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Ostracisme (Grèce antique) 1 Ostracisme (Grèce antique) Pour les articles homonymes, voir Ostracisme. Ostrakon portant le nom de Thémistocle, vers 490-480 ou 460 av. J.-C., Musée de l'Agora antique d'Athènes. Lostracisme (en grec ancien ἐξοστρακίζω) était un vote par lequel l'Ecclésia (l'assemblée des citoyens) prononçait le bannissement de l'un de ses citoyens, dont le nom était inscrit sur une céramique (ostrakon). Celle-ci était coupée en deux et à l'issue de la période d'exil, les deux tessons étaient réunis [réf. nécessaire] . Durant la période de bannissement, lEcclésia conservait ces tessons, ostraca, où figuraient les noms des exilés. Athènes et quelques autres cités, au V e  siècle av. J.-C., ont instauré une institution qui permettait de bannir pendant dix ans un citoyen, sans que celui-ci perdît ses biens. C'était une mesure d'éloignement politique, un simple vote de défiance à l'égard d'un citoyen influent soupçonné d'aspirer au pouvoir personnel : ce n'était pas une peine judiciaire, cette sanction n'étant pas une condamnation pénale : elle ne s'accompagnait pas de peine pécuniaire, et les droits civiques étaient conservés. Cette importante institution apparaît donc marquée d'un esprit d'humanité tant dans la procédure suivie que dans la peine prononcée [1] . Athènes On l'attribue traditionnellement à Clisthène, mais le premier vote d'ostracisme n'eut lieu qu'en 488, si l'on en croit Aristote [2] . Il n'y a pas lieu, cependant, de rejeter le témoignage unanime des Anciens. Après les expulsions en masse qui eurent lieu au VI e  siècle av. J.-C., et qui frappaient collectivement des genè, des familles entières, on décida de proscrire seulement les tyrans et leurs fils [3] , en prévenant les autres membres des Pisistratides que s'ils venaient à troubler l'ordre public, ils seraient expulsés pour dix ans. Ils se tinrent cois longtemps. Après la première guerre médique, cependant, ils furent suspectés d'intelligence avec le tyran Hippias, et on châtia les amis des tyrans : en 487 avant. J.-C. l'ostracisme fut décrété contre Hipparque fils de Charmos, devenu le chef de la famille, en 486, contre l'Alcméonide Mégaclès le Jeune fils d'Hippocrate, et en 485 contre Alcibiade l'Ancien. La procédure Elle se déroulait en deux temps. Chaque année, durant la sixième prytanie entre janvier et février, période où les citoyens pouvaient se rendre en masse à la ville, les récoltes étant engrangées, lecclésia votait d'abord pour savoir si l'on devait procéder à un ostracisme. Le vote s'effectuait à main levée, il n'y avait pas de débats et les noms des suspects n'étaient pas révélés. Si l'accord se faisait sur le principe de l'ostracisme, l'assemblée du peuple se réunissait ensuite une deuxième fois au cours de la prytanie suivante, en assemblée solennelle et plénière (catecclésia). Le quorum était de 6 000, mais selon Plutarque, il s'agissait de six mille suffrages exprimés, et selon Philochore, de six mille suffrages réunis sur le même nom. Cette seconde hypothèse est la plus probable. Cette procédure n'avait de sens qu'avant les élections, lesquelles se tenaient chaque année de la septième à la neuvième prytanie [] . Au cours de cette séance décisive dostracophorie, chaque citoyen qui souhaitait voter inscrivait sur un tesson de céramique ou éventuellement une coquille d'huître (d'où le mot ostracon) le nom de la personne dont le bannissement hors d'Athènes lui semblait nécessaire au bien public. Il n'y avait encore une fois pas de débat. Le bureau était constitué par les neuf archontes entourés de la Boulè

Ostracisme (Grece Antique)

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Ostracisme (Grèce antique) 1

Ostracisme (Grèce antique) Pour les articles homonymes, voir Ostracisme.

Ostrakon portant le nom de Thémistocle, vers 490-480ou 460 av. J.-C., Musée de l'Agora antique d'Athènes.

L’ostracisme (en grec ancien ἐξοστρακίζω) était un vote parlequel l'Ecclésia (l'assemblée des citoyens) prononçait lebannissement de l'un de ses citoyens, dont le nom était inscrit surune céramique (ostrakon). Celle-ci était coupée en deux et à l'issuede la période d'exil, les deux tessons étaient réunis[réf. nécessaire].Durant la période de bannissement, l’Ecclésia conservait cestessons, ostraca, où figuraient les noms des exilés. Athènes etquelques autres cités, au Ve siècle av. J.-C., ont instauré uneinstitution qui permettait de bannir pendant dix ans un citoyen,sans que celui-ci perdît ses biens. C'était une mesure d'éloignementpolitique, un simple vote de défiance à l'égard d'un citoyeninfluent soupçonné d'aspirer au pouvoir personnel : ce n'était pasune peine judiciaire, cette sanction n'étant pas une condamnationpénale : elle ne s'accompagnait pas de peine pécuniaire, et lesdroits civiques étaient conservés. Cette importante institutionapparaît donc marquée d'un esprit d'humanité tant dans laprocédure suivie que dans la peine prononcée[1].

