202
Notes du mont Royal Cette œuvre est hébergée sur « No- tes du mont Royal » dans le cadre d’un exposé gratuit sur la littérature. SOURCE DES IMAGES Bibliothèque nationale de France www.notesdumontroyal.com

Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

Notes du mont Royal

Cette œuvre est hébergée sur « No­tes du mont Royal » dans le cadre d’un

exposé gratuit sur la littérature.SOURCE DES IMAGES

Bibliothèque nationale de France

www.notesdumontroyal.com 쐰

Page 2: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

’ MARIE STUART,

TRAGÉDIE EN CINQ ACTES.

Page 3: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

PRIX DE MARIE STUART,

5 francs 5o cent.. Et-franc de port, 4 fr.

Wun L’IMPMMEBIE on saunons ms.

Page 4: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

MARIE STUART,TRAGÉDIE EN CINQ ACTES,

» PAR FRÉDÉRIC SCHILLER.

TRADUC’NOS DE musant),

PUBLIÉE PAR M. DE LATOUCHE;

rnécènén

DE QUELQUES RÉFLEXIONS sua SGHILLER, MARIE HUART,

r.’r Les 020x micas, ALLEMANDE ET rauquera.

.Scutîr les beautés panant (si: eues le croûtent. du! pasune délicalesse de moins. main une faculté de plus.

B. COSlth’, même de À’S’allskio-

W" P A RIS.’ BATAILLE, LIBRAIRE,

PALAIS-ROïAL , GALERIES DE 3015 , N" 216 m 247.

BARRA, LIBRAIRE,branlènn La rnéATnn FRANÇAIS, 5° 5l.

! 9 1820.

Page 5: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée
Page 6: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

me fi t

SUR

SCHILLEB, MARIE STUAET,

ET

LES DEUX PIÈCES, ALLEMANDE ET FRANÇAISE.

Hep-qLA traduction de cette tragédie faisait partie d’ungrand travail que nous avons peu d’espérance depouvoir maintenant achever. Les premiers pas dela carrière littéraire se mesurent sur une vasteéchelle; mais que de premiers vœux et de premierstravaux l’expérience vient décourager! "faudraitdes loisirs assurés et quelque confiance dans sonsort, pour s’attacher à suivre ces tâches difficul-tueuses dont l’unique récompense est l’honneur deles avoir entreprises.

Nous pensions avoir saisi ce. concours de circons-tances rares ,lorsque secondé d’un jeune poëte alle-mand, M. Dielitz , nous conçûmes l’ambitieuse idéede donner auxlecteurs français une traduction com-plète des œuvres dramatiques de Frédéric Schiller.

Réunis par une conformité de goûts, portés l’unet l’autre, avec une ardeur égale, vers la littératurede nos deux pays, nous crûmes, par un échange de

uelqnes faibles connaissances acquises, arriver àlintclligcnce exacte des deux lan ues, et à l’inter--prétation fidèle dequelques écrivains des deux pays]

Page 7: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( vi )Nos études s’étaient dirigées vers le plus grandpoële de l’Allemagne. L’essai que nous publionsest un fruit de ces études ; c’est le travail del’un des disciples, assidument corrigé par les soinsd’un maître qui s’empressait de redevenir discipleàsou tour. K

Des événemens désastreux pour ma patrie, ontrendu M. Dielitz au sienne. V iolemmentséparés parles événemens de la guerre , nous avons suivides car--rièreSdiverses. Mon collaborateur, réservéseul auxsuccès de la scène, vient de faire représenter suriethéâtre de Weimar , une fort belletradnction de 1’11-thalie de notre Racine. Puisse cette esquisse de MarieStuart , que mon ’ respect pour nos iugcs m’afait revoir de nouveau , lui rappeler, ainsi qu’à moi,si elle tombait un jour sous ses yeux , ces heures deméditation ou Schiller servait ’de lien entre deuxétrangers dont les compatriotes étaient en armes lCette occupation apportait avec elle l’oubli de notremauvais sort et de toute rivalité. Elle enchantait,pour’deux amis que la poésie avait faits, le réduitplus que philosop nique où s’écoula pour eux l’hiver

de 1814.La littérature française a long-temps professé un

système d’admiration exclusive pour ses propresoeuvres , et d’intolérance dédaigneuse pour les pro-duclions des Muses étrangères. Fiers de l’universa-lité de notre langue , méritée par celles de ses na-lités qui ne sont pas les plus propres à la poesie ,nous avons paru oublier, dans une longue présomp-tion, tout ce que nos premiers écrivains ont du augénie de ces nations voisines qui n’avaientpas de rangclassique. Ce préjugé de l’ignorance fut trop sou-vent exprimé avec une sorte de pédantisme arro-

Page 8: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( vli )gant , pour n’avoir vas contribué à fortifier chezdes peuples rivaux lidée de sntlisance et de fatuitédeuton accusait autrefois notre caractère national.Tort infructueux , erreur inféconde , qu’il ne fau-drait point imppter aux amis des lettres , si tous leshommes éclaires d’une nation n’étaient complicesde l’influence qu’elle laisse exercer sur la pensée.Les journaux ont été longwtemps une autoritéparmi nous; le mépris de certains aristarques pourles muses du Nord, a en sa première source dansles bornes de leurs connaissances. On a trouvé gê-nant de voir la curiosité publique s’engager dansdes routes inconnues. On défendait notre Melpo-mène, on la trouvait la plus belle, sans avoir en-»trevu ni jugé les antres, à peu res comme ceschevaliers des temps barbares, décidés à soutenirla prééminence de leurs Dames, par les seuls arguamens de la force et les armes de l’entêtement. Letalent de nos hypercritiques consiste a. varier sousmille formes spirituelles , de petites combinaisonsstériles, à présenter des aperçus pleins de finesse et(l’inutilité ; enfin, à fasciner nos eux en tournantautour du même point, à peu prcs comme ces tynrans de l’air aux serres pesantes , au vol circulaire ,qui commencent par fatiguer et par endormir leurvictime, afin de sen assurer. Loin de féconder ledomaine de l’imagination et d’augmenter nos tiré--sors, un tel esprit d’analyse suivait avec constanceun plan d’obscurantisme opposé à toute émula-lion.

Nos idées s’agrandisseut. Nous recherchons cettelittérature allemande, qui, née la dernière enEurope , fut, dans le sauvage essor de son indé-pendance , repoussée loin de tous les trônes. Fré-

..n.............w.........s... A." a A; c

a NM... m... -.........

www a... «Ma...

Page 9: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( viij )déric pouvait seul la protéger; mais il atl’ecta d’i-gnorer jusqu’à la langue de sa patrie. Les lunulesgermains, atl’ranolns de protecteurs , se sont élevéssans Mécènes , sans Auguste , sans Léon X; et ilsont forméçdans le silence des accents plus libres etplus liera.A Le plus élevé , le plus profond des écrivains decette récente école, fut l’auteur de [liane Stuart.t)serons»nous penser que le lecteur nous saura gréde présenter ici les événements, peu multipliés ,d’une vie vouée a la vertu et aux lettres , et de rap-peler les principaux ouvrages qui l’ont honorée?

Schiller naquit à Marbach , petite ville du lVir-teniberg, le l0 novembre 1759. Son père, chirur-gien dans un régiment, était doué du caractère leplus romanesque; sa mère, singulièrement douceet mélancolique, lui avait transmis tous ses traits.Il ont cette conformité de plus avec l’illustre Kant ,son modèle en philosophie. Ses éludes furent com.mencées Louishourg , près de Stuttgard , on. leduc Charles avait fondé un établissement d’éduca-

tion publique, appelé la Solitude. Son premiermaître se nommait JeanoFrédéric Jahn, hommerude et savant. Les années de sa vie scholastiquefurent pénibles. Il parut gauche, timide et peupropre aux sciences. Dans cet enfant, de qui l’âmeétait fermée par la rigueur de ses maîtres, per-spnne ne devina le génie du poële et de l’histo-men.

La première occasion qui développa sa naissantel’unanination, serait-elle inditl’ércntc à raconter,quelijue frivole qu’elle puisse être? Elle se lie aupremier essor de joie pure qu’il ait peut-être jamaissentie, et sert in prouver, par un exemple de plus,

Page 10: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

t ÎX l

que la poésie, fille des émotions passionnées, abesoin d’elles our être éveillée.

Schiller et l un de ses jeunes camarades avaient.reçu, pour prix d’une laborieuse leçon de calé-chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ilsrésolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs detonte une soirée. Il fut arrêté que leur trésor seravirait a se procurer du lait frais. Soit hasard, soitmauvaise velouté, ils ne purent. en obtenir au pro-chain village, et ils furent forcés de faire un longchemin avant de rencontrer une autre chaumière.La , on les reçut avec cordialité: du pain blanc , unvase d’argent, l’omhragc d’un beau chêne contri-liuèrent à compléter leur félicité. Lorsqu’en se re-tirant, ils parvinrent au sommet de la Colline d’unl’on décatir tait les deux villages , Schiller s’arrêta;

et, par une inspiratiOn soudaine, huilant tout-ét-couples acccns du prophète du Ninive ou la colèrede Cérès, il adressa des malédictions poétiques auvillage inhospitalier, et des actions de grâce à celuiqui les avait accueillis. Son compagnon demeurafrappé de la rare éloquence qu’il avaitspoutané-ment déployée; les vers improvisés furent con-serrés, et les élèves de l’Université de Stuttgardappellent encore ce lieu la colline de Schiller.

Cependant il avança en âge, au milieu des îmopressnons’les plus incertaines. On lit, dans ces attes«tations que , suivant l’usage des écoles allemandes,les élèves se donnent publiquement de leur con--duite réciproque: « Schiller s’occupe. de jurispru-n douce , de poésie, de théologie, demédecine. Iln lit Plutarque; il y cherche des sujets de compo-» sitions dramatiques. u La Bible et Klopstockchangèrent l’ordre de ses idées. Moïse fut son pre-

Page 11: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( x )micr héros. On remarque peu d’originalité dansses premiers essais; son génie fut tardif et partiel.Il sembla ne se deviner lui-nième qu’a la lecture deShakespeare. Tour à tour porté à, la raillerie et à laméditation, sérieux, plaisant, misanthrope , vindi-catif même, il montra dans sonlcaractère ce germede défauts et de qualités, cette universalité de goûtset de passions qui appartient aux âmes qui doivent

tout sentir pour tout peindre. ’Schiller, desservi par la fortune , fut contraint

de se plierà la nécessité de prendre un état; il re-poussa ses inspirations , pour se livrera la médecine.Le seul menumcnt qui nous reste (le sesétudes danscette science, est un Traité des rapports du physi-que et du moral de l’homme ,suj et approfondi, enFrance , par l’estimahle Cahanis. En 1781,l’élèvedécouragé d’Escnlape fit imprimer la première deses pièces: les Voleurs.

Ce singulier ouvrage roduisit un clï’etîmpossiblca décrire. Il fut défet) u de le représenter devantla jeunesse des universités, et Tailleur reçut l’ordrede s’abstenirvde traiter tout autre sujet ne ceux desa profession. Le héros de cette pièce grincera in-connue parmi nous malgré (leur traductions) se.croit un ministre de la volonté de Dieu, armé pourpunir les hommes; il accomplit une vocation hor-rible, comme soumis à un fatalisme qui dévoueson âme au néant: et sa réputation à l’int’amie. a Un

n mal-entendu bizarre de la nature, dit l’auteur,u m’avait condamné a être poële dans l’humble» lien de ma naissance. Pendant huit ans mon» enthousiasme fut en combat. avec la règle den l’institut où je fus élevé; mais cette passion de lan poésie est aussi forte, aussi ardente que le pre--

Page 12: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( Xi )a limier amour; ce qui devait l’étoufler llattisa. Mon

- n coeur limait dans un inonde idéal pour se (lé-: rober a des rapports qui le tourmentaient. Mé-t connaissant le monde réel dont fêtais séparé , jea (levais manquer la ligne ni sépare les. angest des démons; et en elfet l’enfantai un mons--n item»

Dans l’ivresse dlnn premier succès, la défensene Schiller reçut d’un prince irrita son indépen-ance. Il sléloigna de Stuttgard , et alla consacrer,

dans la retraite, quelques années à de libres tra-vaux. A vingt-cinq ans il avait publié la Conjura-tion de Fiesque , et Intrigue et "Amour. Alors ilchercha à siattacher au théâtre de Manheim. Heu--rameutent; ses études ne promettaient pas un acteur,et on. l’écarta de cette carrière où n’ont. brillé ni les

Hotwa f, ni les Jonhson, ni les Shakespeare, niles Mo ière.

Obligé, par nécessité, d’écrire tantôt dans des

gazettes littéraires, tantôt de composer des ou-nuages ni répugnaient à son talent, Schiller neconnut e loisirs, de paix et de bonheur, queloquu’en 1799, fixé à Weimar par un emploihonorable, il cultival’amitié de Goethe et de W ic-land. Pendant cet intervalle de quinze années, ilavait successivement livré au théâtre Don Carlos ,Jeanne d’drc , la Fiancée de Messine, les trois1V allstein, Guillaume Tell , Marie Stuart; etachevé cette philosophique histoire de la Guerrede trente ans, où selon le jugement de ’Wieland , ilS’est placé au rang des Hume , des Müller et desGibbon.

Sa santé fut constamment chancelante, )lllSlClll’Sfois les feuilles publiques annoncèrent prematuré-

insubs-

Page 13: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( Xll )ment sa mort. il succomba à peine âgé de quarante-cinq ans, le 9 mai 1805. Ses restes,portés au templepu r déjeunes étudiants et des artistes, furent rendus ala terre dans le silence d’une de ces nuits qu’il avait

tantaimécs. ALes ouvrages de Schiller ont passé dans presquetoutes les langues de l’Europe. Les Air lais, lespremiers, lui ont rendu cet hommage. àuelquesessais en ont été donnés en français. Mais ces imi-tulions , la plupart incomplètes , on le dialogue estarbitrairement abrégé, le génie allemand sacrifiéin de prétendues convenanccs , n’ont pu donner deSchiller qu’une idée étroite et faussé. Les traduc-teurs, au lieu (le nous élever aux conceptions dumodèle , de nousinitier dans les détails si neufs desa poésie , semblent, en accommodant Schiller aupréjugé d’un système théâtral reçu hors de sa pa-

trie, avoir tm:t-it»fait oublié leur ministère. Au.lieu de la copie fidèle d’un grand tableau , ils n’of-frent , le plus souvent, qu’un dessin sans pro-portion, et, comme dit Horace , les membres dis-persés d’un géant.

M. Adrien (le llczay donna, en I800, la tragédiede Don Carlos; il lit précéder cette pièce d’unenote sur la traduction et le génie particulier deSchiller. Ponrla première fois l’interprète se montravivement pénétré (le l’importance de son travail;sonda toute la profondeur de son modèle, s’a-perçut quele développement du génie d’une langueétait essentiellement lié à l’interprétation de l’un de

ses écrivains les plus illustres. 1l voulut que lelecteur ne trouvât pas seulement, dans son livre,l’exacte expression de quelques sentimens, de quel-ques passions, de quelques combinaisons drama-.

Page 14: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( au )tiques ; mais anssiunc explication pratique de grainemaire générale, de poésie , de philosophie deslangues; désespèrent-il d’acquitter entre elles laréciproque valeur des expressions, il a toujours lecourage de sacrtller le goût au gente.

En 1809,M. Benjamin Constant abrégea les troistragédies qui reposent sur le sujet de W allstein ; il litprécéder cette hasardeuse tentative d’excellentesconsidérations sur le théâtre allemand. il ne nousappartient pas de juger si sa pièce , non encore repré-sentée, était digne de ses troismodèlcs sous des rap-ports purementpoétiques; si lelangage du pnbli ciste,toujours si contorme aux regles de la phiIOSOpbieet aux lois dola raison , ne parut pas un peu nouveaudans le concert des Muses; mais ses réflexions pré-liminaires sont demeurées comme un chef-d’oeuvre.M. B. Constant aura toujours rendu à la littératurel’éminent service d’avoir prêté au rapprochementqui s’opère dans le système de deux théâtres, l’au--

torité de son talent.Le brillant auteur du livre de l’AIIcmugne a

porté sur notre poète l’esprit d’observation , et cegente de lenthousnasmc et des arts qui donne àtout, sous sa plume, une forme idéale, une plus no-ble (in, une existence supérieure au condition deshommes. En traduisant, de chacun des ouvragesde Schiller, pour les analyser, quelques passageset même des scènes entières, il a du les altérer léaèrement, pour les faire apparaître inopinément

flottant l’âme de ses lecteurs. Madame de Staël adonc employé la magie des préparations, suppriméquelquefois des intermédiaires; idées dont le rap-port, étranger à ses esquisses, appartenait à des in-térêts précédens. Elle a rendu l’impression plusfidèlement que l’expression.

Page 15: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( xiv )Pour nous qui laissons au talent son privilège

celui de se mettre à la place d’un modèle, pourl’embellir, et de se montrer plus exactdans le sen-timent général d’une composition que dans le détaildes pensées, nous avons dû borner nos etTorts àrendre la naïveté des tours et la franchise des pa-roles. Heureux si nous eussions prouvé, u’une fois,il peut être glorieux de porter l’empreinte de seschaînes, quand on ne pouvait s’en affranchir?-

Marie Stuart est le chef-d’œuvre de Schiller.Selon le sentiment du juge même que nous invo-quions tout à l’heure, c’estdetoutesles tragédies alle-

mandes, la plus pathétique et la mieux conçue. Lesort de cette Reine, que dix-neuf ans de prisonconduisirent à l’échafaud, lui semble causer autantde terreur et de pitié qu’OEdipe, Oreste ou Niché.Cette héroïneavait des droits particuliers à l’in-térêt de la France; chacun y connaît le détail de sesinfortunes; veuve de François Il, on se souvient de

a son attachement pour le pays qu’elle avait adopté,et de la touchante expression de ses regrets en s’écloignant de nos rivages

Ce sujet, si intéressant, fut traité par Schiller, im-

(il) Adieu , plaisant pays de France!O ma patrie

v La plus chérie ,Qui as nourri ma jeune enfance.Adieu France! adieu nos beaulx jours!La nef qui desioint nos amours ,N’a eu de moi que la moitié;

Une part te reste , elle est tienne:Je la fie à ton amitié,Pour que de l’autre il te souvienne.

.V.....,,u,mx;a;a.:nume sans" a, . ., .4

Page 16: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( KV )

médiatement après celui de Jeanne d’Arc. NotreAssemblée nationale décerna au poëte allemand letitre de citoyen français, en récompense des chantsoù il avait célébré notre libératrice; et il sembleque, dans le choix d’une nouvelle action dramati-que, la reconnaissance du poëte cherchât encore àse rapprocher de nous, par un sujet qui avait tou-ché à notre histoire. Par un hasard assez remar-

uable, la Marie Stuart de M. Lebrun suit immé-diatement, dans l’ordre des succès sur notre théâ-tre, la Jeanne d’Arc de M. Davrigny.

Nous nous étions proposé de soumettre lapièce, que M. Lebrun vient de faire représenter,à un examen comparatif avec la tragédie de Schil-ler : le soin qu’il a pris lui-même d’avouer qu’ildevait tout son succès à notre poète, nous dispensede répéter cette vérité. Il ne nous reste qu’àconvenir que s’il a cru devoir écarter du sujet laplus neuve et la plus touchante de toutes les scènes(celle de la confession ), il a exécuté , sur toutes lesautres parties de l’ouvrage, le travail d’un hommede goût et de talent.

Pendant que nous tracions à la hâte ce peu demots qu’on veut attacher à cette esquisse dont lescirconstances d’un moment feront l’unique mérite,

nous entendions former de toutes parts le vœuque les œuvres de Schiller, enfin réunies en uncorps complet de traduction , fussent présentéesau public. Puisse une main plus habile entrepren-dre et achever cette glorieuse tâche! Non , le mâlegénie de Schiller n’est pas assez connu parmi nous.Cet habile peintre des passions a porté , dans sonart, de rofondes études sur toutes les causes poli-tiques es actions de ses hauts personnages. Sem-

Page 17: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

( m Jhlahle au naturaliste qui recueille la terre primitive

. du Vésuve pour juger le principe des révolutionsdu volcan, il cherche à scruter les élémens de laconduite de ses héros , à l’époque historique à las-quelle ils appartiennent. Ses pièces sent l’histoirevivante; il offre aux yeux les feuillets choisis dugrand line des destinées. Schiller plane sur lessiècles; il voit les fils qui enchaînent les hasards.Comme Shakespeare, il ne dédaigne point d’em-ployer les moyens de «la nature; et il affecte rare-ment de se montrer plus délicat que la vérité.

Paris, 6 avril 189.0,

www 4

or .4 A. a v. , unau .. 4...».

fiai-Marrant. W , 471w".

Page 18: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

VMARIE STUART,

TRAGÉDIE.

Page 19: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

PERSONNAGES.

ELISABETH, reine d’Anglelerre.

MARIE STUART, reine d’Écosse, prisonnière en Angleterre.

ROBERT DU DLEY, comte de Leycester.

GEORGES TALBOT, comte de Schrewsbury.WiLnÈLM crioit, baron de Burleigh, grand-trésorier

Le comte de Kent.WILHELM DAVISON , secrétaire d’État.

AMIAS I’AULET, chevalier, gardien de Marie.MOR’l’lÏllER, son neveu.

Le comte AUBESPINE, ambassadeur de France.

Le comte BELLIÈVBE, envoyé extraordinaire de France.

OKELLY , ami de Mortimer. lDRUÇEON DRURY, second gardien de Marie.MELVEL, maître-d’hôtel de Marie.

ANNA KENNEDY, sa nourrice.

MARGUERITE KURL, sa femme de chambre.

Le Schérif du comté. ’

Un Officier de la garde.

Seigneurs anglais et français.

Soldats de la garde.

Serviteurs de la reine d’Angleterre.

Serviteurs et femmes de la reine d’Écosze.

«(La .Nial

. hm vouas-("nm «A amusa-«1...

,...,....-,.,,,»..( "MM . V

Ë

iiÊ

a

Page 20: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

MARIE STUAnT,

TRAGÉDIE.

V Àîïbhhiflî Sïb nusænususuxx îflitbh sassasssswunsnsvtuut tbh hhh u bShhhbt bbl Sbh’thi

ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

Le théâtre représente l’appartement de la reine d’Écosse, dans le

château de totheringhay.

1 ANNA KENNEDY, LE maremmes PAULET, DRURY.

(Kennedy est en altercation avec Paule! , qui s’affinede briser une armoire; Drurf perle des instrumens etdes leviers de jar.)

senseur.Que faites-vous, Chevalier? pourquoi cette nouvelle

violence? Retirez-vous.

D’où viennent ces diamaus trouvés sous vos fenêtres?

Page 21: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

.3 sunna STUAltT.On a voulu séduire les gardiens de cette enceinte à l’aide

de telles magnificences. Ruses de femmes! Eh quoi?malgré mon exactitude, ma sévère vigilance, il existeencore ici des trésors cachés!

(Il force l’armoire. )

senseur.Arrêtez, audacieux! La reposent les secrets de la Reine.

PAULET.

C’est précisément ce que je cherche.

KENNEDY.

Ce sont (les papiers insignifians, de simples essais deplume, à l’aide desquels la Reine cherche à abréger les

longs jours de sa captivité.

PAULET.

Mauvaises inspirations l Digue fruit de son oisiveté!

senseur.

Ce sont des écrits français...

PAULET.

Les entremis de l’Angleterre parlent cette langue.

senseur.Des projets de lettres adressés à la reine Élisabeth.

murer.

Je les lui remettrai. Mais que vois-je briller ici? (Illouche un ressort secret, un tiroir s’ouvre , il en lire des

n me! au, g. a;

r.

Page 22: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE l. ’5bijoux.) Un bandeau royal enrichi de pierreries et entouré

des lis de la France? (Il le remet à son compagnon. )Drury, portez ces choses avec les premières.

( Drug- sort. )

Kennnnv.

Honteux pouvoir! Et nous sommes forcées d’obéir!

navrer.

Aussi longotemps qu’elle possédera de telles richesses,

elle pourra nuire; tout devient armes dans ses mains.

nenneov.

Laissez-vous toucher, chevalier l Ne nous enlevez pasla dernière parure, la seule qui nous soit restée. La vuede son ancienne splendeur réjouit quelquefois encorecette Reine, à qui tout a été ravi.

PAULET.

Tout est en de fidèles mains.

nennenv.Qui croirait, à voir ces murs dépouillés , qu’ici est la

demeure d’une reine? Qu’est devenu le dais éclatant qui

surmontait son trône l Ses pieds délicats accoutumés à

fouler le luxe des tapis , pressent aujourd’hui le pavérude et humide d’une prison , et sa table est couvertede l’étain grossier que dédaignerait la dernière femmenoble de ce Comté.

PAULET.

C’est ainsi qu’à Sterlyn elle a fait servir son époux,

tandis qu’elle et son amant se désaltéraient dans des coupesd’or.

Page 23: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

6 MARIE STUART.senseur.

Aucune douceur de la vie ne nous est accordée; onnous prive même d’un humble miroir!

PAULET-

Tant qu’elle contemplera son orgueilleuse figure , ellene cessera d’espérer , ni d’oser.

RENNEDY.

On nous refuse des livres, consolation et délassementde l’esprit.

saurer.Lisez les saintes écritures; cette occupation purifie le

cœur.senseur.

Son luth même lui a été ravi !

PAULET.

Il ne retentissait que de chants profanes.

RENNEDY.

Était-ce la le sort réservé a celle qui, élevée au mi»

lieu de si tendres sollicitudes , était déjà Reine au ber-ceau l celle dom. l’heureuse jeunesse se développa dansle sein de la cour voluptueuse des Médicis! N’était-ce

pas assez de la dépouiller de sa puissance , fallait-ilencore lui envier: quelques ornemens? Les amas éle-vécs savent opposer un grand courage à de grands malaheurs; mais , chevalier , vous ne savez pas combien ilest pénible de renoncer aux dernières parures qui em-bellissaient l’existence !

"qumanwgse n emmy

«ne... qua.

Page 24: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

. www. www..." ...w-..-...r

i

La

a

ACTE I. SCÈNE l. a)

PAULET-

L’insensée n’occupe son cœur que de choses vaines,

tandis qu’elle devrait rentrer en elle-même ct se repentir.

Une vie de dissipation et de crime, ne s’expie que parla pauvreté et l’humiliation.

sennenv, avec dignité.

Si sa jeunesse oublia quelques-uns de ses devoirs , elleen répondra devant Dieu et sa conscience; mais enAngleterre il n’est personne qui ait le droit de la juger.

PAULET.

Elle le sera pourtant , et selon ses oeuvres.

senneuv.

Retenue depuis si long-temps dans ces étroites mu-railles, quel crime aurait-elle pu commettre?

PAULET.

Malgré ces liens étroits, n’a-belle pas su étendre les bras

vers le monde P allumer les flambeaux de la guerre civileau sein de ce royaume, armer des assassins contre notrereine P à travers ces murailles n’a-belle pas excité les scélé-

rats Parry et Babington à commettre l’horrible attentatdu régicide? Ces grilles de fer l’ont-elles empêchée de sév

duire le noble coeur de Norfolk P Sacrifiée pour elle , la plus

noble tête de l’A nglcterre tomba sous la hache du bour-reau. Cc déplorable exemple effraye-bi] encore les insensés

qui, pour l’amour d’elle, se précipitent à l’envi dans

l’abîme? Chaque jour nos échafauds se chargent de vic-

timcs. Ces scènes sanglantes ne cesseront que lorsque lacoupable (la tant de forfaits y sera elle-même offerte en

Page 25: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

8 . MARIE STUART.holocauste. Maudit soit le iour où le; rives hospitalièresde l’Anglcterre ont accueilli cette Hélène!

RENNEDY. xQuelle hospitalité! A peine l’inforlunée vint -’elle,

proscrite et suppliante, y chercher un asile; à peine sonpied tremblant outil touché cette terre , qu’au méprisdu droit des peuples et de la dignité royale , elle se vitplongée dans un profond cachot. Non-seulement sa jeu-nesse s’est écoulée dans les larmes, mais après avoir

épuisé ce que la captivité a de pins amer, on ose lacharger dlindignes soupç ms , et la faire comparaître de-

vant un tribunal comme un vil criminel. Elle! uneRein’!

PAULET.

Elle vint dans cette contrée telle qu’une meurtrièrechassée par son peuple , et déchue du trône qu’elle avait

souillé de forfaits; elle vint, conjurée contre le bonheurde I’Angleterre pour nous rendre les iours sanglans deMarie d’Espagne g pour rendre Albion catholique et lavendre à la France. Pourquoi, lorsque par un trait deplume elle eût pu recouvrer sa liberté, refusa-telle ile si-gner le traité (l’Êdimbourg et la renonciation au trône

d’Angleterrc? Non; elle préféra demeurer captive et supu

porter de durs traitemens, plutôt que de renoncer à cesdroits chimériques; elle se fie en ses artifices g confidente(le trames secrètes, versée dans la science des conspira-tions, elle espère du fond de son cachot conquérir encorel’Augleterre’.

RENIŒDY.

Vous joignez l’ironie à l’insulte. Elle nourrirait de

Page 26: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE l. 9telles chimères, celle que ces mttrs ensevelissent vivante!Ces murs que ne pénètre ni la voix de la pitié, ni l’ac-

cent consolatcur de l’amitié, ni les vœux que lui adressesa douce patrie! Celle qui, depuis tant d’années, n’a vu

que le frontsé vèrc de ses geolicrs, et qui chaque jour,sous d’odieux prétextes, est entourée d’une garde nouvelle

et de nouveaux barreaux l

PAULET.

Aucune barrière ne protège contre ses artifices. Quesais-je si , pendant la nuit, ces grilles de fer ne seront paslimées sourdement? si les murs de cette salle, solides enapparence et creux en dedans, ne s’ouvriront point à latrahison pendant mon sommeil? L’inquiétude chasse lerepos de mes yeux fatigués; j’erre dans les ténèbrescomme un esprit tourmenté; j’éprouve la fidélité des

gardiens et des verroux , et j’attends chaque matin avecterreur, redoutant que mes craintes nocturnes ne se soientréalisées. Patience! tout va finir. Plutôt veiller aux portes

des enfers sur la troupe des damnés, que sur cette reineartificieuse !

assoner.La voilà.

PAULET.

Un Christ dans la main, l’orgueil et les vanités dansle cœur.

Page 27: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

le MARIE STUART.

SCÈNE ’11.

LES PRÉCÉDENS , MARIE STUART.

(Alaric est couverte d’un voile, et porte un cmègfiæd’ argent. )

nuancer, allant ria-devant d’elle.

O Reine! on nous foule aux pieds. La tyrannie neconnaît plus de bornes. Chaque jour accumule de nou-veaux outrages sur votre front découronné.

MARIE 51mm , avec calme et douceur.

Sachons souffrir, Anna. Quel nouveau malheur estencore arrivé?

nuancer.

Ma souveraine , le sceau de vos secrets est brisé , vosécrits enlevés; l’unique trésor qui vous restât (sauvé ,

hélas! avec tant de peine), la parure nuptiale que jadisvous ofl’rit la France, tout est entre les mains de votregcolier. il ne nous reste plus rien de lagrandeur royale.

MA RIE STUART.

Calme-toi; ces orncmcns ne font point la Reine.On peut nous maltraiter : nous humilier, jamais. J’aiappris à supporter beaucoup en Angleterre...... Je puisencore me résigner à cette insulte. -- Chevalier, vous

Page 28: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE Il. uvous êtes emparé, par la violence , de ce qu’aujourd’hui

même je voulais vous confier. Parmi ces papiers est unelettre adressée à ma royale sœur, Elisabeth d’Angleterre g

promettez-moi de la lui remettre, mais à elle-même; etnon dans les mains infidèles de Burleigh.

nocer.Je réfléchirai sur ce que je dois faire.

MARIE STUART.

Vous pouvez en lire le contenu. J’implore dans cettelettre une grande faveur : celle d’un entretien avec masœur, que je n’ai jamais entrevue. On m’a cité devant

un tribunal composé de juges que je ne reconnais pointpour mes pairs, et en qui je ne puis placer ma con-fiance. Élisabeth est de mon sang , elle est de mon sexeet de mon rang; c’est à la reine , à la sœur, à lafemme, que je puis seule ouvrir mon âme.

