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Reconstruction de la digue dAramon aprLs la crue de septembre 2002 Reconstruction of Aramon dyke after the September 2002 flood Thibaut MALLET DDAF du Gard Mas de l’Agriculture, 1120 route de Saint-Gilles, BP 78215 - 30942 Nmes Tel. 04 66 04 46 31 Fax 04 66 04 46 21 E.mail : [email protected] Paul ROYET Cemagref UnitØ de recherche « Ouvrages hydrauliques et hydrologie » BP 31, 13612 Aix en Provence Cedex 1 Tel. 04 42 66 99 10 Fax 04 42 66 88 65 E.mail : [email protected] Jean-Bernard CAULT EDF Ple Industrie - Centre dIngØnierie Hydraulique Bureauple bt B - 2, avenue Elsa Triolet (8 Lme ) 13482 MARSEILLE Cedex 20 Tel. 04 96 14 56 41 Fax 04 96 14 56 40 E.mail : [email protected] RØsumØ La commune d’Aramon, situØe prLs de la confluence entre le Rhne et le Gard, est protØgØe par un important systLme d’endiguement qui comprend en particulier une digue qui datait du 18 Lme siLcle. Lors de la crue du Gard en septembre 2002, cette digue a cØdØ en plusieurs endroits, causant cinq victimes. Le diagnostic post-crue a conclut la nØcessitØ de reconstruire totalement cet ouvrage de 1,8 km de longueur. Cette communication dØcrit les principes du nouvel amØnagement qui comporte un long dØversoir, le projet technique retenu et le calendrier des travaux. La commune s’est parallLlement dotØe d’un plan de vigilance qui est Øgalement dØcrit briLvement. Abstract The village of Aramon, situated near the Rhne and Gard rivers junction, is protected against floods by a system of dykes, whose one dated the 18 th century. During September 2002 flood this dyke, 1.8 km long, failed in several places, causing five fatalities. Post-flood diagnosis concluded to the need of completely rebuilding it. This paper describes the design of the new works that includes a long spill weir. In parallel, Local Authorities has established an emergency plan that is also briefly described. Mots-clØs : digue, brLche, reconstruction, dØversoir, plan de vigilance Keywords: dykes for flood protection, breach, reconstruction, spillway, emergency plan 429

Reconstruction de la digue d™Aramon aprŁs la crue de ...symposcience.lyon.cemagref.fr/exl-doc/colloque/ART-00000596.pdf · supØrieure à la crŒte des digues. A la dØcrue, les

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Reconstruction de la digue d�Aramon après la crue de septembre 2002 Reconstruction of Aramon dyke after the September 2002 flood Thibaut MALLET DDAF du Gard Mas de l'Agriculture, 1120 route de Saint-Gilles, BP 78215 - 30942 Nîmes Tel. 04 66 04 46 31 Fax 04 66 04 46 21 E.mail : [email protected] Paul ROYET Cemagref � Unité de recherche « Ouvrages hydrauliques et hydrologie » BP 31, 13612 Aix en Provence Cedex 1 Tel. 04 42 66 99 10 Fax 04 42 66 88 65 E.mail : [email protected] Jean-Bernard CAULT EDF Pôle Industrie - Centre d�Ingénierie Hydraulique Bureaupôle � bât B - 2, avenue Elsa Triolet (8ème) � 13482 MARSEILLE Cedex 20 Tel. 04 96 14 56 41 Fax 04 96 14 56 40 E.mail : [email protected] Résumé La commune d'Aramon, située près de la confluence entre le Rhône et le Gard, est protégée par un important système d'endiguement qui comprend en particulier une digue qui datait du 18ème siècle. Lors de la crue du Gard en septembre 2002, cette digue a cédé en plusieurs endroits, causant cinq victimes. Le diagnostic post-crue a conclut à la nécessité de reconstruire totalement cet ouvrage de 1,8 km de longueur. Cette communication décrit les principes du nouvel aménagement qui comporte un long déversoir, le projet technique retenu et le calendrier des travaux. La commune s'est parallèlement dotée d'un plan de vigilance qui est également décrit brièvement. Abstract The village of Aramon, situated near the Rhône and Gard rivers junction, is protected against floods by a system of dykes, whose one dated the 18th century. During September 2002 flood this dyke, 1.8 km long, failed in several places, causing five fatalities. Post-flood diagnosis concluded to the need of completely rebuilding it. This paper describes the design of the new works that includes a long spill weir. In parallel, Local Authorities has established an emergency plan that is also briefly described. Mots-clés : digue, brèche, reconstruction, déversoir, plan de vigilance Keywords: dykes for flood protection, breach, reconstruction, spillway, emergency plan

