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Research Papers N°2 Centre Européen de Recherche Internationale et Stratégique Le Processus de Kimberley et les diamants de la guerre Philippe Renaudière 2004

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Research Papers N°2

Centre Européen de Recherche Internationale et Stratégique

Le Processus de Kimberley et les diamants de la guerre

Philippe Renaudière

2004

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Biography Mr Ph Renaudière is since may 2006 the Data Protect ion Officer of the European Commission.The previous positions of Mr Ph Renaudiè re in the Commission were successively with DG Environment (1987-1990: l egal affairs /1990-1992 global environment issues), member of the cabinet o f Commissioner K Van Miert (1992-1996 transport, competition), DG MARKT ( 1996 -2001 head of the International Relations unit/ 2001-2005 Head of the Data Protection Unit) and DG Justice Liberty Security (2005-2006 head of the Dat a Protection unit)

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RESUME L’objet de ce mémoire consiste à présenter le « Processus de Kimberley ». Cet accord volontaire conclu entre une quarantaine d’états producteurs, exportateurs et importateurs de diamants, vise à bannir du commerce international les diamants bruts provenant de zones affectées par des guerres, civiles ou autres, ou des tentatives de sécession. Le but est de moraliser le commerce, et en même temps de tarir une source de revenus pour les mouvements rebelles et sécessionnistes, voire de décourager des tentatives de guerre civile ou de sécession qui seraient inspirées par la volonté de contrôler des régions de productions et d’accaparer les revenus de la production des diamants. Conclu en 2000 et entré en vigueur en 2003, le processus de Kimberley représente une réaction remarquablement rapide à une campagne lancée par les ONG (Global Witness et Partenariat Afrique Canada principalement) dès 1998, après les guerres civiles qui ont affecté certains pays producteurs de diamants, comme l’Angola, la Sierra Leone ou le Liberia. Le mémoire comprendra une présentation de l’économie du diamant en Afrique, et un rappel des circonstances qui ont amené les ONG à prendre conscience du scandale des diamants de la guerre (ou diamants du sang), et à le dénoncer. Suivront une description des étapes ayant amené à la négociation puis à la conclusion du processus de Kimberley, et l’analyse des actes juridiques qui le sous-tendent. Outre les textes de l’accord lui-même, et les résolutions pertinentes de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies, on s’attachera à la mise en œuvre de l’accord dans l’Union européenne (avec une présentation de la législation en vigueur), aux Etats-Unis, et dans le cadre de l’OMC (s’agissant d’une possibilité de restriction au commerce international, une dérogation, ou « waiver », a été jugée nécessaire) On étudiera aussi les accords volontaires conclus par l’industrie en support du processus de Kimberley (celui-ci ne concerne que les envois de diamants bruts, un régime supplémentaire de contrôle des diamants taillés a été mis en place de façon volontaire par l’industrie pour assurer un contrôle de bout en bout). Vu le caractère très récent du processus, on ne pourra pas procéder à une véritable évaluation. On examinera toutefois les premières décisions concrètes adoptées, on rendra compte des progrès accomplis et on fera écho aux inquiétudes des ONG. On évoquera aussi le rôle du commerce du diamant dans le financement du terrorisme international, problème controversé que le processus de Kimberley n’a pas en principe pour vocation de régler, du moins directement.

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Enfin, on essayera de dégager une réflexion sur la place d’un tel processus dans la nouvelle gouvernance internationale (qui se caractérise notamment par une contribution majeure des ONG et de l’industrie, avant celle des états), et plus particulièrement dans le contexte de l’Afrique (dont le destin semble toujours se limiter à voir ses richesses pillées, d’abord par le colonisateur, ensuite par les élites nationales qui lui ont succédé, aujourd’hui par les seigneurs de la guerre qui prospèrent sur les ruines des états). Finalement, à partir de l’observation que les diamants de la guerre représentent une part très faible de la production et du commerce international des diamants, on remarquera que le processus de Kimberley entre en vigueur à un moment où les situations concrètes qui avaient motivé sa création sont en voie de règlement. Mais les nuages qui s’amoncellent sur la Côte d’Ivoire et surtout la crise qui n‘en finit pas de finir en République Démocratique du Congo soulignent l’importance de disposer d’un mécanisme qui empêchera de nouveaux diamants sanglants d’accéder au marché mondial, et confirment l’importance du processus de Kimberley en tant que mécanisme de prévention des conflits. C’est d’ailleurs dans le contexte de sa politique de prévention des conflits que la Commission européenne situe sa contribution au processus de Kimberley. La rédaction du mémoire a été achevée dans le courant du mois de septembre 2004, sur la base de la documentation disponible en date du 31 août.

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TABLE DES MATIERES

1 INTRODUCTION 6 1.1 économie et géopolitique du diamant en Afrique 6 1.2 Emergence du problème des diamants du sang :

les conflits en Angola, Sierra Leone, Liberia 10 1.2.1 Angola 10

1.2.2 Sierra Leone 12 1.2.3 Liberia 15 1.2.4 les organisations non gouvernementales 16 1.2.5 les réactions de la Communauté internationale 17 1.3 diamants de la guerre , diamants du développement, 19 diamants de la prospérité ? 2) LA NEGOCIATION DES ACCORDS DE KIMBERLEY 20 2.1 la genèse des accords 20 2.2 les Résolutions de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies 26 3) ANALYSE DES ACCORDS 27 3.1 Nature et statut du Processus de Kimberley 27 3.2 contenu du texte 28 3.3 la « mécanique » de l’accord (comités, rapports, inspections etc.) 30 3.4 la question des statistiques 32 3.5 L’accord et la réglementation du commerce international : la dimension OMC (« waiver » du 15/05/2003) 34 3.6 La mise en œuvre dans l’Union européenne (Règlement CE 2368/2002 du 20/12/2002 et les règlements ultérieurs) 36 3.7 accords volontaires (complémentaires) du secteur privé en ce qui concerne les diamants taillés (résolution du World Diamond Congress, Londres 29/10/2002) 42

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4) MISE EN ŒUVRE DES ACCORDS 43 4.1 Premières décisions concrètes : République Centrafricaine, Liban, Congo (Brazzaville) 43 4.2 rôle et prises de position des secteurs intéressés et des ONG 46 4.3 les diamants de la guerre et le financement du terrorisme international 47 4.4 tentative d’évaluation 48 5) REFLEXION SUR LA PLACE DU PROCESSUS DE KIMBERLEY DANS LA GOUVERNANCE INTERNATIONALE 50 5.1 vers une nouvelle gouvernance internationale 5.2 une solution pour un mal africain ? 53 6) REFLEXION SUR LA PLACE DU PROCESSUS DE KIMBERLEY COMME INSTRUMENT DE PREVENTION DES CONFLI TS. 54 7) CONCLUSION 7.1 un instrument prometteur, exemple de la nouvelle gouvernance internationale 57 7.2 des résultats rapides mais partiels ; un objectif de toute façon limité 58 7.3 un instrument de prévention des conflits 59 BIBLIOGRAPHIE 62 ANNEXE 1 LISTE DES PARTICIPANTS 65 ANNEXE II STATISTIQUES DE LA COMMUNAUTE EUROPE ENNE 67 ANNEXE III PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS DE DIAMAN TS 82

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1) INTRODUCTION La rédaction de ce mémoire m’a amené à découvrir un monde dont je ne soupçonnais pas l’existence. Parti à la recherche d’un exemple, que je trouvais significatif, d’un instrument nouveau de la gouvernance internationale, je me suis vite rendu compte que derrière les aspects juridiques et techniques, se cachait une réalité fascinante, et parfois insoutenable. Derrière l’expression « diamants de la guerre » on trouve des centaines de milliers de morts, des millions de personnes déplacées, des pays détruits, des générations sacrifiées. On trouve un secteur économique atypique, mystérieux, qui semble obéir à ses seules lois, qui ne sont pas celles des Etats, ni même celles de l’économie «normale». On trouve toute la misère de l’Afrique post-coloniale, la prédation de ses richesses naturelles, dont il semble bien que la population ne bénéficiera jamais pour son développement. On trouve des guerres civiles oubliées, et des ramifications avec le terrorisme international. On trouve toutes les passions humaines : envie, avidité, cupidité, mais aussi recherche de la beauté absolue, d’un idéal de pureté, d’amour, de fidélité et même d’éternité, incarné dans un petit morceau de carbone. On trouve les efforts des organisations non gouvernementales pour dénoncer des situations insupportables dont tout le monde semblait s’accommoder, on découvre la capacité de la société civile de faire bouger les choses. On voit les premiers progrès vers la transparence et le respect des règles. Ce qu’on a de grandes difficultés à comprendre, aux termes de cette brève étude d’un problème qui demanderait une analyse beaucoup plus approfondie, c’est qu’en Occident un homme puisse offrir un diamant à la femme qu’il aime, sans savoir que pour ce diamant, une petite fille a été amputée des deux mains, à la machette, dans un pays africain dont il n’a jamais entendu parler. Le Processus de Kimberley est censé mettre fin à jamais à ce type d’abomination. 1.1 économie et géopolitique du diamant en Afrique : Le diamant, du grec « adamas – indomptable », fascine et émerveille depuis l’antiquité, en raison de sa beauté, de sa dureté, de sa brillance et de son caractère inaltérable. Il s’agit d’une forme de carbone – chimiquement identique à une mine de crayon – mais dont l’extrême densité est due aux très fortes pressions, qui, à de grandes profondeurs, compactent les atomes de carbone en une structure cubique particulière. Le diamant se forme à près de 150 km de profondeur ; il remonte ensuite à la faveur des lents brassages des roches, et est parfois propulsé à la surface par des éruptions volcaniques. Comment extrait-on les diamants du sol ? Essentiellement de deux manières : le diamant provient des profondeurs de la terre. Il est propulsé vers le haut à travers la cheminée volcanique. Il peut ainsi aboutir dans des lits de rivière. On parle alors de dépôts alluviaux. De tels dépôts peuvent aisément être exploités de manière artisanale et sans investissements coûteux. Par contre si les diamants sont restés dans la cheminée volcanique (on parle de gisements de type «kimberlite », du nom du principal gisement de ce type à Kimberley, en Afrique du Sud) ils ne peuvent être exploités que de façon

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industrielle. Le coût d’une telle installation est énorme : une mine canadienne a coûté de l’ordre de 750 millions de dollars. On se rend compte immédiatement de la différence en termes stratégiques des deux types d’exploitation. Pour le secteur artisanal, il faut s’assurer le contrôle des mineurs individuels et des structures de commercialisation. Cette activité peut se poursuivre même après la disparition de toute forme d’organisation étatique. L’activité industrielle quant à elle ne peut se dérouler dans le chaos complet. L’autorité qui veut contrôler les mines doit être en mesure d’assurer un minimum d’organisation de la région où elles sont situées, de satisfaire leurs besoins en main d’œuvre, en énergie, en communications. L’activité industrielle se prête également mieux à un certain contrôle des quantités produites, et de la qualité de la production. Le secteur artisanal quant à lui permet toutes les fraudes et tous les trafics. Comment connaître le nombre de mineurs, leur production, le volume et les prix des transactions, et même l’origine des diamants ? On rappellera que dans une boîte de biscuits, on peut transporter pour un million de dollars de diamants !1 L’Afrique est le premier producteur au monde de diamants bruts, devant l’Australie, la Russie, le Canada et le Brésil. Elle fournit la moitié du marché mondial, estimé à 120 millions de carats pour une valeur d’environ 7.5 milliards de dollars. Le diamant africain a été longtemps la chasse gardée de la société De Beers. Fondée en Afrique du Sud en 1880 par Cecil Rhodes, elle porte le nom du fermier boer, propriétaire du terrain où ont été trouvés les premiers diamants. La société est passée en 1925 sous le contrôle de la famille Oppenheimer. La société De Beers exploite à la fois des mines dans plusieurs pays africains (2 ), achète dans d’autres pays des diamants produits de façons artisanales, et commercialise l’ensemble à travers sa société de commercialisation ( CSO - Central Selling Organisation) à un réseau d’intermédiaire (sightholders) qu’elle sélectionne, et à des prix qu’elle détermine. On se trouve en présence d’un cas d’école de domination monopolistique d’un marché. Jusqu’il y a quelques années, son monopole était quasiment absolu. On considère qu’aujourd’hui, la De Beers contrôle encore 60% du marché. Mais la De Beers a fait bien plus. Un marketing redoutable a transformé le diamant, qui était réservé aux têtes couronnées jusqu’au début du vingtième siècle, en objet accessible aux classes moyennes. Son image royale a évolué en un symbole de l’éternité de l’amour et de la fidélité, grâce à ce slogan génial inventé en 1947 : « les diamants sont éternels », qui permet de vendre deux rêves en un : l’éternité de l’amour, et un produit qui ne perd jamais sa valeur. Toute femme en âge d’aimer et d’être aimée devenait une cliente potentielle, grâce au véritable « droit de tirage » sentimental qu’elle pouvait exercer sur son fiancé, son mari ou son amant. Le prix du diamant a ainsi pu être déconnecté de sa valeur réelle : ce qui compte n’est pas sa rareté, il est plutôt abondant, à l’exception de quelques pierres de couleurs inhabituelles, et rien n’indique que les gisements soient en voie d’épuisement. Non, ce qui importe, c’est le désir, le désir de le posséder pour la femme, le désir de l’offrir pour l’homme (qui, lui, désire la femme qu’il pourra

1 Sénat de Belgique. Session 2001-2002. Commission d’enquête parlementaire « Grands Lacs ». Audition de M. Mark Van Bockstael, directeur des relations internationales du Hoge Raad voor Diamant, 28/06/2002 2 Namibie, Afrique du Sud, Botswana

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obtenir en échange…). Et si un homme a une vie sentimentale un peu compliquée, il est pris dans l’obligation d’offrir des diamants à sa femme, pour endormir sa jalousie, et à sa maîtresse, pour qu’elle lui pardonne de ne pas quitter sa femme, etc. Au fil des années, les campagnes marketing deviennent de plus en plus agressives : on invente ainsi les alliances en diamant pour anniversaires de mariage3. Inutile de dire qu’il n’y a aucun incitant à une baisse des prix : l’homme qui a offert un diamant a fait un effort financier, et veut que la femme le sache. La femme qui a reçu un diamant en échange de son amour, ou simplement de son corps, ne souhaite pas voir diminuer le prix sur la base duquel s’est effectuée la « transaction », afin de conserver intacte sa propre valeur de marché4… Et comme la De Beers jouit d’un monopole sur la production et la commercialisation, elle a les moyens de maintenir les prix élevés, grâce à ses stocks stratégiques qu’elle met sur le marché afin d’équilibrer les variations annuelles de la production. Les choses vont toutefois changer au tournant du millénaire, pour aller vers plus de transparence, de concurrence…Troublante coïncidence : c’est à ce moment que la De Beers affirme solennellement qu’elle renonce à se fournir dans les pays en guerre. Le système de maintien des prix par la constitution de stocks devenait trop coûteux. Des pays producteurs échappant à l’emprise de De Beers commençaient à émerger (notamment l’Australie, le Canada et la Russie). De Beers, sous le coup d’une enquête anti-trust aux Etats-Unis qui empêchait ses dirigeants de poser le pied sur le sol américain, a commencé à ouvrir progressivement son système. En 2004, la situation a bien évolué. De Beers ne contrôle plus qu’environ 60% de la production. Un concurrent sérieux est apparu, qui veut lui aussi maîtriser la totalité de la filière, de la production à la commercialisation, « de la mine à la maîtresse » : Lev Leviev, un industriel israélien, a investi dans des mines en Russie et en Angola. Son dernier « coup » : ouvrir une usine de polissage et de taille en Namibie, renversant ainsi le modèle traditionnel qui voulait que l’ Afrique ne pouvait exporter que des diamants bruts, la taille s’effectuant à Anvers, Tel-Aviv ou en Inde. Une autre caractéristique du système de commercialisation des diamants bruts est leur fongibilité du point de vue géographique. Un lot peut parfaitement être composé de diamants venant de plusieurs pays. Seules des analyses chimiques complexes et coûteuses permettraient de révéler la provenance des pierres. Ce qui compte dans un assortiment, ce sont les caractéristiques des pierres, qui détermineront leur valeur et les possibilités d’emploi en joaillerie.

3 « Show her you would marry her all over again » ce slogan lancé en 1988 a permis de quadrupler le nombre de femmes ayant reçu un diamant d’anniversaire de mariage aux Etats Unis ; la De Beers a également introduit le diamant au Japon comme symbole de fiançailles, en jouant sur la notion de pureté de très importante dans le shintoïsme ; d’une fiancée sur 20 dans les années soixante, ce sont aujourd’hui 70% des japonaises qui ont reçu une bague de fiançailles en diamant, et le Japon est devenu le deuxième marché mondial après les Etats Unis 4 comme le chantait Marilyn Monroe : « He’s your guy when stocks are high, But beware when they start to descend. That’s when those louses go back to their spouses. Diamonds are a girl’s best friend”

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Produit « mixable », monopole, circuits de distributions opaques, absence de contrôle dans la plupart des pays producteurs, importateurs ou de transit, réexportations multiples… toutes les conditions sont réunies pour faire du diamant brut un produit facile à trafiquer. Un rêve pour des organisations criminelles. De fait, la contrebande de diamants a toujours existé en Afrique. A l’époque coloniale, elle est le fait d’aventuriers qui travaillaient pour leur propre compte.5 Après que les colonies sont devenues indépendantes, le trafic a pris une dimension politique, sans cesser d’être crapuleux. C’est ici qu’apparaissent les gemmocraties6 , c’est- à-dire des régimes, ou des cliques, qui accaparent le contrôle de l’état dans le seul but de s’approprier les revenus des diamants. Le Zaïre de Mobutu, le Centrafrique de Bokassa ( dont les diamants ont coûté à Valéry Giscard d’Estaing sa réélection) sont des exemples classiques de gemmocraties. Mais à côté des gemmocrates à grande échelle, il existe aussi tout un « petit peuple » du diamant. Mineurs artisanaux, petits intermédiaires participent aussi à la création d’une économie informelle du diamant, se jouent des contrôles et des frontières, bref, ils essayent tout simplement de survivre dans des pays où toute autre forme d’activité économique est pour eux tout simplement inaccessible. On se réfèrera notamment au récit d’un enseignant congolais qui, devant l’écroulement de toutes les structures de son pays, abandonne ses élèves pour partir à son tour à la chasse aux diamants. Au bout de la route, la mort ou une petite fortune, et la considération de tout le village.7 Le diamant africain corrompt non seulement les hommes, les régimes politiques, et déstructure profondément les sociétés des pays libérés du joug colonial. Il contribue peu, ou pas du tout à leur développement. Il lui restait à causer des guerres et des massacres: ce sera chose faite à la fin des années 1980.

5 pour apprendre les bases de la contrebande du diamant africain dans les années cinquante sans trop se fatiguer l’esprit, on peut faire appel à James Bond :« Les Diamants sont Eternels », Ian Fleming, 1956 (Gallimard, 1957 pour l’édition française) 6 F.Misser et O.Vallée, 1997 7 « A la recherche du paradis terrestre », Sabakinu Kivilu dans l’ouvrage collectif « Chasse au diamant au Congo/Zaïre »

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1.2 Emergence du problème des diamants du sang : les conflits en Angola, Sierra Leone, Liberia 1.2.1 Angola : La guerre civile angolaise a commencé au lendemain de l’indépendance de cette ancienne colonie portugaise, en 1975. Elle s’est achevée officiellement en 2002, à la mort du chef rebelle Jonas Savimbi. Pendant ces 27 années, elle aura fait au moins 500.000 victimes. Elle a commencé comme un conflit idéologique entre factions rivales de la lutte pour l’indépendance. Elle s’est poursuivie, attisée par la guerre froide. A la chute du mur de Berlin, elle a basculé dans une lutte à mort pour le pouvoir et pour la possession des richesses du pays. La guerre civile angolaise oppose depuis 1975 les deux principaux mouvements de libération : le MPLA (Mouvement Populaire pour la Libération de l’Angola), fondé par Agostino Neto, auquel a succédé le Président Eduardo Dos Santos, et l’UNITA, Union pour l’Indépendance Totale de l’Angola, dirigée par Jonas Savimbi. Pendant la guerre froide, l’Angola fut le terrain d’affrontements indirects entre l’Est et l’Ouest, le MPLA ayant choisi le camp marxiste, tandis que l’UNITA était soutenu, au nom de la lutte contre le communisme, par les Etats-Unis et le régime ségrégationniste sud-africain. Le MPLA a été reconnu dès l’origine comme le gouvernement légitime de l’Angola. La chute du communisme fera perdre son intérêt stratégique à l’Angola pour les Américains, d’autant que dès 1990 le MPLA avait accepté le multipartisme et un peu plus tard l’économie de marché. L’UNITA et son chef Josas Savimbi perdaient donc leur statut de « combattant de la liberté ». Un accord de paix est conclu en 1991, qui débouche sur des élections, contrôlées par l’ONU, en 1992. Refusant d’admettre la victoire de Dos Santos, Savimbi relance les hostilités. Un nouvel accord de paix est conclu à Lusaka en 1994. Privé du soutien financier américain, Savimbi utilisera désormais les profits de la vente des diamants : 60 à 70% des mines sont situées dans les zones contrôlées par l’Unita. De ponctuelle, l’occupation des mines par les rebelles devient enjeu stratégique majeur. La guérilla devient une « gemmo-guérilla »8. Les combats se poursuivent, Savimbi qui avait officiellement accepté les termes de l’accord, cherche en fait à gagner du temps et à reconstituer ses forces armées. En 1998, une mission de l’ONU révèle pour la première fois comment l’UNITA finançait son effort de guerre : « Le diamant joue un rôle particulièrement important dans l’économie politique et militaire de l’Unita. (…) Premièrement, la capacité de l’Unita de continuer de vendre des diamants bruts pour des espèces et d’échanger des diamants bruts contre des armes lui donne les moyens de poursuivre ses activités politiques et militaires. Deuxièmement, le diamant a été et continue d’être un élément important de la stratégie de l’Unita pour se faire des amis et entretenir un appui 8 Selon l’expression utilisée par O.Misser et J.F Vallée dans leur ouvrage “Les gemmocraties “

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extérieur. Troisièmement, les caches de diamants bruts plutôt que des dépôts monétaires et bancaires constituent pour l’Unita le moyen privilégié de stocker sa fortune »9. On ne saurait synthétiser plus clairement l’importance des diamants pour ce type de conflit. L’ONU décide enfin de s’attaquer à ce qui est devenu l’enjeu principal de la guerre. En fait, l’Unita aurait récolté à partir de 1993 environ 3,7 milliards de dollars10 entièrement réinvestis en armement. C’est que ce pauvre pays est riche de deux richesses, qui font son malheur : le pétrole et les diamants. On peut dire que le pétrole finançait le MPLA, et le diamant l’Unita. S’agissant des diamants, l’Angola disposerait de réserves estimées en 2000 à 40 millions de carats pour les diamants d’origine alluviale, et 50 millions de carats dans les mines (kimberlite). Le 12 juin 1998, le Conseil de Sécurité vote la résolution 1173, qui impose le gel des avoirs de l’Unita situés à l’étranger, l’interdiction de lui fournir des véhicules ou des embarcations à moteur, et surtout, un embargo sur les diamants angolais non contrôlés par le gouvernement, ainsi que sur le matériel utilisé dans les industries extractives.11 L’intensification du conflit, notamment pour le contrôle des mines, et des attentats contre des avions de la MONUA (Mission de vérification des Nations-Unies en Angola) contraignent l’ONU à se retirer du pays. A la fin de l’année 1999, les forces gouvernementales ont repris de nombreuses régions à l’Unita, dont plusieurs membres importants ont fait défection. La De Beers décrète un embargo général sur ses achats de diamants en Angola. Le 18 avril 2000, le Conseil de Sécurité adopte la résolution 1295, dans laquelle il rappelle que la crise résulte principalement du refus de l’Unita de se conformer aux Accords de Paix, et se déclare « particulièrement préoccupé » par les violations répétées des mesures d’embargo décrétées, notamment en ce qui concerne les diamants12. Début 2002, l’Unita refuse une loi d’amnistie générale proposée par le gouvernement. Les combats se multiplient. Donné pour mort plusieurs fois, Savimbi est finalement tué le 22 février 2002, lors d’une offensive menée par les forces gouvernementales contre les rebelles. Sa mort

9 Rapport du Groupe d’Experts créé par le Conseil de Sécurité concernant la situation en Angola, février 1999. Il faut rappeler que ce rapport avait été précédé par le rapport de Global Witness « A Rough Trade : the Role of Companies and Governements in the Angolan Conflict » en décembre 1998 10 O.Misser et J.F.Vallée, op cit 11 cette résolution faisait suite à des résolutions antérieures adoptées en 1993, quand l’Unita a refusé le résultat des élections, et en 1997 quand il est apparu que Savimbi ne respecterait pas les termes de l’accord de Lusaka. Contrairement à la résolution 1173, les résolutions 864 et 1127 concernaient seulement les armes, les produits pétroliers, l’interdiction de vols d’aéronefs appartenant à la rébellion, et les déplacements de ses dirigeants. 12 “Constate avec inquiétude que le commerce illicite de diamants constitue l’une des principales sources de financement de l’UNITA, encourage les Etats ayant un marché des diamants à prendre des mesures sanctionnant lourdement la possession de diamants bruts importés en violation des mesures énoncées dans la résolution 1173 (1998), souligne, à cet égard, que l’application des mesures énoncées dans ladite résolution nécessite l’adoption d’un régime efficace de certificats d’origine, se félicite de l’adoption par le Gouvernement angolais de nouvelles procédures de contrôle prévoyant l’instauration de nouveaux certificats d’origine redéfinis et compatibles, et invite le Gouvernement à fournir aux Etats membres tous les détails voulus sur le régime du certificat d’origine et à en donner une description au Comité » (point 16)

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marque la fin de la rébellion de l’Unita. Le 4 avril 2002 un accord de cessez-le-feu est signé, qui prévoit l’amnistie générale et le désarmement des combattants. Il reste à reconstruire un pays ravagé par la guerre, plongé dans une vaste crise humanitaire : sur une population estimée à 11 millions de personnes, 3 millions menacées par la famine et les épidémies, ont besoin d’une aide d’urgence ; aux 4 millions de personnes déplacées pendant le conflit s’ajoutent les anciens combattants de l’Unita et ceux qui ont fui dans les pays voisins. Les infrastructures sont largement détruites, il y aurait jusqu’à 5 millions de mines enfouies, et le contrôle du gouvernement sur la totalité du territoire est loin d’être assuré. 1.2.2 Sierra Leone La guerre civile particulièrement cruelle qui a ensanglanté la Sierra Leone dans le courant des années 90 constitue la deuxième manifestation du phénomène des diamants de la guerre ; elle en est aussi la manifestation la plus « pure », si toutefois on ose employer cet adjectif à propos de cette escalade dans l’horreur qui a frappé ce pays dont peu de personnes doivent connaître l’existence. Contrairement à l’Angola, où la guerre du diamant est venue se plaquer sur une guerre civile post-coloniale classique, soutenue tout aussi classiquement par les grandes puissances dans le contexte de la guerre froide, la guerre civile de Sierra Leone est née du diamant, a grandi par le diamant, et n’a jamais eu d’autre objet que les profits du commerce des diamants. Ancienne colonie britannique, ce pays de 5.8 millions d’habitants, situé sur la Côte occidentale de l’Afrique, a connu une histoire agitée et une succession de coups d’états depuis son accession à l’indépendance en 1961. Le premier diamant fut découvert en Sierra Leone en 1930, et une production significative démarra dès 1935. A cette époque, les dirigeants coloniaux britanniques avaient conclu un accord avec la SLST,une filiale de la De Beers, lui réservant les droits exclusifs d’exploitation et de prospection dans tout le pays pour une durée de 99 ans. Les diamants de Sierra Leone se caractérisent par une proportion élevée de pierres de première qualité. En 1937, la production annuelle était de l’ordre d’un million de carats, avec un pic de 2 millions de carats en 1960. De 1930 à 1988, environ 55 millions de carats seront extraits officiellement de Sierra Leone. En dépit du monopole concédé à la De Beers, on dénombrait au début des années 50 jusqu’à 75000 mineurs illicites dans la région de Kono, dans l’Est du pays. Les diamants étaient vendus en fraude par le Liberia voisin. En 1955, les Britanniques dénoncent l’accord avec la De Beers et mettent en place un programme d’exploitation des zones alluviales, aux termes duquel des licences sont accordées à des entreprises minières locales, Au fil du temps, ces licences seront presque toutes rachetées par les commerçants libanais. En 1968, le Premier Ministre Siaka Stevens, devenu Président, confronté à une crise économique grave, encourage l’extraction minière illicite. Il fonde lui-même la National Diamond Mining Company, qui absorbe la SLST. De 595000 carats en 1980 la production légale tombe à 48000 en 1988. Stevens abandonne progressivement la conduite du pays à un homme d’affaires libanais, son associé dans la NDM, Jamil Mohammed, avant de quitter le pouvoir et d’être remplacé en 1985 par le général Joseph Momoh, lequel confie encore plus de responsabilités à Jamil Mohammed.

