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7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
1/523
Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France
Les Moines d'Occident, depuissaint Benot jusqu' saint
Bernard, par le comte deMontalembert,...
http://gallica.bnf.fr/http://www.bnf.fr/7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
2/523
Montalembert, Charles Forbes de (1810-1870). Les Moinesd'Occident, depuis saint Benot jusqu' saint Bernard, par le
comte de Montalembert,.... 1860-1877.
1
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AVIS
DES
DITEURS
Les
tomes
III
IV
et
V des Moines
d Occident forment
une
srie
part
consacre
exclusivement
l histoire de
la
Conversion de
l Angleterre
par
les Moines. Au
mois
d avril dernier les
tomes
III
et
IV
taient
entirement
imprims le
tome
V
tait
sous
presse et
il ne
restait
plus
l auteur qu un petit
nombre
de
pages
crire
pour
combler diverses
lacunes
de
son
rcit
lorsqu une cruelle
maladie
qui
dure
encore
l a condamn
interrompre
son
travail.
Ne
pouvant
prvoir
quelle
poque
il lui
sera
permis de le
reprendre
il
a
cd
aux
instances
que nous
lui
avons
faites en
autorisant
ds
prsent
la publication
du
tome
III
qui
nous
a paru
pouvoir
se
dtacher facilement
de
la
suite du
rcit.
Les
tomes
IV
et
V
paratront
ensemble
dans
le plus
bref dlai
possible.
1er
dcembre
1866.
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8/523
LES
MOINES D O IDENT
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
9/523
PARIS.
IMP.
SIMON
RACON
ET
COMP.
RUE
D ERFURTH
1.
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10/523
LES
MOINES
Fide
ac
veritate.
TOME
TROISIME
CONVERSION DE L ANGLETERRE
PAR
LES MOINES
I
JACQUES
LECOFFRE ET
CIE
LIBRAIRES-DITEURS
PARIS
90
RUE
DONAPARTE
80.
LYON
ANCIENNE
MAISON
PERISSE.
1866
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11/523
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
12/523
PRAENOBI
Ll
VI
RO
EDVINO
WYNDHAM
QUIN
COMITI
DE DUNRAVEN
HIBERNIAE
ET
BRITANNIC PARI
ORDINIS
S
PATRICII EQUITl
COMITI
ITINERIS
COMISSIMO
AMICO
IN ADVERSIS
PROBATISSIMO
CIVI
PRISCAE
FIDEI SIMUL
AC
PATRIAE
LAUDI
SERVANTISSIMO
QUI INSUPER
EX
ANTIQUIS5IMA
INTER CELTAS PROGENIE
EDITUS
CELTICIS CATHOLICISQUE
REBUS
STRENU
SEMPER
INCUBUIT
TERTIUM HOC OPEROSI LABORIS
VOLUMEN
D D
D
CAROLUS
COMES
DE
MONTALEMBERT
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
13/523
NOTE
TOUR
LES
I OSSESSEURS
DE
LA
PREMIRE
DITION
DES
TOMES
I ET II.
Pour
obir
des conseils d une grande autorit
nous
avons
d
dans la seconde dition des deux
premiers
volu-
mes
de
cet
ouvrage
diviser
en
deux les anciens
livres
V
et
VI de
sorte
que
le
livre
VII
de la premire
dition
est
devenu
le livre IX de la seconde
et
que
par
Consquent
le
livre
qui
suit
et
qui
ouvre
le
tome
III
a
d
recevoir le
chiffre X.
Mais
cette
solution
de
continuit
n est qu apparente
:
le
livre
X
du
tome
III
n en
fait
pas
moins
suite
au
livre
VII
du
tome
II
de
la premire
dition.
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14/523
LIVRE
X
ORIGINES
CHRTIENNES
DES
ILES
BRITANNIQUES
Dilata
locura
tentorii lui
et
pelles
ta-
bernaculorum
tuorum
extende
ne parcas:
tongos fac funiculos
tuos et
clavos
tuos
consolida. Ad dexteram enim
et
ad
laevam
penetrabis
:
et
semen
tuum
gentes
haere-
ditabit.
ISAIAS.
LIV
2.
5.
MOINES
D
OCC.
III
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15/523
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
16/523
CHAPITRE
PREMIER
La
Grande-Bretagne
avant
la
conversion
des
Saxons.
Caractre
du peuple
anglais
:
hritier du peuple romain il
ne
lui
emprunte
que
sa
grandeur
et
son
orgueil.
D o
lui
est
venue
sa
religion
?
Des
papes
et
des
moines. Les
moines
ont
lait
l An-
gleterre
comme
les vques
ont
faitla
France.
Les
hros de la
rsistance
l Empire
:
Caractacus
Boadicea
Galgacus. Aucune
trace
du droit romain
en
Angleterre
;
tout
y
est
celtique
ou
teuto-
nique.
La
Bretagne
est
la premire des nations
occidentales
qui
sache vivre
sans
Rome
et
la
premire
qui sache
rsister
aux
bar-
bares.
Ravages des
Piets
;
Gildas
;
arrive des
Anglo-Saxons
en
Bretagne
ils
y
dtruisent l difice
du
christianisme
primitif.
Origines
du
christianisme breton
;
le
proto-martyr
saint
Alban.
Ravagesdes
Saxons
;
secours
prodigus
par
la
Papaut
Mission
de
Palladius
puis
de
saint
Germain d Auxerre.
Bataille de
l Allluia.
Le
Breton
Ninian
devient l aptre des
Piets du
Midi
:
son
tablissement Whitehorn;frocit
des
Ca-
ldoniens
;
sa
mort.
Glastonbury
;
lgende de
Joseph d Arima-
thie
;
tombe
du
roi
Arthur.
Situation de la
Bretagne de
450
550;
quatre
races
diverses; les
Piets
les
Scots
les
Bretons
et
les
Saxons.
D o
viendra
aux
Saxons
la
lumire
de
l vangile?
Il
y
a dans
l Europe
moderne
sept
lieues de la
France
en vue
de
nos
plages du
Nord
un
peuple
dont l empire
est
plus
vaste
que
celui
d Alexandre
ou
des
Csars
1
et
qui
est
la
fois
le
plus libre
et
le
plus puissant
le
plus
riche
et
le
plus
viril
j
1.
Les
dernires statistiques
portent
cent
Soixante-Quatorze
mil-
lions
le nombre des sujets
ou
des
vassaux
de
la
couronne
d Angleterre.
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4
ORIGINES
CHRTIENNES
le
plus
audacieux et le plus
rgl
qui
soit au
monde.
Aucun
peuple
n offre
une
lude
aussi
in-
structive
un
aspect
aussi
original
des
contrastes
aussi
tranges.
A
la fois
libral
et
intolrant
pieux
et
inhumain
amoureux
de
l ordre
et
de
la
scurit
autant
que
du
mouvement et
du bruit
il
unit
un
respect
superstitieux
pour
la
lettre
de
la
loi
la
pratique
la plus
illimite
de
l indpendance
individuelle. Vers
comme
nul
autre
dans
tous
les
arts
de la paix
et
nanmoins
invincible
la
guerre
parfois
mme
pris
pour
elle
d une
passion
effrne
;
trop
souvent
tranger
l enthousiasme mais
inca-
pable
de dfaillance
il
ignore jusqu
la
notion du
dcouragement
ou
de la mollesse. Tantt il
mesure
tout
l aune
de
ses
profits
ou
de
ses
caprices
tantt
il
s enflamme
pour
une ide
ou
une
passion
dsin-
tresse.
Aussi mobile
que pas
un
dans
ses
affections
cl
ses
jugements
mais
sachant presque toujours
se
contenir
et
s arrter
temps
il
est
dou
la fois
d une initiative
que
rien
n tonne
et
d une
per-
svrance
que
rien
n abat.
Avide
de
conqutes
cl
de dcouvertes
il
erre
et
court
aux
extrmits
de
la
terre
puis
revient plus
pris
que
jamais
du
foyer
domestique plus jaloux
d en
assurer
la
dignit
et
la
dure
sculaire.
