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Par :
Titre :
Mémoire présenté devant l’Institut du Risk Management
pour la validation du cursus à la Formation
d’Actuaire de l’Institut du Risk Management
et l’admission à l’Institut des actuaires le 2018
Karine NGUYEN Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes
Confidentialité : NON OUI (Durée : 1an 2 ans) Les signataires s’engagent à respecter la confidentialité indiquée ci-dessus
Membres présents du jury de l’Institut des
actuaires :
Membres présents du jury de l’Institut du Risk
Management :
__________________________________
__________________________________
__________________________________
__________________________________
__________________________________
__________________________________
__________________________________
__________________________________
Secrétariat :
Bibliothèque :
Entreprise :
Nom :
Signature et Cachet :
Directeur de mémoire en entreprise :
Nom :
Signature :
Invité :
Nom :
Signature :
Autorisation de publication et de mise en
ligne sur un site de diffusion de documents
actuariels (après expiration de l’éventuel délai de confidentialité)
Signature du responsable entreprise
Signature(s) du candidat(s
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 2
Résumé
L’objet de ce mémoire est de montrer l’importance de construire et d’utiliser des tables de
maintien en incapacité adaptées à une population atypique pour le provisionnement en arrêt
de travail. Utiliser des tables non représentatives de la sinistralité du portefeuille peut conduire
à surestimer la valeur des provisions et créer des bonis pour l’assureur qui ne reflètent pas
une vision best estimate du risque. Il est alors conseillé d’utiliser des tables d’expériences qui
reflètent les spécificités liées à la population concernée. La construction de ces lois
expérimentales repose fondamentalement sur le volume et la qualité des données à
disposition.
Crédit Agricole Assurances Collectives possède un portefeuille de contrats en prévoyance
collective dits « franchises courtes » dont le délai de déclenchement de la garantie d’incapacité
est inférieur à 10 jours. Sur ce périmètre, la majorité des arrêts sont clos au bout de 30 jours.
Les tables règlementaires étant mensuelles, l’utilisation de celles-ci conduit à surestimer les
durées de maintien en incapacité.
Dans le but de mieux maitriser le risque, nous traitons de la construction des lois d’expérience
à pas journaliers et analysons l'impact de l'utilisation de ces lois dans l'évaluation des
provisions réglementaires. La principale difficulté rencontrée est la volumétrie des données.
L’activité en assurances collectives chez Crédit Agricole ayant été lancée en 2014, nous avons
peu d’arrêts dans notre historique de données.
Ce mémoire s’inscrit dans la volonté de trouver des méthodes permettant de pallier le faible
volume de données à disposition afin d’établir les lois d’expérience. Nous commençons par
modéliser une loi de référence grâce à l’estimateur non-paramétrique de Kaplan-Meier. Puis,
grâce au modèle proportionnel de Cox, nous déterminerons les variables discriminantes les
plus pertinentes permettant un ajustement par rapport à cette référence. Cela nous permet de
prendre en compte l’hétérogénéité du risque. En raison d'une faible volumétrie du portefeuille
étudié, des prolongements avec la table règlementaire du BCAC ont été nécessaires. Afin de
tester notre approche, nous avons comparé la pertinence de ces méthodes fines dites « tête
par tête » avec une méthode agrégée. Pour ce faire, nous avons implémenté des triangles de
liquidation qui sont fréquemment utilisées chez les assureurs.
Mots clés : arrêt de travail, incapacité, franchises courtes, provisionnement, tables
d’expérience, estimateur de Kaplan-Meier, modèle de lissage de Whittaker-Henderson,
hétérogénéité, modèle à hasard proportionnel de Cox, facteurs de développement de Chain-
Ladder.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 3
Abstract
The aim of this thesis is to present the importance of using appropriate disability tables in work
stoppage’s reserving, especially for temporary disability. Using unappropriated tables could
lead to important damages for insurers and doesn’t reflect the best estimate vision for the risk.
To handle this, insurers are encouraged to build their own reserving tables calibrated in order
to reflect their own policyholder population specificities. This exercise is not simple as it
depends on the quality and the volume of the insurer’s databases.
Credit Agricole Assurances owns a portfolio covering temporary disability with short deductible
periods; benefits can start within 10 days after the accident. Usually, these work stoppage
benefits are closed before 30 days. That's why using monthly regulatory reserving tables
overestimate technical reserves.
In order to achieve a best estimate reserves valuation, the goal of this thesis is to build a daily
step disability table. As this kind of insurance business is new in the company, a big issue is
to deal with the lack of data.
This thesis is willing to find actuarial methods to solve data’s issue and build experience
disability tables. First of all, we build a reference table with Kaplan Meier’s nonparametric
estimator. Then, we use the Cox proportional hazard model to integrate the heterogeneity of
our portfolio into the reference table. We also compare these new tables with a common
methodology frequently used in insurance companies and based on liquidation triangles.
Keywords : work stoppage, disability, short waiting period, reserving, experience tables,
Kaplan Meier’s estimator, Whittaker Henderson smoothing method, heterogeneity, Cox
proportional hazard model, Chain-Ladder development method.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 4
Remerciements
En premier lieu, je tiens à témoigner ma reconnaissance envers les différentes personnes qui
m’ont permis de suivre la formation proposée par le Centre d’Etudes Actuarielles.
Je souhaite également remercier Charles-Henri Letailleur, manager de l’équipe Pilotage du
risque chez Crédit Agricole Assurances Collectives, pour sa disponibilité et ses remarques
constructives ainsi que l’ensemble de mes collègues qui m’ont apporté leur soutien et leurs
encouragements tout au long de l’élaboration de ce mémoire.
Je tiens à remercier particulièrement Yahia Salhi, mon tuteur pédagogique, pour le précieux
temps qu’il m’a accordé, ses conseils avisés et ses relectures.
J’adresse également des remerciements à mes amis Saloua Mansour, Thomas Bastard,
Alexandre Challal et Raphaël Lagier qui ont eu la gentillesse de contribuer à la relecture de ce
mémoire.
Enfin, je n’oublie pas mes camarades de formation, Cindy Cornuaille et Ombline de
Baudiniere, pour toutes ces années d’entraides et d’échanges.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 5
Table des matières
Introduction ......................................................................................................................... 7
1. Définition de la Prévoyance .................................................................................................... 8
2. Régime de base de la Sécurité Sociale dans le secteur privé .................................................. 8
2. Obligations de l’employeur en Prévoyance........................................................................... 10
4. Régime complémentaire collectif.......................................................................................... 11
Chapitre 1 : Exploration des données et détermination du périmètre de l’étude ..........13
1.1. Présentation de la notion de franchise ............................................................................. 13
1.2. Présentation du portefeuille des « franchises courtes » à disposition et principaux
résultats statistiques ..................................................................................................................... 14
1.3. Présentation des spécificités des durées des arrêts de travail du portefeuille des
« franchises courtes » .................................................................................................................... 20
1.4. Problématiques liées au portefeuille des « franchises courtes » ...................................... 23
Chapitre 2 : Méthode de provisionnement du risque arrêt de travail par les formules
déterministes et les tables du BCAC ................................................................................24
Section 1 : Description des différents états d’un assuré et des différentes provisions
mathématiques .................................................................................................................25
2.1.1. Description des différents états d’un assuré ................................................................ 25
2.1.2. Description des différentes provisions mathématiques .............................................. 26
Section 2 : Calculs des provisions mathématiques ...........................................................27
2.2.1. Description des tables règlementaires utilisées ........................................................... 27
2.2.2. Taux d’actualisation utilisés.......................................................................................... 29
2.2.3. Formules de calculs tête par tête ................................................................................. 29
Chapitre 3 : Construction d’une loi de maintien en incapacité à pas quotidien ............31
Section 1 : Construction d’une loi de référence des taux de sorties d’incapacité ...............31
3.1.1. Idée de la modélisation ................................................................................................ 31
3.1.2. Définition des données censurées ............................................................................... 32
3.1.3. Description de l’estimateur de Kaplan-Meier et analyse des taux de sortie d’incapacité
obtenus 32
Section 2 : Lissage de la loi de référence des taux de sorties d’incapacité .......................37
3.2.1. Description du lissage par la méthode de Whittaker-Henderson et application ......... 38
3.2.2. Description des tests d’adéquation de l’ajustement et validation du lissage .............. 41
Section 3 : Intégration de l’hétérogénéité du portefeuille dans la courbe de référence ......44
3.3.1. Présentation du modèle de positionnement de Cox.................................................... 44
3.3.2. Analyse qualitative des variables explicatives à disposition ........................................ 46
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 6
3.3.3. Description des tests de validation du modèle ............................................................ 47
3.3.4. Application du modèle de Cox aux données et analyses des résultats ........................ 48
3.3.4.1. Choix des variables pertinentes et explications ........................................................ 48
3.3.4.2. Résultat de la modélisation avec la variable Tranche âge ........................................ 50
3.3.4.3. Résultat de la modélisation avec la variable Durée de franchise .............................. 55
3.3.4.4. Résultat de la modélisation avec les variables Tranche âge et Durée de franchise.. 57
3.3.4. Prolongements des lois d’expérience avec la table du BCAC 2010 et analyses des lois
obtenues 58
3.3.5. Application des lois d’expérience aux calculs de PM maintien en incapacité et
comparaison avec les tables règlementaires ................................................................................ 65
Chapitre 4 : Méthode de provisionnement par des triangles de liquidation ..................69
4.1. Description de la méthode de Chain Ladder .................................................................... 69
4.2. Application aux données et tests de validation ............................................................... 71
4.3. Comparaison des résultats obtenus par la méthode agrégée et par les lois d’expériences
75
Conclusion ..........................................................................................................................77
Applications des tables d’expérience ...............................................................................78
Bibliographie ......................................................................................................................80
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 7
Introduction
De nombreux textes législatifs imposent aux assureurs de constituer des provisions afin de
respecter leurs engagements envers les assurés. C’est un exercice qui demande une totale
maîtrise du risque pour pouvoir évaluer de manière la plus juste possible les provisions. En
effet, un sous-provisionnement ou un sur-provisionnement pourrait causer de lourds impacts
sur les résultats de l’assureur.
Lors d’un inventaire, l’assureur constitue les différentes provisions permettant le paiement des
prestations à venir. En arrêt de travail, la modélisation est réalisée soit à partir des tables
règlementaires soit à partir des tables d’expérience qui doivent faire l’objet d’une certification.
Il est d’usage de se référer aux tables règlementaires du BCAC. Cependant, certains
portefeuilles ont parfois un comportement atypique par rapport aux données ayant permis leur
construction. L’utilisation de celles-ci conduirait ainsi à une vision non réaliste du risque. Dans
l’objectif de bien maitriser son risque et d’être le plus rigoureux possible, la construction de
tables d’expérience permettrait de tenir compte de l’hétérogénéité des sous-populations du
portefeuille. Dans ce cas, la modélisation des lois d’expérience nécessite un volume de
données et une profondeur d’historique assez large. L’assureur pourra être confronté à la
problématique des volumes de données et devra trouver des méthodes pour pallier ce
manque.
Dans ce mémoire, nous nous intéressons plus précisément au risque incapacité. Nous allons
présenter plusieurs méthodes actuarielles permettant d’évaluer les provisions de maintien en
incapacité à partir d’un faible volume de données et spécifiquement sur un portefeuille
constitué de contrats de prévoyance collective dits « franchises courtes ». Les arrêts de travail
liés à ces contrats ayant des durées journalières, une loi d’expérience à pas quotidien a été
construite afin de tenir compte de cette spécificité. Les variables concernant l’âge et la durée
de franchise étant discriminantes pour la durée de l’arrêt, trois lois d’expériences sont
modélisées. Les provisions estimées à l’aide de ces lois d’expérience sont ensuite comparées
avec celles calculées à l’aide des tables règlementaires.
Dans un premier temps, nous détaillerons la méthode d’évaluation des provisions basée sur
les formules de calculs tête par tête avec les tables règlementaires. Puis, nous détaillerons la
construction des tables d’expériences journalières et analyserons l’adéquation de celles-ci au
portefeuille d’étude. Enfin, dans le but de tester notre approche, nous avons comparé la
pertinence de ces méthodes fines dites « tête par tête » avec une méthode agrégée. Pour ce
faire, nous avons implémenté des triangles de liquidation qui sont fréquemment utilisés chez
les assureurs.
Avant de présenter précisément notre périmètre d’étude, nous allons commencer par
introduire ci-après les garanties et le cadre réglementaire définissant la prévoyance
complémentaire collective en France dans le secteur privé.
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 8
1. Définition de la Prévoyance
La prévoyance est une protection financière contre les aléas de la vie entrainant une perte
partielle ou totale des revenus de l’individu. Les faits générateurs sont l’accident de travail, la
maladie dans un cadre professionnel ou dans la vie privée.
Le régime de la prévoyance en France peut être décomposé selon le schéma suivant :
Régime de base de la Sécurité Sociale
Adhésion obligatoire
Régime complémentaire collectif
Régime complémentaire individuel Adhésion facultative
Plus précisément, le 1er pilier est le régime de base de la Sécurité Sociale qui est obligatoire
pour tous. Ensuite, le régime complémentaire collectif est souscrit par une entreprise pour
l’ensemble ou une partie de ses salariés, l’adhésion est obligatoire pour les salariés concernés.
Enfin, un régime complémentaire individuel et facultatif vient compléter ces deux
composantes. Une personne peut décider de souscrire à un régime individuel si elle juge que
le régime complémentaire collectif n’est pas suffisant, ou si l’entreprise ne lui a pas proposé
un contrat collectif. Ces régimes complémentaires ajoutent un complément de revenus aux
indemnités versées par la Sécurité Sociale qui ne permettent pas toujours de maintenir le
niveau de salaire.
2. Régime de base de la Sécurité Sociale dans le secteur privé
Nous détaillons ici les indemnités versées dans le secteur privé, celles-ci sont différentes dans
le secteur public. Les indemnités dépendent de l’état de l’individu durant l’arrêt de travail : l’état
d’incapacité ou l’état d’invalidité. Dans le cas d’un décès, une indemnisation est versée aux
bénéficiaires.
Incapacité ou Incapacité temporaire
Une personne est en incapacité lorsque l’incapacité physique est constatée par le médecin
traitant et ne permet pas de continuer ou de reprendre à temps plein son activité
professionnelle, suite à un accident de travail ou une maladie (art. L.321-1 du Code de la
Sécurité Sociale).
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 9
Une personne peut rester en incapacité pendant une durée maximale de 36 mois, au-delà de
cette période, elle passe en invalidité au sens de la Sécurité Sociale. Le traitement diffère
selon la nature de l’arrêt comme l’illustre le tableau ci-dessous :
Les montants des plafonds des IJ sont les montants en vigueur en 2018.
Les indemnités sont plus élevées lors d’un accident de travail et il n’y a pas de délai de
franchise dans ce cas. Les indemnités journalières cessent à la reprise de l’activité
professionnelle à temps plein de l’individu. Les indemnisations sont plafonnées, les personnes
ayant des salaires élevés se voient bénéficier des prestations bien inférieures à leur perte de
revenus. En effet, le salaire de base est plafonné à 1,8 fois le smic mensuel, le plafond de l’IJ
s’obtient en calculant 50%∗ 1.8 ∗ 1 498
30 dans le cas de la maladie en 2018.
Il est à noter qu’il est possible d'avoir une revalorisation même en étant en arrêt de travail : l’IJ
de la Sécurité Sociale est revalorisée dès que l’augmentation de salaire dure plus de trois
mois.
Invalidité ou Incapacité permanente
D’après l’article L341-4 du code de la Sécurité Sociale, les invalides sont classés selon les
trois catégories suivantes :
« 1°) invalides capables d'exercer une activité rémunérée ;
2°) invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque ;
3°) invalides qui, étant absolument incapables d'exercer une profession, sont, en outre, dans
l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes
ordinaires de la vie. »
Lorsque la capacité de travail d’un individu est réduite d’au moins deux tiers suite à un accident
ou une maladie, il entre dans l’état d’invalidité. L’indemnité dépend de la catégorie d’invalidité
comme décrite ci-dessous :
La pension d'invalidité prend fin lorsque l’assuré part à la retraite. Elle est remplacée par la
retraite au titre de l'inaptitude au travail. Celle-ci débute le premier jour du mois suivant cet âge
légal. La substitution de la pension d'invalidité à la retraite pour inaptitude au travail est
automatique.
Nature de l'arrêtIndemnité journalière (IJ) de la
Sécurité SocialeFranchise Salaire journalier de base Plafond IJ
Maladie 50% du salaire journalier de base 3 jours de franchise
Basé sur les 3 derniers salaires
bruts de l’employé précédant
l'arrêt de travail divisé par 91.25
IJ max : 44,34 €
Peut être majoré pour charge
familiale à partir du 31e jour d'arrêt
: 59,12 €
Accident du travail60% du salaire journalier de base
pendant 28 jours puis 80% 0 jour de franchise
Basé sur le dernier salaire brut de
l’employé précédant l'arrêt de
travail divisé par 30.25
Pour les 28 premiers jours :
198,81 €
A partir du 29eme jour : 265,09 €
Niveau d'invalidité
Calcul de la pension en % sur la base du
salaire annuel moyen perçu pendant les 10
meilleures années d'activité
Montant mensuel minimum Montant mensuel maximum
1re catégorie 30 % 285,61 € 993,30 €
2e catégorie 50 % 285,61 € 1 655,50 €
3e catégorie 50 % + majoration pour tierce personne 285,61 € + 1 118,57 € 1 655,50 € + 1 118,57 €
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 10
Décès
Les prestations de la Sécurité Sociale ne remplacent pas la totalité de la perte de revenus liée
à un décès, ou un arrêt de travail, elles ne permettent pas de maintenir le niveau de vie du
salarié ou des bénéficiaires. Par exemple, depuis la Loi de Financement de la Sécurité Sociale
de 2015, le montant du capital décès est un montant forfaitaire fixé par décret et recalculé
chaque année. Au 1er avril 2018, ce dernier s’élevait à 3 450 €.
