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Les livres,Les revues, etc.

Jimmy Casas Klausen & James Marteléd., How not Be Governed. Readings andInterpretations from a Critical AnarchistLeft. Lexington books, 2011, 196 p.

Les temps changent, les États et le capita-lisme aussi. La réflexion sur l’anarchismeévolue, parfois.

Son entrée dans les milieux universi-taires des pays anglophones s’est faitesans complexe. L’étudiant peut y trouverdes manuels et des anthologies surl’anarchisme.

Après un premier courant qui, sortantde l’étude des « grands fondateurs » aposé la question d’un postanarchisme,accueillie en France assez froidementquand elle n’était pas ignorée, voici uneseconde vague, portée par des universi-taires qui ont lu ces travaux et que cet ou-vrage présente comme une « gaucheanarchiste critique ». Philosophes, polito-logues ou enseignants dans des départe-ments de droit, plusieurs d’entre eux sontaussi engagés dans le mouvement social.

Leurs articles scrutent un certainnombre de concepts : l’éthique, la souve-raineté, la volonté collective, la représen-tation, l’insurrection, etc. Et ils le fonttantôt à partir de leur lecture de philo-sophes, tantôt par rapport au mouvementanarchiste. Ils et elles se livrent aussi àun examen impitoyable de certaines

affirmations, postures et réflexions anar-chistes à partir de quelques acquis de laréflexion de penseurs comme HannahArendt ou Jacques Rancière.

L’introduction, rédigée en communpar les deux éditeurs, pose un fait indé-niable : le monde dans lequel nous vi-vons n’est plus celui de Bakounine ou deProudhon, ni même celui d’Emma Gold-man. L’espace de la mondialisation s’estmodifié, l’économie est devenue hégé-monique, les guerres ne sont plus dumême ordre, la communication des idéeset le poids des États ne sont plus lesmêmes ; bref, l’humanité vit dans unegéopolitique inédite et le temps n’est plusce qu’il était. D’où leur conclusion quifera bondir plus d’une de mes connais-sances : des temporalités différentes, desformes de la domination moins perçuesjadis, requièrent un anarchisme distinctde celui du passé, mais en dialogue aveccelui-ci pour en tirer les leçons quele recul du temps autorise à formuler.Les contributions présentées ici sontconstruites sur ces prémisses.

Le premier chapitre, de JacquelineStevens, aborde le lien entre une théoriepolitique et ses méthodes d’analyse. Cesujet s’apparente quelque peu au débatsur l’adéquation entre la fin et les moyens.

On sait que la nature et les relationsdes objets sont étudiés par les sciences

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selon des règles hiérarchiques rigides.Une expérience scientifique, par exemple,doit pouvoir être reproduite. Or des fon-dateurs du mouvement anarchiste,comme Pierre Kropotkine, ont voulu ledoter d’une réflexion structurée par lesméthodes des sciences naturelles.

En revanche, certains philosophes ontpris du recul par rapport aux démarchesscientifiques afin de les ouvrir au chan-gement ; ils établirent des épistémologies« anarchistes ». Ce fut le cas de Karl Pop-per, de Paul Feyerabend ou encore de Ro-bert Paul Wolff. Pourtant, sur le planpolitique, ils acceptaient l’existence del’État et certains des disciples sont allésjusqu’à justifier l’utilisation de la torture.Dans un exemple comme dans l’autre, iln’existe pas d’adéquation entre la mé-thode et les fins recherchées.

En conclusion, Jacqueline Stevenssuggère que la pensée de Popper, si ellen’est pas interprétée comme une direc-tive inconditionnelle, peut ouvrir malgrétout des perspectives quand il s’agit demieux comprendre des interprétationsimpopulaires ou non conventionnelles.

George Ciccariello-Maher, dans undeuxième chapitre, critique ce qu’il ap-pelle un impérialisme anarchiste. Il cri-tique l’ouvrage de Michael Schmidt etLucien van der Walt, de Black Flame, etaccuse les auteurs de tomber dans l’idéa-lisme. Assurément, ceux-ci critiquenttoutes les oppressions. Mais une foisqu’ils ont inclus le racisme dans leurcondamnation, ils passent à autre chosesans regarder comment fonctionne cesystème raciste, notamment son lien avecl’esprit colonialiste. Après tout, pour pa-

raphraser Ciccariello-Maher, l’Afriquedu Sud ne s’est pas construite sur la mal-traitance des animaux mais sur le racismedes Blancs. Et c’est à partir de là qu’il fautposer le problème. Autrement dit, on s’entient à un grand principe moral, univer-saliste, mais on ne cherche pas à le mettreen pratique à travers une stratégie.

De plus, cette rationalité universa-liste, héritée des lumières, met sur lemême plan tous les nationalismes,comme si toutes les nations étaient simi-laires.

L’article engage aussi une discussionsur l’approche de la lutte des classes,mettant en cause Georges Sorel et JacquesRancière et revenant sur Frantz Fanon.Enfin, débordant la réflexion théorique,l’auteur questionne sur ces bases les po-sitions des anarchistes du Venezuela.

Au chapitre 3, Katherine Gordyaborde les tensions anarchistes dans lapensée révolutionnaire cubaine. Elle partdu fait que les institutions néolibéraless’approprient le langage et les sphères dela société civile. À partir de là, elle poseensuite une question épineuse : une so-ciété fondée sur les principes anarchistes,et donc sur une idéologie commune, neréintroduit-elle pas un nouveau systèmehégémonique ?

L’auteure invite le lecteur à rejeterl’anarchisme avec un grand A, celui quipeut tomber dans le sectarisme, le féti-chisme de l’expérience locale, et ellepropose de susciter des espaces d’auto-nomie, de les multiplier, notamment ausein du mouvement antimondialiste.L’unité qui se crée est ainsi celle d’un pro-cessus, plutôt qu’une institution figée.

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Elle présente l’exemple de Cuba, oùtoute activité politique non approuvéepar l’État est très difficile et coûteuse. Uncertain nombre d’acteurs ont ainsi in-venté des activités qui ne sont pas consi-dérées comme politiques, par exempledans le champ de la consommation ; cesmouvements divers revêtent alors une si-gnification politique. Il s’agit de ne pasrépéter le langage officiel mais de de-meurer loyal aux principes de la révolu-tion, tout en créant, dans un espace quiexiste déjà, une politique de type diffé-rent.

Le chapitre 4 intéressera surtout lesphilosophes. Todd May y relit Kant à tra-vers le filtre du philosophe Rancière. Ilest clair que le penseur allemand n’étaitpas un égalitaire radical et que sa poli-tique se centre surtout sur la liberté, en-tendue comme affranchissement de lacoercition. Mais Kant, et aussi Rancière,assument que chacun doit traiter autruicomme étant aussi intelligent que soi-même ; cela implique qu’il devientdifficile de créer des frontières entre gou-vernants et gouvernés. Si tout le mondeest également intelligent, un gouverne-ment mutuel devient la manière la plusnaturelle de construire une communauté.Ceci ne constitue assurément pas unesolution toute faite pour un ordre socialjuste, mais n’est-ce pas en définitive undéfi lancé à tout ordre politique ?

Nietzsche et Saul Newman sont revi-sités au chapitre 5 par Vanessa Lemm.Alors que le premier ne voit dans l’anar-chisme qu’une expression de l’instinct detroupeau, le second voit chez Nietzscheun postanarchisme qui refuse de sacrifier

la différence au nom de l’universalité etl’universalité au nom de la différence.

C’est à partir de là que VanessaLemm réexamine la conception nietz-schéenne de la culture aristocratique.Celle-ci n’a rien à voir avec le politique :Nietzsche oppose justement l’ordre de laculture, dont le caractère est spirituel, àl’ordre de l’État et du politique, fondéssur la violence. Et il voit relativementplus de noblesse au sein des paysans queparmi les gens éduqués, notamment cesclasses moyennes, si vulgaires à ses yeux.Ainsi, pour Lemm, cet ordre de classe-ment du philosophe allemand s’appuiesur une culture de la responsabilité del’individu singulier qui contrebalancel’égalitarisme radical de la traditionmarxiste-léniniste, laquelle ne voit que dela « multitude ».

Le postanarchisme « avant la lettre »de Max Stirner est examiné par BabuBargu (Chap. 6). L’auteure passe enrevue ses diverses critiques :

- celle de l’essentialisme, car le « Moi »unique, singulier est fluide ;

- celle des croyances « évidentes » parelles-mêmes, comme l’humanisme, reli-gion pour laquelle on se sacrifie.

Une « ontologie vagabonde » ne re-jette pas le discours mais elle désacralisecette relation violente enre le signifiant etl’objet signifié, cette soumission à des en-tités que l’on a soi-même créées. Stirnerrejette l’État qui, pour exister et se repro-duire, demande à l’individu de se sacri-fier. Et il critique Marx qui fétichise « letravailleur » et imagine que l’humanitépeut s’accomplir dans le travail.