PAULET.

Vous avec souvent confié votre sort et votre honneurà des hommes moins dignes de votre estime.

MARIE STUAKT.

J’implore encore une autre grâce : l’inhumanité seule

a pu me refuser , depuis ma longue captivité , les conso-lations de la religion et le bienfait des sacremens. Ceuxqui m’ont arraché la couronne et la liberté, ceux quien veulent,à ma vie , voudraient-ils aussi me fermer les

portes du ciel? tPAULET.

a Quand vous le souhaiterez, on vous enverra le mi»nistre de ce château.

Page 29: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

w. MARIE STUART.MARIE une? , avec vivacité.

Je ne veux point de ministre. l’exige un prêtre de ma

communion. Je demande aussi un notaire et un secréataire afin de pouvoir déposer mes dernières volontés. Le

chagrin, la longue misère de cette captivité rongent sour-

dement me vie ç je crains que mes jours ne soientcomptés... et je me regarde déjà comme au nombre desmourans.

nous".Vous faites bien. Cc sont là les méditations qui vous

conviennent.aulne STUMtT.

Et que sais-je si une main plus rapide que celle duchagrin n’aceélérera pas le long efl’ort de mes douleursE’Je

veux faire mon testament et disposer de ce qui m’appar-n

tient. iPAULBT.

Vous êtes libre; la reine (i’Angleterre ne veut pas ’

s’enrichir de vos dépouilles. ’

MARI E STU ART.

On m’a séparée de mes femmes , de mes fidèles servi-

teurs; ou sont-ils? que] est leur sort? Je puis me priverde leurs services , mais j’ai besoin d’être assurée qu’ils ne

souffriront point, à cause de moi, les humiliations et lamisère.

PAULET.

On a pourvu à tout.s

(Il meut sortir.)amure STUABT.

Vous me quittez, Chevalier, sans daigner me soulager

Page 30: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE Il. l3des tourmens de l’incertitude; grâce à votre austère vigiv

lance , rien du dehors ne parvient à travers ces murs ,et mon sort. est entre les mains de mes ennemis. De longueset pénibles semaines se sont écoulées depuis que quarante

commissaires , inopinément rassemblés dans ce château,

ont fait élever un tribunal, et sans me prévenir, sansme donner un défenseur ni le temps de rassembler mesesprits , m’ont traduite devant eux. Efl’rayéc d’une telle

précipitation, forcée de répondre à des accusations insi-

dieuses, mes souvenirs ont fui de ma mémoire. Pleinede trouble je n’ai pu les satisfaire. Ces juges sont venuset ont disparu comme des fantômes. Depuis ce jour, cha-cun garde avec moi un silence effrayant; j’interroge en vain

vos regards pour apprendre si mon innocence , le zèlede mes amis, ou la haine de mes ennemis triomphe"...ah! rompez ce funeste silence, faites-moi savoir ce queje dois craindre , ce que je dois espérer.

mener , après une parue.

Réeonciliez-vous avec le ciel.

un": s’ruaa’r.

J’espère en sa bonté. Je n’attends qu’une juste équité

de mes juges sur la terre.

raurer.On vous rendra justice , n’en doutez pas.

autan: sroaa’r.

Mon procès est-il achevé i’

canner.Je l’ignore.

Page 31: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

.4 MARIE STUART.sans sruan’r.

Sttissje condamnée?

vanter.Je l’ignore.

tuante nous”.

Le bourreau me Surprendra-toil comme les juges?

PAULET.

PenSez qu’il en peut être. ainsi; l’événement vous trou-

vera mieux préparée.

me": sruan’r.

Les actes d’un jury dirigé par la haine de Burleigh et

le fanatisme de Hatton, ne pourront jamais me surpren-dre; Cependant j’ignore encore jusqu’où la reine d’An-

gleterre osera porter son autorité.

PAULET.

Les s’ouverains d’Augleterre n’ont pour juges que leur

conscience et leurs parlements. L’arrêt que l’équité pro-

nonce, ils ont le pouvoir de le faire exécuter à la face del’univers.

SCÈNE 111.

Les ruéeéoens MORTIMER, neveu de Paillet. (Il entresans paraître remw’querla reine 5 ils’adresse àPaulet

nommera.

Mon oncle , on veut vous parler.

(Il s’éloigne sans saluer filerie. Celle-ci le mmarqnc

Page 32: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

w sua-È- ,

ACTE Il. senne tu. r5avec indignation, et s’adressant à Poulet qui s’apprête à

le suivre :)MARIE senau.

Chevalier, encore une prière. Lorsque vous aurez am’entretenir, épargnezvmoi l’aspect et les manières insul-

tantes de ce jeune fanatique : je saurai supporter beau-coup de votre part, j’honore votre vieillesse; mais l’inso-

lence de ce jeune homme m’est odieuse.

PAULET.

Ce qui vous le rend odieux est ce qui lui vaut monestime. A la vérité, Mortimer n’est pas un de ces insensés

que les fausses larmes d’une femme suffisent pour amollir.

Il a voyagé; il revient de Paris, de Rheims, et il rap-porte son cœur anglais. Je vous en avertis, avec lui vosartifices seront sans pouvoir.

(Il sort.)

SCÈNE 1v.

MARIE STUART, acenser.

RENNEDY.

Le cruel l comment ose-t-il vous adresser de tels dis-cours i’

anime sruaa’r, plongée dans la rêverie.

Dans les jours de notre prospérité, Anna, neus avonsprêté complaisamment l’oreille à la voix des flatteurs;

il estjuste que nous entendions aujourd’hui la voix sévères

du reproche. ’

Page 33: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

16 MARIE STUÀRT.senseur.

Eh quoi, Madame, êtes vous aujourd’hui sans force et

sans cou rage? vous qui vous plaisiez à nous consoler , vousdent je blâmais plutôt la légère insouciance que la mé-

lancolie lstatue sreaar.

Oui, la voilà . C’est l’ombre sanglante de Darnley lElle s’élève menaçante, du sein des tombeaux. Mon époux

ne sera apaisé que lorsque la mesure de mes maux seracomblée.

nuancer.

Quelles sinistres pensées l

MARIE sruaar.

Tu oublies, Anna: j’ai la mémoire fidèle. C’est aujour-

d’hui l’anniversaire de ce jour affreux que je consacrepar la pénitence et le jeûne.

RENNEDY.

Repoussez le triste fantôme. Vous avez expié ce crimepar les soutirances de plusieurs années; l’Église, qui tient

la clef de l’absolution pour tous les péchés, vousa reçue

dans son sein. Le ciel même vous a pardonné.

MARIE STUABT.

Ce crime, depuis long-temps pardonné, il se relève, tou-jours ensanglanté, du sein des tombeaux, où il n’était que

légèrement couvert. Ni la cloche du desservant ,de laMesse , ni l’Eucharistie dans la main du prêtre , rien ne.peut renvoyer dans la tombe le spectre d’un époux, qui

demande vengeance!

Page 34: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

in agames-ara

acre l. senne 1v. in;senseur.

Ce n’est pas vous qui l’avez frappé.

sunna sroanr.J’étais informée du complot. J’ai laissé exécuter ce

meurtre. . . Je l’ai moi-même, par des flatteries, attirédans les piégcs de la mort.

RENNEDY.

Votre jeunesse excuse cette faute. Vous étiez encoredans un âge si tendre!

MARIE STUAKT.

Si tendre l et déjà j’avais chargé le matin de me. vie

d’un si grand crime!

RENNEDY.

Vous fûtes provoquée par de sanglantes otfenses et parl’insolence de l’époux que votre amour avait tiré de l’obs-

curité. Votre couche royale l’avait conduit au trône , vous

l’aviez rendu heureux par la possession de vous-même et

de la couronne de vos ancêtres : devait-il oublier que sonsort était I’onv rage d’un amour généreux? Il l’oublia l Il

offensa votre tendresse par de vils soupçons; ses mœursgrossières le rendirentinsupportable à vos yeux. Le charmequi avait déçu vos regards, disparut. Vous vous arrachâtesaux cmhrassemens de l’infâme ; et lui , actoil jamais essayé

de rappeler votre tendresse et d’obtenir son pardon i’ Se

jeta-t-il à vos pieds en pleurant ses torts et en promet-tant de les effacer?" vous brava. Celui qui était votre ou-vrage , voulut s’érigent en maître auprès de vous. Il lit

massacrer sans vos yeux le beau chanteur Rizzio, votre2

Page 35: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

18 M A [il F. 8T (L’ART.favori. Vous ne lites que venger par le sang une san«glante injustice.

mais. STUABT.

Et ce sang aussi ne peut être expié que par le mien.Tu prononces mon arrêt en cherchant à me consoler.

KENKEDY.

Lorsque vous laissâtes s’accomplir ce crime . vousn’étiez plus vousa-même; vous n’apparteuiez plus à la

raison : le délire d’une aveugle passion vous avait saisie;vous étiez livrée au iong d’un formidable séducteur. Botltv

well , le terrible liotlnvrll régnait sur vous avec une inso-lente volonté; il avait égaré votre esprit par les philtreset les artifices de l’enfer.

mais srcau’r.

Tous ses artifices n’étaient que sa force et ma faiblesse.

senseur.Non , celui qui sut ainsi aveugler vos sens devait avoir

évoqué I’Esprit des ténèbres. Vous n’aviez plus d’oreille

pourla voix de l’amitié. Le tendre respect humain vousavait abandonnée. Vos joues, autrefois le siége de la puadeur, n’étaient enflammées que du feu des voiuptés. Vous

rejetiez au loin le voile du mystère, l’exemple du sé- iducteur avait triompé de votre timidité. Vous exposâtes

votre honte à tous les regards; c’est devant le meurtrierde votre époux que, poursuivie par les malédictions dupeuple , vous avez fait porter en triomphe dans les ruesd’ Édimbourg le glaive royal de l’Eeosse. Vous environniez

de troupes armées votre parlement, et là, dans le templetonème de la justice, vous forçâtes les inges (l’absouclre

l’assassin. Vous osâtes davantage... ô Dieu!

Page 36: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE 1v. :9MARIE srcsa’r. l

Achève; je lui donnai me main à la face des autels.

senseur.Qu’un éternel silence enveloppe cette action de ses

ténèbres! Elle est horrible. Elle était digne d’une. âme

perdue : la votre ne l’est point. Je vous connais; c’est

moi qui élevai votre enfance. Votre coeur est tendre etouvert a la pudeur. La légèreté est votre vice; mais jele répète, des esprits malfaisans s’emparent du coeur

qui n’est point sur ses gardes; ces esprits nous est-citent au crime, puis s’envolant vers l’abîme, ils nouslaissent l’horreur et l’etl’roi. Depuis cette action qui noir--

cit votre vie , j’ai été témoin de vos vertus. Reprenez

courage! rentrez en pais avec vous-même! Quelles quesoient vos fautes passées, en Angleterre vous n’êtes pas

coupable; ni Élisabeth, ni son parlement ne sont vosjuges. Le violence seule vous opprime ici. Vous pouvezvous présenter devant ce tribunal, avec le courage del’innocence.

trame STUAIt’l.

- Qui vient?(Merlùncr se montre à la porte. )

xanueov.

C’est le neveu de Paulet. Rentrez, Madame.

Page 37: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

sa MARIE STUART.

SCÈNE V.

Les raterons, MORTIMER entrant avec timidité.

MORTIMEB , à la nourrice.

Eloignez-vous , et veillez à cette porte. J’ai à parler à

la Reine.MARIE STUART, avec dignité.

Anna , tu resteras.nommait .

Ne craignez rien , Madame , apprenez à me connaître.(Il lui présente une carte. )

MARIE senau, avec un mouvement de surprise.

Que vois-je? ’nommait, à la nourrice.

Allez, dame Kennedy, ayez soin que mon oncle nenous surprenne point.

MARIE srusn’r, à Kennedy qui la regarde comme pourlui. demander si elle doit obéir.

Oui, oui, fais ce qu’il dit.

( La nourrice s’éloigne.)

Page 38: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

n n. vantaux

f"’uç*.3ÂApssWÜ,w qui, ’ , 4,”; * i

w..m-....vuvmm.

ACTE I. 21SCÈNE V1.

MOBTIMER, MARIE STUART.

MMllE STUAliT.

De mon oncle?...... du cardinal de Lorraine? de laFrance! (Elle lin) a Confiezvvous à Sir Morlimcr, vousn’avez point d’ami plus fidèle en Angleterre. u (Regardant

illorlùner avec étonnement.) Est-il possible! N’est-cepoint une illusion qui m’abuse P Je trouve un ami si près

de moi, quand je me croyais abandonnée de lluuivers!et je le trouve en vous, le neveu de mon geolier, envous que je croyais mon plus mortel ennemi? -,

mourusse , se jetant àses pieds.

Pardonnez-moi ce masque odieux; il m’a coûté de

le porter, mais je lui dois le bonheur de pouvoir vousapprocher, vous secourir et vous sauver.

MARIE STUABT.

Levez-vous. -- Vous me surprenez , Chevalier; je nepuis si subitement passer de la profondeur de ma misère àces douces espérances. Expliquez-moi ce bonheur si vousvoulez m’y faire croire.

MORTIMER-

Le temps s’écoule; mon oncle va venir accompagné

au...» a.

MM Femme...-

Page 39: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

22 MARIE STUART.d’un homme odieux. Avant que leur message vous acca-ble . apprenez de quelle manière le ciel a pourvu à votredélivrance.

" sueur: srcsu’r.(l’est sans doute un miracle de sa touteopui55ance’.

MORTIMER.

Permettez que je vous parle d’abord de moi.

MAGIE srmnr.

, jI’erleg. V

amarinait.

J’avais vingt ans , Reine; élevé dans de rigoureux de»

vos.» nourri dans une sombre haine du papisme, un-désir invincible ni’entraîna vers le continent. Je quittai

les sombres oratoires des Pnritaius , je m’éloignai de ma

patrie, et d’une course rapide je traversai la France,cherchant avec d’ardeur» désirs, l’Italie si vantée.

C’était le. temps de la plus grande fête de l’Église: les

routes étaient canivertes de troupes de pèlerins, chacunedes images de Dieu était courunuée’de’ fleurs; on eût

dit que le genre humain était en pèlerinage vers le ciel.Le torrent des fidèles m’entraina vers Rome. Quelle futmon émotion. ô Reine! finaud je vis la pompe des co-lonneslet des ares trimnphaux; quand la magnificencedu Colysée m’environna; lorsqu’un sublime esprit m’en-

ferma dans un mutule de merveilles! Je n’avais jamaisressenti la puissance des arts : l’Église qui m’élcva ,

proscrit le charme des sens g elle ne tolère aucune image ,son culte est la parolcinvisible. Qu’éprouvaije lorsque

Page 40: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

k;

’11

â

4ssà.

2

«par» nasales: esa’çaim,e.w4..y;,,;.-., aussi,

1M ne» a»; wyanmuwa c

74:96.? A a.

’G ’z.:".i*’.’:’ hi" "A 4,.” (aimantaenflammera:niaMLsuxaææ;

.1 1.. in Nina r» wwwl lamez! «as-arcauiaïvmxsrziaaâix’ùifi

son; l. sans]; Yl. 23j’entrai dans l’intérieur des temples et que la musique

descendit des cieux; et qu’avec profusion la multitudedes formes vint parer les murs et les voûtes; que cequ’il y a de plus majestueux et de plus sublime fut pré--

sont à mes sens enchantés; quand je vis enfin ce que laterre et les cieux ontde plus auguste : le salut de l’ange,la naissance du Seigneur, la mère du Çbrist, la Trinité

descendue sur la terre , la resplendissante transfigura-tion! Lorsqu’enfin je vis le pontife suprême dans sa ma-gnificence célébrer les mystères et bénir les peuples! Oh!

qu’estcc que l’éclat de l’or et des pierrerirs dont se parent

les rois du monde? Lui seul est. entouré de splendeur ,son règne est véritable, et le ciel est sa demeure.

MARIE STUÂRT.

Épargnez-moi ; cessez d’étaler à mes yeux ce brillant

tableau... Hélas! je suis malheureuse et captive!

MOItTlMBl’n

Et moi aussi je fus captif; mais ma prison s’ouvrit,mon esprit se sentit tout-à-coup libre, et salua avecravissement le nouveau jour de la vie. Alors je juraiune haine éternelle’au livre étroit et obscur de macroyance; j’ornai mon front de couronnes de fleurs pourme joindre aux heureuses réunions des fidèles. Beaucoupde nobles Écossais et de Français se pressaient. autourde moi. Ils me conduisirent vers votre oncle le cardinalde Guise. Quel homme! quellefermcté que la sienne l quellemâle grandeur! Il est né , celui-là , pour régner sur lesâmes, pour être le modèle d’un prêtre royal, et le princede l’Église!

Page 41: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

MARI E STUAR’F té43x

MARIE SIUÀRT.

Quoi! vous avez vu les traits chéris de l’homme su»

blimc qui fut le guide de. ma jeunesse! O parlez-moi delui! se souvienteil encore de mai? Le sort lui sourit-il?Est-il encore. dans une florissante vieille-35e , une des co-lonnes de l’Église P

nomment.

ll daigna m’enscigner lui-même les sublimes doctrines

de la foi, et dissiper les doutes de mon coeur.. Il memontra que’la raison qui va trop loin dans ses ne.cherches, conduit l’homme d’erreur en erreur; queles yeux doivent saisir ce que le cœur doit croit"; quel’Église a besoin d’un chef visible; que l’esprit de vérité

a dicté les maximes des conciles. Toutes les idées erro-

nées de mon àmecnfantine disparurent devant sa raisontriomphante , devant sa persuasive éloquence. Je rentraidans le sein de la véritable Église , et j’abjurai mon erren r

entre ses mains.MARIE STUART.

Vous êtes donc un des nombreux disciples qu’avecla force céleste de ses discours il asaisi comme le sublimeprédicateur de la montagne , et conduit au salut éternel?

MORTIMEB.

Lorsque les devoirs de sa dignité le rappelèrent enF rance, il m’envoyer à Rheims , où la Société de Jésus ,

pieusement active, élève des jeunes prêtres pour l’Église

d’Anglcterre. Je trouvai la le vieux Écossais Morgan , et

votre fidèle Lesslcy, le savant évêque de Rosse, qui surle sol français usent tristement les jours de leur exil. Lespieux entretiens de ces dignes hommes me fortifièrent

Page 42: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE v1. 25dans la foi-Un jour , (lansle palais de liÉvêque, liimaged’une femme frappa mes regards d’un charme merveilleux

et touchant : ie demeurai immoliiie et saisi d’un longenchantement. a C’est avec raison. me dit llÉvêque, que

vous vous arrêtez. ému devant cette image: la plus belledes femmes est aussi la plus malheureuse. Elle soutirepour notre foi ; et c’est dans votre patrie qu’ellesouffre!

statue sruae’r.

Le «ligne homme! Non, je n’ai pas tout perdu, puis-qu’un tel ami m’est resté.

h MORTIMEB o

Il commença à me peindre, avec cette éloquence quitouche le coeur, et votre martyre et l’areharnement san-guinaire de vos ennemis. Il me parla de vos encêtres,me montra comment vous descendiez de la noble niai-son des Tudors, et qu’à vous seule appartenait de ré-gner sur l’Angleterre; non à cette Reine, conçue dans

un lit incestueux. et que Henri, son père, a lui-mêmerejetée de son sein. Ne voulant pas me fier à son seultémoignage , je consultai dlhabiles jurisconsultes , iefeuilletai les livres héraldiques : tout me confirma lajustice de vos droits. Je sais maintenant que ces droitssont tout votre crime; et qu’il vous appartient cetempire, où vous languissez prisonnière. ’

MARIE STUABT.

Malheureux droits! ils sont la source de toutes mes

infortunes l .nourrain.J’appris. qu’on vous avait enlevée du château de Tal-

Page 43: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

26 MARIE STUART.bot, et confiée à la garde de mon oncle. Je crus recon-naître dans cet événement la main libératrice du ciel. Ce

fut pour moi un avertissement de la destinée, qui choi-sissait mon bras pour vous délivrer. Mes amis approuvent

mon projet : le cardinal me donne ses conseils , sabénédiction, et micnseignc l’art pénible de trompes- vos

ennemis. Le plan fut promptement conçu, et je partispour revenir dans ma patrie , ou j’arrivai , connue vousle savez, il y a dix jours. (Il s’arrête un moment ) Jevous vis, Reine. Vous-luétine , et non plus votre image!--0 quel trésm’ ronronne ce château Ë ce n’est pas une

prison , c’est un temple de la divinité, plus splendideque la cour royale d’Angleterre. Heureux le mortel quipeut respirer l’air que vous respirez! Elle a raison , cellequi vous cache si profundélnentî Toute la jeunesse deliAngletcrre s’insurgerait, aucune épée ne resterait oi-

sive dans le fourreau et la rébellion parcourrait cetteile pacifique avec une tête de géant, si l’Auglais pouvait

contempler sa légitime Reine. il

MAI: [E STEAK! .

Heureuse, si tous me voyaient avec ms yeux Ê

SIOHTIMI’lfi.» A

Que ne sont-ils, comme moi, témoins de vos souf-frances, témoins (le la noble résignation avec laquellevous supportez les tournions que vous ne méritez pas!car vous sortez en Reine de tontes les épreuves de l’ad-versitél L’ignominie de la prisoit vous enlève-bellequelque chose de votre beauté P Tout ce qui orne la vievous manque; et cependant la splendeur et la vie vousenvironnent. Je ne franchis jamais ce seuil, que mon

Page 44: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1. SCÈNE v1. 27cœur ne soit déchiré de tourments et ravi de trans-ports.... Mais la redoutable décision s’avance avec toutes

ses horreurs : le danger presse , augmente avec chaqueheure! Il ne m’est plus permis de vous cacher le ter-rible avenir.

MARIE STUART.

Ma sentence est-elle prononcée P Parlez , je puis l’en-

tendre.MORTIMER.

Elle est prononcée. Quarante-deux juges vous ontdéclarée COUPABLE. La chambre des Lords, celle desCommunes, et la ville de Londres pressent l’exécutiondu ingement. Il n’y a que la Reine qui hésite encore,mais afin qu’on la contraigne; et un" par un sentimentd’humanité ou de clémence.

sueur: stemm" , avec dignité.

Vous ne me surprenez point, vous ne m’épouvantczpas. Il y a longtemps que je suis préparée à recevoirun semblable message. Je connais mes juges. Après lestraitemeus que j’ai soufferts, je comprends qu’on ne peut

me rendre la liberté. On vent enfouir avec moi , dans lanuit d’une prison éternelle, et ma vengeance et mesdroits.

MORTIMER.

Vos ennemis ne se contenteront pas de la moitié ducrime. Tant que vous vivez , la crainte de la Reine vitaussi. Aucune prison ne saurait vous ensevelir assez pro-fondément. Votre mort seule peut assurer son trône.

MARIE STUART.

Comment? elle oserait courber ignominieusement matète couronnée sous la hache du bourreau P

«un... me. wwmfi-nhmm... (musa-mvm «un.

’"* **-"*-N--vm..-.....v.. N. ...s.--. mm»...

Page 45: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

28 MARIE STUABT.MORTIBIER.

Elle l’osera ; n’en doutez point.

MAltlF. sTuan’r.’

C’est ainsi qu’elle pourrait avilir sa propre majesté et

celle de tous les rois? ne craint-elle point la vengeancede la France?

MORT!!! en a

Elle vient de conclure une paix éternelle avec laFrance; elle donne sa main et la moitié de son trône auduc d’Anjon.

sur": sroauzr.

Le roi d’Espagne n’armera-t-il pas P

nommera.

Elle n’a rien à redouter du monde entier en armes.tant qu’elle restera en paix avec son peuple.

mame 51mm.

Elle donnerait ce sanglant spectacle aux Anglais!

MORTIMER.

Ce pays a déjà vu des Reines passer du trône à l’éclia-

taud. La mère tl’Élisabeth, et Catherine Howard ontéprouvé ce sort; la tête de Jeanne Gray portait aussi une

couronne.

un"; 51mm, après un instant de silence.

Non , Mortimer; la crainte vous aveugle. La sollici-tude de votre coeur fidèle vous crée de vaines terreurs.Cc n’est pas l’échafaud que je redoute. Il est des moyens

Page 46: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1. SCÈNE v1. 29plus secrets , par lesquels une reine d’Angleterre peuts’assurer contre mes droits. Elle trouvera plutôt desassassins que des bourreaux. Je n’approche jamais unecoupe de mes lèvres , qu’un frisson ne me saisisse. Jela crois déjà trempée de l’amour de ma sœur.

MORTIMER.

Le meurtre ne pourra réussir à attaquer votre vie , ou-vertement ni en secret. Tout est préparé. Douze jeune:Anglais, d’un sang noble, se sont unis à moi : ils ontreçu ce matin les divins sacremens 5 ils ont juré de vous

arracher de ce château. Le comte Aubépine, ambassa-deur de France , connaît notre projet, il y prête lesmains; c’est dans son palais même que nous nous rasasemblons.

MARIE sruanr.

Vous me faites trembler, chevalier; et ce n’est pas dejoie. Un sinistre pressentiment m’oppresse le cœur.Qu’eutreprenez-vous P Le savez-vous bien? Ne vousépouvantent-elles pas les têtes sanglantes de Babingtonet de Tichburn, exposées sur le peut de Londres, pourservir d’exemple? Ne redoutez-vous pas le sort de tous

ceux qui , voulant me sauver, ont trouvé la mort et.n’ont rendu mes chaînes que plus pesantes? Malheureux

jeune homme! fuyez s’il en est encore temps. Fuyez, siBurleigh n’a pas déjà connaissance de vos projets; si déjà

un délateur n’est au milieu de vous. Éloigncz-vous de ce

royaume: Marie Stuart n’a jamais vu la fortune sourireà ses défenseurs!

MORTIMER.

Ni les fêtes sanglantes de Babington et de ’l’icbburn;

nwawmmW...» 4 n V

.. A»..- q-rvçrçh’pvmn

Page 47: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

3o MARIE STUAHT.placées sur le peut de Londres pour servir d’exemple; ni

la ruine de tous ceux qui ont trouvé la mort dans detelles entreprises, ne peuvent m’effrayer. Il y trouvèrentaussi la gloire; et c’est déjà le bonheur que de mourir

pour vous sauver!

un"; STUART.

Vains efi’orts! ni la force , ni la ruse ne me sauveront.L’ennemi est vigilant et il a tout pouvoir. Ce n’est pasPaulet seul et ses gardiens , c’est l’Augleterre entière qui

veille aux portes de ma prison. La libre volonté d’Élisao

betb. pourrait seule les ouvrir.

nommes.Ne l’espérez pas.

MARIE STUAltT.

Un seul homme peut me rendre la liberté.

MORTIM sa .

0h l nommez-le moi !

MARIE STUART.

Le comte de Leycester.

nommes, reculant de surprise.

Leycestcr! votre plus cruel persécuteur? le favorid’Élisabeth l

31.1315 STUÂRT.

Si je puis être sauvée , ce ne peut être que par lui. wAllez le trouver, Chevalier; ouvrez-lui votre coeur, etpour garant que c’est moi qui vous envoya, portez-luicette lettre. Mon portrait est renfermé dans le mêmeécrit. Elle tire un papier de son sein. filertimer hésile à

Page 48: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE V]. a:Î accepter. ) Prenez. Il y a long-temps que la rigoureusevigilance de votre oncle me ferme tout accès jusqu’à lui.

C’est mon ange sauveur qui vous a envoyé.

MORTIMER.

Daignez m’expliquer cette énigme.

sunna 51menLe comte de Leycester vous l’expliquera. Ayez con-

fiance en lui, il se confiera en vous. --On vient.

RENNEDY, accourant.

Sir Paulel s’avance avec un envoyé de la cour.

MORT! à! en.

C’est Lord Burleîgh. Préparez - vous à écouter avec

courage ce qu’il vient vous annoncer. ( [Vortùner s’é-

loigne par une porte latérale : K ennemi] le suit. )

SCÈNE VIL

MARIE STUART, LORD BURLEIGH, TRÉSORIER D’ANGLE--

TERRE, LE CHEVALIER PAULE.T.

PÂULET.

Vous désiriez quelque certitude sur votre son, lelord Burleigh vous l’apporte , Madame : recevez-la avecrésignation.

MARIE 311mm.

Je l’attendrai avec la dignité qui convient à l’innocente.

Page 49: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

’32 MA B I E STUA ET.BURLEIGU.

Envoyé par le tribunal....

mais 57mm.Lord Burlcigh , toujours .oflicieux, après avoir prêté

son esprit à mes juges, leur prête donc aussi son or-gane P

PAULET.

Vous parlez comme si déjà vous connaissiez votrearrêt.

un"; 512mm.

N’est-ce pas Burleigh qui me l’a pportc P... Abrégeons ,

Milord. ’BURLEIGH.

Vous vous êtes soumise au tribunal des quarante-deum...

LIA-RIE STUAltT.

Pardonnez; je ne me suis point soumise à cette déci.sien. Comment aurais-je pu le faire au préjudice de monrang, de la dignité de mon peuple, de mon fils, et detous les souverains? Les lois de ce pays ordonnent quetout accusé sera jugé par des jurés de son rang : quidonc est de mon rang dans ce tribunal? Les rois seulssont mes pairs.

acumen.Vous avez entendu les chefs d’accusation, vous vous

êtes laissé interroger.

mame STUART.

Oui, je me suis laissé séduire par les artifices du

Page 50: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE vu. 33liatton; j’ai descendu jusqu’à prêter l’oreille à mes ac-

cusateurs pour les confondre. Je le fis uniquement dans lapersuasion de mon innocence, et par égard pour lesnobles lords; non pour leur pouvoir que je conteste.

BURLEIGH.

Que vous reconnaissiez on méconnaissiez vos juges, cen’est qu’une vaine formalité; elle ne peut entraver le cours

de lajusticc. Vous respirez l’air de l’Angletcrre, vous jouis-

sez de la protection et du bienfait des lois, vous devezleur être soumise.

MARIE STUART.

Je respire l’air dans un cachot anglais. Est-ce la vivre en

Angleterre et jouir du bienfait des lois PJe les connaisà peine; je n’ai jamais consenti à les observer. Je nesuis pas sujette de cet empire. Je suis Reine d’un paysétranger.

acumen.Pensez-vous que le titre de Reine puisse servir ici de

privilége pour semer impunément la discorde? Que de-viendrait la sûretédes États, si le glaive de la justice nepouvait atteindre le front coupable de l’hôte royal comme

celui du mendiant?

MARIE STUART.

Je ne veux point me soustraire à la justice; ce sontles juges seuls que je repousse.

BURLEIGH.

Les juges! comment, Miladyi’ Sont-cc des réprouvés,

ramassés dans la lie du peuple? capables de vendre la3

Page 51: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

si MARIE armer.justice et la vérité, et que l’oppression puisse prendre à

ses gages? Ncsont-ce pasles premiers hommes de ce pays,pourvus d’assez de caractère et de dignité pour oser dire

la vérité, pour être inaccessibles à la corruption comme

à la crainte? Ne sont-cc pas les mêmes hommes qui gou-verncnt avec liberté, avec justice, un peuple noble, etdont il suffit de prononcer les noms , pour faire tairetous les soupçons? Voyez à leur tète le pasteur des peu»

plus , le pieux primat de Cantorbéry, le sage Talbot,dépositaire des sceaux de l’empire , et Howard qui com-

mande les flottes de l’Ëtat. Que pouvait faire de plus lareine d’Angleterre que de choisir dans la monarchie leshommes les plus reconnnandables, et les faire juges danscette contestation P Si l’on pouvait penser que la haine despartis ait pu corrompre l’un d’eux , comment supposerque quarante citoyens , l’élite d’une grande nation , s’ac-

cordent à prononcer unanimement une injustice?

MARIE s’rcan’r, après quelques imams de silence.