Ennemi
implacable
de
la
contrainte
il
est
l esclave volontaire
de
la
tradition
et
de
la
discipline
librement
accepte
ou
d un
prjug hr-
ditairement
transmis.
Nul
peuple
n a
t
plus
souvent
conquis
nul
n a
su
mieux
absorber et transformer
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18/523
DES
ILES
BRITANNIQUES.
5
ses
conqurants.
Nul
n a
perscut
le
catholicisme
avec
un
plus
sanguinaire acharnement
;
encore
aujourd hui
nul
ne
semble
plus
hostile
l glise
et
cependant
nul
n en
a
plus besoin;
nul
aussi
ne
lui
fait
plus dfaut;
nul
n a
laiss
dans
son
sein
un
vide
plus
irrparable; nul
enfin
n a
prodi-
gu
nos
voques
nos
prtres
nos
religieux
proscrits
une
plus
gnreuse
hospitalit.
Inacces-
sible
aux
orages
modernes
celte
le
a
t
un
asile
inviolable
pour
nos
pres
et
nos
princes
exils
non
moins
que pour
nos
plus
violents
ennemis.
Ni
l gosme
parfois sauvage
de
ces
insulaires
ni
leur
indiffrence
trop
souvent
cynique
pour
les dou-
leurs
et
la
servitude d autrui
ne
doivent
nous
faire
oublier
que
l plus
que
partout
ailleurs l homme
s appartient
lui-mme
et
se
gouverne
lui-mme.
C est
l
que
la noblesse
de
notre
nature
a
dvelopp
toute
sa
splendeur
et
atteint
son
niveau
le
plus
lev.
C est
l
que
la
passion gnreuse
de
l indpendance
unie
au
gnie
de
l association
et
la pratique
con-
stante
de
l empire
de
soi
ont
enfante
ces
prodiges
d nergie
acharne
d indomptable vigueur
d h-
rosme
opinitre
qui
ont
triomph
des
mers
et
des
climats
du
temps
et
de
la
distance
de
la
nature
et
de
la
tyrannie
en
excitant
la
perptuelle
envie
de
tous
les
peuples
et
l orgueilleux
enthousiasme
des
Anglais
1.
1.
Jamais
cet
enthousiasme
ne
s est
mieux
formul
que
dans
ces
vers
rpts
avec
transport
par
le
grand
moraliste
anglais
du
dernier
sicle
Johnson le
25
octobre
1775
au
retour
de
sa
visite
l le
monastique
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19/523
6
ORIGINES
CHRTIENNES
Aimant
la
libert
pour
elle-mme et
n aimant
rien
sans
elle
ce
peuple
ne
doit
rien
ses
rois
qui
n ont
t
quelque
chose
que par
lui
et
pour
lui.
Sur
lui
seul pse
la
formidable
responsabilit
de
son
histoire.
Aprs
avoir
subi
autant et
plus
qu aucune
nation
de
l Europe
les
horreurs
du
despotisme
po-
litique
et
religieux
au
seizime
et
au
dix-septime
sicle il
a
su
le
premier
et
le
seul
s en
affranchir
pour
toujours.
Rintgr
dans
son
vieux
droit
sa
fire
et
vaillante
nature
lui
a
depuis
lors
interdit
d abdiquer
entre
des
mains quelconques
ses
droits
ses
destins
ses
intrts
son
libre arbitre.
Il
sait
vouloir
et
agir
pour
lui-mme;
gouvernant
sou-
levant
inspirant
ses
grands
hommes
au
lieu
d tre
sduit
gar
ou
exploit
par eux.
Cette
race
anglaise
a
succd
l orgueil
comme
la
grandeur
du peuple dont
elle
est
l mule
et
l h-
ritire
du peuple
romain; j entends
les
vrais
Romains
de la
Rpublique
non
les
vils Romains
asservis
par
Auguste.
Comme
les Romains
envers
d Iona
berceau
du christianisme
britannique
o
nous
allons
tout
l heure
transporter
nos
lecteurs
:
Stern
o er
each
bosom Reason holds
her state
With
daring aims
irregularly
great;
Pride
in
their
port
dfiance
in
their
eye
I
see
the lords
of
human
kind
pass
by
;
Intent
on
high designs
a
thoughtful
band
By
forms unfashioned
fresh from
nature s
hand
Fierce
in
their
native
hardiness
of
soul;
True
to
imagined
right
above
control
While
even
the
peasant
boasts
these rights
to
scan
And
learns
to
venerate
himself
as
man.
GOLDSMITH
the
Travlleer.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
20/523
DES
ILES BRITANNIQUES.
7
leurs tributaires
elle
a
t
froce
et cupide envers
l Irlande
infligeant
ainsi
sa
victime
jusqu en
ces
derniers
temps
la
servitude
et
l abaissement
qu elle
rpudie
avec
horreur
pour
elle-mme.
Comme
la
Rome
antique
souvent
hae
et
trop souvent
digne de
haine
elle inspirera
toujours
ses
juges les
plus
fa-
vorables
plus d admiration
que
d amour. Mais plus
heureuse
que
Rome
aprs
mille
ans
et
plus elle
est
encore
toute
jeune
et
fconde. Un
progrs lent
obscur
mais ininterrompu lui
a
cr
un
fonds
inpuisable de
force
et
de vie.
Chez
elle la
sve
dbordait
hier
et
dbordera
demain. Plus heureuse
que
Rome malgr mille inconsquences
mille
excs mille
souillures elle
est
de
toutes
les
races
modernes
et
de
toutes
les nations
chrtiennes
celle
qui
a
le mieux conserv
les
trois bases
fondamen-
tales de
toute
socit digne
de
l homme
:
l esprit
de
libert l esprit
de famille
et
l esprit
religieux.
Comment
celte
nation
o
survit
et
triomphe
un
orgueil
tout
paen
et
qui
n en
est
pas
moins
reste
jusqu au
sein de
l erreur
la
plus
religieuse
de
toutes
les
nations
de
l Europe
1
comment
est-elle
devenue
chrtienne?
Comment
et
par
quelles
mains
le
christianisme
y
a-t-il jet
de
si
indestructibles
1. On s tonnera
peut-tre de
cette
affirmation.
Elle
exprime
une
conviction
fonde
sur
des
comparaisons
et
des
tudes
personnelles
faites
pendant prs de
quarante
ans
dans
tous
les
pays
de l Europe
except
en
Russie. Elle
s accorde
d ailleurs
avec
les
rsultats
donns
par
l un des
observateurs
les plus
consciencieux
et
les
plus
perspicaces
de
notre temps
M Le
Play.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
21/523
8
ORIGINES
CHRTIENNES
racines?
Question
capitale
coup
sr parmi
les
plus
capitales
de
l histoire
et
dont
l intrt
clate
et
redouble
quand
on
songe
que
de
la
conversion
de
l Angleterre
a
dpendu
et
dpend
encore
la
conversion
de
tant
de
millions
d mes.
Le
chris-
tianisme
anglais
a
t
le
berceau
du
christianisme
de l Allemagne
;
du sein de
l Allemagne
des
mis-
sionnaires
forms
par
les
Anglo-Saxons
ont
port
la
foi
en
Scandinavie
et
chez les
Slaves
et
chaque
jour
l heure
qu il
est
soit
par
la
fconde
expan-
sion
de
l orthodoxie irlandaise
soit
par
l impulsion
obstine de la
propagande protestante il
se
cre
des
chrtients
qui parlent anglais
et
vivent
l an-
glaise
dans
toute
l Amrique du Nord dans
les
deux
Indes
dans
l immense Australie
et
dans
les
les
de
l ocan
Pacifique.
C est
presque une
moiti
du
monde dont
le
christianisme
dcoule
ou
dcou-
lera
de
la
source qui
a
jailli sur
le
sol
britannique.
Or
celle
question
capitale il
est
permis de
rpondre
avec
une
prcision rigoureuse.
Nul
peuple
au
monde
n a
reu
la
foi
chrtienne
plus directe-
ment
de
l Eglise
romaine
et
plus
exclusivement
par
le
ministre
des
moines.
