation à la dated’échéance ou ultérieurement

Risquejuridique

Risque qu’une partie subisse uneperte parce que le droit ou larèglementation ne cadre pas avecles dispositions du système derèglement de titres, l’exécutiondes accords de règlement corres-pondants ou avec les droits depropriété ou d’autres droits con-férés par le système de règlement

Risque deliquidité

Risque qu’une partie ne s’acquittepas d’une obligation à la dated’échéance mais à une date ulté-rieure non précisée

Risqueopérationnel

Risque de perte inattendue parsuite de dysfonctionnements dessystèmes informatiques ou descontrôles internes, d’erreurshumaines ou de gestion

Risque deprincipal

Risque que le vendeur d’un titrele livre sans en recevoir le paie-ment ou que l’acheteur effectuele paiement sans que le titre luisoit livré

Risquesystémique

Risque que l’incapacité d’un éta-blissement de remplir ses obli-gations à l’échéance ne rended’autres établissements inca-pables de s’acquitter de leurspropres obligations à l’échéance.Une telle défaillance peut entraînerd’importants problèmes de liqui-dité ou de crédit et menacer ainsila stabilité des marchés financiersou ébranler la confiance en eux.

Risque deprérèglement

Risque qu’une contrepartie à unetransaction devant être exécutée àune date future fasse défaut avantla date du règlement. Le risquerésultant de cette défaillance cor-respond au coût de remplacement,au prix du marché à ce moment,de la transaction originale.

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Revue du système f inancier

commun leurs garanties. En outre, les transac-tions doivent être définitives et irrévocablesdans la journée, de sorte que les participantspeuvent utiliser comme garanties toutes lesvaleurs qu’ils ont achetées dès que l’opérationest terminée7.

• Chaque transaction doit donner lieu à untransfert simultané de titres et d’obligationsde paiement. Il s’agit là de la formule livraisoncontre paiement, dont la réalisation est faci-litée par le fait que l’échange de titres n’exigepas que le vendeur remette matériellement lestitres à l’acheteur. Ces derniers sont plutôtimmobilisés dans le système et leur propriétéest transférée par voie d’écritures comptablesélectroniques. L’immobilisation permet deconclure les opérations rapidement, avecune grande précision et à un moindre coût.

• L’échange de fonds, qui se fait en fin de journée,doit être très sûr; il est donc effectué par l’entre-mise du STPGV, un système de paiement bienprotégé contre le risque. Comme les garantiespeuvent être transférées entre le CDSX et leSTPGV au besoin, la demande de nantisse-ment dans l’ensemble des deux systèmes peutêtre réduite.

• Enfin, le CDSX doit être extrêmement fiableet doté de mécanismes d’urgence poussés. Lanécessité de disposer d’un système très fiablea motivé le remplacement du Service de règle-ment des valeurs, devenu dépassé, par le nou-veau système. La fusion de ces deux systèmesdonnera lieu à une réduction des frais d’exploi-tation globaux.

Le propriétaire-exploitant du CDSX, La Caissecanadienne de dépôt de valeurs Ltée (CDS), joueun rôle majeur dans la limitation du risque8. Cetteinstitution tient lieu de dépositaire central desvaleurs afin de faciliter les livraisons contre paie-ment, fait office de contrepartie centrale pourmaximiser l’efficacité des opérations de compen-sation, surveille l’application des exigences en ma-tière de nantissement pour assurer la résistance dusystème en cas de défaillance du plus gros débiteurnet et est responsable de la sécurité du système dupoint de vue opérationnel. Enfin, la CDS fixe unplafond au montant total de fonds que chaqueparticipant peut devoir au système, et ce, afin de

7. À la seule condition que les valeurs achetées soientadmissibles comme garanties au sein du CDSX.

8. La CDS est une institution privée sans but lucratifqui appartient à ses participants, les grandes banquescanadiennes, les bourses de valeurs mobilières et lescourtiers et négociants en valeurs mobilières.

Graphique 1

Opération sur titres type

Titres

CDS

Acheteur

Fonds

Fonds

Vendeur

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limiter les risques potentiels découlant d’unmanquement.

Une utilisation efficiente desgaranties

L’élément principal en vue de la limitation desrisques au sein du CDSX réside dans le fait que cesystème a été conçu pour résister à la défaillancedu plus gros débiteur net. Des plafonds sont im-posés au montant que les participants peuventdevoir à la contrepartie centrale. De plus, ces der-niers doivent fournir des sûretés pour couvrir leursobligations de paiement au sein du système. Dansle cas où les obligations de paiement ne sont pashonorées, les garanties serviront à obtenir les liqui-dités nécessaires au règlement, ce qui élimine lerisque de crédit. Certaines techniques ont pourbut de minimiser le coût de la constitution degaranties : les paiements sont compensés de façoncomptable, et les obligations de paiement ne sontassorties de garanties qu’à hauteur du montantnécessaire pour permettre au système de résister àla défaillance du plus gros débiteur net.

Le règlement des opérations sur titres comportedeux volets : un transfert de titres et un transfertde fonds9. Les titres et les fonds peuvent être l’unet l’autre — ou les deux — transférés sur une basebrute ou nette; dans ce dernier cas, un certainnombre d’opérations peuvent se compenser lesunes les autres. Pour les titres, le CDSX utilise uneméthode de règlement brut intrajournalier destitres : ceux-ci sont transférés en temps réel entreles deux participants lors du règlement de l’opéra-tion. Pour les fonds, toutefois, les positions sontcalculées sur une base nette, transaction par tran-saction, et le solde est réglé en fin de journée.

Afin que soient minimisées les obligations depaiement des participants en fin de journée, laCDS fait fonction de contrepartie centrale pour levolet fonds de chaque transaction. Le Graphique 1illustre une opération sur titres type : les titres sonttransférés directement du vendeur à l’acheteur, etla CDS devient la contrepartie pour le volet fondsde l’opération. Ainsi, les participants peuventeffectuer des transactions avec plusieurs autresparticipants tout au long de la journée et il n’y aen fin de journée qu’une seule obligation nette defonds à régler par participant : une obligation du

9. On peut citer comme exemple d’une opération sur titresl’achat par une caisse de retraite, auprès d’un investis-seur, de 100 actions à raison de 5 $ l’action. Cette opéra-tion entraîne pour l’investisseur l’obligation de livrer100 actions à la caisse de retraite en contrepartie d’unpaiement de 500 $ par cette dernière.

participant envers la CDS ou une obligation de laCDS envers le participant10.

La compensation diminue sensiblement les besoinsen nantissement, de sorte que, pour quelquemontant que ce soit d’opérations sur titres, lesfonds nécessaires au règlement sont beaucoupmoins élevés qu’ils ne l’auraient été autrement.Plus précisément, la compensation consiste àsoustraire les « achats » (positions négatives) des« ventes » (positions positives). Bien que les systèmesde compensation permettent une utilisation plusefficiente des liquidités, ils peuvent comporterdavantage de risques si les mécanismes utilisés nereposent pas sur un solide cadre juridique. AuCanada, la Loi sur la compensation et le règlementrenforce la validité juridique des opérations decompensation pour donner aux participantsl’assurance que ces mécanismes sauront résisterà la défaillance d’un participant. Ainsi, la com-pensation augmente l’efficience du système sansaccroître le risque.

Une deuxième méthode utilisée pour restreindrele plus possible les exigences en matière de nantis-sement est la mise en commun des sûretés. Parcette technique, les membres du groupe réunissentleurs sûretés en vue d’un usage commun et parta-gent les risques en garantissant les obligations desautres membres découlant de l’utilisation de la ré-serve commune. Chaque membre d’une réservecommune est habilité à avoir une position débi-trice nette (c.-à-d. à devoir des fonds à la CDS)égale à un pourcentage de la valeur utilisable detoutes les garanties formant la réserve en question11.

