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Le spectateur en mouvement : perspectives et impacts de la diffusion cin´ ematographique num´ erique sur les pratiques spectatorielles en milieu festivalier Fran¸coisTheurel To cite this version: Fran¸coisTheurel. Le spectateur en mouvement : perspectives et impacts de la diffusion cin´ ematographique num´ erique sur les pratiques spectatorielles en milieu festivalier. Sciences de l’information et de la communication. Universit´ e d’Avignon, 2011. Fran¸cais. . HAL Id: tel-00942685 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00942685 Submitted on 6 Feb 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.

Le spectateur en mouvement : perspectives et impacts de la

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  • Le spectateur en mouvement : perspectives et impacts

    de la diffusion cinematographique numerique sur les

    pratiques spectatorielles en milieu festivalier

    Francois Theurel

    To cite this version:

    Francois Theurel. Le spectateur en mouvement : perspectives et impacts de la diffusioncinematographique numerique sur les pratiques spectatorielles en milieu festivalier. Sciencesde linformation et de la communication. Universite dAvignon, 2011. Francais. .

    HAL Id: tel-00942685

    https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00942685

    Submitted on 6 Feb 2014

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements denseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

    https://hal.archives-ouvertes.frhttps://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00942685

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    AcadmiedAixMarseilleUniversitdAvignonetdesPaysdeVaucluse

    Ecoledoctorale483:sciencessociales

    LaboratoireCultureetCommunicationEA3151

    ThsededoctoratenSciencesdelInformationetdelaCommunication

    Prsenteetsoutenuepubliquementle6Dcembre2011

    FranoisTheurel

    Lespectateurenmouvement:perspectivesetimpactsdeladiffusioncinmatographiquenumriquesurles

    pratiquesspectatoriellesenmilieufestivalier

    SousladirectiondeMonsieurleProfesseurdesuniversitsEmmanuelEthis

    EnpartenariatavecMonsieurJrmePaillardetleMarchduFilmdeCannes

    AveclesoutiendelargionProvenceAlpesCtedAzur

    Jury:MonsieurleProfesseurdesuniversitsEmmanuelEthis(UAPV)MonsieurleProfesseurdesuniversitsJeanMarcLeveratto(UniversitdeMetz)MonsieurleProfesseurdesuniversitsBernardLamizet(IEPdeLyon)MonsieurleProfesseurdesuniversitsOlivierThvenin(UHA)MonsieurMarcNicolas(Directeurgnral,LaFemis)

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    REMERCIEMENTS

    Cestroisannesdedoctoratnefurentenaucuncasunepriodelinaire.Demultiplesvnements, projets, rencontres et aventures aussi bien universitaires quextrauniversitaires se sont mls, succds, nourris, contredis, complts. Ce travail derecherche,profondmentancrdanscettedensit,nestpasunefinensoi:ilillustreuncheminement tal sur une temporalit la fois riche, courte et aux dimensionsmultiplesquecesremerciementsvontsefforcerdillustrer.Mesremerciementsvont:mondirecteurderecherche,MonsieurleProfesseurEmmanuelEthis.ceuxayantacceptdeparticipercejury:MonsieurleProfesseurdesuniversitJeanMarc Leveratto,Monsieur le Professeur des universits Bernard Lamizet,Monsieur leProfesseurdesuniversitsOlivierThveninetMonsieurMarcNicolas. Monsieur Jrme Paillard, pour sa disponibilit, son intrt, ses conseils aviss etlaccsquilmarendupossibleauMarchduFilmdeCanneslorsdestroisterrainsderechercheyayanttconsacrs.largionProvenceAlpesCtedAzurpoursonsoutien. lUniversit dAvignon et des Pays deVaucluse et lensemble duDpartement desSciences de lInformation et de la Communication pour le riche apport, autantprofessionnelquepersonnel,decestroisannesdedoctorat.UnepensespcialevaPierreLouisSuet,GeneviveLandi,VirginieSpies,MarieHlnePoggi, JeanDavallon,YvesJeanneret,AgnsDevictor,OlivierZerbib,JolChapron,DamienMalinas,JeanLouisFabiani, Jacques Tephany, Shayne Girardin, Jolle Richetta, Julie Pasquer, CarolineBuffoni,AchaChibatte,JohanneTremblay,BessemElFellah,RaphalRoth,DominiqueJoly,MyriamDougados,StphanieJacquinPourquier,PascaleDiDomenico,BernadetteBoissier,PatrickLin,MartineBoulang. Emilie Pamart, pour avoir pris le temps, avec bonne humeur et clart, de metransmettrelencessairemonarrive.Aux rencontres aussi inattendues que prcieuses survenues lors de ces trois annesavignonnaises: France Davoigneau, Guillaume Hidrot, Clment Montfort, PierreLagrange,RosineBey,RemyCarras,AnneLiseDallAgnola,ColetteSiri,HugoSoriano,Edouard Leborne, Fanny Raflegeau, Alexandre Manzanares, Fabien Pio, MarieMourougaya,AgnsAzas,FlorentPatimo,GuilhemCaillard,JeanBaptisteBourly,AnnaMilliard, Lauriane Rialhe, Michael Bourgatte, Hcate Vergopoulos, Tanguy Cornu,PhilippeLeGuern,GalleLesaffre,CamilleJutant.

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    AnasTruant,amie,collgue,complice,partnerincrime,prsencevitale.VirginieSpies,poursonsoutien,soncoute,sesconseilsetpour lagrandeaventurethtraledanslaquelleellemaconvaincudemengager(dunemaniredontlesouvenirresteencoreaujourdhuiflou). Ludivine Neveu, pour son soutien subtil et indfectible, sa bonne humeur, sacomprhension, ainsi quepour avoir eu lapatience infiniedeme supporter enpleinedernirepartiederdactiondethse. toute lquipe de la compagnie SmioProd: Virginie Spies, Anas Truant, LudivineNeveu,AdrianEmeric,GuillaumeHidrot,FranoiseKmiec, StphanieBarquet, JasmineBourkiza,LouiseRasse.JeanYvesBergier,pourtreetresteruneconstantesourcedinspiration.ValentinLonard,pourtreunamidunegrandevaleuretuneprsenceinfaillible.MathieuetAntoinePradalet,mesbros.Laventurenefaitquecommencer.BrunoetPaulinePradalet,pourleurpatienceetleurhospitalittoutpreuve. ceuxqui,malgr ladistance,demeurentdesprsences fortes, la foisapaisantesetinspirantes:MarineTondelier,SophieAgnsEva,AmbroiseFensterbank,KieranLeong.JeanneSophieFort,pourlesnombreusesconversationspassionnantes.Aux amis et aux proches demanire gnrale, pour leur prsence bienveillante, leurpatienceetlinspirationquilmontdonne. mes parents tout spcialement, Danile Labrousse et Herv Theurel, pour leurpatience,leursoutieninconditionnel,leurcomprhension,leuraideetleurcuriosit. toutes celles et tous ceux qui ont accept de donner de leur temps pour se plier lexercicedelentretien.Enfin,mesremerciementsnevontpasMarkZuckerberg,quimafaitperdrebeaucoupdetemps.

  • 5

    RSUM

    Cette recherche, raliseenpartenariatavec leMarchduFilmdeCannes, sattache

    apprhenderlimpactquexercentlesvolutionsdesoutilsnumriquesdediffusionsur

    les spectateurs de cinma dans un contexte festivalier. A lenvers des rhtoriques

    fonctionnant sur lide dune rupture positiviste dans les pratiques des individus,

    particulirementdansuncontexteoungrandnombredereprsentationsmdiatiques

    prsentent les volutionsnumriques commervolutionnaires, nousnous sommes

    efforc de saisir ce qui constitue la complexit des pratiques et reprsentations des

    spectateurs,tantdansleursaspectsvolutifsquedansleursaspectsdecontinuit,dans

    lecontextedecequenousavonsnommlergimenumrique.

    Nos deux principaux terrains dtude, le March du Film de Cannes et le Festival de

    Kinotayo,nousontpermisdeconsidrernotrequestionnementsousdeuxangles:celui

    de limpact direct des relais numriques sur les pratiques et reprsentations des

    spectateurs en situation collective, mais galement celui de limpact des technologies

    numriquesdediffusionsurlaformedelentitfestivalireellemme.

    La problmatique du mouvement spectatoriel permis par les usages des relais

    numriques de diffusion dbouche ainsi, dans le contexte minemment sdentaire de

    lactivit cinmatographique, sur demultiples enjeuxdimportance : questionnant la

    fois la porte de lhypothtique individualisation dune pratique collective, les

    perspectivesrenouvelesdinteractiondesindividusaveclachainecinmatographique

    maisgalementleslimitesvolutivesdecequiconstituelaformefestival.Cestainsi

    une dynamique de reconfiguration multidimensionnelle de lexprience collective

    cinmatographique et festivalire qui apparat dans cette recherche. Entre sphre

    collective et sphre prive, entre imaginaires traditionnels et pratiques volutives,

    elleancre lvolutiondespratiqueset reprsentationsen rgimenumriquenondans

    uneoptiquederupture,maisbiendansuneoptiquedecontinuit.

    Motsclefs:cinma,formefestival,diffusionnumrique,spectateurs,MarchduFilm

    deCannes,FestivaldeKinotayo,complexit,sphrescollectiveetprive

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    ABSTRACT

    This research, conducted in partnership with the Cannes Film Market, seeks to

    understandtheimpactexertedbydigitaldiffusiontechnologiesonthemoviegoersinthe

    collectivecontextoffestivals.Unliketheoriesassociatingthepracticesofindividualsto

    theideaofapositivistbreak,particularlyinacontextwherealargenumberofmedias

    describedigitalevolutionsas"revolutionary",wehavetriedtograspthecomplexityof

    the practices and representations of spectators, both in their evolutionary and

    continuityaspects,inthecontextofwhatwehavecalledthedigitalera.

    Our two main study fields, the Cannes Film Market and the Kinotayo Festival, have

    allowedus to tackleourquestions from twoperspectives: thatof thedirect impactof

    digitaltoolsonthepracticesandrepresentationsofspectatorsinacollectivesituation,

    butalsothatoftheimpactofdigitaldiffusiontechnologiesonthefestivalentityitself.

    Thequestionofthespectatorsmovementallowedbytheusesofdigitaldiffusiontools

    leads us, in the context of the highly sedentary cinematographic activity, to several

    issuesofimportance:questioningthepotentialindividualizationofacollectivepractice,

    questioning the renewed possibilities of interaction between the spectators and the

    cinematographic chain, but also questioning the evolving limits ofwhat is known as

    "festivals". Thus appears, in this research, a multidimensional dynamic of

    reconfigurationofthecollectivefestivalandcinemaexpriences.Betweenthecollective

    andprivatespheres,between"traditional"representationsandevolvingpractices, this

    studyshowsusthattheevolutionofpracticesandreprsentationsinadigitalcontextis

    notabouttheideaofabreak,butabouttheideaofcontinuity.