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Introduction Le village d'Aramon est situé en lit majeur rive gauche du Gardon, à plus de 6 km du lit mineur de la rivière, près de sa confluence avec le Rhône. Jusqu�au début des années 1970, le village d�Aramon était protégé des débordements directs du Rhône par une digue ancienne longeant la RD126, le Centre de Production Thermique d�Aramon et voyant sa cote progressivement diminuer au fur et à mesure que l�on se déplace vers le sud-ouest (Plan n°1). La fonction de cet endiguement a été rendue caduque par la réalisation au début des années 1970, de digues concédées à la CNR, dont la cote a été calée sur la base d�une crue millénale du Rhône, assortie d�une revanche. Il est à noter que ces digues n�ont subi aucune attaque, ni donc aucun désordre, aussi bien lors de la crue de septembre 2002 que lors de la crue de décembre 2003. Jusqu�en septembre 2002, le village était également protégé des débordements du Gardon ou des inondations par remous du Rhône par une digue ancienne qui s'appuie côté Sud-Est sur la RD126, et côté Nord-Ouest sur le remblai de la voie SNCF Rémoulins - Aramon. Cette digue, calée à une cote nettement plus basse que la digue du Rhône, a été construite au milieu du 18ème siècle par l'ingénieur Pitot, originaire d'Aramon. La digue de 2,5 m de hauteur moyenne est de type homogène en limon. Des maisons sont situées à proximité immédiate de la digue, côté village pour la plupart, mais aussi côté fleuve pour quelques-unes.

Plan n°1 : Configuration de la plaine d�Aramon (source DDAF30)

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1. Les ruptures de la digue lors de la crue de 2002 1.1 Le fonctionnement hydraulique

Suite à l�épisode pluvieux très intense les 8 et 9 septembre 2002, le Gardon a connu une crue d�occurrence plus que centennale. Au niveau de la plaine d�Aramon, la rivière a progressivement inondé son lit majeur dans la journée du lundi 9. Le flot s'est étalé jusqu'au pied de la digue d'Aramon vers 18h30 et a continué à monter. L'eau a d'abord pénétré dans le village par l'un puis l'autre passage batardable, qui n'avaient pas été obturés. Le niveau continuant à monter, la digue a été submergée entre 21 et 22 heures et plusieurs brèches se sont ouvertes, causant une vague d'inondation du village, très brutale. Cinq personnes ont été noyées et 500 habitations ont été inondées. Ensuite, au plus haut, les niveaux se sont équilibrés à une cote légèrement supérieure à la crête des digues. A la décrue, les brèches ont fonctionné dans l'autre sens et ont permis le début de la vidange du casier inondé. Un lever topographique de la digue et des laisses de crues a été réalisé dans un court délai. Il a permis de reconstituer quelques éléments de l�histoire de la digue, en particulier le dérasement de la crête, initialement très étroite, aux fins de création d�un chemin d�entretien.

• Cote initiale de la crête de digue : 14,40 m NGF • Cote réelle de la crête de digue : entre 13,80 et 14,20 m NGF • Niveau maximum de la crue au droit de la digue : 14,60 m NGF

C�est donc une lame d�eau de 40 à 80 cm qui s�est déversée sur la crête de digue. 1.2 Les dégâts sur la digue

Dès le 12 septembre, une équipe du Cemagref s�est rendue sur les lieux pour évaluer les dégâts subis par la digue et proposer des mesures d�urgence. Bien que la digue n�ait pas pu être parcourue dans son intégralité, les désordres constatés étaient les suivants (photo n°1) :

• trois brèches totales, de 10 à 20 m de largeur, ayant entaillé la digue sur toute sa hauteur et creusé une fosse d�érosion en fondation ;

• deux brèches partielles ayant creusé la digue sur toute la largeur de la crête, ne laissant qu�un moignon de remblai coté amont ;

• des fontis importants observables localement en crête de digue ; • des indices de glissement en masse du talus de digue coté village, sur une

zone de 10 m de longueur. Des réseaux de racines et rhizomes (parfois pourris) étaient observables de façon assez généralisée près de la surface, mais apparemment sans traverser le corps de digue. Nous n'avons pas vu de terriers d'animaux, mais ceci est à prendre avec

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réserve, compte tenu de la végétation des talus (canne de Provence relativement dense, donc difficilement pénétrable).