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Avec le temps, l’extraction illégale de diamants et la contrebande prennent toujours plus d’ampleur, quittent le registre de la criminalité ordinaire pour atteindre celui de la guerre civile, passant du crime désorganisé au crime organisé. De la fin des années 1970 au début des années 1990, la guerre civile qui fait rage au Liban se répercute en Sierra Leone. Plusieurs milices libanaises trouvent une aide financière auprès de leurs compatriotes de Sierra Leone, grâce aux revenus de la contrebande de diamants. Ainsi, le chef de la milice libanaise Hamal, Nabih Berri, était né en Sierra Leone, et était un ami d’enfance de Mohammed. Mohammed finira par être contraint à l’exil en 1987. En 1991 éclate la rébellion du Revolutionary United Front (RUF), qui occupe progressivement les points-clé de la région orientale du pays, riche en diamants et contiguë du Liberia. Les rebelles obtiennent dès le début le soutien du Libéria voisin. On a vu que ce rôle joué par le Libéria de « pavillon de complaisance » pour les diamants extraits illégalement en Sierra Leone est une tradition ancienne. Ce qui est nouveau c’est l’implication officielle du Liberia, comme filière d’écoulement de diamants et base arrière pour l’approvisionnement de la rébellion, dans la guerre civile de son voisin. Initialement, cette rébellion déclenchée par Foday Sankoh se voulait démocratique ; elle visait à renverser le régime autoritaire du président Kabbah. Tous les observateurs s’accordent pourtant pour estimer que ni cette guerre civile, ni l’implication du Liberia, n’ont de cause idéologique, politique ou ethnique qui tienne. La raison de la guerre et de son escalade, c’est le diamant. Les rebelles ne luttent pas contre le gouvernement pour le renverser et prendre le pouvoir à sa place : ils font la guerre pour contrôler les zones où se trouvent les matières premières facilement extractibles. Les diamants qui servent au départ à financer la guerre en deviennent la cause même. Ils en permettent aussi la pérennité. Le RUF utilise les revenus des diamants pour se procurer des armes, toujours plus d’armes, et ses positions dans la région montagneuse de Kono sont pratiquement inexpugnables. En face, le gouvernement légitime est secoué par les crises. Le Président élu à la majorité des voix en 1996, Ahmed Tejan Kabbah, sera renversé en 1997 par un colonel rebelle, Johnny Paul Koroma, qui se proclamera « chef du conseil révolutionnaire des forces armées » Le Commonwealth des Etats obtiendra le retour du Président Kabbah. Le putschiste Koroma intégrera le gouvernement légitime, en compagnie d’autres chefs de milice. La guerre menée par le RUF contre les forces gouvernementales sera particulièrement brutale : on estime qu’elle aura causé entre 50000 13 et 75000 14 victimes, déplacé 2 millions de personnes et forcé un demi- million d’autres à se réfugier en Guinée et au Liberia. Les images d’enfants mutilés (l’amputation des mains ou des bras est une des pratiques favorites des rebelles, horrible réponse à un slogan du Président Kabbah qui exhortait la population à « joindre les mains pour la paix »), et celles d’enfants soldats illettrés mais surarmés, drogués, fanatisés, assoiffés de sang, commencent à parvenir en Occident.

13 Selon Global Witness 14 selon Partenariat Afrique Canada

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Le 6 janvier 1999, les rebelles du RUF attaquaient Freetown, la capitale ; pour la seule journée du 20 janvier, on a ramassé 1140 corps, dans une zone représentant à peine un dixième de la ville. Le bilan de la bataille de la capitale s’établira à 6000 morts en 2 semaines. En juillet 1999 après plus de 8 ans de guerre civile, les négociations entre le gouvernement et le RUF ont abouti à l’accord de paix de Lomé, en vertu duquel les parties conviennent de cesser les hostilités, désarmer les combattants et former un gouvernement d’unité nationale. Par sa résolution 1270 du 22 octobre 1999, le Conseil de Sécurité crée la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (MINUSIL) Ses tâches ont été étendues et ses effectifs renforcés par les résolutions 1289 du 7 février 2000 et 1299 du 19 mai 2000. Le gâteau minier est partagé entre les belligérants. Foday Sankoh s’installe à Freetown en tant que Vice-Président de la Commission pour la gestion des Ressources énergétiques (!) A la surprise générale il semble prendre son rôle au sérieux, et exige une révision de toutes les licences attribuées aux entreprises étrangères. Constatant son impuissance, et réalisant que la Minusil va vraiment déployer ses troupes dans son fief, il relance les hostilités, jusqu’à organiser, début mai 2000, la prise en otage de 500 casques bleus de la Minusil. Mais « lâché » par Charles Taylor, il sera capturé le 10 mai par les troupes britanniques qui ont donc fini par intervenir directement dans leur ancienne colonie. Le 5 juillet 2000 le Conseil de Sécurité adoptait la résolution 1306 qui interdit l’importation directe ou indirecte de diamants bruts en provenance de Sierra Leone n’ayant pas fait l’objet d’un certificat d’origine délivré par le gouvernement du pays. La guerre civile de Sierra Leone a pris officiellement fin en janvier 2002. Les élections du moi de mai ont ramené au pouvoir le président Tejan Kabbah. 46000 combattants ont été désarmés. Une Commission pour la Vérité et la Réconciliation a été mise en place. Un Tribunal Spécial pour la Sierra Leone a été créé conjointement par le gouvernement et les Nations Unies.

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1.2.3 Liberia Le troisième pays qui a été confronté au problème des diamants de la guerre est bien sûr le Libéria. Ce pays aujourd’hui dévasté par une guerre civile qui dure depuis 15 ans est l’exemple d’un rêve qui a vite tourné au cauchemar. Fondé en 1822 par des esclaves noirs américains libérés, le pays a toujours connu une existence difficile. Jusqu’en 1980 il était dirigé par une élite d’origine américaine, corrompue et qui réduisait presque à l’asservissement la population indigène.15 Le Libéria a une production limitée de diamants, connue depuis l’entre-deux guerres. Dans les années 1950 de nombreux négociants s’installent au Libéria, surtout à cause des importantes quantités de diamants découvertes dans la région, et plus particulièrement en Sierra Leone. Toutes les activités minières au Libéria sont artisanales, les diamants y sont tous d’origine alluviale. Cela n’empêche pas que des millions de carats sont « exportés » du pays dans les années 1950, des chiffres qui retombent presque à zéro dans les années 1970 en fonction des contrôles plus importants mis en place en Sierra Leone. En 1999 le Libéria a exporté « officiellement » 8500 carats, ce chiffre passe à 22000 en 1999 et augmente encore en 2000, mais ces chiffres demeurent modestes, même si selon certains observateurs ils ne représentent qu’une partie de ce qui est réellement sorti du pays. Ils n’ont de toute façon aucune commune mesure avec les chiffres déclarés dans les pays importateurs, qui révèlent simplement que de tout temps, le Libéria a servi de couverture pour les diamants volés dans les pays voisins. Un premier coup d’état sanglant, dirigé par l’ancien sergent Samuel Doe, met fin au régime historique, qualifié de « blackcolonialisme », et propulse pour la première fois les « indigènes » au pouvoir. En fait ce sera une dictature particulièrement brutale, ruineuse pour le pays et ses habitants, marquée par les purges ethniques. La guerre civile débute en 1989, lancée par un des anciens hauts fonctionnaires du régime, Charles Taylor 16 qui déclenche une insurrection à partir du Nord, où le régime avait déjà mené une répression sanglante. Charles Taylor a véritablement « inventé » les diamants de la guerre, étant le premier à utiliser à grande échelle les revenus des diamants produits dans la zone qu ’il contrôle pour financer sa rébellion. Les combats gagnent tout le pays, opposant les enfants-soldats de Taylor et les soldats de Doe, qui rivalisent d’atrocités. Doe sera finalement capturé par les rebelles, torturé et exécuté. Taylor parvient à se faire élire président en 199717 Son régime sera tout aussi sanglant que celui de son prédécesseur. Entre-temps la guerre civile a éclaté en Sierra Leone ; Taylor, après avoir inventé les diamants de la guerre, va faire bénéficier ses voisins de son expérience. F.Sankoh, le fondateur du RUF, est un de ses anciens compagnons de guérilla. Il va donc l’appuyer à son tour, lui fournissant une base arrière et en plus un débouché pour ses diamants. Le Liberia devient une fantastique

15 Cette période est notamment décrite dans le livre de Graham Greene “Voyage sans carte», Paris, Seuil, 1951. Je ne peux résister à l’envie d’en reproduire cet extrait : « M.Faulkner avait gagné le respect incertain de tout le monde au Libéria. Il avait dépensé tout son argent…à combattre un président après l’autre au nom de la réforme. « Mais non, a dit M. Nelson …nous n’aimons pas Faulkner» Après un certain temps, il a trouvé l’énergie pour s’expliquer : « Voyez-vous, il a une idée » « Quelle idée ? » Ai-je demandé ? « Personne ne le sait, a dit M.Nelson, mais nous ne l’aimons pas » 16 Surnommé « super glue » car les billets de banque du Trésor Public qui lui passaient entre les mains y restaient à jamais accrochés…il avait dû se réfugier quelques années aux États-Unis, accusé d’avoir détourné 900000 dollars 17 Le slogan de sa campagne électorale: “I killed your Pa, I killed your Ma, Vote for me!”

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plaque tournante de tous les trafics, et contribue à déstabiliser l’ensemble de la région ( notamment la Guinée, et la Côte d’Ivoire). En mars 2001 le Conseil de Sécurité des Nations Unies impose un embargo sur l’exportation de diamants en provenance du Libéria, faisant suite à un rapport d’un groupe d’experts des Nations Unies qui avait établi le lien entre le Libéria et le RUF.18 Cette interdiction sera reconduite en 2003.19 C’est à la même époque que les différentes factions anti-Taylor arrivent enfin à s’unir dans le mouvement des Libériens Unis pour la Démocratie et la Reconstruction (LURD). Ensemble avec le MODEL, une autre faction armée par la Côte d’Ivoire, ils passent à l’offensive et, en juillet 2003, assiègent la capitale, Monrovia. Sous l’égide de la CEDEAO, un accord de paix est signé à Accra ; il prévoit l’effacement de Taylor, la création d’un gouvernement de transition, et le déploiement d’une force de maintien de la paix des Nations Unies (UNMIL). La guerre civile du Libéria, dans ses deux phases (1989-1997 et 2000-2003) aura fait 200.000 morts, et un million de personnes déplacées. Quant à Charles Taylor, il coule aujourd’hui des jours tranquilles en exil sur l’île de Calabar, au Nigeria. Au moment de quitter sa capitale de Monrovia, le 11 août 2003, il avait déclaré « Je reviendrai, si Dieu le veut » Il faudra que Dieu le veuille vraiment : le 4 juin 2003, Taylor a été inculpé pour crimes de guerre par le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone.20 1.2.4 On ne peut passer sous silence le rôle capital joué par les organisations non gouvernementales dans la prise de conscience des crimes commis dans ces guerres du diamant. Sans l’activité fantastique de ces organisations, et surtout de deux d’entre elles, une anglaise, Global Witness, et une canadienne, Partenariat Afrique Canada, de combien d’années supplémentaires les tueurs auraient-ils pu encore disposer pour continuer leurs criminelles entreprises, leurs atrocités et leurs meurtres à grande échelle? Global Witness, et PAC, avec des moyens extrêmement réduits, ont vaincu l’indifférence et fait plier une industrie qui pensait n’avoir de compte à rendre à personne. Le point de départ a été le rapport de Global Witness « A rough trade » consacré à l’Angola (1998). Une alliance avec les ONG actives en Angola, un lobbying auprès des politiciens, la confiance gagnée de R.Fowler, le diplomate canadien qui présidait le Comité des Sanctions en Angola, ont permis de lancer une campagne globale. Pourtant, il n’y a même pas eu besoin d’une campagne massive dans les médias. L’industrie a pris conscience qu’il pouvait lui arriver ce qui était arrivé au secteur de la fourrure : l’inversion radicale d’une image, du luxe vers l’horreur, de la pureté vers le sang. Les campagnes ciblées, comme celle d’Amnesty International pour la St Valentin de 2001, des manifestants en smoking entourant un sosie de Marilyn Monroe devant le Congrès Mondial du Diamant, ou des slogans comme « Amputations are forever » ont fait l’essentiel. L’intervention

18 Résolution 1343 du Conseil de Sécurité (2001) 19 Résolution 1478 du Conseil de Sécurité (2003) 20 Cette section est essentiellement basée sur : « Libéria, de l’utopie au cauchemar » Valentin Hodonou, le Nouvel Afrique Asie, N°168, septembre 2003 ; « Diamants sans cartes », Lansana Gberie, Document hors-série N°11, Partenariat Afrique Canada

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des troupes britanniques en Sierra Leone après la prise en otage des casques bleus par les rebelles du RUF a bien sûr augmenté la « visibilité » de la guerre pour les diamants. « Un puissant cocktail de paras, de diamants et de gens amputés de leurs membres » pour reprendre l’expression d’un militant de Global Witness, a cristallisé le sujet auprès de l’opinion publique. Même si le rôle des gouvernements, et notamment de ceux d’Afrique du Sud et du Canada, ne peut être négligé, et même si l’industrie n’hésite plus à s’arroger la paternité du Processus de Kimberley, l’intervention capitale des ONG est à l’origine de la prise de conscience des crimes commis pour les diamants, du changement d’attitude de l’industrie et des efforts des gouvernements pour mettre en place des mécanismes de contrôle. 21 1.2.5 les réactions de la Communauté internationale ; Les trois conflits qui viennent d’être décrits ont beaucoup en commun : les diamants qui, de moyen, en deviennent la fin, la cruauté, l’absence de possibilité de règlement politique puisque le seul enjeu, c’est le contrôle total des diamants. Ces trois conflits ont aussi en commun leurs interactions réciproques, et leur rôle déstabilisant pour toute la région. Ils se caractérisent en effet par la continuité géographique: comme l’écrit F.Barrault22 « La géographie des principales guerres civiles africaines actuelles - Angola, République Démocratique du Congo, Sierra Leone, Liberia, Guinée - recouvre parfaitement celle des zones diamantifères et des pays limitrophes ». Ils se caractérisent aussi par la relative indifférence de la Communauté internationale à leur égard, et la longue passivité de l’opinion publique occidentale. Qui se soucie finalement de la mort de centaines de milliers d’Africains pendant une vingtaine d’année? Quant à l’industrie, elle sous-estimera longtemps l’importance du problème , en faisant valoir que les diamants du sang, pour autant qu’on admette leur existence, ne représentent que 4 à 5 % du commerce mondial, ce qui est statistiquement exact, mais néanmoins humainement insupportable. Les réactions de la Communauté internationale furent tardives et peu efficaces. Les missions envoyées sur place par les Nations Unies ou les Etats africains se sont révélées incapables de ramener la paix. C’est la fortune des armes, si l’on peut se permettre une telle expression lourde de double sens, qui a amené la victoire des gouvernements et la défaite des rebelles. S’agissant du problème précis des diamants de la guerre, il a fallu des années pour que l’on reconnaisse leur rôle dans le financement des rebelles, et qu’on prenne des mesures : embargo en 1998 en ce qui concerne l’Angola, en 2000 pour la Sierra Leone et en 2001 pour le Liberia, seul ce dernier étant toujours en vigueur. En exécution de ces embargos, les gouvernements angolais et sierra leonais mettaient en place un système de certification, puisque, à la différence du Liberia, seuls les diamants non certifiés par le gouvernement étaient concernés par l’embargo.

21 “How a little band of London activists forced the diamond trade to confront the blood on its hands” M.Braid and Stephen Castle, The Independent (London) 24/07/2000 22 Frédéric Barrault « Les Diamants du Sang », sur www.african-geopolitics.org

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Toutefois, la perméabilité des frontières, et l’extrême facilité pour les trafiquants en diamants en tous genres d’échapper à tout contrôle, dans des régions où n’existe plus aucune autorité organisée, expliquent le relatif échec de des embargos.23 Le G8 s’est aussi préoccupé du sujet. Au sommet d’Okinawa en juillet 2000, les chefs d’Etat ont souligné l’importance du problème des diamants de la guerre dans le cadre de la prévention des conflits. On a fait beaucoup de déclarations. L’industrie a commencé à réagir de son côté. Certains états importateurs ont renforcé leurs mesures de contrôle.24 La Belgique était en 1999 le seul pays de la Communauté européenne qui appliquait un système de licence pour l’importation et l’exportation de diamants bruts et polis, assorti de contrôles physiques sous l’autorité du Ministère des Affaires Economiques. En septembre 1999 était créée une « task force diamants » regroupant des représentants des ministères concernés (Justice, Affaires Etrangères, Coopération au Développement, Commerce Extérieur), la Sûreté de l’Etat, le Parquet d’Anvers et le Magistrat National. Cette Task Force, qui se réunit chaque semaine, vise à échanger des informations et à prendre les mesures nécessaires pour rendre le marché du diamant plus transparent.25 Outre la mise en œuvre des embargos partiels décidés par les Nations Unies sur les diamants de l’Angola et de la Sierra Leone, basée sur le système de licence déjà en vigueur en Belgique, obtenue après vérification des certificats émis par les gouvernements légitimes, la Belgique a décidé d’appliquer des licences d’importation individuelles pour les diamants provenant des pays africains « sensibles »26, avec vérification de l’origine par des experts du Ministère. Le Parlement belge a adopté le 14 juillet 2000 une résolution demandant au Gouvernement Fédéral de travailler à une coopération internationale structurelle avec les pays confrontés au problème des diamants de la guerre et de mettre en oeuvre un système supplémentaire de contrôle ; et de prendre les actions nécessaires auprès des Nations Unies pour renforcer le contrôle sur les certificats d’origine avec un système international de surveillance et d’harmoniser les règles de contrôle internes afin d’empêcher leur détournement. On ne peut nier tous ces efforts. Mais seul le Processus de Kimberley apparaît de nature à changer concrètement les choses sur le terrain, en imposant, de façon globale, à ce marché des diamants bruts des principes qu’il n’avait jamais connus : transparence, traçabilité, contrôle, sanctions.

23 Voir par exemple “Angolan Diamonds Still Smuggled Out of Country” Alex Belida, 27/03/2002 www.globalwitness.org/press_releases/article. 24 La Suisse, par exemple, renforçait en mars 2000 les contrôles sur les diamants en transit dans ses ports francs (freiläger) de Zurich, Genève et Bâle. Les diamants devraient dorénavant être accompagnés de certificats qui établissaient non seulement le pays par lequel ils avaient transité, mais aussi celui où ils avaient été extraits. (Source : Service de presse et d’information du Département fédéral des finances. www.admin.ch) 25 dossier du HRD (Hoge Raad voor Diamant), 1 novembre 2000 sur www.conflictdiamonds.com 26 Liberia, RDC, Côte d’Ivoire, Ouganda, République centrafricaine, Ghana, Guinée, Namibie, Congo (Brazzaville), Mali, Zambie

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1.3 diamants de la guerre, diamants du développement, diamants de la prospérité ? Le slogan du Processus de Kimberley est « Stop Conflict Diamonds. Promote Prosperity Diamonds ». En d’autres termes, il faut arrêter le scandale des diamants de la guerre, pour que les revenus des diamants réintègrent l’économie officielle des pays producteurs et contribuent donc à leur développement. On retrouve là une position classique de l’industrie diamantaire- et notamment de la De Beers- selon laquelle les diamants de la guerre n’affectent qu’une très faible proportion du commerce, et qu’en règle générale les diamants profitent avant tout aux populations des pays producteurs. Cette affirmation est largement mise en doute par les ONG, qui contestent le lien entre diamants et développement. Un rapport réalisé par Partenariat Afrique Canada27 étudie la situation particulière de l’Afrique du Sud, du Bostwana et de la Namibie. Il constate notamment que, bien que les infrastructures et certains services soient de meilleure qualité au Botswana qu’ailleurs sur le continent africain, les taux de pauvreté, ainsi d’ailleurs qu’en Namibie, sont aussi élevés que dans des pays sans production de diamants. Au Botswana, 60 pour cent de la population vit avec moins de 2dollars par jour, malgré le PNB par habitant le plus élevé de l’Afrique et un taux de croissance important. La prospérité est en tout cas mal partagée. La vie des mineurs dans le secteur artisanal est souvent des plus misérables : quelques dollars par jour tout au plus, pour un travail pénible, à la merci des trafiquants et intermédiaires en tout genre. L’exemple de la République Démocratique du Congo (l’ex Zaïre), qui officiellement n’a pas été affecté par le phénomène des diamants de la guerre, est également éclairant : bien qu’étant un de premiers producteurs mondiaux de diamants, la RDC figure au 167ème rang sur 175 sur l’indice du développement humain, en compagnie précisément de la Sierra Leone et de l’Angola. Je reviendrai sur le cas de la RDC dans la section 6. Si un pays arrive à contrôler son industrie et à taxer la production et les exportations, il va certes augmenter les ressources de l’état, mais il va aussi augmenter la contrebande et la fraude. La question est donc loin d’être simple. Il convient de signaler qu’en octobre 2002, l’industrie du diamant a lancé un « fonds de secours du diamant » destiné à réduire la pauvreté dans les plus pauvres des pays producteurs. Le Botswana a été le premier à bénéficier d’un don d’environ 250000 euros pour des programmes sociaux et médicaux. L’ancien Vice-Président américain Al Gore a déclaré au congrès d’Anvers du Congrès Mondial du Diamant de décembre 2002 : « C’est un nouveau départ pour votre industrie. Je prédis que c’est la fin d’une période de deux ans et demi de publicité négative sur les diamants de la guerre »28. Enfin, les ONG soulignent les importants dégâts environnementaux causés par l’activité minière.

