Nabulsî - Idâh al-maqsûd min al Wahdat al-wujûd

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    1/21

    Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    Clarification de la signification du concept dUnicit de ltre

    Du connaissant par Allah

    le Sheikh Abd al-Ghan an-Nbuls

    Introduction & traduction

    par

    SLIMANE REZKI

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    2/21

    1

    Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    Clarification de la signification du concept dUnicit de ltre

    Du connaissant par Allah

    le Sheikh Abd al-Ghan an-Nbuls

    Introduction & traduction

    par

    SLIMANE REZKI

    Janvier 2012, Tabernacle des Lumires

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    3/21

    2

    Clarification de la signification du concept dUnicit de ltre

    Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    Du connaissant par Allah

    le Sheikh Abd al-Ghan an-Nbuls

    Prface

    Le Sheikh Abd al-Ghan ibn Ismil Ibn Ahmad al-Kinn al-Maqdis an-Nbuls ad-Dimachq auteur de ce trait est n lors de la nuit du mardi au mercredi 14 et 15 de Dhu al-Hijj de lanne 1050 de lHgire Damas. Issu dune famille aise de savants, il recevra uneducation religieuse de qualit et sera vers trs jeune dans les diverses sciences coraniques. Ilvoyagea travers toutes les contres de la terre dIslam ; Iraq, Palestine, Liban, Egypte, leHedjaz, lempire byzantin Il enseigna plusieurs annes la grande mosque des Omeyadesde Damas et composa de nombreux livres dveloppant diffrents genres de sciences, tantexotriques qusotriques. Il fit partie de ce courant des gens qui furent forms aux sciencesexotriques avant de dcouvrir la voie initiatique (at-taawwuf). Il mourut en 1143 delHgire lge de 93 ans et au terme dune vie longue et riche. Il est galement lun des

    principaux hritiers de lenseignement akbarien. La majeure partie de ses uvres sont

    empreinte de linfluence du Sheikh al-Akbar. Il est dailleurs inhum seulement quelquescentaines de mtres de son matre Ibn Arab Damas.

    Introduction

    Sujet on ne peut plus central que celui de la Wahdat al-Wujd, lapproche donne icipar le Sheikh an-Nbuls permet den avoir une ide plus claire malgr la brivet du trait. Adiverses reprises cette doctrine sera dveloppe par les matres de lsotrisme islamique. Sile concept est au cur mme de la doctrine islamique et se retrouve sous dautresformulations dans les textes de bases et de rfrences, il ne sera, selon cette terminologieprcise, abord que par les successeurs du Sheikh al-Akbar Muhy dn Ibn al- Arab. Si dansluvre de ce dernier cette expression ne semble pas figurer telle quel, nous en retrouvonsdautres trs proches comme Allahu Whid f-l-Wujd (Allah est Unique dans lExistenceou Allah est ltre Unique) ou M f al-wujd illa Allah (Il ny a dans lExistence nul autrequAllah)1.

    La premire difficult se trouve dans la traduction de cette expression qui, en fonctiondu contexte, doit dtre traduite diffremment. Du point de vue doctrinal, elle se rfre au

    1 Cf. Rponse la question 118 du questionnaire de Tirmidh. Rponse donne dans le chapitre 73 des FuthtMekkiyah.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    4/21

    3

    degr suprme de la Ralit donc son degr le plus hautement mtaphysique. Dans ce caselle correspond la notion de non-dualit hindoue comme reprise et enseigne dansluvre de Ren Gunon. Selon ce matre, elle reprsente, dans dautres cas, la notiond tre total lorsquelle englobe ltre et le Non-tre dans son infinit identique laPossibilit universelle. Quand la notion de Wujdest envisage en corrlation avec celle de

    Adam, elle peut selon la circonstance et le contexte signifier lExistence universellesynonyme de l tre2 total si le terme Adam correspond au Nant, elle peut aussi signifierlExistence manifeste et ainsi correspondre au principe ontologique de ltre si le termeAdam correspond au Non-manifest. Ce concept appel voquer la nature divine peutencore tre traduit par Unicit de ltre. Ainsi, il est impossible dappliquer une seuletraduction ce terme tout au long du trait.

    Le terme Wahdatest de la mme racine que celle de Tawhdqui, selon le contexte et lacirconstance, peut aussi tre traduit de plusieurs faons. Ce dernier terme est ce qui dsigne le

    but et le principe ultimes de lislam et, en ralit, de toute tradition orthodoxe sachant que lebut comme la Vrit sont uniques et ne diffrent que dans leurs formes dexpression.

    Ce dogme, prsent tous les degrs de la doctrine, tant exotrique qusotrique, est lecur de lorthodoxie islamique. Refuser ce concept revient renier ce que lislam a de plus

    profond. Si des erreurs de comprhension ou des rejets se firent jour de divers cots, cestessentiellement parce que sa signification profonde fut mal comprise.

    Les diffrents genres derreurs se divisent en deux catgories majeures, la premire,dordre exotrique et universitaire, se rsume ne plus concevoir la vraie Unicit du Principequi est identique la notion mtaphysique dInfini. Du point de vue religieux cela conduisitcertains professer une sparation totale entre Dieu et Sa cration. Le second point de vue decette premire catgorie derreur correspond lapproche philosophique et physique commeenseigne dans les universits3. Le second genre derreur se trouve dans les milieux soufisdvis et consiste assimiler la manifestation Allah en rduisant ainsi la Ralit divine limmanence, ce qui devient du panthisme.

    Le point de vue universitaire considre que tout ce dont nous ne pouvons saisir la fin estinfini. Ainsi, la suite des nombres ou une ligne droite quil est toujours possible de prolongerseront qualifies dinfinies. Selon ce point de vue, si lon trace deux lignes droites nous noustrouvons en prsence de deux infinis. En termes thologiques, Dieu est infini. Si nous voulonstablir la correspondance de ces deux postulats, gomtrique et thologique, on arrive laconclusion quil y a plusieurs Dieux puisquil y a plusieurs infinis.A contrario, si on ne peutse rsoudre conclure une pluralit de Dieux, en maintenant conjointement une pluralitdinfinis se limitant les uns les autres, alors cest quil ny a pas de Dieu du tout.

    La confusion dune telle nonciation se rsout si lon se reporte lenseignement deRen Gunon en ce qui concerne la distinction de linfini et de lindfini. Afin de resituerchacune de ces deux notions sa place, il dit : LInfini est, suivant la significationtymologique du terme qui le dsigne, ce qui na pas de limites ; et, pour garder ce terme

    son sens propre, il faut en rserver rigoureusement lemploi la dsignation de ce qui na

    2 Ren Gunon met toujours une majuscule au terme Etre lorsquil entend parler du principe de lamanifestation, le Non-Etre est toujours selon ce matre la manire de parler du non-manifest ou du nant selonles circonstances. Le principe des deux est toujours le terme tre avec une minuscule.3

    Bien quenseigne aujourdhui dans les universits occidentales et orientales, cette approche errone est , labase, une conception occidentale qui ne se rpandit en Orient que dernirement et notamment depuis lpoque dela colonisation.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    5/21

    4

    absolument aucune limite 4, puis il ajoute que l indfini, procdant du fini dont il nest quune

    extension ou un dveloppement, et tant, par suite toujours rductible au fini, na aucune communemesure avec le vritable Infini

    5. Toujours dans le mme chapitre, il prcise les choses en crivant :LInfini, au contraire,pour tre vraiment tel, ne peut admettre aucune restriction, ce qui

    suppose quil est absolument inconditionn et indtermin, car toute dtermination, quelle

    quelle soit, est forcment une limitation, par l mme quelle laisse quelque chose en dehorsdelle, savoir toutes les autres dterminations galement possibles puis, si lon envisagele Tout, au sens universel et absolu, il est vident quil ne peut tre limit en aucune faon,car il ne pourrait ltre que par quelque chose qui lui serait extrieur, et, sil y avait quelquechose qui lui ft extrieur, ce ne serait pas le Tout , et enfin : il ne peut rien y avoir qui

    soit en dehors de lInfini, puisque cela serait une limitation, et qualors il ne serait pluslInfini. La conception dune pluralit dinfinis est une absurdit, puisquils selimiteraient rciproquement, de sorte que, en ralit, aucun deux ne serait infini 6.

    Nous voyons, la suite de ces prcisions, limpasse laquelle mne ce genre deconfusion. En ce qui concerne la srie des nombres, Gunon, dmontrera labsurdit decette allgation en disant que le nombre de divisions pouvant tre envisag entre deuxnombres entiers pourra toujours tre aussi grand que la srie des nombres entiers eux-mmes et quainsi on aurait entre 1 et 2 linfini7 si celui-ci tait de nature quantitative.