Si
comme
l a
dit
un
grand
ennemi
de Jsus-
Christ
la
France
a
t
faite
par
les
vques
il
est
bien
plus
vrai
encore
que
l Angleterre
chrtienne
a
t
faite
par
les
moines.
De
tous
les
pays
de
l Europe
c est
celui
qui
a
t le
plus
profondment
labour
par
le
soc
monastique.
Ce
sont
les
moines et
les
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
22/523
DES
ILES
BRITANNIQUES.
9
moines seuls qui ont
port
sem et cultiv
dans
celte
le
fameuse
la
civilisation
chrtienne.
D o
venaient
ces
moines?
De
deux
courants
trs-
distincts
de
Rome
et
de
l Irlande.
Le
christianisme
britannique
est
n
du
concours
et
quelquefois
du
conflit des
missionnaires
monastiques
de
l glise
romaine
et de
l glise
celtique.
Mais
avant
celle
conversion dfinitive
due
surtout
un
pape
et
des
moines
sortis des
rangs
bndic-
tins
il
y
eut
dans
la
Grande-Bretagne
un
christia-
nisme primitif dont
l existence
fort
obscure
est
nan-
moins
incontestable
et
dont
les
destines
et
la
catastrophe
mritent
un
rapide
aperu.
De
tous
les
peuples
conquis
par
Rome
les
Bre-
tons
taient
ceux
qui
avaient le
plus
longtemps
rsist
ses
armes
et
le
moins
emprunt
ses
lois
ou
ses
moeurs.
Un
moment
vaincus
mais
non sou-
mis
par
l invincible
Csar
ils
avaient
contraint
le
bourreau
des
Gaules
et
le
destructeur
de
la
libert
romaine
quitter leurs
rivages
sans
y
avoir
fond
la
servitude.
Moins
heureux
sous
ses
indignes
suc-
cesseurs
rduits
en
province
et
livrs
en
proie
l avarice
la
luxure
la
frocit
des
usuriers
1
des
procurateurs
et
des
lieutenants impriaux
ils
main-
tinrent
encore
longtemps
une
attitude
fire
et
digne
qui
contrastait
avec
l esclavage
universel.
Jam
domili
ut
pareant
nondum
ut
serviant2
Sujets
et
non
1. Tels
que
Snque
lui-mme
selon Dion
Cassius.
2.
TACITE
Agricola
c.
13
Rsistance
hroque
de la Bretagne
l empire romain.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
23/523
10
ORIGINES
CHRTIENNES
esclaves
c est
le
premier
et
le
dernier
mot
de
l histoire
britannique.
Mme
sous
Nron
les
Bretons
riaient
de
ces
vils
affranchis
que
les
Csars
imposaient
pour
ministres
et
pour
magistrats
l univers
dshonor 1.
Bien
avant
d avoir t
broye
et
ravive
par
les
inva-
sions
successives
de
trois
races
germaniques
les
Saxons
les
Danois
et
les
Normands
cette
noble
race
celtique
avait
produit
des
personnages
qui
grce
Tacite
resplendissent
d une
imprissable
lumire
au
milieu
de
la
dgradation
du
monde:
Caractacus
le
glorieux
prisonnier
le
Vercingtorix
breton
qui
sut
parler
l empereur
un
langage
digne
des beaux
jours
de
l
Rpublique
:
Parce
que
vous
voulez
nous
asservir
qui
vous
dit
que
tout
le
monde ait
envie
de
votre
servitude
2
;
puis
Boadicea
la
reine hroque
donnant
en
spectacle
son
corps
flagell
et
ses
filles
outrages
pour
en-
flammer
le
patriotisme
indign
des
Bretons
trahie
par
la
fortune mais sauve
par
l histoire; enfin
Galgacus dont Tacite
a
immortalis le
nom
en
lui
prtant
toute
l loquence
que
la
conscience
et
la
justice pouvaient
inspirer
un
honnte
homme
in-
dign
dans
cette
harangue
que
nous
avons
tous
sue
par
coeur
et
qui
sonnait
la
charge
du combat
o
1.
Hostibus
irrisui
fuit
apud
quos
flagrante
etiam
tum
libertate
nondum
cognita libertorum
potentia
erat
:
mirabanturque
quod
dux
et
exercitus
tanti
belli
confector
servitiis
obedirent.
Annal
XIV
59.
2.
Num
si
vos
omnibus
imperitare
vultis. sequitur
ut
omnes
servi-
tutem
accipiant?
Ibid.
XII
57.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
24/523
DES
ILES BRITANNIQUES.
11
les
fils
les
plus
reculs de
la
libert celtique
devaient
cimenter
de
leur
sang
le
rempart
insurmontable
de
leur indpendance
montagnarde
1.
La
Bretagne prludait ainsi
au
glorieux
avenir
que
la
libert
s est
cr
travers
tant
d orages
et
tant
d clipss
dans
cette
le
qui
en
est
enfin
devenue
le
sanctuaire
et
l indestructible abri.
Le
droit
civil de Rome
dont
le
joug
pse
encore
aprs
dix-huit
sicles
couls
sur
la
France
l Es-
pagne
l Italie
et
l Allemagne
a sans
doute
rgn
en
Bretagne
pendant l occupation romaine;
mais il
en
a
disparu
avec
le
rgime
des Csars.
Ses
malfaisantes
racines n y
ont
jamais
enlac touff
ou
empoisonn
les
vigoureux rejets
de
la
libert
domestique
civile
et
politique.
Il
en
est
de
mme
pour
tout
le
reste.
Pas
plus
dans les institutions
que
dans
les
monu-
ments
de
la
Bretagne
Rome
impriale
n a
laiss
aucune trace
de sa hideuse domination.
La
langue
et
les
moeurs
lui
ont
chapp
comme
les lois.
Tout
ce
qui
n est
pas
celtique
y
est
teutonique.
Il
tait
r-
serv
Rome
catholique
la Rome
des
papes
d im-
primer
une
ineffaable
empreinte
sur
cette
le
clbre
et
d y
revendiquer
pour
l immortelle
majest
de
l vangile l influence
sociale
qui partout
ailleurs
lui
a
t
dispute
ou
drobe
par
l hritage
fatal de
la Rome
des Csars.
Aussi
aprs
avoir t
la
dernire
parmi
les
na-
1.
Initium libertatis
totius Britannioe...
Nos
terrarum
aclibertatis
extremos...
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
25/523
12
ORIGINES
CHRTIENNES:
tions
de
l Occident
subir
le
joug
romain
fut-elle
la
premire
s en
dfaire
;
la
premire
qui
sut
ab-
jurer
l autorit
impriale
et
apprendre
au
monde
comment
on
pouvait
se
passer
d empereur.
Lorsque
l impuissance
de
l Empire
en
face
des
incursions
barbares
eut
clat
en
Bretagne
comme
ailleurs
les
Bretons
ne
s abandonnrent
pas
eux-mmes.
Les
petites
souverainets
nationales
les
clans
aristocra-
tiquement
organiss
dont
les
divisions
avaient fait
triompher
l invasion
romaine
reparurent
sous
des
chefs
indignes.
Une
sorte
de
fdration
se
constitua
et
ses
chefs
signifirent
l empereur
Honorius
par
une
ambassade
reue
Ravenne
en
410
que
d-
sormais la
Bretagne
comptait
se
dfendre
et
se gou-
verner par
elle-mme
1.
Un
grand
crivain
l a
dj
remarqu
:
de
tous
les
peuples soumis
l empire
romain
les
Bretons
sont
les seuls
dont
la
lutte
contre
les
barbares
ait
une histoire
et
l histoire
de
celte
rsistance
a
dur
deux
sicles.
A la
mme
poque
dans la
mme
situation
les Italiens
les
Gaulois
les
Espagnols
n ont rien
de
pareil
2.
Ils
se
laissrent
tous
craser
et
abmer
sans
rsistance.
Toutefois la
Bretagne
elle-mme
n avait
pas
subi
1.
