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Les règles de la production mixte bio/non bio FNAB – 40 rue de Malte – 75011 Paris – Tél : 01 43 38 38 69 – Fax : 01 43 38 39 70 – e-mail : [email protected] Organisme professionnel – code APE : 9412Z – n° de SIRET : 394 000 236 000231 Novembre 2012 En principe, l’ensemble d’une ferme bio doit être gérée selon les règles de l’agriculture biologique. Néanmoins, le règlement bio permet, à certaines conditions, de faire coexister bio et non bio sur la même exploitation. Cette note vise à éclaircir ces conditions et à souligner les points de vigilance face à ce type de situations. Mixité bio/non bio en production végétale Règle générale Article 11 du règlement CE n°834/2007 du Conseil, modifié Il est possible d’avoir sur la même exploitation des surfaces en production végétale biologique et des surfaces en production végétale conventionnelle, à condition de ne cultiver en même temps en bio et en non bio que des variétés différentes et facilement distinguables. Il doit s’agir d’unités clairement distinctes avec une traçabilité des produits. Le producteur doit séparer les terres et les produits qui sont utilisés pour les unités biologiques (produits phytosanitaires…) ou qui sont produits par ces unités (récoltes) de ceux qui sont utilisés pour les unités non biologiques ou qui sont produits par ces unités. D’autre part, il doit tenir un « registre » permettant d'attester cette séparation. Les critères de distinction entre les variétés sont précisés par le guide de lecture français des règlements européens de la bio (par exemple, pour le raisin : la couleur). Lorsqu’une même variété ou des variétés difficiles à distinguer sont cultivées en bio et en non bio la même année (ou stockées à la ferme après production en même temps), la récolte bio est déclassée : elle doit être commercialisée en conventionnel. Eviter les doublons est donc impératif dans un système mixte, ce qui implique de savoir organiser sa rotation bio et sa rotation conventionnelle de façon coordonnée. Cet exercice est d’autant plus délicat lors de la phase de conversion de la partie bio (voir paragraphe « Gérer la mixité pendant la conversion »). Dérogations Article 40 1) du règlement CE n°889/2008 de la Commission, modifié Il existe quatre dérogations permettant de produire sous conditions en même temps une même variété ou des variétés difficiles à distinguer en bio et en non bio Pour les pâturages, pour autant qu’ils soient exclusivement dédiés au pâturage (pas de fauchage).

Les règles de la production mixte bio/non bio

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Page 1: Les règles de la production mixte bio/non bio

Les règles de la production mixte bio/non bio

FNAB – 40 rue de Malte – 75011 Paris – Tél : 01 43 3 8 38 69 – Fax : 01 43 38 39 70 – e-mail : fnab@fnab .org

Organisme professionnel – code APE : 9412Z – n° de SIRET : 394 000 236 000231

Novembre 2012

En principe, l’ensemble d’une ferme bio doit être gérée selon les règles de l’agriculture biologique. Néanmoins, le règlement bio permet, à certaines conditions, de faire coexister bio et non bio sur la même exploitation. Cette note vise à éclaircir ces conditions et à souligner les points de vigilance face à ce type de situations.

Mixité bio/non bio en production végétale

Règle générale

Article 11 du règlement CE n°834/2007 du Conseil, modifié

Il est possible d’avoir sur la même exploitation des surfaces en production végétale biologique et des surfaces en production végétale conventionnelle, à condition de ne cultiver en même temps en bio et en non bio que des variétés différentes et facilement distinguable s.

Il doit s’agir d’unités clairement distinctes avec une traçabilité des produits. Le producteur doit séparer les terres et les produits qui sont utilisés pour les unités biologiques (produits phytosanitaires…) ou qui sont produits par ces unités (récoltes) de ceux qui sont utilisés pour les unités non biologiques ou qui sont produits par ces unités. D’autre part, il doit tenir un « registre » permettant d'attester cette séparation .

Les critères de distinction entre les variétés sont précisés par le guide de lecture français des règlements européens de la bio (par exemple, pour le raisin : la couleur).