Néanmoins, la prévoyance complémentaire à la Sécurité Sociale, souscrite à titre individuel
ou collectif, permet d’ajouter des revenus aux assurés et bénéficiaires. Les entreprises mettent
en place des régimes complémentaires pour pallier les problèmes liés aux pertes de revenus
pour leurs salariés et pour également respecter leurs obligations légales. Seul le régime
complémentaire collectif sera détaillé dans ce mémoire.
2. Obligations de l’employeur en Prévoyance
Mensualisation
Par application de l’Accord National de Mensualisation du 10 décembre 1977 étendu par la loi
du 19 janvier 1978, en complément des indemnités versées par la Sécurité Sociale,
l’employeur a l’obligation de maintenir une partie du salaire de l’employé exprimée en
pourcentage du salaire brut. Cette obligation a lieu lorsque l’employé a au moins un an
d’ancienneté dans l’entreprise. Il y a une franchise de 7 jours pour la mensualisation lors d’une
maladie privée, il n’y a pas de franchise lors d’une maladie professionnelle ou accident de
travail. La durée du maintien du salaire varie selon l’ancienneté de l’employé dans l’entreprise.
La durée augmente de 10 jours par 5 ans d’ancienneté.
Les garanties en prévoyance peuvent prendre en charge la mensualisation pendant la période
de franchise des 7 jours, ou prendre en charge la mensualisation pour un employé de moins
d’un an d’ancienneté.
Convention Collective Nationale des Cadres de 1947
Le contrat prévoyance collective n’est pas obligatoire pour tous les salariés, contrairement à
la complémentaire santé collective depuis le 1er janvier 2016 suite à la réforme de l’ANI. Seuls
les ingénieurs et les cadres désignés par les articles 4 et 4bis de la CCN 1947 sont couverts
obligatoirement par l’entreprise. L’employeur doit verser une cotisation équivalente à 1,5% de
la tranche A, avec une affectation prioritaire à la garantie décès, soit au minimum 0,76% de la
cotisation affectée pour le risque décès. Historiquement, suite aux décès dus à la guerre et
maladies, la cotisation a été fixée majoritairement sur le décès.
Montant au 1er avril 2018 3 450 €
Capital décès forfaitaire
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 11
Lors du décès, les employeurs qui ne justifient pas avoir souscrit un contrat respectant ce
versement de cotisations sont tenus de verser aux ayants droit du salarié décédé, une somme
égale à trois fois le plafond annuel de sécurité sociale en vigueur.
Concernant les autres catégories de salariés, il faut se référer à la convention collective
nationale ou à l’accord de branche pour vérifier si un régime prévoyance collective est imposé.
Conventions collectives et accords de branche
Les employeurs qui adhèrent à une convention ou accord selon leur type d’activité ou leur
branche d’activité sont tenus d’appliquer les garanties obligatoires en prévoyance si celles-ci
sont mentionnées dans l’accord.
Toutefois, l’employeur peut transférer une partie ou la totalité de ses obligations à un organisme assureur via un contrat de Prévoyance collectif.
4. Régime complémentaire collectif
Une couverture complémentaire collective est un contrat souscrit par l’entreprise pour
l’ensemble ou une partie de ses salariés auprès d’un organisme assureur. L’assureur s’engage
à couvrir le groupe assuré lors de la souscription mais également les adhésions nouvelles. La
tarification du contrat dépend de la structure démographique de la population couverte, l’âge,
le statut et la composition familiale, le régime étudié (cadres, non cadres, ensemble du
personnel), le secteur d’activité, l’historique des comptes de résultats, etc. Les comptes de
résultats permettent de refléter le comportement des assurés. Le tarif diffère selon le risque
couvert (arrêt de travail ou décès), le niveau de garanties et la franchise. L’employeur peut
prendre en charge tout ou une partie de la cotisation. Dans la suite, nous allons détailler ces
différentes garanties.
Garantie Arrêt de travail
L’arrêt de travail se ventile en deux types d’état, l’incapacité et l’invalidité. L’indemnisation est
sous forme d’indemnités journalières pour l’incapacité et sous forme de rentes pour l’invalidité.
Etat d’Incapacité
L’entreprise verse une indemnité journalière à l’assuré en pourcentage du salaire annuel brut.
Le niveau de salaire garanti peut différer selon la nature du sinistre, maladie ou accident de
travail. Un assuré en incapacité peut sortir de son état pour plusieurs raisons : reprise de
travail, entrée en invalidité, départ à la retraite ou décès. La durée d’indemnisation maximale
dans l’état d’incapacité est de 36 mois. Ce type de contrats prévoient un plafonnement des
prestations cumulées (Sécurité Sociale et Complémentaires) sur un an au salaire annuel perçu
par l’assuré avant l’arrêt de travail de telle façon qu’il n’y ait pas d’enrichissement via ces
contrats.
Etat d’Invalidité
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 12
L’entreprise verse une indemnité généralement mensuelle, parfois trimestrielle, basée sur un
pourcentage du salaire brut de l’assuré. La prestation d’invalidité prend fin dès lors que
l’assuré part à la retraite ou décède.
Garantie décès
La garantie décès regroupe les capitaux décès versés, les frais d’obsèques, la rente éducation
et la rente de conjoint viagère ou temporaire.
Le montant du capital versé aux bénéficiaires est un pourcentage du salaire brut annuel perçu
au cours des 12 derniers mois précédant le décès. La garantie peut dépendre de sa situation
familiale, marié ou célibataire, avec ou sans enfant à charge. Selon les contrats, le capital
versé pour un célibataire pourra être inférieur à celui d’une personne mariée avec enfants. Le
capital peut être majoré lors d’un décès accidentel : un supplément d’indemnisation est versé
pour aider la famille qui n’avait pas anticipé et ne s’était pas préparée financièrement,
contrairement à un décès suite à une maladie longue.
La rente de conjoint, temporaire ou viagère, permet de verser périodiquement une rente pour
donner un complément de revenus au bénéficiaire. Dans le cas d’une rente de conjoint
temporaire, le bénéficiaire perçoit des rentes pendant une durée déterminée lors de la
souscription du contrat. Dans le cas d’une rente viagère, le bénéficiaire perçoit les rentes
jusqu’à son décès.
La rente d’éducation permet de financer la vie quotidienne des enfants bénéficiaires. Le
montant de la rente peut varier selon l’âge des enfants pour s’adapter au mieux à leurs
besoins. Par exemple, le coût des études varie tout au long du cursus scolaire, typiquement,
le coût des études secondaires n’est pas le même que celui dans en cycle supérieur.
Généralement, la rente cesse d’être versée à 18 ans mais peut être prolongée jusqu’à 26 ans
si l’enfant poursuit ses études.
Afin de respecter les engagements détaillés précédemment, l’assureur à l’obligation de
constituer des provisions. Pour ce faire, il a la possibilité d’utiliser des tables règlementaires
ou ses propres lois d’expériences. Néanmoins, les arrêts de travail ont des durées qui diffèrent
selon les populations assurées, des durées pouvant varier de quelques jours à quelques mois
voire années, utiliser les tables règlementaires ne permettent pas toujours d’avoir une vision
réaliste du risque. En particulier, pour les arrêts d’une durée de quelques jours, la table
règlementaire étant mensuelle n’est pas toujours appropriée. Il est préférable d’utiliser des lois
d’expérience plus adaptées aux portefeuilles. Une des caractéristiques d’un contrat en
prévoyance collective influençant la durée des arrêts de travail est le délai de franchise, nous
allons dans le chapitre suivant développer cette notion qui va définir notre périmètre d’étude.
Nous traiterons seulement l’arrêt de travail dans ce mémoire.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 13
Chapitre 1 : Exploration des données et
détermination du périmètre de l’étude
Dans cette partie, nous commençons par présenter l’une des spécificités des contrats de
prévoyance collectifs : la franchise. Cette notion jouera, entre autres, un rôle important dans
la suite du mémoire.
1.1. Présentation de la notion de franchise
En prévoyance, la franchise est la période au terme de laquelle débute l'indemnisation. Il ne
faut pas confondre le délai de franchise et le délai de carence. Le délai de carence est la durée
au terme de laquelle un sinistre déclaré est garanti, la durée est comptabilisée à partir de la
date de souscription du contrat.
Il existe plusieurs types de franchise :
- La franchise continue, la plus courante, correspond à un nombre de jours au-delà
duquel l’assureur paie la prestation. Le compteur se remet à zéro à chaque arrêt
de travail. Le nombre de jours ne s’accumule pas entre les arrêts de travail.
- La franchise discontinue correspond au cumul du nombre de jours correspondant
à tous les arrêts de travail sur une période donnée, par exemple sur une année,
au-delà duquel l’assureur paie une prestation.
- La franchise en relais d’une Convention collective nationale signifie que les
garanties sont versées en relais des garanties de mensualisation de la convention
collective dont dépend l’assuré.
Nous nous intéressons dans ce mémoire aux franchises continues.
Les franchises continues les plus fréquentes sont de 3, 7, 10, 30, 60 ou 90 jours. La franchise
peut être différente en cas d'accident, de maladie ou d'hospitalisation. Il existe notamment des
contrats dont la franchise est nulle. Nous distinguons les franchises courtes des franchises
longues. Les franchises courtes concernent les contrats dont la franchise est inférieure ou
égale à 10 jours, et les franchises longues regroupent les autres franchises. Le délai de
franchise est comptabilisé à partir de la date de l’arrêt de travail. Plus la franchise est courte
et plus le nombre de sinistres à indemniser est important.
Généralement, la franchise dans les contrats est longue. Dans certains secteurs d’activité, la
détermination de la franchise dépend des obligations de la Convention Collectives Nationale
(CCN), c’est le cas du secteur médical ou pharmaceutique où la franchise est courte. Nous
allons nous concentrer sur les franchises courtes pour notre étude.
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 14
1.2. Présentation du portefeuille des « franchises courtes » à
disposition et principaux résultats statistiques
Le portefeuille d’étude concerne les arrêts de travail des contrats en prévoyance collective de
Crédit Agricole Assurances Collectives avec des franchises courtes. Les arrêts ont eu lieu
entre le 1er janvier 2015 et le 31 octobre 2017. Les données regroupent les arrêts clos mais
aussi ceux en cours. Le principal secteur d’activité représenté dans ce portefeuille est le
secteur hospitalier privé. Pour cette base de données, et pour chaque assuré, nous disposons
des variables suivantes :
- catégorie socio-professionnelle de l’assuré ;
- date de naissance ;
- sexe ;
- date d’arrêt ;
- date du dernier jour indemnisé ;
- cause de l’arrêt ;
- montant de salaire annuel ;
- indemnité complémentaire journalière ou prestation annuelle ;
- date fin de sinistre ;
- motif de fin du sinistre.
Les données proviennent de plusieurs gestionnaires, les variables telles que le motif de fin, le
salaire, ou le collège ne sont pas toujours renseignées.
Le portefeuille d’étude comporte 13 412 observations, dont 12 038 dossiers clos. Une
observation correspond à un arrêt de travail. Pour ne pas perdre d’information, nous avons
intégré dans notre portefeuille d’étude les dossiers en cours, ces dossiers représentent 11%
des arrêts dans notre portefeuille.
Afin de connaître la constitution de nos données et d’apprécier le comportement du
portefeuille, les principales statistiques descriptives sont présentées ci-dessous :
Année de survenance
Âge moyen à l'arrêt de
travail
Durée moyenne de
l'arrêt (en jours) *
Nombre d'arrêts de travail clos
Nombre d'arrêts de travail en
cours
Nombre d'arrêts de travail total
2015 41 210 107 1 108
2016 41 40 6 825 168 6 993
2017 41 24 5 106 1 205 6 311
Total 41 35 12 038 1 374 13 412
*Durée calculée uniquement sur les dossiers clos, durée de l’arrêt = dernier jour indemnisé – date d’arrêt
A partir de 2016, plusieurs entreprises sont entrées dans le portefeuille et ont modifié le
comportement global du portefeuille au niveau de la durée de l’arrêt. Nous remarquons que
l’âge moyen lors du sinistre est resté stable par année de survenance, ceci peut être expliqué
par le secteur hospitalier où l’âge moyen des salariés est de 42 ans, d’après l’étude de la
Drees (Direction de la Recherche, des Etudes, et de l’Evaluation et des Statistique) parue en
2015, Emplois et salaires dans le secteur hospitalier en 2012.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 15
Focus sur les variables sexe et cause de l’arrêt
*Proportions calculées sur les sinistres.
Année de survenance
Accident travail proportion
Hospitalisation proportion
Maladie proportion
2015 26% 1% 73%
2016 12% 2% 87%
2017 11% 1% 88%
Poids moyen 12% 1% 87%
Les arrêts concernent principalement les femmes dans notre étude et sont causés par la
maladie. La répartition des arrêts entre les sexes correspond à la répartition démographique
lors de la souscription. En effet, la répartition démographique est spécifique au secteur
hospitalier, selon l’étude de la Drees parue en 2015, Emplois et salaires dans le secteur
hospitalier en 2012, 80% des effectifs dans le secteur hospitalier privé sont des femmes.
Focus sur la variable durée de franchise
*
Calculée sur des dossiers clos
Le portefeuille est essentiellement constitué des arrêts d’une franchise de 3 jours. La durée
moyenne en incapacité ne croit pas systématiquement avec la durée de franchise. La variable
semble discriminante pour la durée de l’arrêt. Les volumes de données n’étant pas répartis de
manière équitable entre les différentes franchises, les moyennes peuvent être volatils.
Année de survenance
Hommes proportion*
Femmes proportion*
2015 57% 43%
2016 11% 89%
2017 10% 90%
Poids moyen 11% 89%
Franchise Proportion des données Durée moyenne de l’arrêt (en jours) *
0 jour 1%
42
3 jours 96%
33
4 jours 1%
185
7 jours 2%
54
10 jours 0%
244
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 16
Focus sur les arrêts par mois et par année de survenance
Un pic d’arrêts est observable en janvier 2017 mais semble être exceptionnel. Il n’y a pas de
saisonnalité marquée dans notre portefeuille, une légère hausse le 1er trimestre et peut être
également au dernier trimestre en se basant uniquement sur l’année de 2016.
0 200 400 600 800 1000 1200
janv-15
avr-15
juil-15
oct-15
janv-16
avr-16
juil-16
oct-16
janv-17
avr-17
juil-17
oct-17
Répartition des arrêts par mois et année de survenance
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 17
Focus sur les arrêts par âge à la survenance
Les arrêts dans notre échantillon sont principalement survenus à l’âge de 30 chez les femmes,
puis le nombre diminue fortement jusqu’à l’âge de 40 ans pour remonter légèrement à 43 ans
et 53 ans. Le comportement des hommes est différent de celui des femmes, il n’y pas de pics
particuliers, le nombre de sinistres est stable au cours du temps. Peu d’arrêts sont observés
aux extrémités des âges pour les deux populations : en effet, avant 20 ans, les personnes sont
encore étudiants dans la plupart des cas, et après 65 ans, les personnes partent souvent à la
retraite. Précisons que ce graphe ne permet pas de conclure sur la fréquence des arrêts selon
l’âge : en prévoyance collective, nous n’avons pas à disposition les informations concernant
toute la population assurée, nous avons connaissances des informations seulement si l’assuré
est en arrêt. Nous ne connaissons pas la répartition de l’effectif total par âge.
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
500
19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 57 59 61 63 65
Répartition des arrêts par âge et par sexe
H F
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 18
Focus sur la durée moyenne des arrêts par tranche d’âge et par sexe
La durée de l’arrêt chez la population féminine croit légèrement entre 30 et 60 ans, autrement
dit l’ancienneté moyenne dans l’état d’incapacité augmente entre 30 et 60 ans, et se situe
entre 30 et 40 jours. La durée moyenne de l’arrêt chez les hommes est généralement plus
élevée que chez les femmes et peut atteindre 60 jours pour les âges compris entre 50 et 60
ans.
La durée moyenne de l’arrêt est un indicateur permettant d’apprécier l’information dans sa
globalité. Afin de bien cerner le comportement du portefeuille, il est nécessaire d’analyser de
manière plus précise la durée de l’arrêt, une information primordiale en prévoyance.
-
10
20
30
40
50
60
70
inf ou egale 30 30-40 40-50 50-60 sup 60
Durée moyenne (en jours) des arrêts par tranche d'âge et par sexe
F H
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 19
Focus sur la dispersion des données concernant la durée de l’arrêt par âge
Les données sont dispersées à partir de 300 jours d’arrêt : le périmètre concerne les franchises
courtes, les personnes en arrêt ont tendance à reprendre le travail rapidement, en moyenne
après 1 mois, les durées d’arrêt vont rarement au-delà de 10 mois. Les valeurs au-delà de 300
jours ne sont pas forcément représentatives du comportement de notre population.
L’analyse révèle deux tendances :
- Entre 20 et 30 ans : plus l’âge augmente et plus la probabilité de reprendre le travail
diminue, la durée des arrêts s’allonge.
- Entre 60 et 70 ans : plus l’âge augmente et plus la probabilité de rester en l’état
diminue, la personne passe plus rapidement dans l’état d’invalidité ou part à la
retraite, ou décède. Ce comportement est similaire à celui des tables du BCAC, en
effet à partir de 60 ans, la probabilité de passer en invalidité est plus importante
que les âges antérieurs, cette probabilité diminue avec l’ancienneté dans l’état
d’incapacité, qui est à combiner avec l’âge de départ à la retraite où les prestations
s’arrêtent.