Romanum
nomen
tenens
legem abjiciens.
GILDAS
de
Excidio
Bri-
tanniae.
ZOSIME
Hist.
novae
lib.
VI p.
576 581.
Cf. LINGARD
History
of
England
c.
1.
AMDE THIERRY
Arles
et
le
Tyran
Constantin
p.
509.
2.
GUIZOT
Essai
sur
l histoire
de
France
p.
2
Seuls
en
Gaule
les
Arvernes
les
compatriotes
de Vercingtorix
eurent
un
beau
moment
lorsque
Ecdicius
fora
les Goths
de
lever le
sige
de
Clermont
en
471;
mais
ce
ne
fut
qu un
clair
dans
la
nuit.
La
Bretagne
est
la
premire
des
nations
occidentales
qui
sache
se
passer
de
Csar.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
26/523
DES
ILES
BRITANNIQUES.
15
impunment
trois sicles
et
demi
de
servitude
imp-
riale:
Comme dans la
Gaule
comme
dans
tous
les
pays
soumis
l empire
romain
la dpendance
et
la
corruption avaient
la longue
nerv amolli
et
ruin
ces
vaillantes
populations. Les fils de
ceux que
Csar
n avait
pu
conqurir
et
qui
avaient
si
hroquement
lutt
sous Claude
cl Nron
se
crurent
bientt
hors
d tat de
tenir
tte
aux
barbares
amissa virtule
pariter
ac
libertate. Ils rclamrent
en
vain
l inter-
vention des lgions romaines
:
celles-ci revinrent
dans l le
deux
reprises
diffrentes
mais
sans
rus-
sir
la dlivrer
ou
la
protger. Du
reste
les
bar-
bares
qui venaient
branler
et
renverser
la
domina-
tion des Csars
en
Bretagne n taient
pas
des
tran-
gers comme
le
furent
les Goths
en
Italie
et
les Francs
en
Gaule. On
ne
peut
voir
autre
chose
que
les
peu-
plades
non
soumises
de la Bretagne elle-mme dans
ces
Caldoniens
qui
sous
Galgacus
avaient rsist
victorieusement
Agricola
et
qui
sous
les
noms
nouveaux
de
Scots
et
de Piets
faisant brche
tra-
vers
les
fameux
remparts
levs
contre
eux
par
An-
tonin
et
par
Svre
et
renouvelant
tous
les
ans
leurs
dvastations
sanguinaires
arrachrent
la
Bretagne
perdue
et
dsole
par un
demi-sicle
de
ravages
ce
cri
de dtresse
que
tout
le
monde
connat
:
Les
barbares
nous
repoussent
jusqu la
mer
la
mer
nous
rejette
vers
les
barbares.
Nous
n avons
plus
que
le
choix d tre
gorgs
ou
noys
1.
1. Actio
ter
cousuli
gemitus
Britannorum.
Repellunt
nos ar-
418-421.
Ravages
des
Pictes.
446.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
27/523
14
ORIGINES
CHRTIENNES
Arrive
s
Anglo-Saxons.
449.
Tout
le
monde sait aussi comment les Bretons
acceptrent
imprudemment
contre
les
Piets
le
se-
cours
de
la
race
belliqueuse
et
maritime
des
Anglo-
Saxons
et
comment
non
moins
cruels
et
non
moins
redoutables
que
les
Pictes
ces
auxiliaires
devenus
les
conqurants
du
pays
y
fondrent
une
domination
ou
pour
mieux
dire une nationalit
nouvelle
qui
a
persist victorieusement
travers
toutes
les
con-
qutes
et toutes
les
rvolutions
subsquentes.
Ces
guerriers
issus de la
grande
famille
germanique
comme
l taient
selon
l opinion
commune
les
Bre-
tons
eux-mmes
se
rapprochaient
de ceux-ci
par
leurs institutions
et
leurs
moeurs; ce
qui
n empcha
pas
les
indignes
de leur
opposer
pendant
prs
de
deux sicles
une
rsistance hroque bien
qu
lalon-
gue
infructueuse
1.
Entirement
trangers
la civilisa-
lion
romaine
les Anglo-Saxons
n eurent
garde
de
con-
server
ou
de
rtablir
les
vestiges
du rgime imprial.
Mais
en
dtruisant
la
jeune
indpendance
des Bre-
tons
en
refoulant
dans
les
rgions
montueuses
de
l Ouest
les
populations
que
n atteignaient
pas
les
longs
couteaux
dont
ils
tiraient
leur
nom2
ces
paens
renversrent
et
anantirent
pour
un
temps
sur
le
sol
ensanglant
de
la
Grande-Bretagne
un
difice
autrement
auguste
que
l empire
romain
et
bari
ad
mare
repellit
mare
ad barbaros.
Inter
haec
oriuntur
duo
genera
funerum
:
aut
jugulamur
aut
mergimur.
1.
Elle
n a
t
nulle
part
aussi
bien
raconte
que
par
M.
Arthur
de
la
Borderie
dans
la
Revue
bretonne
de 1804.
2
Sax
couteau
pe
en
vieux
allemand
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
28/523
DES ILES
BRITANNIQUES.
15
autrement
solide
que
la nationalit celtique
l di-
fice
de
la
religion
chrtienne.
On
sait
avec
certitude
que
le
christianisme fut
im-
plant
en
Bretagne ds
le second
sicle de
l re
chr-
tienne;
mais
on
ne
sait rien
de positif
sur
l ori-
gine
ou
l organisation
de
cette
glise primitive.
Toutefois
au dire
de
Terlullien
elle
avait
pntr
en
Caldonie
au
del des limites
de
la province
ro-
maine
1
.
Elle
fournil
la perscution de Diocltien
son
contingent
de
martyrs
et
au
premier
rang
parmi
eux
un
jeune
diacre
Alban
dont
la
tombe
devait
plus tard
tre
consacre
par
l un
des
prin-
cipaux monastres anglo-saxons. Elle
apparut
aussi-
tt aprs
la paix de
l glise
en
la
personne
de
ses
vques
aux
premiers
conciles de l Occident.
Elle
survcut
la
domination
romaine
mais
ce
ne
fut
que
pour
lutter
pied
pied
et
reculer enfin
avec
les der-
nires tribus
du
peuple breton
devant les envahis-
seurs
saxons
aprs
un
sicle
entier d efforts
et
de
souffrances
de
massacres
et
de profanations. Pen-
dant
tout
ce
temps
d un bout
de
l le
l autre
les
Saxons
promenrent
l incendie
le
meurtre
et
le
sa-
crilge;
renversant
les
difices
publics
comme
les
maisons
particulires
dvastant
les
glises
brisant
les
pierres
sacres
des autels
gorgeant
les
pasteurs
avec
leurs
ouailles 2.
1.
Britannorum inaccessa
Romanis
loca
Christo
vero
subdita.
TER-
TULL.
Adv.
Judaeos
c.
7.
2.
Accensus manibus paganorum
ignis...
ab
orientali
mare
usque
ad
occidentale...
totam
prope
insulae
pereuntis
superficiem obtexit. Rue-
Origine
du
christianisme
en
Bretagne.
514.
L glise
bretonne
noye
dans le
sang
par
les
Saxons.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
29/523
16
ORIGINES
CHRTIENNES
Ces
preuves si
cruelles et
si
prolonges
durent
ncessairement
troubler
les
communications
habi-
tuelles
des
chrtiens
de
Bretagne
avec
l Eglise
ro-
maine.
De l
ces
diversits
de
rites
et
d usages, surtout
en ce
qui
louchait
la
clbration
de
la
Pque,
dont
il
sera
tant
question
dans
la
suite.
Mais
ds
pr-
sent
il
convient de
constater
que
l tude
la
plus
atten-
tive
des
monuments
authentiques
ne
rvle
aucune
lutte
doctrinale,
aucune
diversit de
croyance
entre
les
vques
bretons
et
l vque
des vques
Rome.
D ailleurs,
la
Rome des
papes
prodiguait
dj
ses
lumires
et
ses
consolations
sa
fille
d outre-mer,
au
moment
mme
o
la
Rome
des
Csars
l aban-
donnait
d irrparables dsastres.