    Le point de vue religieux erron professant une sparation entre Dieu et Sacration implique ncessairement une dualit irrductible, ce qui va lencontre totale dela doctrine du Tawhd (lUnicit du Principe). Cette confusion tend assimiler lafonction seigneuriale de Dieu avec Dieu Lui-mme. La fonction de Seigneur se dit enarabe ar-Rabbet ne reprsente que lun des 99 noms ou attributs fondamentaux dAllah.Cette confusion rduit Allah lun de Ses nombreux attributs. Il faut avouer que cestlimiter lEssence divine trs troitement que de lassimiler lun de Ses attributs. Allahest Tout et ne peut tre particularis ou dtermin daucune faon. Si Allah est bien leSeigneur de la cration, Il nest pas que cela sous peine dtre dfini et donc limit. Or,comme nous venons de le voir, la limitation et lInfini constituent, pour ce qui serapporte la nature divine, un antagonisme insoluble8.

    Le second genre derreur, plus spcifique aux milieux prtention sotrique etinitiatique, peut se formuler par le concept de lunion (ittihd) ou du panthisme (hull).Rduisant Allah lun ou plusieurs aspects de Sa manifestation, leur doctrine est,comme le rappelle Gunon, dordre philosophique et en professant, consciemment ounon, l immanentisme , le naturalisme ou le panthisme , ils sopposent lamtaphysique vraie. Le problme dune telle doctrine conduisant lunification de deux

    natures spcifiques, divine et humaine par exemple, pose une dualit de principe

    9

    . Il fautnoter, parmi les multiples consquences de cette dviation 10, loctroi de pouvoir opratif une autre ralit que celle du Principe divin.

    4Les tats multiples de ltre, p. 13.

    5VoirIbid. p. 14

    6VoirIbid., p. 15 17.

    7Entre 1 et 2 par exemple il y a , 1/3, , 1/5.

    8La dtermination est une possibilit de lInfini mais ne peut tre mise en corrlation avec lui.

    9Voir ce sujet lexcellente introduction de Michel Vlsan sa traduction du :Livre de lextinction dans la

    contemplation, dIbn Arab.10

    Nous ne disons pas que le soufisme est une dviation, au contraire, cest la dimension la plus leve de lislam,celle correspondant lIhsn. Nous disons simplement quau sein du soufisme il existe plusieurs genres dedviations comme celui de professer lunion de deux natures diffrentes ou lincarnation de Dieu.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    6/21

    5

    En somme, on peut dire que ces deux genres derreurs opposs peuvent trerapports au transcendentisme comme dviance de lexotrisme et limmanentisme si on la rapporte la dviance de lsotrisme. Ce dernier genrecorrespond la solution errone que lsotrisme a oppose lerreur formule parlexotrisme lorsquil professe une sparation entre Dieu et Sa cration. En voulant

    rsoudre cette dualit incompatible avec le Tawhd, certains ont considr lunion dedeux natures (Crateur, cration ; Seigneur, serviteur) en rduisant la nature divine celle de ltre humain et de la cration. En soi, cette erreur nest pas diffrente duconcept philosophique de l humanisme qui nenvisage rien de suprieur lhommeet qui, par voie de consquence, renie la Ralit divine.

    La difficult de concevoir lUnicit de ltre (Wahadat al-Wujd) peut, sous un autrerapport, tre assimile celle permettant de concilier lUnit et la multiplicit puisque leurPrincipe commun se trouve au-del de lune et de lautre11. Conu au degr de lUnit, Allahest toujours conu comme transcendant et, ce titre, sIl se distingue du reste de lamanifestation, Il nest pas le Tout universel et donc Il nest pas infini. Pour tre tel, Il doit

    comprendre et dpasser toutes les oppositions et dterminations12. Ainsi, la transcendancedevient relative lorsquelle est envisage comme corrlative de limmanence. En dautrestermes, si Allah est absolu, Il doit aussi tre relatif pour tre le Tout. Lerreur consiste lelimiter un seul de ces termes dopposition.

    Pour mieux comprendre cette approche, plusieurs dmonstrations sont possibles. Parexemple, locan peut tre distingu en cume, vague, goutte, profondeur, courant pourtant,de tous ces aspects, un point commun se dgage rapidement, ils sont tous constitus par lanature de locan; leau. Autre exemple, partir dune motte dargile le potier peut faire une

    jarre, une assiette, un plat, un verre, un ornement dcoratif, une chaise tous ces objets nesont, au fond, que des aspects ou des modifications de largile qui, lorigine, nest dfinie

    par aucune forme particulire. Un dernier exemple, laide dune plume, il est possibledcrire des lettres, des mots, des phrases, de tracer des formes diverses, pourtant toutes cesformes ne sont rien dautre que de lencre. Il ny a en vrit quune seule Ralit et luniversnest que lensemble des aspects formels et informels dont celle -ci peut se revtir. Toujoursdans le mme sens, une personne peut assumer plusieurs fonctions et tre identifie celles-cisans que cela impose de la concevoir comme multiple. Elle peut tre mre, fille, collgue,voisine, amie, sportive, sur, joyeuse, aigrie, sans que cela naffecte sa ralit profonde.Ltre assume des fonctions et possde des attributs mais ne se rduit pas ceux-ci qui ne sontque de simples prolongements des possibilits inhrentes sa nature.

    Lorsqual-Hallj dit : an al-Haqq la faute consiste nier la ralit de la lettre car celle-

    ci possde une double identit : celle de sa nature qui est lencre et alors le propos extatiquedal-Hallj peut se traduire par : je suis lencre. Au vu de ltat sous lequel sont prononcescesparoles et la communaut de nature de la lettre et de lencre, aucun reproche ne peut trefait lauteur de ces paroles. La seconde identit de la lettre est sa forme et sa significationparticulire permettant de la distinguer des autres lettres. Dans ce cas, les propos sontinconvenant car la ralit de la lettre est ici limite sa seule identit principielle, celle de

    11Cest dailleurs pourquoi les doctrines orientales, comme le mentionne R. Gunon dans son article :

    Remarques sur la production des nombres , La Gnose, juin, juillet aot 1910, symbolise le Principe suprme

    par le Zro et non par lUnit qui en est comme une premire affirmation ou dtermination.12Le Non-tre, par exemple, est dtermin par lindtermination, dans le sens ou rien en lui nest dtermin

    donc le domaine de la dtermination lui est tranger comme celui du relatiflest par rapport labsolu.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    7/21

    6

    lencre, et lui dnie sa ralit formelle et particulire. Allah dans un clbre hadth quds13exprime Sa volont de se manifester et renier la manifestation (la lettre ou la forme) revient aller contre Sa volont. Bien que son assertion soit juste sous un angle elle devient

    blasphmatoire sous un autre. Cest comme si lon disait que la manifestation est nulle etinexistante alors quelle est lexpression de la volont divine et sous cet angle, elle est bien

    relle. Dans les Futht Mekkiyah, Ibn Arab fait al-Hallj le reproche suivant : Pourquoias-tu permis que soit dtruit ta maison , la maison est le lieu de la descente de la Prsencedivine. En dautres termes, la maison est le support formel permettant la manifestation de laPrsence informelle de Dieu. En dtruisant la maison (la lettre, la forme), la nature de laPrsence nest pas affecte mais elle ne se manifeste plus. Le rle de la lettre dans la traditionest celle de la maison appele manifester Dieu.

    La connaissance vraie consiste dire que la Ralit dans son tat principiel est uneralit et que cette mme ralit sous son aspect formel et manifest est galement une ralit.Si sous un angle il peut tre lgitime de les identifier, il est aussi possible de les distinguer. Nereconnatre le principe que dans son tat dindistinction correspond une ralisation partielle.

    Le but est de le reconnatre en tout tat et en sachant distinguer les diffrents planshirarchiques du principe sous peine de renier totalement la doctrine des tat multiples deltre qui consiste justement distinguer et hirarchiser les modalits diverses de lamanifestation divine. Le plan de la ralit principielle est intrieur alors que celui de la ralitmanifeste est extrieur. La bonne convenance technique respectant la correspondance denature des tats multiples implique donc que si ltat didentit suprme est ralis il doit trereconnu et assum intrieurement alors quun tat autre non-suprme celui-ci, peut treformul extrieurement.

    Le symbole coranique de la nature de lHomme divin est exprim dans la sourate an-Nr: Cest un Arbre bni, un olivier qui nest ni dOrient ni dOccident,comme tel, il

    nest extrieur, ni intrieur, il est situ listhme de ces modalits complmentaires dtre. Lemodle par excellence est celui du Prophte qui bien qutant ltre le plus ralis na jamaistenu de tels propos. Ce nest ni pas humilit ou pudeur quil ne professa pas de tels propos,mais par conscience de la ncessit de chacun des tats de ltre. La ralisation consiste, entreautres, mettre chaque chose sa place. Ainsi, quand le Prophte se situait dans sa dimensionhumaine ou fonctionnelle il insistait toujours sur sa qualit fondamentale de serviteur .Bien que la lettre soit entirement constitue dencre, elle est distincte de lencrier.