27 Ralph Hazelton “Les Diamants: éternels ou providentiels? L’impact économique des diamants en Afrique australe » 28 Autres Facettes, N°8, novembre 2002, p2

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2) LA NEGOCIATION DES ACCORDS DE KIMBERLEY 2.1 la genèse des accords : Il n’est pas aisé de retracer l’évolution des accords de Kimberley, qui fut d’ailleurs extrêmement rapide, puisqu’il s’est écoulé moins de trois ans entre le coup d’envoi des discussions et la mise en œuvre du système. Il s’agit en fait d’une série de réunions ministérielles ou d’experts, qui n’ont apparemment pas fait l’objet de comptes-rendus publics, pas plus qu’elles n’ont abouti à des documents approuvés disponibles. Les seules traces officielles que ces réunions ont laissées sont les communiqués de presse publiés à l’issue de chacune d’elles et qui sont disponibles sur le site web du Processus de Kimberley. On devra donc se contenter de ces textes assez sommaires, et rédigés dans un langage des plus « diplomatique », complétés le cas échéant par les articles de journaux qui les ont repris. Ils mettent en tous cas en évidence la rapidité du processus : les participants voulaient aboutir vite, et ils se sont donnés les moyens, en multipliant les réunions afin de s’attaquer à l’ensemble des questions techniques qui accompagnent inévitablement la mise en place d’un système destiné à réguler une activité caractérisée jusqu’ici par l’absence de transparence et de règles effectives (à part bien sûr celles imposées par le quasi – monopole de la De Beers). Une source précieuse de renseignements sur la genèse du processus de Kimberley est également fournie par les bulletins des ONG qui y ont participé, et notamment le bulletin « Autres Facettes » de Partenariat Afrique Canada. Ses 14 numéros, publiés depuis septembre 2000, relatent de façon critique les progrès et les obstacles qui se sont succédé au fil des réunions. On y détecte la crainte permanente des ONG de voir les négociations s’enliser ou aboutir à un mécanisme dépourvu d’efficacité réelle. Les titres des éditoriaux du bulletin « Autres Facettes » sont à cet égard révélateurs : « Le Processus de Kimberley est-il bloqué ? » (juin 2001) ; « Les diamants de la guerre sont-ils éternels ? » (octobre 2001) ; « L’accord de Kimberley : des demi-mesures » (décembre 2001) ; « Processus de Kimberley : percée partielle » (juin 2002) ; « Démarrage du PK : la confusion est au rendez-vous » (mars 2003) ; « Des progrès à la réunion du processus de Kimberley » (juin 2003) ; « Le processus de Kimberley : ça passe ou ça casse » (septembre 2003) ; « Des progrès à Sun City : le Processus de Kimberley devient plus mordant » (décembre 2003) Comme on le voit, vigilance, mais aussi reconnaissance objective des progrès accomplis, caractérisent l’attitude de cette ONG particulièrement active dans le domaine des diamants de la guerre. On ne trouve pas de trace sur le site officiel du Processus de Kimberley de la toute première réunion, celle qui a lancé le processus et lui a donné son nom, et qui a eu lieu à Kimberley, Afrique du Sud, les11 et 12 mai 2000. On peut utilement se référer à la publication en ligne Diamonds.Net 29, qui exprime -ô combien !- le point de vue de l’industrie du diamant . L’impression de l’auteur est que l’industrie est prise en otage pour des questions essentiellement politiques. Il juge l’action des ONG « irresponsable et dangereuse pour le bien-

29 “Technical Forum on the Issue of “Conflict Diamonds” No simple solution to complex political/social problem” par Hilto Ashton, 24/05/2000

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être de l’industrie du diamant. L’intérêt de cet article est qu’il donne le détail des différentes interventions. On peut ainsi prendre connaissance de la position exprimée par le représentant de la De Beers, qui affirme notamment que sa société garantit ne plus acheter aucun diamant qui serait en violation des résolutions des Nations Unies. Ou de celles du représentant des Nations unies, qui affirme que 99% des diamants de l’Unita aboutissent à Anvers. La première réunion officielle du Processus de Kimberley eut ensuite lieu à Windhoek (Namibie), du 13 au 16 février 2001 dans la foulée de la Résolution 55/56 de l’Assemblée Générale des Nations Unies qui avait salué le lancement de l’initiative. 26 Gouvernements, la Commission européenne, le World Diamond Council et des observateurs de la société civile étaient présents. La réunion a consisté en une session officielle, suivie d’un un atelier technique. L’atelier technique a été consacré à des présentations des systèmes de certification en vigueur en Sierra Leone et en Angola, des procédures à l’importation en Belgique et en Russie, et des législations russes et israéliennes. Le Haut Conseil du Diamant belge fit une présentation des exigences minimales en matière de certification qui pouvaient être envisagées. La session officielle ne se contenta pas de saluer la récente Résolution de l’AGNA : on peut dire au contraire que les participants se sont immédiatement « retroussé les manches » Ils ont ainsi adopté une « feuille de route » (Roadmap) destinée à préciser les étapes à parcourir pour rendre opérationnel un système de certification des diamants bruts. Et ils ont aussi créé une « Task Force », composée de représentants des différentes parties en présence, pour assister la Présidence dans la coordination des différentes actions à entreprendre. La « feuille de route » comportait essentiellement les étapes suivantes, consistant en autant de réunions d’experts qui devaient avoir lieu entre avril et octobre 2001, destinées à approfondir les questions techniques : analyse des contrôles à l’importation et à l’exportation, propositions d’exigences minimales acceptables, et finalement proposition détaillée d’un système de certification internationale. La date et le lieu de la prochaine réunion ont également été décidés : ce serait à Bruxelles, en avril. Le communiqué de presse de cette deuxième réunion, tenue à Bruxelles les 25 et 26 avril 2001, et qui s’est ouverte par une intervention de Mme Neyts-Uyttebroeck, Secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères, nous apprend que 38 gouvernements étaient réunis, avec en plus la Commission européenne, le World Diamond Council, la « société civile », mais aussi les Présidents des Comités des Sanctions des Nations Unies pour l’Angola et la Sierra Leone, ainsi que l’Organisation Mondiale des Douanes. Sur la base des travaux de la Task Force, et des réponses à un questionnaire envoyé à tous les Etats concernant leurs systèmes de contrôle internes, la réunion a été consacrée essentiellement aux caractéristiques des certificats d’origine, ainsi qu’aux situations respectives des importateurs, utilisateurs et ré-exportateurs de diamants bruts, les zones franches et les biens d’origine mixte.

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On se retrouva ensuite à Moscou les 3 et 4 juillet 2001 (34 gouvernements et les autres participants habituels avaient fait le déplacement) Outre un accord sur les éléments fondamentaux du futur système de certification internationale, et le rappel de l’importance de mécanismes nationaux de surveillance et de contrôle adéquats, les participants accueillirent aussi avec satisfaction une proposition du World Diamond Council pour mettre en place un système d’auto -réglementation par l’industrie, basé sur une chaîne de garanties. Il fut convenu qu’un tel dispositif qui, dans la mesure du possible, devrait être juridiquement contraignant dans les différents Etats participants, formerait partie intégrante du futur système de certification internationale. A Twickenham (dans la banlieue de Londres) du 11 au 13 septembre 200109/2001, soit 9 mois après le début des travaux, 32 gouvernements se retrouvèrent pour approuver les grandes lignes du futur système : utilisation de certificats infalsifiables ; contrôles internes fiables ; un processus de certification de toutes les exportations de diamants bruts ; la collecte et le partage de données auprès de tous les participants sur leur production, exportations et importations; mise en œuvre effective du système de certification par des sanctions dissuasives et proportionnelles, utilité de l’auto - réglementation de l’industrie pourvu qu’elle respecte certaines exigences minimales, et enfin échange d’information sur les législations et procédures nationales. La réunion d’Ottawa (18 au 20 mars 2002) eut lieu quelques jours après l’adoption de la Résolution 56/263 de l’AGNA, se pencha sur des questions techniques de mise en œuvre : la compatibilité du futur système avec les règles du commerce international de l’OMC ; les statistiques ; le support administratif nécessaire (on conclut qu’il n’y avait pas besoin, à ce stade, d’un secrétariat permanent) ; la présentation et le logo du futur certificat. Et surtout, les participants convinrent de se retrouver en Suisse en novembre, en réunion plénière, pour procéder au lancement définitif du système. C’est donc à Interlaken le 5 novembre 2002 que les ministres lancèrent officiellement le Système de Certification des Diamants Bruts du Processus de Kimberley. La réunion fut ouverte par le Ministre des Affaires Etrangères de la Confédération, Jean-Pascal Couchepin. Dans son discours, il situa le Processus de Kimberley dans le contexte de la politique étrangère de la Suisse, caractérisée par une tradition humanitaire, la promotion de la paix par la prévention des conflits, le recours à des sanctions « ciblées » (un concept développé par le gouvernement suisse, précisément à Interlaken, où plusieurs séminaires d’experts avaient été organisés sur le principe de sanctions financières qui ne viseraient que les personnes ou les biens constituant une menace directe pour la paix et la sécurité internationale, sans affecter le reste de la population ni le commerce international.) L’importance de protéger le commerce légitime des diamants était aussi soulignée, les diamants représentant pour plusieurs pays une source précieuse de revenus pour le progrès économique et social. Selon M. Couchepin, un boycott aurait pour l’économie de ces pays des conséquences dramatiques. Cette fois, plutôt qu’un simple communiqué de presse, c’est une vraie Déclaration Ministérielle qui fut publiée. Les signataires étaient l’Angola, l’Australie, le Botswana, le Brésil, le Burkina Faso, le Canada, la Côte d’Ivoire, la Chine, Chypre, la République tchèque, la République Démocratique du

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Congo, la Communauté européenne, le Gabon, le Ghana, la Guinée, l’Inde, Israël, le Japon, la Corée, le Lesotho, Malte, Maurice, le Mexique, la Namibie, la Norvège, les Philippines, la Russie, la Sierra Leone, l’Afrique du Sud, le Swaziland, la Suisse, la Tanzanie, la Thaïlande, l’Ukraine, les Emirats arabes Unis, les Etats-Unis et le Zimbabwe. La Déclaration comporte 7 points, parmi lesquels la décision d’adopter le système de certification du Processus de Kimberley, et l’intention de le faire démarrer le 1er janvier 2003, et à compter de leur adhésion pour les Etats qui le rejoindraient ultérieurement. Les signataires réaffirment aussi leur détermination à surveiller de façon effective le commerce des diamants bruts, afin de détecter et d’empêcher le commerce de diamants de la guerre. Le Processus de Kimberley est présenté comme un processus international permanent. Les 28 et 30 avril 2003, soit après la date annoncée de lancement du processus de Kimberley, les participants (51 Etats) se retrouvèrent une nouvelle fois à Johannesburg. La décision la plus importante consista à instaurer une période de « tolérance » jusqu’au 31 juillet 2003, date à laquelle la liste définitive des Participants serait arrêtée. Cette période allait être mise à profit par le Comité de Participation, nouvellement créé, pour revoir la situation de chaque Etat, et notamment sa capacité à s’acquitter effectivement de ses obligations. En fait, si près de 70 pays avait exprimé leur intention de se joindre au système de certification, peu parmi eux avaient soumis des échantillons de leurs certificats ou des textes législatifs attestant de leur conformité. La réunion de Johannesburg servit aussi à adopter des Règles de Procédure pour l’organisation des réunions plénières et les instances subordonnées du processus. Une première version des lignes directrices pour le mécanisme de « jugement par les pairs » (« peer review ») a été discutée. Des recommandations concernant l’établissement des statistiques furent approuvées ainsi que les termes de référence du sous-groupe « statistiques » ; l’intention était de procéder aussitôt que possible à une première collecte de statistiques, couvrant le premier trimestre 2003. La réunion de Johannesburg a aussi permis de prendre les premières mesures concrètes d’application vis-à-vis de pays participants. Le communiqué final mentionne tout d’abord le cas de la République Centrafricaine. Après ce que le communiqué appelle pudiquement « les événements liés au changement de gouvernement survenu le 15 mars », la question se posait en effet de savoir si ce pays avait toujours la capacité de remplir les obligations qui lui incombaient en tant que participant. Pour la première fois, il fut décidé d’envoyer une mission d’évaluation dans un pays participant, d’ailleurs à l’invitation du pays concerné lui-même. On reviendra dans la section 5 sur les circonstances de ce « changement de gouvernement » (un très classique coup d’état militaire), l’organisation de cette mission, et ses résultats. S’agissant du Liberia, les Participants ont pris note du désir de ce pays de devenir participant au système de certification. Une telle demande ne pourra toutefois être prise en considération tant que l’embargo sur le commerce des diamants imposé par le Conseil de Sécurité des Nations Unies ne sera pas levé. On reviendra aussi sur la situation du Liberia dans la section 6. Le 31 juillet 2003, le Président en exercice du Processus de Kimberley annonça officiellement la fin de la « période de tolérance » Des 63 candidats participants, 24 ont été écartés après examen

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de leur situation par le Comité de Participation. La liste définitive des participants figure en annexe I. La réunion suivante eut également lieu en Afrique du Sud - à Sun City, du 29 au 31 octobre 2003. Elle accoucha de plusieurs décisions importantes. Tout d’abord, l’idée que le mécanisme devrait être revu (comme le prévoit son paragraphe 20) au plus tard le 31 juillet 2006. Ensuite, les structures : un amendement fut apporté aux règles de procédure, afin de garantir la continuité de la direction du processus. Il prévoit que le Vice-Président, à l’issue des 12 mois de son mandat, deviendra automatiquement le prochain président. Ce système était apparemment indispensable pour contenter tous les pays qui estimaient que la présidence leur revenait de droit (Rappelons que l’Afrique du Sud, initiatrice du processus, avait présidé jusqu’ici les réunions) C’est ainsi qu’on put se mettre d’accord sur un « ticket » pour 2004 : la présidence au Canada, et la vice – présidence à la Russie, qui accèdera donc à la présidence en 2005 ; le Canada s’est engagé d’emblée à travailler en coopération avec la Russie. Ces questions de présidence pourraient faire sourire, s’il ne s’agissait pas en réalité de la volonté des principaux acteurs de garder un contrôle étroit sur le fonctionnement et le développement du système de certification. Les pessimistes estimeront sans doute que ces gouvernements veulent ainsi éviter que des informations désagréables ne remontent à la surface. Les optimistes verront dans cet intérêt des gouvernements la preuve de l’importance du Processus de Kimberley et de sa capacité à modifier réellement la situation sur le terrain. La réunion de Sun City prit aussi connaissance, avec satisfaction, du rapport de la mission d’inspection effectuée en République Centrafricaine du 8 au 15 juin 2003. Comme on le verra plus loin, cette mission a conclu que les autorités de la République centrafricaine disposaient bien des capacités leur permettant de mettre en œuvre le système de certification du Processus de Kimberley, tout en les encourageant à poursuivre leurs efforts pour développer les systèmes de contrôle internes et de surveillance. Mais le résultat le plus important de la réunion de Sun City fut incontestablement le déblocage de longues discussions sur le mécanisme de surveillance, qui pour certains devait se limiter à un « jugement par les pairs » (« peer review »), et qui pour d’autres devait être indépendant des gouvernements nationaux ; de même le caractère volontaire ou non du système de surveillance avait représenté depuis le début une sérieuse pomme de discorde. Les uns, appuyés par les ONG, estimaient que les visites devaient être pratiquées de façon généralisée. Les autres, se retranchant derrière le principe de souveraineté, insistaient sur l’accord préalable nécessaire du pays concerné, sauf en cas d’ « indications crédibles de non-conformité marquée » (paragraphe XX). Finalement, un compromis fut trouvé, sur la base d’une proposition du Groupe de Travail « Monitoring » Il distingue les « visites d’évaluation », lesquelles sont effectuées sur une base volontaire, et les « missions d’évaluation » obligatoires en cas d’indications crédibles de non-conformité significative. Le progrès consiste dans la reconnaissance par l’ensemble des participants qu’il était « désirable que le plus grand nombre possible de pays participants se

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portent volontaires pour accueillir une telle visite d’évaluation d’ici à 2006 » En d’autres termes, les participants sont fermement invités à se porter volontaires, et ceux qui ne l’auront pas fait ne manqueront pas d’attirer l’attention des autres sur leur situation. Ce n’est donc toujours pas le système d’inspections obligatoires que les ONG appelaient de leurs vœux, mais on s’en rapproche. On reviendra sur les détails des mécanismes de contrôle et de surveillance dans la section 4. La prochaine réunion plénière aura lieu à Ottawa, Canada, du 27 au 29 octobre 2004.

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2.2 les Résolutions de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies : Né d’une initiative volontaire des pays les plus concernés, sous la pression des ONG et avec le soutien de l’industrie qui savait que son avenir était peut-être en jeu, le Processus de Kimberley a été encadré, de façon étroite par l’Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité des Nations Unies. La première résolution de l’Assemblée Générale consacrée au Processus de Kimberley date du 1er décembre 2000 30 ; elle exprime une prise de conscience de la gravité et de l’urgence du problème des diamants de la guerre, et de la nécessité d’y remédier par des mesures « effectives et pragmatiques, conformes au droit international, en ce compris les dispositions et engagements pertinents en matière commerciale », et qui ne devraient pas « faire obstacle au commerce légitime des diamants, ni imposer des charges inutiles aux gouvernements et à l’industrie, en particulier les petits producteurs, ni gêner le développement de l’industrie du diamant » ; la Résolution exprime ensuite son appréciation positive du Processus de Kimberley, et encourage les participants à accueillir en leur sein tous les Etats qui jouent un rôle important dans l’industrie mondiale du diamant ainsi qu’à poursuivre le processus de négociation intergouvernementale visant à développer un système international de certification des diamants bruts. Enfin, la Résolution invite les participants au processus de Kimberley à faire rapport des progrès accomplis à l’Assemblée Générale, au plus tard pour sa prochaine session. L’Assemblée Générale revint sur le sujet lors de sa 56ème session. La Résolution 56/263 prend connaissance du rapport d’étape demandé, exprime sa satisfaction pour le travail accompli, demande que le système de certification soit entièrement opérationnel le plus vite possible, souligne la nécessité de disposer de statistiques sur la production et le commerce international des diamants bruts 31 et appelle à une participation qui soit la plus large possible. L’Assemblée Générale avait à nouveau décidé de remettre le sujet à l’ordre du jour de sa prochaine session, et a d’ailleurs continué de le faire depuis. C’est ainsi que deux nouvelles résolutions ont été adoptées en 2003 32 et 200433. Cette dernière résolution est évidemment particulièrement intéressante puisqu’elle est postérieure à l’entrée en vigueur définitive du système international de certification. Tout en réaffirmant avec vigueur son soutien au système, et en exprimant sa satisfaction quant à l’adoption de la décision de Sun City concernant le mécanisme de « jugement par les pairs », l’Assemblée Générale « encourage les participants » à permettre les visites volontaires d’évaluation, ainsi qu’à soumettre des rapports annuels et, encore une fois, à collecter et soumettre les données statistiques pertinentes sur la production et le commerce international des diamants bruts. Parallèlement à l’Assemblée Générale, le Conseil de Sécurité a également suivi, et soutenu la mise en place du Processus de Kimberley.

30 AGNU Résolution 55/56 31 c’était une des questions les plus difficiles à résoudre par les négociateurs, qui voyaient ainsi leurs efforts soutenus au plus haut niveau 32 Résolution 57/302 du 15 avril 2003 33 Résolution 58/59 du 5 avril 2004

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Outre les différentes résolutions relatives aux embargos sur les diamants en provenance des pays affectés par la guerre ou la guerre civile (Angola, Liberia, Sierra Leone), on citera particulièrement les résolutions 1295 (2000)du 18 avril 2000 qui prend acte avec satisfaction du lancement du projet, et la résolution 1459 (2003) du 28 janvier 2003, adoptée dans la foulée de la réunion d’Interlaken. 3) ANALYSE DES ACCORDS 3.1 Nature et statut du Processus de Kimberley Précisons tout d’abord que le statut du système international du Processus de Kimberley est assez particulier. Il ne s’agit pas d’un acte juridiquement contraignant en droit international : les gouvernements des Etats participants n’ont pas signé un traité, et leurs parlements ne l’ont pas ratifié. Il s’agit d’une succession de réunions ministérielles, en présence de représentants de la société civile, qui ont abouti à la mise en place d’un certain nombre de règles que les participants se sont engagés à respecter. Comme on l’a vu, ce processus a toutefois été reconnu, encadré et encouragé par des résolutions successives de l’Assemblée Générale et du Conseil de Sécurité des Nations Unies. L’Assemblée Générale met le sujet à l’ordre du jour de chacune de ses sessions, et invite les participants à lui faire rapport. En outre, si le texte lui-même est basé sur la participation volontaire des gouvernements concernés par le commerce de diamants, comme producteur ou comme importateur, cet engagement se traduit par des obligations concrètes pour les Participants : mettre en place une réglementation et des systèmes de contrôle adéquats, ne plus autoriser le commerce des diamants bruts en dehors des limites du Processus, coopérer avec les autres participants, tenir et échanger des statistiques, etc. Et ces obligations sont assorties d’une sanction majeure : l’exclusion de la liste des participants, qui entraîne la mise hors la loi du pays et de ses entreprises. Ce régime a été jugé compatible avec les règles du commerce international. Par ailleurs, le texte même du Système de Certification est présenté comme une Recommandation. Si la plupart de ses dispositions sont suffisamment précises pour permettre leur application par les Participants, leur mise en œuvre concrète est loin d’être réglée dans le détail : l’annexe 1 concerne les « exigences minimales » et les « éléments facultatifs » auxquels doivent satisfaire les certificats, tandis que l’annexe 2 contient une série de recommandations plus ou moins détaillées concernant les contrôles et les procédures. On ne peut d’ailleurs qu’être surpris de découvrir dans la « Foire Aux Questions » du site du Processus de Kimberley 34, la réponse suivante à la question que tout consommateur conscient du problème est censé se poser : « Comment savoir que je ne suis pas en train d’acheter un diamant de la guerre ? » : « bien que la grande majorité du commerce des diamants bruts soit réglementée par le Processus de Kimberley », répond en substance le responsable du site, « voici quelques conseils utiles à suivre quand on achète un diamant : achetez toujours auprès d’un détaillant de bonne réputation ; n’hésitez pas à poser des questions, comme le pays d’où la pierre a été importée, le pays où elle a été extraite, et si la transaction s’est faite dans le cadre du Processus de Kimberley : votre détaillant devrait être capable de répondre à ces questions » Mais, toujours 34 traduction libre de l’anglais

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d’après le site officiel du Processus de Kimberley, « le conseil le plus important pour éviter d’acheter un diamant de la guerre est de faire appel à votre intuition. N’ayez pas peur de visiter plusieurs magasins ; si quelque chose vous paraît suspect, adressez-vous ailleurs. Tant que vous n’êtes pas convaincu des réponses et du service fournis, n’achetez pas » Cet appel à l’intuition du consommateur n’est –il pas un regrettable aveu de faiblesse de la part des responsables du Processus de Kimberley ou en tout cas un flagrant manque de confiance de leur part dans son efficacité ? Cette recommandation est d’autant plus curieuse que le Processus de Kimberley ne concerne que les diamants bruts ; il ne s’adresse donc pas directement au consommateur final. 3.2 contenu du texte : L’acte fondateur du Système de Certification du Processus de Kimberley, adopté à Interlaken le (2002) se compose d’un Préambule, et de 6 Sections, traitant respectivement des définitions, du Certificat du Processus de Kimberley, des Engagements en ce qui concerne le commerce international des diamants bruts les Contrôles internes, la Coopération et la Transparence et les Questions Administratives. Plusieurs annexes traitent en outre des certificats, des contrôles internes, de la liste des participants et de la liste des autorités de contrôle. Le Préambule commence par rappeler les origines du problème ; il note les effets dévastateurs des conflits alimentés par le trafic des diamants de la guerre sur la paix et la sécurité des populations des pays touchés, ainsi que les violations systématiques des droits de l’homme qui sont commises lors de tels conflits ; il souligne ensuite les effets néfastes de ces conflits sur la stabilité régionale, et l’obligation qu’ont les Etats, en vertu de la Charte des Nations Unies, de préserver la paix et la sécurité internationales ; le Préambule insiste aussi sur la nécessité de mesures internationales urgentes, « pour empêcher que le problème des diamants de la guerre ne nuise au commerce légitime des diamants, qui joue un rôle essentiel dans les économies de nombreux Etats qui produisent, travaillent, exportent et importent des diamants, en particulier les pays en voie de développement » ; il se réfère ensuite aux Résolutions pertinentes de L’Assemblée Générale des Nations unies, et exprime la conviction « que l’on pourrait réduire de façon considérable le rôle des diamants de la guerre dans le financement des conflits armés en adoptant un système de certification des diamants bruts visant à exclure les diamants de la guerre du commerce légitime » ; il fixe ensuite les conditions du succès d’un système international de certification des diamants bruts : « un système de certification internationale des diamants bruts ne sera crédible que lorsque tous les participants auront mis sur pied des systèmes internes de contrôle visant à éliminer les diamants de la guerre de la chaîne de production, d’exportation et d’importation des diamants bruts sur leurs propres territoires, tout en reconnaissant que les différences dans les modes de production et les pratiques commerciales et dans les types de contrôle institutionnel pourraient imposer l’adoption de méthodes différentes pour mettre en application les normes minimales » ; le Préambule note également que le système de certification « doit respecter le droit régissant le commerce international », ainsi que « la souveraineté des Etats (…) de même que les principes d’égalité, d’avantages réciproques et de consensus » La Section 1 contient les définitions des termes qui vont être utilisés dans le cadre du système de certification, en commençant par la définition les diamants de la guerre : « des diamants bruts utilisés par des mouvements rebelles ou leurs alliés pour financer des conflits visant à déstabiliser des gouvernements légitimes, tels que décrits dans les résolutions pertinentes du