En cas de défaillance d’un membre d’un groupe,on procède à la vente des titres détenus dans laréserve commune pour que le système puisseeffectuer les règlements nécessaires. Si la positiondébitrice du membre défaillant est supérieure à lavaleur de liquidation des sûretés qu’il a verséesdans la réserve commune, les autres membres dugroupe sont tenus de régler l’obligation restantedu membre en question, laquelle découle de sonutilisation de la réserve. C’est pour cette raisonque l’on décrit souvent le système de réserve com-mune de garanties comme un système financé par

10. La CDS fait office de contrepartie centrale à la fois pourles volets fonds et les volets titres des opérations portantsur des obligations échéant à une date future, ainsi quepour certaines actions et certaines opérations transfron-talières. L’utilisation de plafonds et de garanties sert àréduire au minimum les risques (tels que le risque deprérèglement) auxquels la CDS peut être exposée.

11. La valeur utilisable d’une garantie est la valeur au marchéde chaque titre, diminuée d’un certain montant (une« quotité ») pour tenir compte de la variabilité des prixdu marché d’une journée à l’autre.

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les survivants, les institutions solvables du groupeassumant collectivement une part de responsabilitélorsqu’il y a défaillance d’un participant.

Le CDSX n’est pas uniquement un système financépar les survivants. Il fonctionne également beau-coup comme un régime financé par les défaillants,car chaque participant doit constituer individuel-lement un nantissement de titres pour couvrir sespropres obligations de paiement.

Instruments pouvant servir degarantie

La valeur attribuée aux titres cédés en nantisse-ment au système est ajustée pour couvrir le risquequ’en cas de manquement d’un participant, cesavoirs ne puissent être vendus contre espèces(liquidés) à un prix proche de leur valeur mar-chande au moment où ils ont été donnés ennantissement. Si les espèces étaient la seulegarantie acceptable, ce problème n’existerait pas.Toutefois, comme cette forme de garantie est trèscoûteuse, le CDSX accepte également en nantisse-ment les titres, dont la valeur au marché peutfluctuer. Ainsi, le CDSX doit être conçu de façonà ce qu’il y ait une très forte probabilité que l’onpuisse liquider toutes les garanties au moment op-portun pour un montant égal ou supérieur à la va-leur assignée aux titres dans le système.

Divers types de titres sont acceptés comme sûretésdans le CDSX, dont les suivants : les obligations etbons du Trésor du gouvernement du Canada, lesobligations émises par les provinces, les obligationsgaranties par le gouvernement fédéral et les provinceset certaines obligations de société. En cas de défautde paiement, les garanties serviraient à obtenir desfonds couvrant le solde négatif en fonds du dé-faillant pour permettre au système de procéder aurèglement, et elles seraient vendues plus tard. L’ex-ploitant du système doit donc être raisonnable-ment sûr que la valeur donnée aux titres utiliséscomme garanties n’est pas plus élevée que le mon-tant minimum attendu de la vente des avoirs con-cernés. Toutefois, il est impossible de déterminerce montant avec certitude, car la valeur marchandedes titres varie de jour en jour. Par conséquent, lavaleur des titres pouvant servir de garanties doit êtreégale à la valeur marchande du moment, diminuéed’un facteur tenant compte de la variabilité attenduedu marché en fonction des rendements passés. Cefacteur est connu sous l’appellation de « quotité ».La quotité diffère selon les titres et doit tenir comptei) de la fiabilité de l’évaluation qui est faite du prixdu titre sur le marché, ii) de la possibilité que lescours soient à la baisse le jour où les titres sont li-

quidés, et iii) du nombre estimatif de jours néces-saires pour effectuer la liquidation.

Livraison contre paiement

Le système est créé pour éliminer le risque de prin-cipal, à savoir celui qu’une partie à la transactionhonore les obligations découlant pour elle del’échange convenu, mais ne reçoive pas le produitde la vente effectuée ou l’avoir qu’elle a acheté.Pour éliminer ce risque, le CDSX utilise un systèmede livraison contre paiement en temps réel dans lecadre duquel les transferts de titres et les transfertsde fonds sont liés de façon telle que la livraison nese produit que si, et seulement si, le paiement esteffectué (BRI, 2001b). Les participants ont ainsil’assurance que les transactions terminées le sontde la façon convenue.

Participation à plusieurs niveaux

Un autre mécanisme de contrôle du risque dansle CDSX est la participation à plusieurs niveaux,où certains participants — ceux qui accordent ducrédit — font office de banquiers et de cautionpour d’autres participants — ceux qui reçoiventle crédit. Dans le premier groupe, on trouve lesgrandes banques et, de façon limitée, la Caissecentrale Desjardins du Québec. Le second estconstitué des courtiers en valeurs mobilières etdes plus petites institutions financières.

La principale raison pour laquelle un système àplusieurs niveaux a été choisi est qu’il permetd’utiliser le STPGV, un système de paiement bienprotégé contre le risque pour effectuer l’échangede fonds en fin de journée. Pour participer à cetéchange, les participants doivent avoir des comptesSTPGV à la Banque du Canada. Vu qu’il n’est pasrentable pour certains petits établissements dedétenir de tels comptes, la participation à plusieursniveaux leur donne accès au STPGV à un moindrecoût. La Banque du Canada fait également officed’agent de règlement pour le CDSX, ce qui éliminele risque du banquier.

Les bénéficiaires de crédit sont tenus de faire garantirleurs obligations par un fournisseur de crédit, desorte que seul un petit groupe de participants a desobligations directes envers la CDS12.

Mécanismes opérationnelsd’urgence

Le système financier canadien est tributaire duCDSX. Il importe donc que ce système soit en

12. Les bénéficiaires de crédit sont tenus d’avoir auprès d’unfournisseur de crédit une ligne de crédit pour couvrirleurs obligations de paiement.

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mesure de fonctionner dans toutes les circons-tances raisonnables et de reprendre rapidementses activités si une interruption quelconque devaitse produire13. En d’autres termes, il doit être adé-quatement protégé du risque opérationnel. LaCDS a mis au point l’ensemble de ses systèmesessentiels de façon à ce qu’ils soient extrêmementfiables et capables de traiter de lourds volumes.Les mesures de limitation du risque opérationnelcomprennent aussi des plans d’urgence pour lessystèmes clés — notamment la planification de lareprise des activités et la mise en place d’un centrede données externe — qui devraient permettre unrétablissement des activités du CDSX dans lesdeux heures en cas d’interruption des opérationsau site principal. Ce processus est supervisé par lesvérificateurs tant internes qu’externes, lesquelsexaminent les mécanismes de contrôle du risqueopérationnel, pour s’assurer qu’ils sont suffisantset constamment appliqués.

La période de transitionLes avantages considérables d’un système unifiéde compensation et de règlement sûr et plus effi-cient à long terme s’accompagnent de coûts detransition assez substantiels. La mise en place demesures de contrôle des risques similaires à cellesque comporte le SECTEM représente un certainnombre de défis pour quelques participants. C’estle cas en particulier des établissements qui, dans lepassé, utilisaient exclusivement le Service de règle-ment des valeurs, lequel s’appuyait sur des techni-ques de réduction des risques moins rigoureusesque le CDSX.

Pour aider les participants peu habitués aux modesde contrôle des risques du SECTEM à s’adapter auxnouvelles exigences, la mise en œuvre du CDSXcomporte une période de transition qui dureradouze mois. Le système a été désigné en vertu dela Loi sur la compensation et le règlement et sera assu-jetti à des contrôles exhaustifs en matière de risque.Dans certains cas, la protection contre le risquedurant la période de transition diffère de celle quisera exigée quand le CDSX sera mis en service demanière permanente, mais elle est tout aussi effi-cace. Au terme de la période de transition, tous leschangements à la structure originale du CDSX quiseront jugés nécessaires et compatibles avec lesmécanismes acceptables de limitation du risqueseront apportés.