J’écoute avec étonnement cette bouche dont l’éloquence

me fut toujours si funeste! Femme, et étrangère l’art de

la parole, comment me mesurer avec un orateur aussihabile! Si mes juges étaient tels que vous les dépei-gnez, Milord , je serais réduite à me taire, et ma causeserait perdue s’ils m’avaient déclarée coupable. Mais

ces noms, que vous vantez , qui doivent m’écrascr dupoids de leur importance, je vois les hommes qui lesportent, Milord, jouer des rôles bien différons dansl’histoire de ce pays. Je vois cette fière noblesse d’An-

gin-terre, ce sénat majestueux, adorer en esclaves lescaprices de Henri V111, mon grand-oncle. Je vois

Page 52: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ë

ACTE l. SCÈNE VIL 35cette chambre des Pairs, aussi vénale que les Communes,fonder des lois et les abolir, sanctionner des mariages etles dissoudre, déshériter aujourd’hui les princesses roya-

les, les flétrir en les déclarant illégitimes , et demain les

couronner Reines. Je vois ces dignes pairs, sous quatrerègnes différons , troquer leur conscience ct changerquatre.fois de religion;

BURLEIGII.

Vous ignorez, dites-vous , les lois de l’Anglcterrc; sesmalheurs , du moins , vous sont bien connus!

mame STUAnT.

Et ce sont là mes juges! Lord trésorier , je veux êtrejuste envers vous : soyezde envers moi. On dit que vousêtes plein de zèle pour votre patrie et votre Reine;que vous êtes incorruptible, vigilant, infatigable : jeveux le croire. Cc n’est pas un intérêt personnel qui vous

guide, mais l’intérêt du souverain et du pays. ’est juste-

ment pour ces causes, Milord, que vous devez vous défierde vous-même, afin que l’avantage de l’État ne vous fasse

pas confondre le juste et l’injustc. Je ne doute pas qu’àcôté de vous ne siégcnt encore (les hommes respectables :,

mais mes juges sont anglais, protestants; et ils pmnonccntsur moi, Reine d’Écosse, et catholique! C’est un ancien

adage, que les Bretons ne sauraient. être justes envers lesÉcossais. Depuis les temps les plus reculés de nospères, jamais en justice la loi n’adnlit le témoi-gnage de l’un contre l’autre. La nécessité institua cette

loi singulière : les antiques usages ont un sens profond;respectez-les, Milord. La nature jeta deux ardentes na-tions sur cette ile au milieu de l’Océan, elle la leur par-

3*

Page 53: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

36 MARIE STUART.tagea inégalement, et il fallut en disputer la possession.Le lit étroit de la Tweede est la seule limite qui sépare

ces esprits fougueux; souvent le sang des combattansteignit ses ondes. Depuis mille ans, ils se regardentdes deux rivages, les yeux menaçans et la main sur lagarde de leurs épées. Jamais ennemi n’attaqual’Angleterre ,

que l’Écossais ne se joignît à lui; jamais guerre civilen’embrâsa les villes de l’Écosse, quel’Anglais n’en prêtât

le feu. Cette haine ne s’éteindra que lorsqu’un seulparlement viendra réunir ces deux peuples, et qu’un

seul sceptre gouvernera fraternellement toute cetteîle.

HURLEIGEI.

Et c’est une Stuart qui devait procurer ce bonheur àl’empire?

MARIE STUART.

Je l’avoue, ie nourrissais l’espérance de réunir deux

nations généreuses , sous l’ombre de l’olivier. Je ne m’at-

tendais pas à devenir victime de la haine de ces deuxnations; je me flattais d’étouffer pour toujours leur iaalousie , le feu de leur antique discorde, et d’unir paisible-ment les deux couronnes, ainsi que mon aïeul Richemond

unit iadis les deux roses.

BURLEIGH.

Vous marchiez vers ce but par de dangereux sentiers,lorsque vous vouliez embrâser l’empire et monter sur letrône à travers les flammes de la guerre civile.

MARIE STUART.

Je ne le voulais pas, j’en atteste Dieu. Et quand l’aurais-

ie voulu P où sont les preuves i’

Page 54: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE vu. a;BURLEIGH.

Je ne suis pas venu ici pour discuter. Ces intérêts nesont plus soumis à un combat de paroles. La questionest décidée par quarante juges contre deux. Vous avezviolé l’acte de l’année passée. Le bill portait : « Si quelque

n trouble naît dans le royaume, au nom et en faveurn d’une personne qui prétende avoir des droits à la) couronne, on procédera judiciairement contre elle,n et on poursuivra les coupables jusqu’à la mort. n Or,

comme il est prouvé.... I

un

MARIE STUARTo

Lord Burleigh l je ne doute pas qu’on ne puissefaire usage contre moi d’une loi , qui a été faite pourmoi, rédigée dans l’unique intention de me perdre. Mal-

heur à l’accusée , si la bouche qui a fait la loi, prononce

aussi la sentence! Pouvez-vous nier, Milord, que cetacte n’ait été imaginé pour ma ruine?

BURLEIGH.

Il fut destiné à vous servir d’avertissement. C’est vous

qui en avez fait un piége. Vous voyiez l’abîme ouvert

sous vos pas, vous vous y êtes précipitée. Vous étiezd’intelligence avec Babington et ses complices incen-diaires. Vous étiez instruite de tout; et de votre prisonvous dirigiez la conjuration.

MARIE STUÀRTa

Quelles preuves en avez-vous?BURLEIGH.

On vous les a communiquées à la cour de justice.

Page 55: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

38 MARIE ST D’ART.mame. STUART.

J’ai vu des copies écrites par une autre main. Qu’on

me prouve que j’ai dicté , moi-même, les lettres qui me

sont attribuées?

acumen.Babington a avoué avant sa mort que ce sont les mêmes

qu’il a reçues de vous. V

MARIE STUA li’i’.

Et pourquoi ne me l’a-t-il pas attesté vivant P Pour-quoi a-t-on hâté son supplice avant de m’avoir confrontée

avec lui P 1acumen.

l Kurl et Nau , vos secrétaires, attestent aussi , par ser-ment, que ce sont les lettres qu’ils ont écrites sous votredictée.

MARIE STUART.

Et l’on me condamne sur le témoignage de mes servi-

teurs , sur la fui de ceux qui ont trahi leur Reine, de ceuxqui violaient leur serment de fidélité en déposant contre

moi l iacumen.

C ’Ç IVousgnême avez reconnu autrefois l’kcossals Knrl pour

un homme de probité et d’honneur.

BÏARIE STUAIIT.

Je le croyais ainsi. Mais l’heure du danger, seuleépreuve de la" vertu, n’étaitpas encore venue. La torture a

pu le contraindre à déposer ce qu’il ne savait pas. Peut-être espérait-il se sauver par un faux témoignag .

Page 56: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. scare vu. 39acumen.

Il a confirmé ses dépositions par un libre serment.

mame sruaur.

Il ne l’a point faiten ma présence. Mais, Milord, cesdeux témoins vivent encore, qu’on leur fasse répéter

leur déposition devant moi. Pourquoi me refuserune faveur, un droit , qu’on accorde à un assassin l Jesais de la bouche de Talbot, mon gardien précédent,que sous ce même règne une loi de l’empire ordonnede présenter l’acrusateur à l’accusé. Ne l’ai-je pas bien

comprise? Chevalier Paulet, j’ai toujours trouvé en vousune loyale conscience: déclarezde , cette loi n’existe-belle

pas en Angleterre?PAULET.

Elle existe.

mame s-ruan’r , à Eurlezîgh.

Eh bien , Milord , si l’on me traite selon la rigueurdes lois anglaises quand ces lois me condamnent, pour-quoi les éluder quand elles peuvent m’être utiles P Pour-

quoi Babington et mes deux secrétaires ne m’ont-ils pasété confrontés?

acumen.Ce n’est pas seulement votre intelligence avec Babingc-

tonIOIIMARIE STUART.

C’est elle seule qui m’expose au glaive de la loi, et dont

je dois me justifier. Milord, ne vous écartez pas de laquestion .

Page 57: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

4o MARIE STUAlt’t.BU RLEIGH u

Il est prouvé que vousavezuégocié avec Meudozza ,antibassadenr d’Espagnc.

sueur: SÏ’UART , vivement.

Ne vous écartez pas de la question, Milord.

BURLEIGll.

Que vous avez fait des complots pour opprimer la re-ligion du pays; que vousavez excité tous les rois de l’Eu-rope à faire la guerre à l’Angleterre.

MARIE STUARI’.

Je ne l’ai pas fait. Mais supposons que je l’aie fait z on

me tient ici captive contre le droit des gens. Je ne suispas venue en ce pays les armes à la main. Je vins en sup-pliante demander l’hospitalité, me jeter dans les brasd’une reine qui m’est alliée par le sang: et l’on m’arrête;

et l’on m’a préparé des chaînes , là ou j’espérais une pro--

tcrtion. -- Dites! ma conscience est-elle engagée? Aiojedes devoirs envers l’Angleterre? En faisant des eli’orts pour

me délivrer de ces fers, en combattant la force par laforce, en implorant le secours de tous les monarques;je n’exerce que le droit d’une légitime défense. Je peux

mettre en œuvre tout ce qui, dans une guerre franche,est conforme aux règles de l’honneur. Ma fierté et maconscience ne m’interdisent que l’assassinat. L’assassinat

me souillerait sans doute, mais il ne saurait me soumettreà la décision d’un tribunal; car entre l’Angleterre etmoi il ne s’agit pas de droit, mais seulement de puissance

et de force.

Page 58: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE Vil. 4!BURLEIGH.

N’allez point invoquer le terrible droit du plus fort,Madame; il n’est pas favorable aux captifs!

MARIE STUART.

Je suis faible, et Élisabeth est puissante. Eh bien!qu’elle use de la force. Qu’elle fasse à sa sécurité le sacri-

fice de ma vie; mais qu’elle ne prétende pas m’avoirimmolée à la justice. Qu’elle n’aille pas emprunter le

glaive des lois pour se délivrer de l’ennemie qu’elle hait;

qu’elle ne couvre point d’un manteau sacré la sanglante

audace de sa vengeance; enfin que le monde ne soit pasabusé par une telle hypocrisie. Elle peut me faire mas-sacrer, mais non juger! Qu’elle cesse d’allier les dehors

de la vertu, aux fruits du crime. Qu’elle ose paraîtrece qu’elle est.

( Elle sort.)

s CÊN E V 11 I.

BURLEIGH , PAULET.

BU BLEIGH.

Elle nous brave, Chevalier; elle nous bravera, jus-qu’au pied de l’échafaud. Ce cœur fier ne saurait être

dompté. En écoutant sa sentence l’avez-vous vue répandre

une seule larme, changer de couleur? Elle ne demandepoint de pitié. Elle connaît trop l’indécision de la Reine

Page 59: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

.12 MARIE STUART.d’Angleterre, et. c’est notre faiblesse qui lui prête ce

courage.

nacrer.Lord grand trésorier! cette vaine assurance disparaîtra

bientôt si on lui en ôte le prétexte. Il s’est commis dans

ce procès des irrégularités, si j’ose le dire. Il fallait cou-

frontcr avec elle Babington , Ticbburn , et ses deuxsecrétaires.

acumen , rapidement.

Non, non , chevalier Paulet 5 on ne pouvait hasardercette épreuve , la puissance de ses larmes est trop forte.Kurl, s’il se trouvait visai-vis d’elle, et qu’il s’agit de

prononcer le mot d’où dépend sa vie, reculerait et révo-

querait ses aveux.

rachr.Les ennemis de l’Angleterre remplirent le monde de

bruits odieux; la solennité du procès ne semblera plusqu’un méfait hardi.

BURLEIGH.

Voilà ce qui inquiète la Reine. Que n’est-elle morteavant de toucher le sol de l’Angleterre, cette femme, ar-

tisau de tant de malheurs!

raucer.En cela , je m’unis à vos vœux.

acumen.Si quelque maladie l’eût fait périr dans la prison!

I PAULET.Sa mort eût épargné bien des calamités à ce pays.

Page 60: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE l. SCÈNE VIH. 43GURU-ZIG".

Quand même quelque accident naturel l’eût emportée ,

on nous appellerait encore ses meurtriers.

FA ULET.

Il est vrai; on ne peut empêcher les hommes depenser.

EURLEIGII. IMais on ne pourrait le prouver du moins, et cela

ferait moins parler.

’ murer.Que cela fasse parler! le blâme ne blesse point, à cause

des clameurs , il blesse quand il est juste.

BURLEIGH.

La sainte justice même ne saurait échapper au blâme.L’opinion prend le parti de l’infortuue, et l’envie s’attache

toujours au triomphe. Le glaive de la justice, dont s’oruela main d’un homme, devient odieux dans celle d’une

femme. Le monde ne croit pas à la justice d’une femme,quand une autre femme en est l’objet et la victime. C’est

en vain que nous, les juges, amns prononcé d’aprèsnos consciences : Élisabeth a le droit de faire grâce : ilfaut qu’elle en use. Laisser leur cours aux rigueurs de la

loi, serait de sa part un acte odieux.

PAULET.

Ainsi donc....

acumen , avec pl’écùn’talion.

Ainsi donc , elle ne doit pas vivre. Non , certesùl... Et

Page 61: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

44 . MARIE STUART.voilà ce qui tourmente notre Reine. Voilà pourquoi lesommeil fuit sa couche; je lis dans ses yeux les com-bats de son âme , sa bouche n’ose prononcer ce que son

cœur désire; mais son regard semble dire : a Au-cun de mes serviteurs ne m’épargnera-t-il l’alterna-

tive fatale, ou de trembler toujours sur le trône, ou delivrer à la hache du bourreau une Reine qui m’est alliée

par les nœuds du sang P »

cancer.C’est une nécessité qu’on ne peut plus changer.

acumen.La Reine pense qu’on pourrait la changer , si elle avait

des serviteurs plus zélés , plus entendus.

nocer.Plus entendus , Milord P

BURLEIGII.

Qui sussent expliquer un ordre muet.

PAULET.

Que voulez-vous dire P

acumen.Qui, lorsqu’on leur donne à garder un serpent veni-

meux , ne le conservent point comme un précieux dépôt.

PAULET-

La gloire de la Reine et son nom sans tache, sont unépôt sur lequel on ne saurait jamais veiller avec tr0p

de soins.

Page 62: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE VIH. 45BURLEIGH.

Lorsqu’on enleva Marie du château de Shrestury,pour la confier à la garde du chevalier Paillet , onvoulut....

ramer.Je me flatte, Milord , qu’on voulut remettre aux mains

les plus pures l’emploi le plus délicat. M’en serais-jechargé si je n’avais pas cru qu’il exigeât le plus honnête

homme de l’Angleterre 9 Ne me faites pas soupçonnerque je le dois à autre chose qu’à la pureté de ma répu-

talion.nua une a, mystérieusement.

On répand qu’elle a une maladie de langueur; qu’elle

devient de plus en plus malade; enfin elle expire. Ellemeurt dans le souvenir des hommes, et votre réputationreste intacte.

PAULET.

Non pas ma conscience.

nounou.

Si vous ne voulez as rêter votre main n’en] êClleZ’

pas une autre...

PAULET.

Jamais l’assassin u’approchera du seuil de sa porte,

tant que les dieux (le mon foyer la protégeront. Jeregarde sa vie comme un dépôt sacré. Je ne respectepas plus religieusement la tête de la Reine (l’Angleterre.Vous êtes les juges? jugez. Rompez le bâton ; et quand ilen sera temps, faites venir le charpentier avec la hache

Page 63: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

46 M ABIE STUART.et la scie pour dresser l’échafaud. Les portes de cechâteau s’ouvriront pour le shérif et les exécuteurs; mais

tant que Marie restera confiée à nia garde, je la garde-rai si bien, qu’elle ne pourra faire du mal, ni en rece-voir.

(Ils SOI’lelll.)

Page 64: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

47

Nhhhhhhhhhhhîfi «a îhhNhhhhhîhfihïhhhhhvuhïîhhhhhïhhshhhhhhhhhhhhhhuhî’flhflhhhhhhhhhhxfivh à

ACTE Il.

SCÈNE PREMIÈRE.

Le théâtre représente une salle du palais de Westminster.

LE COMTE DE KENT, SIR WILLIAM DAVISON.

ourson.

Est-cc vous, milord de Kent? Déjà de retour dutournois l La fête est-elle terminée?

un.Comment vous n’étiez as rissent aux .811! de cesî

chevaliers PDAYISON.

Mes fonctions m’ont retenu.

KENT.

Vous avez perdu, Chevalier, le plus beau spectacleque le goûtait imaginé, et qu’une galanterie noble aitjamais exécuté. Sachez qu’on a représenté la chaste for-

Page 65: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

4s . MARIE STUART.tcrrsse de la Beauté, assaillie par le Désir. Le lordsrnaré-

chal, le grand juge, le sénéchal avec dis autres cheva-liers de la reine, défendaient ce fort, et les chevaliersde la France l’attaquaient (t). Un héraut d’armes asommé le château par un madrigal , et le chancelier luia répondu du haut du rempart. L’artillerie a joué en-

suite; mille parfums ont jailli , et des bouquets defleurs ont été lancés par d’élégantes pièces de campagne.

L’assaut a échoué: le Désir a été obligé de faire retraite.

DÀVISO-S o

Mauvais augure , Comte, pour le mariage que solli-citent les Français.

KENT, souriant.

Bon l ce n’était qu’un jeu. Je pense qu’enfin la forteresse

se rendra. "ourson.

Vous le croyez? Je ne le croirai jamais.

Ksar.

Les articles les plus dillicilcs sont déjà convenus etapprouvés par la France. Le duc d’Anjou consent à faire

célébrer son culte dans une chapelle close , et à hono-

rer publiquement la religion du royaume. - Oh! sivous eussiez vu l’ivresse du peuple quand cette nouvelles’est répandue! L’éternelle crainte de ce pays était que la

Reine mourût sans héritier, et que l’Angleterre portât

de nouveau les chaînes du pape, si la Stuart succédait

au trône. - ’(l) Détails historiques.

Page 66: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. SCÈNE 1.

DÂVISDN.

Jus’59

Le peuple peut être ait-dessus de cette crainte; Élisa-beth marche à l’autel , et Marie Stuart à l’échafaud.

515513La renne vient.

SGÈNEIL

Les raficéors’s , ÉLISABETII , ACCOMPAGNÉE PAR LEYCESTER.

Les. coures AUBÉPINE, BELLIËVRE, ramer, coure neSCHREWSBURY, Lotte BURLEIGH, m QUELQUES sciences

mucus ET UGLAIS. ’

tusses"! , au comte ri’Attbepirte.

Monsieur le comte, je plains ces nobles seigneurs queleur zèle galant a conduits ici à travers les mers ; ils netrouveront pas chez moi la magnificence de la cour deSaint-Germain. Je ne sais pas inventer des fêtes aussisplendides, que la reine mère. Un peuple gai et poli quise presse en proférant des bénédictions autour de ma voi-

ture, chaque fois que je parais en public, voilà le spee-tacle que je puis offrir, avec quelque orgueil, aux yeux(les étrangers. ’éclat des dames d’atour qui fleurissent

dans le jardin de beauté de Catherine, ne servirait qu’àéclipser mes faibles attraits.

AUBEPINE.

La cour de Westminster n’offre, aux yeux surpris del’étranger, qu’une seule femme; mais tout ce qui ravit,

en ce sexe charmant, se présente réuni dans elle seule.4

Page 67: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

50 MARIE. STUART.entrevue.

Reine , permettez- nous de porter à notre royal maîtrel’heureuse nouvelle qu’il désire depuis si long-temps.

Son impatiente ardeur ne lui a pas permis de rester àParis; il attend à Amiens la décision de son sort; sescourriers sont disposés sur la route jusqu’à Calais , pour

que le ont, que prononcera votre bouche, lui soit portéavec la rapidité de l’éclair.

naisseurs.Comte Bellièvre, ne me pressez pas davantage; il n’est

point encore temps, je vous le répète, d’allumer leflambeau des noces. Un Clt’l orageux couvre ce pays. Lecrêpe du deuil me siérait mieux que la pompe nuptiale.Un coup désastreux menace à la fois de frapper moncœur et ma maison.

BELLIÈYRE.

Assurez-nous seulement, Madame, que dans des joursplus heureux nous obtiendrons l’accomplissement de votre

promesse.massacra.

Les rois sont esclaves de leur rang; ils ne peuventobéir à leur propre cœur. Ce fut toujours mon vœu d”-cliapper au joug de l’hymen; j’aurais mis ma gloire à faire

lire un jour sur ma tombe : a Ci gît la reine vierge. n Messujets s’y opposent: ils pensent déjà au temps ou je neserai plus! La prospérité de ce pays ne leur suffit pas,il faut encore que je me sacrifie à leur bonheur futur;qu’en faveur de ce peuple je renonce à la liberté, monbien suprême; on exige que je me donne un maître. On

Page 68: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

«a:

ACTE Il. SCÈNE n. 5.me témoigne ainsi qu’on ne me regarde que comme unefemme; je me flattais cependant d’avoir régné en homme

et en Roi. Je sais, à la vérité, qu’on sert mal son dieulorsque l’on quitte la loi de la nature. Mes prédécesseurs

méritent des éloges pour avoir ouvert les couvents , etrendu mille victimes d’une piété mal entendue à des de-

voirs sacrés ; mais une reine qui ne passe pointinutilement ses jours en d’oisives contemplations, qui,persévérante, infatigable, exerce le plus difficile de tous

les devoirs , devrait être exceptée de la loi qui assujettitune moitié du genre humain à l’autre.

AUBEPISE.

Reine, vous avez illustré sur le trône toutes les vertus ,-il ne vous reste qu’à donner au sexe dont vous êtes lagloire, l’exemple éclatant des mérites qui lui sont pro-

pres. Il n’existe sans doute sur la terre aucun hommedigue du sacrifice de votre liberté; mais si la naissance,la grandeur, la vertu des héros, la beauté mâle , peuvent

mériter cet immortel honneur...

finissante.

Nul doute, Monsieur l’ambassadeur, qu’une allianceavec un fils de France ne m’honore. Si je ne puis m’em-

pêcher de céder aux instances de mon peuple ( et je crainsqu’il ne soit plus fort que moi), je ne connais point deprince en Europe auquel je sacrifierais , avec moins derépugnance, ma liberté. Que cet aveu vous satisfasse.

numerus.C’est la plus flatteuse espérance, mais ce n’est qu’une

espérance ; mon maître désire davantage.4;:

Page 69: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

51A il l E S’I’UART. Uttu?

susucre.Que desire-t-îl? (E 11e ôte un anneau de son doigt, et

le coulemple d’un air pensifl) Une reine n’a donc aucun

privilége sur la. femme la plus obscure! Le même signeannonce le même devoir, la même servitude. L’anneau

forme les mariages , et ce sont des anneaux qui formentles chaînes. Portez ce don à son Altesse. Cette bague neformera point encore une chaîne , et cependant elle pourradevenir un jour un cercler qui nous lie.

azurerai: s’agenouille en recevant l’anneau.

Je reçois à genoux , grande Reine, ce présent au nomde mon maître , et je dépose l’hommage d’un baiser sur

la main de ma souveraine.

ÉLISABETII, à Leycesler qu’elle a regardé fixement pen-

dant son dernier discours.

Permettez, Milord. (Elle lui. ôte son cordon bleu, et.le passe au cou de Bellièvre.) Décorez son Altesse decet ordre, comme je vous en décore ici. Honni soit quimal y pense! Que tout soupçon entre les deux nationss’éteigne, et qu’un lien cordial enlace désormais les cou-

rennes de France et d’Angleterre.

AUBEI’INE.

. Reine, que ce jour (l’allégresse en soit un pour tous!Que nul malheureux ne reste en deuil sur cette île. Laclémence brille sur votre front : oh! qu’un rayon de sadouce lumière tombe sur une princesse captive, égale.ment chère à la France et à l’Angleterre.

Page 70: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. SCÈNE u. 53eussent].

Arrêtez, Comte; ne mêlons point deux obiets incont-patibles. Si la France désire mon alliance , il faut qu’elleparlage mes soucis, qu’elle cesse d’être l’amie (le tues

ennemis.mesclun.

La France se déshonorerait à vos propres yeux , si elleoubliait, si elle abandonnait une princesse malheureuse ,unie à elle par les liens de la fui , et la veuve d’un de sesrois. L’honneur, l’humanité deumndent....

eussent].A ces titres, fie sais apprécier son intercession. La

France remplit son devoir; et il me sera permis aussi d’agiren reine (l’Angleterre. (Elle s’incline vers les seigneurs

français, qui s’éloignent respectueusement avec les mures

lords.)

SCÈNE III.

JJLISABETH , LEYCESTER , BURLEIGH , zTALBOT .

(La Reine s’assied.)

BURLEIGH.

Glorieuse Reine, vous couronnez aujourd’hui les vœuxdu peuple; ce n’est qu’à présent que nous nous réjouis-

sons des iours de bonheur qui sont votre ouvrage, et quenous.n’envisageons plus en tremblant un avenir orageux.

Une seule sollicitude alarme encore ce pays, un seul

Page 71: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

5j MARIE STUART.sacrifice est enco g: deummlé par les désirs de tous; accora

riez-le, et ce jour fondera pour jamais la prospérité del’Anglt-tcrre.

lÎLlSABETH.

Que désire encore mon peuple? parlez, Milord.

comme".

Il demande la tète de Marie Stuart. Si vous désirezassurer à vos sujets le don précieux de la liberté, la lu-mière si chèrement. acquise de la vérité, il faut qu’elle

cesse d’exister. Si nous ne devons pas trembler éternel-

lement pour votre vie , il faut que votre ennemie périsse.Vous le savez , tous les Bretons ne pensent pas de même :l’idolàlrie romaine compte encore un grand nombre de

partisans dans cette ile; tous nourrissent des projets hos-tiles; leur cœur est tourné vers la fille des Stuarts; ils sonten alliance avec les princes de Lorraine, ennemis implaca-bics (le votre nom. La guerre vous est jurée par ce partiqui combat avec les armes de la perfidie. C’est à Rheims,c’est dans le siége épiscopal qu’est l’arsenal ou les foudres

se forgent; c’est là qu’on enseigne le régicide! C’est (le-là

qu’on envoie, sans relâche, vers cette île, des furieux,des fanatiques sous mille déguisemcns. Il est déjà sorti

de ce repaire trois meurtriers; et, tous lesjonrs, des cm :mis nouveaux naissent de ce gouffre inépuisable. C’estdans le château de Folhernighag qu’est cachée l’athée qui

embrase ce royaume (les flambeaux de l’amour. C’est elle

qui, en flattant les désirs d’une jeunesse brillante , la dé-

voue à une mort certaine. La délivrer est leur cri de ralwliemcnt, la placer sur le trône est leur esPérancc. Lesprinces lorrains ne reconnaissent pas vos droits sacrés;

Page 72: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. SCÈNE In. 55vous n’êtes à leurs yeux qu’une usurpatrice couronnée

par la fortune. (le sont eux qui avaient déridé l’insensc’e

à prendre le titre de reine d’Angleterrc. Point de paixavec elle et sa race! Il faut recevoir ou porter le coup.Sa vie est votre mort 5 sa mort, votre sic.

ÉLISABETH.

Milord , vous remplissez un triste devoir. Je connais lemotif pur de votre zèle; i0. sais que la sagesse palle parvotre bouche ; mais cette sagesse , qui commande le sang,je la déteste du fond de mon âme; méditez un CrtIISL’ll

plus clément. Vous , noble lord de Scltrewybury , parlez.

TALBOT.

Vous venez de donner (le iustvs éloges au zèle qui anime

Burleigh; avec moins diéloquence , je ne suis pas moinsfiJèle. Puissiezovous vivre encore long-temps, ô Reine l

pour être la joie du peuple, pour éterniser, dans ceroyaume, le bonheur et la paix. Cette île n’a pas euencore d’aussi beaux jours , depuis que des princes issusde son sein la régissent. Puisse-belle ne point acheter sonbonheur aux dépens de sa gloire! Puissent les yeux deTalbot se fermer avant ce mailleur!

instaura.Nous préserve le ciel de souiller notre gloire!

TALBOT.

Pensez donc à un autre moyen de sauver ce royaume,que par le supplice de Marie; vous ne pouvez. prononcerla sentence de celle qui nlest point votre sujette.

ÉLISABETH.

Ainsi , mon conseil et mon parlement se sont abusés!

Page 73: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

56 MARIE STUART.Et les tribunaux de ce pays étaient dans l’erreur en m’ai-

tribuant unanimement ce droit?

TALBOT.

La maiorile’ des sufl’rages n’est point la preuve du

droit. L’Angleterre n’est pas le monde; votre parlementn’est pas la réunion de l’humanité. L’Angleterre d’au-

jourd’hui n’est pas l’Angleterre future , comme elle n’est

point l’Angleterre du passé. Selon que notre inclination

varie, monte ou tombe la balance du ingemeut. Ne ditespas que vous (levez obéir à la nécessité et aux instances

du peuple: si vous le voulez , vous pouvezà chaque ins-ptant éprouver que votre. volonté est libre; faites-en l’é-

preuve! déclarez que vous avez le sang en horreur, quevous voulez sauver les jours de votre soeur; montrez, àceux qui vous donneront un autre conseil , un courrouxsincère , et vouslverrez bientôt disparaître cette nécessité,

ce droit prétendu; il se métamorph-Isera en injustice. Vous

seule devez luger. Suivez votre propre clémence g Dieun’a pas mis la sévérité dans le tendre cœur de la femme;

les fondateurs de cet empire, en remettant a la femme lefrein de la puissance , ont indiqué que. la rigueur ne doitpas être la vertu des rois d’Albion.

ÉLISABETH.

Le comte de Srhrevvsbury est un défenseur zélé demon ennemie et (le celui de l’empire; je préfère lesconseils qui tendent à mon salut.

TALBOT.

On lui refuse un défenseur; personne n’ose, en par-lant en sa faveur, s’exposerà votre courroux. Permettez

donc au vieillard quine peut être, au bord de la tombe,

Page 74: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE u. sans; Il]. ’ 57séduit par aucune espérance terrestre, de protéger celle

que l’on juge perdue. Qu’on ne dise pas que , dans votre

conseil , la passion et l’égoïsme aient eu une voix, et que

la miséricorde ait été muette. Tout est conjuré contre

elle : vous-même ne l’avez jamais vue; rien ne parle envotre coeur pour cette étrangère. Je ne veux pas excuserses crimes. On dit qu’elle a fait donner la mort à sonépoux , du moins elle épousa le meurtrier : crime énorme

sans doute! mais il se commit dans un temps sinistre,dans la tourmente des guerres civiles. Elle se vit violem-ment entourée de vassaux qui la jetèrent dans les brasdu plus courageux; vaincue par une puissance inexpli-cable , elle chercha un protecteur. Hélas! la femme estun être plein de faiblesse!

ÉLisAemn.

La femme n’est point faible; il y a des âmes fortesparmi ce sexe; je ne veux point qu’en ma présence ounous aecuse ainsi.

mener.Le malheur fut pour vous une école sévère; la vie n’a

pas commencé par vous présenter sa face riante;au lieu du trône, la tombe s’ouvrait sons vos pas.Ce fut à W’oodstock et dans la nuit des prisons quele noble père de cet empire vous éleva au milieu deslarmes pour de hauts devoirs z là , le flatteur ne cherchapoint vos traces; la , votre esprit, sans vaine distractiondu monde, apprit de bonne heure à se recueillir età esti-merles vrais biens de cette vie. Nulle divinité ne putsauver l’infortunée : tendre enfant, elle fut transportéeen France au sein d’une cour ou régnait la légèreté et les

frivoles plaisirs. Dans l’ivresse éternelle des fêtes , elle

Ë,

i

ë

m-r.n.«.m4........m..-.ma .W m

a... A mwmuggn 4

Page 75: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

Contraste insuffisant

120-14NFZ43

Page 76: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

58 MARIE STUART.n’eutendit iamais la voix austère de la vérité; elle fut

éblouie de liéclat du vire, et le torrent de la corruptionl’entraîne. Les dans de la beauté furent son partage; sa

jeunesse fleurie éclipsa toutes les femmes, et par lesgrâces et par la naissance.

ÉLISABETH.