    Autrement dit, la double erreur consiste soit nier toute existence positive ce qui estconditionn et phmre ou alors assimiler cette mme dimension conditionne et phmrede lexistence au caractre immuable et ternel de lEtre divin qui seul en est digne. En ralit

    ces deux dimensions, conditionne et immuable, sont relles leur degr. Dans tous les cas ilsagit dune confusion de situation, de nature et de fonction.

    Pour en terminer, examinons un autre mode derreur se rapportant toujours laconception de lUnicit de ltre. Cette fois nous labordons sous langle de linitiation et dela ralisation spirituelle qui, si lon veut les envisager comme menant lIdentit suprme,doivent tre compltes, et donc ne comporter aucune discontinuit. Le modle prophtiqueconstitue le prototype de ralisation le plus complet, donc pour pouvoir envisager uneralisation totale il faut que le prototype puisse tre identifi au degr le plus lev.Habituellement envisage comme principe de toute dtermination manifeste, la ralit

    prophtique est assimile au degr de lEtre et ne dpasse pas le niveau ontologique de ltre

    13 Parole transmise par le Prophte o Allah sexprime la premire personne.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    8/21

    7

    divin. Cette approche interdit toute ralisation dpassant ce degr sous peine de se considrercomme suprieur au modle divin que reprsente le Prophte (ou le Verbe divin de maniregnrale et manifest par tous les rvlateurs). Si lon considre le non-manifest et lemanifest (lam al-ghayb wa chahada) comme une premire dtermination, le prototypedivin englobera ces deux ralits et en reprsentera le principe. La conception de lIdentit

    suprme impose de faire remonter la ralit du prototype divin ce degr et denvisager unesolution de continuit entre tous les degrs de ltre (divin). Si une rupture quelconque ou unelimitation de sa ralit devait subsister, la possibilit de ralisation totale ou de Dlivrance,comme lexprime R. Gunon, serait un contresens. Dailleurs toutes les notions de bonheur,de paix et de libert concident avec la ralisation du degr suprme, dfaut, ces notions nepeuvent tre que partielles et passagres14. Linnocence15 a pour inverse la culpabilit quisignifie tre coup en plusieurs parties. La paix a pour inverse la guerre qui implique la

    prsence de plusieurs termes doppositions, donc dune pluralit et enfin, la libert, quiconsiste en labsence de contrainte, implique labsence de toute opposition donc demultiplicit, tant entendu que l autre est toujours une limite et donc une privation ou unecontrainte.

    Lorsquun rvlateur est divinement suscit, il lest titre de modle et dexemple.Cela conduit une remarque qui est celle-ci, si Allah suscite un modle cest essentiellementpour nous dire voil ce quoi vous pouvez aspirer et ce que vous pouvez raliser. Si ce ntait

    pas le cas, cela signifierait, voil quelque chose dextraordinaire mais ny aspirez pas, laccs cet tat sublime est impossible pour vous. Dans ce dernier cas, on ne pourrait comprendre enquoi consistent la logique et la misricorde divines. La possibilit de ralisation la plus haute,manifeste par le Prophte, implique donc de comprendre quelle est la Ralit la plusprofonde de celui-ci16 et donc titre de modle, quoi nous convie t-il et que pouvons-nousraliser ? Ds que nous limitons la ralit du Prophte nous nous limitons nous-mmes car ilserait impensable desprer raliser ce quil naurait pas ralis lui-mme.

    Il faut dire par ailleurs que la Ralit muhammadienne est, bien entendu, identique laRalit profonde de tous les rvlateurs, sinon un autre problme se poserait, le reste delhumanit naurait jamais pu avoir accs la station de ralisation que lislam assimile, selonsa terminologie propre, la Ralit muhammadienne. Penser cela impliquerait un manque de

    justice divine et induirait que tous les hommes nont pas eu les mmes possibilits deralisation. De plus, du point de vue mtaphysique, il y a l tout simplement uneimpossibilit ; Gunon crit en ce sens : son objet est essentiellement un, ou plusexactement sans dualit, () et cet objet, toujours par l mme quil est au del de lanature , est aussi au del du changement . Pour dmontrer le caractre permanent de toute

    vrit relevant de la mtaphysique, il dit : Il n y a absolument pas de dcouvertes possiblesen mtaphysique, car, ds lors quil sagit dun mode de connaissance qui na recours lemploi daucun moyen spcial et extrieur dinvestigation, tout ce qui est susceptible dtreconnu peut lavoir t galement par certains hommes toutes les poques . Une dernirecitation nous montrera que Gunon, en accord avec lsotrisme islamique entre autres,envisage la notion de ralisation et de libert absolues au niveau le plus lev : On voit, parce qui prcde, que la libert absolue ne peut se raliser que par la complte universalisation

    14Le caractre passager correspond une ralisation elle-mme passagre et non stabilise conceptuellement et

    intrieurement. Cela se traduit pardes tats variables et un got dinachev. 15

    Les innocents sont les bienheureux et les coupables les malheureux.16

    Et donc de la ntre galement car celui-ci ne fait quexprimer le plus parfaitement la ralit qui se trouve entous les tres. Il ne peut dailleurs en tre autrement si lon a compris que cette ralit ultime est unique et nerelve pas de la quantit, sa nature est entirement prsente et identique en toute chose.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    9/21

    8

    : elle sera auto-dtermination en tant que coextensive ltre, et indtermination au-del de ltre. Tandis quune libert relative appartient tout tre sous quelque conditionque ce soit, cette libert absolue ne peut appartenir qu ltre affranchi des conditions delexistence manifeste, individuelle ou mme supra-individuelle, et devenu absolumentun,au degr de ltre pur, ou sans dualit si sa ralisation dpasse ltre 17. Cest alors,

    mais alors seulement, quon peut parler de ltre qui est lui -mme sa propre loi18

    , parceque cet tre est pleinement identique sa raison suffisante, qui est la fois son origine

    principielle et sa destine finale. 19.

    Si l se trouve la finalit de lhomme, sy trouve galement celle du Prophte qui enreprsente le prototype le plus accompli. Ainsi, la doctrine de la Wahdat al-Wujd estconnexe de celle de Wahdat ach-Chuhd (Unicit de la contemplation). Cette dernireconsiste tre capable de voir la Ralit divine partout, en toute chose et au-del de toutechose simultanment. Cest parvenir contempler Allah au-del du voile et dans le voile. Si laconception de linitiation se trouve rduite un point de vue ontologique, elle abolit toutepossibilit de ralisation totale. Pour viter de tomber dans ce pige il faut absolument

    parvenir comprendre la Ralit prophtique qui est Muhammad Rasl Allah .

    Dans le cadre initiatique menant une possibilit de ralisation, comme nous venonsde lenvisager, lerreur consiste concevoir ltre ralis comme seulement un tre humain etdonc de rduire la Ralit divine totale laquelle il sest identifi. Pour viter tout paradoxe ilest ncessaire de saisir que cest ltre qui sidentifie au Principe et non linverse, ce nest pasDieu qui devient autre que ce quIl est, car l il y aurait alors panthisme . Si ltre ralis,lhomme par exemple, est un individu dans un tat prcis, lorsquil dpasse le domaine delindividualit pour atteindre des tats suprieurs, il est autre chose. Il ne demeure un individuque dans ltat correspondant la dimension restreinte de lindividualit, mais nen est plusun au-del de ce domaine.

    La goutte deau, par exemple, peut symboliser la possibilit dindividualisation delOcan, car elle est tout entire de la nature de celui -ci comme ltincelle lest du feu ;cependant, lorsque la goutte deau ou ltincelle sont rintgres dans lOcan ou dans le feuelles conservent leur nature aqueuse ou igne mais disparaissent en tant que conceptionindividualise de leur principe. Autrement dit, elles sont goutte et tincelle sous un rapport eteau et feu sous un autre, or, seule leur nature deau et de feu subsiste en dfinitive. La goutteet ltincelle ne sont que des modalits ou des attributions de leau et du feu et ne possdentaucune ralit en dehors et indpendamment de leur nature profonde deau ou de feu. Il en vade mme pour toute chose et donc de lhomme aussi, au moment o sa rintgration, quiconsiste en une prise de conscience de sa vraie nature, sopre ; il nest plus un individu mais

    identique sa raison suffisante ou son Principe.

    Toute ralisation, que les initiations dOrient et dOccident assimilent une nouvellenaissance, ne peut tre que le fruit dune conception pralable 20, cest ainsi que la ralisation

    17Voir LHomme et son devenir selon le Vdnta, ch. XV et XVI.