Il est à préciser que l’assureur a l’obligation de maintenir ses engagements jusqu’au départ
effectif à la retraite de l’assuré et non jusqu’à l’âge légal de départ, ceci explique la présence
d’arrêts survenus entre 60 et 70 ans.
Les résultats statistiques ont révélé une population hétérogène par sexe concernant la durée
des arrêts : elle dépend de l’âge lors de la survenance du sinistre et semble dépendre
également de la durée de franchise. Ces spécificités devront être pris en compte dans notre
modélisation afin de représenter chaque sous population de notre portefeuille. Pour compléter
ces analyses, nous allons présenter ci-dessous des observations concernant les sorties
d’incapacité de notre portefeuille.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 20
1.3. Présentation des spécificités des durées des arrêts de travail du
portefeuille des « franchises courtes »
Nous avons vu qu’en moyenne la durée d’arrêt est de 35 jours sur notre portefeuille. Nous
allons nous concentrer sur une période de 30 jours pour analyser davantage le comportement
des assurés. Nos statistiques sont réalisées sur les arrêts clos uniquement.
Commençons par étudier le comportement journalier sur le 1er mois d’ancienneté pour détecter
d’éventuelles tendances de sorties d’incapacité.
Les personnes en arrêt reprennent le travail principalement dans les 30 premiers jours. Nous
observons une pente plus raide au début du graphe entre 3 et 11 jours : les sorties sont plus
concentrées dans les 11 premiers jours et ralentissent ensuite.
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
Cum
ul d
es s
ort
ies d
u p
ort
efe
uill
e
Jours d'ancienneté en incapacité
70% des personnes en arrêt sortent de l'état au bout de 30 jours
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 21
Les proportions des sorties des arrêts sont élevées à partir du 3eme jour d’ancienneté, ceci
s’explique par la constitution du portefeuille : la majorité des données ont une franchise de 3
jours, donc si les personnes en arrêts se manifestent, elles ont au moins 3 jours d’ancienneté,
les sorties commencent au bout des 3 jours. Les probabilités de sortie diminuent globalement
en fonction du temps mais pas de manière stricte.
Il est nécessaire d’établir la comparaison des sorties d’incapacité avec les tables
règlementaires pour vérifier si le portefeuille se comporte de la même manière et valider
l’adéquation de ces tables avec les calculs des provisions. La comparaison se fait uniquement
mensuellement.
0,0% 1,0% 2,0% 3,0% 4,0% 5,0% 6,0% 7,0% 8,0% 9,0%
1
3
5
7
9
11
13
15
17
19
21
23
25
27
29
Proportion des arrêts par rapport au portefeuille
Jo
urs
d'a
ncie
nn
eté
en
in
ca
pa
cité
8% des arrêts sont clos après 4 jours
0%
20%
40%
60%
80%
100%
0 5 10 15 20 25 30 35
Lo
i d
e s
ort
ie d
e l'in
ca
pic
ité
Mois d'ancienneté en incapacité
Comparaison du nombre de sorties d'incapacité cumulées du portefeuille et ceux des tables BCAC pour un age moyen de 41 ans
Portefeuilled'étude
BCAC 2013
BCAC 2010
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 22
Les sorties du portefeuille des franchises courtes sont plus rapides que celles des tables BCAC
pour le 1er mois d’ancienneté. Nous verrons par la suite que cela impacte directement les
calculs des provisions de maintien en incapacité : l’utilisation les tables règlementaires peut
conduire à une sous-estimation des sorties de notre portefeuille et par conséquent une
surestimation de la valeur des provisions.
Le principal écart sur les sorties d’incapacité se situe dans le 1er mois d’ancienneté, 58% des
arrêts de la table BCAC 2010 sont clos seulement contre 70% pour le portefeuille des
franchises courtes. Le comportement du portefeuille est ensuite quasi similaire à celui de la
table BCAC 2010. La table BCAC 2013 sous-estime bien plus les sorties le 1er mois que la
table BCAC 2010 et surestime plus les sorties dans tous les mois qui suivent.
Les sinistres des franchises courtes étant principalement de courte durée nécessitent plus de
gestion. Nous allons voir ci-après que cela peut avoir des conséquences sur la qualité des
données reçues pour évaluer les provisions au cours de l’année, notamment aux exercices
d’inventaire.
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Mo
is d
'an
cie
nn
eté
70% des personnes du portefeuille des franchises courtes sont sorties après 1 mois d'ancienneté
Portefeuilled'étude
BCAC 2013
BCAC 2010
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 23
1.4. Problématiques liées au portefeuille des « franchises courtes »
A la fin de chaque année voire à la fin de chaque trimestre, l’assureur établit l’inventaire de
son activité, cet exercice permet d’observer la pérennité du risque Prévoyance.
Pour l’exercice, nous sommes confrontés à la problématique de la gestion des données qui
est externalisée. Trimestriellement, nous récupérons les données des personnes en arrêt de
travail auprès des différents gestionnaires. Les données à disposition ne reflètent pas toujours
la réalité : les informations des personnes ayant repris le travail parviennent parfois
tardivement aux gestionnaires, les bases de données ne sont pas mises à jour à temps lors
de l’envoi des données à l’assureur. Provisionner toutes les personnes dans les listes
d’encours reçues a pour conséquence un sur-provisionnement, puisque certaines personnes
ont déjà repris le travail, et celui-ci est particulièrement accentué sur le périmètre des
franchises courtes. En effet, généralement, plus la franchise est courte et plus le nombre de
personnes en arrêt est important : l’information des différentes reprises rapides n’est pas
remontée en temps réel aux gestionnaires. Le périmètre des franchises courtes nécessite plus
de gestion. Précisons également qu’il est incertain de connaître tous les arrêts de travail
répertoriés dans la liste d’encours du fait de la forte fréquence des arrêts des franchises
courtes. Ces arrêts sont dits « tardifs » et sont pris en compte dans une provision appelée
« Provision pour Sinistres Inconnus » que nous ne modéliserons pas dans ce mémoire.
Le cycle de la mise à jour des données est représenté par le schéma ci-dessous :
Ce schéma illustre un exemple où une personne, M. X, figure dans la liste d’encours envoyée
chez l’assureur alors qu’elle a repris le travail.
Le caractère rapide des reprises du travail entraîne une réflexion sur les méthodes de
provisionnement. L’objet de ce mémoire est d’étudier les différentes méthodes de
provisionnement pour ce périmètre afin d’estimer au plus juste les provisions.
Dans ce mémoire, nous nous intéressons seulement à l’arrêt de travail, et plus
particulièrement au provisionnement de l’incapacité.
Gestionnaire envoie mails aux entreprises clientes pour mettre à
jour la liste des encours
Retour des cliens sur les listes d'encours
Mise à jour des données chez le gestionnaire
Gestionnaire envoie les données à Crédit Agricole
Déclaration de l'arrêt de M. X
M. X reprend le travail
M. X est présent dans la liste d'encours
M. X n'est pas enlevé dans la liste d'encours
M. X est présent dans la liste d'encours mais a déjà repris le travail
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 24
Chapitre 2 : Méthode de provisionnement du risque
arrêt de travail par les formules déterministes et les
tables du BCAC
Dans le cadre de contrats qu’il couvre, l’assureur a l’obligation de respecter ses engagements
vis-à-vis de l’assuré, c’est-à-dire à prendre en charge l’intégralité des prestations liées à des
sinistres Prévoyance. L’assureur doit être en mesure dès l’ouverture d’un sinistre de payer les
prestations correspondantes jusqu’à leur terme.
L’assureur a l’obligation, depuis 1996, d’évaluer ses engagements et de provisionner les
sinistres. Pour ce faire, les tables de maintien en incapacité sont indispensables. Il est
nécessaire que ces tables soient représentatives du portefeuille assuré afin que l’évaluation
du risque soit la plus juste. L’assureur doit utiliser des méthodes adaptées à la quantité et à la
profondeur de ses données, la première idée est naturellement d’utiliser les tables du BCAC.
Dans ce chapitre, une première approche de calcul utilisant les formules classiques
d’évalusation de provisions mathématiques sera présentée. Le calcul s’effectue sinistre par
sinistre, individu par individu.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 25
Section 1 : Description des différents états d’un assuré et des
différentes provisions mathématiques
Pour bien appréhender le calcul des provisions mathématiques pour l’arrêt de travail, il est
nécessaire de définir tout d’abord les liens qui existent entre les différents états d’un assuré et
les provisions.
2.1.1. Description des différents états d’un assuré
Un assuré peut passer par plusieurs états : valide, incapable, invalide, retraite, ou décès. Le
cycle de ces états ainsi que les provisions mathématiques associées sont représentés ci-
après.
Une personne en incapacité peut sortir de son état par :
- la reprise du travail ;
- son passage en invalidité ;
- son départ à la retraite ;
- son décès.
La sortie d’un état d’invalidité peut se faire par :
- son départ à la retraite ;
- son décès.
Nous considérons qu’un invalide ne peut retrouver son état de personne valide contrairement
à une personne en incapacité qui peut voir son état s’améliorer.
VALIDE
RETRAITÉ/DÉCÉDÉ
INCAPABLE INVALIDE
Provision pour maintien en incapacité
Provision pour maintien en
invalidité
Provision pour rentes en attente
Provision pour maintien de la garantie Décès
Provision pour maintien de la garantie Décès
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 26
2.1.2. Description des différentes provisions mathématiques
Les provisions mathématiques (PM) représentent la somme des flux de prestations futurs
probabilisés et actualisés, soit l’espérance des flux futurs de prestations actualisés. Ces PM
sont capitalisées par l’assureur pour assurer les paiements des prestations.
Les différentes PM de la garantie Arrêt de travail sont explicitées ci-dessous :
- PM Maintien en Incapacité : provisions permettant de couvrir les prestations futures
d’incapacité si l’assuré reste dans l’état d’incapacité.
- PM Invalidité en attente : provisions correspondant aux rentes d’invalidité susceptibles
d’intervenir ultérieurement si l’assuré entre en invalidité.
- PM Maintien en Invalidité : provisions correspondant aux prestations d’invalidité à
verser si l’assuré reste dans l’état d’invalidité.
- PM Maintien de la Garantie Décès ou PMGDC (suite à l’état d’incapacité, d’invalidité
en attente ou d’invalidité) : provisions correspondant aux prestations décès
susceptibles d’intervenir ultérieurement si l’assuré décède suite à son état d’incapacité
ou son état d’invalidité.
La somme des PM Maintien en Incapacité, PM Invalidité en attente, et PM MGDC constitue la
PM totale d’Incapacité. Elle tient compte des trois issues possibles suite à l’état d’incapacité.
La somme des PM Maintien en Invalidité et PM MGDC constitue la PM totale d’invalidité.
Les méthodes de calculs de ces provisions sont détaillées dans la section suivante.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 27
Section 2 : Calculs des provisions mathématiques
Pour le calcul des PM, l’assureur peut soit utiliser les tables règlementaires du Bureau
Commun des Assurances Collectives (BCAC) soit les tables d’expériences qu’il devra faire
certifier par un actuaire indépendant et agréé. Construire des tables d’expérience n’est pas un
exercice aisé, l’élaboration de tables dépend fortement de la qualité des données et du volume
de données. Lorsqu’il y a peu de données à disposition, naturellement les tables utilisées sont
les tables règlementaires du BCAC. Il est à préciser que ces dernières sont bidimensionnelles,
elles tiennent compte de l’âge de l’individu lors de l’arrêt et de l’ancienneté dans l’arrêt. Elles
ne prennent pas en compte d’autres variables explicatives telles que la CSP (qui reflète le
niveau de richesse de l’individu) ou le sexe qui sont susceptibles d’influencer sur la durée des
arrêts.
2.2.1. Description des tables règlementaires utilisées
Les tables utilisées sont les tables de maintien en incapacité, passage en invalidité et maintien
en invalidité du BCAC.
Détaillons comment se lisent les tables du BCAC, ci-dessous des exemples basés sur les
tables de 2010.
Loi de maintien en incapacité
Cette table indique pour chaque âge d’entrée en état d’incapacité (en ligne), le nombre de personnes restant dans cet état après y mois depuis l’arrêt de travail (colonne).
𝐿𝑥,𝑦𝐼𝑁𝐶
indique pour une population de 10 000 personnes d’âge x en arrêt de travail, le nombre
d’individus restant dans cet état à l’âge x au bout de y mois d’arrêt de travail.
Au bout de 36 mois, selon la Sécurité Sociale, il est considéré que l’assuré passe en invalidité.
Exemple : 𝐿27,3𝐼𝑁𝐶 = 1 540 c’est-à-dire 1 540 sur les 10 000 individus entrés en incapacité à 27
ans, sont toujours en état d’incapacité 3 mois après.
Mois d'ancienneté0 1 2 3 4 y 36
Age à l'arrêt de travail
23 ou - 10 000 2 842 1 743 1 144 838 … 15
24 10 000 2 931 1 848 1 215 894 … 14
25 10 000 3 080 2 001 1 345 997 … 16
26 10 000 3 177 2 112 1 461 1 087 … 23
27 10 000 3 251 2 180 1 540 1 156 LINC
27,y 28
x … … … … … LINC
x,y LINC
x,36
66 10 000 5 611 2 427 1 968 1 792 … 433
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 28
Loi de maintien en invalidité
Cette table indique pour chaque âge d’entrée en état d’invalidité (en ligne), le nombre de personnes restant dans cet état après y années (colonne).
Un assuré peut rester dans l’état d’invalidité jusqu’à l’âge de 62 ans au maximum, c’est-à-dire l’âge de départ autorisé à la retraite. La table est donc triangle supérieur gauche. Toutefois, la table peut être prolongée au-delà de 62 ans : en effet, l’assureur est engagé à indemniser l’assuré jusqu’à son départ effectif à la retraite et non jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite. Dans certains secteurs d’activités, les personnes souhaitent poursuivre leur activité professionnelle au-delà de 62 ans, c’est le cas notamment dans les métiers libéraux.
Loi de passage de l’incapacité à l’invalidité
Cette table indique pour chaque âge d’entrée en état d’incapacité (en ligne), le nombre de personnes en incapacité reconnus invalides par la Sécurité Sociale au cours du mois y (en colonne).
Cette table donne la loi pour un incapable d’entrer en invalidité, elle s’arrête donc avant l’âge légal de fin d’invalidité de 62 ans. Ce passage peut se faire durant toute la durée de l’incapacité, la table a 36 colonnes.
Années d'ancienneté
0 1 2 3 4 y 42
Age à l'entrée en invalidité
20 10 000 9 859 9 699 9 534 9 331 … 5 663
21 10 000 9 859 9 699 9 534 9 331 …
22 10 000 9 859 9 699 9 534 9 331 …
23 10 000 9 859 9 699 9 534 9 331 …
24 10 000 9 859 9 699 9 534 9 331 …
x … … … … …
LINV
x,y
si x+y <=62,
0 sinon
61 10 000 9 831
Mois d'ancienneté
0 1 2 3 4 y 35
Age à l'arrêt de travail
20 ou - 1 0 0 0 0 … 39
21 1 0 0 0 0 … 39
22 1 0 0 0 0 … 39
23 1 0 0 0 0 … 39
24 1 0 0 0 0 … 28
x … … … … …LINC_INV
x,y…
61 15 13 4 7 3 … 305
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 29
2.2.2. Taux d’actualisation utilisés
Le taux d’actualisation utilisé pour les calculs de PM Maintien en incapacité, de PM Maintien
en invalidité, et de PM Invalidité en attente est le taux non-vie en vigueur lors de la date du
calcul.
Le taux d’actualisation utilisé pour les calculs de PM MGDC est le taux vie en vigueur lors de
la date du calcul.
2.2.3. Formules de calculs tête par tête
Les PM se calculent pour des personnes déjà sinistrées.
Définissions dans un premier temps les probabilités nécessaires pour mettre en place le calcul
des différentes PM :
𝑃𝑟𝑜𝑏𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡é 𝑑𝑒 𝑚𝑎𝑖𝑛𝑡𝑖𝑒𝑛 𝑒𝑛 𝑖𝑛𝑐𝑎𝑝𝑎𝑐𝑖𝑡é 𝑎𝑢 𝑚𝑜𝑖𝑠 𝑘 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑘 > 𝑡 =𝐿𝑥,𝑘
𝐼𝑁𝐶
𝐿𝑥,𝑡𝐼𝑁𝐶
𝑃𝑟𝑜𝑏𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡é 𝑑𝑒 𝑚𝑎𝑖𝑛𝑡𝑖𝑒𝑛 𝑒𝑛 𝑖𝑛𝑣𝑎𝑙𝑖𝑑𝑖𝑡é 𝑎𝑢 𝑚𝑜𝑖𝑠 𝑘 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝑘 > 𝑡 =𝐿𝑥,𝑘
𝐼𝑁𝑉
𝐿𝑥,𝑡𝐼𝑁𝑉
𝑃𝑟𝑜𝑏𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡é 𝑑𝑒 𝑝𝑎𝑠𝑠𝑎𝑔𝑒 𝑒𝑛 𝑖𝑛𝑣𝑎𝑙𝑖𝑑𝑖𝑡é 𝑎𝑢 𝑚𝑜𝑖𝑠 𝑘 =𝐿𝑥,𝑘
𝐼𝑁𝐶_𝐼𝑁𝑉
𝐿𝑥,𝑘𝐼𝑁𝐶
Pour les calculs ci-après, nous utiliserons un taux d’actualisation 𝑖𝑎𝑛𝑛𝑢𝑒𝑙 constant.