Avant
mme
d tre condamne
cette
lutte
mor-
telle
contre
le
paganisme
germanique,
l Eglise
bre-
bant
sedificia
publica, simul et
privata;
passim sacerdotes
inter al-
taria
trucidabantur,
praesules
cum
populis, sine
ullo
respectu
ho-
noris, ferro
pariter
et
flammis absuinebantur.
BEDA,
Hist
ecclesicstica
gentis
Anglorum,
lib.
I,
c.
15. Cf.
GILDAS,
de
Excidio Britannae.
Les
opinions
sont
partages
quant
la destruction
complte
ou
partielle
des
Bretons
dans les
pays
conquis
par
les Saxons.
Palgrave
surtout
a
contest la tradition
ordinaire
sur ce
fait.
Cependant
les historiens
saxons
eux-mmes
ont
constat plus d un
exemple
d extermination
complte.
Les
premiers
Saxons
tablis
par
Cerdic,
fondateur
du
royaume
de
Wessex,
dans l le
de
Wight,
y
anantirent
toute
la
popu-
lation
indigne.
Paucos
Britones.
ejusdem
insulae
accolas,
quos
in
ea
invenire
potuerunt... occiderunt
:
coeteri
enim
accola;
ejusdem
insulte
ante
aut
occisi
erant,
aut
exules
aufugerant.
ASSER,
p.
5,
ap.
Lingard,
I,
19. Hoc
anno
490)
AElla
et
Cissa
obsederunt
Andredesces
-
ter
dans
le
Sussex)
et
interfecerunt
omnes
qui
id
incolerent,
adeo
ut
ne
unus
Brito
ibi
superstes
fuerit.
Chron.
Anglo-Sax., ad ann.
490,d.
Gibson.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
30/523
DES
ILES
BRITANNIQUES.
17
tonne
avait
connu
les
prilleuses
agitations
de l h-
rsie. Pelage,
le
grand
hrsiarque
du
cinquime
sicle, le
grand ennemi
de
la
grce,
tait
n dans
son
sein.
Pour
se
dfendre
de
la
contagion de
ses
doctrines,
elle
appela
son secours
les
vques
or-
thodoxes des
Gaules.
Le
pape
Clestin,
qui,
vers
la
mme
poque,
envoyait le
diacre
romain
Palladius
comme
premier
vque des
Scols
d Irlande
ou
des
Hbrides
1,
averti
par
ce
mme
Palladius
du
danger
que
courait
la foi
en
Bretagne,
chargea
noire
grand
vque
d Auxerre, saint
Germain,
d aller
y com-
battre
l hrsie
plagienne.
Deux fois
ce
pontife
va
visiter
la
Bretagne et
la
fortifier dans
la
foi
ortho-
doxe
et
l amour
de la
grce
cleste. Germain,
accom-
1.
Palladius
ad
Scotos in
Christum
credentesordinatus
a papa Celes-
tino
primustepiscopus
mittitur.PROSPER,
Chron.
Consulare ad
ann.
429.
Dans
un
autre
ouvrage, ce
contemporain ajoute
:
Et ordinato
Scotis
episcopo,dura
Romanam
insulam
studet
servare
catholicam,
fecit
etiam
Barbaram Christianam.
Lib.
contra Collat.,
c.
14.
Mais
le
peu
de
succs de
cette
mission,
dont
il
n est
pas
mme
question dans les
an-
ciens
monuments
historiques
de l Irlande, rend
assez
plausible
la
con-
jecture de M.
Varin,
qui
pense que
Palladius
fut
seulement
charg
des
Scots
dj
tablis
dans
les
Hbrides
et
sur
la
cte
occidentale
de
la
Caldonie.
C est
ici
le
lieu
de
mentionner
un
saint
que
l on
vnrait
dans
l glise
d Ecosse
comme
disciple
de
Palladius,
saintTernan,
qua-
lifi
d archevque des
Pictes
dans
les livres
liturgiques
d Aberdeen,
lesquels
font
de
saint
Palladius
(
}-
vers
450)
le
contemporain de
saint
Grgoire
le
Grand
( i 604).
La
mmoire
de
ce
saint
vient d tre
remise
en
lumire
par
la
publication
rcente
d un fort
curieux
mo-
nument
liturgique
:
liber
ecclesie
Beali
Terrenani
de
Arbuthnolt,
seu
Missale
secundum
usum
Ecclesiae
sancti
Andreae
in
Scotia, due
au
docteur Forbes,
vque
anglican
de
Brechin.
Mais
l article
consacr
par
les
Bollandistes
a
ce
saint (Act.
SS.
Junii,
t.
II,
p.
553-555)
ne
rsout
aucune
des
incertitudes
qui
rgnent
sur
son
existence.
MOINES
D OCC.
III.
2
Mission
du
diacre
Palladius
chez
les
Scots,
424
ou
451,
et
de l vque
saint
Germain
d Auxerre,
contre
les
Plagiens.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
31/523
118
ORIGINES
CHRTIENNES
429-446.
pagn
la
premire
fois
par
l vque
de
Troyes
1
et
la
seconde
par
l vque
de
Trves
ne
veut
d a-
bord
employer
contre
les
hrtiques
que
les
armes
de
la
persuasion.
Il
prche
aux
fidles
non-seule-
ment
dans les
glises mais
dans
les
carrefours
et
dans
les
champs.
Il
argumente
publiquement
con-
tre
les
docteurs plagiens
en
prsence
des
peuples
assembls
et
passionnment
attentifs
avec
leurs
fem-
mes
et
leurs
enfants
2.
Soldat
dans
sa
jeunesse
l illus-
tre
vque
retrouve
l ardeur
intrpide
de
son
premier
mtier
pour
dfendre le peuple
qu il venait
vang-
liser.
A
la
tte de
ses
proslytes
dsarms il
marche
contre
une
horde
de Saxons
et
de
Piets
dj
ligus
contre
les
Bretons
et
les
met
en
fuite
en
faisant
r-
pter trois
fois
par
toute
sa
troupe
le cri
d allluia
rpercut
par
les
montagnes
voisines. C est
la
jour-
ne
connue
sous
le
nom
de Victoire
de
l Allluia
3.
Heureux
s il
avait
pu prserver
jamais
les vain-
queurs
du
fer
des
barbares
comme
il russit
les
gurir du
poison
de
l hrsie
car
aprs
lui
le pla-
gianisme
ne
reparut
en
Bretagne
que pour
recevoir
un
dernier
coup
au
synode
de
519.
Grce
aux
dis-
ciples
qu il
forma
et
qui
devinrent
les
fondateurs
1.
Saint
Loup
form
l cole
monastique
de
Lrins
et
si
connu par
sa
victoire
morale
sur
Attila.
Voir
tome
I
page
241.
2
Divinus
per
eos
sermo
ferme
quotidie
non
solum in
ecclesiis
verum
etiam
per
trivia
per
rura
praedicabatur...
Immensa
multitudo etiam
cum
conjugibus et
liberis
excita
convenerat et
erat populus
expectator
et
futurus
judex...
VIX
manus
continet
judicium
tamen
clamore
tes-
tatur.
BEDE
I 18.
3.
Pugna
alleluiatien.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
32/523
DES
ILES
BRITANNIQUES.
10
des principaux
monastres de la Cambric
c est
notre
grand
saint
gaulois
que
remontent
les
pre-
mires
splendeurs
de la vie cnobitique
en
Bretagne.
Le
clbre
vque
d Auxerre
et
ses
confrres
ne
furent
pas
les
seuls
pontifes
que
l glise
romaine
commit
la
garde
et
la
propagation
de la
foi
en
Bretagne.
Vers
la
fin
du
quatrime
sicle au
plus fort
des
invasions
caldoniennes
le
fils d un
chef
breton
Ninias
ou
Ninian
avait
t
Rome
se
tremper
dans les
sources
de l orthodoxie
et
de
la disci-
pline
et
aprs
y
avoir
vcu
pri
et
tudi
pen-
dant vingt-quatre
annes
l cole des
Jrme
et
des
Damase
1
il
y
avait
reu
du
pape
Siricius
le
caractre
piscopal.