Revenez à vous . milord (le Sclrrestury; songez quenous sommes assemblés pour un conseil important : ilsdoivent être puissants les charmes qui peuvent enflammerainsi un vieillard! Lord Leyccster, vous seul gardez le si-lence? (le qui rend Talbot si éloquent enchaînerait-ilvotre langue?

Levcesrea.Je me tais d’étonnement, ô Reine, en voyant qu’on

remplit votre oreille de vains épouvantails; et que cescontes qui, dans les rues de Londres, agitent. la populacecrédule , s’élèvent jusqu’au sein du conseil , et "(cupent

sérieusement des sages. Je suis surpris , je l’avoue, quecette Reine sans pays , cette Marie d’Écosse , qui n’a pas

.su faire respecter son propre trône , jouet de ses vassaux,rebut de son petit empire , devienne tonka-coup au fondde sa prison , un objet de terreur. Eh qui donc la rend siredoutable? Serait-ce ses prétentions sur votre trône , etle refus des Guises à vous reconnaître pour reine? L’op-

position de ces princes peut-elle enlevrrsa force au droitque vous donna la naissance et que l’arrêt des parletnensa confirméi’Nest-ellc pas tacitement reietée par les der-

nières volontés (le Henry? et l’Angleterre , si heureused’avoir abjuré ses superstitions, se jettera-belle dans les

liras (Tune catholique, vous quittera-belle, vous, sa sou-veraine adorée, pour se lis rer à la meurtrière de Darnley?

t spis.-.m.-.-flmm.-.nmmmn«.s A

Page 77: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. SCÈNE Il]. ’ 59Que prétendent ces hommes qui vous obsèdent de cetteprétendue héritière; qui ne peuvent vous marier assezpromptement pour sauver l’Etat et l’Église du danger?

Fêtes-vous pas florissante de jeunesse , tandis que Mariese fane chaque jour? J’en atteste le ciel, vous marcherezlong-temps sur sa tombe sans avoir besoin de l’y précipiter

vous-même.BURLEIGH.

Lord de Leycester n’a pas toujours jugé ainsi.

Levcesreu.

Il est vrai: j’ai moi-même donné au tribunal ma voix

pour sa mort; au conseil , je dois parler autrement. Ilne s’agit point ici du droit, mais du salut de l’État. Faut-il

la craindre au moment où la France, l’abandonne? laFrance, qui fut sa seule protection? et lorsque le don devotre main fait le bonheur du prince royal? lorsque l’es-poir d’une nouvelle tige de souverains fleurit pour ce pays?Pourquoi lui donner la mort? elle n’est déjà plus : le mé-

pris est le véritable trépas. Gardez-vous de la rendre àla vie en excitant la pitié en sa faveur; laissez dans toutesa vigueur la sentence qui prononce son supplice; qu’ellevive, mais sons la hache du bourreau. Et qu’anssitôtqu’un bras s’armera pour elle , sa tète tombe.

vinssent; , se levant.

Milords, j’ai entendu vos conseils, je vous rends grâcede votre zèle; avec l’aide de Dieu qui éclaire les rois, je

pèserai vos raisons et choisirai le parti qui me semblerale meilleur.

Page 78: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

6° MARIE STUART.

SCÈNE 1v.

Les raierions , LE caravanes PAULET, MORTIMEB.

ÉLISABETH.

Voici Amias Paulet. Noble Chevalier, que nous apportez-vous P

FA ULET.

Grande Reine, mon neveu, récemment de retour d’un

long voyage, vient se mettre à vos pieds et vous offrir sonjeune hommage. Recevez-le favorablement , daignez lelaisser croître dans l’espérance de votre haute faveur.

nommer. , fléchissant un genou.

Vive longotemps ma souveraine; et que le bonheur etla gloire couronnent son front!

ÉLISABETH.

LeveM’ous, Chevalier; soyez le bien venu en Angleterre.

Vous avez fait un long voyage, vous avez visité la Franceet Rome , séjourné à Rheims: ditesomoi, quels complots

trament nos ennemis?

MÛRTIMBR.

Que Dieu les enchaîne et fasse tourner contre euse»mêmes les traits qu’ils dirigent contre Élisabeth.

ÉLISABETII.

Avez-vous vu Morgan et l’intrigant évêque de Russe?

Page 79: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. SCÈNE 1v. 6:MORÏIMER.

Je connais tous les exilés écossais, qui , à Rheims , our-dissent des trames contre cette île. J’ai pénétré dans leur

confiance , pour découvrir , s’il était possible, quelque

détail de leurs intrigues.

PAULET.

On lui a confié des lettres en chitTres pour la Reined’Ecosse 5 sa main fidèle nous les a livrées.

tusse un.Dites, quels sont leurs projets les plus récents?

MORTIMBR a

Ils ont tous été frappés comme d’un coup de foudre,

de l’abandon de la France envers Marie Stuart , et devoir cette puissance s’allier étroitement avec l’Angleterre.

Leurs espérances se tournent maintenant vers l’Espagne.

ËLISABETH.

C’est ce que m’écrit lValsingbam.

MORTIMER.

Au momentoùi’ai quitté Rheims, ily arrivait unebulle,

que du sein du Vatican le pape Sixte a lancée contrevous; le premier vaisseau l’apportera dans cette ile.

(LEYCESTER.

L’Angleterre ne tremble plus devant de telles armes.

BURLEIGH t

Elles deviennent terribles dans la main du fanatisme.

Page 80: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

62 MARIE STUÀRT.ÉLISABETH , à [Hermite-r.

Ou vous accuse d’avoir fréquenté, à Rheims , les col-lèges , et d’avoir abjuré votre foi.

MORTIMER.

J’en ai ali’ecté l’apparence, je le confesse. J’ai porté

jusqu’à ce point le désir de servir mon pays.

ÉLISABETII , à Paillet qui lui présente des papiers.

Quels sont ces écrits?

PAULET.

Une lettre de la reine d’Ecosse.

BURLEIGH, moulant la saisir.

Donnez-la moi.

menai, la remettant à la reine.Pardon, lord grand trésoriergMarie m’a ordonné de la

remettre dans la propre main de la reine; elle répètesans cesse que je suis son ennemi, je ne suis que l’ennemi

e ses crime . , ’aime à lui com laire en ce t ni s’accorde

d s J 1avec mon devoir.

ÊLISABETH prend la lettre : pendant qu’elle la lit, filar-tz’mer et Leycester se disent quelques mots en secret.

BURLEIGH, à Paillet.

Que peut contenir cette lettre P de vaines plaintes! Ilfallait les épargner au coeur compatissant d’Elisabeth.

PAULET.

Elle ne m’a point caché l’objet de ses voeux ; elle deo

mande la faveur de voir la Reine.

Page 81: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. sceau 1v. 63acumen , pâlement.

Jamais.TALBOT.

Pourquoi? Qu’y aurait-il d’injuste dans cette demande?

acumen.L’artisan d’assassinats qui a en soif du sang de la reine,

s’est rendu indigne de la laveur de sa présence. Quicon-que pense avec un coeur fidèle aux intérêts de sa souve-raine, ue peut lui conseiîler de voir son ennemie.

TA LBOT.

Voulez-mus enchaîner la clémence de la Reine , si elleconsent à lui accorder cette grâce P

Bl’RLElGH.

Elle est condamnée. Il est indigne de la majesté dutrône de voir une tête dévouée à la mort. Le jugement

ne pourrait plus être exécuté des que la reine auraitapproché de la victime. La présence royale porte la grâce

avec elle.

mussera, après avoir lu la lettre et en esng’ant quelqueslarmes.

Qu’est-ce que la destinée humaine, qu’est-cc que le bon-

heur de la terre? Jusqu’où est déchue cette reine qui rom«

meuça la vie avec (le si orgueilleuses espérances, qui futappelée sur le plus ancien trône de la chétiruté , et se flat-

tait de poser un jour trois couronnes sur sa tète! Combienest dill’érent le langage qu’elle. parle maintenant. (le celui

qu’elle tenait jadis, lorsque usurpant déjà les armes d’Au-

Page 82: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

64 MARIE STUART.gleterre, elle se faisait appeler, par ses flatteurs, Reine desdeux îles britanniques. Pardonnez, Milords , la douleurme saisit , mon cœur saigne en voyant les grandeurs dece monde si peu durables , et le sort de l’humanité passersi près de ma tète.

TALBOT.

Dieu a touché votre cœu’; cédez à cette émotion céo

leste l Certes , l’infortu née a cruellement expié ses crimes;

il est temps que ses dures épreuves finissent. Tcudez lamain à Marie , si profondément tombée; et, comme l’ap-

parition d’un ange, descendez dans la nuit de son ca-chat.

HURLEIGH.

Ne vous laissez point. égarer par une fausse humanité;ne vous ravissez pas à vous-même la liberté de faire ceque la nécessité exige. Vous ne pouvez lui faire grâce et

la sauver; ne vous chargez donc point du blâme odieuxd’avoir joui d’un triomphe barbare à l’aspect de votre

victime.LEYCESTER.

Restons dans les bornes de nos attributions, Milord;la sagesse de notre Reine n’a pas besoin de nos conseilspour choisir ce qui est le plus digne d’elle. L’entrevue

de deux reines n’a rien de commun avec le cours dela justice : c’est la loi et non la volonté de la souve-raine qui condamne Marie; il est digne de la grandeâme d’Ëlisabeth de suivre ses nobles peut-bans; la loireste toujours dans sa marche rigoureuse.

ÉllSABETH.

Retirezovous, Milords; nous trouverons les moyens

Page 83: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

sans Il. SCÈNE v. 65d’accorder ce que demande la clémence ,’et ce qu’impose

le salut de l’État; retirez-vous. (Les lords s’élozgnent,

elle rappelle Dlorlz’mer.)

SCÈNE V.

ÉLISABETH , MORTIMER.

ÉLISABBTH , après Î avoir examiné un moment avec des

Jeux sentiments.Vous avez montré un audacieux courage et la faculté

rare pour votre âge de vous maîtriser vous-même. Celuiqui, si jeune encore, sait pratiquer l’art difficile de ladissimulation, mûrit avant le temps, et mérite qu’on abrège

ses années d’épreuve. Le sort vous appelle dans une grande

carrière , Chevalier; je. vous le prédis, et je puis accent.

plir cet oracle. "nommera.

Sublime souveraine, ce que je puis , ce que je suis ,je le consacre à vous servir.

tinssent".Vous avez appris à connaître les ennemis de l’Anglc-

terre, leur haine est implacable; leurs sanguinaires des-seins sont inépuisables; il est vrai que, iusqu’à ce jour,la puissance divine m’a protégée, mais la couronne chan-

cellera sur mon front aussi long-temps que vivra cellequi omr. un prétexte à leur zèle fanatique et qui nourritleurs espérances.

5

Page 84: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

66 MARIE STUART.MORTIMER.

Elle ne vivra plus des que vous l’ordonnerez.

émanera.

Hélas , Chevalier, je me croyais déjà au terme , etj’en suis aussi éloignée que jamais. J’ai voulu laisser agir

les lois et conserver des mains pures de sang; l’arrêt est prononcé : qu’ai-je gagné? Il faut qu’il s’exécute, Mortimer ,

et c’est à moi d’en donner l’ordre. L’horreur de cette

mort retombera sur moi 3 il faut qu’elle soit avouée demoi-nième, et je ne puis sauver les apparences : voilà leplus grand des malheurs l

MORTIMER.

Que vous importent les apparences, dans une si juste

cause P ’ÉLISABETH.

Vous ne connaissez pas le monde, Chevalier 5 pour ceque l’on parait être, tout le monde est juge ; pour ceque l’on est, personne. Je ne convaincrai personne demon juste droit. Il faut donc que j’aie soin que ma parti-cipation à cette mort reste dans un doute éternel : dans’les

actions d’une double face, il n’y a de sauve-garde quel’obscurité. La faute la plus grave est celle que l’on

avoue.MORTIMER, l’obsmvanl.

Le meilleur parti serait donc....

émaner", ahanent.

Sans doute ce serait le meilleur parti. Oh lmon angetutélaire s’exprime par votre bouche; continuez, achevez,

Page 85: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE n. SCÈNE v. 67digne chevalier; vous avez le véritable zèle, vous êtes un

tout autre homme que votre oncle!

nommer. , interdit.Connaît-il vos désirs?

ÉLISABETH.

Je me repens de les lui avoir expliqués.MORTIMER.

Excusez ce vieillard; les années le rendent scrupuleux.De tels coups demandent l’audacieux courage de la jeu-nesse.

ÉLISABETH , avec vivacité.

Je puis donc espérer......

MORTIMER.

Je vous prêterai ma main : sauvez, comme vous lepourrez, la gloire de votre nom.

ÉLISABETH.

0h! Chevalier, si vous m’éveillez un matin avec cette

nouvelle : a Marie Stuart, ta sanglante ennemie, est morte

u cette nuit...... nMORTIMER.

Comptez sur moi.ÉLISABBTH.

Quand pourrai-je reposer en sûreté?

MORTIMER.

La lune prochaine verra finir vos craintes.ÉLISÀBETII.

Adieu, Chevalier; ne vous inquiétez point si ma rem5k

Page 86: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

68 MARIE STUART.connaissance emprunte le voile de la nuit; le silence estle dieu du bonheur; les liens les plus tendres et les plusétroits sont formés par le mystère.

SCÈNE V1.

nommer. , seul.

Va, reine fausse et dissimulée, ainsi que tu trompes lemonde , je te tromperai. Te trahir est une action juste.Ai-je donc les traits d’un assassin? As-tu lu sur mon frontl’habitude du meurtre? Coolie-toi à mon bras et enchaîne

le tien; donne-toi, aux yeux du monde, l’apparence pieu-sement hypocrite de la clémence; et tandis qu’en secret

tu le reposes sur un secours homicide, nous gagneronsle temps de La sauver. Tu prétends m’élever? Tu me fais

entrevoir mystérieusement des récompenses........ Etquand toi-même et les faveurs seraient ce prix, qui es-ttt’,

oh l la plus pauvre des femmes , et que peux-tu donner?L’intérêt d’une’vaine ambition ne me séduit point : près

d’Elle seulement repose le charme dela vie 3 autour d’Elle

et dans un choeur éternel de joie , voltigent les dieux dela grâce et du plaisir; le bonheur repose sur son sein.Toi, tu ne peux donner que des biens périssables 5 tun’as jamais possédé, le seul trésor, ornement de la vie,

l’abandon d’un cœur plein de ravissement, se donnant à

un antre dans l’oubli de soi-même 5 tu n’as jamais pos-

sédé la couronne de ton sexe ; jamais ton amour n’a rendu

un heureux mortel.Il faut que j’attendc Leyecster , que je lui remette la

Page 87: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE n. SCÈNE v1. 69lettre de Marie. (Mieux message! Je n’ai nulle con-fiance en ce courtisan; moi seul, je puisla sauver , moiseul! Que le,dangcr, la gloire et la récompense soient

à moi. ’(Lorsqu’il meut sortir, Paule! se présente à sa rencontre.)

S G E N E V I I.

nommes, PAULET.

PAULET.

La reine , que vient-elle de te dire?Mort’rtstEn’.

en leva ier ’ rien im or an .

raseur , fixant sur lui un regard sévère.

Ecoute, Mortimer; c’est un sol glissant que celui oùtu veux marcher z la faveur des rois est séduisante , lajeunesse est avide d’honneurs; ne te laisse point égarerpar l’ambition.

MORTIMER.

N’est-ce pas vousemèmc qui m’avez conduit à la cour?

PAULET.

Je voudrais ne l’avoir pas fait. L’honneur de notremaison n’a pas été acquis à la cour. Sois ferme , mon

neveu; n’achète pas trop chèrement, ne blesse pas laconscience.

nommes.D’où vous viennent ces inquiétudes?

Page 88: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

70 au me STUA ET.PAU LET.

Quelques grandeurs que te promette la Reine , ne tefie point à ses discours; elle te désavouera quand tu aurasobéi; pour purifier sa renommée , elle vengera le meurtrequ’elle aura elle-même ordonné.

nommera.Le meurtre, dites-vous l

PAULET.

Point de dissimulation : je sais ce que la Reine se pro-met de toi; elle espère que ta jeunesse ambitieuse la ser-vira mieux que mon austère vieillesse. As-tu donné taparole P l’as-tu fait?

DIOETISIER-

Mon oncle... . ..PAULET-

Si tu l’as pu faire , je te donne ma malédiction.

LEYCESTER arrivant, et s’adressant à Paillet.

Digne chevalier, permettez que je dise un mot à votreneveu. La reine lui accorde sa confiance, elle veut qu’ilveille exclusivement sur la personne de lady Stuart, elles’en remet à sa probité.

PAULET.

Elle s’y confie P...... Soit.

revenues.Que ditescvons , Chevalier P

PAULET.

La reine s’en rapporte à lui? et moi, Milord, jecompte sur moi, et sur mes yeux ouverts. (Il son.)

Page 89: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. 7;SCÈNE VIII.

LEYCESTER , MORTIMER.

LEYCESTER, étonné.

Le chevalier, qu’avait-il ?

MORTIMER.

Je l’ignore; l’estime inattendue que m’accorde SaMajesté......

Levcesrer. , le regardant fixement.

Méritez-vous ,- Chevalier, que l’on se fie à vous?

MORTIMER , de même.

C’est à vous que je fais cette question, comte de

Leycester. jLevcesren .

Vous aviez à me communiquer un secret?

montures.

Assurez-moi premièrement que je puis l’oser.

LEÏCESTER a

Qui est-ce qui m’assure de vous-môme ? Ne soyez pasoffensé de ma défiance; je vous vois montrer deux visagesà cette cour; l’un est nécessairement taux; lequel est le

vrai?MORTIMER.

Je me trouve dans le même cas avec vous, Milord.

Page 90: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

,72 MARIE STUART.

LEYCESTER.

Qui commencera la confidence ?

amarinait.

Celui qui a le moins à risquer.

Levcesrea.Eh bien! c’est vous.

MORTIMER.

C’est vous.--- Votre témoignage, celui d’un lord si hoc

noré, si puissant, me pourrait accabler; le mien ne peutrien contre votre rang et la faveur dont vous jouissez.

Levcesren.

Vous vous trompez, Chevalier ; à tout autre égard, jesuis puissant ici ; mais , sur le point délicat qu’ilme faut

maintenant livrer à votre foi, je suis l’homme le plusfaible de cette cour. Le plus vil témoignage peut meperdre.

MORTIMER.

Si le puissant lord de Leycester s’abaisse à me faire une

pareille confidence, je dois penser plus hautement de moi-même , et lui donner un exemple de générosité.

LEYCESTER.

Donnez-moi celui de la confiance, je le suivrai.

MOBTIMER , tirant rapidement sa lettre.

Voici ce qui vous est adressé par la reine d’Ecossc.

Levcnsnzr. , agrafé.

Parlez bas, Chevalier; que voisée! Son image? (Il[mise le portrait et le contempledam un. ravissem ont muet .j

Page 91: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE n. SCÈNE VIH. 73nommer. , qui l’a observé attentivement.

Maintenant , Milord, je vous crois.

Levcesrea , après avoir-parcouru la lettre.

Chevalier Mortimer , vous savez le contenu de cette

lettre ? ’ nommes.Je l’ignore.

LEYCESTER.

Elle vous a sans doute appris......MORTIMBR.

Elle ne m’a rien appris. Vous m’expliquerez, a-t-clle

dit, cette énigme. C’est une énigme en effet pour moique le comte de Leycester, le favori d’Elisabeth, l’ennemidéclaré de Marie et l’un de ses juges , soit l’homme de

qui la reine d’Ecosse attende sa délivrance. Il faut bienqu’il en soit ainsi, car vos yeux attestent promptementce que vous ressentez pour elle.

LBYCESTER.

Expliquez-moi premièrement d’où vient que vous pre-

nez à son sortcette part ardente, et ce qui vous a méritésa confiance?

MORTIMBR.

Milord , je peux vous en éclaircir en peu de mots zj’ai abjuré ma foi à Rome, je suis en alliance avec lesGuises, et une lettre de l’archevêque de Rhoims m’aaccrédité près de la reine d’Ecosse.

LEYCESTER.

J’ai connaissance de votre changement de religion,

Page 92: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

74 MARIE STUART.’c’est lui qui a fondé ma confiance en vous. Touchez ma

main, et pardonnez mes doutes. Je ne puis trop userde prévoyance : VValshingham et Burleigh me haïssent,je sais qu’ils me tendent, en secret, des rembuches; vouspouviez être leur agent et leur instrument pour m’y fairetomber.

MORTIMEK.

De quels petits pas marche un si grand lord en cettecour! -- Je vous plains.

LEïCESTEn.

Je me jette avec joie, avec abandon au sein de l’ami-tié ou je puis enfin me délivrer d’une longue gène. Vous

êtes étonné, Chevalier, que j’aie changé aussi rapide-ment à l’égard de Marie. Jamais je ne l’ai haïe , la néces-

sité des temps me rendit son adversaire; elle me futdestinée avant qu’elle donnât sa main à Darnley. Quandl’éclat de la grandeur souriait encore autour d’elle , j’ai

repoussé froidement ce bonheur , et maintenant dans lescachots , aux portes de la mort, je le recherche au périlde ma vie.

MORTIMER.

Rare générosité l

Levcescren.

Ce fut mon ambition qui me rendit insensible à sajeunesse et à ses charmes; je crus alors la main de Marieindigne de moi; j’aspirai jusqu’à la possession de lareine d’Angleterrc.

. MORTIMER.Un sait qu’elle vous préférait. alors à tous vos rivaux.

Page 93: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. SCÈNE VIH. 75LEYCESTER-

C’estainsi du moins que je m’en flattais : et maintenant,

après dix ans perdus d’une constante ardeur, d’une gène

odieuse...... Chevalier, mon cœur s’ouvre, il faut qu’ilse délivre d’une pesante contrainte. On m’estime heu-reux? Que ne connaît-on les chaînes que l’on m’envie!

Après avoir sacrifié pendant dix ans d’amertume à l’idole

de sa vanité; après m’être assujetti à ses caprices de sul-

tane avec l’humilité d’un esclave; jouet de ses bizarres

fantaisies, tantôt caressé par sa tendresse , tantôt repoussé

par sa pruderie et son orgueil; également tourmenté deses faveurs et de sa rigueur; gardé comme un prisonnierpar sa jalousie ombrageuse; interrogé comme un enfant,grondé comme un esclave..... Je manque de termes pourdécrire un pareil enfer!

EIORTIMER.

Je vous plains , Milord.

LEïCESTBRg

Près du but, le prix m’échappe : un autre va meravir l’objet de tant de soins; je perds des droits long-temps possédés, pour les céder à un époux jeune etbrillant; je dois descendre de la scène où l’on m’a vin

briller. Un autre menace de m’enlever, non-seulementsa main, mais sa faveur; elle est femme, et il est ai-mable!

MORTIMEB-

Il est fils de Catherine; à une telle école il a pro-fondément étudié l’art de séduire.

Page 94: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

et; M A RIE 5T UA ET.Levcesren.

A C’est ainsi que s’évanouissent mes espérances! dans ce

naufrage de mon bonheur , je m’elÏorce à saisir un appui,

et mon oeil se tourne de nouveau vers mon premier es-pair. L’image de Marie se représente à moi dans toutl’éclat de ses charmes ; la jeunesse et la beauté recouvrent

leurs droits, mon cœur et non plus mon ambition com.pare; je sens quel trésor j’avais perdu. C’est avec efl’roi

que je la vois précipitée dans un profond abîme, etprécipitée par ma faute. En moi s’éveille encore l’es-

pérance de pouvoir la sauver et la posséder. A l’aided’une main fidèle, j’ai réussi à lui faire connaître que mon

cœur est changé ; la lettre que vous venez de m’apporterm’assure qu’elle pardonne et qu’elle consent à se donner

pour prix de sa délivrance.

MORTIMER.

Vous n’avez rien entrepris pour son salut, et vousavez soufl’ert qu’elle fût condamnée l Vous avez donné

vous-même votre voix pour sa mort! Il a fallu qu’unmiracle s’opérât , que la lumière de la vérité touchât le

neveu de son gardien; que le ciel lui préparât, à Rome

dans le Vatican, un sauveur inattendu , sans lequelsa lettre ne trouvait pas même un chemin jusqu’àvous!-

j LEïCESTEt’t.

Chevalier, que de tourments elle m’a déjà coûtés!

A la même époque elle fut emmenée du château deTalbot à Fo’theringhay, et confiée à la garde sévère

de votre oncle. Tous les accès qui conduisent à ellefurent fermés; il m’a fallu, aux yeux du monde, con»

Page 95: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 11. SCÈNE VIH. ,7tinuer à la persécuter: mais ne pensez point que j’eussepassivement sonflèrt qu’elle fût conduite à la mort;non, j’ai espéré , j’espère encore empêcher cette ex-

trémité , jusqu’au moment où il s’offrira un moyen de la

délivrer.MORTIMER.

Il est trouvé, Milord . Votre confiance mérite un re-tour de ma part. Je la sauverai; c’est pour ce desseinque je suis en ces lieux; les mesures sont déjà prises ,votre puissant appui nous assure un heureux succès.

LEYCES’I’ER-

Que dites-vous? vous m’efl’rayez! Comment! vous

voudriez.....l

MORTIMER.

J’ouvrirai sa prison de vive force. J’ai des compagnons.

Tout est prêt lmarennes.

Vous avez des confidensl Malheur à moi! Dans quelpéril m’entraînez-vous! Et ces complices connaissent aussi

mon secret?MORTIMER.

N’ayez nulle inquiétude. Le plan fut tracé sans vous,il eût été exécuté sans vous, si la victime n’eût insisté

pour vous devoir son salut.

Levcesren.Vous pouvez donc m’assurer que mon nom n’a pas été

prononcé dans cette association?

MORTIMER.

Soyez-en sur. Eh quoi , Milord, vous balancez quand

Page 96: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

78 MARIE STUART.je vous apporte un secours inespéré? Vous voulez sauverMarie , la posséder; vous trouvez des amis dévoués , les

moyens les plus prompts vous tombent du ciel, et voustémoignez plus d’embarras que de joie?

LBYCESTER.

Ce n’est point à force ouverte qu’il faut agir , l’entre-

prise est trop hasardeuse.

MORTIMBR.

Le retard l’est aussi.

LEYCESTER.

Chevalier, ce coup est trop hardi pour le tenter.

atournait , avec amertume.

Pour vous , qui la voulez posséder? mais nous, vouaions seulement la délivrer, nous n’hésitons pas.

Levcesrna.

Jeune homme, vous êtes trop fougueux.

MORTIMER.

Vous, trop réfléchi.

ancesrna.le vois les piéges qui nous entourent de toutes parts.

MORTIMBR- vJe me sens le courage de les braver.

maronna.Ce courage est témérité et délire.

Page 97: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE I. SCÈNE VIH. 79nommes.

Cette prévoyance n’est pas de l’intrépidité.

marennes.

Vous voulez finir comme Babington.

nourrira.Vous ne voulez point imiter la générosité de Norfolk.

LEYCESTER.

Norfolk n’a pas sauvé son épouse.

MORTIMER.

Il a prouvé qu’il en était digne.

LEYCESTER.

Si nous nous perdons , nous l’entraînons avec nous.

MORTIMER.

Si nous nous ménageons, elle ne sera point sauvée.

LEYCESTER.

Vous ne réfléchissez pas, vous n’écoutez aucun con-

seil; vous allez perdre avec une violence aveugle toutce qui fut si bien conduit jusqu’ici.

MORTIMBR.

Et qu’avez-vous fait? Si j’avais été assez vil pour

l’assassiner, comme la reine me l’a ordonné, comme

elle l’attend encore de moi, où sont vos préparatifspour conserver sa vie P

LEYCESTEB , étonné.

La reine vous aurait donné cet ordre sanguinaire?

Page 98: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

80 MARIE STUAR’Lnommait.

Elle s’est trompée à mon égard, comme Marie Stuart

s’est trompée au votre.

Levcesren.

Et vous avez engagé votre parole? Vous avez pu...

nommes.Pour qu’elle n’achetàt pas une autre main, oui j’ai

offert la mienne.

LBYCESTER.

Et vous avez bien fait : elle se fiera à votre minis-1ère , la sentence de mort ne sera point exécutée et nous

gagnerons du temps.

MORTIMER , avec ùnpatience.

Nous le perdons.

stcesrea.Comptant sur vous , elle hésitera moins à se donner ,

aux vous du monde, une apparence de clémence. Peut-ètre qu’à l’aide d’une ruse je la persuaderai de voir son

ennemie ; cette démarche lui liera les mains. Burleigh araison, la sentence ne peut plus être exécutée dès qu’elle

l’aura vue. Je tenterai cet ell’ort; je mettrai tout en oeuvre

pour réussir.

MORTIMBR.

Si Élisabeth se voit abusée , si Marie continue à vivre,

tout n’en reste-t-il pas au même point qu’auparavant?

Elle ne sera jamais libre,- le sort le plus doux qui puisselui être; réservé, sera une prison éternelle; il faudra

Page 99: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE u. SCÈNE VIH. 8.toujours finir par une action hardie. Pourquoi ne pascommencer par-là? La puissance est dans vos mains.Vous assemblerez une armée, si vous donnez seulementdes armes à la noblesse qui peuple vos châteaux. Mariepossède encore beaucoup d’amis cachés. Les noblesmaisons des IIoward et des Perqy, quoique sans chefs ,sont encore riches en héros, et n’attendent que le mo-meut ou un puissant lord donnera l’exemple; quittez ladissimulation , agissez publiquement; défendez en che-valier , votre amante , combattez glorieusement pour elle,vous serez maître de la reine d’Augleterre aussitôt que

vous le voudrez. Attircz-la dans un de vos palais, ellevous y a souvent suivi...; là, parlez-lui en souverain,tenez-la enchaînée jusqu’à ce qu’elle ait rendu à Marie

Stuart sa liberté.Levcrsrea.

Je suis interdit, ell’rayé : ou vous emporte le délire?

Connaissez -vous cette contrée , cette cour? Savcz- vouscomme cet empire d’une femme a étroitement lié les cs-prits? Cite PClIL’Z l’héroïsme qui s’agita autrefois sur ce sol:

tout est subjugué par les lois d’une reine; les ressorts du

courage sont détendus. Suivez mes conseils; ne hasardezrien avec légèreté. --- On vient, retirez-vous.

MORTlMElt.

Marie espère en vous , Milord; retournerai-je vers elleavec ces stériles consolations?

LEYCESTEtt.

Portez-lui les sermens de mon éternel amour.MORTlMI-Itt.

Portez-les lui vous-même; je me suis offert comme ins-6

Page 100: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

82 MARIE STUART.trumcut de son salut, non comme messager de votre

amour. ’SCÈNE 1X.

LEYCESTER, ÉLISABETH.

ÉLISABETH.

Qui vient de vous quitter , Milord? J’entendais quel-qu’un vous parler.

LEYCESTEB , embarrassé.

C’était.... le chevalier Mortimer.

ennuiera.Vous êtes interdit?

LEYCESTEB. , se remettant.

De votre aspect, ô ma Souveraine! Jamais je ne vousvis si éclatante de beauté; je reste ébloui de tant decharnues. -- Hélas!

ÉLISABETH.

Pourquoi soupirez-vous?

LEYCESTER.

N’en ai-ie aucune raison? En contemplant ces attraits ,je sens se renouveler l’indicible douleur de la perte qui

me menace. iÉLISABETH.

Que perdez-vous P

Page 101: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. SCÈNE 1x. 83LEYCESTER.

Votre coeur; l’aimable possession de vous-même. Bien-

tôt vous scrci heureuse dans les bras d’un époux, ivred’amour, qui possédera ce cœur sans partage. Il est issudu sang des Rois: je n’ai pas cet avantage; mais j’cnat-teste le monde entier, il n’existe aucun mortel qui se sente

plus que moi d’adoration pour votre personne. Le ducd’Aniou ne vous a jamais vue , il ne peut aimer de vansque votre éclat et votre gloire; moi, c’est vous-mêmeque j’aime. Née la plus humble bergère, et moi, le plusgrand des princes de l’univers, je descendrais à votrerang, je mettrais à vos pieds mon diadème.

ensimera.Plains-moi , Dudley; mais ne me fais point de re-

proches; je ne peux consulter mon cœur, hélas! il eûtfait un autre choix. Combien je porte envie aux femmesqui peuvent élever ce qu’elles aiment; je ne connaîtrai

pas le bonheur de placer la couronne sur le front del’homme que je préfère à tous ; donner sa main au gré de

son cœur fut le partage de Marie Stuart : tout lui fut per-mis g elle seule épuisa la coupe des délices.