AthènesOn l'attribue traditionnellement à Clisthène, mais le premier vote d'ostracisme n'eut lieu qu'en 488, si l'on en croitAristote[2]. Il n'y a pas lieu, cependant, de rejeter le témoignage unanime des Anciens.Après les expulsions en masse qui eurent lieu au VIe siècle av. J.-C., et qui frappaient collectivement des genè, desfamilles entières, on décida de proscrire seulement les tyrans et leurs fils[3], en prévenant les autres membres desPisistratides que s'ils venaient à troubler l'ordre public, ils seraient expulsés pour dix ans. Ils se tinrent coislongtemps.Après la première guerre médique, cependant, ils furent suspectés d'intelligence avec le tyran Hippias, et on châtiales amis des tyrans : en 487 avant. J.-C. l'ostracisme fut décrété contre Hipparque fils de Charmos, devenu le chef dela famille, en 486, contre l'Alcméonide Mégaclès le Jeune fils d'Hippocrate, et en 485 contre Alcibiade l'Ancien.

La procédureElle se déroulait en deux temps. Chaque année, durant la sixième prytanie entre janvier et février, période où les citoyens pouvaient se rendre en masse à la ville, les récoltes étant engrangées, l’ecclésia votait d'abord pour savoir si l'on devait procéder à un ostracisme. Le vote s'effectuait à main levée, il n'y avait pas de débats et les noms des suspects n'étaient pas révélés. Si l'accord se faisait sur le principe de l'ostracisme, l'assemblée du peuple se réunissait ensuite une deuxième fois au cours de la prytanie suivante, en assemblée solennelle et plénière (catecclésia). Le quorum était de 6 000, mais selon Plutarque, il s'agissait de six mille suffrages exprimés, et selon Philochore, de six mille suffrages réunis sur le même nom. Cette seconde hypothèse est la plus probable. Cette procédure n'avait de sens qu'avant les élections, lesquelles se tenaient chaque année de la septième à la neuvième prytanie[]. Au cours de cette séance décisive d’ostracophorie, chaque citoyen qui souhaitait voter inscrivait sur un tesson de céramique ou éventuellement une coquille d'huître (d'où le mot ostracon) le nom de la personne dont le bannissement hors d'Athènes lui semblait nécessaire au bien public. Il n'y avait encore une fois pas de débat. Le bureau était constitué par les neuf archontes entourés de la Boulè

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au complet. Les citoyens portaient ensuite leur tesson « dans un endroit de la place publique fermé circulairementd'une cloison de bois »[4]. Les magistrats comptaient alors le nombre des tessons. Le résultat du scrutin étaitproclamé sur la Pnyx. Si la majorité des six mille suffrages s'était dégagée sur un nom lors du vote, la personnedevait quitter la cité dans les dix jours et pour dix ans ; cette peine demeurait souvent théorique, car beaucoupd'ostracisés étaient rappelés par anticipation. À l'origine, l'ostracisé pouvait s'établir où il voulait hors de l'Attique,mais en 480, il lui fut interdit de le faire en deçà du cap Géraistos (Eubée) et du cap Skyllaion (à l'est del'Argolide)[5], car on craignait qu'un homme influent ne puisse continuer à peser sur la vie publique d'Athènes s'ilrestait trop près du territoire de la cité[6].

Utilité de l'ostracisme

Ostrakon portant le nom d'Aristide, Musée de l'Agora antiqued'Athènes.

Au plan de la politique extérieure d'Athènes, quand lasituation présentait un danger, l'intérêt supérieur de lacité commandait d'empêcher que s'installe undissentiment continuel sur la question de la défensenationale : ce fut le cas face au danger perse. Au fur età mesure que Thémistocle faisait prévaloir ses vuesconcernant la nécessité d'une grande flotte capable derésister à celle de Xerxès Ier, ses adversaires,Xanthippos et Aristide le Juste furent ostracisésrespectivement en 484 et 483. L'ostracisme rendaitainsi service à Athènes en mettant fin aux luttes des

factions qui risquaient d'entraver le fonctionnement de l'État. L'union sacrée se forma de nouveau en 481, quand undécret d'amnistie annula ces mesures d'ostracisme.