13. Pour plus de renseignements sur la planificationde la poursuite des opérations dans les systèmes decompensation et de règlement canadiens, voir l’articlede Allenby publié à la page 57 du présent numéro.

L’évolution futureLa venue du CDSX constitue un changementmajeur sur le marché des valeurs canadien. LeCDSX est un système sûr et efficient et, avec samise en service, la compensation et le règlementde presque tous les titres tombent sous la surveillan-ce officielle de la Banque du Canada en vertu de laLoi sur la compensation et le règlement des paiements.

La mise en service du CDSX ne marque aucunementla fin de l’évolution des mécanismes de compen-sation et de règlement des valeurs canadiennes.Bien qu’il offre un haut degré de limitation desrisques, d’autres gains d’efficience sont possibles.À l’échelle internationale, il faudra réaliser deuximportants projets si l’on veut améliorer l’efficiencedes opérations de compensation et de règlementdes titres. Le premier consistera à automatiser inté-gralement l’information relative aux échanges, desorte que les opérations sur titres puissent être exé-cutées rapidement et sans intervention manuelle(« traitement ininterrompu »). Le second est lastandardisation de l’information et des processus,afin que la compensation et le règlement des titrespuissent s’effectuer de façon transparente (discon-tinue) à l’échelle internationale. Selon toute proba-bilité, les prochains grands changements quitoucheront la négociation des valeurs ainsi queles mécanismes de compensation et de règlementdevraient donc permettre d’accroître l’efficience etde faciliter les opérations sur un marché à caractèrede plus en plus mondial.

BibliographieAllenby, R. (2003). « La planification de la

poursuite des activités des systèmes decompensation et de règlement : uneapproche systémique », Revue du systèmefinancier de la Banque du Canada, présentelivraison.

Banque des Règlements Internationaux (BRI)(2001a). Principes fondamentaux pour lessystèmes de paiement d’importance systémique,Publication no 43 du Comité sur les systèmesde paiement et de règlement, Bâle (janvier).

———(2001b). Recommandations pour les systèmesde règlement de valeurs, Publication no 46du Comité sur les systèmes de paiement etde règlement, Bâle (novembre).

Miller, P., et C. A. Northcott (2002). « La CLSBank : gérer le risque de non-règlementdes opérations de change », Revue du systèmefinancier de la Banque du Canada (décembre),p. 41-44.

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Sommaires

de travaux

de recherche

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Introduction

es chercheurs de la Banque du Canada ontpour tâche d’améliorer par leurs études la con-naissance et la compréhension des systèmes fi-nanciers canadien et international. Ce travail

se fait souvent à partir d’une approche systémique quimet l’accent sur les liens entre les différentes parties dusystème financier (institutions, marchés et systèmes decompensation et de règlement). Parmi les autres liensimportants, il y a, d’une part, ceux existant entre lesystème financier canadien et le reste de l’économie et,d’autre part, ceux établis à l’échelle internationale,entre autres avec le système financier international.La présente section donne un aperçu de quelques-unsdes derniers travaux de recherche de la Banque.

Le marché américain des prêts consortiaux, où lesbanques canadiennes jouent un rôle de plus enplus actif, représente aujourd’hui des engagements(effectifs ou potentiels) de quelque 2 billions dedollars É.-U. Il existe aussi un marché des prêtsconsortiaux au Canada, mais de taille beaucoupplus petite. L’essor continu de ces marchés est unautre exemple de l’innovation constante qui carac-térise le paysage financier. Le premier article de lasection traite de l’évolution récente du marchédes prêts consortiaux en Amérique du Nord, deson incidence sur la relation emprunteur-prêteuret des risques que cette forme de crédit peut com-porter pour les banques participantes.

Les marchés financiers sont de plus en plus mon-dialisés. Dans ce contexte, on pourrait craindreque les marchés de capitaux canadiens ne perdentprogressivement de leur importance si les sociétéscanadiennes qui empruntent se tournent de plusen plus vers les marchés financiers étrangers pourse procurer les fonds dont elles ont besoin. Les en-treprises canadiennes recourent depuis longtempsaux marchés de capitaux extérieurs. Dans l’articleintitulé Marchés de capitaux privés : la délocalisationa-t-elle commencé?, les auteurs tentent d’établir si,au cours des dernières décennies, il y a eu un dépla-cement perceptible des opérations de financementdes sociétés canadiennes vers les marchés étrangers.

Les systèmes canadiens de compensation et derèglement évoluent aussi à l’intérieur de marchés

Lfinanciers toujours plus mondialisés et complexes,ce qui a des répercussions sur la nature et la gravitééventuelle des problèmes opérationnels pouvantsurvenir au sein de ces systèmes. L’article intituléLa gestion du risque opérationnel lié aux systèmes decompensation et de règlement expose une approchedynamique en matière de gestion du risque opéra-tionnel, dont l’un des éléments clés consiste enl’élaboration de meilleurs indicateurs de risque.

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L’évolution du marché des prêts consortiauxen Amérique du NordJim Armstrong

e crédit consortial, qui se situe àla confluence des services bancairescommerciaux et des services bancairesd’investissement, est l’une des sources de

financement les plus importantes et les plus sou-ples qui soient. Utilisé par les pouvoirs publics de-puis des décennies déjà, il est devenu, depuis unevingtaine d’années, un mode de financement depremier plan pour les entreprises de grande tailleet même, de plus en plus, pour celles de taillemoyenne1. Bien que le marché des prêts consor-tiaux n’ait cessé d’évoluer au fil des ans, il a connudes mutations spectaculaires depuis le début desannées 1990, surtout aux États-Unis, la transpa-rence et la liquidité accrues ayant améliorél’efficience du marché du crédit et rapproché cedernier des marchés de valeurs mobilières à biendes égards.

Les grandes banques canadiennes sont mainte-nant très présentes sur le marché mondial desprêts consortiaux, particulièrement au sud de lafrontière, et elles assument des risques de créditconsidérables. Le marché canadien du crédit con-sortial n’est pas aussi développé que son pendantaméricain sur le plan des caractéristiques qu’ilprésente ou de la diversité des opérateurs. Il ensubit toutefois l’influence et l’on s’attend à ce qu’ilcontinue de gagner en importance.

Principales caractéristiquesEn termes généraux, on définit un consortium deprêt comme le regroupement de plusieurs établis-sements de crédit (souvent une dizaine ou plus)qui s’entendent pour offrir une facilité de crédit àun emprunteur (Dennis et Mullineaux, 2000)2.

1. Le présent article constitue un résumé d’un documentde travail publié récemment par la Banque du Canada(Armstrong, 2003).

2. Sur le marché américain des prêts consortiaux, il n’estpas rare de voir des consortiums réunissant de 50 à60 établissements. Sur le marché canadien, les con-sortiums sont généralement de taille beaucoup plusmodeste et rassemblent habituellement de sept à dixparticipants.

LBien qu’il existe de nombreuses formes de consor-tiums, la structure de base comprend un chef defile (la banque mandataire), qui représente ungroupe de prêteurs (les banques participantes)et qui dirige l’opération en leur nom.

Presque tous les types de prêts ou de facilités decrédit aux entreprises peuvent être octroyés par unconsortium. C’est le cas, par exemple, des prêts àterme, du crédit renouvelable (qui donne à l’em-prunteur le droit, mais non l’obligation, de s’enprévaloir) et du crédit de soutien (lignes de créditdont on s’attend qu’elles ne soient utilisées quedans des circonstances exceptionnelles, comme àl’occasion de perturbations du marché). D’autresfacilités plus spécialisées, telles que les prêtsà la construction, les prêts à l’exportation et lecrédit-relais, peuvent aussi être offertes par desconsortiums.