    Keywords:cinema,festivals,digitaldiffusion,spectators,CannesFilmMarket,Kinotayo

    Festival,complexity,collectiveandprivatespheres

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  • 9

    SOMMAIRE

    INTRODUCTION..p.15

    PARTIE1:CONTEXTUALISATIONDELTUDE...p.47

    Chapitre1:lespratiquescinmatographiqueslrenumrique:quelle(s)

    ralit(s)?..p.49

    1.Unerenumrique?...p.49

    2.Leparadigmedelamobilit:uneproblmatiqueaucentredecettetude

    ..p.55

    3.Lclatementdestraditionnellescatgoriesdupublicetdupriv:la

    problmatiquedelhybridation..p.60

    4.Lanalysteetlepigeduraccourci:lacatgoriedelanouveautetsesusages

    ..p.66

    La question dune certaine production de sens via les relais mdiatiques et les

    discourspositivistesdelanouveaut..p.66

    Delancessitdedpasserlesdiscoursdelarupture:perspectiveshistoriquesdela

    3Detcasdelrenumrique.p.70

    Lenouveauspectateurfacesescontradictions:delancessitpourlanalystede

    privilgierlecrochetagedeserrureaublierp.76

    5.Uneexpriencespectatoriellenumrise?...p.84

    Lestechnologiesnumriquesdediffusion:uneformedcritureauxcaractristiques

    spcifiques..p.84

  • 10

    Uneesthtiquenumriquedediffusion?..p.86

    Htrognitdelexpriencespectatorielleencontextenumrique..p.89

    Lestechnologiesnumriquesmobiles:lesdentarismespectatorielbouleversp.93

    Uneanthropologieduspectateurrenouvele?Lesreconfigurationsdelespaceet

    delatemporalitdesrituelssociauxenterrainfestivalier.p.98

    Chapitre2:approcherleterraindenqute....p.103

    1.Delaconstructiondesobjetstudis.p.103

    Le choix des dispositifs analyss: Le March du Film de Cannes et le Festival de

    Kinotayo...p.103

    Constructiondelamthodologiederecherche..p.108

    2.Laformefestivallpreuvedurgimenumrique....p.119

    Uneterminologieenmutation.....p.119

    Descaractristiquestransversales....p.127

    3.LeMarchduFilmdeCannes...p.134

    Queldispositiftudier?...p.134

    Quelles caractristiques du March du Film par rapport aux autres marchs

    cinmatographiques?..p.136

    Apprhender ledmatrialisdans lecontextedunespace festivalierspcifique: la

    complexificationdelexpriencefaitedunespacetemps....p.138

    En quoi les usagers du March du Film, mdiateurs/prescripteurs professionnels,

    sontilsanalysablesentantquespectateurs?....p.140

    UsagersduMarchduFilmetrflexivit..p.144

    4.LeFestivaldeKinotayo.p.148

    Queldispositiftudier?...p.148

    Le Festival de Kinotayo et les dispositifs de diffusion numrique, ou comment

    dsenclaverlexpriencefestivalire...p.150

    Apprhenderledmatrialisdanslecontextedespacesmultiples: ledmatrialis

    complexifiantunespacetemps..p.153

    Approche dun public semidispers et dexpriences festivalires restructures:

    unecommunautinterprtativeausensclassiqueduterme?..p.156

  • 11

    PARTIE2:LENQUTEETSESDEUXVOLETS..p.159

    Chapitre 3: le spectateur en rgime numrique face lespacetemps

    festivalier: entre sphres collective et prive, quelles hybridations et

    volutionsdelexpriencefestivalire?p.161

    1.Prsentationdesprotocolesdenqute2009,2010et2011......p.162

    2.GographieduMarchduFilmdeCannes...p.171

    Les paliers dintimit: les dispositifs permettant les relations interusagers et la

    constructiondelimplicationdesspectateurs/acheteurs.p.171

    Dlguerlepouvoirdesductiondeluvre...p.177

    Unespacesemipublicousemipriv?p.185

    3.Usagers,vendeurs,acheteurs,mdiateursSpectateurs.p.191

    Leprocessusdechoixdesusagers/mdiateurs:modalitsetinfluencesdesdispositifs

    numriques.p.191

    LesusagersduMarchduFilm:dumdiateurpublicaupublicmdiateur.p.194

    La question des paliers de rception chez les spectateursmdiateurs

    professionnels...........p.199

    Exclusivitetvalorisation..p.203

    4. Les corps sauvages: le sdentarisme traditionnel de lactivit spectatorielle

    cinmatographiquelpreuveduparadigmedelamobilit.p.211

    Cosmogoniesspectatoriellesnumriques..p.211

    Levoirensembleindividualis:lecasduShortFilmCorner.....p.216

    Spectateursetreliance:ladimensionsymboliquelargieduvoirensemblep.223

    Quellelgitimitculturelleenrgimenumrique?.....p.227

    Unecoconstructioncomplexifiedupactederception:lhypothsedunrgimedu

    mtaspectateur...p.231

    5. La gestion du temps social spectatoriel au sein de lespacetemps

    festivalier..p.238

  • 12

    Ladsynchronisationdesrituelssociauxfestivaliers.p.238

    Des dimensions renouveles insuffles dans la gestion du temps et lvolution des

    significationsytantassocies....p.246

    6.Bilandelenqutecannoiseetperspectives...p.255

    Les modalits dinteraction du spectateur en rgime numrique: ides reues et

    perspectives....p.255

    Une double dynamique: le floutage croissant des frontires spectatorielles et la

    personnalisationinditedesstatutsindividuels....p.261

    Entre mobilit et sdentarisme de la projection cinmatographique, entre sphres

    publiqueetprive:uneralitspectatoriellenuance.....p.264

    Quelleslimitesaujourdhuiauxprocessusnumriquesdediffusion?...p.267

    Perspectivespourlaformefestival:imaginairesetterminologies.p.269

    Chapitre 4: le spectateur face lespacetemps festivalier en rgime

    numrique:versunereconfigurationdelimaginairefestivalier?....p.273

    1.Prsentationdesprotocolesdenqute2009et2010........p.274

    2. Des dispositifs numriques de diffusion complexifis: reconfigurer

    lespace....p.282

    LedispositifSmartjog:quel(s)usage(s)?........p.282

    Approchedunprocessusdedispersionfestivalire.p.285

    LesespacesdeKinotayo..p.289

    3. La formefestival lpreuvede la dmatrialisation et de la dilatationde

    sonespacetemps:lenumriquecommesubstitutoucommeextension?.p.292

    Lergnedelasalle?ImaginairesdecinmaVsimaginairesderupturep.292

    Versunspectateuronline?...p.298

    Lincarnationdelexpriencespectatorielle:aspectsirrductibles...p.304

    4. Resynchroniser les rituels sociaux festivaliers: les technologies numriques

    commecratricesdemodalitsrenouvelesdeltreensemble...p.310

    Mettreenscneunrapportaunumrique...p.310

    Desimaginairesfestivaliersenmouvement?..p.316

    Lappartenancefestivalire:consciencespectatorielleetperspectives..p.322

  • 13

    Evolutions de lactivit spectatorielle en amont de lexprience de luvre:

    spectateursetusagesdeshypermdias..p.329

    Audelduvoirensemble:exprimenterensemble..p.335

    5.BilandelenquteauFestivaldeKinotayoetperspectives....p.341

    Lerapportaurel:reprsentationsdiversesetvolutives.p.341

    Une recration sans cesse renouvele du lien spectatoriel: un dplacement des

    frontiresdelexpriencecollective?...p.346

    Les reconfigurations des imaginaires festivaliers: horizons en rgime numrique

    ..p.351

    CONCLUSION..p.357

    INDEXDESTERMESTECHNIQUES....p.367

    BIBLIOGRAPHIE..p.369

  • 14

  • 15

    INTRODUCTION

    Encejourfroiddu7Dcembre2009,lanalysteestdsorient:ilnetrouvepaslelieude

    diffusioncinmatographiqueauqueliltentedeserendre.Saidantdecartesinteractives

    viasonaccsInternetmobile,ilcherchedanslesruesdeParislundesespacesoccups

    parlefestivalcinmatographiquedeKinotayo.Cenestpourtantpassapremirevisite

    dans lecadredecetvnement. Il sestainsidjrendudans troisdesautresespaces

    occupsparlefestival:undanslecentrevilledeParis,unautreenbanlieueparisienne

    etun troisimeenprovince,Montpellier.Cest cemme jourque lanalyste,une fois

    arriv bon port, va rencontrer Genevive, une spectatrice du festival. Genevive

    possde, au premier regard, les caractristiques dune festivalire cinmatographique

    classique: passionne, avide dexclusivits, dsireuse de dvelopper son rudition,

    encline aux dbats avec les quipes de production venues prsenter leurs uvres.

    Genevivesavouetoutefoisunpeudsorienteparrapportdautresfestivals,quelle

    qualifie de plus traditionnels et auxquels elle a pu participer dans sa carrire de

    spectatrice.Le festivaldeKinotayonommdepuis sa crationen2006Festivaldu

    filmjaponaiscontemporainlredunumriqueetdevenu,lorsdesondition2011,

    FestivalducinmajaponaiscontemporaindeParisnestainsipasconcentrdans

    unespacespcifiquehomogne:grceundispositifpointudediffusionnumrique,ses

    organisateurs ont entrepris de le disperser gographiquement, le faisant se drouler

    simultanmentdansplusieurs lieux enFrance. Cette simultanit nest pas totale: les

    mmes filmsne sontpasncessairementdiffussauxmmeshorairesdansdes salles

    diffrentes. La simultanit ici considre tient plus lexprience des individus,

    spectateursdurantlammepriodedunmmefestivaletpourtantparfoissparspar

    descentainesdekilomtres.Cettedistanceposelaquestiondusentimentdepartagede

    lexpriencefestivalire:unspectateurdeMontpellieretunautredeParisauronttils

    limpression de participer un mme vnement? Genevive reconnat un usage

    intensede sonSmartphone, tlphonenumriquemultimdiaditnouvelle gnration:

  • 16

    toutes les informations dont elle a besoin concernant le festival, elle les trouve en

    quelquesminutesdepuissonaccsInternetmobileetpersonnalis.Questionnesurla

    manire dont elle vit le festival, elle avoue toutefois quil lui est difficile certains

    moments davoir limpression de participer une telle manifestation, lui prfrant

    dautresterminologies,tellescycledeprogrammationouvnement.Lerapport

    aucollectifqueGeneviveassociecommunmentlanotiondefestivalsetrouvedonc

    iciquelquepeufloutetmetenlumireuneinterrogationsouleveparladmarchedu

    Festival de Kinotayo : comment estil possible pour des individus, pardel un

    loignementgographiquedontlespossibilitssetrouventdcuplestraverslesoutils

    numriques,desesentirensemble?

    Le Festival de Cannes, lors de son dition 2010, proposait un autre exemple de

    simultanit. La crmonie douverture ainsi que le film qui la suivait,RobinHood de

    Ridley Scott, se trouvaient grce des dispositifs numriques diffuss en temps rel

    dans de nombreuses salles de cinma en France. Les technologies de diffusion

    numriquepermettaientainsidenombreuxspectateursdedevenirfestivalierscannois

    le temps dune sance, partageant non seulement un film en mme temps que les

    spectateursdelaSalleLumire,maisgalementleffervescencemdiatiqueetsocialele

    prcdant,notamment travers la clbremontedesmarchesdupalais.Encoreune

    fois, nous avons ici affaire une situation questionnant, travers lvolution des

    dispositifs de diffusion et les reconfigurations gographiques quils permettent, les

    limitesetperspectivesdeltreensemblefestivalier.

    Lenqute mene dans lenceinte du March du Film de Cannes lors de trois de ses

    ditions 2009, 2010 et 2011 nous a rvl une ralit plus complexe encore

    concernant les extensions individuelles des modes numriques de diffusion. Si les

    dispositifsdesimultanitdelexpriencevoqusplushautnesontpasparmiceuxici

    dvelopps, le March du Film se droulant dans un espacetemps spcifique et

    homogne, lamanifestationmeten revancheenuvredesdispositifsdeplusenplus

    individualissdevisionnage,fonctionnantleplussouventeninteractiontroiteavecles

    relais numriques des individus pour la plupart professionnels de lindustrie

    cinmatographique.Enrsulteuneappropriationcroissantedutempsetdelespacede

    lamanifestation, demoins enmoinsdpendantedune temporalit fixedesdiffusions

  • 17

    collectives.Laquestiondelindividualitdelexpriencecinmatographiqueensituation

    collective se pose alors. Comment une exprience traditionnellement fonde sur une

    dmarche collective dans une unit de lieu peutelle, tout en restant cantonne cet

    espace,setrouverfragmente?Plusqueleslimitesetperspectivesdeltreensemble,ce

    sontalorscellesduvoirensemblequisonticiinterroges.