Bargu suggère enfin qu’une politique

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anarchiste inspirée de Stirner ne seraitpas révolutionnaire mais insurrection-nelle, rejetant le statu quo et menant àl’exode, la sécession, la défection, etc.

Au chap. 7, Jimmy Casas Klausensouligne l’intérêt de Foucault, dans sesderniers écrits, pour la prémodernité, lesiècle de la Réforme et de la Contre-Ré-forme.

Si l’État a survécu aux révolutions,aux empires, aux transformations capita-listes, c’est parce qu’il assure sa souverai-neté à travers de multiples supports. Etsa disparition ne supprimerait ni les do-minations ni la guerre, car la politiquecontinue la guerre sous une autre forme.Gouverner, c’est structurer l’ensemble duchamp des possibilités des autres.

Foucault n’abolirait pas l’État mais,comme au XVIe siècle où l’on établit d’au-tres formes de conduite, il suggère devivre autrement sa subjectivité de ma-nière à ce qu’elle ne se situe plus dans lasoumission.

L’anarchisme ambivalent de HannahArendt qu’aborde James Martel au chap.8 met en question le concept de souve-rainteté. Celle-ci est supposée reproduirela volonté de tous. L’État s’appuie sur ceprincipe, mais aussi les conseils ouvrierset bien d’autres formes d’association.Idéalement, Arendt rejette toute repré-sentation ; concrètement, il s’agit d’assu-rer la plus large participation populaire àl’ordre politique. À partir de ce paradoxe,et tout en rejetant la souveraineté au pro-fit de l’isonomie, Hannah Arendt tented’adapter cette forme d’anarchie aumonde contemporain. Ceci l’entraîne àconsidérer la souveraineté comme une

compromission, parce que les subjectivi-tés du monde moderne appréhendentl’avenir, sans abandonner la possible re-mise en cause de cette souveraineté.

Keally McBride aborde au chapitre 9une question bien concrète à laquelleEmma Goldman s’est confrontée : com-ment quitter les eaux stagnantes de nosexistences pour entrer dans une vie nou-velle ? Cette grande figure de l’anar-chisme du XXe siècle remarque qu’endépit de tout ce qui a été entrepris parl’État et par l’Église pour détruire le plai-sir sexuel féminin, l’existence de celui-cien dépit des forces herculéennes qui veu-lent le brider témoigne de la possibilitéde vivre hors de l’ordre existant. L’amouret la sexualité féminine sont les clés de laconstruction d’une vie biologique et poli-tique différente. Pour Emma Goldman,rien n’est plus réel que l’expérience cor-porelle, et celle de l’amour peut nousdonner confiance dans le fait qu’il estplus gratifiant de résister aux conven-tions et de changer le monde.

À quoi ressemble la démocratie, est lethème soulevé par Elena Loizidou audernier chapitre de l’ouvrage. Elle estimequ’une des tâches du mouvement post-anarchiste consiste à relire les biogra-phies de l’anarchisme « classique ».

Elle-même part de deux faits : le ju-gement d’Emma Goldman et d’Alexan-dre Berkman, deux militants anarchistesqui, aux États-Unis, soulevèrent les man-chettes des journaux. (Je me souviens, eneffet, d’un article du San Francisco Chro-nicle, en pleine guerre de 1914-1918, ti-trant à la une … sur Alexandre Berkman).Un procès qui conduisit à l’expulsion des

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deux personnages fit sensation dans lepays. Elena, analysant la prise de paroled’Emma Goldman, montre qu’elle dés-arme l’ordre juridique, parce qu’elle sedit ne pas être une criminelle mais uneactrice de la politique. L’auteur enconclut qu’on devient sujet politique nonpas parce qu’on fait de la politique, maisparce qu’on entre en désaccord avec cequ’on considère comme n’étant pas del’ordre du politique. L’interpellation cau-sée par la présence d’Emma Goldmancrée ainsi un sujet politique.

La seconde histoire est celle de l’as-sassinat en 1889 de l’impératrice Elisa-beth par un anarchiste. Cet événementsuscita une conférence internationaleanti-anarchiste, à Rome, à laquelle suc-céda Interpol et aux États-Unis le Bureauof Investigation qui devint le FBI. Ainsise produit une confluence entre une poli-tique émergente des anarchistes et ce quiapparaît aujourd’hui comme le maintiende l’ordre international.

Après un examen de la démocratietelle qu’elle est présentée par JacquesRancière, c’est-à-dire non pas une formede gouvernement mais une action des su-jets qui reconfigurent sans cesse l’inter-valle entre leurs identités et laredistribution entre le public et le privé,le particulier et l’universel, l’auteure in-vite à prendre les mauvaises habitudesd’Emma Goldman, à faire de sa vie uneœuvre d’art. En tant que sujet elle n’est nisingulière ni plurielle, mais une sorte decroisement entre les deux ; elle parle etagit pour montrer comment elle ne veutpas être gouvernée et comment elle veutvivre.

L’ensemble des questions soulevéesrelève de deux champs bien distincts,quoique plus reliés qu’on ne le pense par-fois : celui de la guerre des interprétationset celui des champs d’action de l’anar-chisme.

L’idéologie dominante aujourd’huifait feu de tout bois à travers la commu-nication. C’est une guerre sans scrupulebien plus qu’une idéologie vraimentstructurée. Cela ne date pas d’au-jourd’hui : au XVIIIe siècle, le physiocrateFrançois Quesnay voyait dans le taoismeune justification de la doctrine du « lais-ser faire » ; de nos jours, on parle d’anar-cho-capitalisme, ce qui est à la fois unoxymore et une loufoquerie.

Si la bataille des mots et des exégèsesest loin d’être gagnée, elle n’est pas sté-rile, ne serait-ce que pour échapper àcette pensée dominante, qu’elle soit néo-libérale ou eurocentrique. La lutte contrel’hégémonie de l’État et la création d’es-paces autonomes sont des réponses astu-cieuses ; comme le suggère l’article surFoucault, elle peut aider à se dépouillerde cette subjectivité qui entraîne à se pen-ser et se conduire en subalterne.

Car, si importante que soit l’action di-recte, elle finit trop souvent avec des mar-tyrs. Peut-on suivre sur ce point lasuggestion d’Elena Loizidou et déclarerque, puisque la vie actuelle n’est qu’uneprison, autant y aller tout de suite ?

Il est clair que seule l’abolition de lastructure étatique peut résoudre un cer-tain nombre d’oppressions, ne serait-ceque par rapport aux sans-papiers. Celivre invite à penser l’émigration non seu-lement dans la perspective que le monde

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André Bernard, Écritures et parlures dedésobéissance, Lyon, Atelier de création

libertaire, 2014, 224 p.

Écritures et parlures de désobéissance est unpatchwork, au sens d’un ensemble demorceaux de tissu provenant d’autrestrames (chroniques radiophoniques, arti-cles publiés dans différentes revues), quicousus ensemble finissent par former unpaysage complet. Ici, c’est l’histoire deluttes différentes construites par des gensextraordinaires, de leurs mots ou de leursactes, de tous temps et en tous lieux. Il ya des piliers, comme Thoreau, Gandhidont on ne saisit bien souvent pas toutesles dimensions ; il y a des mouvementsqui nous transportent, comme les wob-blies aux États-Unis, les paysans du Lar-zac ou de la ZAD, des prisonniers même,qui se constituent en assemblée, et il y aune foule de méconnus dont André Ber-nard se fait le porte-parole pour étoffer letissu de sa réflexion. Ce n’est pas un ma-nifeste, ni un discours, mais plutôt uneexposition méticuleuse de nombreusesquestions liées à la désobéissance. Par-tout on retrouve l’idée de non-violence,qui n’est pas simplement l’absence de vio-lence mais une lutte active aux moyensbien définis, à l’opposé de la lâcheté oude la fuite. André Bernard semble animé

du souci particulier de rendre honneur àchacun de ceux qu’il cite, sans discrimi-nation. Il offre ainsi une très diverse vi-sion d’ensemble au « voyageur quiamarrerait son bateau à l’anarchisme »,bien belle image soit dit en passant.

Cependant, il pense qu’il est illusoire,et n’a d’excuse que la jeunesse, d’espérerune révolution soudaine. Mais le change-ment par grignotement d’acquis risquede noyer son objectif dans la négociationavec un pouvoir hypocrite, et épuise lesmilitants dans un long combat qui sem-ble sans fin. Il faut un déclencheur, pourrenverser le pouvoir en place d’un coupavant qu’il ne nous récupère ; cependant,rien n’est possible sans une préalableévolution des mentalités (« évolution etrévolution » sont d’ailleurs complémen-taires dans l’idée d’Elisée Reclus), et l’ac-tion non-violente est le moyen le plusfidèle à son objectif pour y arriver. Unerévolution ne peut se faire calmement,sans un enthousiasme dévorant querien n’épuise, et ce dernier n’est pas leprivilège de la jeunesse… à moins deconsidérer que l’on peut rester jeuneintérieurement malgré le passage desannées. Un livre à lire, en somme, et àprendre comme référence partout.