Lorsqu’une même variété ou des variétés difficiles à distinguer sont cultivées en bio et en non bio la même année (ou stockées à la ferme après production en même temps), la récolte bio est déclassée : elle doit être commercialisée en conventionnel.

Eviter les doublons est donc impératif dans un système mixte, ce qui implique de savoir organiser sa rotation bio et sa rotation conventionnelle de f açon coordonnée . Cet exercice est d’autant plus délicat lors de la phase de conversion de la partie bio (voir paragraphe « Gérer la mixité pendant la conversion »).

Dérogations

Article 40 1) du règlement CE n°889/2008 de la Commission, modifié

Il existe quatre dérogations permettant de produire sous conditions en même temps une même variété ou des variétés difficiles à distinguer en bio et en non bio

Pour les pâturages , pour autant qu’ils soient exclusivement dédiés au pâturage (pas de fauchage).

Page 2: Les règles de la production mixte bio/non bio

Pour les cultures pérennes (cad ayant une période de culture d’au moins 3 ans), si l’ensemble des conditions suivantes sont respectées :

• Le producteur doit mettre en place un plan de conversion de l’ensemble de la culture concernée en 5 ans maximum, qui est vérifié par l’organisme certificateur tous les ans

• Il doit y avoir une séparation permanente des récoltes

• L’organisme certificateur doit être prévenu de la récolte 48 H à l’avance (de la partie bio et de la partie non bio)

• Le producteur doit informer dès la récolte l’organisme certificateur des quantités récoltées et des mesures de séparation des produits.

Pour la production de semences, si l’ensemble des conditions suivantes sont respectées :

• Il doit y avoir une séparation permanente des récoltes

• L’organisme certificateur doit être prévenu de la récolte 48 H à l’avance (de la partie bio et de la partie non bio)

• Le producteur doit informer dès la récolte l’organisme certificateur des quantités récoltées et des mesures de séparation des produits.

Pour l’enseignement et la recherche, si l’ensemble des conditions suivantes sont respectées :

• Il doit y avoir une séparation permanente des récoltes

• L’organisme certificateur doit être prévenu de la récolte 48 H à l’avance (de la partie bio et de la partie non bio)

• Le producteur doit informer dès la récolte l’organisme certificateur des quantités récoltées et des mesures de séparation des produits.

Mixité bio/non bio en production animale

Règle générale

Article 11 du règlement CE n°834/2007 du Conseil, modifié

Il est possible d’avoir sur la même exploitation des animaux bio et des animaux conventionnels, à conditions qu’il s’agisse d’espèces différentes .

Il doit s’agir d’unités clairement distinctes (animaux, bâtiments, pâturages…) et le producteur doit séparer les terres et les intrants qui sont utilisés pour les unités biologiques (produits vétérinaires, aliments…) ou qui sont produits par ces unités (lait, œufs…) de ceux qui sont utilisés pour les unités non biologiques ou qui sont produits par ces unités. D’autre part, il doit tenir un « registre » permettant d'attester cette séparation.

Attention : on entend « espèce » au sens biologique du terme. Un poulet et une poule sont de la même espèce, tout comme une vache laitière et une vache allaitante. Il n’est donc pas possible, par exemple, d’avoir des poules pondeuses en bio et des poulets de chair en conventionnel.

Page 3: Les règles de la production mixte bio/non bio

Cas particulier de l’aquaculture

Titre II, Article 2.1 du CCF

Il est possible d’élever en bio et en non bio une même espèce de poissons à condition que les unités bio et non bio soient séparées par une distance indicative de cinq kilomètres ou d’une distance qui garantit l’absence d’échange d’eau depuis l’unité non biologique vers l’unité biologique. Ces éléments doivent être transmis à l’INAO pour accord préalable.

Dérogations pour l’enseignement et la recherche

Article 40 2) du règlement CE n°889/2008 de la Commission, modifié

Il est possible d’élever en bio et en non bio des animaux d’une même espèce dans une exploitation menant des activités de recherche ou d’enseignement agricole formel aux conditions suivantes :

• Il doit y avoir une séparation permanente des animaux, produits animaux, effluents et aliments des animaux de chaque unité;

• La structure doit informer l'organisme de contrôle au préalable de toute livraison ou vente d'animaux ou de produits animaux;

• La structure doit informer l'autorité ou l'organisme de contrôle des quantités exactes produites dans les unités, ainsi que de toutes les caractéristiques permettant l'identification des produits, et des mesures prises pour séparer les produits.