    Dun festival unmarch cinmatographique international luimme rattach un

    festival,lanalystesetrouvedoncicifacedeuxdynamiques,lafoiscontradictoireset

    complmentaires, entraines par lvolution des outils numriques de diffusion: un

    rapprochementdulointainetunefragmentationduproche.Lesdeuxmanifestations,en

    mettant en lumire dans un mme mouvement certaines caractristiques et enjeux

    transversaux de la forme festival, interrogent lvolution de la place du spectateur

    dans lexprience cinmatographique. Au niveau de lindividu, quil soit spectateur

    classique ou usager professionnel, lenjeu qui se dessine est le mme: celui de

    lvolution des outils de diffusion et de la reconfiguration des rapports sociaux quils

    entrainentdansdesespacestempsspcifiques.

    Un certain nombre dvolutions dampleur dans les pratiques et reprsentations

    socioculturellessesontstructuresdepuislafindesannes90autourdelvolutiondes

    outilsnumriquesetnotammentautourdesrelaismobiles individuels,entrainantune

    volution du rapport au temps et lespace sociaux. Hartmut Rosa, en analysant les

    phnomnes dacclration technique dans son ouvrage Acclration. Une Critique

    socialedutemps,postulequelestechnologiescompressentlespace.Letempsserait

    quant lui dilat dans des dimensions parfois contradictoires: les technologies en

    feraientgagnertoutenenconsommantbeaucoupgalement.Quellesconsquencesles

    multiples dynamiques que nous avons voques plus haut ontelles sur les rapports

    quentretiennent les spectateurs avec les filmset lexprience des salles de cinma ?

    Andranne Pquet (2003, p. 37) amis le doigt sur une premire forme historique de

    dritualisation de la sortie au cinma ayant t entraine par lapparition de la

    vidocassetteetdessupportsdediffusionindividualiss.Enplusdunerappropriation

    de la temporalit du visionnage, cette forme de dritualisation consiste en une

    fragmentationducollectifdelasortieensallesensphresplusrduites,lestadeleplus

    extrmeentantlevisionnageindividueldanslestrictdomainedelasphreprive.

  • 18

    Cette forme de dritualisation, principalement permise aujourdhui par les supports

    DVDetBluray, est toutefois conditionnepar des relais de diffusionmajoritairement

    fixes.Or,cestdsormaisductdeladmatrialisationdessupportsdesuvresqueles

    outilsnumriquesdediffusionnousrvlentlaprincipaledimensionquilsontinsuffle

    lindividualisation:lamobilit.

    La transition vers lamobilit individuelle communicante et ses nouveaux

    rapports au temps, aux lieux, au corps, aux autres et lenvironnement,

    induitnonseulementunenouvellevaguedinnovationsdanslesoutilsetles

    services, mais galement une transformation en profondeur des acteurs.

    (Amar,2010,p.194)

    La rappropriation individuelle de lexprience cinmatographique permise par les

    outilsdediffusionnumriquessinscritelledanslacontinuitdecellepermiseparson

    illustre anctre analogique, la VHS, ou sinscritelle dans une dynamique rsolument

    nouvelle?Ilnousfaut,pourabordercettequestion,nousinterrogertoutdabordsurce

    quesontlesoutilsnumriquesetlecontextedanslequelilssinscrivent.

    Unerenumrique?Elmentsdecontextualisation

    Comment apprhender non seulement les volutions rcentes du rapport entre

    individusetcinma,maispluslargementlanaturedesvolutionssociales,culturelleset

    technologiques ayant marqu le dbut du XXIme sicle? En ce genre de contexte

    marqu par la complexification rapide des outils et comportements, il est difficile

    dviter les discours et raccourcis nafs postulant lide dune rvolution. Les discours

    entourant les volutions numriques sont pour la plupart positivistes: dans ce que

    Claude LviStrauss appelle une socit chaude (1999, p. 122), la symbolique de

    linnovation est en effet au centre du fonctionnement politique, social et culturel.

    LanalysedesvolutionsnumriquesdedbutdeXXImesicleestdlicatecarsousla

    terminologie trop souvent utilise de la nouveaut se cachent des dynamiques

    mouvantes qui, dfaut de prsenter une vritable nouveaut, se reconfigurent en

    voluantdesrythmesdivers.Letableauglobal,silestanimdunmouvementnotable,

  • 19

    demeurepeintlaidedesmmesoutilsimmuables.Lesdynamiquesetcomportements

    sociauxlislusagedesoutilsnumriques,sisouventdcritseninvoquantlidedune

    ruptureavec lepass,nontdans lessentiel riende fondamentalementnouveau : cest

    leur ampleur qui est indite, pas leur nature profonde. Le nouveau nest alors en fait

    quune reconfiguration de lexistant, ce que Georges Amar appelle une rcriture

    innovantedupass(2010,p.21).

    Un ouvrage tel ltude collective Cinma et dernires technologies est ce titre

    rtrospectivement assez heuristique. Paru en 1998, il serait alors, selon une stricte

    visionpositivisteetauvudesvolutionstechnologiquesnumriquesayantdepuisvule

    jour,dsormaisobsolte.Or,lesauteursquiyprfrentletermedernirescelui

    denouvelles,pluscommunmentutilisyvoquentdesdynamiquesstructurelles

    dpassantlasimpleponctualitdesvolutionstechnologiquesalorsencours.Pourquoi

    untelouvragegardetilsapertinenceunefoisplacdansuncontextepostrieurola

    majorit des volutions technologiques sur lesquels il basait son analyse ont t

    dpasses? Il sagit ldun interrogation se situant au fondementdenotreapproche:

    pardel la spcificit des volutions technologiques et des reconfigurations des

    pratiques sociales et culturelles quelles oprent se trouvent des dynamiques et

    reprsentationsplusprofondes,dont lastructureseretrouvequelquesoit lecontexte

    historique tudi. Nous napprocherons pas les volutions apportes par les outils

    numriquestantentermesdenouveautquentermesdextensions,dereconfigurations

    etdecontinuits.CommelindiqueJeanClaudePasseron:

    Le sociologue devrait laisser la transe futurologique les scnarios de

    sciencefiction.Mutation commervolution sontdecesmotspondreuxqui

    retombent avec rgularit sur les pieds des sociologues imprudents ().

    (1991,p.299)

    GenesisP.Orridge, chanteurdugroupepionnierde lamusique industrielleThrobbing

    Gristle, a dcrit plusieurs reprises la manire dont le numrique dessert selon lui

    lidaldugroupedemusique,notammenttraverslerisqueaccrudedlitementdulien

    entrelesindividus.Estceunconstatquelonpeutdvelopperaudeldustrictcontexte

    musical dont il est ici fait mentionet appliquer au domaine cinmatographique ? La

  • 20

    ralit est, comme souvent, plus complexe et nuance. Dans quelle mesure les outils

    numrique, audeldediscours globalisants, loignentils et rassemblenttils la fois

    les individustraversdesdynamiquesdiversesmaiscomplmentaires?Lanuancede

    cequestionnementne se trouvepasdans lunou lautrede cesdeuxples,mais bien

    entre les deux, dans la complexit indite des interactions et mouvements entre le

    collectifetlindividu,lessphresdupublicetdupriv.

    Laurence Allard, travers son concept dextimit facette des individus (2009, p.

    64),sefforcedesaisirunaspectfondamentaldecettecomplexit.Elleparleainsidune

    identitcubistedesindividusenrgimenumriqueettoutparticulirementconcernant

    les digital natives, gnrations ayant grandi avec lmergence de ce qui est

    communmentappellesnouvellestechnologies.Cetteidedidentitsindividuelles

    multidimensionnelles et en perptuel mouvement, dcoulant dun clatement des

    traditionnellesfrontiresdessphresdesociabilitetdelaccslinformation,rejoint

    celle,dveloppeparMichelMaffesoli,dupassagedelidentitauxidentifications(2004,

    p. 87) dans ce quil nomme lre postmoderne. Pour lauteur, lindividu na dsormais

    plus une identit linaire dpendante des traditionnelles sphres sociales. Il peut au

    contraire, travers laporosit sociale croissantepermisepar lvolutiondesoutilsde

    communication,largirdemanireinditesesinteractions,effectivesousymboliques,et

    construiresonidentitenpuisantdansdessourcesdeplusenplusdiverses.Lesmdias

    numriques que sont les rseaux sociaux virtuels ou lablogosphre constituent alors,

    dans la continuit de ces concepts, une plateforme permettant le dploiement de

    lindividualismeexpressif (Allard,2009,p.66).Nouspouvonsdiscernerdunct tout

    un aspect structurel de lvolution permise par les mdias numriques en ce quils

    influencent les reprsentations, les questionnements et les canons esthtiques dune

    priode.LesitewebdevidoenstreamingYoutubeoffreunbonexempledecetaspect

    en ce quil sagit dun mdia influenc la base par limaginaire et lesthtique

    cinmatographiques, influenant son tour la cration cinmatographique par les

    spcificits et potentialits de son format. Il y a l un vritable effet circulaire, une

    boucle de rtroaction dont chaque format se nourrit, conditionnant au passage

    lvolutiondes imaginaires spectatoriels. Il y ade lautre ctunaspectplusponctuel

    permisparcesmdiasnumrique:cestladiffusioncroissantedelaparoleaccordeaux

    spectateurs, linteraction tendue quelle permet entre les individus et la chaine

  • 21

    cinmatographique,etlinfluenceainsiexercesurleprocessusdecrationdesuvres.

    Nous reviendrons sur ce double aspect des mdias numriques plus tard dans cette

    recherche.

    Lundesprincipaux effetsdudveloppementdesoutils numriques sembledonc tre

    lhybridationcroissantedessphressocialestraditionnellesquilsentrainent.

    Loptimisationdelamobilitdunterritoirenestpluslarecherchedumode

    idal,maislavaritellemme,intgrantmodesrapidesetlents,mcaniss

    etdoux,individuelsetcollectifs(etleursmix),etc.(Amar,2010,p.19)

    Ce dont il est ici question est la mise en correspondance croissante des rseaux et

    individus que Georges Amar nomme la multimodalit. Lappellation re

    numrique seraitalorsunemanirededsignerunepriodeavant toutcaractrise

    parlatransversalitculturelle.LaurenceAllarddcritcettenotioncommerelevantdune

    culturede lchangegnralisequil sagitdeprcisercommeculturedu transfert,

    avant tout caractrisepardes pratiques symboliques etmatriellesde transfert de

    contenusexpressifstraverslespossibilitsoffertsparlesoutilsnumriques(2009,p.

    60). La nonlinarit devient ainsi un conceptclef pour saisir les volutions des

    pratiquesspectatorielles liesauxoutilsnumriques.Lanotiondhypermdiaest ce

    titreclairante.PourJacquesRhaume,leshypermdiassedfinissentparleurmode

    nonlinaire ou nonsquentiel de conception et de lecture de textes (hypertextes),

    dunepart,etdeportionsdinformationsaudiovisuelles(hypermdias),dautrepart1.

    Silanotiondhypermdiasprexisteauxsupportsinformatiss,lusagedestechnologies

    numriques lui a rsolument confr une ampleur indite, devenant lune des

    principalesmodalitsdaccsetdegestiondelinformation.