Levcesreu.Elle épuise à présent celle de l’adversité.

ÉLISABETH.

Elle a bravé le jugement des hommes : la vie était facile

à ce prix. Jamais elle ne s’est imposé le joug ou je visassujettie. Je pouvais, connue elle, élever quelques pré-

tentions, jouir de la vie et des plaisirs de la terre; maisj’ai préféré lesaustèrcs devoirs d’une Reine. Elle a gagné le

cœur de tous les hommes, parce qu’elle s’étudia seule-sa

Page 102: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

sa MARIE STUART.ment à être femme. La jeunesse et les vieillards lui pré-sentent à l’envi leurs hommages. Tels sont les hommes!ineonséquens, frivoles, recherchant la légèreté et lesjouissances, fuyant ce qu’ils ne doivent que respecter.Talbot lui-même ne semble-t-il pas rajeunir , en parlantde ses charmes?

ancesren.Pardonnezelui ; il fut jadis son gardien ; l’astueieuse

Marie l’a fasciné de ses paroles.

massacra.Est-il donc vrai qu’elle soit si belle Pll m’a fallu tant de

fois entendre vanter sa ligure , que je voudrais juger cequ’il en faut croire. Des portraits flattent, (les récits sontmenteurs; je ne m’en fierais qu’à mes propres yeux. «a

Pourquoi, Milord, me regardez-vous si attentivement?

LE YCESTEH v

Je vous plaçais, dans ma pensée, à côté de Marie,je voudrais vous voir auprès d’elle; c’est alors que vous

jouiriez pleinement de votre triomphe. Je souhaiteraispour elle cet abaissement d’être convaincue , par sespropres yeux (car les yeux de l’envie sont perçans) , qu’elle

est aussi éminemment surpassée par la noblesse desformes , qu’elle l’est dans les qualités plus précieuses.

ÉLISABETH.

Elle est plus jeune que moi.

LEYCESTER.

Plus jeune? on ne le croirait pas. Les souffrances, ilest vrai, l’ont pu vieillir avant le temps. Ce qui

Page 103: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il. senne 1x. 35rendrait son humiliation plus amère, serait de vous voircomme fiancée. Derrière elle, est déjà le bel espoir de la

vie, et elle vous verrait marcher au bonheur, promise aufils royal de la France; elle, qui toujours s’est si hante.ment vantée de l’alliance française,etqui, à présent encore,

se fie si arrogamment sur elle.

j émurent, jetant ses mots négligennnent.

On me tourmente pour la voir.

Luvcesrea, avec vivacité.

Elle le demande comme une faveur, accordez-le luicomme une punition. Vous pourrez l’envoyerâ l’échafaud,

ce supplice la tourmentera moins que d’être ainsi éclipsée

par vos charmes; par-là vous la frappez connue ellea voulu vous assassiner elle-même. Quand elle verratant de beauté sur qui la pudeur veille, illustrée par unerenommée sans tache , relevée par l’éclat de la couronne

et parée aujourd’hui des approches de l’hymcn , l’heure

de son anéantissement aura sonné. Oui , quand je jette

ici les yeux sur vous , jamais vous ne fûtes mieuxarmée pour la victoire de la beauté.’

Moi-même tu m’as ébloui comme une apparitÎOn céleste

en entrant dans ces lieux. Si, telle qu’en ce moment, tule présentais devant elle , tu ne pourrais rencontrerd’heure plus favorable.

énrsaeeru .

A présent, non, non... pas à présent, Leycester. J’yréfléchirai, et d’abord il faut consulter Burleigh.

LEYCESTEII.

Burleigh! il n’envisage que la raison d’Etat; une

Page 104: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

86 MARIE STUART.femme n’a-belle pas aussi ses droits? Ce point’délirat

n’est pas du ressort d’un ministre. La politique mêmeexige cette entrevue; conciliez l’opinion publique par unacte de générosité; ensuite défaites-vous d’une odieuse

ennemie par le moyen qui conviendra.

ÉLlSABETII.

Il ne serait pas convenable que je visse dans l’abaisse-ment et l’ignominie une princesse de mon sang; on ditqu’elle n’est pas entourée d’une pompe royale : l’aspect

de sa misère me serait un reproche.

LEYCESTER.

Rien ne t’oblige à approcher de son asile. Le hasardmême nous favorise aujourd’hui: ordonne une grandechasse , que le chemin conduise vers F otltcringliay. MarieStuart pourrait se promener dans le parc ; arrivée commepar hasard , vienne semblerait prémédité, et si tu avaisquelque répugnance , tu n’engagcrais point l’entretien.

ÉLISABETII.

Si je commets une faute, Lcycester, c’est la votre etnon la mienne. Je ne vous refuserai aujourd’hui aucunegrâce , car de tous mes sujets c’est vous que j’ai le plus

aflligé aujourd’hui (le regardant tendrement). Ne fût-ce

même qu’une fantaisie de votre part, je cède à vos ins-tantes... L’inclination se témoigne en accordant commeune faveur, ce qu’on a soi-même désapprouvé.

t Leyccster se jette à ses pieds,- Ia toile tombe.)

Page 105: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

87

vMsMssflswunwmnsflusflsxwuflisnxusxnsinxuiflsnissssuuwxssxnussssa

ACTE Il].

SCÈNE PREMIÈRE.

Le théâtre représente un pare et une vaste perspective que bornela mer.

MARIE STUART, ANNA KENNEDY.

(Marie avance d’un pas précipité au travers des arbres;

Kennedy la suit lentement.)

RENNEDY.

Vous vous hâtez comme si vous portiez des ailes. Jene puis ainsi vous suivre; ralentissez vos pas.

MARIE STUART.

Laisse-moi jouir de ma liberté nouvelle 5 laisseomoi être

enfant, sois-le avec moi. Laisse éprouver mes pas légerset rapides sur le tapis émaillé de la prairie. Suis-je ren-v

Page 106: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

88 MARIE STUART.(lue à la vie du sein de mon cachot l Ne me retient-elleplus , la triste tombe P Oh ! laisse-moi boire à longs traits ,et à l’ardeur de ma soif, l’air épuré et céleste!

RENNEDY.

Chère Lady , votre cachot ne s’est élargi que. de peu :

vous ne voyez pasles épaisses murailles qui nous entent»

rem , parce que le feuillage toullit des arbres nous lesdérobe.

MARIE sruanr.

Oh! grâces , grâces soient rendues à ces arbres (lentla riante verdure me cache les murs de ma prison! Jeveux rêver que je suis libre et heureuse! Pourquoi m’é-

veiller dans ma douce illusion? n’estoce pas le vaste seindu ciel qui tu’cuvironne? Mes regards libres et sans chaînes

se promènent dans (les espaces inunesurés. Là, où dansles brouillards grisâtres s’élèvent ces montagnes , cour

meurent les limites de mon empir g et ces nuages quivolent au midi, cherchent lloréan lointain de la France.O unes fugitives, navigateurs des airs, que ne puis-jevoyager et voguer avec vous! Salucz pour moi avec bien-veillance le pays de ma jeunesse. Je suis captive , je suisdans les fers; hélas! je n’ai point d’autres messagers que

vous. Votre carrière est libre dans les airs , vous n’êtespas , vous, sous le joug de cette reine!

KENNBDY.

Chère Lady, la liberté, dont si long-temps vous avezété privée , vous prête son délire .

MARIE STUART.

Lai-bas un pêcheur aborde avec sa nacelle; ce fiole

Page 107: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE III. SCÈNE 1. 89esquif me pourrait sauver, me conduirait rapidementvers des villes amies; il nourrit à peine son indigentpossesseur, je le voudrais charger de richesses. Il auraittrouvé la fortune dans ses lacs, s’il m’accueillait dans sa

barque libératrice! ,senseur.

Vains désirs! ne voyez-vous pas (le loin les pas dessurveillans qui nous suivent? Un ordre sinistre écartede notre chemin toute créature compatissante.

MARIE STUART.

Non , ma chère Anna , crois-moi, ce n’est pas en vainque les portes de mon cachot ont été ouvertes; cette lé-

gère faveur m’annonce un bailleur plus grand. Je nem’abuse pas; c’est a la main active de l’amour que je le

dois, je reconnais le bras puissant de lord de lmycester.Peu a peu on veut agrandir ma prison , ni’aceontutuer,par un bonheur progressif, à contempler enfin celui quipour jamais brisera mes chaînes.

KENNEDY.

Hélas! je ne puis concilier ces contradictions : hierencore on vous annonce la mort, aujourd’hui une telleliberté vous est subitement accordée. J’ai entendu dire

qu’on délivrait de leurs chaînes sur la terre, ceux quidoivent bientôt goûter la liberté éternelle.

DIA RIE STUART.

Entends-tu les cors? les entends-tu faire résonnerleur puissant appel dans les forêts et dans les champs?0h l que ne puis-je m’élaneer sur l’audacieux coursier, me

réunir à la troupe heureuse; oh ! ces accons si connus,

Page 108: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

90 MARIE STUART.’ pleins de souvenirs doux et pénibles, souvent mon oreille

les a éceute’s avec joie sur les bruyères montueuses de la

Haute-Écosse , quand le tumulte de la chasse reten-tissait l

SCÈNE 11.

Les "toscans, PAULET.

PAULET.

Eh bien l ai-je enfin agi à votre gré , Madame? Méri-

tcrai-je une fois vos remercierons?

MARIE STUAR’I’.

Comment, Chevalier, ce serait vous qui m’auriez obatenu cette faveur P

PAULET.

Pourquoi ne serait-ce pas moi P J’ai été à la cour, j’y

ai porté votre lettre.

MARIE STUART.

Quoi! vous l’avez remise i’ Et cette liberté dont je jouis

serait le fruit de cet écrit! .FA ULE’I’.

Il ne sera pas le seul; préparez-vous à une plus grandefaveur.

MARIE savane.

A u .e plus grande , Chevalier! que voulezavous dire?

l

Page 109: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE tu. SCÈNE Il. 9.PAULer.

Vous avez entendu le bruit des cors P

usante 51mm, avec pressentiment.Vous m’efl’rayez. . . i

PAULET.

La reine chasse dans les environs.

MARIE STUART.

La reine?

PAULET.

Dans peu de montons elle sera devant vous.

scanneur , courant mers Alaric qu’elle voit trembler etchanceler.

Qu’avez-vous, chère Lady? vous pâlissez l

PAULET.

Eh! qu’y a-toil à présent? N’cîtait-cc pas votre de-

mande? elle vous est accordée plutôt que vous ne l’aviez

pensé. Autrefois vous aviez toujours une défense prête:maintenant tirez parti de vos paroles, c’est le momentde parler.

MARIE STUART.

Oh! pourquoi ne m’a-t-on pas prévenue! dans ce n10-

ment je n’y suis point préparée... non point dans cemoment. Ce que j’ai imploré comme une grâce,me paraît maintenant terrible et redoutable. Anna, con-duis-moi dans ma retraite, que je puisse me recueillir etsurmonter mon trouble.

Page 110: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

92 MARIE STUART.PAULET.

Restez , Madame; il faut attendre ici la reine. Certes,je le conçois, vous devez être inquiétée de paraître de-

vaut votre juge.

S C E N E I I I.

Les anémieras, TALBOT.

MARIE STUÂRT.

Ce n’est pas là le sujet de ma crainte. Dieu! j’éprouve

un tout autre sentiment. --- Vous voilà, noble comte deSclirovvsbury, vous venez à moi comme un ange envoyé

du ciel. Je ne puis la voir.... sauvez, sauvez-moi de sonaspect!

TALBOT.

Revenez à vous, Reine; rappelez votre courage , voicil’heure décisive.

MARIE sruAar.

Je l’ai entendue cette heure: je m’y suis préparée de.

puis des années. Je me suis tout dit, j’avais fixé dansma mémoire les moyens de la toucher, de l’émouvoir;

tout s’est effacé subitement, rien ne vit en moi que lesentiment de mes soufl’rances; mon cœur se tournecontre elle armé d’une haine sanglante; les bonnes pen-sées me fuyant. les esprits de l’enfer m’environnent seuls

en secouant leurs chevelures de serpens.

Page 111: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE In. senne In. 93TALBOT.

Commandez à cette fougue rebelle de votre sang , domp-tez l’amertume de votre coeur. Il n’y a nul bon fruit à

recueillir quand la haine rencontre la haine. Quelle quesoit votre répugnance, obéissez au temps et à la loi dela nécessité. Élisabeth est la puissante : humiliez-vous.

MARIE nous:

Devant elle P Jamais.

TALBDT.

Parlez-lui avec respect, avec sang-froid. Invoquez sagénérosité, ne vous confiez pas orgueilleusement en vos

droits; croyez-moi, ce n’est point le moment.

MARIE STUART.

Hélas! c’est ma perte que j’ai implorée : mes voeux se

sont exaucés pour ma malédiction. Jamais nous n’aurions

du nous voir, jamais rien de favorable ne peut résulter decette entrevue. L’eau et le feu s’unirent, l’agneau cares-

sera plutôt le tigre... Je suis trop blessée, trop offensée;jamais il ne peut y avoir entre nous de réconciliation.’

’ TA LBOT.’ai vu cependant combien votre lettre l’a émue, ses yeux

étaientbaignés de larmes; non, ellen’estpoint insensible.

Ayez en elle plus de confiance; je ne l’ai devancée que

pour vous exhorter et vous engager à vous recueillir.

MARIE STUMtT, saisissant sa main.

Talbot, vous fûtes toujours mon ami ; que ne suis-jerestée sons votre garde! On m’a durement traitée!

Page 112: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

94 MARIE STUABT.TALBDI’.

Oubliez tout à présent; ne pensez qu’au maintien res-

pectueux qu’il vous faut prendre pour recevoir laReine.

aman; STUART.

Burleîgh , men mauvais génie, est-il aussi avec elle?

111.301.

Non; elle n’est accompagnée que du comte de Ley-

cester.MARIE STUABT.

Leycester l.TALBpT.

Ne craignez riende sa part; il ne veut point votre perte;l’entrevue que vous accorde la reine est son ouvrage.

mame STUART.

Je le savais!

Tuner.Que dites-vous?

PAULET.

Voici la reine.

(Tous se rangent. [Varie seule reste appuyée surKennedy.)

Page 113: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il]. 95SCÈNE 1V.

Les raécéosas, ÉLISABETH, Les!) LEYCESTER, sons.

basanera , à Leycester.

Comment s’appelle ce château , Milord P

Lercnsrsn.

Le château de Fotheringhay.

émsnsrn , à Sclzrewsburj.

Renvoyez ma suite à Londres. Le peuple se presseavec trop d’empressement autour de moi; cherchons un

abri dans ce pare solitaire.

(Talbot fait éloigner la suite de la Reine, Élisabeth fixe

les yeux sur Alaric en s’adressant à Paulet :)

Mon bon peuple m’aime trop; les signes immodérés

de sa joie tiennent de l’idolâtrie; c’est ainsi qu’on doit

honorer un Dieu, mais non pas les mortels.

( [Varie qui, pendant ce temps, est restée défaillanteet appuyée sur sa nourrice , se relève. Ses Jeux ren-contrent le regard perçant d’Élisabeth , elle frissonne

et se jette de nouveau dans le sein (le K cnnedf.)

MARIE STUARTa

Dieu! il n’y a point de coeur dans ces traits-là !

Page 114: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

96 MARIE STUART.ÉLISABETII.

Qui est cette Lady i’

(Silence universelLEYCESTER.

Vous êtes à Fotheringhay.

-ÉLISABETII , feignant d’être surprise et jetant un regard

sévère sur Leycester.

Qui m’a conduite ici , Milord de Leycester ï’

LEYCESTEll.

Le ciel lui-même. Laissez triompher la générosité de

votre âme.TALBOT.

Oui, que le cœur de S. M. soit assez touché pour laisser

tomber un regard sur l’infortunée que son aspectanéantit.

( [Varie se recueille et s’avance vers Élisabeth; puis elle

s’arrête en fiie’missant; ses gestes expriment uncombat. alloient. )

ÉLISABETH. ,

E31 quoi, Milord, on m’avait annoncé une femmeprofondément amigéePJ’en vois une orgueilleuse, et que

le malheur n’a nullement fléchie.

un": STUART , àpart.

Je m’assujettirai encore à cette humiliation. Adieu,orgueil impuissant de la noblesse du cœur; je veuxoublier ’qui je suis et ce que j’ai soutien; je veuxme jeter auic pieds de celle qui m’a précipitée dans l’op-

probre. (Elle se tourne mers la reine.) Le ciel s’est décidé

pour vous, ma soeur; Votre’heurcuse tèteest couronnée

Page 115: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE III. SCÈNE 1v. 97par la victoire. J’adore la divinité qui vous élève (elle flé-

obit un genou) , mais à votre tour, soyez généreuse , ma

sœur; ne me laissez pas ici honteusement prosternée ,tendez-moi votre main royale.

ÉLISABETH , reculant d’un pas.

Vous êtes à votre place, lady Marie , et je rends grâceh à mon Dieu, qui n’a pas voulu que je fusse prosternée à

vos pieds comme vous l’êtes aux miens.

MARIE STUART.

Pensez a l’instabilité de tout ce qui estlmmain : il estun Dieu qui se venge de l’orgueil, révérez-le , craignez-

le ce Dieu redoutable qui m’a précipitée à vos pieds.

Devant ces témoins étrangers, honorezovous en moi, etn’avilissez point le sang des Tudors qui coule dans mes.veines ainsi que dans les vôtres. Ne me repoussez pascomme le roc inhospitalier que le naufragé cherche envain à saisir. Ma vie, toute ma destinée dépendent dela force de mes paroles et de mes larmes; ouvrez moncœur pour qu’il puisse toucher le vôtre; quand vousfixez sur moi ce regard de glace, il se ferme ce coeur,en frémissant; le torrent des pleurs se tarit; une hor-reu; froide enchaîne dans mon sein les paroles de la sup-plicatiou.

eussent! , d’un ton froid et sévère.

. . Qu’avez-vous à me dire , lady Stuart? Vous avez voulu

me parler; j’oublie les droits de la Reine offensée , pour

remplir les pieux devoirs de la soeur, et je vous accordela consolation de ma présence : je cède au penchant dela générosité , je m’expose au juste blâme d’avoir pu si

r7I

Page 116: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

93 MARIE STUART.profondément descendre...... Car, vous savez que vousavez voulu’me faire assassiner.

MARIE STUA RT.

Par où commencerai-je et comment choisir mes pa-roles pour qu’elles saisissent votre cœur sans le blesser?O Dieu! prête l’éloquence à mes discours, et ôte-leur’aiguillon qui peutoffenser. Pourquoi ne puis-j s’parler

en ma faveur, sans vous accuser? Vous avez agi injuste-ment envers moi, car je suis Reine comme vous , et vousm’avez accablée de fers. Je suis venue en suppliante;et vous, outrageant les lois de l’hospitalité, le droitsacré des nations , vous m’avez enfermée dans les murs

d’un cachet, vous m’avez ravi mes amis, mes serviteurs;j’ai été en proie à une affreuse indigence; enfin , onm’a traduit devant un tribunal odieux!.... N’en parlonsplus : qu’un éternel oubli couvre ce que j’ai souffert.Voyez, j’appellerai tout un mauvais destin; vous n’êtes

pas coupable, mais je ne le fus pas non plus. Un espritmonté de l’abîme ralluma dans nos cœurs la haine quinous avait déjà séparées dès notre tendre jeunesse; cette

haine crût avec nous, et de perfides courtisans attigsaient, par leur souffle, ce funeste incendie; des zéla-teurs furieux armèrent une main qui ne devait jamaisconnaître le glaive et le poignard : telle est la malheu-reuse destinée des rois, que leur division déchire lemonde, et déchaîne les furies de toutes les passions!Maintenant il n’y a plus de bouche étrangère entre nous.

(Elle s’approche d Élisabeth avec confiance, et continue

avec douceur: ) Nous voilà vis-à-vis nous-mêmes; par-lez, ma soeur, apprenez-moi mon crime, je veux voussatisfaire. Hélas! que ne m’avez-vous prêté votre oreille

Page 117: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE Il]. SCÈNE 1v. 99lorsque je le demandai avec tant d’empressement! ce neserait pas dans ces tristes lieux que se ferait maintenantcette malheureuse rencontre.

ÊLISABETH.

Mon heureuse étoile m’a préservée d’accueillir le sera

peut dans mon sein; u’accusez pas les destinées, accusez

la noirceur de votre âme, accusez l’ambition farouche

de votre maison. Nous vivions en paix lorsque votreoncle, prêtre orgueilleux , qui, brûlant de dominer ,étend une audacieuse main vers toutes les couronnes,vous excita a prendre mes armes , à vous appropricr’mestitres royaux, à entrer en lice avec moi dans un combatde vie ou de mort. Que n’a-t-il pas appelé contre moi P

la langue des prêtres, le glaive des peuples, les armesredoutées de la démence fanatique. lei même, au seinde mon royaume, il a attisé les flammes de la rébel-lion. Mais Dieu est avec moi, et l’orgueilleux Lorrain m’a

cédé le champ; le coup menaçait ma tète, et c’est la votre

qui tombe.MARIE.

Je suis dans la main Dieu: vous ne voudriez pas dé-passer votre puissance.

masseur".

Et qui m’en empêchera? Votre oncle a appris aux Rois

de la terre comment on fait la paix avec ses ennemis;que la nuit de la Saintiliarlhélemy soit mon exemple.Que me font, à moi, l’alliance du sang, le droit desnations? Votre Église dissout les lieus de tous les devoirs,sanctifie le parjure, le régicide : je ne pratique que ce

7*

Page 118: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

O

me v 4 MARIE STUART.qu’enseignent vos prêtres. Quel gage me répondrait devous , si ma générosité dénouait vos chaînes ? sans

quelles portes , que ne peuvent ouvrir les clefs deSaint-Pierre , m’assurerais-je de votre foi? La force estma seule sécurité; point de pacte avec le fanatisme.

MARIE STUÀRT.

Voilà vos sinistres soupçons! Vous ne m’avez jamaisregardée qu’en ennemie, qu’en étrangère; si vous m’aviez

déclarée votre héritière, ainsi que mon droit’le veut, la

reconnaissance et l’amour vous auraient conservé une

amie , une sœur fidèle. iÉLISABETH.

Lady Stuard, votre amitié est hors de ce pays; leVatican est votre patrie, les moines sont vos frères.Vous déclarer mon héritière? vous! (Piège insidieux! )

pour que, moi vivante, vous séduisiez mon peuple.Armide astucieuse, pour que vous enveloppiez de vosfilets la noble jeunesse de ce royaume, pour que tousmes sujets se tournent vers le nouveau soleil qui s’élève,

tandis que moi....

MARIE STUART.

Régnez en paix : je renonce à mes prétentions sur cetempire; l’élan de mon âme est abattu, les grandeursn’ont plus d’attrait pour moi, votre but est rempli,je ne suis plus que l’ombre de Marie Stuart, mon cou-rage a cédé à la longue ignominie du cachot. Vousm’avez anéantie dans ma fleur. Ma sœur, mettez unterme à mes maux : prononcez les paroles pour lesquellesvous êtes venue en ces lieux, car je ne croirai point

Page 119: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE m. SCÈNE 1v. unque vous soyez ici pour triompher inhumainement devotre victime. Dites : «Vous êtes libre, Marie; vousavez senti mon pouvoir, apprenez maintenant à bénirma magnanimité. » Parlez , je veux tenir , comme un donde vos mains , ma vie et ma liberté, un seul mot doittout eil’acer; je l’attends, ne me laissez pas plus long-

temps le désirer. Malheur à vous, si vous ne terminezcette entrevue par un mot de consolation; si vous neme quittez point, en ce moment, comme une divinitéemportant les bénédictions..... 0h! ma sœur, au prixde cette île florissante, au prix de tous les pays qu’em-

brasse la mer , je ne voudrais pas être devant vous telleque vous êtes devant mais

eussent: .Enfin vous vous confessez vaincue! -- Vos complots

sont-ils à leur terme? N’est-il plus d’assassins envoyés vers

moi! N’est-il plus d’aventuriers qui veuillent tenter pour

vous le triste cilice de chevalier P Oui, lad)r Stuart, c’en est

fait, vous ne séduirez plus personne, le monde a d’au-tres soins qui recoupent; nul n’a envie de devenir votrequatrième époux, car vous immolez vos époux commevos amans.

MARIE STUART, indignée.

O ma sœur, ma soeur! -- Dieu, aCCOI’deg’lÏlOl la modéu

- ration l

tumeur", la regardant Iong- temps d’un air dédra’gneuæ.

, Voilà doue, lord de Leycester, les charmes que nulmortel ne regarde impPu’ementtprès desquels aucunefemme ne doit oser se I emparer g en vérité cette gloire

V l i 3- l Ilsa.

Page 120: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

10?. MA RIE STUART.était facile à acquérir. Je vois qu’il n’en coûte pour être la

beauté de tous que d’être la beauté commune à tous.

sunna sruan’r.

C’en est trop!

custom" , avec un sourire triomphant.

Vous montrez maintenant votre figure : jusqu’ici vousn’aviez porté qu’un masque.

MARIE sruaa’r , avec colère et dignité.

.Î’ai failli comme créature humaine, et à cause de majeunesse; le pouvoir suprême m’a séduite; ie ne l’ai point

rat-hé. i’ai dédaigné la feinte avec une franchise royale 3

le monde connaît. de moi mes plus coupables actions ,et je puis dire que ie suis meilleure que ma renommée.Mais , malheur à vous quand ce monde arrachera levoile fastueux dont vous enveloppez avec hypocrisie l’ar-deur fougueuse de vos désirs. Ce n’est point la pudeurque votre mère vous a laissée en héritage. On sait pourquelle vertu Anne de Boulon est montée sur l’écha-l’ami.

TALBOT, se plaçant ener les Jeux reines.

0 Dieu du ciel! Faut-il en venir à ce point! Est-cclà votre soumission , lady Marici’...

MARIE SI D’ART l

Soumission l J’ai supporté ce qu’un être humain

peut supporter. Loin de mon coeur, douceur innocentede l’agneau; retourne au ciel , patience de soufl’rir; brise

les chaînes, sors de ton dernier asile, haine si long-tempsretenue g et toi qui attachas la mort au regard du basilicirrité , arme ma langue de traits empoisonnés.

Page 121: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE m. SCÈNE 1v. 103TALBOT , à Élisabeth.

Elle est hors d’elle-même. Pardonnez à l’insensée, si

profondément offensée.

(Élisabeth , muette de colère , lance sur diorite desregards furieux.)

LEYCESTER, tâchant d’ éloigner Élisabeth.

Ne l’écoutez point ; quittez, quittez ce funeste séjour.

MARIE nouer.

Le trône d’Angleterre est profané par une bâtarde.

Le peuple magnanime des Bretons est abusé par uneastucieuse comédienne. Si le juste droit triomphait,

’vous seriez , en ce moment, prosternée devant moi dansla poussière; car c’est moi qui suis votre souveraine.

(Élisabeth sort précipitamment, les lords l’accompa-

gnent dans le plus grand trouble.)

SCENE V.

MARIE STUART, RENNEDY.

RENNEDY.

Qu’avez-vous fait? Elle s’éloigne furieuse, et mainte-

nant toute espérance a disparu pour nous.

MARIE STUART.

Oui, elle sort furieuse; et elle emporte la mort dansson cœur. (Embrassant K ennedj.) Combien je suis soula-

Page 122: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

toi MARIE 5111m.géo , Anna! Enfin , après de longues années d’abaisse-

ment et de souffrance, un moment de vengeance et detriomphe l Un pesant fardeau tombe de dessus mon cœur:j’ai plongé le poignard au sein de mon ennemie!

KENNEDY.

Le délire vous aveugle ; vous avez blessé l’impla-

cable. C’est elle dont la main porte la foudre. Elle estReine; et c’est devant son amant que vous l’avez humi-liée!

MARIE STUART.

Oui, je l’ai abaissée devant les yeux de Leycester ; il l’a

vue, il a été témoin de ma victoire; je l’ai précipitée du

haut de ses grandeurs , et il était là ; sa présence a dou-blé mes forces.

SCÈNE VI.

Les nécrosas , MORTIMER .

senseur.

O! Chevalier, quelle entrevue malheureuse!

MORTIMER.

J’ai tout entendu. (Il fait signe à Kennedy de serendre à son poste , s’approche de Alaric: tout exprimeen lui I’eæhaltation la plus passionnée.) Vous avez triom-phé, vous l’avez foulée dans lax poussière, vous étiez

la Reine, elle la criminelle; je suis ravi de votre

Page 123: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE In. SCÈNE V1. 105courage, et je vous adore. Vous apparaissez à mes yeuxdans ce moment, comme une divinité dans sa gloire!

MARIE STUAItT.

Vous avez parlé à lord de Leycester? Vous lui avez remis

ma lettre et le présent. Oh l parlez, Chevalier!

monnnea , la contemplant avec des regards en aminés.

Combien ce royal courroux te prêtait de Charmes!combien ils me semblaient plus divins! - Vous ôtes laplus belle des femmes sur cette terre.

MARIE STUART.

Je vous supplie, Chevalier, satisfaites à mon impa-tience; que dit Milord? Parlez, que dois-je espérer?

MORTIMER.

Lui! c’est un lâche, un misérable. N’attendez rien

de lui ; oubliez-le , méprisez-le.

MARIE STUART.

Que dites-vous?MORTIMEB.

Lui, vous sauver , vous posséder! Lui? qu’il l’ose : il

faut qu’il entre d’abord avec moi dans un combat de vie

ou de mort.MARIE armer.

Vous ne lui auriez pas remis ma lettre? Je suisperdue.

MORTIMER.

Le lâche, il aime sa vie! Celui qui veut vous sauverdoit envisager courageusement la mort.

Page 124: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

106 MARIE STUART.MARIE STUART.

Il ne veut rien faire pour moi?

nommera.

Ne parlons plus de lui. Que peut-il faire, a-toon besoinde son secours? Je veux vous délivrer , moi, moi seul.

BIAKIE STUART-

Hélas! que pouvez-vous?

acumen.Ne vous abusez plus, votre situation n’est pas celle

d’hier. Dès que la reine vous a quittée, dès que votre en-

trevue a pris .ectte issue, tout chemin de grâce vous estfermé sans retour. A présent nous avons besoin d’agir, c’est

à l’audace à décider; hasardons tout pour tout obtenir;

il faut que vous soyez libre avant que le jour reparaisse.

MARIE STUART.

Que dites-vous? quoi l cette nuit P -- Comment sepourrait-il P

MORTIMER.

Écoutez ce qu’il a été résolu. J’ai assemblé mes com-

pagnons dans une chapelle secrelte: un prêtre a reçunotre confession, l’absolution nous a été donnée pour

tous les péchés que nous avons commis.... pour tousceux que nous pourrions commettre. Nous avons reçu ledernier sacrement, et nous sommes prêts au derniervoyage. ’

MARIE 51mn.

Redoutables préparatifs !

Page 125: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE III. SCÈNE v1. .07,MOttTlMEtt.

A Cette nuit même, nous escaladerons ce château; jesuis maître des clefs, nous donnerons la mort à vosgardiens, nous vous arracherons de cette captivité.Toute âme vivante doit ici périr , afin que personne nepuisse trahir le secret de cet enlèvement.

MARIE STUAIIT.

Et Drury, Paulet, mes geoliers? ils répandraient plu-tôt la dernière goutte de leur sang. . . .

MORTIMER.

Ils tomberont les premiers sous mon poignard.

MARIE sTUART.

Quoi l votre oncle; votre second père!

MOBTIMER.

Il mourra de ma main; je le frappe.

’MARIE STUAIITo

O crime l

MORTIMER.

Tous les crimes sont pardonnés d’avance ; je puis com-

mettre le plus horrible, et je le veux.

MARIE STUART.