Photo n°1 : Brèche sur le tronçon Sud de la digue (photo P. Royet)

La digue et sa fondation sont apparues totalement saturées et leurs caractéristiques mécaniques affaiblies. En conclusion, la digue n'était pas en mesure de résister à une nouvelle mise en charge, même partielle. Il était préconisé, en solution définitive, de reconstruire la digue dans les règles de l'art et sur toute sa longueur. Dans l'attente, nous déconseillions formellement de combler les brèches qui avaient entaillé la digue, de façon à ne pas donner un sentiment de fausse sécurité aux populations, alors que la tenue de la digue dans les zones apparemment encore intactes ne pouvait être garantie en cas de nouvelle mise en charge. Cette recommandation n�a pas pu être tenue, heureusement sans conséquence vu l�absence de nouvelle crue majeure dans les six mois qui ont suivi. Par ailleurs, sur le tronçon de l'ancienne digue du Rhône, à proximité de la centrale EDF, une brèche est survenue en septembre 2002, dont l'origine a été attribuée à un mécanisme de suffusion en fondation dans des couches de matériau perméable, au droit d�un ancien bras du Rhône. Ce tronçon a fait l�objet d�un traitement par réalisation d�une coupure étanche en palplanches, mais n�est pas décrit dans la présente note.

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2. La reconstruction de la digue 2.1 Principaux acteurs de la reconstruction

Devant l�urgence de la reconstruction et en l�absence de propriétaire (la digue de Pitot n�était pas cadastrée), il a été décidé que la commune d�Aramon serait maître d�ouvrage de l�opération. Cette dernière a confié la maîtrise d��uvre de l�opération à la DDAF du Gard, qui a sollicité une assistance technique auprès du Centre d�Ingénierie Hydraulique d�EDF. Enfin, un comité composé d�experts du CIH d�EDF et du Cemagref a été mis en place pour la validation des étapes clés du projet. Préalablement au dimensionnement de la digue, des études hydrauliques, géotechniques, topographiques et foncières étaient rapidement lancées. Les études hydrauliques étaient confiées au bureau d�étude Sogréah, ce dernier disposant d�un modèle numérique calé sur modèle physique lors des études TGV. Les études géotechniques étaient confiées à EDF et les études topographiques et foncières à un géomètre expert local. 2.2 Planning de l’opération

Le délai retenu par le maître d�ouvrage pour l�achèvement des travaux était fixé à septembre 2003, ce qui imposait, compte tenu du délai des travaux (5 mois) et de la procédure de consultation, de réaliser le projet dans un délai de trois mois. 2.3 Principes et critères de dimensionnement

Trois principes ont prévalu à la conception du nouvel aménagement : • conserver, pour la commune d�Aramon, le même niveau de protection que

celui apporté par la digue d�origine ; • concevoir un aménagement qui permette, en cas de crue exceptionnelle,

une inondation lente du village, sans rupture de digue ; • ne pas aggraver, par rapport à la situation antérieure, les lignes d�eau en

crue dans la plaine d�Aramon. Après avoir étudié toute une série de solutions et modélisé leur impact hydraulique dans diverses configurations, le dimensionnement suivant a été proposé :

• niveau de protection à la cote 14,40 m NGF, représentant le niveau de la crête de digue avant les travaux de dérasement pour élargir l�accès (niveau attesté par des levés CNR datant de 1960) ;

• digue déversante à la cote 14,40 m NGF sur 900 m de longueur dans la zone Nord Ouest, la plus éloignée des habitations ;

• digue non submersible, calée à la cote 15,50 m NGF sur 900 m de longueur dans la zone Sud, où la digue est à proximité de maisons.