    A quoi correspondent exactement les outils recoups sous lappellation nouvelles

    technologies? Quelle ralit et quels imaginaires cette terminologie portetelle? Le

    concept de dmatrialisation numrique est un conceptmultidimensionnel, dsignant

    plusieurs ralits parfois contradictoires. La dfinition par le site web collaboratif

    1VoirLeshypertextesetleshypermdias,http://www.sites.fse.ulaval.ca/reveduc/html/vol1/no2/heth.html

  • 22

    Wikipediadesnouvelles technologiesestanalysabledans lamesureoellepermet

    dapprocher ce que cette notion recoupe dans le discours commun et limaginaire

    collectif. Wikipedia tant statistiquement lune des sources dinformations les plus

    utilises sur Internet et lcriture des articles y tant accessible tout individu dot

    duneconnexion,cenestpas la justesseobjectivedeladfinitionquinousintressera

    ici mais, au contraire, ses approximations et zones de flou thoriques. Ce type de

    dfinitionnouspermetdesaisirlamaniredontcertainspansdediscoursconcernantla

    thmatiquetechnologiquesancrentdansunimaginairecollectifparfoiscontradictoire.

    Un exemple de ce type de contradiction peut tre mis jour dans cette citation de

    GeorgesAmar:leschangementsdeparadigmessontdesrvolutions,sanspourautant

    faire table rase du pass (2010, p. 31). Lauteur entend y utiliser le concept de

    rvolutionenlexpurgeantdelanotiondechangementradicalquilimplique.Pourquoi

    nepasalorssimplementutiliserlaterminologiedvolution?

    Mutation?Rvolution? Il y en a tant eu ici et l, qui napparaissent plus,

    rtrospectivement, dans lhistoire de la culture ou de la technique que

    comme figures transitoires dune volution dont les contemporains se

    faisaientune idedont lanavetet lmerveillementnous fontaujourdhui

    sourire. Le dsir sassister en direct un chambardement qui marquera

    lavenir,pourlemeilleuroulepire,estdetouteslespoques.(1991,p.299)

    La dfinition propose par Wikipedia, en date du 26 Dcembre 20102, opre un

    rapprochementfortentrelanotiondenouvellestechnologiesetcelle,plusspcifique,des

    NTIC(NouvellesTechnologiesdelInformationetdelaCommunication):

    L'expressionmdiatiquenouvellestechnologiesconcernedesdomainestrs

    volutifsetdiversdestechniques,pouvanttoutaussibienrecouvrir:

    ausenslarge,toutelahautetechnologie

    ausenstroit,lesnouvellestechniquesdel'informationetdela

    communication(NTIC)(Internet,iPhone,stationNanoMod,protocole

    Bluetooth...)()

    2http://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelles_technologies

  • 23

    LesNTICregroupentlesinnovationsralisesenmatiredevolumedestockage

    et de rapidit du traitement de l'informationainsi que son transport grceau

    numriqueetauxnouveauxmoyensdetlcommunication(fibreoptique,cble,

    satellites, techniques sans fil). Leur impact s'tend sur de multiples domaines,

    notammentsurnotremodedevieetnotreconomie.Lessecteursdeproduction

    etd'utilisationdecesnouvellestechniquesacquirentunepartcroissanteduPIB

    des conomies dveloppes et mergentes, d'o le concept de nouvelle

    conomie ou conomie du savoir. Cela ne fait pas disparatre l'conomie

    traditionnelle,mais faitdusavoiretde laconnaissance,deslmentsclsde la

    comptitivitconomique.

    Cettedfinitionnedonne toutefois aucunmomentuneexplicationprcisedu terme

    nouvelles,endehorsdunvaguetoutetechniqueancessairementtnouvelleau

    dbut de son histoire. Un paradoxe terminologique se fait ici jour dans limaginaire

    collectif, inhrent touteutilisationduconceptde lanouveaut.Lanouveautnexiste

    queparrapportuncontexteprcis.Cestpourquoinousnutiliseronspas,danslecadre

    decetravail,lappellationnouvellestechnologies.Nousluiprfreronslaterminologie,

    lafoispluscibleetflexible,dvolutiondesoutilsnumriquescarilsagitldudomaine

    quinousintresseratoutparticulirement:lvolutiondesmodesdedmatrialisation

    numrique des donnes et ses consquences sur les pratiques des individus. Nous

    nutiliserons ainsi pas la terminologie des NTIC, recoupant un domaine dapplication

    plus largequeceluidestechnologiesnumriques. Ilesttoutefoisnoterquelanotion

    doutils numriques dsigne parfois galement dans limaginaire collectif un domaine

    dapplication arbitraire: titredexemple, ce qui est recoup sous cettenotion exclut

    souvent le cas duCompactDisk, format numrique ayant historiquement succd aux

    disques vinyle comme support privilgi par lindustrie musicale. Si le Compact Disk

    fonctionnesurleprincipedeladmatrialisationdesdonnes,sonformatrestematriel

    dans la manire dont il est utilis et chang. Il faudra attendre que les progrs de

    linformatique permettent aux individus dextraire les donnes en question et de les

    transfrersanssupportmatrielcontraignantpourqueleconceptdedmatrialisation

    entredanslesreprsentationsdesindividusausenslarge.Ledomainedapplicationici

    voqu, lorsquil est question doutils numriques, semble donc plutt tre celui

    commenant la fin des annes 90 avec les dbuts de la diffusion grand public

  • 24

    dInternet, des relaismultimdias personnaliss et des outils de crationnumriques.

    Unflouterminologiquecertainentourelavitesselaquellelesinnovationsnumriques

    voient le jour, ce qui nous conduira dans cette recherche une vigilance smantique

    constante.

    Nousnousfocaliserons,danslecadredecetterecherche,nonsurlesoutilsnumriques

    de cration, mais plutt sur lvolution des outils numriques de diffusion. Il est

    certainquelesmodesdediffusioninfluencentenpartielescrateursetquelesoutilsde

    cration vont conditionner dans une certaine mesure les modes de diffusion. Il va

    toutefoissagiricideseconcentrersurlexprienceduspectateur,surlamaniredontil

    est confront auxuvres, cest dire travers lesmanires dont ces dernires sont

    diffuses. Nous laisserons donc la technologie 3D et les techniques numriques de

    cration dimages endehors du cur de lanalyse, mme si elles questionnent par

    ailleurs des notions importantes de lexprience spectatorielle, comme le rapport au

    croire et laquestionde linteractionavec luvre travers les techniquesdimmersion

    sensorielle. Nousmentionnerons la technologie du relief uniquement pour illustrer le

    fonctionnementdesdiscoursentourantlesinnovationsnumriques.

    Cette notiondoutils numriques de diffusion recoupeprincipalement, la base, deux

    volets:lvolutiondestechnologiesdediffusion,maisgalementcelledesstratgiesde

    diffusion. Ces stratgies, reposant sur lessentiel sur lusage des mdias numriques,

    sontnotammentmarquesparlephnomnedeselfdistributiondontlespossibilitsse

    trouventexacerbesdepuislamiseenplaceetladiffusiondesmdiasnumriquesetla

    complexification des sphres de sociabilit permise par des outils tels quemyspace,

    facebook, twitter ou la blogosphre. Elles permettent aux crateurs de contourner les

    contraintes industrielles traditionnelles et de construire un public en amont. Un cas

    clbrede ce contournementdes contraintes traditionnellesdes industries culturelles

    est celuidu sitewebMymajor company, permettant tout individudeparticiper la

    production dune uvre cinmatographique. Aujourdhui, les publics ont tendance

    cumulerdeplusenplustroisaspects,interagissanttraversunecomplexitcroissante.

    Ils sont la fois consommateurs, prescripteurs et producteurs. Un vritable

    actionnariatdupublicqui sesubstituedeplusenplus la fonctiondeproduction.

    Cela nous renvoie la notion de crowdsourcing: faire de la foule une source en lui

  • 25

    donnant lesmoyensdesimpliqueractivementdansunprocessussociocultureloelle

    taittraditionnellementcantonneunrledespectateur.

    Danslhistoiredestechniquesetdelinnovationstechnologique,Internetet

    le mobile sont exemplaires de ce quon appelle le userturn, qui introduit

    lusagerdansleprocessusdinnovation.(Allard,2009,p.63)

    Lespublicssontaujourdhuiplusquejamaisengagsdansunprocessusderedfinition

    de leur propre statut et de celui des auteurs. Plus que jamais, les spectateurs se sont

    constituentencommunautsdeconsommateursinterconnects.LeXXImesiclesera

    celui de la personne augmente, nous dit Georges Amar (2010, p. 70). Lauteur y

    associe ce concept celui de lempowerment, aussi appel autonomisation, quil

    dfinit comme la prise en charge de lindividu par luimme, de sa destine

    conomique,professionnelle,familialeetsociale(2010,p.47).Nousntudieronspas

    ici les stratgies numriques de diffusion en tant que telles,mais plutt lesmanires

    pour les individus de sen faire les rcepteurs, principalement travers laccs

    linformationpermisparlesrelaisindividuelsmobiles.

    Lvolutiondesdispositifsnumriquesdediffusionrecoupedeuxaspects:lesdispositifs

    numriques de diffusion professionnels et les outils numriques dits grand public,

    principalement les relaispersonnalissde lInternetmobile.Cesdeux sphresne sont

    pashermtiquementdistinctescarellespartagentcertainsoutilset sinfluencent lune

    lautre:linnovationsestructureraprincipalementdanslasphreprofessionnelleplus

    exigeanteentechniqueavantdesediffuserdanslasphregrandpublic,tandisque

    dans cette dernire se structureront les usages et manires dutiliser les outils qui

    conditionnerontlanaturedesinnovationralisesenamont.LInternetmobileresteun

    terrainnouveau,plusrcentdanssondveloppementetsadiffusionquelInternetfixe.

    Cederniera, toutau longdesannes2010, suiviunprocessusdediffusioncontinue :

    ltude Laudience de lInternet en France, ralise par la socit Mdiamtrie en

    Avril 2010, nous indique que 67,1%de la population franaise a accs Internet. En

    2008,cechiffreslevait60%.LedveloppementdesutilisateursdelInternetmobile

    et la diffusionde ses relais semblent suivre au fil des annesune volution analogue.

    DanssonarticlePragmatiquedelInternetmobileTechnologiesdesoietculturedu

  • 26

    transfert (2009), Laurence Allard revient sur quelques statistiques, issues dtudes

    raliseslafindesannes2008,concernantlesusagesdelInternetmobiletraversle

    casdelatlphonieetprincipalementdeceluidesSmartphones,portablesnumriques

    multifonctions. Une tude commande en 2008 par lAssociation Franaise des

    OprateursMobilesnousapprendainsique13%desFranaisde12ansetplusont,en

    2008, une carte ou une cl pour la connexion Internet de leur ordinateur via les

    rseauxdetlphoniemobileetque22%fontunusageInternet(emailouweb)de

    leurmobile (Allard,2009,p.60). Si lon se concentre sur la tranchedgedes1224

    ans, ce taux dusage Internet du mobile monte dailleurs 34%. Deux ans plus tard,

    ltude Mobile Consumer Insight, ralise par Mdiamtrie en Mai 2010, nous

    indique que le taux dans la population franaise demobinautes, utilisateurs Internet

    mobiles,slve29,1%.LetauxplusspcifiquedepossesseursdeSmartphonesslve

    quantlui20%.Nousvoyons,traversceschiffres,quelesusagesmobilesdInternet

    et des outils numriques concernent une partie non seulement importante, mais

    galementcroissantedelapopulation,etplusparticulirementlesplusjeunestranches

    dge. La problmatique des dmarches multimdias et multisupports est galement

    essentielle, lesoutilsdont ilest iciquestiontantvousun fonctionnementbassur

    linteraction avec une multitude dautres supports. Ltude Les chiffrescls du

    mobile3, commande par lAssociation Franaise des Oprateurs Mobiles en 2007,

    saxe spcifiquement sur cette problmatique dumultiquipement, notamment entre

    ordinateuretmobile.Onyapprendainsique49%desFranaisontlafoisunmobile

    et un ordinateur connects Internet. Chez les 1220 ans, ce pourcentage monte

    70% (Allard, 2009, p. 60).Cet aspectmultimdia des usages et reprsentations des

    individusenrgimenumriquemobileatlunedesinterrogationsprincipalesdansla

    miseenplacedecetravailderecherche.