Les facilités de crédit consortial comportent habi-tuellement des échéances moyennes (soit de un àcinq ans), quoique l’éventail des échéances puissevarier de trois mois à vingt ans. En général, elles sontassorties d’un taux d’intérêt variable, contrairementaux instruments à taux fixe que l’on trouve fré-quemment sur les marchés des titres d’emprunt,et ce taux est revu mensuellement ou tous les deux,trois ou six mois. Les montages consortiaux d’en-vergure se composent normalement de tranchesmultiples, chacune ayant ses propres modalitéset caractéristiques et étant conçue à l’intentiond’investisseurs différents.

Les prêts consortiaux s’apparentent à plusieurségards à certains autres instruments de transfertdu risque de crédit qui ont été créés au cours dela dernière décennie et qui permettent aux opéra-teurs des marchés financiers de moduler avec plusde précision leur exposition au risque de crédit.Les actifs titrisés et les produits dérivés de crédit ensont deux exemples qui connaissent actuellementun essor rapide3.

3. Voir l’article de John Kiff dans la présente livraison(p. 35) pour une analyse des instruments de transfert durisque de crédit.

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Sommaires de travaux de recherche

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Évolution de la relation decréditPendant longtemps en Amérique du Nord, demanière générale avant la fin des années 1980, lesprêts aux entreprises consistaient principalementen une série d’ententes bilatérales conclues entrel’emprunteur et une ou plusieurs banques indi-viduelles (Graphique 1-A). Ces ententes étaientparfois complétées par la mise sur pied d’une faci-lité de prêt consortial ad hoc lorsque le montantdu financement nécessitait la participation d’unplus grand nombre de banques. Cet ancêtre dumarché des prêts consortiaux était essentiellementun marché fermé, sans transparence ni liquidité(Asarnow et McAdams, 1998).

En comparaison, le marché actuel du crédit con-sortial dans sa forme la plus achevée (aux États-Unis et, de plus en plus, dans d’autres pays) faitappel à un mécanisme de placement hautementconcurrentiel, semblable à celui qui est utilisépour la vente initiale d’actions et d’obligations4.Ce mécanisme est soutenu par un marché secon-daire dynamique — dans lequel les prêts sontnégociés — de manière à faciliter les rectificationsde tir après la phase de placement initial. Lemarché actuel des prêts aux entreprises présentedonc nombre des caractéristiques des marchésde valeurs mobilières.

Les prêts consortiaux sont accordés à la pièce etpris en charge par des regroupements de prêteurs(Graphique 1-B). D’aucuns sont d’avis que, dansun tel contexte, le crédit est moins axé sur la rela-tion entre l’emprunteur et le prêteur, et beaucoupplus sur la transaction en tant que telle. Les moda-lités seraient par conséquent établies davantage enfonction de la nature du financement et des con-ditions du marché au moment où le consortiumest formé, plutôt qu’en fonction du rapport quiexiste entre l’emprunteur et le prêteur. Cette thèsecomporte une part de vérité, surtout lorsque lechef de file du consortium est une banque d’inves-tissement. Néanmoins, les banques commercialessoutiennent que leur décision de consentir un prêtà une entreprise, dans le cadre d’un consortiumou d’une entente bilatérale, dépend largement dela rentabilité de leur relation globale avec le client.Les prêts consortiaux réunissent donc des élé-ments propres à chacune de ces formules, en cesens que le chef de file analyse et suit de près les

4. Les banques se livrent souvent concurrence pour obtenirle mandat de gérer, à titre de chef de file, un montageconsortial proposé par un emprunteur. Une banquechef de file peut aussi prendre elle-même l’initiative deprésenter une proposition de financement à un emprunteurpotentiel.

Graphique 1Les prêts bancaires aux sociétés, d’hier à aujourd’hui

A. Hier : ententes bilatérales

B. Aujourd’hui : ententes multilatérales

Société

Banque 1Banque 2

Banque 3

Société Chef de file

Banque 1Banque 2Banque 3Banque 4Banque 5Banque 6Banque 7Banque 8

...Banque m

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activités de l’emprunteur à l’intérieur d’une relationtraditionnelle, pour ensuite vendre ou prendre fermeune partie ou la totalité du financement selonun mécanisme qui rappelle le fonctionnement desmarchés de capitaux (Dennis et Mullineaux,2000).

Évolution du marchéLe marché américain des prêts consortiaux, dontl’encours des crédits (utilisés ou non) totaliseactuellement près de deux billions de dollars(tableau ci-contre), est celui qui offre les caracté-ristiques les plus avancées en matière de créditconsortial aux entreprises. Ce marché a connuune expansion rapide pendant la plus grandepartie des années 1990, quoique son rythme decroissance ait ralenti récemment. Il est de loin leplus imposant au monde sous l’angle des émis-sions brutes (Graphique 2).

Nombre des caractéristiques du marché contem-porain du financement consortial aux États-Unistirent leur origine de la période de restructurationsd’entreprises, de rachats stratégiques et d’acquisi-tions par emprunt qui a débuté dans les années1980, durant laquelle les prêteurs cherchaientdes moyens plus efficaces de gérer leurs risquesde crédit, en forte augmentation. Ce marché acontinué de se développer durant les années 1990,et aujourd’hui, le marché mondial des prêts con-sortiaux est beaucoup plus transparent et efficientqu’auparavant, comme en témoignent l’évolutionrapide des ententes normalisées entre institutionset la diversité accrue des opérateurs.

Parmi les événements marquants des 10 à15 dernières années qui ont contribué à l’évolu-tion du marché américain des prêts consortiaux,citons les suivants :

• L’émergence d’un groupe de grandes banquesconsortiales qui fonctionnent davantage à lamanière de banques d’investissement que debanques commerciales, et qui tirent leursrevenus de la gestion de consortiums, plutôtque des écarts de taux d’intérêt sur des prêtsconservés jusqu’à l’échéance.

• La vive expansion du segment spéculatif dumarché, qui offre une meilleure rétributionaux preneurs fermes et des rendements plusélevés aux investisseurs que le segment destitres de bonne qualité. Les risques potentielssont cependant plus grands.

• L’émergence des prêts comme nouvelle caté-gorie d’actif dotée de caractéristiques de place-ment particulières et attirant des investisseursinstitutionnels autres que des banques. Cette

Tableau 1

Ampleur du marché américain des prêts consortiaux,selon les données du Shared National Credit Programdes États-Unis

Source : Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale

1998 1999 2000 2001 2002

Valeur des facilités(en milliards dedollars É.-U.) 1 759 1 829 1 950 2 050 1 900

Nombre de facilités 10 389 8 974 9 848 10 146 9 328

Nombre d’emprun-teurs

6 710 5 587 5 844 5 870 5 542

Graphique 2Marché mondial des prêts consortiaux

Émissions par région d’établissement des emprunteurs, de1995 à 1999

Source : T. Rhodes, Syndicated Lending Practice andDocumentation, Londres, Euromoney Books, 2000,tableau 1.8

5 % Asie

4 % Canada

69 % États-Unis

22 % Royaume-Uni /Europe de l’Ouest

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Sommaires de travaux de recherche

innovation a été facilitée par le fait que,depuis 1996, les principales agences de nota-tion cotent les prêts. La création d’indices decours et de taux de rendement reconnus quifacilitent les comparaisons avec d’autres caté-gories d’actif a également joué un rôle.

• La croissance d’un marché secondaire dyna-mique et relativement liquide pour les prêts,soutenu par des ententes de négociationnormalisées.

Facteurs de risqueLes changements majeurs que connaissent les ins-truments et les marchés financiers peuvent poserdes risques susceptibles de nuire aux institutionsfinancières individuelles. Nous abordons ici deuxdes préoccupations qui ont été soulevées relative-ment au marché actuel du crédit consortial.