La longueur de la partie déversante a été calculée pour permettre, en cas de crue exceptionnelle atteignant la cote de 15,50 NGF, un pré-remplissage suffisant du casier d�Aramon, pour que le risque résiduel de rupture au moment de la surverse sur le tronçon non submersible soit le plus faible possible. C�est la cote aval de

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13,50 NGF (qui correspond à une hauteur d�eau moyenne de 2,50 m dans la partie basse d�Aramon et 0,50 m dans le centre village), qui a été retenue comme niveau de pré-remplissage. Un tel aménagement permet une protection du village d�Aramon contre des crues du Gardon ou contre des crues par remous du Rhône pour des occurrences supérieures à 100 ans. Pour les crues exceptionnelles, dépassant la cote 14,40 m NGF, le déversoir entre en fonction et le village est « lentement » inondé. Le modèle numérique bidimensionnel a permis d�estimer, pour plusieurs scénarii, la cinématique de remplissage du secteur endigué ; sur la base de ces modélisations, la commune a pu affiner son plan de vigilance et d�évacuation. 2.4 Reconnaissances géotechniques

A la suite d�une nouvelle inspection visuelle effectuée fin novembre 2002, une première série d�investigations légères a été engagée afin de :

• déterminer les caractéristiques mécaniques des matériaux constituant l�ouvrage existant ;

• confirmer le diagnostic ; • et prévoir les investigations lourdes à engager pour déterminer le modèle

géologique de la fondation et concevoir la nouvelle digue. Ces investigations ont essentiellement consisté en sondages à la pelle mécanique dans le corps de digue et aux pieds amont et aval, ainsi qu�en reconnaissances au pénétromètre PANDA. Les résultats ont permis de confirmer le diagnostic du Cemagref, ainsi que les hypothèses de rupture. Il apparaissait donc inéluctable de procéder à la reconstruction totale de l�ouvrage afin que ses finalités de protection des populations soient à nouveau assurées de façon pérenne. Une seconde opération d�investigations géologiques et géotechniques a donc été lancée dès mi-décembre 2002 en vue de la conception du nouvel ouvrage. Ainsi, sur le tracé complet de la digue « Pitot » et de l�ancienne digue du Rhône, il a été prévu 32 sondages à la tarière de 10 m de profondeur, tous les 50 m sur la longueur de 1600 m de la digue, 8 sondages carottés de 10 m de profondeur également, tous les 200 m sur la longueur totale de la digue, et 32 essais Panda complémentaires en pied amont et aval lorsqu�ils étaient possibles en fonction des conditions climatiques. Des essais complémentaires étaient également prévus sur une variante possible du tracé futur de la nouvelle digue. Les résultats résumés, après les essais en laboratoire, sont les suivants : ! Données géologiques :

La partie superficielle de la fondation et le corps de digue sont constitués en majeure partie par des alluvions fines limono-sableuses jusqu�à 3 à 4 m sous le niveau du terrain naturel. Ces limons présentent un faciès plutôt

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silteux et sableux jusqu�au PM 800 et plutôt argileux au delà du PM 1000. La digue et la fondation proche peuvent sembler homogènes, mais les résultats des investigations montrent que sous ces alluvions fines, une transition s�opère entre le PM 900 et 1000 (schéma n°1). En effet, dans le tronçon sud (PM 0 à 500), le matériau est peu argileux et se présente sous la forme de silts et sables fins. Entre 500 et 1000, il semble correspondre à une transition entre alluvions grossières et alluvions fines. Ces dernières sont caractérisées sur le tronçon nord (PM 100 à 1600) par de fortes teneurs en argiles et des résistances élevées.

Schéma n°1 : Visualisation de la géologie sous la digue (source EDF)

! Mesure de la teneur en eau : Les valeurs relevées (schéma n°2) montrent que la teneur en eau est beaucoup plus élevée en partie nord qu�en partie sud, tant en profondeur qu�en surface.

Schéma n°2 : Mesure de la teneur en eau (en abscisse : distance en m ; en

ordonnée : profondeur en cm) (source EDF)

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! Essais au Panda :

La valeur issue de ces essais est une résistance de pointe dynamique. Le graphique n°3 indique la répartition des moyennes harmoniques (écrêtement des fortes valeurs de résistance) des résistances obtenues lors des essais. Les zones de brèches importantes, situées au voisinage des PM 400 et 750, correspondent aux zones de résistance les plus faibles. De plus, ces zones sont situées à la base de la digue. On observe une corrélation élevée entre teneurs en eau et résistances de pointe : les zones à plus forte résistance sont les moins riches en teneur en eau.