    Laproblmatique

    Laproblmatiquequi soustend ce travail de recherche, ralis enpartenariat avec la

    rgion PACA et le March du Film de Cannes, se fonde sur un constat simple.

    Lexprience cinmatographique constitue traditionnellement ce que nous pourrons

    3MENRATHJ.,JARRIGONA,3meenquteTNSSofresAFOM

  • 27

    appeleruneactivitsdentaire.Lactedevoirunfilm,quecesoitdanslecadredurseau

    classiquedes salles,dun festivaloummedans le cadrede la sphreprive, suppose

    lessentiel du temps un rapport spcifique lautre, le cospectateur, ainsi que

    ltablissementdunenormecollectivedevisionnage.

    (Le moment des premires sorties au cinma) est aussi celui dun

    apprentissage singulier qui prend la forme de ce que lon pourrait appeler

    unesocialisationspectatorielle.Car,pourlenfant,spectateurdecinmapour

    lapremire fois, il va falloir, sil veutprofiterdu spectacle, commencerpar

    apprendre sasseoir dans un fauteuil trop grand pour lui, domestiquer,

    durantprsdedeuxheures,soncorpspournepastropgesticuler,apprendre

    contenir ses ractions lesplusexcessives faceau film, regarder lcranet

    principalement lcran, mme si lenvie dmange de se retourner pour

    regarderlesautresregarder.(Ethis,2009,p.6)

    EmmanuelEthismeticienlumirelescaractristiquesfondatricesdecequAndranne

    Pquetnommeleritueldelasalleobscure(2003,p.42).Aloriginedelexprience

    cinmatographique de trouve ainsi une domestication des corps, une vritable

    sdentarisationconsentiedelindividu.

    Lerituelestunphnomneproprelensembledessocits:ilfaitappel

    quelque chose de fondamentalement humain, soit llaboration de

    reprsentationscollectives.(Pquet,2003,p.45)

    AndrannePquetproposeunedfinitiondurituelapplicablelasortieaucinma:

    Unvnementquisortduquotidienpardesmarquesdesparationetqui,

    paruneactionrpte,condense,mdiatise,enfaisantappellaparoleet

    aumythe,met en acte les valeurs et axiomesdune socit oudun groupe

    donn,lesraffirmetoutenlesquestionnantetenlesredfinissant.(2003,

    p.42)

  • 28

    Le rituel suppose une constance de la part des individus, quelle soit temporelle ou

    procdurale. Cest cette constance qui est, plus que jamais en rgime numrique,

    questionne et mise lpreuve. Les outils numriques permettent lindividu de

    sapproprier lespace et le temps avec une ampleur indite: ils permettent non

    seulement une reconfiguration spatiale de la cartographie spectatorielle, mais

    galementunereconfigurationtemporelledesrituelscinmatographiques.Commenous

    lavonsvuprcdemment, lapriodesouvrantavec ledbutdesannes2000semble

    tre avant marque socialement et culturellement par des dynamiques

    multidimensionnellesdemobilit.

    GeorgesAmarsestpenchsurlesmanifestationsetcaractristiquesdecesdynamiques

    etdeleursvolutions.Cequelauteurnommeleparadigmedelamobilit trouve

    son sens, selon lui,dansune tendanceayantacquisuneampleur indite travers les

    innovations techniques et numriques du dbut du XXIme sicle: considrer la

    mobilit commemoment de vie propice la vie sociale (2010, p. 71). Reprenant la

    notionmodernedeparadigme telleque thorisepar lhistoriendes sciencesThomas

    KuhndanssonouvrageLastructuredesrvolutionsscientifiques(1962),Amarladcrit

    comme une conception thorique dominante dune poque, admise et intriorise

    comme la norme par la communaut scientifique, qui dtermine la manire

    dapprhenderlaralit(2010,p.30).Cestaveclanotiondeparadigmshift,quenous

    pourrons traduire par changement de paradigme, quil sera alors possible de

    caractriserdespriodesdetransformationglobaledunchampdeconnaissanceetde

    comptence (Amar, 2010, p. 31). Lauteur rsume cette dynamique, affectant

    simultanment de multiples sphres sociales, dans un concept simple: habiter la

    mobilit.

    Tir par la crise cologique latente de la mobilit et pouss par la

    dveloppement rapide des technologies de linformation et de la

    communication(TIC),seproduitsousnosyeuxunvritablechangementde

    paradigme:unevolutionprofondeetsimultanedesusages,desoutils,des

    acteurs, et finalementdes valeurs voiredes imaginaires de lamobilit

    urbaine.(Amar,2010,pp.1516)

  • 29

    Amar,afindillustrerleseffetsstructurelsdeceparadigme,vajusquparlerdelafigure

    dunHomoMobilis, vritable rgimecomportemental stantmassivement inscritdans

    lespratiquesetimaginairesaudbutduXXImesicledanslespaysdvelopps.

    Cestlquersidelecurdenotreproblmatique:latensionentrelesdentarisme

    traditionnel de lexprience cinmatographique, dune part, et le nomadisme

    croissantdespratiquesspectatorielles,dautrepart.Cettetensionrevtdemultiples

    dimensions. Il serait ce titre heuristique pour lanalyste de se pencher sur la

    consommationprivedesuvres,moinssujetteauxcontraintescomportementalesque

    lasalledecinma,ainsiquesurlacorrlationexistantentrelesconditionsdelattention

    faceau filmet lusagedes technologiesnumriques, fixesoumobiles.Regardetonun

    film de lammemanire ds lors que, dans le cadre de la sphre prive, laccs la

    sphre collective interactive via les rseaux sociaux virtuels et la source illimite

    dinformations que constitue Internet incite interrompre le visionnage lamoindre

    lassitudeou interrogation ? Cette problmatique de lattention spectatorielle

    individuelleenrgimenumriqueseraitintressantetraitermaiselleneconstituepas

    le propos de cette tude. Celleci a pris le parti dadopter un angle oppos et

    complmentaire, savoir les manires pour les individus non pas dimporter des

    dimensions collectives et publiquesdans le cadrede leur sphreprive,mais bien au

    contrairedimporterdansledomainecollectifpublicdespansdecettesphreprive.Ce

    sontcesmanirespourlesspectateurs,ensituationcollectiveetplusparticulirement

    festivalire,dhybriderlesespacesetlestemporalitsquivonticinousintresser.Nous

    nenouspencheronsdoncpassurlusagedesoutilsnumriquesdediffusiondanslecas

    de la sphre prive, mais au contraire sur leurs usages dans le cadre de sphres

    publiques collectives. De quelles manires les outils numriques influencentils nos

    maniresdevivreetdenous reprsenternos rapports aumonde, icidans le casplus

    spcifiquedelexpriencecinmatographiquecollective?

    Lvolution des usages technologiques et des modes de consommation entraine une

    reconfiguration des lieux de sociabilits et des pratiques des spectateurs. Emmanuel

    Ethisinterrogecettevolutiontraverslexempledesvidoclubs:

  • 30

    Sans doute fautil se demande cependant pour combien de temps encore

    cesderniersconserveront leurdoublequalitde lieuxdesociabilito lon

    changesur cequesont les filmsvoir, etdespaceso lestalsnous font

    visuellementprendreconsciencedetoutcequelonadjvu etdetoutce

    quonpourraitvoir.(2009,p.50)

    Traditionnellement,chaquelieuestsocialementattachuneactivitspcifique.Nedit

    onpasalleraucinmapoursignifiertantlefaitdeserendredanslespacedunesalle

    de projection que celui dy regarder un film? A travers les volutions numriques

    offertesauxdynamiquessocialesdemobilit,cettevisionclassiquesetrouveconfronte

    une mutation certaine. Le mouvement fait les lieux autant que linverse (Amar,

    2010,p.51).GeorgesAmar,endistinguantlamobilitdelanotiondetransport,pousse

    leraisonnementplusloin:aulieudevoirlemouvementcommeentredeuxlieuxfixs

    lavance (origine et destination), il faudrait considrer, linverse, les lieux comme

    entredeuxmouvements(2010,p.54).

    Emmanuel Ethis voque une dynamique importante souleve par lusage grandissant

    des technologies numriques par le grand public: la mobilit croissante et

    multidimensionnelle des spectateurs, laquelle lusage des technologies numrique

    confreuneampleurindite.

    Sedessinedelasorteunecartographiedesdplacementscinphilesreprs

    entre deux ples extrmes: le lointain et lultraproximit. Le premier

    correspond au dveloppement trs important des dplacements des

    amateursdecinmaverslesvillesfestivaliresquileurproposent, letemps

    dune manifestation, un ventail gnralement thmatique de films pour

    lesquels ils ont une apptence particulire. () Une grande partie de ces

    mmes spectateurs ont paralllement dvelopp une relation synchronise

    aveclvolutiondestechnologiesdomestiquesdediffusionducinma,cequi

    leurpermetdentreteniruneultraproximitavecleursfilmsfavorisdeplus

    enpluspersonnalise.Tlphonesportables,ordinateursportables,consoles

    dejeuxtypePlayStationapparaissentaujourdhuicommeautantdefentres

  • 31

    nomadesouvertessurdesfictionsaudiovisuellesquelonpeutconvoquer

    lenvie.(Ethis,2009,p.49)

    Surquellessphrescollectivesspectatoriellessefocaliserpourinterrogeraumieuxles

    dynamiquesicimentionnes?Lesdispositifsdediffusionnumriquenontaprioripas

    dimpactsurlexpriencespectatoriellesancrantdansladiffusionclassiqueensallescar

    lerapportlimageetaudispositifreste,peudechosesprs,lemme:unpublicface

    uncran.Lechangementrestepourlessentielindustrielencequilnestplussujetaux

    contraintes de transport lies aux supports analogiques et revient moins cher. Cest

    pourquoi nous avons ici entrepris danalyser limpact de lvolution des modes de

    diffusion dans un contexte diffrent de rception spectatorielle cinmatographique:

    celuidelaformefestival,sollicitantdestemporalitsdelarceptionetunrapport

    au collectif quelque peu diffrents. De nombreuses tudes ont t ralises sur les

    pratiques de tlchargement, lusage des ordinateurs portables et les technologies de

    home cinema, mettant laccent sur les dimensions volutives de diffusion et de la

    rceptiondeluvreellemme.Or,cantonnerleprocessusdediffusionausimplecadre

    deluvreestrestrictif:ceprocessusimpliquetoutaussibienlesmodalitsdelaccs

    linformationparlespublicsquelesmanirespourlindustriededlguerlepouvoirde

    sduction du film toute une srie de supports et formats drivs. Lexprience

    festivalirenese limiteainsipasauvisionnageproprementdit:elle rsidegalement

    danslesmodesdesociabilitlentourant,uncertainrapportlexclusivitdesuvres,

    une contextualisation particulirement lie la programmation de lvnement, ou

    encore une immersion spectatorielle accrue qui opre une rupture forte avec le

    quotidien.Ladimensionderitualitcinmatographique,tellequedfinieparAndranne

    Pquet,neconcerneraitainsipasseulementlevisionnagecollectifdeluvreluimme,

    maisgalementtoutlecontexteetlenvironnementlentourant.