Revenu
en
Bretagne il
eut
l audacieuse
pense
d opposer
aux
flots
toujours
plus rapprochs
et
toujours
plus
terribles
des
bar-
bares du
Nord
la seule
digue
qui
pt
les
arrter
et
la
seule
force
qui
pt
les
dompter
en
les
trans-
formant.
Il
entreprit
de
les
convertir
la foi
chrtienne.
Il avait
d abord
tabli le
centre
de
son
diocse dans
un
canton
recul
de
cette
rgion
inter-
mdiaire
situe
entre
les
deux isthmes qui
coupent
la Grande-Bretagne
en
trois portions ingales. Cette
rgion
sans cesse
dispute
par
les
Pictes aux
Bre-
tons et
aux
Romains
n avait
t
rduite
en
province
sous
le
nom
de
Valentia
que
du
temps
de
l empe-
1.
Nynia episcopo
reverentissimo
et
sanctissimo
viro
de
natione Brit-
tonum
qui
erat
Romae
regulariter fidem
et
mysteria veritatis edoctus;
BEDE
III
4
Le Breton
Ninian
entreprend
de
convertir
les Piets.
570-594.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
33/523
20
ORIGINES
CHRTIENNES
reur
Valentinien
et comprenait
tous les
pays
entre
le
mur
d Antonin
au
nord
et
le
mur
de
Svre
au
midi.
L extrmit
occidentale
de
cette
province
et
la
plus
voisine
de
l Irlande
portait
ds
lors
le
nom
de
Galwidia
ou
Galloway 1
;
elle forme
une
sorte
de
pres-
qu le
dcoupe
par
la
mer
en
plusieurs
vastes
et
larges
promontoires.
Ce
fut
au bord
d un
de
ces
golfes
sur
un cap
d o
l on
distingue
les
ctes
lointaines
du
Cumberland
ey
de
l le
de
Man
que
Ninian
constitua
un
foyer
ecclsiastique
en
levant
une
glise
en
pierre.
Ce
genre
de
construction in-
connu
jusqu alors
en
Bretagne
valut
la
nouvelle
cathdrale
et
au
monastre
qu il
y
adjoignit
le
nom
de
Candida
casa ou
White
horn
qui
subsiste
en-
core 2.
Il
consacra
cette
glise
saint
Martin
cet
illustre
aptre
des Gaules
auprs
de
qui
il
s tait
arrt
Tours
en
revenant
de Rome
et
qui
selon
la
tradition
lui avait
donn
des
maons
capables
de
1.
Cette province
ainsi dnomme pendant
tout
le
moyen
ge
est
reprsente
sur
les
cartes
modernes
par
les
comts de Wigton
et
de
Kirkeudbright.
2. White
blanc;
Horn
hern
du
saxon
AErn
maison. On
montre
encore
dans
une
le voisine de
la
cte
une
petite glise ruine qu on
dit
avoir
t
btie
par
saint
Mnian.
Le diocse fond
par
lui dis-
parut aprs
sa
mort;
mais les
Anglo-Saxons
le
rtablirent
ainsi que la
communaut laquelle
le
clbre
Alcuin
adressa
une
pitre
intitule
:
Ad fratres
S.
Niniani
in
Candida
Casa.
Une
nouvelleinvasion
desPictes
venus
cette
fois
d Irlande
dtruisit
une
seconde fois
le
diocse
de
Gal-
loway
qui
ne
fut
rtabli
qu au
douzime
sicle
sous
le
roi
David
I.
Les
belles
ruines
de
cette
cathdrale
relativement
moderne
et
dtruite
par
les
presbytriens
se
voient
dans
la
ville
actuelle de
Whitehorn.
Le
tombeau
de
saint
Ninian
fut
toujours
un
lieu
de
plerinage
trs-
frquent
jusqu
la Rforme.
Son
tablissement
White-Horn.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
34/523
DES ILES
BRITANNIQUES.
21
construire
une
glise
d aprs
l usage de
Rome.
L image
du
saint
pontife
qui venait de mourir
au
moment
o
Ninian
s tablit
dans
sa
Maison
blanche
le
souvenir de
son
courage
de
ses
laborieux
efforts
contre
l idoltrie
et
l hrsie
de
sa
charit
si
g-
nreusement
indigne
contre
les
perscuteurs
1
taient
bien
dignes
de
prsider
la
carrire
apos-
tolique du
nouvel
vque
breton
et
de lui
in-
spirer
le dvouement
ncessaire
pour
entamer
la
con-
version
des
Pictes.
Qui
donc
en
parcourant
de
nos
jours
l Ecosse
mridionale
des
rives
du
Solway
celles du Forth
et de
la
Tay
en
passant
des
gigantesques mtro-
poles de
l industrie
aux campagnes
fcondes
par
tous
les
perfectionnements modernes de l agriculture
en
rencontrant
partout
les
preuves
et
les
produits
de
la civilisation
la plus raffine
qui donc
songe en-
core aux
obstacles
qu il
a
fallu
surmonter
pour
arracher
celte
contre
la
barbarie?
On
n oublie
que
trop
facilement
ce
que
devait
tre
l tat du
pays
quand Ninian
en
devint
le
premier mission
naire
et
le premier
vque.
Et
cependant
les
ailleurs
profanes
et
sacrs
Dion
et
Strabon saint
Jean
Chry-
sostome
et
saint
Jrme
ont
dpeint
l envi
l horrible
cruaut
les
moeurs
sauvages
et
bru
laies
de
ces
habi-
tants
du nord de
la
Bretagne qui
successivement
connus
sous
le
nom
de
Caldoniens
de
Meatae
1.
Voir
tome
I
p.
220-224.
397.
Frocit
des
peuples
vangliss
par
Ninian
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
35/523
22
ORIGINES
CHRTIENNES
d Attacoyi
1
de
Scots
et de
Picyes
n taient
trs-
probablement
que
les
descendants
des
tribus
bre-
tonnes
que
Rome
n avait
pas
pu
dompter2.
Tous
sont
d accord
pour
leur
reprocher
la
promiscuit
incestueuse
de
leurs mnages
et
jusqu
l anthro-
pophagie
3;
tous
expriment
l horreur
qu inspiraient
aux
sujets
de
l Empire
ces
monstres
humains
qui
devaient
leur
dernier
nom
de
Pictes
l usage
de
marcher
au
combat
tout
nus
en
dcouvrant ainsi
leurs
corps
tatous
comme ceux
des
sauvages
de
l ocan
Pacifique
de
dessins
bizarres
et
de
cou-
leurs
diverses.
Ce
fut
nanmoins
au sein
de
ces
for-
midables
adversaires
de
la foi
et
de la
civilisation
que
Ninian
ne
craignit
pas
de
s aventurer.
Il d-
pensa
les
vingt
annes
qu il lui
restait
vivre
en
efforts
infatigables
pour
les
initier
la
lumire d en
haut
pour
les
ramener
du
cannibalisme
au
chris-
tianisme
lui
le
fils
et
le
reprsentant
de
cette
race
bretonne
qu ils
taient
accoutums
depuis plus
d un
sicle
massacrer
dpouiller
et
mpriser
et
cela
au
moment
mme
o
l empire
romain
re-
prsent
par
Honorius
abandonnait
la
Bretagne
ces
implacables
dvastateurs.
1. Ces
Attacoti
auxquels
saint Jrme
attribue
des
moeurs
et
des
cruauts
impossibles
raconter
habitaient
selon
l opinion
commune
la
contre
pittoresque
au
nord de
la Clyde
aujourd hui
parcourue
par
tant
de
voyageurs
entre
le
Loch-Lomond
et
le
golfe
appel Loch-Fin.
2.
PALCRAVE
Rise
and
progress of
the English
comnonwealth.
Tome
I
p.
419.
