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dimanche Ouest-France

20 novembre 2011 famillesModes de vie 3

Ceux qui souffrent sont ceux qui nont pas t reconnus

Entretien

Monique de Kermadec,

psychologue clinicienne

et psychanalyste. (1)

Comment dtecte-t-onun adulte surdou ?

Il ressent et provoque un sentimentde diffrence qui le dmarque. Lapersonne est plus rapide, elle trouvefacilement des solutions, ses idessont plus originales et plus perspi-caces. Les surdous peroivent plusde choses que la majorit des gens,ce qui les amne tirer des conclu-sions que les autres ne voient pas.Mais le potentiel est une chose et ceque lon en fait en est une autre. Ils nesont pas toujours les plus performantso ils se trouvent. Ils peuvent connatrede grandes difficults dans un sys-

tme qui ne leur convient pas, surtoutquand leur don na pas t dtect.

On les dit souvent malheureuxCeux qui souffrent sont ceux qui nontpas t reconnus et sont arrivs laconclusion quil y avait quelque chose

de ngatif en eux. Certains sententquils sont apprcis pour une per-sonne quils ne sont pas, quils ont

construite en voulant sadapter ceque lon attendait deux. Au contraire,ceux dont le potentiel a t dcel etqui ont bnfici dun soutien affectifont pu dvelopper une image positivedeux-mmes.

Comment remdier ces problmes ?

Une aide extrieure peut permettre la personne de mieux comprendre lessituations difficiles quelle a vcues, etles mcanismes de protection quelle

a rigs. On dtricote quelque chosepour librer ladulte surdou de ses en-

traves en lien avec le pass. Le diagnos-

tic est une premire tape qui apportede la confiance en soi. Mais il ne suffitpas. La personne doit ensuite dcou-vrir ce quelle peut faire de ce potentiel,

commentlintgrer son projet. Il y a unsentiment de devoir dutiliser ce don.

Pourquoi les relations avec lesautres sont-elles si compliques ?

La personne voudrait sintgrer, maiselle peroit bien quelle est diffrente.Les surdous ont une trs grande in-

tensit affective. Ils vivent les choses

de manire forte, ce qui drange par-fois les autres. La personne se sentalors malmene et incomprise. Cest

notammentvraidanslecouple.Laplu-part des hommes et des femmes queje vois ont eu des relations frustrantes,car lautre narrivait pas suivre.

En quoi la socitleur est-elle inadapte ?

On leur demande trop souvent de sefondre dans un rythme qui nest pasle leur. Il faut les connatre pour leurdonner une place dans laquelle ilspourront exprimer tout leur potentielde manire crative. Par exemple, ilsaiment sengager fond dans un pro-

jet. Mais une fois quils ont tout don-n, ils se lassent et veulent passer autre chose. Les laisser au mme en-droit provoque une importante dmo-

tivation ! Certaines personnes ont desprojets moyen ou long terme, euxont besoin de se dire que les chosesrestent dans le redfinissable, quellesvont changer au fur et mesure. Dans

tous les cas, apprendre se connatredbloque de nombreuses situationsdifficiles.

(1) Auteure de Ladulte surdou,

Albin Michel, 200 pages, 14,90 .

Repres

La douance . Ce terme venu duCanada dsigne la possession et luti-lisation dun haut potentiel naturel, qui

se manifeste spontanment dans aumoins un domaine daptitudes. Cescapacits nont rien voir avec unquelconque entranement.

Les tests de QI (quotient intellec-tuel). Ces tests valuent les capacitsintellectuelles globales de chaque in-dividu, son aptitude sadapter dessituations nouvelles et trouver dessolutions aux difficults qui se pr-sentent lui. Les rsultats vont de 0 150, la note de 100 tant considrecomme la moyenne. Ils sont effectuspar des psychologues. Les tests quelon trouve sur Internet ne sont pas va-lides, et ils reprsentent souvent unearnaque !