Rappelons la formule de passage du taux annuel au taux mensuel :
𝑖𝑚𝑒𝑛𝑠𝑢𝑒𝑙 = (1 + 𝑖𝑎𝑛𝑛𝑢𝑒𝑙)1
12 − 1
Calcul de la PM Maintien en incapacité pour un individu d’âge x à la date t
𝑃𝑀𝑥,𝑡𝐼𝑁𝐶 = ∑
𝐿𝑥,𝑘𝐼𝑁𝐶
𝐿𝑥,𝑡𝐼𝑁𝐶 × (
1
1 + i)
𝑘−𝑡12
36
𝑘=𝑡+1
Calcul de la PM Maintien en invalidité pour un individu d’âge x à la date t
𝑃𝑀𝑥,𝑡𝐼𝑁𝑉 = ∑
𝐿𝑥,𝑘𝐼𝑁𝑉
𝐿𝑥,𝑡𝐼𝑁𝑉 × (
1
1 + i)
k−t62−𝑥
𝑘=𝑡+1
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 30
Calcul de la PM Invalidité en attente pour un individu d’âge x à la date t
𝑃𝑀𝑥,𝑡𝐼𝑁𝐶_𝐼𝑁𝑉 = ∑
𝐿𝑥,𝑘𝐼𝑁𝐶
𝐿𝑥,𝑡𝐼𝑁𝐶 × (
1
1 + i)
𝑘−𝑡12
×𝐿𝑥,𝑘
𝐼𝑁𝐶_𝐼𝑁𝑉
𝐿𝑥,𝑘𝐼𝑁𝐶
36
𝑘=𝑡+1
× 𝑃𝑀𝑥+
k12
,0
𝐼𝑁𝑉
C’est la probabilité d’être toujours en incapacité et de passer en invalidité, et pour laquelle
l’engagement associée est 𝑃𝑀𝑥+
k
12,0
𝐼𝑁𝑉 car 0 mois d’ancienneté en invalidité et pour l’âge x+k/12
ans.
Calcul de la PM MGDC
Cette provision est parfois appelée également Exonération Décès. Il s’agit de maintenir la
garantie décès lorsque l’individu est en incapacité ou en invalidité. L’évaluation de cette
provision pour un assuré se fait par les mêmes formules de maintien en incapacité ou invalidité
décrites précédemment en les multipliant par la probabilité de décès de l’individu. Les
probabilités de décès peuvent être calculées à l’aide de la table règlementaire TH 00-02.
Toutefois, le calcul de cette provision pour chaque individu nécessite de connaître les
informations sur son salaire ainsi que la garantie souscrite pour pouvoir évaluer son capital
décès.
Nous avons détaillé précédemment les formules de calculs et les tables règlementaires
utilisées afin de déterminer les provisions mathématiques en arrêt de travail à la maille fine,
c’est-à-dire individu par individu. Un assureur, quelque soit sa profondeur ou son volume de
données, s’il le souhaite, peut établir une provision tête par tête en appliquant les formules de
calculs sur les tables du BCAC. Cependant, les arrêts de travail ayant des durées différentes
selon les caractéristiques de la population, utiliser les tables du BCAC n’est pas toujours
approprié. L’assureur a alors la possibilité de construire une table d’expérience, en particulier
dans le cas des franchises courtes, une loi journalière semble être judicieux. En effet, nous
verrons par la suite que les provisions calculées à l’aide des tables du BCAC sont surestimées.
Nous nous concentrerons seulement sur la PM Maintien en Incapacité dans ce mémoire. Dans
le chapitre suivant, nous allons expliciter une méthode de construction de plusieurs lois
d’expérience journalières pour le maintien en incapacité avec un faible volume de données.
Ces lois d’expérience sont ensuite appliquées aux données pour estimer les provisions. Elles
seront ensuite comparées avec les provisions évaluées à partir des tables règlementaires ainsi
qu’avec la charge de prestations réellement versée.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 31
Chapitre 3 : Construction d’une loi de maintien en
incapacité à pas quotidien
La durée des arrêts de travail est variable et diffère selon les caractéristiques de la population.
Comme démontré précédemment dans le chapitre 1, les arrêts des franchises courtes ont
principalement des durées journalières, la table du BCAC étant mensuelle surestime
systématiquement le maintien en incapacité à la fin du 1er mois d’ancienneté. La construction
d’une table d’expérience à pas quotidien pour les faibles anciennetés semble alors judicieuse
et va être détaillée dans ce chapitre.
Section 1 : Construction d’une loi de référence des taux de
sorties d’incapacité
3.1.1. Idée de la modélisation
Nous avons à disposition des données d’une profondeur historique de 3 ans, entre le 1er janvier
2015 et le 31 octobre 2017. Ces données représentent 13 412 individus. Afin d’éviter tout biais
d’estimation avec la taille de notre échantillon, nous faisons le choix de ne pas segmenter la
population, ni par tranches d’âge ni par d’autres variables discriminantes. Nous optons pour
une construction d’une loi de référence globale avec un pas quotidien. Nous sommes
conscients qu’en considérant la population dans son ensemble pour modéliser, nous ne
tenons pas compte de l’hétérogénéité de la population. Nous capterons l’hétérogénéité à l’aide
d’un modèle de positionnement en introduisant un modèle à hasard proportionnel de type Cox
: nous estimerons des coefficients pour les variables discriminantes préalablement définies,
ces coefficients impacteront la loi de référence modélisée.
Ne connaissant pas à priori l’allure de la loi que nous allons modéliser, nous optons pour un
modèle non paramétrique pour estimer les taux bruts de sortie de l’état d’incapacité. L’une des
méthodes les plus connues est la méthode de Kaplan-Meier.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 32
3.1.2. Définition des données censurées
Avant de présenter l’estimateur de Kaplan-Meier, nous aurons besoin de définir quelques
notions nécessaires à la mise en place d’un tel estimateur. En effet, la variable d’intérêt étant
une duration : le temps jusqu’à la survenance de l’événement d’intérêt, dans notre cas cela
correspond à la sortie de l’incapacité ; la réalisation de cette dernière n’est pas toujours
observée. On parle alors de données incomplètes ou censurées. Il est alors primordial de
définir la censure d’une donnée, information nécessaire pour la suite des calculs.
Dans notre échantillon, la majorité des données concernant l’ancienneté dans l’état
d’incapacité est observable entièrement sur la période d’étude. Afin de ne pas perdre de
l’information, il est important de prendre en compte les données dont la durée en incapacité
n’est pas complètement connue. On dit alors que ces données sont censurées. Il existe deux
types de censures :
- La censure à droite est appliquée lorsque les assurés sont encore en incapacité à la
fin de la période d’observation, c’est-à-dire lorsque la sortie de l’état sera observée
après la période concernée, la durée réelle d’incapacité est supérieure à celle observée
durant la période d’étude. Ces données ne peuvent pas être considérées comme
intégralement observées sinon le modèle sera biaisé : les taux de sortie seront
surestimés. Dans nos données, les censures à droite concernent les dossiers en cours
et représente 11% du portefeuille.
- La censure à gauche est appliquée lorsque l’évènement à observer se produit avant la
période d’étude, c’est-à-dire les arrêts ayant débuté avant la période d’observation.
Les arrêts composant notre échantillon ne commencent qu’à partir du 1er janvier 2015,
il n’y a donc pas de censure à gauche.
Précisons que la sortie d’Incapacité concerne la reprise du travail, le passage en invalidité, le
décès et le départ à la retraite. Nous avons fait le choix de laisser en dossier clos les personnes
partant à la retraite sachant qu’elle peut toujours être en incapacité car les prestations en
incapacité s’arrêtent dès lors qu’une personne part à la retraite.
3.1.3. Description de l’estimateur de Kaplan-Meier et analyse des
taux de sortie d’incapacité obtenus
Le principe de cette méthode est d’estimer à chaque pas, dans notre cas à chaque jour
d’indemnisation, la fonction de survie, c’est-à-dire le maintien en incapacité. Une sortie de
l’état d’incapacité peut être de plusieurs raisons : reprise de l’activité professionnelle, passage
en invalidité ou décès. Dans notre portefeuille, la sortie la plus fréquente est la reprise d’activité
professionnelle, l’assuré redevient valide.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 33
L’estimateur de survie après t jours d’ancienneté, autrement dit l’estimateur de maintien en
incapacité, de Kaplan-Meier est défini comme suit :
𝑆𝑡 = ∏ (1 −𝑑𝑖
𝑛𝑖)
𝑡
𝑖=1
Où t représente le jour d’indemnisation jusqu’où les taux de sorties sont calculés
𝑑𝑖 représente le nombre de personnes sorties de l’état d’incapacité au jour
d’indemnisation i
𝑛𝑖 représente le nombre de personnes en incapacité à la date i
Le rapport (𝑑𝑖
𝑛𝑖) représente le taux de sortie de l’état d’incapacité entre i et i+1 jour d’ancienneté
sachant que l’individu était en incapacité au i ème jour.
Le terme (1 −𝑑𝑖
𝑛𝑖) modélise alors le taux de survie, c’est-à-dire le taux de maintien en
incapacité entre i et i+1 jour d’ancienneté sachant que l’individu était en incapacité au i ème
jour.
La fonction de survie après t jour d’ancienneté est naturellement le produit des taux de
maintien en incapacité après chaque jour d’indemnisation i, i allant de 1 à t.
Ainsi, l’estimateur du taux de sortie après t jours d’ancienneté s’obtient de la manière suivante :
𝑄𝑡 = 1 − 𝑆𝑡 = 1 − ∏ (1 −𝑑𝑖
𝑛𝑖)
𝑡
𝑖=1
Lors d’une modélisation, il convient d’évaluer la fiabilité des résultats obtenus. Pour ce faire,
nous allons analyser l’intervalle de confiance à 95% des taux de sortie qui nous indiquera le
niveau de précision des résultats. La construction de l’intervalle de confiance est basée sur la
variance de l’estimateur de Kaplan Meier. Plusieurs estimateurs existent pour approcher la
variance, l’un des plus connus est l’estimateur de Greenwood :
𝑉𝑎𝑟(𝑄𝑡) = 𝑉𝑎𝑟(𝑆𝑡) = 𝑆𝑡2 ∑
𝑑𝑖
𝑛𝑖(𝑛𝑖 − 𝑑𝑖)
𝑡
𝑖=1
La modélisation ponctuelle des taux bruts de sortie par la méthode de Kaplan Meier a été faite
sur le logiciel R avec le package survival et la fonction survft. Celle-ci indique également les
intervalles de confiance à 95%. Les résultats issus du modèle de Kaplan Meier sont présentés
ci-après.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 34
Seuls les résultats des taux de sortie sur 300 jours sont conservés. Etant donné la faible
volumétrie des arrêts de plus de 300 jours d’ancienneté, les résultats modélisés sont peu
fiables et ne sont pas conservés.
Nous observons une tendance décroissante des taux de sortie en fonction des jours
d’ancienneté, ce phénomène est conforme à celui observé sur les tables du BCAC : plus une
personne reste dans l’état d’incapacité et plus la probabilité qu’elle continue de rester dans
l’état d’incapacité augmente. Ce phénomène peut s’expliquer par la dégradation de la santé
due à l’évolution pathologique au cours du temps.
Les taux de sortie peuvent commencer à 1 jour d’ancienneté car notre périmètre d’étude
concerne les contrats dont les franchises vont de 0 à 10 jours. L’ancienneté est calculée à
partir de la date du dernier jour indemnisé et de la date d’arrêt.
La tendance de la courbe étant validée, la précision des résultats s’apprécie à l’aide d’un
intervalle de confiance.
0
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,06
0,07
0,08
1 9
17
25
33
41
49
57
65
73
81
89
97
105
113
121
129
137
145
153
161
169
177
185
193
201
209
217
225
233
241
249
257
265
273
281
289
297
Ta
ux b
ruts
de
so
rtie
d'in
ca
pa
cité
Ancienneté en jour
Pic du taux de sortie à 4 jours d'ancienneté
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 35
Les résultats semblent être volatils pour les anciennetés inférieures 3 jours. L’intervalle de
confiance a une largeur de 0.5% au 2eme jour d’ancienneté puis redescend à 0.1%. Comme
les contrats ayant des franchises inférieures à 3 jours sont rares, nous avons peu de données,
ce qui explique la volatilité des résultats obtenus dans les 1ers jours d’ancienneté. La taille de
l’intervalle augmente légèrement au fil du temps. Ceci peut s’expliquer par le peu de volume
de données que comporte l’échantillon pour les anciennetés élevées : le périmètre d’étude
concerne des assurés qui reprennent rapidement leur activité professionnelle. Globalement,
la taille de l’intervalle de confiance est d’environ 0,12%, le modèle est considéré fiable.
Maintenant, il peut être intéressant de comparer les taux de sortie estimés par la méthode de
Kaplan Meier avec les estimateurs actuariels qui sont plus simples à mettre en œuvre.
0,00%
0,10%
0,20%
0,30%
0,40%
0,50%
0,60%
0,70%
1 9
17
25
33
41
49
57
65
73
81
89
97
105
113
121
129
137
145
153
161
169
177
185
193
201
209
217
225
233
241
249
257
265
273
281
289
297
Ancienneté en jours
Taille de l'intervalle de confiance à 95% des taux de sortie
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 36
La courbe modélisée par la méthode de Kaplan Meier est très proche de la courbe issue des
estimateurs actuariels. Cependant, par prudence dans le cadre de provisionnements, nous
choisissons de poursuivre notre étude avec les taux de sortie du modèle de Kaplan Meier, les
taux de sortie actuariels surestiment légèrement des taux de Kaplan Meier sur l’ensemble des
anciennetés. L’analyse de l’intervalle de confiance de Kaplan Meier à 95% confirme que les
taux actuariels se situent en dehors de l’intervalle.
Les taux actuariels se situent au-delà de l’intervalle de confiance à 95%.
0
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,06
0,07
0,081 9
17
25
33
41
49
57
65
73
81
89
97
105
113
121
129
137
145
153
161
169
177
185
193
201
209
217
225
233
241
249
257
265
273
281
289
297T
au
x b
ruts
de
so
rtie
d'in
ca
pa
cité
Ancienneté en jour
Comparaison des taux de sortie de Kaplan Meier avec les estimateurs actuariels
Taux brutssortie KaplanMeier
Taux sortieactuariels
0,00%
1,00%
2,00%
3,00%
4,00%
5,00%
6,00%
7,00%
8,00%
9,00%
1 91
72
53
34
14
95
76
57
38
18
99
71
05
113
121
129
137
145
153
161
169
177
185
193
201
209
217
225
233
241
249
257
265
273
281
289
297
Taux d
e s
ort
ie
Les taux actuariels restent supérieurs à la borne supérieure de l'IC à 95%
Taux sortie maxIC 95% KM
Taux sortieactuariels
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 37
Analysons maintenant de plus près le comportement des 30 premiers jours.
Le pic de probabilité de sortie est à 4 jours d’ancienneté, ce qui est conforme aux données
sources, puis les taux de sortie chutent fortement jusqu’au 30eme jour. Cette précision est
observable uniquement grâce à un pas quotidien, elle n’est pas observable sur les tables du
BCAC dont les pas sont mensuels.
Nous remarquons que la courbe des taux bruts obtenue présente des variations irrégulières
autour d’une tendance décroissante, d’autant plus que la modélisation est avec un pas
journalier. Ces irrégularités résultent des caractéristiques et des imperfections de notre
échantillon liées au faible volume des données et induisent une volatilité dans les valeurs
estimées. La courbe obtenue ne reflète pas de manière fidèle la loi que l’on souhaite modéliser.
Un lissage des taux bruts est nécessaire.
Section 2 : Lissage de la loi de référence des taux de sorties
d’incapacité
Nous allons dans cette partie lisser la courbe des taux de sortie que nous venons d’obtenir
pour rendre les taux modélisés plus réguliers. Ne connaissant pas à priori de loi théorique qui
pourrait être adaptée aux taux, nous optons pour un modèle de lissage non-paramétrique.
Contrairement à un lissage paramétrique, le lissage non paramétrique va ajuster la courbe
sans avoir une loi prédéfinie à laquelle s’adapter. Parmi les méthodes non paramétriques, celle
de Whittaker-Henderson est une des plus connues. Elle présente l’avantage de pouvoir
modifier facilement des paramètres de régularité et de fidélité afin de s’adapter au mieux aux
données brutes. Nous utiliserons ainsi cette méthode.
0
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,06
0,07
0,08
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30
Ta
ux b
ruts
de
so
rtie
d'in
ca
pa
cité
Ancienneté en jour
Zoom sur les 30 premiers jours d'ancienneté
Taux brutssortieKaplanMeier
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 38
3.2.1. Description du lissage par la méthode de Whittaker-
Henderson et application
Avant de présenter le modèle, définissions d’abord les deux critères principaux sur lesquels
repose le lissage : la fidélité, appelée également précision, et la régularité.
- A l’issu du lissage, les taux obtenus doivent être proches des taux originaux, ceci est
contrôlé par le critère de fidélité.
- La courbe des taux ajustés doit être la plus lisse possible, ceci est contrôlé par le critère
de régularité.
Le principe du modèle de Whittaker-Henderson est de combiner linéairement la régularité et
la fidélité de façon à minimiser la somme de ces deux critères afin d’obtenir le meilleur
compromis « fidélité/régularité » pour le lissage. Le critère de régularité peut être plus ou moins
privilégié par rapport au critère de fidélité grâce à un paramètre de poids. Soit :
𝑀𝑖𝑛 𝑀 = 𝐹 + ℎ 𝑅
Où F est la mesure de fidélité
R est la mesure de régularité
h est le paramètre poids
Remarquons que si le paramètre h est nul, M = F, le lissage est alors nul. En effet, les taux qui
sont les plus fidèles aux taux bruts sont les taux bruts eux-mêmes.