Ceci
n est
vrai du
reste
que
des
Pictes
car
les
Scots
ve-
naient
incontestablement
d Irlande
la Scolia
du
moyen
ge.
3. Voir
surtout saint Jrme
in
Jovinianum.
lib.
II.
4
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
36/523
DES ILES
BRITANNIQUES.
25
Il
ne reste malheureusement
aucun
dtail au-
thentique
sur
sa
mission
1,
aucun
trait qui
rappelle,
mme
de
trs-loin,
la
mission si
nettement
carac-
trise de
son
successeur,
saint
Columba, l aptre
des
Pictes
du Nord,
un
sicle
et
demi plus tard.
Nous
savons
seulement qu il russit
fonder,
au
sein des
races
piets,
une chrtient
qui ne
fut
plus extirpe
;
puis
que,
franchissant les limites
as-
signes
par
gricola
et
Antonin
la domination
romaine
au
temps
de
sa
plus
grande splendeur,
il alla prcher la foi jusqu au pied de
ces
monts
Grampians,
o
le beau-pre de Tacite
avait
ga-
gn
sa
dernire
et
infructueuse
victoire
2.
Nous
savons
que sa
mmoire
est
reste
en
bndiction
chez
les
descendants des
Piets
et
des
Scots
et
que
de
nombreuses glises
consacres
sous son vo-
cable
conservent
aujourd hui
mme
le souvenir du
culte
que
lui
voua la
reconnaissance
de la
postrit
5 ;
nous savons
enfin
que,
dj septuagnaire, il revint
1. Les
Bollandistes
die
16 Septembr.) n admettent
pas
l authenticit
de la
vie de
Ninian,
crite
au
douzime
sicle
par
le
saint abb AElred,
laquelle
ne
contient
que
des
miracles
comme
il s en
trouve
partout,
sans
aucun
trait
spcialement
caractristique.
2.
Ipsi
australes
Picti,
quiinfra
eosdem
montes
habent
sodes...relicto
errore
idololatriae,
fidem
veritatis
acceperant,
proedicante eis
verbum
Ninia episcopo.
BEDE,
III,
4.
5.
Mme
au
del
des
monts
Grampians
:
l endroit
o le
Glen-Ur-
quhart
dbouche
sur
le
Loch-Ness,
et
o saint
Columba voir
plus loin,
liv.
XI, chap.
IV)
alla
visiter
un
vieux
Picte
mourant,
on
voit
une
cha-
pelle
ruine
qui
porte
le
nom
de
Saint-Ninian,
d o l on
peut
supposer
que sa
mission avait dpass
la
frontire
qui lui
est
ordinairement
assigne.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
37/523
24
ORIGINES
CHRTIENNES
mourir
dans
son
monastre
de
la
Maison-Blanche
aprs
avoir
pass
les
derniers
temps
de
sa
vie
a
se
prparer
au
jugement
de Dieu
dans
une
caverne
laquelle
se
voit
encore
mi-cte
d une
haute
et
blanche
falaise
de
celte
plage du
Galloway
que
bal-
lent
sans
cesse
les
flots
imptueux
de
la
mer
d Ir-
lande
1.
Dans
celte
glise
primitive
de
Bretagne
si
cruel-
lement
prouve
par
les
paens
du
Nord
et
de
l Est
par
les Pictes
et
les
Saxons
il
y
avait
bien d autres
monastres
que
celui de Ninian
White-Horn.
Toutes
les glises
chrtiennes
de
ce
temps taient
pourvues
d institutions cnobitiques
et
Gildas
le moins
sus-
pect
des
annalistes
bretons
ne
laisse
aucun
doute
cet
gard
pour
la Bretagne
2.
Mais
l histoire
n en
a
gard
aucun
souvenir dtaille.
En
dehors
de
la Cam-
brie dont il
va
tre
parl
un peu
plus loin
la
seule
grande institution
monastique dont
le
nom
ail
triomph
de
l oubli
se
rattache
la
lgende
plutt
qu
l histoire
mais elle
a
occup
une
trop
grande
place
dans
les
traditions
religieuses
du
peuple
an-
glais
pour
qu il
soit
permis
d en
omettre
une
men-
tion
rapide.
Il
fut un
temps
o
les
nations
catholi-
ques
aimaient
se
disputer
la
prsance
et
l an-
ciennet
dans
la
profession
de la
foi
chrtienne
et
allaient
se
chercher
des
anctres
directs
parmi
les
tres
privilgis
qui
avaient
connu
chri
servi
le
1. Lives of
the English
saints.
1845 n
XIII p.
151.
2.
De
Excidio
Britanniae
p.
43-55.
Mort
de
Ninian.
452.
Abbave
de
Glastonbury.
Lgende
de
Joseph
d Arimathie.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
38/523
DES
ILES
BRITANNIQUES.
25
Fils de
Dieu
pendant
son passage
sur
la
terre.
Elles
croyaient
par
ces
gnalogies
lgendaires
se
rappro-
cher
en
quelque
sorte
du Calvaire
et
assister
aux
mystres
de
la Passion.
C est
ainsi
que
l Espagne
a
victorieusement
revendiqu
pour
aptre
le
fils
de
Zbde le
frre
de
saint
Jean
ce
Jacques
que
Jsus
avait
associ
aux
splendeurs
du
Thabor
et
aux
an-
goisses
du
Jardin
des Oliviers.
C est
ainsi
que
le
midi
de la
France
se
glorifiait
de faire
remonter
ses
origines
chrtiennes
cette
famille
dont les douleurs
et
l amour
sont
enchsss dans
l vangile
Marthe
qui fut
l htesse de Jsus
;
Lazare
que
Jsus
res-
suscita
;
Madeleine
qui fut
le
premier
tmoin
de
la
rsurrection
de Jsus
;
leur
voyage
miraculeux
de
la Jude
en
Provence
au
martyre de l un
la
retraite
de
l autre
dans la
grotte
de la
Sainte-Baume
toutes
ces
admirables
traditions
que
l rudition
la
plus
so-
lide est venue
de
nos
jours
encore
justifier
et
con-
sacrer 1.
L Angleterre
d autrefois
avec
beaucoup
moins de fondement aimait
se
dire qu elle
devait
les
premires
semences
de la foi
Joseph
d Arima-
thie
ce
disciple
riche
et
noble
2
qui avait dpos
le
corps
du Seigneur dans le
spulcre
o
Madeleine
venait
pour l embaumer.
Les
Bretons et
aprs
eux
1.
Voir
le
grand
et
savant
ouvrage
publi
par
M.
Paillon
directeur
Saint-Sulpice
sous
le titre
de
:
Monuments
in
dits
sur
l apostolat
de
sainte
Marie
Madeleine
en
Provence
etc
Paris
1848. Cf.
BOUCHE
D-
fense
de
la
foi
de
Provence
pour
ses
saints
Lazare
Maximin
Marthe
et
Madeleine.
2.
Nobilis
decurio.
S. MARC.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
39/523
20
ORIGINES
CHRTIENNES
lesAnglo-Saxons
et lesAnglo-Normandsse
racontaient
de
pre
en
fils
que
Joseph,
fuyant
les
perscutions
des Juifs
et
n emportant
avec
lui
pour
tout
trsor
que
quelques
gouttes
du
sang
de
Jsus-Christ,
avait
d-
barqu
l ouest
de
l Angleterre,
avec
douze
compa-
gnons
;
qu il
y
avait
trouv
un
asile
dans
un
site
d-
sert,
entour
d eau
1,
et
qu il
y
avait
construit
et
con-
sacr
la
bienheureuse
Vierge Marie
une
chapelle
dont
les
murs
taient forms
de
branches
de
saule
entrelaces
et
dont
Jsus-Christ lui-mme n avait
pas
ddaign
de
clbrer
la
ddicace.
C est
ce
qu on
a
racont depuis et ailleurs
de
deux
grandes
et
c-
lbres
glises
monastiques,
celles
de
Saint-Denis
en
France
et
de Notre-Dame des
Ermites
en
Suisse
3.
1.
GUILLELMUS
MALMESBUIUESSIS,Antiq. Glastonb.,
ap.