Hellena Cavendi

est notre patrie, mais aussi parce quecette population en mouvement repré-sente un caractère de dissidence par rap-port au pays abandonné aussi bien qu’àl’égard de celui dit de l’accueil, comme lesuggère Banu Bargu.

Bref, un ouvrage de lecture assez dif-ficile, mais qui ne manquera pas de sus-citer les débats qu’il mérite.

Ronald Creagh

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L’enfer continue. De la guerre de 1940 àla guerre froide. La Gauche communiste

de France parmi les révolutionnaires(1942-1953). Avec des textes et desécrits politiques de Jean Malaquais,Ni patrie ni frontières, 2013, 331 p.

Pour les jeunes générations, c’est-à-direcelles qui sont arrivées en politique aprèsmai 68, ce livre relève de l’archéologie.Non pas parce qu’il évoque les années del’après guerre mondiale mais parce qu’ilraconte les affres d’un courant politiquequi a quasiment disparu de notre his-toire. Il s’agit des derniers soubresauts dece que l’on a appelé les « gauches com-munistes ». Nées au début de la Révolu-tion russe en opposition au léninismetriomphant, elles restèrent marxistes.Elles furent en butte aux persécutions sta-liniennes. Dispersées, elles traversèrent ladeuxième guerre mondiale et tentèrentde se réorganiser quand la paix fut reve-nue. C’est donc le récit de cette tentativede réorganisation en France de ceux quise considéraient comme les héritiers de laRévolution d’Octobre. C’est aussi le récitd’une tragédie. Le monde ayant profon-dément changé, le capitalisme ayant ef-fectué une mue fondamentale,l’apparition confirmée d’un socialisme/capitalisme d’État, tout cela obligeait àune réorganisation de la pensée théo-rique révolutionnaire. En même tempsl’épuisement des individus se faisait jour.Je reproduis ici le texte mis en exergue dulivre. Il s’agit de la lettre que Marc Chirik(1907 Russie - 1990 Paris), un des leadersde cette tendance, adressa à Jean Mala-quais (1908 Varsovie - 1998 Genève) :

« J’ai été jeté dans la vie en plein brasierrévolutionnaire. C’était les années glo-rieuses de la Révolution d’Octobre !Depuis, cela va faire trente ans que j’ai par-couru physiquement et moralement tousles degrés du calvaire du prolétariat. J’aisuivi personnellement ce mouvementrétrécissant qui va de la III° Internationaleà l’Opposition de Gauche, de l’Oppositionà la Gauche italienne pour aboutir auxpetits groupes qui sont les nôtresaujourd’hui. Dans l’histoire et mêmedans l’histoire d’une classe, trente annéesc’est peu de choses, mais pour un pauvrediable c’est presque toute une vie ».

On trouvera dans ce livre, en plusd’une présentation assez partisane (aprèsguerre certains militants « sombrèrentdans l’anarchisme »), des textes, des let-tres de ce courant soit aux autres groupespolitiques internationaux, comme celuides communistes de conseil hollandais,soit entre les membres de ce courant eux-mêmes. À travers ces annexes, qui for-ment les trois quarts du livre, ressortentnon seulement les espérances mises dansle prolétariat et son parti formé par cesmilitants, mais surtout la détresse de ceshommes, qui ont traversé la guerre, quientrevoient le bouleversement entraînépar les mutations du capital et qui re-doutent une nouvelle guerre qu’ils sem-blent juger inévitable. C’étaient lesannées les plus dures de la guerre froide.Au total cet ouvrage mérite bien sontitre : L’enfer continue.

Pierre Sommermeyer

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Joël Delhom, David Doillon, Hélène Finet,

Guillaume de Gracia, Pierre-Henri Zaid-

man ¡ Viva la Social ! Anarchistes & anarcho-

syndicalistes en Amérique latine (1860-1930).

Préface de Ricardo Melgar Bao, nada édi-

tions, Éditions Noir et Rouge et les Éditions

libertaires, 2013, 250 p.

Il est rare qu’un ouvrage écrit par unebrochette d’auteurs présente une si belleunité. C’est le cas de ce livre qui abordeanarchistes et anarcho-syndicalistes enArgentine, Équateur, Mexique, Paraguayet Pérou. Les diverses contributions abor-dent successivement la naissance de laclasse ouvrière dans ces pays, la nais-sance d’une prise de conscience collec-tive, et son écartèlement entre l’appelanarchiste à une révolution et les invita-tions à négocier avec un État, lié commeil se doit aux classes possédantes.

Le tout premier chapitre s’écartequelque peu, cependant, des schémasprécédents, qui apparaissent surtoutcomme des histoires d’hommes. En effet,Hélène Finet met en lumière des femmesanarchistes en Argentine (1890-1930). Elledécrit leur « contre féminisme » qui vaau-delà du réformisme des militantes« bourgeoises », et des femmes quis’émancipent par l’écriture dans desformes aussi diverses que le journalismeou le théâtre.

La comparaison entre les diverses his-toires permet de tirer une premièreconclusion assez évidente, mais aussi uneseconde qui l’est moins. Les terribles ré-pressions qui ont lieu au cours de jour-nées ou même de semaines tragiques nedétruisent véritablement le mouvement

que lorsque celui-ci brave le pouvoir sansdisposer d’une large base sociale. Par ail-leurs, tandis que la concurrence d’autrescourants « sociaux », comme le socialismeou l’anarcho-bolchévisme, et surtout seséternels déchirements internes finissentpar l’atrophier, les liens militants avecdes courants aussi divers que le fourié-risme, le positivisme, la libre pensée oula franc-maçonnerie étendent son rayon-nement. Enfin, tiraillés entre une volontéde changement radical et les luttes pouraméliorer la condition sociale, les anar-cho-syndicalistes s’orientent générale-ment dans cette seconde direction et,ainsi, dans plusieurs de ces pays, ils ontjoué un rôle non négligeable dans la luttepour la journée de huit heures.

Des personnalités se détachent dansles divers pays : Salvadora Medina On-rubia, en Argentine, arborant un foulardnoir dans un coin de rue et exigeant deprendre la tête d’une manifestation. Plo-tino Rhodakanaty, qui arrive au Mexiqueet assure la transition du fouriérisme àl’anarchisme, dont David Doillon, quicollabore à plusieurs des articles du livre,nous décrit la longue histoire. ManuelGonzáles Prada, qui fut une influence dé-terminante tant sur l’élite intellectuelledu Pérou que sur la prise de consciencedu mouvement ouvrier, que Joël Delhom,qui lui a consacré plusieurs études ap-profondies, nous présente dans lecontexte de cette histoire de l’anarcho-syndicalisme péruvien.

Une surprise : le mouvement anar-chiste mexicain, qui est revenu dans l’ac-tualité avec le mouvement zapatiste, està l’époque beaucoup moins bien implanté

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que celui d’Argentine, dont Guillaumede Gracia nous raconte l’histoire, domi-née par la célèbre FORA. Et il ne faut pasoublier les enseignements du plus mo-deste anarcho-syndicalisme équatorien,narrés par David Doillon et Pierre-HenriZaidman. On y découvre la présenceanarchiste à Guayaquil et l’on ne peutque souhaiter une recherche comparée del’anarchisme dans les divers grands portsdu monde. N’oublions pas ces quais oùanarchistes, communistes et religieux detout acabit attendaient les immigrantspour les accueillir, voire les recruter. Nices marins qui transportaient le courrieret les journaux militants qui devaientéchapper à la censure !

Enfin, je ne saurais trop insister sur lapréface si instructive de Ricardo MelgarBao. Son panorama de l’Amérique latine

résume les recherches antérieures, es-quisse les développements démogra-phiques et urbains, les réseaux dedéplacements et de circuits culturelsentre les pays de ce continent, commeaussi avec l’émigration originaired’Europe. L’approche des affiliationsidéologiques de la classe ouvrière aumouvement anarchiste montre combienle mouvement a orienté l’attention sur lesindigènes, construit des réseaux d’inser-tion des cadres migrants ; elle souligneaussi les cycles de cette presse et la co-existence somme toute fructueuse aveccertains courants de pensée1.

On peut regretter l’absence d’unindex, mais il faut en revanche apprécierla copieuse bibliographie qui suit chacundes chapitres. Bref, un livre sérieux d’his-toriens qui ont eu le courage d’aller auxsources et celui, non moindre, de retra-vailler leur texte pour le rendre accessi-ble à un large public.

