8
Qui était réellement Georges Washington Williams ? Premier critique de l’État Indépendant du Congo. Georges Washington Williams est né le 16 octobre 1849 à Bedford Springs dans l’état de Pennsylvanie aux États-Unis comme premier fils des quatre enfants de la famille de Thomas et d’Ellen Rouse Williams. Né libre car sa mère était née libre alors que son père né dans l’esclavage avait dû gagner sa liberté. Un an après sa naissance, la famille déménage dans la ville de Johnstown où son père a trouvé un emploi mais comme celui-ci succombe à la boisson, sa mère émigre avec ses enfants dans la localité de Newcastle toujours en Pennsylvanie. Plus tard, redevenu sobre, Thomas rejoindra sa famille et s’établira comme barbier. Tout ceci pour souligner l’enfance chahutée de Georges dont le père ne fut pas concerné par l’éducation et qui devenu un teenager difficile et rebelle fut placé dans une institution spécialisée dans l’éducation des enfants indisciplinés, pour y apprendre également le métier de barbier. Il s’en échappe à l’âge de quatorze ans et va s’enrôler sous un faux nom (William ou Charles Steward) dans l’armée nordiste avec laquelle il participera aux derniers combats de la guerre civile. Enfant-soldat sous une fausse identité ayant trompé le bureau d’enrôlement sur son âge. Assoiffé d’aventure, au terme de la guerre de sécession, il s’engage comme mercenaire dans les troupes républicaines mexicaines du général Espinoza pour se battre contre les troupes françaises, belges et autrichiennes de l’empereur Maximilien dont l’épouse est la sœur de Léopold II. Lieutenant à la bataille de Palomar où les troupes républicaines sont écrasées par les troupes belges du colonel van der Smissen, il garde probablement un fort ressentiment à l’égard d’un jeune et audacieux lieutenant belge nommé Wahis. Rentré au États-Unis en 1867, il s’engage pour cinq ans comme sergent-major au 10th de cavalerie au fort Laevensworth du Kansas et part occire, dans les territoires indiens, en dépit des nombreux traités signés, les restes des tribus sioux, shoshone et cheyenne. Blessé à la bataille de Richmond, il sera blessé une seconde fois plus gravement (poumon perforé) et, démobilisé en 1868 après sa convalescence. Il n’a pas encore vingt ans quand il revient définitivement à la vie civile. Il décide alors de s’instruire et est accepté à l’Université Howard à Washington mais il n’y a pas d’évidence qu’il y soit resté longtemps puisqu’il s’inscrit dans des cours d’anglais et travaille d’arrache-pied pour développer ses connaissances académiques. En 1870 il est admis au Newton Theological Institute à Cambridge au Massachusetts et en 1874 il est reçu premier afro-américain docteur en Sciences religieuses. Encore aux études, il rejoint l’Église baptiste de la douzième rue à Boston dans laquelle il œuvre parfois comme pasteur, une église réputée pour l’aide qu’elle apporte aux esclaves fugitifs vers le Canada. C’est là qu’il rencontrera Sarah A. Sterret et qu’il l’épousera le 2 juin 1875 Une année plus tard, après avoir eu un fils, il déménage vers Washington D.C et, avec l’aide du «sage d’Anacostia» Frederick Douglass et de l’éditeur Garnison du William Lloyd, il fonde, pour les intérêts de la population noire, un journal mensuel appelé The Commoner (le roturier) qui n’aura pas de succès et qui disparaîtra 8 mois plus tard. Pour nourrir sa famille il fut alors forcé de trouver un travail à la poste de Washington. Il accepte alors un poste de pasteur de l’Union Baptist Church à Cincinnati dans l’Ohio et, sous le nom d’Aristides, il écrit rapidement une rubrique dans le Cincinnati Commercial. À cette époque il montre également un intérêt pour la politique et plus particulièrement pour améliorer les opportunités économiques pour la population de couleur.

Qui était réellement Georges Washington Williams …abergo1.e-monsite.com/medias/files/g-w-williams2.pdfdurant laquelle il aurait informé le oi de son dési de visite l’État

  • Upload
    dangnga

  • View
    213

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Qui était réellement Georges Washington Williams ? Premier critique

de l’État Indépendant du Congo.

Georges Washington Williams est né le 16 octobre 1849 à Bedford Springs dans l’état de Pennsylvanie aux États-Unis comme premier fils des quatre enfants de la famille de Thomas et d’Ellen Rouse Williams. Né libre car sa mère était née libre alors que son père né dans l’esclavage avait dû gagner sa liberté. Un an après sa naissance, la famille déménage dans la ville de Johnstown où son père a trouvé un emploi mais comme celui-ci succombe à la boisson, sa mère émigre avec ses enfants dans la localité de Newcastle toujours en Pennsylvanie. Plus tard, redevenu sobre, Thomas rejoindra sa famille et s’établira comme barbier.