Schéma n°3 : Moyenne harmonique des résistances de pointe (en MPa) des essais au Panda (en abscisse : distance en m ; en ordonnée : profondeur en cm) (source EDF)

2.3 Conception technique de la digue (partie déversante et partie non submersible)

En parallèle aux études géologiques et géotechniques en cours, dans le souci de respecter les objectifs de délais liés à la reconstruction de la digue, les critères de conception ont été arrêtés lors de la tenue de réunions d�experts, par pré-dimensionnement en fonction des éléments déjà connus quant à la nature des matériaux, puis de façon itérative au fur et à mesure de la connaissance des résultats des investigations et essais géotechniques. Il a été décidé de reconstruire une digue en matériaux homogènes fondée au terrain naturel sur une clé d�ancrage permettant un allongement des lignes d�eau. Cette dernière présente un profil en long basé sur deux profils en travers, l�un non submersible et l�autre déversant, afin de répondre aux principes et critères de

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dimensionnement résultant des hypothèses hydrauliques (Plan n°2). Le tracé en plan résulte, quant à lui, d�une optimisation entre les caractéristiques géologiques et géotechniques des terrains reconnus et l�occupation foncière. Les profils en travers types des deux profils déversant et non déversant résultent des études de stabilité et d�érosion interne effectuées à partir des études géologiques et géotechniques, ainsi que des hypothèses résultant des cas de charge subis par l�ouvrage suite à des crues extrêmes du Rhône ou du Gardon. Un gradient hydraulique H/L inférieur à 1/8 a été retenu pour prévenir des phénomènes d�érosion interne. L�estimation des vitesses en pied de digue, utile au dimensionnement du coursier et bassin de dissipation de la digue déversante, a été estimée par analogie avec les dissipateurs en marches d�escaliers suivant la méthodologie décrite dans [CHANSON, 1994].

Plan n°2 : Localisation du tronçon déversant (Source DDAF 30)

! Conception du tronçon insubmersible. Le corps de digue est reconstruit avec des talus dont la pente est établie à 1H/2V ; la largeur en crête est de 3,00m. Une clé d�ancrage est réalisée dans le terrain naturel entre 1,20 m et 2,00 m de profondeur en fonction de la présence de la nappe lors de la réalisation des travaux, dans l�axe de l�ouvrage. En pied de talus amont et aval, deux butées sont créées, à cote constante, surmontées au final par un chemin d�entretien de 3,00 m et un accotement de 1,00 m de largeur. Les matériaux du corps de digue et de la clé d�étanchéité proviennent de la digue

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existante après remaniement pour satisfaire les conditions de mise en �uvre, et d�un emprunt situé à quelques kilomètres (schéma n°4). Les protections des talus sont constituées de matériaux de carrière destinés à limiter les effets de l�érosion interne, participer à la stabilité d�ensemble et à assurer une barrière anti-fouisseurs. L�interface entre le corps de remblai et la protection en enrochements est traitée par la mise en place d�un géotextile permettant de limiter les effets dus à l�érosion interne. Les revêtements des chemins de crête et des pieds de talus sont réalisés en grave non traitée et la surface des talus est revêtue de terre végétale engazonnée pour permettre une intégration paysagère de l�ouvrage.

Schéma n°4 : Profil type digue non submersible (source EDF)

! Conception du tronçon déversant

Le corps de digue est reconstruit avec des talus dont la pente est établie à 2,5H/1V, dans les mêmes conditions que le tronçon insubmersible. En revanche, le pied de talus aval se prolonge par un bassin de dissipation de 5,00 m de largeur qui assure, avec la présence d�enrochements massifs, la dissipation de l�énergie de la lame déversante en début d�épisode (schéma n°5). La protection du talus amont est assurée par des enrochements libres sous le niveau de l�étanchéité. Au dessus de cette cote, les enrochements sont liés au béton. Il en est de même pour la crête de la digue. La protection du talus aval est assurée par des enrochements liés au béton également, mais dont les têtes dépassent, afin d�assurer un rôle de dissipation d�énergie vis à vis de la lame d�eau déversante. Le drainage entre corps de remblai et carapace de protection est assuré par une couche de matériaux drainants. L�interface entre remblai du corps de digue et matériaux drainants est également

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traitée par mise en �uvre d�un géotextile filtrant permettant de prévenir l�érosion interne. Les revêtements des chemins de crête sont réalisés en grave non traitée, et les talus amont et aval sont revêtus de terre végétale engazonnée.