Ronald Creagh

1. Peut-on aussi suggérer d’entreprendre uneenquête internationale sur la participation anar-chiste aux luttes pour la journée des huit heures ?Cela permettrait d’approfondir le débat que l’oncherche à ouvrir sur ce que certains réduisent àune position « opportuniste » des anarchistes.

James C. Scott, Petit éloge de l’anar-chisme, traduit de l’anglais par Patrick

Cadorette et Miriam Heap-Lalonde,Montréal, Lux, 2013, 240 p.

Le titre français du dernier livre du pro-fesseur de science politique et d’anthro-pologie de Yale (Connecticut, USA) JamesScott, traduit après LesArts de la résistancechez Amsterdam et Zonia ou l’art de ne pasêtre gouverné au Seuil, Petit éloge de l’anar-chisme, reflète mal son contenu. Il nes’agit pas d’un texte politique mais aucontraire d’une succession de fragments

sur une série de sujets concrets aussi di-vers que la fonction des feux de circula-tion ou l’aménagement des jardinsd’enfants, parmi beaucoup d’autres.D’ailleurs la traduction la plus pertinentedu titre américain me semblerait être :« À la santé de l’anarchisme ! », ce qui in-terdit toute présentation dogmatique ouscolaire d’un objet défini a priori. Scottprésente au contraire des situationsqu’un certain regard lui montre quandil se tourne vers ce que De Certeau ouFoucault ont appelé « les savoirs qui nesont pas sus » ou « les savoirs assujettis ».

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Scott multiplie les exemples de pratiquesvernaculaires, selon la formule utiliséedans la traduction, pour montrer que « lepoint de vue divin », selon son expres-sion, interdit d’accéder à la connaissancede la réalité ; il conduit ceux d’« en haut »à l’ignorer ou à justifier leur ignorance.

Beaucoup d’anthropologues le sa-vaient mais l’intérêt du livre réside dansla subtilité des analyses et la diversité desobjets. Il s’agit d’un essai - « ouvragedans lequel l’auteur traite d’un sujet par-ticulier, mais sans prétendre l’approfon-dir ni épuiser, ni enfin le traiter en formeet avec tout le détail et toute la discussionque la matière peut exiger » - ce qui au-torise la forme fragmentaire, la multipli-cation des facettes, des points de vue, dessources, des objets. L’unité du propos re-pose sur le point de vue adopté, celuid’« en bas » et l’objet, l’examen des pra-tiques vernaculaires et de leurs acteurs.

La question examinée apparaît alorsclairement : pourquoi certaines circons-tances suscitent-elles la générosité, le dé-vouement et même l’héroïsme alors queles institutions s’escriment à développerla mesquinerie, l’égoïsme et la bêtise ? Jeme souviens qu’en mai 1968, en quelquesheures, les opinions et les conduites ontcomplètement changé quand, une find’après-midi, l’assemblée générale avaitmassivement voté le boycott des examenscontre les staliniens qui disaient défendreles boursiers et ce que nous appelions les« fascistes » qui s’opposaient au désordre.D’un coup, le monde n’était plus lemême, ses habitants étaient devenus gé-néreux, désintéressés et inventifs et s’ef-forçaient de le faire savoir. Scott collecte

ces moments privilégiés pour soulignerl’absurdité des institutions qui abrutis-sent les personnes, ce qui a pour résultatde les rendre improductives et bornéesalors que la libération de leur créativitédécuplerait leur efficacité même dans lestâches dans lesquelles elles sont assignéeset (mal) payées. Il réclame donc le calculd’un « Produit Humain Brut » qui mesu-rerait l’activité des être humains en si-tuation de liberté et non les mauvaisrésultats des asservis comme le fait ac-tuellement le PIB.

Quelques pages du livre surprennentpar leur originalité ; elles prennent la dé-fense de la « petite bourgeoisie », cettetête de turc de Marx, Brecht, Barthes et debeaucoup d’autres. Ce serait, selon cesderniers, le lieu du conformisme, de lasuffisance, de la mesquinerie, du mau-vais goût. Scott y voit au contraire la vo-lonté d’échapper à l’État, d’affirmer sonautonomie, d’être différent, avec évi-demment des résultats inégaux (pensonsà Madame Bovary, de Flaubert, qui essaiesi maladroitement d’échapper à toutes lescontraintes dans lesquelles elle est enfer-mée). Évidemment, la perspective ainsiadoptée conduit à désigner l’ennemiprincipal : est-il le système bourgeois ex-ploiteur ou, au contraire, l’État autoritaire ?Scott désigne le second coupable, consé-quence de l’examen des expériencesréussies contre lui. C’est contre lui ques’édifie le meilleur. Il rencontre ainsi enfin de parcours l’anarchisme, comme parinadvertance, comme la simple consé-quence de ses multiples constatations.L’essentiel du livre réside alors dans ladémarche, l’attention méticuleuse aux

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situations, particulièrement celles qui fa-briquent des héros tels ces habitants dupetit village de Chambon-sur-Lignonequi, durant l’Occupation, ont sauvé plusde 5000 réfugiés. Ces exploits ne résultentni de morale, ni de lois, ni d’évolutionsinéluctables, ni d’invariants ou de déter-minations. Pour les comprendre, Scottdoit faire appel à la « contingence » sousla forme des « existants » juxtaposés deSartre dans La Nausée et des « hasards »de Tolstoï dans La guerre et la paix.

Il collectionne ainsi dans diversesépoques et lieux les circonstances qui

rendent les êtres humains meilleurs. Il lesrencontre toujours quand ces derniersont le sentiment d’intervenir sur la réalitéet de pouvoir la modifier. Pour Scott,c’est cela, l’anarchisme. Cela pourraitaussi s’appeler l’intelligence voire l’effi-cacité. Il ne fait pourtant que tirer lesconséquences immédiates d’une« connaissance livrée de l’intérieur d’unmonde social saisi à une échelle micro-scopique », selon la définition que donneAlthabe de l’anthropologie. La réalité se-rait-elle anarchiste ?

Bernard Traimond

Jean-Pierre Ducret, La rivoluzionerussa in Ucraina : la storia di NestorMakhno, vol. 1, Carrare, Biblioteca

archivio Germinal, 2013, 72 p.

Qui ne connait pas l’ami Jean-Pierre et sesdessins manque quelque chose ! Avec lepremier tome des « aventures » de NestorMakhno, il nous propose « de la belle ou-vrage », pour reprendre l’expression em-ployée par Philippe Equy, dans La feuilled’ Infos n°158 du CIRA de Marseille.

« Dans des paysages enneigés survo-lés par une chouette, passent les trains, lesmotos et la cavalerie. Les anarchistes s’at-taquent aux Blancs... » poursuit Philippe,plantant ainsi le décor de ce formidabletravail d’artisan qui témoigne à sa façon,plutôt ancienne d’ailleurs (sans que celane soit nullement péjoratif), d’un amourtenace et minutieux pour cette époqueriche en convulsions révolutionnaires.

Loin d’être une œuvre de vulgarisa-tion et encore moins de propagande, labande dessinée de Jean-Pierre Ducret se

révèle un instrument narratif idéal pourrestituer l’esprit de l’épopée makhno-viste, dont la complexité est rendue parun enchevêtrement continu d’images,dont les noirs profonds sont particulière-ment bien restitués.Les lecteurs (trices)maîtrisant l’italien auront la chance,avant la sortie de l’édition française, pastrop lointaine espérons-le, de pouvoir seplonger avec délice dans l’univers gra-phique de Jean-Pierre Ducret, dont onsait la minutie et le souci de la perfection,lui qui n’hésite pas un instant à dessiner,effacer et remettre sans cesse sur l’ou-vrage ses planches avant que de confiericelles à l’impression.

Et l’on ne pourra que partager l’im-patience malicieuse d’Emma Goldmans’inquiétant auprès d’Alexandre Berk-man qu’ «après 48 pages passées à avan-cer dans cette improbable bandedessinée, nous ne sachions toujours riende Makhno » !

Bernard Hennequin

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Maud Guély, Rachel Viné-Krupa,Un ruban autour d’une bombe.

Une biographie textile de Frida Khalo,Paris, nada, 2013, 127 p.

Dans un précédent ouvrage déjà consa-cré à Frida Khalo — dont Réfractions avaitrendu compte dans son numéro 31 —Rachel Viné-Krupa avait dressé le por-trait d’une identité de l’artiste mexicaine ;avec ce nouvel ouvrage, l’auteur poursuitsa quête « identitaire » au travers de... lagarde-robe de l’artiste.

Née d’une belle rencontre avec l’il-lustratrice et graphiste Maud Guély, cettedémarche particulièrement singulière adonné naissance à un « portrait textile »prenant la forme d’un essai graphique,dont les très nombreux dessins en noir etblanc épousent parfaitement les contours(et surtout les méandres) de la vie peucommune de Frida Khalo.