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Conseil de sécurité des Nations unies, et tels que compris et reconnus dans la résolution 55/56 de l’Assemblée Générale des Nations unies ou dans d’autres résolutions similaires qui peuvent être adoptées à l’avenir par l’Assemblée générale » On y définit également les notions de Lot (« un ensemble d’un ou plusieurs diamants emballés, mélangés ensemble, et qui forme un tout »), de Chargement (« l’importation ou l’exportation physique d’un ou plusieurs lots »), d’autorités d’importation et d’exportation, et de Participant (un Etat ou une organisation régionale d’intégration économique -telle que la Communauté européenne-, auquel ou à laquelle s’applique le système de délivrance de certificats. La Section 2 pose les principes qui régissent les certificats. Chaque participant doit en effet s’assurer qu’un certificat, respectant les normes minimales du Processus de Kimberley, accompagne chaque chargement de diamant brut destiné à l’importation ; outre les exigences minimales prévues dans l’accord, les participants peuvent ajouter d’autres éléments à leurs certificats, et en informer les autres participants. Le cœur du système est défini à la section III (« Engagements en ce qui concerne le commerce international de diamants bruts ») Chaque participant doit : - en ce qui concerne les chargements de diamants bruts exportés vers les pays participants, exiger qu’un certificat dûment validé accompagne chaque chargement ; - en ce qui concerne les chargements de diamants bruts importés d’un pays participant, exiger un certificat dûment validé, qui doit être conservé et pouvoir être consulté pendant au moins trois ans, et veiller à ce qu’une confirmation de réception soit envoyée dans les plus brefs délais aux autorités d’exportation compétente ; -s’assurer qu’aucun chargement de diamants bruts n’est exporté vers un pays non-participant, ni importé d’un pays non-participant 35. En d’autres termes, pas de commerce sans certificat, et surtout pas de commerce en dehors du cercle fermé des participants au Processus de Kimberley, que ce soit à l’importation ou à l’exportation. Et pour être admis comme participant, les Etats doivent satisfaire à une série de conditions. La Section IV traite des contrôles internes que les participants s’engagent à mettre en place ; peu de détails à ce stade : il s’agit de désigner une ou des autorités responsables des importations et des exportations, de s’assurer que les diamants sont transportés dans des conteneurs inviolables, d’adopter ou modifier si nécessaire les législations pertinentes, en ce compris l’application de sanctions dissuasives et proportionnées en cas de violation, de recueillir et conserver les données officielles concernant le commerce des diamants. En fait, cette section est complétée par l’Annexe II, qui contient des recommandations détaillées dont les participants doivent « tenir compte, selon les besoins » Ces recommandations

35 sur le transit, il est admis que les participants qui autorisent le transit de chargements sur leur territoire sont exemptés des obligations prévues, à condition que les autorités compétentes se soient assurées que le chargement quitte le territoire « dans le même état qu’à son arrivée (c’est-à-dire ni ouvert ni altéré) »

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concernent par exemple le contrôle des mines (qui doivent avoir un permis, même s’il s’agit de « mines artisanales ou informelles », les acheteurs et vendeurs (qui doivent être enregistrés auprès des autorités, conserver pendant 5 ans au moins les registres quotidiens des achats et ventes), les procédures d’exportation (…)et les procédures d’importation. 3.3 la « mécanique » de l’accord (comités, rapports, inspections etc.) : Les textes du Processus de Kimberley ne contiennent pas seulement des principes, des obligations ou des recommandations que les participants doivent respecter ou appliquer : ils créent aussi des mécanismes, des procédures et des organes permettant de contrôler le fonctionnement du système et d’organiser le dialogue entre les participants. Les organes se composent du Président et du Secrétariat, des réunions plénières (au minimum annuelles) de comités et de groupes de travail spécialisés. La Présidence et le Secrétariat : La Présidence supervise la mise en œuvre du Système de Certification, le bon fonctionnement des groupes de travail et des comités et en général l’administration du Processus de Kimberley. La Présidence est désignée par l’assemblée plénière parmi les participants ; la durée du mandat est d’une année. La Présidence est également en charge du Secrétariat, qui consiste en l’organisation des réunions, la diffusion des documents aux participants, et le site internet. Il faut noter que la question d’un secrétariat indépendant permanent a été posée, mais qu’aucune décision en ce sens n’a été prise. En 2004, c’est le Canada qui exerce la Présidence, succédant à l’Afrique du Sud qui a présidé les réunions depuis le lancement du processus. La réunion plénière a lieu annuellement. Elle est ouverte aux Participants, aux Candidats et aux Observateurs. Un Communiqué final relatant les décisions et évènements de la réunion est publié. Les groupes de travail sont au nombre de trois :

- Surveillance (« monitoring ») : c’est un groupe particulièrement important, puisqu’il est chargé de surveiller et d’évaluer la mise en œuvre du processus par les Participants. Il est présidé par la Communauté européenne, c’est–à-dire par le représentant de la Commission, assisté d’Israël. Les membres sont le Canada, la République Centrafricaine, l’Inde, la Chine, la Russie, l’Afrique du Sud, les Etats-Unis, le Conseil Mondial du Diamant et Global Witness et Partenariat Afrique Canada.

- Statistiques : autre groupe très important, puisqu’il est chargé d’assurer un rapport et une

analyse en temps utile des données statistiques sur la production et le commerce des diamants bruts de façon à déceler toute anomalie et de permettre une application effective du système de certification. Le groupe est présidé par le Canada, assisté de l’Afrique du Sud. Les membres sont l’Angola, le Botswana, la Communauté européenne, Israël, la Russie, les Etats-Unis, et Partenariat Afrique Canada.

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- Experts en Diamants : ce groupe est chargé d’identifier les problèmes de nature

technique liés à la mise en oeuvre du processus de Kimberley, comme par exemple la proposition de modifications des codes du système harmonisé de l’Organisation Mondiale des Douanes ; la classification des poudres de diamant ; les transferts internationaux d’échantillons de diamants aux fins d’exploration. Le groupe est présidé par le Conseil Mondial du Diamant, et composé du Botswana, du Canada, de la Chine, de la Communauté européenne, d’Israël, de la Russie, de l’Afrique du Sud et de Partenariat Afrique Canada.

A côté de ces groupes de travail, il existe aussi deux Comités dont l’importance stratégique est évidente : le Comité de Participation et le Comité de Sélection. La tâche du Comité de Participation est d’assister la Présidence en ce qui concerne l’admission de nouveaux participants, c’est-à-dire à examiner leurs candidatures et vérifier s’ils réunissent les conditions et seront en mesure de remplir leurs obligations. Ce Comité est présidé par le Canada, et il est composé de l’Angola, de la Communauté européenne, d’Israël, de la Russie, de l’Afrique du Sud, des Etats-Unis, du Conseil Mondial du Diamant, de Global Witness et de Partenariat Afrique Canada. Le Comité de Sélection , quant à lui, vérifie et évalue les « credentials » des candidats à la vice-présidence ; ses conclusions sont transmises par la présidence à l’assemblée plénière. Le vice-président élu deviendra président l’année suivante. Le Comité de Sélection est présidé par le Canada assisté de la Russie, et se compose de l’Angola, de l’Australie, du Botswana, de la Communauté européenne, d’Israël, de la Namibie, de la Chine, de l’Afrique du Sud, de la Suisse et des Etats-Unis.

On a vu que le compromis atteint à Sun City en ce qui concerne le caractère volontaire ou non des inspections comporte notamment l’intention fermement affirmée que le plus grand nombre possible de participants se portent volontaires pour accueillir une visite d’évaluation d’ici à 2006. A cet égard, la situation évolue de façon plutôt favorable. En 2004, 4 visites ont déjà eu lieu : Emirats arabes Unis, Botswana, Israël et Ile Maurice. Et le programme d’ici à la fin de l’année est copieux : Afrique du Sud, Zimbabwe et Lesotho en septembre ; Communauté européenne et Canada en novembre ; et probablement l’Inde et la République Démocratique du Congo en décembre 36.

36 information obtenue auprès de la Commission européenne en août 2004

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3.4 la question des statistiques : La récente expulsion du Congo ( Brazzaville) du Processus de Kimberley37 a montré toute l’importance de pouvoir disposer de statistiques complètes, fiables et comparables entre elles en ce qui concerne la production, les exportations et les importations de diamants bruts par l’ensemble des participants. La question des statistiques est à la fois l’une des plus difficiles et des plus importantes de celles qu’ont eues à résoudre les négociateurs du Processus de Kimberley. Outre la discrétion traditionnelle du secteur, il faut rappeler que les importations et les exportations de diamants n’ont pas de rapports directs avec la production. Ainsi, la Belgique, qui ne produit pas de diamants, en est un des premiers exportateurs mondiaux. Les diamants sont exportés pour de nombreuses raisons, industrielles (vers les centres de taille), fiscales, douanières, etc. On a vu qu’un groupe de travail spécialisé a été créé. Ce groupe a adopté un premier rapport en date du 21 octobre 2003.38 Il commence par rappeler qu’un nombre important de participants n’avaient pas encore fourni de données statistiques lors de la réunion d’avril, ce qui constituait un obstacle majeur à la constitution d’une base de données fiable et complète. Les efforts nécessaires avaient à l’évidence été sous-estimés. Outre le non-respect de l’obligation de communiquer des statistiques, de nombreuses questions méthodologiques continuent de se poser. Résoudre ces problèmes est évidemment essentiel : le mécanisme de surveillance est déclenché par la constatation d’anomalies statistiques, et il faut éviter que ces anomalies ne soient que le résultat de problèmes de méthode. La question de la sensibilité commerciale de la publication de certains données sur une base trimestrielle et semestrielle, ainsi que celle de la protection des intérêts commerciaux légitimes de l’industrie, doivent encore être discutées. Au 30 octobre 2003, les pays suivants n’avaient pas encore fourni de données statistiques : Arménie, Belarus, Namibie et Thaïlande. Quant à la Russie, elle avait fourni des statistiques concernant ses certificats, mais se déclarait temporairement dans l’incapacité de communiquer des statistiques concernant la production, l’exportation et l’importation de diamants bruts en raison de la législation en vigueur sur le Secret d’Etat. La Russie s’était engagée à modifier sa législation.39 Les 7 et 8 juin 2004 eut lieu à Bruxelles une réunion conjointe des groupes de travail « monitoring » et « statistiques ». Le compte-rendu, disponible sur le site du Processus de Kimberley, est une source d’informations précieuses quant aux progrès accomplis. A présent presque tous les participants ont fourni des statistiques. Des problèmes se posent toutefois toujours en ce qui concerne la ponctualité (en principe les statistiques doivent être

37 voir plus loin section 4.1 38 publié sur le site du Processus de Kimberley 39 Dans le courant du mois d’août 2004 on apprenait que le gouvernement avait annoncé un projet de décret visant à « déclassifier » les données concernant les diamants avant la fin octobre, de manière à pouvoir communiquer les chiffres à la prochaine réunion plénière d Ottawa le 27 octobre ( lu dans The Moscow Time)

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fournies deux mois après la fin de chaque période de référence, à savoir chaque trimestre pour les importations et les exportations, et chaque semestre pour la production). On note aussi la persistance de sérieuses difficultés en ce qui concerne la qualité et la précision des informations fournies. Le Groupe Statistiques va donc poursuivre ses efforts pour résoudre les questions de méthodologie, de définitions, et certaines question s techniques, comme par exemple la fourchette de valeurs plausibles par carat. La réunion a également traité des visites d’évaluation. Même si, comme on l’a vu dans la section précédente, la situation est globalement positive du point de vue de la disponibilité de la majorité des participants à accueillir des visites d’évaluation avant la fin 2004, des améliorations sont proposées : assurer la couverture des régions affectées dans leur ensemble ( par exemple, l’Afrique de l’Ouest) ; établir une programmation à long terme des visites ; réaliser un équilibre entre pays producteurs et importateurs ; et assurer que les statistiques les plus récentes sont fournies lors de la préparation de la visite. Le Groupe affirme son intention d’accorder une attention particulière aux questions suivantes : le commerce avec des non-participants en l’absence d’explication satisfaisante ; l’absence d’information sur les systèmes de contrôle ; l’incapacité à fournir une information faisant la distinction entre certificats émis et reçus ; les contradictions entre les informations reçues de deux participants en ce qui concerne leur commerce réciproque ; des variations importantes et inexpliquées des volumes connus de production et de commerce ; l’incapacité de confirmer la réalité des expéditions. Le principe d’une collaboration poussée entre les groupes « Monitoring » et « Statistiques » est réaffirmé. Les discussions ont également porté sur l’identification des principales anomalies qui peuvent apparaître dans les statistiques fournies, comme par exemple les méthodes de valorisation des lots (valeur réelle du marché, avec ou sans frais de transport, d’assurance, etc.), le risque d’abus si les certificats comportent une trop longue période de validité, ou les cas de changement de destination en cours de route. On se rend compte qu’il y a encore énormément de travail pour disposer d’un outil statistique véritablement efficace, mais aussi que des progrès considérables ont été accomplis en l’espace d’un an. On trouvera en Annexe II les statistiques disponibles de la Communauté européenne (agrégées – la Commission ne diffuse pas les statistiques par Etat membre).

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3.5 L’accord et la réglementation du commerce international : la dimension OMC (« waiver » du 15/05/2003) Le processus de Kimberley pose également un problème du point de vue de la régulation du commerce international. En effet, il s’agit d’exercer un contrôle sur des produits qui, en principe, devraient pouvoir franchir librement les frontières. Plus particulièrement, il s’agit, ainsi qu’on l’a vu, de « bannir » du commerce international les diamants provenant de zones suspectes. On se trouve donc clairement devant un conflit d’objectifs : le contrôle du commerce des diamants, pouvant aller jusqu’à l’interdiction de commercer avec certains Etats, s’oppose en principe à l’impératif de libre-échange qui régit le commerce international. Comme on l’a vu plus haut, le Préambule de l’Acte Constitutif du Système de Certification du Processus de Kimberley rappelle l’exigence de conformité du système avec les règles du commerce international. Telle était aussi l’exigence stipulée par les différentes résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Le Processus de Kimberley lui-même, dépourvu de valeur juridiquement contraignante, n’est pas en tant que tel susceptible d’entrer en conflit avec les règles du commerce international. Par contre, les mesures que les participants pourront être amenés à adopter sont des mesures de nature commerciale (ne commercer qu’avec les autres participants -ne plus commercer avec un non - participant ou un participant qui aurait été exclu), et comme telles susceptibles d’entrer en conflit avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce. La question était donc de savoir si les participants au processus de Kimberley pouvaient légalement « boycotter » les pays qui ne respectaient pas les critères qui avaient été définis par ceux qui voulaient mettre hors la loi les diamants de la guerre. L’article XXI du GATT contient une exception générale au principe de la liberté du commerce, pour des questions de sécurité : un état peut prendre des mesures commerciales qu’il considère « nécessaires pour la protection des ses intérêts de sécurité essentiels » Cette notion est définie plus précisément dans plusieurs paragraphes de l’article XXI ; on y trouve notamment le trafic de biens utilisés directement ou indirectement pour la fourniture d’un établissement militaire, et les actions prises en temps de guerre ou d’autres situations d’urgence dans les relations internationales. Un autre paragraphe de l’article XXI couvre les actions prises en exécution d’obligations résultant de la Charte des Nations Unies pour le maintien de la paix et de la sécurité internationale (de telles actions demandent donc une décision collective, elles ne peuvent pas être menées individuellement par les Etats). Certains Etats n’étaient pas convaincus que les mesures commerciales prises dans le cadre du Processus de Kimberley rentraient bien dans le champ des exceptions prévues. Ces pays défendaient une interprétation étroite des exceptions.40 Afin d’éviter tout risque de conflit, une demande d’exemption formelle (« waiver ») a été adressée au secrétariat de l’OMC par un groupe de pays emmené par le Canada41.

40 Oral Report from the Workshop on WTO conformity (15/17 February 2002) by the Chairman Ambassador Luzius Wasecha, Switzerland (disponible sur le site du Processus de Kimberley)

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L’Union européenne n’était pas convaincue qu’il était nécessaire d’adopter une telle dérogation formelle ; elle considérait au contraire que les règles même de l’OMC, et plus particulièrement l’article XXI du GATT qui vient d’être mentionné, pouvaient être invoquées à l’appui de la conformité du système de certification. Elle considérait plus particulièrement que l’on se trouvait tout à fait dans le cadre de l’exception pour raisons de sécurité nationale et de respect des obligations des Etats vis-à-vis de la paix et de la sécurité internationale prévue par cet article. La Communauté s’est néanmoins réjouie de l’adoption de ce « waiver » qui donnait à tous les participants la sécurité juridique nécessaire.42 Le « waiver » permet à tous les participants d’adopter les mesures nécessaires pour interdire l’importation et l’exportation de diamants bruts vers et en provenance d’Etats ne participant pas au Processus de Kimberley, et ce pour une période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2006. Pour satisfaire la communauté européenne, un considérant du texte énonce:”Noting that this Decision does not prejudge the consistency of domestic measures taken consistent with the Kimberley Process Certification Scheme with provisions of the WTO Agreement, including any relevant exceptions, and that the waiver is granted for reasons of legal certainty”43.

41 Australie, Brésil, Canada, Israël, Japon, Corée, Philippines, Sierra Leone, Thaïlande, Emirats Arabes Unis et Etats Unis 42 “EU welcomes WTO green light for Kimberley System to block blood diamonds”, communiqué de presse de la Commission du 15/05/2003, IP/03/694; citation de Pascal Lamy, Commissaire au Commerce: “The WTO green light should be welcomed as a clear demonstration of coherence among international rules. It shows that WTO rules are sufficiently flexible to accommodate the implementation of a UN mandated activity. Carefully drafted trade measures can and do support development” 43 World Trade Organisation: Waiver concerning Kimberley Process Certification Scheme for Rough Diamonds G/C/432

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3.6 La mise en œuvre dans l’Union européenne (Règlement CE 2368/2002 du 20/12/2002 et les règlements ultérieurs) : Bien que certains Etats membres semblent avoir eu quelques difficultés à admettre la compétence de la Communauté européenne dans cette affaire, leur résistance s’avéra inutile. Il était en effet clair qu’on se trouvait ici dans la sphère de la politique commerciale, domaine de compétence communautaire exclusive. Cela signifie que c’est la Communauté européenne qui doit adopter, pour l’ensemble de ses membres, la législation et la réglementation nécessaires pour participer au système international de certification. Cela signifie aussi que c’est à la Commission européenne et à elle seule, qu’il revient de s’exprimer au nom de la Communauté au sein des organes du Processus de Kimberley. Un précédent pouvait d’ailleurs être invoqué. Dès 2000 en effet, la Communauté européenne avait adopté un règlement prévoyant l’interdiction de diamants de Sierra Leone, sauf s’ils étaient couverts par un certificat d’origine émis par le gouvernement, en conformité avec la résolution du Conseil de sécurité.44 Le Règlement du Conseil 2368/2002 du 20 décembre 2002 vise donc à instaurer un système communautaire de certification et de contrôle des importations et des exportations de diamants bruts aux fins de la mise en œuvre dans et par la Communauté du système de certification du Processus de Kimberley. Le principe de base en est que la Communauté doit être considérée, aux fins du système de certification, comme une entité unique sans frontière intérieure. Le Règlement concerne donc les importations de diamants en provenance du reste du monde vers le territoire de la Communauté, et leurs exportations d’un point quelconque de la Communauté vers n’importe quel pays tiers. Marché commun oblige, il organise aussi la libre circulation des diamants entre ses différents Etats membres une fois qu’ils ont pénétré dans l’espace communautaire, et jusqu’à leur exportation. Le Règlement comporte principalement trois sections, relatives respectivement aux importations, aux exportations et à l’autorèglementation de l’industrie, ainsi que des dispositions d’ordre général. S’agissant des importations, le règlement les interdit complètement si les trois conditions suivantes ne sont pas réunies : -les diamants bruts doivent être accompagnés d’un certificat validé par l’autorité compétente d’un pays participant ; -les diamants bruts sont logés dans des conteneurs inviolables, et les sceaux appliqués lors de l’exportation par ce participant ne sont pas brisés ; -le certificat identifie clairement l’expédition à laquelle il se rapporte.

44 Règlement (CE)1745/2000 du Conseil du 3août 2000 concernant l’importation dans la Communauté de diamants bruts de la Sierra Leone, JO L 8/8/2000; venu à expiration le 5/01/2002 il a été prorogé par le Règlement (CE) 303/2002du 18/02/2002 JO L 1/1/2002

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Le contrôle des certificats doit être effectué par une autorité compétente, soit dans l’Etat membre d’importation, soit dans celui de destination ; s’il n’existe pas d’autorité compétente ni dans l’Etat d’importation, ni dans l’Etat de destination, les diamants seront soumis à l’autorité d’un autre Etat membre, où ils seront expédiés sous régime de transit douanier. En fait, actuellement, seuls deux Etats membres se sont dotés d’une autorité compétente : La Belgique et le Royaume Uni. Cela veut dire que la totalité des diamants bruts importés dans la Communauté transitent par ces deux pays (ou plus exactement par Londres et Anvers) Toutefois, l’Allemagne vient de s’ajouter à cette liste. La vérification par les autorités communautaires - qui doit intervenir « sans tarder » - peut se faire soit par l’ouverture de chaque conteneur, soit par la sélection des conteneurs qui doivent être ouverts sur la base d’une analyse de risques. Si l’autorité a pu établir que les trois conditions de régularité de l’importation sont remplies, elle le confirme sur le certificat et fournit à l’importateur une copie authentique et infalsifiable du certificat. Si par contre elle estime que les conditions ne sont pas réunies, elle saisit la cargaison. Elle peut débloquer le chargement si elle estime que ce n’est ni sciemment ni intentionnellement que les conditions n’ont pas été remplies, après que les mesures correctives nécessaires ont été prises. Dans tous les cas de non-respect des conditions, l’autorité compétente en informe la Commission européenne et l’autorité compétente du pays qui est censée avoir délivré ou validé le certificat en cause. Un régime transitoire permet aux autorités de certifier les stocks de diamants bruts qui ont été importés ou sont présents sur le territoire de la Communauté avant l’entrée en vigueur du Règlement. Les diamants provenant de ces stocks sont alors présumés conformes aux conditions. L’autorité peut également certifier des diamants si elle a établi qu’ils se trouvaient légalement dans la Communauté à compter de l’entrée en vigueur du Règlement. La Commission européenne se voit investie de la tâche consistant à fournir aux autorités des Etats membres des spécimens authentiques des certificats des autres participants. Les autorités des Etats membres quant à elles doivent fournir à la Commission un rapport mensuel sur tous les certificats qui leur sont présentés aux fins de vérification. 45 Elles doivent conserver les originaux des certificats qu’elles délivrent pendant au moins trois ans, et les tenir à la disposition de la Commission, notamment pour permettre à cette dernière de répondre aux questions posées dans le cadre du système de certification du processus de Kimberley. Le régime des exportations de diamants bruts au départ du territoire de la Communauté européenne est basé sur la même idée d’interdiction totale si deux conditions ne sont pas réunies : -les diamants sont accompagnés du certificat communautaire correspondant délivré et validé par une autorité communautaire ; -les diamants sont logés dans des conteneurs inviolables et scellés.