Asymétrie de l’information

Le rôle des banques chefs de file s’est transforméau cours des ans, passant de la représentation d’ungroupe de banques se partageant l’octroi d’un prêtimportant à la médiation entre les intérêts conflic-tuels du client — l’emprunteur — et des banquesparticipantes. Si le chef de file possède plus derenseignements que les autres membres du con-sortium, il se peut qu’il s’attribue par opportu-nisme la meilleure part, en se réservant par exemplerelativement plus de prêts de bonne qualité etmoins de prêts de qualité inférieure qu’il ne pour-rait si toutes les parties disposaient de la même in-formation. Les études empiriques effectuées à cejour n’ont cependant pas permis d’établir l’exis-tence de tels abus de la part des chefs de file5.

Risques liés à l’« engagementferme » dans le cadre d’une priseferme

Il n’est pas rare qu’un chef de file s’engage à prendreferme la totalité d’un prêt et qu’il en vende ensuitedes tranches aux autres membres du consortium.Cet engagement ferme est bien différent du place-ment pour compte, où le chef de file convient dene conserver qu’une tranche minimale désignéedu montage prévu, le solde étant réparti ou

5. Simons (1993) constate en fait que la part d’un montageconsortial retenue par le chef de file augmente à mesureque la qualité du crédit diminue. Une analyse plusrécente, effectuée par Jones, Lang et Nigro (2000), portesur un vaste échantillon de données relatives à des prêtsrecueillies de 1995 à 1999. Les auteurs en concluent queles banques mandataires ont tendance à conserver uneplus grande part des prêts de qualité moindre, ce quiréfute la thèse de l’opportunisme.

commercialisé au sein d’un groupe de banqueset d’autres établissements.

L’engagement ferme revêt souvent une importanceprimordiale pour l’emprunteur, qui a besoind’avoir l’assurance qu’il obtiendra les fonds néces-saires pour réaliser une fusion, une acquisition ouune autre opération stratégique imminente. Labanque chef de file assume alors le risque qued’autres prêteurs ne se joignent pas à elle.

Les ententes contractuelles ont toutefois évoluéet permettent maintenant d’atténuer certains desrisques rattachés aux engagements fermes. Ainsi,il semble que la plupart des conventions de prêtconsortial renferment désormais des dispositionsrelatives aux changements négatifs importants,qui précisent les différents motifs légitimes qu’unprêteur peut invoquer pour rétracter son engage-ment. Une autre innovation, plus récente celle-là,est la tarification modulable au gré du marché.Ce type de tarification a pour but d’aider le chefde file à gérer le risque de marché normal6 en luidonnant la latitude nécessaire pour faire varierd’un certain nombre de points de base l’écart parrapport au taux de référence du prêt (par ex. leLIBOR ou le taux préférentiel), selon l’évolutiondes conditions du marché entre l’annonce et laconclusion du prêt7.

ConclusionL’évolution rapide du marché du crédit consortialau cours des quelque dix dernières années a con-tribué à accroître l’efficience et la transparence desmarchés des prêts aux entreprises. Le développe-ment de ces marchés participe de l’essor desmarchés du transfert du risque de crédit, dontceux des produits dérivés de crédit et de la titrisa-tion. L’évolution du crédit consortial souligneaussi un changement important dans le domainebancaire, soit le fait que les prêts s’apparentent deplus en plus à des valeurs négociables.

Lorsque les instruments et les marchés financierssubissent des mutations d’envergure, ils peuventprésenter des risques qui doivent être suivis deprès. Dans le cas des prêts consortiaux, même sicertaines innovations récentes peuvent entraînerdes risques, elles peuvent aussi aider à mieuxrépartir le risque de crédit, ce qui devrait favoriserla stabilité financière.

6. La tarification modulable au gré du marché sembleêtre devenue monnaie courante après la déroute desmarchés qui a suivi la défaillance de la Russie et le quasi-effondrement du fonds spéculatif LTCM à la fin de 1998.

7. La tarification modulable au gré du marché peut être àl’avantage des emprunteurs si les conditions du marchés’améliorent durant cette période.

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Revue du système f inancier

BibliographieArmstrong, J. (2003). « The Syndicated Loan

Market: Important Developments in theNorth American Context », document detravail no 2003-15, Banque du Canada.

Asarnow, E., et M. McAdams (1998). « CorporateLoan Portfolio Management ». In : BankLoans: Secondary Market and PortfolioManagement, publié sous la direction deFrank J. Fabozzi, New Hope (Pennsylvanie),Frank J. Fabozzi Associates, p. 171-179.

Dennis, S., et D. Mullineaux (2000). « SyndicatedLoans », Journal of Financial Intermediation,vol. 9, p. 404-426.

Jones, J., W. Lang et P. Nigro (2000). « RecentTrends in Bank Loan Syndications: Evidencefor 1995 to 1999 », document de travailno WP2000-10, Economic and PolicyAnalysis, Office of the Comptroller of theCurrency.

Kiff, J. (2003). « L’évolution récente des mar-chés du transfert du risque de crédit », Revuedu système financier de la Banque du Canada,présente livraison.

Simons, K. (1993). « Why Do Banks SyndicateLoans? », New England Economic Review(janvier-février), p. 45-52.

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Revue du système f inancier

Marchés de capitaux privés : ladélocalisation a-t-elle commencé?Charles Freedman et Walter Engert*

u fur et à mesure que les économies semondialisent, certains observateurs s’in-terrogent sur l’avenir des marchés bour-siers et obligataires des pays situés en

périphérie des principaux marchés financiersmondiaux. Les marchés de ces pays existeront-ils encore et continueront-ils de prospérer, oul’activité se déplacera-t-elle de plus en plus versceux d’autres pays? Dans le cas du Canada, noussavons que les sociétés canadiennes empruntentde fortes sommes d’argent sur les marchés obliga-taires des États-Unis et qu’un nombre appréciablede nos grandes entreprises font inscrire leurs titrestant à des bourses américaines qu’à des boursescanadiennes. Est-ce là le prélude d’un déclin continude l’importance des marchés financiers canadiens,ou simplement le reflet d’un état de choses ancienet durable, dans lequel les sociétés canadiennes setournent vers les marchés financiers des deux côtésde la frontière pour se procurer les capitaux dontelles ont besoin?

Les marchés obligatairesPour répondre à ces questions, examinons d’abordles habitudes d’emprunt des sociétés canadiennesau cours des 25 dernières années. Le Graphique 1montre la répartition de l’encours des obligationsémises par les entreprises financières et non finan-cières canadiennes (y compris les sociétés d’État)1.

Durant la première décennie de la période visée(soit de 1975 à 1985), une part décroissante, maistoujours bien supérieure à la moitié, de l’encoursdes émissions ont été libellées en dollars canadienset placées au Canada. Depuis le milieu des années1980, ce ratio s’est maintenu aux alentours de50 %. La part de l’encours des obligations libelléesen dollars É.-U. et émises sur le marché américaina augmenté quant à elle pendant les années 1990,

1. Les données englobent les émissions de titres adossés àdes actifs.

* La présente note s’inspire d’une étude réalisée parFreedman et Engert (à paraître en 2003) sur l’évolutionfinancière au Canada.

A Graphique 1Répartition de l’encours des obligations émises par lessociétés canadiennes

%

0

20

40

60

80

1975 1980 1985 1990 1995 2000

Autres

Euro$ É.-U.

0

20

40

60

80

Euro$CAN

$ É.-U.

$ CAN

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Sommaires de travaux de recherche

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mais au détriment des autres types d’émissionsobligataires2. Quand on pense que la dépréciationdu dollar canadien a fait gonfler la valeur des titresen monnaies étrangères durant cette période, il estimpressionnant de constater que les émissions endollars canadiens placées au pays ont toujoursreprésenté à peu près le même pourcentage dutotal au cours des 15 à 20 dernières années.