GALE,
Script,
rer.
Britann.,
t.
III,
p.
295.
Cf.
BARONIUS,
Ann.,
ad
ann.
48.
DUGDALE,
MO-
nasticon,
t.
I,
p.
2.
Les
Bollandistes
et
divers
autres
historiens
mo-
dernes
se
sont
donn beaucoup
de peine
pour
rfuter
cette
tradition.
Elle
est
encore
rapporte
dans
la lettre
que
quelquesmoines adress-
rent
la
reine
Marie,
en
1555,
pour
demander le rtablissement
de
leur
abbaye
(ap.
DUGDALE,
t.
I,
p.
9
de la nouvelle dition).
A
cause
de
cette
tradition
de Joseph
d Arimathie,
les
ambassadeurs d Angleterre
rcla-
mrent
la
prsance
sur
ceux
de
France,
d Espagne
et
d Ecosse,
aux
conciles
de
Pise
en
1409,
de
Constance
en
1414,
et
surtout
de
Ble
en
1454,
parce que, selon eux, la
foi
n avait
t
prche
en
France que
par
saint
Denis,
et
postrieurement
la mission
de Joseph
d Ari-
mathie.
USSHER,
de
Prim. Eccl.
Brit.,
p.
22.
2.
Le
trait
suivant,
rapport
par
Guillaume
de
Malmesbury,
montre
quel point
cette
tradition
tait
accepte
en
France jusque
dans
le
douzime
sicle
:
Monachus
quidam
Glastoniae,
Godefridus
nomine
(de
cujus
epis-
tola
hoc
eapitulum
assumpsimus),
tempore
Henrici
Blesensis
abbatis
Glastoniensis, cum in pago
Parisiacensi
apad
Sanctum
Dionysium
moraretur
;
senior
quidam
ex
monachis
interrogavit
eum
:
Quo
ge-
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
40/523
DES
ILES
BRITANNIQUES.
27
Ce
lieu,
prdestin devenir
le premier sanctuaire
chrtien
des les
Britanniques,
tait
situ
sur
un
af-
fluent du
golfe
o
se
jette la
Saveme;
il
prit
plus
tard
le
nom
de Glastonbury,
et
telle avait
t,
selon
l'opinion
populaire
et
invtre,
l'origine
de
la grande
abbaye
de
ce
nom, que
vinrent
peupler plus tard
des
moines
originaires
d'Irlande
1.
Ce
sanctuaire
des
lgendes primitives
et
des traditions nationales
de la
race
celtique passait
en
outre
pour
renfermer
la tombe du roi Arthur,
qui
fut,
comme
l'on sait,
la
personnification de
la
longue
et
sanglante rsistance
des
Bretons
l'invasion
saxonne,
le champion h-
roque
de
leur libert,
de leur langue,
de
leur
foi,
et
le
premier
type
de
cet
idal chevaleresque du
moyen
ge, o
les
vertus
militaires
se
confondaient
avec
le
service de
Dieu
et
de Notre-Dame
2.
nus
?
Unde domo
?
Respondit
:
Normannum,
e
Britanniae
monasterio,
quodGlastingeia
dicitur, monachum.
Papae
inquit,
an adhuc
stat
illa
perpetuae
Virginis
et
misericordiaeMatris
vetusta
ecclesia?
Stat,
in-
quit.
Tum ille lepido
attactu caput
G.
Glastoniensis demulcens, diu si-
lentio
suspensum
tenuit,
ac
sic demum
ora
resolvit
:
Hoec gloriosis-
simi
martyris Dionysii ecclesia
et
illa,
de
qua
te
asseris,
eamdem
privilegii
dignitatem babent; ista in Gallia,
illa in Britannia,
uno
eodem
tempore
exortae,
a
summo
et
magno
pontifice
consecratae.
Uno
tamen
gradu illa supereminet
:
Roma etenim
secunda
vocatur.
1.
Il
faut
consulter
sur
cette
clbre
abbaye,
comme sur
toutes
celles
que nous nommerons
par
la suite,
le
recueil si curieux intitul
:
Mo-
nasticon
Anglicanwn,
par
Dugdale,
avec
les admirables
planches de
W. Hollar,
qui
se
trouvent
dans les
ditions du dix-septime
sicle.On
crut
avoir dcouvert
les
ossements
du
roi
Arthur
Glastonbury,
sous
le
rgne de Henri
II, la
fin du douzime sicle.
2.
Voir
tout
le
cycle
des
pomes
de la
Table-Ronde
en
Angleterre,
en
France
et
en
Allemagne,
et
surtout
les
trois grands
pomes
intituls
:
Spulture
du
roi
Arthur.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
41/523
28
ORIGINES
CHRTIENNES
Bless
mort
dans
un
de
ces
combats
contre
les
Saxons
qui
duraient
trois jours
et
trois
nuits
de
suite
il
fut
transport
Glastonbury
y
mourut cl
y
fut
enseveli
en
secret
en
laissant
sa
nation
la vaine
esprance
de
le
voir
reparatre
un
jour
1
et
toute
l Europe
chrtienne
une
gloire
lgendaire
un
sou-
venir destin
rivaliser
avec
celui
de
Charlemagne.
Ainsi la posie
l histoire
et
la
foi
trouvaient
un
.
foyer
commun
dans
ce
vieux
monastre
qui
fut
pen-
dant
plus de
mille
ans
une
des
merveilles de l An-
gleterre
et
qui
resta
debout florissant
et
grand
comme
une
ville
entire
jusqu aujour
o
Henri
VIII
fil
pendre
et
carteler
le
dernier
abb devant
le
grand portail du sanctuaire
confisqu
et
profan
5.
Mais
il
nous
faut
rentrer
dans
la
ralit
de
l his-
toire
et
dans
l poque qui doit
nous occuper
celle
qui
s tend
de
la
moiti du
cinquime
sicle
au
mi-
Parceval Tituret
et
Lohengrin qui roulent
sur
le culte du Saint
Graal
ou
Sang
Ral
c est--dire du
sang
de Notre-Seigneur
recueilli
par
Jo-
seph d Arimathie
et
conserv
dans
le
vase
qui avait
servi
Jsus-Christ
pour
l institution
de
l Eucharistie.
1.
Cf.
THIERRY
Hist.
de
la conqute d Angleterre
liv.
I
p.
59.
LAPPENBEBG
t.
I
p.
104-107.
M.
de
la Borderie dans
son
beau rcit
de la
lutte
des
Bretons insulaires
contre
les
Anglo-Saxons
a
fort
bien
distingu
le
personnage
hyperbolique
des traditions lgendaires
du
vritable
Arthur
chef de la ligue
des
Bretons du Sud
et
de
l Ouest
et
vainqueur
des
Saxons
ou
plutt
des Angles
dans douze batailles.
2.
Le 14
mai
1558.
Ce
martyr
fut
accus
d avoir
drob
la
main
du
spoliateur
quelques
portions du
trsor de l abbaye
;
il
fut
pour-
suivi
et
mis
mort
par
les
soins
de John
Russell
fondateur
de la mai-
son
des
ducs
de
Bedford
et l un
des
principaux
instruments
de
la
tyrannie
de
Henri
VIII.
542
547.
Situation
de
la
Bretagne
de
450
550.
7/26/2019 Les Moines d'Occident_Tome 3
42/523
DES ILES BRITANNIQUES.
29
lieu
du
sixime, pendant
cette
priode
qui vil
les
Mrovingiens fonder
en
Gaule
la
royaut
franque
si
aime
des moines,
et
saint
Benot
planter
sur
le
mont
Cassin le berceau du plus
grand
des
ordres
monastiques.La
Grande-Bretagne,
destine
devenir
la plus prcieuse
conqute
des
Bndictins,
offrait
alors le spectacle
de quatre
races diverses
luttant
avec
acharnement
les
unes
contre
les
autres.
Au
nord, les Pictes
et
les
Scots,
encore
trangers
et
hostiles
la
foi
du
Christ,
retranchs derrire
les
monts
et
les
golfes
qui
les
faisaient r