45 Le rapport doit comporter, pour chaque certificat, au moins les informations suivantes : le numéro, le nom des autorités ayant délivré et validé le certificat, la date de délivrance et de validation, la date d’expiration de la validité, le pays de provenance, le pays d’origine lorsqu’il est connu, le code SH, le poids carats, la valeur, l’autorité communautaire ayant procédé à la vérification et la date de vérification

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Comme pour les importations, l’autorité doit s’assurer que plusieurs conditions sont remplies : l’exportateur doit avoir fourni la preuve (le règlement parle de « preuves concluantes ») que les diamants bruts en question ont été importés licitement dans la Communauté ; les autres informations devant figurer sur le certificat sont correctes ; les diamants sont effectivement destinés à arriver sur le territoire d’un autre participant ; et les diamants doivent être transportés dans un conteneur inviolable. L’autorité ne peut valider le certificat qu’après s’être assurée que le contenu du conteneur correspond aux indications du certificat, et que le conteneur a été scellé sous sa responsabilité. Comme pour les importations, l’autorité procède à cette vérification par ouverture systématique de tous les conteneurs ou de façon sélective sur la base d’une analyse de risques. Le certificat est valable dans les deux mois de sa délivrance ; si l’exportation n’a pas eu lieu dans ce délai, il doit être renvoyé à l’autorité. Les règles en matière de saisie du chargement en cas de non-conformité, de conservation des certificats et d’informations à fournir à la Commission européenne sont similaires à celles qui ont été définies pour les importations. Par contre, une disposition importante, qui constitue une spécificité du système communautaire, ne concerne que les exportations au départ de la Communauté. Il est prévu que lorsque l’exportateur fait partie d’une organisation de négociants en diamants qui applique un système d’autoréglementation, et qui a été reconnue comme telle par la Commission européenne l’autorité peut accepter comme preuve concluante d’une importation licite dans la Communauté, une déclaration en ce sens signée par l’exportateur. En d’autres termes, l’appartenance de l’exportateur à une organisation qui a mis en place un système d’auto réglementation conforme aux critères fixés par le Règlement, lui permet d’obtenir un certificat d’exportation sans que l’autorité procède au contrôle physique du chargement. Le système communautaire repose donc sur la reconnaissance du système de contrôle mis volontairement en place par l’industrie elle-même. Le Chapitre IV du Règlement est consacré aux conditions auxquelles doit satisfaire un tel système d’auto réglementation. Le principe est que les organisations de négociants qui ont mis sur pied un système d’auto réglementation peuvent demander une reconnaissance à la Commission européenne, qui se traduit par leur inscription sur une liste, dite « Annexe V ». Pour ce faire, les organisations candidates doivent fournir la preuve qu’elles se sont dotées de règles qui assurent notamment que leurs membres ne vendent que des diamants d’origine légitime, que les ventes sont toutes accompagnées de factures fournissant tous les renseignements nécessaires et contenant la garantie de conformité établie par l’organisation, que leurs membres ne s’approvisionnent pas auprès de sources suspectes, inconnues ou dénoncées par un autre participant ; les membres des organisations doivent aussi faire en sorte que leur

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personnel soit pleinement informé des réglementations concernant le commerce des diamants de la guerre. Ils doivent tenir pendant au moins trois ans un registre des factures reçues des fournisseurs et délivrées aux clients et faire vérifier ce registre par un vérificateur indépendant. De plus, les règles de l’organisation doivent prévoir l’expulsion de tout membre qui a gravement enfreint les engagements ci-dessus, ainsi que l’information des autres membres et la notification à la Commission européenne d’une telle expulsion. Enfin, l’organisation doit communiquer à l’autorité nationale et à la Commission européenne l’identité complète et l’adresse détaillée de l’ensemble de ses membres. Lorsqu’elle se trouve placée sur la liste de l’Annexe V, l’organisation accepte de mettre à la disposition de l’autorité nationale compétente toute information nécessaire pour l’évaluation du fonctionnement concret du système d’auto réglementation, et l’autorité compétente fait rapport une fois par an à la Commission. L’autorité compétente enquête sur les éventuels manquements commis par une organisation, et s’il apparaît que le système n’est pas digne de foi, la Commission procède au retrait de la liste de l’organisation en cause, aux termes d’une procédure dans laquelle elle est assistée par un comité représentant les Etats membres. Parmi les dispositions d’ordre général, on trouve des règles concernant la désignation d’autorités compétentes par les Etats membres (il peut y en avoir plusieurs, mais l’une d’entre elles joue le rôle d’interlocuteur unique de la Commission), la fixation par les Etats membres du nombre de points où pourront s’effectuer les formalités prévues par le règlement, et le principe que les autorités compétentes peuvent demander une redevance aux opérateurs économiques pour la délivrance des certificats et pour les contrôles. On y trouve aussi le principe fondamental que c’est bien la Communauté qui est un participant au processus de Kimberley, et que c’est la Commission qui la représente et « s’attache à assurer une mise en œuvre optimale du système de certification du processus de Kimberley, notamment en coopérant avec les participants ». Le règlement contient aussi une clause détaillée en ce qui concerne la confidentialité des informations fournies à la Commission : celle-ci ne peut diffuser les informations confidentielles qu’elle a reçues sans l’autorisation expresse de la personne qui les lui a fournies, sauf si elle est autorisée ou tenue de les fournir, notamment en vertu d’une décision de justice. Le Règlement comporte encore une disposition relative aux diamants qui se trouvent simplement en transit dans la Communauté : ils échappent aux obligations et aux contrôles concernant tant les importations que les exportations, pour autant que le conteneur et le certificat d’accompagnement restent intacts durant le séjour dans la Communauté, et que l’objectif de transit soit clairement attesté par le certificat d’accompagnement. Le Règlement comporte plusieurs annexes. L’Annexe 1 reproduit le texte officiel du système de certification du processus de Kimberley. L’Annexe II reprend la liste des participants au système de certification du Processus de Kimberley ; cette annexe a été modifiée à de nombreuses reprises, par le biais de règlements

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particuliers de la Commission, pour tenir compte de l’arrivée de nouveaux participants ou au contraire de l’expulsion de membres ne remplissant plus les conditions. La dernière modification a eu lieu en date du 16 août 2004, pour tenir compte du retrait de la République du Congo ( Brazzaville ) de la liste 46. L’Annexe III comprend la liste des autorités compétentes des Etats membres et la définition de leurs tâches. Initialement, deux Etats membres s’étaient dotés d’autorités compétentes : le Royaume-Uni et la Belgique. Le Règlement de la Commission CE 257/2003 du 11 février 2003 a donc inscrit à l’Annexe II les coordonnées des autorités de ces deux pays ; Pour le Royaume- Uni il s’agit de : « the Government Diamond Office (GDO) within the United Nations Department of the Foreign and Commonwealth Office », King Charles Street, London SW1 2AH. Pour la Belgique, il s’agit du « Service Public Fédéral Economie, PME, Classes Moyennes et Energie, Service Licence », Italië lei 124, B-2000 Antwerpen. L’Allemagne vient de désigner deux autorités compétentes, qui ont été ajoutées à la liste de l’Annexe III par le Règlement de la Commission CE 1474/2004 du 18 août 2004. Il s’agit de : « Haupt Zollamt Koblenz- Zollamt Idar-Oberstein- Zertifizierungstelle für Rohdiamanten“, Hauptstrasse 197, D_55743 Idar-Oberstein. Toutefois, c’est une autre autorité qui est compétente pour les rapports avec la Commission européenne au titre du Règlement: Oberfinanzendirektion Koblenz – Zoll- und Verbrauchsteuerabteilung- Vorort Außenwirtschaftrecht Postfach 10 c07 64, D_67407 Neustadt a.d.Weinstr. L’Annexe IV définit de façon détaillée les caractéristiques du certificat communautaire. Les Etats membres doivent veiller à ce que les certificats qu’ils délivrent se présentent de façon identique. L’Annexe VI précise les matériaux, le type d’impression, la numérotation, le façonnage et contient un modèle du certificat communautaire. Enfin, l’Annexe V contient la liste des organisations de l’industrie du diamant qui mettent en œuvre un système d’auto réglementation reconnu par la Commission. A ce jour, cette Annexe contient les organisations suivantes : - Antwerpse Diamantkring CV Hovenierstraat 2 bus 117 B–2018 Antwerpen -Beurs voor Diamanthandel CV Pelikaanstraat 78 B-2018 Antwerpen 46 voir plus loin section 5

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-Diamantclub van Antwerpen CV Pelikaanstraat 62 B-2018 Antwerpen -Vrije Diamanthandel NV Pelikaanstraat 62 B-2018 Antwerpen 47 -The London Diamond Bourse and Club (100 Hatten Garden, London EC1N8NX)48 Selon son article 29, le Règlement 2368/2002 entrait en vigueur le jour de sa publication au Journal Officiel des Communautés européennes, qui est intervenue le 20 décembre 2003. Toutefois, l’entrée en vigueur de nombreuses dispositions (en fait la plupart des articles qui définissaient les régimes d’importation et d’exportation ainsi que le transit) était subordonnée à une décision de la Commission européenne, lorsqu’elle serait convaincue que tant la Communauté que les autres participants au Processus de Kimberley avaient bien rempli toutes les exigences du système de certification, de telle manière qu’une application complète du Règlement n’entraîne pas de distorsion sérieuse du commerce international des diamants. La Commission a considéré que cette condition était remplie au 1er février 2003, date à laquelle le Règlement est entré en vigueur dans toutes ses dispositions. 49

47 ces 4 bourses anversoises ont été introduites par le Règlement de la Commission CE 762/2003 du 30 avril 2003 48 introduit par le règlement de la Commission CE 1214/2003 du 7 juillet 2003 49 Règlement de la Commission CE 254/2003 du 11 février 2003

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3.7 accords volontaires (complémentaires) du secteur privé en ce qui concerne les diamants taillés (résolution du World Diamond Congress, Londres 29/10/2002) L’industrie du diamant a été forcée à agir, devant la détermination des ONG et la prise de conscience progressive du problème des diamants de la guerre. Ce ne fut pas de gaieté de cœur. En juin 2000 (FN), le Président de la De Beers, Nicky Oppenheimer, écartait d’un revers de main la menace d’un boycott (qu’il qualifiait d’irresponsable ), l’importance même du problème des diamants de la guerre (il parlait de chiffres « grossièrement exagérés») et son effet négatif sur le développement des pays concernés (affirmation « absurde » selon lui ) Il concluait en soutenant que le débat en cours n’était pas de nature à résoudre les problèmes de l’Angola, de la Sierra Leone ou d’autres « sociétés dysfonctionnelles » Pourtant, un mois plus tard le 29ème Congrès Mondial du Diamant annonçait des actions pour s’attaquer au problème. Outre la De Beers, on retrouvait autour de la table les deux principales organisations professionnelles du secteur du diamant : l’IDMA, qui représente les 10 plus grands centres de production au niveau mondial, et la WFDB, qui regroupe les 23 Bourses de diamant existant dans le monde. Des mesures étaient annoncées, parmi lesquelles l’adoption d’un code de conduite éthique par chaque organisation professionnelle, code dont le non - respect entraînerait l’expulsion de l’entreprise coupable. Le congrès décidait aussi de créer le Conseil Mondial du Diamant, chargé de coordonner la réponse de l’industrie diamantaire au problème des diamants de la guerre, et de la représenter aux réunions du processus de Kimberley. A la réunion de Londres du 29 octobre 2002 du Congrès Mondial du Diamant, la WFDB et l’IDMA adoptaient une résolution par laquelle elles décidaient de créer un système d’auto - réglementation, reposant sur deux piliers : d’une part une garantie, et d’autre part un code de conduite. Ce système est censé couvrir tant les diamants bruts que les diamants polis, et même le secteur de la joaillerie, afin d’assurer un contrôle de l’origine des diamants « de la mine jusqu’au point de vente ». La garantie consiste en l’engagement de faire figurer sur toute facture concernant une vente de diamants bruts, de diamants taillés ou de bijoux contenant des diamants, la mention suivante « The diamonds herein invoiced have been purchased from legitimate sources not involved in funding conflict and in compliance with United Nations resolutions. The seller hereby guarantees that these diamonds are conflict free, based on personal knowledge and/or guarantees provides by the supplier of these diamonds ». Le Code de Conduite en 6 points consiste en autant d’engagements de ne pas acheter de diamants à des firmes qui ne font pas figurer la garantie ci-dessus sur leurs factures ; ou à des sources suspectes ou inconnues, et /ou en provenance de pays qui n’ont pas mis en œuvre le système de certification du Processus de Kimberley ; à des fournisseurs qui ont été reconnus coupables de violation des réglementations concernant le commerce des diamants de la guerre et ce à la suite d’une procédure légale ; de ne pas acheter de diamants en provenance de régions pour lesquelles une autorité gouvernementale a fait savoir que des diamants de la guerre y étaient

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commercialisés ou disponibles ; ne pas acheter ni vendre sciemment des diamants de la guerre, et ne pas prêter assistance à ce commerce ; et de s’assurer que tous les employés des sociétés concernées sont bien informés des dispositions en vigueur concernant les diamants de la guerre. Ce système d’auto réglementation a été jugé suffisamment sérieux pour faire l’objet d’une mention dans la résolution 56/623 des Nations Unies qui consacre le Processus de Kimberley, ainsi que dans le document fondateur du système de certification du Processus de Kimberley. En février 2003, le Conseil Mondial du Diamant a publié un guide (« Essential Guide to Implementing the Kimberley Process ») destiné à éduquer tous les secteurs de l’industrie. Il précise notamment que toutes les garanties données à l’achat et à la vente doivent être regroupées et auditées par les auditeurs des sociétés concernées. L’industrie s’est également préoccupée de ce qu’elle appelle « l’inventaire », c’est –à-dire les diamants qui ont été acquis avant le 1er janvier 2003. L’industrie note les divergences de vue entre gouvernements à ce sujet. Ainsi, la Communauté européenne prévoit dans son Règlement l’obligation pour chaque firme de réaliser un inventaire détaillé des diamants en stock au 1er janvier 2003, ces diamants étant alors déclarés licites (« grandfathered ») Aux Etats-Unis et en Israël, cette « absolution du passé » est obtenue sans inventaire. Le Conseil Mondial du Diamant exige donc que chaque vendeur délivre une garantie spécifique pour les diamants en stock et achetés sans garantie avant le 1er janvier 2003. Cette garantie est libellée comme suit : « The diamonds herein invoiced have been purchased prior to January 1, 2003, from sources believed to be reliable. The seller hereby guarantees that they have no personal knowledge or reason to believe that these diamonds are conflict diamonds that have been traded in violation of any United Nation Resolution” 4) MISE EN ŒUVRE DES ACCORDS 4.1 Premières décisions concrètes : République Centrafricaine, Liban, Congo (Brazzaville) : En mars 2003, une première occasion a été donnée au Processus de Kimberley de démontrer qu’il n’était pas qu’un tigre de papier. En République Centrafricaine, conformément à une tradition hélas bien établie depuis l’indépendance de cette ancienne colonie française, un nouveau coup d’Etat chassait du pouvoir le Président Ange-Félix Patassé. Alors que celui-ci se trouvait en compagnie de son épouse au Niger, les troupes du Général François Bonizé entraient dans Bangui, et après de brefs combats, s’assuraient de la ville, permettant à leur chef de faire son entrée dans la capitale et de se proclamer chef de l’Etat. Bien qu’il ne produise pas de diamants, le Centrafrique joue un rôle non négligeable dans le commerce, et sert de plaque tournante pour l’exportation de la production des pays voisins, et plus particulièrement de la République Démocratique du Congo. Le Président Patassé était

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d’ailleurs accusé d’avoir partie liée avec Jean-Claude Bemba le chef du mouvement rebelle qui contrôlait la province voisine du Haut-Equateur. Le Président du KPCS décide de suspendre pendant deux semaines l’affiliation du Centrafrique. Il apparaît toutefois très vite que le nouveau pouvoir issu du coup d’Etat, qui ne rencontre guère d’opposition à l’intérieur du pays, ne suscite pas la réprobation de la Communauté internationale. De fait, le consensus semble total pour estimer que le nouveau régime sera meilleur que le précédent. La participation du pays au Processus de Kimberley est rapidement rétablie et une mission organisée du 8 au 15 juin 2003 confirme la qualité des mesures de contrôle en place. Quel enseignement tirer de ces événements du point de vue de la crédibilité du processus de Kimberley ? assurément en tous cas la capacité de réaction. Un événement de cette nature dans un pays participant déclenche immédiatement une réponse : suspension de la participation, examen de la capacité du pays de continuer à faire face à ses obligations. Le 1er avril 2004, ce fut au tour du Liban de se retrouver dans « le collimateur », après son exclusion de la nouvelle liste des participants publiée par le Président du Processus de Kimberley. La raison en était que ce pays avait été incapable de mettre en place un cadre législatif et réglementaire conforme aux normes du Processus de Kimberley. Il n’est pas besoin de rappeler les conséquences d’une telle exclusion pour le pays en question : les autres pays membres du Processus de Kimberley ne pourront désormais plus participer à aucun échange commercial de diamants bruts avec le Liban, qui se retrouve « banni » du commerce légal. Tentative d’explication de la situation, selon « Autres Facettes », le bulletin de l’ONG Partenariat Afrique Canada50 : Il s’agirait d’un différend politique « libano-libanais », le président de la République Emile Lahoud ayant opposé son veto à un projet de loi qui aurait permis la participation du pays au Processus de Kimberley. Officiellement il aurait estimé que certains éléments du projet n’étaient pas clairs. Mais la vraie raison de ce veto pourrait être liée à un accord, mentionné dans la presse russe en 2003, entre le géant minier russe Alrosa, et une société de Beyrouth jusque là inconnue, Horizon Development. On rapporte que Horizon, propriété de Bahaeddine Hariri, le fils du Premier ministre du Liban Rafik Hariri, aurait conclu un marché visant à acheter pour 500 millions de dollars de diamants russes. Le veto du Président pourrait ainsi avoir eu pour but de contrecarrer le florissant commerce de diamants de Hariri. Selon Forbes, Rafik Al-Hariri serait la 108ème fortune mondiale, avec des avoirs évalués à 4.3 milliards de dollars. Toujours selon « Autres Facettes », il y aurait actuellement 50 usines de taille et de polissage de diamants au Liban, mais une grande part de cette industrie fait partie de l’économie clandestine. On estimerait ainsi que 80% des diamants qui entrent au pays sont d’origine illégale.

50 numéro 14, juin 2004

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Par ailleurs, on a relevé le rôle crucial de la communauté libanaise établie en Sierra Leone, qui exercerait un quasi-monopole sur le commerce des diamants dans ce pays, et aurait des liens avec les acteurs de la guerre civile au Liban, et plus récemment avec Al-Quaeda (voir 5.3) La dernière décision en date concerne la République du Congo (Brazzaville). A l’issue d’une mission organisée dans ce pays entre le 31 mai et le 4 juin 2004 afin de vérifier sa capacité d’exécuter les obligations qui lui incombent en tant que participant, le Président du Processus de Kimberley a annoncé le 9 juillet l’exclusion de la République du Congo. La mission a en effet établi que le pays était incapable de certifier l’origine de la plus grande partie des diamants qu’il a exportés. Alors que sa production, essentiellement artisanale, est de l’ordre de 50000 carats par an, ses exportations ont atteint près de 5 millions de carats annuellement. La mission a pu constater que le système de contrôle du pays était défectueux et peu appliqué, ce qui le rendait incapable d’empêcher l’entrée de diamants de la guerre dans le circuit du commerce légitime. Les autorités se sont révélées totalement incapables de fournir la moindre explication à ce chiffre d’exportation 100 fois supérieur à celui de la production. En d’autres termes, le Congo servait surtout de plaque tournante pour la contrebande des diamants en provenance des pays voisins, et plus particulièrement la République Démocratique du Congo et l’Angola. Cette décision d’exclure le Congo a été saluée, tant par Global Witness51 que par le Conseil Mondial du Diamant52. Après avoir parlé de « complot », les autorités du Congo, par la voix du Président de la République Denis Sassou Nguesso en personne, ont annoncé une série de mesures visant à « réintégrer le pays dans le Processus de Kimberley », comme par exemple de meilleurs contrôles des mines et des négociants.53 .

51 Communiqué de presse du 9 juillet 2004 « The Kimberley Process Gets some Teeth : the Republic of Congo is removed from the Kimberley Process for Failing to Combat the Trade in Conflict Diamonds” sur le site www.globalwitness.org. L’organisation remarque très justement que les prochains mois constitueront un test majeur pour l’efficacité du Processus de Kimberley : il est impératif que les 4 ou 5 millions de carats de diamants de contrebande qui ne pourront plus bénéficier du certificat congolais retrouvent le chemin des circuits légitimes, plutôt qu’un autre paradis des fraudeurs 52 Communiqué de presse du même jour, disponible sur le site du Processus de Kimberley. Le Président du WDC déclare : « A credible and effective KPCS is essential to the continued viability of the legitimate diamond trade and to the positive image and reputation of the product . These are core elements in the foundation of consumer confidence in diamonds as symbol of love. The diamond industry fully supports the Chairman’s decision” 53 « Congo (Brazzaville) Initiates Diamond Reform » Ketan Tanna, Diamonds.Net News Center, 12/08/2004

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4.2 rôle et prises de position des secteurs intéressés et des ONG : Comme on l’a déjà vu, ce sont essentiellement, voire exclusivement, les actions de deux ONG qui ont mené la campagne de sensibilisation à la problématique des diamants de la guerre, qui a abouti à la création du Processus de Kimberley : Global Witness au Royaume-Uni, et Partenariat Afrique Canada. Ces deux ONG ont été proposées comme candidates pour le Prix Nobel de la Paix 2003 par les parlementaires américains qui sont à l’origine des propositions de législation en matière de commerce de diamants. Le site officiel du Processus de Kimberley contient d’ailleurs un hyperlien avec les sites de ces deux organisations. On pourrait multiplier les citations des porte-parole de ces organisations ; ma bibliographie fait la part belle à la très abondante documentation qu’elles produisent sur le sujet, et notamment les études nombreuses et très approfondies concernant les différents aspects du problème, et les différents pays concernés. Je me contenterai pourtant de citer ces propos de Ian Smillie, coordonnateur de la recherche à Partenariat Afrique Canada. S’exaspérant de la lenteur des progrès des négociations, et du manque de réelle volonté d’aboutir de certaines délégations, il déclarait en septembre 2001, en marge de la réunion de Londres : « Bon nombre de fonctionnaires et de représentants de l’industrie travaillent de bonne foi au cours de ces réunions, mais pour d’autres, le Processus de Kimberley est une série d’abstractions arides sur lesquelles on se penche sans sentiment d’urgence ou de compassion. Il paraît que ces personnes ne reconnaissent pas qu’il s’agit de la vie de personnes innocentes en Afrique et que notre démarche pourrait, en fait, sauver une industrie qui a été envahie par des brigands, des seigneurs de la guerre et des tueurs. Je dis « pourrait », parce qu’il ne faut pas oublier que pour les ONG en quête d’une cause, les diamants sont presque un cadeau du ciel. Leurs rapports avec trois guerres brutales sont clairs. L’industrie, dominée par une grande société, n’est pour ainsi dire pas réglementée. Le problème illustre celui de la mondialisation, qui a tellement préoccupé les jeunes dans les rues de Seattle, Prague et Gênes. C’est une question beaucoup plus limpide que celle des phoques et du commerce de la fourrure » Les autres « grandes » ONG (Amnesty International, Oxfam) se cantonnent plutôt dans une attitude critique, sans participer à la mise en place et au développement du Processus de Kimberley. On est forcé de constater la très grande discrétion, voire l’absence, des ONG françaises ou belges dans la lutte contre les diamants de la guerre, en dépit de l’importance de la question pour des pays avec lesquels la France et la Belgique entretiennent des liens étroits (République Démocratique du Congo, Côte d’Ivoire). Quant à l’attitude de l’industrie, elle est évidemment dictée par celle des consommateurs. Le diamant est un produit dont la valeur marchande n’est que très partiellement liée à sa valeur intrinsèque. Le diamant c’est un mythe, du rêve, de la romance ; c’est la pureté, l’éternité de l’amour, l’absolu de la beauté… à la portée des classes moyennes. Que cette image s’inverse,

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que le diamant devienne synonyme de sang, de guerre, d’horreur, c’est tout ce mythe qui s’effondre ; et qui sait si les femmes, qui ont largement renoncé à porter, et même à désirer, des manteaux de fourrure, ne pourraient pas se détourner aussi des diamants ? Les études marketing réalisées aux Etats-Unis au début des années 2000 montrent que le risque est réel. Certes, malgré la couverture médiatique du sujet, le grand public américain semblait ignorer la question dans une grande proportion, et ne semblait pas considérer le pays d’origine d’un diamant comme un facteur clé au moment de l’achat, et ceci selon deux études réalisées par MVI Marketing Ltd, une firme américaine de spécialistes de la recherche commerciale qui travaille exclusivement pour l’industrie des gemmes et des bijoux. Rappelons que les Etats-Unis sont les premiers importateurs de diamants au monde, et que 85 % des femmes américaines reconnaissent posséder au moins un objet en diamant. MVI a découvert qu’entre sa première étude, en octobre 2000, et sa seconde en mai 2001, le nombre des consommateurs qui étaient au courant des diamants de la guerre avait augmenté de seulement 2 pour cent, passant de 7 à 9 pour cent pendant cette période. Selon le même sondage cependant, une grande majorité des consommateurs (73%) ont déclaré qu’ils n’achèteraient pas un diamant s’ils savaient qu’il provenait d’un endroit où sévissait un conflit. Une autre étude effectuée par Wirthlin Research pour le compte de Vision Mondiale en mai 2001 donne des résultats comparables : lorsqu’on leur a appris que la contrebande des diamants dans certains pays de l’Afrique contribue à alimenter des guerres civiles, 62% des Américains ont dit qu’ils appuyaient les mesures législatives visant à s’assurer que les diamants qui entrent aux Etats-Unis proviennent de régions libres de conflits54 Une étude similaire menée par actionaid, une ONG britannique spécialisée dans le développement, à la Saint Valentin 2003 a révélé que 25% des personnes interrogées étaient au courant du problème des diamants de la guerre, contre 9% en mai 2000. De plus, 70% de ceux qui étaient au courant déclaraient ne pas vouloir acheter de diamants s’ils n’étaient pas certains que ce n’étaient pas des diamants de la guerre. 4.3 les diamants de la guerre et le financement du terrorisme international : On se trouve ici devant une question controversée. De nombreux indices révèlent l’implication d’Al Quaeda dans le commerce des diamants. En novembre 2001, le Washington Post affirmait qu’Al Qaeda achetait et revendait des diamants extraits par les rebelles en Sierra Leone55, empochant des millions de dollars grâce à ce fructueux trafic. L’information, reprise par National Geographic, déclenche une polémique majeure aux Etats-Unis. Un rapport très complet est publié sur le sujet par Global Witness en avril 200356 En juin 2004, Global Witness prenait connaissance d’un projet de rapport de la Commission d’enquête sur les évènements du 11 septembre, qui niait la possibilité qu’Al Quaeda soit financé par le trafic des diamants sierra

54 Autres facettes, N°2, p 4 55 On a déjà mentionné l’importance de la communauté libanaise dans le commerce des diamants en Sierra Leone et au Liberia, et ses liens avec les milices pendant la guerre civile libanaise ; de là à imaginer une opération à trois, avec le Hezbollah comme intermédiaire, il n’y a qu’un pas 56 For a Few Dollars More: How al Qaeda moved into the Diamond Trade

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leonais. L’organisation annonçait son intention de déposer une soumission détaillée à la Commission 9/1157 Il n’est pas besoin d’insister sur l’importance politique de la confirmation d’un tel lien entre Al Qaeda et les diamants de la guerre : s’il est établi, le problème des diamants de la guerre se retrouve au centre de la guerre contre la terreur lancée par le gouvernement américain. Ce n’est donc plus uniquement un problème africain. 4.4 tentative d’évaluation : Le système de certification du processus de Kimberley est très récent, il vient seulement de fêter son premier anniversaire. Il est donc vain de se risquer à en évaluer l’efficacité. Le travail se poursuit d’ailleurs toujours, sur des points essentiels, comme les questions statistiques. On est donc pas encore en régime de croisière. La première vraie évaluation aura lieu en 2006, lors de la révision du processus prévue par les accords. A ce moment, des visites d’inspection auront eu lieu, en principe, dans la plupart des pays participants, et le matériel statistique devrait être plus complet et plus homogène. Pour autant, il est déjà possible de formuler un certain nombre de commentaires. Avant tout, il convient de parler de la transparence du Processus de Kimberley ou plutôt de sa relative opacité. Introduire de la transparence dans le marché totalement opaque des diamants bruts est la seule façon de couper les ailes à la fraude, à la contrebande et aux trafics illicites. Si un pays ne peut expliquer les différences constatées entre son volume de production et ses exportations, c’est nécessairement qu’il sert à écouler des diamants de provenance inavouable. C’était le cas de la République du Congo, et la sanction est tombée immédiatement après la visite d’inspection. Pourtant cette transparence essentielle à la crédibilité du système est soigneusement encadrée : elle se limite aux participants eux-mêmes. On est frappé du caractère limité de l’information communiquée de façon officielle. La partie accessible au public du site web du Processus de Kimberley se contente d’une information vraiment « basique ». On comprend facilement qu’en raison du caractère sensible, et même stratégique pour certains états, des informations relatives à la production et au commerce des diamants bruts, ces mêmes états ne souhaitent pas voir leurs secrets commerciaux sur la place publique. Mais il faut arriver à augmenter le nombre d’informations disponibles. Certes, les ONG qui participent au système jouent un rôle important dans la diffusion de l’information et la prise de conscience de l’opinion publique. On apprécie d’ailleurs que le site officiel contienne un hyperlien avec les sites de PAC et de Global Witness. Par ailleurs, les parlements des états participants ont toute latitude pour interroger leur gouvernement sur l’évolution de la situation.58

57 Communiqué de presse de Global Witness du 17/06/2004 58 Ainsi, la Commission du Développement du Parlement européen a organisé une audition publique en date du 15 mars 2004, avec des participants de l’industrie, des ONG, et de la Commission européenne. L’impression qui s’en dégageait était celle d’un consensus pour estimer que le Processus de Kimberley était un succès, et qu’il devrait inspirer des initiatives comparables dans d’autres secteurs.