Hébergé chez les Rivera en avril 1938,André Breton sera immédiatementconquis par le travail de celle-ci dont ildira : « Il n’est pas de peinture plus ex-clusivement féminine au sens où, pourêtre la plus tentante, elle consent volon-tiers à se faire tour à tour la plus pure etla plus pernicieuse. L’art de Frida Khalo

de Rivera est un ruban autour d’unebombe »1.

On ne pouvait rêver meilleur titrepour décrire au plus juste l’œuvre d’ uneartiste, dont celui qui fut son mari à deuxreprises, Diego Rivera, parlait commed’« une femme extraordinairement belle,non pas d’une beauté triviale mais d’unebeauté aussi exceptionnelle et caractéris-tique que ce qu’elle produit. Frida ex-prime sa personnalité dans ses coiffures,dans ses vêtements, dans son goût pro-noncé pour les parures de bijoux, plusétranges et belles que luxueuses. Elleaime les jades millénaires et porte lehuipil et le costume de Tehuana avecune jupe à volants amidonnée que por-taient et portent toujours les femmesde Tehuantepec. […] Ses toilettes sontl’incarnation même de la splendeurnationale. Jamais elle n’en a trahi l’espritet elle a revendiqué son nationalisme àNew York et à Paris, où d’éminentes per-sonnalités admirèrent ses œuvres etoù les stylistes lancèrent la mode « robeMadame Rivera »2.

Bernard Hennequin

1.André Breton, « Frida Khalo de Rivera », LeSurréalisme et la Peinture, Gallimard, 2002, p. 144.

2. Raquel Tibol, Frida Khalo. Una vida abierta,Mexico, UNAM, 1998, p. 106.

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Ne vivons plus comme des esclaves,Un film de Yannis Youlountas,

2013, 1 h 29.

Maud et Yannis Youloutas,Exarcheia la noire. Au cœur de la Grèce

qui résiste, St George d’Oléron,Les Éditions Libertaires, 2013.

« Venu des catacombes grecques de l’Eu-rope, un murmure traverse le continentdévasté : « Ne vivons plus comme des es-claves » (en grec, prononcer « Na mi zi-soumé san douli »). Sur les murs desvilles et sur les rochers des campagnes,sur les panneaux publicitaires vides oudétournés, dans les journaux alternatifs

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et sur les radios rebelles, dans les lieuxd’occupation et d’autogestion qui se mul-tiplient, tel est le slogan que la résistancegrecque diffuse, jour après jour ».

Philosophe, poète, écrivain et réalisa-teur franco-grec, Yannis a passé une par-tie de sa vie comme formateur enintervenant auprès de publics frappésd’exclusion sociale (classes relais, déte-nus, migrants, sdf, handicapés). Les lec-teurs de Siné Mensuel, du MondeLibertaire et des Zindigné(e)s le connais-sent également comme chroniqueur.

C’est non sans une certaine émotionqu’il était le 11 février dernier au CinémaLe Renoir de Martigues (la ville qui le vitnaître en 1970) pour y présenter son film,à l’invitation du Café Citoyen de Pro-vence (tendance Parti Communiste etFront de Gauche).

Yannis a su astucieusement faire par-tager l’esprit qui guide son film à un pu-blic qui de prime abord aurait pu êtreeffrayé par l’identité libertaire clairementaffichée d’un documentaire qui ne jouepas à cache-cache avec les A cerclés maisau contraire les expose, montrant en celacombien l’essence même du paysage ré-volutionnaire grec est imprégnée de cetteidentité.

Yannis a l’art de moduler son discours(certaines mauvaises langues diraientl’adapter) en fonction des publics ac-cueillis — qu’ils soient rassemblés par leréseau Attac ou les UD CGT — pour fairepasser ce qui lui est le plus cher, à savoirl’esprit de résistance dont a su fairepreuve à plusieurs périodes de son his-toire le peuple grec (pendant l’occupationallemande, durant la guerre civile qui

suivit la fin de celle-ci, sous la dictaturedes Colonels de 1967 à 1973) et au-jourd’hui encore contre l’austérité géné-ralisée imposée par la finance mondiale.

Et à bien écouter les questions ou lesréflexions parcourant la salle ce soir-là lepari est réussi : quoi de plus savoureuxen effet que d’entendre une militantedemander à son mari : « on veut quoi, laRévolution ou des élus ? »

Des élus de « gôche » (ce qui nemanque pas autour de l’Étang de Berre !),dont un autre participant avait visible-ment fait le tour en se demandant « enrentrant chez moi mais qu’est-ce que jevais bien pouvoir faire ? », alors qu’unautre s’interrogeait : « Tout cela c’est bien,mais politiquement comment on fait ? »Dans ses réponses, Yannis a bien suggéréque son film appelait à d’autres alterna-tives que voter ou prier (ce qui revient aumême d’ailleurs).

En tout cas, le film de Yannis est undocumentaire de grande qualité, réaliséavec peu de moyens, en accès gratuit surle net.

Un film qui respire la fraternité, la joieet le bonheur de lutter ensemble, « l’es-sentiel étant de vivre debout, bras dessus,bras dessous, sans jamais quitter desyeux l’horizon ».

La sortie du DVD s’accompagne del’édition d’un livre, Exarcheia la noire.Au cœur de la Grèce qui résiste, publiéaux Éditions Libertaires, une initiativequ’il convient de saluer, l’objectif étantcette fois-ci de zoomer sur ce quartierd’Athènes, haut-lieu de la résistance,faisant partie de ces territoires qui, àtravers la planète, participent à la

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Leymah Gbowee, Notre force estinfinie, Paris, Belfond, 2012, 350 p.

Ce livre pourrait servir, entre autres, d’il-lustration de la résilience par la religionet par le militantisme – pardon pourl’usage de ce mot proche de « milice »,« militaire », etc… et qui semble bieninapproprié dans une perspective depaix. Leymah Gbowee fait le récit tout àla fois de sa vie, de son engagement detravailleuse sociale et d’activiste pour lapaix dans un Liberia en proie aux hor-reurs de la guerre dite civile – encore unmot troublant dans une telle situation. En2011, elle a reçu, avec deux autresfemmes (Ellen Johnson Sirleaf, présidentedu Liberia et une Yéménite, la journalisteTawakkol Karman) le Prix Nobel de laPaix « pour leur lutte non violente en faveurde la sécurité des femmes et de leurs droits àparticiper aux processus de paix » (Déclara-tion du président du comité Nobel nor-végien, Thorbjoern Jagland).

L’action menée par Leymah et leWIPNET1 consiste à réunir pour un sit-in

dans la capitale, Monrovia, des milliersde femmes toutes vêtues de blanc, au-delà des divisions ethniques, religieuseset économiques. Le but : obliger le prési-dent Charles Taylor à ramener la paixdans le pays. Le sit-in dure plusieursmois, dans des conditions souvent diffi-ciles : chaleur intense, pluie etc. Nevoyant pas bouger les lignes, Leymah re-prend le mot d’ordre de Lysistrata : fairela grève du sexe pour que les hommesabandonnent les combats. Lorsqu’enfincommencent des négociations au Ghanavoisin, les femmes en blanc s’y rendent etprennent en otage les participants à laréunion officielle jusqu’à la signatured’un accord.

D’une certaine façon, ce livre est dou-ble. Il retrace les différents moments decette lutte non-violente et ô combien dy-namique, et en même temps Leymah seraconte, avec force détails, de son enfanceà ses engagements de femme adulte. Etc’est peut-être là que prend source unsentiment d’insatisfaction ressenti à lalecture.

En effet, leader charismatique, décri-vant largement les répercussions de sesengagements sur sa vie familiale et per-sonnelle, Leymah ne prétend pas avoirmené à elle seule ces actions qui furentcollectives et animées par plusieurs per-

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naissance d’un autre monde et dérangentle pouvoir.

Exarcheia c’est, au cœur d’Athènes,un lieu de lutte, de combat antifasciste,un lieu de création et d’échanges. Ce queretracent les très belles photos en noir et

blanc de Maud, la compagne de Yannisqui a écrit les textes.

Bernard Hennequin

Plus d’infos sur :

nevivonspluscommedesesclaves.net

1. Fondé en 2002, le WIPNET (Women inPeacebuilding Program) mobilisa des milliersde femmes pour la paix au Liberia avec desactions non-violentes de masse, réussit à fairefuir Charles Taylor et à mener le pays sur lavoie de la démocratie.

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sonnes, mais elle dit trop peu de chosesde ses compagnes dont du reste certaineslui reprochèrent de se mettre sans cesseen avant.

Au travers du récit de l’héroïne, onperçoit quelque chose de la condition desfemmes dans cette région d’Afrique, maison aimerait en savoir un peu plus, trou-ver davantage qu’une simple ébauched’analyse de ce qui se passe dans la priseen charge des enfants-soldats, et surtoutdans les groupes de parole des femmesvictimes de la guerre et qui, là, réussis-sent à parler de leurs conditions de vie,de la prostitution, des maternités pré-coces, de l’analphabétisme, et de leurs es-poirs. Un travail sur le terrain qui en faitsous-tend la réussite spectaculaire du sit-in.