    18 Sur cette expression qui appartient plus particulirement lsotrisme islamique, et sur son quivalent

    swchchhchri dans la doctrine hindoue, voirLe Symbolisme de la Croix,ch. IX.Voir aussi ce qui a t ditailleurs sur ltat du Yogi ou dujvan-mukta (LHomme et son devenir selon le Vdnta ,ch. XXIII et XXIV).

    19Les tats multiples de lEtre, p. 104.20

    De mme que la naissance dun tre humain est obligatoirement prcde dune conception.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    10/21

    9

    totale ne peut tre envisage sans la juste comprhension de la conception doctrinale de laWahdat al-Wujd.

    Bien quidentique au niveau de lessence (encre) les ralits formelles se doiventdtre diffrencier au sein de la manifestation. A dfaut, la manifestation perd toute sa raisondtre qui la diffrencie du plan principiel ou aucune distinction nest possible. Cette absencede distinction est ce qui limite et particularise le domaine de la Transcendance et empche dele regarder comme identique au Principe suprme englobant toute chose.

    Sachant quil est impossible de raliser ce qui nest intellectuellement conu aupralable, limportance dun tel trait prend toute son importance. Connatre la nature du butou du degr de ralisation le plus lev, connatre le modle le plus accompli de cetteralisation sont deux conditions impratives tout cheminement visant la ralisation totale.Toute confusion ce sujet mne lerrance et linconvenance spirituelle. Cest ainsi queceux qui nient cette possibilit sinterdisent toute ralisation dordre mtaphysique. Pour eux,

    le Tawhd restera toujours lettre morte et se traduira par les mchoires de la mort . Pourceux qui en arrivent assimiler la lettre la nature divine elle-mme, toute adoration perd sonsens et ils finissent par renier la Loi et se prendre pour Dieu Lui-mme. Or, comme nouslenseigne le Coran, le but de notre condition humaine est ladoration, c'est--dire,labaissement et la facult dassumer notre condition de servitude et de support momentan demanifestation de lUnique Ralit immuable et ternelle. Trahir sa raison dtre de serviteur,cest ne pas comprendre la cause de notre existence terrestre et donc passer cot delessentiel.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    11/21

    10

    Clarification de la signification du concept de lUnicit deltre

    Idh al-maqsd min Wahdat al-wujd

    Louange Allah que qualifie lUnicit de ltre ou la non-dualit comme le professeles gens de la ralisation mtaphysique et de la contemplation et non comme lexposentfaussement les athes, les hrtiques ou les ngateurs et les apostats. En ralit, toute choseprise en elle-mme est pur nant et inexistante car leur propre existence ne tient qu celledAllah. Que la prire unifiante et la paix sanctifiante soit sur notre souverain Muhammad,celui dont les lumires de sa nature essentielle sont ce par quoi Allah a ouvert toute porteferme devant ceux qui se conforment aux statuts de la Loi sacre et en respectent les limites.

    Le pauvre serviteur au regard de son Matre le Tout-Puissant ; Abd al-Ghan ibnIsml ibn an-Nbuls dit : quAllah nous assiste de Sa main (force), de Sa largesse et de Sagrce pour la rdaction de cet ptre que jai rdig en vue de mettre au point la significationquentendent rellement les gens dAllah le Trs Haut, les raliss les plus illustres, demanire gnrale, concernant le concept doctrinal de lUnicit de ltre (Wahdat al-wujd), etde leur parole : il ny a rien dexistant en dehors dAllah . Nous clarifierons lorthodoxiede cette assertion et la contradiction se rapportant aux illusions des gars et des ignorants.Nous verrons galement ce qui concerne les paradoxes rendant leur thorie impossible, cetptre je lai nomm : Clarification de la signification du concept de lUnicit de ltre .Cest dAllah dont dpend linspiration salvatrice de cette clarification, Il est mon soutient etle meilleur des Garants. Allah dit la Vrit et seul Lui guide sur la Voie.

    Sache que cette question qui se rapporte lUnicit de ltre est un sujet sur lequel lessavants anciens et contemporains se sont souvent exprims. Ils furent contredits par des genslimits, inconscients et aveugls. Ce concept fut compris et accept par les connaissants et lesraliss. Ceux qui le contredirent par incomprhension du sens voulu par ceux qui laprofessent, ils ne saisirent quun sens erron. Il ny a pas lieu dattacher une importance

    particulire aux diverses contradictions quelles quelles soient et limitant la ralit. Lacontradiction, en fait, concerne un type de comprhension erron, mais ne se rapporte pas cette question. Ceux qui se sont exprims correctement ce sujet sont les savants raliss,llite des connaissants, les gens du dvoilement initiatique et de la vision intuitive. Ce sontles gens affichant le meilleur comportement et les intentions les plus pures comme le sheikh

    al-Akbar Muhy ad- dn ibn Arab ou le Sheikh Charaf ad-dn ibn al-Frid, ou al-Aff at-Tilamsn, ou le sheikh Abd al-Haqq ibn Sabn, ou le Sheikh Abd al-Karm al-Jil et leurssemblables (quAllah le Trs Haut sanctifie leur secret et dcuple leur lumire). Ce sont cesmatres qui ont profess lUnicit de ltre ainsi que le font et le feront encore leurssuccesseurs jusquau Jour de la Rsurrection si l se trouve la volont dAllah.

    Leur credo ne contredit aucunement ce que professent les gens sattachant au modleprophtique et au consensus (ahl as-sunnah wa al-jamah). Ils sont au-del de cet esprit decontradiction, ceux qui les combattent ainsi que leurs semblables possdent une intelligencelimite, peu de connaissance concernant leur terminologie technique et aucune science cesujet. La science de ces gens raliss se fonde sur le dvoilement initiatique et lintuition

    directe (al-kashf wa-l-iyn), et non sur des spculations thoriques et mentales. Lecommencement de leur voie se base sur la crainte rvrencielle (at-taqwa) et les actes

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    12/21

    11

    vertueux, alors que les gens nappartenant pas leur voie se basent sur ltude des livres et lesarguments communs exprims par les hommes en vue dun gain immdiat. La finalit de leurssciences est la contemplation du Vivant Eternel Subsistant par Lui-mme alors que la finalitdes sciences des autres personnes est dobtenir une bonne situation, des fonctions dedignitaires et de ramasser les miettes (richesse) phmres (de ce monde). Il ny a pas dautre

    moyen de ralisation que celui emprunt par les chefs des matres guidant et dirigeant surcette voie, ni dautre crdo que celui de lUnicit de ltre entendu selon son vrai sens commelimplique toute connaissance intuitive.

    Il incombe tout tre responsable de senqurir ce sujet et den comprendre vraimentet totalement la signification. Il doit la protger et rejeter tout ce qui la contredit parmi lesenseignements des savants de la thologie apologtique (ulam al-kalm), car la seuleparole juste est la Vrit et le crdo est celui de la sincrit. Il y a galement obligation deprserver ce concept des blasphmes profrs par les calomniateurs, du mpris des ignorantset de ceux qui en parlent en dpit de toute connaissance ; les gars qui garent.

    Sache que ce quexprime le concept doctrinal de lUnicit de ltre nest aucunementen contradiction avec la position des guides de lislam. Le but de ce concept est dexprimer cesur quoi saccordent les gens de llite et la communaut en gnral. Cest galement ce quiest connu comme logique au sein de la religion et dpourvu de tout rejet de principe de la partdes croyants et des incroyants. Du reste, rien de cette doctrine ne peut tre reni de la part detout tre dou dintelligence.

    Lensemble des mondes inclut et implique une diversit despce, de genre et depersonnes qui, partir du nant, furent existencies par lExistence dAllah le trs Haut. Ils nepossdent pas dexistence propre, cest ainsi que leur existence est garantie par la prservationque leur assure Allah et queux-mmes ne peuvent assurer. Selon ce point de vue, lexistencedont ils jouissent chaque instant nest autre que celle dAllah. Il ny a, en ralit, aucuneautre existence que celle dAllah.

    Tous les mondes, considrs comme entit autonome, nont aucune ralit propre ensoi et nulle raison dtre suffisante. En revanche, en les rattachant lexistence divine ilsconstituent sa manifestation. Ainsi, si nous considrons les choses selon lexistence divine,ces mondes sont existencis pour Le manifester existentiellement. Par consquent, lExistencedivine et les diverses choses existencies par Lui ne sont quune seule ralit unique,lexistence dAllah. Aucun de ces mondes ne possde une existence autonome par principe, le

    but de leur manifestation, qui nest autre que celle dAllah, ne se rapporte, en aucun cas, leurralit propre ou leur forme particulire. En fait le but de leur existence essentielle etpotentielle est contenu immuablement dans leur archtype et cela ne peut tre rattach aucune autre ralit que celle de lexistence dAllah et ce, en accord avec ce que professe ntlensemble des savants et des intellectuels. Par contre, si nous considrons ces mondes eneux-mmes et dtachs de leur principe et donc indpendamment de lExistence dAllah, ilsnont aucune existence propre par eux-mmes.