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La système comporte une caractéristique qui le distingue des initiatives précédentes de la communauté internationale : sa nature fermée, complète, « étanche ».On a vu que les embargos individuels ne pouvaient être efficaces : la perméabilité des frontières et la facilité de transport des diamants faisaient que les diamants sous embargo se retrouvaient automatiquement repris dans les exportations des pays voisins. L’absence de contrôle dans les pays producteurs et importateurs achevait de rendre les embargos inopérants. Pour la première fois, on dispose d’un système qui permettra à terme de contrôler l ‘ensemble de la production et du commerce. De plus, l’arme de l’exclusion d’un pays du commerce légitime des diamants bruts, devrait être un incitant puissant pour que chaque participant se dote d’un système de certification national et de contrôles internes crédibles. Du côté positif du bilan, on peut aussi ranger la structure incontestablement sérieuse qui a été mise en place. Les différents comités, les rapports et l’assemblée annuelle garantissent un suivi serré des développements du marché et de la situation des pays participants. La participation active des ONG et de l’industrie à tous les comités importants est aussi un gage de crédibilité et d’efficacité : le processus de Kimberley n’est pas seulement une mécanique diplomatique coupée des réalités. Le premier bilan est donc encourageant : les éléments du système sont en place ; de réels progrès ont été accomplis sur des point essentiels et difficiles (statistiques, monitoring) ; les premières décisions concernant les participants sont tombées ; les premières missions d’inspection ont été effectuées et vont se poursuivre à un rythme soutenu. Toutefois il serait absurde de croire que tout est réglé ; la complaisance et l’auto-congratulation ne sont certainement pas de mise ! Il est encore difficile de prétendre que les contrôles nationaux sont réellement fiables. On connaît la corruption endémique qui règne dans de nombreux pays africains : quelle est la crédibilité réelle de certificats délivrés par des organes officiels de pays dont la totalité de l’infrastructure a été ravagée?59 Dans un autre ordre d’idées, on peut se demander si la règle du consensus qui gouverne l’ensemble du processus ne pourrait pas bloquer des initiatives plus ambitieuses ou des décisions plus rigoureuses qui s’avèreraient nécessaires ? Est-on certain de la sincérité de tous les participants? Et finalement, l’absence de secrétariat autonome permanent n’est -elle pas de nature à freiner le développement du Processus, en le limitant à ce qui est pratiquement faisable compte tenu des ressources (et de l’agenda) du pays qui exerce la présidence ?

59 On doit souligner à cet égard la dimension « aide au développement » du problème ; ne faudrait-il pas consacrer une aide spécifique à la mise en place dans les pays africains de l’infrastructure administrative leur permettant de faire face à leurs obligations en tant que membre du processus de Kimberley ?

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5) REFLEXION SUR LA PLACE DU PROCESSUS DE KIMBERLEY DANS LA GOUVERNANCE INTERNATIONALE 5.1 vers une nouvelle gouvernance internationale La fin de la guerre froide, la mondialisation, les crises à répétition dans le tiers-monde, les défis planétaires (qu’ils soient de nature économique, stratégique, démographique, environnementaux ou sanitaire) ont rendu nécessaire une nouvelle forme de gouvernance internationale, couplée à une exigence de meilleure gouvernance des pays pris individuellement. Des concepts comme la transparence de la gestion, la participation de tous les acteurs concernés, le partenariat, le respect de la règle de droit sont mis en avant. Le Processus de Kimberley s’inscrit totalement dans cette dynamique. S’agissant de l’intervention de nouveaux acteurs, on se réfèrera par exemple à un auteur comme Pascal Boniface, qui a mis en évidence la diversification des acteurs internationaux60. A côté de l’Etat, considéré historiquement comme l’acteur unique des relations internationales, sont apparus successivement les organisations internationales(au 19ème siècle), les firmes multinationales, les organisations non gouvernementales, certains individus 61 , Davos, les médias, et même des acteurs illégaux comme les mafias. On voit immédiatement que tous ces acteurs sont intervenus et interviennent encore dans la question des diamants de la guerre. Les Etats ont clairement démontré leur incapacité à régler le problème, puisque c’est sur la décomposition de certains d’entre eux que le phénomène a pu proliférer, tandis que les autres pays, et notamment les anciennes puissances coloniales ne pouvaient intervenir directement. Les organisations internationales (ONU, CEDEAO) ont pu jouer un rôle dans la stabilisation de la situation après l’arrêt de la phase la plus violente des conflits, mais sans pouvoir empêcher les massacres ni l’exode des populations, et sans pouvoir s’attaquer aux causes du problème, ni mettre en place des solutions efficaces 62. Par contre, ce sont les « nouveaux acteurs » qui ont joué un rôle réellement déterminant. Les organisations non-gouvernementales, et plus particulièrement deux d’entre elles, ont véritablement fait apparaître au grand jour le problème des diamants de la guerre, elles en ont démonté les mécanismes et dénoncé les responsables. Ayant trouvé progressivement un écho dans les médias, leur campagne a pu s’adresser directement à l’opinion publique, et plus particulièrement aux consommateurs. L’action des ONG, si elle n’avait pas été suivie d’effet, aurait très bien pu aboutir à une destruction de l’image traditionnelle du diamant auprès de l’opinion publique, à l’écroulement de la demande, voire à la disparition du secteur industriel lui-même.

60 P.Boniface, « Le monde contemporain : grandes lignes de partage » p 21 - 42 61 P.Boniface cite le financier George Soros, mais dans le domaine des diamants, des hommes comme Nikky Oppenheimer, président de la De Beers et son rival Lev Leviev jouent certainement un rôle aussi important 62 on a vu ce qu’il était advenu des embargos décrétés par l’ONU à propos de l’Angola et de la Sierra Leone

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En outre, les ONG ne se sont pas contentées de dénoncer : elles ont pris une part active dans la recherche d’une solution, et elles sont devenues des partenaires à part entière du processus mis en place. Agissant au sein des organes du Processus de Kimberley, elles contribuent à son fonctionnement, à son développement et à sa surveillance.63 Elles assurent aussi une importante fonction d’information du public, compensant la très grande « discrétion » des acteurs institutionnels. L’industrie, après avoir dans un premier temps nié jusqu’à l’existence du phénomène des diamants de la guerre, a ensuite changé radicalement d’attitude, devant la pression montante des ONG et la prise de conscience de l’enjeu que constituait une atteinte durable à l’image du diamant. Elle a successivement annoncé unilatéralement qu’elle cessait de s’approvisionner dans les zones suspectes, adopté ses propres règles de conduite, et participé à la création du Processus de Kimberley. Cela ne veut pas dire toutefois que les acteurs institutionnels, Etats et organisations internationales ont entièrement délégué aux ONG et à l’industrie la recherche d’une solution au problème des diamants de la guerre. Au contraire. Les Etats les plus concernés par le secteur diamantaire, comme producteurs, importateurs ou transformateurs, ont investi des efforts considérables pour aboutir en un temps record à une solution pragmatique, susceptible de fournir des résultats concrets. Ils ont défini des règles, pris des engagements concrets, accepté de se soumettre à des contrôles et prévu des sanctions. Ils se sont assurés de la conformité des mesures qu’ils adoptaient avec les règles du commerce international. L’ONU a reconnu et soutenu les efforts entrepris, et continue à surveiller la mise en oeuvre des règles ainsi définies. Enfin, il n’est pas nécessaire d’insister sur le rôle central joué par les organisations criminelles et mafieuses, à peine déguisées sous le masque de mouvements rebelles. Ainsi, comme dans un cas d’école, tous les acteurs identifiés par Pascal Boniface se retrouvent impliqués dans la question des diamants de la guerre. Si l’on se place du point de vue de la Communauté européenne, on constate que le Processus de Kimberley s’inscrit entièrement dans ses propres réflexions sur la gouvernance internationale. Le Livre Blanc de la Commission sur la Gouvernance de 200164 contient une section consacrée à la Gouvernance mondiale. On peut y trouver les orientations suivantes : « En appliquant les principes de bonne gouvernance à sa responsabilité mondiale, l’Union doit s’ouvrir davantage aux acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux des autres parties du monde. Cette approche inspire déjà sa stratégie de développement durable, mais elle doit aller de

63 Ainsi, Global Witness a réalisé en janvier 2004 une étude approfondie sur la manière dont l’industrie respectait ses engagements en ce qui concerne le niveau d’information des employés sur la question des diamants de la guerre, une des obligations dérivant du système d’auto réglementation. L’enquête a été réalisée dans des magasins de détails, depuis les enseignes plus prestigieuses (Bulgari, Cartier) jusqu’à la grande distribution (Wal- Mart, JC Penney) et les commerces de plus petite taille. Les résultats sont loin d’être encourageants : ainsi, 18% à peine des sondés étaient au courant du système de garanties en chaîne qui est la base de l’auto réglementation de l’industrie ! 64 Commission des Communautés européennes. Gouvernance européenne Un Livre Blanc. COM (2001) 428 25/07/2001

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pair avec l’engagement des acteurs concernés d’être représentatifs et d’assumer leurs responsabilités dans les réponses à apporter aux défis mondiaux. (…) L’action internationale devrait être complétée par de nouveaux outils. De nombreuses propositions du présent Livre Blanc pourraient être testées à l’échelon mondial, notamment le contrôle collégial des progrès accomplis en direction d’objectifs arrêtés au niveau international ou encore la mise au point de solutions de corégulation pour traiter certains aspects de la nouvelle économie ». Plus concrètement, la Commission se réfère expressément au Processus de Kimberley dans sa Communication de 2003 « Gouvernance et Développement »65 Dans une section consacrée aux « partenariats difficiles », qui se caractérisent par un manque d’engagement du partenaire en faveur de la bonne gouvernance, elle cite l’Angola immédiatement après la Corée du Nord. La Commission considère que ces pays ne doivent pas être abandonnés à leur sort, par solidarité (on ne peut faire payer la population pour les manquements de ses dirigeants) et par sécurité (risque de voir l’extrémisme et le terrorisme s’installer dans les Etats faillis, risque de contagion régionale).Il faut donc trouver des mécanismes alternatifs en ce qui concerne la coopération avec les pays en question. En ce qui concerne l’Angola, un des problèmes majeurs est constitué par l’absence de transparence des revenus pétroliers. La Commission propose dans ce contexte d’envisager un processus similaire à celui de Kimberley. Le Processus de Kimberley est donc présenté comme une réponse à un problème qui affecte traditionnellement l’Afrique, à savoir la captation et le détournement des bénéfices de l’exploitation des ressources naturelles, qui ne profitent en définitive qu’à une minorité de prédateurs. Nous reviendrons sur cette question dans la section suivante.

65 Commission des Communautés européennes. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité Economique et Social Européen. COM (2003) 615 du 20/10/2003

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5.2 une solution pour un mal africain ? L’Afrique, dit-on, meurt d’être trop riche. Ses immenses richesses naturelles ont justifié la colonisation, qui a fonctionné pendant des dizaines d’année comme un mécanisme de transfert de ses ressources vers la puissance coloniale au seul profit de celle-ci. Les investissements réalisés dans la colonie (infrastructure, éducation, politique sanitaire), loin d’être l’œuvre civilisatrice complaisamment vantée, et même s’ils bénéficiaient objectivement aussi aux populations locales, visaient principalement à améliorer la capacité de la colonie à produire les ressources qui intéressaient la puissance coloniale. Cette situation n’a pas vraiment changé lors de la décolonisation. Les élites locales se sont en fait mises à la place des anciens colonisateurs, et ont poursuivi l’exploitation des richesses de leur pays, non pas au profit de son développement et au bénéfice de leurs populations, mais dans l’intérêt exclusif de la classe dominante, qui se réduisait souvent au seul entourage de l’homme fort du régime, du leader tout-puissant, « héros de l’indépendance » ou militaire factieux qui l’avait renversé. Tout se passait comme si le modèle colonial avait été validé par les leaders africains issus des luttes pour la décolonisation, qui le reprenaient à leur compte en en changeant simplement le bénéficiaire. D’où l’apparition d’économies de rentes, et, s’agissant des pays qui avaient la chance, ou la malchance, de posséder des diamants, le choix entre la « gemmocratie » nationale ou la soumission à la De Beers. Ce modèle de représentation, selon laquelle les maux de l’Afrique actuelle proviennent toujours du pillage de l’époque coloniale, trouve toutefois ses limites quand on examine qui pille l’Afrique aujourd’hui ; et dans le domaine du diamant, ce sont toujours des « élites » nationales avec des complices étrangers, ou des criminels se cachant sous le masque de mouvements révolutionnaires, ou encore, dans le cas de la RDC, d’autres états africains avides d’accaparer les richesses de leur grand voisin à l’agonie. Le Processus de Kimberley, en introduisant pour la première fois des règles, de la transparence et des contrôles dans le commerce du diamant, peut mettre un coup d’arrêt à cette conception d’une Afrique dont les richesses appartiendraient de droit à celui qui est assez fort pour venir les prendre. Le Processus de Kimberley confère aux seuls gouvernements légitimes le droit de vendre des diamants sur le marché mondial. Et il ne leur confère ce droit que s’ils sont capables de mettre en place un système de certification nationale crédible et des contrôles efficaces. En bref, il les force à être des gouvernements, à agir comme des gouvernements et non comme des cliques de prédateurs. Si son succès se confirme, le Processus de Kimberley peut être un modèle pour un développement plus équitable du continent africain : pourquoi ne pas appliquer une approche similaire pour le pétrole ou les minerais stratégiques, afin d’assurer que ce sont des gouvernement responsables qui en gèrent les revenus, dans l’intérêt de leurs populations ? .

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6) REFLEXION SUR LA PLACE DU PROCESSUS DE KIMBERLEY COMME INSTRUMENT DE PREVENTION DES CONFLITS. Au moment où le Processus de Kimberley entre en vigueur, les trois situations de crises majeures qui ont justifié sa création - les guerres civiles d’Angola, de Sierra Leone et de Liberia - ont été réglées. Grâce aux efforts de la communauté internationale, les succès militaires des gouvernements et la défaite des rebelles ont mis fin aux violences et ont permis d’entamer la reconstruction de ces trois pays. Leurs institutions sont toutefois très fragiles, et le resteront plusieurs années encore. Si les diamants ne servent plus à financer directement l’achat d’armes par les rebelles, il n’est pas douteux que la contrebande continue de régner, surtout dans les zones autrefois dominées par la rébellion, que le gouvernement ne contrôle pas encore réellement, et où se trouvent encore des bandes armées et des groupes divers animés uniquement par la recherche du profit. Le Processus de Kimberley est essentiel pour réintégrer la production de diamants de ces pays dans le circuit commercial légitime, afin que leurs revenus bénéficient davantage au développement et à la population. Le Processus de Kimberley est aussi indispensable pour dissuader ceux des ex-rebelles qui ne veulent pas jouer le jeu de la réconciliation, ou de nouveaux candidats à la rébellion, de relancer les conflits. Ils doivent savoir que, contrairement à leurs prédécesseurs, ils ne pourront pas bénéficier des revenus des diamants pour financer leur tentative. Enfin, la mise en œuvre du Processus de Kimberley ne peut que contribuer à la reconstruction progressive des structures administratives des états. Mais, compte tenu du rôle déstabilisateur que l’exploitation des diamants peut jouer dans des pays aux institutions fragilisées et à la cohésion nationale faible, le Processus de Kimberley peut aussi contribuer à éviter l’éclatement d’un conflit. Il garantit en effet que si l’un ou l’autre groupe rebelle ou factieux s’empare par la force de régions diamantifères, il ne pourra en commercialiser les produits, qui seront frappés d’un embargo mondial. Le Processus de Kimberley devient ainsi un instrument de prévention des conflits. La Commission européenne a défini son approche de la prévention des conflits dans une communication du 11 avril 200166 qui, parmi les 4 objectifs qu’elle identifie, propose : «Improve the efficiency of actions by developing specific methods to identify and fight against the roots causes of conflicts at an early stage instead of only addressing the symptoms at times of acute crisis ». La Communication propose aussi une liste de recommandations pour des actions spécifiques, visant tant le court terme que le long terme. La participation active au Processus de Kimberley figure parmi les recommandations concernant la prévention à long terme des conflits. Le Commissaire aux Relations Extérieures, Chris Patten, a expressément mentionné le problème des diamants de la guerre dans la conférence de presse donnée à l’occasion de l’adoption de la Communication par la Commission67 :

66 COM (2001) 211 67 Communiqué de presse de la Commission, IP/01/560

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« We must increase the effectiveness of our action by developing specific initiatives targeted at tackling the cross-cutting issues which often cause or contribute to the emergence of the conflicts, such as trafficking in drugs or human beings, or trading with illicit goods as conflict diamonds or small arms » Le Processus de Kimberley est aussi au cœur de la stratégie internationale d’un autre de ses acteurs importants, le Canada. Cet Etat a défini un programme autour du thème de la Sécurité Humaine : « une approche de politique étrangère axée sur les personnes, qui reconnaît que la stabilité durable est impossible tant que la sécurité humaine n’est pas garantie – que les citoyens ne sont pas protégés des menaces d’atteintes violentes à leurs droits, leur sécurité et leur vie »68. Le programme « sécurité humaine » s’articule autour des thèmes suivants : protection des civils ; opérations de soutien de la paix ; prévention des conflits ; gestion publique et responsabilité ; sécurité publique. Au titre de la prévention des conflits, le premier thème cité est celui des diamants et des conflits armés69. La situation de deux autres pays africains, la Côte d’Ivoire et la république Démocratique du Congo (l’ex Zaïre) méritent d’être examinées du point de vue de la contribution du processus de Kimberley à la prévention des conflits.. La Côte d’Ivoire, ancienne vitrine de l’Afrique francophone du temps du président Houphouët – Boigny, s’enfonce progressivement dans le chaos. Lors d’un putsch en 1999, une junte militaire dirigée par Robert Gueï prend le pouvoir. Puis en octobre 2000, Laurent Gbagbo est élu contre Gueï. Il a pris la précaution d’exclure du scrutin son plus dangereux adversaire, Alassane Outtara, en jouant sur le thème de « l’ivoirité » ( la protection des « purs» ivoiriens contre les immigrés d’origine burkinabé concentrés dans le Nord du pays). Si l’on ajoute à cette dimension ethnique le facteur religieux (le Nord est musulman, le Sud chrétien et animiste), on a tous les ingrédients d’une décomposition rapide et violente du pays. Coups de force, occupation du Nord par des troupes rebelles, interventions militaires et politiques françaises, accords de paix non appliqués se succèdent, sur fond de haine croissante entre les communautés, et d’appel à l’expulsion des Français. Le spectre de la guerre civile rode toujours.70 Des diamants, il y en a un peu en Côte d’Ivoire, justement dans le Nord rebelle. Le pays est membre du processus de Kimberley. Les exportations ont cessé, comme le montrent les statistiques de la CE en 2003. Quel pourrait être l’impact du processus de Kimberley sur une possible guerre civile ivoirienne et une sécession du pays? tout simplement de priver les rebelles de la possibilité de financer leur lutte au moyen des diamants qu’ils pourraient produire dans leur zone, ou au moyen de diamants de contrebande provenant de pays voisins, puisqu’ils n’auraient pas d’accès au marché international. Et leurs voisins hésiteraient peut-être à « blanchir » les diamants des rebelles de peur de mettre en péril leur propre statut de participant au processus De Kimberley. Sera-ce suffisant pour éviter le pire ?

68 Ce texte ainsi que les informations qui suivent est extrait du site web du gouvernement canadien : www.humansecurity.gc.ca 69 les autres thèmes sont les armes légères, la prévention des conflits par la coopération, les sanctions ciblées et la consolidation de la paix après les conflits 70 voir le dossier en ligne du Courrier International.com consacré à la crise ivoirienne

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La situation de la République Démocratique du Congo est beaucoup plus préoccupante encore. Depuis la chute de Mobutu (dont le régime constituait par excellence un exemple de « gemmocratie », et même de «kleptocratie »), le pays s’est enfoncé dans une guerre civile doublée de plusieurs conflits régionaux, qui ont fait plus de 3 millions de morts entre 1998 et 2003. En dépit d’accords de paix conclu en 1999 et mis en œuvre progressivement jusqu’à l’année dernière, l’insécurité reste importante, et le moindre incident risque de remettre le feu aux poudres. Il n’entre évidemment pas dans mon intention, dans le cadre limité de ce mémoire, de retracer dans le détail les nombreux et sanglants épisodes de l’« Après-Mobutu ». La guerre civile menée par Laurent-Désiré Kabila a permis de renverser Mobutu. Ce sont ensuite les anciens alliés de Kabila, ses commanditaires étrangers (Rwanda, Angola, Zimbabwe, Ouganda), qui se rendent compte qu’il fait désormais obstacle à leurs appétits. Kabila sera assassiné en 2001, et le Congo partagé entre différentes factions, toutes armées et soutenues par un ou plusieurs « protecteurs » étrangers. Il est en effet évident que le Congo, ce « scandale géologique », ou plutôt ses richesses, intéressent au plus haut point les états voisins, qui n’ont d’autre but que de le dépecer et de se partager les dépouilles. 71 En dépit d’une résolution du Conseil de sécurité reconnaissant que la RDC avait été l’objet d’une agression, un accord de paix conclu en 199972 organisait la participation des différentes factions au pouvoir et le retrait des troupes étrangères. En juin 2003, quatre vice - présidents, chacun représentant une faction, ont été assermentés, les ministères distribués aux différents groupes en présence et la démilitarisation a été entamée. On peut toutefois douter que le gouvernement d’union nationale exerce vraiment le contrôle sur tout son territoire. Des incidents graves ont déjà opposé la nouvelle armée à des milices qui perpétuent la violence ethnique, notamment- comme par hasard- dans la région diamantifère du Nord-Est. La permanence du processus de paix, le rétablissement de la souveraineté et de l’unité nationale et l’arrêt des ingérences étrangères sont encore loin d’être garantis. Quel peut être l’apport du processus de Kimberley ? on peut dire tout d’abord que c’est l’absence d’un tel mécanisme qui a permis aux factions rebelles et à leur soutiens étrangers de piller les diamants congolais, et de les commercialiser au départ d’autres pays complaisants, et dans l’indifférence des pays importateurs. La mise en place du système de certification de Kimberley rendra la chose plus difficile. En date du 11 août 2004, le journal « Le Soir » consacrait un bref article au « Boom du diamant au Congo Kinshasa ». On pouvait y lire que les exportations de diamants ont rapporté en juillet 2004 91,4 millions de dollars à la RDC, pour 2.7 millions de carats évalués. Ce résultat remarquable est attribué au fait que le Congo -Brazzaville a été exclu du processus de Kimberley, ce qui permis à la RDC de récupérer dans son circuit officiel une bonne partie des diamants qui étaient fraudés à Brazzaville, puis réexportés. Le diamant, ajoute l’article, est la principale source de revenus pour la RDC. Voilà donc une autre contribution du Processus de Kimberley à la stabilisation du pays, et donc à la prévention du conflit : le renforcement des

71 Résolutions 1234 (1999) et 1304 (1999) du Conseil de Sécurité 72 L’accord de Lusaka a été conclu le 10 juillet 1999 entre la RDC, l’Angola, la Namibie, le Rwanda, l’Ouganda et le Zimbabwe.