Sur le plan personnel, Leymah décritses tribulations, l’horreur et la peur desmassacres, des viols, des mutilations, lasurvie dans des camps de réfugiés, lesdestructions des maisons, des quartiers,des villes, des familles aussi qui se re-trouvent dispersées. Elle parle de ses ren-contres amoureuses, parfois avec uncompagnon violent et la dépression quien résulte, les grossesses successives etépuisantes dans le contexte de sa vie, ettout au long des pages, cette blessured’avoir dû interrompre des études pro-metteuses du fait de la guerre, ce quil’amènera à compenser par des forma-tions ultérieures.

Je n’ai pu m’empêcher de sursauterdevant la première phrase de sa page deremerciements « Louange, gloire et honneurà Dieu pour Son amour et Sa bienveillance

indéfectibles envers moi. ». Il est courantd’entendre de telles déclarations chez lescroyants. Lorsque ceux-ci vivent dans desconditions à peu près acceptables, dansune région épargnée par la guerre ou lescalamités naturelles, cela peut s’expli-quer. Mais comment remercier ce Dieuréputé tout à la fois bon et tout-puissant,de l’avoir choisie, elle, pour conserver savie et son intégrité physique ? Estime-elledonc valoir mieux que tant d’autres quiont été sacrifiés ?

Deux citations me semblent venir àpoint nommé à ce sujet :

« Il y a du narcissisme dans la religion,dans toute religion (Si Dieu m’a créé, c’estque j’en valais la peine!) et c’est une raisond’être athée : croire en Dieu, ce seraitpéché d’orgueil. »

André Comte-Sponville,Présentation de la philosophie

« Ou bien Dieu veut éliminer le mal et nele peut ; ou il le peut et ne le veut ; ou il nele veut ni ne le peut ; ou il le veut et lepeut. S’il le veut et ne le peut, il est im-puissant, ce qui ne convient pas à Dieu ;s’il le peut et ne le veut, il est méchant, cequi est étranger à Dieu. S’il ne le peut nine le veut, il est à la fois impuissant et mé-chant, il n’est donc pas Dieu. S’il le veut etle peut, ce qui convient seul à Dieu, d’oùvient donc le mal, ou pourquoi Dieu ne lesupprime-t-il pas ? »

Épicure

Léonore Litschgi

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Daniel Aïache, La Révolution défaite.Les groupements révolutionnaires pari-siens face à la Révolution espagnole,

Noir et Rouge, 2013, 136 p.

La Révolution espagnole n’arrête pas dehanter l’esprit des libertaires. C’est bience que dit Daniel Aïache dans son intro-duction :

« La mémoire et l’oubli forment un coupleinséparable et un seul et même sujet quisemble inépuisable dès lors qu’il s’agit dela guerre civile espagnole. »

Ce petit livre, compact, touffu, parti-cipe de cet éternel questionnement : yavait-il une autre issue possible que la dé-faite ? Daniel Aïache n’y répond pas − caron ne refait pas l’histoire −, mais il metbien en évidence que le chemin emprunté− celui de la révolution sociale et de la mi-litarisation pendant la guerre civile, demême que la participation au gouverne-ment − avait mené sûrement les libertairesespagnols et leurs amis à la défaite. Rienne prouve qu’une autre trajectoire n’au-rait pas conduit au même résultat. Mais,au moins, cela n’aurait pas été avec lacompromission gouvernementale et avecla soumission aux diktats de Moscou.Soixante-quinze années plus tard, ce livrefait surgir en nous une profonde émotion.

En parallèle avec la tragédie espagnole,l’auteur brosse un tableau passionnant dela façon dont les groupes anarchistes fran-çais solidaires se sont organisés et aussicombattus. Confrontés à la fois à la poli-tique de « non-intervention » du gouver-nement français, à la pression du parti

communiste et du Komintern et à leur pro-pre division entre courant pacifiste etorganisations anarcho-syndicalistes, lesgroupes parisiens tentèrent d’apporter, audébut, une aide sans faille, puis au fur et àmesure que l’anarchisme de gouverne-ment s’imposait, ils prirent leur distance.

Daniel Aïache montre comment, à lafin, même les plus ardents partisans decette révolution sociale se retirèrent de lalutte, battus, défaits et conscients que leplus dur était à venir. André Prudhom-meaux, par exemple, l’exprime ainsi :

« Quant à nous faire crever la peau pourle capitalisme, trop des nôtres sont déjàtombés en Espagne et ailleurs ».

Quant à la question essentielle, cellequi est posée par l’auteur à la fin de celivre, c’est Nicolas Lazarevitch qui l’ex-prime. Pour ce dernier,

« la raison de ces comportements d’ac-commodement avec le stalinisme se fondesur la nécessité d’acquérir des armements.Il est certain que cet aspect a joué un rôlecentral, mais il ne peut résumer toute laquestion. Il semble plutôt qu’à un certainmoment un certain nombre de cadres ré-volutionnaires se soient reconnus danscette bureaucratie régnante ».

En fait, cette façon de voir le pro-blème permet d’évacuer la question desarmes en faisant assumer la responsabi-lité de la défaite, avec raison, à un nom-bre de personnes ayant un goût prononcépour le pouvoir ou pour l’ordre, respon-sables politiques ou non.

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Car la question des armes est incon-tournable quand on envisage théorique-ment ou pratiquement la conquête dupouvoir et le renversement de la classedirigeante. La révolution des barricadesest la plupart du temps une réussite, lespouvoirs sont pris par surprise et recu-lent, puis vient le retour de bâton carceux-ci détiennent l’arsenal militaire, ilssont les propriétaires des usines d’arme-ment ; ils sont les maîtres des profession-nels de la guerre ; ils ont des alliésidentiques à eux, partout. Dans la maîtrise

de la violence armée, ils sont les plus fortscar, en plus des moyens, ils n’ont pas deconflits de conscience. Dans cette pers-pective nous ne pouvons qu’être d’accordavec la dernière phrase de ce livre :

« Il est peu probable que l’histoire se soitarrêtée, mais, peut-être, plus simplement,l’histoire d’une certaine forme de révolu-tion et de l’utopie qui l’accompagne. »

Pierre Sommermeyer

Dr Izzeldin Abuelaish, Je ne haïraipoint. Un médecin de Gaza sur les che-mins de la paix, J’ai lu, 2012, 288 p.

L’itinéraire de ce médecin vivant à Gazaest exemplaire tout à la fois des condi-tions d’existence dans ce minuscule payssous embargo israélien, et de la capacitéde s’abstraire de la haine pour aller plusloin dans la réflexion et trouver d’autrespistes, hélas bien peu empruntées.

Tout jeune, Izzeldin pour gagnersa vie travaille quelques mois pour unefamille d’Israéliens.

« Cet été-là m’a laissé à maints égards uneforte impression. Qu’une famille israé-lienne m’embauche, me traite de façonéquitable et avec tant de gentillesse étaittotalement inattendu. » (p.82).

Il n’oubliera pas. Plus tard, après desétudes de médecine faites à l’étrangerpuis plusieurs formations spécialisées, ilintègre un hôpital israélien où il est re-connu et apprécié pour ses compétences.

« Les patients israéliens que je traite ne sesoucient pas du fait que je sois un médecinpalestinien, mais veulent avoir quelqu’unqui les aide à résoudre leur problème desanté. Les habitants de Gaza ne se soucientpas du fait que je travaille en Israël, ce quiles intéresse c’est de vivre en sécurité et depouvoir faire soigner leurs enfants. Etpourtant, je continue de voir des gens quisont choqués qu’un médecin palestinienpuisse soigner des patients juifs. »

Mais il poursuit dans ces termes :

« L’idée que nous nous haïssons, quechaque partie veut la mort de l’autre, esttrès répandue. Je suis sûr que de tels sen-timents existent chez quelques-uns, maisselon mon expérience, ces quelques-unsne sont pas aussi nombreux que les grandsdiscours voudraient nous le faire croire. »(p.166).

Son analyse, en lien direct avec son en-gagement professionnel de gynécologueet d’obstétricien, l’amène à cette réflexion :

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« Comment peut-on dire qu’une vie a plusd’importance qu’une autre ? Regardez lesnouveaux-nés dans les maternités : ce sontdes enfants innocents qui ont le droit degrandir et de devenir des adultes éduquésayant un avenir devant eux. Après, on leurraconte des histoires qui poussent à lahaine et à la peur. Chaque vie humaine aune valeur incalculable qu’il est facile dedétruire avec des balles, des bombes, oudes accusations et une révision de l’his-toire qui attisent la haine. C’est elle quinous dévore l’âme. Comme si nous ava-lions du poison.» (p.152).