    Quant lassertion des savants exotriques et des thologiens envisageant deux modesdiffrents de lexistence; lun permanent et lautre adventice, leur description de lexistenceadventice concerne uniquement les principes immuables des essences et des formes. Cest ence sens que lcole de limm al-Achar (quAllah lui fasse misricorde) enseigne quelexistence de chaque chose constitue lessence mme de cette chose et rien de plus comme ille rappelle en certaines occasions.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    13/21

    12

    Quant lexistence par laquelle subsistent ces essences et formes existencies, il nefait aucun doute que pour lensemble des savants il ny a aucune divergence, il sagit delexistence dAllah. Les propos des raliss parmi les gens dAllah concernent lExistenceenvisage sous cette approche et non selon celle la considrant uniquement comme le principede la manifestation21. La divergence apparaissant dans la polmique ne autour de la notion de

    lUnicit de ltre (de lExistence) et sa comprhension, ne repose que sur la manire decomprendre la signification que recouvre vraiment le terme Wujd (tre, existence oumanifestation). Ceux qui lont expliqu en le rapportant lexistant lui-mme, rfutent, enfait, la notion de lUnicit de ltre (wahdat al-Wujd). En considrant que lexistenceadventice a une ralit prenne, ce terme correspondrait au principe de toute existenceadventice. Selon cette approche, rattacher ce concept lUnicit pure de ltre serait uneerreur car cette existence adventice qui est, chez eux, envisage comme un second modedexistence indpendant de lExistence dAllah le Trs haut ne peut subsister en dehors delExistence divine. Ce qui les mne rattacher finalement toute possibilit existentielle Allah le Trs haut.

    En ce qui concerne ceux qui expliquent le terme Wujdcomme principe de lexistenceeffective des ralits adventices est en pleine conformit avec le vrai sens du conceptdoctrinal de lUnicit de ltre et leur crdo est orthodoxe. Cest le sens vridiquequexpriment lensemble des avis justes car lExistence dAllah le Trs Haut est ce qui permetde qualifier dexistant tout tre existenci. Ainsi, la divergence concernant cette conceptionest due aux diffrents sens donns au terme Wujd.

    Lenseignement des raliss parmi les gens dAllah le Trs Haut au sujet de la notiondu Wujdse rapporte au degr suprme de la Ralit. Lenseignement des autres personnesrelve du plus bas des degrs. La signification que recouvre vraiment ce terme, impliquantlexistence de lensemble des choses existencies, quelles soient prennes ou adventices, est

    la plus proche de la vrit. Aucune possibilit existentielle nest spare et indpendante duprincipe ternel de lexistence. Son Existence est en mme temps Son tre et lessence de sapossibilit dexistentiation. Sa forme diffre de Son Existence ternelle. Elles reprsentent unedualit alors que lexistence dont elles reprsentent deux genres diffrents est une Existenceunique. Elle est ternelle en son principe et adventice lorsquon lenvisage dans sa diversit.Lternit est telle par elle-mme et constitue le principe essentiel de limmutab ilit. Demme que tout ce qui est adventice ne peut tre assimil au principe essentiel de limmuablecomme limmuable ne peut tre assimil ladventicit. En fait, chacun de ces deux modes sediffrencie de lautre de par son essence et sa fonction bien quils ne soient manifests que parlEtre unique dont ils tirent toute leur ralit. LEtre unique est immuable par nature etadventice en se rattachant limmuable et non par nature. LEtre unique, sous son aspect

    immuable est absolu et constitue laspect suprme de toute modalit existentielle. Sous sonaspect adventice, lexistence est conditionne et limite la seule modalit de la relativit quiest une modalit infrieure et issue de la premire caractrise par limmutabilit.

    21 Comme principe de la manifestation, le point de vue est ontologique et se limite aux seules possibilits demanifestation rellement et effectivement existencies dans lordre manifest. Lautre point de vue qui concernele but de ce trait est dordre mtaphysique et est identique la Possibilit universelle. Seule cette approchepermet denvisager un Tawhd (Unicit de ltre) incluant le manifest et le non-manifest. Ainsi, R. Gunonpour bien diffrencier la notion dUnit ne pouvant se rapporter qu la Transcendance ou lAbsolu et excluant

    toute notion dimmanence et de relativit, emploie une terminologie prcise en qualifiant le degr suprme de laseule ralit totalisante de non-dualit. Cette expression lavantage de suggrer clairement que la ralit ultime,tout en tant Une, comprend toute la multiplicit, condition imprative pour conserver son caractre totalisateur.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    14/21

    13

    On peut rapprocher cela de la vision dune toile dans le ciel, bien quelle paraisseinsignifiante aux terriens, sa dimension ne varie pas. Aussi, cette grandeur intrinsque deltoile se manifestant comme insignifiante est due lloignement du lieu de vision etnimplique aucunement que celle-ci ait change en quoi que ce soit. Le processus estidentique pour la modalit absolue de lExistence dAllah, lorsquelle se manifeste par les

    supports adventices et relatifs de manifestation, elle est perue comme conditionne alorsquaucune modification ne soit intervenue en son essence, elle demeure immuable , indemnede toute sparativit et au-del de tout changement quelconque 22 . Comment linexistant

    pourrait exister sans lexistentiation de Dieu sachant que le changement et la modificationrelvent de la nature de la relativit et de son caractre formel et limitatif23.

    Allah modifie les formes comme Il le veut et les rend effective en les faisant passer deleur tat originel de possibilits non-manifestes celui de lexistence manifeste et soumiseau changement qui est le principe dfinissant Sa manifestation Gloire Lui -. Et cela bienquelles soient qualifies comme support de Sa manifestation et limites par leur natureparticulire. Elles taient galement qualifies comme tel dans leur modalit de possibilits

    intellectuelles sans que cela induise une sparativit au sein de Son Existence ou unemodification des causes dterminant ces possibilits qualitativement. Cest comme parexemple leau pure dans laquelle nous plongerions du Zjn, celle-ci deviendrait noire sansque sa nature soit pour cela modifie ou que sa puret soit altre. Ou encore, si nousplongions dans cette mme eau du minium (zanjafirn), leau deviendrait rouge et ainsi desuite. Dans tous les cas, leau ne se dnature pas et demeure pure alors quelle prsente deuxaspects distincts ; lun de (zjn) et lautre de minium, ils ne sont pas identique afin dtreunique pourtant il sagit bien dans les deux cas deau.

    Lexistence des deux couleurs diffrentes constitue deux modalits formelles delexistence dune ralit unique (leau). Les deux aspects ne sont existants que par lexistence

    de leau et ne possdent aucune existence propre et indpendante de leau. Seul laspect a tmodifi par la prsence du (zjn) ou du minium pour devenir une ralit diffrente etparticularise. Ces modifications nimpliquent aucun moment que leau perde sa naturepropre et unique sous prtexte que son aspect est modifi et particularis. Ltat ninflue enrien sur la nature de leau qui ne change pas. On ne peut galement pas parler dunion(ittihd)de leau avec un autre lment particulier et dtermin ou du zjnavec leau. Tous

    22 Ce dveloppement peut se rapprocher des divers enseignements de R. Gunon concernant la notion de Ralit . En somme, nest rel que ce que nous considrons et percevons comme tel. Une chose peut trs bienpossder une ralit propre et diffrente de celle que lon peroit et quon lui attribue, cependant, seule laconscience que nous avons dune chose constitue le degr de ralit que nous lui attribuons. Cest galement

    pour cette raison quau cours des diffrentes phases de notre vie nous ne percevons pas les choses de la mmemanire. Pourtant ces choses nont pas changes en elles-mmes, cest la perception que nous en avons qui semodifie. A ce titre, la notion de ralisation consiste percevoir les choses par lil divin du cur qui synthtisetoutes les facettes sous lesquelles une chose unique peut tre perue. La sagesse consistant alors resituerchacune de ces facettes ou modalits dans son contexte et savoir quand il est juste de la percevoir sous tel aspectet inversement quand il est faux de lui attribuer ce qui ne correspond qu une modalit diffrente. Par exemple,un triangle vu de face trois angles et vu par en haut en a quatre. Les deux aspects sont justes luniquecondition de relier leurs points de vue respectifs.23 Toute notion de forme est limitative et par consquent soumise au changement et la corruption. La forme nepeut tre quune expression passagre dune ralit informelle et immuable. Inversement une ralit immuableest par nature illimite et ne peut donc se manifester formellement en tant que telle sinon elle seraitsimultanment illimite et limite ce qui ne serait rien dautre quun paradoxe. On peut par exemple avec unmorceau dargile informel modeler diverses formes; assiette, plat, couvert, jarre etc le point commun de

    toutes ces formes est largile et il est inconcevable didentifier la forme lessence de toutes ces formes, largilene peut se limiter tre une assiette lexclusivit de toutes les autres possibilits. Il est ainsi juste de dire quetoutes les formes sont conues partir de largile mais il est faux de limiter largile lune de ces formes.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    15/21

    14

    deux sont deux ralits distinctes ; leau est une ralit possdant sa propre cause existentiellealors que le zjn ne possde pas de cause existentielle propre. Son existence demeuredpendante de celle de leau de laquelle il tire sa particularit et sa dtermination.