Tout ceci pour souligner l’enfance chahutée de Georges dont le père ne fut pas concerné par l’éducation et qui devenu un teenager difficile et rebelle fut placé dans une institution spécialisée dans l’éducation des enfants indisciplinés, pour y apprendre également le métier de barbier. Il s’en échappe à l’âge de quatorze ans et va s’enrôler sous un faux nom (William ou Charles Steward) dans l’armée nordiste avec laquelle il participera aux derniers combats de la guerre civile. Enfant-soldat sous une fausse identité ayant trompé le bureau d’enrôlement sur son âge. Assoiffé d’aventure, au terme de la guerre de sécession, il s’engage comme mercenaire dans les troupes républicaines mexicaines du général Espinoza pour se battre contre les troupes françaises, belges et autrichiennes de l’empereur Maximilien dont l’épouse est la sœur de Léopold II. Lieutenant à la bataille de Palomar où les troupes républicaines sont écrasées par les troupes belges du colonel van der Smissen, il garde probablement un fort ressentiment à l’égard d’un jeune et audacieux lieutenant belge nommé Wahis. Rentré au États-Unis en 1867, il s’engage pour cinq ans comme sergent-major au 10th de cavalerie au fort Laevensworth du Kansas et part occire, dans les territoires indiens, en dépit des nombreux traités signés, les restes des tribus sioux, shoshone et cheyenne. Blessé à la bataille de Richmond, il sera blessé une seconde fois plus gravement (poumon perforé) et, démobilisé en 1868 après sa convalescence. Il n’a pas encore vingt ans quand il revient définitivement à la vie civile. Il décide alors de s’instruire et est accepté à l’Université Howard à Washington mais il n’y a pas d’évidence qu’il y soit resté longtemps puisqu’il s’inscrit dans des cours d’anglais et travaille d’arrache-pied pour développer ses connaissances académiques. En 1870 il est admis au Newton Theological Institute à Cambridge au Massachusetts et en 1874 il est reçu premier afro-américain docteur en Sciences religieuses. Encore aux études, il rejoint l’Église baptiste de la douzième rue à Boston dans laquelle il œuvre parfois comme pasteur, une église réputée pour l’aide qu’elle apporte aux esclaves fugitifs vers le Canada. C’est là qu’il rencontrera Sarah A. Sterret et qu’il l’épousera le 2 juin 1875 Une année plus tard, après avoir eu un fils, il déménage vers Washington D.C et, avec l’aide du «sage d’Anacostia» Frederick Douglass et de l’éditeur Garnison du William Lloyd, il fonde, pour les intérêts de la population noire, un journal mensuel appelé The Commoner (le roturier) qui n’aura pas de succès et qui disparaîtra 8 mois plus tard. Pour nourrir sa famille il fut alors forcé de trouver un travail à la poste de Washington. Il accepte alors un poste de pasteur de l’Union Baptist Church à Cincinnati dans l’Ohio et, sous le nom d’Aristides, il écrit rapidement une rubrique dans le Cincinnati Commercial. À cette époque il montre également un intérêt pour la politique et plus particulièrement pour améliorer les opportunités économiques pour la population de couleur.

Il étudie également le droit sous la direction d’Alfonso Taft (le père du Président William Howard Taft). En 1879 le parti républicain du comté d’Hamilton le propose pour occuper un siège à « l’Ohio House of Representatives ». Malgré les critiques des républicains blancs et noirs, il fut élu en 1880 avec 1400 votes favorables et sera le premier homme de couleur à siéger dans une telle assemblée. Durant son mandat il fit partie de différentes commissions et particulièrement actif dans la proposition qui regarde la législation relative au mariage interracial, mais il mécontenta la population noire quand il prit position pour une proposition de la population blanche au sujet des cimetières pour la population noire.

Après une année au service de l’Ohio House of Representatives, il ne sera pas élu pour un second mandat et voyagera plutôt à travers les États-Unis visitant les grandes bibliothèques et prenant des notes pour écrire un livre d’histoire qui paraîtra en 1883, The History of the Negro Race from 1619 to 1880 : Negroes as Slaves, Soldiers and as Citizens. Ouvrage dont la qualité étonne d’autant plus que Williams n’a reçu aucune formation d’historien comme le fait remarquer son biographe John Hope Franklin. En 1885, le Président Chester Arthur désigne Williams pour être l’ambassadeur des États-Unis à Haïti, mais il n’occupera jamais le poste l’administration suivante ayant annulé sa nomination. En 1887 il écrira un autre livre : History of the Negro Troops in the War of the Rebellion 1861-1865 dont W.E.B Dubois dira le plus grand bien.