Schéma n°5 : Profil type digue déversante (source EDF)

2.4 Déroulement des travaux Avec un léger décalage sur le planning fixé par le maître d�ouvrage, les travaux débutaient en juin 2003 pour être pratiquement achevés quelques jours avant la crue du Rhône de décembre 2003. Ils ont été réalisés par le groupement d�entreprises VALERIAN/Société des Carrières Vauclusiennes et se sont déroulés sous assurance qualité.

Schéma n°6 : Méthodologie de reconstruction de la digue non submersible (Source VALERIAN)

Préalablement aux opérations de démontage de l�ancienne digue, il a été procédé

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au décapage de la terre végétale en surface de digue et sur les zones d�emprise du nouvel ouvrage (schéma n°6). Cette opération réalisée, l�axe de la digue à reconstruire étant décalé de quelques mètres en amont par rapport à l�axe d�origine, le démontage et la reconstruction du nouveau corps de digue ont été menés en parallèle, les déblais étant directement mis en remblai (photos n°2 & 3). Les matériaux manquants étaient complétés par des emprunts provenant d�un chantier sur la commune voisine de Théziers.

Photos n°2 et 3 : Démontage de l�ancienne digue et réalisation du nouveau corps

de digue (Photo DDAF30) Les niveaux de compacité demandés au C.C.T.P. étaient les suivants : - 95 % de l�OPN dans le corps de digue ; - 98 % de l�OPN sur les 30 derniers centimètres. Malgré les contraintes de mise en �uvre que laissaient présager les études géotechniques réalisées durant l�hiver 2002-2003 (forte teneur en eau des matériaux, présence de la nappe à 50 cm sous le terrain naturel), les bonnes conditions météorologiques de l�été 2003 ont permis le compactage des matériaux aux pieds dameurs (permettant de se dispenser des opérations de scarification) sans traitement particulier ; un arrosage s�est même avéré nécessaire en fin des opérations de terrassements. La présence de la nappe juste en dessous du fond de fouilles (soit à 2,0 m sous le terrain naturel) et des faibles indices de portance ont néanmoins obligé à limiter à 90 % de l�OPN le niveau de compacité des 50 premiers centimètres de remblai, ce qui, compte tenu des dimensions minimales retenus pour la clé d�ancrage (1,20 m sous le terrain naturel), n�a pas remis en cause le dimensionnement de la digue. Sur les 110 000 m3 de limons de type A1m mis en �uvre, les mesures effectuées par l�entreprise dans le cadre du PAQ ont été les suivantes : - 537 mesures de gammadensimètre, soit une mesure tous les 200 m3 environ ; - 21 identifications (granulo, Vbs, IP, OPN), soit une mesure tous les 5 000 m3 ; - 6 mesures de teneur en eau par jour.

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En sus de ces contrôles externes, des contrôles extérieurs effectués par le cabinet FONDASOL étaient effectués pour venir corroborer les valeurs mesurées par l�entreprise. La carapace en enrochements liés au béton a été réalisée en deux couches sur le coursier (épaisseur 70 cm) pour permettre une meilleure diffusion du béton entre les enrochements et en une seule couche sur la crête de digue (épaisseur 50 cm).

Photos n°4 : Tronçon déversant achevé (Photo DDAF30)

3. Le plan communal de mise en sécurité de la population Parallèlement à la reconstruction de la digue, un plan communal de mise en sécurité des populations était mis en place par la Commune. Ce plan a été défini suivant les 2 axes suivants : - définition de niveaux d�alerte ; - définition d�un zonage au sein des secteurs soumis au risque inondation. En fonction des niveaux d�alerte, du zonage et du délai minimum d�évacuation (fixé à 4 heures), des mesures spécifiques ont été définies respectivement pour les crues lentes du Rhône et pour les crues rapides du Gardon.