Août 2008 : la famille d’Izzeldinjusque-là supportait tant bien que maldes conditions de vie qui s’apparententde fait à un état de siège. Cependant, dufait de son statut professionnel, le méde-cin pouvait se rendre en Israël pour exer-cer son travail, et faire divers voyages àl’étranger. C’est au cours de l’un d’entreeux que l’épouse d’Izzeldin tombe gra-vement malade. Son état empire rapide-ment. Les chicanes administratives desfrontières feront que son mari arriveratrop tard pour la revoir vivante.

Fin décembre 2009 commence un as-saut de la bande de Gaza. La famille vitdans l’angoisse, trouve difficilement dequoi se nourrir. Le père est appelé pardes amis israéliens à témoigner à la radioet à la télévision israélienne de la situa-tion des Gazaouis. Izzeldin raconte lesquestions de ses enfants et ses proprestentatives de réponse :

« Comment peut-on nous traiter de lasorte ? Quand en verrons-nous la fin ?

Qu’en pensent les responsables poli-tiques ? J’ai essayé de leur dire ce que jesavais, ou que j’avais entendu dire, aucours des derniers jours. Je leur ai racontéqu’il était question d’un cessez-le-feu. […]Mais tout en essayant de rassurer mes en-fants, mes pensées prenaient un tour plussombre. Ces hommes qui se rencontrenten toute sécurité dans leurs bureaux offi-ciels ne prennent pas au sérieux la vie hu-maine et le chaos à Gaza. Des gensmeurent chaque minute, des femmes, desjeunes filles, des garçons, des civils inno-cents sont sacrifiés par ces responsables. »(p. 210-211).

Il est question de quitter cet enfer, departir vivre enfin en sécurité à l’étranger.Peu après le début de l’offensive, le 16janvier 2010, plusieurs obus s’abattentsur la maison.

« On entendit une explosion monstrueusequi semblait nous envelopper, puis unbruit de tonnerre assourdissant qui a pé-nétré mon corps comme s’il venait de mesentrailles. Je me souviens de ce bruit. Je mesouviens de cet éclair aveuglant. Soudainnous étions dans le noir total, entourés depoussière, j’étais privé d’air, je suffoquais.[…] L’appartement était plein de morts etde blessés. » (p. 214-215).

On retrouvera les corps déchiquetésde trois des filles d’Izzeldin et d’unenièce ; d’autres enfants et des adultessont blessés, certains grièvement. Malgréle danger, entraide et solidarité seront àl’œuvre, du côté palestinien mais aussi dela part des amis israéliens. La famille par

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la suite a fait le choix de s’exiler, afin d’of-frir aux enfants un avenir plus sûr.

Un choc de cet ordre aurait pu faireperdre à Izzeldin ses convictions paci-fistes et non-violentes. Il n’en a rien été.En témoigne ce livre dont la lecture estéprouvante, de par la force du récit. Sansune once d’intégrisme - « Je crois en lafemme et en ses potentiels. Par sa naturemême, elle favorise le rapprochement desêtres. Il est temps que les femmes aientdes responsabilités. Nous devons leurdonner la possibilité d’étudier et d’agirdans les directions qu’elles savent être lesplus favorables à l’humanité. » (p. 277) -,à l’issue d’une expérience aussi traumati-sante, malgré des moments de doute, cemédecin palestinien continue de croire enDieu. Cela restera pour moi un mystère.Mais l’essentiel n’est-il pas qu’il continuede croire également à une paix possibleet à une entente entre les deux ennemis,

thème des nombreuses conférences-débats qu’il propose un peu partout dansle monde, et dont il dit :

« La seconde Intifada fut la preuve écla-tante qu’Israéliens et Palestiniens sontcondamnés à vivre ensemble – dès lors ilnous faut trouver le moyen d’y parvenir. »(p. 124)

Dans l’épilogue, il conclut :

« Nous devons abattre les barrières phy-siques et mentales en nous et entre nous.Nous devons parler d’une seule voix etavancer ensemble pour que notre avenirsoit plus prometteur. Nous sommes tousdans le même bateau et chaque coup reçupar un occupant de ce bateau nous fait cou-rir à tous le risque de sombrer. » (p. 274).

Léonore Litschgi

Thom Holterman, L’Anarchisme c’est réglé.

Un exposé anarchiste sur le droit, Atelier de

création libertaire, 2013, 73 p.

« L’anarchisme, c’est réglé » est un clind’œil pour rappeler que l’anarchismesuppose aussi l’existence de normes. Cen’est évident ni pour les chiens de gardede l’opinion publique ni, bien souvent,pour les anarchistes eux-mêmes.

Ancien professeur de droit constitu-tionnel à l’Université de Rotterdam, Hol-terman a consacré de nombreuses annéesde sa vie à réfléchir sur la critique anar-chiste du droit étatique et les pratiquesanarchistes du droit. Il se bat sur un dou-

ble front : contre ceux qui prétendentqu’aucune société ne peut vivre sans undroit établi et sanctionné par l’État, etceux qui prétendent que l’anarchismen’admet aucune forme de droit. Le pré-sent ouvrage donne pour la première foisau lecteur français la possibilité de réflé-chir sur cette question, avec la notable ex-ception des travaux de Pierre Bance.

L’auteur commence par une critiquedu droit établi par l’État. C’est un ensem-ble de lois contraignantes qui ne sont pasdécidées par les intéressés, c’est-à-dire lesgens qui y sont soumis, mais fixées demanière unilatérale par des instances ju-gées supérieures au peuple. Ces instances

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sont constituées par le parlement qui lesélabore et le gouvernement qui les pro-mulgue. Or, tous ces élus, ces « représen-tants » ne sont pas soumis à un mandatimpératif ; donc ils ont pratiquementcarte blanche en matière de décision.Avec cette nuance importante que, pourl’Union Européenne, la très grande majo-rité des lois qui touchent la vie quoti-dienne sont décidées à Bruxelles, par unaréopage d’élus conseillés par des « spé-cialistes » très souvent liés à des multina-tionales. Le droit étatique est doncimposé par en-haut. Il est hétéronome : le« citoyen » est tenu d’obéir à ces lois quilui sont extérieures plutôt que d’agir selonce qu’on appelait jadis « sa conscience ».Gouverné, vassalisé, il peut se gargariseravec ses droits supposés, il n’est plusqu’un être assujetti et vulnérable.

Un tel système aboutit à perpétuer lahiérarchie sociale existante et donc aussiles injustices chroniques. Et lorsque l’Étatest trop vivement contesté, comme en pé-riode de crise, le politique s’efforce d’en-traîner la société dans un processusd’involution. Les libertés dites démocra-tiques sont alors abolies, la répressions’établit. On décrète, par exemple, « l’étatde siège ».

Contrairement au mythe de l’anar-chiste qui refuse toute règle (sauf lasienne) et au fantasme qu’une société nepeut vivre sans un droit régenté parl’État, l’anarchiste rejette ces positions quirelèvent parfois de la mauvaise foi et tou-jours d’un raisonnement déterminé apriori et péremptoire. Holterman montrece que les anthropologues savent depuislongtemps : que des sociétés ont existé

avec des formes de droit non étatiques —et l’on pourrait aussi citer l’exemple del’Espagne en 1936. Mais surtout, et c’estla partie la plus originale de ce travail, ilmontre les nombreuses formes de droitprésentes dans nos sociétés et qui fonc-tionnent en dehors de l’État.

Ces formes de droit ne sont pas hété-ronomes, imposées de l’extérieur ; ellessont autonomes, elles ont mûri dans uncadre social égalitaire, au sein duquel lapopulation a établi ses propres règles devie. L’intérêt principal de l’ouvrage est demontrer qu’il existe déjà de multiplesformes de droit hors du champ de l’État :droit coutumier, contrat collectif, droit in-teractionnel... Il existe ainsi des « sys-tèmes coréférentiels », c’est-à-dire « destissus de règles, avec lesquelles les com-portements humains peuvent s’adapterles uns aux autres et sembler prévisi-bles » (p. 44). Ce droit est autonome car ilnaît « du pouvoir créatif et constructif dupeuple ». L’ouvrage en donne quelquesexemples vécus dans les sociétés dites« premières » comme aussi dans lemonde contemporain. La gestion descanaux en Hollande ou celle de la posteinternationale ont illustré ces pratiquesdes siècles durant.

Voilà un merveilleux champ d’en-quête. Mais ces droits qui constituent uneforme d’autonomie sont dans un rapportde force avec la volonté centralisatrice del’État qui veut tout contrôler. Le colonia-lisme soumet les normes culturelles indi-gènes au système juridique de la nationcolonisatrice. Et, si aujourd’hui le droitest uniforme pour tout le monde, il n’yaura plus de « pluralisme ».