Définissions le critère de fidélité :
𝐹 = ∑ 𝑤𝑖 × (𝑣𝑖 − 𝑢𝑖 )2
𝑛
𝑖=1
Où n représente la plage des jours d’indemnisation sur laquelle le lissage des taux bruts
est effectué
i représente l’indice des taux bruts
𝑣𝑖 représente le taux brut
𝑢𝑖 représente le taux lissé
𝑤𝑖 représente le facteur poids
Le choix des pondérations se fait usuellement de deux façons :
- attribuer un poids équivalent de 1 à chaque jour d’indemnisation ;
- définir le poids en fonction des effectifs sortis à chaque jour d’indemnisation, c’est à
dire l’effectif sorti au jour d’indemnisation i rapporté à l’effectif de l’ensemble des jours
d’indemnisation. La seconde méthode permet de corriger les effets des effectifs sur la série des taux bruts aux
différents jours d’indemnisation.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 39
Quant au critère de régularité, il se définit comme suit :
𝑆 = ∑(𝐷z𝑣𝑖 )2
𝑛−𝑧
𝑖=1
Où 𝐷𝑉𝑖 représente la différence des taux bruts,
𝐷𝑉𝑖 = 𝑣𝑖+1 − 𝑣𝑖
𝐷2𝑉𝑖 = 𝐷(𝐷𝑉𝑖) = 𝐷(𝑣𝑖+1 − 𝑣𝑖 ) = (𝑣𝑖+2 − 𝑣𝑖+1 ) − (𝑣𝑖+1 − 𝑣𝑖 )
𝐷z𝑉𝑖 est 𝐷𝑉𝑖composé z fois. Le paramètre z du modèle permet de contrôler la régularité du lissage.
Le lissage a été effectué sur R à l’aide des codes de Lissage mis à disposition sur le site de
Ressources-Actuarielles, Ressources R pour les modèles de durée. Les courbes lissées
obtenues sont présentées ci-après.
- Sans le vecteur de poids des effectifs, les coefficients Wi sont tous égaux à 1 : tous
les écarts entre les taux bruts issus du modèle de Kaplan Meier et taux lissés ont la
même pondération, c’est-à-dire 1.
Dans le graphe ci-dessus, le facteur h représente la régularité et z la fidélité.
La principale différence entre les courbes lissées se situe dans les 1ers jours d’ancienneté au
niveau du pic de sortie. En effet, on constate que plus le critère fidélité est élevé, courbe verte,
et plus la courbe se rapproche du pic de la courbe brute, au détriment de la régularité de la
courbe sur le reste des anciennetés. La courbe violette sous-estime trop la probabilité de sortie
au niveau du pic, nous n’allons pas retenir cette courbe. La courbe orange semble être un bon
ajustement.
0
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,06
0,07
0,08
1 9
17
25
33
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49
57
65
73
81
89
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105
113
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161
169
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185
193
201
209
217
225
233
241
249
257
265
273
281
289
297
Comparaison des différents lissages sans le vecteur de poids
TX lissés, h30, z4 Taux bruts sortie TX lissés, h100, z2 TX lissés, h100, z3
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 40
- Avec le vecteur de poids des effectifs : les écarts entre les taux bruts et taux lissés
sont pondérés par l’exposition des effectifs.
En ajoutant l’exposition des effectifs, nous pouvons augmenter le critère fidélité par rapport au
lissage sans la matrice de poids : le début de la courbe est mieux ajusté. La courbe est plus
lisse même en diminuant le facteur régularité. La courbe orange semble être un bon
ajustement.
Visuellement, il n’y a pas de différences flagrantes entre un lissage sans matrice de poids ou
avec. Nous allons appliquer des tests statistiques afin de déterminer la courbe lissée finale
pour la suite de l’étude.
0
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,06
0,07
0,08
1 9
17
25
33
41
49
57
65
73
81
89
97
105
113
121
129
137
145
153
161
169
177
185
193
201
209
217
225
233
241
249
257
265
273
281
289
297
Comparaisons des différents lissages avec le vecteur de poids
Tx lissés, Poids Effectifs, z=2, h=1 Taux bruts sortie
Tx lissés, Poids Effectifs, z=10, h=4 Tx lissés, PoidsEffectifs z=4 h=10
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3.2.2. Description des tests d’adéquation de l’ajustement et
validation du lissage
Afin de valider les taux lissés précédemment, nous allons mettre en place des tests afin de
s’assurer que les taux lissés ne soient pas trop éloignés des taux bruts. Nous évaluerons ces
tests tout en respectant les principes de prudence pour le provisionnement.
Le critère SMR (Standardized Mortality Ratio)
Le SMR est défini comme le rapport du nombre d’incapacités sortis de l’état prédits par la
courbe des taux lissés et la courbe brute initiale. Ce ratio permet d’évaluer si le comportement
de la courbe lissée est proche de la courbe brute : si le ratio vaut 1, la courbe lisse est
parfaitement identique à la courbe brute.
𝑆𝑀𝑅 =∑ 𝑄𝑖 𝑁𝑖
𝑛𝑖
∑ �̂�𝑖 𝑁𝑖 𝑛𝑖
Où 𝑄𝑖 représente la probabilité brute à la date i de sortir de l’état d’incapacité
�̂�𝑖 représente la probabilité ajustée la date i de sortir de l’état d’incapacité
𝑁𝑖 représente le nombre de personnes en incapacité à la date i
Les résultats obtenus pour les 6 graphes présentés précédemment sont dans le tableau
suivant :
Ratios SMR
Tx lissés, h=30, z=4
Tx lissés, h=100, z=3
Tx lissés, h=100, z=2
Tx lissés, Poids
Effectifs, z=4, h=10
Tx lissés, Poids
Effectifs, z=10, h=4
Tx lissés, Poids
Effectifs, z=2, h=1
1,0009 1,0027 1,0026 0,9319 0,9806 1,0010
Lorsque le ratio SMR > 1, il y a plus de personnes qui sortent de l’incapacité avec les taux
bruts que les taux lissés : les taux lissés sous-estiment les probabilités de sorties, donc
surestiment le taux de maintien en incapacité. Les provisions seront surestimées.
Lorsque le ratio SMR < 1, les taux ajustés surestiment les probabilités de sorties de
l’incapacité, les provisions en incapacité seront sous-estimées.
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 42
Nous choisissons les cas où le ratio SMR est supérieur à 1 par principe de prudence. Les
ratios les plus proches de 1 correspondent aux courbes dont le facteur de fidélité était élevé
et la régularité basse. Le ratio à 1,0027 confirme notre choix visuel du la courbe orange sans
la matrice de poids.
Le test du Khi-2
Le test du Khi-2 est un test mesurant les distances au carré entre la courbe lissée et la courbe
originale à chaque pas de temps. Nous pouvons accepter l’hypothèse que la courbe lissée est
adéquate à la courbe originale si la distance entre les deux courbes est petite.
Soient deux hypothèses H0 et H1 :
H0 : La courbe lissée est adéquate
H1 : La courbe lissée n’est pas adéquate
Principe : si la distance D est inférieure à un seuil critique C, on accepte l’hypothèse H0. On
peut rejeter à tort H0 : rejeter H0 alors que la courbe lissée est adéquate. La probabilité de se
tromper est définie par P (D > C) = α. Usuellement, on fixe α à 5% ou 1%, et cette valeur va
définir le seuil C en connaissant la loi de D. Le seuil C est le quantile de la loi de D à 1-α%.
Nous choisissons ici la statistique du Khi-2 définie par :
ꭕ² = ∑ 𝑁𝑖 (𝑄𝑖 − �̂�𝑖 )²
�̂�𝑖 (1 − �̂�𝑖 )
𝑛
𝑖
Où 𝑄𝑖 représente la probabilité brute à la date i de sortir de l’état d’incapacité
�̂�𝑖 représente la probabilité ajustée la date i de sortir de l’état d’incapacité
𝑁𝑖 représente le nombre de personnes en incapacité à la date i
Nous fixons le risque d’erreur à 5%. Notre statistique suit une loi du Khi-2 à n-1 degrés de
liberté.
Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau ci-dessous :
Test du Khi-2, seuil 5%, quantile du Khi-2 = 340, n=300
Tx lissés, h=30, z=4
Tx lissés, h=100, z=3
Tx lissés, h=100, z=2
Tx lissés, Poids
Effectifs, z=4, h=10
Tx lissés, Poids
Effectifs, z=10, h=4
Tx lissés, Poids
Effectifs, z=2, h=1
455,3855 830,5169 1489,4900 1246,2149 524,3470 244,4836
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 43
En prenant tous les pas de temps des courbes, il n’y a qu’une courbe dont nous pouvons
accepter l’hypothèse H0 : la courbe dont la statistique est inférieure au quantile de la loi du
Khi-2, dans notre cas le quantile est de 340.
Ces résultats étaient prévisibles car sur la période entre 1 et 4 jours d’ancienneté et seulement
sur cette période, des écarts importants sont observables entre la courbe lissée et la courbe
brute, d’autant plus que les écarts sont élevés au carré dans la statistique du Khi-2. C’est une
période sur laquelle les résultats sont très volatils.
En ne considérant que les taux à partir du 5eme jour, nous obtenons les résultats suivants :
Test du Khi-2, seuil 5%, quantile du Khi-2 = 336, n= 300-4
Tx lissés, h=30, z=4
Tx lissés, h=100, z=3
Tx lissés, h=100, z=2
Tx lissés, Poids
Effectifs, z=4, h=10
Tx lissés, Poids
Effectifs, z=10, h=4
Tx lissés, Poids
Effectifs, z=2, h=1
260,7125 301,2460 370,9745 321,4338 285,7509 179,2867
Les tests nous confirment que quasiment toutes les courbes sont alors acceptables.
En combinant les critères graphiques et statistiques, nous allons garder la courbe lissée sans
la matrice de poids et les paramètres z=3 et h=100.
Les différentes courbes sont récapitulées dans le graphe si dessous.
Enfin, pour valider l’adéquation du modèle au portefeuille, nous allons estimer avec la loi
d’expérience le nombre de sorties d’incapacité sur le portefeuille et nous allons le comparer
avec le nombre observé. Par souci de lisibilité, nous l’effectuons sur une durée de 90 jours
seulement.
0
0,01
0,02
0,03
0,04
0,05
0,06
0,07
0,08
1
10
19
28
37
46
55
64
73
82
91
10
0
10
9
11
8
12
7
13
6
14
5
15
4
16
3
17
2
18
1
19
0
19
9
20
8
21
7
22
6
23
5
24
4
25
3
26
2
27
1
28
0
28
9
29
8
Récapitulatif des courbes des taux de sortie d'incapacité
Taux bruts sortie TX lissés, h100, z3
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 44
Ce graphique permet de confirmer l’adéquation de la loi d’expérience au portefeuille.
Néanmoins, cette loi ne tient compte que de l’ancienneté en incapacité pour ses estimations,
nous allons voir dans la suite comment intégrer les spécificités du portefeuille dans cette
courbe et vérifier si la loi obtenue est toujours adéquate.
Section 3 : Intégration de l’hétérogénéité du portefeuille dans la
courbe de référence
Nous avons modélisé les taux de sorties de l’état d’incapacité selon des pas journaliers, sans
tenir compte de la variable âge des individus afin d’avoir un échantillon exhaustif pour notre
estimation. Nous observons dans la réalité que la durée d’indemnisation dépend de l’âge de
l’individu lors du sinistre. Dans cette partie, nous allons modéliser l’hétérogénéité de la
population grâce à un modèle de positionnement, l’un des plus connus est le modèle de Cox,
c’est ce modèle que nous allons utiliser.
3.3.1. Présentation du modèle de positionnement de Cox
Le modèle de positionnement de Cox permet à partir du modèle de base des taux de sorties
à pas journaliers de créer des modèles adaptés à des sous-groupes de la population initiale,
en particulier des sous-groupes par âge, par durée de franchise, etc.
C’est un modèle dit semi-paramétrique à hasard proportionnel. Cette méthode repose sur la
détermination de coefficients pour chacune des variables explicatives qui vont impacter de
manière proportionnelle la fonction de hasard de base déjà estimée, dans notre cas c’est la
courbe des taux de sorties de l’état d’incapacité.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1000
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
No
mb
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pa
cité
Ancienneté en jours
Prédictions vs Observations
Nb sortiesprédites
Nb sortiesobservées
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 45
Le modèle de Cox se définit comme suit :
ℎ(𝑡|𝑍, 𝛽) = ℎ0(𝑡) exp (∑ 𝛽𝑖𝑍𝑖
𝑝
𝑖=1
)
ou de manière équivalente :
ln( ℎ(𝑡|𝑍, 𝛽) ) = ln(ℎ0(𝑡)) + ∑ 𝛽𝑖𝑍𝑖
𝑝
𝑖=1
Où Z est le vecteur de p variables explicatives 𝛽 est le vecteur des coefficients associés aux variables explicatives
ℎ0 est la fonction de hasard de base qui correspond à notre courbe de taux de sorties calculée précédemment
Nous reconnaissons un modèle de régression linéaire sous l’écriture du logarithme.
Le modèle de Cox repose sur l’hypothèse de hasard proportionnel qu’il faudra vérifier après
les calculs des coefficients, c’est-à-dire la proportionnalité des taux de sorties selon les
différents segments de population. Soient i et k deux individus appartenant à deux segments
différents, Zi et Zk les vecteurs des variables explicatives correspondant respectivement aux
individus i et k, les fonctions de hasard des individus i et k doivent être proportionnelles, leur
rapport ne varie pas au cours du temps :
ℎ(𝑡|𝑍 = 𝑍𝑖 , 𝛽)
ℎ(𝑡|𝑍 = 𝑍𝑘 , 𝛽)= exp (∑ 𝛽𝑗(𝑍𝑖𝑗
𝑝
𝑗=1
− 𝑍𝑘𝑗))
Nous procéderons à la vérification de l’hypothèse par une approche graphique se basant sur
les résidus du modèle, appelés résidus de Schoenfeld. Il faudra vérifier que les courbes des
résidus aient la même allure et présentent une absence de tendance temporelle.
L’estimation des coefficients se fait par la méthode du maximum de vraisemblance sous le
logiciel R, avec le package survival et la fonction coxph.
Les résidus sont calculés par le logiciel R avec le package survival et la fonction cox.zph.
Avant d’appliquer le modèle de Cox, afin de mieux comprendre l’influence des différentes
variables explicatives sur notre fonction de risque, analysons d’abord les différentes variables
explicatives à disposition.
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 46
3.3.2. Analyse qualitative des variables explicatives à disposition
Les variables discriminantes doivent être choisies de façon à capter au mieux la variabilité de
l’engagement à modéliser. Nous nous intéressons ici qu’aux variables explicatives
observables. Il existe des variables inobservables telles que l’arbitrage et le comportement de
l’assuré face à sa santé, nous ne les modéliserons pas dans ce mémoire. En effet, le
comportement des assurés est difficilement quantifiable : va-t-il aller chez le médecin lorsqu’il
est malade, prend-il correctement son traitement, prend-il soin de sa santé ? Nous pouvons
citer comme autre exemple l’appréciation subjective de l’assuré de son environnement
professionnel : l’atmosphère au travail, l’angoisse suite à une restructuration de l’entreprise, le
manque de satisfaction et d’épanouissement professionnel. Ces interrogations ont un impact
direct sur la fréquence et la durée des arrêts.
Etudions de plus près les variables explicatives à disposition dans notre échantillon.
Variable salaire
Le salaire a été privilégié pour la modélisation par rapport à la catégorie socio-professionnelle
(CSP) car il nous semble plus intéressant d’analyser le comportement selon le niveau de
richesse. Le salaire est un facteur qui impacte évidemment la durée de l’arrêt, plusieurs raisons
peuvent l’expliquer :
- Un salaire élevé permet un accès à plus de soins ce qui peut accélérer la guérison de
la pathologie.
- Il existe une corrélation entre le salaire et la CSP, un salaire élevé peut être
éventuellement associé à une catégorie Cadre avec souvent un lieu de travail
confortable, avec peu de risque d’accident, qui permettrait une reprise du travail plus
rapide.
Variable cause de l’arrêt
Instinctivement, un arrêt causé par une hospitalisation est plus grave et va durer plus
longtemps qu’un arrêt causé par une maladie.
Variable sexe
La durée de l’arrêt semble être différente selon le sexe d’après nos analyses descriptives. Il
est à noter que dans notre échantillon, la répartition démographique est totalement corrélée
au secteur d’activité où 80% des effectifs sont des femmes.
Variable âge
Comme nous l’avons vu précédemment dans nos analyses statistiques, la durée de l’arrêt
dépend de l’âge à l’arrêt. La faculté de récupérer et la vitesse de guérison ne sont pas les
mêmes selon l’âge.
Pour la modélisation, nous avons créé une variable qualitative Tranche d’âge avec un nombre
d’observations similaire dans chaque tranche.
Variable durée de franchise
La durée de la franchise peut capter des informations non observables telles que le climat
social de l’entreprise et l’ambiance de travail qui peuvent impacter la durée de l’arrêt de travail.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 47
En effet, les entreprises ont souvent tendance à souscrire des contrats avec des franchises
courtes lorsqu’il y a un fort taux d’absentéisme.
Toutes ces variables explicatives seront utilisées dans le modèle de Cox et seront
sélectionnées par des tests statistiques que nous allons détailler dans la partie qui suit.
3.3.3. Description des tests de validation du modèle
Test de significativité des coefficients
Ce test permet de valider l’intérêt des variables explicatives dans le modèle et de savoir si
nous gardons les variables dans le modèle. Les hypothèses du test peuvent être définies de
la manière suivante pour une variable explicative j :
H0 : 𝛽𝑗 = 0
H1 : 𝛽𝑗 ≠ 0
La statistique de test de Wald est utilisée :
𝑊𝑗 =√𝑛𝛽𝑗
√𝑉𝑎𝑟(𝛽𝑗)
Sous H0, la statistique de Wald suit la loi Normale N(0,1).