Epouvantable! épouvantable !

LIORTIMEIM

Fallût-il frapper la Reine, je l’ai juré sur la saintehostie.

Page 126: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

103 MARIE STUART.MARIE nous»

Non, Mortimer, avant que tant de sang coule pourmoi. .. . .

nommait.Qu’estocc que le monde entier, auprès de toi, et ton

amour? Que le lien des mondes se dénoue, qu’un nou-

veau déluge accumulant ses flots engloutisse tout ce quirespire, je ne respecte plus rien; avant que je renonce

.à toi, que la fin des temps arrive !

MARIE STUMITo

Dieu! quel langage, Chevalier, et quels regards? ilsme font frémir.

nommer: , les yeux enflammés et dans l’expressiondu délire.

La vie n’est qu’un moment, la mort n’en est qu’un

autre. Qu’on me traîne à Tyburn , qu’on arrache mes

membres avec des tenailles ardentes, (s’approchant d’elle

avec violence et les bras ouverts), pourvu que je lepossède , ô ma bien-aimée!

MA RIE STUAIIT.

Insensé, éloignez-vous.

nommait.Oh! si ce sein , si cette bouche qui respire l’amour.....

me"; STUART.

Au nom de Dieu, Chevalier, laissezomoi m’éloigner.

MORTIMER.

Celui-là est un insensé qui n’enchainc point son bon-

Page 127: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE III. SCÈNE v1. logheur de liens indissolubles, quand un Dieu le livre enses mains. Je veux vous sauver, dût-il m’en coûter mille

fois la vie; je veux vous sauver, je le veux 3 mais , j’enatteste le Dieu vivant... je veux aussi te posséder.

MARIE STUART.

Aucun dieu , aucun ange du ciel ne viendra-t-il à monsecours? Redoutable destin, tu me jettes, dans toncourroux, d’uneterrenr dans une antre. Suis-je née pourn’éveiller que la fureur i’ la haine et l’amour se conjurent-

ils pour m’épouvanter!

MORTIMERo

Oui, je t’aime avec la même ardeur qu’ils te haïssent.

Ils demandent ta tête, ils veulent trancher sous le fer dela hache ce col éclatant de blancheur, oh! consacre audieu de la vie et des plaisirs ce que tu dois sacrifier ,sanglant, aux divinités de la haine. Divinise l’amantfortuné avec la possession de ces charmes qui ne sontplus à toi. Ces boucles de soie, cette belle chevelure,déjà dévouée aux sinistres ombres de la mort , uses-enpour enlacer à. jamais ton esclave.

MARIE STUART.

Quel langage dois-je écouter? Chevalier, mon mal-leur et mes soufl’rances vous devraient être sacrés , sice n’est ma tête royale.

MORTIMER.

La couronne est tombée de ton front; tu n’as plusrien de la majesté de la terre. Fais-en l’essai; fais re-

tentir ta voix de souveraine; vois si un seul ami, si un

Page 128: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

tu) MARIE STUART. ’seul libérateur se lève! Rien ne t’est resté que ces formes

enchanteresses; la puissance divine de cette sublimebeauté m’engage à tout oser, à tout entreprendre; c’est

elle qui me pousse an-devant de la hache du bout-vreau l

MARIE nous.

Oh! qui me sauvera de ses fureurs!

MORTIMER.

Un service audacieux se récompense aussi par des té-mérités. Pourquoi le brave prmlÎgttC-t-ll son sang P la vie

n’estoelle pas le plus haut bien de la vie! lnsensé qui la

dissipe en vain. Avant de périr je veux reposer dans tesbras. (Il la presse avec violence sur son sein.)

I mais: sruan’r.

Faut-il invoquer du secours contre mon libérateur?

MORTIMBR.

Tu n’es pas insensible : le monde ne l’accuse pasd’une froide rigueur; tu fus touchée par les ardentesinstances de l’amour, tu rendis heureux le chanteurRizzio , et Bothvvel, lui-même, osa t’enlever....

V MARIE sveaa’r.Téméraire !

MOBTUIBIK.

Il ne fut que ton tyran, tu tremblais devant lui, enl’aimant; si la terreur peut seule te fléchir, je jure parles dieux de .l’enfer....

MARIE sruaar.

Laissez-moi. ’

Page 129: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE tu. SCÈNE vr. u.nommait.

....’ Tu trembleras aussi devant moi.

KENREDY, entrant précipitamment.

On approche... on vient... Des hommes armés rem-

plissent le parc. Vamarinait à Marie, portant la main sur son épée.

Te te protégerai.

un": srwuvr.Oh Anna! sanveomoi. Malheureuse! ou trouver un

refuge? A quelle divinité recourir? ici est la violence, etla la mort.

( Elle court vers le château , K ennedj la suit.)

SCÈNE V11.

MORTIMER, PAULET, DRURY.

(Ils arrivent efli’aye’s; une suite nombreuse traversela scène.)

raanr.Fermez tontes les portes , levez tous les ponts-levis l

MORTIMEB.

Mon oncle, qu’y a-t-il?

Page 130: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ne MARIE STUART;ramer.

Où est la meurtrière ? Descendez-la dans le cachot leplus obscur.

nommait.Qu’estil donc arrivé?

nous. p .La Reine... des mains maudites... attentat infernal!

nommait.

La reine! Quelle reine?

mener.La reine d’Angleterre. Elle vient d’être assassinée sur

la route de Londres. ’

(Il entre dans le château.)

SCÈNE VIH.

MORTIMER, ensuite OKELLY.

310111111811 o

Quelqu’un ne vient-il pas de passer en s’écriant que

la Reine était assassinée? non, non, c’était un songe,

on le délire de la fièvre. Qui vient? Okelly effrayé.

l ORELLY, précipitamment.

Fuyez, Mortimer, fuyez , tout est perdu.

Page 131: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE III. SCÈNE VIH. "aLIORTIMER.

Qu’y a-t-il de perdu?

ORELLY.M .

Ne le demandez pas; songez à une prompte fuite.

MORTIMER.

Qu’est-ce donc enfin? *OKELLY.

Un des nôtres a porté le coup.

MORTIMER.

Il est donc vrai!OKELLY.

Vrai. Sauvez-vous.

nommait.Élisabeth est assassinée, et Marie va monter sur le

trône’d’Angleterrc!

"OKELLY.

Qui dit cela?

MORTIMER.

Voussmême.

oanLv.

Élisabeth vit; vous, moi, nous tous, nous sommesenfants de la mort.

V MORTIMER.Elle vit l...

OKELLY.

Le coup ne l’a point atteinte. Son manteau seul l’areçu. Talbot a désarmé le meurtrier.

8In

Page 132: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

H4 MORTIMER.

Elle vit!oanLv.

Elle vit pour nous faire tous périr; venez, on entouredéjà leparc.

MORTIMER.

Qui donc a fait cette tentative insensée?

oanLv.Le barnabite de Toulon que vous vîtes assis, morne

et pensif, dans la chapelle, lorsque le moine nous expli-qua l’anathème par lequel le Pape frappe la Reine demalédictions; il a voulu saisir l’occasion la plus promptede délivrer l’Église par un coup audacieux , et mériter la

couronne du martyre. Il a confié au prêtre seul son proujet, et il l’a consommé sur le chemin, (le Londres.

nommait , après un. long silence.

lufortunée’. le courroux du destin te poursuit. Main-

tenant, oui, maintenant il faut que tu meures: ton angemême a préparé ta perte.

onernv.De quel côté fuyez-vous? Moi , je vais cacher mes pas

dans les forêts du Nord.

MORTIMEK.

Fuyez , et que Dieu accompagne votre fuite! Moi, jereste; je veux tenter encore de la sauver. Si je ne puis,qne ma dernière couche soit son cercueil.

Ç Ils s’éloignent de digérons côtés.)

Page 133: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

"5athWbflbfibîbbbbbbîbbbbbbflbbtbbbbsbbhshbbbbflbbbbsbbîbbbbbsbbbbïhbïflbMbbbbbshbsbbbbflbb fl

ACTE IV.

SCÈNE PREMIÈRE.

La scène est dans un péristyle du palais d’Élisabeth.

Le COMTE LEYCESTER, LE COMTE AUBÉPINE, LE COMTE

DE KENT.

AUBEPINB.

Vous me voyez encore frappé de terreur! Commentun pareil attentat a-t-il pu se commettre au milieu d’unpeuple fidèle?

LEYCESTER.

Il n’a pas été commis par un citoyen de ce peuple;

le coupable est un sujet de votre Roi: un Français.

aneurine.Un frénétique , sans doute?

KENT.

Un: papiste, comte Aubepine.3?

Page 134: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

116 MARIE STUAR’I’.

SCÈNEIL

Les raierions, BURLEIGII , DAVISON.

a

acumen, à Davison.

Il faut qu’à l’instant même l’ordre de l’exécution soit

rédigé et revêtu du sceau de l’Etat. Dès qu’il sera expé-

dié , qu’on le porte à la signature de la Reine z allez , ne

perdez pas un moment.

g ourson.J’obéis. ’ (Il sort.)AUBEPINE , allant à la rencontre de Burleigh.

Milord, mon cœur fidèle partage la juste allégressede cette île. Que le ciel soit loué pour avoir écarté le

coup meurtrier de la tête royale.

BURLEIGII.

Oui, qu’il soit béni pour avoir confondu les projets de

nos ennemis.

’ aneurine.Malheur au fauteur de cette horrible action l

tinamou.Et à son exécrable inventeur.

.Aneertne, à Kent.Plaît-il à votre grandeur de m’introduire auprès de

Page 135: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. set-Inuit. ne;Sa Majesté, pour que je mettoit ses pieds les félicita«tiens du roi mon maître.

BURLEtGII.

Ne prenez point cette peine , comte Aubepine.

AUBEPINB.

Je sais quel est mon devoir.

acumen.Votre devoir est de quitter cette île dans le plus court

délai.

AUBBPINE, avec étonnement.

Que dites-vous?

BURLEIGII.

Votre caractère vous protège encore aujourd’hui,demain il ne vous garantira plus;

AUBEPINE.

Et quel est mon crime?

scansion,

Quand je l’aurai prononcé, il ne sera plus à par-donner.

meneuse.

J’espère, Milord, que le droit des ambassadeurs...

suante".Ce droit ne protège point les traîtres.

LEYCESTBR et sans.

Comment P

Page 136: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ub’ . MARIE STUART.AUBBPINE.

Milord , y pensez-vous bien?

renteroit.On a trouvé sur l’assassin un passeport écrit de votre

main.anar.

Serait-il possible l

auneriez.

Je distribue beaucoup de passeports.... Puis-je scruter -la conscience de tous ceux qui les demandent ?

monteroit.

Le meurtrier a été confessé dans votre hôtel.

aneurine.

Mon hôtel est ouvert. .. .

BURLEIGH.

A tous les ennemis de l’Angleterre.

attentive.

Je demande un examen rigoureux de ma conduite.

BURLBtGlt .

Craignez-le.AUBBPINE .

Mon maître est offensé en ma personne, il romprale traité.

BURLEIGH-

La Reine l’a déjà rompu ; l’Angleterrc ne s’alliera pas

Page 137: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE u. 119à la France. Milord de Kent, vous êtes chargé de con-duire le Comte en sûreté jusqu’à Douvres. Le peupleattroupé vient d’assaillir son hôtel, on s’est trouvé un

vaste amas d’armes. Il menace de le déchirer s’il semontre; cachez-le jusqu’à ce que la fureur publique soitapaisée. Vous répondrez de sa vie.

AUBEPINE.

Je pars; je quitte avec joie ce pays oit l’on foule auxpieds le droit des peuples, on l’on se joue des traités;

mon souverain demandera une satisfaction sanglante.

acumen.Qu’il vienne la chercher!

(Kent et Aubépine s’éloignent. )

SCENE III.

LEYCESTER’, maceron.

LEYCESTEII.

C’est ainsi que vous brisez des nœuds que vous-meuleaviez formés : vous aurez peu mérité de reconnaissance

de la part de l’Angleterre, Milord ; vous auriez pu vousépargner tant de soins.

BURLEIGH.

Mon intention était pure, Dieu en a autrement or-donné. Heureux qui n’a pas de plus graves reproches à

se faire!

Page 138: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

120 MARIE STUART.LEYCES’IÏER.

On connaît l’air mystérieux du baron de Burleigh

quand il s’agit de poursuivre un crime d’Etat; maiutcv

n sut, Milord , vous voilà dans votre élément, un forfait

5’05! flPCOIttpli . et le secret enveloppe encore les auteurs.

Ou va établir un tribunal d’inqnisition; les mots, lesregards semnt pesés, les pensées seront dénoncées devant

les juges. C’est vous qui serez l’homme essentiel , l’atlas

qui soutiendrez le poids de l’État.

BURLHIGII.

En vous, Milord , je reconnais mon maître ; tellevictoire que votre éloquence a remportée n’aurait jamais

été obtenue par la mienne.

LEYCESTER.

Que voulez-vous dire?

acumen.N’est-ce pas vous quiavez, à mon insu , attiré la Reine

au château de Fotheringhay?

LBYCESTER.

A votre insu? Et depuis quand mes actions ont-ellesredouté vos regards?

’ acumen.Vous avez conduit la Reine à Fotheringhay, ai-je ditÏ?

Non; c’est elle qui a en la bonté de vous y conduire.

a

LEYCESTBR.

Encore une fois, ne rétendezçvons Milord?î

Page 139: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. senne tu. 121BURLRIGII.

Le noble rôle que vous avez fait jouer à la Reine! Leglorieux triomphe que vous lui avez préparé l Puncesseremplie de bonté, c’est ainsi qu’on s’est joué de toi, et. que

tu fus abusée sans pudeur! Voilà daine le motif de cettegénérosité , de cette clémence qui s’empara de vous au

conseil! C’était doue pour ce projet que vous représentiez

cette Marie comme un ennemi si faible, si méprisable ,qu’il ne valait pas la peine de se souiller de son sang.Piége adroit et finement Combiné! llestdommage qui" aitété tramé si finement, qu’ilse Soit rompu sans eflbrt.

LEYCESTER.

Téméraire! vous me suivrez sur-le-cilamp; vous merépondrez devant le trône de la Reine.

BURLEIGU.

Vous m’y trouverez. Mais prenez garde, Milord, quelà votre éloquence ne vous abandonne.

( Il son. )

SCÈNEIV.

LEYCESTER , seul.

Je suis trahi. Burleigh a pénélré mon secret. Com-ment ce misérable a-t-il suivi mes traces? Malheur à mois’il a des preuves, si la Reine apprend qu’il a existédes

intelligences entre Marie et moi! Combien je lui paraî-trai coupable, combien le conseil que j’ai donné lui

Page 140: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

:22 MARIE STUART.semblera astucieux et perfide! Par mon empressement àla conduire à Fotheringhay, elle se voit outrageusementtrahie, sacrifiée à son odieuse ennemie; jamais, jamaisje ne puis espérer de pardon. Tout paraîtra concertéd’avance , et les dédains de sa rivale , et le triomphe deses réponses. La main de l’assassin qu’une destinée im-

prévue arma contre elle, semblera avoir été guidée par

moi. Je n’entrevois point de salut. --- Ciel! qui vient?

SCÈNE v.

LEYCESTER, MORTIMER, agité et jetant de.regards autour de lui.

MORTIMBR.

Est-ce vous, comte de Leycestcr? Sommes-nous sanstémoins P

LEYCESTER.

Sortez, malheureux! Que cherchez-vous ici?

BIORTIMEI’H

On est sur mes traces, sur les vôtres: tenez-vous survos gardes.

cercesrea.Elrtignez-vous.

MORTIMER.

On sait qu’il y a eu une assemblée secrète chez le comte

Aubepine.

Page 141: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE v. .23Levcesren.

Que m’importe.

MORTIMER.

Que le meurtrier s’y est trouvé.

LEYCESTER.

Cela ne regarde que vous. Comment osez-vous m’asso-

cier à votre crime?MORTIMER.

Écoutez-moi seulement.

LEYCEST en .

Que l’enfer vous engloutisse! pourquoi vous attacherà mes pas comme un esprit malfaiteur? Éloignez-vous ,je ne vous connais pas, je n’ai rien de commun avec des

assassins.

mourusse.

Jclviens vous avertir que vos pas sont trahis.V

LEYCESTER.

Grand Dieu!

nos-amen.

Le grandntrésorierest venu à Phlheringhay, des que l’ac-

tion malheureuse a été exécutée 5 on a visité les apparte-

mens de la Reine , ct on a trouvé....

Levcesree.Quoi P

MORTHIEK .

Une lettre que la Reine vous adressait.

Page 142: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

:24 MARIE STUART.LEYCESTER.

La malheureuse lmourraient.

Dans laquelle elle vous invite à tenir votre parole , envous renouvelant la promesse de sa main, et en vousparlant du portrait.

LBYCESTEB .

Mort et damnation l

nommait.

Burleigh a la lettre.LEYCESTER.

Je suis perdu.

( Pendant le discours suivant de llIorlimer , Leyceslcrparcourt l’appartement , avec désespoir. )

310111131311.

Saisissez le moment , prévenez Burleigh , sauvez-vous,sauvez Marie, employez les sermons et détournez l’orage.J’ai moi-même épuisé tous les moyens. Déjà mes compa-

gnons sont dispersés, notre association est dissoute; jeme rends en hâte vers l’Écosse pour y réunirde nouveaux.

amis; c’est à vous d’essayer ce que peut votre autorité et

le pouvoir de votre courage. lLEYCESTER, après un moment de tranquillité et tout-à-

coup démo réflexion.

Voilà ce qu’il faut. (Il court à la porte, l’ouvre etappelle. ) Holà l gardes! (A l’oflîcier qui se présente suivi

de quelques soldats. ) Arrêtez ce traître et gardez-le avec

Page 143: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE v1. .25soin; la plus atroce des conspirations est découverte. Jevais en informer la Reine.

(Il sort.)

SCÈNE V1.

Les rnÉcÉoEss , excepté LEYCESTER.

MORTUIER, d’ abord immobile d’étonnement , se recueilleet suit Lefcester d’un regard de mépris.

Infàme! Mais je l’ai mérité; pourquoi me fier à ce

misérable? Ma perte assurera son salut. Eh bien! sauve-toi, ma bouche restera muette, je ne veux pas t’entraî-

ner dans ma chute. Même dans la mort je ne veux pasm’associer à toi, la vie est le seul bien des méchans.(A l’ ojfieier qui s’avance pour l’arrêter. ) Que me veutetu,

vil esclave dela tyrannie? Je te méprise, et je suis libre.( [litre un peignard. )

L’orrxcrea.

Désarmez-le.

( Les gardes se précipitent sur lui, il se défend. )

MORTIMER.

Libre jusqu’au dernier moment, mon coeur doit s’ou-

vrir , ma langue va se dénatter. Malheur à vous quitrahissez votre Dieu et votre reine légitime; vous quivous êtes détourné de la Marie terrestre ., comme de la

divine Marie; vous qui vous êtes vendu à cette reineusurpatrice !

Page 144: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

12D MARIE STUART.L’OFFICIER .

Entendez le blasphémateur ! saisissez-le.

MOBTIMER.

Ma bien-aimée! je ne puis te sauver , mais je te don.nerai un courageux exemple. Céleste Marie, priez pourmoi, et daignez me recevoir dans la vie éternelle. (Il sefrappe et tombe entre les bras des gardes. )

SCÈNE VII.

Le théâtre change et représente l’appartement de la Reine.

ÉLISABE’IIH , tune lettre à la main ; BURLEIGII.

ÉLISABETII.

M’avoir conduite à Fotlieringliay! le traître! me donc

ner en spectacle à sa maîtresse! Oh ! Burleigh, jamais unefemme fut-elle ainsi trompée!

numerus].

Je ne puis comprendre encore par quel prestige ilavait réussi à surprendre ainsi la prudence de ma souve-raine."

ÉLISABETH.

Je meurs de honte l Combien a-t-il dû s’enorgueillirde ma faiblesse! Je croyais abaisser Marie et j’étais moi-mème l’objet de ses outrages!

Page 145: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE vu. 1.27BURLEIGH.

Maintenant vous devez reconnaître combien mes con-seils étaient d’un serviteur fidèle.

ensuivra.Je suis cruellement punie de m’être éloignée de vos

avis; mais pouvais-je me refuser à le croire, commentredouter un piége dans les sermens du plus ardentamour? A qui me fier, s’il me trompe, lui , que j’aiélevé au-dessus des grands , lui, qui était le plus près de

mon cœur, à qui j’ai permis, à cette cour, d’agir et deparler en maître!

BURLEIGII.

Et dans ce temps même, il vous trahissait pour l’as-tucieuse Reine d’Ecosse.

ÉLISABETH.

Elle le paiera (le son sang. Dites , la sentence est-elleprèle P

acumen.On a exécuté vos ordres.

exaucent.Elle va mourir. Il doit la voir périra et périr après

elle Il est effacé de mon coeur que la vengeance occupetout entier. Que sa chute soit aussi honteuse, aussi pro-fonde que son sort fut éclatant; qu’il soit un monumentde ma sévérité , comme il fut un exemple de ma faiblesse.

Qu’on le conduise au Tower, je nommerai «les Pairspour le juger, je l’abandonne à toute la rigueur (leslois.

Page 146: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

:28 . MARIE STUART.acumen.

Ilvpénétrera jusqu’à vous, il se justifiera.

ensuivra.Comment le pourrait-il P N’est-il pas convaincu par

cette lettreE’Hélas! son crime est plus clair que le jour.

acumen.Vous êtes généreuse et clémente.... Sa vue... , sa pré-

sence vous fléchiront.ÉLISABETH.

Je ne veux point le voir; jamais, jamais. Avez-vousdonnél’ordre de l’écarter, s’il se présentait? i

j acumen.L’ordre est donné.

en: une, annonçant.Milord de Leyeester !

ÉLISABETII.

L’infàme l Je ne veux point le voir, dites-lui bien que

je ne veux point le voir.

Le pace.Je n’oserais, Madame; il ne le croirait pas.

ÉLISABETH.

, Je l’avais donc élevé si haut que mes serviteurs trem-

blcnt devant son autorité plus que devant la mienne!

acumen, au page.Dites-lui,(jue la Reine lui défend d’approcher.

(Le page son en hésitant.)

Page 147: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE vu. .29ÉLISABETH , après un moment (le silence.

Si pourtantil était possible l... S’il pouvait se justifier!

Dites-moi, ne pourrait-ce pas être un piége que me tendMarie, pour semer la discorde entre mon plus fidèleami et moi? C’est une femme profondément artifi-cieuse! Si elle n’avait écrit Cette lettre que peur jeter lesoupçon dans mon cœur, et pour perdre celui qu’ellehait peut-être?

acumen.Mais , Madame , songez....

S C E N E V I I I.

Les anémieras, LEYCESTER.

LEYCESTER force le passage et enlrc d’un air ùnposant.

Quel est l’insolent qui ose me défendre l’entrée de

l’appartement de ma Reine?

ÉLISABETII , à part.

Le téméraire!

Levcnsren.

Me renvoyer? Quand elle est visible pour un Burlrigll,elle l’est aussi pour moi.

acumen.Vous êtes bien hardi, Milord, d’oser vous présenter

ici sans permission !

9

Page 148: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

:30 MARIE STUART.marennes.

Et vous bien audacieux, Milord, de prendre ici laparole. Permission? Il n’y a personne en cette cour de la

bouche duquel le comte de. Leycester doive se laisserpermettre ou défendre. ( S’approclzaat d’Élisabeth avec

humilité). Je veux apprendre de’la bouche même de la

souveraine....ÉLISABETH , sans le regarder.

Sortez d’ici, traître.

LEYCESTER.

Dans ces dures paroles, je ne reconnais point ma gra-cieuse Élisabeth; j’entends le Lord mon ennemi. J’en

appelle à Élisabeth. Vous avez entendu Burleigh, jedemande la même faveur.

ÉLISABETH.

Parlez , infâme; aggravez votre crime en l’osant nier.

LEYCESTER.

Que d’abord cet importun s’éloigne. Sortez, Milord:

ce que j’ai à dire à la Reine n’a pas besoin de témoins.

ÉLlSAltETH , à BurIeIgÎI.

Restez, je vous l’ordonne.

Levccsren.

Que sert un tiers entre vous et moi? je n’ai decompte à rendre qu’à vous seule ; je maintiens mes droits,ils sont sacrés. J’insiste pour que le Lord s’éloigne.

ÉLlSABEI’lI.

Ce langage orgueilleux vous sied bien!

5.

à

F.

t:

il

Page 149: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE VIH. .3.LEYCESTER.

Sans doute il me sied. Ne suis-je pas le sujet fortunéà qui votre faveur a donné cette prérogative quim’élève ait-dessus de lui, au-dcssus de tous! C’est votre

cœur qui m’a confié ce rang ; et ce que m’a donné l’a-

mour, j’en atteste Dieu, je le saurai défendre au péril

de ma vie. Qu’il sorte : deux instans suffiront pour ex-pliquer tout à vos yeux.

ÉLISABETH.

Vous espérez en vain me persuader par vos artifices.

chcesren.Burleigh a pu vous éblouir par de vains mols , moi

je veux m’adresser à votre coeur. Ce n’est qu’à votre

cœur que je puis confier ce que j’ai hasardé dans ma

pleine confiance en vous. Je ne reconnais de tribunalque l’affection dont vous m’honorez.’

.5

ÉLISABETH.

C’est elle qui vous condamne. (A Burleigh.) Montrez-

lui la lettre, Milord.

neume".La voici.

LEïCES’rEn, parcourant la Icare sans changer de

contenance.

C’est la main de Marie Stuart.

ruisseau.Lisez, et devenez muet.

U

Page 150: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

132 MARIE STUAR’I’.marneuse , après l’avoir Inc , et d’un (on calme.

Les apparences sont contre moi; j’ose espérer cepen-

dant que je ne serai pas jugé sur des apparences.

exaucera.Pouvez-vous nier que vous n’ayez entretenu des intel-

ligences secrètes avec Marie, que vous n’ayez reçu son

portrait, que vous ne lui ayez fait espérer sa liberté?

LEYCESTBR.

Il me serait facile si ’e me sentais cou able de re’eter

’ ile témoignage de mon ennemie; mais ma conscience estpure ; j’avoue qu’elle a écrit la vérité.

ÉLISABETH.

Ainsi donc , malheureux....

acumen.Lui-même ii se condamne!

ÉLISABETB , irritée.

Loin de moi! au Tower, traître!

LEïCESTElt , fluidement.

J’ai eu tort, sans doute, devons avoir fait un se-cret de cette démarche; mais mon but était louable; jel’ai fait pour sonder votre ennemie et pour la perdre.

ensauvais.

Misérable subterfuge l

centÆten.

Quoi ! Milord, vous pensez...

Page 151: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE Vin. .33LEYC ESTER .

J’ai joué un rôle hasardeux, je le sais; et le seul Comte

de Leycester a pu hasarder une telle démarche à cettecour. L’univers sait combien je hais Marie Stuart; lerang que j’occupe, la confiance dont m’houore la Reine

doit étouffer tout soupçon sur mes fidèles intentions. Ilest permisà l’homme que votre faveur distingue aux yeux

de tous , de se frayer une route nouvelle pour accomplir

son devoir. ’ iacumen.

Pourquoi , si ce projet était louable , l’avoir dissimulé?

LEYGESTER.

Milord, vous avez coutume de discourir beaucoupavant d’agir; vous êtes vous-même le prôneur de vosactions,

c’est la votre habitude z la mienne est d’agir avant de

parler.acumen.

Vous parlez maintenant , parce que la nécessité l’exige.

LEYCESTER , le mesurant avec mépris et ironie.

Et vous , qui vous vantez d’avoir exécuté une actionmerveilleuse, d’avoir sauvé la Reine , d’avoir démasqué

la trahison... Vous savez tout i’ Rien ne peut échapperà vos yeux pénélrans? Vous le croyez, du moins , dansvotre vanité ; et malgré votre art, Marie serait aujourd’huilibre si je ne l’eusse empêché.

BURLEIGH.Vous P

Page 152: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

13.1 MARIE STUART.LEYCESTER.

Moi. La Reine s’est confiée à Mortimer; elle luia ouvert le fond de son âme; elle est allée jusqu’à lecharger d’une mission sanglante... quand son oncle s’y

était refusé. Dites, suis-je bien informé? (La Reine et

Burleigh se regardent avec étonnement.)

acumen.Comment avez-vous pu parvenir....

LEYCESTBR.

Milord, où étaient vos mille regards, pour ne pas voirque ce Mortimer vous abusait 3 qu’il était un instrument

des Guises, une créature de Marie Stuart , un fanatiquedévoué, venu tout exprès pour délivrer Marie et assas-

siner la Reine?ÉLISABETII.

Ce Mortimer P...marasme.

C’est par lui-même que Marie communiquait avecmoi. C’est ainsi que j’ai appris à le connaître. Aujour-

d’hui même elle devait être arrachée de son cachot; iln’y a qu’un moment que sa propre bouche me l’a décou-

vert; je l’ai fait arrêter, et, dans le désespoir de voiréchouer ses complots, il s’est donné la mort.

ensiment.J’ai été indignement abusée!

’ nommer].Et tout cela est arrivé dans le moment même où je ve«

nais de vous quitter?

,35 sV-q-.r..,yx»-».A-Tf-«-«g A * -

. W «a .yu..97,y-.--47-..

Page 153: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE Vin. .35LEYCESTER.

Je regrette, à cause de moi , que Mortimer ait mis finà sa vie. Son témoignage m’eût pleinement justifié : c’est

pour ce but que je l’avais livré aux mains de la justice.Les formes du jugement le plus sévère devaient constater

mon mnocence.

BURLEIGH.

Il s’est donné la mort, dites-vous P Est-ce lui-même ,

ou vous , qui l’avez frappé?

LEYCESTER.

Infàme soupçon! Interrogez la garde à qui je l’avaisconfié. (Il appelle I’qflîcz’er, qui se présente.) Rendez

compte à Sa Majesté de la mort de Mortimcr.

L’orrxcren.

J’étais de garde dans le vestibule, lorsque Milord a ou-

vert subitement la porte en m’ordonnant d’arrêter lechevalier, comme traître à l’Etat. Sur cet ordre, nous

avons vu Mortimer entrer en fureur , tirer un poignarden vomissant d’horribles imprécations contre la Reine,

et, avant que nous ayons pu l’empêcher de se percer lesein, tomber mort à nos pieds.

LEYCESTER.

Il suffit, vous pouvez vous retirer. .(L’egfiû’cr’er sort.)

ÉLISABETII.

Quel abîme d’atrocités!

Page 154: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

a

136 MARIE STUART.LEYCESTER.

Eh bien , Madame , qui maintenant vous a sauvée Pest-ce milord de liurleighE’aot-il seulement connulc danger

qui vous menaçait? est- ee lui qui l’a écarté de votre

tête? non : votre fidèle Leycestera été votre ange libé-

ralenr.acumen.

Comte, avouez que ce Mortimcr est mort à propos?

musser".Je ne sais ce que je dois penser : je vous crois , et

ne vous crois pas; je pense que vous êtes coupable , etque vous ne l’êtes point. L’odieuse créature que celle qui

,m’a préparé tous ces malheurs! .

LEYCESTER.

Qu’elle meure. Maintenant je donne ma voix pour samort. Je vous ai conseillé de suspendre l’exécution , jus-

qu’à ce qu’un bras nouveau se. levât pour elle : il s’est

lévé; je demande qu’elle périsse sans retard.

BURLEIGH.

Vous , Milord?LEYCESTEI: .

Oui. Autant je fus révolté de ce parti extrême , autant je

vois maintenant que le salut de laReine exige ce sacrifice.Je propose que l’ordre du supplice soit expédié sur-le-

champ.acumen , à la reine.

Et je propose, moi, que l’exécution de cette sentencesoit confiée à lord Leycester , en récompense de son zèle.

«tous», l

rçfîp’fëlîtf

a"! m EN! .......-,..5......awm,,mg...«.-n.u.n3-ma...q.»

, . www-un».

Page 155: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

son; 1v. SCÈNE vin. .37remueras.

A moi"... PBURLBIGH.