    Lecinmaretrouve(sa)gloireperduelorsdesfestivalsetdespremires,l

    olaprsencedesvedettes,desralisateursetdesgrandsnomsdelasocit

    luiredonnesaplusvaluedefbrilitetdexcitation.(Pquet,2003,p.47)

    Nous reviendrons en dtails plus tard dans cette tude sur ces caractristiques de la

    forme festivalire et les travaux sur lesquels nous nous appuyons. Nous postulons ici

  • 32

    que si les outils numriques de diffusion nont pas dinfluence notable sur lacte de

    visionnageensalleluimme,ilsontenrevancheuneinfluenceimportante,traversles

    modes de sociabilit et daccs linformation quils permettent, sur lactivit

    spectatoriellesedveloppantenamontetenavaldecevisionnage.Leterrainfestivalier

    savre tre un espace idal o tudier lesmanires dont cette activit spectatorielle

    horsvisionnage se dploie et se structure: cest pourquoi les entits festivalires

    constituent le terreau primordial de notre recherche. Si lexprience du festival

    correspond un tat dantistructure (Pquet, 2003, p. 48) par la rupture quelle

    opre avec le quotidien, comment peuton apprhender lvolution de lexprience

    spectatorielle induite par lusage des technologies domniscience que sont les outils

    numriques,telslesrelaisInternetmobiles,quiattnuentcephnomnederuptureen

    maintenant un lien constant avec lextrieur ? Cest dans cette dmarche hybride que

    rsidelefondementdenotrequestionnement.

    Enquoinosdeuxterrainsdenqute,leMarchduFilmdeCannesetleFestivaldufilm

    japonais contemporain de Kinotayo, reprsententils deux facettes dune mme

    problmatique? Chronologiquement, nous pouvons dterminer un certain ordre

    danslamaniredontilssesontstructurs.SileMarchduFilmtaitdsledpartnotre

    terraindtudeprincipal,lunedesentitssouchesdeceprojetderecherche,lancessit

    dun terrain supplmentaire sest rapidement faite sentir. Notre objet dtude tant

    multidimensionnel, le March du Film sest avr couvrir une partie de notre

    problmatiquequi,sielletaitessentielle,nendemeuraitpasmoinspartielle.Lefestival

    du film japonais contemporain de Kinotayo sest alors impos comme un terrain

    pertinentpourcomplternotredmarcheanalytique.

    Le March du Film, entit trs permable aux innovations technologiques, nous a

    permis danalyser lvolution des manires dont ses usagers font lexprience dune

    forme festivalire traditionnelle cest dire structureautourdunespacetemps

    spcifique, homogne et unitaire travers lusage de dispositifs numriques de

    diffusion,quilssoientpersonnelsoumisdispositionparlvnement.Danscevoletde

    lenqute, que nous qualifierons de microfestivalier, nous analysons leffet que

    produisent les modes numriques de diffusion sur lexprience festivalire travers

    leurs usages par les spectateurs, notamment dans le cas de ce quEmmanuel Ethis

  • 33

    appellelescransnomades(2009,p.50).Unequestionressortiraprincipalementde

    ce volet: celle de lexclusivit et de la valorisation. Questce qui, pardel les

    perspectives offertes dindividualisation et de dispersion de lespace des changes,

    constituelavaleurajoutesymboliquequipermetauMarchduFilmdedemeurerune

    entithomogne?

    LeFestivaldeKinotayonousapermisdanalyser,aucontraire,leffetdestechnologies

    numriquesdediffusionsurlentitfestivalireellemme.Kinotayopeuttreconsidr

    commeuneformefestivalirenontraditionnelledanslamesureoilsagitduneforme

    disperse.GrceundispositifdediffusionnumriquenommSmartjog,lefestivala

    pu entreprendre de dstructurer son espace avec une ampleur que les technologies

    analogiquesdediffusionneluipermettaientpas.LespacetempsdeKinotayonestainsi

    pasunitaire,maisstructurautourdunemultitudedeplesgographiquessouventtrs

    loigns les uns des autres. Cette situation pose une question simple: celle de

    limaginaire dappartenance festivalire. Comment deux spectateurs visionnant un

    mmefilmaummemomentmaissparspardescentainesdekilomtrespourrontils

    dvelopper un sentiment de synchronisation de lexprience et dappartenance une

    mmeentit?Le festivaldeKinotayoestainsiunvhicule idalpoursedemanderen

    quoilesdispositifsnumriquesdediffusionpermettentlaquestiondelappartenance

    festivalire de se dployer de manires renouveles et ce, dans ses multiples

    dimensions: symbolique, matrielle, incarne, htrogne, revendique, etc. Dans ce

    violetdelenqutequenousqualifieronsdemacrofestivalier,nousanalysonsleffet

    queproduisentlesmodesnumriquesdediffusionsurlexpriencefestivaliretravers

    leursusagesparlentitfestivalireellemme.

    Atraverscesdeuxvoletsdelenqute,nousavonsainsitentdapprhenderunemme

    problmatiquepardeuxanglesdiffrentsconstituantsesdeuxplescomplmentaires:

    lespectateuretlentitfestivalire.Ladmarcheaconsistapprhenderlesvolutions

    de lexprience festivalire dune part par le truchement des usages numriques

    dveloppspar les spectateurs, puis dautre part par celui des usages dveloppspar

    lentitfestivalireellemmeetleurseffetssurlasymboliquespectatorielle.

  • 34

    Anticiperlapratiquedautrui,lamaniredontlarceptiondunepropositiondeservice

    va seffectuer, est une dynamique incontournable dans les sphres technologiques. La

    question de lanticipation des comportements spectatoriels en rgime numrique est

    doncprimordialepourlindustriecinmatographique,maisgalementetsurtoutdune

    grande complexit. La cration et le dveloppement du rapport des publics luvre

    filmiquesonthistoriquementunecocrationentrelindustriecinmatographiqueetles

    spectateurs:nousavonsdunctledveloppementdedispositifsetdimaginaireslis

    aux uvres, de lautre les pratiques se structurant autour de ces dispositifs et les

    maniresdesappropriercesimaginaires.Cesdeuxdynamiquessenourrissentlunede

    lautre. Lamanire pour les spectateurs de simpliquer dans ce processusmutuel est

    aujourdhui, commenous lavonsvu, en complexification.Linterrogationdcoulantde

    notre problmatique gnrale sera donc double. Que font les outils numriques de

    diffusionauxdispositifsfestivaliersetleursusagers?Quelleinfluencecettevolution

    atelle alors sur la manire dont les spectateurs font lexprience de lespacetemps

    festivalier? Andranne Pquet associe la forme festival une sorte de re

    ritualisation de la pratique festivalire. Ce constat correspond une vision de

    lexprience festivalire que nous considrerons comme classique, concentre en un

    espacetemps clos et spcifique. Comme nous le verrons, lusage des technologies

    numriquesdediffusion,autantparlinstitutionfestivalirequeparlesfestivaliers,met

    lpreuve cette conception de lentit festivalire en ce quil permet la fois sa

    dispersion et sa rappropriation individualise. Nous devrons nous interroger sur les

    maniresdontcettereritualisationsedploieenrgimenumrique.Nousverronsainsi,

    traversleMarchduFilmpuisleFestivaldeKinotayo,enquoilesoutilsnumriques,

    sils facilitent une dconstruction de lespacetemps festivalier traditionnel,

    saccompagnent dune restructuration de ltre ensemble sous des formes

    renouveles.

    Hypothses

    Nos principales hypothses de dpart, au nombre de six, reposent sur le constat

    dhybridation socioculturelle mentionn prcdemment, li lmergence des

    technologiesnumriquesdediffusionausenslargeetcelle,plusspcifique,desoutils

  • 35

    numriques dits grandpublic, principalement les relais personnaliss de lInternet

    mobile.Cettehybridation revtdemultiplesvisagesquenousallonsnousemployer

    interrogertraversleprismedelexpriencefestivalire.

    Unepremirehypothseestlinterpntrationinditedessphrespubliqueetprive

    en situation collective. Sils permettent laccs au collectif dans la sphre prive via

    Internetcetaspectayanttjusquicileplustudi,lesoutilsnumriquespermettent

    galementde consteller la sphre collectivede zonesprivesphmresvia les relais

    numriquesmobiles.Cestcetteidedunecomplexificationdelespacepublicquinous

    intresseraicietquenousmettronslpreuveduterrain.

    Unedeuximehypothsedetravailestcelledeladiffrencecroissanteexistantentre

    deuxnotions:voirunfilmetexprimenterunfilm.Commenouslavonsvudans

    lhypothseprcdente,lesoutilsnumriquesredessinentlesfrontiresdelexprience

    collective. En terrain festivalier, le dveloppement des outils numriques permet

    daugmenter le nombre de dispositifs de visionnage individualiss. Le fait de vivre

    lexprience festivalire ensemble ne tient pas au seul visionnage de luvre, mais

    galementlamaniredontcevisionnageestcollectivementdiscutetrelay.Cestce

    relai dpassant le simple cadre de luvre que les outils numriques confrent une

    ampleurindite,traversdeuxdynamiques:laccslinformationetladiffusiondela

    paroleindividuelle.Ilnestparfoisnulbesoindavoirvuunfilmcollectivementpouren

    partager lexprience. La multiplication des dispositifs festivaliers individualiss

    nentraine pas un dlitement du collectif: lexprience du film se dployant hors du

    visionnage proprement dit acquiert, travers lusage des outils numriques, une

    ampleur et une complexit indites. Si le voir ensemble tel que thoris par

    Emmanuel Ethis reste un mode essentiel de rapport collectif au cinma, nous en

    proposerons iciunevisiontendue, lorsque lesimple faitdevoirensemblesefface

    derrirelefait,revtantuneportepluslarge,dexprimenterensemble.

    Une troisime hypothse, dcoulant des deux premires, est celle la fois de la

    dconstructionetde la reconfigurationdes rituels sociaux festivaliers. Si les individus

    sapproprient de manire facilite la temporalit de leur accs aux uvres,

    linformation et la diffusion de leur parole, cest la temporalit traditionnelle et

  • 36

    lorganisationdu festivalqui se trouveenconsquencemodifie.Toutefois, si le rituel

    collectif du festival se trouve dconstruit, que ce soit dans sa temporalit ou dans sa

    gographie,cenestpasdansunedynamiquedeffacementpuretsimple.Lasubstance

    duneentitfestivaliredcouledunevolontdexpriencecollective:sicettedernire,

    traverslvolutiondespratiques,setrouvedstructure,nouspostulonsiciquellese

    restructure naturellement autour de ces repres volutifs. Le March du Film et le

    FestivaldeKinotayonouspermettrontdequestionnerchacundesdeuxaspectsdecette

    hypothse.

    Notre quatrime hypothse, se situant dans la continuit du concept de

    reconfiguration du rituel vu prcdemment, est celle dune part irrductible

    dincarnationdelexpriencecollective.Cettepartestindpendantedelanatureetdes

    dveloppements des innovations technologiques traversant les diffrentes sphres

    socioculturelles. La dispersion gographique de lentit festivalire permise par les

    outils numriques, si elle peut oprer un dplacement du sentiment dappartenance

    vcu par les spectateurs, ne peut se passer dune reterritorialisation permettant aux

    publics de reconstruire la symbolique dune unit, dune communaut spectatorielle.

    Cette hypothse consiste penser les modes de diffusion numrique comme des

    extensions de lexprience spectatorielle collective et non comme des substituts. Les

    imaginaires cinmatographiques que nous pourrons qualifier de classiques et les

    imaginaires lis aux pratiques permises par la diffusion numrique interagissent de

    manires non conformes une stricte visionpositiviste.Nousquestionnerons ainsi la

    notiondefestivalonline,deplusenplusdveloppeaujourdhuiparcertainsacteursde

    lindustriecinmatographique.Danslecadredecettehypothse,nousstipuleronsquun

    festival exclusivementonline, conceptualis comme hors de toute extension collective

    matrielle, est une notion contradictoire. Nous questionnerons cette hypothse de la

    partirrductibledincarnationtraversltudedespublicsdisperssduFestivalde

    Kinotayo et travers la notion dexclusivit et de valorisation dveloppe par les

    usagersduMarchduFilmdeCannes.