    Si nous considrons lexistence comme une ralit unique compose et se manifestant

    sous la forme dune existence essentielle que symbolise leau et sous forme dattributsqualificatifs et dterminatifs que symbolise le zjn ou le minium, il est permis daffirmerquil ny a, en ralit, aucune association de principe irrductible. Cest en ce sens que leterme l unique (al-whid), peut inclure la relativit (et donc la multiplicit) et treconsidr comme compos dun sens propre selon une circonstance et dun autre figur selonune circonstance diffrente. Cette considration permettant de le percevoir selon plusieursaspects nimplique pas quil soit multiple et compos par dfinition. En loccurrence,lexistenceici se rsume celle de leau qui est la seule relle alors que le zjn et le miniumne sont que des dterminations particulires rattaches leau et semblant possder leur

    propre raison dtre conformment la thse dal-Achar (quAllah lui fasse misricorde).Dterminations qui viendraient sajouter Son essence et Sa forme. Cest galement ce que

    professait al-Fakhr ar-Rz qui traita de ce sujet dun point de vue thologique en tudiant lanotion de Wujd. Ceux qui professent, disait-il, la doctrine de la Wahdat al-Wujdenvisagentla notion de Wujdcomme le principe par lequel lexistence fut existencie et non simplementlexistence dtermine et conditionne bien que relevant de la mme nature24. Comprendsbien ce symbole car cest Allah que rfre le symbole suprme dans les cieux.

    Ce symbole indique que lexistence est celle de Dieu qui est le principe de lEssencedivine et un Etre unique. Il ne peut tre divis, ni diffrenci, ni morcel, ni dplac, nimodifi ou chang par dfinition. Il est absolu et au-del de toute modalit, de toute similarit,de toute localisation spatiale ou temporelle et de toute direction. Il ny a aucune forme de

    panthisme possible sachant quil ny a rien dautre que Lui. Ilne sunit (l yattahid) rien

    car il ny a rien en dehors de Lui25

    . En fait toute chose est existencie par Lui et cest par Sontre (wujdihi), qui est le principe de Son Essence que celle-ci deviennent stables etcontemplables. Cependant, lensemble des choses manifestes sont perceptibles commedtermines et particularises comme limageait lexemple prcdent se rapportant auzjn etau minium. Mme si ces choses conditionnes se voient attribues une existence autre quecelle du principe divin comme lont dit les savants exotriques et les thologiens. Cependant,il est indiffrent que cette existence soit le principe de leur essence ou surajoute leuressence, dans tous les cas, leur existence serait conditionne et particularise de la mmemanire. Le propos nous mneraient encore identifier le principe ou lorigine de ce modedexistence conditionne et particularise et nous aboutirions lExistence dAllah le TrsHaut sans doute ou incertitude possible.

    Tous les concepts aboutissent la doctrine de lUnicit de ltre (Wahdat al-Wujd)comme nous lavons dmontr. On peut demander aux savants exotriques et auxthologiens ; comment pouvez-vous envisager un tre (ou une existence) qui serait autrequAllah au sein des mondes ? Je vous le dis : tout repose sur ltre divin, en dehors de Lui

    24 Ici la critique du point de vue thologique consiste lui reprocher de ne pas aller au-del du point de vueontologique et de ne jamais envisager le point de vue mtaphysique. Autrement dit, lUnicit de lExistence selimite aux possibilits de manifestation et exclue celles relevant du non-manifest alors quau point de vuemtaphysique, toute possibilit, quelle quelle soit, reprsente une dtermination du Principe suprme et, cetitre, ne pourrait tre intgr dans la notion dUnicit totalisante et indui rait une dualit de principe et

    irrductible.25Il sagit ici de deux points de doctrines incompris qui ont longtemps constitus la base critique de ceux quirefusent et rejettent la doctrine de lUnicit de ltre.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    16/21

    15

    tout est conditionn et dtermin26 par dfinition car ils sont crs (formels) et lorsque nousobservons sa ralit propre il ne reste rien de rel et deffectif. Leur existence est due celledAllah et la qualit dEtre nappartient qu Allah. Tout ce qui est existenci ne lest paraucun autre que Lui, de mme que nous disons ceux qui nous disent que ce concept imposela contrainte des actes de toute personne responsable et dnie toute possibilit de choix aux

    tres conditionns27

    , quen pensez-vous ? Vous faites partie des tres responsables et nouspensons comme vous quand vous dites selon votre crdo, que ltre conditionn possde unepossibilit de choix (ou un libre arbitre), possibilit qui lui permet de dterminer ses actes etcest exactement ce que nous pensons. Allah a tout cr, la cration ainsi que ce qui estdtermin et conditionn.

    Revenons notre sujet ; lUnicit de ltre, comment ce qui est dtermin etconditionn est-il tel et plac en position de dpendance de lExistence originelle. Il ny a pasdexistences si ce nest celles rattaches lExistence divine du Trs Haut en dehors de qui ilny a que pur nant. Lexistence des choses considres comme conditionnes etparticularises peut tre, indiffremment, le principe de leurs essences propres ou une

    extension de celles-ci.Ce que disent les savants exotriques et les thologiens ce sujet revient considrer

    une seconde existence indpendante de celle dAllah le trs Haut. Ils se basent sur leurlogiquepour contredire ceux qui professent lUnicit de ltre parmi les raliss connaissants.Pourtant ils affirment lidentit du connaissant et du connu ou du producteur et de laproduction afin, de confirmer la Transcendance pure quils nhsitent pas affirmer commeils affirment lidentit du connu et du produit avec la science et la production 28 en tantquattributs et noms. Ce genre daffirmation ne porte pas atteinte leur sincrit quand ilsrenient lUnicit de ltre29.

    Le propos des raliss connaissants rattachant Allah toute les modalits dexistenceimpliquent que si ce ntait Lui aucune existence ne serait possible par dfinition, niintelligible ni tangible. Le principe commun de tous les tres existencis, si on observe bien,est galement leur source existentielle en dehors de laquelle ils ne pourraient subsister. Lecr na pas le pouvoir de se crer lui-mme, il dpend entirement de lEtre divin qui estunique et sans associ. Il ne faut pas simaginer quIl Gloire Lui sincarne enquIl a

    26 Rappelons que toute dtermination est une dfinition ou une limitation, or, le Principe suprme, Allah, est paressence illimit et infini. De mme, pour tre tel, Il est obligatoirement unique sous peine dtre nouveaulimit. Souvenons-nous que Gunon expliquait que concevoir plusieurs infinis, comme le faisait Pascal parexemple, est un paradoxe car chacun dentre eux doit ncessairement constituer une limite pour les autres afindexister. L encore nous aboutissons la mme consquence, tout ce qui est limit nest pas illimit et donc pas

    infini.27Cest une critique identique qui fut faite lexpos de Gunon concernant la mtaphysique. LUnit estconsidre comme tyrannique et ne permet aucun choix. Lerreur consiste ici nenvisager cette Unit quecomme Absolu et Transcendante alors quen fait elle est totalisatrice et identique la Toute possibilituniverselle. Il ne peut ainsi pas y avoir de contrainte si tout est possible selon son ordre. De mme, la libertrelle consistant faire ce que lon veut quand on le veut nest ralisable quau niveau de la mtaphysiquesachant que la contrainte est la consquence de la dualit et au-del de celle-ci elle devient impossible.28 Voir ce sujet la troisime section du chapitre 2 des Futht mekkiyah de Ibn Arab intitul : Sur laScience, le Savant et le Su . La section commence ainsi : La Science, le Savant et le Su sont trois choses dont lestatut est unique.29Sans sen apercevoir, cette catgorie de savants est capable daffirmer une chos e exprime selon une certaineformulation et dans un contexte prcis tout en reniant la mme chose lorsquelle est exprime diffremment etdans un autre rapport. Cest ainsi que lidentit foncire du principe suprme et de la haqiqah al-muhammadiyah

    est gnralement nie alors que le texte coranique laffirme clairement plusieurs reprises. En ralit ce cas defigure est celui quengendre lincapacit dlever son horizon intellectuel la vraie et ultime conception duTawhd.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    17/21

    16

    conditionn et particularis parmi lensemble des choses cres ou de certaines dentre ellescar le conditionn et le particularis ne sont en eux-mmes que pur nant. Selon quel procdlEtre pourrait sincarneren ce qui est nant ? De mme, il ne faut pas simaginer que quoiquece soit puisse sunir Lui 30 car les deux ralits pour rester ce quelles sont devraientdemeurer distinctes lune de lautre car leur nature originelle serait totalement diffrente31. La

    Ralit divine est la non-dualit absolue transcendant labsolu lui-mme qui en tant que tel estconditionn32. La Ralit du conditionn et du particularis est un nant sans essence propre.Ce mme mode dexistence (conditionn et particularis) selon le dveloppement quendonnent les savants exotriques et les thologiens demeure tel et sa ralit nest autre que lenant encore une fois sils voulaient bien y rflchir.