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ressources de l’état, ce qui devrait lui permettre de mieux satisfaire les besoins de base de la population et d’asseoir ainsi son autorité. De même, la non-participation de pays comme l’Ouganda, et le Rwanda au Processus de Kimberley doit être saluée: ces pays, dont on connaît les appétits pour les richesses de la RDC, ne pourront pas servir de camouflage pour les diamants provenant des régions qu’ils« contrôlent » par l’intermédiaire des factions qu’ils ont eux-mêmes armées. 7) CONCLUSION 7.1 un instrument prometteur, exemple de la nouvelle gouvernance internationale Le Processus de Kimberley s’inscrit incontestablement dans une nouvelle conception de la gouvernance internationale, dont il constitue un exemple prometteur. Ici, sans l’intervention des ONG, aucune mesure n’aurait été prise. Et une fois que la communauté internationale s’est décidée à agir, ses instruments traditionnels (mission de l’ONU, embargos) se sont révélés inefficaces. Il a fallu que quelques Etats particulièrement concernés par le sort d’une industrie dont ils dépendaient organisent un dialogue structuré avec les organisations non-gouvernementales, l’industrie et les autres états concernés, pour que la machine se mette en marche. L’ONU, l’OMC ont cautionné le processus et l’ont encadré, mais ces organisations ne l’ont ni conçu, ni développé, ni mis en œuvre. Il est certain que les acteurs obéissaient à des motivations différentes. L’industrie, et derrière elle les principaux Etats producteurs et importateurs de diamants, voulaient éviter, sinon un boycott total difficile à imaginer, en tous cas une détérioration durable de l’image du diamant et une diminution substantielle de son commerce. Les Etats trouvaient aussi dans le Processus de Kimberley un mécanisme suffisamment précis et à l’impact suffisamment ciblé, pour qu’il puisse produire des résultats tangibles dans un avenir rapproché. Certaines ONG voulaient manifestement passer d’une culture de contestation à une culture de participation constructive. Le tout a donné un « produit » hybride, à la nature juridique incertaine, un mélange d’engagements volontaires et de règles assorties de sanctions, un processus évolutif associant ses fondateurs à ses développements futurs et les transformant en acteurs de sa mise en œuvre. Il s’inscrit, ainsi qu’on l’a vu, dans le droit fil d’une conception nouvelle de la gouvernance internationale, que ce soit du point de vue de sa motivation ou en raison de sa nature d’instrument nouveau et atypique. Conçu comme une réponse rapide à la situation désespérée dans laquelle se trouvaient certains pays, il a évolué en un mécanisme de transparence d’un marché et de prévention des conflits.

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7.2 des résultats rapides mais partiels ; un objectif de toute façon limité On a pu voir, en étudiant la genèse des accords et le début de leur mise en œuvre, que le Processus de Kimberley peut être considéré comme une réussite, ou en tous cas comme un essai très prometteur encore à transformer. Son succès rapide et incontestable est peut-être dû à son caractère très « spécialisé » Il ne s’attaque en fait qu’à une situation bien précise, définie de manière étroite: le commerce de diamants bruts en provenance de zones dévastées par des guerres civiles, où des groupes rebelles tentent de déstabiliser puis de renverser un gouvernement reconnu. Il vise à bannir du commerce international les diamants de la guerre, les diamants du sang. Par contre, il est inopérant en tant que moyen de pression contre un régime dictatorial qui opprimerait sa propre population de la manière la plus brutale, en l’absence de rébellion qui tenterait de prendre le contrôle des zones diamantifères. En d’autres termes, les « diamants de l’oppression » (catégorie dont on ne parle pas officiellement) ne tomberont pas sous le coup de l’exclusion du commerce international prévue par le processus de Kimberley, tant qu’un gouvernement reconnu pourra établir qu’il contrôle les zones de production des diamants, et qu'il pourra donc certifier leur provenance. Dans cette perspective, un mouvement révolutionnaire sincèrement animé du désir de renverser une dictature pour la remplacer par un régime démocratique, et qui déclencherait une insurrection armée dans des zones diamantifères ne pourrait pas espérer financer sa lutte par les revenus des diamants qu’il ne pourrait pas commercialiser. Certes, les exemples qui ont présidé à la création du Processus de Kimberley n’étaient pas de nature à susciter une telle interrogation. Les mouvements rebelles qui s’étaient emparés des diamants du sang n’apparaissaient pas comme porteurs d’une espérance populaire, d’une aspiration démocratique face à des régimes oppresseurs et corrompus. Les diamants, comme on l’a vu, étaient à la fois non seulement le « carburant » des insurrections, mais aussi- et surtout- leur moteur, voire leur raison d’être. Dans des états africains dévastés, abandonnés aux seigneurs de la guerre, le processus de Kimberley est de nature à freiner, voire à empêcher, la mise en coupe réglée de régions par des prédateurs seulement avides de détourner à leur profit les revenus du commerce des diamants, en leur retirant précisément la possibilité de pratiquer ce commerce.

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7.3 un instrument de prévention des conflits Paradoxalement, les situations qui ont donné naissance au Processus de Kimberley étaient déjà largement en voie de règlement au moment de son entrée en vigueur.73 Les tristes « héros » des sanglantes rébellions ont été mis hors d’état de nuire. Savimbi a fini par être tué par les troupes régulières. Foday Sankoh est mort en prison. Exilé au Nigeria, Charles Taylor est sous le coup d’une inculpation par le Tribunal Spécial pour la Sierra Leone. Les pressions montent sur le Nigeria pour qu’il soit livré à ses juges.74 En Sierra Leone, le mandat de la MINUSIL a été prolongé jusqu’en juin 2005. Son effectif était de l’ordre de 11000 hommes en juin 2004. Le pays a été admis comme membre du Processus de Kimberley. Dès 2000 le pays avait mis en place un système de certification. Bien que des doutes existent toujours sur la fiabilité des contrôles et des statistiques officiels, en raison de la longue histoire de fraude et de corruption dans le pays, le bilan est jugé néanmoins encourageant. Des efforts importants sont toutefois nécessaires pour développer la capacité d’audit et diminuer la corruption des fonctionnaires et des policiers chargés du contrôle des mines.75 En Angola, la situation a également évolué, mais pas aussi rapidement qu’on pouvait l’espérer. Sur le plan politique, l’Angola est encore loin de réunir les conditions qui lui permettraient de reconstruire véritablement son économie et ses institutions. Selon l’analyse de la Commission européenne76, le pays manque toujours des ressources humaines nécessaires, et ne dispose que d’une faible capacité institutionnelle. Les bases sur lesquelles repose la réorganisation d’un système juridique indépendant sont très fragiles ; la transparence des finances publiques pose problème, notamment en raison du fait qu’une grande partie des revenus pétroliers n’apparaît pas dans le budget. Les organisations de la société civile sont très fragiles, et la situation des droits de l’homme, médiocre. La Commission exprime « de vives inquiétudes en ce qui concerne la mise en œuvre des principaux programmes de réforme institutionnelle ». Dans ces conditions, comment se présente le retour à la normale dans le secteur du diamant ? En 2002, le Conseil de Sécurité a levé son embargo sur les diamants angolais. L’Angola a été admis comme participant du Processus de Kimberley. Son gouvernement a affirmé sa détermination à jouer le rôle de « pionnier » dans la mise en œuvre du système de certification du Processus de Kimberley. L’organisme officiel, la SODIAM, reçoit la totalité des diamants des 8 mines du pays. Les négociations ont lieu entre la SODIAM, les mines et un organisme international d’évaluation. De plus, les diamants produits dans le secteur artisanal sont à présent

73 par « réglées » on entend simplement la fin des combats violents ; mais il reste des milliers d’hommes des différentes missions des Nations Unies sans lesquelles le cauchemar recommencerait aussitôt ; ainsi, 26000 casques bleus sont déployés en Sierra Leone et au Libéria, avec un budget combiné, pour 2003-2004 de 1,1 milliards de dollars 74 par contre le chef du gouvernement provisoire a déclaré qu’il ne demanderait pas l’extradition de Taylor, sa présence au Nigeria faisant « partie du processus de paix » (Autres Facettes, n°14) 75 Diamond Industry Annual Review, Sierra Leone, 2004 76 Communication “Gouvernance et Développement», déjà citée, p 25

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également commercialisés par la SODIAM. Le contrôle de l’origine des diamants provenant du secteur informel est loin d’être satisfaisant, puisqu’il repose exclusivement sur les livres des bureaux d’achat. Mais le gouvernement veut à la fois réduire le nombre de mineurs, et mieux les contrôler. Jusqu’ici, aucun contrôle réel n’était effectué, ni sur les mineurs, ni sur les intermédiaires qui leur achetait leur production, et qui étaient souvent liés à l’Unita. Depuis la fin de la guerre, un nouvel organe, le CSD (Corpo Especial de Fiscalizaçao e Seguranza de Diamantes) est chargé des contrôles sur le terrain. Il répond directement à l’autorité de coordination des services de renseignements de l’Etat, plutôt qu’au Ministère des Mines. Il est chargé de lutter contre la contrebande et d’assurer la mise en œuvre du Processus de Kimberley. Une manifestation spectaculaire de cette volonté de reprendre le contrôle a été l’expulsion d’environ 100000 mineurs illégaux d’origine congolaise entre 2003 et la mi-2004. On estimait le nombre des mineurs illégaux entre 270000 et 400000 dont 80% d’origine congolaise ; leur nombre s’était fortement accru depuis la fin des combats en 2002. Devant les excès commis durant ces expulsions « musclées », et les violations des droits de l’homme qui ont été perpétrées, le Gouvernement de la République Démocratique du Congo a émis une protestation officielle. Un accord est intervenu entre les deux pays pour procéder dorénavant à ces expulsions de façon coordonnée.77 L’intention du gouvernement est de réduite drastiquement ( jusqu’à environ 10000) le nombre des mineurs individuels, facilitant ainsi le contrôle de la production de diamants d’origine alluviale. Le gouvernement angolais a donc choisi la manière forte pour remettre de l’ordre dans son secteur diamantaire. Il est certainement encore trop tôt pour dire si la contrebande de diamants sera définitivement éliminée. L’amélioration de la situation dans les pays voisins (RDC, Tanzanie, Guinée) est évidemment une condition essentielle, sur laquelle le gouvernement angolais, qui n’exerce pas de contrôle réel sur ses frontières, n’a guère de prise. Mais la fin de la guerre civile et la réintégration des combattants de l’Unita dans l’armée officielle ou leur démobilisation signifient en tous cas que les diamants ne seront plus utilisés pour financer de véritables opérations militaires dont les premières victimes étaient les populations civiles. Au Liberia, la grande question est aujourd’hui celle de la levée de l’embargo des Nations Unies sur les exportations de diamants et de l’intégration du pays dans le Processus de Kimberley. On se rappelle qu’à leur réunion de Johannesburg de 2003, les pays participants au processus de Kimberley ont subordonné l’admission du Libéria en tout état de cause à la levée de l’embargo. Or il est certain que l’actuel gouvernement de transition n’exerce aucun contrôle réel en dehors de la capitale, et certainement pas dans la région de production des diamants. La dernière résolution du Conseil de Sécurité « encourageait » le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour participer dès que possible au Processus de Kimberley, c’est à dire à mettre en place un système national de certification. Les plus grands doutes existent quant à la capacité du gouvernement de réaliser un tel progrès à court terme. Une des raisons pour maintenir l’embargo est l’absence de contrôle effectif du gouvernement de transition sur la plus grande partie du territoire du pays, et la présence de bandes rebelles dans les régions de production. Une autre est la présence au Libéria d’un important stock de diamants de Sierra Leone, qui retrouveraient un accès au marché international si le Libéria était admis dans le processus de Kimberley. 77 Diamond Industry Annual Review, Republic of Angola, 2004, p8

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On peut dire qu’il n’y a donc plus aujourd’hui, à proprement parler, de diamants de la guerre. Si l’on veut bien en outre se rappeler que les diamants du sang provenant des zones en conflit ne représentent au total que 4 à 5 % du volume du commerce mondial, on pourrait être tenté de conclure que le Processus de Kimberley n’est qu’une mécanique bureaucratique sans effet sur la réalité, et notamment sur la sécurité et les conditions de vie des populations africaines. On a pu voir toutefois que même une part relativement minime du commerce de diamants générait des revenus suffisants pour financer des actions militaires sanglantes et de longue durée. On a vu aussi que ces petites quantités de diamants à l’échelle internationale, sont suffisantes au niveau d’un état pour devenir l’enjeu même, et plus seulement le moyen, de tentatives sécessionnistes ou de coups d’état. . Le Processus de Kimberley apparaît bien plus aujourd’hui comme un instrument de prévention des conflits et comme un moyen de stabiliser des pays qui sortent à peine des guerres civiles L’exemple de la Côte d’Ivoire et de la RDC donne une idée de ce rôle de prévention que le Processus de Kimberley peut jouer. L’impossibilité de commercialiser des diamants bruts sans passer par les structures du gouvernement légitime est sans doute de nature à décourager les tentatives de sécession. Comme on l’a vu, la garantie que les revenus du commerce du diamant viendront alimenter le Trésor Public est de nature à renforcer l’Etat, et à permettre sa reconstruction. Pour autant, la route est encore longue qui fera des gemmes africains des diamants de la prospérité plutôt que des diamants du sang. Le Processus de Kimberley n’est qu’un pas, certes important, vers cet objectif encore lointain.

Philippe Renaudière Septembre 2004

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BIBLIOGRAPHIE 1) Ouvrages Spécialisés :

-Stephen Smith : Négrologie Pourquoi l’Afrique meurt, Calmann-Lévy, 2003 -Colette Braekman : Les Nouveaux Prédateurs Politique des Puissances en Afrique Centrale, Fayard, 2003 -Chasse au Diamant au Congo/Zaïre sous la direction de Laurent Monnier , Paris, L’Harmattan, 1997 -François Misser et Olivier Vallée, Les Gemmocraties- l’économie politique du diamant africain, Paris, Desclée de Brouwer, 1997 2)Ouvrages généraux : -Pascal Boniface : Le Monde Contemporain, grandes lignes de partage, PUF, 2001 -Joseph Ki-Zerbo : Histoire de l’Afrique Noire, Hatier, 1978 - Guy Spitaels : L’improbable équilibre, géopolitique du désordre mondial. éd Luc Pire, 2003 3) Publications spécialisées : 3.1 Industrie -The Rapaport Guide to the Kimberley Process. Martin Rapaport, 2003 -Diamonds.Net News Center (Rapaport Research) publication en ligne 3.2 ONG PARTENARIAT AFRIQUE Canada -Revue Annuelle de l’économie des diamants République Démocratique du Congo 2004 - « Autres Facettes- informations et opinions sur l’effort international pour éliminer les diamants de la guerre » numéros 1 à 14 -« Diamants sans cartes : Le Libéria, les Nations Unies, les sanctions et le processus de Kimberley » document hors série n°11 -The heart of the Matter : Sierra Leone, Diamonds and Human Security (ISBN O-9686270-5-6) janvier 2000 GLOBAL WITNESS

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- “ Broken Vows (Exposing the « Loupe » Holes in the Diamond Industry’s Efforts to Prevent the Trade in Conflict Diamonds)” Global Witness Publishing Inc, 2004 ISBN 0-975 3582-1-9

- SOS Toujours la même histoire Une étude contextuelle sur les ressources naturelles de la république démocratique du Congo

- For a Few Dollars More How Al Quaeda moved into the diamond trade, avril 2003 - Global Witness Briefing Document April 25th 2001: Review of the Sierra Leone

Diamond Certification System and Proposals -

3.3 divers -L’encyclopédie de l’Agora Dossier : Diamants (httpp: //agora.qc.ca/encyclopédie) -Diamants, numéro spécial de Connaissance des Arts, 1/01/2002 -Université Laval, bulletin 52, avril 2001 « Le conflit en Sierra Leone : les diamants du sang » 4) Articles : Le Monde Diplomatique : Mensonges et Diamants en Angola ( Augusta Conchiglia) avril 1997 La République Démocratique du Congo dépecée par ses voisins (Colette Braekman) octobre 1999 Les Richesses convoitées de la République Démocratique du Congo (Philippe Rekacewicz), janvier 2000 Guerre et Diamants en Sierra Leone ( Andres Perez) juin 2000 L’Afrique des Grands Lacs oubliée (Claire Brisset) mai 2003 The Economist : The Diamond Business: Glass with attitude (18/12/1997) Washed out of Africa (1/06/2000) Diamonds Crystal Clear? (13/06/2000) The Diamonds Business: Endless quest (18/10/2001) Regulating the diamonds trade A crook’s best friend (2/01/2003) Rumours are forever (28/02/2004) The Cartel isn’t for ever (15/07/2004) Le Courrier International.com « Faute de phacochère… » Dossier La Crise Ivoirienne (en ligne, régulièrement mis à jour) Autres : The Looting of Congo (Colette Braekman) New Internationalist Magazine, mai 2004 Le diamant vaut de l’or (François Doux), Le Figaro, 20/08/2004 Malgré Kimberley le diamant africain peine à bifurquer vers la légalité AFP, 16/08/2004 Les diams, le brut et les truands (Vincent Hugeux) L’Express 11/11/1999 Les Pierres de sang : la guerre secrète du diamant (Okba Lamrani) L’Humanité 16/08/2000

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AlQuaeda traded « blood diamonds » Lucy Jones BBC News Online 21/02/2003 Diamant Propre dès le 1er janvier (Alain Lallemand) Le Soir 6/11/2002 La Chute de l’Ange (François Soudan) L’Intelligent Centrafrique 23/03/2003 Pledge on conflict diamonds accord (N.Degli) Financial Times 1/11/2003 The United Nations and Conflict in Africa Since the Cold War (Marrack Goulding) African Affairs (1999), 155-165 5) Documents Officiels Kimberley Process for Rough Diamonds, brochure de National Resources Canada 7/7/2003 Programme de la Sécurité Humaine, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada www.humansecurity.gc.ca Les Diamants de la Guerre ONU, Conseil de Sécurité, Département des affaires politiques, 21/03/2001 « Diamants du Sang : premier but atteint » La Suisse et le Monde 3/2003 Règlement (CE)n° 2368/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 mettant en œuvre le processus de Kimberley pour le commerce international des diamants bruts JO L 47 du 19.2.2002 p8 (les différents règlements d’exécution sont mentionnés en notes de bas de page) 6) Sites Internet www.Kimberley process.com www.Polished stone.com www.globalwitness.org www.partenariatafriquecanada.org http://europa.eu.int/comm/external_relations/kimb/intro/ www.diamonds.net www.conflictdiamonds.com www.professionaljeweler.com www.diamonds.be http://www.debeersgroup.com

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ANNEXE 1

source: site web du Processus de Kimberley www. Kimberley process.com

States and regional economic integration organizations who have met the minimum requirements of the Kimberley Process Certification Scheme as of 9 July 2004* are:

1. Angola 2. Armenia 3. Australia 4. Belarus 5. Botswana 6. Brazil 7. Bulgaria 8. Canada 9. Central African Republic 10. China, People's Republic of 11. Congo, Democratic Republic of 12. Cote D' Ivoire 13. Croatia 14. European Community 15. Ghana 16. Guinea 17. Guyana 18. India 19. Israel 20. Japan 21. Korea, Republic of 22. Laos, People's Republic of 23. Lesotho 24. Malaysia 25. Mauritius 26. Namibia 27. Norway 28. Romania 29. Russian Federation 30. Singapore 31. Sierra Leone 32. South Africa 33. Sri Lanka

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34. Switzerland 35. Tanzania 36. Thailand 37. Togo 38. Ukraine 39. United Arab Emirates 40. United States of America 41. Venezuela 42. Vietnam 43. Zimbabwe

* soit après l’expulsion du Congo (Brazzaville)

NOTE: The rough diamond-trading entity of Chinese Taipei has also met the minimum requirements of the KPCS.

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ANNEXE II STATISTIQUES DE LA COMMUNAUTE EUROPE ENNE Source : Commission européenne, Direction Générale des Relations Extérieures (information communiquée sur demande) Overall Exports 2003

destination origin HS code Carat Value in US -$ Destinations Origin HS code Carat Value in US-$ Armenia Canada 7102.31 5001,83 2300211,08 Armenia Mixed 7102.21 45894,42 37005,8 Armenia Mixed 7102.31 285430,53 106571597,3

Page 69: Research Papers N°2 - Ceris Papers/2 Le Processus de... · RESUME L’objet de ce mémoire consiste à présenter le « Processus de Kimberley ». Cet accord volontaire conclu entre

68

Armenia South Africa 7102.31 12,14 10926 Armenia total 336338,92 108919740,2 Australia Australia 7102.31 24108,12 2050677,63 Australia Canada 7102.31 815,72 143484,62 Australia Mixed 7102.21 813,73 12754,55 Australia Mixed 7102.31 2106,01 185478,15 Australia total 27843,58 2392394,95 Belarus Mixed 7102.31 2813,18 231383,7 Botswana Botswana 7102.31 78,14 9329,13 Botswana Mixed 7102.21 213,76 5599,09 Botswana Mixed 7102.31 11429,73 3825493,45 Botswana total 11721,63 3840421,67 Brazil Mixed 7102.31 48,07 410000 Brazil South Africa 7102.21 500 1900 Brazil total 548,07 411900 Canada Australia 7102.21 365,37 12710,54 Canada Australia 7102.31 91,87 2205,08 Canada Canada 7102.21 147,19 627,65 Canada Canada 7102.31 18397,23 14702916,66 Canada D.R. Congo 7102.31 3537,33 142533,13 Canada Ghana 7102.21 6000 22500 Canada Mixed 7102.21 20377,8 240405,99 Canada Mixed 7102.31 23985,74 14803266,51 Canada Russian

Federation 7102.21 380,51 29743,09

Canada South Africa 7102.21 6426,72 72522,24 Canada total 79709,76 30029430,89 China Australia 7102.21 37171,29 167776,88 China Australia 7102.31 45871,77 843153,19 China Botswana 7102.21 296,64 20900,87 China Canada 7102.31 10245,12 793659,94 China D.R. Congo 7102.21 500 2000 China D.R. Congo 7102.31 7755,45 799828,92 China Ghana 7102.31 10831,35 26022,82 China Mixed 7102.21 1586566,81 3705557,47 China Mixed 7102.31 6133613,52 700774286,3 China Russian

Federation 7102.31 5584,09 558409

China South Africa 7102.21 28942,26 298876,55 China South Africa 7102.31 45518,68 4911077,11

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China total 7912896,98 712901549,1 Chinese Taipei Mixed 7102.21 33420,68 810656,7 Chinese Taipei Mixed 7102.31 13,05 6816,2 Chinese Taipei South Africa 7102.21 6049,22 87815,36 Chinese Taipei USA 7102.21 1000 11000 Chinese Taipei total

40482,95 916288,26

Czech Republic Mixed 7102.21 410,97 3391 Czech Republic South Africa 7102.21 587,96 11803,49 Czech Republic USA 7102.21 2000 1400 Czech Republic Mixed 7102.21 289,08 14206,59 Czech Republic South Africa 7102.21 189,37 8333,22 Czech Republic total

3477,38 39134,3

D.R. Congo D.R. Congo 7102.31 7575,7 302688,25 Guinea Guinea 7102.31 16,79 35259 Guinea Mixed 7102.31 170,26 572392 Guinea total 187,05 607651 Hungary Mixed 7102.21 19,78 418,8 Hungary South Africa 7102.21 4120,25 280808,89 Hungary total 4140,03 281227,69 India Angola 7102.31 79,71 115605,5 India Australia 7102.31 4237024,27 53116240,5 India Botswana 7102.31 14408,04 10239470,98 India Canada 7102.31 348880,49 40310597,07 India Congo, Rep. of 7102.31 2090,68 40832 India D.R. Congo 7102.31 149117,23 2847702,46 India Ghana 7102.31 2313,45 245636,12 India Guinea 7102.31 777,32 386265 India Guyana 7102.31 770,73 83233,67 India India 7102.31 320243,8 2333810,16 India Mixed 7102.10 3863,54 196045,5 India Mixed 7102.21 127535,6 327329,72 India Mixed 7102.31 124694812 4555122672 India Russian

Federation 7102.31 315465,52 12037049,43

India Sierra Leone 7102.31 321,6 69189,54 India South Africa 7102.21 1108,42 36883,71 India South Africa 7102.31 223578,51 17331517,19 India total 130442390,9 4694840081

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Israel Angola 7102.31 481303,77 98096272,95 Israel Australia 7102.21 62303,57 15252,86 Israel Australia 7102.31 17517,03 11070057,37 Israel Botswana 7102.31 2091,7 186600,1 Israel Brazil 7102.31 206,16 364040,67 Israel Canada 7102.31 297692,87 109764327,5 Israel Central African

Republic 7102.31 576,41 738120,89

Israel Central African Republic

7102.31 134,65 202757,32

Israel Congo, Rep. of 7102.31 11329,15 233140,28 Israel Cote d'Ivoire 7102.31 995,48 1708788,98 Israel D.R. Congo 7102.21 2086957,04 22552282,18 Israel D.R. Congo 7102.31 220687,5 26985558,61 Israel Guinea 7102.31 9430,46 11653511,28 Israel Guyana 7102.31 62,08 156014,56 Israel Israel 7102.31 39415,6 3122064,89 Israel Mixed 7102.21 312604,49 1158651,9 Israel Mixed 7102.31 8488063,02 2261071023 Israel Namibia 7102.31 6348 857102,37 Israel Russian