Les individus haut potentiel. LeurQI est suprieur 130, ce qui repr-sente environ 2 % de la population.

voir. Lassociation Mensa pour lesadultes surdous. Prsente dans unecentaine de pays, elle propose diff-rentes activits pour ses membresligibles sur un test dadmission.www.mensa.fr

Spanouir quand on est un adulte surdouLes personnes haut potentiel vivent dans un monde qui leur est mal adapt. Cette diffrence peuttre source de souffrances, mais aussi, lorsquelle est reconnue, dune immense crativit.

Tmoignages

Jean-Marc, 60 ans,

inventeur

Jai t trs dou en maths trs tt. Jene faisais rien la maison : ma reli-gion, ctait les copains ! En primaire,

jtais premier partout, mais aprs,je suis devenu trs mauvais saufen maths et en physique. Je regretteun peu que personne ne mait corna-qu cette poque. Jai fait CentralNantes pour suivre une copine, et jaieu un mtier extraordinaire qui mafait beaucoup voyager.

Puis jen ai eu marre, alors je suisdevenu prof de maths. a me plaisaitbien, mais je men suis lass aussiEnsuite jai eu un dclic et je me suis

mis inventer des choses. Jai conuun systme daide au dmarrage, unmcanisme qui conserve le coca-co-la gazeux et dautres ! Je marchebeaucoup au tes pas cap , quandon me pose un problme insoluble.

Benjamin, 28 ans,chef dentrepriseJai fait ma premire dpression enCE1. Au dbut, jadorais lcole etpuis jai compris que ctait du forma-

tage, que je napprenais rien. En 6e,jai commenc jouer et program-mer un peu mon premier PC. Jai faitune nouvelle dpression aprs mon

BTS et on a fini par dcouvrir quejtais surdou.

Le fait de savoir, a a t un vrai booste . Jai mont plein de projetsautour dun jeu vido qui me passion-nait. Jai t repr par leur socit etils mont propos de travailler poureux. Aujourdhui je me consacre

lentreprise que jai monte en paral-lle. Je viens aussi de me marier. Cest

trs important que ma compagne aitaussi cette vivacit, cet intrt pour

tout. On construit notre propre visiondu monde, sans reprendre juste lesides des autres !

Ccile, 44 ans,professeur de musiqueJai pass le test il y a seulementsix ans, parce que je me posais beau-

coup de questions dans mon par-cours personnel et professionnel. Jaiconsult des sites sur les surdouset je me retrouvais dans les critresde sensibilit et dmotion. Le test a

tout chang pour moi. a nous ouvre nous-mmes et on accepte mieuxnotre diffrence. On passe par une

priode oon en veut tout lemonde cause de ce gchis, puis on se de-mande ce quon va faire de tout cepotentiel. On comprend mieux aussipourquoi notre cerveau a besoin desintresser plein de choses varies,sinon il sennuie !

Je suis professeur de musique maisje moccupe aussi dados surdous.Je me rends compte quel point lemoule quon leur propose est inadap-

t. Si les adultes surdous se sentent

mal, cest cause dune inadquationau systme, et non dun problme in-

trinsque notre intelligence.

Emma, 20 ans, peintre,tudiante en psychologiePetite, on me disait que jtais nave cause de cette soif de justice qui

caractrise les surdous. la fac, jenavais pas du tout les mmes proc-cupations que les autres. En janvier,

jai failli faire une grosse fugue NewYork. Je croyais que jtais folle. Unami ma conseill de minscrire au testde Mensa et jai t reue.

normment de choses mintres-sent : la physique quantique, lastro-physique et bien sr lart. Jtaiscontente de rencontrer des genscomme moi, et qui avaient le mme

humour ! Javais limpression davoirrejoint une famille. Il ny a que la poli-

tique et lactualit que je ne peux passuivre : regarder les infos me fait pleu-rer. Jai toujours cette envie de d-fendre

Dossier :

Jasmine SAUNIER.

CharlesDute

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