L’analyse du montant net des nouvelles émissionsdurant la période (Graphique 2) est également révé-latrice. Même si elles affichent un profil en dentsde scie, ces données montrent en effet que, pourl’ensemble des sociétés, la proportion d’obliga-tions émises au Canada depuis 15 ans — bienqu’inférieure à celle observée avant le milieu desannées 1970 — s’est maintenue somme toute àenviron la moitié du total.

Il convient de souligner aussi que les émissionsd’obligations de sociétés, de façon générale et surtous les marchés, se sont accrues rapidement dansles années 1990 (comme en font foi les chiffres duGraphique 2). Eu égard au faible taux d’inflationet donc au taux de croissance relativement bas duPIB nominal au cours de la période, l’essor de cesémissions est pour le moins saisissant. En pour-centage du PIB, l’encours des obligations de sociétéslibellées en dollars canadiens est passé de 9,0 en1991 à 10,0 % en 1996, puis à 16,5 % en 2001.L’essentiel de l’augmentation est par conséquentsurvenue durant la deuxième moitié de la période(de 1996 à 2001), soit lorsque le gouvernementfédéral a commencé à dégager des excédents bud-gétaires et à s’adresser moins fréquemment aumarché obligataire canadien.

Au cours des années 1996 à 2001, la dette du gou-vernement fédéral libellée en dollars canadiens adiminué en valeur absolue, tandis que les émissionsobligataires des sociétés ont monté en flèche.Pendant ce temps, les gouvernements provinciauxdélaissaient les emprunts en monnaies étrangèresau profit de l’émission de titres en dollars canadiens.Résultat : entre 1996 et 2001, la dette en dollarscanadiens hors émissions du gouvernement fédérals’accroissait de 54 %, alors que le total de la dettelibellée en dollars canadiens (c.-à-d. émissions dugouvernement fédéral comprises) augmentait de28 %, soit une progression semblable à celle duPIB nominal. Les autres émetteurs n’ont donc pas

2. Ces autres types d’émissions comprennent les obliga-tions en eurodollars canadiens (émissions libellées endollars canadiens placées à l’extérieur du Canada), lesobligations en eurodollars É.-U. (émissions libelléesen dollars É.-U. placées à l’extérieur des États-Unis) etles obligations libellées dans d’autres monnaies.

Graphique 2Nouvelles émissions nettes d’obligations des sociétés

Milliards de $ CAN %

-10

0

10

20

30

40

50

60

70

0

20

40

60

80

100

120

140

160

1955 1965 1975 1985 1995

Pourcentage des émissions placées au Canada(échelle de droite)Émissions placées à l’étranger (échelle de gauche)Émissions placées au Canada (échelle de gauche)

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tardé à occuper le terrain laissé vacant par le gou-vernement fédéral3.

Les marchés boursiersOn assiste depuis 15 ans à un recours accru auxplacements à l’étranger de nouvelles émissionsnettes d’actions, mais ces placements représententtoujours une part relativement faible, quoique trèsvariable, du total; celle-ci a été de 12 % en moyennedurant les cinq dernières années (Graphique 3)4.Aussi, bien que la proportion des nouvelles émis-sions nettes d’actions hors du pays ait eu tendanceà augmenter récemment, la grande majorité desnouvelles émissions nettes d’actions est encoreplacée au Canada.

Dans les années 1990, le nombre d’émissionsd’actions de sociétés canadiennes cotées à la foisà des bourses canadiennes et américaines a forte-ment progressé, et a atteint un sommet en 1998.Toutefois, lorsqu’on jette un coup d’œil sur lenombre d’actions inscrites à la Bourse de Toronto,on constate que le pourcentage de ces sociétés inter-cotées ne s’est accru que modestement depuis unequinzaine d’années, étant passé de 12 % environau milieu des années 1980 à quelque 15 %récemment5.

En chiffres absolus, les opérations sur les titresintercotés qui sont effectuées à des bourses améri-caines ont aussi connu une hausse, tant en valeurqu’en volume, au cours de la dernière décennie.Cependant, depuis le milieu des années 1980, lapart des bourses américaines dans la valeur destransactions portant sur des titres intercotés estrestée relativement stable : elle a oscillé entre 40 et50 % au cours des quelque 20 dernières années.

Enfin, le nombre de sociétés canadiennes inscritesexclusivement à des bourses américaines a diminuéde façon constante du milieu des années 1990jusqu’en 2002 inclusivement.

Pourquoi emprunter sur lesmarchés étrangers?Les entreprises canadiennes ont recours depuislongtemps aux marchés de capitaux étrangers, sur-tout aux marchés des titres à revenu fixe. Qu’est-ce qui les incite à se tourner vers ces marchés, etparticulièrement vers ceux des États-Unis?

3. Voir à ce sujet l’article de Chouinard et Lalani (2001-2002).

4. Ces données englobent les émissions de fiducies deplacement.

5. Mesuré à l’aune de la capitalisation boursière, le pour-centage serait probablement plus élevé.

Graphique 3Nouvelles émissions nettes d’actions des sociétés

Milliards de $ CAN %

-5

0

5

10

15

20

25

30

35

75

80

85

90

95

100

105

110

115

1955 1965 1975 1985 1995

Pourcentage des émissions placéesau Canada (échelle de droite)Émissions placées à l’étranger(échelle de gauche)Émissions placées au Canada(échelle de gauche)

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En premier lieu, les marchés américains de capitauxsont plus profonds et plus liquides, ce qui permetpeut-être à certaines entreprises canadiennes de s’yfinancer à meilleur marché (et peut attirer égalementles investisseurs canadiens). Ainsi, les sociétés quitentent de mobiliser des capitaux considérablessont plus susceptibles d’émettre des titres sur lemarché américain que canadien. De même, lesentreprises canadiennes sont plus enclines à faireappel au marché américain lorsque le marchénational doit absorber d’importantes émissionsd’emprunt.

En deuxième lieu, les grandes places financièresdes États-Unis semblent posséder un savoir-faireplus développé en matière de montage d’opéra-tions, d’établissement des prix et de placementdes titres. Aussi les instruments plus complexes età haut risque (comme les titres à rendement élevé)ont-ils tendance à être concentrés sur les marchésaméricains.

Un troisième facteur pourrait être la protection(la « couverture naturelle ») que les exportateurscanadiens obtiennent contre les fluctuations défa-vorables du taux de change en empruntant desdollars américains. Par suite de l’essor des échangescommerciaux entre le Canada et les États-Unis cesdernières années, ce facteur a peut-être gagné enimportance. De la même façon, les sociétés cana-diennes qui songent à effectuer des investisse-ments directs au sud de la frontière prendronten considération la couverture naturelle qu’ellespeuvent s’assurer en libellant leurs titres d’emprunten dollars É.-U.

En quatrième lieu, il se peut que la réglementationdes marchés financiers au Canada soit moins effi-ciente qu’elle pourrait l’être et se trouve ainsi àentraver l’activité sur les marchés de capitaux auCanada6. Bien que, d’une manière générale, lesentreprises canadiennes puissent se procurer facile-ment des capitaux en émettant des titres à revenufixe et des actions à l’étranger, l’inefficience pos-sible de la réglementation des marchés de capitauxau Canada demeure une préoccupation pour lespouvoirs publics. C’est pourquoi les autorités fé-dérales et provinciales et les acteurs du marchés’emploient à améliorer l’efficience et l’efficacitéde cette réglementation et à faciliter ainsi le finan-cement des sociétés au Canada.

Enfin, jusqu’au milieu des années 1990, les fortsvolumes d’émission des obligations d’État auCanada avaient un effet d’éviction sur les titresde sociétés.