    Quel que soit langle de dpart, lorsquon examine cette question, on aboutit toujours la doctrine de la non-dualit principielle. Ltre divin est le seul et unique et lExistenceenvisage en dehors de ce point de vue ne peut que se rduire un nant pur. En fait, tout lemonde professe, volontairement ou non, lUnicit de ltre (al-wahdat al-Wujd). Nous avons

    pos prcdemment que lensemble des cratures taient conditionnes et particularises car

    cette condition est inhrente la nature mme de la cration comme le dit le trs Haut : Il acr toute chose selon une mesure (un conditionnement) prcise 33. Si la signification de ceverset concerne la production ncessitant lexistence, cest quil sagit de lexistenceconditionne et particularise. Il ny a pas de commune mesure entre lExistence dAllah etlexistence de toutes les cratures qui ne peuvent subsister par elles-mmes. Le fait quelexistence de lensemble des cratures conditionnes nest possible que par lEtre divin etque lexistence divine est ce par quoi tout est existenci comme nous le rappelions,nesoppose en rien que lexistence de toute chose seffectue par la puissance, la volont, lascience, la vie, et lensemble des attributs fonctionnels dAllah. Le terme Wahdat al-Wujd est le moyen de rsumer et rcapituler ce concept chez les initis. Linterprtationquen donnent les savants exotriques et les thologiens consiste expliquer et commenter les

    attributs et les noms divins. Selon leur point de vue, les attributs divins ne sont Son Essence niautre chose quelle. Aucun membre des gens se rattachant au modle prophtique (sunnah),ne professe une modification34possible de lEssence divine comme si Ses attributs pouvaientse distinguer de Son essence de sorte impliquer une composition, ils considrent le toutcomme lEtre divin sans dualit. Considrer que cest par lExistence divine que tout estexistenci dans le sens o lexistence de toute chose conditionne et particularise (dpend decette Existence principielle). Lassertion permettant de professer limmutabilit des attributs

    30 Cette thorie imposerait une dualit de termes ds le dpart, ce qui est une impossibilit. De plus si ctait lecas, le principe serait volutif et soumis au changement quimpose sa situation avant et aprs lunion, or, il est

    au-del du changement car infini.31 Deux choses diffrentes sunissant en donne une troisime diffrente reprsentant la synthse des deux. Cetroisime terme ne peut, par dfinition, tre semblable aux deux autres mais possdera une identit propreannihilant celles des deux termes dorigine.32 Cela peut paratre paradoxal, mais labsolu est conditionn par labsence de conditionnement, or, comme leconditionnement est une possibilit, labsolu en tant dpourvu ne peut tre regard comme totalisateur. Seul lePrincipe suprme englobant labsolu et le relatif, le conditionn et le non-conditionn peut tre regard commetotalisateur.33 Cor. (25/2).34Comme le rappelle Ren Gunon, tout ce qui est soumis au changement, lvolution ou la modification nepeut tre regard comme immuable ou ternel et nappartient, par consquent, pas lordre mtaphysique etprincipiel. Cette remarque implique que tout ce qui tient du domaine du changement dpend obligatoirementdun principe lui tant suprieur et ne possde donc pas sa propre raison dtre. La hirarchie des principes

    remonte ainsi jusquau principe unique qualifi par limmutabilit que lon pourrait nommer la Cause des causes.Cette qualit implique galement et par ncessit celle dinfini sous peine de retomber dans le domaine de lalimitation et donc de la mutabilit.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    18/21

    17

    divins est en accord total avec ce que professent cet gard les savants exotriques et lesthologiens.

    La consquence est que lensemble des savants de la lettre sont dans lerreur quand ilscalomnient ceux qui professent lUnicit de ltre (ou la non-dualit) parmi les connaissants

    raliss au vu de la Vrit et de sa formulation correcte comme nous lavons dj dit. Quant ceux qui professent cette mme doctrine par ignorance, inconscience de sa ralit ou hrsiesont athes, ilspensent que leur existence conditionne et relative est identique lExistencesuprme dAllah le trs Haut35. Ils affirment que leur essence propre et donc conditionne et

    particulire (ou relative) est identique lEssence divine36 et que leurs attributs conditionnset relatifs sont galement identiques aux attributs divins. Ceux qui se persuadent de cettefausse ralit finissent toujours par abandonner les statuts propres la Loi sacre et dclarer lemodle muhammadien comme inutile (ou invalide) et renoncent la charge de leurresponsabilit37 . La calomnie quils subissent est justifie par leur manire de professerlUnicit de ltre selon une signification errone. En agissant ainsi, les savants de la lettremritent pleinement la rcompense que leur octroie le Souverain, Celui qui prodigue le don

    libral et dailleurs les vrais connaissants se joignent, sans aucun doute, eux pour dnoncerce genre de dviation.

    Le Sheikh Abd al-Karm al-Jl (quAllah sanctifie son secret) a fait allusion cesgens dans son livre intitul : Explication commente de la notion de retraite spirituelle dsles premiers conseils il dit : mon frre ! QuAllah taccorde Sa misricorde, jai voyagdans les pays les plus loigns et rencontr plusieurs genres de serviteurs et je nai jamais vude mes yeux ou entendu de mes oreilles un groupe plus dtestable et loign du giron dAllahle Trs Haut que ceux qui se prtendent tre les meilleurs soufis. Ils ont larrogance de se dire

    parfaits et se comportent comme si ctait le cas alors quils ne croient ni en Allah, ni en SesEnvoys et ni au Jour Dernier, ils ne se plient pas aux exigences de la Loi sacre. Ils jugent les

    tats des Envoys et font des choses que toute personne possdant un minimum de foi dans lecur jugerait inacceptable. Quen serait-il alors de ceux qui parviendraient aux degrs desgens jouissant du dvoilement initiatique et de la ralisation spirituelle. Nous avons vubeaucoup de ces gens-l dans les rgions de lAzerbajn, du Chroun, du Jln et duKhorssn, quAllah maudisse lensemble (de ces hrtiques). mon frre, par Allah, nedemeure pas dans une cit o se trouverait ne serait-ce quun seul membre de ces hrtiques,comme nous lindique Allah en disant : Protgez-vous dune preuve qui natteindra pas

    35Lerreur ici consiste, comme lexplique Gunon propos des consquences de lhumanisme, placer un tatconditionn et donc phmre ou priphrique au sommet ou au centre de lensemble des tats multiples deltre selon le symbolisme employ. Le caractre fondamental de lhumanisme est de ne rien envisager au-dessus

    de lhomme et donc de renier tout tat suprieur et par voie de consquence ltat suprme et inconditionn avectoutes les contradictions que cela comporte.36 Encore une fois ayons recours Gunon qui nous explique que la ralisation spirituelle consistant pourlhomme, dans un premier temps, dpasser ltat humain et ce qui le dfinit dans toutes ses extensions, et dansun second temps, atteindre lIdentit suprme, sopre par ltre qui au dbut est un individu mais qui cesse deltre ds quil dpasse le domaine formel. Les tats informels sont par dfinition supra individuel et spar delindividualit par tout ce qui diffrencie lindividuel de lUniversel. Ltre oprant ce chem inement cesse de seconcevoir comme un individu et comprend ou prend conscience de la nature foncire de son tre total qui aufinal est identique au Principe suprme. Lerreur inverse de celle dans laquelle succombe les profanes incapablede dpasser le stade de leur individualit est celle est dcrite ici et qui concerne celui qui en dpit de ses tatsrels de ralisation continue de se considrer universel quand, pour diverses raisons, il retourne une consciencesparative et redevient un individu. Le cas coranique par excellence de genre de dviation est celui de Pharaonqui une fois revenu dans le domaine de la distinction et de la relativit en oublie sa ralit conditionne et

    sidentifie la fonction seigneuriale au lieu de se placer au service du principe dans le monde de la forme.37 Responsabilit qui est comprise dans la doctrine du Califat que lon retrouve dans toutes les traditionscompltes. Ce statut de Calife de Dieu sur terre implique un rle central et une responsabilit consquente.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    19/21

    18

    que les gens iniques parmi vous 38. Si cela test possible, efforce-toi de ne pas les rencontrer

    ni de leur tenir compagnie, que se passera t-il si tu les frquentes et te mlanges eux, si tunappliques pas ceci tu auras t dun bien mauvais conseil pour toi-mme, et cest Allah quiguide .