L’hypothèse H0 est rejetée si la p-value est inférieure à un seuil α, ce seuil est usuellement
fixé à 5%.
Test de nullité globale des coefficients
Ce test permet de valider l’existence du modèle c’est-à-dire qu’il existe au moins une variable
explicative dans le modèle. L’hypothèse nulle est définie par :
H0 : 𝛽1 = 𝛽2 = ⋯ = 𝛽𝑗 = 0
Dans le logiciel R, trois tests sont effectués : le test de Wald, le test de Score et le rapport de
maximum de vraisemblance.
Test de l’hypothèse de proportionnalité
Ce test permet de valider l’hypothèse fondamentale du modèle de Cox qui est la
proportionnalité des fonctions de risques des différents individus au cours du temps, autrement
dit, les taux de sorties selon les différents segments de population sont proportionnels. Il existe
de nombreux tests permettant de vérifier cette hypothèse dont la représentation graphique des
résidus du modèle. Le graphe des résidus est tracé en fonction de l’ancienneté et ne doivent
pas s’éloigner de l’horizontale pour que l’hypothèse soit validée.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 48
3.3.4. Application du modèle de Cox aux données et analyses des
résultats
Dans cette partie, nous allons impacter la loi de référence avec plusieurs variables
discriminantes dont nous exposerons d’abord les motivations des choix effectués. Puis nous
détaillerons les résultats des différents modèles ainsi que leurs tests de validation.
3.3.4.1. Choix des variables pertinentes et explications
Nous commençons par appliquer le modèle de Cox sur toutes les variables explicatives afin
de déterminer quelles sont les variables les plus pertinentes. Les résultats issus du logiciel R
sont exposés ci-dessous.
Les modalités de la variable salaire ont tous des p-value supérieurs à 5%, H0 n’est pas rejetée,
la variable n’est donc pas significative. Nous l’enlevons du modèle.
Le test de nullité globale nous permet de rejeter H0, les p-value issues des trois tests sont
inférieurs à 5% : il existe au moins une variable explicative influant sur le taux de sortie de
l’état d’incapacité.
Les intervalles de confiance à 95% sont également présentés ci-dessous.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 49
Analysons maintenant les différents impacts des variables sur la loi de référence.
Variable Tranche âge
Nous remarquons que plus l’âge augmente et plus le coefficient diminue, ceci est cohérent
avec le comportement des sinistrés : plus une personne est âgée et plus la probabilité qu’elle
reste en incapacité est grande, inversement, plus une personne est jeune et plus la probabilité
qu’elle sorte de l’incapacité est grande. La Tranche d’âge inférieure ou égale à 30 ans a une
p-value supérieure à 5%, néanmoins la taille de l’intervalle de confiance assure la fiabilité du
coefficient obtenu. Nous gardons la variable Tranche âge.
Variable Tranche salaire
Plus le salaire est grand et plus le coefficient diminue, ce phénomène peut s’expliquer par la
corrélation entre le niveau de salaire et l’âge, et indirectement l’âge et la probabilité de sortie
de l’incapacité : une personne âgée peut avoir un salaire plus élevée qu’une personne jeune
par son gain d’expérience, en considérant que la seule variable qui joue sur le salaire est
l’expérience. Cette hypothèse est cohérente, due à la construction de notre portefeuille, toutes
les personnes travaillent dans le même secteur d’activité. Par contre, l’intervalle de confiance
de la variable salaire est trop grand, ceci conforte l’idée de la non-significativité de cette
variable, nous ne l’exploiterons pas. Le caractère non-significatif est causé par le manque de
données concernant le salaire.
Variable Cause arrêt
Le coefficient de l’hospitalisation est inférieur à celui de la maladie, ceci est cohérent : une
personne hospitalisée a tendance à se remettre moins rapidement sur pieds qu’une personne
malade. L’hospitalisation concerne principalement des cas plus graves qu’une maladie. La
variable Cause de l’arrêt a une modalité non significative, l’hospitalisation, ceci est expliqué
par la rareté de l’hospitalisation dans notre échantillon, 1% des arrêts. Quasi 90% des arrêts
sont causés par la maladie. Cette variable ne semble pas discriminante compte tenu de la
composition de données. Nous enlevons cette variable du modèle.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 50
Variable Franchise
Les personnes ayant une franchise de trois jours sortent bien plus rapidement que les
personnes ayant des franchises plus longues. Plusieurs modalités de la variable ont une p-
value supérieure à 5%, et les tailles des intervalles de confiances ne permettent pas d’obtenir
une estimation fiable des coefficients sur ces modalités-là. Ceci peut être expliqué par la
constitution de nos données. Néanmoins, nos contrats sont principalement des franchises trois
jours, la modalité correspondante étant significative, nous faisons le choix de garder cette
variable dans le modèle.
Variable Sexe
La variable sexe est significative mais compte tenu du poids de la population masculine dans
notre portefeuille, nous faisons le choix de l’enlever du modèle.
Finalement, nous allons nous concentrer seulement sur l’âge et la durée de franchise qui sont
les facteurs les plus discriminants. Nous allons intégrer séparément ces variables pour mieux
visualiser leurs influences sur notre loi de référence, et ensuite nous intégrons l’impact du
croisement de ces deux variables.
3.3.4.2. Résultat de la modélisation avec la variable Tranche âge
Nous relançons le modèle avec comme seule variable explicative la Tranche d’âge, les
résultats sont exposés ci-dessous.
Même si la plus-value de la tranche d’âge inférieure ou égale à 30 ans est supérieur à 5%,
l’intervalle de confiance est relativement petit, taille similaire aux autres tranches d’âge. Nous
considérons que l’estimation du coefficient est fiable et nous pouvons exploiter la variable
Tranche âge en entier.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 51
Test de l’hypothèse de proportionnalité
Nous allons maintenant effectuer les tests graphiques pour vérifier l’absence temporelle dans
les résidus du modèle. Les courbes ne doivent pas s’éloigner de l’horizontale pour que
l’hypothèse soit validée, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’influence du temps sur la variable
explicative. Nous traçons les résidus en fonction des jours d’ancienneté.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 52
La représentation graphique n’est pas horizontale sur toute la période d’étude. Une tendance
décroissante est constatée sur les différentes tranches d’âge à partir d’environ 90 jours.
L’hypothèse de proportionnalité ne peut être validée. Cependant, il semble judicieux de garder
les coefficients issus de notre modèle de Cox sur la période de 1 à 90 jours où l’hypothèse de
proportionnalité est validée.
Nous avons voulu également tester la modélisation avec la variable quantitative âge et voir si
les résultats pourraient être exploitées sur une période plus longue que 90 jours. Les résultats
obtenus sont les suivants :
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 53
Les allures des résidus sont semblables aux représentations des résidus du modèle précédent
avec une tendance temporelle à partir d’environ 90 jours. Cependant, un seul coefficient est
ressorti du modèle, c’est-à-dire que chaque âge aura le même coefficient qui lui sera affecté,
l’impact sur les taux de référence sera alors linéaire pour chaque âge. Ce modèle ne tient pas
compte de la déformation des taux de référence selon les âges, ce modèle est moins fin que
celui avec la variable Tranche âge. Ces différences de modélisation peuvent être expliquées
par les volumes de données utilisées : certains âges n’ont que très peu de données voire
aucune, l’estimation âge par âge ne peut alors être possible. Pour être au plus proche de la
réalité, nous faisons le choix de conserver la loi de maintien par tranche d’âge.
Pour déterminer l’adéquation du modèle à notre portefeuille, il est pertinent de comparer les
sorties d’incapacité prédits par la loi d’expérience précédemment construite avec les
observations réelles. Pour ce faire, les taux de sorties impactés par les coefficients de Cox
seront appliqués sur notre portefeuille. Nous allons comparer les sorties d’incapacité issues
de la Tranche d’âge ] 40 ; 50 ] avec les sorties observées pour les personnes de 41, 45 et 50
ans afin de visualiser la déformation des sorties au fil des âges, et vérifier si la modélisation
est pertinente sur toute la Tranche d’âge. Les comparaisons graphiques sont présentées ci-
dessous.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 54
La loi d’expérience semble en moyenne bien prédire les sorties pour les âges de 41 à 45 ans,
une légère sous-estimation des sorties est constatée pour l’âge de 41 ans.
Pour l’âge de 50 ans, les écarts d’estimations sont plus importants, la loi d’expérience sous-
estime en moyenne les sorties observées, dans le cadre du provisionnement du maintien en
incapacité, le principe de prudence est respecté, il est raisonnable de valider la loi modélisée.
0
5
10
15
20
25
1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88
No
mb
re d
e s
ort
ies d
'inca
pa
cité
Ancienneté en jours
Prédictions vs Observations pour une personne de 41 ans
Nb sortiesprédites pour 41ans
Nb sortiesobservées 41ans
0
5
10
15
20
25
30
35
1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88
Nom
bre
de
so
rtie
s d
'inca
pa
cité
Ancienneté en jours
Prédictions vs Observations 45 ans
Nb sortiesprédites pour 45ans
Nb sortiesobservées 45ans
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
20
1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88
Nom
bre
de
so
rtie
s d
'inca
pa
cité
Ancienneté en jours
Prédictions vs Observations 50 ans
Nb sortiesprédites pour 50ans
Nb sortiesobservées 50ans
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 55
Nous avons construit précédemment une loi de maintien en incapacité en fonction de l’âge,
découpé en tranches, une variable explicative usuelle en prévoyance. Nous trouvons
intéressant maintenant de modéliser la loi de maintien en fonction de la durée de franchise et
de comparer les impacts par la suite dans les calculs de provisions qui seront développés par
la suite.
3.3.4.3. Résultat de la modélisation avec la variable Durée de
franchise
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 56
L’analyse des résidus montre qu’ils sont quasiment alignés sur une droite horizontale sur toute
la période d’étude de 300 jours, contrairement aux résidus relatifs à la variable Tranche âge.
Il y a une tendance décroissante au-delà de 250 jours, pour notre mémoire, pour faciliter les
calculs, nous allons considérer que l’hypothèse de proportionnalité du modèle de Cox est
vérifiée.
Ayant les taux de sortie d’incapacité, il est aisé de construire la loi de maintien en incapacité.
Réalisons maintenant une représentation graphique afin de mesurer l’influence de chaque
franchise sur la loi de maintien.
Nous pouvons observer une « inversion » des franchises 4 et 7 jours : cette inversion est
sûrement due à la faible volumétrie de données, les résultats sont plus volatiles.
Nous allons croiser également les variables Tranche âge et la durée de Franchise, les
coefficients obtenus sont présentés ci-après.
-
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
1 9
17
25
33
41
49
57
65
73
81
89
97
105
113
121
129
137
145
153
161
169
177
185
193
201
209
217
225
233
241
249
257
265
273
281
289
297N
om
bre
de
pe
rso
nn
es e
n in
ca
pa
cité
Ancienneté en jours
Loi de maintien en incapacité par durée franchise sur 300 jours
3j 4j
7j 10j
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 57
3.3.4.4. Résultat de la modélisation avec les variables Tranche
âge et Durée de franchise
Les coefficients des différentes modalités des variables issus de ce modèle croisé sont
légèrement différents de ceux issus des modèles séparés. Toutefois, nous verrons par la suite
dans les calculs de PM que ces légères variations auront des conséquences non négligeables.
En effet, dans le modèle de Cox, l’influence des coefficients est exponentielle sur la loi de
référence.
Résumons notre démarche de modélisation jusqu’ici :
Nous avons modélisé les taux de sortie d’incapacité avec un pas journalier grâce à la méthode
de Kaplan Meier sans tenir compte de l’hétérogénéité de la population. En raison du faible
volume de données, après 300 jours d’ancienneté, nous n’avons pas conservé les taux
modélisés par souci de fiabilité des résultats. Un lissage a été appliqué sur les taux de sortie
via la méthode de Whittaker-Henderson. Ensuite, le modèle de Cox a été utilisé afin de
modéliser l’influence de l’âge, variable rendue qualitative par tranches afin de pallier le faible
volume de données, sur les taux de sortie en fonction des jours d’ancienneté. Le modèle révèle
des résultats satisfaisants sur une période inférieure à 90 jours. Nous avons notre loi de sortie
d’incapacité à pas quotidien jusqu’à 90 jours, soit 3 mois d’ancienneté, et par tranche d’âge.
L’âge étant une variable classique dans les tables de maintien en incapacité, nous avons
également voulu construire une loi avec la variable indiquant la durée de franchise et enfin
une troisième loi en croisant cette dernière avec la variable Tranche d’âge. Pour étendre les
différentes lois jusqu’à 36 mois d’ancienneté, nous allons maintenant effectuer un
raccordement avec la table du BCAC.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 58
3.3.4. Prolongements des lois d’expérience avec la table du
BCAC 2010 et analyses des lois obtenues
Nous allons étudier plusieurs scénarii pour établir notre table de maintien en incapacité sur 36
mois. Nous nous basons sur la table BCAC 2010 pour raccorder notre table car ses lois de
maintien sont plus proches des taux observés que celles de la table 2013.
Pour s’en convaincre, analysons les lois de maintien issues des tables règlementaires sur
l’ensemble des anciennetés pour un âge de 41 ans, âge moyen de notre portefeuille.
La courbe du BCAC 2013 surestime la durée de maintien par rapport à celle de 2010 pour les
faibles anciennetés et sous-estime légèrement la durée de maintien pour les anciennetés
élevées, cette observation s’appuie également sur une étude réalisée en 2014 par le cabinet
Prim’Act en association avec Caritat, Une présentation et comparaison des nouvelles tables
BCAC. Pour notre portefeuille, il est plus pertinent d’utiliser la BCAC 2010 d’autant plus que
l’ancienneté moyenne du portefeuille est faible.
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Ancienneté en mois
Loi de maintien en incapacité des tables du BCAC pour une personne de 41 ans
BCAC 2010
BCAC 2013
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 59
Scénario 1 : Raccord de la table journalière de 90 jours modélisée par tranche d’âge –
Raccord par ancienneté
La table sera raccordée avec celle du BCAC 2010 par ancienneté pour être développée sur
36 mois. La table sera journalière jusqu’au 3eme mois inclus et deviendra mensuelle jusqu’au
36eme mois. On applique les taux d’évolution des anciennetés du BCAC sur notre table à
chaque âge par la formule suivante :
Pour un âge x et t le mois d’ancienneté :
𝐿𝑥𝑇𝑎𝑏𝑙𝑒(𝑡) =𝐿𝑥𝐵𝐶𝐴𝐶(𝑡)
𝐿𝑥𝐵𝐶𝐴𝐶(𝑡 − 1)∗ 𝐿𝑥𝑇𝑎𝑏𝑙𝑒(𝑡 − 1)
Où x est compris entre [20 ; 66] ;
t est compris entre [4 ; 36].
Illustration du raccord par ancienneté :
Scénario 2 : Double raccords de la table journalière de 300 jours modélisée – Raccord
par âge entre 90 et 300 jours d’ancienneté, Raccord par ancienneté après 300 jours
Il semble judicieux d’étudier la table journalière sur 300 jours afin d’avoir un pas quotidien
jusqu’au 10eme mois.
En effet, notre courbe sur 300 jours était validée en effectuant des tests statistiques, mais les
coefficients d’âge étaient restreints sur une période inférieure à 90 jours d’ancienneté. Nous
allons développer notre table en utilisant l’évolution par âge de la table règlementaire : à partir
de 90 jours, la table sera prolongée avec les coefficients d’âge qui seront stables par pallier
de 30 jours (comme la table du BCAC est mensuelle et la nôtre est quotidienne). Nous aurons
alors une table journalière par âge jusqu’à 300 jours, c’est-à-dire 10 mois, puis la table sera
mensuelle jusqu’au 36eme mois. Le raccord après 300 jours s’effectuera avec la table du
BCAC par les taux d’ancienneté.
Après 90 jours, la loi de référence correspond à une loi avec un âge de 40 ans, âge moyen du
portefeuille On applique les coefficients d’évolution par âge du BCAC en développant les âges
supérieurs à 40 ans et inférieurs à 40 ans comme suit :
Age/Anc en m 3 4 5 36
20 a b = a x BCAC 20-4/BCAC 20-3 c = b x BCAC 20-5/BCAC 20-4 z
21 a' b' = a' x BCAC 21-4/BCAC 21-3 c' = b' x BCAC 21-5/BCAC 21-4 z'
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 60
Soient un âge x, x compris entre [20 ; 40 [ U ] 40 ; 66], et j le jour d’ancienneté, j compris entre
[91 ; 300] :
Pour les âges inférieurs à 40 ans :
𝐿𝑥𝑇𝑎𝑏𝑙𝑒(𝑗) =𝐿𝑥𝐵𝐶𝐴𝐶(𝑗)
𝐿𝑥+1𝐵𝐶𝐴𝐶(𝑗)∗ 𝐿𝑥+1𝑇𝑎𝑏𝑙𝑒(𝑗)
Pour les âges supérieurs à 40 ans :
𝐿𝑥𝑇𝑎𝑏𝑙𝑒(𝑗) =𝐿𝑥𝐵𝐶𝐴𝐶(𝑗)
𝐿𝑥−1𝐵𝐶𝐴𝐶(𝑗)∗ 𝐿𝑥−1𝑇𝑎𝑏𝑙𝑒(𝑗)
Nous obtenons ainsi une table journalière par âge jusqu’à 300 jours puis nous effectuons un
raccord par ancienneté pour développer mensuellement les tables jusqu’au 36eme mois.
Illustration du raccord par âge :
Après avoir extrapolé les lois d’expérience à l’aide des tables du BCAC, nous allons comparer
ci-après les deux méthodes de raccordements pour deux âges assez éloignés afin de mieux
visualiser les déformations au fil des âges. Nous nous concentrons d’abord sur l’étude de loi
d’expérience par tranche d’âge.