Animaux conventionnels sur des pâturages biologique s

Article 17 2) du règlement CE n°889/2008 de la Commission, modifié

Il est possible de mettre des animaux non bio sur des pâturages bio (y compris en conversion) pour une période limitée (actuellement définie à maximum 4 mois en France) à condition :

• que ces animaux soit issus de systèmes extensifs,

• que des animaux biologiques ne se trouvent pas simultanément dans les pâturages concernés.

Attention, l’accès aux aides à la conversion pour des pâturages n’est possible qu’en présence d’animaux (0,2 UGB minimum) et à condition que ces animaux débutent leur conversion au plus tard dans les deux ans.

Animaux biologiques sur des pâturages conventionnel s

Article 17 3) du règlement n°889/2008 de la Commission, modifié

Des animaux biologiques (y compris en conversion) peuvent paître sur des terres domaniales ou communales à condition :

• qu'au cours des trois dernières années au moins, ces terres n'aient pas été traitées avec des produits non autorisés dans le cadre de la production biologique;

Page 4: Les règles de la production mixte bio/non bio

• que tout animal non biologique utilisant les terres concernées provienne d'un système extensif1,

• que les produits animaux obtenus à partir d'animaux biologiques alors que ceux-ci pâturaient sur ces terres ne soient pas valorisés en bio , sauf si le producteur peut prouver que les animaux était séparés de manière adéquate.

Les animaux bio peuvent également se nourrir en chemin sur des pâturages non bio lors de la transhumance (si cela ne dépasse pas 10% de leur ration annuelle).

Le contrôle des exploitations mixtes

Dans les exploitations mixtes, les unités non bio sont également soumises au contr ôle de l’organisme certificateur. Celui-ci pourra notamment vérifier les produits et les intrants qui y sont stockés.

Les deux risques principaux qui sont vérifiés particulièrement dans une exploitation mixte sont :

- les risques de substitution de produits bio et non bio (volontaire ou accidentelle)

- les risques d’usages sur la partie bio de produits non autorisés, stockés sur la partie non bio

La séparation, la traçabilité, la comptabilité matière (entrant et sortant) doivent donc être particulièrement soignées, notamment dans le cas de doublons autorisés par dérogation. Un « registre » spécifique atteste des mesures de séparation.

La mixité est un critère de risque listé dans le plan de contrôle cadre de l’agriculture biologique. La fréquence des contrôles inopinés ainsi que des analyses sera probablement plus importante dans ce type d’exploitations.

Gérer la mixité pendant la conversion

La conversion est une période particulière dans la vie d’une ferme bio. Lorsque que la conversion ne concerne qu’une partie de l’exploitation, certains éléments sont à bien prendre en compte.

La rotation

La construction de la rotation de chaque partie - bio et non bio – en cohérence l’une avec l’autre est fondamentale. Elle dépendra bien entendu de l’objectif recherché par le système d’exploitation : à forte autonomie, optimisé vis-à-vis des marchés, répondant au besoin d’un client ou d’un marché spécifique, etc…

Attention , en bio la rotation est avant tout un enjeu de fertilité du sol, de prévention des maladies et de gestion des adventices 2 : il ne faut pas perdre ces objectifs de vue. 1 Tel que défini à l’article 36 du reg CE n°1698/2005 ou à l’article 22 du règ CE n°1257/1999 : soit exploitations

sous ICHN, MAE, Natura 2000…

2 Article 12.1 du règlement CE n°834/2007 du Conseil, modifié

Page 5: Les règles de la production mixte bio/non bio

Un doublon en deuxième année de conversion aura des conséquences particulièrement problématiques. En effet, les produits dits « C2 » 3 sont valorisables dans l’alimentation du bétail (à hauteur de 30% pour un aliment du commerce, de 100% pour de l’auto-consommation). Il est également possible de vendre des « produits4 en conversion vers l’agriculture biologique », bruts ou transformés, à condition qu’ils ne contiennent qu’un seul ingrédient, d’origine végétale (ex : jus de pomme, purée de carotte…).