Federation 7102.31 2412,92 493239,76

Israel Sierra Leone 7102.31 424,45 1127303,49 Israel South Africa 7102.21 62374 18513,54 Israel South Africa 7102.31 105065,11 100711647,7 Israel total 12207995,46 2652286272 Japan Australia 7102.21 150,1 11257,5 Japan Mixed 7102.21 70354,67 3845723,35 Japan Mixed 7102.31 24596,32 18551076,84 Japan Russian

Federation 7102.31 13,74 2404,5

Japan total 95114,83 22410462,19 Korea, Rep. of Australia 7102.21 100 300 Korea, Rep. of Australia 7102.31 450,06 22840,06 Korea, Rep. of Korea, Rep. of 7102.31 4,98 3630 Korea, Rep. of Mixed 7102.21 35830,63 1109194,51 Korea, Rep. of Mixed 7102.31 703,37 65284,28 Korea, Rep. of total

37089,04 1201248,85

Laos Mixed 7102.21 10468,69 25707,57 Laos Mixed 7102.31 18578,67 1399784,4 Laos total 29047,36 1425491,97

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Lebanon Central African

Republic 7102.31 568,85 220019,25

Lebanon D.R. Congo 7102.31 1704,83 283576,5 Lebanon Mixed 7102.31 13026,57 2860135,55 Lebanon South Africa 7102.31 278,01 174379,21 Lebanon total 15578,26 3538110,51 Malaysia Mixed 7102.31 19331,57 3345209,14 Mauritius Mixed 7102.21 6778,87 36031,51 Mauritius Mixed 7102.31 84259,51 11145935,91 Mauritius South Africa 7102.31 234,51 63662,3 Mauritius total

91272,89 11245629,72

Namibia D.R. Congo 7102.31 1364,42 167329,87 Namibia Mixed 7102.31 6590,6 3232718,86 Namibia total 7955,02 3400048,73 Poland Australia 7102.21 114,01 451,1 Poland Botswana 7102.21 697,2 12837,24 Poland Canada 7102.21 878,48 80881,05 Poland Ghana 7102.21 164,63 23549,5 Poland Mixed 7102.21 4654,3 106454,93 Poland Sierra Leone 7102.21 59,34 712,08 Poland Sierra Leone 7102.31 72,53 21759 Poland South Africa 7102.21 2985,47 123176,55 Poland total 9625,96 369821,45 Romania D.R. Congo 7102.21 703,96 5635,85 Romania Mixed 7102.21 2209,15 27048,92 Romania South Africa 7102.21 9957,55 171571,69 Romania total 12870,66 204256,46 Russian Federation

Australia 7102.21 6026,79 46826,41

Russian Federation

Mixed 7102.21 7861,5 101270,6

Russian Federation

Mixed 7102.31 15079,55 15629293,73

Russian Federation

South Africa 7102.31 1759,2 1061809

Russian Federation total

30727,04 16839199,74

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Sierra Leone Mixed 7102.31 169,45 36315,96 Sierra Leone Sierra Leone 7102.21 1435,12 25996,59 Sierra Leone Sierra Leone 7102.31 3947,43 1210789,85 Sierra Leone total

5552 1273102,4

Slovenia Australia 7102.21 106,19 6073,44 Slovenia Guinea 7102.31 392,48 54464 Slovenia Mixed 7102.21 1097,28 30766,84 Slovenia Russian

Federation 7102.21 34,01 530,84

Slovenia South Africa 7102.21 60,16 9625,6 Slovenia total 1690,12 101460,72 South Africa Australia 7102.21 200 3550 South Africa Australia 7102.31 143,53 1814,73 South Africa Botswana 7102.31 8067,51 763473,26 South Africa Canada 7102.31 2437,45 80178,35 South Africa Central African

Republic 7102.21 3900 6865

South Africa Central African Republic

7102.21 3800 6750

South Africa D.R. Congo 7102.31 266,44 60836,6 South Africa Mixed 7102.21 17493,4 107952,89 South Africa Mixed 7102.31 631123,66 310728377,9 South Africa Namibia 7102.21 900 1575 South Africa Russian

Federation 7102.21 75,25 1316,88

South Africa South Africa 7102.21 121,2 4647,23 South Africa South Africa 7102.31 9848,06 8018345,65 South Africa total

678376,5 319785683,5

Sri Lanka Canada 7102.31 3523,31 378801,65 Sri Lanka Mixed 7102.21 2502,61 9824,94 Sri Lanka Mixed 7102.31 774705,5 128437168,7 Sri Lanka total

780731,42 128825795,3

Switzerland Australia 7102.21 4864,75 1704542,01 Switzerland Bostwana 7102.21 21,95 4280,25 Switzerland Botswana 7102.31 637,8 176934,59 Switzerland D.R. Congo 7102.21 799,36 28734,85 Switzerland D.R. Congo 7102.31 1580,36 787730,68 Switzerland Mixed 7102.21 55864,11 329840,55

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Switzerland Mixed 7102.31 1243764,32 177256556,6 Switzerland South Africa 7102.21 29,78 4169,2 Switzerland South Africa 7102.31 7358,11 1145618,62 Switzerland Switzerland 7102.21 10,16 2133,6 Switzerland total

1314930,7 181440541

Tanzania Tanzania 7102.31 44028,92 4944282,07 Thailand Angola 7102.31 2410,76 635971,16 Thailand Australia 7102.21 152,89 1528,9 Thailand Botswana 7102.21 909,61 3502 Thailand Botswana 7102.31 356496,76 61730117,19 Thailand Canada 7102.31 10894,52 3208529,95 Thailand D.R. Congo 7102.21 600 2400 Thailand Mixed 7102.21 49745,08 139299,11 Thailand Mixed 7102.31 497092,24 85102333,47 Thailand Namibia 7102.31 3668,37 505498 Thailand Russian

Federation 7102.31 171609,56 27056860,19

Thailand South Africa 7102.31 204029,76 29220078,15 Thailand total 1297609,55 207606118,1 Tunisia Mixed 7102.31 2409,07 482806,23 Turkey South Africa 7102.21 771,82 9046,32 Ukraine Canada 7102.31 687,9 326936,3 Ukraine Mixed 7102.21 400 23000 Ukraine Mixed 7102.31 349006,2 32258295,67 Ukraine total 350094,1 32608231,97 United Arab Emirates

Australia 7102.31 1253459,22 25007224,84

United Arab Emirates

Canada 7102.31 944,14 37329

United Arab Emirates

D.R. Congo 7102.31 4096,04 176129,72

United Arab Emirates

Mixed 7102.21 53704,07 12078,02

United Arab Emirates

Mixed 7102.31 5986202,54 183208482,3

United Arab Emirates

Russian Federation

7102.21 10000 25000

United Arab Emirates

Sierra Leone 7102.31 19,95 8000

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United Arab Emirates

South Africa 7102.31 5063,28 3508834,52

United Arab Emirates

United Arab Emirates

7102.31 2417,46 397413,2

United Arab Emirates total

7315906,7 212380491,6

USA Angola 7102.31 1201,44 1491041,72 USA Australia 7102.21 50845,03 862165,88 USA Australia 7102.31 6445,76 5126693,71 USA Botswana 7102.21 2401,19 99573,73 USA Botswana 7102.31 942,7 1209286,5 USA Brazil 7102.21 1875,92 17677,56 USA Brazil 7102.31 3175,94 4463171,02 USA Canada 7102.31 12517,55 15938966,89 USA Central African

Republic 7102.31 2384,18 581861,75

USA Congo, Rep. of 7102.31 45,07 214070 USA Congo, Rep. of 7102.31 234,71 514309 USA Cote d'Ivoire 7102.31 6,18 19974 USA D.R. Congo 7102.21 31525,94 780425,88 USA D.R. Congo 7102.31 14938,84 26589230,65 USA Ghana 7102.21 11062,17 194636,15 USA Ghana 7102.31 7114,13 95610,23 USA Guinea 7102.31 2853,93 7227414,57 USA Guyana 7102.31 15,9 69856 USA Mixed 7102.21 1421825,07 16712702,59 USA Mixed 7102.31 693983,18 159559901,6 USA Namibia 7102.21 149281,03 517391,8 USA Namibia 7102.31 630,1 106893,11 USA Russian

Federation 7102.21 53746,32 652869,37

USA Russian Federation

7102.31 18216,28 7074579,01

USA Sierra Leone 7102.31 699,14 2243595,97 USA South Africa 7102.21 58146,66 946200,95 USA South Africa 7102.31 57850,15 125572638,3 USA USA 7102.31 1311,21 1658450,29 USA total 2605275,72 380541188,2 Venezuela Mixed 7102.31 1,78 445 Vietnam Mixed 7102.21 11107,46 40700,98 Vietnam Mixed 7102.31 92107,16 16419799,21 Vietnam total 103214,62 16460500,19

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75

Overall Exports 2003

destination carat Value in US-$ Destination Carat Value in US-$ Armenia 336338,92 108919740,2 Australia 27843,58 2392394,95 Belarus 2813,18 231383,7 Botswana 11721,63 3840421,67 Brazil 548,07 411900 Canada 79709,76 30029430,89 China 7912896,98 712901549,1 Chinese Taipei 40482,95 916288,26 Czech Republic 3477,38 39134,3 D.R. Congo 7575,7 302688,25 Guinea 187,05 607651 Hungary 4140,03 281227,69 India 130442390,9 4694840081 Israel 12207995,46 2652286272 Japan 95114,83 22410462,19 Korea, Rep. of 37089,04 1201248,85 Laos 29047,36 1425491,97 Lebanon 15578,26 3538110,51 Malaysia 19331,57 3345209,14 Mauritius 91272,89 11245629,72 Namibia 7955,02 3400048,73 Poland 9625,96 369821,45 Romania 12870,66 204256,46 Russian Federation 30727,04 16839199,74 Sierra Leone 5552 1273102,4 Slovenia 1690,12 101460,72 South Africa 678376,5 319785683,5 Sri Lanka 780731,42 128825795,3 Switzerland 1314930,7 181440541 Tanzania 44028,92 4944282,07 Thailand 1297609,55 207606118,1 Tunisia 2409,07 482806,23 Turkey 771,82 9046,32 Ukraine 350094,1 32608231,97 United Arab Emirates 7315906,7 212380491,6 USA 2605275,72 380541188,2 Venezuela 1,78 445 Vietnam 103214,62 16460500,19 165927327,2 9758439334 Overall Imports

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2003

Provenance origin HS code Carat Value in US-$ Provenance Origin HS code Carat Value in US-$ Angola Angola 7102.31 896235,03 184210166,8 Armenia Armenia 7102.31 13888,67 1680646,82 Armenia Canada 7102,31 346,71 120792,56 Armenia Mixed 7102.31 90827,21 2358865,79 Armenia total 105062,59 4160305,17 Australia Australia 7102.10 3141,43 84124 Australia Australia 7102.21 1973113,91 1475365,18 Australia Australia 7102.31 28917304,4 369004319,1 Australia Canada 7102.10 64037,79 5440010,26 Australia Canada 7102.31 735,92 127586,64 Australia Mixed 7102.31 4006,02 617025 Australia total 30962339,47 376748430,1 Botswana Botswana 7102.21 3527218,9 88190317,85 Botswana Botswana 7102.31 23120728,73 1912852461 Botswana Mixed 7102.21 305203,46 135543,32 Botswana Mixed 7102.31 1181018,33 109710986,1 Botswana total 28134169,42 2110889308 Brazil Brazil 7102.10 45818,29 5135884,44 Brazil Brazil 7102.21 18398,6 237114,99 Brazil Brazil 7102.31 77800,01 6868987,01 Brazil Mixed 7102.31 15711 3750000 Brazil total 157727,9 15991986,44 Canada Canada 7102.10 5360463,54 641812346,8 Canada Canada 7102.21 2619321,22 269523609,7 Canada Canada 7102.31 1291473,43 116624129,4 Canada D.R. Congo 7102.31 3269,36 141193,28 Canada Mixed 7102.21 86,31 6045,05 Canada Mixed 7102.31 966,83 232716,71 Canada South Africa 7102.21 36,06 5156,58 Canada total 9275616,75 1028345197 Central African Republic

Central African Republic

7102.10 129021,96 20980064,66

Central African Republic

Central African Republic

7102.21 40253,6 2139356

Central African Republic

Central African Republic

7102.31 129173,34 20727925,27

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Central African Republic

Mixed 7102.10 106,55 64772,5

Central African Republic

Mixed 7102.21 1375,04 50991,68

Central African Republic

Mixed 7102.31 2441,09 345689,8

Central African Republic total

302371,58 44308799,91

China Angola 7102.31 269,13 25032,82 China Canada 7102.31 5975,2 418264 China China 7102.31 24,37 1187,82 China D.R. Congo 7102.21 341,82 22593,3 China D.R. Congo 7102.31 123,26 55873 China EC 7102.31 4503,9 9026,42 China India 7102.31 61956,66 734824,35 China Israel 7102.31 62204,25 2243558,57 China Mixed 7102.10 136406,396 957107,9 China Mixed 7102.21 772176,68 4545264,83 China Mixed 7102.31 3203714,247 100740867 China Russia 7102.21 2187791 9133775,68 China Russia 7102.31 587063,51 9441885,14 China South Africa 7102.10 15123,77 733141,19 China South Africa 7102.21 42538,36 227038,45 China South Africa 7102.31 309396,38 32261002,37 China total 7389608,933 161550442,8 Chinese Taipei Mixed 7102.21 578,33 36824,54 Chinese Taipei South Africa 7102.21 68,75 6394,9 Chinese Taipei total

647,08 43219,44

Congo, Rep. of Congo, Rep. of 7102.21 897818,48 1111524 Congo, Rep. of Congo, Rep. of 7102.31 689447 16038828,15 Congo, Rep. of total

1587265,48 17150352,15

D.R. Congo D.R. Congo 7102.21 9440018,28 86281694,44 D.R. Congo D.R. Congo 7102.31 12982723,4 395634886,6 D.R. Congo total 22422741,68 481916581 Ghana Ghana 7102.10 361890,88 8159999,12 Ghana Ghana 7102.31 314024,59 8123092,83 Ghana total 675915,47 16283091,95 Guinea Guinea 7102.21 334,05 2672,4

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Guinea Guinea 7102.31 500173,94 37211295,94 Guinea Mixed 7102.31 29375,91 1134587,28 Guinea total 529883,9 38348555,62 Guyana Guyana 7102.10 151324,86 11278611,43 Guyana Guyana 7102.31 66699,86 5108631,11 Guyana Mixed 7102.10 693,22 34661 Guyana total 218717,94 16421903,54 Hungary South Africa 7102.21 506,18 46925,7 India Ghana 7102.21 18900 3780 India Ghana 7102.31 8431,16 25541,75 India India 7102.21 197851,87 183779,4 India India 7102.31 1599255,95 20735563,96 India Mixed 7102.10 396071,78 112625,63 India Mixed 7102.21 433907,01 192358,29 India Mixed 7102.31 8208218,55 107790267,8 India total 10862636,32 129043916,8 Israel Angola 7102.31 72436,21 15563462 Israel Canada 7102.31 557,07 89588,02 Israel Israel 7102.31 2203900,42 188029219,6 Israel Mixed 7102.21 933164,04 6359207,46 Israel Mixed 7102.31 11575894,27 1058123845 Israel South Africa 7102.31 2426,11 4312179,5 Israel total 14788378,12 1272477502 Japan Australia 7102.21 47,01 0 Japan Ghana 7102.21 2881,6 0 Japan Japan 7102.31 1145,4 627901,85 Japan Mixed 7102.21 20224,27 491293,01 Japan Mixed 7102.31 9312,41 799551,41 Japan total 33610,69 1918746,27 Korea, Rep. of EC 7102.21 200 4300 Korea, Rep. of Mixed 7102.10 45,6 136,8 Korea, Rep. of Mixed 7102.21 3086,33 171400,94 Korea, Rep. of South Africa 7102.21 791,32 22783,23 Korea, Rep. of total

4123,25 198620,97

Laos Mixed 7102.31 195,34 17598,49 Lesotho Lesotho 7102.10 309,68 2666791

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Mauritius Mauritius 7102.31 1422,77 137497,76 Mauritius Mixed 7102.21 806,59 403,29 Mauritius Mixed 7102.31 6805,45 598230,71 Mauritius total 9034,81 736131,76 Namibia Mixed 7102.31 119887,9 31935224,95 Namibia Namibia 7102.31 1080036,78 336857156,6 Namibia total 1199924,68 368792381,5 Russia Mixed 7102.21 9629473,94 2001975,14 Russia Mixed 7102.31 3802251,51 233873247,3 Russia Russia 7102.21 7386679,84 3051250,72 Russia Russia 7102.31 8668772,79 491991506,3 Russia total 29487178,08 730917979,5 Sierra Leone Mixed 7102.21 292,51 29320,75 Sierra Leone Mixed 7102.31 640,91 255663,46 Sierra Leone Sierra Leone 7102.10 2877,85 609054,19 Sierra Leone Sierra Leone 7102.21 136199,24 3242279,86 Sierra Leone Sierra Leone 7102.31 331324,24 65023039,55 Sierra Leone total

471334,75 69159357,81

South Africa Australia 7102.31 676,11 338919 South Africa Canada 7102.21 1035,09 7885,88 South Africa Canada 7102.31 98,23 4911,25 South Africa EC 7102.21 30630,11 8475,1 South Africa EC 7102.31 1018673,63 66092068,69 South Africa Mixed 7102.21 240,66 6279,28 South Africa Mixed 7102.31 349,07 443971 South Africa South Africa 7102.21 420184,88 5885698,33 South Africa South Africa 7102.31 9591952,18 965211689,4 South Africa total

11063839,96 1037999898

Sri Lanka Canada 7102.31 330,79 31256,15 Sri Lanka Mixed 7102.21 4941 367569,58 Sri Lanka Mixed 7102.31 487976,79 60923922,83 Sri Lanka total 493248,58 61322748,56 Switzerland Australia 7102.21 291,1 19680,29 Switzerland Central African

Republic 7102.31 20,13 31275

Switzerland Congo, Rep. of 7102.21 22261,65 754915 Switzerland Congo, Rep. of 7102.31 13020,36 3774573 Switzerland D.R. Congo 7102.21 10,6 636

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Switzerland D.R. Congo 7102.31 1602,39 788935,93 Switzerland Guyana 7102.10 8300,04 1140810 Switzerland Guyana 7102.31 47485,64 6727946,99 Switzerland Mixed 7102.21 152078,29 2170477 Switzerland Mixed 7102.31 2775001,93 237574391 Switzerland Namibia 7102.31 2398,74 1036297 Switzerland Russia 7102.31 285288,95 7700000 Switzerland South Africa 7102.31 30731,42 9548895,77 Switzerland Switzerland 7102.21 129,92 2338,56 Switzerland Switzerland 7102.31 74622,99 1951353,65 Switzerland Tanzania 7102.31 112725,16 11829721,15 Switzerland total

3525969,31 285052246,3

Tanzania Mixed 7102.10 & 21 22244,95 3114293 Tanzania Tanzania 7102.10 103775,84 12235905,76 Tanzania Tanzania 7102.21 68199,2 9390024,87 Tanzania Tanzania 7102.31 1317,55 113575,5 Tanzania total 195537,54 24853799,13 Thailand Botswana 7102.10 117,49 34,85 Thailand Botswana 7102.31 105750,79 10550317,7 Thailand Mixed 7102.31 167129,503 19708823,93 Thailand Russia 7102.31 42289,88 4993635,96 Thailand South Africa 7102.31 61209,94 7951508,31 Thailand Thailand 7102.31 7129,14 1187426,6 Thailand total 383626,743 44391747,35 Togo Mixed 7102.31 54899,862 3642019,73 Togo Togo 7102.10 65085,85 3280500 Togo Togo 7102.31 22058,34 1313500 Togo total 142044,052 8236019,73 Ukraine Mixed 7102.31 3574,48 69819,6 Ukraine Ukraine 7102.31 303,5 3035 Ukraine total 3877,98 72854,6 United Arab Emirates

Mixed 7102.21 40345,73 3209645,65

United Arab Emirates

Mixed 7102.31 6260204,43 567601868,2

United Arab Emirates total

6300550,16 570811513,8

USA Australia 7102.21 2286,76 27371,46 USA Botswana 7102.21 6757,2 222050,22

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USA Botswana 7102.31 10106,85 566634,22 USA Canada 7102.31 146,04 182858 USA D.R. Congo 7102.21 343,95 34848,61 USA D.R. Congo 7102.31 22,89 111000 USA Ghana 7102.21 341,89 16023,75 USA Guyana 7102.31 18230,63 2177650 USA Mixed 7102.10 504614,75 52991161,79 USA Mixed 7102.21 706310,74 7877682,09 USA Mixed 7102.31 1100259,526 69013445,47 USA Namibia 7102.21 21397 2200 USA Russia 7102.21 3628,38 29249,25 USA Sierra Leone 7102.31 12,24 250000 USA South Africa 7102.10 697,97 423081,29 USA South Africa 7102.21 6,57 1107,63 USA South Africa 7102.31 3448 4406532,06 USA USA 7102.31 3158,9 153231,46 USA total 2381770,286 138486127,3 Venezuela Venezuela 7102.21 2496,45 64990,47 Venezuela Venezuela 7102.31 3016,98 234839,93 Venezuela total 5513,43 299830,4 Vietnam Mixed 7102.10 2496,46 9944,81 Vietnam Mixed 7102.31 2714,644 263848,69 Vietnam total 5211,104 273793,5 Zimbabwe Zimbabwe 7102.10 17570,96 1450000 Zimbabwe Zimbabwe 7102.31 9300,1 767000 Zimbabwe total 26871,06 2217000 Overall Imports 2003

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ANNEXE III PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS DE DIAMANT S ( production minière 2003 en millions de carats – gemmes et diamants industriels) BOTSWANA 30.4 RUSSIE 19.0 CANADA 11.2 SOUTH AFRICA 12.8 ANGOLA 5.5 CONGO (Dem Rep) 25.0 NAMIBIA 1.5 AUSTRALIA 31.0 SOUTH AMERICA 0.8 OTHER 2.5 (Source: Department of Minerals and Energy South Africa, in The Economist, 15/06/2004)

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Centre Européen de Recherche Internationale et Stratégique

Ceris was established in 1985 on the initiative of a group of university professors, diplomats and senior civil servants. The objective was to promote post graduate education and research in the field of international relations.

In 1988 Ceris introduced a Master of Arts in International Politics. Over the years, Ceris has created intensive courses, entitled Post Graduate Certificates and devoted to EU external relations, conflict prevention & conflict management, security in the Mediterranean and the Middle East. Finally, Ceris will shortly be introducing a new Master of Arts in Development Policy Implementation and Governance.

The courses offered are all part-time and organised on Friday evenings and Saturday mornings. They are given in English, though certain courses on the MA in International Politics are delivered in French. Currently, it is also possible to follow the MA in International Politics as part of a ‘distance learning’ programme, with this format being set to develop in the years to come.

The education that Ceris provides is distinctive in two respects. First of all, it offers a

very high level of university education organized in partnership with leading european universities, in particular the Collège d’Etudes Interdisciplinaires de l’Université Paris Sud that sponsors the Master of arts in International politics. The quality of the education owes much to the team of invited lecturers. Over the years, Ceris has developed a network of EU or Nato key experts and professors drawn from universities renowned for their excellence. For this reason, it boasts a first rate academic team that few universities would be in a position to offer. Each year the MA in International Politics course is run by thirty or so experts, notably from the London School of Economics and Political Science, the Universities of Oxford, Cambridge, Warwick, Kings College in London, l’Institut d’Etudes Politiques in Paris, l’Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales, Geneva and American universities, such as Johns Hopkins.

The second special feature lies in Ceris' international audience. Those following the

courses come from around forty different countries. Two thirds are from European Union Member States or countries applying for membership, with the third coming from North and South America, Sub-Sahara Africa, South and East Asia. More than 85% of them have a professional occupation. The largest group is made up of civil servants from European institutions (the European Commission, Parliament, Council, the European Social and Economic Committee, Committee of the Regions). Then there are diplomats posted in Brussels and working either in bilateral embassies or in missions or permanent representations. Senior managers from the private sector working in lobbying or for interest groups, most frequently in conjunction with the European Commission or Parliament, make up the third significant group. Finally, there are members of staff from NGO’s and foreign journalists accredited by the European Union or Nato. Sixty percent of attendees are aged between 25 and 34, though students aged 35 and over account for twenty-five to thirty percent. We should add that Ceris each year reserves several places for graduates fresh from university, who are destined for international careers.

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Ceris Research Papers All Ceris Papers can be accessed via the website : www.ceris.be

n°1 Hydropolitics of the Tigris-Euphrates River Bassin with implications for the European Union Murray Biedler, 2004 n°2 Le Processus de Kimberley et les diamants de la guerre Philippe Renaudière, 2004 n°3 Natural Gas on the Balkan Eberhard Röhm-Malcotti, 2005 n°4 The United States of American’s Global War on Terror in Iraq : International Humanitarian Law Appro aches Vanhullebusch Matthias, 2006 n°5 Fueling the Future: alternative energies, economic concequences and geopolitical changes Ana Ochôa, 2006 n°6 New Foreign Policy of Lithuania After Membership in E U and Nato Jurgis Gurstis, 2006 n°7 Existential Anxiety or Age of Sacred Terror? Peter J. Scammell, 2006 n°8 The European Union as a CFSP Actor in Georgia : can the EU still do more? Tea Akhvlediani, 2007