Age/Anc en j 91 92 300
20 z z' z"
38 c = b x BCAC 38-4/ BCAC 39-4 c ' = b ' x BCAC 38-4/ BCAC 39-4 c '' = b '' x BCAC 38-10/ BCAC 39-10
39 b = a x BCAC 39-4/BCAC 40-4 b' = a' x BCAC 39-4/BCAC 40-4 b '' = a '' x BCAC 39-10/BCAC 40-10
40 a a' a "
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 61
Les lois de maintien issues des deux raccordements semblent proches pour une personne
âgée de 35 ans lors de l’arrêt de travail. Par construction, jusqu’au 3eme mois inclus, les deux
lois d’expérience ont le même comportement. En revanche, à partir du 4eme mois, la loi
d’expérience à 90 jours est extrapolée à l’aide des évolutions par ancienneté de la table du
BCAC : la pente de la loi d’expérience de 90 jours est similaire à celle du BCAC. La loi
d’expérience de 300 jours décroit plus rapidement que celle de 90 jours, en effet la pente de
la table BCAC est plus faible que celle de la courbe modélisée à 300 jours.
Pour l’âge de 50 ans, un pic sur la loi de maintien est détecté à partir du 4eme mois
d’ancienneté pour la loi de 300 où un raccordement par âge a été effectué. Afin de détecter
d’éventuelles autres variations irrégulières et d’évaluer l’influence de l’âge sur la loi de
maintien, il est nécessaire de visualiser maintenant l’évolution de la loi selon les différents
âges. Nous faisons l’exercice pour la loi journalière où on a effectué un raccordement par âge
avec la table du BCAC entre 90 jours et 300 jours.
-
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Ancienneté en mois
Comparaison des lois de maintien pour un âge de 35 ans sur une période de 36 mois
Loi exp 90j
BCAC 2010
Loi exp 300j
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5 000
6 000
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Ancienneté en mois
Comparaison des lois de maintien pour un âge de 50 ans sur une période de 36 mois
Loi exp 90j
BCAC 2010
Loi exp 300j
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 62
En effet, deux pics au niveau du 4eme mois pour les âges supérieurs à 40 ans sont constatés.
C’est une évolution incohérente, la courbe doit rester décroissante en fonction de l’ancienneté
pour une même population de départ. Le raccord par âge n’a pas bien fonctionné, l’effet de
l’évolution par âge du BCAC est plus fort que l’effet de l’ancienneté modélisée. Nous allons
tenter le raccord par tranche d’âge pour les âges supérieurs à 40 ans afin de neutraliser l’effet
de l’évolution par âge du BCAC. Le résultat obtenu est le suivant :
-
2 000
4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36
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Ancienneté en mois
Loi de maintien exp par tranche d'âge - raccord par âge
[ 20 ; 30 ]
] 30 ; 40 ]
] 40 ; 50 ]
> 50
-
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4 000
6 000
8 000
10 000
12 000
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36
No
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cité
Ancienneté en mois
Loi de maintien exp par âge sur 36 mois raccord par tranche d'âge
[ 20 ; 30 ]
] 30 ; 40 ]
] 40 ; 50 ]
> 50
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 63
Les allures des courbes sont plus cohérentes en fonction de l’âge : la probabilité de maintien
croît avec l’âge. Le comportement par âge concorde avec celui du BCAC, le graphe du BCAC
est présenté ci-après. Par construction, les pentes des lois de maintien sont similaires avec
celles du BCAC à partir de 10 mois d’ancienneté car raccord par ancienneté. Par contre, pour
les faibles anciennetés, la pente des courbes modélisées est plus raide que celle du BCAC,
ce qui signifie que les personnes sortent plus rapidement de l’état d’incapacité.
Après avoir validé la cohérence de l’allure de notre loi de maintien sur 36 mois, analysons la
loi plus précisément sur les 30 premiers jours.
-
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4 000
6 000
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12 000
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Ancienneté en mois
Loi de maintien BCAC 2010 par âge
20 ans
30 ans
40 ans
50 ans
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6000
8000
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0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 101112131415161718192021222324252627282930
Nom
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Ancienneté en jours
Zoom sur la loi de maintien exp sur 30 jours
[ 20 ; 30 ]
] 30 ; 40 ]
] 40 ; 50 ]
> 50
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 64
Le comportement des personnes ne diffère que légèrement par tranche d’âge, les courbes
des personnes entre 20 et 40 ans sont quasiment confondues. Ce résultat est expliqué par la
composition de l’échantillon. En effet, les durées moyennes d’indemnisation par tranche d’âge
sont résumées ci-dessous.
Moyenne des durées d'indemnisation Tranche d'âge Données non censurées Données yc censurées
[ 20 ; 30 ] 34 40
] 30 ; 40 ] 33 40
] 40 ; 50 ] 35 47
> 50 38 53
L’ancienneté moyenne se différencie à partir de 40 ans. Comme la modélisation est réalisée
par tranche d’âge, l’effet des différents âges n’est pas bien visible. Lors de la modélisation, à
cause du faible volume de données, nous avons choisi de créer des tranches d’âge afin de
concentrer les données et leurs influences.
Les graphes des lois de maintien fonction des durées de franchises prolongées sur 36 mois
sont présentées ci-après.
.
Les différentes lois de maintien étant extrapolées jusqu’à 36 mois, nous allons les appliquer
aux données afin d’évaluer les provisions mathématiques de maintien en incapacité.
0
2000
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12000
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Ancienneté en mois
Loi de maintien en incapacité par durée franchise sur 36 mois
3j 4j
7j 10j
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 65
3.3.5. Application des lois d’expérience aux calculs de PM
maintien en incapacité et comparaison avec les tables règlementaires
Pour tester la fidélité des tables modélisées au portefeuille, nous appliquons les lois
précédemment modélisées aux calculs de PM Maintien en incapacité. Nous allons analyser
les différents impacts sur une partie des données utilisées lors de la modélisation. Nous allons
comparer les charges de sinistres théoriques avec les charges de sinistres réellement
observées. Nous précisions la formule de calculs suivante :
Charge de sinistres prédite au 31/03/2017 = Prestations payées jusqu’au 31/03/2017 +
Provisions calculées au 31/03/2017
Nous avons effectué l’exercice pour les arrêts survenus entre le 1er janvier 2017 et le 31 mars
2017, et clôturés au 31 octobre 2017 : les PM ont été calculées au 31 mars 2017 et comparées
au total des prestations réellement versées au 31 octobre 2017. Les résultats sont présentés
dans les tableaux ci-dessous.
Nous précisons qu’ayant du recul par rapport à la date de calcul, nous avons pu sélectionner
uniquement les arrêts qui étaient réellement encore ouverts lors de la réception de la liste des
personnes à provisionner. Prendre entièrement la liste des arrêts à provisionner y compris
ceux qui étaient déjà clos dans les listes créerait une surestimation fictive de la charge de
sinistres et biaiserait le backtesting des lois. Nous avons neutralisé l’effet du biais de gestion
sur les données.
Survenance Prestations réellement
versées
Tables règlementaires Tables exp modélisées sans/avec Tranche
âge
BCAC 2010 BCAC 2013 300 jours sans Tranche âge
300 jours - Tranche âge
90 jours - Tranche âge
Janvier 2017 à Mars 2017
193 996 € 432 767 € 401 849 € 347 408 € 342 196 € 385 359 €
Rapport estimation / réel 223% 207% 179% 176% 199%
Survenance Prestations réellement
versées
Tables exp avec Franchise et sans/avec Tranche âge
300j Franchise 300 j Franchise x Tranche âge
Janvier 2017 à Mars 2017
193 996 € 279 121 € 218 264 €
Rapport estimation / réel 144% 113%
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 66
Nous constatons que les tables du BCAC surestiment les charges réelles d’au moins de 100%,
ceci complète les études statistiques qui ont révélé que les tables du BCAC surestimaient les
durées de maintien en incapacité pour les contrats de franchises courtes dans la partie 1.
Les tables d’expérience à pas journalier surestiment moins la charge de sinistres que les tables
règlementaires. L’ajout de la variable Tranche âge permet d’affiner davantage les provisions,
impact de 2% par rapport à la loi de 300 jours. Pour ce faire, nous avons créé seulement 4
tranches d’âge, elles représentent qu’une partie de la déformation de la durée de maintien en
incapacité au fil des différents âges, affiner les tranches d’âges pourrait augmenter davantage
l’impact sur les provisions. Les tables avec un pas quotidien jusqu’à 300 jours sont plus
précises que les tables à 90 jours, sans surprise, les provisions calculées sont plus précises.
En particulier, certains arrêts survenus en janvier atteignent 3 mois d’ancienneté, et la table
journalière à 90 jours ne permettra qu’un calcul à pas mensuel.
L’ajout de la variable Franchise à la table journalière de 300 jours permet de diminuer la
provision de 20%, la franchise est donc plus discriminante pour notre portefeuille que la
tranche âge. En combinant les effets des variables Tranche âge et Franchise, c’est-à-dire une
loi tridimensionnelle avec l’ancienneté dans l’état d’incapacité, la charge de sinistres estimée
est plus proche des prestations réellement payées, une surestimation de seulement 13%, cette
loi d’expérience paraît la plus adaptée au portefeuille.
Afin d’illustrer l’effet du biais de gestion sur les calculs des provisions, les tableaux ci-dessous
présentent les estimations calculées si aucun filtre n’est appliqué sur la liste des arrêts
communiquée par le gestionnaire. Ne connaissant pas les arrêts qui sont réellement clos,
provisionner naïvement toutes les personnes en arrêts nous conduirait à ces estimations de
charges de sinistres :
Survenance Prestations réellement
versées
Tables règlementaires Tables exp modélisées sans/avec
Tranche âge
BCAC 2010 BCAC 2013 300 jours sans Tranche âge
300 jours - Tranche âge
90 jours - Tranche âge
Janvier 2017 à Mars 2017
280 257 € 1 313 554 € 1 194 240 € 1 060 411 € 1 022 843 € 1 170 757 €
Rapport estimation / réel 469% 426% 378% 365% 418%
Survenance Prestations réellement
versées
Tables exp avec Franchise et sans/avec Tranche âge
300j Franchise 300 j Franchise x Tranche âge
Janvier 2017 à Mars 2017
280 257 € 834 485 € 647 494 €
Rapport estimation / réel 298% 231%
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 67
Nous pouvons remarquer que même augmentant le volume des arrêts provisionnés, nous
retrouvons les mêmes écarts en proportion des différentes provisions issues des différentes
lois expérimentales avec la provision issue de la table BCAC 2010.
Rapport lois expériences / BCAC
2010
Tables exp modélisées sans/avec Tranche âge
Tables exp avec Franchise et sans/avec Tranche âge
300 jours sans Tranche âge
300 jours - Tranche âge
90 jours - Tranche âge
300j Franchise
300 j Franchise x Tranche âge
Calculs avec biais gestion -19% -22% -11% -36% -51%
Calculs sans biais gestion -20% -20% -20% -36% -50%
La table qui semble la plus adéquate dans les deux cas est la table journalière sur 300 jours
construite avec la variable durée de franchise et la tranche d’âge.
Maintenant, afin de tester la robustesse des différentes lois, nous allons les appliquer à des
données qui n’ont pas servies à la modélisation. Nous faisons l’exercice pour les arrêts
survenus en janvier 2018 et clôturés au 31 octobre 2018.
Les PM sont calculées au 31 janvier 2018, nous allons nous concentrer sur un mois
d’ancienneté maximum pour analyser plus précisément les impacts sur les anciennetés
journalières. Les résultats sont présentés ci-après.
Survenance Prestations réellement
versées
Tables règlementaires
Tables exp modélisées sans/avec Tranche âge
BCAC 2010
BCAC 2013
300 jours sans Tranche âge
300 jours - Tranche âge
90 jours - Tranche âge
Janvier 2018
123 187 € 213 331 € 253 287 € 197 243 € 179 943 € 185 706 €
Rapport estimation / réel
173% 206% 160% 146% 151%
Survenance Tables exp avec Franchise et
sans/avec Tranche âge
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 68
Prestations réellement
versées 300j Franchise
300 j Franchise x Tranche âge
Janvier 2018 123 187 € 138 149 € 110 585 €
Rapport estimation / réel 112% 90%
Nous constatons que les tables du BCAC surestiment toujours les charges de sinistres. Sur
30 jours d’ancienneté maximum, la table BCAC 2013 surestime plus que la table 2010, ceci
est cohérent car la table 2013 surestime les durées de maintien pour les faibles anciennetés
et sous-estiment pour les anciennetés plus longues.
Par contre sur de faibles anciennetés, il est préférable d’utiliser la table à 90 jours avec
Tranche d’âge plutôt que la table 300 jours sans Tranche d’âge, ce qui n’était pas le cas pour
les résultats obtenus sur le 1er trimestre de la survenance 2017 vu précédemment. En effet,
sur un mois d’ancienneté, il y a plus de précisions dans la table à 90 jours avec âge que celle
à 300 jours sans Tranche d’âge.
La variable Franchise reste plus discriminante que la variable Tranche âge. Par contre, en
combinant ces deux dernière, la loi obtenue conduit à une légère sous-estimation des
résultats. Ici, la loi journalière avec la variable Franchise semble la plus adaptée à notre
portefeuille, elle ne surestime que de 12% les charges de sinistres.
Nous venons de voir dans ce chapitre la construction de lois d’expériences à pas journalier
pour évaluer les provisions à la maille fine, c’est-à-dire individu par individu. Nous avons voulu
tenir compte des spécificités de chaque individu dans le provisionnement. La loi qui approche
au mieux la réalité semble être la loi journalière de 300 jours combinée avec la variable
Franchise. En effet, c’était la seule loi de maintien qui n’a nécessité aucun raccordement sur
300 jours, la loi contient vraiment la déformation des durées de maintien sur 300 jours propre
à la durée de franchise. La loi avec la variable tranche d’âge a nécessité un prolongement par
âge afin d’être complète sur 300 jours, la déformation de la durée des arrêts est atténuée par
les effets de la table BCAC.
Construire des lois n’est pas un exercice aisé, nous allons étudier dans le chapitre suivant une
méthode utilisée plus fréquemment chez les assureurs mais qui évalue de manière agrégée
la charge de sinistres. Nous comparerons ensuite la pertinence de ces deux méthodes.
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 69
Chapitre 4 : Méthode de provisionnement par des triangles
de liquidation
Nous avons vu précédemment des méthodes tête par tête pour déterminer les provisions de
maintien en incapacité. Il est intéressant de comparer ces méthodes avec une méthode plus
agrégée. Dans ce chapitre, nous allons nous intéresser au calcul d’une provision totale en
mutualisant les têtes grâce à des triangles de liquidation. Il existe de nombreuses méthodes
de provisionnement se basant sur des triangles, l’une des plus connues et facile d’utilisation
est celle de Chain-Ladder.
Cette méthode est équivalente à une construction d’une table d’expérience à pas mensuel sur
l’ensemble du portefeuille.
4.1. Description de la méthode de Chain Ladder
Pour calculer les provisions de maintien en incapacité, le délégataire de gestion transmet une
liste des personnes encore en état d’incapacité à une date donnée. Dans le cas des franchises
courtes, le nombre de personnes incapables est une information difficile à maitriser : la durée
d’indemnisation étant souvent très courte, beaucoup de sinistres sont clos alors que
l’information n’est pas connue en temps réel par le gestionnaire. La liste des encours envoyée
ne permet pas d’avoir la vision exacte du risque. Afin de neutraliser cette variabilité, nous
faisons le choix d’effectuer un triangle de liquidation sur le nombre de sinistres pour tenir
compte de l’historique de la sinistralité.
Le triangle indique le nombre de sinistres restant à indemniser à la fin de chaque mois. Le
triangle est construit par mois de survenance et par mois comptable comme l’indique la figure
ci-dessous :
Pour bien comprendre le fonctionnement du triangle, prenons un exemple :
Mois de développement
j
Mois de survenance i Nij
Centre d’Etudes Actuarielles Institut des Actuaires
NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 70
Soit N12. N12 indique le nombre de personnes en arrêt de travail survenu au mois 1 et qui sont
toujours en arrêt de travail au 2eme mois comptable. N12-N11 représente le nombre de
personnes sorties de l’arrêt de travail entre le 1er mois et le 2eme mois comptables.
L’objectif est d’évaluer le nombre de sinistres ultime à provisionner en estimant les Nij des
mois comptables futurs relatifs aux différentes survenances. Dans ce mémoire, nous
appliquerons la méthode de Chain Ladder afin de développer la partie inférieure du triangle.
Le principe de cette méthode est d’utiliser des coefficients de proportionnalité, appelés
facteurs de développement, pour évaluer le nombre de sinistres restant à chaque fin de mois
en tenant compte de l’évolution passée.
La méthode de Chain Ladder repose sur deux hypothèses fondamentales qu’il conviendra de
vérifier :
- L’évolution du nombre d’arrêts observé dans le passé sera similaire dans le futur. Il
existe une relation de proportionnalité entre les nombres d’arrêts d’un mois de
développement au mois suivant.
- Le coefficient de proportionnalité pour un mois de développement est constant pour
toutes les survenances. Les facteurs de développement individuels sont indépendants
de la date de survenance :
𝑁1,𝑗
𝑁1,𝑗−1=
𝑁2,𝑗
𝑁2,𝑗−1= ⋯ =
𝑁𝑖,𝑗
𝑁𝑖,𝑗−1
Ces deux hypothèses se résument par la relation suivante pour le mois de survenance i et le
mois de développement j :
𝑁𝑖,𝑗+1 = 𝑓𝑗 𝑁𝑖,𝑗
Où le facteur de développement 𝑓𝑗 est commun pour les différentes dates de survenance et
est calculée selon la formule suivante :
𝑓𝑗 =∑ 𝑁𝑖,𝑗+1
𝑛−𝑗+1𝑖=1
∑ 𝑁𝑖,𝑗𝑛−𝑗+1𝑖=1
Où n est le mois ultime de développement du triangle.