A vous. Vous ne pouvez mieux réfuter tous les soupçonsqu’en présidant vous-même au trépas de celle que vousêtes accusé d’aimer.

’ ÉLISABETH, observant Leycesler.

Le conseil de Milord est bon; qu’on se tienne prêtà le suivre.

Levcesrea.

L’élévation de mon rang me devrait dispenser d’un tel

ministère , plus digue d’un Burleigh que de moi. Celuiqui est placé si près de la reine ne devrait rien accom-plir de sinistre; cependant, pour prouver mon zèle etvous satisfaire, je prends sur moi cet odieux devoir.

eussent! .Lord Burleigh le partagera avec vous. (A celtuïci.) Vous

aurez soin que l’ordre soit expédié sans délai.

( Burleigh sort , on entend du tumulte au dehors.)

SCÈNE 1x.

Les parferions , LE coma ne KENT.

ÉLISABETB.

Qu’y a-t-il , Milord; et quel tumulte s’élève?

Page 156: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

138 MARIE STUART.KENT.

Le peuple entoure ce palais , et demande avec empreSasemcnt à vous voir.

ÉLISABE’IH.

Que veut mon peuple P

KENT.

La terreur se répand dans Londres. On dit que votrevie est menacée 3 que des assassins sont dans cette ville,envoyés contre vous par le pape; que les Catholiques sesont conjurés pour enlever, de vive force, Marie Stuart,et la proclamer Reine. Le peuple le croit; et entre enfureur. La tête de Marie, en tombant aujourd’hui, peutseule le calmer.

alunera.Comment? me ferait-on violence i’

RBKT.

Ils sont résolus à ne point se retirer que vous n’ayezsigné la sentence.

SCÈNE x.

Les PRÉCÉDENS , BURLEIGII , DAVISON, un écrit à

la main.

ensauva.Qu’apportez-vous , Davison P

www. A mit-nom aras-m , . ’TIFMW-ïz."àîï’i"””3"’îjîïïKv

Anus:

Page 157: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE x. .3.)DAVISON , s’approchant avec solennité.

Vous avez ordonné, Reine....

(Élisabeth, en. moulant saisir les papiers, frissonne et faitun pas en arrière.)

BURLEIGH.

Obéissez à la voix du peuple, elle est la voix de

Dieu! p *émssaern.

0 Milords l qui me dira si ce que j’entends est en efl’et

la voix du peuple, la voix du monde? Hélas! je crainsqu’après avoir obéi aux désirs de la multitude, une autre

voix ne se fasse entendre. Je crains que ceux qui mepressent maintenant avec force d’accomplir cette action,ne me blâment ensuite sévèrement.

SCÈNE XI.

Les PRÉCÉDENS , ’I’ALBOT.

TALBOT.

Reine , ou veut vous surprendre. Soyez ferme et cons-tante contre de perfides conseils. (dpercevant Davisonavec la sentence.) Serait-il déjà trop tard P tout serait-ilachevé P Je vois une feuille funeste dans cette main,-qu’elle ne soit pas mise en ce moment sous les yeux de

ma souveraine. ’

Page 158: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

nie . MARIE STUART.ÉLtssnern.

Noble Schrevvsbury, l’on veut m’y forcer.

ramer.Et qui le pourrait P Vous êtes Reine , il s’agit

de montrer les droits de la Majesté. Ordonnez le si-lence à ces voix qui osent commander à la volonté royale,

et diriger votre jugement. La crainte, un prestigeaveugle met en mouvement le peuple , vous-même vousêtes ofi’ensée; vous n’avez pas le droit de juger en ce

moment.BURLBIGH.

Il y a long-temps que l’on a jugé; il ne s’agit plus de

porter une sentence , mais de l’exécuter.

un , qui s’était éloigné à l’arn’ve’e de T albot , rentre

et dit :L’émeute s’accroît; on ne peut plus longtemps con-

tenir le peuple.ÉLISABETB , à T albot.

Vous voyez comme ils me pressent!

TALBOT.

Je ne demande qu’un sursis. Un trait de plume peutdécider du bonheur et de la paix de votre vie. Depuis delongues années vous. avez hésité , un moment d’orage

vous entraînera-t-il i’ Recueillezavous; attendez une heure

plus tranquille.

acumen , avec ruioIence.Attendez , retardez , hésitez , jusqu’à ce’que le royaume

paganysuvçf

Ava-"u

a... naja-Ra ou.ng

www

.mwmrwrwmw’flflwwï’*"w’ "MW" i” ’

:4. rmm:m1WWMn i. a h

Page 159: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE XI. 1-4:soit en flammes; jusqu’à ce qu’cufin l’ennemi réussisse à

porter le coup fatal. Trois fois un Dieu l’a écarté de vous:

aujourd’hui il a passé près de votre tête ; espérer encore

un miracle, serait tenter Dieu.

TALBOT.i

Ce Dieu qui vous a conservé quatre fois de sa mainpuissante , qui a donné aujourd’hui au vieillard la force

de repousser un furieux , ce Dieu mérite votre confiance.Je ne veux point , à cette heure, élever la voix de lajustice; le moment n’est pas venu; vous ne pourriezl’écouter au milieu de cette tempête. N’écoutez qu’un

seul mot: vous tremblez devant Marie vivante, c’estMarie mertc qu’il faut redouter. Elle ressuscitera de satombe ,’ comme une divinité de discorde , comme unesprit vengeur. Elle parcourra votre empire et détour-nera de vous le cœur de vos sujets. Le Breton la hait ence moment, parce qu’il la redoute; il la vengera quandelle ne sera plus. Il n’apercevra plus, en celle qu’ilplaindra , l’ennemie de sa croyance, mais la petite-fillede ses rois. Vous sentirez le changement subit l Parcourezalors les rues de Londres; montrez-vous au peuple , quijusqu’alors témoignait, en cris d’allégresse, ses senti-

mens autour de vous : vous verrez une autre Angle-terre , un autre peuple. Vous ne serez plus entourée decette sainte équité qui vous rendait maîtresse des cœurs.

La peur, etl’royable compagne de la tyrannie, se traîneraen frissonnant’devant vous , et rendra désertes toutes les

rues où vous marcherez. Vous aurez porté le dernier,le plus funeste coup; et quelle tète sera en sûreté quandcelle de Marie Stuart n’aura pas été respectée?

Page 160: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

14a MARIE STUART.émsseern.

0h l Talbot , vous m’avez sauvé aujourd’hui la vie , vous

avez détourné de moi le poignard de l’assassin; pourquoi

ne l’avez-vous pas laissé arriver jusqu’à mon coeur? le

combat était terminé : exempte de doutes, pure decrime , je dormirais tranquillement dans la tombe.Croyez-moi , je suis fatiguée de la vie et du trône: s’il

faut que l’une des deux Reines périsse pour assurer lavie de l’autre (et il n’en peut être autrement , j’en suis

convaincue), pourquoi ne suisvje pas celle qui cède? Quemon peuple choisisse : je lui rends le pouvoir qu’il m’aconfié. Dieu m’est témoin que je n’ai pas vécu pour

moi, mais pour ce peuple fidèle. S’il espère de cetteMarie d’Écosse , de cette Reine jeune et séduisante, des

jours plus heureux , je descends volontiers de ce trône;je retourne dans les tranquilles solitudes de ’Woodstoclt,ou j’ai passé ma jeunesse sans ambition; où, éloignée du

faux éclat du monde, j’ai trouvé en moi-même ma gran-

deur. Non , je ne suis point faite pour être souveraine ;un maître doit être inflexible , et mon cœur est faible.J’ai long-temps régné heureusement sur cette ile , parce

que je n’avais que des heureux à faire : le premier devoir

royal arrive à remplir, et je sens mon impuissance.

BURLEIGH.

J’en atteste le Dieu du ciel : quand j’entends de labouche de ma Reine des paroles si indignes de son rang,je croirais trahir mon devoir en gardant plus longtempsle silence. Vous dites que vous aimez votre peuple plusque vous-même: prouvez-le; ne choisissez pas pour vousla paix en abandonnant le royaume aux discordes. Pensez

. au "MM"mm....r.mnw..mu"Mmmumm.m. a...» un...

Page 161: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE XI. .43à l’Église : les vieilles superstitions reviendront-elles avec

Marie Stuart? Le moine commanderaot-il ici de nou-veau? Le légat du pape viendra-Ml fermer nos templeset détrôner nos Rois? C’est à vous que je demande compte

de toutes les âmes de vos sujets : selon que vous agirez,elles seront ou sauvées ou perdues; nous n’avons pas le

temps d’accueillir une molle compassion : le salut dupeuple est la suprême loi. Si T albot vous a sauvé la vie,moi je veux sauver l’Augleterre : ce sera avoir fait da-vantage.

ÉLISABETR.

Qu’on me laisse à moi-même : je n’attends pas des hom-

mes des conseils ni des consolations. J’interrogeraile lugesuprême; ce qu’il tn’enseignera, je le ferai.--Retirez-vous ,

Milords. (A Davison.) Vous, Chevalier, ne vous tenezpas éloigné.

(Les lords s’éloignent. Talboz reste seul encore quel-

,ques "10111an devant la reine , avec un regard expressif;puis il son lentement avec le maintien de la profondedouleur.)

SCÈNE X11.

Emmener , seule.

Dur assujettissement au peuple! honteuse servitude!Que je suis lasse de flatter cette idole que je méprise aufond de mon cœur! Quand serai-je libre etyafl’ermie surce trône P Il faut respecter l’opinion: briguer les louanges

Page 162: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

n44 MARI E ST HART.de la multitude, tout faire au gré d’une populace quivous impose la nécessité de la tromper. Celuiolà n’est pas

Roi encore , qui a besoin de plaire au monde z le seulqui mérite ce nom n’a à consulter l’approbation de

personne.Pourquoi ai-je exercé la justice? Pourquoi ai-je , pen-

dant ma vie entière, écarté les actes arbitraires, pourme lier moi’même, de mes propres mains, dans cettepremière action violente et inévitable? L’exemple quej’ai oll’ert me condamne. Si j’avais régné en tyran comme

mon prédécesseur, je pourrais verser sans blâme le sang

de Marie. Est - ce donc par choix que je fus juste? Lanécessité qui enchaîne jusqu’au libre arbitre des rois, m’a

commandé cette vertu. La faveur du peuple m’assureseule un trône disputé. Toutes les puissances du con-tinent ont conjuré ma perte: le prêtre de Rome lancel’anathème sur ma tète, la France me trahit sous uneapparence fraternelle; et l’Espagne me prépare sur les

mers une guerre sanglante, exterminatrice. Me voilàseule en butte au monde entier , femme impuissante etsans défense. Il faut couvrir avec de hautes vertus l’insuf-

fisance de mes droits, et la tache dont mon père a flétrima naissance. C’est en vain que je m’efl’orce de l’etl’accr,

la haine de mes adversaires l’a dévoilée, et m’oppose cette

Marie Stuart comme un spectre éternellement menaçant.Non , cette terreur doit finir; sa tète doit tomber; je

veux la paix! Elle est la furie de mes jours; c’est un es-prit de tourmens que m’attache la destinée. Où je me suis

ménagé une espérance, est placé sur le chemin ce serpent

de l’enfer. Elle m’arrache mon amant, me ravit monépoux : chacun de mes malheurs s’appelle Mante Sruaar!

M.- ..e.... .-

., 513,313: gnan-v. ç.

Page 163: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE W. SCÈNE X". 1.25Une fois qu’elle est rayée du nombre des vivants, je suis

libre cômnte l’air sur les montagnes. (Après un moment

de silence.)Avec quel insultant mépris elle a lancé sur moi ses

regards, comme si leurs éclairs devaient m’anéantir!Impuissante! Je manie de meilleures armes; elles portentdes coups mortels, et tu vas mourir! (Elle s’approchede la table d’un pas rapide; et saisissant la plume, elleajoute :)

Je ne suis à tes yeux qu’une bâtarde! Malheureuse!

Je ne le suis que tant que tu respires. Le doute de manaissance royale est anéanti dès que tu l’es toi-même.

Dès qu’il ne restera plus de choix aux Bretons , je serainée d’une couche légitime. ( Elle signe d’un trait

ferme et rapide, laisse tomber la plume et recule avecune expression d’ horreur. Après une pause , ellesonne.)

SCÈNE X111.

ÉLISABETII, DAVISON.

- ricanera.Où sont les lords Burleigh, T albot, Leycester?

DAVISON.

Ils sont allés , ’Madame, apaiser le peuple irrilé.L’émeute a été réprimée aussitôt que le comte de

Schrewsbury s’est montré : «C’est lui, s’écriait-on de

se

Page 164: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

thi MARIE STUAR’I’.n toutes parts; c’est lui quia sauvé notre Reine: écou-

n lez-le, c’est le noble Talbot, le meilleur hommen de l’Augleterre! n Talbot a commencé alors à repro-

clierau peuple, en termes pleins de douceur, ses inten-lions de violence; il a parlé avec tant de force et deconviction, que la sédition s’est calmée. La foule a quitté

paisiblement la place.

ÊLISABETH , à elle-même.

Roseau que chaque veut fait mouvoir à son gré! mal-beur à qui s’appuie sur la multitude! (A Davison.)Il sullit, Chevalier, vous pouvez vous retirer. (Au mo-ment où Davison s’avance mers la porte , la Reine le rap-

pelle.) Et cet écrit? reprenez-le. Je le dépose entre vos

mains. ’ VDAYISON, agrafé, et jetant un regard sur le papier.

Quoi! Reine, votre signature P... Vous auriez déeidéi’...

émanera.

J’ai dû signer, je l’ai fait; mais une feuille de papier

ne décide rien’encore; un nom ne tue point.

DAYISOS.

Votre nous, sur cet écrit, décide et tue. C’est unéclat du tonnerre qui frappe avec des ailes. Cette feuilleordonne aux commissaires, au schérif, de se rendre sur-le-cbamp au château de Fotheringhay, vers la Reined’Ëcosse, pour lui annoncer la mort , et exécuter la sen-tence dès que le jour paraîtra. C’en est fait; Marie Stuart

a vécu, si ce papier sort. de mes mains.

Page 165: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE X111. , .47ÉLISABBTR.

Chevalier, Dieu remet dans vos faibles mains unehaute et puissante destinée: implorez-le pour qu’il vous

éclaire. Je vous quitte, et vous abandonne à votredevoir.

(Elle peut sortir.)DAVISON, se plaçant devant elle.

Ne vous éloignez pas avant de m’avoir déclaré votre

volonté. Estcil besoin ici d’une autre sagesse que d’obéir

à vos ordres? Remettez-vous cette feuille en mes mainspour que je la fasse arriver à son exécution rapide?

ÉLISABETH.

Vous agirez d’après votre prudence....

muses , l’interrompant avec efl’roi.

Que Dieu m’en préserve! obéir est toute ma prudence;

la moindre faute serait un régicide , une calamité afl’reuse

et sans bornes. Daignez me laisser instrument aveugleet passif; manifestez votre volonté dans des paroles pré-cises. Que dois-je faire de cet arrêt de mort?

eussent].Le nom qu’il porte l’indique.

ourson.Vous voulez donc qu’il soit exécuté sur-le-champ?

ÉLISABE’IH, hésitant.

Je ne le dis point; je tremble de le penser.

ourson.Vous voulez donc que je le garde encore?

10”

Page 166: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

148 MARIE STUART.ÉLISABETII.

A vos risques et périls.

oav1sozs.

Moi, juste Dieu! Parlez, Reine, que voulez-vous?

émssemu, avec impatience.

Je veux qu’on ne parle plus devant moi de cette extré-

mité malheureuse; j’en veux être allianchie, et pourl’éternité ! .

oavtsotv.

Il ne vous en coûte qu’un mot. Décidez : que doit-on

faire de cet écrit?ÉLISABETtI.

Je l’ai dit; ne’ln’importuncz plus.

i ourson.Vous ne m’avez rien dit; que Votre Majesté daigne se

rappeler encore.... - -ÉLISABETII , frappant la terre de son piedr

Insupportable persécution!

ourson.Pardonnez; il n’y a que peu de temps que j’exerce cet

emploi, j’entends mal le langage des cours. J’ai vécu dans

la simplicité des mœurs, ne me refusez pas quelquesparoles qui m’enseigneroiit mon devoir. (Il s’approche

dans une attitude suppliante; la reine lui tourne le dos.Il s’écrie alors avec l’accent du désespoir:) Reprenez, re-

prenez ce papier; il devient dans mes mains une flamme

Page 167: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE 1v. SCÈNE X111. figardente. N’exigez point mon ministèredaus ce redoutable

moment!écusson".

Faites ce que vos fonctions vous ordonnent.(Elle sort.)

SCÈNE XIV.

DAVISON, ensuite BURIÆIGII.

DâYlSON.

Elle s’éloigne! elle me laisse sans conseil, et dans l’in»

certitude devant ce terrible écrit! Que ferai-je? (A Bur-leigh qui entre.) Oh! venez à mon secours , Milord!C’est vous qui m’avez confié cette charge d’Ëtat; délivrez

m’en. Je l’ai acceptée sans en connaître la responsabilité;

laissezcmoi rentrer dans l’obscurité dont vous m’aviez arra-

ché; cette place n’est point la mienne.

caneton.Qu’avez-vous , Chevalier? recueillez vos esprits. Où est

la sentence? La reine vous a fait appeler?

’ ’ nanson.Elle me quitte dans un violent courroux : conseillez.

moi, secourez-moi; arrachez-moi des angoisses de l’enfer.Voici la sentence: elle est signée.

BURLEIGH.

Elle est signée! donnez.

mm..- a... un-

Page 168: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

150 MARIE STUART. ’’ oavrson.

Je n’ose. ’scanners.

Pourquoi?navtsort.

ËElle ne m’a pas encore expliqué sa volonté clairement.

BURLEIGB.

Elle a signé: que faut-il de plus?

orvrson’.

Dois-je, ou ne dois-je pas la faire exécuter? Dieu!quel parti prendre?

nommer: , le pressant rvivement.

Vous devez la faire exécuter à l’instant. Vous êtes

perdu , si vous apportez le moindre retard.

ourson.Je suis perdu , si j’agis avec précipitation.

Boum-2mn.

Vous êtes en démence! donnez. (Il lui arrache l’écrit,

et s’éloigne précrpitamment.)

oAvrson , sur ses pas.

Que faites-verts? demeurez. Vous me précipitez à ma

ruine.

en , n: A: . . , 1.. . - t .1 w A: .:., .1 aïs.»

Page 169: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

15:

usnunsnns et! tu sunnuns nuùsxxnnxflfl xxsnfluflvuflu sflsflflssn nnwnn

ACTE V.

SCÈNE PREMIÈRE.

Le théâtre représente ie même appartement qu’au premier acte.

( Anna Kennedy, même de deuil, les yeux en larmes etdans une grande et tranquille douleur, est occupée àsceller des paquets et des lettres. Son chagrin inter-rompt par intervalles ses occupations; et alors on laruoit prier Dieu. Paillet et Drwy , également endeuil, entrent suivis de plusieurs selviteurs portantdes pases (1’ or et d’argent , des miroirs, des tableaux,

et (T autres objets précieux. Ils en ornent le fondde Î appartement. Paillet remet à Anna un écrin etun papier, en lui indiquant que l’écrit contient Fin-ventaire (les objets apportés. A l’aspect de ces rioclzesses , la douleur (le K enned)’ se renouvelle, elletombe dans un profond abattement, tandis que lesautres s’élargnent. [Helvil entre.)

KENNEDY, MELVIL.

REflNEDY , jetant un cri de supplice en l’apercevant.

Melvil , est-ce bien vous?

Page 170: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

152 MARIE STUART.

l l MELVIL.Oui, fidèle Kennedy , nous nous revoyons!

senseur.Après une bien longue etbien douloureuse séparation l

C

MELVIL.

Funeste et malheureux moment de se revoir!

RENNEDY.

0 Dieu ! vous venez....

menu.Prendre un dernier, un éternel congé de ma Reine.

amuseur.Maintenant enfin , dans la matinée même de sa mort,

on lui accorde la présence , long-temps refusée , de sesserviteurs. Oh! Chevalier, je ne veux pas m’informerdu sort que vous avez subi, je ne veux point vousretracer les souffrances que nous avons endurées depuisqu’onvousaséparé de nous. Hélas! il en viendra l’heure!

Melvil, Melvil, devionsanous vivre pour voirl’aurore d’un

pareil jour !menu.

Ne nous attendrissons point, Anna; je veux pleureraussi long-temps que respirerai; jamais le sourirene doit plus entr’ouvrir ces lèvres; jamais je ne dé-pouillerai ces vôtemens lugubres; je porterai ce deuiléternel: mais aujourd’hui je dois m’armer de fermeté.

Remettez-moi aussi de modérer votre douleur g etquand les autres, privés de toute consolation, s’aliaun

anm- Hamme v n. "3(1" - r . 1""?

. r, mus»...

La,

j .. ,in;

i2;

à .aï

ï

È

si

r .

.-s»:vw1vvxœ-mfp tuf-w... 7.77,??? n T»

Page 171: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE V. SCÈNE I. 153donneront au désespoir, sachons précéder Marie avecune mâle contenance; soyons pour elle un dernier appuisur son chemin de mort.

KE’üh’EDY.

Melvil , vous êtes dans l’erreur si vous pensez que la

Reine ait besoin de notre assistance pour aller avecfermeté au-devant du trépas. C’est elle-même qui nous

donne l’exemple d’une noble résignation: ne craignez

rien; Marie Stuart mourra en Reine et en chrétienne.

MELVIL.

A-t-clle reçu son arrêt avec résignation 9011 dit qu’ellen’était point préparée.

RENNEIH’.

Non , elle ne l’était pas. Des terreurs bien différentes

l’occn paient ; Marie ne tremblait pas devant la mort, mais

devant son libérateur. La liberté nous fut promise:Mortimer nous donna l’assurance de nous enlever d’ici

cette nuit; et la Reine, partagée entre la crainte et l’es-pérance , en doute si elle devait confier à l’audacicux

jeune homme son honneur et sa personne royale, atten-dait encore l’aube du jour , lorsqu’on entendit untumulte i naccoutumédans ce château. Les coups redoublés

du marteau épouvantent notre oreille : nous croyons en-tendre les libérateurs, l’espoir nous sourit , l’amour tout

puissantde la vie s’éveille involontairementdansnosâmes.. .

La porte s’ouvre , le chevalier Paulet nous annonce queles charpentiers dressent l’échafaud sans nos pieds.

( Elle se détourne, saisie rie douleur. )

Page 172: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

154 .MARÏE STUAR’I’.

MELVIL.

Juste ciel! Oh! dites-moi i’ comment Marie a-t-ellesupporté ce changement terrible i!

scanner , après s’être recueillie.

On ne se détache pas peu à peu de la vie; il faut quel’échange du terrestre à l’éternité se fasse tout-à-coup et

dans un seul. moment. Dieu accorda à ma chère lady derepousser d’une âme résolue l’espérance de la terre, et

d’embrasser le ciel avec une foi sainte. Aucun signe d’une

pâle frayeur, aucun mot de plainte n’ont déshonoré m’a

Reine. Seulement , lorsqu’elle a appris la trahison infâme

de lord de Leycester, et le sort du digne jeune hommequi s’est sacrifié pour elle, lorsqu’elle a vu la profonde

douleur du vieux chevalier qu’elle privait de sa dernièreespérance, ses larmes ont coulé; mais arrachées par le

chagrin d’autrui, non par sa propre douleur.

llELVIL.

Où est-elle dans ce moment? pouvez-vous me conduirevers elle?

senseur.Elle a passélc reSte de la nuit en prières , et à prendre

Congé par écrit de ses amis les plus chers, et à écrire

son testament de Sa prôpre main. Dans ce moment ellegoûte quelque Sommeil ; le dernier sommeil la fortifie en-

core !MELYIL.

Qui est chez elle?

"v 2153.... ’ UN.) a i 3411, :11 :-

. r

Page 173: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE V. SCÈNE Ï. 155nuancer.

A Son médecin Bourgoin , et ses femmes.

SCÈNE II.

Les raficfiorzss , MARGUERITTE KUBL.

scanner.La Reine estelle éveillée?

msnnss Rem. , essuyant ses larmes.

Elle est déjà habillée, et elle vous demande.

senseur.J’y cours. (A tilelvil, qui peut l’ accompagner.) Ne

me suivez pas jusqu’à ce que je l’aie préparée à vous

recevoir. (Elle sort.)Lrlsraess son.

Melvil! l’ancien maître d’hôtel! t

MELVIL.

Oui, c’est moi.

MISTRESS avec.

Hélas! l’hôtel n’a plus besoin de maître; vos fonc-

tions sont désormais inutiles! Vous arrivez de Londres :n’avez-vous aucunes nouvelles de mon mari?

MELVIL.

On dit qu’il sera mis en liberté, aussitôt...

Page 174: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

156 MARIE STUART.BIISTBESS KURL.

Que la Reine ne sera plus. Le lâche l l’infâmetraître! Il est le meurtrier de la Reine. C’est son témoi-gnage , dit-on , qui l’a condamné.

menin.Il est vrai.

31 [STRESS EUH L .

Que son âme soit maudite! Il a rendu un faux témoi-gnage.

menu.Mistress Kurl , réfléchissez à vos paroles.

31151111555 1111111..

J’en ferai le serment devant le tribunal; je veux leredire en sa présence, devant le monde enlier: Elle meurt

innocente.11131311..

Que Dieu le veuille!

SCÈNE 111.

Les vaticinas , BOURGOIN , ensuite KENNEDY.

nouncom , apercevant 111611117.

0h! Mclvîl!

manu. , l’embrassant.

Cher Bourgoin l

Page 175: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

’ ACTE v. SCÈNE m. 1 Utkl

nommons , à Illistress Karl.

Apportez une coupe (le vin pour notre Lady; hâtez-vous.

(Elle sort.)

. MELYIL.lia Po a oBOURGOIN.

Se sent forte. Mais son courage la trompe; elle croitn’avoir besoin d’aucun secours. Cependant , un combat

difficile l’attend, et ses ennemis ne doivent point se vau-ter que la peur ait décoloré ses joues , quand la natureseule succombait de faiblesse.

MELVIL, à Kennedy qui entre.

La Reine cousent-elle à me voir?

RENNEDY.

Elleserendraici dans un moment.-.-Vos regards étonnés

me demandent pourquoi ces obiets éclatans dans ce lieude la mort P Oh! Chevalier, nous avons senti les besoinsquand nous vivions; avec le trépas revient notre au-cienne splendeur.

SCÈNE 1V.

Les PRÊCÉDENS, deux aulnes FEMMES de filant: en habits de

.. deuil. A l’aspect de flIeril , elles fondent en larmes.

manu.Quel spectacle! et sous quels auspices nous nous re-

voyons , Gertrude , Rosamoude l ’

Page 176: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

158 MARIE STUART.GERTRUDE .

Elle nous a écartées d’auprès d’elle , elle veut, seule,

s’entretenir encore une fois avec Dieu.

(Deux autres femmes arrivent également ruâmes dedeuil ,- leurs gestes expriment la désolation. )

SCÈNE V. n

Les parierions-s , MARGUERITTE KURL. (Elle porte unecoupe d’or remplie de vin , la pose sur une table , et s’ap-puie , pâle et tremblante , auprès d’un fauteuil . )

menu. tQu’avez-vous? qui vous effraye ainsi?

susmess RURL.

Dieu! qu’ai-je vu P

MELVIL.

Revenez à vous, expliquez-vous.

msrness son!"Lorsque, cette coupe à la main , je montais l’escalier

qui mène au vestibule inférieur, la porte s’est ouverte...

et j’ai entrevu... Ah (lieu l

MELYIL.

Achetez. .

Page 177: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE v. SCÈNE v. .59MISTRESS KURL.

Les murs sont tapissés de noir, un immense échafauds’élève couvert de draperies noires, au-dessus un bloc

noir, un coussin, et une hache aiguisée. La salle est rem-plie d’hommes qui se pressent autour de l’échafaud;

les yeux-animés d’une soif ardente , ils attendent lavictime.

LES rennes.

Que Dieu fasse miséricorde à notre Reine!

MELYIL a

Elle vient: recueillez-vous.

SCENE V1.

Les raierions, MARIE STUART.

(Elle est parée d’un vêtement blanc et solennel; elleporte au cou une chaîne de petits grains , oit est attaché

un 151m: Dei; un Rosaire est suspendu à sa ceinture;elle tient un cnwgfiæ à la main. Ses cheveux sontornés d’un diadéme : un long voile noir est relevé

sursa tête. A son entrée, chacun se range en expri-mant la plus vive douleur, Illelvil tombe à ses genoua:par un mouvement involontaire. )

MARIE 511mm , promenant ses regards autour d’ elleavec une élévation calme.

Pourquoi vous plaindre? Pourquoi pleurez-vous?

-m--..--. . , .

a , -w-m»........,..,

a. me me-.. 4......

Page 178: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

160 MARIE STUART.Vous devriez vous réjouir avec moi de ce que le termede mes souffrances approche enfin. Mes chaînes tombent;mon cachot va s’ouvrir, et mon âme va s’élancer avec

allégresse sur les ailes des anges vers la liberté éternelle.C’était lorsque j’étais livrée au pouvoir de l’ennemie

altière, lorsquej’éprouvais touteslesindignités,accablée

de tout ce qui peut avilir une grande et digue Reine,qu’était le temps de me pleurer! La mort qui guérit , la

mort bienfaisante approche de moi comme un ami sé-rieux; de ses ailes noires elle couvrira les fautes de ma vie.La dernière heure ennoblit la créature la plus profondé-

ment tombée. Je sens de nouveau la couronne sur matête, et un noble orgueil est rentré dans mon cœur.( Elle s’avance de qttehjues pas.) Melvil ici? Je nevous: point vous voir ainsi, noble chevalier , levez-vous;vous êtes arrivé au triomphe de votre reine, non à sontrépas. Un bonheur comme je ne’l’aurais jamais espéré,

devient mon partage; ma gloire de l’avenir ne sera pasentièrement dans les mains (le mes ennemis , puisqu’unami , un confesseur de ma foi, sera témoin de l’heure

de ma mort.---- Dites , noble chevalier, quel sort avez-vous subi sur cette terre inhospitalière depuis qu’on vousa séparé de moi? Ma sollicitude pour vous a souvent oc-cupé mon cœur.

MELYIL.

Je n’ai soutien que de ma douleur pour vous , et del’impuissance de vous servir.

MARIE STUÀRT.

Que fait Didier, mon vieux chambellan? Sans doute ,

Page 179: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE v. SCÈNE v1. 16:ce serviteur fidèle repose depuis long-temps du sommeilde la tombe? Il était accablé d’années.

MELYIL-

Dieu ne lui a point accordé cette grâce; il respire. IlSurvivra à votre jeunesse.

M’AIME STUART.

Si du moins j’avais pu embrasserencore avant de mourir

l’un de mes parens chéris! mais je dois trouver la mort

parmi des étrangers. Je ne dois voir couler que voslarmes!.... Melvil, les dcriiieis voeux que je fais pourles miens, je les dépose en votre sein fidèle. Je éuis leRoi très-chrétien, mon beauofrère , et toute la royale fa-

mille de France. Je bénis mon oncle , le cardinal de Lor-raine, et Henri de Guise, mon noble cousin. Je bénisaussi le pontife sacré , saint vicaire de Jésus-Christ , quime bénira à son tour; et le Roi catholique , qui s’est of-

fert généreusement comme un sauveur, comme un veu-geur pour moi. Tous se trouvent nommés dans mon tes-tament: ils ne dédaigneront pas, j’en suis sûre, les voeux

de mon amour, de quelque faible valeur qu’ils soient.(Se tournant mers ses sewiteurs.)Je vous ai recommandéàmon frère royal de France , il aura soin de vous , il vousdonnera une nouvelle patrie; et si ma dernière prièrevous est sacrée , ne restez point en Angleterre , pour quele Breton ne repaisse point son cœur orgueilleux de votremalheur; pour qu’il ne voie point dans la poussière ceux

qui m’ont servie. Jurez-moi sur cette image du Dieu en»cilié , de quitter cette île funeste aussitôt que je ne seraiplus.

il

Page 180: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

b

16;; MARIE 517mm.BIELYIL, touchant le Christ.