    Une cinquime hypothse, sappuyant sur les lments prcdents, est celle de

    lvolutiondelaterminologiefestivalire,quidsignedsormaisuneralitdeplusen

    pluslargieetcomplexe.Lensembledecetterecherchenouspermettradequestionner

  • 37

    ce que les outils numriques font la forme festivalire. A lissue de lanalyse de ces

    multiples dconstructions et reconfigurations, nous entreprendrons de proposer des

    lments de rflexion sur la (les) ralit(s) spectatorielle(s) que recoupe la notion de

    festivalaujourdhui.

    Unesiximehypothseconsisteconsidrerlanotiondinteractionentrelespectateur

    et luvrenonpasoprativedanslecadredelexpriencedeluvreellemme,mais

    dans toute lactivit spectatorielle ralise en amont et en aval de cette exprience.

    Limaginaire de linteraction cinmatographique, aussi vieux que le cinma luimme

    mais sedployantdemanire renouvele travers lesdiscoursentourant lusagedes

    outilsnumriques,fonctionnesurlasymboliquedunerupturelittraledesfrontiresdu

    film, entrainant une immersion totale et transformant le spectateur en acteur. En

    prenant commepoint de dpart les travaux du philosophe Slavoj Zizek concernant le

    concept du sujet interpassif, nous postulerons, dune part, lide que ce type

    dinteractionestexclusivementconceptuelleet,dautrepart,quelacapacitinteractive

    effective des spectateurs rside dans deux temporalitsdiffrentes : limpact quils

    peuventavoirenamontsurlachainedeproductiondunfilmetlerelaideluvrequils

    oprentenavalduvisionnage,quecesoittraversladiffusiondelaparoleindividuelle

    ou travers une dmarche de rappropriation crative. Dans le cas de ces deux

    temporalits,lesoutilsnumriquespermettentcestypesdedmarchesspectatorielles

    activesdesedployeravecuneampleurinditeetdexerceruneinfluencenotablesurle

    cycledeviedunfilm,commenousleverronsplustarddanscettetude.

    Ceshypothsesontstructurlamiseenplacedenotrerflexionpuisledroulementde

    lenqute,commenousleverronsenfindecetteintroductionlorsdelannonceduplan

    denotrerecherche.

    Mthodologie&protocolesdenqute

    Il reste, aujourdhui encore,dlicatdapprhenderunobjetdtude commeceluide la

    forme numrique. Cette dernire, rsolument jeune sous la lumire de sa diffusion

    auprsdugrandpublic,napasencoreatteintundegrdecristallisationdanslesusages

  • 38

    quipermettraitunrelreculanalytiqueainsiquelamiseenplacedindicateursfiables.

    En ltat, il sagit dune forme sociologiquement difficile construire o lanalyse se

    trouve souvent prise dans les remous de son objet. Les volutions technologiques

    mettentdutempssecristalliseravecstabilitdans lespratiquessocioculturellesdes

    individus, lanalyste se trouvant ainsi souvent confront une zone dinertie o

    seffectueunetransitionentrelatemporalitdesinnovationsetcelledespratiquesdes

    individus.Cestpourquoiladmarcheetlesoutilsdanalyseiciutilissserontlargement

    exprimentaux, reposant sur une littrature spcialise relativement tnue et tentant

    dapprhenderuneralitcomplexeenmouvement.Pardelceconstatdespcificitde

    laformenumrique,noustenteronsgalementdemettrejourleslmentsstructurels

    de continuit quelle tmoigne. La ralit de notre objet ne se situe pas dans une

    supposenouveaut:bienaucontraire,aummetitrequelespratiquesdunumrique

    sontcommenouslavonsvuavanttoutmultimdiaettransversales,cetteralitsesitue

    dans la complexe interactionde linnovation et du dj existant, se restructurant

    sans cesse de manire spcifique chez chaque individu. Les pratiques et imaginaire

    entourant les volutions des outils numriques reposent donc non seulement sur les

    interactions entre de multiples sphres culturelles, sociales, mdiatiques et

    technologiques,mais galement sur les interactions entre diverses temporalits, dont

    chaque individu se fait lcho dune manire lui tant spcifique. A la base de notre

    mthodologie se trouvedonc cettenotionde complexit interactionnellehritede la

    dmarchesystmique.Celanousaconduitapprhenderlesoutilsnumriquesdansun

    sens large et toujours les analyser dans le cadre de leurs interactions pratiques et

    symboliques avec dautres domaines. Comme nous le verrons, la complexit de ces

    interactionsentrelesoutilsdediffusionnumrique,lessphresmdiatiqueetculturelle

    ainsiquelesmodesdesociabilitspectatorielssetrouveenpleincurdenotretudeet

    aconduitcettederniresinspirernotammentdesthoriesdelacteurrseau,dans

    la ligne dauteurs tels Bruno Latour ou encore Madeleine Akrich. Le but tait ainsi

    darrive une comprhension des rapports aux outils numriques en traitant de

    lhtrognit des interactions entre les individus, les dispositifs techniques et les

    discoursainsimisetrelays.

    Aucurdenotretudesetrouvaitgalementunquestionnementimportantconcernant

    laformefestivaletlesvolutionsdelaralitquecetteterminologierecoupe.Notre

  • 39

    mthodologie nous a conduit considrer la forme festivalire sous une conception

    tendue,permettantdaffilier leMarchduFilmcettecatgorie.Cedernierenplus

    dentretenir un lien fort avec le Festival de Cannes, la fois pratique, symbolique et

    temporelpartageeneffetdanssonfonctionnementdescaractristiquestransversales

    avecunemanifestationfestivalireplustraditionnelle,caractristiquesdontnousavons

    nonc les traits principaux un peu plus haut. Il est noter que si unemajorit des

    usagersduMarchduFilmsontdesprofessionnelsvenantraliserdestransactions,de

    nombreuxusagersviennentquanteuxdansuneoptiquepurementfestivalire.Mis

    part les journalistes prenant part lvnement, il est ainsi frquent que des

    professionnels de lindustrie cinmatographique se fassent accrditer nonpas dans le

    cadrede leurs activits,mais simplementpour visionnerunmaximumde films. Cette

    diversitdanslestypesspectatorielsestalledanslesensdenotrenotiontenduede

    formefestivalire,contribuantlanalyseduMarchduFilmdanscetteoptique.

    Schmatiquement,lesmodesdenqutesesontrpartisendeuxvolets,lunquantitatif,

    lautrequalitatif.Commenousallonslevoirunpeuplusloin,ilnousatimpossiblede

    dvelopperunquestionnementexclusivementquantitatifparquestionnairessurlunou

    lautre de nos terrains denqute. Dans le cadre du March du Film de Cannes, les

    individusntaientlessentieldutempspasprtsconsacrerdutempsetdelattention

    undocumentcritconsidrcommeextraprofessionnel.Danslecadredesspectateurs

    decinmaplusclassiquescestdirenonissusdelindustriecinmatographique

    rencontrs au cours du Festival de Cannes ou du Festival deKinotayo, la temporalit

    rduitedesvnementsnousarapidementempchdeconsidrerlamiseenplacedun

    protocole quantitatif savrant suffisamment reprsentatif pour lintgrer notre

    recherchedemanirepertinente.Eneffet,lesindividussavraientdansleurensemble

    rtifs lexercice du questionnaire et, dans le cas de Cannes, le temps consacr

    lenqute au seinduMarchduFilmnenouspermettait pas, logistiquement, de nous

    consacrertempspleinunedmarchequantitative.Ilconvientgalementdenoter

    quechaquedition,departsesspcificits,lvolutiondespratiquessocioculturelleset

    technologiques des individus et le changement des chantillons interrogs, aurait

    ncessitunprotocolespcifiquequilsestviteavr,auvudesimpratifslisnotre

    terrainderechercheprincipal,demettreenplace.

  • 40

    Nousavonsdoncexclusivementeu,surleterrainduFestivaldeKinotayoainsiquesurla

    partieduterraincannoisextrieureauMarchduFilm,uneapprochequalitativebase

    surunemultitudedentretienssemilongs,apprhendantainsinotreproblmatiquepar

    le biais des reprsentations et imaginaires des individus interrogs, les questionnant

    principalement sur les thmatiques de la dispersion gographique festivalire et du

    dploiement symbolique de la notion dappartenance travers les outils de diffusion

    numriques.Nousavonsgalement,malgrlesdifficultsvoquesplushaut,dvelopp

    dans lecadreduMarchduFilmdeCannesunaspectquantitatifnotreenqute,que

    nous avonsqualifi de semiquantitatif. Cette terminologie illustre, commenous le

    verrons plus tard dans la partie consacre ce terrain ainsi que dans les comptes

    rendus denqute que le lecteur peut trouver en ANNEXE 3, laspect hybride du

    protocolequenousavonsdciddemettreenplaceafindenousadapterauxspcificits

    et contraintes de ce terrain, et ainsi de lexploiter de la manire la plus pertinente

    possible. Cette dmarche denqute, spcifiquement ralise sur les ditions 2010 et

    2011de lvnement, a t ralise en collaborationavec ladirectionde lvnement,

    collaboration donnant la plupart du temps une force symbolique de lgitimation

    lenqute et permettant un temps dattention plus tendu de la part des interrogs

    mme si dans certains cas, ce lien avec la direction du March les conduisait

    invitablementuneformedemfianceenverslenquteur.

    Lesdifficultsrencontres

    Les difficults rencontres dans le cadre de cette recherche ont t multiples et

    relevaient leplus souventdedeuxcatgories: lesdifficults inhrentesnos terrains

    dtude et celles, plus ponctuelles, relevant de la logistique. Si certaines sont restes

    indubitablement contraignantes, dautres se sont avres dpassables et ont eu une

    influence certaine sur le dveloppement spcifique des protocoles denqute.

    Contournercesderniresdifficults,apermisdadapternotredmarcheuneralit

    la base difficile apprhender. Si une faiblesse savre inamovible, tentons de la

    transformerenforce!

  • 41

    Parmilesobstacleslogistiquesayantconstituunelimitenotreenqute,nouspouvons

    principalement mentionner la question des moyens techniques et de lampleur ainsi

    revtuepar la recherche.Commenous lavonsvuplushaut, il sest trsviteavr, les

    ncessitsdu volet quantitatif de ltude tant incompatibles avec les caractristiques

    duMarchduFilm,quecevoletsedploieraitdanslecadredufestivaldeKinotayo.Or,

    lamultiplicitdeslieuxdufestivaletsadurelimiteontposproblmeconcernantla

    reprsentativitde lenqute.Nousavonsdoncd concentrer leffortdanalyse surun

    nombrerduitdelieux:pourchaquedition,unesalleParisetunesalleenprovince

    ontt choisiesafindillustreraumieux leprocessusde synchronisation techniqueet

    symbolique entre deux espaces gographiquement loigns. Un seul enquteur tant

    impliqudans la distribution et la rceptiondes questionnaires, lampleur numrique

    exploitable de la rcolte ne relevait pas de lvidence. Lenquteur doit toujours faire

    faceunemultiplicitdefacteursinconnus,telsqueladisponibilitetlaconfiancedes

    interrogs, sur lesquels il na aucun contrle. Toutefois, comme nous le verrons plus

    tard,lematriauaccumulsurlesdeuxditionsdufestivalsestrvlsatisfaisant.

    Leprincipalobstaclelogistiquetaitdonclalimitationdesmoyensdelenquteur,seul

    facedesterrainsvastesetcomplexes.Cettedifficultpragmatiquefutaccompagnede

    plusieursautresdifficultsplusstructurelles,inhrenteslanaturedesterrainsdtude.