En pratique, les coefficients peuvent être réajustés grâce à la vision experte de l’assureur sur
son risque : les réajustements sont parfois dus à des mois atypiques de survenance, des
évolutions atypiques à cause des problèmes de retards de gestion exceptionnels, de nouveaux
périmètres dans le portefeuille.
Le nombre d’arrêts ultime restant à provisionner permet de calculer le montant de PM maintien
en incapacité :
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 71
Nombre de dossiers résiduels × PM maintien incapacité moyenne
Les dossiers ouverts à la fin du 24eme mois après la survenance sont provisionnés sur la base
d’une provision moyenne sur le portefeuille des franchises courtes.
Pour obtenir la charge de sinistres ultimes, il faut prendre également en compte les prestations
liées aux dossiers sortants des différents mois de développement du triangle qu’on
indemnisera. Les dossiers clôturés entre deux mois sont considérés comme sortants en milieu
de mois. Pour chaque mois, le montant de prestations est calculé de la manière suivante :
Nombre de dossiers clôturés × Durée d’indemnisation en jours × IJ moyenne
Le montant de l’indemnité journalière est estimé sur la moyenne des indemnités journalières
du portefeuille des franchises courtes.
Nous allons appliquer cette méthode sur notre portefeuille afin d’évaluer les impacts sur les
provisions des franchises courtes.
4.2. Application aux données et tests de validation
Nous allons appliquer la méthode de Chain-Ladder sur notre portefeuille des franchises
courtes. Nous procédons tout d’abord à des tests graphiques afin de vérifier les deux
hypothèses mentionnées précédemment.
La proportionnalité des nombres d’arrêts entre les mois de développement
S’il existe une relation linéaire entre les nombres d’arrêts d’un mois à l’autre, les couples (N
i,j+1 ; N i,j) doivent être alignés sur une droite passant par l’origine. Par souci de lisibilité, nous
avons effectué le tracé des nuages de points pour 5 mois de développement et les droites de
régression linéaire.
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Graphiquement, l’hypothèse de proportionnalité ne semble pas être vérifiée pour le 1er mois
de développement, néanmoins elle semble raisonnable pour les autres mois de
développement.
L’indépendance des facteurs de développement par mois de survenance pour un mois
de développement donné.
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
0 100 200 300 400 500 600 700 800
N (
i, j+
1)
N (i, j)
Validation de l'hypothèse de proportionnalité du nombre d'arrêt d'une année de développement à l'autre
M+1
M+2
M+3
M+4
M
Linéaire (M+1)
Linéaire (M+2)
Linéaire (M+3)
Linéaire (M+4)
Linéaire (M)
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24
Facte
urs
de d
évelo
ppem
ent
indiv
iduels
Mois de survenance
Evolution des facteurs de développement d'un mois de survenance à l'autre pour le 1er mois
Facteurs de développementindividuels à M
Facteur de développementglobal à M
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Graphiquement, l’hypothèse ne parait pas valide pour le 1er mois de développement, les
coefficients individuels sont volatils autour du coefficient moyen, mais devient plus constant
pour les autres mois. Ceci est cohérent avec l’observation du graphique de l’hypothèse de
proportionnalité : la régression linéaire de la 1ere année ne passe pas par 0 car les facteurs
de développement individuels ne sont pas constants.
Nous considérons que les hypothèses du modèle sont vérifiées et nous pouvons appliquer le
modèle. Les facteurs de développements calculés sont présentés ci-dessous :
Mois de développement
M M+1 M+2 M+3 M+4 M+5 M+6 M+7 M+8 M+9
Facteurs de développement
60% 45% 67% 77% 79% 81% 82% 85% 87% 89%
Mois de développement
M+10 M+11 M+12 M+13 M+14 M+15 M+16 M+17 M+18 M+19
Facteurs de développement
89% 92% 96% 87% 86% 95% 90% 90% 90% 95%
Mois de développement
M+20 M+21 M+22 M+23
Facteurs de développement
89% 96% 95% 91%
Les facteurs de développement augmentent globalement avec les mois de développement et
se stabilisent autour de 90%, ceci est expliqué par la stabilité des personnes en incapacité. En
effet, la probabilité de rester en incapacité augmente avec l’ancienneté. Les deux premiers
facteurs sont assez faibles car les personnes de notre portefeuille sortent de l’incapacité
principalement dans les 2 premiers mois.
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22
Fa
cte
urs
de
dé
ve
lop
pe
me
nt in
div
idu
els
Mois de survenance
Evolution des facteurs de développement d'un mois de survenance à l'autre pour le mois M+2
Facteurs dedéveloppement individuelsà M+2
Facteur de développementglobal à M+2
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Le 1er coefficient indique qu’il y a 60% des arrêts qui restent ouverts à la fin du 1er mois. Il y a
45% des 60% qui seront encore ouverts à la fin du 2eme mois, c’est-à-dire 27% du stock initial
des arrêts. Autrement dit, il y a environ 70% des arrêts qui sont clôturés à la fin du 2eme mois.
Ceci est cohérent avec les statistiques présentées au début du mémoire, 70% du portefeuille
sort de l’incapacité au bout de 30 jours d’ancienneté. Précisons qu’à la fin du 1er mois dans le
triangle, tous les arrêts n’ont pas 30 jours d’ancienneté (ils ne surviennent pas tous le 1er jour
du mois), beaucoup d’entre eux atteignent les 30 jours au 2eme mois du triangle, ce qui est
traduit par un faible facteur de développement pour le 2eme mois.
En appliquant ces facteurs de développement pour les arrêts survenus en janvier 2018, les
résultats obtenus sont résumés ci-dessous :
Nombre d'arrêts survenus courant janvier 2018 123
Nombre d'arrêts ultime à provisionner 1
PM maintien en incapacité moyenne 3 791 €
IJ moyenne 21 €
Prestations à payer 162 941 €
PM maintien en incapacité 3 791 €
Provision totale estimée 166 732 €
Prestations déjà payées 27 037 €
Charge de sinistre totale estimée au 31/01/2018 pour la survenance janvier 2018
193 769 €
Rapport estimation / réel 157%
Comme la charge de sinistres est projetée à un horizon de deux ans, la PM moyenne
appliquée est basée sur les PM (calculées avec la table BCAC 2010) des arrêts des
survenances 2016 encore ouverts au 31 janvier 2018, intégrant ainsi des anciennetés pouvant
atteindre deux ans. Concernant les IJ moyennes, elles sont obtenues à partir des IJ des arrêts
survenus en janvier 2018.
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4.3. Comparaison des résultats obtenus par la méthode agrégée et
par les lois d’expériences
Afin d’analyser l’adéquation de la méthode de Chain Ladder à notre portefeuille, et comparer
le résultat avec ceux issus des lois d’expérience, nous rappelons les charges de sinistres
obtenues précédemment :
Survenance Prestations réellement
versées
Tables règlementaires
Tables exp modélisées sans/avec Tranche âge
BCAC 2010
BCAC 2013
300 jours sans Tranche âge
300 jours - Tranche âge
90 jours - Tranche âge
Janvier 2018
123 187 € 213 331 € 253 287 € 197 243 € 179 943 € 185 706 €
Rapport estimation / réel
173% 206% 160% 146% 151%
Survenance Prestations réellement
versées
Tables exp avec Franchise et sans/avec Tranche âge
300j Franchise 300 j Franchise x Tranche âge
Janvier 2018 123 187 € 138 149 € 110 585 €
Rapport estimation / réel 112% 90%
Nous constatons que la méthode de Chain Ladder permet de diminuer la surestimation de la
charge de sinistre à 57% contre 73% pour la table BCAC 2010. En effet, la méthode de
projection de Chain Ladder basée sur le triangle de liquidation permet de tenir compte de la
cadence particulière des clôtures des arrêts de travail du portefeuille analysé, contrairement
aux tables du BCAC plus représentatives de la population nationale. La cadence des clôtures
traduisant le comportement global du portefeuille étudié, pouvoir la maîtriser, même
mensuellement, permet de réduire la charge de sinistres de 8% par rapport à celle calculée à
partir de la table BCAC 2010.
En revanche, la méthode de Chain Ladder est moins fine que toutes les lois d’expérience
journalières bidimensionnelles construites précédemment qui tiennent compte de la cadence
de sortie jour après jour, et de l’âge lors de l’arrêt ou de la durée de franchise. En effet, elle
mutualise tous les arrêts sans tenir compte de l’hétérogénéité liée à chaque sous-population,
elle ne peut être aussi précise que les lois d’expérience qui intègrent les spécificités de chaque
individu. De plus, le triangle étant développé mensuellement, il surestime les montants de
prestations à indemniser (appelés PSAP) des arrêts qui sont clos au cours du mois. A chaque
fin de mois, le triangle estime le nombre d’arrêts qui ont été clôturés au cours du mois et nous
provisionnons les prestations à indemniser pour ces arrêts. Quelle que soit la durée de l’arrêt
(par exemple 15 jours ou 4 jours), la PSAP constituée à la fin du mois est identique, le calcul
étant basé sur une durée moyenne de 15 jours. Pour rappel, la durée moyenne d’un arrêt de
travail des franchises courtes est de 35 jours, soit plus d’un mois mais moins d’un mois et
demi. La méthode de Chain Ladder surestime donc les montants de prestations à indemniser.
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 76
Par ailleurs, cette méthode comporte un autre biais d’estimation. En effet, la PM moyenne
appliquée pour estimer la PM des dossiers ultimes à provisionner est calculée à partir de la
table BCAC 2010 sur les arrêts du portefeuille des franchises courtes. Or, nous savons que
l’utilisation de cette table surestime l’évaluation des PM.
Enfin, il faut également préciser que les résultats obtenus par la méthode de Chain Ladder
restent sensibles aux différents facteurs de développement. La durée moyenne des arrêts
étant de 35 jours, toute évolution des 2 premiers facteurs affectera fortement l’estimation des
dossiers restants ouverts à provisionner. Il convient donc de rester vigilant lors de l’utilisation
de cette méthode paramétrique. Celle-ci nécessite la vision experte de l’actuaire en cas
d’ajustements des facteurs de développement.
Pour conclure, les lois d’expériences journalières construites précédemment avec la variable
tranche âge ou la variable durée de franchise sont plus adéquates au portefeuille étudié et
aussi plus stables que la méthode de Chain Ladder. Le caractère journalier de l’ancienneté en
incapacité ainsi que l’intégration de l’hétérogénéité dans la loi de maintien en incapacité sont
des éléments primordiaux pour l’évaluation des provisions dans le cas des franchises courtes.
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 77
Conclusion
Nous avons proposé plusieurs méthodes de provisionnement pour le maintien en incapacité
sur un portefeuille des contrats avec des franchises courtes et un faible volume de données.
Dans ce contexte, nous avons d’abord utilisé la méthode de Kaplan-Meier pour estimer les
taux de sortie d’incapacité qui constituent notre loi de référence. Cette méthode permet
d’obtenir des taux avec des pas journaliers, une précision importante pour les arrêts des
franchises courtes qui sont clôturés la majorité dans les 30 premiers jours.
Afin de neutraliser les irrégularités de la loi de sortie obtenue dues au volume de données,
nous avons appliqué un lissage par la méthode de Whittaker-Henderson. Cela nous a permis
d'obtenir une loi de référence à pas journalier sur une durée de 300 jours.
L’étape primordiale est l’intégration des facteurs d’hétérogénéité qui caractérise notre
portefeuille. Dans ce cadre, nous avons utilisé le modèle de Cox pour positionner sur la courbe
de référence les impacts issus des différentes variables discriminantes. Trois tables de
maintien en incapacité ont été modélisées : une table par tranche d’âge, par durée de
franchise, et par tranche d’âge croisée avec la durée de franchise. La problématique sur les
volumes de données nous a amené à extrapoler les tables modélisées avec les tables du
BCAC pour les prolonger jusqu’à 36 mois.
Ces tables d’expérience ont ensuite été appliquées à un échantillon de données pour estimer
la charge de sinistres, et les résultats comparés avec ceux obtenus avec les tables
règlementaires. Pour le portefeuille étudié, les prédictions issues des lois d’expérience
surestiment moins la charge réelle.
Nous avons trouvé pertinent de comparer ces méthodes fines dites « tête par tête » avec une
méthode plus agrégée fréquemment utilisée chez les assureurs, les triangles de liquidation
développés avec la méthode de Chain Ladder. Les résultats obtenus par cette méthode
agrégée approchent mieux la réalité que les tables du BCAC mais moins que les tables
d’expérience qui sont plus précises.
Il est à préciser que les résultats de notre étude dépendent fortement de la qualité des données
et des informations transmises par le gestionnaire. Ce type de risque nécessite beaucoup de
gestion. La plupart du temps, le gestionnaire transmet à l’assureur des personnes encore en
arrêt à provisionner alors qu’elles ont en réalité déjà repris. Ces lois de maintien vont pouvoir
diminuer le biais de la gestion au moment des provisionnements.
La gestion n’est pas le seul biais dans un provisionnement. En particulier, il existe des arrêts
dont les durées ne sont pas toujours médicalement justifiées. Courant 2018, Crédit Agricole
Assurances Collectives a alors instauré des envois de questionnaires médicaux. Les lois
modélisées dans ce mémoire pourraient aider à construire une base de référence
comportementale qui servira à monitorer les arrêts et à mesurer les impacts des
questionnaires médicaux.
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 78
Applications des tables d’expérience
Dans cette partie, nous présentons des applications des tables d’expérience.
Application des tables d’expérience aux questionnaires médicaux (QM)
L’envoi des QM a été instauré afin de détecter des arrêts qui ne sont pas médicalement
justifiés. Les tables d’expérience peuvent être utilisées pour :
- Cibler les envois des QM. Envoi des QM aux personnes dont la durée de l’arrêt paraît
« douteuse », c’est-à-dire dès qu’elle dépasse la durée estimée par les tables
d’expérience qui sont adaptées à la population et qui reflètent ses spécificités.
- Evaluer la pertinence des QM. Détecter si la reprise d’activité est liée à la réception du
QM, c’est-à-dire que le QM a un réel impact sur le comportement des personnes en
arrêt de travail, ou c’est une reprise « normale », la durée de maintien arrive à la fin
selon les tables d’expérience.
Validation de la règle de sélection des sinistres
Afin de réduire le biais de gestion dans le provisionnement, l’assureur va appliquer une règle
de gestion sur la liste des encours reçue : un arrêt de travail est considéré clos si aucune
indemnisation n’a été effectuée durant les 3 derniers mois.
Nous prenons ici un échantillon d’arrêts de travail survenus au 1er trimestre 2018.
Nous évaluons la charge de sinistre au 30/04/2018 avec la table d’expérience : la charge
estimée est de 1,5 millions d’euros. L’exercice a été également réalisé avec la table BCAC
2010, la charge estimée est alors de 2,2 millions d’euros. La charge de sinistre estimée a été
actualisée à plusieurs dates, son évolution est représentée sur le graphe ci-dessous.
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 79
Aux différentes dates, la charge de sinistre a été évaluée avec l’hypothèse des 3 mois de
gestion et sans hypothèse de gestion, c’est-à-dire provisionner naïvement toutes les
personnes répertoriées en arrêt de travail dans la liste des encours.
Au 30/04/2019, avec un mois de recul, les charges de sinistre estimées avec et sans règle de
gestion sont très proches : en effet, avec un an de recul, les listes des encours sont plus
fiables, les reprises rapides du début de l’année ont bien été nettoyées de la liste des encours,
et celle-ci reflète désormais une vision réaliste du risque. La charge estimée est de 1,4 millions
d’euros. Il est à préciser qu’au 30/04/2018, la charge estimée avec la table d’expérience est
égale à celle estimée avec la table BCAC 2010 car après 10 mois d’ancienneté, la table
d’expérience se comporte comme la table BCAC 2010 par construction.
Nous pouvons remarquer que cette charge estimée avec un an de recul, et avec une vision
réaliste du risque, converge vers l’estimation initiale obtenue avec la table d’expérience.
Au 31/10/2018, la charge estimée avec la règle de gestion est de 1,6 millions d’euros. La règle
de gestion permet une évaluation plus proche de la charge estimée initiale et de la charge
estimée au 30/04/2019. Sans règle de gestion la charge est surestimée d’environ de 500 000
euros.
La règle de gestion est bien validée et permet une estimation plus réaliste du risque.
0,40M€
0,92M€ 0,92M€ 1,06M€ 1,06M€
1,10M€
0,98M€
0,62M€ 0,36M€ 0,31M€
0,00M€
0,50M€
1,00M€
1,50M€
2,00M€
2,50M€
30/04/2018 31/10/2018 31/10/2018 30/04/2019 30/04/2019
Evaluation initiale Sans règle gestion Avec règle gestion Sans règle gestion Avec règle gestion
La règle de gestion permet une évaluation plus réaliste du risque
Prestations payées PM Table exp franchise
PM BCAC 2010 Charges estimées exp initiales
Charges estimées BCAC 2010 initiales
1,8 M€1,1 M€
0,7 M€
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NGUYEN Karine Méthodes de provisionnement du maintien en incapacité des contrats dits franchises courtes 80
Bibliographie
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Support de cours Modèles de Durée, ISFA, F. Planchet (2017-2018) : Introduction
Support de cours Modèles de Durée, ISFA, F. Planchet (2017-2018) : Méthodes de lissage et d’ajustement
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Mémoire d’actuariat, E. Baillard (2011) : Pilotage prévoyance individuelle
R Documentation : Survit