ILOT / surface Récolte 2010 Récolte 2011 Récolte 2012 Récolte 2013 Récolte 2014

1 - 20 ha Colza Blé Orge C1 Luzerne C2 Luzerne AB

2 - 20 ha Blé Pois C1 Triticale C2 Trèfle AB Trèfle AB

3 - 30 ha Orge C1 Luzerne C2 Luzerne AB Blé AB Orge AB

4 - 25 ha Tournesol C1 Luzerne C2 Luzerne AB Blé AB Epeautre AB

Exemple de conversion échelonnée de 4 ilots en grandes cultures, respectant à la fois principes agronomiques et réglementaires (source : « Stratégie de conversion » Olivier Bouilloux- SEDARB 2010).

Spécificités des systèmes d’élevage

On l’a vu, les produits de la deuxième année de conversion peuvent être utilisés assez largement dans l’alimentation du bétail. C’est aussi le cas de l’herbe (pâturée ou fauchée) et des protéagineux en première année de conversion s’ils sont produits sur la ferme, à hauteur de 20% max de la ration. Il est donc particulièrement important d’éviter les doublons malheureux dans ces systèmes.

Attention, même si les prairies bénéficient d’une dérogation permettant les doublons, cela ne s’applique que pour le pâturage. Dès qu’il y a fauchage (que ce soit pour l’auto-consommation ou la vente), cette dérogation ne s’applique pas.

Il est à noter que la conversion dite simultanée5 facilite généralement la gestion de la ration des animaux, en permettant d’utiliser tous les aliments produits sur l’unité en conversion durant les 24 mois de la conversion des terres et des animaux.

Conversions partielles sur les zones à enjeux

Il arrive de plus en plus que la conversion en bio soit fortement encouragée par les pouvoirs publics dans des zones à enjeux environnementaux particuliers, notamment concernant la qualité de l’eau et/ou la biodiversité. Ces conversions zonées conduisent souvent à des exploitations mixtes, le

3 Produits au moins 12 mois après le début de la conversion administrative.

4 Uniquement végétaux.

5 Il s’agit d’une conversion en 24 mois des animaux et des surfaces qui leur sont destinées. Voir l’article 38.2 du règlement CE n°889/2008 de la Commission, modifié

Page 6: Les règles de la production mixte bio/non bio

producteur étant avant tout motivé à la conversion sur la zone à enjeu, qui ne couvre pas nécessairement toute sa ferme.

La conversion en bio est alors vue avant tout comme un changement de pratiques sur une zone délimitée et le producteur ne perçoit pas forcément les contraintes que cela suppose sur l’ensemble de sa ferme.

Il est particulièrement important d’accompagner ces producteurs dans la gestion de leur mixité, puisqu’à ce jour, aucune dérogation ne leur permet spécifiquement les doublons dans ce cas de figure.

Un accompagnement de ces exploitations vers le 100% bio est une solution à la fois cohérente sur le fond et d’un point de vue réglementaire.

Doublons bio/conversion

Il arrive qu’un producteur déjà en bio rachète des surfaces ou des animaux conventionnels6. Dans ce cas, ces nouvelles surfaces ou ces nouveaux animaux doivent passer par une période de conversion.

Le fait de cultiver une même variété ou des variétés difficiles à distinguer ou d’avoir des animaux d’une même espèce en bio et en conversion n’est pas considéré comme un doublon car tout est bien conduit selon les règles de l’agriculture biologique.

Se pose néanmoins la question de la valorisation . Pour pouvoir valoriser ses produits bio et conversion, le producteur devra mettre en œuvre des moyens de traçabilité suffisants pour assurer la séparation des produits depuis la mise en culture à la commercialisation. Ces moyens devront être validés par l’organisme certificateur.

Il en est de même pour des doublons seconde année de conversion/première année de conversion.

6 Attention ce type d’achat est limité en quantité d’animaux : voir article 9 du règlement CE n°889/2008, modifié