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Ainsi, pour une crue lente du Rhône, l�ordre d�évacuation a été fixé à la cote de 14,20 NGF (soit 0,20 m en dessous du seuil déversant) ou pour un débit du Rhône à Beaucaire de 12 300 m3/s à la hausse. Pour une crue rapide du Gardon, le gradient de montée de la crue au droit de la digue (1 m/h en septembre 2002), impose que les décisions relatives à l�évacuation de la population soient prises en fonction des niveaux observés - et de leur évolution - plus en amont sur le cours d�eau (à Collias et à Ners). Des fiches réflexes rappelant les mesures à prendre en situation de crise ont été élaborées à la fois pour les élus et les services techniques de la Commune. 4. La crue de décembre 2003 4.1 Fonctionnement hydraulique

Suite aux précipitations généralisées ayant affecté le quart Sud-Est de la France, le Rhône a vu son niveau monter progressivement du 1er au 3 décembre, jusqu'à atteindre des débits exceptionnels. Parallèlement, le 3 décembre, le Gard a connu une crue moyenne. De ce fait, la plaine d'Aramon a été inondée à partir du 3 au matin, d'abord par remous du Rhône. Le flot s'est étalé jusqu'au pied de la digue d'Aramon et a continué à monter. La cote 14,00 était atteinte à 14h au moment de notre visite sur place. Avec la poursuite de l'augmentation du débit du Rhône et la montée du Gard dans l'après-midi, le niveau dans la plaine a continué à augmenter progressivement. Le déversoir est entré en fonctionnement vers 22h30 et a débité jusqu'à 03h le jeudi 4 décembre 2003. La cote maximale atteinte est estimée à 14,57 NGF. Compte tenu de la courte durée et de la faible lame d'eau de déversement, seuls les points bas de la dépression ont été inondés et quelques jardins de maisons ont été très légèrement touchées. Le 4 décembre à 16h, la cote était redescendue à environ 13,00 NGF. Au plus fort de la crue entre 0h et 3h le 4 décembre, le débit dans le Rhône à Tarascon est estimé1 à environ 13 000 m3/s, dont 1 200 m3/s en provenance du Gardon. Le plan de vigilance de la commune d'Aramon, qui prévoit l'évacuation de la population avant que l�eau n�atteigne le déversoir, a été activé préventivement en cours d'après midi le 3 décembre, pour éviter une évacuation de nuit. La population a pu regagner ses habitations dès le lendemain.

1 Estimation immédiatement après la crue, remise en cause à la baisse.

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4.2 Constats lors des visites Les auteurs ont pu procéder à des observations à la montée de la crue (3 décembre), au début de la décrue (4 décembre) et quelques jours plus tard (9 décembre). Il en ressort les points suivants :

• Face à une crue exceptionnelle du Rhône, survenue alors que les travaux n'étaient pas encore totalement terminés, l'aménagement s'est comporté conformément à sa conception et la gestion de crise a été efficace.

• Dans sa partie non submersible, la digue n'a présenté aucun désordre et s'est parfaitement comportée.

• Dans la partie déversante, les résurgences relativement abondantes observées en pied aval de digue (photo 5), apparues à la montée de crue puis disparues à la descente au passage de la cote 13,70 NGF, sont probablement dues à un défaut du contact entre le géotextile et les enrochements liés. Cette hypothèse est confortée par l'observation de cônes d'érosion sur la partie supérieure du talus amont. En première analyse, il ne semble pas y avoir eu érosion des matériaux du drain aval. Cependant l'importance des débits de fuite nous a amené à préconiser le traitement de ce défaut.

• La réparation, bien que partielle, de la brèche près de la centrale EDF a été efficace (photo n°6). Cependant, les observations faites après une mise en charge de plusieurs heures montrent que cette zone reste fragile, dans l'attente du traitement définitif en fondation.

Photo n°5 : Partie déversante de la digue. Résurgence en pied aval (photo P. Royet, le 3/12)

Photo n°6 : Digue renforcée après déversement (photo DDAF30)

4.3 Travaux complémentaires Le parachèvement de l�étanchéité des 50 cm supérieurs de la crête déversante a été réalisé par injections durant le printemps 2004. Après réalisation de sondages de reconnaissance et d�une planche d�essais, le

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traitement a été réalisé suivant la procédure suivante : - réalisation d�une seule ligne avec des forages espacés tous les 50 cm ; - limitation des volumes de passes et multiplication du nombre de passes par

forages pour optimiser la concentration du coulis dans l�axe du voile.