    Ce que vient de dire le Sheikh concerne les gens professant lUnicit de ltre commenous lavons indiqu, c'est--dire, dune faon errone. Lorsque les savants exotriqueslvent la voix pour critiquer ces viles crapules qui rpandent au sein de la religion un poisondiffus, ils gnralisent ainsi la critique calomnieuse et englobent les vrais matres parmi lesconnaissants raliss. Le pire, cest que ces crapules pensent quils professent la mmedoctrine de lUnicit de ltre que les raliss rels.Cest une injustice ignoble qui est faite la religion, toute personne croyant vraiment en Allah et au Jour Dernier ne peut laccepter.

    Les crits et traits des principaux matres connaissants rels font trs souventrfrence confirmant le statut de lexistence adventice, conditionne et particularise et ce, demanire directe ou allusive. Ils identifient bien la diffrence entre le mode existentiel

    principiel de lEtre rel et la cration adventice bien quils professent lUnicit de ltre si cenest que par moment leurs tats contemplatifs prennent le dessus et lexistence divineprincipielle qui est la source de toute existence les pousse dnier un quelconque statutexistentiel tout autre chose. En ces occasions, ils qualifient tout ce qui est autre que Lui (enmode principiel) dimaginaire ou de lordre du mirage ou dvanescent ou encore de dcadentet prissable, en somme comme une chose ne possdant pas dexistence relle. Ils sonttotalement sincres dans leurs propos car en effet, tout ce qui est autre que Dieu ne possdequune existence conditionne et particularise et ce quel que soit laspect sous lequel on leconsidre car il relve du monde cr. Lexistence conditionne et particularise nest, en soi -mme, quun pur nant. La seule existence qui possde une ralit intrinsque est celle deDieu qui est unique. Il est le Crateur qui conditionne et particularise toute chose ou, si lon

    veut, lExistentiateur menant les choses lexistence sous la forme du conditionnement et dela particularisation.

    On ne peut objecter cela que si chaque chose cre, conditionne ou particulariseest selon notre perception tangible et intelligible rellement existante et immuable car nousdisons que le conditionnement et la particularisation quAllah confre aux choses constituentleur nature foncire et se trouve tre bien diffrente de notre manire de conditionner ouparticulariser une chose la base inexistante39. Cette catgorie de chose est manifeste audegr de lexistence formelle par le Trs Haut, qui les place ainsi un degr infrieur au ntreafin den faire un symbole du conditionnement et de la particularisation des choses telquAllah leffectue partir du nant. Cela permet galement de situer leur degr au regard de

    celui dAllah. Aussi, calomnier un vritable connaissant est tout simplement inacceptable. Silignorant ignore la nature relle de leurs propos, lignorance de la Loi sacr et de la traditionvraie reprsentant ltat de lhomme ignare nest pas une excuse car la recherche de laconnaissance est un devoir simposant tout un chacun.

    Lorsque nous avons tabli la manire dont lignorant considre les choses, en fait,nous lavons dclar mcrant car son comportement nest pas autre chose que la ngation dela vrit exprime comme telle par les gens de ralisation. Mme sil ne comprend pas

    38 Cor. (8/25).39La diffrence envisage ici se situe dans la cration quAllah produit partir du nant et de celle que ltre

    cr produit partir de lexistant. La production partir de rien est une prrogative divine que lhomme nepossde pas. Sil peut modifier et conditionner ou particulariser certaines choses, cest toujours partir dequelque chose dexistant.

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    20/21

    19

    vraiment ce quil renie, je dis que cela nen constitue pas moins une faute et un acte dedsobissance comme le rappelle le Trs Haut en disant : Ne juge pas sans connaissance decause. Certes de loue, de la vue et du cur intrieur (al-fuad), il vous faudra rendre

    compte 40.

    Le devoir de tout croyant est daider son frre croyant se perfectionner dans lamesure du possible surtout en ce qui concerne les connaissances, les vrits et les sciencesdivines. Ce sont les Saints dAllah, or, prendre pour ennemis les Saints dAllah cest prendreAllah le Trs Haut comme ennemi et Le prendre comme tel cest renier la vrit et sengagerdans une impasse comme le dit le Trs Haut : Que ceux qui se dclarent ennemis dAllah,de Ses anges, de Ses Envoys, ou de Gabriel ou de Mickal sachent quAllah est lennemi

    des mcrants 41.

    Lignorant qui ignore les sciences relevant du got initiatique ne possde quunescience thorique dont les actes ne sont pas en correspondance. Il tire sa science des livres etfeuillets, il passe son temps renier bien quil ait une bonne opinion dAllah. Ce qui est sr

    cest quils sont bien meilleurs connaissants dAllah que lui et quil ignore leurenseignement42. Il ny a, en ralit, aucun fondement la critique ngative quil fait des vraisinitis sachant quil sait trs bien que le rejet de la vrit quelle quelle soit est un acte demcrance.

    Si nous lavions voulu, nous aurions pu tablir la validit de la doctrine de lUnicit deltre (al-Wahdat al-Wujd) selon sa vraie signification, celle que nous avons expose tout aulong de ce trait, en nous appuyant sur des versets coraniques ou des hadths prophtiques ouencore sur les enseignements des vritables connaissants, les matres des raliss parmi lesexotristes et les sotristes. Cependant, ici nous avons simplement dsir donner un rsumsuffisant de cette notion doctrinale43.

    Beaucoup de traits clarifiant cette question de lUnicit de ltre ont t produit parles savants lattention de nos contemporains. Les dveloppements prouvant lorthodoxie decette doctrine ainsi que les enseignements exhaustifs abordant la ralit de cette conceptionsont multiples. Personnellement, jespre que je que je viens den dire, b ien que cela soitconcis, en permettra une vraie comprhension nos contemporains et que le but rel soitdcel travers les expressions et diverses formulations employes par les savantsexotriques et sotriques ce sujet. Cest un principe essentiel et fondamental parmi lesprincipes de ralisation des pieux contemplatifs et parmi les allusions auxquelles recourent lesgens de la perfection et de la certitude. Cette doctrine est, en fait, celle du Tawhd, vhiculepar la Loi sacre sur laquelle se fondent lensemble des uvres des purifis (al-mukhlisn).Ceux qui la renient tombent dans lassociationnisme cach (subtil) qui est le fondement desuvres des insouciants.

    Cest en ce sens que le connaissant ralis le Sheikh Ahmad al-Qachch al-Madan(quAllah lui fasse misricorde) a transmis dans son ptre concernant lUnicit de ltre queIbn Kaml Bcha (quAllah lui fasse misricorde), a transmis de sa plume comme cela paratlogique, que tout dtenteur du pouvoir temporel pour responsabilit de mener(dencourager) les gens professer la doctrine de lUnicit de ltre. Son pouvoir est avant

    40 Cor. (17/36).41 Cor. (2/98).42Assertion prouvant encore que lrudition livresque peut tre synonyme dignorance lorsquest abord le rel

    domaine de linitiation.43 Ce travail de clarification exhaustive conduisant justifier intellectuellement et non plus simplement selon lafoi , le Sheikh Nbuls le fera au moyen dun autre ouvrage intitul Al-Wujd .

  • 7/31/2019 Nabuls - Idh al-maqsd min al Wahdat al-wujd

    21/21

    20

    tout destin permettre aux gens de formuler le Tawhd pur, indemne de toutassociationnisme cach (subtil) (chirk al-khaf), auquel fait allusion le Sheikh connaissantArsln 44 (quAllah lagre) au dbut de son trait en disant : Tu es tout entier uneassociation cache et tu ne percevras clairement ton Unit quen chappant ta condition individuelle. Cest sur ce commentaire de lassociationnisme cach repris dans le trait du

    Sheikh Arsln que nous terminons notre discours.Toute assistance est de la prrogative dAllah et que la prire unifiante dAllah soit sur

    notre souverain Muhammad ainsi que sur sa famille et lensemble de ses compagnons ainsique leurs successeurs et les suivants de ceux-ci atteignant la perfection contemplative

    jusquau Jour du Jugement.

    Lauteur (quAllah lagre) indique que la rdaction de ce trait bni fut effectue aucours de deux runions de courte dure stant droules ; la premire, la nuit du vendredi, etla seconde, au cours de la journe du vendredi 12 du mois de Chabn de lan 1091 et ce entout bien. Et que la louange soit Allah lUnique.

    44 Grand Saint patron de la ville de Damas.