    Laduredesmanifestationsen fut laprincipale:pardfinitionponctuelles etnayant

    lieuquunefoisparan,leurcttemporellementtrstassnaparfoispaspermis

    lanalyse de se dployer comme premirement prvu, au mme titre quun terrain

    permanentlauraitpermisdanslalongueur.Lesprotocolesontainsidtreadapts

    cette temporalit, privilgiant des modes denqute plus intensifs et, dfaut

    dexhaustivitgnrale,privilgiantdesespacesetchantillonsdindividusspcifiques

    stratgiquement choisis, permettant ainsi une reprsentativit sur des

    problmatisationsplusprcises.

    Uneautredifficultstructurelleconcernaitplusparticulirementnotre terraindtude

    principal, le March du Film de Cannes. Plus grand march cinmatographique

    international aumonde, il sagit dun lieu en constante bullition o les changes

    entre individus sont extrmement cibls et rapides, dpendant le plus souvent dun

    planningetdundiscoursinstitutionnelfixsenamontparlesorganismesauxquels ils

  • 42

    sontrattachs.Ledfiadonctdouble:ilsagissaitdemobiliserlesinterrogspourun

    temps quils avaient souvent dumal accorder,mais galement de contextualiser les

    discoursmisparcesderniersafindendterminer lanature. Ilsagissaitdefairetrs

    prcisment la part entre ce qui relevait du discours personnel et ce qui relevait du

    discours institutionnel rattach la structure reprsente. Nous reviendrons plus en

    dtailssurcettequestiondanslapartieconsacrelenqutecannoise.

    Plandtude

    Si cesdifficultsont entrainunencessaire adaptationdesprotocolesdenqute la

    ralitdesterrains,ellesnontenrevanchetdaucuneconsquencesurlaformulation

    des questionnements de dpart et leur dploiement mthodologique. Le plan autour

    duquel sarticule cette recherche sest efforc dillustrer le plus clairement possible le

    cheminementduquestionnementdedpartetsesdclinaisonstraversleshypothses

    noncesprcdemment, cesdernires se faisant chacune lchodune seuleetmme

    problmatiquedensemble.Lanalyseseferaainsiendeuxtempsprincipaux.

    Unepremirepartie se consacrera un travail decontextualisation de ltude, effort

    ncessairellaborationdebasesthoriquesessentiellespourseplongerensuitedans

    lecurdelenqute.Cettepartiesedcoupeendeuxchapitres,lunarticulautourde

    rflexionsthoriquesautourdesusagesetreprsentationsconcernantlestechnologies

    numriques,lautreconsacrlapprochemthodologiquedenosterrains.

    Dansunpremierchapitre,nousnousquestionneronstoutdabordsurlanotiondre

    numrique. Que signifie et implique lutilisation de cette terminologie ? Les

    innovations technologiques sont gnralement vectrices dun imaginaire quil est

    intressantdemettreaucontactdelaralitdespratiques.Nouscommenceronsdonc

    par interroger les chiffres ressortis de rcentes enqutes concernant les pratiques

    culturelleslrenumrique,termegnralementemploypourqualifierlapriodedu

    dbutdeXXImeoladiffusionetlesusagesdesoutilsnumriquessefontexponentiels.

    Nousyverronsalorspourquoinousprfrerons lusagedece termeceluidergime

    numrique. Nous nous pencherons ensuite sur certaines volutions socioculturelles

  • 43

    entrainesparladiffusiondestechnologiesnumriques:leparadigmedelamobilit

    telquelenommeGeorgesAmaret lhybridationcroissantedestraditionnellessphres

    prive et publique. Nous questionnerons alors lun des traits principaux des

    reprsentations collectives concernant non seulement les dispositifs et usages

    numriques,mais galement toute dynamiquedinnovation technologiquedemanire

    gnrale:lacatgoriedelanouveaut.Nousverrons,notammenttraverslecasdece

    que certains analystes nomment le nouveau spectateur, en quoi les discours et

    reprsentationsprivilgientalorslidedunerupture,faisantabstractiondeslments

    decontinuitconstituantlacomplexeralitdespratiques.Nousnouspencheronsenfin

    sur les pratiques spectatorielles en contexte numrique, mettant laccent sur leur

    htrognit, notamment travers le cas des relais numriques mobiles et des

    reconfigurationsindividualisesdelatemporalitdespratiques.

    Undeuximechapitrenouspermettradecontextualisernotreenqutedemanireplus

    spcifiqueennouspenchantsurlamthodologiechoisieetlaconstructiondenosobjets

    dtude: leMarchduFilmdeCanneset leFestivaldu film japonaiscontemporainde

    Kinotayo.Nouscommenceronsparrevenirsur lechoixdenosterrainsdenqute, leur

    complmentaritet lesoutils analytiquesprivilgis.Nousnous interrogeronsensuite

    sur la notion deforme festival et de son volution en contexte numrique. Nous

    verrons en quoi ses limites traditionnelles sont interroges, notamment travers le

    conceptdefestivalonline,etenquoisescaractristiquestransversalesnouspermettent

    de dresser des ponts analytiques entre nos deux terrains de recherche. Nous nous

    pencheronsenfindemanireplusspcifiquesurcesdeuxderniers,enanalysant leurs

    dispositifs,spcificits,typesdepublicsetrapportsauxoutilsnumriques.

    Lasecondepartiedecetravailderechercheseraconsacrelenquteenellemmeet

    ses rsultats, rpartis sur les trois annesde recherche: 2009, 2010 et 2011. Comme

    pourlapremirepartie,cellecisarticuleraendeuxchapitres.Lepremierseconsacrera

    ltuderalisedans le cadreduMarchduFilmdeCannes, tandisque ledeuxime

    sattarderasurcelleralisesurdeuxditionsduFestivaldeKinotayo.

    LepremierchapitresappuiesurlenquteraliselorsdetroisditionsduMarchdu

    FilmdeCannes:2009,2010et2011.Aprsuneprsentationetunhistoriquedesdivers

  • 44

    protocolesdenqutemisenplaceau fildecetterecherche,nousnous livreronsune

    analysede lagographieduMarchduFilm,mettanten lumire lorganisationdeson

    espaceet lastructurationdesesdispositifsdediffusion,censstransmettrelepouvoir

    de sduction dune uvre en le dlguant toute une srie de supports. Aprs un

    passageenrevuedesinteractionsentrecesdiversdispositifs,nousnouspencheronssur

    ltudedesusagersduMarch,nousdemandantdequellesmanires les interrogeren

    tant que spectateurs. Ces derniers, pour la plupart professionnels de lindustrie

    cinmatographique acheteurs ou vendeurs, ne sont en effet pas simples

    spectateurs: ils cumulent de multiples statuts et facettes identitaires. Par leurs

    interactions et les choixdediffusionquils oprent, ils ont ainsi galementun rlede

    prescripteursetdemdiateursentrelasphredeproductionetcelledespublics.Nous

    verrons alors en quoi linteraction entre ces diffrents statuts est cratrice dune

    rflexivitaccentuechezlesindividusdenotrechantillon.Noustudieronsensuitela

    maniredontlesusagersinvestissentlespaceduMarchduFilm,notammenttravers

    le rapport lamobilit quinduisent les relais numriques individualiss. Cest ici un

    rapport complexifi aux sphres du priv et du collectif qui se dessine, les usagers

    pouvant individualiser leurs pratiques de manire indite et ntant ainsi plus

    dpendants dune ritualisation prtablie de lvnement festivalier. Cette dynamique

    duspectateurmobileentrainealorsunerappropriationdelatemporalitdufestivalqui

    nouspousserarepensergalementlanotiondelinteractionrelleentrelespectateur

    et luvre. Nous finirons ce chapitre sur un bilan de lenqute cannoise et les

    perspectivesquellepose.

    Le secondchapitre,quant lui, sera consacr ltude ralisedans le cadrededeux

    ditionsduFestivaldu film japonais contemporaindeKinotayo: 2009et2010.Aprs

    avoir analys, travers le cas March du Film, le cas de spectateurs en rgime

    numrique individualis, nousverrons, avec le casduFestivaldeKinotayo, leffetque

    produisent les dispositifs numriques de diffusion sur lentit festivalire elle mme,

    ainsiquelamaniredontlesspectateursreconfigurentleurexprienceenconsquence.

    Aprs une prsentation des deux protocoles denqute et un retour sur le rapport

    lespaceentrainparledispositifnumriquedufestival,nousanalyseronsleseffetsque

    produitladispersiongographiquepermiseparlesdispositifsnumriquessurlaforme

    festivalire.Lenumriqueestilunsubstitutlexpriencematrielletraditionnelle

  • 45

    ou une extension? Dans la ligne de lhypothse stipulant que les contenus

    dmatrialiss ne peuvent se substituer totalement une exprience collective, nous

    interrogerons alors lide de lexistence dune part irrductible dincarnation de

    lexprience spectatorielle et de ses reconfigurations en contexte numrique. Si nous

    avonsvu,danslechapitreconsacrauMarchduFilm,lesmodesdedsynchronisation

    des rituels festivaliers dcoulant des outils numriques, nous verrons ici en quoi une

    ritualisation de lexprience cinmatographique se restructure en consquence

    diffremment.Nousinterrogeronsainsilvolutiondesimaginairescinmatographiques

    et festivaliers en contexte numrique. Face des modes de dispersion et

    dindividualisation renouvels, comment se restructurent la notion de lien et la

    symboliquede ltreensemble?Noustermineronscechapitreparunbilanetunemise

    enperspectivedelenquteraliseauFestivaldeKinotayo.

  • 46

  • 47

    PARTIE1

    CONTEXTUALISATIONDELETUDE

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  • 49

    CHAPITRE1:LESPRATIQUES

    CINMATOGRAPHIQUESLRENUMRIQUE:

    QUELLE(S)RALIT(S)?

    1.Unerenumrique?

    Commenouslavonsvuprcdemment, ilestdifficiledaborderavecjustesselaralit

    des pratiques culturelles et ce, particulirement depuis lentre dInternet et plus

    largement des technologies numriques dmatrialises dans les usages dits grand

    public des individus. Il est dlicat de saisir lhtrognit de ces pratiques, rendue

    plusfloueencoreparlebrouillagedestraditionnellessphresdesindustriesculturelles

    opr par les outils numriques. La croissance exponentielle du tlchargement des

    uvrescinmatographiquesetmusicales,viaInternetetlesrseauxditspeertopeer,en

    a t lexemple le plus mdiatiquement dbattu lors des annes 2000. Lvolution,

    permiseparlesoutilsnumriques,desmodesdappropriationindividuelledesuvres

    etproduitsculturelsaalorssouventtprsentedanslesdiscourscommeopposeau

    fonctionnement des industries culturelles dites traditionnelles. Toutefois, la

    complexitdecettehtrognitdespratiques,aussibien lie lamultiplicationdes

    modesdaccsetdeconsommationquauxspcificits individuellesdans lesmanires

    degrercettemultiplicit,vabienaudeldecettesimpleide.

    Une enqute porte nationale dirige par Olivier Donnat, intitule Les pratiques

    culturellesdesfranaislrenumrique,avusesrsultatsrenduspublicsen2008.Elle

    sesituedans lacontinuitdeplusieursenqutespubliquesnationalesralisesdepuis

    lesannes1970linitiativeduMinistredelaCultureetdelaCommunication:jusqu

    laprsenteenqutede2008,quatreautresontt ralises, respectivementen1973,

    1981, 1988 et 1997. Que nous apprend cette nouvelle enqute sur la nature et la

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    complexitdelvolutiondespratiquesculturellesenFrance? Quelrleajoulusage

    croi