En fin de travaux, l�observation visuelle de sondages carottés effectués tous les 50 mètres a permis de valider le résultat du traitement. Ces travaux complémentaires ont permis de dresser un diagnostic plus précis des origines des infiltrations, à savoir : - présence de vides entre le géotextile et les enrochements, dû à la technique

des enrochements liés ; - diamètre maximum du gravier du béton (22 mm) pour un diamètre minimum

des enrochements de 200 mm ; ce dernier point montre clairement que l�importance du diamètre des graviers n�a pas permis une migration optimale du béton entre les interstices.

Conclusion La crue de septembre 2002 a provoqué la surverse sur la digue d�Aramon, entraînant cinq victimes et des dégâts considérables. La crue a révélé l�état médiocre de cette digue ancienne et un peu oubliée, mais a surtout mis en évidence une lacune majeure de cet aménagement : l�absence de déversoir. Face à l�émotion provoquée par cette catastrophe, la décision a été très rapidement prise de reconstruire complètement la digue. Malgré les pressions, le nouvel aménagement n�apporte pas une protection plus élevée que l�ancien. Mais il présente une sécurité considérablement accrue :

• la digue reconstruite répond désormais aux règles de l�art en matière d�ouvrages hydrauliques ;

• un tronçon déversant permet une inondation lente du village en cas de crues dépassant l�événement de référence, et la surverse sur le tronçon de digue proche des habitations est désormais exclue ;

• un plan de vigilance a été élaboré, qui a prouvé son efficacité lors de la crue de décembre 2003.

Les travaux de reconstruction de la digue ont été menés dans des délais très courts et se sont achevés tout juste avant la crue de fin 2003. A cette occasion, on a pu constater le bon comportement de l�ouvrage, même si des travaux complémentaires ont du être engagés pour améliorer l�étanchéité de la carapace d�enrochements coiffant la partie déversante de la digue. Ce dernier point nous amène à recommander de réaliser la crête des digues déversantes en maçonnerie d�enrochements (et non en enrochements percolés). Si l�on fait le choix des enrochements percolés, il convient alors de prescrire un rapport assez important (entre 20 et 30) entre le diamètre maximum du gravier du béton et le diamètre minimum des enrochements, pour permettre une bonne diffusion du béton. Le coût total de la démolition et de la reconstruction de la digue d�Aramon s�est élevé à 3 M�, y compris études, acquisitions foncières et maîtrise d��uvre.

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Références Chanson, 1994. Hydraulic Design of Stepped Cascades, Channels, Weirs and Spillways. Elsevier Royet P., 2002. Inondations des 8, 9 et 10 septembre 2002 dans le département du Gard - Dégâts aux digues et ouvrages hydrauliques - Aramon, Rapport au Préfet du Gard, Cemagref CETE Méditerranée Royet P., Mallet T., 2003. Inondations des 3 et 4 décembre 2003 le long du Rhône - Comportement des digues et ouvrages hydrauliques � Aramon DDAF30 : Etudes préliminaires � reconstruction de la digue d�ARAMON suite à la crue du Gardon du 9 septembre 2002 � février 2003 EDF-CIH : Note de synthèse � reconstruction de la digue d�ARAMON et de la digue du Rhône � Etudes préliminaires � note de synthèse- EDF-CIH-H1758/H /DIGARAM EP EDF-TEGG : Note d�étude. Digue d�Aramon : Compte rendu de visite � Synthèse des essais géotechniques. EDF-TEGG E-F-T.GG/03-0044.A du 18-04-2003. EDF-CIH : Note technique. Commune d�Aramon. Reconstruction de la digue d�Aramon. Etude de stabilité - EDF-CIH - IH/ZRAME/DIGARAM-EP/00001A du 23-05-2003. SOGREAH : Reconstruction de la digue « de Pitot » - expertise hydraulique � rapport n°102781 � février 2003 VALERIAN/SCV : PAQ � reconstruction de la digue d�Aramon suite à a crue du 9 septembre 2002 � procédure exécution des déblais-remblais - juin 2003

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