Au plan de la politique intérieure, l'ostracisme fut surtout utilisé comme arme politique dans les rivalités entrehétairies (factions aristocratiques) dans le premier quart du Ve siècle av. J.-C.. Après la disparition des tyrans et ladéfaite des Mèdes, l'ostracisme ne servit plus aux factions qu'à se décapiter réciproquement : Thémistocle futostracisé par les partisans de Cimon en 472, et Cimon, en 461 par les partisans d’Éphialtès. Périclès vit son amiDamon ostracisé avant de faire frapper d'ostracisme à son tour, en 443, son principal adversaire, Thucydide, fils deMélèsias. L'ostracisme employé hors de propos est alors un outil émoussé. L'analyse graphologique des centainesd'ostraca retrouvés lors des fouilles de l'agora a montré que pour un vote donné seule une dizaine de mainsdifférentes avaient inscrit les noms sur les tessons : ce serait la preuve que ces « bulletins » étaient préparés à l'avanceet distribués par les responsables de ces factions à leur clientèle, dont le vote était ainsi dirigé. La littérature antiqueapporte en outre l'exemple d'une entente entre adversaires pour échapper à l'ostracisme qui les menaçait : ainsiPlutarque rapporte comment Hyperbolos fut ostracisé en 417 grâce à une entente entre Nicias et Alcibiade, quidevaient être les protagonistes de l’ostracophorie cette année-là ; au dernier moment leurs partisans à tous les deuxprirent peur et s'unirent en votant contre un misérable politicien. Ce fut la fin de l'ostracisme.Plutarque, dans la Vie d'Aristide (VII, 7–8), évoque l'ostracisme d'Aristide le Juste par une anecdote assez cocasse :alors qu'on votait à Athènes pour son ostracisme, un paysan illettré demanda à un homme distingué de l'aider àinscrire sur son tesson (ostrakon) le nom d'Aristide. L'homme lui demanda ce qu'il reprochait à Aristide. « Rien »répondit le paysan. « Je ne le connais même pas, mais j'en ai assez de l'entendre partout appeler « Le Juste ». » À lasuite de cela, Aristide - car c'était lui l'homme distingué - écrivit honnêtement sur le tesson le nom qu'on luidemandait.La disparition de l'ostracisme s'explique par la possibilité d'utiliser d'autres méthodes, moins lourdes (sans nécessitéde quorum), pour écarter des adversaires politiques : l’eisangélie, la procédure de mise en accusation d'un magistratdevant l'assemblée, est la plus importante d'entre elles.

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Trois tessons d'ostracisme ou ὄστρακα.

Pétalisme à Syracuse

À Syracuse, l'institution s'appelait « pétalisme », car on écrivait lesnoms sur des feuilles d'olivier (πέταλον / petalon). La durée dubannissement était de cinq ans. Diodore de Sicile ne date pasprécisément l'époque où cette procédure fut en vigueur. Il précisequ'elle est postérieure à la condamnation à mort en -454 de Tyndaridès,qui aspirait à la tyrannie, et qu'elle fut abrogée peu de temps après sapromulgation, car jugée contre-productive, dissuadant des citoyensvalables de participer aux affaires publiques[7]. Hermocrate en -411 etDioclès en -408 furent bannis de Syracuse, sans qu'on sache quelle futla procédure utilisée.

Argos

On sait par Aristote que l'ostracisme était pratiqué à Argos comme àAthènes[8].

Éphèse

Hermodore, ami d'Héraclite, fut exilé par les Éphésiens en ces termes :« Qu’il n’y ait personne qui soit meilleur que nous ; s’il y en a un qu’ilaille vivre avec d’autres gens. » [9]. Cette simple indication, qui nerenseigne ni sur la durée de la peine ni sur la procédure utilisée, nepermet pas d'établir une similitude avec l'ostracisme athénien au-delà du caractère anti-aristocratique de la formule.

Notes et références[1] Édouard Will, Le monde grec et l'Orient. Le , P.U.F., 1972, 75.[2] Aristote, Constitution d'Athènes, 22, 3-6.[3][3] , 182.[4] Plutarque, Vie d'Aristide, I, 17. (http:/ / remacle. org/ bloodwolf/ historiens/ Plutarque/ aristidepierron. htm)[5][5] , 184.[6] Maurice Sartre, Histoires grecques, Éditions du Seuil, 2006, 107.[7] Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Livre XI, chapitre XXXV (http:/ / remacle. org/ bloodwolf/ historiens/ diodore/ livre11.

htm#XXXV) (ou autre numérotation : Livre XI, chapitre 86 (http:/ / mercure. fltr. ucl. ac. be/ Hodoi/ concordances/ diodore_11/ lecture/ 87.htm), et 87 (http:/ / mercure. fltr. ucl. ac. be/ Hodoi/ concordances/ diodore_11/ lecture/ 88. htm))

[8] Politique, Livre VIII (ordinairement placé le cinquième), §5 (http:/ / remacle. org/ bloodwolf/ philosophes/ Aristote/ politique8. htm#25)[9] source : Diogène Laërce, Héraclite (http:/ / ugo. bratelli. free. fr/ Laerce/ IsolesSceptiques/ Heraclite. htm#_ftnref4).

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