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Ce livre est écrit de manière très lisi-ble, complété par une riche bibliographiequi permet au lecteur d’approfondir cesdivers arguments. Il s’y ajoute dessources néerlandaises, malheureusementtrop peu connues dans le monde franco-phone. Plus généralement, il invite à sor-tir du cliché selon lequel l’anarchiste vitsans règles, mais aussi à approfondircette pluralité des formes de droits nonétatiques, dont la pratique semble se mul-tiplier de nos jours en certains lieux, parexemple dans les groupes d’Indymedia.

Malheureusement, comme un certainnombre de travaux l’ont montré, les gensautoritaires sont souvent de grands an-goissés. Ils réclament un État fort. Par ail-leurs, les institutions politiques ont héritéleur pouvoir des institutions religieuses,de sorte que le politique relève de lacroyance. Des arguments rationnels neconvaincront pas des gens dominés par

l’angoisse, par la crainte d’une agressionpossible, par les menaces supposées de laconcurrence internationale et celles duterrorisme. Ce n’est qu’en instaurant enpratique des droits autonomes qu’on sus-citera des alternatives crédibles. Encorefaudra-t-il assurer des possibilités de re-cours à des instances externes, car uneopinion collective, un communautarisme,peuvent être encore plus oppressifs.

Un autre concept intéressant soulevépar Holterman est celui d’involution. Si lepeuple tend à devenir autonome des ins-titutions qui l’oppriment, il se trouveraconfronté à une répression, à un retour delois scélérates. Il lui faut donc aussi pré-voir quels choix crédibles se posent auxdivers moments d’affrontements.

Bref, un petit livre qui suscitera, onl’espère, de grands débats.

Ronald Creagh

Fredo Ladrisse, Quand l’autrucheéternue : 10 ans tête hors du trou,

Éditions libertaires, 2013, 110 p.

Difficile de qualifier un tel livre : il nes’agit pas d’aphorismes ni de haïkus,même si la longueur de chaque petit textey ressemble. Il s’agirait plutôt de rapidescoups de feu, de courts rappels de notreactualité politique ou culturelle, chacunsuivi d’une réaction de l’auteur, d’uncommentaire la plupart du temps irrité.Ce n’est pas un livre à lire d’un seul trait,ce n’est pas un livre théorique, quoiquela théorie ne soit jamais loin, c’est un livreà lire en picorant, une minute par ci, une

minute par là, un peu comme on pren-drait un médicament afin de garder sacolère intacte. Colère contre l’auteur, caril exagère tout le temps, colère contre soi-même parce que l’on a pas réagi à tel outel discours ou événement avec toutel’énergie souhaitable. Afin de donner unavant-goût à un éventuel lecteur, en voicidonc deux extraits. C’était en 2005 :

Rions un peu avec dieu. « “C’est seu-lement de dieu que vient la véritable ré-volution.” (Benoît XVI, Le nouveaupatron). Après on s’étonnera qu’elle tardetant, la révolution... Si c’est dieu qui dé-cide de la date, les bœufs sont pas sortisde la crèche! »

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Anne Pan et Frédérique Garlaschi,Paroles ouvrières : Le cuir à Graulhet

(Tarn) : 1942-2010, Éditions libertaires,2013, 190 p.

La lecture de ce livre nous transporte. Ils’agit d’un voyage dans le temps. Ces pa-roles ont été recueillies au cours d’ateliersd’écriture menés par les auteures entre2003 et 2010. Elles font revivre une classesociale qui semble avoir disparu au-jourd’hui ! Cette classe ouvrière, ce pro-létariat, sur les épaules desquels tant dethéoriciens comme de militants faisaientreposer la tâche historique de réaliser« la » révolution.

Ces récits, individuels mais concor-dants, nous racontent comment pendantprès d’un siècle le cuir fut travaillé danscette petite ville du Sud de la France,peuplée d’une dizaine de milliersd’habitants. Ville industrieuse, traverséepar un égout à ciel ouvert, la rivière,le Dadou. À son propos, le dicton localdisait « Tan que le dadou pudara, ani vapla » ce qui voulait dire que tant que leDadou sentira mauvais les usines tour-neront.

Ces ouvrières comme ces ouvriersd’origines diverses racontent une vie detravail forcené, d’exploitation au-delà de

l’imagination et en même temps unefierté fantastique du travail bien fait. Ilsnous parlent de ces machines qu’il fallaitservir sans cesse, ces velouteuses, cesrefendeuses, ces dérayeuses et biend’autres avec une affection non feinte.Ce monde de la mégisserie, composéd’ouvriers, de petits patrons et dequelques gros entrepreneurs, où tout cir-culait autour du cuir dans une atmo-sphère à la fois joyeuse et oppressante,entrecoupée de crises sociales dont unepartie de la violence venait justement dufait qu’une bonne partie des petits arti-sans, petits patrons étaient d’anciens ou-vriers. Il suffisait d’un rien pour que toutbascule.

C’est ce qui se passa dans les années1980. Là comme ailleurs, dans le textilepar exemple, le manque d’investissementindustriel laissera la main d’œuvre localeface à celle bien moins payée d’Asie etsurtout de Chine et ce sera la délocalisa-tion. Le savoir faire de ces prolétaires ducuir, petits patrons comme ouvrières etouvriers, disparaîtra comme neige ausoleil, appauvrissant du même coup uneculture ouvrière dont ces paroles portenttémoignage.

Pierre Sommermeyer

Astérix et le CPE. « “Il faut qu’onarrête de jouer aux guerres gauloisesdans les rues de Paris.” (Lellouche,UMP). Oh, regarde Astérix ! Y’a plein deromains tout neuf !... Oui je vois, Obélix.Manque plus que la potion magique. »

Comme ce livre est peu épais, il estfacile à glisser dans la poche afin d’enlire un ou deux passages au cours dela journée pour reprendre un coupd’adrénaline.

Pierre Sommermeyer

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Illustrations de ce numéro

Couverture : Curro González, L'homme orchestre, Musée d’art moderne de Séville, Espagne.Marc-Antoine Mathieu, images peintes sur les murs Angoulême, août 2013 (Photos : PierreSommermeyer), pp. 56-64.Clifford Harper, pp. 117, 118, 120.

Collectif, Le Gouvernement par la peurau temps des catastrophes. Réflexionsanti-industrielles sur les possibilités de

résistance, Éd. de la Roue, 2013, 165 p.

Le collectif éditorial estime que « c’estdans le cours de la catastrophe que s’ex-périmentera ce qui pourra nous éviter lepire et préserver la liberté ». Dans le pré-sent ouvrage, la thèse est simple : lecatastrophisme adopté par les gouverne-ments à la suite des experts sert d’oppor-tunité pour imposer toujours davantagede contraintes et de surveillance, tout enmasquant le danger le plus considérable,déjà bien à l’œuvre, celui de l’industrienucléaire. L’analyse, en revanche, est toutsauf simpliste : la réflexion est profondesur les expertises et les contre-expertises,sur les méthodes d’évaluation desrisques, sur les intérêts du marché de lareconstruction et de la décontamination,sur la dénaturation de l’écologie, sur l’ef-ficacité relative et la difficile cohabitationdes différents modes de contestation etde résistance. Quelles sont les conditionsd’une désertion non récupérable par lespouvoirs, d’une construction d’alterna-tives qui ne soient pas d’inoffensifs « exu-toires » ? Pourquoi si peu d’inquiétudedans la population soumise à la menacenucléaire, ou comment s’opère une lentehabituation, un lent enfoncement dans le

fatalisme de l’impuissance ? Et, tout aufond de la réflexion, comment concevons-nous la civilisation, pour que nous ayonspeur de la perdre en perdant l’électricité ?

Une petite moitié de l’ouvrage estconsacrée à la reproduction de textes pu-bliés entre 1987 et 1992 par le Comité « Ir-radiés de tous les pays, unissons-nous »,dans lesquels s’exprimait déjà la mêmeprécision dans les informations accom-pagnée de la même radicalité politique. Ilest montré avec évidence à quel point lechoix du nucléaire a été celui de la dé-possession et du mépris des populationspar l’État, qui s’est assuré l’exclusivité surles décisions, les informations, la préten-due gestion de la sécurité, condamnantles populations à en subir les consé-quences pendant des milliers d’années. Etce n’est pas le seul domaine, loin s’en faut,où l’on a pu révéler les dissimulationsmeurtrières des autorités, comme l’attestele rappel de l’empoisonnement aux pesti-cides en Espagne en 1981, où on laissa vo-lontairement mourir les malades plutôtque d’incriminer la firme Bayer.

Le plus précieux dans cette mine d’in-formations et de lucidité reste que ladénonciation refuse de sombrer dans lenihilisme mais redessine les valeurs et lesactions susceptibles de refaire tourner laroue vers un monde vivable.

Annick Stevens

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