Mais Georges Washington Williams qui semble être partout et connaître tout le monde, a la fâcheuse aptitude à ne pas savoir garder une amitié, comme le souligne son principal biographe, lequel le qualifie même de «trickster» dont la signification française s’exprime par les mots «tricheur» ou «fourbe» ; il précise également que Williams se détache totalement de sa famille proche, femme et enfant, et même qu’il les abandonne. En 1889, son intérêt pour l’Afrique et pour la lutte antiesclavagiste l’engage à venir à Bruxelles en vue de participer à la conférence organisée dans cette ville par Léopold II. L’intérêt qu’il montre à l’égard de Léopold II lui apporte le soutien du financier Collis Huntington et celui du Président des États-Unis, Benjamin Harrison. Mais dans le but d’assurer les frais de son passage, il signe un contrat avec S.S. McClure’s Associated Literary Press, les futurs éditeurs du McClure’s Magazine. À l’issue de la conférence, il aurait demande et obtenu une audience au palais royal à Bruxelles durant laquelle il aurait informé le roi de son désir de visiter l’État Indépendant du Congo. Le souverain, toujours bien informé au sujet des gens qu’il reçoit, lui aurait conseillé sagement de renoncer à ce voyage. Sans connaître les raisons de ce conseil, on peut supposer qu’il concerne la blessure au poumon de Williams et la difficulté qu’il aurait, sur place, de bénéficier d’une assistance médicale adéquate en cas de besoin. Il paraîtrait également que le roi craignait que Williams ne soit assassiné au Congo ( ?). Dans les bureaux de l’EIC, il croise une vieille connaissance, rencontrée au Mexique, qui se prépare à rejoindre le Congo pour un poste d’importance : l’ancien lieutenant Wahis.

Pourquoi utiliser le conditionnel dans le paragraphe précédent ? Parce qu’en novembre 1889, un « colonel » américain, répondant au nom de Williams, porteur d’une lettre de recommandation d’une haute personnalité de Washington, était reçu dans les sphères officielles de la conférence antiesclavagiste de Bruxelles, où son projet était de se faire attacher comme délégué des États-Unis. [Il n’est pas cité dans les participants. Les deux seuls représentants officiels des États-Unis étaient Edwin H Terrell, envoyé extraordinaire et ministre

plénipotentiaire près du roi des Belges et Henry S. Sandford]. Suite à un échec dans ce domaine, le colonel s’offrit à prendre du service à l’État Indépendant du Congo sans plus de succès. Il se proposa alors « dans un but humanitaire et civilisateur » pour l’emploi plus modeste d’agent recruteur pour le compte d’une compagnie commerciale du Congo, en faisant valoir la recommandation d’un fondateur américain de cette compagnie. De cette manière, il obtint l’autorisation d’aller aux États-Unis le 1er décembre 1889. Le 12 décembre, il annonça qu’à la suite d’une conférence devant 1000 étudiants à Hampton, il avait enrôlé dix agents qui allaient bientôt partir pour Anvers et que des directeurs de collège allaient poursuivre, dans les mois à venir, le recrutement de jeunes gens de couleur intelligents et instruits. Tout cela était de pure invention ; jamais aucun de ces agents ne se présenta à Anvers. Parti au Congo, le « colonel » Williams se lia d’amitié avec des négociants hollandais [dans les factoreries du Bas Congo présentes là depuis 25 années] dont certains lui firent part de leurs griefs contre l’état. C’est sur le bateau hollandais « Holland » qu’il aurait navigué jusqu’aux Falls recueillant partout les rumeurs défavorables au gouvernement. En 1891 il réunit toute cette documentation et publia une brochure qui était un pamphlet à l’adresse de l’EIC., tout cela sans un nom précis ni sans une date permettant de vérifier le bien-fondé de ces propos. Une séance à la Chambre des députés à Bruxelles a évoqué cette brochure et son contenu. En août 1891, on apprit que le « colonel » Williams venait de mourir à Londres. Nous voilà avec deux versions différentes de la présence de Williams en Belgique et dans l’EIC, car il y a trop de ressemblances pour avoir des doutes : même nom, même intérêt, même voyage, même lettre, même décès quant au lieu et à la date. Apparemment, John Hope Franklin, le biographe de Williams n’a pas eu accès à ces informations, bien qu’il considère Williams comme un « trickster »