Je vous le jure, au nom de ceux qui sont ici présens.

un": 512mm.

(Je que je possédais encore , pauvre et dépouillée; cedont il rn’est permis de disposer suivant ma voionté, je l’ai

partagé entre vous 5’ on respectera, je l’espère , mon der-

nier vœu. Ce que je porte aussi sur le chemin de la mortvous appartient 3 souffrez qu’un moment je gardel’éclat terrestre sur mon chemin vers le ciel. (A sesfem-

mes. ) A tous, mon Alix, Gertrude, Rosemonde, jedestine mes perles , mes robes; car votre jeunesse est en-core [lattée de la parure. Toi, Marguerite, tu as le droitle plus cher à ma générosité: je te laisse la plus mal,-heureuse. Je ne venge pas sur toi le crime de ton époux ,mon testament en fera foi. Pour toi, ma fidèle Anna ,que ne charme la valeur de l’or ni l’éclat des pierreries,

dont le trésor le plus précieux est mon souvenir, prendsça mouchoir; je l’ai brodé moi-même pour toi dans les

heures de mon chagrin; j’y ai tissu mes larmes brûlantes.Tu m’en couvriras les yeux quand le moment fatal arri-vera. Ce dernier service, je désire le recevoir: de nia chère’Anna.

gemmeur.

O Melvil! je ne puis suffire à mon émotion.

MARIE STUART.

Venez, tous, venez et recevez, mes derniers adieux.( Elle tend ses mains ; tous les assistait: tombent à ge-noux, et baisent. ses vétemem avec des pleurs et dessanglots. ) Adieu, Marguerite... Alix, adieu... Je vous

Page 181: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE v. SCÈNE v1. 163remercie , Bonrgoin, de vos fidèles services... . Ta boucheest brûlante, Gertrude.... J’ai été beaucoup haïe, mais

aussi beaucoup aimée l Qu’un époux généreux rende heu-

reuse ma Gertrude; ce cœur ardent demande de l’a-movur. Berthe , vous avez choisi le parti le meilleur, vousvoulez devenir la chaste épouSe du ciel: hâtezovous d’ac-

complir vos vœux , les biens de cette terre sont trom-peurs; apprenez-le de votre Reine. C’en est assez : adieu,adieu , adieu éternel l

(Elle se détourne rapidement; tous s’éloignent, à

l’exception de 11161917.) »

SCÈNE VII.

DIANE STUART, MELVIL.

MARIE STUART.

J’ai mis ordre à tout ce qui est terrestre , et j’espère

abandonner ce monde , quitte envers chacun... Il n’y aqu’une chose, Melvil, qui empêche mon âme tourmentée

de s’élever avec allégresse vers la liberté.

Confiez-le moi; soulagez votre cœur , découvrez vospeines à votre fidèle ami.

MARIE SÎUART-

Je suis aux portes de l’éternité, Melvil g je doisbientôt

paraître devant le juge suprême, et jusqu’à présentje neni’

"and... W -Wmmes.ù., -

. -.......,ç «un... .

Page 182: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

.65, MARIE STUART.suis pas réconciliée avec mon Dieu. Un prêtre de macommunion m’est refusé; la, céleste nourriture des sa-

cremens, je la dédaigne des mains des faux ministres.Je veux mourir dans la croyance de mon Église , car elleseule donne le salut.

MELVIL.

Calmez-vous : le désir ardent et pieux est commel’accomplissement aux yeux du ciel. Le pouvoir destyrans ne peut enchaîner que les mains; la dévotiondu coeur s’élève librement vers Dieu 5 la parole’est-elle

morte, la foi vivifie.manu: s’ruaa’r.

Ah l, Mclvil, le coeur ne se suilit pas. La foi a be-soin d’un gage terrestre pour aspirer à la divinité. C’est

pour ce but que Dieu devint homme, et qu’il enfermamystérieusement dans un corps matériel ses dons invi-sibles et divins. C’e.’ l’Église , la sainte, la sublime

Eglise qui nous bâtit l’échelle qui monte aux cieux ç elle

s’appelle universelle, catholique , car ce n’est que la foi

de tous qui fortifie la foi : où des milliers adorent et res-pectent, le feu s’embràse et devient flammes; l’esprits’élance avec des ailes vers les régions célestes. Heu-

reux ceux qu’une prière unanime rassemble dans lamaison du Seigneur! l’autel est orné , les cierges brillent,la cloche résonne, l’encens brûle, le pontife est revêtu

de la pure robe du sacrifice, il saisit le calice , le bénit,il annonce le miracle sublime de l’incarnation , et lepeuple plein de foi et de conviction se prosterne devantle Dieu présent! Hélas! moi seule je suis exclue de cettefaveur; la bénédiction du ciel ne descendra pas dans mon

cachot.

Page 183: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE v. sceau; vu. 165MELVIL.

Elle descendra, Reine, elle est déjà près de vous.Mettez votre confiance dans le Tout-Puissant. Le rameaudesséché peut reverdir dans la main de la foi, et celui qui

fit jaillir la source des flancs du rocher peut ériger unautel dans votre prison , peut changer cette coupe, cebreuvage terrestre, en la liqueur rafraîchissante des cieux.

(Il saisit la coupe placée sur la table. )

M’ARIB STUART.

Je vous comprends, Melvil; oui je vous comprends!Il n’y a ici ni prêtre , ni église , ni sacrement; et cepen-

dant le Sauveur a dit : Là ou deux croyans sont rassem-blés en mon nom, je serai avec eux. Qui est-ce quiconsacre le prêtre pour devenir l’organe du Seigneur?La pureté du coeur, la conduite sans tache. Soyez pourmoi un messager du Dieu qui m’apporte la paix. Jevous ferai ma dernière confession, et votre bouchem’annoncera le pardon.

MELVIL.

Reine, si votre cœur vous presse si puissamment àcette action, sachez que Dieu peut opérer un miracle.Vous dites qu’il n’y a ici ni prêtre, ni église, ni corps

du Seigneur? détrompez-vous, il y a ici un prêtre; etDieu est présent. (A ces mots, il découvre sa tâte blan-chie , et montre à la Reine une hoslr’e dans une boîted’or.) Oui, je suis prêtre! Pour écouter votre dernière

confession , pour vous annoncer la paix sur le cheminde la mort, j’ai reçu les sept ordres, et je vous présente

Page 184: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

166 MARIE STUART-cette hostie de la part du Saint-Père, qui l’a. lui-mêmeconsacrée pour vous.

MARIE STUART.

Au seuil même du trépas un bonheur céleste me doitêtre encore préparé! Tel qu’un immortel descend sur des

nuages d’or; tel que l’ange délivra un jour l’apôtre des

chaînes de son cachot, sans qu’aucun verroux, qu’aucun

glaive des gardiens le retinssent, passant au travers desportes fermées, et se présentant rayonnant d’éclat dans

la prison; ainsi dans ces lieux, le’messager du ciel mesurprend lorsque tout sauveur humain m’a trompée. Etvous , jadis mon serviteur , vous êtes maintenant le servi-teur du Très ”1ut et son organe : comme vos genouxse sont courbés devant moi, je me prosterne dans la pous-sière à vos pieds.»

i (Elle s’agenouille.)menu. , faisant le signe de la. croix sur filerie.

Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit! Marie,Reine, avez-vous scruté votre cœur? J tirez-vous de con-fesser la vérité devant le Dieu de la vérité?

Marne sreanr.Mon coeur est ouvert devant vous et devant lui.

MELYIL.

Parlez! de quel péché votre conscience vous accuse-t-elle depuis que vous vous êtes réconciliée avec votreDieu pour la dernière fois?

MARIE armer.Mon coeur était rempli d’envie et de haine; des pcna

Page 185: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE V.-SCËNE vu. .67sées de vengeance s’agitaient dans mon sein : pécheresse,

j’implor’ais de Dieu mon pardon , et je ne pouvais pardon-à

nec à mon ennemie.

Meurt.Vous repentez-vous de cette faute? et votre résolution

sérieuse est-elle de quitter ce monde sans idée de res-sentiment ?

macre srcaar.Aussi vrai que j’espère que Dieu me pardonnera.

MELVIL.

De quel autre péché vous amusez-vous encore?

MARIE sieur.J’ai forfait contre la bonté céleste, non-seulement

par la haine, mais plus fortement encore par un cou-pable amour: mon coeur, trop vain, fut attiré versl’homme perfide qui m’a trompée , abandonnée.

Menu..-

Vous repentez-vous sincèrement de cette erreur? etvotre âme s’est-elle détournée de cette fragile idole pour

se reporter vers Dieu?

MARIE STUART.

C’est le combat le plus pénible que j’aie soutenu : cedernier lieu, qui m’a’tt’achait au monde, est brisé.

MELVIL.

Quelle autre faute vous reproche votre conscience?

mame armer.Hélas! un ancien et sanguinaire délit, confessé depuis

Page 186: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

163 MARIE STUART.long-temps , se représente avec une nouvelle force de ter-

reur au moment de la dernière responsabilité, setparaît se rouler devant moi comme une masse ténébreuse ,

pour me fermer les portes du ciel. J’ai fait périr leroi mon époux , j’ai donné mon coeur et ma main auséducteur. J’ai expié ce crime par toutes les peines del’Église; cependant, au fond de mon âme, le remordsne veut pas s’endormir.

MELVIL.

N’estoil point quelque péché que vous n’ayez ni con-

fessé ni expié?MARIE STUAnT.

Vous connaissez maintenant tout ce qui pèse sur moncœur l

MELVIL.

Songez à l’approche de celui qui sait tout , pensez aux

peines dont la sainte Église menace la confession impar-faite; c’est là le péché qui donne la mort éternelle; il

outrage irrémissiblement son esprit saint.

MARIE STUARTo

Que la grâce éternelle me refuse la victoire dans mondernier combat, si, le sachant, je vous ai dissimu’é quel-

que crime.MBLYIL.

Comment? vous cachez à Dieu le crime pourlcquelles hommes vous punissent? vous ne me dites rien de lapart sanglante que vous aviez prz’ se à la trahison de Babing-

ton et de Parry? Pour cette action vous frappe la morttemporelle : pour elle , voulez-vous subir aussi la mortde l’éternité? ’

Page 187: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE v. SCÈNE vu. 169MARIE STUART, avec calme.

Je suis prêteà passer à l’éternité. Avant que l’aiguille

des heures ait accompli son tour, je serai devant le trônede mon juge: je le répète, ma confession est achevée.

MELVIL.

Pensez-y bien l le cœur est plein de détours; vous avez ,peut-être, au moyen d’un double sens, évité le mot qui

’vous rend coupable, quoique votre volonté aitpartagé le

crime; mais sachez qu’aucun détour ne trompe l’œil de

flamme qui scrute le fond de la pensée.

MARIE STUART.

J’ai invité tous les princes à me délivrer de mes indi-

gnes chaînes; mais jamais , ni par la volonté, ni par lefait, je’n’ai attaqué la vie de mon ennemie.

MELVIL.

Vos secrétaires auraient rendu un faux témoignage?

mame 51mm.

Cc que j’ai dit est la vérité; que Dieu soitjugeentre eux

et moi.angevin.

Vous monterez donc à l’échafaud convaincue de votre

innocence ?mame STUAtt’r.

Le ciel daignera me faire expier par cette mort, nonméritée , l’ancietret sanguinaire forfait qui pèse depuis si

long-temps sur mon coeur.

Page 188: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

.70, . MARIE STUART.MELYIL , lui donnant sa bénédiction.

Allez donc I’expier par votre mort; tombez sur l’autel

en victime résignée. Le sang peut seul purifier ce que lesang rendit coupable. Vous n’avez failli que par la fai-blesse de votre sexe; les faiblesses de l’humanité nesuivent point l’âme au séjour des clartés célestes z

je vous annonce en vertu du pouvoir qui m’a étéconfié de lier et de délierpabsolution de vos péchés.

Ainsi que vousjavez cru, qu’il vous arrive l (Il luiprésente 1’ hostie.) Prenez le corps qui fut sacrifié pour

vous. (Il prend la coupe qui est sur la table , la con-sacre par une prière à voix: basse , et la lui présente.filmée hésite à la recevoir, en faisant d’abord un geste de

rafla.) Prenez ce sang qui a été versé pour vous, prenez-

le; le pape vous accorde cette faveur. Au moment mêmede la mort , vous devez exercer le privilége le plus élevé

des Rois , le privilége sacerdotal (elle reçoit la coupe) ; etcomme , dans ce moment, vous vous êtes alliée mystéa

rieuscment à votre Dieu par son corps terrestre , vousvous unirez avec lui pour l’éternité, comme un belange de gloire, dans son empire des béatitudes, ou iln’y aura plus ni crimes ni pleurs. (Il pose la coupe : surun brait qu’on entend, il couvre sa (été et en: mers la

porte. filerie reste à genoux dans une tranquille dévo-tion. Illeril revient.) Il vous reste encore un péniblecombat à essuyer; vous sentezovons assez de force pourvaincre tout sentiment d’amertume et de haine P

. MARIE 51mn , se relevant.

Je ne crains nulle rechute; j’ai offert en sacrifice àDieu ma haine et mon amour.

Page 189: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE v. SCÈNE vu. .7.MELYIL.

, Hé bien! préparez-vous à recevoir les lords de Ley-

cesler et Burleigh. Les voici.I

SGENE VIII.’

’ les pnÉcËnEs’s, BURLEIGI! , LEYCESTER, PAULET.

(Lefcestçr s’arrête dans l’éloignement , sans oser lever

Iesyeux ; Burletglz, qui observe sa contenance, se placeentre lui et la Reine.)

BURLEIGH.

Je viens, lady Stuart, pour recevoir vos derniers or-dres.

un"; 51mn.Je vous rends grâce, Milord.

emmenai].

La volonté de ma souveraine est qu’on ne vous refuse

rien de juste.mais 51mm.

Mon testament indique mes derniers souhaits; je l’aidéposé entre les mains du chevalier Paillet , je demandequ’il soit exécuté fidèlement.

PAULET.

RepOsez-vous sur moi.

Page 190: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

172 MARIE STUART.’ MARIE STUART.

Je prie de laisser passer librement mes serviteurs enFrance et en Écosse, suivant qu’ils le désireront.

BURLEIGH.

On suivra vos intentions.

MARIE srusn’r.

Comme mon corps ne doit point reposer dans uneterre bénie , je demande qu’on permette à ce fidèle ser-

viteur de porter mon cœur en France au milieu des miens.Hélas l il ya toujours été!

BURLEIGH.v

Vos souhaits seront accomplis; que voulez-vous en-

com? ’MA RIE 5T (MET.

Portez mon salut de sœur à la reine d’Angleterre;dites-lui que je lui pardonne ma mort; que je lui demandeexcuse de mes emportemens d’hier. Que Dieu la conserve

et lui accorde un règne heureux l

BURLEIGH.

N’avez-vous pas enfin pris une meilleure résolution?dédaignez-vous toujours l’assistance de notre ministre?

MARIE STUART.

Je suis réconciliée avec mon Dieu. Chevalier l’aulct.

je vous ai’cansé involontairement bien des chagrins, jevous ai privé de l’appui de votre vieillesse: ah! laissez-

moi espérer que ma mémoire ne vous sera pas odieuse.

Page 191: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE V.’SCÈN1*I un. n 3 kl

PAULET, lui tendant la main.

Que Dieu soit avec vous; allez en paix.

SCÈNEIX.

Les rafioéoess, ANNA KENNEDY. (Elle et les autresjèmmesde la Reine se précipitent dans l’aMIarlement avec des si-gnes d’çfli’oi; elles sont suivies du sellerif, un laiton blanc

à la main; derrière lui on aperçoit des hommes armésau travers de la porte, qui reste ouverte.)

MARIE STUARTo

Qu’as-tu, AnIIaP-le moment est venu: voilà lesehérif pour nous conduire à la mort. Il faut nous séparer!

Adieu , adieu. (Ses femmes s’empressent autour d’elle

avec une pive douleur. -- A Illelvil.) Vous , digne Che-valier, et vous ma fidèleAnna, vous allez m’accompagner.

(A Burleiglt.) Milord, ne me refusez point ce dernierbienfait.

acumen.Je n’y suis pas autorisé.

nacre sruanr.Quoi l vous pourriez me dénier cette chétive fa-

veur! Respectez mon’scxe; qui donc me rendrait lesderniers services? Jamais ce ne put être la volonté dema sœur que son sexe fût outragé dans ma personne, quela main grossière des hommes me touchât. . ..

BURLEIGH.

Nulle femme ne peut monter avec vous les marchesde l’échafaud; leurs cris, leurs sanglots...

ê

ê

1

f

g

a!

f

Page 192: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

174 MARIE STUART.MARIE STUABT, montrant Kennedy.

Elle saura les retenir; je réponds de l’âme ferme de

mon Anna. Soyez sensible, Milord , ne me séparez pas,

en amurant , de mon amie , de ma fidèle nourrice.Sur ses bras elle m’a présentée dans la vie, qu’elle me

conduise à la mort avec sa douce main.

PAULET , à Burleiglz.

Accordez-le.

acumen.Soit.

mame 511mm.

Maintenant je n’ai plus rien à désirer dans ce monde.

(Elle saisit le crucifix et le baise.) Mon Sauveur! commetu as étendu les bras sur la croix , étends-les à présent

pour me recevoir. (Elle se tourne pour sortir : en cemoment elle aperçoit Lercester, qui, à l’instant de sondépart , a levé involontairement la léte pour la regarder.

filarie se trouble, ses genoux fléchissent, elle est prèsde tomber en faiblesse. Le comte de Leycester lasaisit et la reçoit dans ses br . Elle le regarde quelquesinstans dans un sévère silence; le comte ne peut soutenir

son regard. Elle lui dit :) Vous tenez parole, comtede Leycesterl. vous me promîtes votre bras pour me faire

sortir de ce cachot, et vous me le prêtez maintenant.(Leycester reste anéanti. Elle continue d’une voixdouce : ) Oui , Leycester, ce n’est pas la libertéseule que je voulais devoir à votre main, vous deviezencore me la rendre chère; unie à vous, heureuse parvotre autour, je comptais partager avec vous le bonheur

Page 193: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE v. SCÈNE 1x. .75d’une nouvelle vie; maintenant que je suis sur le chemin

de quitter ce monde pour devenir un pur esprit, qu’au-cun penchant terrestre n’a plus sur moi d’empire; Ley-

cester, j’oserai, sans rougir, vous avouer la faiblessedont j’ai triomphé. Vivez en paix , et si vous le pouvez ,vivez heureux! Votre destinée vous permit d’aspirer à la!

main de deux Reines; vous avez dédaigné un cœurtendre et qui vous aima, vous l’avez trahi pour captiverun cœur orgueilleux; prosternez-vous aux genoux d’É-

lisabeth. Puisse votre récompense ne pas devenir votrechâtiment! Adieu; il ne me reste plus rien sur cetteterre.

( Elle sort: le schérif la précède; Illelvil et KennedyI 1’ accompagnent , Burleiglt et Paulet la suivent. Les

autres jettent sur elle des regards désolés jusqu’à ce

qu’elle ait disparu. Alors ils s’éloignent par les Jeux

portes latérales; Leyçester reste seul.)

SCÈNE X.

t Levcesrcn.Et j’existe encore! Et ces murs ne s’écroulent pas sur

ma tête? Aucun gouille ne s’ouvrira-t-il pour engloutirle plus indigne des êtres! Quel trésor je perds! quelleperle j’ai rejetée, quel bonheur des cieux j’ai foulé aux

pieds! Elle me quitte, devenue déjà un esprit transfi-guré; et. à moi... à moi reste le désespoir des condamnés.

Qu’est devenue la résolution que j’avais prise en entrant

ici , d’étonner la voix de mon coeur, et de voir tombersa tète d’un regard immobile? Son aspect réveillcot-il

t

Ë

Page 194: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

176 MARIE STUART.ma honte étouffée? Fautvil qu’à l’heure du trépas elle

m’eulace encore des lieus puissants de l’amour? Insensé

que je suis! Non, il ne me sied pas de céder,’con1tue une

femme, à la mollesse de la compassion. Le bonheur etl’amour ne se rencontreront plus sur tua route; que cecœur soit armé d’une enveloppe d’airain , que ce front

devienne un rocher. Si tu ne veux perdre le fruit duforfait, il faut, avec audace, le voir exécuter. Pitié! de-viens omette; pétrifiez-vous, mes yeux. J’irai la voirtomber, je veux être témoin de sa mort.

(Il marche d’un pas assuré vers la porte, mais il s’arrête

à moitié chemin.)

C’est en vain! l’horreur de l’enfer me saisit g non. je

ne puis contempler cet appareil ell’rayant , je ne puis ,je ne puis la voirvmourir! ( Il écoute. ) Quel bruit fu-neste i’... Le cortège est déjà descendu; l’exécrable atten-

tat se prépare... sous mes pieds! J’entends... sa voix;fuis, fuis, fuis ce palais de la terreur et de la mort!

(Il peut sortir par une autre porte , mais, la trouvantfermée , il recule épouvanté. )

Comment! un dieu m’enchaiue-t-il sur ce sol? Faut-ilque j’euteude ce que mes yeux frémiraient de voir?Qu’entends-je P la voix du ministrel... il l’exhorte... elle

l’interrompt. ( Il écoute. ) Elle fait sa prière à Dieu ,d’une voix assurée; tout est tranquille , nuwt. Je ne dis-

tingue que les sanglots et les pleurs de Ses femmes; ou ladépouille de ses vêtements... le billot fatal est placé...elle s’ageuouille sur le coussin... sa tète s’incline....

( Après avoir dit ces paroles avec une terreur croissante ,il reste immobile pendant quelques instans. Tout-t’i-

tnuwwnnumzrœ r’

Page 195: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

magnum... mgwnvlne «vau-mana

ACTE v. SCÈNE XI. :77eoup’il éprouve un mouvement convulsif et tombe e’va-

noui. On entend un bruit sourd et (les ruoit): lugubresqu: se prolongent longtemps.)

i T"S C E N E En I.

Le théâtre représente llappartemcnt d’Élisahcth.

ÉLISABETH seule.

(Elle entre par une porte latérale,- sa démarche et sesgestes expriment 1’ agt’tattbn.)

Personne encore! aucun message! Le soir ne veut-ildonc point s’approcher? le soleil s’arrête-kil dans sa.

course céleste? resterai-je encore long-temps dans cettetorture de l’attente? Le coup est-il porté P Cette alternative

me fait frissonner! Ni Leycester ni Burleigh, que j’avaischargés de l’exécution , ne se montrent. S’ils ont quitté

Londres, c’en est fait : la flèche est décochée; ellevole, elle frappe, elle a frappé. Dût-il m’en coûter mon

empire, je ne pourrais la retenir. .- Qui vient?

SCÈNE XII.

ÉLISABETII, us PAGE.

ÉLISABETH.

Vous revenez seul; où sont les lords?

.LE PAGE.

Milord de Leycester et le grand-trésorier....

[0

Page 196: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

r8 M A Il l F. ST UA ET.l

ÉLISABETII , dans la plus ’vivo attente.

Où sont-ils?LE esca.

Ils ne sont pas à Londres.ÉLISABETH.

Ils n’y sont pas, dites-vous, où sontGilsi’

LE PAGE.

t Personne ne me l’a su dire. On m’a seulement apprisqu’avant l’aurore, ces (Jeux lords avaient quitté la ville

mystérieusement et à la hâte.

eussent" , impétueusement.

Je suis reine d’Angleterre! (Elle marche avec unervive émotion.) Allez.... appelez.... non, restez.... --- Ellen’est donc plus! Je trouve enfin de l’espace sur cette

terre! --- Pourquoi trembler? pourquoi cette angoisse mesaisitvellc? La tombe couvre ma crainte; et qui oseradire que c’est moi qui ai fait cette œuvre sanglanteP-a Jetrouverai des larmes pour pleurer celle qui est tombée i...(du Page.) Vous êtes encore ici; faites paraître monsecrétaire Davison; envoyez chercher le comte de Schrew-sbnry.... Mais le voici lui-Inertie.

(Le Page sort.)

S C EN E X I I I.

ÉLISABETII, LE coma ne SCHREWSBURY.

eussent".Soyez le bien venu, noble lord. Que m’apprendrez-

Page 197: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE V. SCEÊNE XIII. ’79vous? Ce ne peut être une alliaire: de peu d’înlllol’lancc

qui vous amène à une heure si tardive.

86 un ËlYSBU llY .

Reine , mon cœur plein de sollicitude, agité pourvotre gloire, m’a conduit aniourd’hui au Toxver, oùKurl et Nau , secrétaires de Élisa rie , sont retenus prison-

niers; je voulais éprouver lute fois encore la vérité(le leur témoignage. Le gouverneur de la Tour, cons-terné, embarrassé, refuse de me montrer ses captifs ;ce n’est que par des menaces que je me suis procurél’entrée de leur cachot. Dieu! quelle imagu! Lescheveux épars, les regarde; égarés, comme un êtreagité des furies , l’licossais Karl était, étendu sur sa con-

clte. A prine le maniement; na’act-il reconnu, qu’il se

précipite à mes pieds , potassant des cris, embrassantmes genoux. Courhé, comme un ver, devant: ami parle désespoir, il me regarde, et me conjure de luiannon-cor le sort de sa Reine; le bruit qu’elle avait été con-damnée à la mort avait pénétré dans les cavernes (in

Tower. l peinelui avais-je confirmé cette vérité, ajoutantque c’était par son témoignage qu’elle mourait, qu’il

s’élance avec fureur sur son complice, le terrasse, ets’efforce de l’étoull’er avec la force gigantesque de la

rage. Quand nous ,cûmcs arraché le lllfllllCllTCllX desmains de sa fureur , il tourne contre luiomême sa dé-mence, ensanglantant sa poitrine (le coups furieux, sedéminant, avec son compagnon, à tous les esprits del’enfer. Il s’accuse d’avoir étéparjurc; il avoue que les

lettres de Marie à Babington, dont il a confirmél’authenticité par serment, étaient fausses; qu’il avait

écrit d’autres phrases que celles que la Reine lui tirait.

Page 198: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

180 MARIE STUART.dictées. Il déclare que c’est le perfide Nau qui l’a séduit.

insulte , il court vers la croisée, l’ouvre avec véhémence ,

crie dans les rues, pour faire assembler le peuple , quelui , le secrétaire de Marie , l’a criminellement etfaussement accusée; qu’il est maudit; qu’il est fauxtémoin.

ÉLISABETH.

Vous avouez vous-même qu’il était en démence; les pa-

roles d’un insensé que prouvent-elles?

SCHREW’SBURY.

Sa démence elle-même prouve beaucoup. 0 Reine,laissez conjurer votre inimitié, ne vous hâtez point....ordonnez que l’on fasse de nouvelles recherches.

tustnnrn.Comte, je le ferai parce que vous le souhaitez. Non

que je croie que les Pairs ayentjugé trop précipitammentdans cette allaire; maisafin de vous tranquilliser, les infor-mations seront renouvelées. Il est heureux qu’il en soitencore temps! l’ombre même d’un doute ne doit pass’attacher à l’honneur royal.

SCÈNE XIV.

Les PRÉCÉDESS, DAVISON.

ÉLISABETH.

La sentence, Chevalier, que j’ai déposée dans vosmains, où est-elle?

ourson.La sentence? [I ’

flamme... A, .

Page 199: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE v. SCÈNE XIV. .8.tussores".

Que je vous ai confiée hier.

DÀYISON.

Confiée , à moi?

ÉLISABETII.

Le peuple me pressait de signer, il a fallu faire savolonté, je l’ai faite; je l’ai faite par force... et c’est dans

vos mains que j’ai déposé l’écrit. Je voulais gagner du

temps; vous savez ce que je vous dit? ch bien! donnez.

scannwsnunv.

Donnez, digue Chevalier; les choses ont changé; ilfaut que les recherches soient recommencées.

ÉLISABETII.

Ne réfléchissez pas plus long-temps, oit est l’écrit?

ourson , désespéré.

Je suis perdu!

ÉLISABETH.

Je ne veux pas croire, Chevalier....

ourson.

Je suis perdu! je ne l’ai plus.

susurra.Comment ! Que voulez-vous dire?

scnnnwseunv.

Dieu du ciel!ourson.

. Il est entre les mains de Burlcigh depuis hier.

Page 200: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

182 MARIE STUART.ËLISABETII.

illalheurcuxl C’est ainsi que vous m’obéisse’z. Ne vous

ai-je pas sévèrement ordonné de le conserver?

ourson.Vous ne me l’avez point ordonné, Reine?

ÉLISABETII.

Misérable! vous osez m’accuser de mensonge? Quandvous ai-je commandé de livrer cet écrit à Burleigll?

DAVISON.

Non dans (les paroles précises et claires, mais....

ÉLISABETII.

Vous vous hasardez à interpréter mes paroles, leur subs-

tituer une version sanglante P Malheur à vous si quelquecalamité résulte de cette action arbitraire. Vous l’expieo

rez de votre vie. «- Vous voyez, comte de Sclirewsbury,connue on abuse de mon nom!

saunmvsuuar.

Je le vois, ô mon Dieu!ÉLISABETII.

Que dîtes-vous?....

SCIIRFÀVSBURY.

Si le chevalier a dépassé Iélnérairement ses pou-mirs et agi sans votre participation, il faut qu’il soit citédevant le lribunal des Pairs pour avoir voué votre nomà l’horreur de tous les siècles.

Page 201: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

ACTE V. t8’5SCENE KV ET DERNIÈRE.

Les varierions, BURLElGII, puis KENT.

BURLEIGH , fléchissant un genou devant la reine.

. Vive long-temps ma souveraine! et puissent tous lesennemis de cette ile finir comme Marie Stuart! ’

( Sclzrcwsbur)’ cache sa tâte, Devise): se lord lesmains de désespoir. )

a ÉLISABETU.Parlez , Milord, avez-vous reçu de moi l’arrêt de mort?

BUttLEIGII.

Non , Reine, je l’ai reçu de Davison.

ËLISABETII.

Davison vous l’a-t-il remis en mon nom?

nuuLElou.Non, Madame.

t ÉLISABETII.Et vous l’avez exécuté si subitement sans connaître me:

volonté! Le jugement était juste : le monde ne peut nousblâmes; mais ce n’était pas à vous d’enchaîner la clé-

mence de notre coeur. Soyez à jamais banni de ma pré-senee. ( A Davison.) Un tribunal plus sévère vous at-tend, vous quî avez criminellement transgressé vos pou-voirs , et violé un gage sacré qui vous fut confié. --- Qu’on

l’emmène au Towor, je veux qu’on le juge pour la vie

ou la mort. Noble Talbot , vous seul je vous aitrouvé juste parmi mes conseillers; vous serez désormais

mon guide, mon alni....scnaEWSBUuY.

N’exilez point vos plus fidèles amis, Madame; ne plon-

Page 202: Notes du mont Royal ←  · Notes du mont Royal ... chisme , quelques pièces de petite monnaie , qu’ils résolurent de réunir et de consacrer aux plaisirs de tonte une soirée

184 MARIE STUART.gez pas dans les cachots ceux qui vous. ônt servie,et qui veulent se taire maintenant. Pour moi, per-mettez quc je remette en vos mains les sceaux de l’Étatque vous m’aviez confiés pendant douze années.

eusses": , stuprise.Non , Sobrewsbury , vous ne me quitterez pas dans ce

moment.scquWssunv.

Je suis trop vieux; cette main intègre est trop inhabilepour sceller vos actions nouvelles.

assuma.L’ltom me qui m’a sauvé la vie voudrait m’abandonnch

oSCIIREW’SBURY.

J’ai l’ait peu; jeln’ai pu sauver votre gloire. Vivez,

régnez heureuse, votre adversaire n’est plus; vousn’avez plus rien à craindre, plus rien à respecter.

( Il sort. )

ÉLISABBTII, au comte de Kent qui survient.

Que l’on fasse appeler le comte de Leycester.

L sans.Milord vous fait ses excuses. Il est à bord d’un navire

qui fait voile pour la France.( Élisabeth qui se fait rviolence , demeure dans un re-

cueillement calme, les Ièvçæffie’mùsmztes. )

t A Andy-.- r a,1 FIN? .