6. Pour obtenir un aperçu des enjeux et des approchespossibles, voir Harris (2002) et MacKay (2002).

ConclusionsVoici les principales conclusions qui se dégagentdes données :

• Les sociétés canadiennes ont largement faitappel aux marchés étrangers des titres à revenufixe depuis le début des années 1980.

• Cependant, la part des émissions obligatairesde sociétés libellées en dollars canadiens (etplacées au Canada) est demeurée relativementstable depuis une quinzaine d’années, repré-sentant environ la moitié du total.

• Bien que les émetteurs d’actions canadienness’adressent de plus en plus aux marchés étran-gers, leur recours à ces derniers reste limité.

• Le pourcentage de sociétés canadiennes cotéesà la fois à des bourses canadiennes et améri-caines n’a augmenté que légèrement au coursde la dernière décennie et s’établit actuelle-ment à quelque 15 %. Qui plus est, la partdes bourses américaines dans les opérationssur les actions intercotées s’est peu modifiéedepuis le milieu des années 1980.

• On observe une tendance à la baisse du nombrede sociétés inscrites exclusivement à la cote debourses américaines.

Ainsi, bien que les sociétés canadiennes se tournentun peu plus vers les sources de financement étran-gères depuis une dizaine d’années, les chiffres pré-sentés ici ne donnent pas à penser qu’elles aientdéserté les marchés canadiens de capitaux ou déloca-lisé leurs activités de financement ces dernièresannées. Cela dit, d’autres observateurs tirent desconclusions plus pessimistes et restent préoccupésquant à l’avenir de nos marchés.

En outre, tant et aussi longtemps que les résidentscanadiens voudront bien détenir des avoirs endollars canadiens — et rien ne permet de supposerqu’ils cesseront de le faire dans un avenir pré-visible —, il existera une demande pour ces avoirs.Les gouvernements et les entreprises du Canadaauront donc avantage à continuer d’émettre destitres libellés en dollars canadiens, dont des obli-gations et des actions.

Que peut-on faire pour aider les marchés canadiensde capitaux privés à croître et à prospérer?

• Le secteur financier doit déployer des effortsconstants pour cultiver les compétences néces-saires au développement des marchés decapitaux privés, dont la capacité de bienévaluer et tarifer les risques associés aux titresdes sociétés et de placer ces titres auprès desinvestisseurs.

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• Les investisseurs canadiens doivent se montrerdisposés à inclure plus de titres de sociétésdans leurs portefeuilles.

• Le cadre de réglementation doit devenir plusefficient.

• Les administrations publiques du Canadadoivent continuer de faire preuve d’unegrande rigueur budgétaire.

Bibliographie

Chouinard, É., et Z. Lalani (2001-2002). « Lemarché canadien des titres à revenu fixe :évolution récente et perspectives », Ottawa,Revue de la Banque du Canada (hiver),p. 15-26.

Freedman, C., et W. Engert (2003). « L’évolu-tion financière au Canada : tendances pas-sées et défis futurs », Ottawa, Revue de laBanque du Canada (été) (à venir).

Harris, D. (2002). A Symposium on CanadianSecurities Regulation: Harmonization orNationalization?, Toronto, Capital MarketsInstitute, Université de Toronto.

MacKay, H. (2002). Rapport sur la réglementa-tion des valeurs mobilières au Canadaremis au ministre des Finances, Ottawa,ministère des Finances. Document acces-sible à l’adresse <http://www.fin.gc.ca/news02/02-094f.html>.

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La gestion du risque opérationnel lié auxsystèmes de compensation et de règlementKim McPhail1

es systèmes de compensation et de règle-ment constituent l’une des composantesessentielles de l’infrastructure financière.Ils permettent aux institutions financières

(et, indirectement, à leurs clients) d’échanger despaiements, de régler des opérations sur titres et deréaliser les transferts qu’impliquent les opérationsde change. Ces systèmes consistent en des réseauxd’éléments interconnectés : les exploitants, lesparticipants et les agents de règlement.

On est beaucoup plus conscient, depuis quelquesannées, du risque opérationnel lié aux systèmes decompensation et de règlement. Les problèmes opé-rationnels, comme les pannes informatiques, quitouchent chacune des composantes clés du réseaupourraient perturber l’ensemble du système et avoirdes retombées négatives sur la stabilité financière.

Les progrès récents des méthodes de limitation durisque opérationnel appliquées dans les différentesinstitutions financières peuvent servir à l’élabora-tion d’un cadre de gestion de ce type de risque ausein des systèmes de compensation et de règle-ment canadiens d’importance systémique2. Unegestion efficace du risque nécessite, entre autreschoses, une gouvernance d’entreprise et des con-trôles internes rigoureux, des politiques et procé-dures officielles et non officielles fiables, de bonsplans de contingence et du personnel qualifié etcompétent. Les méthodes examinées ici pourraientaméliorer ces aspects fondamentaux de la gestiondu risque.

Le risque opérationnel associé aux systèmes decompensation et de règlement se définit comme lerisque découlant de processus internes inadéquatsou inopérants, de problèmes informatiques, d’uneerreur humaine ou d’incidents externes associés à

1. Le présent article s’inspire d’un récent document detravail de la Banque du Canada (McPhail, 2003).

2. Le risque systémique désigne les effets de déversementqui se produisent lorsque l’incapacité d’une institutionfinancière de remplir ses obligations de paiement entemps opportun dans un système de compensation etde règlement entraîne l’incapacité d’autres institutionsfinancières de respecter leurs obligations dans ce systèmeou dans d’autres.

Ll’un des éléments de ces systèmes. On se préoccupesurtout des répercussions possibles des problèmesopérationnels sur la stabilité financière. La tendancevers la mondialisation, la concentration accrue denombreuses transactions financières dans unemême institution ou un même système, et lacomplexité croissante des instruments financierssont en train de modifier la nature et la compo-sition du risque opérationnel et ont amplifié lesconséquences des événements graves. Par exemple,les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ontprofondément perturbé le règlement des opérationssur obligations du gouvernement américain, per-turbations qui ont été ressenties par les systèmesde paiement et les marchés financiers. Cette crisea illustré les liens et les relations de dépendancequi existent entre les diverses parties des systèmesde compensation et de règlement et a mis en lumièrela gravité des effets que des événements extérieursextrêmes peuvent avoir sur le système financier.

Les systèmes de compensationet de règlement canadiensd’importance systémiqueLe Canada possède un certain nombre de systèmesde règlement des paiements, des opérations surtitres et d’autres transactions. Deux des systèmesnationaux, en particulier, jouent un rôle crucial.Il s’agit, premièrement, du Système de transfert depaiements de grande valeur (STPGV), qui sert àl’échange des paiements dont la valeur est élevéeou pour lesquels le moment du règlement est cri-tique. Le second est le système de règlement desopérations sur titres appelé CDSX. Le système dela Continuous Linked Settlement Bank (CLS Bank)revêt aussi une grande importance. Cette institu-tion, qui a été constituée en société à New York,règle des opérations de change, dont celles quifont intervenir le dollar canadien3. Vu l’importancesystémique que présentent ces systèmes en regard

3. Pour de plus amples renseignements sur le STPGV, voirle site Web de la Banque du Canada à l’adresse :<http://www.banqueducanada.ca>. En ce qui concernele système CDSX et la CLS Bank, on pourra consulterrespectivement l’article de McVanel dans la présentelivraison, (p. 61) et ceux de Miller et Northcott (2002a,2002b).