G.W. Williams rejoindra l’EIC en 1890 au cours d’un voyage d’une cinquantaine de jours à bord d’un caboteur qui lui permettra de voir les principaux ports de l’Afrique de l’Ouest lesquels ont, pour la plupart, depuis plus de deux siècles, des contacts commerciaux avec les navires européens. Ce qui lui donnera une fausse idée de ce qu’il allait trouver en Afrique centrale après, à peine, 5 années de développement. Williams qui ne parle pas le français aura des contacts, normalement avec les milieux anglophones, les missions protestantes très présentes au Bas Congo, d’autant plus qu’il est lui-même pasteur. Il y rencontrera probablement Casement comme Conrad l’a rencontré lors de son passage ; il devrait également y avoir rencontré Conrad présent au même endroit à la même époque, mais ni l’écrivain ni Williams ne mentionnent une telle rencontre. Dans les deux versions, il va dans le Haut-Congo jusqu’aux Stanley Falls, ce qui implique qu’il a parcouru, à pied en une vingtaine de jours, comme tous ceux qui rejoignent le Haut Congo à cette époque, les 350 Km de la route des caravanes. Mais il n’évoque même pas cette difficulté comme le font généralement ceux (dont Conrad) qui ont vécu cette difficile épreuve. D’autre part, pourquoi envoyer une lettre des Stanley Falls où la poste n’existe pas (le seul bureau du Haut Congo se trouve à Léopoldville à l’époque et est de création très récente) sinon pour faire croire qu’on a bien voyagé jusqu’à cette station.

L’historienne Ira Berlin de l’Université de Maryland comme John Hope Franklin d’ailleurs, affirment en parlant de Williams : « …travelling the route earlier traversed by the explorer and journalist Henry Stanley and the novelist Joseph Conrad… » alors que la lettre au roi est datée du 18 juillet et qu’on a la certitude que Conrad n’arrive aux Stanley Falls que le 1er septembre. Si Williams était aux Stanley Falls le 18 juillet, c’est le bateau qui l’y a amené qui aurait évacué l’Européen gravement malade (attendant le bateau de Conrad) vers une station avec médecin. Personne n’a jamais émis l’hypothèse que Williams n’a pas été dans le Haut Congo ! Peut-être parce qu’il y aurait dans la lettre l’évidence qu’il y est allé ? Quand on fait l’inventaire des lieux mentionnés ou de faits rattachés à une région, on observe qu’il cite Banana, les nationalités des factoreries du Bas-Congo, et l’endroit où les expatriés se procurent des femmes (la côte portugaise) c’est-à-dire l’enclave de Cabinda. Lorsqu’il parle d’alcool, on ne quitte pas le Bas Congo. Il cite également Léopoldville, Basoko et l’Aruwimi, ce qui n’est pas étonnant puisque les journaux de l’époque ont abondamment parlé de l’expédition Stanley pour retrouver Emin Pacha, de l’assassinat de Barthelot et de l’affaire Jefferson (1887-1888). Tout cela ne nous donne aucune évidence de sa présence au Haut Congo. Le reste de son voyage en Afrique, avec des moyens nettement réduits, est assez nébuleux. Il a visité des colonies portugaises et anglaises et est rentré en Angleterre en 1891 par un bateau, en provenance du Far-East, pris en Egypte. C’est à Blackpool le 2 août 1891 qu’il mourra de tuberculose et de pleurésie. Dans le cimetière de Layton, sa tombe anonyme sera retrouvée par une historienne qui y fera ériger une pierre tombale en granit noir.

En relisant la Lettre ouverte au roi Léopold, et plus particulièrement la neuvième charge spécifique, j’ai eu la sensation d’avoir déjà lu ce texte quelque part. Après avoir cherché un certain temps, j’ai retrouvé le texte dans le livre « Red Rubber » de Morel, à partir de la page 40, présenté comme une lettre du Colonel Williams, lue en novembre 1890, durant un meeting à Londres, par Mr. R. Cobben Philips représentant la Chambre de Commerce de Manchester. Ce serait donc la version Colonel Williams qui devrait être retenue, version qui aurait échappé à tous les historiens ? Mais cela ouvre d’autres questions : pourquoi une fausse identité ; pour quels motifs ; au profit de qui ou de quoi ? A-t-il bien été reçu par le roi ? Cela renforce l’hypothèse d’une cabale d’origine anglo-saxonne envers l’EIC, une cabale des milieux économiques qui aurait débuté bien avant la récolte du caoutchouc, la publication des photos des amputés et de la découverte des richesses minières du Katanga.

Annexe.