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de la stabilité financière, la Banque du Canada estchargée d’exercer une surveillance générale de leurfonctionnement4. L’une des responsabilités de laBanque est de promouvoir la fiabilité et la sécuritédes opérations exécutées par ces systèmes. Outreses fonctions de surveillance, la Banque fournitplusieurs services essentiels aux systèmes de compen-sation et de règlement. Par exemple, elle fait officede banquier du CDSX ainsi que de la CLS Bank,pour les opérations en dollars canadiens que celle-ci effectue. Elle est également l’agent de règlementdu STPGV. La Banque procure des liquidités auxparticipants aux systèmes et administre les garan-ties des participants directs au STPGV. Enfin, laBanque est elle-même un participant au STPGVet au CDSX.

Une méthode de gestion durisque opérationnel lié auxsystèmes de compensation etde règlementLa méthode connue sous le nom d’approche dedistribution des pertes, qui permet de mesurer lerisque opérationnel auquel est exposée une insti-tution financière, peut être adaptée aux systèmesde compensation et de règlement5. Cette approchepermet de saisir trois sources de risque : les degrésde gravité variables d’un problème opérationneld’un type particulier, la probabilité que chacun deces degrés de gravité se matérialise lorsque ce typede problème survient et la fréquence à laquelle cedernier se produit. Dans le contexte des systèmesde compensation et de règlement, le degré degravité d’un problème opérationnel est fonctionde l’incidence de ce problème sur la stabilitéfinancière.

Il est possible de construire un indice de l’instabi-lité financière pour estimer la gravité des problèmesopérationnels touchant les systèmes de compen-sation et de règlement. Étant donné la nature qua-litative de l’évaluation du risque opérationnel, ilest difficile d’apprécier le degré de gravité d’unproblème opérationnel et, pour y parvenir, il fau-dra faire une large place au jugement. Supposonsun indice dont les valeurs iraient, par exemple, de0 à 7 et serviraient de balises aux spécialistes pourdéfinir le degré de gravité de problèmes opération-nels précis. Ainsi, des incidents passés comme un

4. La Banque du Canada partage la responsabilité de la sur-veillance générale de la CLS Bank avec les autres banquescentrales émettrices des monnaies admises dans ce sys-tème. La Réserve fédérale américaine assume la respon-sabilité première de la supervision de cette institution.

5. Pour une explication de l’approche de distribution despertes, voir BRI (1998) et Frachot, Georges et Roncalli(2001).

retard d’une heure dans le règlement par le CDSXet une panne prolongée dans une même journéedu STPGV se verraient assigner des valeurs respec-tives de 2 et de 3. Un problème informatique em-pêchant pendant plusieurs heures un participantimportant au STPGV de faire parvenir ces paie-ments récolterait aussi un 2. Puis, au fur et à me-sure que surgiraient dans l’avenir de nouveauxproblèmes opérationnels, les balises établies àl’aide des incidents passés permettraient une esti-mation moins arbitaire des effets de ces nouveauxproblèmes sur le plan de l’instabilité financière.Bien que très imparfaite, une telle mesure aideraità évaluer aussi rigoureusement que possible lagravité des divers problèmes opérationnels.

Même un problème (ou type de problème) uniquepourrait avoir un degré de gravité différent selon lemoment où il survient et sa durée. Une fois quel’on disposera d’un indice de l’instabilité financière,on pourra mesurer cette variabilité en considérantla relation entre la probabilité et le degré de gravitéd’un problème opérationnel unique. C’est ce quel’on appelle la distribution des pertes selon la gra-vité. Mais encore là, le risque opérationnel n’aurapas été totalement pris en compte. En effet, il restele nombre d’occurrences d’un problème de cet ordre,lequel ne peut être prédit avec certitude, mais peutêtre estimé (par exemple, en se fondant sur desdonnées historiques) à l’aide d’une distributiondes fréquences.

Par exemple, le degré de sévérité attribué à un pro-blème informatique qui empêche un participantd’envoyer des paiements par l’intermédiaire duSTPGV peut varier en fonction de facteurs commel’heure de la journée, la durée de la panne et lataille du participant. On peut saisir cette variabilitégrâce à la distribution des pertes selon la gravité, quiévalue la probabilité de chaque degré de gravitéque pourrait avoir un tel incident. L’informationrecueillie sur les pannes informatiques passéespermettrait d’établir une estimation de la distribu-tion des fréquences qui rendrait compte du nombred’occurrences moyen de problèmes de cet ordreet de leur variabilité sur une période donnée. Ladistribution des pertes selon la gravité et la distri-bution des fréquences peuvent être combinées, aumoyen d’une simulation de Monte-Carlo, pourformer une estimation de la distribution des pertesqui tienne compte du fait que ni la gravité despannes associées à un type de problème opéra-tionnel unique ni le nombre d’occurrences d’untel problème ne peuvent être prédits avec certitude.

Même lorsque l’on aura recueilli un certain volumede données sur les problèmes opérationnels, ilfaudra, pour compléter ces dernières, un élément

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de jugement afin d’évaluer la distribution des pertesselon la gravité de certains types d’entre eux, carles problèmes extrêmement graves sont (heureu-sement) très rares. La distribution des pertes selonla gravité et la distribution des fréquences, lors-qu’elles sont combinées pour produire la distribu-tion des pertes, fournissent un profil général durisque opérationnel lié aux systèmes de compen-sation et de règlement. Ce profil peut faire l’objetd’une surveillance continue. Si, par exemple, laprobabilité que certains types de perturbation desopérations aient des conséquences relativementgraves semble plus élevée que ce que l’on jugeapproprié — ou que ce type de perturbationsemble trop fréquent —, des dispositions (commedes mesures plus énergiques d’atténuation durisque) devraient être prises pour recréer un profilde distribution des pertes plus acceptable. En outre,à mesure que l’on disposera de plus de données,on devrait être en mesure de mettre au point desindicateurs contemporains et avancés quantitatifsdu risque opérationnel (pour compléter les indi-cateurs qualitatifs).

Une approche dynamique enmatière de gestion du risqueopérationnelLes procédés décrits ci-dessus font partie d’un cadreservant à définir, cerner, évaluer, maîtriser et atté-nuer le risque opérationnel lié à chaque composanteclé des systèmes de compensation et de règlement,à savoir les exploitants, les participants et lesagents de règlement. Ce cadre pourrait être utilisépour améliorer la gestion du risque dans les systèmesd’importance systémique au Canada. Une gestionefficace du risque renforce la stabilité financière.

Pour instaurer ce cadre avec succès, il faut des élé-ments additionnels. De bons systèmes d’informa-tion de gestion (SIG) sont nécessaires pour repérerles problèmes opérationnels dans chaque compo-sante du système. Les données provenant des SIGpeuvent être analysées de façon à cerner les ten-dances, les modifications aux facteurs d’origine etles indicateurs utiles. Grâce à l’évaluation et à lamise à jour constantes de cette information, onpeut surveiller, et au besoin réévaluer, le profil durisque opérationnel et ses effets potentiels sur lastabilité financière. Des SIG fiables peuvent égale-ment servir à définir des indicateurs de rendement,à mesurer les résultats des opérations à l’aide deces indicateurs, à produire des rapports périodiqueset à diffuser rapidement l’information là où elleest utile. Si cette approche dynamique donne debons résultats, elle apportera un important élémentprospectif à la gestion du risque opérationnel par

les exploitants des systèmes, les participants et lesagents de règlement.

Les systèmes de compensation et de règlementd’importance systémique du Canada appartien-nent au secteur privé et sont exploités par lui. Parconséquent, la responsabilité de la limitation durisque opérationnel relève des propriétaires de cessystèmes. Cependant, il incombe aussi à la Banquedu Canada de surveiller les opérations des systèmesde compensation et de règlement de façon conti-nue et c’est pourquoi celle-ci est à mettre en œuvrele type de cadre exposé dans le présent article com-me instrument de suivi. De plus, comme la Banquefournit à ces systèmes les services essentiels décritsplus haut, elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur unprocessus interne efficace et prospectif pour lagestion des sources changeantes du risque opéra-tionnel.

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